La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Affaires courantes

Les Affaires courantes forment une partie du programme quotidien pendant laquelle certains travaux essentiels sont abordés, ce qui donne aux députés l’occasion de porter diverses questions à l’attention de la Chambre, le plus souvent sans débat. La Chambre passe aux Affaires courantes à l’ouverture de la séance le mardi et le jeudi (dès que le Président a lu la prière et ordonné l’ouverture des portes), à 15h le lundi et le mercredi, et à midi le vendredi (juste après la période des questions) [57] .

Cette portion du programme quotidien regroupe diverses rubriques qui sont chaque jour abordées l’une après l’autre lorsque le Président les appelle. En voici la liste :

  • Dépôt de documents;
  • Déclarations de ministres;
  • Présentation de rapports de délégations interparlementaires;
  • Présentation de rapports de comités;
  • Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement;
  • Dépôt de projets de loi émanant des députés;
  • Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat;
  • Motions;
  • Présentation de pétitions;
  • Questions inscrites au Feuilleton.

Après les Affaires courantes le mercredi, la Chambre passe aux « Avis de motions portant production de documents » immédiatement après les « Questions inscrites au Feuilleton ». (Voir la partie pertinente de ce chapitre pour plus de détails.) Les demandes de débats d’urgence sont aussi examinées après les Affaires courantes, avant de passer à l’ordre du jour. (Voir le chapitre 15, « Les débats spéciaux », pour plus d’information.)

Au fur et à mesure que le Président appelle les différentes rubriques des Affaires courantes, les députés qui souhaitent intervenir se lèvent à leur place et obtiennent la parole. En général, ils auront au préalable signalé à la présidence ou au Bureau leur désir de soulever une affaire [58] . La durée des Affaires courantes varie d’un jour à l’autre selon le nombre d’affaires soulevées sous chaque rubrique.

Chacune des cinq premières rubriques, y compris le « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement », doit être appelée chaque jour de séance. C’est ainsi que, à 14h le mardi et le jeudi, les « Déclarations de députés » viennent interrompre les Affaires courantes si la Chambre n’en a pas terminé du « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement ». Le déroulement ordinaire des travaux reprend alors à 15 h, juste après la Période des questions, jusqu’à l’épuisement des points inscrits sous « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement », en empiétant autant que nécessaire sur l’heure réservée aux Affaires émanant des députés [59] . Ce n’est évidemment pas le cas le lundi, le mercredi et le vendredi, puisque les « Déclarations de députés » et la Période des questions précèdent alors les Affaires courantes. Si les délibérations ne sont pas terminées à l’heure habituelle d’ajournement à la fin d’une journée de séance, la Chambre continue de siéger jusqu’à ce que les cinq premières rubriques des Affaires courantes, y compris le « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement », aient été appelées et épuisées. Le Président lève alors la séance jusqu’au jour de séance suivant [60] . Les jours où il reste du temps pour les Affaires courantes une fois terminées les délibérations sur le « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement », les Affaires courantes pourraient se poursuivre jusqu’à ce que l’heure normale d’ajournement de la séance le lundi [61] , les « Déclarations de députés » le mardi et le jeudi [62] , ou les Affaires émanant des députés le mercredi et le vendredi [63]  viennent les interrompre.

Historique

Le Règlement exige depuis la Confédération que la Chambre aborde chaque jour les affaires courantes. Les rubriques qui les composent, le moment auquel la Chambre y passe chaque jour et les catégories de sujets admissibles sous chaque rubrique ont cependant varié avec le temps. Pendant près de 40 ans après la Confédération, il n’y avait que quatre rubriques : la « Présentation des pétitions », la « Lecture et réception des pétitions », la « Présentation de rapports par les comités permanents et spéciaux » et les « Motions » [64] . En 1906, celle de la « Présentation de bills » a été ajoutée après les « Motions » (le dépôt des projets de loi se faisait jusque-là sous les « Motions ») [65] . Quelques années plus tard, en 1910, une autre rubrique libellée « Première lecture des bills du Sénat » est venue s’ajouter après le « Dépôt de bills », pendant que les deux rubriques ayant trait aux pétitions disparaissaient [66] . L’ordre des rubriques des Affaires courantes est ensuite resté inchangé jusqu’en 1955, date à laquelle celle des « Avis de motions émanant du gouvernement » a été ajoutée [67] . Vingt ans plus tard, en 1975, le « Dépôt de documents » et les « Déclarations de ministres » ont été ajoutés aux Affaires courantes pour reprendre des pratiques établies de longue date sous la rubrique des « Motions » [68] . En 1986, une nouvelle rubrique, la « Présentation de rapports de délégations interparlementaires », a été ajoutée et celle de la « Présentation de pétitions » a été rétablie [69] .

À la fin de 1986 et au début de 1987, la proposition de motions demandant « que la Chambre passe maintenant à l’ordre du jour » [70]  et « passe maintenant à l’article suivant des affaires courantes » [71]  au cours des Affaires courantes conjuguée aux demandes de vote par appel nominal sur ce qui, en temps normal, aurait constitué des délibérations de pure forme [72], empêchaient non seulement à l’occasion la Chambre de se rendre aux Ordres émanant du gouvernement, mais aussi le gouvernement de déposer ses projets de loi [73]. À l’automne de 1986, un projet de loi d’initiative ministérielle visant à modifier la Loi sur les brevets a été inscrit au Feuilleton. L’opposition féroce à la mesure a entraîné le recours à de telles motions pendant les Affaires courantes pour retarder le dépôt, la première lecture et la deuxième lecture du projet de loi [74] . Lorsque le comité législatif chargé d’examiner la mesure en a fait rapport à la Chambre en y proposant des amendements [75] , le gouvernement a donné avis d’une motion d’attribution de temps pour l’étude du projet de loi à l’étape du rapport [76] . Le gouvernement entendait proposer cette motion d’attribution de temps lorsque les « Motions » seraient appelées à la rubrique des Affaires courantes; mais le recours aux tactiques dilatoires a empêché la Chambre d’atteindre cette rubrique [77] . Le 13 avril 1987, pour tenter d’escamoter certaines rubriques des Affaires courantes, le secrétaire parlementaire du vice-premier ministre a proposé que la Chambre passe du « Dépôt de documents » aux « Motions », ce qui aurait eu pour effet, si la motion avait été adoptée, de faire tomber toutes les autres rubriques des Affaires courantes. Le Président avait déclaré une motion semblable irrecevable à peine quelques mois plus tôt [78] . Un débat s’est ensuite engagé sur un rappel au Règlement et le Président a reporté sa décision [79] .

Dans sa décision [80] , le Président Fraser s’inquiétait de ce que ces tactiques d’obstruction ne perturbent le déroulement des Affaires courantes et de ce que l’abus des règles de procédure ne se substituent au débat : « Cette pratique peut empêcher la présentation de pétitions, retarder indéfiniment le dépôt de projets de loi émanant tant des députés que du gouvernement et bloquer complètement le débat sur les motions d’adoption des rapports de comité ou d’attribution de temps [81]  ». Selon lui, compte tenu des diverses tactiques d’obstruction utilisées par les partis d’opposition depuis quelques semaines pour bloquer une mesure législative controversée, empêchant ainsi tout débat sur la mesure et sur d’autres projets de loi d’initiative ministérielle, il serait dans le meilleur intérêt de la Chambre de laisser, en l’instance, le gouvernement déposer sa motion, qui aurait pour effet d’estomper certaines rubriques des Affaires courantes. Il soulignait toutefois le besoin d’étudier toute la question du recours à des motions visant à passer outre à des rubriques des Affaires courantes et « qu’il ne faudrait sanctionner aucune procédure qui permette de bloquer complètement et indéfiniment les travaux de la Chambre [82]  ». Il précisait aussi que sa décision s’insérait dans une série d’événements auxquels les règles de procédure n’offraient aucune solution et ne devait pas faire jurisprudence.

En juin 1987, le Règlement a été modifié de manière à placer les éléments des Affaires courantes dans leur ordre actuel, à scinder la rubrique du « Dépôt des projets de loi » en deux entités distinctes pour le dépôt des projets de loi d’initiative ministérielle et ceux d’initiative parlementaire, en plus d’adopter une procédure pour l’achèvement des délibérations sous la rubrique « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement » [83] . La rubrique des « Questions inscrites au Feuilleton » a été ajoutée à la liste, tandis que les « Avis de motions du Gouvernement » étaient éliminés des Affaires courantes.

Dépôt de documents

La première rubrique appelée par le Président lors des Affaires courantes est celle du « Dépôt de documents », qui y a été ajoutée en 1975 [84] . Avant cette date, aucun moment n’était fixé aux ministres pour le dépôt de documents, ce qu’ils faisaient habituellement pendant les Affaires courantes, à l’étape des « Motions ». Les changements apportés en 1975 ne faisaient qu’entériner une pratique déjà établie pour le dépôt de documents.

Le dépôt des rapports et états [85] est une des façons par lesquelles la Chambre obtient de l’information. Pendant longtemps, lorsqu’un ordre ou une adresse de la Chambre ou une mesure législative exigeait le dépôt de documents, le ministre n’avait qu’à se lever, habituellement pendant les Affaires courantes, et présenter le document à la Chambre en bonne et due forme. Son dépôt était consigné aux Journaux. Lorsque le gouvernement voulait déposer un document que la Chambre n’avait pas exigé, il fallait adopter une motion pour en autoriser le dépôt [86] . Pour parer au temps toujours croissant que l’étude de ces motions lui prenait, la Chambre a adopté, en 1910, une nouvelle règle sur leur utilisation [87] . Les ministres n’avaient plus qu’à demander à la Chambre l’autorisation de déposer ces documents, qui leur était habituellement accordée [88] . En 1968, le Règlement a été modifié pour permettre à un ministre, ou son secrétaire parlementaire, de déposer tout rapport ou document, pourvu qu’on y traite de ce qui relève des responsabilités administratives du gouvernement [89] . Le gouvernement est aussi tenu, depuis 1982, de déposer une réponse globale à un rapport de comité lorsque ce dernier en fait la demande [90] , et depuis 1986 de déposer une réponse à toutes les pétitions qui lui sont renvoyées [91]  ainsi que les annonces de nomination par décret [92] .

Outre les documents administratifs que les ministres peuvent déposer à la Chambre, des lois, ordres de la Chambre, ou articles du Règlement exigent le dépôt, chaque année ou chaque session, de certains états, rapports et autres documents [93] . Plusieurs lois précisent les conditions de dépôt; certaines obligent, par exemple, les ministres à déposer des rapports annuels des ministères, organismes et commissions qui relèvent de leur responsabilité administrative [94] .

Un ministre ou un secrétaire parlementaire, au nom du ministre, dépose ces documents à la Chambre pendant les Affaires courantes à l’étape du « Dépôt de documents » [95] . En anglais, cette forme de dépôt se dit souvent « by the front door ».

Le Règlement permet aussi, comme solution de rechange, qu’un ministre dépose auprès du Greffier de la Chambre ces documents exigés par une loi, un ordre de la Chambre, ou un article du Règlement [96] . C’est ce qu’on appelle en anglais un dépôt « back-door ». Le choix de la méthode de dépôt utilisée pour les documents exigés reste entièrement à la discrétion du ministre; un ministre ne peut cependant déposer qu’à la Chambre, pendant les Affaires courantes, un document dont le dépôt n’est pas exigé. Les Journaux font état, chaque jour de séance, des documents présentés à la Chambre ou déposés auprès du Greffier [97] .

Lorsqu’un ministre dépose à la Chambre un rapport, un état ou tout autre document exigé, un décret de nomination ou un certificat proposant une nomination, il le renvoie automatiquement au comité permanent approprié de la Chambre, habituellement en fonction du sujet traité [98] . Comme ces renvois sont permanents, il n’y a pas d’échéance précise pour l’étude des documents par les comités [99].

Tous les documents déposés à la Chambre par un ministre ou un secrétaire parlementaire, selon le cas, que ce soit en cours de séance ou auprès du Greffier, doivent être présentés dans les deux langues officielles [100] . Il est aussi arrivé que, en plus d’être déposés dans les deux langues officielles, les documents exigés le soient aussi sous d’autres formes (disquettes, audio-cassettes, vidéo-cassettes ou cédéroms, ou imprimés en braille ou en gros caractères) [101] .

Tout document dont un ministre cite un extrait au cours du débat ou en réponse à une question doit être déposé [102] . Cette pratique est examinée de plus près au chapitre 13, « Le maintien de l’ordre et le décorum ».

Dépôt de documents par les députés

Selon une pratique établie de longue date à la Chambre, les simples députés ne peuvent pas déposer de documents, officiels ou non [103] , même avec le consentement unanime de la Chambre [104] . Contrairement aux ministres qui doivent déposer les documents exigés par une loi ou découlant de leurs responsabilités administratives [105] , aucune disposition du Règlement n’autorise le dépôt de document par les simples députés. La difficulté de les produire dans les deux langues officielles, comme l’exige le Règlement [106] , est une autre raison invoquée contre cette éventualité. Des députés ont parfois été autorisés cependant, depuis le milieu des années 1980, à déposer des documents avec le consentement unanime de la Chambre [107] ; ces documents ne sont déposés le plus souvent que dans une seule langue [108] . Des députés ont, à l’occasion, déposé sur le Bureau de la documentation à l’intention de leurs collègues, mais ce n’est pas considéré comme un dépôt officiel [109] . Le chapitre 13, « Le maintien de l’ordre et le décorum », traite aussi du dépôt de documents par les simples députés.

Dépôt de documents par le Président

Le Président dépose des documents qui ont trait aux fonctions administratives ou cérémonielles de sa charge ou qui ont trait à la procédure et aux affaires de la Chambre [110] . En sa qualité de président du Bureau de régie interne, il dépose également :

  • les procès-verbaux du Bureau de régie interne [111] ;
  • des rapports annuels sur les activités et dépenses des comités [112] ;
  • le règlement administratif du Bureau de régie interne et les modifications qui y sont apportées [113] ;
  • le Rapport sur les plans et prioritésannuel de l’Administration de la Chambre des communes tel qu’approuvé par le Bureau de régie interne [114] ; et
  • le Rapport sur le rendement annuel de l’Administration de la Chambre des communes tel qu’approuvé par le Bureau de régie interne [115] .

Le Président dépose également le rapport annuel du bibliothécaire parlementaire [116] .

Diverses lois désignent en outre le Président comme celui par l’entremise duquel les rapports doivent être déposés à la Chambre [117] . Des dispositions législatives obligent en particulier cinq mandataires du Parlement — le directeur général des élections, le vérificateur général, le commissaire aux langues officielles, le commissaire de l’accès à l’information et le commissaire à la protection de la vie privée — à transmettre leurs rapports annuels et tout rapport spécial d’enquête au Président qui les dépose ensuite à la Chambre [118] . Le Président dépose également le rapport annuel de la Commission canadienne des droits de la personne [119]  et les rapports des commissions provinciales et territoriales de délimitation des circonscriptions électorales dans le cadre du processus décennal de rajustement des limites des circonscriptions lorsqu’il les reçoit du directeur général des élections [120] .

Dépôt de documents pendant les périodes d’ajournement ou de prorogation

Depuis 1994, des dispositions du Règlement permettent aux ministres, pendant les périodes d’ajournement, de déposer une fois par mois auprès du Greffier de la Chambre, le mercredi qui suit le quinzième jour du mois d’une période d’ajournement, tout état, rapport ou autre document qu’une loi, un ordre spécial, ou le Règlement de la Chambre les oblige à déposer à la Chambre, y compris les réponses aux pétitions et aux rapports de comités [121] . Le premier jour de séance après l’ajournement, ces documents sont consignés dans les Journaux et réputés avoir été déposés le mercredi en cause [122] . Même si en principe le dépôt d’un document vient a échéance pendant une période d’ajournement, un ministre a toutefois la possibilité d’attendre le premier jour de séance qui suit pour le déposer à la Chambre ou auprès du Greffier [123] .

En règle générale, la prorogation met un terme à toutes les délibérations en cours au Parlement. Il est parfois impossible, cependant, de produire divers rapports et documents exigés par la Chambre de manière à les déposer pendant la même session où ils sont réclamés. Comme ces rapports et documents sont obtenus au moyen d’un ordre direct de la Chambre ou d’une adresse au gouverneur général, la prorogation aurait habituellement pour effet d’obliger à renouveler, la session suivante, les ordres et adresses qui n’ont pas encore été exécutés. Ceux-ci sont cependant considérés, conformément au Règlement de la Chambre, comme ayant été réadoptés au début de la nouvelle session sans motion en ce sens [124] . Selon une décision rendue par le Président, les réponses qui n’ont pas encore été données aux rapports de comités et aux pétitions sont assimilables aux documents dont le dépôt a été ordonné par la Chambre; elles doivent donc être déposées au cours de la nouvelle session [125] .

Dépôt de documents après la dissolution

Après la dissolution, le Greffier de la Chambre n’accepte d’avance, en vue de les déposer devant le prochain Parlement, aucun état, rapport ou autre document dont le dépôt est exigé par une loi du Parlement, une résolution de la Chambre ou son Règlement. Les ministres ou les ministères peuvent cependant, pendant la période où le Parlement est dissous, autoriser la diffusion de tout état, rapport ou autre document qu’ils doivent déposer à la Chambre. Le jour d’ouverture de la nouvelle législature, ces documents sont déposés, conformément aux exigences, par les membres du conseil des ministres [126] .

Déclarations de Ministres

Les « Déclarations de ministres » constituent la deuxième rubrique des Affaires courantes. Les ministres peuvent alors faire des annonces ou des déclarations qui ont trait à la politique gouvernementale ou à des questions d’intérêt national [127] . Après une déclaration d’un ministre, un porte-parole de chaque parti reconnu de l’opposition peut répliquer [128] .

Historique

Bien que la pratique d’accueillir les déclarations de ministres soit établie depuis longtemps, cette rubrique est de création récente. Au moment de la Confédération, les règles écrites ne renfermaient rien sur le genre de déclaration que les ministres peuvent désormais faire. Dès 1867 toutefois, des ministres se levaient parfois, juste avant de passer à l’ordre du jour, pour parler de questions de politique gouvernementale ou d’intérêt public [129] . D’autre part, jusqu’en 1915 au moins, les premiers ministres faisaient souvent des déclarations pour expliquer les remaniements ministériels [130] . Des représentants des partis d’opposition répliquaient d’habitude aux énoncés de politique, tandis que les remaniements ministériels appelaient traditionnellement des remarques du chef de l’Opposition.

La pratique s’est précisée avec la multiplication des énoncés de politique; l’usage s’était établi, au début des années 1950, de limiter aux chefs de parti le droit de réplique. En 1959, non seulement était-on revenu à la pratique de laisser un porte-parole de chaque parti de l’opposition répliquer au lieu de réserver ce privilège aux chefs de parti, mais les déclarations se faisaient, non plus juste avant de passer à l’ordre du jour, mais à l’étape des « Motions » durant les Affaires courantes. La pratique a de nouveau changé, la même année, lorsque le Président a signalé à la Chambre qu’il jugeait inacceptable, de la part de l’opposition, une « observation plus longue que l’exposé lui-même [131]  ».

Un article a été ajouté au Règlement en 1964, tant pour officialiser la tradition des déclarations faites à l’étape des « Motions » que pour établir des lignes directrices visant à régir la procédure. La nouvelle règle permettait d’énoncer des éléments de politique gouvernementale sans provoquer de débat. Elle entérinait en outre la pratique établie de laisser les partis d’opposition répliquer [132] . Ce dernier aspect a provoqué par la suite un débat sur la définition d’un parti au sens du Règlement; des députés ont cité dans ce contexte la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes (devenue la Loi sur le Parlement du Canada), qui faisait des concessions additionnelles aux chefs de partis comptant plus de 12 députés. En définitive, le Président est arrivé à la conclusion que, tant que la Chambre n’aura pas mieux précisé qui peut répliquer à une déclaration de ministre, la présidence se laisserait guider par l’usage qui permet depuis longtemps à chaque parti, mais pas aux députés indépendants, de répliquer aux déclarations de ministres [133] .

Ces directives sont restées en vigueur jusqu’en 1975, date à laquelle, sur la recommandation d’un comité de la procédure, la façon de répliquer aux déclarations de ministres a été modifiée de manière à permettre aux représentants de l’opposition de faire des observations, puis aux députés de poser des questions. Le Président obtenait, par la même occasion, toute latitude pour limiter la durée de ces délibérations, qui se dérouleraient désormais à une nouvelle étape des Affaires courantes, celle des « Déclarations de ministres » [134] . Après avoir bien fonctionné au début, cette nouvelle façon de procéder est vite devenue interminable et difficile à régir, à telle enseigne que l’habitude de faire des énoncés de politique et des annonces à la Chambre est tombée en désuétude afin, semble-t-il, de ne pas gaspiller le temps précieux de la Chambre et de le consacrer à d’autres affaires gouvernementales [135] . Suivant les recommandations de deux comités spéciaux chargés d’examiner les réformes de la procédure au début et au milieu des années 1980, la Chambre a modifié sensiblement le déroulement des « Déclarations de ministres ». Pour encourager les ministres à annoncer à la Chambre toute nouvelle politique gouvernementale, des modifications éliminant la « mini période de questions » qui s’engageait habituellement après une déclaration et limitant les observations à ce sujet à un représentant de chaque parti de l’opposition ont été proposées [136] . Finalement adoptés à titre provisoire en juin 1985 et en février 1986, ces changements sont devenus permanents en juin 1987 [137] . Les nouvelles règles modifiaient aussi l’horaire de la séance de manière à préserver le temps réservé aux Ordres émanant du gouvernement et aux Affaires émanant des députés, en prolongeant au besoin la séance, au-delà de l’heure habituelle d’ajournement quotidien, d’une période équivalente à celle consacrée à la déclaration [138] .

Lignes directrices

Pendant les « Déclarations de ministres », les ministres sont censés faire des déclarations concises et concrètes sur la politique gouvernementale ou des annonces d’intérêt national [139] . Seuls les porte-parole de partis reconnus par la Chambre peuvent intervenir en réponse à une déclaration de ministre [140] . Il est cependant arrivé que d’autres députés soient autorisés à intervenir avec le consentement unanime de la Chambre [141] . Les députés ne peuvent pas, dans leur réplique, engager un débat ou poser des questions au ministre [142] . Les répliques ne peuvent pas dépasser, en durée, la déclaration du ministre; s’ils la dépassent, les députés se voient interrompre par le Président [143] . Les règles ne précisent pas la limite de temps dont le ministre dispose ou que ces délibérations peuvent prendre, mais la présidence a toute latitude pour en limiter la durée [144] .

Rien n’oblige un ministre à faire une déclaration à la Chambre. La décision d’un ministre d’annoncer quelque chose en dehors de la Chambre au lieu de faire une déclaration à la Chambre pendant les Affaires courantes a donné lieu à des questions de privilège, mais la présidence a toujours jugé sans fondement les allégations d’atteinte au privilège [145] .

La coutume veut que, par courtoisie, un ministre prévienne les porte-parole de l’opposition de son intention de faire une déclaration à la Chambre. Rien n’interdit cependant au ministre de faire une déclaration sans donner un tel avertissement [146] .

La durée de la déclaration d’un ministre et des répliques de l’opposition s’ajoute à la période réservée aux Ordres émanant du gouvernement ce jour-là. L’heure réservée aux Affaires émanant des députés, s’il y a lieu, et l’heure habituelle d’ajournement quotidien, y compris les délibérations sur la motion d’ajournement, peuvent être retardées en conséquence [147] .

Présentation de rapports de délégations interparlementaires

La troisième rubrique des Affaires courantes, la « Présentation de rapports de délégations interparlementaires », a été ajoutée en 1986 sur recommandation d’un comité spécial afin de donner aux délégations interparlementaires un moyen de faire rapport de leur travail à la Chambre [148] .

Les députés font souvent partie de délégations interparlementaires officielles qui voyagent à l’étranger ou au Canada, où ils représentent à la fois la Chambre et le Parlement. Une délégation interparlementaire officielle est une délégation, composée en tout ou en partie de députés, qui est nommée et financée soit par le Président, soit par une association parlementaire reconnue, pour représenter la Chambre ou l’association en cause lors d’une activité interparlementaire officielle au Canada ou à l’étranger.

Une association parlementaire est une association internationale, dont la section canadienne est composée à la fois de députés et de sénateurs, qui permet des échanges d’idées et d’information et la mise en commun de connaissances et d’expériences par les contacts personnels [149] . Les échanges, conférences et colloques sur divers sujets forment les principales activités de ces associations. Le Parlement canadien participe à 10 associations parlementaires officielles :

  • Les Échanges législatifs Canada-Chine;
  • Le Groupe interparlementaire Canada – États-Unis;
  • L’Association interparlementaire Canada-France;
  • Le Groupe interparlementaire Canada-Japon;
  • L’Association parlementaire Canada – Royaume-Uni;
  • L’Assemblée de l’Atlantique Nord (Association parlementaire canadienne de l’OTAN);
  • L’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF);
  • L’Association parlementaire Canada-Europe;
  • L’Association parlementaire du Commonwealth (APC);
  • L’Union interparlementaire (UI).

Ces associations forment des délégations pour participer à des réunions, des colloques et des conférences internationales avec leurs homologues ou pour organiser pareilles activités au Canada. Chaque association, qui est régie par une constitution, élit certains de ses membres pour former son comité exécutif. Le Sénat et la Chambre des communes assurent le soutien administratif et le financement.

Outre ces associations parlementaires, le Parlement canadien participe à trois groupes d’amitié officiels dont le volet canadien est composé à la fois de députés et de sénateurs; ces groupes visent à renforcer la compréhension mutuelle entre le Canada et un autre pays par les échanges bilatéraux. Les trois groupes d’amitié en question sont :

  • le Groupe d’amitié Canada-Allemagne;
  • le Groupe d’amitié Canada-Israël;
  • le Groupe d’amitié Canada-Italie.

La Chambre et le Sénat leur apportent de l’aide administrative, mais n’assument pas le coût des réunions et voyages. Les frais d’adhésion des parlementaires qui en font partie constituent leur seule source de revenu.

À la suite de tout voyage effectué dans le cadre de ses fonctions, au Canada ou à l’étranger, chaque délégation interparlementaire est tenue de présenter un rapport d’activité à la Chambre dans les 20 jours de séance qui suivent son retour [150] . Le rapport renferme habituellement le nom des députés qui formaient la délégation, les dates de voyage, et de l’information sur les activités de la délégation et le coût du voyage. Lorsque le Président appelle la « Présentation de rapports de délégations interparlementaires » au cours des Affaires courantes, le chef de la délégation, ou un député agissant en son nom, se lève et présente le rapport [151] . Le député peut alors traiter brièvement du contenu du rapport, mais aucun débat n’est permis [152] . Il est aussi arrivé que le Président présente des rapports de visites officielles à l’étranger lorsqu’il s’agissait de délégations parlementaires dirigées par un président de séance [153] . Le rapport est consigné comme document parlementaire de sorte que le public y a accès [154]. Aucune autre mesure n’est prise.

Présentation de rapports de comités

Toute information que des comités permanents, spéciaux ou législatifs et des comités mixtes permanents ou spéciaux de la Chambre désirent communiquer à celle-ci doit l’être sous forme de rapports. Les comités présentent des rapports sur divers sujets, dont :

  • les projets de loi;
  • les prévisions budgétaires;
  • les enquêtes thématiques;
  • les questions qui touchent le mandat, la gestion et le fonctionnement des ministères dont ils sont chargés;
  • les nominations par décret;
  • les décrets-lois; et
  • les dispositions de lois exigeant un examen.

Cela se fait à la quatrième étape des Affaires courantes, la « Présentation de rapports de comités », l’une des quatre rubriques qui figuraient au départ, au moment de la Confédération, dans le Règlement de la Chambre. Lorsque le Président appelle cette rubrique et donne la parole au président du comité, ou à un membre du comité en son absence, celui-ci se lève à sa place pour présenter le rapport et en « expliquer brièvement le sujet » [155] . Si le comité a adopté une motion demandant au gouvernement de répondre à son rapport, cette demande est alors transmise oralement [156] . Pourvu qu’un rapport en version imprimée soit déposé dans les deux langues officielles, il peut aussi l’être sous d’autres formes comme une disquette, une audio-cassette, une vidéo-cassette ou un cédérom, voire en braille ou en gros caractères [157] . Tous les Procès-verbaux pertinents du comité doivent accompagner le rapport.

Le Règlement ne renferme aucune disposition au sujet du dépôt de rapports minoritaires [158] , mais on permet aux comités, depuis avril 1991, d’annexer des opinions ou recommandations supplémentaires ou dissidentes à leurs rapports [159] . Un des membres du comité qui représente l’opposition officielle peut, au nom de ceux qui appuient les opinions exprimées en annexe, en donner une brève explication après la présentation du rapport et toute déclaration du président ou du présentateur [160] . Aucun autre député ne peut se livrer à des commentaires sur le rapport à cette étape [161] .

Une motion d’adoption d’un rapport de comité peut être présentée à l’étape des « Motions » pendant les Affaires courantes s’il en a été donné avis par écrit depuis 48 heures. Après avoir présenté un rapport, habituellement sur une question peu controversée, le président de comité peut toutefois indiquer son intention de proposer l’adoption du rapport plus tard au cours de la séance avec le consentement unanime de la Chambre. Lorsque les « Motions » sont appelées, il se lève et demande la permission de la Chambre de proposer l’adoption du rapport. Un greffier au Bureau fera, sur demande, la lecture à haute voix du rapport surtout parce qu’il n’est pas facile pour les députés d’obtenir des copies papier du rapport à la Chambre [162] . L’adoption du rapport se fait souvent sans débat.

Le chapitre 20, « Les comités », donne plus d’information sur les rapports de comités.

Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement

Le « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement » suit immédiatement la présentation de rapports de comités. Jusqu’en juin 1987, tous les projets de loi d’intérêt public parrainés par le gouvernement ou de simples députés étaient déposés à l’étape du « Dépôt de projets de loi ». À la suite de modifications au Règlement, cette étape a été divisée en « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement » et « Dépôt de projets de loi émanant des députés » [163] .

C’est à cette étape que la Chambre est d’abord saisie des mesures législatives d’initiative ministérielle. Après un préavis d’au moins 48 heures [164] , tout projet de loi d’intérêt public parrainé par le gouvernement est inscrit au Feuilleton en respectant l’ordre chronologique. Lorsque le Président appelle le « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement », tout ministre qui désire déposer un projet de loi signale son intention d’aller de l’avant (la présidence ayant été prévenue que le ministre souhaitait déposer un projet de loi), ce sur quoi le Président propose la motion visant à autoriser le dépôt du projet de loi selon la formule suivante : « (nom du ministre), appuyé par (nom du député), demande la permission de déposer un projet de loi intitulé “Loi…” [165]  ». Une motion demandant l’autorisation de déposer un projet de loi est réputée adoptée, sans débat ni amendement ni mise aux voix [166] . Une fois la motion adoptée, le ministre peut fournir une explication succincte du projet de loi [167] .

Immédiatement après l’adoption d’une motion demandant l’autorisation de déposer un projet de loi, le Président propose que le projet de loi soit lu une première fois et imprimé [168] . Cette motion est aussi réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [169] . Un greffier au Bureau se lève alors et déclare : « Première lecture de ce projet de loi / First reading of this bill » [170] . Le Président complète le processus en demandant « Quand le projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois? » et en répondant « À la prochaine séance de la Chambre. » La Chambre en convient sans l’adoption d’une motion [171] . Lorsqu’elle désigne à quelle étape une question sera inscrite au Feuilleton, l’expression « prochaine séance de la Chambre » signifie que le projet de loi est inscrit à l’endroit voulu au Feuilleton pour faire l’objet de la deuxième lecture à une séance ultérieure selon la priorité que lui donne le Règlement, le soin de déterminer l’ordre dans lequel les mesures législatives d’initiative ministérielle sont appelées étant laissé au gouvernement. Aucun projet de loi ne peut faire l’objet de la deuxième lecture le jour même où il est déposé et lu pour la première fois sans un ordre spécial ou le consentement unanime de la Chambre [172] . Après la première lecture, le projet de loi est inscrit au Feuilleton, parmi les « Ordres du jour », en vue de sa deuxième lecture à une séance ultérieure de la Chambre. Seule l’adoption des projets de loi de crédits à chacune des étapes le dernier jour désigné d’une période de subsides peut faire exception à cette règle [173] .

Seul un ministre peut déposer un projet de loi du gouvernement. Puisqu’elle est considérée comme une initiative de l’ensemble du conseil des ministres, une telle mesure qui est inscrite au Feuilleton au nom d’un ministre peut être proposée, en son nom, par un autre ministre [174] . Si le ministre ne souhaite pas déposer le projet de loi lorsqu’il y est invité, la mesure reste au Feuilleton en vue de procéder au dépôt et à la première lecture à une date ultérieure. Le gouvernement demande habituellement à un autre ministre d’appuyer la motion de dépôt d’un projet de loi d’initiative ministérielle, mais ce n’est pas obligatoire [175] ; un autre député peut en être chargé.

Dépôt de projets de loi é des députés

Tout projet de loi d’intérêt public parrainé par un député qui n’est pas ministre peut être déposé à cette étape, qui a été créée en juin 1987 par la scission de la rubrique du Dépôt des projets de loi en « Dépôt des projets de loi émanant du gouvernement » et « Dépôt de projets de loi émanant des députés » [176] . La procédure est identique à celle des projets de loi déposés par le gouvernement à l’étape précédente : le préavis requis est le même [177] ; le Président appelle le « Dépôt des projets de loi émanant des députés » qui figurent au Feuilleton; tout député qui désire déposer un projet de loi signale alors qu’il est prêt à aller de l’avant. Si le député n’est pas présent ou n’est pas prêt à déposer la mesure, celle-ci reste inscrite au Feuilleton. Si la Chambre donne son consentement unanime, un autre député que le parrain de la mesure peut toutefois proposer le dépôt du projet de loi au nom de ce dernier [178] . Une fois que le Président a repéré un appuyeur, la motion demandant l’autorisation de déposer la mesure est adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [179] . Contrairement au ministre qui renonce habituellement à l’occasion qui lui est donnée de parler brièvement du projet de loi à cette étape, les simples députés font invariablement des commentaires [180] . Le Président peut interrompre les explications données si le député se lance dans un débat [181] .

Après les brèves explications du député sur le projet de loi, le Président propose à la Chambre que la mesure soit lue une première fois et imprimée. Cette motion est également réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [182] . Un greffier au Bureau se lève alors et déclare « Première lecture de ce projet de loi /First reading of this bill ». Le projet de loi est alors inscrit au Feuilleton, à la rubrique des « Affaires émanant des députés », en vue de la deuxième lecture [183].

Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat

Durant les Affaires courantes, la « Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat » s’insère entre le « Dépôt des projets de loi émanant des députés » et les « Motions ». Jusqu’en 1910, la première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat se faisait à l’étape des motions. L’étape de la « Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat » a été ajoutée, juste après celle du « Dépôt de projets de loi », en avril 1910 [184] .

Lorsque le Sénat adopte un projet de loi public émanant du Sénat, un message est adressé à la Chambre pour l’en informer et lui demander de l’adopter. Ce message est reçu par le Greffier de la Chambre, et le Président en annonce le contenu dès que l’occasion se présente [185] . Le Président donne lecture du message : « J’ai l’honneur d’informer la Chambre qu’un message a été reçu du Sénat informant la Chambre qu’il a adopté le projet de loi suivant et lui demande d’y donner son agrément : Loi… ». Une motion demandant l’autorisation de déposer le projet de loi est inutile puisqu’il existe déjà sous forme imprimée. Le projet de loi est alors inscrit au Feuilleton sous la rubrique « Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat » des Affaires courantes [186] .

Si le député ou le ministre [187]  qui parraine le projet de loi à la Chambre des communes signale qu’il souhaite aller de l’avant lorsque le Président appelle la « Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat » pendant les Affaires courantes, la motion « Que ce projet de loi soit lu une première fois » est réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [188] . Comme ces projets de loi sont déjà imprimés au moment de leur dépôt à la Chambre, il est inutile d’en ordonner la réimpression. Si le député ou le ministre qui le parraine à la Chambre n’est pas présent ou prêt à en proposer la première lecture lorsque la Chambre passe à cette rubrique, le projet de loi reste au Feuilleton en vue de sa première lecture à une séance ultérieure. Dans le cas des projets de loi d’initiative parlementaire, un député autre que le parrain de la mesure peut, avec le consentement unanime de la Chambre, proposer la première lecture du projet de loi au nom de ce dernier; dans le cas des projets de loi du gouvernement, un projet de loi inscrit au nom d’un ministre peut être proposé en son nom par un autre ministre. Si aucun député n’est disposé à parrainer un projet de loi émanant du Sénat, aucune autre mesure n’est prise après la lecture du message reçu du Sénat. Le projet de loi reste au Feuilleton sous la rubrique « Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat ».

Une fois la motion portant première lecture adoptée, le Président demande chaque fois : « Quand le projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois? À la prochaine séance de la Chambre? » La Chambre acquiesce sans motion en bonne et due forme et l’ordre portant deuxième lecture est inscrit au Feuilleton à la rubrique des Ordres émanant du gouvernement si le projet de loi est parrainé par un ministre [189] , ou à la fin de la liste de priorité sous celle des « Affaires émanant des députés » si le projet de loi est parrainé par un simple député [190].

Motions

La rubrique « Motions » est l’une des quatre rubriques qui formaient les Affaires courantes au moment de la Confédération [191] . Avec les années, divers types de motions, jadis examinées à cette étape, ont été catégorisées et ont obtenu leur propre créneau au programme quotidien, dont les motions d’initiative parlementaire, les motions portant dépôt de projets de loi, et les motions d’ajournement aux termes de l’article 52 du Règlement (débats d’urgence). Jusqu’en 1906, par exemple, les projets de loi étaient déposés à cette étape [192] . Ce n’est qu’en 1964 que la Chambre a modifié le Règlement de manière à créer une étape distincte pou les déclarations de ministres, qui se faisaient jusqu’alors à l’étape des « Motions » [193] . En 1975, les « Avis de motions émanant du gouvernement [194]  » et les « Motions » constituaient les deux derniers points abordés chaque jour. En plaçant les « Motions » au bas de la liste, les débats prolongés ne pouvaient plus empêcher la Chambre d’atteindre les autres affaires courantes [195] . En 1987, l’étape des « Avis de motions émanant du gouvernement » a été supprimée et les autres rubriques ont été placées dans l’ordre actuel [196] .

Diverses catégories de travaux se sont créées au cours des ans devant la nécessité de s’adapter à l’organisation du travail de la Chambre. Si certaines sont maintenant réservées au parti ministériel, ou à l’opposition, d’autres sont l’apanage des simples députés et d’autres encore sont limitées à ce qui touche le déroulement des affaires courantes de la Chambre. De manière générale, les motions portant sur des questions de fond ou de politique gouvernementale sont proposées soit par des ministres à l’étape des Ordres émanant du gouvernement, soit par de simples députés à celle des Affaires émanant des députés. Le genre de motions admissibles à l’étape des « Motions » a été limité essentiellement aux motions d’adoption des rapports de comités et aux motions visant les séances et délibérations de la Chambre [197] .

La présidence a toujours maintenu que le leader parlementaire du gouvernement doit présenter toute motion concernant l’organisation des travaux de la Chambre [198]  et que ces motions peuvent être abordées à l’étape soit des « Motions », soit des Ordres émanant du gouvernement, selon le bon vouloir du ministre qui en donne avis [199] . Elle a aussi décrété que même si la « rubrique “Motions” englobe habituellement les questions reliées à l’administration des affaires de la Chambre et de ses comités, […] elle n’est pas de la compétence exclusive du gouvernement, malgré sa prérogative indiscutable d’arrêter le programme des travaux dont la Chambre est saisie [200]  ». La présidence accepte par conséquent certaines motions dont de simples députés donnent avis pour examen à l’étape des « Motions », comme des motions d’instructions à un comité ou d’adoption d’un rapport de comité [201] . Lorsque des députés donnent avis par écrit d’autres motions de fond, celles-ci sont inscrites au Feuilleton sous « Affaires émanant des députés » [202] .

Lorsque le Président appelle les « Motions » pendant les Affaires courantes, n’importe quel député ou ministre peut se lever et proposer une motion, à condition de l’avoir inscrite au Feuilleton 48 heures au préalable. Autrement, le député ou le ministre doit solliciter le consentement unanime de la Chambre pour la proposer [203] . Si le député ou le ministre qui a donné avis d’une motion n’est pas présent ou ne souhaite pas la présenter, la motion reste inscrite au Feuilleton jusqu’à une séance ultérieure.

Les motions examinées à cette étape sont souvent présentées sans préavis, avec le consentement unanime de la Chambre, et adoptées sans débat. Parmi les motions présentées sous cette rubrique, on peut signaler celles qui visent à :

  • organiser les délibérations et les travaux de la Chambre ou de ses comités [204] ;
  • modifier l’ordre des travaux de la Chambre [205] ;
  • organiser les heures ou jours de séance de la Chambre [206] ;
  • modifier le Règlement [207] ;
  • suspendre le Règlement [208] ;
  • révoquer un ordre de la Chambre [209] ;
  • adopter un rapport de comité [210] ;
  • autoriser un comité à se déplacer [211] ;
  • créer un comité spécial [212] ;
  • ordonner à un comité de faire quelque chose [213] ;
  • modifier la composition d’un comité [214] ;
  • nommer des hauts fonctionnaires qui relèvent de la Chambre (comme le commissaire aux langues officielles, le commissaire à la protection de la vie privée, le directeur général des élections, et le commissaire à l’information) [215] ;
  • adresser des messages à d’autres pays [216] ; et
  • censurer des occupants du fauteuil [217] .

Bien que des motions de félicitations aient été présentées sous cette rubrique, le Président a mis en garde contre cette pratique [218] .

Une fois que la présidence a donné lecture d’une motion à la Chambre, le débat s’engage et il est permis d’y proposer des amendements; les règles normales du débat s’appliquent. Si, au cours du débat, une motion demandant de passer aux Ordres du jour est proposée et adoptée, la motion à l’étude est remplacée et rayée du Feuilleton [219] . Lorsque le débat sur toute motion examinée pendant les Affaires courantes est ajourné [220]  ou interrompu (par l’ajournement normal de la séance le lundi, par les « Déclarations de députés » le mardi et le jeudi, ou par les Affaires émanant des députés le mercredi et le vendredi) [221] , l’ordre de reprise du débat est transféré aux Ordres émanant du gouvernement [222] . La motion ne sera remise en délibération qu’à l’étape des Ordres émanant du gouvernement dans l’ordre que le gouvernement jugera bon [223] .

Motions d’adoption des rapports de comités

Les motions demandant l’adoption des rapports de comités sont inscrites à la rubrique des « Motions », au Feuilleton, après un préavis de 48 heures. N’importe quel député peut donner avis d’une telle motion et plus d’un député peut donner avis d’une motion visant à faire adopter le même rapport [224] . En général, c’est le président du comité qui donne avis d’une motion d’adoption du rapport de son comité et la présente. Comme pour toute motion qui n’est pas parrainée par un ministre, le député qui inscrit l’avis au Feuilleton est toutefois le seul qui puisse la proposer. En l’absence du motionnaire, un autre député ne peut la proposer en son nom qu’avec le consentement unanime de la Chambre [225] .

Comme mentionné précédemment, une telle motion peut être proposée sans préavis avec le consentement unanime de la Chambre pendant la séance au cours de laquelle le rapport de comité est déposé [226] . Le député qui présente le rapport déclare normalement qu’il sollicitera la permission de la Chambre de proposer l’adoption du rapport plus tard dans la journée, à l’étape des « Motions »; le rapport du comité peut alors, avec l’autorisation de la Chambre, être examiné. Ces rapports portent souvent sur les pouvoirs, les séances ou la composition d’un comité et sont d’habitude adoptés sans débat.

Motions pour affaire courante auxquelles le consentement unanime a été refusé

Une règle adoptée en avril 1991 permet à la Chambre d’examiner toute motion pour affaire courante dont on n’a pas donné avis et dont la présentation exige le consentement unanime, qui lui a été refusé [227] . Le Règlement définit une motion pour affaire courante comme étant toute motion qui « peut être requise pour l’observation du décorum de la Chambre, pour le maintien de son autorité, pour l’administration de ses affaires, pour l’agencement de ses travaux, pour la détermination des pouvoirs de ses comités, pour l’exactitude de ses archives et pour la fixation des jours où elle tient ses séances, ainsi que des heures où elle les ouvre ou les ajourne [228]  ». Lorsque le consentement a été refusé à la proposition d’une telle motion, un ministre peut se lever à l’étape des « Motions » pendant les Affaires courantes pour demander au Président de saisir la Chambre de la question [229] . Le Président met alors la question aux voix sans débat ni amendement [230] . Si, lorsqu’il demande à ceux qui s’y opposent de se lever à leur place, 25 députés ou plus se lèvent pour indiquer leur opposition, la motion est réputée retirée [231] ; autrement, elle est adoptée [232] . Depuis 1991, des motions proposées conformément à cet article du Règlement ont servi à déterminer les heures de séance de la Chambre, à s’entendre sur l’ajournement de la Chambre et la gestion de ses travaux, et à autoriser certains comités à se déplacer.

Présentation de pétitions

Un député qui désire présenter des pétitions à la Chambre peut s’y prendre de deux façons : il peut, à tout moment au cours d’une séance de la Chambre, déposer une pétition auprès du Greffier de la Chambre qui l’inscrit aux Journaux de la journée de séance [233] ; il peut aussi la présenter à la Chambre pendant les Affaires courantes lorsque le Président appelle la « Présentation de pétitions » [234] . Le greffier des pétitions doit examiner au préalable chaque pétition et les juger conformes quant à la forme et au contenu [235] . Si une pétition répond aux exigences du Règlement, un député la présente, lorsque le Président lui donne la parole à cette étape des Affaires courantes, et fait une courte déclaration pour informer la Chambre de son contenu.

Pendant la période de présentation des pétitions, qui ne doit pas dépasser 15 minutes [236] , le Président ne donne la parole qu’une fois à un député; s’il veut en présenter plusieurs, le député doit les présenter toutes lorsqu’il a la parole [237] . Il peut, dans sa déclaration, résumer l’objet de la pétition, indiquer de qui elle est et le nombre de signatures qu’elle porte [238] . Le député ne peut cependant pas faire de discours ou se lancer dans un débat sur la pétition ou à son sujet [239] . La pétition elle-même n’est pas lue [240] .

Historique

Pendant les 40 premières années de la Confédération, la seule façon pour les députés de présenter une pétition était de se lever pendant les Affaires courantes à l’appel de la rubrique « Présentation de pétitions ». En 1910, les règles concernant les pétitions ont été modifiées en profondeur. La rubrique « Présentation de pétitions » a été retirée des Affaires courantes et les députés qui souhaitaient présenter des pétitions de leur place devaient le faire avant le « Dépôt de bills ». Une deuxième procédure, reprise du Parlement britannique, a aussi été adoptée pour permettre aux députés de déposer simplement leurs pétitions auprès du Greffier de la Chambre pendant les heures de séance [241] . Les règles concernant la présentation de pétitions sont restées inchangées jusqu’en 1986, où la rubrique de la « Présentation de pétitions » a été rajoutée aux Affaires courantes [242] . La présentation de pétitions cependant prenait parfois beaucoup de temps à la Chambre et l’empêchait de procéder à autre chose [243] . C’est ce qui a motivé, en partie, le réagencement des rubriques des Affaires courantes en 1987; la « Présentation de pétitions » est maintenant l’avant-dernière rubrique abordée [244] . En 1991, pour empêcher les députés de se servir des pétitions pour retarder le passage à d’autres affaires courantes et à l’ordre du jour, la période de présentation des pétitions a été limitée à 15 minutes [245] .

Diverses conditions, conventions et pratiques s’appliquent à l’attestation et à la présentation des pétitions. Ces questions, ainsi que l’historique de la présentation de pétitions à la Chambre, sont examinées en détail au chapitre 22, « Les pétitions d’intérêt public ».

Questions inscrites au Feuilleton

Il s’agit de la dernière rubrique des affaires courantes. Les règles de la Chambre ont toujours comporté un mécanisme pour obtenir réponse aux questions écrites [246]. Cependant, de 1867 à 1975, la Chambre ne passait pas nécessairement chaque jour à la rubrique des « Questions inscrites au Feuilleton », et ce pour deux raisons. À une époque, cette rubrique n’avait priorité sur l’ordre du jour que certains jours de la semaine et la Chambre ne s’y rendait habituellement pas les autres jours. À d’autres époques, le Règlement limitait l’appel de cette rubrique à certains jours de la semaine, le lundi et le mercredi par exemple. À partir de 1975, une modification du Règlement garantissait que la Chambre atteindrait chaque jour cette rubrique; c’était même le premier point abordé chaque jour après les Affaires courantes et avant de passer à l’ordre du jour [247] . En juin 1987, à la suite de modifications du Règlement, la rubrique des « Questions inscrites au Feuilleton » a été ajoutée aux Affaires courantes [248] .

Les députés peuvent inscrire en même temps au Feuilleton au plus quatre questions « sur quelque affaire publique » adressées à un ministre [249] . Un député peut demander au gouvernement de répondre à une question particulière dans les 45 jours s’il l’indique au moment du dépôt [250] ; il peut aussi demander une réponse orale en marquant d’un astérisque au plus trois questions [251] . Lorsque le préavis requis est écoulé, la question paraît au Feuilleton.

Lorsque le Président appelle les « Questions inscrites au Feuilleton » pendant les Affaires courantes, un ministre, ou le plus souvent le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, se lève à sa place pour annoncer à quelles questions le gouvernement se propose de répondre ce jour-là. Le gouvernement peut répondre aux questions écrites de deux manières. D’abord, le secrétaire parlementaire peut indiquer simplement à la Chambre le numéro de la question à laquelle le gouvernement répond [252]  et le texte de la réponse apparaît dans les Débats du jour comme si le ministre auquel la question est adressée s’était levé à la Chambre pour donner une réponse intégrale [253] . Si une réponse orale est sollicitée, le secrétaire parlementaire peut répondre oralement, ou demander à la Chambre de considérer qu’il a répondu à la question sans lire à haute voix le texte de la réponse, laquelle sera imprimée dans les Débats [254] . L’autre façon serait que le gouvernement demande à la Chambre de transformer une question donnée en un « ordre de dépôt de documents »; c’est-à-dire que la Chambre ordonne au gouvernement de déposer un document qui servira de réponse à la question. Cela se fait habituellement lorsque la réponse est trop longue pour l’intégrer facilement aux Débats. Si la Chambre convient de procéder ainsi, la réponse est déposée auprès du Greffier sous forme de document parlementaire auquel le public a accès; le texte de la réponse ne paraît pas dans les Débats [255] . À défaut d’entente, le gouvernement ferait lecture de la réponse dans le cas d’une question marquée d’un astérisque; s’il s’agit d’une demande de dépôt de documents, le gouvernement peut décider de ne pas donner suite à la question le jour même [256]  ou faire en sorte que le ministre dépose la réponse à l’étape du « Dépôt de documents ».

Après avoir indiqué les questions auxquelles il sera répondu un jour donné, le secrétaire parlementaire ou le ministre désigné demande à la Chambre que les autres questions restent au Feuilleton. Ces questions, qui en seraient autrement rayées, gardent ainsi leur rang [257] .

C’est pour les députés le moment de soulever toute inquiétude qu’ils pourraient avoir au sujet de leurs questions et de se renseigner sur ce qu’il en est. Si un député a demandé que l’on réponde à sa question dans les 45 jours et qu’on n’y a toujours par répondu après ce délai, il peut se lever à l’étape des « Questions inscrites au Feuilleton » et donner avis de son intention de reporter la question aux délibérations sur la motion d’ajournement et de la soulever alors [258] . La question est alors rayée du Feuilleton.

Les procédures concernant les questions écrites et les réponses qui leur sont données sont examinées plus en détail au chapitre 11, « Les questions ».

Avis de motions portant production de documents

La rubrique des « Avis de motions portant production de documents » n’est appelée que le mercredi. On la tient même comme le dernier point des Affaires courantes, après les « Questions inscrites au Feuilleton ». Des dispositions législatives obligent les ministres à déposer divers documents qui ont trait à leurs responsabilités ministérielles (voir la section sur le « Dépôt de documents »). Il arrive toutefois qu’un député veuille prendre connaissance de documents dont le dépôt n’est pas exigé par une loi. Dans ce cas, le député peut donner avis, dans le Feuilleton des Avis, d’un type spécial de motion priant le gouvernement de réunir ou de produire certains documents ou rapports et de les déposer à la Chambre. Après le préavis obligatoire de 48 heures, ces avis de motions sont reportés au Feuilleton sous la rubrique « Avis de motions portant production de documents ».

Historique

Au début de la Confédération, les demandes de documents étaient traitées exactement comme les autres motions d’initiative parlementaire. Elles n’étaient appelées que les jours réservés aux simples députés et n’avaient priorité que selon la date de leur inscription au Feuilleton. Comme la Chambre abordait rarement ces motions, la coutume s’est établie de les mettre en délibération avec le consentement de la Chambre et de les adopter en bloc.

En 1910, une nouvelle façon d’obtenir des documents a été adoptée [259] . Le mécanisme permettait à tout député de présenter une motion de dépôt de documents sans débat. Cela se faisait à l’étape des « Avis de motions portant production de documents » qui avait priorité sur la rubrique déjà établie des « Avis de motions ». La Chambre décidait sur-le-champ des avis de motions portant producton de documents appelés. Si un député ou un ministre souhaitait un débat à son sujet, la motion était reportée au Feuilleton sous la rubrique « Avis de motions » à cette fin.

Le Règlement a été modifié en 1955 afin d’ajouter au programme quotidien des travaux une rubrique distincte des « Avis de motions portant production de documents ». Cela garantissait en outre que l’on se rendrait jusqu’aux « Avis de motions portant production de documents » les jours réservés aux députés [260] .

Des changements provisoires apportés au Règlement en 1961 [261]  et devenus permanents en 1962 [262]  limitaient au mercredi, à la fin des Affaires courantes, l’appel des « Avis de motions portant production de documents ». Une nouvelle catégorie particulière, celle des « Avis de motions (documents) », où seraient inscrits les avis de motions portant production de documents reportés en vue d’un débat, a aussi été ajoutée aux Affaires émanant des députés. Cette procédure existe toujours, mais il est rare que des députés inscrivent des avis de motions (documents) à l’ordre de priorité des Affaires émanant des députés à la suite du tirage au sort [263] .

Façons d’appeler les avis

Les avis de motions portant production de documents ressemblent à des questions écrites en ce sens qu’ils visent à obtenir de l’information du gouvernement. Toutes ces motions prennent la forme soit d’un ordre de la Chambre (« Qu’un ordre de la Chambre soit donné… ») ou d’une adresse à la Couronne (« Qu’une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant de faire déposer à la Chambre… »). Une motion devient ainsi, une fois adoptée, soit un ordre demandant au gouvernement de déposer (« produire ») certains documents à la Chambre, soit une adresse au gouverneur général demandant que certains documents soient transmis à la Chambre. Les ordres de la Chambre sont réservés aux documents portant sur des questions liées directement aux ministères fédéraux. Les adresses sont des messages formels par lesquels la Chambre demande à la Couronne de produire des documents en sa possession, comme la correspondance échangée entre l’administration fédérale et d’autres gouvernements, les décrets et des documents concernant l’administration de la justice, la conduite des juges en tant que tels et l’exercice des prérogatives de la Couronne [264] . Les motions portant dépôt de documents doivent être rédigées soigneusement et indiquer de façon claire et précise l’information requise [265] . Il appartient au Président de s’assurer que la motion dont la Chambre est saisie respecte la forme prescrite, c’est-à-dire que la motion correspond aux fins visées [266] .

Lorsque le Président appelle cette rubrique le mercredi, l’issue de chacun des avis de motions appelés peut différer [267]  :

  1. Motion jugée acceptable par le gouvernement
    Un ministre ou un secrétaire parlementaire (habituellement le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre) [268] se lève et déclare que le gouvernement juge l’avis de motion acceptable. Le Président demande alors à la Chambre si elle convient que la motion soit réputée adoptée. Si la Chambre accepte, la motion est adoptée sans débat ni amendement. Elle devient alors un ordre donné au gouvernement de produire un document soit immédiatement, soit à une date ultérieure [269] . Si la Chambre refuse, la motion est soit reportée à l’ordre du jour en vue d’un débat [270], soit mise aux voix sur-le-champ sans débat ni amendement.
  2. Motion que le gouvernemen accepte avec des réserves
    Un ministre ou un secrétaire parlementaire se lève et déclare que le gouvernement accepte un avis de motion sous certaines réserves (la confidentialité, p. ex.). Le Président demande alors à la Chambre si elle convient que la motion soit réputée adoptée. Si la Chambre accepte, la motion est adoptée sans débat ni amendement. Elle devient alors un ordre donné au gouvernement de produire immédiatement ou plus tard les documents qui ne sont pas visés par la réserve [271] . Si la Chambre refuse, la motion est soit reportée à l’ordre du jour en vue d’un débat [272], soit mise aux voix sur-le-champ sans débat ni amendement.
  3. Motion rejetée par le gouvernement, que le député est prié de retirer
    Un ministre ou un secrétaire parlementaire se lève et déclare que le gouvernement juge la motion inacceptable et demande au député de la retirer. Si le député accepte, la motion est retirée [273] . Sinon, le motionnaire ou un ministre peut demander que la motion soit reportée à l’ordre du jour en vue d’un débat [274] . Il est arrivé souvent qu’on demande le retrait d’un avis de motion même en l’absence du motionnaire. Il serait cependant logique qu’une telle demande ne se fasse qu’en présence du motionnaire. En son absence, une autre façon de procéder serait qu’un ministre demande immédiatement, lorsqu’un avis de motion est appelé, de le reporter à l’ordre du jour en vue d’un débat. Lorsqu’une telle demande est formulée, la motion est reportée, sans débat ni amendement, aux Affaires émanant des députés, au Feuilleton, sous la rubrique « Avis de motions (documents) » dans la liste des affaires qui ne font pas partie de l’ordre de priorité. Elle peut faire l’objet d’un débat à une date ultérieure si le député la retient après le tirage au sort en vue d’établir l’ordre de priorité. Si, une fois appelée, personne ne demande qu’elle soit reportée à l’ordre du jour en vue d’un débat, la motion doit être mise aux voix sur-le-champ sans débat ni amendement [275] .
  4. Un député demande d’appeler un avis
    Un député se lève et demande au Président d’appeler son avis de motion. Le député ou un ministre peut demander que l’avis soit reporté à l’ordre du jour en vue d’un débat à l’étape des Affaires émanant des députés [276] . La motion est alors reportée, sans débat ni amendement, aux Affaires émanant des députés, au Feuilleton, sous la rubrique « Avis de motions (documents) » dans la liste des affaires qui ne font pas partie de l’ordre de priorité. Elle peut faire l’objet d’un débat à une date ultérieure si le député la retient après le tirage au sort en vue d’établir l’ordre de priorité. Si, une fois appelée, personne ne demande qu’elle soit reportée à l’ordre du jour en vue d’un débat, la motion doit être mise aux voix sur-le-champ sans débat ni amendement. Si la motion est adoptée, elle se transforme en ordre de la Chambre demandant que le document soit produit immédiatement ou à une date ultérieure [277] .
  5. Avis réservés
    Un ministre ou un secrétaire parlementaire se lève et demande que tous les avis de motions soient réservés et gardent leur rang au Feuilleton [278] . Si certains avis ont été expédiés, le ministre ou le secrétaire parlementaire demande que les autres soient reservés.

Réponses aux ordres de production de documents

En 1973, le gouvernement a communiqué à la Chambre des communes sa vision des principes généraux régissant les « Avis de motions portant production de documents » [279] . Sans que la Chambre ne les ait approuvés en bonne et due fore, ces principes sont suivis depuis lors [280]  :

Principe général
Pour permettre aux députés d’obtenir des renseignements concrets sur l’activité du gouvernement afin de remplir leurs fonctions parlementaires et pour rendre public le plus de renseignements possible tout en respectant les conditions d’une administration efficace et de la sécurité de l’État, le droit au secret et d’autres impératifs analogues, les documents du gouvernement et les rapports d’experts-conseils seront déposés sur avis de motion portant production de documents à moins qu’ils n’appartiennent à l’une des catégories ci-après, auquel cas on demandera que soit faite une exception.

Exemptions
Les critères suivants serviront à établir si des documents du gouvernement doivent être soustraits à la règle générale :

  1. Les avis juridiques fournis pour l’usage du gouvernement;
  2. Les documents dont la publication serait préjudiciable à la sécurité de l’État;
  3. Les documents portant sur les relations internationales dont la publication pourrait nuire à la poursuite des relations du Canada avec l’étranger (la publication de documents reçus d’autres pays ne peut se faire qu’avec la permission du pays expéditeur);
  4. Les documents dont la publication pourrait nuire aux relations fédérales-provinciales ou interprovinciales; (la publication de documents reçus des provinces ne peut se faire qu’avec la permission de la province expéditrice);
  5. Les documents qui contiennent des renseignements dont la publication permettrait ou entraînerait une perte ou un gain financiers directs pour une personne ou un groupe de personnes;
  6. Les documents où la compétence ou les mœurs d’une personne sont mises en doute;
  7. Les documents volumineux ou dont la préparation entraînerait des frais excessifs ou demanderait trop de temps;
  8. Les documents qui portent sur les affaires du Sénat;
  9. Les documents dont la publication serait personnellement embarrassante pour Sa Majesté, pour la famille royale ou pour les représentants officiels de Sa Majesté;
  10. Les documents portant sur des négociations devant aboutir à un contrat, jusqu’à ce que le contrat soit conclu ou que les négociations aient abouti;
  11. Les documents dont la loi interdit la divulgation;
  12. Les documents du Cabinet et les documents classés confidentiels par le Conseil privé;
  13. Toute procédure introduite devant un tribunal judiciaire ou toute enquête judiciaire;
  14. Les documents privés ou confidentiels n’ayant pas de caractère public ou officiel;
  15. Les notes de service ministérielles;
  16. Les documents demandés, soumis ou reçus confidentiellement par le gouvernement de sources extragouvernementales.

Correspondance ministérielle
La correspondance des ministres de caractère personnel, portant sur leur circonscription ou sur des questions politiques d’ordre général ne doit pas être assimilée à des documents gouvernementaux et ne doit donc pas être produite en Chambre.

Expertises
Dans le cas d’études faites par des experts-conseils, il faut s’en tenir aux directives suivantes :

  • Les expertises dont la nature est identifiable et comparable aux travaux exécutés au sein de la fonction publique doivent être considérées comme telles (les rapports ainsi que les mandats) lorsqu’on envisage de les publier;
  • Les expertises dont la nature est identifiable et comparable au genre d’enquête publique pouvant être remplacée par une commission royale d’enquête doivent être considérées comme telles; le mandat s’y rapportant et les rapports qui en résultent doivent être produits;
  • Avant de recourir aux services d’un expert, les ministres doivent décider de la catégorie à laquelle appartient l’étude et, en cas de doute, demander l’avis de leurs collègues;
  • Indépendamment de la catégorie (1 ou 2 ci-dessus) à laquelle appartiendra le rapport d’expert, le mandat et le contrat d’expertise doivent être tels que le rapport résultant comprenne au moins deux volumes, le premier contenant les recommandations et les autres, les faits et l’analyse de l’étude. L’objet de cette distinction est de faciliter la publication des faits et de l’analyse (à condition qu’ils ne soient pas au nombre des exceptions ci-dessus), et de permettre une étude distincte des recommandations (qui, dans le cas des études de catégorie 1, ne seraient pas produites) par les ministres.
  • Malgré ces principes formulés par le gouvernement, il n’appartient pas à la présidence de décider quels documents doivent être déposés ou si les documents déposés sont complets. Si un député n’est pas heureux du résultat, il peut revenir à la charge avec une autre motion [281] .

    Même si les ordres portant production de documents ne fixent pas d’échéance, il faut s’y conformer dans un délai raisonnable [282] . Le Président n’est toutefois pas habilité à décider quand les documents doivent être déposés [283] . D’autre part, la prorogation n’annule pas un ordre de dépôt de documents [284] .


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