Tous les auteurs s’accordent
à reconnaître que le droit d’adresser des pétitions au
Parlement en vue d’obtenir la réparation de torts est
considéré comme [un] principe fondamental de la Constitution. Il a
été exercé sans interruption depuis les temps les plus
reculés et a agi profondément sur la détermination des
principales formes de la procédure parlementaire.
Président Gaspard Fauteux
(Débats, 18 juin 1947, p. 4275)
E
n termes simples, la pétition est
une requête officielle adressée à une autorité afin
d’obtenir la réparation d’un tort. Les pétitions
adressées à la Chambre des communes et présentées
par les députés constituent l’un des moyens de communication
les plus directs entre la population et le Parlement. Elles en sont certainement
l’un des plus anciens puisqu’elles ont été
qualifiées d’« ancêtre des formules parlementaires »,
de « semence d’où sont nées toutes les procédures
de la Chambre des
communes [1] ».
De nos jours, les pétitions
constituent un outil politique, un instrument pour tenter d’influer sur
les lois et politiques, de même qu’un moyen utile — si
l’on en juge par leur popularité — de soumettre au Parlement
les préoccupations de la population. Les pétitions peuvent
également être utilisées par les députés et
ministres pour formuler les politiques publiques et pour s’acquitter de
leurs fonctions de représentants élus. Au début des
années 1980, après de nombreuses années où la
pétition semblait avoir été quelque peu abandonnée,
on a assisté à un regain d’intérêt, qui ne
s’est pas démenti
depuis [2] .
Ce
phénomène est illustré par la figure 22.1, qui montre le
nombre de pétitions présentées durant chaque session, de la
septième session de la 12e législature (1917) à
la deuxième session de la 35e législature (1997).
Figure 22.1 – Pétitions présentées à la Chambre des communes depuis 1917
Sess. parl. (an) |
Pétitions |
Sess. parl. (an) |
Pétitions |
Sess. parl. (an) |
Pétitions |
|
12.7 (1917) |
2 788 |
18.1 (1936) |
1 |
26.3 (1965) |
3 |
13.1 (1918) |
2 |
18.2 (1937) |
3 |
28.2 (1969-70) |
2 |
13.2 (1919) |
364 |
18.3 (1938) |
8 |
28.3 (1970-72) |
2 |
13.3 (1919) |
1 |
18.4 (1939) |
10 |
28.4 (1972) |
4 |
13.4 (1920) |
6 |
18.5 (1939) |
10 |
29.1 (1973-74) |
4 |
13.5 (1921) |
11 |
19.1 (1940) |
2 |
29.2 (1974) |
1 |
14.2 (1923) |
3 |
19.2 (1940-42) |
1 |
30.1 (1974-76) |
21 |
14.3 (1924) |
4 |
19.3 (1942-43) |
1 |
30.2 (1976-77) |
12 |
14.4 (1925) |
5 |
19.5 (1944-45) |
22 |
30.3 (1977-78) |
7 |
15.1 (1926) |
6 |
20.2 (1946) |
2 |
30.4 (1978-79) |
2 |
16.1 (1926-27) |
32 |
20.3 (1947) |
8 |
31.1 (1979) |
3 |
16.2 (1928) |
6 |
20.4 (1947-48) |
1 |
32.2 (1983-84) |
185 |
16.3 (1929) |
584 |
20.5 (1949) |
3 |
33.1 (1984-86) |
3 899 |
16.4 (1930) |
178 |
21.7 (1952-53) |
3 |
33.2 (1986-88) |
5 575 |
17.2 (1931) |
5 |
22.2 (1955) |
1 |
34.1 (1988-89) |
16 |
17.3 (1932) |
3 |
22.5 (1957) |
1 |
34.2 (1989-91) |
8 928 |
17.4 (1932-33) |
9 |
25.1 (1962-63) |
1 |
34.3 (1991-93) |
5 282 |
17.5 (1934) |
12 |
26.1 (1963) |
1 |
35.1 (1994-96) |
4 271 |
17.6 (1935) |
3 |
26.2 (1964-65) |
2 |
35.2 (1996-97) |
2 361 |
Ce
chapitre traite des pétitions dites d’intérêt public, des règles qui régissent
leur formulation, leur contenu et leur présentation, des réponses du
gouvernement aux pétitions, ainsi que du rôle et des responsabilités du greffier
des pétitions. On traitera des pétitions introductives de projets de loi privés
au chapitre 23, « Les projets de loi d’intérêt privé ».
Historique
On
mentionne souvent que la possibilité pour les citoyens de présenter des
pétitions au Parlement en vue du redressement d’un grief constitue un droit
fondamental, ou un principe constitutionnel fondamental [3] ,
mais la
Constitution est en fait muette sur ce point. Ce droit est toutefois bien
reconnu puisqu’il est fondé sur des précédents et une tradition établis il y a
plusieurs siècles.
C’est
au treizième siècle, sous Édouard Ier, qu’on a
commencé à présenter des pétitions à la Couronne (et plus tard au Parlement)
pour obtenir le redressement d’un tort. On avait ainsi recours à la prérogative
de la Couronne, qui se situait au-dessus de la loi. Lorsque ces pétitions
étaient jugées fondées, elles donnaient lieu à des lois d’intérêt privé dans le
cas des individus et des groupes, et à des lois d’intérêt public dans le cas de
la nation dans son ensemble.
Au
Moyen Âge, avant que le Parlement ne prenne sa forme actuelle et alors que ses
fonctions judiciaires et législatives n’étaient pas encore bien définies, les
receveurs et vérificateurs des pétitions nommés par la Couronne parcouraient le
pays pour entendre les plaintes de la population. Certaines questions étaient
renvoyées aux tribunaux locaux par les vérificateurs, mais d’autres étaient
jugées dignes d’être examinées par la haute cour du Parlement.
Lorsque le Parlement, un organe principalement judiciaire à
l’époque, s’est transformé en un corps avant tout législatif et que ses
fonctions judiciaires ont été reprises par les tribunaux, la nature des
pétitions a changé. À la fin du quatorzième siècle, les individus et sociétés
qui adressaient des pétitions au Parlement ou à la Chambre des communes
cherchaient à obtenir une « réparation » législative. À la même époque, les
pétitions présentées par la Chambre des communes à la Couronne — qui revêtaient
un caractère général et exprimaient des griefs nationaux — sont devenues
fréquentes. Les premiers actes législatifs du Parlement britannique sont
intervenus lorsque les Communes ont adressé une pétition au roi pour qu’il
modifie la loi (ce qui devait aboutir à la législation par projet de loi,
lorsque les Communes, plus tard, se chargeraient de rédiger la loi souhaitée
pour qu’elle puisse être ensuite acceptée ou rejetée — mais jamais modifiée —
par la Couronne). C’est au dix-septième siècle qu’on a vu apparaître ce qu’on
peut appeler aujourd’hui les pétitions « modernes », soit celles adressées au
Parlement, rédigées d’une manière prescrite et traitant habituellement de griefs
publics [4] .
Au
Canada, les dispositions relatives aux pétitions (qui existaient depuis
longtemps dans les assemblées législatives antérieures à la Confédération) ont
toujours fait partie des règles écrites de la Chambre [5] .
Les règles
adoptées en 1867 ont été quelque peu étoffées en 1910, et elles ont ensuite été
appliquées sans modification importante pendant 76 ans [6] .
Toutefois,
immédiatement après la Confédération, on a commencé à adopter toute une série de
pratiques qui ont fini par former un ensemble de conditions de forme et de
contenu qui, même si elles n’étaient pas incluses dans le Règlement, devaient
quand même être respectées pour qu’une pétition soit jugée acceptable à la
Chambre.
Au
début et au milieu des années 1980, un regain d’intérêt pour les pétitions a eu
pour effet que leur présentation accaparait une grande partie du temps de la
Chambre, au détriment parfois d’autres travaux [7] .
De plus, la
présidence a dû parfois intervenir afin de statuer sur des questions de
recevabilité ainsi que de présentation des pétitions [8] .
Par
conséquent, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le
Comité McGrath) formula plusieurs recommandations afin de clarifier les règles
relatives aux pétitions, d’uniformiser leur présentation, de garantir leur
recevabilité sur le plan du contenu et d’établir des lignes directrices quant à
leur forme et aux signatures des pétitionnaires [9] .
En 1986, la
Chambre a apporté des modifications au Règlement pour donner suite à ces
recommandations [10] .
La
modification la plus importante prévoyait la certification des pétitions par le
greffier des pétitions avant leur présentation à la Chambre. On établissait
aussi diverses conditions — dont certaines n’avaient jamais été codifiées, mais
qui étaient bien établies par l’usage et la pratique — qu’il fallait remplir
pour que les pétitions soient jugées correctes quant à leur forme et à leur
contenu (par exemple, les pétitions doivent comporter une requête priant de
prendre certaines mesures, adopter un ton respectueux et porter des signatures
originales). Des lignes directrices du Président mentionnaient ces conditions et
d’autres pratiques établies concernant la présentation des pétitions durant les
affaires courantes [11] .
Enfin, une
nouvelle règle obligeait le gouvernement à répondre aux pétitions.
En
1987, plusieurs modifications ont été adoptées, en particulier une nouvelle
disposition obligeant les signataires à indiquer leur adresse [12] .
De plus,
l’ordre et le nombre des rubriques inscrites sous les affaires courantes ont été
modifiés de sorte que la « Présentation de pétitions », auparavant la cinquième
des neuf rubriques, est devenue la neuvième de dix [13] .
En 1991, une
autre modification est venue limiter à 15 minutes la période consacrée à la
présentation des pétitions durant les affaires courantes [14] .
Une
modification adoptée en 1994 stipulait que les pétitions originales devaient
être transmises au gouvernement (Bureau du Conseil privé) et que les réponses du
gouvernement pouvaient être déposées auprès du Greffier de la Chambre [15] .
Lignes directrices actuelles sur les pétitions
Les
pétitions ont toujours été vérifiées par un fonctionnaire de la Chambre des
communes. C’est dans les modifications apportées aux règles en 1910 qu’on
mentionne pour la première fois l’existence d’un greffier des pétitions [16] .
Jusqu’en 1986,
cette vérification avait lieu après que les députés avaient présenté leurs
pétitions, mais le Règlement stipule maintenant que les pétitions doivent être
certifiées correctes par le greffier des pétitions quant à la forme et au
contenu avant leur présentation à la Chambre [17] .
Les pétitions
qui ne remplissent pas ces conditions ne peuvent être certifiées et seules les
pétitions certifiées peuvent être présentées à la Chambre [18] .
Les
rédacteurs de pétitions peuvent consulter le greffier des pétitions afin de
s’assurer que le texte proposé est conforme aux règles et usages de la Chambre.
Une fois qu’une pétition est signée et est prête à être certifiée, le député la
transmet au greffier des pétitions, avec une demande écrite de certification. Le
greffier des pétitions examine chaque pétition reçue, notamment les signatures,
afin de s’assurer que la forme et le contenu répondent aux conditions. Si la
pétition est recevable, un certificat signé par le greffier des pétitions lui
est joint et la pétition est retournée au député pour présentation à la Chambre.
Si la pétition ne peut être certifiée, elle est renvoyée au député avec une note
explicative.
Quiconque contrefait une signature sur une pétition ou y
appose une signature fictive, ou est complice ou instruit d’une telle
contrefaçon ou fraude, peut être accusé d’atteinte aux privilèges de la
Chambre [19] .
La forme
Une
pétition commence habituellement par un titre précisant qu’il s’agit d’une
pétition et qu’elle est adressée à la Chambre des communes. Puis vient une
mention qui établit l’identité des pétitionnaires; ceux-ci attirent ensuite
l’attention de la Chambre sur un grief qui est généralement énoncé dans un
paragraphe. La partie finale et essentielle de la pétition est une requête,
qu’on appelle « prière », où les pétitionnaires indiquent les mesures qu’ils
souhaitent que la Chambre prenne pour donner suite à leur grief. Les signatures
et adresses des pétitionnaires suivent. Le modèle recommandé pour les pétitions
est reproduit à la figure 22.2.
La pétition est adressée à la Chambre des communes
Comme
la pétition vise la Chambre, il faut donc au départ qu’elle soit adressée à la
Chambre des communes, ou à la Chambre des communes réunie en Parlement [20] ,
plutôt qu’au
gouvernement, au premier ministre, à un ministre ou député, ou à une autorité de
l’extérieur. La mention « à la Chambre des communes » ou « à la Chambre des
communes en Parlement assemblée » devrait normalement figurer au début de la
pétition.
Prière
Pour
être certifiées en vue de leur présentation à la Chambre, les pétitions doivent
contenir une prière, c’est-à-dire une requête concise, claire et respectueuse
demandant à la Chambre de prendre ou de ne pas prendre certaines mesures pour
les raisons invoquées. Les pétitions sans prière — c’est-à-dire les documents
contenant uniquement une déclaration d’opinion ou l’énoncé d’un grief — ne
peuvent être acceptées comme des pétitions [21] .
Les mesures
demandées doivent en outre relever de la compétence du Parlement [22] .
Une pétition
concernant une question qui ne relève pas du Parlement — mais plutôt de la
compétence d’un gouvernement provincial ou d’une municipalité, par exemple — ne
serait pas jugée acceptable pour présentation à la Chambre [23] .
La pétition est manuscrite, dactylographiée ou imprimée sur du papier de grandeur normale
Pour
être certifiées, les pétitions doivent être manuscrites, dactylographiées ou
imprimées sur du papier de grandeur normale [24] .
Les règles
écrites précisent depuis la Confédération que les pétitions doivent être écrites
ou imprimées [25] .
Les pétitions
contenant un texte photocopié sont acceptables. De nos jours, on entend par
« papier de grandeur normale » des feuilles de 21,5 x 28 cm (8,5 x 11 po) ou de
21,5 x 35,5 cm (8,5 x 14 po). Les pétitions produites sur d’autres matériaux que
le papier ne sont pas acceptables; de la même façon, les pétitions de taille
anormale ne sont pas acceptées [26] .
Ratures ou rajouts
Pour
être jugé acceptable, le texte d’une pétition ne doit contenir aucune rature ou
rajout [27] ;
c’est-à-dire
que le texte ne peut être modifié en effaçant ou en rayant des mots, ou encore
en ajoutant des mots ou des commentaires.
Pièces jointes, annexes ou longs extraits
Conformément à une pratique établie en 1876, une pétition
n’est pas recevable si elle est accompagnée de lettres, d’affidavits ou d’autres
documents [28] .
Ainsi, tout
article de journal, carte, image, ou déclaration explicative ou justificative
qui est joint ou annexé à une pétition la rend irrecevable. Cette interdiction
de pièces jointes et annexes s’applique aux inscriptions non pertinentes
écrites, photocopiées ou fixées sur la pétition elle-même [29] .
Les pétitions
reprenant de longs extraits de documents ou publications ont également été
jugées irrecevables [30] .
Une adresse de
retour peut toutefois figurer sur la pétition sans qu’elle ne constitue un
obstacle à sa certification.
Objet de la requête indiqué sur chaque feuille
Lorsque la pétition comprend plus d’une feuille de
signatures et d’adresses, chacune des pages doit contenir une indication de
l’objet de la pétition [31]
de sorte que
les pétitionnaires soient pleinement conscients de la nature du document qu’ils
signent. Pour ce faire, on ajoute habituellement une note au haut de chaque page
(voir figure 22.2).
Langue
Les
pétitions peuvent être rédigées dans l’une ou l’autre langue officielle [32] .
Elles
devraient adopter un ton respectueux et modéré, ne pas manquer de respect à
l’égard du souverain et ne pas s’attaquer au Parlement, aux tribunaux ou à toute
autorité constituée [33] .
Pendant de
nombreuses années, les pétitions étaient rédigées dans un style solennel. Elles
commençaient ainsi : « À l’honorable Chambre des communes
du Canada, en Parlement assemblée. La pétition des soussignés […] qui se
prévalent maintenant de leur droit ancien et incontesté de présenter un grief
commun dans l’assurance certaine que votre honorable Chambre y portera remède,
déclare humblement », et elle se terminait par cette formule : « Et vos pétitionnaires ne cesseront de prier ». En
1985, un comité spécial a recommandé qu’il n’était pas nécessaire d’utiliser ces
formules traditionnelles qu’il jugeait archaïques [34] .
Il y a encore
des pétitions qui sont rédigées dans un style solennel, mais celles dont le
libellé est plus moderne sont tout aussi acceptables à la Chambre, à condition
que la teneur soit la même. Par exemple, dans la figure 22.2, les formules
d’introduction et de conclusion citées ci-dessus ont disparu et les
pétitionnaires « demandent » que le Parlement réponde à leur requête plutôt que de
lui « demander humblement » de le faire.
Contenu
Questions relevant de la compétence de la Chambre
On a
déjà mentionné que la « prière » ou requête d’une pétition doit concerner la prise
de mesures qui relèvent de la compétence de la Chambre [35] .
Il s’ensuit
donc que la pétition doit exposer une situation dans laquelle la Chambre a le
pouvoir d’intervenir [36] .
Les questions
relevant des provinces ou municipalités ou celles qui devraient plutôt être
soumises à une cour de justice ou à un tribunal ne peuvent donc pas faire
l’objet d’une pétition présentée à la Chambre des communes. Au fil des ans, la
Chambre a choisi de déléguer certaines questions aux tribunaux et à d’autres
organismes administratifs ou réglementaires. Les pétitions portant sur des
questions déléguées à un autre organisme n’ont pas toujours été jugées
acceptables [37] .
Engagement de fonds publics
Dans
le passé, les pétitions demandant l’engagement de fonds publics et n’ayant pas
fait l’objet d’une recommandation de la Couronne (recommandation royale)
n’étaient pas présentées à la Chambre [38] .
Il s’agit ici
d’un principe fondamental : c’est la Couronne qui prend l’initiative d’engager
des dépenses publiques [39] .
De nombreuses
décisions de la présidence ont maintenu la pratique de rejeter les pétitions
impliquant l’engagement de fonds publics [40] ,
tout en
tentant de préserver, sans trop le limiter, le droit consacré des citoyens de
présenter une pétition à la Chambre pour obtenir réparation d’un tort. En 1869,
lorsqu’on s’opposa à l’acceptation d’une pétition parce qu’elle semblait
demander l’attribution de fonds publics non recommandés par la Couronne, le
Président la définit comme une pétition demandant l’adoption d’une mesure
législative plutôt que de l’argent, créant ainsi une distinction entre les
requêtes directes, qui ne pouvaient être acceptées, et les requêtes indirectes
(devenues des requêtes demandant des mesures législatives ou « des mesures que la
Chambre peut juger à propos de prendre »), qui pouvaient être acceptées [41] .
En 1987, le
Président maintint la décision du greffier des pétitions de rejeter une pétition
demandant au Parlement d’accorder des crédits fédéraux aux provinces et
territoires pour les garderies sans but lucratif, mais formula ensuite
l’observation suivante :
Le droit de présenter des pétitions au Parlement est
fondamental dans notre système parlementaire, et il n’est pas déraisonnable de
croire que la solution réside, dans bien des cas, dans le décaissement de fonds
publics. Un requérant peut présenter une pétition afin d’obtenir de l’aide dans
une situation difficile; or, la simple modification du libellé pourrait rendre
recevable une pétition qui serait autrement irrecevable. On pourrait contourner
la difficulté en présentant une pétition dans laquelle il serait demandé
d’adopter une mesure qui accorderait l’aide demandée [42] .
Signatures et adresses
De
1867 jusqu’en 1986, une pétition pouvait être présentée à la Chambre par une
seule personne. Les modifications au Règlement adoptées en 1986 ont eu pour
effet d’exiger dorénavant qu’une pétition contienne au moins 25 signatures pour
être certifiée [43] .
En 1987, une
nouvelle modification précisait que les signatures devaient être accompagnées
des adresses des pétitionnaires [44] .
Ceux-ci ne
peuvent signer au nom de quelqu’un d’autre. L’adresse inscrite peut être
complète ou indiquer simplement le nom de la ville et de la province où réside
le pétitionnaire. Les pétitions doivent porter des signatures originales
inscrites directement et non collées ou autrement reproduites [45] .
En 1872, une
pétition reçue par télégraphe a été jugée irrecevable parce qu’elle ne contenait
aucune signature originale [46] .
En 1986, le
Président statua que les signatures photocopiées étaient inacceptables pour la
même raison [47] .
Un député peut
signer une pétition, mais il devrait demander à un autre député de la
présenter [48] .
Les signatures
des députés ne sont pas comprises dans les 25 signatures et adresses
requises [49] .
Les
pétitions signées exclusivement par des étrangers non résidents sont
habituellement irrecevables [50] .
Toutefois, en
1984, une pétition signée par des citoyens canadiens de même que par des
étrangers a été acceptée du consentement unanime de la Chambre [51] ;
dans une
situation similaire, le Président a statué en 1990 que la meilleure façon de
respecter le droit des Canadiens d’adresser des pétitions à la Chambre des
communes serait d’accepter ces pétitions, pourvu qu’elles soient recevables,
même si elles renferment « quelques signatures de non-résidents non
canadiens [52] ».
La présentation des pétitions
Comme
seuls les députés sont autorisés à s’adresser à la Chambre directement, ce sont
eux qui doivent présenter les pétitions. Par conséquent, les groupes et
individus doivent obtenir leur aide pour faire certifier et présenter leurs
pétitions. Les députés ne sont toutefois pas tenus de présenter les pétitions et
ne peuvent être contraints de le faire [53] ;
néanmoins, il
est évident que de nombreux députés considèrent qu’il est de leur devoir de
présenter à la Chambre les pétitions soumises par des citoyens [54] .
Le député,
dont le rôle est de présenter la pétition au nom de ses signataires, n’est pas
obligé d’être d’accord avec le contenu de la pétition qu’il présente, et il n’y
a pas lieu de présumer que c’est le cas [55] .
Une
fois certifiées par le greffier des pétitions, les pétitions peuvent être
présentées à la Chambre; elles sont alors retournées aux députés qui les ont
soumises. Une pétition certifiée correcte ne doit être modifiée d’aucune façon
et le certificat qui l’accompagne ne doit pas être retiré. Aucune règle ou
pratique n’établit de délai pour la présentation d’une pétition après
certification, et il n’est pas obligatoire qu’elle soit présentée par le député
qui l’a fait certifier [56] .
Le Président a
signalé que de nombreux motifs peuvent empêcher un député de présenter
rapidement une pétition, mais il a également jugé qu’il fallait que les
pétitions soient présentées peu de temps après leur certification de manière à
ce que les pétitionnaires puissent avoir l’assurance d’obtenir une réponse le
plus rapidement possible lorsqu’ils présentent des pétitions à la
Chambre [57] .
Les
pétitions sont présentées par les députés, y compris les ministres [58] .
Le Président
ne présente habituellement pas de pétition; il demande plutôt à un autre député
de le faire pour lui. Cette pratique nous vient de la Chambre des communes
britannique qui l’avait adoptée à la fin du dix-huitième siècle, à une époque où
les pétitions faisaient couramment l’objet de débats. La présentation de
pétitions aurait amené le Président à participer aux délibérations de la
Chambre, ce qui aurait remis en cause la neutralité essentielle de la
présidence [59] .
Le député qui
présente une pétition doit être convaincu de sa pertinence et de sa régularité,
la Chambre ayant depuis longtemps une règle voulant que le député se porte
garant que la pétition ne contient rien d’inconvenant [60] .
De plus, tout
député présentant une pétition doit la signer, soit au dos soit au verso de la
première page [61] .
Les
pétitions certifiées correctes peuvent être présentées de deux façons :
oralement, durant les affaires courantes [62] ,
ou déposées
auprès du Greffier de la Chambre au cours d’une séance [63] .
Dans la
pratique, la majorité des pétitions sont présentées durant les affaires
courantes [64] .
Présentation durant les affaires courantes
Les
pétitions certifiées sont présentées quotidiennement durant les affaires
courantes, sous la rubrique « Présentation de pétitions ». Une période maximale de
15 minutes est réservée à cette fin [65] .
Pour obtenir
la parole, les députés doivent être à leur place [66] .
Les députés
qui souhaitent présenter plus d’une pétition le même jour doivent les présenter
toutes ensemble lorsqu’ils obtiennent la parole puisque la présidence n’accorde
qu’une fois la parole à un même député au cours de la « Présentation de
pétitions [67] ».
Ainsi, plus
de députés peuvent prendre la parole durant la période de 15 minutes.
Aucun
débat n’est autorisé lors de la présentation des pétitions [68] .
Tout
commentaire sur la valeur d’une pétition — même l’indication par un député de
son accord ou désaccord — a toujours été considéré comme une forme de débat et
est donc irrecevable [69] .
Les députés
sont autorisés à faire une brève déclaration au cours de laquelle ils peuvent
mentionner que la pétition a été certifiée, d’où elle vient, quel est son objet
et la requête qu’elle contient, de même que le nombre de signatures qu’elle
porte [70] .
De toute
façon, les pétitions ne sont pas lues au long et les députés qui les présentent
devraient éviter de tenter d’amorcer un débat ou une discussion [71] .
Compte tenu de
la période de temps limitée et du nombre de députés qui souhaitent présenter des
pétitions, habituellement, la présidence intervient rapidement lorsqu’un député
semble vouloir faire un discours, se lancer dans un débat ou lire le texte
complet d’une pétition.
Dépôt de la pétition auprès du Greffier de la Chambre
Depuis 1910, les députés peuvent présenter une pétition
n’importe quand pendant une séance en la déposant auprès du Greffier de la
Chambre [72] .
Le député peut
s’approcher du Bureau pour y déposer la pétition certifiée et signée au dos, ou
encore la remettre à un page en lui demandant de la transmettre au Bureau où
elle sera reçue par le Greffier, ou par un greffier au Bureau au nom du Greffier
de la Chambre.
Après la présentation
Lorsque les pétitions sont présentées durant les affaires
courantes, les propos des députés sont enregistrés, transcrits et imprimés dans
les Débats du jour. Une inscription est également
faite dans les Journaux, le compte rendu officiel
des délibérations de la Chambre. On y précise que les pétitions énumérées ont
été certifiées correctes et ont été présentées conformément au Règlement. Les
pétitions déposées auprès du Greffier ne sont bien entendu pas mentionnées dans
les Débats, mais elles sont énumérées dans les Journaux. Une fois présentées à la Chambre (selon l’une
ou l’autre méthode), les pétitions certifiées correctes sont ensuite transmises
au greffier des pétitions qui est responsable de leur réception et du suivi
administratif.
Il
est arrivé que des pétitions soient présentées et qu’on s’aperçoive plus tard
qu’elles n’avaient pas été certifiées; dans ces cas, bien que les Débats contiennent la transcription des déclarations
des députés, ces pétitions ne figurent pas dans les Journaux [73] .
Elles sont examinées par le greffier des pétitions; si
elles sont recevables, elles sont certifiées et ensuite déposées auprès du
Greffier au nom du député; ce n’est qu’à ce moment que leur présentation est
notée dans les Journaux. Si les pétitions ne peuvent être certifiées, elles
sont retournées aux députés. Il est arrivé à une occasion qu’un député tente de
présenter une pétition non certifiée, mais il a été rappelé à l’ordre et
réprimandé par la présidence [74] .
Copies des pétitions
Toute
personne qui souhaite lire ou consulter une pétition après sa présentation doit
s’adresser au greffier des pétitions. Un député peut demander à recevoir une
photocopie d’une pétition, y compris des signatures [75] .
Réponse du gouvernement aux pétitions
Depuis 1986, le Règlement dispose que le gouvernement doit
répondre dans les 45 jours civils à toutes les pétitions qui lui sont
transmises [76] .
Après avoir
été présentées à la Chambre, les pétitions certifiées sont remises au greffier
des pétitions. Le Greffier de la Chambre veille à ce que la pétition originale
soit transmise au Bureau du Conseil privé [77],
qui fait les
démarches voulues pour que les ministères et organismes concernés préparent et
rassemblent les réponses. Les réponses du gouvernement sont généralement
déposées à la Chambre durant les affaires courantes, sous la rubrique « Dépôt de
documents », mais elles peuvent aussi être déposées auprès du Greffier [78] .
Les pétitions
font l’objet de réponses individuelles. Tout député qui a présenté une pétition
reçoit copie de la réponse au moment de son dépôt. Une fois déposées à la
Chambre, les réponses du gouvernement (contrairement aux pétitions elles-mêmes)
deviennent des documents parlementaires [79] .
Le
dépôt des réponses du gouvernement donne lieu à une inscription dans les Journaux. Si ce dépôt survient durant les affaires
courantes, le porte-parole du gouvernement, habituellement le secrétaire
parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, informe simplement la
Chambre que les réponses à un certain nombre de pétitions sont déposées, sans
mentionner les pétitions dont il s’agit ou le contenu des réponses, et
l’intervention est transcrite dans les Débats.
Le
Règlement ne prévoit aucune sanction si le gouvernement ne répond pas aux
pétitions dans le délai de 45 jours. Des plaintes ont été formulées dans le
passé en raison du non-respect de cette règle [80] .
Toutefois, en
1993, le Président jugea fondée à première vue une question de privilège
concernant le non-dépôt d’un décret et mentionna dans sa décision que des
députés s’étaient déjà plaints que les réponses aux pétitions, les réponses aux
questions écrites et les réponses aux rapports de comités n’étaient pas toujours
déposées dans les délais prescrits [81] .
Cette question
du respect des délais a alors été renvoyée au comité chargé des questions de
privilège qui a déclaré dans un rapport à la Chambre que « les délais
réglementaires et procéduraux doivent être respectés […]. Il est possible
qu’il soit nécessaire de revoir les délais fixés dans le Règlement et dans
certaines lois […]. Toutefois, jusqu’à ce que cela soit fait, il est essentiel
que les dates limites fixées soient respectées [82] ».
Normalement, la prorogation du Parlement met un terme à
toutes les affaires, mais le Président a statué que les réponses du gouvernement
aux pétitions avaient le même statut que les ordres de dépôt de documents (les
documents dont la Chambre a ordonné la production et la présentation) [83] .
Conformément
au Règlement, ces ordres sont réputés avoir été une nouvelle fois adoptés au
début d’une nouvelle session sans qu’il soit nécessaire de présenter une motion
pour ce faire [84] .
Ainsi, les
réponses du gouvernement aux pétitions présentées au cours d’une session
antérieure doivent être déposées au cours de la nouvelle session suivant une
prorogation [85] .