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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 octobre 1997

• 0930

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte. Avant de céder la parole au vérificateur général, j'aimerais présenter les membres du comité à l'auditoire.

De l'opposition officielle, nous avons M. John Duncan de la circonscription fédérale de l'Île de Vancouver-Nord en Colombie-Britannique. À côté de M. Duncan, nous avons, bien sûr, M. Preston Manning, le chef de l'opposition officielle, de la circonscription de Calgary-Sud-Ouest. M. Gary Lunn, de la circonscription de Saanich—Gulf Islands en Colombie-Britannique, représente lui aussi le Parti réformiste.

• 0935

Du Bloc, nous avons M. Bernier, de Bonaventure —Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, au Québec.

Nous avons ensuite un représentant du Parti progressiste- conservateur, M. Bill Matthews, de Burin—St. George's, à Terre-Neuve.

M. Peter Stoffer, un néo-démocrate, est de Sackville—Eastern Shore, en Nouvelle-Écosse.

Pour ce qui est des membres du gouvernement, nous avons M. Wayne Easter, secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, qui vient de Malpeque à l'Île-du-Prince-Édouard; M. Charles Hubbard, le député de Miramichi au Nouveau-Brunswick; Mme Nancy Karetak-Lindell, de la circonscription de Nunavut dans les Territoires du Nord-Ouest; Mme Carmen Provenzano, de Sault Ste. Marie en Ontario; et M. John O'Reilly, de la circonscription de Victoria—Haliburton en Ontario, qui remplace un autre membre du comité.

Nous avons aussi à cette table notre greffier, M. Bill Farrell, de même que MM. Alan Nixon et Claude Emery, tous les deux du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement.

Vient aussi d'arriver M. Lawrence O'Brien, député ministériel. Il représente la circonscription du Labrador à Terre-Neuve et au Labrador.

Nous souhaitons la bienvenue au vérificateur général à qui je demanderais de nous présenter les gens qui l'accompagnent aujourd'hui. Il pourra ensuite faire une déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité lui poseront leurs questions.

M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Doug Timmins et de M. Don Young. Ils ont tous les deux participé d'assez près au travail qui a été fait, et ils pourront m'aider à répondre aux questions du comité.

Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui nous est donnée de présenter les résultats de nos vérifications sur la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique et sur l'industrie du poisson du fond de l'Atlantique elle-même.

Plusieurs personnes sont sérieusement touchées, monsieur le président, par l'effondrement de l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique et tout comme vous tous, cette question très difficile me préoccupe beaucoup. Elle me préoccupe d'autant plus que, malgré plus de trois milliards de dollars injectés dans les programmes de soutien du revenu, d'adaptation et de rationalisation, et malgré des modifications apportées à la gestion des pêches, les problèmes cruciaux de l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique persistent.

La Stratégie tire à sa fin, et ses objectifs ne seront pas atteints. On a procédé à un examen de la Stratégie et le ministre a exprimé son intention de réintroduire des modifications à la Loi sur les pêches. Ces chapitres fournissent une information que le comité trouvera très utile, puisqu'il se penchera sur ces questions.

Dans nos trois chapitres, nous faisons état d'un problème permanent, soit la surcapacité de capture, les solutions de rechange limitées qui s'offrent aux personnes qui dépendent toujours de la pêche et le besoin d'améliorer la gestion des pêches afin d'éliminer les pratiques contraires à la pêche durable. Il ne fait aucun doute qu'il est très difficile d'examiner tous ces problèmes, mais il faut le faire pour trouver une solution. La Stratégie n'est pas la première tentative en ce sens. Des programmes précédents, comme le Programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord, n'ont pas eux non plus réussi à régler ces problèmes.

Une partie de la solution exige que le gouvernement s'attaque à la question de la surcapacité. La capacité de l'industrie de la pêche au poisson de fond n'est pas facile à définir. Le gouvernement s'est intéressé au nombre de détenteurs de permis et au nombre de personnes que peut employer l'industrie.

Toutefois, la capacité croissante de capture des bateaux et engins de pêche est peut-être un problème encore plus important. Il a été largement reconnu que, même avant la crise du poisson de fond, la capacité de l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique correspondait au moins au double de celle nécessaire à la pêche du poisson disponible.

• 0940

Bon nombre de personnes ont été attirées par la pêche en raison de la facilité avec laquelle les politiques antérieures accordaient des permis, et de l'accès aux programmes de soutien du gouvernement, par exemple l'assurance-emploi. Naturellement, ces pêcheurs, ayant investi pour acquérir bateaux et engins de pêche, souhaitent maximiser leurs revenus dans un contexte concurrentiel et la surcapacité contribue à la surpêche. Toutefois, les tentatives pour redresser le problème de la capacité de la pêche au poisson de fond de l'Atlantique n'ont pas, en grande partie, obtenu le succès espéré.

L'un des objectifs premiers de la Stratégie était de réduire la capacité de capture et de transformation. La Stratégie, et diverses autres initiatives, visaient le retrait de la moitié des permis de pêche au poisson de fond. Elles devaient aussi éventuellement réduire d'environ 23 p. 100 le nombre des permis qui étaient en vigueur au moment où la Stratégie a été approuvée.

[Français]

Voici quelques-unes de nos principales observations en ce qui a trait à la Stratégie.

Premièrement, le noyau de pêcheurs qui demeurerait dans l'industrie était beaucoup plus élevé que le nombre prévu initialement.

Ensuite, sur les 10 435 permis restants, une partie des détenteurs appartiennent au noyau de pêcheurs qui, par le passé, ont pris le plus de poisson.

Troisièmement, les initiatives de réduction de la capacité prises dans le cadre de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique n'ont permis le retrait que de 545 permis de pêche.

Nous avons donc recommandé que le ministère des Pêches et des Océans élabore et propose au gouvernement une stratégie en vue de réduire davantage la surcapacité de l'industrie du poisson de fond.

Cependant, nous faisions remarquer que cette solution exige également que le gouvernement s'intéresse à la dépendance excessive à l'égard de l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique.

L'effondrement de l'industrie a touché non seulement les pêcheurs, mais aussi un nombre encore plus grand de travailleurs dans les usines de transformation. Et même si les ressources en poisson de fond se rétablissaient au niveau de la dernière décennie, l'industrie ne pourrait pas fournir de revenus suffisants à toutes les personnes qui en dépendent.

Même lorsque le poisson de fond était abondant, l'industrie ne pouvait faire vivre tous ceux qui en dépendaient. Pour permettre à la ressource halieutique d'être gérée conformément aux objectifs de développement durable, nous avons recommandé que le gouvernement s'attaque aux problèmes sociaux et économiques complexes qui affligent les collectivités côtières.

Nous faisons aussi remarquer, dans nos chapitres, que le cadre de gestion des pêches doit être précisé. Il n'y a pas de politique nationale clairement énoncée pour le développement durable de l'industrie des pêches.

[Traduction]

Le ministère a élaboré des principes pour guider la restructuration de l'industrie et le renouvellement de la gestion de la pêche, principes qui affirment l'importance prioritaire de la conservation. Toutefois, il n'est pas certain que cette priorité soit liée à d'autres facteurs, par exemple permettre l'accès au soutien du revenu, assurer la viabilité des collectivités côtières et maintenir la population dans les régions éloignées du Canada. Les attentes à l'égard du rendement ne sont pas définies de façon assez précise pour permettre au Parlement de savoir quels sont les résultats obtenus. Le ministère n'a pas encore élaboré d'indicateurs mesurables se rapportant à ses grands principes directeurs. Il faut que des indicateurs de rendement soient élaborés, et que les besoins liés à la planification et aux rapports de rendement soient mieux intégrés. Nos recommandations portent sur cette question.

Nous avons aussi examiné les efforts qu'a déployés le ministère pour rationaliser l'industrie et renouveler ses pratiques de gestion des pêches. Ces éléments sont essentiels au maintien des stocks de poissons, au moment où les activités de pêche reprennent. À cet égard, l'une des stratégies du ministère, alors qu'il subit des réductions budgétaires et tente de s'adapter à l'industrie de demain, consiste à laisser à l'industrie une plus grande part de sa gestion. Le ministère n'a pas une assurance suffisante que l'industrie peut accepter, et qu'elle acceptera, des responsabilités accrues de gestion de la pêche du poisson de fond, et cela nous inquiète.

Nous avons recommandé que le ministère veille à ce que l'obligation de rendre compte de la conservation et de la protection des stocks de poisson de fond fasse partie intégrante de toute entente. Ainsi l'industrie pourrait-elle assumer davantage de responsabilités en matière de gestion des pêches. Nous avons aussi constaté que les propres pratiques de gestion des pêches du ministère doivent encore être améliorées afin d'assurer la viabilité de la base de ressources.

• 0945

Il y a encore des problèmes concernant les données sur les prises commerciales, lesquelles permettent d'évaluer les stocks de poisson de fond. De plus, il faut une plus grande information sur les stocks de poisson de fond et le milieu marin afin que les hypothèses utilisées reflètent raisonnablement l'état actuel des stocks. On doit fournir une orientation sur le principe de précaution qui peut être appliqué aux stocks du poisson de fond de l'Atlantique.

Le ministère n'a pas encore officialisé son processus de planification de gestion intégrée pour le poisson de fond. Ce processus assurerait la coordination des activités des divers services ministériels, par exemple les activités des gestionnaires responsables des sciences, de l'application des règlements et de la gestion de la pêche.

Il faut de l'information sur la surveillance des prises pour gérer l'activité de pêche et évaluer les stocks. Le programme de contrôle à quai constitue une amélioration par rapport aux méthodes antérieures de collecte des données, mais nous avons relevé des faiblesses dans l'environnement de contrôle. En outre, le ministère n'a pas intégré l'information obtenue des observateurs en mer et d'autres renseignements à ses pratiques de gestion.

Dans le passé, les activités d'application visaient à assurer le respect des règlements sur les pêches. Dans le cadre de la stratégie de transfert de responsabilités à l'industrie, le ministère veut que l'on s'attarde davantage à la vérification des programmes de surveillance qu'à l'application des règlements traditionnelle. Nous avons constaté que très peu de progrès avaient été faits en ce sens. De plus, nous avons constaté que les besoins en information des agents d'application ne sont pas satisfaits et que l'effort d'application a été détourné du poisson de fond pour cibler d'autres pêches.

[Français]

Permettez-moi maintenant d'aborder le chapitre 16, qui porte sur Développement des ressources humaines Canada et sur la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, aussi appelée la Stratégie.

Nous avons relevé de sérieux problèmes en ce qui a trait à ce programme de 1,9 milliard de dollars. Les leçons tirées de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique seront pertinentes au moment surtout où les gouvernements fédéral et provinciaux considèrent les besoins de ceux qui ne pourront plus travailler dans l'industrie du poisson de fond lorsque la Stratégie prendra fin, comme il est maintenant prévu, en 1998.

Le calendrier de préparation d'une initiative aussi importante que la Stratégie n'était pas réaliste. Les prévisions relatives au nombre de clients étaient très faibles en raison d'une analyse inadéquate. Le nombre trop élevé de participants à la Stratégie a mis à rude épreuve les ressources prévues. Ainsi, le gouvernement a réaffecté les ressources qui étaient utilisées pour la prise de mesures actives, par exemple la rationalisation de l'industrie et l'adaptation de la main-d'oeuvre, à une mesure passive, soit le soutien du revenu.

Des erreurs dans l'application des critères d'admissibilité ont exigé de nombreuses corrections et les diverses interprétations de ces critères ont donné lieu à des différences de traitement des participants.

Nous avons aussi observé que les rôles et responsabilités des quatre organismes participant à la mise en application de la Stratégie n'avaient été ni clairement définis ni approuvés. Le résultat a été que les pêcheurs et les travailleurs d'usines de transformation ont retardé leur décision quant à leur plan d'action, puisque le gouvernement fédéral tardait à identifier le noyau de pêcheurs.

Une information inadéquate a été fournie au Parlement sur les progrès réalisés en vue de l'atteinte de l'objectif de restructuration de l'industrie de la pêche de la Stratégie.

Les résultats de la composante Adaptation de la main-d'oeuvre de la Stratégie ne sont pas connus, car les efforts d'évaluation de programme ont été arrêtés. Nous recommandons pour tout programme futur, surtout un programme aussi important financièrement et socialement et d'envergure économique comme celui-ci, que des mesures formelles soient prises pour assurer la reddition des comptes.

[Traduction]

Pour conclure, monsieur le président, nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de présenter les résultats de nos rapports de vérification sur la pêche du poisson de fond de l'Atlantique et la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Mes collègues et moi-même sommes conscients des problèmes humains bien réels causés par l'effondrement de l'industrie du poisson de fond. Nous savons que ce problème a causé beaucoup de souffrances dans les collectivités côtières, en particulier à Terre-Neuve où la dépendance à l'égard de la pêche est grande.

D'après certains reportages, nous aurions déclaré que le soutien du revenu n'était pas une mesure appropriée. Cela n'est certainement pas le cas. Nous avons conclu que les objectifs de restructuration et d'adaptation de la Stratégie n'avaient pas été atteints. Parce que la mise en oeuvre de la Stratégie posait des problèmes, la plus grande partie du financement avait été consacrée au soutien du revenu.

• 0950

Monsieur le président, je crois que le comité peut jouer un rôle en prenant note des leçons à tirer de la Stratégie et des programmes antérieurs, au moment où il examine les plans du gouvernement pour régler les problèmes de la pêche. Les problèmes de base de l'industrie de la pêche doivent encore être réglés et nous espérons que le gouvernement accordera la priorité à l'élaboration d'une politique nationale de la pêche.

Nous estimons aussi que le principe de précaution doit être appliqué pour assurer la protection des stocks de poisson de fond à l'avenir.

Enfin, nous croyons qu'un engagement et des efforts concertés sont requis de tous les intervenants afin de régler la question de la surcapacité et de la dépendance à l'égard de l'industrie.

Je vous remercie, monsieur le président. Mes collègues et moi serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur le vérificateur général.

La parole va à l'opposition officielle pour la première question, et nous aimerions souhaiter la bienvenue au comité au chef de l'opposition officielle, M. Preston Manning. L'invitation a aussi été lancée à tous les autres chefs. Nous ne demandons pas de droits d'entrée à la porte.

Monsieur Manning.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité ici ce matin.

Je suis ici d'abord et avant tout pour vous faire part de nos préoccupations à propos des pêcheurs de l'Atlantique et des pêcheurs canadiens en général. À notre avis, une mauvaise gestion des pêches a gravement endommagé la base biologique de la pêche sur la côte Est, et nous avons peur que la même chose se produise sur la côte Ouest.

Bien sûr, la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique nous intéresse particulièrement parce qu'elle était censée aider à restructurer l'industrie et à recycler les travailleurs. Ce que nous savons aujourd'hui, d'après nos sources et ce que le vérificateur général vient de dire, c'est qu'aucun de ces objectifs n'a vraiment été atteint. En fait, je pense que 76 p. 100 des fonds du programme ont plutôt servi au soutien du revenu, ce qui a peut-être amené les gens pour qui ce programme a été conçu à perdre leurs illusions au lieu de leur donner espoir.

Je tiens à remercier le vérificateur général pour son bon travail habituel. Nous étudions ses rapports assez sérieusement. Il nous faut parfois pas mal de temps pour parcourir en entier le matériel, mais nous trouvons toujours que l'effort en vaut la peine.

J'ai deux questions à vous poser.

Au paragraphe 14.5—et j'ai remarqué que vous étiez revenu sur ce point dans votre exposé oral—vous dites quelque chose que je trouve ahurissant. Vous affirmez tout bonnement qu'il n'existe pas de politique nationale claire sur les pêches durables. Je trouve cela ahurissant, parce qu'on ne cesse de nous répéter au Parlement que le gouvernement a le développement durable à coeur, surtout le développement durable en ce qui concerne les pêches. Pourtant, vous dites qu'il n'existe pas de politique nationale pour le développement durable.

Je me demandais si vous ne pouviez pas nous en dire un peu plus long à ce sujet, parce que bon nombre d'entre nous, particulièrement ceux qui n'ont pas une connaissance poussée des pêches, trouvent cela franchement ahurissant. Nous pensions qu'une telle politique existait, mais qu'elle ne donnait pas de bons résultats. Vous nous dites qu'en réalité, il n'en existe pas. Vous pourriez peut-être nous indiquer aussi quels pourraient être les éléments clés d'une telle politique si le Parlement insistait pour qu'on en élabore une.

M. Denis Desautels: Je vais demander à M. Timmins de répondre à cette question.

M. Doug Timmins (vérificateur général adjoint): Vous trouverez aux paragraphes 14.69 à 14.76 un bon nombre de détails sur ce que nous avons trouvé en ce qui concerne la politique nationale pour la pêche.

C'est d'abord dans le Plan vert qu'on avait prévu d'élaborer une politique nationale pour la pêche, et nous pensons que des progrès ont été réalisés dans certains cas avec le temps. Les lois adoptées dans les années quatre-vingt traitaient de différentes questions, mais pas de certains des éléments clés de la politique nationale pour la pêche.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je dirais que les éléments clés englobent avant tout la participation des provinces et de l'industrie à l'élaboration de cette politique, de même que la conservation. Il y aurait peut-être aussi...

Le principe de précaution, ou de prévention, est une chose qui retient l'attention partout dans le monde, et le gouvernement fédéral cherche lui aussi à mettre l'accent sur la prévention. Nous en parlons un peu dans notre chapitre où il est aussi question de certains des éléments clés. Je pense que ce sont là quelques-uns des principes fondamentaux mais que la collaboration de tous les intéressés, les provinces, les territoires, l'industrie—tous les intervenants—est le point le plus important de la politique nationale.

• 0955

M. Preston Manning: À propos de la Stratégie même et de vos observations et recommandations au chapitre 16, il s'agit d'un programme de 1,9 milliard de dollars, mais vous dites pourtant que les responsabilités n'ont pas été définies, qu'il n'y avait pas de plan stratégique, pas de mécanisme de coordination ni de mécanisme d'évaluation, que l'analyse préliminaire était inadéquate, que le calendrier n'était pas réaliste et que l'information présentée au Parlement n'avait jamais été suffisante. Franchement, nous trouvons ahurissant que malgré toutes ces faiblesses, un programme de 1,9 milliard de dollars ait même pu démarrer. Comment cela peut-il se produire dans le cas d'un programme de 1,9 milliard de dollars?

Au départ, lorsque nous avons posé des questions à propos de ce programme au Parlement, on nous a dit que les responsabilités avaient été définies, qu'il y avait un plan stratégique et un calendrier, qu'il y avait aussi un mécanisme d'évaluation et que l'information nécessaire serait présentée au Parlement. Comment cela a-t-il pu arriver avec un programme de 1,9 milliard de dollars? Mais surtout, que faut-il faire pour empêcher qu'une telle chose se reproduise?

M. Doug Timmins: Je crois que le problème est dû en partie au fait qu'il n'y avait pas de plan stratégique global, même si les différents intervenants avaient établi des plans. Il aurait fallu qu'un certain nombre de ministères se réunissent et coordonnent leurs activités.

Le problème s'explique aussi en partie par l'urgence de mettre le programme en place. Nous avons soulevé certains points au sujet de la conception. Le programme n'a pas nécessairement été conçu en fonction de l'information disponible quant à savoir qui seraient les participants, quelle serait la demande et comment tout cela fonctionnerait. De toute évidence, à un niveau très élevé, il y a eu des mémoires au cabinet et des discussions sur l'objectif global et la conception, mais je pense qu'on s'est dit avant tout qu'il était urgent de concevoir le programme et de le mettre en oeuvre et c'est seulement après qu'on s'est interrogé sur l'information disponible.

M. Preston Manning: Et les mesures préventives?

M. Doug Timmins: Je dirais qu'il faut un certain temps pour élaborer un programme de cette nature et de cette ampleur. Si nous essayons de voir ce qui pourrait en ressortir, j'imagine que nous avons un certain temps... nous pourrions prendre le temps de nous assurer qu'il existe un plan coordonné et détaillé à un niveau stratégique.

Certaines des difficultés que nous mentionnons dans le chapitre ont trait, par exemple, à l'identification d'un noyau de pêcheurs professionnels. Les délais requis pour cette identification ont contribué à exercer des pressions en faveur d'un plus grand soutien du revenu alors que l'objectif était, au départ, d'accorder moins d'argent pour le soutien du revenu pour financer plutôt l'adaptation et la rationalisation.

Le président: Merci, monsieur Manning.

Je cède maintenant la parole à M. Lawrence O'Brien, du Labrador, dont la circonscription a été complètement dévastée par l'effondrement de la pêche à la morue du Nord.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai un grave problème: que peut-on faire en cinq minutes? J'aimerais bien mieux avoir cinq heures.

Lorsque je regarde le rapport du vérificateur général et que je pense à certaines des choses que vous dites au sujet de la réalité de la pêche, surtout dans ma circonscription du Canada atlantique, j'ai l'impression que vous parlez surtout en théorie, mais que les choses sont bien différentes dans la pratique.

• 1000

En rétrospective, il est assez facile d'élaborer un plan en vue d'un programme de pêche ou d'une Stratégie comme la LSPA, mais je pense que si vous et votre équipe veniez sur les côtes du Labrador pour constater par vous-mêmes les besoins, les préoccupations et les problèmes, si vous voyiez l'état de dévastation dans lequel se trouve un endroit comme Black Tickle, qui était la capitale de la pêche à la morue non seulement au Labrador, mais sur toute la côte de l'Atlantique... Que chacun se serve tant qu'il y en aura et tant pis pour ce qui se passera quand il n'y en aura plus.

Prenez la pêche à la crevette, par exemple. Elle est en pleine effervescence à l'heure actuelle et le gouvernement, dont je fais partie—l'ancien ministre était M. Mifflin—a annoncé des augmentations massives. Vous n'en avez pas parlé dans votre rapport. Il estime nécessaires de grands changements et une augmentation importante des quotas de pêche en raison de la grande quantité de crevettes le long de la côte nord-est de Terre-Neuve et de la côte du Labrador. C'est parce que la morue a disparu. La morue se nourrit de crevettes. C'est aussi simple que cela.

Il y a là une nouvelle industrie de la pêche, sur le littoral et en mer, dont vous auriez probablement pu parler dans votre rapport, lorsque vous mentionnez la surcapacité et les solutions limitées qui s'offrent, si vous vous étiez vraiment arrêté pour vous demander comment nous allions vivre après la LSPA.

Le problème, c'est que la bureaucratie du ministère des Pêches et des Océans nous met des bâtons dans les roues. Lorsque vous dites qu'il faut avoir des bateaux de 34 pieds 11 pouces et aller à cent milles en mer, c'est le meilleur moyen de se débarrasser des pêcheurs, monsieur, parce que nous allons tous mourir en mer de la même manière que Jean Cabot a disparu un an après avoir découvert Terre-Neuve. Il nous faut de plus gros bateaux.

Le gouvernement doit commencer à se pencher sur ce genre de questions, et j'entends par là le ministère des Pêches et des Océans ou le gouvernement en général. Nous devons laisser les bateaux de 34 pieds 11 pouces pour des bateaux de 55, 60 ou 65 pieds, afin que les 19 âmes de Black Tickle qui ont droit à un permis de pêche à la crevette, multipliées par cinq pour chaque bateau, puissent faire vivre 100 personnes dans une communauté de 400. C'est à ce genre de choses qu'il faut relier la LSPA.

Si vous me le permettez, j'aurais un autre point à soulever. Je trouve ridicule que le rapport du vérificateur général ne fasse pas du tout allusion au très grave problème de la pêche aux phoques du Groenland le long de la côte du Labrador, sur la côte nord-est de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent. C'est un problème de taille auquel vous ne vous êtes même pas arrêté. D'une certaine façon, il a beaucoup à voir avec le retour des stocks de morue sur les côtes du Labrador et au nord-est de Terre-Neuve.

Pourquoi la morue est-elle en train de revenir dans une certaine mesure au large de la Nouvelle-Écosse et de la côte sud de Terre-Neuve ou encore dans le golfe du Saint-Laurent, mais pas dans la circonscription de George Baker, ni dans celle de Lawrence O'Brien? Pour moi, c'est bien simple, c'est parce que le phoque se nourrit de poissons, et les phoques se comptent par millions.

C'est ce que vous auriez constaté si vous étiez venu dans nos circonscriptions. J'ai des exemples sur bande-vidéo. Un pêcheur de mes amis s'est filmé sur Les Grands Bancs; on le voit remonter ses filets et on aperçoit des phoques sous les morues. C'est la partie tendre du poisson et c'est là que se trouve le foie. Les phoques font une incision et retirent le foie pour le manger. Si vous commencez à y penser et si vous connaissez les phoques aussi bien que moi—mon père en a acheté pendant 26 ans—lorsqu'on en dépèce un, on y trouve une épaisse couche de graisse. C'est de l'huile, et il faut bien qu'ils la prennent quelque part.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'ils mangent les plus gros poissons. Ils sont amateurs de foie. Ils mangent cette partie du poisson et la morue va s'échouer au fond, et c'est de cela que se nourrissent les crabes, homards et autres crustacés. La liste est longue. Je pense aussi à la petite morue polaire et à d'autres.

Nous avons des problèmes plus graves que ceux que vous êtes allé pêcher lorsque vous avez défini vos paramètres concernant la LSPA.

• 1005

Tout ce que je viens de dire est plus un énoncé qu'une question, mais je pourrais continuer pendant longtemps encore sans vraiment toucher le fond du problème que nous vivons dans ma circonscription, à Terre-Neuve, et jusqu'à un certain point, dans les provinces de l'Atlantique.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur O'Brien.

Monsieur le vérificateur général, aimeriez-vous nous dire pourquoi vous n'avez pas parlé des phoques dans votre rapport?

M. Denis Desautels: Avec plaisir, monsieur le président, et j'aimerais aussi répondre à un ou deux autres points soulevés par M. O'Brien.

Nous avons essayé d'être aussi exhaustifs que possible dans nos travaux. Évidemment, nous n'avons pas pu approfondir toutes les préoccupations et tous les problèmes, mais je pense que notre rapport représente un examen assez complet, équilibré et constructif de la situation. Il est, de plus, fondé sur les objectifs définis pour cette Stratégie et énoncés à l'époque par le gouvernement, monsieur le président. Nous n'avons rien inventé ici; nous nous en sommes tenus aux objectifs de la Stratégie lorsqu'elle a été annoncée par le gouvernement. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que c'était le but de cette évaluation.

Quant aux causes de l'effondrement, monsieur le président, nous en avons parlé jusqu'à un certain point. Nous ne l'avons pas nécessairement fait comme l'aurait voulu M. O'Brien, mais je pense que nous avons dit assez clairement que le ministère doit expliquer plus précisément les causes réelles de l'effondrement et en arriver à des conclusions plus claires. Certains attribuent cette cause à la surpêche, d'autres à un problème de prédateurs, et d'autres encore au climat. Tout le monde se renvoie la balle. Ce que nous disons dans notre rapport, c'est que le ministère a envers tous le devoir d'être plus transparent sur les causes relatives de l'effondrement.

Le président: Merci.

Je vais maintenant céder la parole à M. Bernier du Bloc.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je suis content de voir ce matin notre vérificateur général, M. Desautels.

Monsieur Desautels, pour commencer, j'aimerais revenir au paragraphe 36 du document que vous nous avez remis ce matin. Vous y soulignez que vos propos auraient pu être mal interprétés par certains médias. Vous dites:

    ...nous aurions déclaré que le soutien du revenu n'était pas une mesure appropriée.

Vous ajoutez:

    Cela n'est certainement pas le cas.

Donc, j'aimerais vous offrir la chance de préciser le fond de votre pensée parce que, de la façon dont j'ai lu votre rapport et de la façon dont les gens le lisent dans l'industrie, le soutien du revenu était une nécessité. Ce n'est pas la faute des pêcheurs et des travailleurs si l'objectif d'adaptation et de restructuration n'a pas été atteint. C'est plutôt la faute de ce gouvernement, qui n'a pas pris les mesures appropriées. J'aimerais que vous nous précisiez ce que vous aviez déclaré ou ce que vous souhaitiez que la population comprenne, c'est-à-dire qu'en ce qui a trait à la LSPA, ce sont les objectifs de restructuration et d'adaptation qui n'ont pas été rencontrés et non pas ceux du soutien du revenu, qui n'était pas en soi une mauvaise mesure.

M. Denis Desautels: Je pourrais bien répéter ce que nous avons dit dans le paragraphe 36 de notre déclaration. Nous reconnaissons qu'il y a eu, qu'il y a et qu'il y aura, pour l'avenir prévisible, un besoin en matière de soutien de revenu. Selon moi, c'est élémentaire et rien dans les trois chapitres que nous avons publiés ne permet de croire le contraire ou pourrait être utilisé pour prétendre le contraire.

• 1010

Par contre, comme je le disais plus tôt pour M. O'Brien, si vous vous reportez au paragraphe 16.10, c'est-à-dire le dixième paragraphe du chapitre 16, vous allez voir clairement quels étaient les objectifs du programme et qu'ils ne portaient pas strictement sur le soutien du revenu.

Donc, le gouvernement avait énoncé des objectifs très, très clairs là-dessus, et on mentionne très peu, dans ces objectifs, le soutien du revenu. On parle beaucoup plus des autres objectifs, et ce sont justement ces autres objectifs qui n'ont pas été atteints, cela pour toutes sortes de raisons. Nous expliquons assez clairement, dans le chapitre 16, certains des facteurs qui ont contribué à l'échec du programme, notamment un manque de planification, un manque de coordination entre les différents ministères, un certain retard dans l'identification du groupe cible, etc.

En partie, il y a eu ce qu'on peut appeler des erreurs ou des retards administratifs qui ont fait qu'on n'a pu s'ajuster à temps et qu'on a dû transférer des fonds des mesures actives aux mesures passives.

M. Yvan Bernier: Monsieur Desautels, vous dites que vous reconnaissez que les besoins sont encore là et qu'à votre avis, il faudra encore maintenir les mesures de soutien. Iriez-vous jusqu'à recommander au gouvernement de prévoir tout de suite des déboursés? On est actuellement à l'aurore de l'étape prébudgétaire, et le Comité permanent des finances amasse des données ou des doléances de la population, parce qu'on doit préparer le prochain budget pour le mois de février.

Le programme n'a de l'argent que pour se poursuivre jusqu'au mois de mai, semble-t-il. Donc, il serait plus prudent de prévoir tout de suite un genre de prolongation du soutien, en termes financiers, et de prendre cette année de sursis pour bien bâtir le nouveau programme. Vous nous donnez des pistes de politique nationale, mais vous dites qu'il faut prendre le temps de bien bâtir le programme et d'identifier des objectifs qui seront vérifiables.

Iriez-vous jusqu'à dire au gouvernement ce matin qu'une attitude responsable serait de prévoir tout de suite plutôt que d'improviser au mois d'avril ou au mois de mai prochain, lorsque les coffres seront vides?

M. Denis Desautels: Je ne suis pas prêt à dire exactement au gouvernement ce qu'il doit faire. C'est à lui de décider. Par contre, on sait tous que nous avons six mois devant nous pour mieux planifier le programme qui remplacera celui dont on parle ce matin. Ce sera le troisième programme du genre qui sera mis en oeuvre, parce qu'avant celui dont on parle ce matin, il y en avait un autre qui s'adressait surtout aux pêcheurs de Terre-Neuve.

Donc, j'imagine qu'on commence à pouvoir tirer des leçons de ce genre de programme de soutien du revenu ou de rationalisation de l'industrie. Il est temps qu'on tire les bonnes leçons de tout cela.

M. Yvan Bernier: Ce n'était pas une question piège que je vous posais, et je m'excuse si cela a été interprété comme cela. On sait que les ministres et les députés passent, mais que les fonctionnaires restent. Donc, est-il plausible qu'à partir d'aujourd'hui jusqu'au mois de mai, les grands mandarins de l'État aient suffisamment de temps pour planifier et construire un programme qui nous permettra d'atteindre les vrais objectifs que l'on vise, soit la restructuration de l'industrie et l'adaptation de ses travailleurs? Vous dites que c'est la troisième fois qu'on fait des programmes et que, chaque fois, on semble le faire à la va-vite.

Vous nous dites aussi qu'il y a des dossiers entiers de la Stratégie qui avait été mise de l'avant qui ont été supprimés et qu'on a cessé de recueillir de l'information à ce sujet. Est-il raisonnable de croire qu'à partir d'aujourd'hui jusqu'au moi de mai, les fonctionnaires, tant de Développement des ressources humaines Canada que de Pêches et Océans Canada, vont être capables de construire un programme qui aura de l'allure? Si on pense que ce sera difficile parce que le dialogue entre Développement des ressources humaines Canada et Pêches et Océans Canada est difficile, il faudra plutôt opter pour un an de sursis mais, cette fois-ci, ce devrait être le bon. Sont-il capables de construire un calendrier qui a de l'allure?

• 1015

M. Denis Desautels: Le gouvernement a six mois devant lui pour mieux planifier le prochain programme. Il a, je l'espère, à sa disposition une meilleure information qu'auparavant, entre autres sur la population cible. Dans les deux programmes précédents, il a fallu beaucoup de temps pour cerner ceux à qui le programme s'adressait, ceux qui étaient admissibles aux différents avantages. Donc, il y a une meilleure information. Selon moi, il devrait être capable, dans les six prochains mois, de préparer un programme qui rencontre mieux les tests qu'on lui donne.

Je pense aussi qu'il ne faudrait pas simplement répéter le programme actuel. Comme on peut le constater, cela n'a pas très bien fonctionné. Il faut donc inventer quelque chose de meilleur. Il faudrait peut-être aussi, et cela est une question à plus long terme dont il faudra débattre, commencer à séparer les questions de la pêche, d'une pêche durable, et les questions purement socioéconomiques.

Lorsqu'on regarde à plus long terme, on doit se demander si l'industrie de la pêche a la capacité de soutenir toute la population qu'elle doit soutenir actuellement. Ce n'est pas une question à laquelle il est facile à résoudre, je l'admets, mais il faut commencer à penser à séparer un peu les deux questions, soit celle d'une industrie de la pêche durable, économiquement soutenable, et celle des problèmes de ceux que l'industrie ne peut pas soutenir.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur le vérificateur général.

Nous allons maintenant passer à M. Easter, député de Malpeque à l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président et monsieur le vérificateur général. Je dois dire que nous sommes très heureux du rapport et que nous apprécions l'analyse constructive qui a été faite même si nous ne sommes pas d'accord sur tous les points.

Je suis heureux que vous disiez, à la page 7 de votre exposé, être conscient des problèmes humains bien réels causés par l'effondrement de l'industrie du poisson de fond. Lorsque nous examinons la question et la façon dont elle est présentée, nous devons bien comprendre que toute médaille a son revers. D'un côté, il y a les considérations économiques. De l'autre, il y a les personnes et les collectivités—des gens en chair et en os—qui sont très gravement touchées par l'effondrement de la pêche aux poissons de fond.

Depuis la publication du rapport, le chef de l'opposition a dit à plus d'une reprise que c'est un pur gaspillage d'argent. Cela me dérange, parce qu'on replace tout dans un contexte économique au lieu d'examiner ce qu'il faut faire dans l'ensemble.

Le chef de l'opposition a cité le paragraphe 14.5 qui dit «nous n'avons trouvé aucun énoncé clair d'une politique nationale sur les pêches durables». Je tiens simplement à préciser, aux fins du compte rendu, que des progrès ont été réalisés. Nous avons adopté la Loi sur les océans au cours de la dernière législature, et elle est en voie de mise en oeuvre. Cela prendra un certain temps. Il y a aussi la nouvelle Loi sur les pêches qui a été déposée, mais qui n'a pas été adoptée lors de la dernière législature. Le ministre, des représentants du ministère et des organisations de pêcheurs l'examinent actuellement pour savoir comment il faudrait la présenter cette fois-ci—dans sa version originale, en partie ou sous une autre forme. Je suis certain que le comité sera saisi de cette question.

Ma question a trait au processus. D'après ce que vous avez vu, de quelle façon recommanderiez-vous d'aborder tous les aspects du problème? Il y a l'aspect économique, qui nous préoccupe, mais il ne faut pas oublier que l'argent versé dans le cadre de la LSPA et d'autres programmes a servi à nourrir des pêcheurs. C'est très important pour la survie des gens et des collectivités.

• 1020

Auriez-vous des suggestions à faire quant au processus qui permettrait de réaliser le plan? Vous savez sans doute que le ministre Pettigrew a demandé à une personne haut placée d'examiner la situation, mais auriez-vous d'autres suggestions à faire?

M. Doug Timmins: Vous me posez là une question très complexe. Si je comprends bien, elle ne porte pas uniquement sur les modifications à apporter à la Loi sur les pêches pour mettre en oeuvre certains aspects de la politique nationale sur les pêches; vous voulez aussi savoir comment régler le problème. Si c'est le cas, je ne suis pas certain que nous ayons une solution magique à proposer.

Cela va certainement prendre du temps. Il faudra sûrement faire jouer la négociation, le partenariat et la discussion pour établir certains objectifs clairs concernant le sens à donner à la conservation et au principe de précaution et les moyens à prendre pour gérer les pêches, secteur par secteur ou collectivité par collectivité, si on veut tenir compte des collectivités et des questions sociales et économiques.

Si la question que vous me posez concerne la politique nationale sur les pêches à l'intérieur de la Loi sur les pêches, je dirais que l'idée de déposer à nouveau le projet de loi est bonne, parce que je ne vois pas vraiment de solution autre que le débat par un comité parlementaire.

M. Wayne Easter: Ma deuxième question découle de celle que je viens de poser. Je veux tout simplement avoir votre point de vue à ce sujet. Vous avez participé à la vérification. Je présume—même si je pense qu'il ne faut jamais présumer de rien—que vous avez probablement parlé à des gens dans des collectivités qui ont eu droit à la LSPA et qui ont été touchées par elle. D'après leur expérience—et je sais que vous essayez de vous en tenir à des questions économiques dans ce rapport—diriez-vous que la LSPA a eu une influence heureuse dans leur vie?

Je ne suis pas d'accord avec l'idée que ce programme a été un gaspillage d'argent. Il aurait peut-être pu être mieux administré— j'en conviens—mais je ne veux pas qu'on ait l'impression qu'il a été une perte d'argent.

Vous dites au point 27, à la page 5:

    Nous avons constaté que très peu de progrès avaient été faits en ce sens. De plus, nous avons constaté que les besoins en information des agents d'application ne sont pas satisfaits et que l'effort d'application a été détourné du poisson de fond pour cibler d'autres pêches.

Pourriez-vous expliquer ce point?

M. Doug Timmins: Je pense qu'il faut se remettre dans le contexte du chapitre 15, dans lequel nous disons qu'il serait nécessaire de mieux intégrer l'application des règlements, que l'application de ceux sur le poisson de fond n'a pas toujours été prioritaire, que l'information ne répond pas toujours aux besoins d'application des règlements et que le ministère a indiqué qu'une meilleure formation des agents d'application s'imposait. C'est dans ce contexte que nous avons fait cette observation.

M. Wayne Easter: J'ai une question supplémentaire à poser à ce sujet. Vous dites que l'effort d'application a été détourné du poisson de fond pour cibler d'autres pêches. Comment cela?

M. Doug Timmins: La priorité accordée à l'application des règlements est centrée sur des pêches autres que celle du poisson de fond. À dire vrai, nous parlons ici d'un nombre limité d'activités de pêche au poisson de fond, mais le fait que la priorité soit accordée à d'autres pêches n'aide pas vraiment, à notre avis, à faire en sorte que l'application des règlements soit ce qu'elle devrait être dans le cas du poisson de fond.

• 1025

Le président: Nous allons maintenant passer à la Nouvelle-Écosse et à M. Stoffer, puis à Terre-Neuve et à M. Matthews. Viendra ensuite M. Hubbard du Nouveau-Brunswick, puis nous reviendrons à M. Duncan de la Colombie-Britannique.

Avant de leur céder la parole, j'aurais une brève question à poser au vérificateur général étant donné sa réponse à M. Easter.

Nous avons un groupe qui a demandé à témoigner devant le comité. Il s'agit d'un groupe de bénéficiaires de la Stratégie qui voudraient vous présenter une pétition, monsieur le vérificateur général. Ils représentent des milliers de bénéficiaires de la LSPA qui veulent une enquête pour savoir où est allé l'argent versé dans le cadre de la Stratégie. Ils nous ont envoyé leur pétition—je vais demander qu'elle soit photocopiée et distribuée aux membres du comité.

Ma question sera brève. D'après les bénéficiaires de la LSPA, vous n'avez pas cherché à savoir où l'argent est vraiment allé, c'est-à-dire l'argent qui ne leur a pas été versé. Qu'avez-vous à répondre à cela, à la lumière de la pétition envoyée au comité?

M. Denis Desautels: Leurs allégations ont peut-être à voir avec le fait que nous n'avons pas soumis à une vérification exhaustive l'aspect du programme portant notamment sur la formation et l'achat de cours à des établissements. Nous n'en avons fait aucune évaluation parce que ce type d'activité n'est pas propre à la LSPA. En fait, DHRC s'occupe de ce genre de programme depuis bien des années. Nous ne nous sommes donc pas intéressés à cet aspect de l'utilisation des sommes prévues par la Stratégie, nous concentrant plutôt sur les prestations versées aux bénéficiaires ainsi que sur le retrait des permis et les retraites anticipées.

Le président: Parfait. Nous allons maintenant passer à M. Stoffer de la Nouvelle-Écosse, pour revenir ensuite à M. Matthews de Terre-Neuve.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Les néo-démocrates devraient toujours passer en premier. Merci, monsieur le président.

J'espère que vous avez aimé votre pomme de la Nouvelle-Écosse, monsieur le vérificateur général.

J'ai bien des choses à dire, et cinq minutes ne suffiront pas. Comme M. O'Brien du Labrador, j'aurais probablement préféré avoir cinq heures, ou cinq semaines.

Monsieur O'Brien, avant de m'adresser au vérificateur général, je tenais à vous dire qu'il est toujours plus facile d'accuser un prédateur comme le phoque. C'était la même chose lorsque je vivais au Yukon. Nous tenions les loups responsables de la pénurie de caribous. Le vrai responsable, c'est l'homme. La chose la plus facile à faire, c'est de s'en prendre à un prédateur. Même si je suis d'accord avec vous pour dire qu'il aurait dû être question des phoques dans ce rapport, il est toujours plus facile d'accuser un prédateur alors qu'en fait, c'est l'homme qui est la cause du problème de la Stratégie du poisson de fond. Si nous pêchons toutes les crevettes, les morues ne reviendront pas parce qu'elles n'auront rien à manger. Votre argument est à double tranchant. J'aimerais bien que nous débattions la question ensemble de manière plus formelle.

Le vérificateur général a omis de mentionner dans son rapport l'aspect historique des systèmes de quotas et l'effet dévastateur qu'ils ont eu sur le poisson de fond. Pendant des centaines d'années, les contingents ont été répartis entre les collectivités et voilà que maintenant les entreprises ont pris le contrôle. Cinquante pour cent des ressources du Canada atlantique sont sous le contrôle d'entreprises qui utilisent des engins de haute technologie pour pêcher le poisson. Elles peuvent pêcher des tonnes de poisson en quelques heures alors qu'il fallait autrefois des semaines à des milliers de personnes pour le faire. J'aurais aimé que vous insistiez dans votre rapport sur le fait que c'est là un grave problème qui se pose dans l'industrie de la pêche.

J'ai toujours soutenu qu'il est plus facile de dire qu'il y a trop de pêcheurs alors qu'en réalité c'est ce maudit équipement qui est trop gros et trop utilisé. On va finir par réduire l'industrie à néant. Vous avez parlé tout à l'heure de la nécessité pour l'industrie et le gouvernement de discuter ensemble du contrôle que l'industrie pourrait exercer sur les stocks de poisson. Je vous dirai que c'est la pire chose qui pourrait arriver. Ce serait comme de confier la garde de nos forêts à des entreprises d'exploitation forestière. C'est impensable.

Je pense qu'une plus grande collaboration s'impose à cet égard. Parlez-en à n'importe quel pêcheur de la côte. Vous verrez que ce ne sont pas eux les responsables; ce sont les gros conglomérats. Tout est de leur faute.

Un pêcheur de Sambro m'a expliqué le problème bien simplement. Il a quitté l'école après sa cinquième année et pêche depuis 35 ans. Voici ce qu'il m'a dit: «Peter, c'est facile à comprendre: tu peux avoir sept gars qui gagnent 30 000 $ par année ou tu peux en avoir un qui gagne 200 000 $.» C'est là le noeud du problème. Nous en sommes arrivés au point où nous pouvons tout prendre en quelques minutes alors qu'auparavant il fallait des semaines.

• 1030

Vous avez dit aussi qu'une mesure officielle s'impose. Je vous répondrais que même si vous ne pouvez pas dire au gouvernement quoi faire, vous pouvez certainement le conseiller. Il pourrait y avoir une enquête judiciaire. À mon avis, une enquête judiciaire est le seul moyen que nous ayons pour exercer des pressions sur les scientifiques du ministère des Pêches et des Océans, du ministère de l'Environnement et de tous les autres secteurs de notre société pour qu'ils finissent par désigner les vrais coupables sans avoir à se soucier de leur emploi ou de la loi du silence qui leur est imposée—dans cette soi-disant démocratie dans laquelle nous vivons. Ce sont toujours les mêmes qui sont au ministère des Pêches et des Océans.

Depuis la fusion, la gestion de certains services du ministère des Pêches et des Océans a été confiée à la Garde côtière. Vous n'en faites mention nulle part dans votre rapport. Il aurait dû en être beaucoup question. La Garde côtière s'y connaît en bateaux, mais elle ne connaît rien des sciences, et c'est là un autre problème. C'est un problème grave.

Ça ne peut pas continuer ainsi.

Vous n'avez pas beaucoup parlé dans votre rapport de questions comme les prises accessoires. Au moment même où nous nous parlons, on continue à rejeter en mer des tonnes et des tonnes de poisson. Il y a aussi les chalutiers russes et cubains qui apportent leurs prises à nos usines de transformation. Il pourrait y avoir là des emplois pour les Canadiens. Et la liste est longue.

Vous avez raison de dire qu'il n'y a pas de politique nationale. Nous le savons depuis des années. C'est un grave problème.

Si l'on tenait une enquête judiciaire, non seulement on finirait par savoir ce qu'il en est vraiment de la Stratégie et de tout le reste, mais on aurait également des recommandations fermes de diverses personnes de toutes les régions du Canada atlantique qui pourraient avoir des solutions valables à proposer. Sans enquête judiciaire, je ne pense pas que le rapport ira bien loin.

D'autres questions se posent également.

Je suis d'accord avec M. Easter pour ce qui est du soutien du revenu. L'argent n'a pas été gaspillé, même si une partie de cet argent, probablement des centaines de millions de dollars, a pu être détournée des fins auxquelles il était destiné. Je crois néanmoins qu'il a servi à nourrir tous ceux qui en avaient de besoin.

Il avait été promis que la Stratégie se poursuivrait jusqu'en mai 1999, pas jusqu'en 1998. Comme M. Bernier l'a dit, vous auriez dû préciser dans votre rapport qu'elle était valable jusqu'en mai 1999. Cela nous donne non pas six mois, mais bien 18 mois pour trouver des solutions valables. Il s'agissait d'ententes contractuelles. Les gens ont emprunté, fait des investissements et pris toutes sortes d'autres mesures en pensant être assurés d'un revenu jusqu'en mai 1999. Et voilà que le gouvernement, sans consulter personne—même s'il dit l'avoir fait—entend mettre un terme à ces ententes en mai 1998.

Je ne veux pas chercher à savoir, pour le moment, qui a exercé des pressions sur lui, mais j'en ai une bonne idée.

Je comparerais la situation des pêches à ce qui ce passe dans l'industrie agricole en Saskatchewan. Il y a vingt-cinq ans, une famille pouvait survivre avec cinq sections de terrain. Plus maintenant. Elle en a besoin d'au moins vingt. C'est la même chose pour les pêches. Il faut toujours voir plus grand. Il faut un bateau de plus en plus grand. Il faut s'endetter toujours davantage. Il faut prendre toujours plus de poissons. C'est une pression supplémentaire qui s'exerce sur la ressource.

Ce sont là des questions sur lesquelles j'aurais voulu que le rapport se penche: le fait est que ce n'est pas le pêcheur dans son bateau de 18 pieds qui est à la source du problème, mais bien les gros conglomérats qui ont été subventionnés à partir de 1983 dans le cadre de l'expérience de la National Sea à Lockeport. On finance une aussi grosse société à Lockeport et quel est le résultat? Au bout de quelques années, les stocks commencent à s'épuiser et les travailleurs sont mis à pied. Pourtant, une petite poignée de gens ont amassé des sommes incroyables. Et je peux vous dire que ce ne sont pas les petits pêcheurs du Labrador, de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard ou du Nouveau-Brunswick.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

Je ne sais pas quelle est la question, mais vous pourriez peut-être...

M. Peter Stoffer: Désolé. C'est au sujet de l'enquête judiciaire. Pourquoi n'est-il pas demandé d'enquête judiciaire sur les pêches dans son rapport?

Le président: Le vérificateur général pourrait peut-être répondre à cette question étant donné que 50 p. 100 du poisson pêché sur la côte Est, selon votre rapport, provient du large. L'autre moitié provient de bateaux étrangers qui pêchent dans les stocks chevauchant la zone de 200 milles. C'est pourquoi, comme le dit M. Stoffer, vous n'avez pas besoin de limiter la pêche côtière si vous vous en tenez à la logique de votre rapport.

Monsieur le vérificateur général.

M. Denis Desautels: Tout d'abord, il est bel et bien question dans notre rapport de certaines des questions que M. Stoffer vient de soulever. La question de la capacité et de ce qui contribue à la capacité, à savoir ce que la capacité veut dire, y est abordée. Je vous renvoie entre autres au paragraphe 14.56. Nous avons aussi traité d'autres facteurs qui ont contribué au problème, comme les prises accessoires et la bonification des captures par rejet sélectif. Nous avons d'une manière ou d'une autre parlé de plusieurs causes possibles de l'effondrement.

• 1035

Le message à retenir, c'est que le ministère des Pêches devrait—comme je l'ai dit tout à l'heure—expliquer plus clairement dans quelle mesure chacun de ces différents facteurs a contribué à l'effondrement, parce que tout le monde se pointe du doigt sans qu'on sache vraiment ce qu'il en est. Il faudrait que les parlementaires entendent ce que le ministère a à dire au sujet de la contribution relative de chacun de ces facteurs à l'effondrement.

En ce qui concerne l'enquête judiciaire, tout ce que je peux dire, c'est que la décision appartient aux parlementaires et au gouvernement. Je sais que le ministère est en train d'examiner la gestion de la fonction sciences dans ses rangs. J'espère que lorsque cet examen interne sera terminé et que les résultats en auront été rendus publics, nous pourrons décider de la prochaine étape à suivre.

Le président: Monsieur Matthews, de Terre-Neuve.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à remercier le vérificateur général et ses représentants d'avoir bien voulu nous rencontrer ce matin, et je tiens à dire, d'entrée de jeu, que rien dans le rapport ne me surprend. Je pense que pour ceux d'entre nous qui connaissent le secteur des pêches et qui ont suivi l'évolution de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, le rapport du vérificateur général est l'évidence même. Ce que je craignais le plus, c'est que le transfert des dossiers du ministère des Pêches à DRHC se fasse difficilement lorsque la LSPA a remplacé le Programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord, le PARPMN. Je ne suis donc pas surpris du gâchis actuel.

Ma pire crainte ce matin, monsieur le président, est que nous nous retrouvions dans un gâchis pire encore lorsque nous passerons à d'autres mesures. Je ne dis pas cela à la légère, parce que je suis préoccupé par le sort de mes électeurs.

L'examen de la LSPA a été à mon avis un pur gaspillage de temps et d'effort. Tout a déjà été dit sur les problèmes qui l'entourent. Le vérificateur général a très bien réussi à les faire ressortir dans son rapport. Tous ceux que la Stratégie touche de près connaissent les problèmes. Aujourd'hui, le gouvernement devrait savoir quelle stratégie et quel plan adopter après la LSPA. Nous n'avons pas besoin d'attendre plus longtemps ni de dépenser plus d'argent. Nous savons que les travailleurs seront moins nombreux dans le secteur des pêches. Le véritable défi pour le gouvernement sera de savoir quoi faire avec ceux qui ne pourront plus vivre de la pêche. C'est là le vrai défi. Que vont-ils devenir?

J'aimerais que le vérificateur général nous dise ce que l'on a fait des 545 permis des pêcheurs qui ont pris leur retraite dans le cadre du programme de rachat de permis dont il a parlé. J'étais dans ma circonscription la semaine dernière, dans la région de Grand Banc—Fortune dans la péninsule de Burin, et j'ai rencontré des représentants de la pêche côtière, des usines de transformation et des syndicats locaux. Ils m'ont dit que les bateaux de pêche dans cette région sont plus nombreux qu'avant le moratoire. Il y a plus de bateaux qui pêchent dans cette petite région à cause, entre autres choses, des transferts de permis qui ne sont plus en vigueur.

J'aimerais également que le vérificateur général nous dise s'il a ou non constaté, dans le cadre de son enquête, que les permis ont été effectivement rachetés, mais que les bateaux et les engins continuent à pêcher. Il n'y aurait donc pas eu de réduction réelle de la capacité de récolte? On aurait ainsi donné 100 000 $, 150 000 $ ou 200 000 $ à quelqu'un pour qu'il reste à terre, et il en était bien content, mais quelqu'un d'autre est monté à bord du navire avec un équipage et ce navire pêche toujours. Comment donc, grands dieux, pouvait-on s'attendre à une réduction de la capacité de récolte dans ces conditions? Mais c'est ce qui est arrivé, j'en mettrais ma main au feu.

L'autre chose que je tiens à dire au vérificateur général afin que lui-même et d'autres membres du comité le sachent, c'est que des lettres ont été envoyées par les ministres des Pêches et des Ressources humaines d'alors aux gens de l'industrie pour leur parler de retraite anticipée. Ces lettres existent; j'en ai des copies. Des centaines de personnes, à Terre-Neuve et au Labrador seulement, ont reçu une lettre leur disant que si elles atteignaient l'âge de 55 ans durant la période de prestations de la LSPA, elles auraient droit à une retraite anticipée. Le gouvernement est revenu sur cet engagement. Je me demande si la question s'est posée dans le cadre de votre enquête.

Les gens s'interrogent aussi beaucoup, surtout à Terre-Neuve et au Labrador, sur les millions de dollars dépensés pour des programmes de formation dans des établissements privés. Plus précisément, la plus grosse question qui se pose à Terre-Neuve et au Labrador—et que le président a soulevée en partie—c'est de savoir ce que le syndicat des pêcheurs a fait, la FFAW...? La rumeur veut que le syndicat ait reçu 50 millions de dollars dans le cadre de la LSPA et du PARPMN, et je me demandais si vous-même et vos représentants saviez à quoi a servi cette somme approximative de 50 millions de dollars. C'est un sujet de préoccupations majeur pour les gens du Canada atlantique, parce qu'ils veulent savoir où cet argent est allé.

• 1040

Le président: Monsieur Timmins, vous avez fait la vérification. Qu'avez-vous à répondre?

M. Doug Timmins: Merci, monsieur le président. Malheureusement, je ne pense pas pouvoir répondre aux trois questions que le député a posées.

Nous n'avons trouvé aucune preuve de tout cela. Nous ne nous sommes pas demandé ce qui était arrivé aux permis. Nos efforts ont porté sur le programme de rachat lui-même et sur les sommes qui ont été allouées.

Nous n'avons recueilli aucune preuve non plus d'un bris de promesses, ou de quoi que ce soit d'autre, si j'ai bien compris votre deuxième question. Quant à votre première question, sur les 50 millions de dollars qui ont été accordés pour la formation, je pense que M. Desautels y a répondu. Nous ne nous y sommes donc pas arrêtés pour les raisons qui vous ont déjà été données.

M. Bill Matthews: Merci. C'est un point très important.

Ma question suivante s'adresse au vérificateur général. Je ne comprends peut-être pas bien votre travail, mais je pensais que le rôle du vérificateur général et des fonctionnaires de son ministère aurait été d'examiner les dépenses engagées en vertu des divers éléments de la LSPA pour voir où l'argent était allé et si tout était en ordre. C'est ce que je croyais. J'ai peut-être eu tort, mais...

Si cela n'a pas été fait, laissez-moi vous demander s'il n'y aurait pas moyen d'examiner en particulier deux éléments de ce programme. Premièrement, j'aimerais savoir à quoi a servi l'argent qui a été accordé à des établissements de formation et pour des programmes de formation. Deuxièmement, où sont allés les fonds qui ont été versés à la FFAW, le syndicat de Terre-Neuve, à quoi ont-ils servi et ont-ils été dépensés à bon escient et prudemment? Si vous n'avez pas examiné ces deux points, pourriez-vous le faire?

Je me demande aussi si le vérificateur général, étant donné ce qu'il a dit à propos du ministère des Pêches, a envisagé sérieusement de recommander—et il a parlé des sciences—que les activités scientifiques du ministère soient complètement indépendantes de celles du ministère des Pêches et des Océans, qu'elles n'aient aucun lien de dépendance avec lui, pour que nous soyons certains, comme mon collègue néo-démocrate l'a dit, que les gens n'auront pas peur ou ne seront pas empêchés de dire ce qu'ils ont à dire. Je crois fermement qu'il faudrait confier cette activité scientifique à une commission ou à un organisme indépendant pour qu'il n'y ait aucune restriction et que nous sachions vraiment la vérité sur nos stocks de poissons.

Le président: Monsieur Timmins, avez-vous quelque chose à dire?

M. Denis Desautels: Je vais répondre à ces questions, si vous me le permettez, monsieur le président.

Pour répondre à la première question au sujet de l'argent consacré à la formation, nous pouvons effectivement mener une telle enquête si nous le souhaitons. C'est à nous de décider, en fonction de différents facteurs, si nous voulons approfondir une question ou une autre. Nous devons constamment faire des choix et, jusqu'à maintenant, nous avons choisi de ne pas approfondir cette question. Nous pourrions en décider autrement et, oui, nous avons la capacité et le mandat qu'il faut.

La seconde question, à savoir s'il faudrait ou non retirer l'activité scientifique du ministère des Pêches et des Océans, est très intéressante. Nous avons des exemples de ce qui se fait ailleurs au gouvernement. Nous avons des organismes semi-autonomes comme le Conseil national de recherches du Canada, par exemple, qui s'adonnent à des activités scientifiques assez distinctes.

Pour répondre à cette question, je dirais que je préfère attendre les résultats de l'examen interne en cours pour savoir ce qui sera recommandé concernant la gestion de l'activité scientifique au ministère avant de prendre une décision.

J'ajouterai, cependant, que nous pourrions quand même entre-temps prôner une plus grande transparence. En fait, depuis 1993 je crois, il existe un conseil qui joue le rôle d'intermédiaire entre le ministre, la communauté scientifique et les fonctionnaires du ministère. Je pense qu'une telle transparence est très saine et qu'en renforçant cet aspect particulier, nous viendrions à bout de certaines des préoccupations soulevées par M. Matthews.

• 1045

Le président: Merci, monsieur le vérificateur général. Vous répondrez donc aux pêcheurs, aux bénéficiaires de la LSPA, qui vont vous envoyer une pétition pour vous demander, comme M. Matthews, de vérifier comment l'argent a été dépensé.

Nous allons maintenant passer à M. Hubbard du Nouveau-Brunswick.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à féliciter le vérificateur général pour son bon travail, mais je ne suis pas sûr qu'il savait vraiment dans quoi il s'embarquait lorsqu'il a commencé à examiner ce chapitre de son rapport. Il va sûrement se rendre compte dans les semaines à venir que c'est une question très vaste, et nous allons probablement l'inviter de nouveau ou lui demander de nous fournir plus de renseignements.

Le rapport est plutôt critique de la gestion du MPO. Sur une échelle de un à dix, où dix est la plus haute note, comment coteriez-vous la gestion du MPO?

Le président: Voulez-vous répondre à cette question ou préférez-vous vous abstenir?

M. Denis Desautels: Pas vraiment, monsieur le président. Nous n'avons pas fait notre travail de façon à en arriver à une note aussi précise.

Les problèmes sont assez graves, de toute évidence, mais je dois vous avouer que nous ne blâmons pas nécessairement le MPO pour tous ceux qui ont été mentionnés ici. Je pense qu'ils dépassent le cadre d'un seul ministère. D'autres personnes ont été mêlées au programme de la LSPA, par exemple, et lorsqu'on parle d'une politique nationale, il y a d'autres acteurs en jeu.

M. Charles Hubbard: Mes dix minutes sont peut-être écoulées, mais si c'était une société privée qui avait reçu d'aussi mauvais résultats, et si nous étions actionnaires ou investisseurs, nous aurions des décisions très difficiles à prendre. Je crois qu'il faudra envisager les décisions à prendre en se fondant sur votre rapport, monsieur le vérificateur général, que la plupart des gens autour de cette table trouvent très critique, surtout en ce qui concerne la notion de durabilité.

Est-ce réaliste de s'attendre à ce que le MPO se montre à la hauteur de la tâche et élabore un programme durable pour les pêches au Canada?

Cela dit, j'aimerais aussi savoir en ce qui concerne l'enquête que vous avez effectuée comme vérificateur général... Nous parlons ici de gens qui ont une tête, et toutes sortes de têtes se demandent comment l'argent est dépensé. M. Easter a fait allusion au coeur. Est-ce que certains de vos fonctionnaires ont aussi le pied marin? Ils connaissent peut-être le secteur des pêches du Canada atlantique, mais ont-ils la pêche dans le coeur et dans le sang? Avaient-ils le goût du sel sur les lèvres, avaient-ils senti le vent du large, connaissaient-ils bien les navires dont ils ont essayé de parler dans ce rapport?

Le président: Monsieur le vérificateur général, M. Timmins souhaite-t-il répondre à cette question?

M. Doug Timmins: Pour répondre à votre première question, le problème, comme M. Desautels l'a indiqué lorsqu'il a répondu à une question antérieure, est loin de concerner la gestion des pêches uniquement. Nous faisons valoir dans nos chapitres certaines des mesures que le gouvernement pourrait prendre pour régler le problème. Ce n'est pas uniquement un problème de pêche.

Nous faisons aussi valoir que de nombreuses bonnes intentions se cachaient derrière les points de référence biologique ou les mesures de conservation qui ont été adoptés par le passé, mais ces mesures n'ont pas donné les résultats escomptés une fois mises en oeuvre, et c'est à ce genre de choses que de nombreux intervenants, y compris l'industrie, doivent travailler en collaboration avec le secteur des pêches pour que la conservation soit considérée comme prioritaire et que la ressource soit gérée en conséquence.

Quant à la question de savoir si cela peut se faire, je dirais que ce n'est pas à l'administration du MPO d'y répondre.

Je suis désolé, monsieur le président, mais j'ai oublié la deuxième question.

Une voix: C'était à propos du pied marin.

M. Doug Timmins: Oui. J'ai été soudain pris du mal de mer et je m'en excuse.

Un certain nombre de personnes nous ont conseillés, des gens qui vivaient dans les Maritimes, sur la côte Est, dont la famille travaillait dans l'industrie des pêches, et d'autres. Aucun pêcheur n'a vraiment participé à la vérification, mais nous avions parmi nos conseillers des gens qui venaient du secteur des pêches et qui nous ont été d'un grand soutien. Nous avions aussi un représentant de l'industrie pour nous conseiller.

• 1050

Le président: Merci, monsieur Timmins.

Nous allons maintenant passer aux députés de la Colombie-Britannique, M. Duncan, puis M. Lunn.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais féliciter le vérificateur général pour la tâche accomplie. Tout le monde peut savoir qu'un programme est un désastre, mais il est utile de pouvoir demander à quelqu'un d'en faire une analyse indépendante.

Certaines personnes semblent ici s'en prendre au messager. Nous avons toutes sortes d'indices montrant que la politique du gouvernement était au coeur du problème. Le vérificateur général fait allusion à une déclaration très accablante au paragraphe 14.43 de son rapport. Il y dit que, déjà en 1970, le gouvernement savait qu'une rationalisation de la pêche s'imposait. Dans les faits, plutôt qu'une rationalisation, c'est une expansion qui a marqué la décennie suivante.

Le secrétaire parlementaire a fait allusion à une déclaration du chef de l'opposition. Je ne me fierai pas à la trame sonore de Radio Canada et je vais vous répéter ici, aux fins du compte rendu, ce que Preston Manning a dit exactement durant la période des questions:

    Lorsque le Parlement a décidé d'appuyer le programme, l'argent devait servir à la formation et à la restructuration de l'industrie et elle n'a eu ni l'un ni l'autre dans le cadre de la LSPA.

C'est de cela exactement que nous parlions.

Le fait est que tout le secteur des pêches a été trahi. On ne s'est pas vraiment préoccupé des recherches scientifiques légitimes. Les pêcheurs dont la survie dépendait d'une saine gestion ont aussi été trahis.

La population de Terre-Neuve s'amenuise. La situation est déplorable. Personne ne s'est même jamais excusé pour ce qui a été fait à cette province.

«La leçon a été très dure», a dit plus tôt aujourd'hui le vérificateur général. Nous n'aurions pas dû avoir à apprendre ces leçons en 1997. En 1993, M. Crosbie, alors ministre des Pêches, a dit: «Nous ne pouvons pas continuer à payer les gens à ne rien faire.» C'était à l'époque du PARPMN, l'ancien programme. Il a aussi dit: «C'est une gigantesque expérience sociale.» En 1994, le ministre des Pêches, M. Tobin, disait: «C'est le dernier programme en son genre.» Eh bien, la gestion préventive est une chose très souhaitable.

Des scientifiques de Pêches et Océans et d'ailleurs se sont plaints publiquement de la suppression ou de la politisation de l'opinion scientifique et des évaluations des stocks. Nombreux sont ceux qui ont laissé entendre que nous avions besoin d'une loi nous habilitant à faire état de nos évaluations des stocks. Je sais que vous avez déjà répondu à une question à ce sujet. Je crois que ce serait un sujet très valable d'enquête pour le vérificateur général qui pourrait faire les recommandations qui s'imposent—une fois, comme vous le dites, que nous saurons ce que le ministère pense.

Enfin, monsieur le président, j'aurais une motion à présenter, après quoi je partagerai le temps qui reste avec mon collègue. Ma motion est la suivante:

    Attendu que la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique s'est soldée par un échec lamentable et que les bénéficiaires de la LSPA ont demandé ce qu'il était advenu des millions de dollars provenant des contribuables qui étaient censés venir en aide aux travailleurs déplacés du secteur des pêches, le comité propose que le directeur de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique entreprenne immédiatement une enquête pour savoir à quoi ont servi les fonds du programme, et qu'il comparaisse devant le comité au cours de la première semaine de décembre 1997 pour lui rendre compte des résultats de cette enquête.

Le président: J'examinerai la motion de l'honorable député, mais je tiens à rappeler au comité que nous rencontrons cet après-midi des représentants du ministère du Développement des ressources humaines, ainsi qu'Eugene Harrigan, qui enquête sur les activités futures du gouvernement fédéral dans le cadre de la LSPA.

Je pense que M. Lunn a une question à poser.

• 1055

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, monsieur le président.

Après avoir lu en détail le rapport du vérificateur général, je veux moi aussi le féliciter. J'ai été très dérouté par ce que j'ai lu. Je veux revenir sur la phrase du paragraphe 14.5 que M. Manning a citée lui aussi: «... mais nous n'avons trouvé aucun énoncé clair d'une politique nationale sur les pêches durables.» Je trouve cela très déconcertant. Comme député de la Colombie-Britannique, je suis avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe sur le littoral du Pacifique, et je vois ici un parallèle alarmant. Ce qui arrive en Colombie-Britannique, d'après ce que je lis dans ce rapport, est ce qui est arrivé au Canada atlantique.

Je crois savoir que le vérificateur général vient de terminer un rapport sur la pêche du Pacifique et j'aurais donc quelques questions à lui poser. Ce rapport contient lui aussi de nombreuses critiques concernant la protection et la conservation. La pêche durable semble perdre du terrain dans l'Atlantique et dans le Pacifique. Premièrement, ce rapport est-il terminé, ou existe-t-il même?

Deuxièmement, où est ce rapport actuellement, s'il existe? Je crois savoir qu'il doit être déposé à la Chambre au début de décembre. Pour quelle raison ne pourrions-nous pas y avoir accès dès aujourd'hui, s'il existe vraiment? Je pense que la pêche durable traverse une crise. Nous devons procéder le plus rapidement possible et tirer une leçon de nos erreurs, comme on nous le dit dans le rapport sur l'Atlantique.

Le président: Monsieur le vérificateur général, pourriez-vous répondre à la question que le député vient de vous poser? S'il a raison lorsqu'il dit que vous avez rédigé le rapport et que vous entendez le présenter le 2 décembre, vous l'avez de toute évidence terminé. M. Lunn a-t-il raison?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, le travail est presque terminé et nous sommes en train de mettre la dernière main au premier chapitre, qui porte sur le Pacifique. Nous avions l'intention de le déposer à la Chambre des communes le 2 décembre.

Je dis que c'est un premier chapitre. Nous planifions également un deuxième chapitre pour 1998. Il est beaucoup moins avancé.

Donc, nous étudions également les pêches de la côte du Pacifique. Nous ne sommes pas encore prêts à présenter les résultats de notre vérification, mais nous déposerons un rapport à ce sujet le 2 décembre et un autre plus tard, en 1998.

M. Gary Lunn: Si le rapport n'est pas encore terminé, aurais-je raison de supposer qu'il est encore dans votre bureau et que le ministère ne l'a pas encore reçu?

M. Denis Desautels: Nous discutons actuellement avec le ministère, comme nous le faisons toujours, pour nous assurer que les données sur lesquelles notre rapport est fondé sont correctes. Nous sommes donc actuellement en pourparlers avec le ministère pour mettre la dernière main à ce chapitre. C'est notre façon de travailler habituelle.

M. Gary Lunn: En raison de l'urgence de la situation sur la côte Ouest et des leçons qui ont été tirées de l'expérience sur la côte de l'Atlantique—la situation est très critique sur la côte du Pacifique où le temps presse et où les gens essaient de régler les problèmes à mesure qu'ils se posent—n'y aurait-il pas moyen pour le comité d'obtenir ce rapport avant le 2 décembre? L'avenir de la pêche durable en Colombie-Britannique pourrait en dépendre, et il pourrait nous être d'une grande utilité.

M. Denis Desautels: À mon avis, le rapport n'est pas encore prêt. Mais il ne reste plus longtemps à attendre. Il sera présenté le 2 décembre, donc dans très peu de temps. Je pense qu'il tombera alors très à point.

Je ne pense pas pouvoir le rendre public avant cette date. Nous allons travailler très fort d'ici là pour tout terminer

• 1100

Le président: Monsieur le vérificateur général, pourriez-vous vous engager à revenir devant notre comité le 2 décembre pour que nous examinions ce rapport avec vous ou le plus tôt possible après cette date, de préférence le 3 décembre?

M. Denis Desautels: Si vous m'invitez, je serai heureux de venir discuter avec vous de ce nouveau rapport.

Le président: L'invitation est lancée. Elle va tenir jusqu'à ce que vous soyez venu nous rencontrer.

Quant à la motion de M. Duncan voulant que le directeur du Développement des ressources humaines comparaisse devant le comité et rende compte de l'utilisation des fonds, nous allons rencontrer ses représentants cet après-midi même à 15 h 30. Je vais me servir de mon jugement et reporter la motion jusqu'après la séance. Si nous n'obtenons pas réponse à nos questions, je demanderai à M. Duncan de présenter à nouveau sa motion. Cette solution vous satisfait-elle, monsieur Duncan?

M. John Duncan: Oui.

Le président: Je vais maintenant céder la parole à M. Bernier qui a une petite question supplémentaire à poser, puis à M. Lawrence qui a lui aussi une autre petite question.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je vais essayer d'être bref.

Monsieur Desautels, plus tôt, lorsque vous avez répondu à ma première question en ce qui a trait au temps nécessaire au gouvernement pour bâtir un programme d'adaptation et de restructuration, vous m'avez dit que le gouvernement, dans les six mois qui viennent, en tout cas d'ici la date prévisible de la fin de la LSPA, a ou peut avoir le temps de construire un programme d'adaptation.

Ma prochaine question aura trait à la comptabilité. J'aimerais que vous fassiez l'éducation de l'adulte que je suis et de la population qui nous suit par l'entremise des caméras. Sans nommer le futur programme, tout le monde sait que les besoins financiers sont là et qu'il est raisonnable de croire que l'on fera des prévisions de dépenses dans le budget qui sera déposé au mois de février prochain. Tout le monde sait aussi que la LSPA doit prendre fin en mai 1998 et qu'on manquera d'argent pour se rendre jusqu'à l'an prochain. En termes comptables, comment cela fonctionne-t-il? On dit souvent que le gouvernement ne prévoit pas assez, ne réagit pas assez à l'avance. En tant que contribuables, peut-on s'attendre à que le gouvernement, sans nous dire s'il fera ou non cette dépense-là, prévoie cette dépense?

M. Denis Desautels: J'imagine que si le gouvernement, au moment de la préparation du prochain budget, a des intentions relativement claires quant à la prolongation ou au remplacement du programme, certaines sommes seront prévues à cet égard.

Cependant, il est fort possible que le montant et les conditions de prolongation du programme ne soient pas aussi évidents. Comme vous le savez, le gouvernement peut, dans le processus budgétaire, prévoir certains inconnus et tout simplement inclure dans ses provisions générales un montant qui sera peut-être utilisé pour le prolongement du programme actuel, selon les décisions qu'il prendra au mois de mai ou au mois de juin prochain. Donc, il peut y avoir un montant de prévu, mais ce montant et les conditions ne seront pas très évidents.

M. Yvan Bernier: Normalement, il serait juste et raisonnable de voir si le gouvernement veut se comporter en bon père de famille. Il sait que son programme va prendre fin en cours d'année budgétaire. Donc, à tout le moins, il devrait être capable de calculer combien il reste de gens qui bénéficient du programme et combien cela lui coûte par semaine, et faire un calcul pour se rendre à la fin de l'année suivante.

Par la suite, un des ministres prendra la décision de verser le montant ou pas. J'imagine que le marché boursier doit s'attendre à ce que cela nous coûte 500 000 $ de plus. J'imagine qu'il faut que ce soit quantifié quelque part. Dans ce sens-là, si le gouvernement gère en bon père de famille, on devrait pouvoir s'attendre à retrouver dans le prochain budget de M. Martin des prévisions à cet égard.

M. Denis Desautels: Je pense que c'est une question qu'on devra adresser au ministre des Pêches et des Océans ou au ministre des Finances.

M. Yvan Bernier: En tant que comptable et vérificateur général, pouvez-vous nous dire si, normalement, c'est un outil qu'on devrait avoir?

• 1105

M. Denis Desautels: Les principes budgétaires du gouvernement canadien sont tels que toute dépense prévue dans un exercice doit être comprise dans le budget qu'on dépose devant le Parlement. Donc, s'il y a des dépenses de prévues pour un tel programme lorsque le budget sera présenté, le ministre sera en mesure de répondre à votre question à ce moment-là, je pense.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur le vérificateur général.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Ma dernière question s'adresse au vérificateur général. Encore une fois, comme mon collègue réformiste l'a indiqué, je ne pense pas que nous soyons ici pour nous en prendre au messager; c'est contre le message que nous en avons. Il est alarmant, comme M. Lunn l'a dit, de voir qu'il n'existe aucune politique nationale qui s'appliquerait d'un océan à l'autre, et jusque dans l'Arctique.

M. Hubbard voulait savoir si vous pouviez donner une cote au MPO sur une échelle de un à dix. M. Matthews et moi-même ne serions même pas prêts à lui accorder un seul point. Le problème, c'est que les compressions vont continuer au ministère pendant deux autres années, si bien qu'il va perdre encore plus d'argent et d'employés.

Ma question est la suivante: estimez-vous que l'administration actuelle du DPO sera en mesure de s'acquitter de ses fonctions selon vos recommandations?

Le président: Monsieur le vérificateur général, je ne pense pas que vous ayez à répondre à cette question. Si vous préférez vous en abstenir, libre à vous.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, la décision de faire des compressions ou de ne pas en faire ne relève pas de ma compétence, évidemment, mais je crois qu'on dispose de suffisamment d'information en général sur la LSPA et son prédécesseur. Je pense que le ministère peut tirer les leçons qu'il y a à tirer de ce qu'on sait déjà.

Le président: Monsieur Stoffer, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Peter Stoffer: Il a beaucoup plus de confiance que moi. Par égard pour les 20 000 pêcheurs du Canada atlantique et du Québec—et sans compter ceux de la côte Ouest ou de l'Arctique—j'espère, monsieur, que vous avez raison de lui faire confiance.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, en deux mots, le ministère a accueilli très favorablement nos recommandations. Nous lui donnerons la chance de tenir les promesses qu'il nous a faites.

Le président: Merci.

M. Wayne Easter: J'aurais une objection à formuler, monsieur le président, ou à tout le moins un renseignement à demander, parce que je pense qu'il y a eu erreur dans l'appréciation des faits.

Je me demande si le vérificateur général pourrait faire une distinction claire entre les responsabilités du MPO et celles de DRHC à l'égard de la LSPA. J'ai l'impression que l'on croit à tort que le ministère des Pêches et des Océans est responsable de ce programme, ce qui n'est pas le cas. C'est DRHC qui en est responsable. Nos responsabilités s'arrêtent à la gestion.

M. Doug Timmins: Si vous vous reportez à notre chapitre, vous verrez que la partie de la LSPA dont le MPO est responsable fait l'objet du chapitre 15. Il s'agit essentiellement du rachat des permis, de la rationalisation et du renouvellement.

L'adaptation et le soutien du revenu relèvent de DRHC. Un paragraphe du chapitre 16 fait mention des deux autres organismes qui sont intervenus dans le cas des 50 millions de dollars accordés au développement économique régional. Ce sont l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et le Bureau fédéral de développement régional (Québec).

Le président: Merci.

Monsieur O'Brien, vous aviez une dernière question?

M. Lawrence O'Brien: Dans mes remarques de tout à l'heure, je ne pense pas m'en être pris au messager, comme les réformistes semblent le croire. Ce que j'essayais de dire, c'est que le messager aurait pu aller un petit peu plus loin et proposer des solutions un peu plus pratiques qui auraient aidé plusieurs des bénéficiaires actuels de la LSPA à reprendre leur vie en main lorsque la Stratégie aura pris fin. Je pensais surtout à certaines des préoccupations que j'ai exprimées dans ma propre circonscription.

Quant au porte-parole néo-démocrate, M. Stoffer, je tiens à dire très brièvement que l'homme a peut-être été à blâmer au début pour la technologie, le dragage et ainsi de suite dans le secteur des pêches. Je pense que dame nature s'en est mêlée depuis et qu'elle y est pour quelque chose dans le déséquilibre que les phoques créent dans l'écosystème. Je pense que le vérificateur général et le gouvernement du Canada doivent en prendre conscience. Arrêtez d'y aller par quatre chemins avec ceux qui ont pris la défense des phoques et regardez la réalité en face.

Ma dernière observation a trait à la vie après le programme actuel. C'est plutôt une question, qui n'a pas grand chose à voir avec ce que je viens de dire mais qui englobe tout, je suppose.

• 1110

Diriez-vous, monsieur, que peu importe le programme qui suivra la LSPA, ou la vie après la LSPA telle que nous la connaissons, ils comprendront de nouveaux rachats ou retraits de permis aux pêcheurs qui décideraient de prendre leur retraite à l'âge de 50 ou 55 ans? D'après moi, l'un des meilleurs aspects de la LSPA et du PARPMN a été la retraite anticipée, qui a accordé une certaine tranquillité d'esprit et un certain confort tout en permettant le développement des pêches. Je pense que cela demeure un élément très important.

Le président: Avez-vous une observation à faire, monsieur le vérificateur général?

M. Denis Desautels: Je serai très bref, monsieur le président. Je reconnais qu'il s'agit là d'une question vaste et difficile et que la réussite ne sera pas assurée, quels que soient les programmes que le gouvernement proposera.

Pour ce qui est des rachats, il est certain qu'il doit y avoir une réduction plus grande encore de la capacité totale, et pas nécessairement du nombre de permis, si nous voulons maintenir une pêche durable. À mon avis, si le problème n'est pas réglé aujourd'hui, on en parlera encore dans 15 ans.

J'ai une dernière observation à faire. J'y avais fait allusion tout à l'heure. Cela ressort des commentaires de quelques membres du comité. Je pense que si nous regardons un peu plus loin, il sera nécessaire d'essayer de séparer graduellement l'objectif que constitue la pêche durable de certains autres objectifs qui ont un caractère plus socio-économique.

Je crois personnellement que nous en demandons beaucoup au secteur des pêches en ce moment. Nos divers gouvernements devront trouver des solutions qui, avec le temps, permettront d'aborder non seulement le côté pêche, mais aussi le côté socio-économique de la question.

Le président: Merci, monsieur le vérificateur général. Monsieur Easter, vous pouvez faire un bref commentaire.

M. Wayne Easter: Oui. Vous avez dit au point 12 de votre exposé—je reviens un peu ici sur ce que M. Stoffer a dit tout à l'heure—que c'est une partie seulement des détenteurs des 10 435 permis restants, le «noyau», qui par le passé a pris le plus de poissons. Avez-vous quelque chose à ajouter à cela? Voulez-vous parler de pêcheurs commerciaux et, dans l'affirmative, quel est le pourcentage? Pouvez-vous nous dire, par exemple, ce qu'il en est de la pêche commerciale par opposition à la pêche familiale?

M. Doug Timmins: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à cette question.

Nous n'avons pas analysé le pourcentage que représentent les petits pêcheurs par rapport aux plus gros. Ce qu'il y a d'important à retenir ici, c'est que même s'il reste 10 000 permis, 545 autres permis ont été retirés dans le cadre de la LSPA. Ce n'est pas un chiffre très élevé. Les autres pêcheurs peuvent toujours pêcher. Ceux qui ne font pas partie du noyau et qui ont été désignés pour mettre fin à leurs activités détiennent 2 626 permis, mais ils ne comptent pas parmi les plus actifs.

Donc, ce qui a été dit ici, c'est que les 10 400 détenteurs de permis qui restent sont ceux qui pêchent le plus de poissons.

Le président: Dans le secteur côtier.

M. Doug Timmins: Sur le total.

Le président: Vous n'avez pas parlé des pêcheurs étrangers ni de la pêche en haute mer; vous voulez parler des bateaux qui pêchent le long de la côte.

M. Doug Timmins: Nous ne nous sommes pas préoccupés des pêcheurs étrangers, mais les permis qui restent couvrent tout, jusqu'à un certain point. Ils englobent les allocations aux entreprises.

Le président: Oui, c'est ce qu'on appelle les palangriers; ce sont des bateaux pouvant aller jusqu'à 65 pieds. C'est ce à quoi vous faites allusion. Les bateaux de plus de 65 pieds servent généralement pour la pêche en haute mer, mais vous n'en avez pas parlé. Certains membres du comité auraient aimé que vous abordiez la question.

De toute façon, M. Lunn a une brève intervention.

M. Gary Lunn: J'ai un bref commentaire à faire. M. O'Brien a mentionné les phoques, et je tenais à demander au vérificateur général s'il pouvait examiner la question. Je ne crois pas que la morue soit la cause du problème de l'industrie de la pêche aux phoques. Je crois plutôt que le gouvernement a délibérément supprimé cette industrie.

Il ne fait aucun doute que des centaines d'emplois pourraient être créés dans l'industrie de la pêche aux phoques, mais les règlements du gouvernement, qu'ils soient délibérés ou non, empêchent les pêcheurs d'exporter les produits du phoque. Le pêcheur canadien considère le phoque comme un poisson. Au Canada, le phoque est considéré comme un poisson. Le MPO ne le traite pas comme un mammifère. Il reste que c'est un mammifère, de sorte que les inspections doivent être approuvées par le ministère de l'Agriculture. C'est un fouillis bureaucratique. Le MPO ne peut, selon la loi, faire les inspections qui s'imposent ni délivrer les certificats nécessaires.

• 1115

Je crois que l'industrie de la pêche aux phoques offre d'énormes possibilités à Terre-Neuve. Je le répète, ce n'est pas la morue qui est au fond du problème. Le gouvernement a délibérément supprimé ce marché.

Je vous demanderais donc, si vous ne l'avez pas encore fait, de vous pencher sur ce fouillis bureaucratique et sur la suppression de l'industrie de la chasse aux phoques. Je pense qu'il pourrait s'agir d'une très grosse industrie pour Terre-Neuve, mais personne ne s'en occupe. C'est une vaste bureaucratie et votre bureau pourrait peut-être nous venir en aide à cet égard.

Le président: Monsieur le vérificateur général, avez-vous quelque chose à ajouter sur les phoques?

M. Denis Desautels: Je prends bonne note de cette demande, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous tenons à remercier le vérificateur général et ses fonctionnaires d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Bien sûr, il s'est engagé à nous rencontrer de nouveau lorsqu'il aura présenté son rapport sur le saumon de la Colombie-Britannique à la Chambre des communes. Nous lui en savons gré et nous demeurerons en contact avec lui.

Cet après-midi, nous allons examiner le chapitre 16, qui concerne le développement des ressources humaines, et chercher à savoir où l'argent est allé. Nous aurons aussi parmi nous M. Eugene Harrigan, à qui le gouvernement du Canada a demandé d'enquêter sur les mesures à prendre après le mois de mai, lorsque la LSPA aura pris fin. Nous avons donc rendez-vous cet après-midi dans la même salle à 15 h 30.

La séance est levée.