La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Adresse en réponse au discours du Trône

Désignation d’une journée d’étude

La tradition veut que, au début d’une session, lorsque la Chambre revient du Sénat après le discours du Trône, une journée soit désignée pour discuter du discours. Le premier ministre présente une motion pour la tenue d’un tel débat plus tard dans la journée ou à la séance suivante de la Chambre [1] . Aucun préavis n’est requis et, bien qu’elle soit en général proposée et adoptée sans débat, la motion peut faire l’objet d’un débat et d’amendements [2] .

Lancement du débat

Le jour précisé dans la motion concernant l’étude du discours du Trône, un député d’arrière-ban du parti ministériel propose qu’une adresse soit envoyée au gouverneur général (ou, selon la personne qui aura prononcé le discours, au souverain ou à l’administrateur du gouvernement du Canada) pour « prier respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’ Elle a adressé… ». En plus de permettre un débat de portée générale sur les politiques annoncées par le gouvernement dans le discours du Trône, cela donne aux députés l’occasion, rarissime, d’aborder tout sujet qui leur tient à cœur.

De 1867 à 1893, la motion sur l’Adresse en réponse au discours du Trône comportait habituellement plusieurs paragraphes, lesquels étaient examinés séparément. Pris globalement, ces paragraphes formaient une résolution qui était adoptée et renvoyée à un comité spécial. Celui-ci faisait ensuite rapport de l’Adresse à la Chambre qui, après adoption, se chargeait de la faire grossoyer (c’est-à-dire de la faire transcrire sur parchemin) et de la présenter au gouverneur général. Cette lourde procédure a été modifiée en 1893, lorsque la Chambre a adopté comme pratique d’étudier elle-même l’Adresse, qui prend la forme d’une présentation au gouverneur général [3] . Ce n’est qu’en 1903 que la motion sur l’Adresse en réponse a été ramenée à un court paragraphe de remerciements pour le discours du Trône [4] .

Après le discours du motionnaire, un deuxième député d’arrière-ban du parti ministériel (habituellement parlant la langue officielle qui n’est pas celle du motionnaire) obtient la parole pour traiter de la motion et l’appuyer. D’habitude, le motionnaire et l’appuyeur sont choisis parmi les députés élus le plus récemment [5] . Leurs interventions n’ont pas été suivies, dans le passé, par la période usuelle de questions et observations de 10 minutes et, lorsque l’appuyeur a terminé, le chef de l’Opposition ajourne normalement le débat [6] . D’habitude, le premier ministre ou un autre ministre — le leader parlementaire du gouvernement ou le président du Conseil privé le plus souvent — propose ensuite l’ajournement de la Chambre [7] .

Reprise du débat sur l’adresse

Le Règlement prévoit six jours additionnels de débat sur la motion et sur tout amendement qui y est proposé [8] . Ces journées sont désignées par un ministre, habituellement le leader parlementaire du gouvernement, et ne sont pas nécessairement consécutives. Depuis 1955, le Règlement stipule que lorsque la reprise du débat sur la motion concernant l’Adresse figure à l’ordre du jour, ce point a priorité sur tous les autres travaux de la Chambre, sauf les affaires courantes ordinaires, les déclarations de députés et les questions orales [9] . Les affaires émanant des députés sont suspendues ces jours-là [10] .

Règles du débat sur l’adresse

Journée des chefs

Le premier jour de la reprise du débat est appelé la « journée des chefs ». Selon la tradition, le chef de l’Opposition parle le premier et propose un amendement à la motion principale. En temps normal, le premier ministre prend ensuite la parole, suivi du chef du deuxième parti d’opposition en importance, qui peut proposer un amendement à l’amendement. La parole est ensuite donnée à tour de rôle aux autres chefs des partis qui sont reconnus officiellement à la Chambre [11] , mais les chefs de partis qui détiennent moins de 12 sièges n’obtiennent pas automatiquement la parole [12] .

Bien que ce soit l’ordre traditionnel, aucune règle précise ne fixe l’ordre dans lequel les chefs de parti prennent la parole lors du débat sur l’Adresse. Au cours de ce débat en 1989, le chef du deuxième parti d’opposition en importance a pris la parole après le chef de l’Opposition, et le premier ministre a prononcé son discours le lendemain [13] . Lorsque, en 1991, le premier ministre ne s’est de nouveau pas levé pour prendre la parole après le discours du chef de l’Opposition, le leader parlementaire de l’opposition a porté plainte auprès du Président. Celui-ci a décrété que, à défaut de disposition en ce sens dans le Règlement, les députés ne sont pas tenus de respecter un ordre d’intervention particulier [14] . Le lendemain, le premier ministre s’est adressé à la Chambre, suivi immédiatement de la chef du deuxième parti d’opposition en importance.

Durée du débat sur l’Adresse

Jusqu’en 1955, la durée du débat sur l’Adresse en réponse n’était limitée d’aucune façon; le débat a ainsi varié d’un jour au nombre record de 28 [15] . La Chambre l’a alors limité pour la première fois en acceptant, selon les recommandations d’un comité spécial sur la procédure, de le restreindre à 10 jours et d’ajouter des séances en matinée (qui ne faisaient pas alors partie des séances normales) pour la durée du débat [16] . Cette durée a ensuite été ramenée à huit jours en 1960 [17]  et le Règlement a de nouveau été modifié en 1991 pour le limiter à six jours [18] .

À plusieurs reprises cependant la Chambre s’est prononcée sur la motion sans que le débat ait duré le nombre maximum de jours prévu par le Règlement [19]. Il est aussi arrivé qu’une prorogation ou une dissolution vienne interrompre le débat : en 1988, seuls le motionnaire et l’appuyeur ont pris la parole avant que la session ne prenne fin par la prorogation après seulement 11 séances, sans reprise du débat sur l’Adresse; en 1997, lorsque la session a pris fin quand le Parlement fut dissous pour des élections générales après 164 séances, la Chambre n’avait consacré que 5 des 6 jours prévus au débat sur l’Adresse [20].

Comme l’indique le Règlement, toute journée inutilisée peut être ajoutée, si la Chambre donne son aval, au nombre des jours désignés de la période des subsides dont ils font partie, mais cette règle n’a jamais été appliquée depuis son entrée en vigueur en 1968 [21] .

Durée des interventions lors du débat sur l’Adresse

À l’exception du premier ministre et du chef de l’Opposition (leur temps de parole est illimité, mais leur intervention n’est pas suivie de questions et d’observations), les députés peuvent parler pendant au plus 20 minutes, et une période de questions et d’observations de 10 minutes peut ensuite s’engager [22] . La Chambre a parfois donné l’occasion à d’autres chefs de parti de parler pendant plus de 20 minutes sans période subséquente de questions et d’observations [23] . Tout député peut intervenir dans ce débat, mais l’ordre des intervenants suit l’ordre général de la représentation des partis à la Chambre. Une tendance soit à réduire la durée des interventions, y compris la période de questions et d’observations, soit à supprimer complètement celle-ci, s’est manifestée par moments au cours du débat afin de permettre au plus grand nombre possible de députés d’intervenir [24] .

Mise aux voix des amendements et conclusion du débat sur l’adresse

Aux premiers temps de la Confédération, certains estimaient qu’on ne devrait pas chercher à modifier la motion sur l’Adresse en réponse au discours du Trône [25] . En 1873, les premiers amendements à la motion sur l’Adresse ont été proposés lorsqu’on a formulé une motion de blâme envers le gouvernement pour sa conduite dans le « scandale du Pacifique ». Bien qu’un sous-amendement l’ait par la suite transformée en vote de confiance à l’égard du gouvernement [26] , le Parlement a été prorogé à la suite d’un changement de gouvernement avant que les amendements ne soient mis aux voix. Des amendements ont de nouveau été proposés en 1893 et 1899 [27] . Au cours des 40 années qui ont suivi, des amendements ont souvent été proposés, mais pas de façon systématique. Ce n’est qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale que la pratique de proposer des amendements à la motion sur l’Adresse s’est enracinée.

Jusqu’en 1955, le Règlement ne régissait aucunement la présentation des motions d’amendement ou leur mise aux voix. Comme pour tout amendement proposé à une motion, la question n’était mise aux voix que lorsque plus un seul député ne se levait pour demander la parole. Un nouvel article fixant la façon de disposer des propositions d’amendement a alors été adopté [28] .

Sans indiquer quand les amendements doivent être présentés ou même s’il en faut, le Règlement renferme des dispositions sur la mise aux voix de tous les amendements proposés avant que la Chambre ne se prononce sur la motion principale : le deuxième jour de la reprise du débat, la Chambre se prononce sur tout sous-amendement dont elle est saisie; elle fait de même, le quatrième jour du débat, pour tout amendement et sous-amendement qui subsistent. La présentation d’amendements pendant les deux derniers jours du débat est interdite.

Selon la pratique récente, le chef de l’Opposition propose un amendement le premier jour de la reprise du débat. En temps normal, un sous-amendement est ensuite proposé par le chef du deuxième parti en importance. Il n’est cependant pas rare qu’un autre député de ce parti s’en charge [29] .

La Chambre doit se prononcer sur le premier sous-amendement le deuxième jour désigné; le Président interrompt alors le débat 15 minutes avant l’heure habituelle d’ajournement pour le mettre aux voix [30] . Il est permis de proposer d’autres sous-amendements le troisième ou le quatrième jour. Le Président interrompt le débat 30 minutes avant l’heure habituelle d’ajournement le quatrième jour pour mettre aux voix tout amendement ou sous-amendement à l’étude [31] . Aucun autre amendement à la motion principale n’est autorisé les cinquième et sixième jours [32] . À moins que le débat ne soit déjà terminé, le Président interrompt enfin les délibérations 15 minutes avant l’heure habituelle d’ajournement le sixième jour pour mettre aux voix toutes les questions nécessaires afin de pouvoir statuer sur la motion principale [33] . Depuis qu’à la suite des modifications de 1991 le Règlement limite le débat sur le discours du Trône à six jours, la Chambre s’est prononcée à trois reprises sur un sous-amendement le deuxième jour et sur un sous-amendement et un amendement le quatrième jour [34] .

Étant donné la nature générale de la motion, la règle de la pertinence ne s’applique pas rigoureusement à l’amendement proposé (contrairement aux sous-amendements). La jurisprudence indique toutefois qu’un amendement doit ajouter un élémen distinct, tandis qu’un sous-amendement doit, pour être pertinent, viser l’amendement sans rien soulever de nouveau [35] . Un sous-amendement qui aurait pour résultat, en y ajoutant des mots, de faire de l’amendement une motion de défiance envers l’Opposition officielle a été jugé irrecevable parce que « les votes de confiance ne sont dirigés que vers le gouvernement du jour [36]  ». Le Président a jugé irrecevables des amendements qui ne lui semblaient pas contester directement les politiques gouvernementales [37]  ou qui visaient à augmenter les dépenses, ce qui exige une recommandation royale [38] . Un amendement semblable à un autre sur lequel la Chambre s’était déjà prononcée au cours du débat a également été rejeté [39] .

L’Adresse en réponse au discours du Trône a été modifiée par un amendement en deux occasions seulement. Dans chaque cas, l’amendement d’un député de l’opposition avait été modifié par un sous-amendement proposé par un député du parti ministériel [40] .

Grossoiement de l’adresse

Immédiatement après l’adoption de la motion sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, la Chambre adopte, sans débat ni amendement, une motion priant les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat, une fois l’Adresse grossoyée (transcrite sur parchemin), de la présenter en personne au gouverneur général [41] . Habituellement, les Présidents sont accompagnés de quelques députés invités (dont le motionnaire et l’appuyeur de l’Adresse, ainsi que les leaders parlementaires et les whips des différents partis) et les Greffiers des deux chambres.


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