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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 23 octobre 1997

• 1305

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte; je suis heureux d'accueillir de nouveau tout le monde.

Nous pouvons nous réjouir de cette table ronde qui s'annonce fort intéressante. De l'Université Western Ontario, nous accueillons David Laidler et de l'Association de ventes directes, M. Jack Millar et Mme Linda Herron, qui accompagnent leur président, M. Vic Prendergast.

Vous savez sans doute comment nous fonctionnons. Vous disposerez d'environ cinq minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons à une période de questions.

Nous allons commencer par M. David Laidler du Département d'économie de l'Université Western Ontario. Bienvenue à vous.

M. David Laidler (département d'économie, Université Western Ontario): J'ai préparé un bref exposé, mais le mieux est que je vous en donne les faits saillants en guise d'introduction, si cela vous convient.

On nous a d'abord demandé de dire comment nous réagissions à l'amélioration de notre situation financière. Eh bien, je dirais que j'en suis ravi. Je suis à la fois ravi et surpris de la vitesse à laquelle le déficit a fondu.

On m'a aussi demandé de donner mon avis sur les moyens adoptés pour maîtriser la situation financière. Il y a deux ou trois ans, j'étais tellement tracassé par l'ampleur du problème, que je ne m'inquiétais pas beaucoup des moyens employés. La situation était tellement grave, que la fin justifiait n'importe quel moyen.

Dans l'ensemble, cependant, j'aurais préféré qu'on augmente un peu les impôts et qu'on réduise un peu moins les dépenses. Je suis un de ces universitaires favorables à l'élargissement de l'assiette des taxes de vente, mais j'ai cru comprendre que cette solution était un «non-non» politique. Quoi qu'il en soit, j'aurais été comblé qu'on élargisse l'assiette de la TPS et qu'on en augmente même temporairement le taux.

Je vous ferai cependant remarquer qu'on a tout de même augmenté les taxes, dans le cadre du programme de réduction du déficit, par un simple tour de main. En effet, une grande partie des recettes fiscales tient au fait que l'on n'a pas indexé à la baisse les impôts des particuliers, en fonction du taux d'inflation qui est inférieur à 3 p. 100. À cause de la conjoncture actuelle, le résultat est à peine suffisant, mais comme je tiens beaucoup à ce que le système financier soit honnête et transparent, cette mesure ne me met pas très à l'aise.

Par ailleurs, je trouve qu'il est tout simplement honteux qu'on n'ait pas indexé le crédit pour TPS en faveur des contribuables à revenu modeste. On aurait dû le faire, parce que cela se ramène à imposer une augmentation camouflée des impôts à ceux et celles qui sont le moins en mesure de la supporter.

Quant à ce qu'on devrait maintenant faire, je dois vous rappeler que le ratio dette-PIB est plus élevé aujourd'hui qu'il ne l'était en 1993-1994; alors, très franchement, je pense que nous ne disposons d'aucune marge pour réduire les impôts et les taxes ou pour augmenter les dépenses gouvernementales, sous aucune forme. L'économie canadienne est simplement trop vulnérable, à l'heure actuelle pour résister à d'éventuels chocs soudains: par exemple une crise politique au Québec ou un fléchissement de l'économie aux États-Unis. Des événements de ce genre pourraient faire chavirer notre situation financière tellement vite à cause des charges d'intérêt sur les dépenses annuelles que j'estime nécessaire de continuer, pendant quelques années encore, à réduire notre ratio dette-PIB afin que notre système des finances publiques ait un peu plus les coudées franches.

Cependant si la marge de manoeuvre est réduite, je suggérerais qu'on envisage deux options sur un plan fiscal. Avant tout, j'estime qu'il est faux de prétendre que les contributions au régime d'A-E gênent la création d'emplois. J'estime que rien ne le prouve. Néanmoins, il faut reconnaître que, dans le cas des bas revenus, ces contributions se conjuguent négativement avec les autres éléments du filet de sécurité sociale pour réduire les chances d'emploi des travailleurs non qualifiés, n'ayant pas d'expérience; on pourrait donc effectivement soutenir qu'il est nécessaire de réduire ce genre de contributions dans le cas des travailleurs faiblement rémunérés.

• 1310

Mais, car il y a un MAIS, la caisse d'A-E est actuellement largement excédentaire... Soit dit en passant, j'ai été peiné de constater qu'il n'en est pas fait mention dans la Mise à jour économique. Si l'on veut transformer le système d'A-E en système de cotisations sociales, ce serait peut être une bonne idée de le rebaptiser; mais si l'on veut lui conserver sa vocation de système d'assurance, alors il faudra effectuer des compressions générales.

Vous pourriez également réindexer les impôts des particuliers. Vous pourriez le faire à partir de maintenant ou même, si vous avez une certaine latitude, agir de façon rétroactive. J'estime qu'il y a véritablement lieu de combiner de telles mesures avec une hausse des seuils d'imposition pour les plus bas revenus.

Cela me ramène d'ailleurs à l'un de mes grands soucis, je veux parler de la façon dont le système financier se combine avec le filet de sécurité sociale, le système d'aide sociale et le système d'A-E pour imposer des taux marginaux d'imposition élevés sur des personnes essayant de se sortir du bien-être social et de réintégrer le marché du travail. J'y vois un sérieux dysfonctionnement du marché du travail canadien.

Je terminerai par un commentaire sur la politique monétaire. Je la trouve incroyablement laxiste. Il est intéressant de noter que les taux d'intérêt sont plus bas qu'ils l'étaient à la même époque l'année dernière, alors que les niveaux de confiance des consommateurs et des entreprises, présentés au graphique 2.5, page 16 de la Mise à jour économique et financière, sont en très nette augmentation. On le doit au fait que la masse monétaire est en train de croître à près de 20 p. 100 par an. Bien que cela ne risque pas de se traduire par un retour de l'inflation du jour au lendemain, il y a toujours le risque qu'une croissance saine se transforme en bon vieux boom, les bons vieux booms ayant la fâcheuse tendance de céder le terrain à de désagréables périodes d'inflation—de bonne vieille inflation—que l'économie canadienne ne peut se permettre avant au moins deux ans d'ici.

Tout cela a contribué à me convaincre que, sur le front monétaire, nous avons le choix entre une politique de modestes—et j'insiste bien ici sur la notion de modeste—augmentations des taux d'intérêt à court terme, au cours des prochains mois (celle-ci devant normalement nous permettre de retrouver la maîtrise de notre situation monétaire avant que d'occasionner trop de dégâts), et la politique du statu quo qui, selon moi, risque de provoquer des augmentations de taux d'intérêt beaucoup plus fortes d'ici un an ou 18 mois.

Donc, cet aspect de la conjoncture économique m'inquiète un peu. J'ai été heureux de voir que la Banque du Canada avait augmenté son taux d'intérêt au jour le jour, il y a quelques semaines, et je languis de savoir si cette mesure donnera les résultats escomptés. Personnellement, j'en doute.

Voilà tout ce que j'avais à dire dans mon introduction, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Laidler.

Nous allons maintenant entendre le président de l'Association des ventes directes, M. Vic Prendergast. Bienvenue parmi nous.

M. Vic Prendergast (président, Association de ventes directes): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, comme vous venez de le dire, je suis président de l'Association de ventes directes au Canada. Je tiens à remercier une fois de plus le comité de nous donner cette occasion de soulever ou de mettre en évidence plusieurs questions qui préoccupent non seulement nos compagnies adhérentes, mais l'ensemble des vendeurs indépendants constituant notre secteur au Canada.

Je profite de ce que j'aie la parole pour vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: Linda Herron est vice-présidente et conseillère juridique d'Electrolux—l'une de nos compagnies membres—, et elle est aussi présidente de l'Association de ventes directes (AVD), et Jack Millar, conseiller fiscal et également membre du conseil de l'AVD.

• 1315

Pour éclairer un peu à ceux et à celles qui ne nous connaissent pas, sachez que notre association a été fondée en 1954 en tant qu'organisation nationale représentant les sociétés de ventes directes et leurs vendeurs indépendants. Nos adhérents vendent directement au consommateur une vaste gamme de produits et de services, le plus souvent à domicile mais pas forcément, étant entendu qu'ils ne sont pas distribués en magasin.

Notre association regroupe actuellement 50 compagnies membres qui, quant à elles, rassemblent 600 000 vendeurs indépendants; en 1996, notre secteur a réalisé un chiffre d'affaires de 1,4 milliard de dollars, pour toute la gamme des produits et services représentés.

Encore une fois, pour bien vous indiquer qui nous sommes, sachez que notre association est composée de plusieurs sociétés multinationales bien connues comme Avon, Amway, Mary Kay, Tupperware, Electrolux et Shaklee. Nous représentons de plus en plus de sociétés ayant leur siège au Canada, dont certaines sont déjà grosses, comme Weekender Ladies Wear, Beauty Counsellors, Kids Only Clothing et La Relance.

Notre secteur de la vente directe puise sa force dans sa tradition d'indépendance et dans son réseau de vendeurs autonomes qui sont, pour la plupart, des personnes cherchant à disposer de sources de revenus supplémentaires ou différentes, quand rien ne les y empêche. Mentionnons, au passage, qu'environ 81 p. 100 des indépendants que nous représentons sont en fait des femmes. Environ 78 p. 100 de ces personnes travaillent à temps partiel et 22 p. 100 à temps plein.

Il est intéressant de noter que la vente directe offre, aux Canadiens et Canadiennes ordinaires, ainsi qu'aux petits entrepreneurs, hommes et femmes, résidant dans les villes, les villages et les collectivités rurales partout au pays, une façon pratique d'augmenter le revenu familial, moyennant un minimum de bouleversements et, plus important encore, un investissement minime.

Nos adhérents offrent des gammes de produits très étendues, qui vont d'articles classiques comme les produits cosmétiques, d'hygiène et de beauté, à l'électroménager, aux médicaments naturels, aux produits d'enseignement et aux livres, et j'en passe.

Pour notre premier exposé, aujourd'hui, nous entendons nous concentrer sur trois éléments qui concernent plus directement notre industrie, après quoi nous ferons quelques commentaires généraux relativement aux priorités à adopter, au vu des progrès économiques réalisés jusqu'ici.

Nous voudrions d'abord vous recommander que le gouvernement modifie les actuels programmes sociaux pour y inclure des allégements transitoires afin de faciliter la vie des personnes désireuses de passer d'une situation de dépendance de l'aide sociale à une situation d'indépendance, en tant que petit entrepreneur. Il existe effectivement des allégements transitoires, depuis quelques années, dans le cadre des régimes d'assurance sociale et d'assurance-chômage, jusqu'à concurrence d'un certain revenu, après quoi, les prestations cessent. Mais, dans la plupart des cas, cette formule ne semble pas, pour l'instant, s'appliquer aux revenus d'emplois autonomes. Deux cas sont possibles: soit le revenu d'une activité indépendante est directement déduit des prestations, soit l'intéressé perd tout droit au régime dont il bénéficie. Si le mot d'ordre est effectivement à la création d'emplois, alors les allégements transitoires revêtent une très grande importance.

Deuxièmement, la question des taxes de vente déjà harmonisées dans certaines provinces et des efforts que vous déployez pour étendre cette harmonisation. En ce qui nous concerne, l'harmonisation des taxes de vente dans la région de l'Atlantique a donné d'excellents résultats, elle a été mise en oeuvre sans heurts et elle a très certainement permis d'uniformiser les règles du jeu commercial, surtout dans les secteurs où la taxe imposée sur les produits de vente directe n'est pas toujours adéquate. Mais, comme je le disais, les règles du jeu sont maintenant plus équitables grâce aux mécanismes de recouvrement direct.

• 1320

Nous vous recommandons, pour l'avenir, de maintenir vos efforts en vue d'harmoniser la taxe de vente avec les autres régions du pays.

Troisièmement, il y a la question des mécanismes de perception de la TPS par les vendeurs à domicile—mis sur pied à la suite de négociations avec l'industrie, à l'occasion de l'application de la TPS—, et qui s'inspiraient de ce qui existait déjà dans le cas de la taxe de vente provinciale. Les résultats ont été particulièrement concluants, qu'on ait réussi à alléger une grande partie de la charge administrative des vendeurs indépendants de nos adhérents, ou qu'on ait évité de favoriser l'économie souterraine relativement à la TPS. En effet, la taxe étant perçue à la source, le gouvernement récupère certainement beaucoup plus d'argent qu'autrement, et tout le monde est donc gagnant.

Il y a cependant quatre éléments de ce mécanisme que nous aimerions voir corriger et nous vous recommandons instamment de faire tout de suite quelque chose en ce sens sur le plan législatif.

D'abord, nous estimons que les frais d'expédition et de manutention des entreprises de vente directe, pour des produits qu'elles acheminent à leurs vendeurs indépendants, devraient être déductibles. Deuxièmement, les mécanismes d'ajustement après-vente devraient être modifiés pour que les produits exclusifs, remis en cadeaux aux hôtesses des réunions de ventes amicales, soient entièrement déductibles également. Troisièmement, il faudrait que les vendeurs indépendants puissent, eux aussi, se prévaloir des dispositions générales d'amortissement des mauvaises créances, actuellement applicables aux seules sociétés distributrices de notre secteur; par ailleurs, il faudrait aussi que ce mécanisme soit, par la suite, étendu aux agents indépendants attitrés.

Comme je le disais plus tôt, plus de 600 000 particuliers et familles font partie de notre industrie à titre de vendeurs indépendants. Leur répartition au Canada est à peu près la même que la répartition démographique générale par province et territoire. Leurs allégeances politiques sont variées, et je crois que je pécherais par excès d'optimisme si je vous affirmais que nos adhérents sont unanimes. Mais comme tous ceux que nous représentons sont des entrepreneurs indépendants, il existe un large consensus sur certains points au sein de notre secteur.

Tout d'abord, je crois pouvoir dire que les gens sont généralement satisfaits de l'insistance que le gouvernement a placée sur la lutte au déficit et de la vitesse remarquable avec laquelle il est parvenu aux résultats escomptés, comme l'intervenant précédent le signalait.

Nos vendeurs indépendants étant en fait des travailleurs autonomes, ils redoutent que des programmes de base comme le système de soins de santé et le système de revenu de retraite soient davantage affaiblis, car ceux-ci pourraient devenir important pour des gens dans leur situation. Par conséquent, je crois pouvoir affirmer que notre secteur est favorable aux priorités suivantes: premièrement, réduire la dette afin d'avoir plus de latitude, dans l'avenir, au chapitre des dépenses; deuxièmement, veiller à ce que le système des soins de santé soit correctement financé à longue échéance; troisièmement, assurer la viabilité à long terme du Régime de pensions du Canada et du programme de prestations des personnes âgées, peu importe la forme définitive qu'ils revêtiront; quatrièmement, continuer de garantir la pleine protection des contributions au REER, et prévoir des augmentations indexées sur le taux d'inflation; enfin, veiller à ce que les taxes et les impôts n'augmentent pas à brève échéance, en termes réels, comme ce fut déjà le cas, et consentir des réductions d'impôts aux particuliers et aux entreprises.

Merci de nous avoir donné l'occasion de vous livrer cet exposé.

Le président: Merci beaucoup de votre présentation et de nous avoir fait part de vos réflexions sur ce sujet.

Nous allons passer à la période des questions en commençant par M. Harris.

• 1325

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président et merci à vous, messieurs, de vos témoignages.

Je n'ai qu'une seule remarque concernant l'intervention de M. Prendergast. Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire quand vous parlez de création d'emplois et de transition à une situation d'indépendance, surtout dans le cas de bénéficiaires de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage.

Quand ces personnes se présentent à un organisme gouvernemental se proposant de les aider à regagner leur indépendance, tout va bien jusqu'à ce qu'elles disent qu'elles envisagent de se lancer dans la vente. On dirait que l'attitude des fonctionnaires change dès qu'ils se trouvent en présence d'une personne désireuse de vendre quelque chose pour gagner sa vie, qu'il existe ou non un marché.

Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire. J'ai l'impression que les bénéficiaires de l'aide sociale, ou de programmes du genre, qui ont la possibilité de vendre des produits en s'associant à des entreprises que vous représentez, sont généralement considérés comme des demandeurs de seconde classe.

C'est la seule remarque que je voulais faire. J'aimerais vous en parler plus longuement, et nous prendrons le temps de le faire, croyez-moi.

Monsieur Laidler, j'ai également apprécié vos remarques. J'aimerais vous poser deux ou trois petites questions. J'espère que vos réponses seront brèves.

Jusqu'à maintenant, nous avons bénéficié d'un répit sur le plan des taux d'intérêt et le taux d'inflation est, lui aussi, relativement acceptable. Selon vous, quel est le plus grand avantage que l'on gagnerait de maintenir, soit les taux d'intérêt soit l'inflation, dans cette zone confortable? Par ailleurs, quel pourrait être le plus grand risque d'agir ainsi?

M. David Laidler: La plus grande menace réside actuellement dans la croissance de la masse monétaire M1, qui frise les 20 p. 100 par an. D'après les études de la Banque du Canada, c'est là un indicateur très fiable de la future expansion réelle de l'économie. Il est bien connu que plus le taux d'expansion réel est élevé et plus vite le taux d'inflation augmentera, à terme.

Le taux d'augmentation de la masse monétaire compatible avec l'objectif anti-inflationniste de la Banque du Canada et du gouvernement à long terme, oscille sans doute autour de 3 à 6 p. 100 par an. À la fin août, on en était à 19,5 p. 100, ce qui est plutôt effrayant.

M. Dick Harris: Je vous remercie pour votre explication claire.

Le président: Merci, messieurs Harris et Laidler..

Nous passons à M. Perron.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Bonjour, messieurs. Pour commencer, j'aurais un commentaire. Je suis pas mal tanné d'entendre dire que le climat politique du Québec est la raison pour laquelle l'économie va mal au Canada. Même avant que la souveraineté soit sur le marché, l'économie canadienne n'était pas toujours très rose. Voilà pour mon commentaire. Maintenant, passons aux choses sérieuses.

Monsieur le professeur, vous dites dans votre énoncé que l'inflation devrait être tenue en bas de 3 p. 100. Quel serait l'effet du maintien de l'inflation à environ 3 p. 100, plus ou moins 1 p. 100, comme les États-Unis le font en maintenant un équilibre avec la création d'emplois?

[Traduction]

M. David Laidler: Monsieur, j'ai bien peur que les interprètes n'ont pas traduit le milieu de la question du député. J'en suis désolé.

Le président: Eh bien nous allons lui demander de reprendre le milieu de sa question, ou peut-être même la question entière. Monsieur Perron, pourriez-vous reposer votre question?

[Français]

M. Gilles-A. Perron: Vous dites que le taux d'inflation devrait être en bas de 3 p. 100. Par contre, beaucoup de gens prétendent que l'inflation devrait se maintenir aux alentours de 3 p. 100, plus ou moins 1 p. 100. Autrement dit, elle devrait varier entre 2 et 4 p. 100, comme aux États-Unis. Quelle influence cela aurait-il sur l'emploi, etc.?

[Traduction]

M. David Laidler: Merci.

• 1330

Je dois d'abord vous demander de m'excuser, monsieur Perron. Je ne voulais pas blâmer le Québec pour les infortunes économiques du Canada. Au contraire. Tout ce que je voulais dire, c'est qu'un nouveau référendum risquerait, selon moi, de provoquer une augmentation des taux d'intérêt. Mais je ne pense pas que ce soit actuellement le cas. Je ne crois pas que cette situation soit envisagée dans un scénario économique. Et si je vous ai dit quelque chose de différent que cela, alors je m'en excuse.

Quant au choix entre des objectifs d'inflation de 1 à 3 p. 100 et de 2 à 4 p. 100, je pense d'abord que tout est question de proportion. Je ne veux pas me faire reprocher, plus tard, mon inclination pour une fourchette ou une autre. Après tout, qu'il s'agisse de 2 à 4 p. 100 ou de 1 à 3 p. 100, c'est nettement mieux que les taux d'inflation extraordinaires que nous avons connus dans les 70 et 80 et, dans tous les cas de figure, nous serons beaucoup mieux lotis qu'à l'époque, peu importe le pourcentage où nous nous retrouverons.

Mais je crois avoir deviné que votre question s'appuie sur une partie des travaux de mon ami Pierre Fortin sur la «viscosité des salaires». Je ne suis pas expert du fonctionnement du marché du travail, mais j'ai l'impression que, dans ses résultats préliminaires, Pierre a peut-être un peu exagéré les gains découlant d'un fléchissement de l'inflation entre 2 et 3 p. 100. Je dirais, instinctivement, qu'on ne peut détecter de différence mesurable du taux de chômage avec des taux d'inflation de 2 ou 3 p. 100. D'ailleurs, j'estime qu'il y a bien d'autres choses, plus importantes que de débattre de cette fourchette. Par-dessus tout, je suis convaincu d'une chose: le gouvernement et la Banque du Canada s'en sont tenus à leur intention ouvertement affichée de maintenir l'inflation entre 2 et 3 p. 100, et cela a permis de hausser le niveau de confiance des marchés internationaux dans le dollar canadien.

Cette question me ramène aux inquiétudes que j'exprimais plus tôt. Non seulement le ratio dette-PIB est encore très élevé, mais en plus l'endettement étranger du Canada, bien qu'il soit en régression, demeure élevé, et il y a encore place pour marquer des points au chapitre de la confiance. Mais ce n'est certainement pas une question à propos de laquelle il vaut la peine que les économistes se livrent bataille.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Laidler, ce que vous venez de dire est réconfortant, mais je me rappelle très bien nos débats animés d'il y a quelques années, dans cette même pièce, où vous étiez en face de M. Fortin et où vous insistiez sur 1 à 3 p. 100 plutôt que sur 2 à 4 p. 100.

J'aimerais que vous nous disiez si vous avez adopté cette position récente au vu des progrès énormes réalisés sur le plan de la lutte au déficit et, éventuellement, de la réduction de la dette?

M. David Laidler: Si vous voulez dire que j'ai changé d'avis, je ne crois pas que ce soit le cas. Dans l'ensemble, j'ai toujours préféré un taux d'inflation se situant entre 1 et 3 p. 100. Je crois que mon vieil ami Pierre Fortin a exagéré la nécessité de laisser augmenter le taux d'inflation, l'année dernière. J'estime que, l'année dernière, la question de la confiance des marchés était plus importante que cette année, et qu'elle l'était davantage il y a deux ans. Mais il est vrai que l'amélioration de la situation financière a énormément changé les choses. Cela ne fait aucun doute.

Le président: Monsieur Assad.

M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Monsieur Laidler, j'ai beaucoup aimé que vous précisiez que ce ne sont pas les cotisations sociales qui ont entravé la création d'emplois. Tout comme vous, j'estime qu'on exagère en disant cela. En outre, j'ai apprécié votre recommandation d'utiliser l'excédent de l'A-E pour compenser les dégâts éventuels dus à l'augmentation des cotisations au RPC... J'estime que vos suggestions sont excellentes et j'espère que le comité saura s'en souvenir quand il rédigera son rapport au ministre des Finances.

Pour en venir à ce que vous soutenez au sujet d'un taux d'inflation de 3 p. 100, il est vrai que je connais bien ce qu'a écrit Pierre Fortin à ce sujet. Je trouve qu'il a dit des choses très intéressantes et je crois beaucoup dans ses positions, parce qu'il se trouve que j'ai eu la chance de lire une grande partie de ses travaux. Je crois, tout comme lui, que l'indice des prix à la consommation (l'IPC) est imparfait, et qu'en réalité il ne mesure pas précisément l'inflation. Il y en a même qui prétendent que le taux d'inflation est actuellement inférieur à 1 p. 100.

• 1335

Pour commencer, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de l'IPC. D'après ce que j'ai lu à ce sujet, il y a vraiment place pour l'amélioration. Il est déficient, il ne reflète pas le véritable taux d'inflation. Il y a même eu des périodes où nous nous sommes retrouvés en déflation, ce qui est également très grave.

M. David Laidler: Je dois, encore une fois, citer les travaux de Pierre Fortin publiés par l'Institut C.D. Home, il y a quatre ou cinq ans. Je crois qu'il a estimé que la distorsion inflationniste de l'IPC mesuré au Canada ne pouvait pas être supérieure à un demi- point environ. Donc, si l'inflation est de 1,6 p. 100, selon les derniers chiffres, l'inflation corrigée pourrait être d'environ 1 p. 100 par an.

Il faut dire que l'IPC a été beaucoup plus soigneusement élaboré que son équivalent américain qui a peut être induit une distorsion à la hausse, distorsion qui, à en croire mes collègues américains, pourrait atteindre un point de pourcentage par an.

Donc, je ne crois pas que les imperfections de l'IPC canadien soient un grave problème.

M. Mark Assad: Vous disiez que notre politique monétaire est laxiste. Personnellement, j'estime que la politique monétaire menée dans ce pays depuis quelques années est désastreuse, quand on songe que les intérêts représentent les trois quarts de la dette accumulée. Encore une fois, des gens responsables et avertis—et pas seulement Pierre Fortin mais d'autres aussi, comme ceux qui ont siégé au Comité sur la réforme monétaire et économique—, ont bien indiqué que la politique monétaire a été particulièrement nuisible.

Mais selon vous, en quoi notre politique monétaire est-elle laxiste maintenant?

M. David Laidler: Permettez-moi, d'abord, de m'arrêter un peu sur les prémisses de votre question. C'est en fait la première fois depuis 1989 que je reproche à la Banque du Canada de s'être montrée laxiste plutôt que trop sévère; mais, ces dernières années, j'ai essayé de m'aventurer en terrain politiquement glissant. J'estime que la Banque du Canada a eu raison d'adopter pour stratégie de juguler l'inflation et de la maintenir aux plus bas niveaux possibles. J'ai même estimé, à l'occasion, qu'elle tombait un peu trop dans le travers de la rigidité. Mais aujourd'hui, je trouve que sur le plan tactique, c'est l'inverse, qu'elle se montre trop laxiste.

Je ne suis absolument pas d'accord avec les conclusions du Comité sur la réforme monétaire et économique, à savoir que c'est la politique de contrôle qui a occasionné la plus grande partie de la dette. Vous constaterez sans doute que ces calculs sont partis de l'hypothèse qu'on aurait pu, d'une certaine façon, assumer la dette sans intérêt, et je suis sûr qu'il existe des projections où l'on ne s'est pas posé la question, pourtant Ô combien importante, de savoir ce qui se serait passé sur les plans de l'inflation, de l'économie et des taux d'intérêt au Canada si l'on avait poursuivi ce genre de politique monétaire qui prévalait à la fin des années 80 et au début des années 90. Si l'on avait poursuivi dans la lancée, l'économie canadienne ressemblerait à peu près à celle de l'Argentine au cours de la dernière décennie.

M. Mark Assad: À un moment donné, l'écart dans les taux d'intérêt entre le Canada et les États-Unis a atteint 4 p. 100, ce qui était considérable et a eu un effet marqué sur notre déficit. Inutile de vous dire que je trouve que la Banque du Canada exagère.

D'aucuns estiment qu'au lieu d'adopter un point de vue monétariste, on devrait reconstituer les réserves, dont nous nous sommes départis. Cette mesure a été adoptée quand nous étions dans l'opposition et je dois admettre que nous devions certainement dormir à ce moment-là. Comme je le disais, pourquoi ne pas réinstaurer les réserves et limiter la prolifération des cartes de crédit? Après tout, nous ne savons pas où va la masse monétaire. C'est du moins ce que prétend la Banque du Canada et elle s'en sert d'excuse pour resserrer sa politique. Pour moi, cela équivaut à tirer dans le noir.

J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de la possibilité de réinstaurer les réserves et d'agir un peu plus par leur biais que par celui des taux d'intérêt.

M. David Laidler: Je vais vous dire ce que je pense de la différence des taux d'intérêt entre le Canada et les États-Unis. Nos taux d'intérêt sont, pour la première fois depuis 30 ans, inférieurs à ceux pratiqués aux États-Unis. C'est la conséquence logique de la politique financière et monétaire saine que nous avons menée au Canada. Malheureusement, les différences de taux d'intérêt très élevées du début des années 90, étaient le prix que nous avons dû payer pour remettre notre politique sur la voie, après deux ou trois décennies de quasi-incompétence.

• 1340

Les réserves se ramènent à de simples taxes imposées sur le système bancaire. Alors, si c'est ce que vous voulez faire, si vous voulez plus particulièrement taxer le système bancaire canadien, allez-y! Il perdra de sa compétitivité à l'échelle internationale, il sera moins compétitif au Canada, il sera moins efficace et c'est la petite entreprise qui souffrira le plus de cette situation créée par la nécessité de constituer une réserve, un peu comme le veut la COMER. C'est en effet ceux qui compte sur un crédit le plus économique possible consenti par les banques qui devront assumer l'augmentation occasionnée par cette forme de taxe.

Le président: Merci, monsieur Laidler.

Nous allons passer à Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur Laidler, vous avez parlé du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. C'est là un grave problème qui vient nous hanter de temps en temps. Avez-vous évalué ce qu'il nous en coûterait pour corriger cette situation?

M. David Laidler: Je craignais beaucoup que vous me poseriez cette question, parce que je dois vous répondre par la négative. J'espérais pouvoir trouver la réponse dans ce document, mais elle n'y est pas.

Je suis convaincu que le ministère des Finances a effectué ce genre de calcul et qu'on pourrait facilement l'obtenir. Excusez-moi.

Mme Karen Redman: C'est parfait. Merci de votre honnêteté.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur Laidler, que pensez-vous de l'objectif 50-50? Partant, j'aimerais savoir si vous préféreriez que nous accordions la priorité à la réduction de la dette ou à l'augmentation des dépenses, ou aux deux?

M. David Laidler: Je vais essayer de vous répondre le plus poliment possible. Selon moi, parler d'objectif 50-50 convient mieux à la langue du marchandage politique qu'à celle de la politique économique.

Très honnêtement, je commencerais par accorder la priorité à la réduction de la dette. Plus vous tarderez à mettre en oeuvre l'objectif 50-50, et plus j'en serais heureux, parce que plus longtemps nous nous tiendrons à distance du cercle vicieux de la réduction de la dette et plus nous aurons les coudées franches sur le plan de la politique économique dans l'avenir.

On peut dire la même chose qu'il s'agisse de réduire les taxes et les impôts ou d'augmenter les dépenses. Si vous envoyez un chèque aux gens qui ont des enfants, il s'agit de dépenses fiscales, mais si vous leur accordez un crédit, il s'agit alors d'une réduction des impôts.

J'ai eu, une fois, l'honneur de siéger à un comité consultatif de Marc Lalonde et la première question que je posais systématiquement, dès que quelqu'un faisait une proposition, c'était: Comment puis-je faire cela par le truchement du système financier pour que le gouvernement paraisse moins gourmand?

Mais très honnêtement, quand on a des taux aussi faibles que maintenant, je ne crois pas que cela compte autant, parce que je ne pense pas que nous ayons grand place pour manoeuvrer. Personnellement, j'estime que nous devrions tout au plus arrondir quelques angles, faire en sorte que le système financier soit un peu plus transparent, et nous pourrions nous en tenir là pour l'instant.

Mme Paddy Torsney: Je tenais à dire que, même si la plupart des questions vous sont adressées, j'ai trouvé que l'exposé de l'Association de ventes directes était très clair. Monsieur, j'ai surtout beaucoup aimé ce que vous avez dit au sujet de la transition vers l'indépendance. C'est un problème qu'il faudra absolument régler.

J'ai apprécié de vous voir appuyer nos efforts en vue d'harmoniser les taxes de vente, surtout en ce qui concerne ma province. Shaklee étant dans ma circonscription, j'ai été très heureuse de vous voir parmi nous aujourd'hui.

Monsieur Laidler, comme on fait autant de comparaisons entre le Canada et les États-Unis, pourriez-vous nous expliquer pourquoi, selon nous, notre taux de chômage est supérieur ici et ce qu'il faudrait pour le réduire à un niveau identique à ce que connaissent les États-Unis.

Est-ce que la Banque du Canada a quelque chose à faire avec cela?

M. David Laidler: Honnêtement, si je pouvais répondre à cette question en toute conscience, je pourrais être candidat à un prix Nobel. Comprenez-moi.

Mme Paddy Torsney: Ça peut toujours s'arranger.

M. David Laidler: Il y a quelques évidences qui doivent nous sauter aux yeux.

La première, c'est que, pour le meilleur ou pour le pire, le filet de sécurité sociale américain est nettement moins généreux que le nôtre et il force beaucoup plus les gens à accepter à peu près n'importe quel emploi pour joindre les deux bouts. Cela étant, le taux de chômage mesuré aux États-Unis demeure bas. Mais ce n'est pas parce que ce taux est plus bas que le nôtre, que leur économie fonctionne mieux. On a peut être affaire à des valeurs différentes. Il y a donc un peu de cela.

L'autre chose qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la dernière récession a été relativement légère aux États-Unis, contrairement au Canada où elle a été très sévère. Les États-Unis s'en sont remis beaucoup plus vite que nous. L'économie canadienne met plus de temps à s'en remettre. La Banque du Canada a-t-elle quelque chose à voir dans tout cela?

• 1345

En 1990, j'ai déclaré, et mes propos ont été consignés au procès-verbal, que notre politique monétaire était beaucoup trop dure et qu'on allait provoquer une récession. En 1993, j'apparais de nouveau au procès-verbal pour avoir dit que la politique monétaire n'était pas assez expansionniste en fonction de l'étape du cycle où nous nous trouvions, et qu'on allait freiner la reprise économique. Rebelote en 1994, début 1995, quand j'ai déclaré que vous alliez nous plonger dans une nouvelle récession. Tout cela pour dire que, selon moi, l'ampleur de la récession et la lenteur de la reprise ont souvent été le résultat de tactiques maladroites de la part de la Banque du Canada.

D'un autre côté, il est très facile à un professeur d'économie de porter de tels jugements, car il n'a pas à jongler avec la réalité et qu'il est toujours plus facile de faire preuve de sagacité quand on analyse les événements rétrospectivement, comme je le fais.

Mais dans l'ensemble, je trouve que la Banque du Canada a fait un excellent travail, compte tenu des circonstances économiques et politiques extrêmement difficiles que nous avons connues. Je tenais à ce que cela soit dit, car j'ai une haute opinion de la Banque pour son intégrité. Il fut un temps où elle a été le seul élément intègre de notre politique économique nationale, et je crois que cela est très, très important.

Mme Paddy Torsney: Merci, monsieur Laidler. Nous serions intéressés d'obtenir toute donnée, dont vous-même ou M. Millar disposeriez, au sujet de l'effet du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation sur vos membres ou sur l'économie en général. Du moins, cela m'intéresse moi!

Le président: Monsieur Millar, voulez-vous répondre à cette question?

Mme Paddy Torsney: Monsieur Millar, je ne sais pas si vous avez ces données avec vous aujourd'hui, mais j'aimerais savoir si vous avez étudié les répercussions des différents changements que vous proposez sur les membres de votre association et surtout sur les vendeurs indépendants. À quel genre d'investissement dans l'économie cela équivaudrait-il? J'aimerais le savoir.

M. Jack Millar (conseiller fiscal et membre du conseil d'administration, Association de ventes directes): Fort bien.

Le président: Merci.

Je vais utiliser quelques minutes de votre temps pour vous demander de répondre à trois questions. Vous avez sans doute vu le document produit par le ministre des Finances, Mise à jour économique financière: Une économie forte, une société forte; sécurité, possibilités. Si vous vous reportez à la page 62, vous constaterez qu'on y pose trois questions: Premièrement, quelles hypothèses économiques, y compris la marge de prudence appropriée, devraient être utilisées pour 1998 et 1999 dans la préparation du budget de 1998? Deuxièmement, quels sont les nouveaux investissements stratégiques et changements appropriés à apporter au système financier, qui permettraient au gouvernement de répondre aux priorités établies? Troisièmement, quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de veiller à ce que la nouvelle économie offre un large éventail de possibilités d'emploi à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes? Le débat pourrait porter sur les formes d'aide que le gouvernement peut offrir aux Canadiennes et aux Canadiens, afin qu'ils acquièrent la formation et les compétences nécessaires à la réussite dans l'économie du savoir, ainsi que sur les moyens les plus susceptibles de favoriser l'application des connaissances dans toute l'économie canadienne.

J'aimerais que nos invités traitent de ces trois points. Pourrait-on commencer par vous monsieur Laidler?

M. David Laidler: Vous devez comprendre, monsieur, que je fais ici figure d'homme-orchestre.

Le président: Mais ce que vous jouez est très bien.

M. David Laidler: Merci beaucoup.

Eh bien, je pense qu'on pourrait retenir quelques hypothèses très prudentes pour les deux ou trois prochaines années, soit une croissance économique de, disons, 3 p. 100, une inflation oscillant autour de 1 à 3 p. 100, des taux d'intérêt à court terme éventuellement plus élevés qu'à l'heure actuelle, avec les conséquences que cela aurait sur la structure des intérêts à long terme. Il y a de bonnes raisons de croire que la croissance réelle sera meilleure que ce qui est escompté. Par ailleurs, vous pourriez aussi avoir de la chance avec l'inflation.

Personnellement, je me livrerais tout de même à une petite planification pour savoir jusqu'à quel point les choses risqueraient de mal tournées en cas d'une baisse cyclique normale intervenant dans les 18 prochains mois. Cela fait déjà longtemps que la reprise américaine a été amorcée, l'économie de notre voisin a très visiblement atteint son plafond et elle pourrait fort bien accuser un repli. Si j'étais ministre des Finances, je demanderais à mes collaborateurs de me préparer des scénarios pour voir dans quelle mesure un ralentissement de l'économie américaine pourrait me faire dévier de ma trajectoire, et j'en tiendrais compte dans mes exercices budgétaires.

• 1350

Sur le plan fiscal, très franchement, je n'irais pas au-delà de ce que j'ai recommandé tout à l'heure. Personnellement, j'estime que le système laisse beaucoup à désirer sur le plan de la transparence. Autrement dit, il faut veiller à tout indexer et il faut honnêtement décider si les cotisations à l'assurance-emploi doivent être considérées comme une assurance ou comme des cotisations sociales. J'estime qu'il faut se décider à ce propos et qu'on ne pourra donc pas se permettre d'importantes réductions d'impôts et de taxes au cours des deux ou trois prochaines années.

Quant à la question de la création d'emplois, je pourrais peut-être vous adresser une petite supplique. À l'université où j'enseigne, j'accueille une minorité, bien qu'assez importante, d'étudiants qui ont des difficultés en composition écrite. Certains d'entre eux éprouvent même de la difficulté à lire. De toute évidence, notre système secondaire n'a pas su doter ces jeunes des compétences de base en lecture, en écriture et en calcul. Certes, si l'enseignement secondaire et primaire ne relève pas du gouvernement fédéral, on ne peut nier que d'autres ordres de gouvernement doivent s'en occuper.

Il y a autre chose qui me travaille beaucoup en tant que professeur d'université. Tous les doctorats ne se ressemblent pas, ce diplôme est en fait une qualification minimale et certains Ph.D. sont supérieurs à d'autres. Ces dernières années, j'ai vu un nombre désespérément élevé de titulaires de doctorats qui ne sont pas revenus au Canada ou qui en sont partis, et je crains que la capacité de recherche des universités canadiennes—du moins dans ma discipline—n'ait été sérieusement érodée et le demeure pendant longtemps encore.

Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire à ce sujet? Eh bien, il pourrait agir au travers de ses subventions au Conseil de recherches en sciences sociales et humaines. C'est ce même conseil qui verse 15 000 ou 20 000 $ par an aux jeunes chercheurs pour leur permettre d'engager un assistant de recherche, de payer leurs factures de téléphone, d'effectuer quelques voyages, de payer les travaux de copie et de financer leurs recherches. Or, le financement de ce type a fondu comme neige au soleil, et c'est à cause de cela que les jeunes universitaires canadiens ne veulent pas rester ici. Pourtant, il serait très rentable d'augmenter le niveau de financement dans ce secteur. Laissez donc tomber les initiatives de recherche stratégique, les grands programmes d'infrastructure portant sur les bâtiments d'université; ce que nous voulons, c'est 10 000 ou 15 000 $ par an pour permettre aux gens de payer leurs factures de téléphone afin de s'entretenir avec un collègue d'une autre université, au sujet d'un problème intéressant.

Le président: Merci beaucoup.

Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Monsieur Millar.

M. Jack Millar: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à ces trois questions, sans perdre de vue ce que M. Prendergast a dit au sujet de l'hétérogénéité des membres de notre secteur et de l'association, ainsi que de la pluralité de leurs opinions politiques.

Pour ce qui est des premières questions au sujet de la marge de prudence, comme nous l'avons indiqué dans nos remarques liminaires à propos des priorités à retenir, je dirais que la réduction du déficit demeure un objectif incontournable. Cela veut dire qu'il faudra se montrer extrêmement prudent dans l'élaboration du prochain budget, surtout si l'on envisage d'augmenter le niveau des dépenses. Selon nous, le pire serait de se retrouver avec un budget déficitaire, après avoir équilibré nos livres, à cause d'éléments pour lesquels nous ne pourrions rien faire, comme l'apparition d'un cycle conjoncturel.

Quant aux changements à apporter au système financier, les remarques que nous avons formulées à ce sujet représentaient le point de vue des vendeurs indépendants. L'abandon de l'indexation, le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, est inquiétant. Nous vous avons parlé de ce phénomène. Cet aspect est très important pour les membres de notre association. Ils s'inquiètent aussi de ce qu'il pourrait advenir des REER. Sur le plan fiscal, les REER constituent un instrument non négligeable. En fait, pour la plupart des vendeurs indépendants, ce sont des coussins pour la retraite. Nous estimons qu'il faudrait ne rien changer en matière de fiscalité dans le domaine des REER. D'ailleurs, nous sommes convaincus qu'on réaliserait de gains en augmentant les seuils. Comme notre société est de plus en plus vieillissante, il est important que les gens, surtout les autonomes, puissent économiser pour leur retraite.

• 1355

Troisièmement, vous vouliez savoir ce que le gouvernement pourrait faire afin de favoriser la création d'emplois. Nous vous disions qu'au cours des dernières années, les prestataires des programmes sociaux désireux de retourner au travail avaient bénéficié de mesures transitoires. Mais il s'agissait de gens qui retrouvaient un travail de salarié. Nous proposons que les mesures d'allégement transitoires soient étendues aux personnes désireuses de lancer leurs propres entreprises et de tirer des revenus d'activités indépendantes.

Je tenais à vous dire que le secteur de la vente directe est en train d'adhérer pleinement à la haute technologie. Plusieurs nouveaux membres de l'association vendent des produits de haute technologie et de télécommunications. De toute évidence, il serait intéressant, pour notre secteur, que cette partie de l'économie canadienne continue à bénéficier d'un soutien.

Le président: Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Assad.

M. Mark Assad: J'aimerais revenir sur ce que M. Laidler a dit au sujet de la politique monétaire. Selon moi, le fait que le Canada, la Grande-Bretagne et la Suisse soient les seuls pays n'ayant pas de réserves, n'est pas de très bon augure. Si l'on voulait combattre l'inflation en augmentant simplement les taux d'intérêt, on tomberait, de nouveau, dans le cycle infernal des périodes de prospérité suivies par des périodes de marasme. Je suis certain qu'il doit exister d'autres façons d'éviter le retour de l'inflation—ou du moins de la contrôler raisonnablement—, que de recourir systématiquement à une augmentation des taux d'intérêt. Les réserves ont joué un certain rôle et je ne comprends pas pourquoi vous dites qu'elles se ramènent à des taxes imposées aux banques.

M. David Laidler: Les réserves sont des taxes sur les banques, parce qu'elles les obligent à geler une partie de leurs actifs sous la forme d'un prêt sans intérêt au gouvernement, alors que ces mêmes actifs pourraient rapporter par ailleurs. Cela étant, elles n'ont ensuite d'autres choix que d'augmenter l'écart entre le taux qu'elles paient à leurs créanciers ou déposants et le taux qu'elles exigent de leurs emprunteurs. C'est sans appel.

Mais bien évidemment, vous pouvez toujours taxer les banques de cette façon. Il est vrai que le système bancaire a déjà fonctionné sous ce genre de régime, mais il est un fait que les systèmes bancaires britanniques, suisses et canadiens sont très compétitifs à l'échelle internationale, malgré la relative petite taille de leurs pays. Cela tient en partie au fait qu'elles ne sont pas sujettes à cette forme de taxation punitive. Bien que personne ne me l'ait dit, je suis sûr que les banquiers britanniques sont en train de se rouler par terre d'allégresse à l'idée que les banques des pays faisant partie du système monétaire européen vont devoir constituer des réserves. Cela étant, Londres aura un avantage concurrentiel majeur sur Paris, Francfort et sur tous les autres centres financiers européens.

Je vous le répète, je ne comprends pas comment le Comité sur la réforme monétaire et économique a pu recueillir un tel appui des petites entreprises qui ont tant de difficultés à emprunter et à obtenir des crédits auprès des banques, et qui ont aussi beaucoup de difficultés à payer les intérêts. Je ne comprends pas comment tous ces gens peuvent être à ce point favorables à une politique qui va leur porter tort, à eux beaucoup plus qu'à n'importe qui d'autre.

Quant à la question d'augmenter les taux d'intérêt pour combattre l'inflation, n'oubliez pas que si nous avons aujourd'hui les taux d'intérêt les plus bas des trente dernières années, c'est parce que nous avons su juguler l'inflation. J'estime qu'à l'heure où l'on est parvenu à hausser le niveau de confiance du secteur des affaires à ce point, et que l'expansion réelle de l'économie est de 5 p. 100, le fait de maintenir les taux au jour le jour autour de 3,25 p. 100, revient à flirter avec l'inflation à terme de 18 mois ou de deux ans. Je dirais qu'il serait prudent de maintenir même un taux aussi indécemment élevé que 3,5 ou 3,75 p. 100, taux qui demeurerait sans doute le plus bas des 20 dernières années. Je trouve difficile de parler d'augmentation des taux d'intérêt dans ce cas.

Un taux d'intérêt correspond au prix du marché. Certes, il fluctue. Mieux vaut qu'il fluctue entre 3 et 4 p. 100 qu'entre 17 et 22 p. 100, comme ce fut le cas au début des années 80. Mais c'est ce qui arrive quand on maintient pendant trop longtemps des politiques inflationnistes.

• 1400

Le président: Merci beaucoup, monsieur Laidler.

Au nom des membres du comité, je tiens à remercier nos invités pour leurs présentations. Comme vous le savez, nous venons juste de terminer notre tournée du pays, d'un océan à l'autre, où nous avons été à l'écoute des Canadiennes et des Canadiens. Je traduirai sans doute le sentiment des membres du comité en vous disant que nous avons entendu beaucoup d'idées et de points de vue intéressants. Soyez assuré que vous retrouverez certaines de vos réflexions et de vos idées dans le rapport du Comité des finances.

Nous allons maintenant régler un petit problème d'administration interne avant de définitivement lever la séance. La prochaine réunion du Comité des finances aura lieu le lundi 27 octobre, à 9 heures, dans la pièce 253-D de l'Édifice du Centre.

La séance est levée.