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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 octobre 1997

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Nous allons commencer nos travaux et je vous souhaite la bienvenue à tous. Comme vous le savez le Comité des finances a tenu des audiences dans tout le pays dans le but d'adresser des recommandations au ministre des Finances pour l'élaboration du prochain budget. Nous avons recueilli beaucoup d'opinions très intéressantes, et je suis sûr que ce sera encore le cas ce matin.

Comme vous le savez probablement, vous aurez tous environ cinq minutes pour exposer les points essentiels de votre mémoire. Ensuite, nous aurons une période de questions.

Nous allons commencer avec les représentants de l'Association des universités et collèges du Canada. Monsieur Robert Giroux, vous avez la parole.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Un rappel au Règlement, monsieur le président. Comme nous avons été très occupés, nous n'avons pas encore eu la possibilité de tenir une réunion du comité permanent et j'aimerais avoir la possibilité de proposer une motion.

Nous avons appris que le ministre doit comparaître ce soir et nous savons aussi que la tribune de la presse est prête à retransmettre sa comparution à la télévision. Je voudrais donc proposer que le Comité permanent des finances donne l'autorisation de retransmettre à la télévision la comparution du ministre devant le comité, ce soir, de 18 heures à 21 heures.

Le président: Nous pourrions en discuter entre les deux tables rondes.

M. Monte Solberg: Malheureusement, je ne pourrai pas rester jusque-là et je voudrais donc vous demander de traiter tout de suite de cette motion.

M. Jim Jones (Markham, PC): Je l'appuie.

Le président: Que souhaitez-vous exactement?

M. Monte Solberg: Nous souhaitons simplement que le Comité des finances autorise la télédiffusion de la séance de ce soir.

Le président: Le problème que cela pose concerne la disponibilité de la salle.

M. Monte Solberg: La tribune de la presse est prête à installer le matériel nécessaire, même dans la salle où nous sommes maintenant.

Le président: Nous devrons quand même...

M. Monte Solberg: Attendre l'arrivée d'autres libéraux? Pourquoi ne pas...

Le président: Non, il ne s'agit pas de cela.

M. Monte Solberg: Pourquoi ne pas passer au vote tout de suite?

Le président: Si la salle était disponible, il n'y aurait aucun problème, même...

M. Monte Solberg: Ce n'est pas un problème.

Le président: Je vous demande un peu de patience, M. Solberg a décidé de régler quelques questions internes pendant le temps qui vous était réservé.

• 0905

Si ce que dit M. Solberg est exact—et je devrais évidemment en obtenir personnellement la confirmation écrite—nous pourrons téléviser la séance de ce soir. Cela ne causera pas de problème. Si vous pouviez m'en donner une confirmation écrite tout de suite, nous pourrions débattre immédiatement de la question. Je n'ai pas de problème avec la proposition mais c'est le comité lui-même qui doit décider.

M. Monte Solberg: Je voudrais voir si je vous ai bien compris. Vous dites que vous avez besoin d'une confirmation écrite de la tribune de la presse? Tout ce que nous vous demandons, c'est de lui accorder l'autorisation. Si elle ne peut pas fournir de caméra, pour quelque raison que ce soit, quelle importance? Pourquoi ne pas accorder tout de suite l'autorisation?

Le président: Je n'ai strictement aucun problème avec la télédiffusion de la séance de ce soir. Tout ce que je vous dis, c'est qu'il n'y a ici aucun représentant de la presse qui soit capable de confirmer cette demande.

M. Monte Solberg: C'est nous qui avons fait la demande à la tribune de la presse et elle nous a dit qu'elle était d'accord. Qu'est-ce que cela peut faire si nous donnons notre autorisation et qu'elle décide de ne pas venir? Cela montrera simplement que le comité n'a rien à cacher.

Le président: C'est précisément ce que je veux dire. Pourquoi avez-vous besoin d'une motion s'il n'y a rien à débattre?

M. Monte Solberg: Nous avons besoin d'une motion pour indiquer à la tribune de la presse qu'elle sera autorisée à téléviser la séance si elle peut fournir une caméra.

M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Monsieur le président, notre comité n'a jamais imposé de restrictions à la diffusion de ses travaux, et je ne sache pas que d'autres comités en aient jamais imposé. Évidemment, c'est une question de ressources, de disponibilité de la salle, etc., comme nous avons d'ailleurs pu le constater cette semaine, en particulier. Je regrette que nous n'ayons pu donner satisfaction à toutes les personnes qui ont adressé une demande au comité.

Je pense qu'il serait légitime d'agir comme le président l'a dit. Si nous recevons une demande de cette nature, le comité pourra en débattre conformément au Règlement.

M. Monte Solberg: J'ai proposé une motion, monsieur le président. J'aimerais qu'elle soit mise aux voix.

Le président: Oui. Pouvez-vous la répéter?

M. Monte Solberg: Je propose que le Comité permanent des finances autorise la télédiffusion de la comparution du ministre des Finances ce soir, de 18 heures à 21 heures—et j'aimerais avoir un vote nominatif à ce sujet, monsieur le président.

Le président: Si vous me permettez d'apporter une légère modification à votre motion, il faudrait y indiquer que le ministre du Développement des ressources humaines sera également présent.

M. Monte Solberg: Absolument.

Le président: Pour être tout à fait précis.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Concernant cette motion présentée par le Parti réformiste, je vous dirai que j'ai trop souvent constaté, dans les années passées, que les débats n'étaient pas télédiffusés lorsque les sujets étaient trop sensibles, comme dans le cas des projets de loi, alors que les débats étaient diffusés lorsque le gouvernement abordait des sujets plus neutres.

Je vous faisais d'ailleurs remarquer hier que, d'après le calendrier des activités du comité, la comparution du ministre des Finances de ce soir ne serait pas télévisée. Je vous ai posé la question hier, exactement dans le même sens que M. Solberg, et je me demande si la décision a été prise par le greffier ou par le gouvernement.

[Traduction]

Le président: J'ai vérifié avec la greffière.

[Français]

M. Yvan Loubier: J'appuie la motion de M. Solberg.

[Traduction]

Le président: Monsieur Loubier, la greffière me dit qu'il n'y a que deux salles équipées pour la télédiffusion et qu'elles ne seront pas disponibles. C'est la seule raison.

Je vous rappelle également que l'échéancier a été modifié à Vancouver, suite à la restructuration des audiences sur le RPC. M. Solberg avait participé à ce débat et il avait approuvé la décision.

Si nous pouvons trouver le moyen de téléviser les audiences, je ne formulerai aucune objection.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je tiens simplement à préciser aux membres du comité que le ministre est tout à fait disposé à venir témoigner devant le comité, avec ou sans la télévision, et que la seule raison pour laquelle la séance de ce soir ne peut pas être télédiffusée est qu'aucune salle équipée ne sera disponible. Je suis sûr cependant que le président va continuer de chercher une solution au problème. Il ne faudrait certainement pas croire que nous nous opposons à la télédiffusion du témoignage, pour quelque raison que ce soit. Nous sommes toujours prêts à accepter la télédiffusion quand elle est possible.

M. Monte Solberg: Pour que tout le monde comprenne bien, monsieur le président, je rappelle que nous avons discuté avec des représentants de la tribune de la presse, qui nous ont dit qu'ils fourniraient une caméra et que tous les réseaux pourraient utiliser leur signal. Il n'y a donc aucun problème de ce côté.

• 0910

La presse est très intéressée par le sujet de ce soir, qui est important. Pourquoi ne donnez-vous pas votre accord? Si la tribune de la presse ne peut pas fournir de caméra ce soir, pour quelque raison que ce soit, cela n'aura strictement aucun effet sur le témoignage du ministre des Finances ou sur les travaux du comité.

Le président: Vos remarques sont tout à fait pertinentes.

Allez-y.

M. Bob Kilger: En ce qui concerne l'intervention de M. Loubier, je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que je suis tout à favorable à la transparence des débats. Nous sommes tous d'accord avec cela et j'appuie certainement la motion de M. Solberg.

Comme c'est moi qui m'occupe de coordonner les salles, pour notre Parti, je puis vous dire que nous avons cherché toutes sortes de solutions jusqu'à vendredi dernier. De fait, nous avions pris l'engagement de télédiffuser nos audiences, c'est-à-dire les consultations prébudgétaires, ainsi que les travaux du comité constitutionnel. C'est seulement parce que les salles adéquates avaient déjà été réservées depuis longtemps pour d'autres activités—notamment, pour être tout à fait franc avec vous, pour la réception d'Halloween organisée par l'industrie de la confiserie—que nous n'avons pas pu obtenir la pièce 200 de l'édifice de l'Ouest. Je crois d'ailleurs que CPAC a aussi présenté une demande il y a bien longtemps pour obtenir cette salle ce soir.

Il n'y a donc eu strictement aucune manoeuvre de la part du gouvernement pour empêcher la comparution du ministre des Finances et du ministre des Ressources humaines devant notre comité au moment où celui-ci peut être télévisé.

Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que la demande qui est formulée répond à toutes nos exigences.

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je voudrais revenir sur une affirmation de M. Solberg. Il y a à la Chambre des communes deux salles de comité qui sont équipées pour la télédiffusion mais il faut bien savoir que ce n'est pas la tribune de la presse qui va s'occuper de cela. Si l'on veut télédiffuser une séance, il faut le faire dans une des salles prévues à cette fin. Je crois que ce serait un très mauvais précédent si l'on s'écartait de ce principe. Je crois qu'il faut respecter le processus établi et utiliser les salles adéquates.

M. Monte Solberg: Étant donné l'importance du sujet dont nous allons discuter ce soir, je crois qu'il n'y aurait rien de mal à s'écarter légèrement de la tradition pour permettre la télédiffusion de la séance.

Mme Paddy Torsney: Je m'y oppose.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le président, comme il semble que la plupart des membres du comité appuient la motion, j'aimerais que l'on passe au vote.

Le président: Si le débat est terminé, nous allons voter.

(Motion adoptée—Voir le Procès-verbal de la séance)

Le président: Je remercie M. Solberg de son intervention et je présente à nouveau nos excuses aux témoins. Il y a parfois des questions de régie interne que l'on ne peut éviter.

Je souhaite à nouveau la bienvenue à M. Giroux, de l'Association des universités et collèges du Canada. Comme j'ai déjà expliqué la procédure du comité, je vous donne tout de suite la parole.

M. Robert J. Giroux (président et directeur général, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur le président.

Je vais d'abord demander à M. Paul Hough de vous présenter le groupe et l'organisation que nous avons mis sur pied. Ensuite, considérant le temps qui nous est imparti, j'exposerai les grandes lignes de notre mémoire.

Le président: Bienvenue, monsieur Hough.

M. Paul Hough (président, Canadian Consortium for Research): Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à vous rassurer tout de suite en vous disant que les représentants des six premières organisations figurant à l'ordre du jour feront un exposé commun. Je vais faire quelques remarques préliminaires, après quoi je donnerai la parole à M. Giroux. Nous allons essayer de réserver le plus de temps possible à la discussion.

Le Consortium canadien pour la recherche réunit 25 organisations, sociétés et associations qui représentent ensemble près de 50 000 chercheurs, surtout dans les universités mais aussi dans des laboratoires du gouvernement et du secteur privé. On y retrouve l'éventail complet des disciplines scientifiques—sciences biomédicales, sciences naturelles, sciences sociales et sciences humaines. Le consortium englobe également la Fédération canadienne des étudiants, qui regroupe plus de 400 000 membres.

• 0915

Ces organisations, qui représentent un large éventail du secteur de la recherche au Canada, savent depuis déjà longtemps qu'elles doivent traiter collectivement de leurs préoccupations prioritaires et formuler ensemble leurs propositions à ce sujet.

Il y a un an, les mêmes groupes avaient préparé un document intitulé Putting Knowledge to Work: Sustaining Canada as an Innovative Society. Dans ce document, ainsi que dans ceux que nous avons préparés pour les comités permanents, dont le vôtre, monsieur, nous mettions l'accent sur trois secteurs prioritaires. Tout d'abord, le besoin pressant de renouveler l'infrastructure de recherche universitaire; ensuite, la nécessité d'appuyer le programme des réseaux de centres d'excellence; enfin, la nécessité de prendre des mesures pour encourager les jeunes à faire carrière dans la recherche, dans toutes les disciplines.

D'après cette vaste coalition, telles étaient les trois premières priorités. L'an dernier, le Comité des finances avait vigoureusement appuyé ces propositions dans son rapport, et le gouvernement en a tenu compte.

La Fondation canadienne pour l'innovation est un projet novateur qui a été mis sur pied pour rajeunir au moins une partie de l'infrastructure vieillissante de la recherche, et sa création a été fort bien accueillie par le monde des chercheurs.

De même, nous avons très bien accueilli le fait que l'on ait décidé de faire du programme des RCE un programme permanent aux niveaux de financement actuels, ainsi que la décision d'accroître le soutien accordé au programme d'aide à la recherche industrielle et à d'autres initiatives intéressant les étudiants. Cela dit, il y a encore beaucoup à faire.

Par le truchement des organisations représentées autour de cette table, les chercheurs ont continué à collaborer pour définir les mesures cruciales que doit prendre le Canada afin de bâtir ou de renforcer les services de recherche qui sont essentiels à la prospérité et au bien-être de la population. Ces mesures sont exposées en détail dans le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Il n'est pas exagéré de dire que le monde de la recherche s'est uni comme jamais auparavant pour définir ses objectifs prioritaires.

Comme c'est ce que les gouvernements lui recommandaient depuis plusieurs années, c'est ce qu'il a fait. Cela est d'autant plus opportun que tout le monde—gouvernements, économistes, entreprises privées et beaucoup d'autres parties intéressées—convient que la science et la R-D sont essentielles pour assurer notre avenir collectif.

Il est encourageant de voir que votre comité a recommandé dans ses deux derniers rapports que le gouvernement renforce son appui à la R-D.

Dans l'espoir que nous pourrons discuter sérieusement des divers éléments de notre mémoire, je vais maintenant donner la parole à M. Giroux.

Merci.

M. Robert J. Giroux: Comme vient de le dire M. Hough, nous avons appuyé vigoureusement les mesures importantes que le gouvernement a annoncées dans son budget de février 1997 et nous voulons maintenant profiter de cet acquis pour poursuivre nos efforts.

La recherche universitaire est l'élément central de l'innovation. Elle est à la racine du processus par lequel on transforme connaissances et idées en produits et processus nouveaux. La Fondation canadienne pour l'innovation est une organisation cruciale à cet égard puisqu'elle nous donnera plus de possibilités d'effectuer des recherches de pointe. Toutefois, ce potentiel ne pourra être concrétisé si l'on ne rehausse pas l'appui consenti aux activités de recherche.

Nous vous avons remis un certain nombre de graphiques comparant nos résultats à ceux des États-Unis. Vous voyez que la tendance actuelle au Canada se différencie nettement de celle qui prévaut aux États-Unis où le gouvernement, tout en poursuivant ses efforts pour équilibrer son budget, a rehaussé considérablement l'appui consenti à la recherche universitaire.

Comme l'a dit M. Hough, nous avons élaboré un programme d'action intitulé Sustaining Canada as an Innovative Society, que nous avons également remis aux membres du comité. Nous indiquons dans ce document que le gouvernement devrait effectuer d'urgence des investissements stratégiques dans trois domaines cruciaux, par le truchement des trois conseils fédéraux de subventionnement: investir dans les gens, intensifier nos efforts de transfert des connaissances et de technologie, et donner une orientation plus internationale à nos activités de recherche.

[Français]

Monsieur le président, il faut investir dans les gens. Pour améliorer notre capacité de produire des connaissances, il faut miser sur l'élément humain, c'est-à-dire les générations actuelles et futures de chercheurs et le soutien dont ils ont besoin pour entreprendre la recherche de pointe.

Le financement accru de l'excellence en recherche est au centre de toute stratégie visant à soutenir une entreprise de recherche universitaire productive et branchée sur nos véritables besoins.

Notre première priorité est d'accroître l'aide à la recherche et à la formation dans tous les champs d'étude. Les étudiants aux cycles supérieurs, particulièrement, font face à des problèmes de plus en plus aigus. Ces coupures aggravent l'endettement étudiant. Le résultat en est que, trop souvent, les jeunes tournent le dos aux carrières scientifiques ou encore quittent le Canada pour ne pas quitter la science.

[Traduction]

Notre deuxième priorité concerne les transferts de connaissances et de technologie. Notre but à cet égard est de renforcer les efforts actuels consacrés au transfert des connaissances, et de les étendre à de nouveaux domaines de façon à y inclure les connaissances dans le secteur des sciences sociales et des sciences humaines. Car c'est dans ce secteur, plus que dans tout autre, que l'écart est le plus grand entre les connaissances, le besoin et la disponibilité. Nous croyons que l'heure est maintenant venue pour le gouvernement de placer les sciences sociales et humaines au premier plan de ses préoccupations et de leur accorder l'appui qu'elles méritent pour contribuer à la prospérité de la société canadienne.

• 0920

Notre troisième priorité concerne la recherche au sein d'une économie globale. Il est essentiel de relancer avec vigueur l'appui consenti à la recherche internationale et aux études sectorielles si nous voulons comprendre nos concurrents et jouer un rôle efficace sur la scène internationale.

N'oublions pas que le Canada ne produit qu'une petite fraction du savoir mondial. Si nous voulons avoir accès aux nouvelles technologies, aux procédés et connaissances issus de l'étranger, il nous faut collaborer avec les chercheurs des autres pays. Or, la participation à des projets de recherche axés sur la collaboration internationale exige que les chercheurs canadiens puissent apporter des choses valables du point de vue du soutien financier et de l'expertise. Hélas, des années de compressions budgétaires suivies d'une réduction réelle des crédits de recherche ont miné notre capacité de collaborer aux efforts de recherche internationaux.

[Français]

En conclusion, notre plan est réaliste et réalisable. Nous savons bien que tout ne peut être fait d'un seul coup. C'est pourquoi notre plan établit des priorités qui sont claires et suggère des moyens d'action concrets, conçus précisément pour soutenir notre capacité d'innover alors que nous entrons de plein pied dans le prochain millénaire.

Particulièrement, nous recommandons que le gouvernement fédéral augmente d'environ 50 p. 100 son investissement total dans les conseils au cours des quatre prochaines années.

Nous recommandons également que le budget du Conseil de recherches en sciences humaines soit, quant à lui, augmenté d'au moins 60 p. 100 au cours de la même période. Ce scénario aiderait à combler l'écart entre le besoin de connaissances et leur disponibilité, nulle part aussi prononcé que dans les sciences sociales et humaines.

Monsieur le président et distingués membres du comité, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos priorités et de nos vues quant au rôle important que peut jouer la recherche universitaire dans le développement social, économique et culturel du Canada.

[Traduction]

Nous espérons que le débat sera productif. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Giroux.

Nous allons d'abord rendre la parole à M. Hough.

M. Paul Hough: Merci, monsieur le président. Je voudrais simplement souligner le fait que le mémoire que nous adressons au comité bénéficie de l'appui total non seulement de l'Association des universités et collèges du Canada mais aussi de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, du Consortium canadien pour la recherche, de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, et du Conseil canadien des études supérieures.

Autrement dit, notre mémoire bénéficie d'un très large appui au sein de la collectivité des chercheurs et je puis vous assurer qu'il fait suite à une période de collaboration intensive de tous ces groupes.

Merci.

Le président: Je vous remercie de ces précisions.

Je donne maintenant la parole au Dr Henry Friesen, du Conseil de recherches médicales du Canada.

Dr Henry Friesen (président, Conseil de recherches médicales du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je dois vous dire pour commencer que j'ai consacré une trentaine d'années de ma carrière à la recherche médicale avant de devenir président du CRMC.

Le Conseil de recherches médicales du Canada est l'un des trois conseils fédéraux de subventionnement. Mes collègues des deux autres conseils s'adresseront au comité plus tard dans la journée.

Au Canada, la recherche médicale se fait dans les 16 centres universitaires des sciences de la santé associés aux hôpitaux, aux universités et aux instituts de recherche. D'une manière ou d'une autre, près de 10 000 personnes dépendent des subventions de recherche consenties aux scientifiques qui nous adressent des demandes et qui emploient des étudiants de niveau supérieur, des étudiants ayant obtenu leur doctorat et des techniciens.

Toutes ces personnes qui bénéficient de l'aide du conseil constituent l'assise sur laquelle s'appuient plusieurs autres agences, notamment des agences de recherche provinciales et des organismes de bénévolat, pour bâtir au moyen des investissements consentis par le gouvernement du Canada par le truchement du Conseil de recherches.

Autrement dit, nous sommes membres d'un partenariat implicite—et j'insiste sur la notion de partenariat implicite avec les universités et les hôpitaux qui nous donnent des locaux et, bien souvent, des possibilités de carrière—ainsi que d'un partenariat associant le large éventail d'organismes bénévoles et de gouvernements provinciaux qui, avec d'autres, subventionnent la recherche.

• 0925

Plus important encore, mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes les partenaires de l'ensemble de la population qui attache beaucoup d'importance à la santé et au système de soins, qui veut avoir l'assurance qu'investir dans la recherche produira les connaissances nécessaires pour préserver et améliorer la santé de la population, ce qui constitue une valeur fondamentale de la société canadienne, et produira les nouvelles idées, les nouveaux concepts et les nouveaux agents thérapeutiques qui permettront d'améliorer la santé tout en offrant des possibilités de prospérité économique.

Telle est l'orientation fondamentale du Conseil, lequel prend très au sérieux sa responsabilité de préserver la confiance et l'espoir que partagent les Canadiens dans la production du savoir.

Je suis accompagné aujourd'hui d'un collègue, le Dr Alex McKenzie, qui est un exemple parfait du type d'investissement qui engendre de nouvelles connaissances. Le Dr McKenzie est un scientifique qui travaille à l'Hôpital des enfants de l'Est de l'Ontario. Il y a sept ans, le conseil a appuyé les recherches qu'il effectuait sur une maladie très grave touchant les enfants, maladie qui était toujours fatale. Grâce à cet investissement de départ, le Dr McKenzie a pu faire une découverte cruciale qui redonne espoir aux enfants atteints de cette maladie et, nous l'espérons, finira par transformer leur vie.

Je le donne en exemple parce que sa découverte se prête à de nombreuses applications différentes, ce que l'on n'avait pas prévu au départ—à la maladie d'Alzheimer, au cancer—et que cela a débouché sur des plans de commercialisation jouissant déjà de quelque 12 millions de dollars de soutien. Une petite entreprise est sur le point de voir le jour suite à cette découverte. Voilà le genre d'initiative qu'appuie le Conseil. Elle repose sur l'effort consenti pour veiller à ce que les découvertes canadiennes soient exploitées au Canada, dans l'intérêt non seulement des Canadiens eux-mêmes mais aussi des autres populations, ce qui permet à terme de créer des emplois de qualité.

J'espère que les témoignages et discussions d'aujourd'hui feront bien ressortir le rôle crucial que joue l'investissement effectué dans la recherche fondamentale, ainsi que les dividendes abondants qu'en retirent les Canadiens, pas seulement pour leur santé mais aussi pour leur prospérité économique.

S'il y a une recommandation cruciale que je tiens à porter à l'attention de votre comité ce matin, c'est que le gouvernement réexamine attentivement le niveau des investissements consentis à la recherche fondamentale.

Quand je compare notre situation à celle d'autres pays—et nous vous avons remis des graphiques à ce sujet—je suis très inquiet car, à titre de président du plus gros organisme de recherche appuyant les sciences de la santé, je suis bien obligé de constater que le soutien financier consenti aux scientifiques canadiens n'est pas compétitif à l'échelle internationale. Cette situation ne saurait durer si nous tenons vraiment à être compétitifs.

Je vous invite donc à examiner attentivement les comparaisons que nous avons effectuées et à envisager très sérieusement la nécessité d'effectuer d'urgence les investissements nécessaires dans le secteur de la recherche fondamentale du Canada pour préserver notre compétitivité internationale. Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur Friesen.

Nous allons maintenant entendre les représentants de la Fondation canadienne pour l'innovation. Monsieur Keith Brimacombe, je vous donne la parole.

M. Keith Brimacombe (président, Fondation canadienne pour l'innovation): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est un honneur et un plaisir pour moi de m'adresser à vous à titre de président de la Fondation canadienne pour l'innovation. Je suis accompagné du Dr Denis Gagnon, vice-président général de la Fondation.

Nous travaillons pour la Fondation depuis le début de ce mois seulement. Avant cela, j'ai passé 28 ans à enseigner le génie et à faire de la recherche à l'Université de la Colombie-Britannique, et le Dr Gagnon était professeur de pharmacologie et, plus récemment, vice-recteur de la recherche à l'Université Laval.

Dès nos premières semaines de travail pour la Fondation, nous avons eu la possibilité, grâce à de nombreuses réunions et visites, de constater nous-mêmes l'enthousiasme avec lequel les chercheurs du Canada ont accueilli la création de la Fondation, et nous sommes reconnaissants au gouvernement fédéral de l'investissement important qu'il effectue dans l'infrastructure de recherche du pays. Mes collègues et moi-même avons l'intention de collaborer avec nos partenaires et avec le monde de la recherche pour veiller à ce que cet investissement ait le plus de retombées possible du point de vue du développement économique et de la qualité de vie des Canadiens.

Je passe maintenant à mon mémoire. La Fondation canadienne pour l'innovation est un nouveau venu parmi les organismes, sociétés et fondations dont le rôle est d'appuyer la R-D au Canada. Le mandat de la Fondation est d'aider les universités, collèges, hôpitaux et autres établissements canadiens à accroître leur capacité de recherche scientifique et de développement technologique de haute qualité.

• 0930

La FCI n'accordera pas de soutien au personnel et aux activités de recherche, ce qui est le rôle des conseils de subventionnement fédéraux et de divers ministères et organismes fédéraux et provinciaux.

Le rôle attribué à la Fondation, de par sa loi organique, est de subventionner les infrastructures de recherche dans le but précis d'accroître la capacité d'innovation du pays. Tout permet de penser que la Fondation aura une incidence profonde sur la R-D au Canada. L'heure est en effet venue d'effectuer un investissement d'envergure dans la nouvelle infrastructure de recherche du pays. Avec le capital de 800 millions de dollars qui sera consenti à la FCI pendant cinq ans, celle-ci bénéficiera de ressources relativement élevées pour appuyer les infrastructures de recherche. Les bailleurs de fonds potentiels—gouvernements, entreprises, organismes de bénévolat—qui vont fournir plus de 60 p. 100 du capital nécessaire aux projets appuyés par la FCI témoignent déjà d'un intérêt considérable envers nos programmes. Bon nombre d'établissements de recherche dressent déjà des plans ambitieux pour adresser des demandes de financement à la Fondation, et ils cherchent activement d'autres bailleurs de fonds.

L'optimisme dont nous faisons preuve est renforcé par l'évolution des modes de production et d'application des connaissances depuis quelques années. Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, le rythme des découvertes était époustouflant et la quasi-totalité des disciplines du savoir ont vécu au moins une grande révolution. Cela s'est fait en grande mesure au moyen de la recherche universitaire, à l'intérieur des structures traditionnelles établies selon la logique de l'époque.

Le succès de la recherche dans les diverses disciplines du savoir a directement contribué à leur transformation. Dans bien des domaines, les frontières traditionnelles s'estompent et les disciplines commencent à converger. Cette évolution est déjà bien engagée au Canada, avec des caractéristiques tout à fait canadiennes. Grâce aux travaux de défrichage effectués par l'Institut canadien de la recherche avancée, par les réseaux provinciaux et fédéraux de centres d'excellence, et grâce aux programmes de partenariat des conseils, la recherche canadienne a connu une évolution spectaculaire pendant la dernière décennie. Aujourd'hui, la participation de chercheurs des universités, des instituts de recherche et d'entreprises de toutes tailles et de toutes les régions du pays à des programmes de R-D coordonnés est devenue chose courante. Les progrès extraordinaires réalisés dans le domaine des communications multimédias ne peuvent qu'accélérer cette tendance.

Il existe maintenant dans toutes les régions du Canada de jeunes entreprises qui ont vu le jour grâce à la recherche universitaire. Elles sont considérablement renforcées par les liens qu'elles entretiennent avec les universités et par le recrutement de nouveaux chercheurs pour les postes qu'elles créent. Les investissements effectués dans ces entreprises, sous forme de capitaux de départ ou de capital-risque d'origine privée, s'accroissent à un rythme que l'on aurait à peine pu imaginer il y a 10 ans. Or, il s'agit là de capital qui aurait peut-être autrefois été investi dans des entreprises du même type aux États-Unis ou ailleurs. Ces relations mutuellement fructueuses qu'entretiennent les gouvernements, les universités, les grandes entreprises et les investisseurs sont parfois qualifiées de «cercles vertueux».

Les découvertes continueront à se multiplier grâce à la recherche, ce qui élargira évidemment notre base de connaissances mais aura aussi des répercussions considérables sur le bien-être et la prospérité des Canadiens. La Fondation canadienne pour l'innovation a un rôle important à jouer à cet égard. Nous avons obtenu des moyens financiers adéquats et nous nous sommes bien préparés à la tâche qui nous a été confiée, mais notre rôle ne constitue qu'une partie d'un effort qui doit être beaucoup plus vaste. Certes, la Fondation contribuera à créer des capacités de recherche novatrices et productives dans de nombreuses régions du pays, mais cela ne sera qu'une première étape.

Du fait des nouvelles infrastructures, on aura besoin d'autres crédits de recherche, notamment pour financer les activités de soutien du personnel et des stagiaires. Nous ne nous adressons pas à vous aujourd'hui pour plaider notre cause mais plutôt pour vous inviter à examiner attentivement le rôle et les responsabilités des trois conseils fédéraux de subventionnement—notamment du CRMC que préside le Dr Friesen. Ces dernières années, les moyens dont ils disposaient pour couvrir les frais opérationnels de la recherche ont été gravement amputés et nous pensons qu'il est maintenant temps d'accroître sensiblement leurs affectations budgétaires.

• 0935

D'autres témoins viendront vous présenter des arguments pour rétablir et stabiliser la capacité programmatique qui a été perdue ces dernières années. Bien que nous partagions cette position, nous tenons aujourd'hui à centrer notre argumentation sur la dépendance mutuelle vitale qui unit les conseils et la Fondation. Il est crucial que les conseils soient en mesure de répondre aux besoins de fonctionnement qui découleront du programme d'investissement de la Fondation.

À cette étape, nous ne pouvons prévoir avec exactitude l'incidence qu'auront les programmes de la Fondation sur les budgets de fonctionnement qui seront nécessaires dans les années à venir. N'ayant pas encore d'expérience en la matière, nous ne pouvons faire d'analyse comparée, mais l'hypothèse suivante nous paraît raisonnable.

La Fondation et ses partenaires de financement investiront 2,5 milliards de dollars dans les infrastructures de recherche des universités, des collèges et des hôpitaux au cours des six à huit prochaines années. Une partie de cette somme sera destinée à remplacer des infrastructures existantes, mais le reste concernera l'établissement de nouvelles infrastructures pour étendre et diversifier les services de recherche. La proportion est difficile à estimer pour le moment mais nous pouvons supposer que 30 p. 100 serviront à remplacer des ressources existantes et 70 p. 100, soit 1,75 milliard de dollars, à appuyer de nouvelles initiatives importantes.

Le coût marginal annuel de l'entretien de ces infrastructures, de la prestation d'un soutien professionnel, de l'utilisation du plein potentiel des services de recherche et de la prestation d'un soutien à de jeunes chercheurs en formation pourrait atteindre environ 20 p. 100 des dépenses d'investissement, soit 350 millions de dollars. Nous supposons par ailleurs qu'une partie de ce coût marginal annuel, soit 100 millions de dollars, pourrait être assumée par des partenaires du secteur privé, par des organismes de bénévolat et dans le cadre de divers programmes provinciaux. Cela veut dire que le solde, s'élevant environ à 250 millions de dollars par an, devra sans doute être assumé par les trois conseils de subventionnement.

C'est pendant l'exercice 1998-1999 que l'impact initial des programmes de la Fondation commencera à se faire sentir, et il augmentera ensuite rapidement. En conséquence, nous recommandons une augmentation annuelle pour les trois conseils de 50 millions de dollars par an à partir de 1998-1999, de façon à atteindre 250 millions de dollars cinq ans plus tard. Cela viendrait compléter et appuyer la mission confiée par le gouvernement fédéral à la Fondation canadienne pour l'innovation.

J'ajoute que cette augmentation de budget devrait s'ajouter aux autres ajustements budgétaires dont ont besoin les conseils pour s'acquitter de leurs tâches en matière de prestation d'un appui à la recherche et à la formation de chercheurs dans une économie fondée sur le savoir.

Merci, monsieur.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brimacombe.

Avant d'aborder la période des questions, je voudrais vous présenter les autres témoins que nous accueillons aujourd'hui. Ce sont respectivement le professeur Shirley Mills, trésorière de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, M. Chad Gaffield, président de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, Mme Rubina Ramji, président du Conseil canadien des études supérieures, et M. Derrick Deans, coordonnateur du Conseil national des étudiants diplômés.

Je vous souhaite la bienvenue à tous et toutes.

Nous allons maintenant ouvrir la période des questions.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Docteur Friesen, vous parlez de nouveaux programmes qui créent des richesses. Les nouvelles entreprises issues de la recherche sont-elles complètement autonomes ou se retrouvent-elles en concurrence avec les universités qui les ont créées?

Dr Henry Friesen: Les entreprises qui sont issues des investissements effectués dans la recherche sont toujours autonomes. Le conseil ne peut accorder son appui qu'à des établissements non lucratifs, comme les universités, les hôpitaux et les instituts de recherche.

M. Gerry Ritz: Certains témoins que nous avons entendus durant nos audiences nous ont parlé de fuite des cerveaux, c'est-à-dire de gens qui quittent le pays parce qu'ils n'y trouvent pas l'argent dont ils ont besoin. Monsieur Hough, avez-vous des informations à ce sujet? Comment pourrait-on arrêter cette perte? S'agit-il de gens qui vont travailler pour des gouvernements étrangers, parce que ceux-ci leur offrent les crédits dont ils ont besoin, ou de gens qui vont dans le secteur privé? Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?

M. Paul Hough: Je vais essayer.

Toutes les institutions canadiennes peuvent vous donner des exemples de chercheurs réputés qui les ont quittées, que ce soit pour aller dans d'autres institutions ou pour aller aux États-Unis. Beaucoup vont travailler dans des universités étrangères et certains s'en vont dans le secteur privé. Je dois cependant reconnaître que l'on n'a fait aucune étude détaillée quant à leur nombre ou aux disciplines concernées.

• 0940

Ce phénomène est inquiétant, certes, mais il est extrêmement difficile à quantifier parce qu'il y a beaucoup d'allées et venues. Je veux dire par là que nous accueillons nous aussi des personnes de l'étranger. Sans avoir de chiffres précis pour justifier mes dires, j'ai le sentiment que nous perdons dans beaucoup de domaines, ou au moins dans certains, des personnes ayant beaucoup d'expérience, mais que nous gagnons en contrepartie des personnes plus jeunes qui ont fait des études supérieures ou acquis un début d'expérience dans un autre pays. Cela dit, je suis sûr que n'importe quel établissement de recherche du Canada peut vous donner des exemples de personnes réputées qui sont parties.

Le président: Monsieur Giroux.

M. Robert J. Giroux: Je peux ajouter que l'AUCC vient juste de tenir à Québec une réunion au cours de laquelle cette question a été discutée. Nous avons en effet effectué une étude des départs de nos universités et nous avons des chiffres, notamment sur le nombre de professeurs d'université qui ont quitté le Canada. Nous vous enverrons un exemplaire du rapport pertinent. Vous pourrez constater que nous en perdons plus que nous n'en gagnons. En outre, ceux qui partent sont des professeurs à mi-carrière, c'est-à-dire que ce sont les plus productifs. Nous perdons un nombre assez élevé de professeurs de haut niveau.

Il y a deux raisons fondamentales à cela. La première est évidemment reliée à la rémunération qui leur est offerte, mais la deuxième concerne aussi les infrastructures de recherche et le climat de travail qui leur est offert. Le deuxième facteur est également très important.

Je vous enverrai ces informations, monsieur.

Le président: Merci, monsieur Giroux.

Docteur McKenzie.

Dr Alex McKenzie (Conseil de recherches médicales): Merci beaucoup. Comme l'a dit le Dr Friesen, je suis pédiatre et chercheur clinique à l'Hôpital des enfants.

Je peux vous donner un point de vue personnel sur cette question car, depuis que nous avons eu la chance, au cours des trois dernières années, de réussir le clonage d'un groupe de gènes, mes collègues et moi-même avons été sollicités à plusieurs reprises pour déménager aux États-Unis. Je dois vous dire que nous sommes tous fiers d'être Canadiens et que nous n'avons pas l'intention de partir. J'ajoute cependant que c'est la mise sur pied de programmes tels que les réseaux de centres d'excellence, conjuguée à l'espoir suscité par des choses telles la FCI et l'évolution du secteur de la biotechnologie depuis deux ans, qui nous ont aussi incités à rester. C'est un signe très encourageant pour nous. En 1997, nous avons constaté plusieurs phénomènes encourageants pour ceux qui veulent rester.

Comme on l'a dit, ce phénomène ne concerne pas tant des personnes comme moi que des plus jeunes, des chercheurs dans la trentaine, c'est-à-dire des gens qui vont créer les Apoptogens de demain—c'est le nom de notre entreprise. Voilà les gens que nous devons financer si nous voulons nous assurer qu'ils restent au Canada.

Le président: Merci beaucoup, docteur McKenzie.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: J'adresse ma question à tous les participants. Depuis le budget de 1996, le ministre des Finances nous a annoncé qu'il avait un plan de coupures budgétaires dans des secteurs qui touchent directement ou indirectement le secteur de la recherche. On pense que d'ici 2003, le ministre des Finances aura coupé plus de 42 milliards de dollars au niveau des transferts aux provinces pour financer l'éducation supérieure, la santé et l'aide sociale.

Quelle est la part de ce montant, somme toute assez important, qui va à la recherche et qui ne sera plus dans le circuit universitaire ou dans le circuit de la santé? Je pose cette question parce qu'on ne semble parler que des nouvelles initiatives. On a comme occulté le fait que des coupures sont encore en train de se faire dans ces secteurs névralgiques.

M. Robert J. Giroux: Monsieur Loubier, je voudrais vous répondre au sujet des coupures qui se font au niveau des provinces, dans le secteur universitaire particulièrement. Tout d'abord, toutes les universités ne sont pas touchées en même temps. Certaines ont déjà subi des coupures, par exemple en Alberta, et d'autres provinces sont en train de faire des coupures, comme le Québec et l'Ontario.

Nous savons que cela a causé un tort sérieux à ce qu'on appelle les frais indirects de la recherche, mais je ne pourrais vous donner des chiffres. Traditionnellement, on a au Canada un équilibre entre le financement des frais directs de recherche, domaine des trois conseils subventionnaires mentionnés ce matin, et le financement des frais indirects, domaine des provinces dans leurs subventions générales aux universités. Ces frais indirects concernent les structures de base, les coûts administratifs, les coûts d'entretien, etc.

• 0945

La Fondation canadienne pour l'innovation a pour fonction d'appuyer les infrastructures. Notre rôle est aussi d'aider les chercheurs eux-mêmes par l'entremise des frais directs et, naturellement, ce sera aux provinces d'aider pour les frais indirects par l'entremise de leurs subventions générales aux universités ou à des programmes particuliers.

On me dit que les frais d'entretien sont différés en Ontario, par exemple, où l'on parle d'une différence de 700 à 800 millions de dollars parce qu'il n'y a pas les fonds nécessaires. Je n'ai pas de chiffres pour le Québec.

M. Yvan Loubier: Que faudrait-il que le Québec ou le Canada fassent pour être sûrs que les fonds de recherche sont suffisants? On nous a déjà dit, par le passé, que nous accusions un grand retard par rapport au Japon, aux États-Unis et à l'Allemagne. Est-ce que ce retard existe encore? Et que faudrait-il fournir comme capacité productive en matière de recherche pour rattraper ces pays-là?

M. Robert J. Giroux: Tout d'abord, le retard existe effectivement. Nous avons distribué cette charte qui démontre la position du Canada par rapport aux autres pays du G-7, et l'Italie est le seul pays dont le pourcentage du produit national brut est plus bas que le nôtre. Mais tous les autres pays, notamment les États-Unis, qui sont très importants pour nous, et le Japon en particulier ont injecté un gros montant additionnel dans la recherche fondamentale.

Nous soutenons que le Canada se doit de rattraper ces autres pays. Il ne faut pas oublier que ces pays investissent chaque année de plus en plus dans la recherche et le développement. Nous voyons ici l'apport de 800 million de dollars de la Fondation canadienne pour l'innovation qui, comme M. Brimacombe l'a mentionné, en s'ajoutant aux subventions des autres partenaires, va porter l'aide à la recherche à plus de 2 milliards de dollars. Nous voyons aussi la proposition d'augmentation des budgets des conseils subventionnaires comme étant un des moyens de réduire cet écart.

Il ne faut pas oublier non plus que l'apport du secteur privé au soutien de la recherche, même s'il est plus bas que dans d'autres pays du G-7, s'est accru fortement depuis sept ou huis ans. Le gouvernement faisant sa part, le secteur privé va également continuer de faire la sienne.

Le président: Merci, monsieur Giroux.

[Traduction]

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Les tendances qui ressortent des graphiques que vous avez présentés ce matin sont très inquiétantes. Ma première question sera sans doute assez facile. Les arguments que vous présentez tous en ce qui concerne le rétablissement des crédits consacrés à la recherche fondamentale sont tout à fait légitimes, étant donné qu'il serait en effet important de rétablir les crédits des organismes de subventionnement, entre autres.

Ma question—et je ne sais pas à qui je l'adresse vraiment—est la suivante: nous savons pourquoi la recherche a baissé dans les organismes que vous représentez, mais pourriez-vous nous dire pourquoi les activités de R-D du secteur privé sont tellement pitoyables? Nous savons que la recherche effectuée dans le secteur public a baissé à cause d'un appui financier insuffisant, mais il faut dire que l'activité du secteur privé dans ce domaine a toujours été pitoyable. Comment l'expliquez-vous?

Le président: Qui souhaite répondre? Monsieur Hough?

M. Paul Hough: Je vais essayer.

Comme l'a dit M. Giroux tout à l'heure, l'investissement du secteur privé se situe désormais autour de 1 p. 100 du PIB. De fait, si l'on inclut tous les secteurs, la proportion atteint environ 1,6 p. 100. Depuis cinq à huit ans, le taux d'augmentation est beaucoup plus élevé dans le secteur privé que dans n'importe quel autre. De fait, on a constaté que la part du gouvernement fédéral baissait au moment où celle du secteur privé augmentait.

• 0950

Si je comprends bien, vous avez l'impression que le secteur privé canadien n'investit pas beaucoup dans la recherche, mais il faut dire qu'un nombre relativement petit d'entreprises, ou en tout cas une minorité, font ce genre d'investissement, et de plus en plus. À mon sens, la tendance la plus importante, pas seulement au Canada mais aussi à l'étranger, concerne la manière dont les entreprises gèrent de plus en plus leurs activités, aussi bien en recherche que dans d'autres domaines. En effet, au lieu de se doter de capacités de recherche internes dans beaucoup de domaines différents, pour le cas où elles en auraient besoin, les entreprises se tournent de plus en plus vers d'autres secteurs, notamment les universités, pour tirer parti de leur expertise spécialisée quand elles en ont besoin.

Il y a donc une quantité énorme d'alliances, de contacts et de réseaux entre le secteur privé et toutes sortes d'institutions différentes. Ce que cherchent vraiment les entreprises privées, c'est la possibilité de profiter des compétences très solides de ces institutions. De ce fait, si le Canada ne réinvestit pas de manière considérable dans ses services de recherche institutionnels, les entreprises, qu'elles se trouvent au Canada ou ailleurs, se tourneront vers d'autres institutions, dans d'autres pays.

Le président: Merci.

Le Dr Friesen souhaite intervenir.

Dr Henry Friesen: Pour renforcer les déclarations de M. Hough, je dirais tout d'abord qu'il y a des différences sectorielles considérables du point de vue de la recherche effectuée par le secteur privé canadien. Les télécommunications sont un secteur éminemment canadien, tout comme les sciences de la santé. Pour ce qui est de la recherche agricole, elle procède beaucoup plus souvent de grandes multinationales.

Je dois cependant souligner qu'il y a eu des changements spectaculaires au Canada. Au cours de la dernière décennie, l'appui gouvernemental, tant provincial que fédéral, a augmenté de 1,6 p. 100. Dans le secteur privé, on a constaté une hausse de 800 p. 100, ce qui est phénoménal et s'explique par de nombreux investissements de capital-risque d'une ampleur tout à fait étonnante. L'an dernier, 250 millions de dollars de capital-risque ont été investis de cette manière. Il y a quelques années, c'était dans le secteur des sciences de la santé. Quelques années auparavant, c'était quasiment inexistant. Les entreprises privées ont investi 1 milliard de dollars.

Il convient donc de souligner que les Canadiens investissent de manière remarquable pour appuyer le secteur que je représente, car ils y voient sans doute la possibilité de recueillir des dividendes à long terme—dans certains cas, par le truchement des régimes de pension. Je crois que la situation change rapidement. Évidemment, tout cela finit par engendrer la création d'entreprises et d'emplois de qualité.

Le président: Merci, docteur Friesen.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Si nous voulions cibler les investissements en recherche de manière à donner un signal aux chercheurs qui songent à quitter le pays, ou à ceux qui l'ont quitté et qui aimeraient y revenir, dans quels secteurs faudrait-il investir le plus? Comment pourrions-nous dire aux chercheurs que nous voulons sérieusement rétablir le soutien public à la recherche, dans l'intérêt d'une économie fondée sur le savoir de pointe?

M. Keith Brimacombe: Je pense que le gouvernement a déjà donné un signal très fort en créant la FCI, en assurant le financement permanent des centres nationaux d'excellence et, bien sûr, en mettant sur pied un nouveau programme de bourses pour les étudiants. À mes yeux, cela témoigne d'un engagement très ferme. Avec la FCI, j'ai le sentiment que nous nous préparons à monter les installations, à rénover les structures, etc., mais il ne faudrait pas que l'on en reste là. Ce serait comme si l'on achetait un nouveau tracteur en n'ayant personne pour le conduire. Il finirait par rouiller.

Donc, si nous voulons donner un signal très clair, il faudrait renforcer les activités opérationnelles des conseils de subventionnement, comme je l'ai dit.

• 0955

Je crois que si l'on ajoutait au budget de plus de 800 millions de dollars de la FCI l'octroi de nouvelles subventions aux conseils—ce qui leur permettrait de financer leurs dépenses d'exploitation pendant que nous obtenons des fonds de contrepartie des provinces, du secteur privé, etc.—ce serait très efficace. Voilà le genre de message très clair que le gouvernement a envoyé, ce qui est tout à son honneur.

Il me semble par conséquent que l'on envoie déjà de bons signaux. Cela dit, il y aura quand même toujours certaines personnes qui voudront partir pour les États-Unis. Dans mon propre cas, j'ai reçu de nombreuses offres mais il se trouve que j'aime bien mon pays. Et je crois que nous sommes désormais dans une situation où nous allons recueillir de très gros dividendes si nous pouvons maintenir l'impulsion acquise. J'en suis vraiment convaincu.

Le président: Merci, monsieur Brimacombe, et merci de rester au Canada.

Des voix: Oh!

Le président: Professeur Mills.

Mme Shirley Mills (trésorière, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci, monsieur le président. Je pourrais peut-être aborder cette question du point de vue d'un enseignant.

J'enseigne dans un domaine très technique—les mathématiques et les statistiques—dans l'une des universités locales. Je donne des cours à beaucoup d'étudiants en génie et en sciences informatiques, et je comprends donc très bien le phénomène de la fuite des cerveaux. Certains de mes collègues ne cessent de se voir offrir des emplois ailleurs et je me demande toujours ce que l'on peut faire pour les retenir.

Du point de vue des enseignants, il est clair que relever les budgets consentis aux conseils de subventionnement contribuerait à freiner la fuite des cerveaux. N'oubliez pas que divers programmes qui étaient financés dans le passé ont dû être annulés. Dans mon propre cas, deux de ceux qui m'avaient permis d'obtenir des crédits l'ont été. En outre, on m'a aussi offert des postes à l'étranger. Cela dit, c'est sans doute parce que nous adorons l'enseignement que nous sommes encore professeurs, mais il faut bien reconnaître qu'il arrive un moment où, si l'on n'obtient pas des conseils de subventionnement les crédits nécessaires pour appuyer les étudiants de niveau supérieur et pour poursuivre ses propres recherches, on doit examiner très sérieusement les offres qui viennent du secteur privé.

Je crois vraiment que l'une des solutions consisterait à rétablir les crédits des conseils de subventionnement. Je songe en particulier aux programmes de collaboration internationaux, dont les budgets ont fait l'objet de coupes sombres alors qu'ils jouent un rôle très important dans nos activités de recherche.

Le président: Merci, professeur Mills.

Docteur Gaffield.

M. Chad Gaffield (président, Fédération canadienne des sciences humaines et sociales): J'aimerais relier ce débat à la situation de la société canadienne, si vous me le permettez, car je pense que tout cela est directement relié à l'avenir même que nous envisageons pour notre pays.

On envisage souvent la recherche du point de vue des sciences, de la technologie, du secteur privé, etc., mais je crois que l'un des éléments clés pour le Canada est de savoir si nous sommes prêts à nous prendre au sérieux, comme société, par exemple pour ce qui est de la compréhension de notre histoire.

Comme je suis professeur d'histoire, l'une des choses qui me troublent, et je suis sûr qu'elle vous trouble aussi, c'est de lire dans les journaux que beaucoup de Canadiens ne connaissent même pas leur histoire et que celle-ci n'est même pas enseignée dans les écoles. Et ce n'est pas un hasard. De fait, quand je faisais mes études universitaires, à la fin des années 60, on enseignait très peu l'histoire au Canada, et l'on faisait fort peu de recherche à ce sujet. La plupart des ouvrages utilisés dans nos écoles venaient d'ailleurs. C'est seulement grâce au financement consenti par le Conseil de recherche en sciences humaines, par exemple, que nous nous sommes mis à étudier sérieusement l'histoire du Canada et la nature de notre société.

Si l'on réfléchit à l'évolution actuelle du Canada, on doit bien constater que bon nombre des grandes questions qui se posent à nous sont en fait d'ordre social et culturel. Comment vivons-nous dans notre société? Comment réagissons-nous à la violence? Comment réagissons-nous à l'évolution de la famille? Que faisons-nous de la diversité ethnoculturelle? Comment nous adaptons-nous à une société en évolution rapide? D'après moi, si nous n'effectuons pas de recherche fondamentale sur nous-mêmes, toutes ces autres questions auront beaucoup moins d'importance et perdront peu à peu de leur intérêt.

Il importe que nous apprenions à nous connaître nous-mêmes. Nous devons apprendre à nous comprendre. Certes, nous avons déjà fait de grands progrès à cet égard, comme le montre par exemple le fait que la plupart des ouvrages scolaires que les enfants utilisent aujourd'hui sont écrits au Canada, mais nous savons qu'il y a encore beaucoup à faire.

Mon message est donc le suivant: nous avons désormais une fondation de la recherche, ce qui justifie un certain optimisme, mais la situation est encore fragile. C'est récent et c'est relativement fragile.

Sans un appui soutenu et durable, nous risquons d'entrer dans le XXIe siècle dans ce que nous appelons une forme de néo-colonialisme, c'est-à-dire un monde au sein duquel la société canadienne sera en fait au bord du précipice, sera marginalisée, en partie parce que nous ne saurons pas qui nous sommes et qui nous avons été, ce qui veut que nous ne saurons pas qui nous voulons être.

Le président: Merci, professeur Gaffield.

Je vais maintenant donner la parole à M. Derrick Deans, puis à nouveau à M. Hough.

• 1000

M. Derrick Deans (coordonnateur, Conseil national des étudiants diplômés): Puisque nous sommes ici pour parler de la nécessité d'appuyer les conseils d'octroi de subventions de recherche, je pense utile de préciser que les sommes fournies par ces derniers aident directement et indirectement les étudiants de niveau supérieur. On octroie des bourses et des stages à des étudiants de haut niveau, ce qui leur permet de poursuivre leurs études.

Je suis sûr que vous avec déjà entendu parler du niveau d'endettement élevé que doivent assumer les jeunes qui font des études supérieures. Selon les estimations, cet endettement atteindra 25 000 $ l'an prochain; or, si l'on veut faire des études supérieures avec un tel fardeau, il est absolu indispensable d'obtenir un soutien extérieur. À l'heure actuelle, les conseils d'octroi de subventions sont les organismes les plus visibles vers lesquels les étudiants peuvent se tourner.

Les fonds qui sont accordés aux conseils de subventionnement aident également les étudiants de manière indirecte. En effet, lorsque des subventions de recherche sont accordées à des professeurs, une bonne partie de l'argent est redistribuée aux étudiants par le truchement de postes d'assistants de recherche, étant donné que certains étudiants travaillent avec les professeurs dans certains domaines et acquièrent en même temps une formation comme chercheurs.

Les étudiants de niveau supérieur bénéficient de deux formes d'aide. Ce que je vais dire à ce sujet est purement anecdotique—étant donné que nous n'avons pas pu faire de recherche à ce sujet—mais nous savons que la compression des budgets des conseils de subventionnement amène les étudiants diplômés à se tourner vers la scène internationale lorsqu'ils envisagent de faire un doctorat, afin d'examiner les possibilités qui pourraient leur être offertes. Or, s'ils peuvent obtenir un appui plus solide à l'étranger, c'est probablement là qu'ils iront poursuivre leurs études.

J'ai vu l'autre jour un chiffre intéressant à cet égard; c'est le nombre de demandes de bourses de doctorat adressées au Conseil de recherche en sciences humaines. Les informations montrent que ce nombre a continué d'augmenter, alors que le nombre de bourses octroyées a baissé. Selon mes informations, seulement 16,4 p. 100 de ceux qui ont essayé d'obtenir une bourse de doctorat cette année l'ont obtenue. Qu'ont fait les autres 83 p. 100? J'aimerais le savoir.

Le président: Monsieur Hough, puis docteur Friesen.

M. Paul Hough: Le message fondamental est qu'il faut consentir un soutien soutenu aux activités de recherche du Canada si nous voulons non seulement limiter la fuite des cerveaux mais aussi inculquer un sentiment réel de défi à nos étudiants et à nos futurs chercheurs. L'appui financier consenti à la recherche a considérablement baissé et, depuis quelques années, les jeunes ne peuvent s'empêcher de penser qu'il n'y a vraiment pas d'avenir intéressant dans la recherche au Canada. Il est donc très important de réitérer un engagement très ferme de notre part à cet égard.

Le président: Merci, monsieur Hough.

Docteur Friesen.

Dr Henry Friesen: La question posée était la suivante: «Quel est le signal le plus important que l'on pourrait envoyer aux chercheurs canadiens?» J'appuie sans réserve l'idée qu'il serait très important de réinvestir dans les conseils d'octroi de subventions de recherche.

Pour vous donner une idée des problèmes que nous connaissons actuellement, je vous dirais qu'il y a eu l'an dernier 500 demandes de subventions scientifiques excellentes que notre conseil n'a tout simplement pas pu financer. Vous pouvez imaginer le signal que cela donne aux jeunes. Si nous voulons réagir, il faut absolument relever le niveau budgétaire du Conseil. Combien de ces 500 auraient pu produire le genre d'idées que des Alex McKenzie...

Dr Alex McKenzie: Ou d'autres encore meilleurs.

Dr Henry Friesen: ... ont pu découvrir? C'est là une question qui devrait nous hanter tous.

L'analogie que je veux faire à ce sujet est celle des forages de pétrole. Nous avons bâti une infrastructure, nous avons acquis des capacités, et la FCI va les améliorer mais, tant que l'on n'aura pas trouvé de pétrole pour faire marcher ce réseau, nous ne pourrons malheureusement pas tirer le profit maximal de tout cet investissement.

Je pense que le gouvernement a créé beaucoup des instruments voulus, comme la FCI, les réseaux de centres d'excellence, les régimes de capital-risque et le programme Partenariat Technologie, mais il nous faut maintenant alimenter tous ces systèmes en investissant les fonds nécessaires dans la recherche fondamentale.

Le président: Merci, docteur Friesen.

Monsieur Jones.

• 1005

M. Jim Jones (Markham, PC): Cette discussion est très intéressante. Pouvez-vous cependant me dire où nous nous situons par rapport aux États-Unis en ce qui concerne la recherche effectuée par le secteur privé et par le secteur public? D'autre part, y a-t-il au Canada le même type de relations entre les universités et les entreprises qu'aux États-Unis? Je sais qu'une bonne partie de la recherche effectuée par les universités américaines est financée par les grandes entreprises, dans leur propre intérêt. Y a-t-il le même phénomène au Canada?

Si je vous pose cette dernière question, c'est parce que j'aimerais savoir si nous accordons les bonnes incitations fiscales à ceux qui veulent faire de la recherche au Canada.

Le président: Monsieur Giroux.

M. Robert J. Giroux: Je reviendrais sur le graphique que je vous ai montré. Voici les États-Unis. La partie en blanc correspond aux dépenses des entreprises, et la partie sombre, aux dépenses totales. Au Canada, il y a proportionnellement plus de dépenses qui sont effectuées en dehors du secteur privé. C'est peut-être difficile à voir mais je peux vous dire que les dépenses effectuées par les entreprises américaines sont proportionnellement beaucoup plus élevées qu'au Canada. Nous nous situons en dessous des États-Unis dans les deux secteurs. Je veux parler ici du total des dépenses de recherche par rapport au PIB, et du total des dépenses de recherche effectuées par les entreprises par rapport au PIB. Il ne fait aucune doute que le secteur privé américain fait beaucoup plus, proportionnellement, mais le secteur public fait lui aussi beaucoup plus que le secteur public du Canada.

Nous vous avons donné deux autres tableaux. Celui-ci est une comparaison entre les National Institutes of Health et le Conseil de recherches médicales présidé par le Dr Friesen. Évidemment, il s'agit ici de taux de croissance car, du point de vue des chiffres absolus, il n'y a tout simplement aucune comparaison. Le tableau montre que la part du CRM a baissé, alors que c'est exactement l'inverse aux États-Unis. Et cela vaut non seulement pour la santé mais aussi pour la National Science Foundation, qui finance des recherches dans les mêmes secteurs que notre Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, et notre Conseil de recherche en sciences humaines. Voici la courbe américaine et voici la courbe canadienne, qui s'inscrit à la baisse.

Donc, la comparaison avec les États-Unis nous est très défavorable, tant du point de vue de la proportion que du point de vue des dépenses publiques réelles.

Votre troisième question concernait les incitations fiscales. Bien des gens vous diront que nous offrons certains des avantages fiscaux les plus attrayants en ce qui concerne la R-D. C'est peut-être cela qui explique—comme on l'a vu tout à l'heure—la croissance des dépenses de recherche du secteur privé. Cette évolution est certes positive mais elle ne nous a pas encore permis d'atteindre le même niveau que les Américains. N'oubliez pas d'ailleurs qu'il n'y a pas que les incitations fiscales pour encourager les investissements du secteur privé. Des études ont montré que l'emplacement du siège social des grandes entreprises, l'existence d'un environnement favorable, par exemple l'existence d'universités ayant de bons chercheurs et des instituts de recherche très solides, sont également des facteurs importants. Voilà pourquoi nous disons que renforcer la recherche universitaire et renforcer la recherche fondamentale sont en fait l'aimant qui attirera plus d'investissements du secteur privé, à terme.

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Je trouve particulièrement intéressante la discussion concernant les relations entre le capital-risque et la R-D. Cela dit, j'ai le sentiment que, lorsqu'une entreprise privée investit dans la recherche, c'est parce qu'elle désire en tirer un rendement rapide. Autrement dit, il ne faut peut-être attendre du secteur privé qu'il fasse la recherche scientifique fondamentale qui exige des capitaux patients.

• 1010

Peut-être le gouvernement aurait-il intérêt à jouer plus le rôle d'investisseur patient, à long terme, pour la recherche fondamentale?

Quelqu'un a-t-il une idée là-dessus?

Deuxièmement, je voudrais parler de la différence qui existe entre le secteur privé et le secteur public. Je comprends bien l'analogie des forages de pétrole exposée par le Dr Friesen mais, si l'on ne trouve pas de pétrole, les dépenses doivent-elles quand même être assumées par le secteur public ou devraient-elles l'être par le secteur privé?

Dans les cas où l'on trouve du pétrole, qui en retire le bénéfice? Ne pensez-vous pas que les contribuables canadiens devraient également avoir leur part du profit de ces recherches, étant donné qu'ils ont joué un rôle d'investisseurs à cet égard?

J'ai été particulièrement intrigué par un article récent du Globe and Mail—que certains d'entre vous ont peut-être lu—concernant l'Université de Guelph. Il semble en effet que l'un des professeurs de la Faculté d'agriculture de cette université a créé une petite entreprise qu'il a fait coter à la Bourse de Toronto pour essayer de recueillir les sommes nécessaires pour financer sa recherche. Frustré par les compressions budgétaires, ce professeur et certains de ses collègues ont décidé de réagir. Ils ont donc lancé une souscription de capital à la Bourse de Toronto et je crois comprendre qu'ils ont recueilli la première année 8 millions de dollars du secteur privé pour faire des recherches en agriculture. À mon avis, c'est là une initiative absolument merveilleuse et j'espère que ce professeur fera école.

Ce sont donc là mes deux questions. La première concerne la différence entre la recherche fondamentale, qui exige du capital patient, et la recherche appliquée, qui se prête plus au capital-risque car on en attend peut-être un rendement plus élevé et plus rapide. Si tel est le cas, y a-t-til une différence dans les rôles respectifs que devraient jouer le secteur public, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, et le secteur privé? Deuxièmement, pensez-vous que l'exemple du professeur de l'Université de Guelph devrait être envisagé par d'autres universités de façon à recueillir des fonds qui pourraient être investis dans la recherche universitaire?

Le Dr Friesen pourrait peut-être répondre en premier.

Dr Henry Friesen: Ces questions sont cruciales. Nous y faisons face de plus en plus souvent. Je dois dire qu'on les aurait sans doute trouvés un peu bizarres il y a dix ans, lorsque je faisais de la recherche scientifique, mais il faut dire que le monde a beaucoup changé depuis.

Vous demandez qui bénéficie des investissements consacrés à la recherche fondamentale. Je crois y avoir fait allusion quand je parlais de mon collègue, le Dr McKenzie. C'est le public qui en bénéficie.

Je vais vous donner un exemple plus précis: BioChem Pharma. Il y a un peu plus de 12 ans, c'était l'une des idées qui ont été financées par les conseils. Aujourd'hui, c'est la quatrième entreprise au monde, du point de vue du capital, qui emploie 1 500 personnes, à Montréal. Son produit est le 3-TC, qui est l'un des principaux médicaments utilisés pour traiter le SIDA, et elle en vend pour 1 milliard de dollars par an.

C'est un peu la même chose qui s'est produite quand on a foré le puits de pétrole de Leduc, si je puis conserver la même analogie. On ne gagne pas à tous les coups, c'est la nature même de la recherche fondamentale.

À mon avis, le rôle fondamental du gouvernement doit être de veiller à ce que la plate-forme fondamentale de la découverte soit sûre et stable. Je crois que M. Hough a dit la même chose. On ne peut pas ouvrir et fermer à volonté le robinet de la recherche fondamentale. Il est essentiel d'assurer un minimum de stabilité.

En ce qui concerne le capital-risque, et même le capital pré-risque, il a un rôle très important à jouer. Le programme des réseaux de centres d'excellence a été crucial pour commencer à transformer l'attitude des milieux universitaires. De fait, le capital-risque des travailleurs permet aux chercheurs d'obtenir des capitaux garantis pendant une période de cinq à huit ans. C'est aujourd'hui huit ans, avec le dernier changement. C'est probablement une bonne échéance.

Peut-être pourrais-je inviter Alex McKenzie, qui a bénéficié de l'un de ces investissements, à décrire sa propre expérience?

Dr Alex McKenzie: Le réseau a été absolument crucial pour faire avancer les choses. Juste un détail technique: l'identification de la séquence génique que nous avons trouvée a été faite avec des fonds du réseau, et nous n'aurions absolument pas pu faire cette découverte autrement.

J'ajoute entre parenthèses que j'ai une attitude très ambiguë, comme universitaire, lorsque je vois le commerce entrer dans mon laboratoire, mais il se trouve que cela représente des millions de dollars consacrés à une maladie pédiatrique fatale. Au cours des deux dernières années, cela nous a permis de faire des progrès scientifiques spectaculaires. Il s'agit là d'une maladie terrible pour laquelle il n'existe encore aucun traitement, en 1997, mais nous pouvons maintenant songer à d'éventuelles thérapies grâce aux fonds de départ fournis par le Conseil de recherches médicales et aux crédits relais fournis par les centres d'excellence. À mes yeux, l'intérêt de ce financement est une évidence absolue, qu'il y ait ou non un motif de profit.

• 1015

M. Derrick Deans: Je voulais mentionner quelque chose d'autre en réponse à votre question. Celle-ci portait probablement plus sur les bénéfices financiers que sur d'autres mais vous trouverez dans notre document une suggestion concernant la création de ce qu'on appelle des «réseaux communautaires d'informations de recherche». Il s'agit de mettre sur pied un projet pilote pour assurer des échanges dynamiques entre les communautés et les universités sur des questions touchant les sciences humaines.

Vous savez probablement tous que beaucoup de groupes communautaires ont actuellement besoin de recherche. Ils n'ont pas les ressources nécessaires pour la faire eux-mêmes. En contrepartie, il y a dans les universités des étudiants de niveau supérieur et des professeurs qui mènent toutes sortes de projets de recherche différents. Or, on n'établit jamais de liens entre les deux. Je voudrais donc vous inviter à examiner attentivement cette partie de notre mémoire. Je ne donnerai pas plus de détails là-dessus. Je dirai simplement que ce projet serait très utile pour essayer de bâtir des ponts entre les universités et les collectivités, étant donné que les départements de sciences sociales et de sciences humaines se penchent sur beaucoup de problèmes auxquels font actuellement face les familles et notre société, sans qu'il y ait de coordination.

Le président: Monsieur Keith Brimacombe.

M. Keith Brimacombe: Merci, monsieur le président. Je voudrais ajouter une ou deux choses.

La première est que l'une des ressources les plus solides et les stables dont bénéficient les universités du Canada, en matière de recherche, se compose des chercheurs eux-mêmes. Je ne cesse de répéter ceci: les universités n'existent pas pour faire de la recherche, elles existent pour produire des gens de talent et éduqués, et la recherche et l'enseignement ne sont que des moyens pour y arriver. Ce qui est merveilleux, c'est que, lorsque nous trouvons de nouvelles connaissances grâce à ces recherches, le produit final que nous obtenons, ce sont des jeunes, et peut-être aussi des moins jeunes, qui s'en vont dans le secteur privé ou dans la collectivité pour contribuer à la société.

Ce qui m'a toujours intrigué, dans ma propre carrière, c'est le fait que le savoir ne suffit pas. Comme je suis ingénieur de profession, je sais de quoi je parle. Ce qui compte, c'est la mise en application du savoir. Certes, il importe de créer le savoir—en faisant des recherches et en les publiant—mais, comme Alex le disait, c'est sa mise en application qui est vraiment importante. Si on l'applique à une maladie pédiatrique grave, c'est cela qui aura vraiment permis d'améliorer la santé des gens, et pas simplement le fait que l'on aura obtenu de l'argent du CRM. En ce qui me concerne, je suis beaucoup plus intéressé par la création de richesse grâce au fruit de nos recherches.

Qu'est-ce que l'innovation? Pour moi, c'est une chaîne dont le dernier maillon consiste à mettre le savoir en pratique. Dans le cas de la FCI, il s'agit de contribuer à la création de richesse: chômage, une économie solide, la santé, l'environnement. C'est une autre raison pour laquelle nous avons besoin de tout cela.

Je suis d'accord avec Henry lorsqu'il dit que les choses ont énormément changé au cours des 10 dernières années. Comme il y a longtemps que j'oeuvre moi aussi dans ce secteur, j'estime que la dernière décennie a été merveilleuse à cet égard.

Voilà pourquoi je dis qu'il faut profiter de l'impulsion acquise. BioChem Pharma est un bon exemple. QLT PhotoTherapeutics, de Vancouver, en est un autre. Mais je peux vous dire qu'il y a un très grand nombre d'autres entreprises, par exemple de logiciels, qui apportent une contribution importante à l'économie canadienne.

Le président: Monsieur Hough.

M. Paul Hough: L'exemple de Guelph est un autre cas de mise en application du savoir. Et il y en a de plus en plus, dans tous les instituts de recherche, bien que ce ne soit pas quelque chose qui résulte d'office de la recherche.

• 1020

L'autre message que nous souhaitons vous communiquer est qu'il faut appuyer un très large éventail d'activités pour trouver quelques pépites d'or ou quelques puits éléphantesques, comme disait le Dr Friesen. Et il ne faudrait pas croire que toutes les formes de recherche sont équivalentes, ni que toutes puissent déboucher sur des choses identiques à ce qui s'est fait à Guelph.

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Je voudrais dire dès le départ que j'appuie vigoureusement votre demande de financement adéquat de la recherche. Je m'inquiète beaucoup de la fuite des cerveaux, non seulement pour les conséquences qu'elle risque d'avoir sur l'avenir de notre pays, mais aussi parce que cela nous fait perdre des jeunes Canadiens dans lesquels nous avons beaucoup investi. En effet, il ne faut pas seulement tenir compte des 25 000 $ que les jeunes investissent eux-mêmes pour faire des études, il faut y ajouter tout l'argent fourni par les gouvernements et par les contribuables.

Cela dit, je voudrais soulever une préoccupation. Il est bien beau de dire que l'on va augmenter les budgets et que l'on va résoudre les problèmes identifiés dans le passé, c'est-à-dire la difficulté qu'ont les jeunes chercheurs à trouver de l'argent, notamment les jeunes femmes. On entend en effet des jeunes femmes qui font de la recherche dire: «Vous savez quoi? Pour obtenir de l'argent, il faut réussir à pénétrer dans le club des vieux garçons»—et j'insiste sur «vieux» et sur «garçons».

D'aucuns diront que ce n'est pas très grave mais, en ce qui me concerne, j'estime que nous payons notre part des impôts et que nous faisons partie de la population. Il ne suffit donc pas de parler du type de recherche, il faut aussi se pencher sur le genre de personnes qui font de la recherche.

Je voudrais savoir ce que font vos organisations pour répondre à ces critiques. Peut-être me direz-vous qu'il s'agit là de choses du passé et que tout va maintenant très bien. Quelles mesures prenez-vous?

Docteur Giroux, j'aimerais savoir si l'on a analysé par sexe les chiffres relatifs à la fuite des cerveaux?

Madame Ramji, êtes-vous optimiste pour l'avenir? J'aimerais avoir la certitude que les budgets de recherche sont adéquatement répartis entre les hommes et les femmes. J'aimerais avoir la certitude que l'on fait des recherches adéquates.

Le président: Qui veut répondre à cette question? Madame Ramji?

Mme Rubina Ramji (présidente, Conseil canadien des études supérieures): Je dois vous dire tout de suite que je suis encore étudiante puisque je n'ai pas fini mon doctorat. Les statistiques que j'ai entendues portent à croire qu'il y a moins de 10 000 femmes dans les programmes d'études supérieures au Canada, sur plus de 80 000 étudiants.

Cinq demandes de bourse sur six adressées aux conseils sont refusées. Il n'y a pas beaucoup d'argent à distribuer. Que l'on soit un homme ou une femme, il est très difficile d'en obtenir actuellement. Je crois cependant qu'il est plus difficile pour les femmes d'envisager des études supérieures, à cause du manque d'argent. Dans le cas des femmes qui élèvent seules des enfants, la Bourse du millénaire sera utile, puisqu'elle est destinée à aider les étudiants dans le besoin, mais je ne crois pas qu'elle suffira pour créer de nouveaux chercheurs.

Le président: Docteur Friesen.

Dr Henry Friesen: Le problème que vous venez de soulever préoccupe beaucoup notre conseil. Je peux vous dire que nous avons un comité consultatif permanent qui se penche sur la situation des femmes faisant de la recherche dans le secteur de la santé.

Je viens juste de demander au personnel du conseil de comparer les résultats des demandes de bourses de niveau postdoctoral présentées par les femmes et par les hommes, à l'étape de la première possibilité de carrière, c'est-à-dire du premier poste d'enseignement. J'ai le plaisir de vous dire que les taux de succès sont pratiquement égaux. Cela dit, le problème que vous soulevez est très réel, c'est-à-dire qu'il n'y a pas assez de femmes dans les sciences de la santé. Au niveau des étudiants diplômés, les chiffres sont pratiquement égaux. C'est après le doctorat que l'on commence à voir une différence.

Ce problème est évidemment complexe et nos comités s'y intéressent de près. Si vous le voulez, je vous enverrai avec plaisir l'analyse que je viens d'évoquer. Le conseil a également décidé qu'il doit y avoir au moins un tiers de femmes au sein de tous ses comités d'examen.

Cela dit, il arrive parfois que l'on crée par inadvertance un nouveau problème quand on veut en résoudre un autre. Ainsi, les femmes scientifiques qui obtiennent de bons résultats sont très sollicitées, ce qui veut dire qu'elles peuvent être amenées à participer à de nombreux comités, et cela réduit d'autant les heures qu'elles peuvent consacrer à la science.

Il est donc parfois difficile de trouver le bon équilibre, mais merci d'avoir posé la question.

Le président: Monsieur Gaffield, puis M. Deans.

• 1025

M. Chad Gaffield: La question que vous soulevez est extrêmement importante. J'y apporterai deux réponses, sur une note relativement optimiste.

Comme vous le savez, dans le secteur de l'histoire, c'est essentiellement l'histoire des hommes que l'on a écrite pendant longtemps. Les choses ont maintenant énormément changé et je crois pouvoir dire que notre compréhension du passé intègre plus les femmes. Dans mon propre département, par exemple, environ la moitié du personnel enseignant se compose de femmes. Il y a donc un changement.

Ma deuxième réponse est que les conseils de subventionnement ont joué un rôle important à cet égard. Par exemple, le Conseil de recherche en sciences humaines a mis sur pied un programme particulier à ce sujet. C'est le programme «Les femmes et le changement», qui est un programme stratégique allant dans le sens que vous souhaitez.

Il y a donc peut-être encore beaucoup de chemin à faire dans beaucoup de domaines mais je puis vous dire que les conseils ont fait preuve de leadership à cet égard ces dernières années.

M. Derrick Deans: À titre d'exemple, vous parliez tout à l'heure des préoccupations des jeunes chercheurs. Je puis vous dire que le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie a organisé l'an dernier un atelier de trois jours qui était précisément consacré à cette question, c'est-à-dire aux besoins des jeunes chercheurs. Plusieurs de ses recommandations visaient directement à rehausser la participation des femmes, et je crois comprendre qu'il organisera un autre atelier à ce sujet cette année, en novembre.

Certes, ce n'est pas cela qui va fournir des crédits pour donner des bourses aux étudiants de niveau supérieur, mais je crois que le réseau communautaire d'informations sur la recherche permettrait d'établir un lien entre les étudiants et les collectivités locales, ce qui serait bénéfique à tous les jeunes chercheurs.

M. Robert J. Giroux: Je me permets de préciser que les informations que nous allons vous envoyer sur les départs d'enseignants ne font pas de distinction entre les hommes et les femmes. Il s'agit de données portant strictement sur les enseignants dans leur ensemble. Je tenais à le préciser.

Les chiffres ne sont pas très élevés. C'est un échantillon. Ce sont des informations recueillies auprès des universités. Autrement dit, faire une répartition entre les deux sexes ne serait sans doute pas très révélateur non plus.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je voudrais aborder un sujet que l'on n'a pas encore soulevé. C'est pourtant un sujet important car bon nombre des groupes qui sont venus témoigner devant le comité, comme les vôtres, et qui nous ont fourni des informations extrêmement intéressantes sur l'importance de la recherche se sont montrés fort réticents à répondre aux questions qui leur étaient posées sur la réduction du déficit, sur le redressement des finances publiques et sur la répartition 50-50.

Je pense qu'il serait important de savoir ce que vous pensez de la légitimité non seulement de lutter contre le déficit mais aussi de réfléchir dès maintenant à la manière dont on répartira l'excédent budgétaire entre le remboursement de la dette, des réductions d'impôt et de nouvelles dépenses.

M. Robert J. Giroux: J'aimerais répondre à cette question, monsieur le président. Je crois pouvoir dire que nous penchons du même côté que le gouvernement en ce qui concerne l'utilisation d'un futur excédent budgétaire pour investir dans notre avenir. Je pense que nous avons affirmé publiquement que nous appuyons la démarche du ministre des Finances à ce sujet, c'est-à-dire qu'il faut assurer un certain équilibre dans l'utilisation du futur «dividende budgétaire». Nous pensons que les investissements qu'il faudra réaliser dans l'avenir du Canada devraient être répartis en deux grandes catégories, c'est-à-dire l'innovation, qui est le thème du débat de ce matin, bien sûr, et l'accessibilité et la dette étudiante. Je crois d'ailleurs que plusieurs d'entre nous reviendront devant vous la semaine prochaine pour discuter de cette question précise.

Le Canada doit produire des travailleurs du savoir mais il doit aussi nourrir la chaîne de l'innovation. Ces deux secteurs nous semblent importants en ce qui concerne l'investissement fédéral. Il faudra donc veiller à ce qu'une partie de l'excédent budgétaire éventuel soit consacrée à cela. Bien sûr, nous convenons aussi qu'il est important de réduire l'impôt et de réduire la dette. Nous le savons fort bien. D'ailleurs, les mesures que nous avons prises ces dernières années montrent que la réduction du déficit était aussi un objectif important à nos yeux.

• 1030

Le président: Merci, monsieur Giroux.

Monsieur Brimacombe.

M. Keith Brimacombe: Je vais aborder cette question d'un point de vue purement individuel et non pas comme président de la FCI, mais je pense que mes collègues seraient d'accord avec moi.

Si nous voulons investir dans l'avenir du Canada, il nous faut absolument réduire notre endettement. La part du PIB que nous devons actuellement consacrer à la dette est inacceptable. Donc, quand on parle d'investir dans l'innovation, dans la recherche—et j'espère sincèrement qu'on continuera à le faire—dans des garderies d'enfants ou dans des programmes sociaux spéciaux, je préférerais de beaucoup que l'on fasse cela plutôt que de mettre l'argent dans la poche des investisseurs ou des banquiers qui ont investi dans notre pays en appuyant notre dette.

Comme citoyen et contribuable, je pense qu'il est tout à fait légitime de continuer à réduire la dette, tout en commençant à réfléchir aux allégements fiscaux et aux autres mesures que l'on pourrait prendre. En conclusion, je suppose que j'appuie la proposition de M. Martin, même si je ne vais pas jusqu'à dire que cela doit être 50-50 ou une proportion précise. Je ne voudrais surtout pas que nous cessions nos efforts de réduction de la dette.

Le président: La réduction de la dette est donc très importante.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

On a peut-être déjà répondu en partie à ma question. M. Brimacombe vient en effet d'évoquer le fait que nous sortons d'une période durant laquelle la lutte au déficit a engendré des coûts humains très élevés. Personnellement, j'appuie ce que le gouvernement libéral a réussi à faire mais, pendant nos audiences régionales, nous avons fort bien senti l'angoisse que cela a créée dans les collectivités.

Je crois à la recherche et j'estime que vos arguments sont généralement très valables. Vous nous avez donné des informations utiles en comparant la recherche canadienne à celle qui se fait aux États-Unis et dans d'autres pays, mais nous avons aussi entendu M. Gaffield souligner que c'est un problème multisectoriel et que cela ne se fait pas de manière isolée.

La question que j'adresse donc à quiconque voudra y répondre est la suivante: quel serait le rôle optimal du gouvernement, étant donné qu'il s'agit d'un secteur important qui mérite d'être financé?

M. Chad Gaffield: J'aimerais répondre à cette question. À mon sens, l'un des défis les plus importants que nous devrons relever concerne l'émergence d'une nouvelle société. Vous parlez de coûts sociaux, mais nous avons tous pu constater que ces coûts supposent une redéfinition fondamentale de nos grandes institutions. Je pense par exemple à la famille.

Au XXe siècle et pendant une partie du XIXe, nous avons élaboré des politiques sociales et économiques fondées sur la famille traditionnelle, c'est-à-dire maman, papa et les enfants. Aujourd'hui, la notion de famille ou d'organisation familiale est beaucoup plus diversifiée. Cela veut dire que nous devrions repenser sérieusement notre régime fiscal et toutes nos politiques sociales. D'après moi, cela devrait être l'un des grands domaines de recherche à partir de maintenant.

Nous savons fort bien que la vie des femmes est très différente. Nous savons que l'organisation familiale est très différente. L'idée même de chef de famille change radicalement. Comment réagir à cela? Il me semble que l'on pourrait au moins commencer en essayant de relier recherche et politiques sociales. L'idée de réseaux communautaires que nous présentons dans notre mémoire est l'une des méthodes que l'on peut envisager pour aborder le problème. Comment faire le lien entre la recherche de pointe sur les campus et le genre de problèmes et de coûts sociaux qui résulteront de l'émergence de cette nouvelle société au sein de laquelle les politiques du XXe siècle n'auront tout simplement plus aucune pertinence? Elles sont complètement décalées par rapport à la société que nous voyons naître.

• 1035

M. Paul Hough: Je crois que le gouvernement fédéral peut faire deux choses très importantes. Premièrement, il peut, par ses actes, faire comprendre à la population qu'il est très important d'appuyer la R-D et que l'activité elle-même est fondamentale. De même, en continuant d'appuyer la recherche, il peut mettre la collectivité et ses divers secteurs au défi de répondre concrètement aux besoins réels.

Nous attendons du gouvernement qu'il fasse preuve de leadership non seulement en fournissant de l'argent mais aussi en veillant à ce que les ressources soient réparties de manière adéquate et à ce que les bonnes questions soient posées. Cela ne veut pas dire que tout doit être fait dans le secteur public. Cela peut se faire aussi dans le secteur privé et dans les universités. Pour le moment, cependant, il y a un manque de coordination et l'on comprend mal la situation globale. D'après moi, la société réagirait très bien à ce genre de défi.

L'essentiel est vraiment que le gouvernement fasse preuve de leadership, à la fois en octroyant de l'argent et en poussant la collectivité, où qu'elle se trouve, à répondre complètement aux besoins sociaux et économiques.

Le président: Merci, monsieur Hough et madame Redman.

Au nom du comité, je tiens à remercier tous les participants à cette table ronde. Je crois que la discussion a été très intéressante. Vous avez présenté des arguments très solides en faveur de la recherche, en évoquant son incidence sur l'amélioration de la santé, sur la compétitivité internationale, sur la création d'emplois et de richesse et, bien sûr, en évoquant ces retombées culturelles et sociales.

Au fond, je crois que vous avez tous quelque chose en commun: vous vous efforcez tous et toutes d'améliorer la qualité de vie des Canadiens, et c'est précisément ce que nous essayons de faire aussi au sein de ce Comité des finances. Merci beaucoup de votre participation.

Nous allons faire une pause de cinq minutes.

• 1040




• 1044

Le président: Nous reprenons nos travaux avec le deuxième groupe de témoins, dont beaucoup ont pu suivre notre débat sur la recherche. Nous accueillons maintenant des représentants de l'Association des industries aérospatiales du Canada, de l'Association canadienne de technologie de pointe, de l'Association canadienne de la technologie de l'information, de iSTAR internet inc., de l'Association canadienne de la gestion de recherches et de Newbridge Network Corporation. Bienvenue à tout le monde.

Nous allons commencer avec M. Peter Smith, président de l'Association des industries aérospatiales du Canada.

M. Peter R. Smith (président, Association des industries aérospatiales du Canada): Merci, monsieur le président.

L'Association des industries aérospatiales du Canada souhaite se joindre aux millions de Canadiens qui applaudissent la détermination dont fait preuve le gouvernement dans sa lutte contre le déficit, ce qui l'amène même à dépasser ses objectifs. Grâce à une gestion rigoureuse des finances publiques, le déficit national est sur le point d'être éliminé.

• 1045

S'il est vrai que la crise du déficit est bientôt réglée, l'AIAC reste préoccupée par l'énormité de la dette. À l'instar du ministre des Finances, nous pensons que le gouvernement a maintenant le devoir de réduire sensiblement la proportion de la dette par rapport au PIB. Éponger la dette doit être la priorité actuelle du gouvernement.

Cela n'empêche pas que des mesures énergiques soient nécessaires pour garantir la croissance économique durable du Canada. Il est de plus en plus évident que l'avenir économique du pays dépend de notre expansion et de l'épanouissement des progrès technologiques stratégiques et des industries fondées sur le savoir, en préservant notre compétitivité internationale. L'industrie aérospatiale est un exemple remarquable de la compétitivité mondiale du Canada, fondée sur une bonne gestion des relations entre le secteur public et le secteur privé et sur des investissements ciblés par les deux secteurs.

En 10 ans, l'industrie aérospatiale du Canada a connu un taux de croissance de 140 p. 100, soit deux fois celui du PIB. Sur ce plan, nous avons largement distancé nos concurrents internationaux. En 1996, l'exportation a représenté près des trois quarts de notre chiffre d'affaires. Entre 1990 et 1996, l'industrie aérospatiale a enregistré un excédent commercial cumulé de plus de 15 milliards de dollars.

L'industrie aérospatiale est fortement axée sur la recherche, qui représente plus de 15 p. 100 de toute la recherche industrielle effectuée au Canada. En 1996, les entreprises de ce secteur ont consacré 1,4 milliard de dollars à la R-D, ce qui représente près de 12 p. 100 de nos ventes actuelles.

L'industrie aérospatiale emploie une main-d'oeuvre très instruite et bien rémunérée, le salaire moyen y étant le double de la moyenne nationale. Elle est aujourd'hui à l'origine de 60 000 emplois directs et de 30 000 emplois indirects, et elle emploie proportionnellement plus de scientifiques et d'ingénieurs que n'importe quelle autre industrie canadienne.

Nos succès sur les marchés mondiaux s'expliquent par notre concentration sur des créneaux à taux de croissance élevé et sur notre engagement soutenu à faire de la recherche pour trouver des produits et services novateurs. Pour ce qui est de l'avenir, et considérant le défi lancé par le ministre des Finances, le conseil d'administration de l'AIAC estime que le gouvernement se doit d'accorder une attention immédiate à quatre objectifs prioritaires afin de maintenir la croissance remarquable de l'industrie aérospatiale et sa contribution à l'économie du pays.

La première priorité du gouvernement en matière d'investissement doit être le programme Partenariat Technologie Canada. Jusqu'à présent, ce programme a permis d'investir plus de 450 millions de dollars dans une vingtaine de projets de R-D pluriannuels. Ce seul investissement a engendré 2 milliards de dollars de dépenses de R-D du secteur privé, et l'on prévoit qu'il en résultera 40 milliards de dollars de ventes et plus de 9 000 emplois. Je précise que ces investissements n'ont pas été effectués dans le seul secteur aérospatial.

Selon les estimations actuelles, le programme PTC ne permet cependant de couvrir que le tiers des besoins d'investissement stratégique de l'industrie. Cela veut dire que nous souffrons d'une pénurie d'investissements cruciaux, qui risque de nous empêcher de profiter pleinement des nouvelles possibilités de vente dont nous avons besoin pour préserver notre croissance pendant le prochain millénaire. Les possibilités sont exceptionnelles mais le temps dont nous disposons est limité. Nous avons donc la ferme conviction que les succès enregistrés grâce au programme Partenariat Technologie Canada sont suffisamment évidents pour accroître sensiblement les niveaux de financement. Ce sont la croissance et l'emploi qui sont en jeu.

Notre deuxième priorité d'investissement concerne l'insuffisance croissante et critique des ressources du ministère des Transports. Malheureusement, les ressources que ce ministère consacre à l'homologation des produits aéronautiques n'augmentent pas aussi rapidement que l'exigerait l'expansion de l'industrie. Elles sont terriblement insuffisantes pour faire face au rythme de croissance sans précédent de mise au point de nouveaux produits aérospatiaux. Si l'on n'intervient pas immédiatement, cela nuira à nos capacités de livraison. Il faut absolument que le ministre des Transports augmente ces ressources, qu'il délègue plus de pouvoir à nos membres et qu'il recrute immédiatement des ingénieurs et des inspecteurs de premier ordre pour faire face à cette demande.

Malheureusement, le marché ne pardonne pas. Si nous ne pouvons pas respecter les dates de livraison exigées par nos clients, à cause de retards d'homologation, ils iront chez nos concurrents. Étant donné que nous avons réussi à obtenir une part respectable du marché mondial pour beaucoup de nos produits, il serait vraiment regrettable de voir cet atout disparaître à cause de l'inertie gouvernementale.

Notre troisième priorité d'investissement concerne les retards dans les programmes d'équipement du ministère de la Défense nationale. De nombreux projets ont été retardés, modifiés ou annulés, ce qui ne menace pas seulement les capacités opérationnelles des Forces armées mais aussi des pans entiers de l'assise industrielle et technologique du pays. Le prix à payer pour ces retards et pour l'indécision sera l'érosion de la capacité du Canada à répondre à ses propres besoins de défense et l'érosion parallèle de la compétitivité internationale de l'industrie aérospatiale, avec les conséquences que l'on peut imaginer sur la croissance et l'emploi.

• 1050

Or, nous estimons que rien ne justifie cette temporisation. Le remplacement de certains équipements a déjà été largement justifié. Les capitaux nécessaires existent mais, pour des raisons que nous ignorons, les annonces prévues n'ont pas été faites. Nous ne demandons pas au gouvernement d'accroître ses dépenses dans ce secteur, nous l'implorons seulement de donner suite aux programmes de défense déjà annoncés.

Finalement, et ce n'est pas l'élément le moins important, nous implorons le gouvernement d'intervenir officiellement dans le dossier des subventions étrangères illégales de nos concurrents.

Des preuves ont souvent été fournies au gouvernement à ce sujet afin qu'il prenne des mesures immédiates en déposant des plaintes officielles devant l'Organisation mondiale du commerce. L'inaction gouvernementale à cet égard nous a déjà fait perdre des ventes importantes, et des possibilités d'emploi non négligeables, et elle risque de causer des dommages irréparables à notre part de marché, ce qui aurait des conséquences graves pour de nombreuses entreprises aérospatiales canadiennes.

Il faut absolument que le gouvernement intervienne immédiatement devant l'OMC. Qu'il choisisse ou non d'invoquer les mécanismes de recours existants, nous nous attendons à ce que ses programmes actuels de financement des exportations tiennent compte de la situation déplorable qui prévaut, en accélérant considérablement l'octroi de fonds aux entreprises canadiennes afin de les mettre sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes.

En conclusion, monsieur le président, nous croyons que le gouvernement doit trouver un juste équilibre entre le remboursement de la dette et l'investissement dans une croissance économique durable. Il se doit par ailleurs d'orienter ses investissements vers la technologie de pointe et les industries du savoir, qui sont vitales dans une économie mondiale de plus en plus compétitive.

Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir accordé le privilège de participer à vos audiences. J'espère que vous envisagerez nos recommandations avec bienveillance.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith. Je donne maintenant la parole à la représentante de l'Association canadienne de technologie de pointe, Mme Shirley-Ann George. Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Shirley-Ann George (directrice générale, Ottawa, Association canadienne de technologie de pointe): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom de tous nos membres, je vous remercie de nous avoir invités à participer à ces audiences.

Comme vous le souhaitez, je vais présenter brièvement nos préoccupations, après quoi nous serons à votre disposition pour participer au débat.

La CATA représente ce que le Canada fait de mieux dans la nouvelle économie de l'aérospatiale, de l'informatique, de la défense, de l'électronique, des télécommunications, des logiciels et de l'intégration des systèmes. Ses membres sont des entreprises qui connaissent des succès remarquables. Selon une enquête que nous avons récemment effectuée auprès de 175 seulement de nos membres, ceux-ci s'attendent à recruter plus de 10 000 nouveaux employés dans les 12 prochains mois.

Vous nous avez demandé notre opinion sur la réduction du déficit et de la dette, sur les priorités de dépense et sur la création d'emplois dans la nouvelle économie.

Je me permets d'abord de féliciter sincèrement le gouvernement du Canada sur son succès en matière de réduction du déficit. Le maintien des engagements gouvernementaux, année après année, est très important pour préserver la confiance des entreprises et leur donner l'assurance qu'elles ont raison de poursuivre leur expansion au Canada.

Le gouvernement a déclaré qu'il a maintenant l'intention de consacrer la moitié de tout excédent budgétaire au remboursement de la dette. Il convient cependant de préciser cet objectif important, pour garantir que nous en obtiendrons des résultats mesurables. Nous savons tous que les faibles taux d'intérêt qui prévalent aujourd'hui ne dureront pas toujours, et c'est pourquoi il est très important de commencer dès maintenant à nous débarrasser de ce fardeau.

Nous souhaitons par ailleurs que le gouvernement commence à alléger le fardeau fiscal que supportent les professionnels. En effet, ce fardeau nous est extrêmement défavorable lorsqu'on le compare à celui des États-Unis. Étant donné que nos employés les plus qualifiés seront notre meilleur atout dans l'économie du savoir, et comme ces personnes peuvent se déplacer très librement d'un pays à l'autre pour trouver les meilleures possibilités d'emploi, c'est un facteur crucial. Par exemple, il suffit de 30 minutes à la frontière pour qu'un ingénieur puisse entrer aux États-Unis. Nous prévoyons que notre pénurie actuelle en matière d'employés très qualifiés deviendra rapidement une crise grave car un nombre croissant de nos professionnels les plus brillants ne manqueront pas d'être attirés au Sud.

Il faut absolument que tous nos investissements de développement industriel soient effectués seulement dans des secteurs dans lesquels on peut obtenir un rendement direct sous forme d'emplois et de taxation. Selon nos membres, les trois programmes qui ont le plus contribué à leur expansion au Canada sont les incitations fiscales à la recherche scientifique et au développement expérimental, le PARI, et le programme Partenariat Technologie Canada, actuellement sous-financé.

En ce qui concerne votre dernière question, concernant la création d'emplois dans la nouvelle économie, la CATA souhaite formuler trois commentaires.

Tout d'abord, vous devez veiller à ce que les nouvelles entreprises continueront à créer des emplois au Canada et à ce que les multinationales implantent leurs nouveaux projets ici.

Cela n'est pas évident. Pour ce faire, il faut constamment se battre afin de préserver notre compétitivité mondiale. Les entreprises qui décident de lancer de nouveaux projets ne cessent d'être incitées par d'autres juridictions à venir s'établir chez elles.

• 1055

Nous devons donc continuellement améliorer notre compétitivité, et nous vous rappelons que l'excellent travail que vous faites au Parlement peut facilement être miné par les politiques et pratiques bureaucratiques. Par exemple, des consultations se tiennent actuellement sur de nouvelles exigences en matière de prix de transfert, d'incitations fiscales à la R-D et de politique gouvernementale sur la propriété intellectuelle. Dans chacun de ces secteurs, on risque d'imposer un fardeau bureaucratique important à nos membres, ce qui augmenterait inévitablement leurs coûts d'exploitation.

Certes, nous espérons que le gouvernement apportera les changements nécessaires, mais vous devez savoir que ces trois éléments pourraient fort bien devenir un fardeau excessif, à moins qu'on y apporte des changements substantiels.

Deuxièmement, vous devez veiller à ce qu'il y ait au Canada un bassin adéquat de personnes très qualifiées. Hélas, c'est loin d'être le cas aujourd'hui. Nous devrions au minimum doubler le nombre de participants dans les programmes professionnels et universitaires de technologie de pointe, mais il existe actuellement de sérieux obstacles à ce sujet. Nous vous encourageons à collaborer avec les provinces pour trouver une solution à ce problème.

Finalement, s'il est probablement inévitable que l'enseignement supérieur devienne de plus en plus dispendieux, nous devons veiller à ce que cela ne constitue pas un obstacle à la participation aux programmes universitaires qui garantissent quasiment un emploi. Les enfants ne sont pas stupides et ils savent bien ce qui est plus rentable. Nous vous encourageons à orienter l'aide financière aux étudiants et les bourses vers ces programmes.

Nous connaissons actuellement une croissance soutenue, et nos membres sont très optimistes quant à leur capacité de faire concurrence et de réussir sur un marché mondial extrêmement concurrentiel. Ce que nous attendons du gouvernement du Canada, c'est un environnement compétitif pour les entreprises, ce qui exige que l'on continue à redresser les finances publiques et que l'on garantisse l'existence au Canada d'un bassin de professionnels hautement qualifiés.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame George.

Nous allons maintenant entendre le représentant de l'Association canadienne de la technologie de l'information, M. André Gauthier, trésorier et premier vice-président exécutif de LGS Inc. Je vous souhaite la bienvenue.

M. André Gauthier (trésorier, Association canadienne de la technologie de l'information): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom de l'ITAC, je vous remercie de nous avoir invités à participer à vos audiences.

Nous sommes la plus grande association canadienne du secteur de la TI, puisque nous représentons plus de 1 400 entreprises, directement ou par l'intermédiaire de nos filiales provinciales.

Lors de notre comparution de l'an dernier, nous avions exprimé quatre préoccupations: continuer le redressement des finances publiques; recentrer les priorités gouvernementales sur les activités stratégiques qui permettront d'assurer le leadership du Canada au sein d'une économie globale fondée sur le savoir; rehausser l'efficience et l'efficacité des activités gouvernementales grâce à la technologie de l'information; et créer et préserver un régime fiscal et budgétaire favorable à l'expansion de l'industrie de la TI.

Nous sommes heureux de constater que le gouvernement fédéral a fait des progrès notables dans les trois premiers domaines. Aujourd'hui, nous avons donc un message important à adresser au gouvernement: l'heure est venue d'adopter une politique équilibrée pour gérer l'économie. Cela veut dire qu'il est temps de répondre aux appels de plus en plus pressants formulés au sujet de l'infrastructure sociale du pays, mais sans perdre de vue la nécessité de continuer l'oeuvre de redressement économique.

Il importe que la fiscalité du Canada soit raisonnablement compétitive par rapport à celle des autres pays si nous voulons continuer d'attirer et de conserver des capitaux et du personnel qualifié. Comme nous le savons tous, le Canada offre de nombreux avantages du point de vue de la qualité de vie et il ne faudrait pas que ceux-ci soient annulés par une fiscalité trop lourde.

Hélas, nous voyons aujourd'hui l'incidence que peut avoir un régime d'investissement défavorable par rapport à celui de nos vrais concurrents. Nous pouvons donner des exemples d'investissements qui ont été effectués dans d'autres pays parce que le climat des affaires y est plus favorable que le nôtre. Voyez simplement la liste des entreprises qui ont investi en Irlande ces dernières années. Vous y trouverez bon nombre de membres de l'ITAC qui n'ont pas réussi à convaincre leur siège social international d'augmenter leurs investissements au Canada parce que d'autres pays étaient plus attrayants. S'il est peut-être vrai que nous sommes le premier pays au monde du point de vue de la qualité de vie, c'est loin d'être le cas lorsqu'il s'agit d'attirer des investissements.

Soyons très francs. De 1985 à 1995, l'investissement étranger direct au Canada a doublé pour atteindre 168 milliards de dollars par an. Or, chaque milliard crée environ 45 000 emplois et augmente notre PIB réel d'environ 4,5 milliards de dollars sur cinq ans.

• 1100

Ça, c'est la bonne nouvelle.

La mauvaise, c'est que, pendant la même période, notre part de l'investissement étranger global est tombée d'environ 9 p. 100 à 4,4 p. 100. Autrement dit, nous avons perdu la moitié de notre position globale.

Que faut-il de plus au législateur canadien pour comprendre que nous sommes sur le point de perdre la bataille?

Précisons par ailleurs qu'il ne suffit pas de comparer notre fiscalité à celle des États-Unis et des autres pays du G-7. Si nous voulons attirer de grands investissements d'entreprises internationales du secteur de la technologie de l'information et des autres industries de pointe, nous devons faire concurrence à des économies dynamiques et en expansion rapide comme l'Irlande, la Malaisie et Singapour, où le fardeau fiscal total est de 20 p. 100, 25 p. 100 ou 30 p. 100 inférieur au nôtre et où l'on a facilement accès à de généreuses incitations pour investir.

Nous savons tous fort bien que, le problème du déficit étant réglé, nous devons entreprendre une discussion longue et sérieuse sur la meilleure utilisation possible du dividende budgétaire auquel les Canadiens sont en droit de s'attendre.

À notre avis, pour les raisons que je viens d'indiquer, notre première priorité doit être d'alléger le fardeau fiscal. Nous savons bien que réduire l'impôt des entreprises n'est peut-être pas la mesure la plus populaire que puisse prendre un gouvernement mais, si nous voulons atteindre nos objectifs de croissance économique réelle, c'est une réalité à laquelle on ne peut échapper.

Cela dit, il faut aussi que le gouvernement monte une attaque en règle contre l'énorme dette fédérale que nous avons accumulée pendant plusieurs décennies. Sur un marché global de plus en plus concurrentiel, le Canada doit tirer le meilleur parti possible des avantages dont il dispose, comme pays industrialisé, et agir rapidement pour se débarrasser du boulet des dépenses improductives que représente l'intérêt sur la dette nationale.

Comme nous sommes réalistes, nous savons fort bien que le gouvernement ne peut consacrer toute son attention seulement à la baisse des impôts et à la réduction de la dette. Nous sommes donc bien obligés de parler de priorités en matière de dépense. Nous croyons que l'heure est venue d'envisager des formes créatives de stimulation de l'économie. Nous continuons de nous opposer aux programmes de subventionnement par lesquels le gouvernement choisit les vainqueurs et les perdants. En revanche, nous sommes favorables aux politiques destinées à égaliser le terrain de jeu international, voire à le faire pencher en faveur du Canada.

Notre réflexion repose sur l'hypothèse que l'industrie de la TI sera pendant encore longtemps l'un des principaux moteurs de notre croissance économique, mais seulement si nous réussissons à demeurer concurrentiels à l'échelle internationale.

Je voudrais prendre quelques minutes pour renforcer l'idée qu'investir dans le secteur de la TI revient en fait à mettre de l'essence dans le moteur de la croissance, alors que l'on a entendu dire pendant longtemps que la TI élimine des emplois, ce qui est un mythe. L'ITAC a commandé une étude de fond au Conference Board du Canada afin de séparer le vrai du faux à ce sujet, en se fondant sur les faits plutôt que sur des anecdotes.

Loin de tuer l'emploi, la TI est créatrice d'emplois. Les secteurs de l'économie qui ont beaucoup investi en TI ont créé 850 000 emplois entre 1986 et 1995, alors que ceux qui ont investi peu ou pas du tout dans ce secteur en ont perdu 146 000 pendant la même période. De plus, conclut le Conference Board, si nous pouvions accroître nos investissements en TI au cours des deux prochaines décennies, cela créerait plus d'un quart de millions d'emplois supplémentaires par rapport aux prévisions actuelles.

Étant donné que cet investissement stimule à la fois l'emploi et l'économie, nous nous sommes demandé quelles politiques pourraient favoriser cette croissance. À titre d'illustration, l'ITAC recommande que l'on envisage d'alléger l'impôt des particuliers qui investissent dans les produits et services de TI. Cet allégement pourrait prendre de nombreuses formes: crédit d'impôt pour les achats de TI par des familles ayant des étudiants; déductions d'amortissement du revenu issu d'un emploi en informatique; dispense de TPS ou déductions de l'impôt sur le revenu. Aux bureaucrates de trouver la bonne méthode. Ce qui compte, c'est que tout allégement fiscal rendra la TI plus abordable et contribuera à faire du Canada le pays le plus branché au monde.

Cela contribuera aussi à rehausser les compétences en TI des jeunes Canadiens, ce qui ne pourra que renforcer notre compétitivité et notre expansion économique à long terme. De plus, cela abaissera les obstacles auxquels sont confrontés les gagne-petit, les démunis de la nouvelle économie, et cela stimulera l'industrie canadienne de TI, ce qui produira une hausse des recettes fiscales issues des profits des entreprises et rehaussera notre compétitivité sur les marchés mondiaux.

• 1105

Le comité nous a demandé en particulier comment le gouvernement peut contribuer à élargir les possibilités d'emploi dans la nouvelle économie et comment il peut le mieux aider les Canadiens à acquérir les compétences requises. Il est clair que la proposition que je viens d'énoncer contribuerait beaucoup à ces deux objectifs.

De nombreux signes permettent de penser que le gouvernement fédéral a compris que les industries du savoir sont la vague de l'avenir. C'est en tout cas la conclusion que nous tirons du discours du Trône et de la réponse du ministre Manley. Toutefois, plusieurs irritants semblent envoyer un message contradictoire. Je n'en donne pour exemples que l'abrogation brutale de l'abri fiscal sur l'élaboration de logiciels, l'application du programme de crédits d'impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental, la retenue d'impôt sur les ventes de logiciels outre-mer, le traitement fiscal des dépenses de mise au point de logiciels, le traitement des ventes produisant des redevances futures, et le traitement des recettes issues des contrats de maintenance. Bien que ces questions techniques ne relèvent pas vraiment du mandat de votre comité, nous croyons que leur conjugaison adresse malheureusement aux producteurs de la nouvelle économie le message que le gouvernement ne comprend pas la dynamique de leur industrie.

L'ITAC estime que l'heure est venue d'ouvrir un dialogue entre les fiscalistes du gouvernement et les responsables financiers des entreprises de TI, et elle est tout à fait prête à y contribuer.

En résumé, l'ITAC estime que le gouvernement devrait adopter une démarche équilibrée dans sa gestion de l'économie au cours des prochaines années. Cela veut dire qu'il devrait prendre des mesures pour améliorer le climat des investissements et s'attaquer au problème de la dette, tout en répondant aux besoins de l'infrastructure sociale du pays.

Deuxièmement, nous devrions commencer à chercher des options créatives pour stimuler les secteurs de l'économie qui sont les vrais moteurs de la croissance. Finalement, il faut entreprendre un dialogue sur la dynamique de la nouvelle économie et sur la manière dont elle influe sur les régimes fiscaux.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Gauthier.

Je donne maintenant la parole au représentant de iSTAR internet, M. Rainer Paduch, vice-président et fondateur. Bienvenue.

M. Rainer Paduch (agent principal de technologie, vice-président et fondateur, iSTAR internet inc.): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de votre invitation.

Je commencerai par dire quelques mots sur l'origine de notre entreprise et sur la manière dont nous voyons son évolution. iSTAR est une société cotée en bourse et c'est le premier fournisseur de services d'Internet au Canada. Nous offrons un accès à très grande vitesse au réseau Internet grâce à notre infrastructure nationale, allant de Halifax à Victoria. Nous atteignons actuellement près de 80 p. 100 de la population canadienne.

Nous sommes également le fournisseur de choix de près de 120 autres plus petits serveurs. Nous offrons des services de consultation et d'autres services de soutien pour permettre aux entreprises canadiennes qui utilisent le réseau Internet de devenir plus efficaces et plus compétitives sur le marché mondial.

iSTAR a contribué à l'établissement de l'infrastructure canadienne du réseau Internet dès 1989, lorsque NSTN, le Nova Scotia Technology Network, qui fut notre précurseur, a obtenu un contrat pour bâtir un vaste réseau provincial. Depuis lors, fusions et acquisitions nous ont permis de devenir l'un des plus gros fournisseurs du Canada. Selon Boardwatch, firme indépendante d'analyse du secteur de la technologie, le réseau iSTAR est l'un des 10 premiers d'Amérique du Nord.

iSTAR offre aujourd'hui des services à plus de 2 000 entreprises, notamment à certaines des plus grandes du Canada. Nous offrons également des services de réseau à des sociétés telles que Rogers Cablesystems et à d'autres sociétés de câblodiffusion, ainsi qu'à certaines sociétés indépendantes de service téléphonique de l'Ontario.

Nous employons actuellement plus de 200 personnes dans tout le pays, dont 100 techniciens à Ottawa. Il s'agit de personnes qui ont des compétences techniques de pointe et qui connaissent très bien les détails du déploiement et de la gestion de ce type de réseaux Internet nationaux. Selon nous, ces gens constituent une ressource rare qu'il faut absolument protéger et développer, afin de bâtir une industrie solide. À l'heure actuelle, l'un de nos plus gros défis est de conserver nos employés dans un secteur où la concurrence est très vive.

Plusieurs phénomènes ont provoqué l'érosion de la capacité canadienne de formation, d'emploi et de conservation des spécialistes techniques nécessaires pour concevoir, gérer et développer cette révolution technologique importante, dans le meilleur intérêt de la population. De fait, iSTAR a déjà perdu certains de ses technologues au profit de centres américains de gestion de réseaux, comme MCI.

Évidemment, l'une des mesures qui permettent à une entreprise de conserver son personnel consiste à bien le rémunérer. Cela nous oblige à évoquer l'une de nos préoccupations les plus graves, qui exerce une influence profonde sur l'expansion et l'emploi dans les services Internet au Canada. Lancer un réseau comme celui de iSTAR exige de très gros investissements, et il en faut aussi de très gros pour assurer l'entretien du système, afin de répondre aux besoins du pays et du marché. L'accès aux marchés financiers est donc l'élément crucial du succès.

• 1110

Hélas, on constate une absence notable de ce type de soutien au Canada, ce qui nous amène à craindre que l'infrastructure Internet bâtie et gérée au Canada ne soit peu à peu absorbée par des intérêts américains. Le risque est que la conception et le contrôle de cette infrastructure soient déterminés par des entreprises américaines. De fait, Rogers Cablesystems a déjà confié la conception et la gestion de son système d'accès résidentiel au réseau Internet par le câble à la société @Home, qui est une société californienne. De même, les services d'interurbain de AT&T Canada vont importer sur le marché canadien le service WorldNet des États-Unis. Finalement, Sprint Canada est également fortement tributaire de sa société mère pour son soutien technique et la gestion de son réseau.

La société Hook-Up Communications, qui était jusqu'à présent le seul autre fournisseur canadien de services Internet coté en bourse, vient d'être reprise par un concurrent américain, Netcom, ce qui fait de iSTAR la seule société de services Internet cotée en bourse qui se consacre totalement au marché canadien.

J'ajoute par ailleurs que les plus gros concurrents de iSTAR sur le marché canadien sont actuellement des entités américaines comme UUNet, Netcom et PSINet. Aucun autre fournisseur régional de services Internet du Canada n'a réussi à recueillir les capitaux nécessaires pour bâtir un réseau national.

De plus, bien que les sociétés canadiennes de service téléphonique et les sociétés de câblodiffusion offrent aussi des services Internet, il s'agit de services régionaux et mal intégrés, ce qui veut dire qu'elles offrent des services fractionnés qui ne pourraient pas bien résister à un effort de vente coordonné émanant d'un acteur national ou international. Cela dit, nous savons fort bien que les sociétés de service téléphonique et de câblodiffusion peuvent assumer pendant assez longtemps des pertes importantes qui sont subventionnées par leurs autres intérêts, sans provoquer de révolte chez leurs actionnaires.

Les différences qui existent entre les marchés financiers américains et canadiens font bien ressortir l'importance que chaque pays accorde à ces technologies. En effet, les nouveaux fournisseurs de services Internet des États-Unis continuent d'être financés et appuyés par les investisseurs et par l'industrie des télécommunications, par le truchement d'acquisitions. La consolidation des entreprises continue à un rythme effréné, ce qui engendre des sociétés plus solides sur le plan intérieur et formidables sur la scène internationale.

De fait, les sociétés de services Internet des États-Unis sont cotées sur les marchés américains à des niveaux représentant quatre ou cinq fois leurs ventes, contre moins d'une fois pour iSTAR, ce qui montre bien la différence qui existe dans la confiance qu'ont les investisseurs américains à l'égard de cette nouvelle technologie.

Il est intéressant de constater que les marchés financiers canadiens ne fournissent plus les capitaux dont ont besoin les fournisseurs de services pour assurer leur expansion, au moment même où le réseau Internet explose littéralement à l'échelle mondiale. Il n'est certainement pas exagéré de dire que cela rend extrêmement difficile le lancement d'entreprises nationales capables de survivre face à la concurrence d'entités américaines aux poches profondes.

iSTAR se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. L'absence de soutien sur les marchés financiers l'oblige à examiner sérieusement plusieurs options. Dans ce contexte, iSTAR souhaite formuler des recommandations dans trois domaines: l'argent, les gens, et les marchés gouvernementaux.

Pour ce qui est de l'argent, l'industrie Internet du Canada a besoin d'un accès à la fois aux marchés financiers et aux crédits bancaires. Il convient donc de faire comprendre aux deux secteurs le potentiel qu'offrent ces technologies, mais des entreprises comme iSTAR n'ont pas les ressources financières et humaines nécessaires pour entreprendre de telles campagnes d'éducation.

Lorsque le gouvernement fait la promotion de la technologie, il devrait donc inclure ces groupes. D'ailleurs, même si les capitaux étaient disponibles, il y a des moments où, du fait de la concurrence, les sociétés de technologie sont obligées de se réorganiser plus rapidement qu'elles ne l'avaient prévu. Voilà pourquoi beaucoup d'entre elles se retrouvent un jour ou l'autre à court de capitaux à court terme, ce qui est parfois fatal comme on a pu le voir avec la récente disparition de Gandalf. Étant donné que les banques canadiennes sont tellement réticentes à investir dans le secteur de la technologie, il faudrait, à cette étape de notre évolution, que le gouvernement mette sur pied un fonds de prêts-relais pour combler ces lacunes temporaires.

Les programmes de prêt existants comme Partenariat Technologie Canada ne répondent pas à ce besoin car ils exigent des mois d'analyse et d'énormes ressources internes afin de concevoir des programmes répondant très précisément aux critères établis par le gouvernement. Certes, nous ne recommandons pas au gouvernement de financer des perdants mais plutôt d'effectuer des analyses attentives selon les critères commerciaux pour évaluer la viabilité à long terme des entreprises, afin de pouvoir fournir des prêts en espèces à court terme aux sociétés de technologie, puisqu'elles semblent particulièrement vulnérables.

En ce qui concerne les gens, on a beaucoup parlé de la nécessité pour le Canada d'avoir du personnel qualifié. Depuis quelques années, le secteur privé offre de plus en plus de programmes de formation spécialisés, afin de combler cette pénurie. De telles mesures, si elles ne bénéficient pas déjà d'avantages fiscaux, devraient être encouragées au même titre que l'enseignement public, par le truchement d'incitations fiscales pour les étudiants ou pour les contribuables qui les financent, comme les parents ou des partenaires. On pourrait aussi offrir des subventions de départ afin de faciliter la mise sur pied de centres de formation en technologie.

• 1115

Le gouvernement doit continuer à faire la promotion de la technologie auprès des jeunes et à financer des centres d'excellence technologique, notamment dans les universités et les collèges communautaires. Il faudrait cependant que ceux-ci soient plus axés sur l'enseignement coopératif, c'est-à-dire avec des périodes de stage dans des sociétés de technologie.

L'enseignement à distance est l'une des méthodes les plus économiques de perfectionnement des connaissances et des compétences. Avant la création du réseau Internet, cela se faisait par la télévision et, à l'occasion, par des appels de conférence. Aujourd'hui, le réseau Internet offre une solution très économique pour partager des informations et des connaissances. Au lieu de mettre sur pied un simple dépôt d'information, on peut donc organiser des cours en temps réel ou enregistrés auxquels quiconque est branché sur le réseau Internet peut avoir accès. Le réseau peut également servir aux enseignants et aux étudiants à communiquer entre eux, soit en temps réel, soit par courrier.

Toutes les professions et tous les établissements d'enseignement étudient attentivement la manière dont ils pourraient utiliser Internet, et l'on a déjà constaté une expansion considérable du savoir fourni aux entreprises depuis que le réseau Internet est plus largement utilisé. Le gouvernement pourrait aussi tirer parti de cet outil pour offrir de la formation professionnelle à ses employés, voire à tous les Canadiens qui ont besoin de perfectionner leurs compétences ou leurs connaissances pour trouver du travail.

Notre dernière préoccupation concerne les contrats gouvernementaux. Le gouvernement a déjà dépensé beaucoup d'argent dans la R-D de CNet phase 1, qui a ensuite été vendue à Bell Canada. Maintenant que le gouvernement a créé le réseau de technologie avancée CNet phase 2, on constate qu'aucun de ces deux réseaux n'a généralement stimulé l'entreprise privée sur Internet, au Canada, comme l'ont fait les dépenses fédérales aux États-Unis, qui ont littéralement créé l'infrastructure Internet.

Depuis un an, bon nombre de sociétés de technologie font le pari qu'Internet sera le moyen de communication de choix des entreprises canadiennes. Beaucoup ont donc modernisé leurs systèmes informatiques à cette fin. iSTAR et la plupart des autres serveurs Internet ont également connu une expansion notable de leur marché. Nous sommes tous convaincus que le réseau Internet va durer.

L'an dernier, le Conseil du Trésor a adopté une directive donnant aux ministères l'instruction d'intégrer des services Internet dans leurs plans. Il a même été jusqu'à dire dans cette directive qu'Internet sera bientôt la méthode préférée du gouvernement pour établir des relations avec les Canadiens. L'an dernier, iSTAR disait que la meilleure chose que pourrait faire le gouvernement, pour lui-même et pour les sociétés de technologie, serait de faire cette transition de systèmes de données dispendieux avec lignes privées vers les technologies beaucoup plus économiques du réseau Internet. Celles-ci permettent en effet d'améliorer considérablement les communications internes et externes, ce qui assure le recouvrement extrêmement rapide des investissements d'infrastructure.

Nous avons démontré ce phénomène à plusieurs reprises à des entreprises et nous aimerions pouvoir le démontrer aussi au gouvernement. Jusqu'à présent, nous n'avons vu aucun signe que les ministères planifient cette transition. Comme il se peut toutefois que celle-ci se fasse sur le plan interne, nous nous permettons de rappeler que des conseils experts sont disponibles et que le gouvernement devrait avoir recours au savoir-faire du secteur privé plutôt que de perdre un temps précieux en donnant de la formation, en faisant des essais et en commettant des erreurs.

Je voudrais conclure en évoquant un succès auquel nous avons participé. Il y a près de six mois, iSTAR a créé un programme de commerce électronique pour Statistique Canada. Maintenant, les produits d'information de Statistique Canada peuvent être commandés et être livrés directement par le réseau Internet, sans frais de manutention ou d'expédition. Le gouvernement est payé presque immédiatement grâce à des transactions automatisées et sécuritaires de cartes de crédit traitées par le système de commerce électronique de iSTAR qui est relié aux diverses banques canadiennes. Nous félicitons le ministre de l'Industrie d'avoir eu l'audace d'appuyer ce projet. Même si cela peut donner l'impression que je fais ainsi notre propre publicité, je dois dire que j'en parle au comité pour encourager le gouvernement à s'adresser au secteur privé pour obtenir ce genre de service, étant donné que c'est l'une des meilleures manières de garantir le développement et l'épanouissement technologique du Canada... et de réduire en même temps les dépenses publiques.

Je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le président: Merci de votre exposé.

Nous allons maintenant passer au représentant de CAE Inc., Bob Waite, vice-président des relations commerciales et du marketing. Bienvenue.

M. Bob Waite (vice-président des relations commerciales et du marketing, CAE Inc.): Je tiens d'abord à vous remercier de nous donner la possibilité de participer à ces importantes consultations prébudgétaires.

Je représente CAE, une société canadienne connue comme le leader mondial de la simulation commerciale et aérienne. Aujourd'hui, la simulation des vols n'est qu'une petite partie des activités de CAE. En effet, nous fournissons aussi de la technologie de pointe à l'industrie des produits forestiers, à l'industrie de l'énergie, et à l'industrie du transport maritime et ferroviaire, entre autres. Notre succès sur ces divers marchés témoigne bien de notre détermination à aider nos clients à résoudre leurs problèmes en leur fournissant une technologie toujours plus utile. CAE y parvient parce qu'elle investit chaque année de 15 p. 100 à 20 p. 100 de ses revenus dans la R-D axée sur les besoins directs de ses clients.

• 1120

Nous sommes une entreprise mondiale puisque nous exportons plus de 85 p. 100 de ce que nous fabriquons ou faisons, dans une centaine de pays. Pourtant, nous sommes aussi fièrement et peut-être obstinément canadiens. Sur nos 6 600 employés, 5 000 vivent et travaillent au Canada, dont 3 700 dans notre usine d'électronique de Montréal.

Monsieur le président, je vais tenter de répondre aux trois questions que vous avez posées.

La première, si je me souviens bien, concernait nos pronostics financiers mais, considérant les événements des dernières 24 heures, je laisserais volontiers d'autres que moi se livrer à cet exercice.

Ce qui m'intéresse le plus, c'est votre troisième question concernant la création d'emplois. En effet, attirer et conserver des employés est la chose qui nous préoccupe le plus aujourd'hui.

J'ai dit que CAE emploie 6 600 personnes, mais j'aurais dû ajouter que plus de la moitié ont des diplômes supérieurs, généralement en génie informatique ou dans une autre discipline technologique.

Le succès de CAE s'explique directement par ses employés. L'innovation, qui est au coeur même de notre succès, résulte du savoir et des compétences des gens que nous recrutons. Si nous voulons maintenir notre position comme leader mondial de notre industrie, il nous faut absolument réussir à attirer et à conserver une main-d'oeuvre hautement qualifiée.

L'engagement que vient de réitérer le gouvernement en ce qui concerne l'appui au savoir, à l'innovation et à la prise de risques, notamment par l'éducation, le perfectionnement des compétences et l'acquisition d'une expérience professionnelle, constitue un investissement important et crucial pour l'avenir du pays et nous savons que c'est un engagement que partagent les gouvernements provinciaux.

CAE investit également des sommes considérables dans le recyclage et le perfectionnement des compétences de son personnel. Nous sommes particulièrement heureux que le gouvernement ait pris conscience de l'intérêt que peut avoir le pays à appuyer les industries à taux de croissance élevé et occupant une place de leader mondial. Comme je l'ai dit plus tôt, CAE se trouve dans cette catégorie. Cela dit, nous savons que cet engagement ne constitue qu'une réponse partielle au défi. Comme le marché des biens et services, le marché de la main-d'oeuvre qualifiée est de plus en plus globalisé. Tout comme nous faisons concurrence à des exportateurs américains, britanniques, français ou japonais, nous devons aussi leur faire concurrence pour attirer notre ressource essentielle: la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, les meilleurs diplômés des universités et collèges peuvent choisir entre plusieurs offres d'emploi émanant d'entreprises se trouvant en Californie, à New York, à Paris ou à Londres, et plus seulement à Vancouver, Montréal, Toronto ou Ottawa.

CAE a déjà effectué du recrutement à l'échelle mondiale. Aujourd'hui, nous nous estimons heureux quand nous parvenons à détourner nos diplômés canadiens du chant des sirènes américaines. Nous croyons cependant que les entreprises canadiennes et leurs gouvernements devraient collaborer pour veiller à ce que le milieu de travail canadien reste une option attrayante pour une main-d'oeuvre mondialisée. Le rôle du secteur privé dans ce partenariat est clair: offrir des possibilités d'emploi attrayantes et stimulantes, avec une rémunération compétitive. Mais le rôle du gouvernement l'est tout autant: nous aider en veillant à ce que la société canadienne reste dynamique, sécuritaire et généreuse.

Et le rôle du gouvernement va d'ailleurs plus loin. Comme le disait le ministre des Finances dans son dernier budget, l'impôt personnel au Canada est trop élevé, ce qui a des conséquences très concrètes sur la situation financière des entreprises et du gouvernement. Par rapport à nos principaux concurrents internationaux, le taux d'imposition maximum des salaires est très défavorable. Si nous voulons que les entreprises canadiennes attirent et conservent une main-d'oeuvre hautement qualifiée, il faut que nous ayons un régime fiscal compétitif. Voilà pourquoi nous recommandons vivement au gouvernement fédéral de faire de la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers l'un de ses investissements prioritaires. Nous ne pourrons en effet tirer le profit maximum de l'investissement considérable que fait notre société dans l'enseignement supérieur que si nous parvenons à garder chez nous le produit de cet investissement.

CAE n'ignore pas que le gouvernement doit se fixer des priorités, mais nous considérons que l'une des plus importantes doit être d'aider ceux et celles qui ont le plus besoin d'un allégement fiscal. Nous savons également que certains facteurs échappent au contrôle du gouvernement, comme le coût de l'argent et la valeur de notre monnaie. Nous savons aussi qu'il y a d'autres méthodes pour favoriser la loyauté du personnel envers l'entreprise, et nous nous y employons vigoureusement, mais il n'en reste pas moins que le leadership du Canada dans le secteur de la technologie de pointe dépend inévitablement de la capacité des entreprises concernées à conserver un personnel chevronné, extrêmement compétent et productif. L'appui du gouvernement à cet égard est crucial. Nous espérons pouvoir collaborer étroitement avec le gouvernement pour relever ce défi.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Waite.

Nous allons maintenant entendre le représentant de l'Association canadienne de la gestion de recherches, M. Frank Maine, directeur, Politiques scientifiques et technologiques. Bienvenue.

• 1125

M. Frank Maine (directeur, Politiques scientifiques et technologiques, Association canadienne de la gestion de recherches): Merci, monsieur le président.

L'Association canadienne de la gestion de recherches est une organisation nationale qui représente la majeure partie des organismes effectuant de la recherche au Canada—qu'il s'agisse de recherche industrielle, universitaire ou gouvernementale—l'accent étant mis sur la R-D industrielle, fondement de l'innovation technologique. Comme on le disait dans le dernier Discours du Trône:

    L'avenir appartient aux sociétés dont l'économie est saine, qui investissent dans... l'innovation.

    Le gouvernement est déterminé à faire plus pour appuyer l'innovation et la prise de risques au Canada.

et

    le gouvernement augmentera sensiblement les ressources destinées à aider les petites et moyennes entreprises à mettre au point et à commercialiser la nouvelle technologie.

Ce sont ces questions que je souhaite aborder.

L'innovation technologique englobe un large éventail d'activités, allant de la recherche jusqu'à l'élaboration de produits, la construction d'usines pilotes et la commercialisation. L'innovation technologique a besoin à la fois de la poussée technologique et de l'attraction commerciale pour réussir. Le gouvernement fédéral joue un rôle très important dans le financement de la recherche au Canada, laquelle est exécutée essentiellement dans les universités et dans les laboratoires publics. L'industrie, quant à elle, finance la partie commerciale du processus d'innovation. Entre la recherche financée par l'État et la commercialisation financée par le secteur privé, on trouve ce que la Banque royale appelle «le fossé critique», c'est-à-dire le moment qui vient après que le Conseil de recherche en sciences sociales et en génie ait fini son travail mais avant que l'industrie ne soit prête à investir.

Pour l'industrie du capital-risque, qui finance l'innovation précommerciale, le document indispensable pour pouvoir envisager de fournir des fonds est le plan commercial. C'est le document qui donne des informations sur le produit qui sera fabriqué, sur le marché prévisible, sur le coût de la fabrication et sur le produit attendu. En ce qui concerne les projets réalisés avec le financement du CRSNG, ce type d'information n'existe pas.

Les travaux réalisés en université constituent uniquement une preuve de concept, alors que la commercialisation exige une démonstration de faisabilité économique et technique. Voilà le travail qu'il faut effectuer pour produire un plan commercial. Or, à l'exception des fonds d'investissement privés, il n'existe aucune source de financement pour produire cette information, qui exige généralement six mois de travail et 50 000 $. L'un des éléments cruciaux du plan commercial est l'étude de marché, mais le Canada est extrêmement pauvre en ce qui concerne les sources d'informations commerciales et les études de marché, surtout par rapport au Japon. Certes, des organismes comme le Centre canadien d'innovation industrielle peuvent fournir les informations requises pour commencer à dresser un plan commercial, mais qui est prêt à acheter ce genre de service, et qui en a les moyens, surtout quand on considère le risque élevé dont il s'agit et le fait qu'un très petit nombre seulement de projets seront couronnés de succès?

Les sociétés de capital-risque de travailleurs étaient censées répondre à ce besoin mais elles ne l'ont pas fait. L'organisme qui est venu le plus près de s'attaquer au problème est le Fonds canadien de croissance scientifique et technologique, mais les modifications récemment apportées à la législation concernant ce type de fonds d'investissement de capital-risque ont réduit considérablement les sommes qui y sont investies. Considérant les deux changements importants qui ont récemment été adoptés, je suis prêt à accepter la décision de faire passer de cinq à huit ans la période pendant laquelle on doit conserver ces investissements, étant donné qu'il s'agit de projets qui prendront beaucoup de temps pour devenir rentables. Par contre, la réduction du maximum pouvant être investi par un particulier—de 5 000 $ à 3 500 $—fait que les courtiers n'ont strictement aucun intérêt à commercialiser ce type d'investissement. Pour eux, cela n'en vaut tout simplement pas la peine.

Appuyer le marketing est essentiel si l'on veut que des fonds du secteur privé soient consacrés à l'innovation. Avec la législation actuelle, et considérant que le marché cherche des rendements à court terme plutôt qu'à long terme, il n'existe pas de récompenses adéquates pour le risque élevé qu'exige l'appui aux technologies naissantes. Celles-ci ont besoin de capital patient, avec l'espoir d'un rendement décent.

Que devrait faire le gouvernement? L'une des solutions pourrait être de demander à un groupe de travail comprenant des représentants du monde de l'investissement et des milieux industriels d'étudier ces questions avec des représentants adéquats du ministère des Finances. Avec de telles ressources, on pourrait examiner tous les problèmes pertinents, en établissant un système adéquat de contrôles et de contrepoids. Peut-être pourrait-on aussi modifier la Loi sur les corporations à capital de risque de travailleurs pour que les fonds recueillis puissent être consacrés à combler le fossé critique, de manière rentable. Une autre idée pourrait être de créer un organisme ou un fonds post-CRSNG pour combler directement ce fossé.

• 1130

Le Fonds canadien pour l'innovation, dont vous ont parlé les témoins précédents, est une initiative récente du gouvernement fédéral qui va dans le sens voulu pour faire face au problème des infrastructures universitaires.

Il importe d'admettre que les récompenses actuelles sont inadéquates pour l'innovation, et la question est de savoir si nous voulons accepter le statu quo. Par contre, si nous voulons contribuer à l'innovation technologique qui est commercialisée au Canada, il faut absolument faire quelque chose. Le problème le plus important en ce moment est de financer l'étape critique, comme je viens de le dire. Notre association est prête à collaborer avec le gouvernement fédéral pour chercher des solutions.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Maine.

Nous allons maintenant ouvrir la période des questions et nous allons commencer avec M. Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier pour vos témoignages très intéressants. Plusieurs d'entre vous ont fait allusion au fait que l'une des ressources cruciales de l'industrie de la technologie est l'accès à des employés qualifiés, accès que vous semblez trouver difficile.

Or, le chômage des jeunes est actuellement élevé. Il est le double du taux de chômage général. Et ce n'est pas un problème récent. Dans le dernier Discours du Trône, le gouvernement a annoncé un autre programme de bourses important. Il se peut que cette mesure aille dans le sens voulu mais je voudrais savoir s'il y a autre chose à faire. Croyez-vous que la formation de nos jeunes soit insuffisante? Croyez-vous que nous leur offrons des programmes n'offrant aucune possibilité d'emploi? Comment pensez-vous qu'il faudrait orienter la formation des jeunes pour qu'ils aient un emploi durable à la fin de leurs études?

Vous savez que l'enseignement coûte très cher et que les étudiants finissent leurs études avec un endettement élevé et des chances d'emploi fort incertaines. Pensez-vous qu'il faudrait réorienter les programmes de formation?

M. Bob Waite: Je ne suis certainement pas un expert en la matière mais je puis vous dire que c'est là un problème qui est très important à nos yeux. Voici comment nous l'envisageons.

Du point de vue du service public ou des dons, nous avons choisi de cibler moins le niveau universitaire—puisque les jeunes décident beaucoup plus tôt que cela le domaine dans lequel ils souhaitent faire des études—mais plutôt, avec l'aide de consultants, aider des enfants en 4e, 5e ou 6e année, notamment les filles. Avec l'aide de consultants, nous avons constaté que les filles ont tendance à abandonner les études scientifiques et mathématiques à ce niveau-là, pour de nombreuses raisons.

Nous avons donc décidé de mettre l'accent sur des programmes visant à encourager les jeunes à étudier les mathématiques et les sciences. Lorsqu'ils arrivent à l'université, il leur est impossible de décider de devenir physicien nucléaire ou programmeur de logiciel s'ils n'ont pas fait les études voulues au secondaire ou au collège.

Certes, ce n'est qu'un petit élément du casse-tête mais nous pensons qu'il est important d'intervenir beaucoup plus tôt qu'au niveau universitaire.

Mme Shirley-Ann George: Je suis souvent surprise de constater que des gens sont surpris par le nombre de jeunes chômeurs. Si vous voyez où nous investissons nos budgets d'enseignement, il est certain que les risques de chômage sont beaucoup plus élevés pour ceux qui ne font pas d'études supérieures. Or, nous avons beaucoup trop de jeunes qui ne poursuivent pas leurs études.

En outre, si je prends l'exemple d'Ottawa, sur les 11 000 ou 12 000 jeunes qui sortent des collèges et des universités de la région, environ 7 p. 100 seulement ont un diplôme qui présente un intérêt pour notre industrie.

S'il est vrai que beaucoup de jeunes font des études, peut-être trouvent-ils des emplois dans d'autres secteurs? Nous ne sommes pas les seuls qui créent de nouveaux emplois, mais il est incontestable que la proportion des sommes investies dans les secteurs à taux de croissance élevé est largement insuffisante.

M. Rainer Paduch: Un autre facteur important concerne les changements rapides de la technologie, qui exigent des changements continus dans le secteur de l'enseignement. Cela nous oblige à assurer le perfectionnement continu de nos employés, surtout au début, lorsqu'ils sortent de l'école et entrent dans la population active, parce qu'ils ont alors encore beaucoup de compétences à acquérir, notamment sur le monde des affaires. Ceux qui ont appris à apprendre peuvent suivre des programmes spécialisés pour acquérir les compétences qui leur permettront d'être productifs au travail, notamment en exploitant la technologie.

• 1135

M. Peter R. Smith: Monsieur le président, je voudrais simplement réitérer ce que disait M. Waite quant à la nécessité pour l'industrie aérospatiale d'attirer des jeunes dans les programmes scientifiques et techniques des écoles secondaires et des universités.

Notre industrie connaît actuellement une croissance sans précédent qui l'oblige à chercher des gens ayant non seulement l'éducation voulue mais aussi de l'expérience. J'ajoute cependant tout de suite, ce qui est encourageant, que nos prévisions pour les cinq prochaines années nous permettent de penser qu'il y aura une possibilité d'augmentation d'environ 55 p. 100 de la production globale de l'industrie aérospatiale, ce qui veut dire que les jeunes qui font actuellement les études pertinentes n'auront aucun mal à trouver du travail. Je reconnais que l'expansion rapide de l'industrie aérospatiale a causé des difficultés, étant donné que bon nombre de nos travailleurs qualifiés ont eu tendance à aller travailler aux États-Unis, chez Boeing ou dans les autres entreprises qui ont participé à cette croissance sans précédent. Cela nous oblige à essayer de combler des lacunes à très brève échéance, mais nous sommes relativement optimistes à cet égard.

M. André Gauthier: Je voudrais faire quelques remarques d'ordre personnel à ce sujet. Il me semble que la technologie de l'information est le secteur qui offre le plus de possibilités à l'heure actuelle. Or, en tant que parent, je ne peux pas dire que les jeunes soient terriblement encouragés à suivre les cours pertinents ou à occuper les postes qui leur permettraient de faire des carrières très lucratives et très intéressantes. On ne met pas plus l'accent sur ces carrières-là que sur toutes les autres et nous pourrions certainement faire beaucoup plus pour encourager les jeunes en leur montrant les domaines dans lesquels ils devraient se lancer—s'ils ont le talent voulu, évidemment. À mon avis, le gouvernement pourrait certainement agir pour inciter les jeunes à embrasser ce type de carrière.

Le président: Monsieur Perron.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Messieurs, mesdames, bonjour.

Dans vos exposés, vous n'avez pas beaucoup parlé du projet du ministre des Finances qui est d'utiliser le surplus budgétaire de la façon suivante: 50 p. 100 pour la réduction de la dette, 25 p. 100 pour le réinvestissement dans des programmes existants ou des nouveaux programmes, et 25 p. 100 pour la réduction de taxes ou d'impôts.

J'aimerais que vous me disiez si ces pourcentages vous paraissent acceptables et quelles seraient les recommandations que vous feriez au ministre des Finances sur la façon de dépenser le surplus qu'on va avoir.

[Traduction]

M. Peter R. Smith: Je dirais tout d'abord que la position de l'Association des industries aérospatiales est qu'il faut assurer un équilibre très délicat entre la réduction de la dette et le lancement de nouveaux programmes, pendant les prochaines années.

S'il est vrai que le gouvernement a clairement réussi à réduire le déficit, il est tout aussi vrai que la réduction de la dette est toujours préoccupante, surtout lorsqu'on voit ce qui s'est passé depuis 48 heures, qui risque de faire monter les taux d'intérêt. Nous sommes donc d'accord avec une répartition équitable. Qu'il s'agisse de 50-50 ou non, nous devrons d'abord nous assurer que nous avons obtenu les résultats voulus en matière de réduction du déficit.

Pour ce qui est des investissements futurs, nous implorons le gouvernement d'aborder les questions de dette et d'investissement en faisant preuve de responsabilité, et je parle ici essentiellement d'investissement dans les industries de technologie de pointe, les industries du savoir, et encore plus particulièrement dans les programmes dont j'ai parlé, comme le programme Partenariat Technologie Canada. Hélas, pour le moment, le gouvernement ne peut investir que dans environ un tiers de la technologie existante.

Je conclus en disant qu'il conviendrait donc d'adopter une formule prévoyant des investissements modestes et la continuation, de manière responsable, de la réduction de la dette, objectif qui est toujours aussi crucial.

[Français]

M. André Gauthier: Pour répondre à votre question, monsieur Perron, je crois effectivement que les objectifs que vous avez mentionnés sont excellents.

• 1140

Vous posiez la question de savoir comment utiliser ces sommes excédentaires. Personnellement, je pense qu'on devrait investir cet argent de sorte que l'économie prenne le virage technologique qui lui serait grandement profitable.

Je parlais tout à l'heure des problèmes que nous avions à éduquer nos enfants et à les convaincre de faire des études en technologie de l'information, en génie, en sciences aérospatiales, etc. Ce serait un bon investissement que de réserver quelques dollars pour s'assurer que nos enfants et l'économie en général aillent vers des secteurs qui leur seront profitables à long terme.

[Traduction]

Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il répondre à cette question?

Nous allons passer à M. Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme on a parlé de formation professionnelle et d'investissement dans ce secteur, je voudrais vous indiquer ce que nous ont dit il y a quelques semaines les patrons de certains des plus gros établissements financiers du pays en ce qui concerne la formation professionnelle. Leur position est la suivante: nos collèges, nos universités et nos écoles dispensent une bonne éducation de base, laissez-nous le soin de la formation spécialisée. Comme les besoins changent très rapidement, nous sommes les mieux placés pour nous occuper de cela. Votre responsabilité est de nous donner des étudiants ayant une bonne formation générale, nous nous occuperons du reste.

Je me demande si cette thèse pourrait s'appliquer aussi aux secteurs que vous représentez.

En ce qui vous concerne, monsieur Waite, je dois dire que vous vous êtes clairement distingué des nombreux autres témoins que nous avons entendus puisque vous avez été l'un des rares à dire que la réduction de l'impôt personnel devrait être une priorité du gouvernement.

Étant donné le genre de personnes que vous employez, qui ont généralement fait des études supérieures, et considérant que vos concurrents se trouvent aussi bien en Californie, à New York, à Paris ou à Londres, y a-t-il autre chose que la rémunération globale qui peut vous aider à les attirer? Autrement dit, dans quelle mesure des choses telles que la qualité des soins de santé, le coût du logement à Montréal par rapport à New York, par exemple, ou le coût de l'enseignement pour les enfants interviennent-ils dans la décision que prennent les gens de rester au Canada ou d'aller ailleurs?

M. Bob Waite: Je vous remercie de cette question. Pour ce qui est de votre première remarque, je dois vous dire que, tout comme les patrons dont vous parlez, nous consacrons nous aussi beaucoup de temps et d'argent à former nos employés. Il est vrai que nous avons besoin de gens ayant d'excellentes compétences, notamment dans le secteur des logiciels. Notre principal domaine d'activité, surtout dans le secteur de la simulation des vols, est celui du génie informatique. C'est donc à Waterloo, par exemple, ou à UBC ou McGill que nous allons recruter les gens dont nous avons besoin.

Après le recrutement, il faut de six à 14 mois environ pour que les gens soient vraiment productifs. Or, je puis vous dire que nous en perdons beaucoup au bout de 18 mois à deux ans.

Pour vous donner une meilleure idée du problème, je précise que nous avons des employés dans des catégories que nous appelons TS-1 et TS-2. Ce sont des niveaux d'entrée mais pour des gens extrêmement qualifiés, sortant généralement d'université. Or, au cours des 12 derniers mois, nous avons perdu 24,7 p. 100 de nos dernières recrues, dont la moitié au profit des États-Unis.

Pourquoi sont-ils partis? Vous avez sans doute raison en ce qui concerne la santé. Ayant vécu des deux côtés de la frontière, je sais que nous vivons dans une société plus sûre et que nous avons, j'en ai la ferme conviction, un système de santé largement supérieur. J'ai parlé de New York mais ce n'est pas là qu'ils vont s'établir. Je n'ai pas parlé de Detroit, je n'ai pas parlé de Washington. Je veux dire par là que, s'il est vrai que notre société est plus sécuritaire, de manière générale, bon nombre des gens que nous perdons déménagent plutôt dans des villes comme Palo Alto ou Seattle, qui ne sont pas très différentes de villes telles que Markham.

Pour ce qui est des autres facteurs, il faut bien comprendre que les gens dont nous parlons sont extrêmement mobiles. En règle générale, ils ne sont pas mariés. Ils n'ont pas encore établi des racines très profondes dans leur collectivité et ils ont encore le goût de l'aventure.

• 1145

Vous avez parlé du logement. Certes, le logement ne coûte pas cher à Montréal, mais il n'est pas subventionné par le gouvernement fédéral, alors que quiconque achète une maison en Caroline du Sud, en Californie ou en Floride obtient l'aide du gouvernement fédéral pour payer son hypothèque. En outre, les gens dont nous parlons sont jeunes, ce qui veut dire que la santé ne les préoccupe pas beaucoup. Ils n'ont pas encore créé de famille et ils sont donc beaucoup plus mobiles que nous. Pour ce qui est du logement, les États-Unis sont avantagés par rapport à nous car, lorsqu'on souscrit une hypothèque aux États-Unis, on peut savoir tout de suite quelle proportion en sera payée par l'Oncle Sam. C'est pour toutes ces raisons que nous avons du mal à les retenir.

Et je n'ai pas encore parlé du climat!

Mme Shirley-Ann George: La CATA a consacré une étude à ce problème. Nous nous attendions à entendre parler de jeunes ingénieurs incités à quitter Vancouver pour aller travailler chez Boeing avec une prime de recrutement de 50 000 $ et une augmentation de salaire de 30 000 $. Nous pensions cependant que le problème est plus complexe que cela et nous avons donc décidé de comparer le revenu disponible, afin de mieux évaluer la situation. Je dois vous dire que nous avons finalement décidé de ne pas divulguer cette étude parce qu'elle ne contenait aucune bonne nouvelle.

Si vous comparez les noyaux technologiques plutôt que les pays dans leur ensemble, notre concurrence provient de villes comme Austin, au Texas, ou Seattle, dans l'État de Washington, où il n'y a pas d'impôt d'État. En Ontario, la tranche d'impôt la plus élevée commence à 56 000 $; aux États-Unis, à 249 000 $. L'Américain qui gagne moins de 40 000 $ ne paie pas grand-chose comme impôt fédéral. Il ne faut donc pas être un génie en mathématiques pour comprendre que le Canada est manifestement désavantagé en ce qui concerne les revenus supérieurs.

Prenez l'exemple d'un cadre de Northern Telecom qui est revenu au Canada et qui a vu son revenu disponible baisser de 50 000 $ par an. Croyez-moi, on peut acheter beaucoup d'éducation, beaucoup de logement et beaucoup de sécurité avec 50 000 $.

Le président: Nous allons maintenant donner la parole au député de Markham, M. Jones.

M. Jim Jones: Et député d'une région de technologie avancée.

Étant donné que nous souhaitons connaître votre avis sur la manière dont il faudrait utiliser un futur excédent budgétaire, peut-être devrions-nous d'abord préciser ce qu'on entend par là.

Le gouvernement dit que le dividende budgétaire constituera un excédent budgétaire. Pourtant, au cours de nos audiences, beaucoup de gens nous ont dit que le dividende budgétaire ne se manifestera que lorsqu'on aura payé la dette—je parle ici d'économistes, de représentants des chambres de commerce et d'autres leaders d'entreprises—le dividende représentant la différence entre le service actuel de la dette et le service de la dette une fois que l'on a commencé à en rembourser une partie. J'aimerais donc savoir si c'est aussi comme cela que vous définissez le dividende budgétaire.

Deuxièmement, en ce qui concerne des baisses d'impôt pour l'industrie de la technologie de pointe, croyez-vous que nous pourrions attirer de grandes entreprises, par exemple pour fabriquer des puces informatiques, qui vont actuellement s'établir aux États-Unis, où elles créent des emplois extrêmement bien rémunérés, si nous commencions à réduire nos impôts? Si vous examinez toutes les nouvelles entreprises qui ont été créées l'an dernier, vous en trouverez probablement beaucoup qui l'ont été par des gens qui ont perdu leur emploi et qui se sont mis en affaires pour offrir leurs services à contrat à leur ancien employeur.

Une dernière remarque. Peter a dit que les possibilités d'expansion sont exceptionnelles mais que le temps dont nous disposons est très limité. Je crois que cela vaut non seulement pour votre propre industrie—et vous pourriez peut-être préciser votre pensée à ce sujet—mais aussi pour tout le secteur de la technologie de pointe. Si nous ne faisons pas attention... nous risquons de voir se reproduire ce qui est arrivé dans l'industrie de l'électronique, qui se trouve aujourd'hui totalement outre-mer.

M. Peter Smith: Peut-être vais-je commencer par votre dernière remarque. Le temps dont nous disposons est effectivement limité dans la mesure où nous allons courir de gros risques si aucune mesure n'est prise, comme je l'ai dit, en ce qui concerne les ressources que consacre Transports Canada à l'homologation de nos produits. Comprenez bien que, dans le secteur de l'aéronautique, toute perte de contrat, qu'elle résulte d'un retard d'homologation ou d'un retard d'obtention de crédit à l'exportation, représente une perte de contrat pendant près de 25 ans, étant donné que l'on ne remplace pas des avions aussi souvent que d'autres choses. Voilà pourquoi j'essayais d'exprimer la nécessité d'établir des budgets adéquats pour Partenariat Technologie Canada, afin d'obtenir du secteur privé les fonds qui sont nécessaires pour se lancer dans la mise au point de produits compétitifs.

• 1150

La deuxième question que je souhaite aborder est celle de la fiscalité. Je ne peux m'exprimer qu'au nom de l'industrie aérospatiale, et je conviens que la situation est peut-être légèrement différente dans les autres secteurs représentés aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que notre industrie se plaigne beaucoup du régime fiscal appliqué aux entreprises du Canada, ni des crédits d'impôt pour la recherche. Certes, on peut toujours apporter certains ajustements au régime mais je dois dire que ce qui cause le plus de difficulté, c'est le régime de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Une autre question qui n'a pas encore été mentionnée mais qui est très importante pour l'industrie aérospatiale, c'est la différence qui existe entre les dollars canadien et américain. Quand on parle d'une différence de 30 p. 100 ou de 40 p. 100, il est clair qu'une entreprise américaine peut faire des offres beaucoup plus attrayantes à un Canadien, étant donné que nous serions obligés, si nous voulions être tout à fait compétitifs, de compenser non seulement la différence fiscale mais aussi la différence de change. Vous comprendrez que cela nous place dans une position très difficile.

Pour ce qui est de l'excédent budgétaire, je dois dire que les résultats obtenus par le gouvernement pour faire face au déficit sont tout à fait impressionnants. D'après nous, l'excédent budgétaire apparaîtra dès que l'on aura épongé le déficit. Il y aura donc un excédent des recettes par rapport aux dépenses, et le gouvernement pourra s'en servir à la fois pour réduire la dette et pour faire des investissements.

C'est tout ce que nous souhaitons. Nous ne voulons pas que la totalité de l'excédent budgétaire soit consacrée à la réduction de la dette, objectif auquel on devra de toute façon consacrer de nombreuses années. Ces ajustements se feront peu à peu, à condition que le gouvernement continue d'assurer la stabilité de l'économie pour que nous continuions d'avoir des taux d'intérêt raisonnables, comme c'est le cas depuis plusieurs années.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Il est clair que le chômage des jeunes est fort préoccupant et j'ai trouvé la remarque de M. Waite au sujet d'une intervention aux niveaux présecondaires tout à fait fascinante.

On entend souvent parler des niveaux d'endettement obscènes que doivent assumer les diplômés d'université. Je crois comprendre qu'environ un diplômé sur quatre doit assumer une dette qui se situe en moyenne entre 20 000 $ et 25 000 $. Étant donné que le taux de chômage des diplômés d'université est d'environ 4,5 p. 100, j'aimerais savoir si vous pensez que l'on devrait faire quelque chose pour aider les diplômés qui cherchent du travail.

La deuxième partie de ma question concerne ceux que j'ai appelés à Vancouver «les pauvres latents du Canada», c'est-à-dire les jeunes qui abandonnent l'école secondaire et qui représentent plus de la moitié des jeunes chômeurs. Puisque tout permet de penser qu'ils ne trouveront pas de place dans les industries en expansion, comment pensez-vous que nous pourrions les aider?

M. Bob Waite: Les questions que vous venez de poser sont très complexes et je ne pense pas qu'il y ait de réponses faciles.

En ce qui concerne le coût des études universitaires, je dirais simplement que je ne voudrais pas que l'on adopte un système de subventions qui reviendrait une nouvelle fois à offrir une aide indirecte aux entreprises américaines. De fait, le coût des études universitaires est loin d'être aussi élevé qu'aux États-Unis. Si je calcule ce que je devrais payer pour envoyer mon fils ou ma fille au MIT, c'est probablement égal à l'hypothèque que j'ai dû assumer pour acheter ma maison, alors que je pourrais certainement leur faire faire des études dans de très bonnes universités du Canada à une fraction du coût.

• 1155

Je me demande parfois s'il y a une justice à cet égard, considérant les histoires que l'on entend au sujet de gens qui ont fait des études au Canada grâce à des prêts fournis par le gouvernement et qui sont ensuite partis travailler chez Microsoft, par exemple. Je ne sais pas ce que l'on pourrait faire pour empêcher cela.

Il semble par ailleurs—c'est en tout cas ce que l'on entend dire—que certains déclarent une faillite personnelle à la fin de leurs études puis s'en vont trouver du travail aux États-Unis, ce qui paraît assez injuste. Je n'ai pas non plus de solution à cela. Je ne sais pas s'il faudrait changer la manière dont nous finançons les études supérieures—peut-être au moyen de subventions ou de bourses—mais je crois que nous avons dans l'ensemble un bon système, très juste.

Pour répondre à M. Riis, l'un des attraits du Canada est précisément que l'on peut y faire des études qui ne coûtent relativement pas très cher. Je crois que vous avez mis le doigt sur une réalité importante, bien qu'elle ne soit sans doute pas primordiale. Peter ou quelqu'un d'autre peut peut-être m'aider—avec de meilleures statistiques que les miennes—mais la réalité importante est que seule une petite fraction des décrocheurs du secondaire, dont le nombre au Canada est le plus élevé de tous les pays de l'OCDE, pourraient occuper les postes de technologie de pointe du Canada. Voilà le vrai dilemme.

Nous sommes en train de perdre toute une génération et, à part les célèbres emplois offerts chez McDonald ou par des centres d'appel, pour les personnes bilingues, il est vraiment difficile de voir comment ils pourront s'en sortir.

Cela nous ramène aux mesures que l'on pourrait prendre, normalement en faisant appel aux organisations non gouvernementales, pour essayer d'intéresser ces jeunes décrocheurs de 4e, de 5e ou de 6e année. Il existe déjà des programmes scientifiques d'été ou des visites organisées par nos techniciens dans les salles de classe pour essayer de les intéresser et de leur montrer qu'il vaut la peine d'aller jusqu'au bout de ses études. L'objectif n'est pas de leur apprendre à faire des équations quadratiques mais plutôt de les intéresser par des simulations de station spatiale, par exemple.

Le président: Monsieur Paduch, voulez-vous intervenir?

M. Rainer Paduch: Oui. Je voudrais faire quelques remarques sur la situation des étudiants et sur ce que l'on devrait faire avec l'excédent budgétaire. Je crois que l'important est de gérer avec prudence la manière dont on rend le capital plus accessible dans le pays, afin qu'il puisse se retrouver dans les entreprises pour les stimuler. Ce sont en effet les entreprises qui assureront notre expansion économique et qui créeront des emplois.

Pour ce qui est de mon secteur d'activité, je puis vous dire que nous n'avons pas besoin de jeunes ayant un doctorat pour faire fonctionner des réseaux. Nous avons besoin de gens qui sont prêts à apprendre et à s'intégrer au milieu de l'entreprise. À condition qu'ils aient terminé leurs études avec succès, nous pouvons donner aux jeunes la formation dont ils ont besoin pour obtenir des emplois de plus grande valeur. Le problème est que le secondaire n'est tout simplement pas un niveau suffisant. Il nous faut des jeunes au niveau suivant, que ce soit le niveau d'un collège communautaire ou d'une université.

M. André Gauthier: Il y a actuellement 25 000 offres d'emploi dans la technologie de l'information au Canada. Et il y en a dix fois plus aux États-Unis. Jusqu'à présent, nous avons tenu le coup.

Si vous voulez que je vous angoisse un peu plus, je vais vous parler du problème de l'an 2000, qui va coûter des milliards de dollars. Il est absolument impossible que l'industrie de la TI puisse recruter, former et employer le nombre de gens qu'il faudrait pour régler ce problème. Pourtant, nous avons des milliers de chômeurs, sinon des centaines de milliers, dont certains très intelligents. Ce sont des gens qui pourraient fort bien trouver du travail dans la TI si le système pouvait les aider. J'ai l'impression que l'on gaspille des talents considérables et que l'on passe à côté de possibilités absolument fantastiques, tout simplement parce que nous ne réussissons pas à nous organiser pour en profiter.

Le président: Merci.

Monsieur Assad, une brève question.

• 1200

M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Nous avons devant nous des témoins fort intéressants, qui nous ont donné beaucoup d'informations utiles. Cela me rappelle que Marlene Catterall et moi-même présidions en février un groupe qui s'intéressait aux entreprises de technologie de pointe de la région de la Capitale nationale. Nous y avions entendu les mêmes préoccupations.

Puisque vous parlez d'éducation, Lester Thurow a publié il y a quelques années un ouvrage intitulé Head to Head dans lequel il donnait des informations extrêmement troublantes sur l'état de l'enseignement en Amérique du Nord et au Japon. Au Japon, les diplômés du secondaire ont une connaissance fondamentale des mathématiques élémentaires que nos jeunes n'ont tout simplement pas. Comme vous dites que l'essentiel est d'avoir appris à apprendre, il est clair qu'il sera toujours très difficile de former quelqu'un qui n'a pas acquis les bases.

Vous avez également soulevé beaucoup de questions intéressantes sur notre régime fiscal. À mon avis, le problème n'est pas de savoir comment dépenser l'excédent budgétaire mais plutôt d'entreprendre une réforme fiscale qui n'a déjà que trop tardé.

Vous parliez d'argent. Nous avons nos banques à charte, et tout le monde se plaint qu'elles sont beaucoup trop pingres. On dit qu'il est très difficile d'y trouver de l'argent pour financer de la R-D. C'est un gros problème.

Il y a aussi la Banque de développement, qui pourrait sans doute jouer un rôle utile. Si les banques à charte ne veulent pas fournir l'argent nécessaire, on pourrait utiliser la Banque de développement. Je crois que vous pourriez trouver votre réponse en vous adressant à elle.

J'aimerais donc avoir votre avis. Pensez-vous que la Banque canadienne de développement pourrait combler ce fossé critique? J'en ai entendu parler au parc technologique de la ville de Québec, où les gens étaient aussi préoccupés que vous par ce fossé critique.

M. Rainer Paduch: Je voudrais répondre à cela. Comme notre industrie évolue très rapidement, elle a besoin d'investisseurs prêts à évoluer très rapidement aussi et capables d'en assumer les risques et la volatilité.

Mon expérience personnelle m'a montré que les banques canadiennes sont en effet plus que prudentes. Si l'on n'a pas besoin d'argent, elles sont ravies de vous en prêter. Mon expérience m'a aussi appris que la Banque de développement du Canada est plus lente et encore plus prudente que les banques canadiennes. Il y a donc beaucoup d'efforts à faire pour résoudre ce problème. En attendant, il est très difficile de faire des affaires quant on doit traiter avec ces gens-là.

Nous serions beaucoup plus heureux si nous pouvions avoir accès à plus de capitaux sur les marchés financiers, grâce à une réforme fiscale et à des programmes précisément conçus pour encourager l'investissement dans les secteurs de risque.

Le président: Madame George, suivie de M. Smith et de M. Maine.

Mme Shirley-Ann George: L'un des problèmes est que nos entreprises s'adressent souvent aux mauvaises portes pour trouver de l'argent. Les banques sont là pour fournir des prêts et pour couvrir des besoins de liquidités. En ce qui concerne les détenteurs de capital-risque, ils exigent des taux de rendement très élevés, et les études préliminaires qu'ils doivent faire avant d'investir sont généralement très coûteuses, ce qui signifie qu'ils ne sont normalement pas intéressés à financer des projets de moins de 5 millions de dollars.

Grâce aux programmes gouvernementaux, cette somme a été ramenée à 2 millions de dollars environ, mais on n'a toujours pas fait grand-chose pour stimuler ce qu'on appelle le financement angélique, c'est-à-dire l'investissement de capitaux de départ se situant entre 250 000 $ et 2 millions de dollars. Cela dit, il n'y a manifestement aucune incitation dans notre régime fiscal pour pousser qui que ce soit à investir dans des projets à risque élevé tels que le lancement d'une entreprise de technologie de pointe. Pour ce qui est des fonds communs de placement des travailleurs, ils ne se prêtent absolument pas à ce type de financement. Bien que le gouvernement ait déjà fait beaucoup, il n'existe encore rien pour ce financement de toute première étape.

M. Peter R. Smith: Je vais peut-être vous étonner mais je ne pense pas que le problème concerne l'accès au crédit. Il s'agit plutôt de l'accès au capital-risque. Comme vous l'avez dit, la SDC et les banques commerciales ont les fonds nécessaires mais tout dépend des taux d'intérêt et de ce qu'il y a dans l'état des pertes et des profits de l'entreprise.

• 1205

Le problème que connaît actuellement l'industrie aérospatiale est que les projets déjà confirmés et ceux prévus pour l'an prochain exigeront plus de 300 millions de dollars de capitaux de lancement.

Or, vous pouvez aller en Irlande, comme le disait un de mes collègues, ou dans un pays d'Asie et obtenir du crédit très compétitif, voire des subventions. Pour notre part, nous ne demandons pas de subventions. Nous souhaitons simplement préserver la technologie canadienne en essayant de convaincre le gouvernement fédéral que l'aérospatiale est un secteur qui a offert à l'économie canadienne un taux de rendement exceptionnel, soit une expansion de 140 p. 100 en dix ans. C'est extraordinaire.

À cet égard, nous disons que, selon nous, un investissement de 1 $ du gouvernement fédéral conjugué à 4 $ venant de l'industrie offre des possibilités de recouvrement extrêmement différentes que si nous devions nous adresser à la Banque royale ou à la Banque de développement.

D'après nous, il ne s'agit pas là d'aumône, il s'agit pour le gouvernement d'effectuer un investissement multiplicateur parce qu'il y a du prestige à être présent dans le secteur et parce qu'on sait que l'objectif est de partager les risques, tout en sachant fort bien que tous les projets ne déboucheront pas nécessairement sur des produits commercialisables. Il faut prendre les perdants avec les gagnants. Ce n'est pas comme cela que fonctionnent les banques.

M. Frank Maine: Je suis heureux d'entendre mes collègues confirmer ce que je disais au sujet de fossé critique. Je suis heureux de voir que mes collègues sont d'accord avec moi sur l'existence de problème.

J'ai dit dans mon exposé que le gouvernement devrait créer un groupe de travail qui ferait appel à des ressources de l'industrie et des établissements financiers pour examiner attentivement ce domaine de risque et pour voir quel type d'environnement financier le gouvernement devrait créer de façon à ramener ce risque à un niveau acceptable pour les banques, étant donné que celles-ci refusent actuellement d'investir dans ce secteur parce que le risque y est trop élevé. Il y a plusieurs solutions envisageables mais je ne pense pas que nous ayons le temps d'en parler aujourd'hui.

L'essentiel me semble être que l'on prenne acte du problème et que l'on mette sur pied un groupe de travail pour s'en occuper. Si l'on agissait tout de suite, on pourrait trouver des solutions à temps.

Le président: Monsieur Mahoney, vous poserez la dernière question.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Puisque nous arrivons au bout de la séance, monsieur le président, je serai bref.

J'avais plusieurs questions à poser au sujet de l'enseignement mais on y a déjà répondu.

Si vous me le permettez, je voudrais plutôt parler du capital angélique, pour reprendre l'expression de Mme George. En général, c'est l'argent qui coûte le plus cher, quand on réussit à en obtenir.

Si les banques font preuve de réticence dans l'octroi de fonds, c'est sans doute parce qu'elles doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Pour ce qui est du gouvernement, il doit rendre compte aux contribuables. Je me demande donc s'il ne serait pas plus légitime que ce soit le secteur privé qui mette sur pied les mécanismes nécessaires pour toute l'industrie, afin de permettre aux entreprises de trouver ce capital angélique.

Monsieur Maine, vous parliez de six mois et 50 000 $. Croyez-vous qu'il serait légitime qu'un gouvernement investisse dans ce genre de projet très risqué avant même que l'on ait dressé un plan commercial? Comment pourrait-il se justifier aux yeux du public?

M. Frank Maine: Le gouvernement investit déjà actuellement dans le secteur le plus risqué qui existe, le CRSNG, qui fait de la recherche fondamentale. C'est l'investissement le plus risqué que l'on puisse faire, et c'est le gouvernement qui l'assume à 100 p. 100. C'est le contribuable qui paie. Disons qu'il y a peut-être un moyen terme à trouver entre un financement gouvernemental à 100 p. 100 et un financement privé à 100 p. 100. Le gouvernement établit le climat financier par son régime fiscal et par ses incitations. Les fonds de capital-risque des travailleurs étaient censés résoudre le problème mais l'objectif n'a pas été atteint. On a considéré que les échéances seraient beaucoup trop longues. Ce qu'il faut faire maintenant, c'est fournir du capital après que le CRSNG ait joué son rôle. C'est la Fondation canadienne pour l'innovation qui pourra s'en charger, puisqu'elle aura 800 millions de dollars destinés aux infrastructures universitaires.

Le gouvernement pourrait peut-être aussi envisager le problème en collaboration avec l'industrie et avec les banques, de façon à avoir un effet multiplicateur. Les banques ont l'argent, et l'industrie a le savoir-faire pour choisir les projets. Ce qu'il faut maintenant, c'est établir un environnement fiscal suffisamment attrayant pour que l'argent soit canalisé dans ce secteur. À l'heure actuelle, ces conditions n'existent pas. Utiliser l'argent des contribuables, c'est ce que fait le gouvernement, et le CRSNG en est un bon exemple.

Merci.

• 1210

M. Peter Smith: Je tiens à dire que l'industrie investit de l'argent dans ce secteur. Je parlais tout à l'heure du programme Partenariat Technologie Canada, qui a été doté de 450 millions de dollars fédéraux au cours des dernières années, mais il ne faut pas oublier que cette somme a engendré 2 milliards de dollars de dépenses de R-D de l'industrie.

Notre industrie est très fière de dire qu'elle investit chaque année environ 1,4 milliard de dollars de ses propres fonds dans la R-D. Tout ce que nous souhaitons, c'est la possibilité de le faire dans un système de contrepartie, au sens où 1 $ d'investissement permet d'en obtenir quatre autres.

Comme on l'a dit, la situation est très différente dans d'autres secteurs. Il y a un problème de délai. Dans l'industrie aérospatiale, c'est simplement une question de partenariat avec le gouvernement fédéral. De fait, chacune de nos entreprises investit déjà des sommes considérables dans la recherche.

Le président: Merci, monsieur Mahoney.

Je pense que nous venons d'avoir une table ronde fort intéressante. Vous avez certainement présenté des arguments très solides sur le rôle crucial que joue la technologie dans notre société. Nous avons abordé diverses questions, comme la R-D, l'accès aux capitaux, le chômage des jeunes et les possibilités d'emploi extraordinaires qu'offre la technologie.

Il y a cependant aussi des préoccupations notables, comme la fuite des cerveaux. Je constate que l'on a beaucoup parlé de fiscalité. En fin de compte, l'essentiel est que la technologie est l'un des éléments clés de la nouvelle économie, du point de vue de la création de richesse et d'emplois.

Quand nous formulerons nos recommandations au ministre des Finances sur ce qu'il conviendrait de faire du dividende budgétaire, soyez certains que nous tiendrons grand compte de ce que vous nous avez dit car notre objectif est aussi de bâtir une nouvelle économie garantissant beaucoup de richesse et de prospérité à la nation.

Merci beaucoup.

La séance est levée.