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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 octobre 1997

• 0903

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte, et je vous souhaite la bienvenue à tous ce matin.

Comme vous le savez, conformément au paragraphe 1 de l'article 83 du Règlement, le Comité des finances tient des audiences de consultations prébudgétaires à Ottawa, mais nous nous sommes également déplacés dans tout le pays pour entendre les Canadiens et ce qu'ils ont à nous dire à propos du prochain budget.

Nous avons le plaisir de recevoir ce matin les représentants de l'Organisation nationale anti-pauvreté, du Conseil canadien pour la coopération internationale et du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.

Comme vous le savez, mesdames et messieurs les témoins, vous avez environ cinq à dix minutes pour votre exposé. Nous passons ensuite à la période des questions et réponses.

Pour commencer, je vais d'abord souhaiter la bienvenue à Lynne Toupin, directrice de l'Organisation nationale anti-pauvreté, et à M. Richard Shillington, associé de recherche. Bonjour.

[Français]

Mme Lynne Toupin (directrice générale, Organisation nationale anti-pauvreté): Bonjour, monsieur le président.

[Traduction]

Pour que les choses soient bien claires, de combien de temps disposons-nous exactement?

Le président: Vous avez environ dix minutes pour présenter votre position, et ensuite nous passons à la période des questions.

Mme Lynne Toupin: Merci.

Je vous remercie d'avoir une fois de plus invité l'Organisation nationale anti-pauvreté à comparaître devant votre comité.

Pour ceux d'entre vous qui ne nous connaissent pas très bien, disons que nous sommes un organisme apolitique et à but non lucratif, national, qui existe déjà depuis 26 ans, et qui s'est donné pour mission de lutter contre la pauvreté au Canada. Nous sommes uniques dans la mesure où les 22 membres du conseil d'administration sont tous des gens qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté, ou qui en ont fait l'expérience à un moment ou à un autre. Ce sont eux qui ont la responsabilité de nos orientations politiques, et qui organisent le travail de notre association.

Voici les quatre grandes fonctions de notre association: une fonction de défense des intérêts des Canadiens des tranches inférieures de revenu, une fonction de sensibilisation et d'information des Canadiens sur tout ce qui touche à la pauvreté, une fonction de recherche et, enfin, de soutien au niveau local et provincial aux groupes de lutte contre la pauvreté.

Notre réseau se compose de 325 groupes membres, auxquels il faut ajouter les personnes qui sont membres à titre individuel. Nous n'avons pas beaucoup de temps ce matin pour vous présenter notre position, et nous aimerions insister sur trois points essentiels.

Premièrement, il faut réaffirmer qu'au Canada les pauvres ont été plus durement touchés par les compressions imposées aux programmes sociaux par le gouvernement fédéral dans son effort de réduction du déficit.

• 0905

Deuxièmement, nous aimerions faire au gouvernement fédéral deux recommandations stratégiques sur la façon dont il doit à nouveau réinvestir dans les programmes sociaux.

Troisièmement, nous demandons que la politique de réduction des impôts soit sélective et profite directement aux Canadiens plus défavorisés. Là-dessus, Richard Shillington, qui travaille avec l'Organisation nationale anti-pauvreté, vous fera un court exposé sur un certain nombre d'options que vous pourriez considérer.

Premièrement, les pauvres ont été plus durement touchés que les autres. En effet, les mesures touchant au transfert social ont frappé de plein fouet les plus pauvres d'entre les pauvres, c'est-à-dire ceux qui dépendent de l'assistance sociale pour leur subsistance.

La décision de bloquer les paiements de transfert pour la santé, l'enseignement postsecondaire et l'assistance sociale, en même temps que celle de réduire les versements aux provinces, a permis de supposer que les programmes d'assistance sociale seraient touchés, étant donné que c'est un des aspects des politiques publiques les moins soutenus par l'électorat.

En effet, les recherches faites par notre organisation, province par province, sur l'évolution des prestations d'assurance sociale le confirment. Au cours des trois dernières années, la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard ont réduit de façon considérable les prestations du bien-être social. Elles sont restées les mêmes en termes absolus en Saskatchewan et à Terre-Neuve, mais leur valeur en dollars constants a diminué. Au Nouveau-Brunswick, les chèques de bien-être restent les plus bas du Canada, puisqu'une personne seule touche 250 $ par mois. Dans la plupart des provinces, on a également réduit l'aide spéciale en nature ou resserré les critères d'admissibilité.

Tout cela s'est fait dans un contexte général de chômage relativement élevé, certaines régions étant beaucoup plus durement touchées que la moyenne au pays.

De plus, les provinces ont pris des mesures en vertu desquelles l'accès à la formation est plus difficile pour les prestataires du bien-être ou ont modifié leurs programmes de formation qui sont maintenant en réalité des programmes de travail obligatoire. Là où des cours de formation sont offerts, la demande dépasse de loin l'offre.

Avec un taux de chômage très élevé, très peu ou pour ainsi dire pas de formation ni de possibilité d'apprendre quoi que ce soit, un bien-être réduit et des critères d'admissibilité resserrés, on peut craindre que nous ne soyons en train de marginaliser de plus en plus les plus pauvres d'entre les pauvres, en réduisant ou supprimant pour eux toute possibilité d'échapper à la pauvreté.

Avec la fin du RAPC, le Régime d'assistance publique du Canada, il est apparu clairement que le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de s'intéresser à la question des versements d'assistance sociale ni aux programmes et services sociaux, ceux-ci relevant de la compétence provinciale.

Cependant, je crois qu'il est important pour le comité de bien comprendre que les conditions de vie des personnes inscrites au bien-être se détériorent. Celles-ci sont de plus en plus victimes d'abus, et on les rend responsables de leur état de pauvreté.

Si nous continuons à ignorer systématiquement les besoins des plus pauvres d'entre les pauvres dans ce pays, nous allons assister à l'émergence d'un groupe irréductible d'exclus, comparable à bien des égards aux exclus américains.

Nous sommes en train de mettre la dernière main à un rapport relatif aux compressions des budgets provinciaux, ainsi qu'à certaines modifications du régime de l'assurance-maladie et de l'enseignement postsecondaire, en montrant comment les Canadiens des tranches inférieures de revenu sont particulièrement touchés.

En matière d'enseignement supérieur, nos conclusions ne surprendront personne. D'abord, les étudiants des tranches inférieures de revenu sont largement sous-représentés, notamment dans les universités.

Deuxièmement, l'augmentation rapide des frais de scolarité, combinée à la disparition dans la plupart des provinces des bourses accordées en fonction des besoins de l'étudiant, s'est traduite par un alourdissement des charges financières imposées aux familles des tranches inférieures de revenu, lesquelles s'endettent de plus en plus.

Troisièmement, comme il devient de plus en plus onéreux de suivre un cursus d'enseignement supérieur, les étudiants d'origine modeste déjà sous-représentés le seront de plus en plus.

Enfin, les parents seuls à faible revenu qui veulent suivre des études supérieures ont de plus en plus de mal à le faire, depuis que, suite aux mesures prises par les provinces relativement aux programmes d'assistance sociale, les étudiants au postsecondaire n'ont plus le droit au bien-être. C'est-à-dire qu'ils n'ont plus que le recours des prêts aux étudiants, alors qu'à l'origine ceux-ci n'avaient jamais été conçus pour aider des étudiants qui ont des personnes à charge. Ainsi, les parents seuls et pauvres qui veulent poursuivre des études supérieures s'endettent lourdement. La seule autre solution pour eux est de rester inscrits au bien-être.

Étant donné nos conclusions, nous demandons que le gouvernement fédéral crée rapidement un système national de bourses conçues en fonction des besoins de l'étudiant, afin que les étudiants d'origine modeste qui ont les qualités voulues puissent faire des études supérieures.

Nous demandons également instamment au gouvernement fédéral de se pencher sur le cas des parents seuls, et d'inciter les provinces à modifier leurs règlements pour qu'une aide soit prévue à ceux qui veulent étudier et qui ont des personnes à charge.

Le programme de bourses d'études qu'offre le gouvernement à l'heure actuelle profitera seulement à un tout petit nombre de personnes d'origine modeste, qui ont par ailleurs des résultats exceptionnels sur le plan scolaire.

De plus, nous avons le sentiment qu'en matière d'accès aux études supérieures nous en sommes déjà à une situation de crise, et nous ne pouvons pas attendre le troisième millénaire pour doter le Canada des programmes de subventions dont il a besoin.

• 0910

En matière d'enseignement supérieur, la capacité de payer est devenue l'obstacle majeur. L'accès aux soins de santé dépend également beaucoup de l'argent dont on dispose. Le système de partage des frais et de la franchise de l'assurance-médicaments pour les personnes inscrites au bien-être, le non-remboursement de certains médicaments et services, le manque d'assurance-médicaments pour les travailleurs pauvres, la facturation de certains articles tels que la minerve ou la poche pour colostomie, et le coût des soins à domicile, tout cela touche plus durement les pauvres que les personnes des tranches moyennes de revenu, ou supérieures à la moyenne.

De ce fait, de plus en plus de Canadiens pauvres doivent maintenant choisir entre se passer de soins de santé, ou se priver de certains biens ou services nécessaires pour pouvoir payer leur facture médicale.

L'assurance-maladie continue à couvrir le coût des services de médecin et d'hôpital médicalement nécessaires, mais les Canadiens les plus pauvres sont durement touchés par certaines disparités croissantes, notamment en matière d'accès à tout ce qui touche aux soins à domicile et aux médicaments délivrés sur ordonnance, et toute une gamme de biens et services qui prennent de plus en plus d'importance.

Nous demandons instamment au gouvernement fédéral d'agir plus rapidement, et d'adopter un programme national d'assurance-médicaments, tout en étudiant les mesures nécessaires pour permettre que les soins à domicile soient remboursés comme tout autre service médical.

Étant donné que la santé des Canadiens les plus pauvres est relativement moins bonne que celle des Canadiens des tranches supérieures de revenu, toute incapacité du gouvernement à traiter cette question des disparités croissantes se traduirait par une surcharge supplémentaire des systèmes médicaux hospitaliers actuels.

Nous connaissons déjà le cas de parents pauvres, notamment les travailleurs dont les salaires sont les plus bas, qui systématiquement se passent de médicaments pour pouvoir nourrir leurs enfants à la place. Nombre d'entre eux atterrissent invariablement à l'hôpital, alourdissant ainsi au bout du compte la facture du contribuable.

Notre souci majeur est de lutter contre une marginalisation et, pour parler franchement, une ghettoïsation croissante des assistés sociaux canadiens. À cet effet, nous avons deux recommandations clés à vous présenter. Comme le gouvernement fédéral ne semble pas particulièrement soucieux de traiter ce problème, pour le moment, nous nous limitons à ces deux recommandations.

L'une concerne les soins de santé: nous demandons au gouvernement d'adopter aussi rapidement que possible des mesures instituant un régime d'assurance-médicaments, dont l'absence se fait de plus en plus durement sentir. Nous voyons également par ailleurs quels sont les effets de l'absence de prise en charge des soins à domicile, et la façon dont les Canadiens des tranches inférieures de revenu en souffrent le plus.

Deuxièmement, nous devons nous doter d'un programme national de bourses d'études supérieures conçu en fonction des besoins des étudiants.

M. Shillington va maintenant passer au dernier point de l'exposé, à savoir la réduction sélective de l'impôt des tranches inférieures de revenu.

M. Richard Shillington (associé de recherche, Organisation nationale anti—pauvreté): Je vais d'abord décrire rapidement deux aspects de la question, que nous pourrons ensuite aborder plus en détail dans une discussion générale.

Premièrement, avant de parler de réductions d'impôt, reconnaissons tout de suite que celui-ci augmente d'année en année. Vous savez tous, j'en suis sûr, que l'impôt n'est pas indexé; les crédits pour enfants, la prestation fiscale pour enfants, ne sont pas pleinement indexés sur l'inflation; le crédit de TPS, qui protège les familles des tranches inférieures de revenu contre cet impôt régressif, n'est pas indexé sur l'inflation; le crédit d'invalidité n'est pas indexé sur l'inflation; et les différentes tranches d'imposition ne sont pas non plus indexées.

Avant de parler de diminution d'impôt, nous devrions peut-être mettre fin aux augmentations, notamment à celles qui rendent notre fiscalité de plus en plus régressive. On le sait, tout le monde le reconnaît, que les allégements fiscaux sont défavorables aux familles et aux personnes des tranches inférieures de revenu, en comparaison des plus favorisés.

Pour ce qui est de l'augmentation de la masse fiscale, il est regrettable qu'il n'y ait aucune comptabilité de ces augmentations d'impôt. Ce ne sont pas des mesures adoptées à la Chambre, et cela ne figure pas dans les comptes publics. On ne peut donc obtenir aucune information sur les recettes supplémentaires du Trésor, ni sur les effets distributifs.

Parlons maintenant des baisses d'impôt: je ferai tout de suite remarquer qu'il y a plusieurs façons de s'y prendre. Toute la discussion, dans les médias par exemple, semble toujours tourner autour d'une diminution globale, générale, de 30 p. 100 ou de 10 p. 100 appliquée à tous.

Il est clair qu'une réduction d'impôt de ce type profiterait très peu aux pauvres, puisque dans certains cas ils ne paient pas d'impôt sur le revenu. Étant donné que la fiscalité est en principe progressive, ou cherche à l'être, toute réduction générale avantage peu les plus pauvres.

Une réduction de l'impôt sur le revenu est une réduction qui profite le moins aux pauvres. Par contre, une réduction des taxes à la consommation, notamment de la TPS—on sait que celle-ci est une taxe régressive—profiterait aux Canadiens des tranches inférieures de revenu. Elle serait avantageuse pour les tranches supérieures de revenu, qui achètent quand même des meubles, des voitures, etc., mais elle le serait davantage pour les plus pauvres.

• 0915

Si vous vouliez une réduction d'impôt qui aide véritablement les plus pauvres, vous feriez cela sous forme de crédits d'impôt remboursables. C'est-à-dire qu'on élargirait le crédit pour TPS, ou le crédit d'impôt pour enfants; ou encore, vous proposeriez un nouveau crédit d'impôt. Ce sont en ce moment les seuls outils dont nous disposons.

Je vais aussi parler quelques minutes des REER. Lorsque M. Martin a pris la parole à Vancouver, il y a deux semaines, il a dit que l'on aiderait de plus en plus les régimes de pension privés, et les REER, dès que la situation le permettrait.

Voilà déjà plusieurs années que l'on en discute, et je reste perplexe. Je ne vois pas pourquoi le ministère des Finances tient à tout prix à augmenter les allégements fiscaux destinés à des personnes dont le revenu de retraite est de 60 000 $.

Nous sommes dans une situation où les prestations aux aînés sont calculées de telle façon que l'aide publique aux couples de retraités dont le revenu dépasse 50 000 $ diminue; et cela au nom de l'équité. D'un autre côté, nous sommes en train de relever le plafond des REER, ou du moins c'est ce que l'on veut faire. Depuis sept ou huit ans, ce plafond a été relevé d'une façon qui ne profite qu'aux tranches véritablement supérieures de revenu. On fait cela pour venir en aide aux personnes dont le revenu de retraite est de 60 000 $, par personne; je ne parle pas d'un ménage. On nous dit que là encore c'est au nom de l'équité.

Je ne comprends donc pas. Je ne comprends pas l'insistance du ministère des Finances. Je pensais qu'avec le déficit, entre autres, le ministère des Finances refuserait d'augmenter les dépenses fiscales, surtout s'il s'agit de profiter à ceux qui en ont le moins besoin.

Je vais vous expliquer une raison de mon inquiétude. Vous connaissez tous l'argument selon lequel le plafond de 15 500 $ pour les REER, vers lequel nous nous dirigeons, doit permettre d'assurer un traitement équitable aux travailleurs indépendants face à ceux qui cotisent à un régime de pension enregistré.

Il faut soi-disant que la limite imposée aux REER soit de 15 000 $, pour que les choses soient justes, alors qu'il s'agit par ailleurs d'un régime de pension enregistré de 60 000 $. Il s'agit de 60 000 $ à la retraite, et non pas en régime de préretraite. Il s'agit bien de personnes âgées et qui sont en haut de l'échelle des revenus. Ce ne sont pas des pauvres.

Soit qu'on n'a pas réfléchi, c'est que pour faire le calcul—le plafond de 15 000 $ semble juste—le ministère des Finances a supposé que les REER auraient un rendement de 3,5 p. 100 annuel, 3,5 p. 100 après inflation, donc rendement réel.

En 1990 un haut fonctionnaire du ministère des Finances comparaissant devant votre comité, a déclaré que pour des rendements supérieurs à 3,5 p. 100, le plafond avait été fixé trop haut. Toute personne qui place son argent sait que le marché obligataire lui-même vous rapporte plus que 3,5 p. 100. Il n'y a donc pas urgence à relever le plafond des REER. Les 13 500 $ actuels sont plus que suffisants, étant donné le rendement actuel.

Je ne comprends donc pas l'argument économique qui demande que l'on relève la limite des REER, et je ne comprends pas non plus la raison invoquée sur le plan fiscal. Je comprends par ailleurs les raisons politiques de la mesure, car toute diminution du plafond des REER serait accusée, par la presse, d'être une mesure de rapine fiscale.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Merci, madame Toupin et monsieur Shillington.

Nous passons maintenant à l'exposé suivant, qui sera celui du Conseil canadien pour la coopération internationale, représenté par Mme Betty Plewes. Bonjour.

Mme Betty Plewes (présidente et directrice, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser au comité aujourd'hui. Vous aurez à vous prononcer sur des choix difficiles en ce qui concerne le prochain budget fédéral. En effet, il faudra s'attaquer à un éventail de dossiers importants, s'assurer que les questions de la dette et du déficit continuent de retenir l'attention, et garantir aux membres de la société canadienne les biens que sont la santé et la sécurité, et les moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de notre temps.

Le Conseil canadien pour la coopération internationale, le CCCI, est une coalition d'organismes bénévoles canadiens engagés à promouvoir le développement mondial.

[Traduction]

Nous comptons environ 100 membres, qui sont des organisations non gouvernementales, et nous faisons également partie de la Table ronde du secteur bénévole, qui vous a fait un exposé lundi, si je ne me trompe. Nous appuyons ses recommandations.

En répondant aux questions que le comité nous a posées, j'aurais trois messages essentiels à vous transmettre. Le premier concerne certaines hypothèses économiques et la notion de prudence.

• 0920

Je commencerai par indiquer que le Canada est partie prenante au système international et à la vulnérabilité générale, et j'expliquerai pourquoi l'assistance publique au développement est un outil essentiel pour le Canada face aux défis de la mondialisation.

Deuxièmement, j'expliquerai que certaines questions qui sont pour les Canadiens d'ordre prioritaire, telles que l'environnement, la santé, la pauvreté des enfants, ont en fait une dimension mondiale. C'est-à-dire qu'il faut en avoir une visée globale aussi bien que locale. L'aide au développement est un investissement stratégique à cet égard, puisque dans une économie fondée sur le savoir ce volet de notre action nous permet de contribuer à l'adoption de solutions aux problèmes que nous partageons avec les autres, tout en continuant à apprendre et nous informer.

Enfin, j'aimerais rappeler qu'en ce moment critique de notre histoire, le Canada a une mission et une obligation de leadership en matière de coopération internationale.

Premièrement, permettez-moi de dresser un tableau général de la situation. Pour le Canada, c'est une ère d'interdépendance mondiale sans précédent. Il n'y a pas très longtemps les bourses ont accusé une forte baisse en Asie, et les monnaies, piqué du nez, ce qui montre ce que signifie le terme d'interdépendance.

Bien que les marchés boursiers aient rebondi considérablement depuis quelques jours, la reprise à Toronto a été plus que modeste. Cela est dû en partie au fait que le marché canadien dépend plus étroitement du secteur des ressources naturelles, qui sera durement touché par la dépression asiatique. Mais il y a également une dimension humaine à cet effondrement des bourses. La semaine dernière, Barron's a estimé que les classes moyennes et les pauvres en Asie vont voir leurs revenus diminuer directement de 30 p. 100 suite à cet effondrement boursier.

À propos de l'état actuel du monde on peut dire deux choses: d'abord, la pauvreté prend des dimensions alarmantes et, deuxièmement, les inégalités ne cessent également de grandir.

Je dirai d'abord que les pauvres, à l'échelle mondiale, ne sont pas une minorité. En réalité, 4,3 milliards d'humains vivent aujourd'hui avec moins de 2 $ par jour. En dépit de la croissance économique rapide des 30 dernières années, l'écart entre les 20 p. 100 les plus riches de la planète et les 20 p. 100 les plus pauvres continue à se creuser. Il est d'ailleurs le double de ce qu'il était il y a 30 ans. Ça n'est pas un appel au fatalisme ni à la passivité. Il faut au contraire s'engager de plus en plus sur le terrain international.

Lorsque l'on parle d'aide, certains réagissent tout de suite en disant que la solution à la pauvreté mondiale est à chercher du côté des échanges et de l'investissement privé. Il ne fait aucun doute que le capital privé, et le commerce, sont d'une importance cruciale.

Un des problèmes, cependant, vient de ce que l'investissement privé n'est pas acheminé vers les pays les plus pauvres. En fait, l'an dernier, 73 p. 100 de l'investissement étranger direct s'est réparti sur 12 pays, dont deux seulement, l'Inde et la Chine, faisaient partie des pays pauvres.

Deuxièmement, cet investissement privé, de façon générale, contourne les secteurs tels que la santé et l'éducation. Je rappellerai que l'aide bien ciblée donne de bons résultats. Au cours des 30 dernières années, nous avons vu régresser le taux de mortalité infantile, et la malnutrition, alors que la scolarisation primaire croissait.

Malheureusement, les indicateurs sociaux des années 90 dans les pays pauvres montrent une stagnation ou un début de régression. C'est-à-dire que le terrain gagné au cours des 30 dernières années risque d'être perdu.

J'en arrive au deuxième point de mon exposé, à savoir que nous ne pouvons pas nous battre au Canada sur le terrain de la santé, de l'éducation et de la protection de l'environnement, sans donner une dimension mondiale à notre réflexion. Les déclarations de politiques du gouvernement canadien lui-même admettent que la politique extérieure est un prolongement de la politique intérieure, et je suis d'accord.

Si nous ne sommes pas capables d'investir pour un avenir sûr de l'humanité, nous en paierons le prix sous forme d'aide d'urgence, d'opérations de maintien de la paix, de vies humaines perdues et de dignité bafouée. Plus les Canadiens agiront à une échelle mondiale et globale, mieux ils seront placés pour faire profiter leur pays des solutions qui seront utilisées ailleurs.

Mon dernier point porte sur le rôle particulier que les Canadiens entendent voir jouer par le Canada sur la scène mondiale. Nous avons fait des efforts remarquables ces dix dernières années pour que notre pays profite du commerce international. Malheureusement, en matière de lutte contre la pauvreté, notre effort s'est terriblement relâché.

• 0925

L'an prochain, si les compressions du budget de l'aide sont appliquées comme prévu, le programme d'aide canadien sera à son plus bas depuis 30 ans. Nous sommes passés du cinquième rang, au sein de l'OCDE, au 11e rang. Depuis 1991-1992, et si les compressions prévues pour l'an prochain sont maintenues, nous aurons vu notre programme d'aide diminuer de 40 p. 100. C'est une défaite morale, à mon avis, qui ternit une réputation internationaliste durement gagnée, et cela nous laisse très démunis lorsqu'il s'agit de trouver ensuite des solutions à ces problèmes mondiaux.

Les citoyens canadiens sont prêts à aider les pauvres du monde, ils le prouvent par leurs contributions aux organisations bénévoles. En 1995, leur montant a été supérieur à celui de 1992 et atteint 400 millions de dollars.

Nous recommandons au comité de demander l'annulation de cette coupure de 8 p. 100 qui sera appliquée à l'aide au développement, l'an prochain, et de demander au gouvernement de fixer un calendrier qui permettra de redonner au Programme d'assistance publique au développement canadien toute son efficacité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Plewes, d'avoir posé la question dans une perspective mondiale.

Nous allons maintenant entendre l'honorable Warren Allmand, du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Bienvenue à un revenant.

L'hon. Warren Allmand (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux de pouvoir comparaître ce matin devant le comité, où je vois beaucoup de visages familiers. Je suis surpris de comparaître en même temps que des associations à vocation sociale, mais en regardant votre programme, j'ai noté qu'il n'y avait pas d'autre place pour les organismes traitant de politique internationale, de stabilité et de sécurité mondiales. Cependant, je suis heureux d'être parmi vous.

Quelques mots sur le Centre. Le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique est une institution canadienne dont la mission est mondiale. C'est un organisme indépendant qui travaille à la promotion et à la défense des droits de l'homme et des principes démocratiques tels qu'énoncés dans la Charte internationale des droits de l'homme, et cela en collaboration avec les sociétés civiles et les gouvernements au Canada et à l'étranger, dans le cadre de programmes—destinés principalement aux pays en voie de développement, mais pas exclusivement—conçus en fonction de ces objectifs, c'est-à-dire la promotion et la défense de la démocratie et des droits de l'homme.

En ce qui concerne les trois questions que vous avez posées en annonçant ces réunions, disons tout d'abord que le ministre des Finances a déclaré qu'il s'attend l'an prochain à une poursuite de la croissance économique et de la création d'emplois, et à l'élimination du déficit budgétaire... tout cela est très bien. Il y a également eu des rumeurs, ou même des déclarations, selon lesquelles il s'attend à ce que les recettes disponibles pour les programmes sociaux soient plus importantes.

J'approuve évidemment toute promesse du gouvernement visant à consacrer plus d'argent au développement social, à la santé et à l'enseignement supérieur, et à fixer des objectifs à long terme dans ce secteur, ce genre de promesse—comme ma collègue Betty Plewes, du secteur des ONG, l'a fait remarquer—doit s'accompagner d'un effort accru dans le domaine de la paix et de la stabilité internationales.

Les compressions des dernières années dans le secteur du développement international, de la résolution des conflits, de l'édification de la paix, du développement démocratique et de la promotion des droits de l'homme, ont eu des conséquences graves dans tous ces secteurs et menacé la paix et la sécurité internationales en même temps que notre effort de prévention des conflits.

Je dirais que ces compressions sont l'expression d'une myopie politique, puisque très souvent on se retrouve un peu plus tard avec une facture alourdie, lorsqu'il y a des guerres civiles ou des conflits internationaux qui débordent les frontières. Ces conflits coûtent au Canada, et aux autres pays, très chers en termes d'assistance d'urgence, de ressources supplémentaires au maintien de la paix, et de prise en charge de masses considérables de réfugiés, qui arrivent parfois sur nos propres rivages.

Tout conflit international nuit par ailleurs gravement aux échanges commerciaux et exige que l'on revoie les priorités des programmes nationaux, particulièrement aux programmes sociaux.

D'un point de vue simplement économique, il serait plus logique de se doter de programmes de développement international essentiels qui permettraient d'éviter ce genre d'accidents qui, à long terme, finissent par nous coûter plus cher.

• 0930

Si vous prenez par exemple les guerres civiles et régionales au Rwanda, en Somalie, en Yougoslavie, au Guatemala et au Moyen-Orient, ces conflits sont le résultat de violations des droits de la personne, de la suppression de la démocratie, des disparités économiques et de la pauvreté, de l'émergence d'élites économiques et politiques ou de la vente d'armes et d'un militarisme excessif. Par conséquent, nous devons nous occuper de ces questions si nous voulons réduire l'instabilité internationale.

En plus des raisons économiques—et je vous soumets les raisons économiques parce que vous êtes le Comité des finances—il y a aussi d'importantes considérations morales et humanitaires.

Les Canadiens voudraient-ils vivre dans un monde où les gens seraient indifférents à leur sort s'ils étaient soumis aux mêmes atrocités que celles qui ont été commises lors de l'Holocauste ou du génocide au Rwanda ou encore lors des violences ethniques en Bosnie?

Comme Betty Plewes l'a souligné, le budget de 1997 réduisait encore de 15 p. 100 l'aide publique au développement. Cette année, le pourcentage de l'aide publique au développement—cela comprend l'édification de la paix et les choses de ce genre—par rapport à notre PIB sera à son niveau le plus bas depuis le milieu des années 60, soit de 0,27 p. 100.

L'objectif de 0,7 p. 100 du PIB, qui avait été établi en 1970—un objectif d'ailleurs établi avec l'aide du Canada et dont le Canada est l'un des principaux partisans—nous échappe continuellement depuis le milieu des années 80. Seulement quatre pays l'ont atteint et nous devrions en faire partie, mais ce n'est pas le cas. Les quatre pays qui ont atteint l'objectif de 0,7 p. 100 sont le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède.

Ce qu'il y a vraiment de regrettable—et c'est là que je suis d'accord avec les recommandations de Betty Plewes—c'est que rien n'a été prévu jusqu'ici pour stabiliser ou accroître l'aide au développement au-delà des chiffres de 1998-1999, même si le déficit fédéral doit être éliminé et même si l'objectif initial sera largement dépassé.

Si vous examinez le document de politique intitulé Le Canada dans le monde, de 1995, un document publié par le gouvernement libéral en 1993, il y est dit et je cite:

    Conscient de l'importance de l'APD, le gouvernement demeure résolu à en améliorer l'efficacité et à se rapprocher de l'objectif de 0,7 p. 100 du produit national brut lorsque la situation financière du Canada le permettra.

Le budget de l'année prochaine devra le permettre et il faudrait donc prévoir des mesures pour stabiliser ou augmenter de nouveau l'aide publique au développement.

J'aurais plusieurs autres choses à dire. Notre propre petit organisme, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, a fait l'objet de compressions dans le cadre des coupures de 15 p. 100. Notre budget pour 1997-1998 a été réduit de 8,3 p. 100 et il le sera encore de 8,1 p. 100 l'année prochaine, ce qui représente environ 800 000 $ sur un budget qui était au départ de 5 millions de dollars. Cela représente donc une réduction considérable et des emplois seront éliminés ainsi que des programmes importants dans des pays clés.

En dernier lieu, vous avez soulevé la question de l'emploi. Les emplois que les Canadiens occupent dans le développement international sont d'excellents emplois et ils sont nombreux. Comme Betty Plewes l'a souligné, 100 ONG font partie du CCCI—Paix et Développement, OXFAM, le CUSO, Child Care et bien d'autres.

Dans le domaine du développement international, il y a toutes sortes d'emplois qui exigent une formation universitaire ou technique, par exemple des postes d'infirmières, de thérapeutes ou d'enseignants. Toutes sortes de gens travaillent dans ce domaine. Ce sont de très bons emplois.

Ma conclusion est la suivante: lorsqu'on consacre de l'argent à des mesures préventives pour maintenir la paix et la stabilité internationales, non seulement on atteint des buts humanitaires et sociaux, mais à long terme, on économise l'argent qu'il aurait fallu consacrer au maintien de la paix, à l'aide d'urgence et à l'établissement des réfugiés.

J'exhorte le comité à examiner les fonds que nous consacrons à ces activités, car nous n'avons pas pris suffisamment de mesures préventives. L'argent économisé pourrait servir à financer les programmes sociaux que l'Organisation nationale anti-pauvreté et les autres organismes préconisent.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci.

Je vous remercie de vos exposés de ce matin et d'avoir pris la peine de venir ici exprimer vos opinions.

• 0935

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les premiers exposés et ce que vous avez dit au sujet de la pauvreté au Canada, à savoir qu'elle a un visage humain. C'est certainement vrai. Je rencontre, dans ma circonscription, des gens qui ont du mal à joindre les deux bouts et qui sont touchés par les coupures dans la santé et les prestations d'aide sociale.

Afin de placer les témoignages de ce matin dans leur contexte et expliquer pourquoi nous en sommes là, je devrais peut-être mentionner que nous avons une dette nationale énorme et que la grosse somme d'argent perçue auprès des contribuables qui sert chaque année à payer l'intérêt sur cette dette à raison de 45 milliards de dollars par an, pourrait être dirigée vers les problèmes dont vous parlez.

C'est M. Shillington, je crois, qui a parlé de réductions d'impôt très sélectives pour répondre aux besoins des personnes qui souffrent. Je serais d'accord. Vous avez dit qu'il faudrait peut-être arrêter d'augmenter les impôts, ce sur quoi nous sommes d'accord également.

Vous avez parlé d'une réduction de la TPS. Vous avez dit que ce serait souhaitable pour aider les Canadiens à faible revenu tandis qu'une réduction générale de l'impôt sur le revenu n'aiderait peut-être pas autant les Canadiens à revenu modeste. Je reconnais que la réduction de la TPS aiderait certainement ces personnes.

Vous avez parlé également des revenus des retraités. Nous avons une génération de Canadiens qui ont travaillé fort pour bâtir ce pays pendant 40 ou 50 ans et qui ont mis de l'argent de côté pour leurs vieux jours. Vous avez parlé du plafond des REER. Le gouvernement songe peut-être à laisser les gens assumer un peu plus la responsabilité de leur avenir après la retraite. Il consacre de moins en moins d'argent à toutes ces questions.

J'ai également écouté attentivement le deuxième exposé. Il était intéressant de voir l'équilibre entre les deux. Nous nous soucions de la population de notre pays et également des gens qui sont dans le besoin dans le monde entier. Nous savons qu'au cours des années il y a eu de nombreux problèmes.

Je dois me demander quelles devraient être nos priorités dans le contexte international par opposition au contexte national. Le premier groupe de témoins a laissé entendre qu'il fallait s'intéresser à la population de notre pays avant de s'occuper de l'aide extérieure, même si ce sont deux choses très importantes.

J'ai une question à poser à M. Shillington. Vous avez parlé de réductions d'impôt sélectives pour venir en aide aux Canadiens à faible revenu. Je me demande si vous avez consulté des groupes ou songé à des mesures précises qui pourraient être mises en place pour aider ces personnes.

M. Richard Shillington: Je n'ai effectué aucune étude. Lynne sait que je m'intéresse à la question depuis plusieurs mois. Je vous exhorterais à demander au ministère des Finances de vous parler de diverses réductions d'impôt possibles—je me ferai un plaisir de vous en remettre une liste—et les conséquences que chacune d'elles aurait. Vous pourriez augmenter les crédits pour la TPS ou le crédit d'impôt pour enfants ou encore réduire la TPS.

Pour chacune de ces réductions d'impôt d'un milliard de dollars, quel pourcentage bénéficierait aux familles à faible revenu, par rapport à ce que ces dernières obtiendraient d'une augmentation du crédit pour TPS ou d'une réduction du taux de la TPS? Quels seraient les effets d'une réduction d'impôt générale ou d'une augmentation du crédit personnel? Dans quelle mesure les familles à faible revenu bénéficieraient-elles d'un relèvement du plafond des REER? Vous pourriez poser toutes ces questions au ministère des Finances. Je pense que c'est son rôle et non pas le mien.

• 0940

M. Grant McNally: Je suis d'accord avec vous sur ce point. Merci.

Examinons la situation dans son ensemble. Le fait est que nous avons une dette de 600 milliards de dollars. Nous consacrons un gros montant au service de cette dette et cela se répercute directement sur tous ces programmes. Nous devons établir les priorités. Le gouvernement s'est attaqué au déficit même si les membres de notre parti diraient qu'il l'a fait en augmentant les impôts sur le dos des défavorisés. Mais nous applaudissons le gouvernement pour s'être attaqué au déficit.

Mme Lynne Toupin: Me permettez-vous de répondre? Tout d'abord, pour ce qui est de la réduction de la dette, on part du principe que la croissance économique se poursuivra. Nous savons que si tel est le cas, la dette diminuera avec le temps.

Une deuxième chose qui nous préoccupe en tant qu'organisme qui représente les gens à faible revenu est que, si le gouvernement insiste beaucoup sur la réduction de la dette au lieu de se pencher sur les problèmes que nous avons décrits ce matin, c'est comme si vous choisissiez de rembourser votre hypothèque plutôt que de nourrir vos enfants. Il faut assurer un certain équilibre.

Nous ne sommes pas ravis de la proposition du gouvernement de répartir les fonds moitié-moitié, mais c'est certainement plus équitable que ce que préconise le Conseil canadien des chefs d'entreprises qui voudrait qu'on s'occupe uniquement de réduire la dette. Ce n'est pas raisonnable dans le contexte actuel.

Deuxièmement, il s'agit de se montrer prudent. C'est une bonne chose que mes collègues des organisations de développement international soient ici ce matin avec nous, car il est dangereux de dresser les priorités les unes contre les autres.

Pendant des années, nous avons convenu que pour remédier à la pauvreté, il fallait examiner le problème dans une perspective mondiale. Ce qui arrive aux pauvres du Canada aujourd'hui ressemble beaucoup à ce qui se passe à l'étranger. Cette question de priorité nous pose des problèmes. Les besoins sont grands dans les pays en développement. Malheureusement, les facteurs qui contribuent à la pauvreté sont plus ou moins semblables au Canada et dans les pays en développement.

Mme Betty Plewes: Il est certain qu'il est difficile d'établir les priorités dans ce contexte, mais elles ont été fixées. La réduction globale des dépenses de programmes du gouvernement a été de 23,5 p. 100. Au cours de la même période, le budget de la Défense a diminué de 28,7 p. 100. Le budget de l'aide au développement international a été réduit de 40 p. 100. Des choix ont donc été faits.

Nous disons que les choix doivent être guidés par un souci d'éliminer la pauvreté tant au niveau national qu'international. Ensuite, il s'agit d'examiner les moyens les plus efficaces de le faire avec les ressources dont vous disposez.

Il est certainement difficile d'établir ces priorités, mais la pauvreté et l'injustice augmentent au Canada et dans le monde. Nous devons nous y attaquer, car cela menace notre sécurité à long terme.

L'hon. Warren Allmand: Je voudrais simplement aborder la question de savoir s'il faut concentrer les efforts sur la pauvreté chez nous ou sur la scène internationale. Il ne faudrait pas avoir à choisir entre les deux.

J'ai essayé de souligner que si vous restez indifférents aux attaques contre la démocratie ou à la pauvreté dans les autres pays, tôt ou tard, nous en subirons les conséquences chez nous.

Prenez simplement l'exemple de la Somalie, de l'ex-Yougoslavie ou du Rwanda. Le Canada et la communauté internationale n'ont pas prêté suffisamment attention à ces problèmes. Voyez tout l'argent que nous avons fini par consacrer à l'aide d'urgence, au maintien de la paix et au rétablissement des réfugiés, sans oublier que nous avons dû accueillir chez nous un bon nombre de réfugiés de la Somalie et de l'ex-Yougoslavie. Cela nous a coûté beaucoup plus cher que des mesures préventives. Un vieil adage dit que ce qui menace la paix quelque part dans le monde menace la paix partout. Nous sommes tous touchés compte tenu de la mondialisation.

Ce n'est donc pas une question de choix. Il s'agit de s'attaquer à la fois aux problèmes nationaux et internationaux en assurant un juste équilibre entre les deux. Si nous sommes indifférents à l'un de ces problèmes, cela nous coûtera plus cher plus tard. Ce n'est pas une considération humanitaire ou sociale, mais une simple question économique.

Le président: D'autres observations? Madame Toupin.

• 0945

Mme Lynne Toupin: M. Allmand représente le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. En fait, le code des droits de l'homme représente deux séries de droits: les droits civils et politiques, mais aussi les droits économiques et sociaux. Encore une fois, je tiens à souligner la similarité entre le travail accompli dans les pays en développement et celui qui se fait au Canada.

Le Canada et toutes les provinces ont signé, en 1976, la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il y est question du droit à des choses fondamentales comme la nourriture, le logement et le fait de ne pas être forcé à travailler. Malheureusement, étant donné le contexte que j'ai décrit ce matin, les changements massifs apportés aux programmes d'aide sociale, le resserrement des conditions d'admissibilité, le fait qu'on refuse aux gens une aide essentielle, ce sont des droits qui ne sont pas respectés non plus au Canada.

Par conséquent, nous ne pouvons pas dire qu'il faut établir des priorités. Il faut examiner la situation à l'échelle mondiale.

Le président: Merci, madame Toupin.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Bonjour, mesdames et messieurs.

Je trouve très intéressant le sujet qui est abordé ce matin. Pour renchérir sur ce que vous avez dit, monsieur Allmand et madame Toupin, le fait de parler de pauvreté nationale et de pauvreté internationale, c'est un faux débat parce qu'il y a de plus en plus de vases communicants et que la planète devient un petit village, comme certains l'ont déjà dit avant moi.

De plus en plus, les immigrants qui arrivent au Québec, tout comme au Canada, ne sont pas des immigrants investisseurs et des gens riches, mais des gens qui sont dans l'impossibilité de vivre décemment dans leur pays d'origine et qui affluent vers des pays plus développés qui offrent des perspectives qui sont peut-être un peu plus roses.

Vous remarquerez, madame Toupin, que les statistiques sur la pauvreté indiquent qu'il y a eu un changement dans les origines socioéconomiques et ethnoculturelles des personnes pauvres. Et c'est un phénomène qu'on va rencontrer de plus en plus. Comme le disait M. Allmand tout à l'heure, les droits démocratiques bafoués sur le plan international nous retombent dessus sur le plan national à un moment ou un autre.

J'ai deux questions, l'une s'adressant à Mme Toupin ou à M. Shillington, et l'autre, à Mme Plewes ou à M. Allmand.

Madame Toupin, vous avez mentionné tout à l'heure l'exacerbation de la pauvreté, et je trouvais que vous étiez un peu timide par rapport aux moyens que vous proposiez. Les statistiques sur l'incidence de la pauvreté au Canada indiquent qu'elle a augmenté au cours des cinq dernières années. On parle de 14 p. 100 et d'une augmentation de 20 p. 100 depuis 1989 si ma mémoire est bonne. Ces 5 millions de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, ces 1,5 million d'enfants pauvres, représentent les mêmes chiffres qu'en 1993.

Alors, je me demandais si vous n'étiez pas trop timide comme groupe revendicateur parlant au nom des personnes qui en arrachent le plus dans la société. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'être un peu plus agressif?

On sait que dès cette année—de toute façon, le ministre Martin nous a toujours caché les vrais chiffres jusqu'à ce que ces vrais chiffres tombent sur la table et deviennent publics—, il faut prévoir pour l'exercice en cours, se terminant le 31 mars 1998, un surplus de quelque 5 milliards de dollars.

Alors, n'y aurait-il pas lieu, étant donné l'urgence nationale, de rehausser le niveau de vie de ces personnes que vous représentez? Ne devriez-vous pas être plus revendicateurs à cet égard?

Mme Lynne Toupin: Monsieur Loubier, si j'ai l'air timide, c'est peut-être parce que c'est la cinquième fois que je comparais devant ce comité.

M. Yvan Loubier: Je le sais, j'étais présent à toutes les fois.

Mme Lynne Toupin: Nous avons traversé des temps très difficiles, alors que les compressions budgétaires étaient effectuées. Vous avez tout à fait raison. À mon avis, les gens qui ont payé le prix de ces compressions et ceux qui le paient encore aujourd'hui, ce sont les plus démunis.

Cela étant dit, je pense qu'il y a une espèce de frustration qui s'installe. Nous représentons les plus démunis, les gens à faible revenu qui sont sur le marché du travail et les bénéficiaires de l'assistance sociale. Les assistés sociaux sont les gens qui sont vraiment les plus durement touchés.

Malheureusement, quand on vient ici, au gouvernement fédéral, il n'y a aucun intérêt pour cette question. Vous n'avez qu'à regarder les discours du Trône ou la présentation de M. Martin; on parle d'éducation et de santé, mais on ne touche pas du tout à la question des assistés sociaux. Je reconnais que c'est un champ de juridiction provinciale, mais cela étant dit, je vous dis qu'il y a une crise qui s'installe ici. Je vais vous dire honnêtement qu'on ne sait plus comment le dire. On le chante sur tous les tons. Mais il semble que, non seulement on ne soit pas intéressé à comprendre qu'il y a une espèce de crise qui se dessine dans nos communautés, mais, ce qui est encore pire, les personnes pauvres à qui on parle chaque jour nous disent que maintenant les gens sont visés dans la pauvreté, qu'on leur dit que c'est leur faute. On leur dit d'aller se trouver un emploi et de sortir de leur misère.

• 0950

Eh bien, je m'excuse, mais dans les régions comme la péninsule nord du Nouveau-Brunswick, c'est plutôt difficile. La semaine dernière, je rencontrais un dame qui a fait toutes les bonnes choses: elle est retournée à l'université, elle prend des cours et elle fait tout ce qu'il y a à faire, mais elle ne peut pas sortir de l'assistance sociale. C'est là qu'une espèce de frustration qui s'installe.

Nous commençons une campagne appelée Pauvreté Zéro. On a bien réussi au niveau fédéral à réduire le déficit et à l'amener à zéro. Si on pouvait apporter la même attention à régler le problème grandissant de la pauvreté au Canada et si on y mettait les mêmes énergies, on pourrait faire du chemin. Mais, monsieur Loubier, je vais vous le dire honnêtement: il n'y a pas de volonté politique au niveau fédéral.

M. Yvan Loubier: Par contre, la situation a changé depuis vos quatre autres comparutions: il y a une perspective de surplus pour l'an prochain. Ceux qui ont payé le plus, comme vous l'avez dit, ce sont les personnes qui reçoivent l'aide sociale. Bien que cela soit de juridiction provinciale, la pauvreté est universelle; il n'y a pas de juridiction, d'autant plus que le gouvernement fédéral contribue au financement des programmes d'aide sociale dans les provinces canadiennes. Alors, il y aurait peut-être lieu de hausser un peu le ton.

En ce qui a trait à ce que disait M. Shillington au niveau de la fiscalité, c'est peut-être là qu'est la clef. Il y a deux ans, nous avons commencé un travail de déblayage de la fiscalité canadienne. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des deux analyses qu'on a proposées pour le rééquilibrage de la fiscalité des particuliers et des sociétés. Cela comprend justement des idées pour rendre la fiscalité un peu plus équitable et un peu plus proactive sur le plan social.

Je vous donne un exemple. On a des exemptions d'impôt pour les frais de garde d'enfants. Nous, ce qu'on proposait, après une analyse de la situation de ceux et celles qui en profitaient le plus, c'était de transformer cette exemption en crédit d'impôt remboursable pour faire en sorte que ceux et celles qui ne paient pas d'impôt puissent retirer un certain bénéfice de la fiscalité.

Je vous ferai parvenir ces deux documents qui pourront peut-être être une base de réflexion dès cette année.

Mme Lynne Toupin: Absolument.

M. Yvan Loubier: Ma deuxième question, si vous me le permettez, monsieur le président, porte sur le développement international. Je suis très sensible à cette question parce que mes origines sont dans le syndicalisme agricole. Je me rappelle que lorsqu'on faisait des voyages pour favoriser des échanges avec des organismes paysans partout dans le monde, l'Union des producteurs agricoles du Québec mettait la priorité sur les pays en voie de développement.

Je m'aperçois que la situation brésilienne qui existait à la fin des années 1980 n'a pas connu beaucoup de changements. Je me rappelle qu'au niveau de la démocratisation et des moyens de production, on disait qu'au Brésil, il y avait 14 millions de paysans sans terre. Cela n'a pas changé; il y en a 14,5 millions selon le dernier recensement. Au niveau de la propriété privée, on devait aussi avoir une réforme agraire extraordinaire depuis le début des années 1980. On s'aperçoit qu'il y a encore des aberrations mentales comme la famille Madeira, au Brésil, qui dispose d'à peu près 6 millions d'hectares de terres arables. C'est plus que l'ensemble des terres arables au Québec.

Je constate aussi que dans les pays industrialisés, des pays riches comme le Canada, par exemple, il y a un laxisme au niveau du discours international sur la démocratie et sur la démocratisation des moyens de production.

Monsieur Allmand ou madame Plewes, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de demander au gouvernement canadien de revenir aux meilleures dispositions qui existaient dans les années 1960, par exemple, alors le Canada a été un leader mondial à partir de M. Pearson, un leader mondial au niveau des droits démocratiques internationaux et de l'amélioration du sort des pays en voie de développement?

Moi, j'ai l'impression que plus personne n'en parle, qu'on sabre à tour de bras dans les budgets de l'ACDI, par exemple, et qu'on se préoccupe beaucoup plus du redressement de la situation nationale. Mais la situation nationale au niveau du budget est maintenant redressée. Il y a maintenant des perspectives nouvelles qui s'annoncent et il faudrait peut-être penser à reprendre un rôle un peu plus actif et un peu plus intelligent dans ce dossier-là. Je vous demanderais vos commentaires, monsieur Allmand et madame Plewes, s'il vous plaît.

L'hon. Warren Allmand: Bien que je ne sois pas un expert en agriculture, je vous dirai simplement que concernant la démocratie internationale et la démocratie dans d'autres pays, vous avez complètement raison. Le Canada, sous le gouvernement de Lester B. Pearson ainsi que ceux qui lui ont succédé, a été un leader mondial au chapitre de ces initiatives.

• 0955

C'était le Canada, avec plusieurs autres pays, qui avait établi cet objectif de 0,7 p. 100 du produit national. La situation actuelle ne reflète pas uniquement l'investissement dans l'agriculture, mais aussi dans les institutions démocratiques de ces pays et le renforcement de leurs institutions, soit les syndicats, les associations civiles, etc.

Dans son document de 1993, comme je le mentionnais, le gouvernement avait promis qu'une fois que la question du déficit serait résolue, on pourrait commencer à stabiliser ou même à augmenter les sommes versées. Mme Plewes pourrait peut-être commenter sur l'agriculture, qui ne fait pas partie de notre mandat.

M. Yvan Loubier: Juste un petit commentaire par rapport à ça, monsieur Allmand. Dans plusieurs des pays en voie de développement, comme la plupart des pays latino-américains, le secteur agricole, comme je l'ai mentionné, est la clé de la démocratisation.

L'hon. Warren Allmand: Exactement.

M. Yvan Loubier: Si, par exemple, les 14 millions de pauvres au Brésil sont des paysans qualifiés, mais n'ont pas accès à cette propriété-là, on fout la démocratie en l'air parce que ces gens-là n'ont aucun droit, même si dans sa réforme agraire de 1984, le gouvernement avait promis qu'on leur donnerait des terres s'ils défrichaient. Ils défrichaient et ils se faisaient ensuite tuer par les rancheros et les pistoleros, comme on appelle ces tueurs à gage engagés par des grands propriétaires terriens. C'est là la clé de la démocratie. Dans les pays africains, c'est la même chose. Les moyens de production, c'est un autre problème, par contre.

Nous parlions de l'évolution du commerce mondial tout à l'heure et disions que c'était ça, la clé du développement des pays en voie de développement. Mon oeil, ce n'est pas la clé. C'est la clé pour continuer à les mettre dans l'embarras et les empêcher de gagner honorablement leur vie, puisqu'à partir des politiques de commerce international, on fait du dumping à tour de bras dans les pays latino-américains, même avec le blé canadien et le boeuf des États-Unis. Après cela, on se demande pourquoi il y a absence de démocratie et pourquoi il y a de la dictature et des guerres civiles. C'est le point de départ. Si vous ne pouvez pas manger, si vous ne pouvez pas vivre, eh bien, vous ne pensez pas à la démocratie.

[Traduction]

L'hon. Warren Allmand: Dans plusieurs pays d'Afrique et d'Amérique latine, les gouvernements n'autorisent même pas les associations d'agriculteurs, de campesinos, de paysans. Elles sont interdites. Ces agriculteurs ne peuvent donc même pas se réunir pour s'organiser et pour faire savoir à leurs gouvernements ce dont ils ont besoin. Nous travaillons avec les associations de campesinos et de pauvres agriculteurs des autres pays pour les aider à s'organiser, sur leur demande.

Nous ne nous occupons pas d'agronomie, mais de ce dont vous avez parlé, de la permission... et qu'arrive-t-il? Si vous ne permettez pas aux gens de s'organiser et d'exprimer leurs opinions, vous avez des révolutions qui poussent des millions de réfugiés à quitter leur pays. J'ai déjà mentionné tous ces problèmes.

Le président: Madame Plewes.

Mme Betty Plewes: Il y a actuellement des exemples d'initiatives pour lesquelles le Canada joue un rôle de chef de file. Je voudrais en parler.

Le Canada a joué un rôle de chef de file en ce qui concerne le traité interdisant les mines anti-personnel. Le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont joué un rôle extrêmement important en dirigeant ce processus sur la scène internationale en collaboration avec des ONG du monde entier. Nous tenons à dire que c'est là une activité essentielle que nous appuyons.

Le ministre des Affaires étrangères s'est également porté à la défense des droits de la personne en Birmanie et au Nigeria. Il a beaucoup insisté sur les droits des enfants au niveau international.

Ce sont là certains des domaines dans lesquels le Canada joue un rôle de chef de file.

Il faut également souligner qu'à notre avis l'aide extérieure n'est pas la solution à ces problèmes internationaux. Nous avons besoin d'une politique étrangère cohérente dans laquelle l'aide extérieure, la politique commerciale, la politique environnementale et la politique agricole contribueront toutes à l'élimination de la pauvreté. Il y a également de nombreux exemples, tant au niveau international qu'au Canada, de politiques qui manquent de cohérence.

Par exemple, nous venons de publier la semaine dernière, The Reality of Aid, qui examine les programmes d'aide des pays de l'OCDE. Cet ouvrage donne l'exemple de la Suisse dont les avions bombardent des camps de réfugiés de Birmanie dont l'établissement a été financé en partie avec l'argent de l'aide extérieure suisse.

Au Canada, le gouvernement canadien a annulé une partie de son processus d'évaluation environnementale de façon à autoriser la vente de réacteurs CANDU à la Chine.

• 1000

Il y a aussi la Société pour l'expansion des exportations du Canada qui a accordé un prêt de plusieurs milliards de dollars pour la construction du barrage des Trois Gorges en Chine, un projet qui a été rejeté par la Banque mondiale et l'ACDI parce qu'il va déplacer des millions de gens.

Autrement dit, pour résoudre les problèmes dont nous discutons, il nous faut une politique étrangère cohérente qui met l'accent sur le développement humain durable. Nous avons soulevé la question de l'aide au développement ici parce que vous êtes le Comité des finances. Nous avons parlé de cette question de façon plus générale avec le Comité des affaires étrangères, plus tôt cette semaine.

Il est également vrai que de nombreuses ONG s'intéressent à la sécurité alimentaire et aux politiques agricoles à long terme et que la collaboration du gouvernement canadien est bonne sur ce plan, mais il faut que l'élimination de la pauvreté et la promotion de la justice sociale et de l'équité deviennent davantage prioritaires au Canada.

L'attention a tellement été centrée sur l'élément commercial de la politique étrangère qu'il faudrait s'intéresser davantage à l'aspect humanitaire. Si ce budget était stabilisé et si les compressions prévues pour l'année prochaine étaient annulées, on enverrait un signal très important tant au niveau national qu'international.

Le président: Merci beaucoup. Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

De toute évidence, ce budget traduira des choix et, comme vous l'avez souligné, madame Plewes, nous avons déjà fait certains choix. Hier, nous avons reçu l'Association de la défense du Canada qui pense qu'une bonne politique étrangère doit comprendre une bonne composante de défense, que nous n'y consacrons pas assez d'argent et que c'est une très mauvaise chose.

Lors des discussions qui ont suivi, j'ai entendu un commentaire intéressant que j'avais déjà entendu, à savoir qu'il n'y a pas de pauvreté au Canada, que c'est seulement une question de seuil. Si ce seuil est trop haut, beaucoup de gens tombent en dessous. Gzowski a pourtant présenté une excellente émission, un matin, sur la pauvreté et les personnes qui dépendent des banques d'alimentation. Ces gens ont été décrits comme se regroupant pour chasser car c'est ainsi qu'ils mènent leur vie.

J'aimerais savoir ce que vous pensez des objectifs de 50 p. 100, 25 p. 100 et 25 p. 100. Au début de la semaine, nous avons entendu des groupes qui n'appuyaient pas les réductions d'impôt, mais d'après les discussions qui ont eu lieu par la suite, ils seraient d'accord avec des réductions d'impôt qui soustrairaient à l'impôt un plus grand nombre de gens à faible revenu.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la façon dont nous abordons le problème de la pauvreté au Canada, que vous nous disiez s'il y a de la pauvreté au Canada, comment nous nous acquittons de certaines de nos obligations sur la scène mondiale et ce que vous pensez des objectifs de 50 p. 100, 25 p. 100 et 25 p. 100.

Mme Lynne Toupin: Si les gens ne croient pas qu'il y a de la pauvreté au Canada, je me ferai un plaisir de les amener se promener avec moi. La pauvreté existe malheureusement au Canada.

Oui, vous avez toutefois raison de dire qu'il y a actuellement un débat sur la façon dont on mesure la pauvreté. Ce n'est pas nouveau. Cela remonte à la fin des années 80. M. Shillington connaît bien la question, car il travaillait au CCDS à l'époque. C'était sous le gouvernement conservateur lorsque Barbara Greene a présenté son rapport et cette idée est en train de réapparaître.

Je ne vois pas d'objection à en discuter. Il est vrai que la notion de seuil de la pauvreté est difficile à comprendre. Il y a peut-être une meilleure méthode. Cela dit, j'ai peur que nous ne passions beaucoup de temps à établir quel est le seuil de la pauvreté au lieu de nous soucier de ceux qui vivent en dessous de ce seuil et qui sont pauvres.

Si les gens se posent des questions, certains conseils de planification sociale du Canada sont en train d'examiner combien il en coûte pour vivre dans une région donnée. Par exemple, Winnipeg vient de terminer une étude avec la banque d'alimentation, pour savoir ce qu'il en coûte pour vivre à Winnipeg. La liste des dépenses est très détaillée. On a ensuite examiné ce qu'obtenaient les assistés sociaux. Il y a évidemment un manque et ce manque frôle le seuil de la pauvreté. C'est peut-être une meilleure façon d'expliquer aux Canadiens à quel point la situation des pauvres s'est détériorée.

Pour ce qui est des 50 p. 100, 25 p. 100 et 25 p. 100, encore une fois, personnellement, je voudrais réinvestir dans les programmes sociaux, beaucoup plus que le gouvernement n'a décidé de le faire. Ces quatre dernières années ont été extrêmement difficiles pour les gens à faible revenu à cause de la réduction de l'aide sociale, du manque de programmes de formation et du manque de débouchés. Je crains fort que nous n'ayons marginalisé les plus pauvres d'entre les pauvres.

• 1005

Je voudrais donc que l'on investisse particulièrement dans ce domaine. Cela dit, je ne voudrais pas que l'on consacre beaucoup plus d'argent à la réduction de la dette. Si la croissance économique est solide, la dette diminuera avec le temps.

Encore une fois, il nous est très difficile de venir ici, car nous savons que le gouvernement fédéral n'est pas prêt à jouer un rôle plus important dans l'élimination de la pauvreté. Si nous avons formulé ces recommandations ce matin, c'est sans doute parce que nous essayons d'être pragmatiques.

Nous centrons notre attention sur le besoin réel des gens d'accéder à l'enseignement postsecondaire et nous reconnaissons aussi que le ticket modérateur maintenant exigé dans les services de santé du pays pénalise les pauvres. Il faut tenir compte de leurs budgets limités.

Par exemple, au Nouveau-Brunswick—et je suis sidérée d'avoir à le répéter depuis cinq ans—une personne célibataire et employable doit vivre avec 250 $ par mois, se vêtir, se nourrir et se loger. Je ne sais pas comment les gens se débrouillent. Nous allons devoir nous pencher vraiment sur cette question.

M. Richard Shillington: Me permettez-vous d'ajouter quelques mots?

Le président: Certainement, monsieur Shillington. Allez-y.

M. Richard Shillington: Cela fait très longtemps que je m'intéresse à la définition de la pauvreté.

En novembre, Campagne 2000, un regroupement d'organisations de lutte contre la pauvreté, présentera son rapport annuel. Selon ce rapport, la pauvreté s'est accrue d'environ 50 p. 100 depuis 1989, d'après le seuil de pauvreté établi par Statistique Canada. Certains prétendront que cela ne veut rien dire, parce qu'ils veulent que le mot «pauvreté» soit réservé à ceux qui meurent de faim.

Dans le cadre de cette étude, nous avons simplement examiné le nombre d'enfants qui vivent dans des familles dont le revenu est inférieur à 20 000 $. Ce nombre a augmenté d'environ 50 p. 100 depuis 1989, si l'on tient compte de l'inflation. Par conséquent, même si vous prenez une chose aussi simple à comprendre que la situation des enfants qui vivent dans une famille dont le revenu est inférieur à 20 000 $, leur nombre a augmenté de 50 p. 100 également.

Cela va continuer. Je ne comprends pas comment des gens à l'aise peuvent se sentir menacés quand le gouvernement essaye d'aider les enfants pauvres. Malheureusement, cela devient un débat sur la définition de la pauvreté plutôt que sur la lutte contre la pauvreté.

Le président: Monsieur Allmand.

L'hon. Warren Allmand: Betty, vous avez mentionné les choix difficiles que vous allez devoir faire et ce que le gouvernement devra également faire dans le budget. Vous avez fait allusion au témoignage que l'Association de la défense a présenté hier, je crois. Il s'agit de se demander si c'est en renforçant l'action militaire que l'on peut éliminer les menaces qui pèsent sur la sécurité internationale.

Prenons les conflits qui se déroulent actuellement dans le monde. Ce sont des guérillas ou des actes de terrorisme. La plus grande puissance militaire au monde, les États-Unis, a été au Vietnam pendant 11 ans et a été battue. Ce n'est pas parce qu'elle ne disposait pas de suffisamment d'équipements militaires. C'est parce que les puissances coloniales qui étaient là avant ne s'étaient pas attaquées aux causes du problème. Ils ont laissé le Vietnam dans une situation de pauvreté, de dissension et avec un manque d'institutions démocratiques. C'est ce qui a causé cet événement.

Je suis convaincu que si la sécurité internationale nous préoccupe, la solution n'est pas d'investir davantage dans l'action militaire. Il s'agit de s'attaquer aux causes des problèmes.

Le président: Merci, monsieur Allmand.

L'hon. Warren Allmand: Merci.

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci. Ma question s'adresse à Mme Plewes.

Vous avez dit avoir été préoccupée par la vente de réacteurs CANDU à la Chine. Vous savez probablement que le gouvernement du Canada a vendu un réacteur et en construit deux ou trois autres pour la Roumanie.

Il y a environ un an, je suis allé en Roumanie et j'ai parcouru des régions rurales. D'ailleurs, hier même, j'ai rencontré le ministre de l'Agriculture de la Roumanie. Je crois savoir que les Roumains sont d'avis que, pour assurer le développement, pour créer une certaine richesse pour les paysans—les agriculteurs, etc.—il faut de l'électricité et de l'énergie. Étant donné que dans ces pays, il y a peu d'eau ou de cours d'eau puissants, une des rares sources d'électricité reste l'énergie nucléaire; on construit ensuite des réseaux maillés dans les régions rurales pour fournir de l'électricité aux usines. Ainsi, on peut accroître le niveau technologique et la productivité.

• 1010

Il est intéressant de noter que cette situation s'apparente à celle des Autochtones du nord du Canada. J'ai eu un entretien avec le chef Billy Diamond, du Québec, l'autre jour; les communautés autochtones du Nord voudraient construite de petites génératrices sur les rivières pour obtenir ainsi de l'électricité à peu de frais.

Ils m'ont dit qu'ils ne veulent plus recevoir d'aide sociale d'Ottawa. Parlez-en au chef Phil Fontaine et aux autres. Ils préconisent le développement économique durable pour assurer l'autonomie des collectivités pour redonner espoir aux jeunes et attirer des investissements. Lorsque j'ai vu la situation en Roumanie, monsieur le président, je me suis dit que cela ressemblait beaucoup à la situation des régions rurales de Chine et des Autochtones du nord du Canada.

J'ignore quel est le principal obstacle à la participation du gouvernement du Canada dans ce genre de projet, si ce sont nos Autochtones, qui sont les plus pauvres d'entre les pauvres au Canada, les Roumains, qui sont très pauvres, ou les Chinois des régions rurales, qui sont aussi extrêmement pauvres. Mais je ne vois aucune incohérence dans cette politique puisque nous tentons de les aider à vivre une vie meilleure et plus productive. En dernière analyse, n'est-ce pas ce que nous devrions tenter de faire?

Mme Betty Plewes: Demandez à qui que ce soit sur la planète s'il préférerait vivre dans une économie florissante, où il peut produire des biens pour répondre aux besoins de son propre pays et participer aux échanges commerciaux internationaux, ou recevoir de l'aide de l'étranger, vous avez parfaitement raison, n'importe qui choisirait la première option.

Toutefois, à l'heure actuelle, le problème, c'est que l'économie internationale ne fait qu'accroître la pauvreté et l'iniquité; les forces du marché font en sorte que de plus en plus de gens s'appauvrissent. Le marché même redistribue mal les richesses. Pour l'instant, l'aide extérieure est encore l'un des principaux outils de lutte contre la pauvreté.

Ce que je voulais dire au sujet des réacteurs CANDU, c'est que nous devons examiner les relations du Canada avec les pays en développement pour déterminer s'il y a des incohérences, si nous ne faisons pas dans nos programmes d'aide à l'étranger la promotion de certains buts et objectifs qui sont contredits par notre programme de commerce international.

Nous tentons, dans notre secteur, de solutionner le dilemme que représente la relation entre les droits de la personne et le commerce international. Quelles sont les responsabilités des pays et des sociétés transnationales en ce qui concerne leurs activités dans les pays du Tiers monde où on viole les droits de la personne, où on fait fi des règles en matière de travail, où il y a des désastres environnementaux? C'est pour cela qu'a été créé le Centre international. Les réponses à ces questions ne sont pas faciles; il n'y a pas de solution miracle. Ce qui compte, c'est d'amorcer le dialogue sur ces questions. Que tentons-nous d'accomplir grâce aux échanges commerciaux? Que tentons-nous d'accomplir grâce à la coopération pour le développement?

En outre, j'estime que nous imposons trop de responsabilités à notre programme de coopération pour le développement. Bien qu'il ait été réduit de 40 p. 100, nous avons ajouté à l'enveloppe de l'aide au développement 10 millions de dollars pour le maintien de la paix, 5 millions de dollars pour Radio Canada International et 5 millions de dollars pour la formation de policiers haïtiens par la GRC. D'autres dépenses qui étaient auparavant assumées par le ministère des Affaires étrangères ou de l'Agriculture sont dorénavant du ressort de l'aide au développement. Toutes ces activités sont utiles, mais on ne peut continuer de réduire si radicalement le budget de l'aide au développement tout en lui imposant de nouvelles responsabilités et s'attendre à ce que le programme soit efficace et bien ciblé. Il est irréaliste de s'attendre à ce que notre programme d'aide puisse assumer toutes ces responsabilités additionnelles.

Le président: Merci, madame Plewes.

Madame Toupin, je vous prie.

Mme Lynne Toupin: J'aimerais ajouter une remarque sur la situation au pays. M. Iftody a dit que les assistés sociaux souhaitent ne plus dépendre de l'aide sociale. C'est vrai, ils veulent désespérément sortir de cette situation.

M. David Iftody: Excusez-moi, mais je faisais plus particulièrement allusion à mes entretiens avec des leaders autochtones du Canada. Je tiens à le préciser.

Mme Lynne Toupin: Oui, et je dirais qu'il en est de même pour les non-Autochtones.

M. David Iftody: D'accord. Merci.

Mme Lynne Toupin: Cela dit, les questions de développement économique et de développement communautaire suscitent de plus en plus d'intérêt dans les collectivités à faible revenu qui cherchent des façons de créer des possibilités et des débouchés.

• 1015

À cet égard, j'encourage fortement le Comité des finances à recommander qu'on examine attentivement certaines initiatives. Par exemple,

[Français]

il y a l'économie sociale au Québec, qui donne des résultats au niveau de la création d'emplois dans des communautés à faible revenu. Il y a peut-être là un modèle qu'on peut regarder et considérer pour l'extérieur du Québec.

[Traduction]

Dans la région de Kitchener—Waterloo, on a mis sur pied un partenariat de 1,2 million de dollars qui a eu pour effet manifeste de réduire la pauvreté. Grâce à certaines initiatives, on fait travailler les gens.

Il y a toutefois des obstacles. Ainsi, en Alberta, il existe des programmes de microcrédit, mais les prestataires d'aide sociale qui peuvent obtenir 500 $ ou 1 000 $ de crédit pour lancer un projet se voient ensuite refuser l'aide sociale. Il y a encore des obstacles, et nous espérons que vous vous pencherez sur certaines possibilités intéressantes. Ce n'est pas la solution, mais c'est peut-être une piste de solution pour les gens à faible revenu de certaines régions.

Le président: Monsieur Allmand.

L'hon. Warren Allmand: Monsieur Iftody, lorsqu'on parle d'aide, on ne parle pas de simplement donner de l'argent, même si cela est parfois nécessaire. On parle d'aide au développement, que ce soit l'aide au développement économique ou l'aide au développement démocratique.

Ainsi, notre centre tente d'aider les organisations locales à accroître leur capacité de sorte qu'elles puissent lutter elles-mêmes pour leurs propres droits. Nous ne mènerons pas la bataille pour elles; nous collaborons avec elles afin qu'elles puissent être assez autonomes pour se défendre elles-mêmes. Il en va de même pour les agriculteurs ou... nous leur donnons les moyens de se défendre eux-mêmes. C'est de cela que nous parlons essentiellement.

Lorsque nous n'avons pas pu faire cela, nous accordons de l'aide d'urgence. Lorsque la situation est désespérée, nous devons donner de l'argent parce qu'il n'y a pas d'autres façons d'aider les gens à survivre.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions? Madame Redman suivie de M. Szabo.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Mme Toupin a peut-être déjà répondu à la question. Bien des gens nous ont fait valoir de façon convaincante que l'élimination du déficit a un prix. Je félicite le gouvernement d'avoir su éliminer le déficit. À mon avis, c'était nécessaire.

Cette semaine, nous avons entendu entre autres un témoignage sur la R-D, dans le domaine scientifique et médical, ainsi qu'en matière de sciences sociales. J'aimerais savoir quel rôle vous envisagez pour la recherche. Les témoins que nous avons entendus nous ont dit qu'il y avait hémorragie dans ce secteur, à un point tel que la R-D risque de disparaître au Canada. Si nous n'investissons pas dans ce domaine, nous assisterons à une véritable fuite des cerveaux.

J'aimerais savoir quel avantage il y aurait, d'après vous, à investir dans ce genre de recherche. Je crois que c'est M. Shillington qui a fait ces remarques, mais je n'en suis pas certaine.

J'aimerais savoir aussi quel mécanisme le gouvernement fédéral pourrait utiliser pour déterminer comment les provinces investissent les fonds qui leur sont accordés par le biais du Transfert social canadien. Nous avons entendu des opinions divergentes à ce sujet, d'une province à l'autre.

Mme Lynne Toupin: En ce qui concerne la recherche, particulièrement en matière de développement social, j'en reviens au concept du développement économique communautaire. Il y a toutes sortes d'initiatives et de projets qui doivent être étudiés ensemble d'une façon exhaustive afin qu'on sache ce qui marche, parce que certaines initiatives sont de francs succès. Malheureusement, il n'y a pas une seule organisation qui puisse faire tout ce travail seule.

Dans notre cas, je crois qu'il faut aller de la recherche au développement de projets-pilotes précis, que ce soit en augmentant le budget des projets sous-financés qui auraient pu porter des fruits durables ou en amorçant des projets dans d'autres domaines. Il y a déjà des initiatives intéressantes menées autant par le gouvernement que par le secteur à but non lucratif. Le gouvernement de la Saskatchewan a lancé une initiative intéressante dans le cadre de laquelle on a rassemblé les ressources de 11 quartiers à faible revenu pour évaluer les résultats. Mais il nous faudrait un genre de dépôt pour toutes les informations de ce genre.

Pour pouvoir poursuivre deux de nos projets de recherche après la disparition du RAPC, nous avons dû chercher nos informations sur les différents programmes et ressources province par province. Depuis l'élimination du RAPC, il est extrêmement difficile de savoir ce qui a été modifié et quels ont été les effets de ce changement. C'est malheureux, parce que si nous voulons concevoir de meilleures politiques, nous avons besoin de ces informations qui ne sont centralisées nulle part au niveau fédéral.

Le président: Monsieur Allmand.

• 1020

L'hon. Warren Allmand: La recherche me paraît essentielle, mais il faut trouver le juste milieu, encore une fois. Dans le domaine de l'agriculture, la recherche qui a été faite sur le développement de nouvelles graines et de nouveaux engrais a mené à une révolution verte qui a complètement transformé l'Asie du Sud-Est et certaines régions du monde où, auparavant, on mourait de faim. Grâce à la recherche qui est menée partout dans le monde, la recherche sur le régime alimentaire et les nouvelles façons de prévenir ou de guérir certaines maladies infantiles, des problèmes ont été résolus. La recherche est absolument nécessaire, que ce soit en science pure ou en sciences sociales, si nous voulons régler ces problèmes.

C'est une question d'équilibre; il faut qu'il y ait suffisamment d'argent pour la recherche, pour les programmes, pour la sécurité sans oublier l'un ou l'autre de ces secteurs. Je crois que certains ont été négligés au cours des dernières années, ce qui va à l'encontre de notre tradition.

Le président: Madame Plewes.

Mme Betty Plewes: C'est une question clé. Il y a le Centre de recherches pour le développement international et l'Institut international du développement durable ainsi que des organisations locales qui représentent un réservoir énorme de connaissances.

N'oublions pas le rapport sur le développement humain du PNUD de cette année. Nous n'avons pas besoin de plus de technologies, de connaissances ou de capacités pour éliminer la pauvreté. À ces chapitres, nous avons essentiellement ce qu'il faut. Le problème, c'est le manque de leadership et de volonté politique.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je voudrais poser deux ou trois questions, rapidement, à Mme Toupin. Je m'en tiendrais à cela.

Dans votre exposé, vous avez fait deux ou trois allusions aux parents seuls qui vivent dans la pauvreté. J'en sais un peu sur le sujet. De tous ceux qui vivent dans la pauvreté, quel pourcentage est constitué de mères et de pères célibataires?

Mme Lynne Toupin: Environ la moitié des parents seuls sont pauvres, mais il est vrai que ce n'est qu'un petit pourcentage de tous ceux qui vivent dans la pauvreté. Je ne voudrais pas qu'on cite ces chiffres. Je peux vous trouver les statistiques à ce sujet, monsieur Szabo, mais je sais que la vaste majorité des parents seuls sont en fait des gens qui ont déjà vécu en concubinage ou été mariés. Le pourcentage des mères célibataires qui touchent de l'aide sociale est relativement faible.

M. Paul Szabo: Ils sont divorcés ou séparés, pas célibataires.

Mme Lynne Toupin: Ils sont divorcés ou séparés. Ils sont maintenant chefs de famille monoparentale.

M. Paul Szabo: C'est une question de terminologie. On s'attire plus facilement la sympathie du public si on se dit mère seule plutôt que mère divorcée.

Cela m'amène à la question de savoir dans quelle mesure la pauvreté découle de l'éclatement de la famille. Vous représentez une organisation nationale de lutte contre la pauvreté. Lorsqu'une famille se désintègre, tous ses membres se retrouvent presque instantanément sous le seuil de la pauvreté.

Combien de gens sont pauvres parce qu'ils n'ont jamais eu quoi que ce soit, par opposition à ceux pour qui tout allait bien et qui sont devenus pauvres après l'éclatement de leur famille? Ces statistiques m'apparaissent vitales, car il y a une différence entre la pauvreté inhérente et la pauvreté fabriquée.

Mme Lynne Toupin: Statistique Canada a rendu public un rapport sur les causes de la pauvreté qui ne contenait toutefois pas de données précises. Si vous le souhaitez, je peux trouver cette étude pour vous. La pauvreté est due en partie à l'éclatement de la famille, mais un pourcentage plus grand des gens ont indiqué qu'ils étaient devenus pauvres après avoir perdu leur emploi et n'avoir pu en trouver un autre.

M. Paul Szabo: Je vais vous remettre un exemplaire de ceci, un livre que j'ai rédigé sur ce sujet. En fait, Statistique Canada signale que les familles monoparentales ne représentent que 12,3 p. 100 de toutes les familles canadiennes, mais que l'ensemble de ces familles comptent 43 p. 100 des enfants vivant dans la pauvreté.

Mme Lynne Toupin: Oui, cela me semble juste.

M. Paul Szabo: Ces données m'apparaissent cruciales.

Pour terminer, je voudrais aborder vos remarques sur l'accès à l'enseignement postsecondaire. Ce que vous avez dit est très important, et je suis entièrement d'accord avec vous. J'espère que tous les députés appuieront toute initiative en vue d'accroître l'accès à l'enseignement postsecondaire. Notre système de valeurs devrait être tel que personne, quelle que soit sa situation économique, ne devrait se voir refuser la possibilité d'apporter sa contribution à la société et de réaliser son plein potentiel.

• 1025

Vous avez soulevé la question de l'endettement des étudiants. Quel pourcentage de tous les étudiants qui ont des dettes—seulement 25 p. 100 des étudiants ont des dettes—viennent de familles pauvres?

Une voix: Je ne crois pas que ces données...

Mme Lynne Toupin: Je l'ignore. En décembre ou en janvier, nous rendrons public un rapport qui contiendra beaucoup d'information sur les étudiants à faible revenu. Malheureusement, comme je l'ai dit tout à l'heure, les étudiants à faible revenu ont toujours été sous-représentés dans les établissements d'enseignement postsecondaire, surtout dans les universités. Nous n'avons pas su améliorer l'accès à l'enseignement postsecondaire et, avec le niveau d'endettement actuel, il semble que cet accès est de plus en plus réduit. Il est difficile de trouver des informations à ce sujet, et nous avons dû les adresser au Conseil des ministres de l'Éducation du Canada.

M. Paul Szabo: J'ai fait des petites recherches, et je crois que chez les étudiants aussi il y a de la pauvreté fabriquée, simplement parce que cela peut se faire.

Je voulais aussi vous poser une question...

M. Richard Shillington: J'aimerais ajouter une remarque sur l'enseignement.

En fait, j'ai deux observations à faire. Premièrement, je comprends qu'on se concentre sur l'enseignement postsecondaire, mais il faut reconnaître que la pauvreté a comme conséquence, entre autres, de réduire les chances d'obtention du diplôme d'études secondaires. Cela ne s'applique pas qu'aux pauvres. Plus le revenu est faible, plus le risque de reprendre une année est élevé. Ce n'est pas qu'une question d'être pauvre ou non. Les familles à revenu modeste risquent aussi davantage... Si en vous concentrant sur l'enseignement postsecondaire vous permettez davantage de facturation dans ce qu'on appelle les écoles publiques, vous avez manqué le bateau.

M. Paul Szabo: Non, je ne me concentre pas sur l'enseignement postsecondaire. Seulement, Mme Toupin nous a parlé de l'endettement des étudiants de niveau postsecondaire.

Cinquante-deux pour cent des jeunes en chômage n'ont pas de diplôme d'études secondaires. Leur taux de chômage est de 23,8 p. 100. Ça, je le sais. Je n'ai pas manqué le bateau.

En ce qui a trait au TCSPS, pour ma part je trouve injuste que vous disiez que notre gouvernement préfère se laver les mains des problèmes d'assistance sociale, etc.

Par exemple, les recettes de la province de l'Ontario ont baissé de 6,1 milliards de dollars, dont 1,2 milliard de dollars provenaient de la réduction du transfert social canadien et le reste, plus de 4 milliards de dollars, des réductions d'impôts de Mike Harris. Les recettes de la province ont baissé essentiellement parce que le gouvernement de l'Ontario a décidé que la population de la province avait davantage besoin d'une réduction d'impôts que de programmes sociaux ou de dépenses additionnelles au titre des soins de santé ou de l'éducation. C'est essentiellement la même chose dans la plupart des autres provinces, bien que ce soit un peu différent dans les Maritimes en raison d'autres facteurs aggravants.

Avez-vous demandé aux provinces pourquoi elles n'accordaient pas plus d'attention aux programmes sociaux? Nous ne pouvons leur dicter ce qu'elles feront de leur argent. Les transferts aux provinces ne sont pas assortis de conditions. Il incombe aux provinces de prendre ces décisions. Vous avez critiqué le gouvernement fédéral; avez-vous été quatre fois plus critiques à l'égard du gouvernement provincial?

Mme Lynne Toupin: Oui, notre organisation a critiqué les provinces. Nous reconnaissons que c'est le gouvernement provincial qui a fait ce choix, mais soyons clairs. On leur a versé des sommes devant être consacrées aux soins de santé, à l'enseignement postsecondaire et à l'aide sociale. Les provinces savaient où faire les compressions: là où c'était le plus acceptable du point de vue politique, et c'est ce qu'elles ont fait.

Vous avez créé ce problème en adoptant la méthode du transfert global sans normes nationales pour l'aide sociale. J'espère que le gouvernement fédéral en est au moins conscient. Nous tentons d'amener les gouvernements provinciaux à changer leur façon de faire, mais c'est très difficile. C'est une véritable partie de ping-pong: on nous dit: «Adressez-vous au gouvernement fédéral, car c'est lui qui a réduit les transferts; nous avons été obligés de réduire les dépenses.» La situation est très difficile.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Au nom de tous les membres du comité, je remercie les témoins de ce qui a été une table ronde très intéressante. Elle a été non seulement intéressante, mais elle a aussi soulevé des questions très sérieuses sur lesquelles notre comité doit se pencher.

Madame Toupin et monsieur Shillington, notre pays doit faire face à la pauvreté qui sévit au pays. Madame Plewes, monsieur Allmand, nous vous savons gré d'avoir mis en relief le contexte international des questions dont nous traitons dans le cadre de nos consultations prébudgétaires. Il ne fait aucun doute que nous devons relever de nouveaux défis et faire de nouveaux choix avec l'émergence d'une nouvelle économie. Néanmoins, ces enjeux doivent être remis dans leur contexte. J'espère que nous, comme vous, saurons contribuer à améliorer la qualité de vie des Canadiens, notre but commun à tous.

• 1030

Merci beaucoup.

La séance est suspendue pour cinq minutes.

• 1031




• 1037

Le président: Nous poursuivons nos travaux avec la deuxième table ronde de la journée.

Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances tient des consultations prébudgétaires pour entendre les vues des Canadiens sur les mesures qui doivent être prises dans le prochain budget, compte tenu de la nouvelle réalité économique du Canada. Pour la première fois depuis longtemps, notre budget sera probablement équilibré, et nous pourrions avoir un excédent sous peu.

Nous accueillons maintenant Dean Wilson, président de l'Association des industries de l'automobile du Canada; David Leonhardt, directeur des Relations avec le public et les gouvernements de l'Association canadienne des automobilistes; Catherine Swift, présidente-directrice générale, et Garth Whyte, vice-président aux affaires nationales et à la recherche, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; Debra Ward, présidente de l'Association de l'industrie touristique du Canada; et George Miller, président de l'Association minière du Canada. Je vous souhaite la bienvenue.

Comme vous le savez, vous avez environ cinq minutes pour présenter vos remarques liminaires. Il y aura ensuite une période de questions.

Je cède d'abord la parole à M. Dean Wilson.

M. Dean Wilson (président, Association des industries de l'automobile du Canada): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je représente l'Association des industries de l'automobile du Canada, l'association professionnelle nationale qui représente l'industrie des pièces d'automobile. Nos membres sont des manufacturiers, des reconstructeurs, des distributeurs, des grossistes et des grands détaillants de pièces et d'accessoires, d'outils et de matériel d'entretien et de réparation d'automobiles. Nous comptons plus de 2 000 membres de toutes les régions du Canada. Le chiffre d'affaires de notre secteur est d'environ 14 milliards de dollars.

Pour répondre à la première question, à savoir quelles hypothèses économiques faudrait-il appliquer à 1998 et 1999, je me baserai sur une étude de perspectives que nous avons menée pour notre secteur. Je vous en remettrai un rapport.

• 1040

Nous prévoyons que la croissance du PIB ralentira, passant d'environ 3 p. 100 en 1997 à 2,4 p. 100 en 1998 et à 2 p. 100 en 1999. Les taux d'intérêt vont rester assez stables, oscillant entre 5,5 p. 100 et 6,5 p. 100 au cours des prochaines années. L'inflation va augmenter légèrement, passant d'environ 1,9 p. 100 cette année à 2,1 p. 100 en 1998 et à 2,4 p. 100 en 1999. Le chômage ne va diminuer que légèrement, passant à 9 p. 100 en 1998 et à 8,4 p. 100 en 1999. C'est le chômage chez les jeunes, à 16 p. 100, qui pose le plus grand défi.

Nous estimons qu'un budget fédéral équilibré est réalisable pour 1997-1998, d'autant plus que le ministre des Finances vient d'annoncer que le déficit sera de 8,9 milliards de dollars pour 1996-1997. Un petit surplus est réalisable dans le budget fédéral de 1998, peut-être de l'ordre de 5 milliards de dollars.

Nous proposons d'employer la moitié de cette somme pour réduire la dette en fonction d'un plan fixant un objectif précis pour chacune des trois années suivantes. Il conviendrait de rembourser la dette étrangère avant la dette nationale.

Le reste du surplus devrait servir à consentir des baisses d'impôt sélectives et à appuyer des initiatives visant expressément à réduire le chômage, à stimuler la croissance économique et à augmenter l'aide publique.

La deuxième question porte sur les investissements stratégiques et les changements au régime fiscal que nous recommandons.

Premièrement, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait ouvrir les négociations avec les provinces en vue de généraliser la taxe de vente harmonisée à l'échelle du pays. On devrait leur offrir une incitation économique à harmoniser la taxe de vente, qui n'est ni efficiente ni efficace pour les entreprises ou les consommateurs.

Deuxièmement, nous sommes d'avis qu'il faudrait alléger le fardeau fiscal des petites entreprises en faisant passer de 200 000$ à 300 000$ le seuil de la déduction qui leur est accordée, compte tenu du fait que le coût de la vie a augmenté de 40 p. 100 depuis qu'il a été fixé en 1984.

Je ferai aussi remarquer que notre secteur a constaté qu'il y a beaucoup de détaillants de services de réparation et d'entretien dans l'économie souterraine. Faute de pouvoir mettre au pas ces entreprises illégitimes, qu'on allège au moins la fiscalité des entreprises et qu'on réduise la taxe de vente afin de les inciter à sortir de l'ombre.

Nous demandons aussi au gouvernement d'accorder aux techniciens, aux apprentis et aux ouvriers de l'industrie de l'automobile une réduction d'impôt au titre des outils qu'ils achètent. Il pourrait s'agir d'une simple déduction d'impôt sur le revenu ou d'un crédit, comme c'est le cas des dons de charité. Cette mesure contribuerait à réduire le chômage chez les jeunes tout en comblant un grand besoin technique dans l'industrie de l'automobile.

Enfin, quelle serait la meilleure façon pour le gouvernement de faire en sorte qu'il y ait un large éventail d'occasions d'emploi?

Premièrement, il faut faciliter l'accès des jeunes au métier de technicien de l'automobile en accordant une déduction d'impôt sur le revenu au titre des outils, comme je viens de le mentionner.

Deuxièmement, il faut modifier la loi sur l'assurance-chômage en vue de consacrer une partie du fonds à l'emploi des jeunes, ceux qui ne sont pas autrement admissibles à une aide. Il faut faire preuve de créativité pour cibler la formation en faveur des 16 p. 100 de jeunes chômeurs.

Troisièmement, il faut multiplier les initiatives jeunesse comme le programme Jeunes stagiaires que le Conseil du service d'entretien et de réparation automobiles du Canada administre conjointement avec le gouvernement et l'industrie, comme un programme d'apprentissage. Par suite de la dévolution de la formation de la main-d'oeuvre aux provinces, des programmes de ce genre sont plus difficiles à mettre en oeuvre. Le problème des jeunes, c'est que sans expérience ils n'arrivent pas à obtenir d'emploi et que, sans emploi, ils n'arrivent pas à acquérir d'expérience.

Nous proposons également une réduction des charges sociales, par exemple l'assurance-emploi, afin d'encourager les employeurs à embaucher davantage de gens.

Cela conclut mon exposé, monsieur le président. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilson.

Notre témoin suivant est M. David Leonhardt, directeur des Relations avec le public et les gouvernements de l'Association canadienne des automobilistes. Bienvenue, monsieur Leonhardt.

M. David Leonhardt (directeur, Relations avec le public et les gouvernements, Association canadienne des automobilistes): Je vous remercie, monsieur le président.

La plupart d'entre vous nous connaissent, mais pour préciser les choses à l'intention des nouveaux députés, je vous rappellerai que nous comptons quatre millions de membres, dont chacun est automobiliste. Ne nous confondez pas avec le secteur de l'automobile: nos membres ne fabriquent ni ne réparent des voitures, mais ils sont au nombre de quatre millions. Ce sont les gens de vos circonscriptions qui conduisent des voitures.

• 1045

Ceux d'entre vous qui s'intéressent à notre action des dernières années ont certainement beaucoup entendu parler du réseau routier de notre pays. Je ne vais donc pas consacrer trop de temps à vous expliquer de quoi il s'agit, car j'ai confié à la greffière un document de référence très complet. Je résumerai donc tout simplement en précisant que seulement 3 p. 100 de nos routes—il ne s'agit pas de toutes les routes, simplement des grandes artères—servent aux échanges interprovinciaux et internationaux, tels que le commerce et le tourisme.

Cela a nécessité d'obtenir un financement conjoint stable, fédéral et provincial, et à long terme nous bénéficions du soutien d'un grand nombre de groupes d'intérêts: le secteur des poids lourds et celui du tourisme, les chambres de commerce dans tout le pays, les fabricants qui font leurs expéditions par la route—tels que 3M, John Deere et Ford—les organisations de sécurité et la Fédération canadienne des municipalités.

Je vais, sans tarder, entrer dans le vif du sujet et laisserai donc de côté les hypothèses économiques et les facteurs de prudence. Il m'est impossible, en effet, en moins de 10 minutes, de dire quoi que ce soit d'intéressant.

Et je veux parler d'investissements stratégiques, parce que c'est, à notre avis, ce que représente le réseau routier national pour le gouvernement fédéral. Il existe trois catégories de stratégies, l'une étant l'économie: quoi qu'on fasse ou dise, que ce soit le nouveau ou l'ancien système économique, une bonne part de la circulation se fait par la route, qu'il s'agisse de touristes en voiture ou d'expéditions par camions. Les routes dont nous parlons sont celles qui constituent les fondements de notre économie nationale, à savoir les échanges nationaux et internationaux du commerce et du tourisme. Leur intérêt stratégique ne saurait être sous-estimé.

Si l'on examine maintenant l'aspect santé et sécurité, se rend-on bien compte que chaque année l'état médiocre de notre réseau routier national est la cause directe de 160 décès et de 2 300 accidents entraînant des blessures? Il est possible de remédier à cet état de choses: sont en jeu non seulement la sécurité et la santé de nos citoyens, mais il faut également, stratégiquement parlant, prendre en compte les coûts médicaux et hospitaliers.

Enfin, la Transcanadienne en particulier et dans une certaine mesure également le reste de notre réseau routier national font partie intégrante de ce que nous considérons l'essence de notre nation, la façon dont nous assurons les échanges les uns avec les autres, que ce soit pour des raisons commerciales ou autres.

Je voudrais attirer l'attention des membres du comité sur ce qui se passe actuellement en Nouvelle-Écosse, plus précisément dans 32 jours, lorsque la Transcanadienne va inaugurer le premier système de péage que nous ayons jamais eu. Le Nouveau-Brunswick compte suivre, dans la foulée, et imposer un péage sur un nouveau tronçon de la Transcanadienne qu'il est en train de refaire.

Il ne s'agit pas là d'intérêts locaux, et de commerce interprovincial et international. Nul ne pourra plus quitter Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse ou une bonne moitié du Nouveau-Brunswick sans acquitter un péage.

Permettez-moi d'illustrer la situation par un exemple concret: imaginez un casier à homards installé en travers de la Transcanadienne: les voitures de commerce et de tourisme qui y circulent vont passer à la casserole.

Le gouvernement fédéral est en train de perdre la maîtrise de l'un des atouts stratégiques dont il dispose pour gérer l'économie; il renonce également à sa responsabilité, car nous parlons ici de commerce interprovincial. Ce dont nous avons besoin, c'est qu'il reprenne en main une partie tout au moins de cet investissement stratégique.

Vous nous avez également demandé ce que nous pensons des débouchés qui s'offrent dans la néo-économie, mais je me demande toujours ce que peut bien vouloir dire le terme «néo-économie».

J'entends parler de biotechnologie, d'informatique, de loisirs et de divertissements, de nouveaux procédés de fabrication, mais tout ne tourne pas seulement autour des ordinateurs.

Toute l'infrastructure de nos vies... qu'avez-vous, par exemple, dans votre maison? Des aliments, de l'équipement ménager. Ces aliments sont peut-être bien préparés selon des technologies de pointe, mais il faut toujours encore les acheminer dans les magasins, où les gens doivent aller faire leurs achats en voiture pour ensuite les transporter à la maison. Où que vous regardiez, les systèmes stéréophoniques, les bateaux à moteur, les ordinateurs, tout ce que vous avez dans vos bureaux et chez vous doit être transporté par la route.

Les routes elles-mêmes font partie de cette nouvelle technologie de pointe, et je voudrais vous faire remarquer qu'au Canada nous avons une chose appelée le réseau ISIS: il s'agit d'un réseau de technologie de pointe et de recherche et de développement, auquel participent plusieurs universités canadiennes à la recherche de méthodes plus perfectionnées et meilleur marché de construction de routes, visant à les rendre plus durables et d'un entretien moins coûteux.

• 1050

La chance nous est offerte de puiser à cette technologie canadienne, de l'introduire dans notre réseau routier et de la mettre en vedette pour le monde entier, parce qu'il s'agit vraiment, en l'occurrence, d'un de ces secteurs prometteurs de la néo-économie. Dans le monde entier, mais en particulier dans certains des pays en voie de développement, on cherche à construire des réseaux routiers de qualité.

À tous égards les routes font donc partie intrinsèque de la nouvelle économie, non seulement pour les débouchés qu'elles offrent à l'emploi, mais également, comme je le disais tout à l'heure, comme investissement stratégique si elles sont bien conçues.

En résumé, la CAA est venue vous affirmer qu'il s'agit là d'une responsabilité fédérale—tout au moins pour les autoroutes qui constituent le réseau routier national—que c'est une responsabilité partagée avec les provinces que d'assurer l'infrastructure de base qui permet la circulation, interprovinciale et internationale des produits du commerce. Ce dont le Canada a besoin, c'est davantage qu'une poignée de projets régionaux ici et là; c'est d'un investissement stratégique dans le système routier.

Le Canada mérite mieux que des arrangements de fortune conclus, à l'occasion, avec l'une ou l'autre province pour un petit tronçon d'autoroute. Le Canada a besoin d'un financement stable, à long terme, pour son réseau routier.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Leonhardt

Nous avons maintenant pour témoin la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, représentée par Catherine Swift et Garth Whyte. Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Catherine Swift (présidente, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Je vous remercie, monsieur le président. C'est toujours un plaisir de comparaître devant vous pour vous exposer le point de vue de nos 88 000 membres, à savoir les petites et moyennes entreprises canadiennes.

Je vais commencer par répondre brièvement aux questions posées par le comité, et je mentionnerai ensuite quelques autres questions d'importance pour les petites entreprises. Vous devez avoir reçu un exemplaire de notre mémoire, qui a en annexe plusieurs tableaux regroupant les données de plusieurs sondages que nous avons effectués, au cours des dernières années, auprès de nos membres.

Notre organisation ne se lance pas, en matière de perspectives économiques générales, dans le genre de prévisions macroéconomiques que font, entre autres, certaines institutions financières. Nous procédons régulièrement à des sondages de nos membres pour voir quelle est la confiance qu'ils placent dans l'économie et ce qu'ils attendent en matière de création d'emplois et d'investissements.

Les petites et moyennes entreprises canadiennes témoignent maintenant d'un niveau de confiance qui rejoint enfin le sommet précédent, qui remonte à 1989. Nous mettons actuellement ces résultats à jour et les publierons sous peu, probablement d'ici un mois.

Nous prévoyons au moins deux autres années de vigoureuse croissance économique, de l'ordre de 3 à 3,5 p. 100 en termes réels, peut-être même davantage, malgré les soubresauts qu'ont connus, au cours de la dernière semaine, les marchés financiers.

Quand nous examinons les diverses options il ne fait aucun doute que nous entrons dans une nouvelle ère fiscale, que nous accueillons favorablement. Les petites entreprises voudraient que priorité soit donnée à la réduction de la dette et de l'impôt, et non à des dépenses supplémentaires. Nous avons souvent consulté nos membres sur ces questions, et la grande majorité d'entre eux est en faveur du maintien de l'austérité financière.

Les petites entreprises considèrent que le projet actuel de consacrer 50 p. 100 de ce qu'on appelle le dividende budgétaire à des nouvelles dépenses, et l'autre moitié à la réduction de la dette et de l'impôt, ne constitue pas la bonne formule et risque de nous amener des ennuis.

On ne l'a que trop vu à la fin des années 80, lorsque les diverses administrations de notre pays ont gonflé leurs dépenses parce que la croissance rapide de l'économie les y encourageait—et c'est exact, à l'époque, nous pouvions nous le permettre—mais ce faisant elles ont accumulé des dettes phénoménales qui nous ont causé de graves problèmes et ont amené, au début des années 90, une récession plus brutale qu'il n'était nécessaire. Espérons que ces pénibles souvenirs ne se sont pas encore évanouis et que nous saurons résister à suivre la même pente. Ce n'est pas le moment d'augmenter les dépenses: l'économie connaît une reprise; ce qu'il nous faut faire maintenant, c'est activer la reprise de l'emploi.

Nous en arrivons à la récente déclaration, sur l'économie, du ministre des Finances, et voudrions y relever plusieurs points. Ce qui préoccupe le plus les petites entreprises à l'heure actuelle, c'est ce dont il est question à propos du soi-disant dividende budgétaire, à savoir, en réalité, l'excédent du compte de l'assurance-emploi.

Cet excédent atteint actuellement près de 12 milliards de dollars. Cet argent est utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles l'excédent est accumulé, tout au moins dans l'esprit des cotisants. Employeurs et employés considèrent que ces fonds devraient être utilisés à des fins liées à l'emploi, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Nous envisageons également une augmentation des cotisations au Régime de pensions du Canada—augmentation considérable qui s'élèvera à partir du 1er janvier à 66c. par 100 $ de cotisations—ainsi qu'une augmentation rétroactive pour une partie de 1997, qui se répercutera au printemps prochain sur l'impôt sur le revenu personnel et sur celui des entreprises.

• 1055

Compte tenu de cette augmentation prévue des charges sociales, nous considérons qu'il devrait y avoir, en contrepartie, une diminution des cotisations à l'assurance-emploi, afin de ne pas dresser davantage d'obstacles à la création d'emplois et à la croissance économique. Puisque cette caisse est en excédent et que l'excédent s'accumule, c'est certainement là un objectif réalisable, qui constitue pour les petites entreprises une priorité de premier ordre.

Nos membres sont également en faveur d'une séparation de la caisse de l'assurance-emploi de celle des recettes générales, afin qu'à l'avenir il ne soit plus possible de procéder à des transferts de fonds de ce genre.

Il existe un autre élément du programme d'assurance-emploi qui est important pour les petites entreprises: c'est le nouveau programme d'embauche, mis en place à la fin de l'an dernier pour 1997. J'ai trouvé dans ce document un tableau sur l'accueil réservé à ce programme. Nous avons constaté que près de 40 p. 100 de nos membres, soit un nombre significatif, appliquaient le programme et y trouvaient des effets bénéfiques, mais une grande proportion d'entreprises, malheureusement, n'étaient pas au courant de son existence. Il faut compter en général plusieurs années pour assurer la diffusion, auprès de toutes les petites entreprises, d'un programme de ce genre.

Notre organisation a fait de son mieux pour informer les gens, mais nous voudrions, à la suite de cette constatation, voir des changements au nouveau programme d'embauche pour 1998. Ce programme vise à considérablement réduire la diminution des coûts de l'assurance-emploi pour les nouveaux employés, la faisant passer à 25 p. 100 de ce qu'elle est actuellement, de sorte que cette mesure incitative perdra beaucoup de sa force en 1998.

Nous recommandons que le niveau de 100 p. 100 soit maintenu pour 1998. Nous pensons en effet qu'il convient de solidifier la création d'emplois, qui a connu une vigoureuse reprise au cours des derniers mois, et c'est là l'un des moyens de le faire. Nous recommandons également que le gouvernement adopte la même procédure qu'en 1993, lorsque les employeurs, qui à l'époque n'étaient pas au courant de l'existence de ce programme, ont bénéficié d'une période de grâce leur permettant d'en profiter rétroactivement au cours des années suivantes.

Il y a une autre question importante pour les petites entreprises, c'est celle des REER. Le gouvernement actuel a décrété un plafond de 13 500 $ pour ce programme, qui est particulièrement important pour les propriétaires de petites entreprises et leurs employés, ceux-ci n'étant pas en mesure de bénéficier du genre de régime de pensions que connaît le secteur public et celui des grandes entreprises. Nous recommandons donc que le plafond des REER soit augmenté à 14 500 $ en 1998, à 15 500 $ en 1999 et qu'ensuite il continue à augmenter au taux de croissance du maximum annuel des revenus ouvrant droit à pension. Compte tenu des changements au RPC prévus pour l'année prochaine, nous considérons qu'il s'agit là d'une priorité de grande urgence.

Autre question qui a pris de l'importance ces dernières années: l'augmentation et la prolifération des droits prélevés sur les entreprises de services publics autrefois payés par les recettes fiscales générales. Les petites entreprises sont, dans l'ensemble, en faveur de l'imputation des frais aux usagers, ce qui leur paraît juste et équitable, mais quand ce genre de droits sont prélevés en plus des niveaux actuels d'imposition et qu'aucune réduction de coûts ne vient compenser cette augmentation il faut y voir là simplement un impôt supplémentaire.

À cet égard il nous paraît être à l'avantage de tous les contribuables que le gouvernement publie annuellement avec le budget les recettes provenant des droits, licences et autres coûts similaires, et que le gouvernement donne au Conseil du Trésor les ressources nécessaires pour assurer l'application de directives justes portant sur le recouvrement des coûts, en particulier leur impact sur les petites entreprises.

Il existe plusieurs autres questions importantes. Le gouvernement fédéral a bénéficié, au cours des dernières années, du phénomène de non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, les tranches d'imposition et l'exemption personnelle de base n'ayant pas été indexées à l'inflation au-dessus de 3 p. 100. Cela a eu pour effet de gonfler le Trésor de milliards de dollars provenant de gens passés dans une tranche supérieure. Dans le budget de 1998 ces tranches devraient être entièrement indexées à l'inflation, de même que l'exemption personnelle de base.

De toutes les questions qui préoccupent les petites entreprises le fardeau de l'imposition continue à venir en tête. De récents sondages montrent que cette préoccupation est devenue plus lancinante au cours de la dernière année, plusieurs impôts ayant augmenté pour diverses raisons, sans qu'il y ait eu pour autant de réduction.

• 1100

Mon collègue du secteur de l'automobile mentionnait le fait que le taux d'imposition des petites entreprises sur les premiers 200 000 $ de recettes était resté le même depuis sa création en 1981. Nous considérons, compte tenu simplement de l'inflation, que ce plafond devrait passer à 400 000 $.

Il y a deux ans le ministre de l'Industrie et le ministre des Finances ont publié un rapport dans lequel il y avait une recommandation visant à simplifier l'application de ce processus en créant moins de problèmes, et en passant par étapes progressives de 200 000 $ ou de 300 000 $ à un plafond de 400 000 $. Nous demandons au comité de réexaminer cette recommandation contenue dans le rapport intitulé Franchir les obstacles: bâtir notre avenir. C'était une façon très pratique d'améliorer le régime fiscal des petites entreprises.

Une autre mesure fiscale actuelle qui devrait certainement être conservée, c'est l'exemption à vie pour gains en capital de 500 000 $ pour les petites entreprises et pour les agriculteurs.

Dans d'autres domaines fiscaux, le traitement fiscal des régimes de soins de santé et de soins dentaires constitue également un problème important. L'exemption fiscale actuelle pour les régimes de soins de santé et de soins dentaires auxquels cotisent les employeurs devrait être élargie pour y inclure les travailleurs indépendants non constitués en sociétés. Les gens ne sont pas autorisés actuellement à déduire ce que leur coûtent ces régimes, ce qui constitue une injustice flagrante. Dans son rapport de l'an dernier le Comité des finances a, à cet égard, formulé une recommandation, et nous recommandons que celle-ci soit appliquée dans les plus brefs délais.

La dernière question que vous posiez portait sur la meilleure façon pour le gouvernement de veiller à créer une vaste gamme de débouchés pour tous les Canadiens, et demandait comment le gouvernement pourrait aider ceux-ci à améliorer leur instruction et leurs qualifications. Notre économie est certainement de plus en plus basée sur le secteur des petites et moyennes entreprises, comme le montrent tous les chiffres dont nous disposons. La croissance dans ce secteur ne peut donc que nous rapprocher de ces objectifs plus vastes.

Du point de vue de l'employeur nous continuons certainement à voir des emplois restés vacants parce que la main-d'oeuvre canadienne n'a pas, en nombre suffisant, les qualifications nécessaires, et parallèlement il existe un chômage dont le niveau est inacceptable.

Il y a un an la FCEI a publié une étude sur ce sujet intitulée «On Hire Ground», et nous en faisons une actuellement sur le chômage des jeunes et les questions d'emploi. Nous avons pu constater que les entreprises sont pleines de bonne volonté pour former les employés aux qualifications qui leur sont nécessaires dans leurs entreprises, mais elles considèrent qu'une instruction de base—la lecture, le calcul, l'utilisation d'ordinateurs, mais également une certaine éthique du travail, des qualités telles que la fiabilité, la discipline, la capacité de travailler avec un minimum de surveillance, la souplesse d'adaptation—tout cela devrait, partiellement tout au moins, être inculqué dans le système public d'éducation.

Certes, beaucoup de ces questions relèvent de la compétence des provinces, mais nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral pourrait influer sur la situation en prenant des mesures fiscales et réglementaires qui ne constituent pas—c'est le moins qu'on puisse en attendre—un frein à l'embauche. Beaucoup des problèmes que j'ai mentionnés tout à l'heure tombent dans cette catégorie. Ce serait une façon, en dernier ressort, de réduire ces pénuries de qualifications que nous constatons actuellement.

Il est encore une question qui est importante pour les petites entreprises, c'est la diminution des règlements et de la paperasserie. Le ministre du Conseil du Trésor a annoncé que le forum conjoint du gouvernement fédéral sur la diminution de la paperasserie a complété la première étape de son mandat. C'est une entreprise que nous considérons très réussie, et nous espérons qu'il y aura une deuxième étape. Nous recommandons que le gouvernement continue et élabore un mandat pour une stratégie de phase deux, parce qu'un grand nombre de petites entreprises souffrent encore de ce problème.

En conclusion, il existe un grand nombre de domaines prioritaires pour lesquels des mesures devraient être prises, mais les petites entreprises continuent à avoir pour principe fondamental que les augmentations d'impôt de toutes sortes doivent être évitées et qu'il conviendrait de procéder à certaines réductions d'impôt. Les prochaines années offrent une occasion idéale de mettre en place un régime de dépenses et d'impôt équitable pour tous les Canadiens, et supportable tant en période de croissance économique qu'en période d'austérité.

À court terme il est toujours tentant d'augmenter les dépenses, mais nous espérons que les pénibles leçons d'un passé récent sont encore suffisamment présentes à l'esprit des décideurs pour leur permettre de prendre les bonnes décisions pour l'avenir de tous les Canadiens.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Swift.

Nous allons maintenant donner la parole à Mme Debra Ward, représentante de l'Association de l'industrie touristique du Canada. Bienvenue, madame Ward.

Mme Debra Ward (présidente, Association de l'industrie touristique du Canada): Je vous remercie.

L'Association de l'industrie touristique du Canada est l'organisme national représentant les positions de l'industrie touristique du Canada. À cet égard, un grand nombre des positions très bien défendues par les témoins précédents rejoignent des préoccupations de notre propre secteur: problèmes qui se posent aux petites entreprises, en matière d'infrastructure, puisque 85 p. 100 du secteur touristique est aux mains de petites entreprises. Ces positions ont été si bien présentées que je m'abstiendrai de répéter ce qui a déjà été dit.

Je voudrais m'attacher aux avantages spécifiques que le tourisme présente pour l'ensemble du pays ainsi que pour le gouvernement du Canada, dans la poursuite de ses propres objectifs et besoins en matière de politique, et je vais proposer plusieurs façons de coordonner nos efforts pour parvenir à ces objectifs.

• 1105

Le tourisme représente un secteur économique essentiel du Canada. En 1996, ce secteur a connu une croissance de 4,7 p. 100, le chiffre des dépenses faites au Canada représentant un total de 41,8 milliards de dollars, dont 12,1 milliards de dollars de dépenses faites par des voyageurs étrangers. Cela met le tourisme, selon la façon de faire les calculs, au troisième ou au quatrième rang des secteurs d'exportation de notre pays.

En revanche, l'économie, dans son ensemble, n'a pas été aussi prospère. Notre PIB a connu une hausse de 2,8 p. 100, alors que le tourisme était en hausse de 4,7 p. 100. Le nombre de personnes employées est resté stationnaire, présentant même une légère diminution de 0,1 p. 100. Par contraste, le nombre de gens employés dans le secteur touristique a augmenté de 2,2 p. 100, pour atteindre un total de 491 900 personnes.

Si le tourisme contribue à la prospérité économique du Canada il représente également une aide considérable pour les gouvernements. D'après le rapport Buchanan sur le tourisme, qui a été présenté au premier ministre, on a calculé que chaque milliard de dollars de recettes provenant du tourisme créé 230 millions pour les caisses du gouvernement fédéral, 160 millions de dollars pour les gouvernements provinciaux et 60 millions de dollars supplémentaires pour les administrations municipales.

On peut donc dire pour l'ensemble du tourisme que pour chaque dollar qu'il créé environ 46 cents vont aux gouvernements, qui à leur tour aident à financer les programmes sociaux et répondent aux besoins des Canadiens dans tout le pays.

Nous ne sommes pas le seul pays à bénéficier du tourisme; c'est un marché où la concurrence est féroce. D'après le World Travel and Tourism Council, l'effet bénéfique total du tourisme mondial—à savoir toutes les retombées bénéfiques pour les économies des divers pays—va stimuler une production brute de 892 milliards de dollars, soit 9,7 p. 100 du PIB mondial, et 136 milliards de dollars d'impôt. Ce sont là des chiffres stupéfiants, même pour moi, et pourtant ce sont les chiffres avec lesquels je travaille chaque jour.

C'est pourquoi il n'est pas surprenant que l'attention des politiciens du monde entier se porte maintenant sur le tourisme; les gouvernements prennent conscience non seulement de son dynamisme économique, mais également du fait qu'il représente un modèle du secteur économique post-industriel.

Il existe plusieurs raisons à cela, et certains des graves problèmes que vous vous posiez aujourd'hui trouvent une réponse partielle dans le genre d'industrie que constitue le tourisme.

Le tourisme offre tout d'abord une profusion de débouchés tant aux individus qu'aux entreprises. En raison de sa robustesse et de sa diversité, il nécessite une vaste gamme de qualifications personnelles, de catégories d'entreprises de tailles diverses, de niveaux d'investissement, de stratégies urbaines et rurales, qu'il accueille à bras ouverts. Il est renouvelable, durable, décentralisé; il peut-être ajusté pour répondre aux besoins régionaux, culturels et économiques dans toutes les régions du Canada.

Quand la parole était donnée tout à l'heure aux groupes de lutte contre la pauvreté, il a été fait référence aux micro-économies et au potentiel que peuvent avoir des micro-prêts pour mettre en place des économies très localisées et pour alimenter la prospérité par la base plutôt que par le sommet. Le tourisme se prête de façon idéale à ce rôle, à notre avis.

Du côté de la demande le tourisme offre des débouchés uniques pour apprendre, explorer, partager. À l'aube d'un millénaire, notre époque est caractérisée par une sorte d'avidité d'expériences, et le tourisme présente une palette quasi illimitée de possibilités d'épanouissement personnel, de renouvellement et d'affirmation des valeurs. C'est ce qui se traduit très clairement par l'élargissement de la demande d'écotourisme, de tourisme culturel, autochtone et d'autres formes d'expériences, au Canada et dans le monde entier.

Enfin, le tourisme présente la caractéristique d'être enraciné, il ne peut aller ailleurs. Vous ne pouvez fermer vos portes ici et transplanter votre entreprise ailleurs. Il fait partie intégrante de la région et de la collectivité qui lui donne naissance. En un sens très réel et concret, la région et la collectivité sont le produit du tourisme. En outre, la grande majorité des exploitants et des propriétaires des entreprises de tourisme, pour la plupart des entreprises de taille petite et moyenne, sont des résidants locaux qui ont tout à gagner à assurer la solidité et la vitalité de la collectivité dans laquelle ils vivent.

Ce sont là les caractéristiques du tourisme, de l'économie et de la trame sociale. Avons-nous besoin d'en dire davantage pour vous convaincre qu'en appuyant le tourisme et la place qu'il occupe dans l'ensemble de l'économie vous apportez une aide substantielle au peuple canadien?

• 1110

Toute médaille a toutefois son revers: le tourisme est très sensible aux facteurs externes. Ce sont des dépenses facultatives, c'est l'un des premiers secteurs à souffrir d'une récession, et l'un des derniers à en sortir, et ses réserves sont limitées. Les capitaux qui y sont investis n'appartiennent pas à la même catégorie que ceux que l'on voit dans les entreprises traditionnelles.

C'est ainsi que si vous perdez une ou deux semaines, ou un mois, vous êtes obligé de repartir à zéro. Une légère mutation des schémas de voyage a des effets par ricochet dans tout le secteur touristique: il y a des entreprises qui ferment boutique, des gens qu'on n'embauche plus, et dans certains cas on y perd entre autres sa fortune ou sa maison. La situation est encore aggravée du fait de la compétitivité qui règne dans ce secteur, et malheureusement aussi par le géant qui est notre voisin au sud du 49ième parallèle.

Les décisions de voyage, qu'elles soient faites par un particulier ou par une organisation représentant des dizaines de milliers de personnes, peuvent être modifiées par un rien: il suffit qu'une décision coûte 100 $, et l'autre 105 $, et c'est la première qui l'emporte, parce qu'on a envie de voyager à meilleur marché possible.

C'est là une question très grave, que nous essayions d'attirer des non-résidants au Canada ou de faire visiter aux Canadiens leur propre pays. Dans certains domaines des interventions sont possibles—par exemple avec l'appui du gouvernement fédéral—de nature à continuer à alimenter le tourisme afin que tous nous recueillions les avantages économiques et sociaux que j'évoquais tout à l'heure.

À cet égard je voudrais insister sur un programme spécifique. Il y en a beaucoup d'autres, certes, mais celui-là nous permet, tous ensemble, de faire un travail satisfaisant. Il s'agit d'apporter des changements au programme de remboursements aux visiteurs, dont certains d'entre vous m'ont sans doute déjà entendue parler. C'est un programme très généreux du gouvernement qui permet d'accorder des remises aux voyageurs non résidants soit sur certains articles achetés au Canada et qu'ils utilisent pendant leur séjour au Canada, soit pour des produits exportés. Ce programme englobe l'hébergement à court terme, certains voyages organisés et un grand nombre de services lors de congrès internationaux.

C'est ce qui nous avantage dans le milieu international des affaires. Dans un monde très concurrentiel, le fait de rembourser 7 p. 100 à nos touristes étrangers—ou 15 p. 100 dans les provinces ayant la taxe harmonisée—peut influer, et a déjà influé, sur leur décision de venir ici ou non. Puisque ce secteur représente 12 milliards de dollars, nous avons intérêt à le protéger.

Ce programme comporte plusieurs volets, mais je n'entrerai pas dans les détails. J'ai envoyé un mémoire au ministère des Finances sur les améliorations à faire. Si vous voulez le lire, votre greffière en a un exemplaire. Je discuterai maintenant des recommandations les plus importantes.

Nous voulons que le remboursement de la TPS s'applique également aux services de restauration utilisés pendant les assemblées internationales. Ces dernières sont très rentables. Si des dizaines de milliers de personnes y assistent et s'y amusent, il est fort possible que la prochaine fois leurs familles les accompagneront. C'est également un genre d'investissement.

Le gouvernement est très généreux lorsqu'il s'agit d'assemblées internationales parce qu'il a reconnu la nature très concurrentielle de ce secteur. La plupart des services utilisés lors de ces assemblées sont détaxés, à l'exception des services de restauration et de divertissement. Nous vous demandons d'aller un peu plus loin et de détaxer les services de restauration. Cela aura un effet important dans la prise de décisions des organisateurs. Il ne s'agit pas d'un investissement énorme.

Pour vous donner une idée de l'ampleur du marché dont je parle en Amérique du Nord, Market Probe International a évalué à 797 000 le nombre de réunions d'affaires, à 175 000 les conférences d'associations et à 11 000 les grands congrès en 1995 seulement, pour une valeur approximative de 37,6 milliards de dollars. Un seul petit changement dans la loi actuelle pourrait se traduire par d'énormes profits.

Le même principe s'applique aux voyages à forfait tels que les visites guidées en autocar. À l'heure actuelle, si un touriste achète un forfait, on lui rembourse 50 p. 100 de la TPS. Nous vous demandons que ce remboursement soit de 100 p. 100. Si cela représente des sommes trop importantes, nous serions prêts à accepter un compromis si les services de restauration étaient détaxés. Voici le raisonnement: si un touriste veut voir les couleurs d'automne et qu'il lui en coûte 110 $ pour aller au Québec et 99 $ pour aller au Vermont, il choisira d'aller au Vermont, et nous ne toucherons jamais les retombées économiques.

• 1115

Notre troisième suggestion est vraiment la clé. Il faudrait un remboursement de la taxe sur le logement et les marchandises au détail. Ce qu'on veut vraiment, c'est une façon simple de remettre la TPS pour que les touristes puissent dépenser ce remboursement pendant qu'ils sont encore ici au Canada, ce qui serait très logique. Il est beaucoup plus difficile pour les touristes de dépenser leur argent canadien une fois qu'ils ont quitté le pays que de le dépenser ici. Dans notre mémoire détaillé, nous recommandons plusieurs façons d'y parvenir.

Enfin, lorsqu'on examine les grandes questions et les stratégies fiscales du gouvernement dans leur ensemble, je crois que Mme Swift avait raison: la politique fiscale et l'emploi vont de pair. Nous avons un énorme surplus dans le compte d'assurance-emploi. Le tourisme est une industrie à forte densité de main-d'oeuvre. On embauche ou on n'embauche pas, selon le coût de la main-d'oeuvre. Le ministre sait très bien ce qu'il doit faire, et nous espérons qu'il réduira les charges sociales pour qu'on puisse embaucher le personnel qu'il nous faut.

Je voulais aussi dire quelques mots sur le fait que ce gouvernement a fortement appuyé l'idée de formation dans le domaine touristique. Notre secteur a son propre conseil, qui s'appelle le Conseil canadien des ressources humaines en tourisme, dont la tâche principale est de sensibiliser les gens aux possibilités de carrière, aux programmes d'accréditation et aux programmes de formation dans le secteur du tourisme. Il s'agit d'un très bon programme, et nous l'appuyons. Mais si on ne réduit pas le fardeau d'imposition des employeurs et des employés, ce conseil n'aura aucun intérêt pratique.

Le gouvernement doit examiner l'effet de ses politiques sur tous les secteurs. Le tourisme a besoin de travailleurs. Nous ne pouvons pas utiliser des robots. Nous ne pouvons pas embaucher à l'étranger. Nous devons embaucher des Canadiens. Nous devons leur payer le salaire minimum—au minimum, bien sûr—et nous devons rester ici au Canada. Nous vous demandons de tenir compte de nos suggestions pour ceux qui ne peuvent pas partir.

Enfin, pour ce qui est du tourisme et de la politique fiscale, la valeur de notre devise et les faibles taux d'intérêt ont fait beaucoup pour aider le secteur du tourisme à reprendre de l'élan après la récession. Nous espérons que les taux d'intérêt demeureront bas pour les prochaines années.

Nous devons repenser notre façon de percevoir la richesse au Canada. Sauf tout le respect que je dois à mes collègues du secteur minier, la richesse que nos ressources naturelles représentent ne se trouve plus uniquement dans la valeur du bois d'oeuvre ou de l'hydroélectricité; il faut aussi tenir compte de la valeur des gens qui viennent voir ces choses. C'est une valeur inhérente. Nous devons en tenir compte lorsque nous examinons les chiffres, ainsi que dans notre nouvelle politique économique.

Voilà qui termine mes commentaires. Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Ward.

Nous passons maintenant aux représentants de l'Association minière du Canada—M. Miller et M. Paszkowski. Bienvenue.

M. C. George Miller (président, Association minière du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Comme vous les savez, l'Association minière du Canada est l'association nationale qui représente le secteur minier du Canada, dont les sociétés qui font la prospection minérale, l'exploitation minière, la fusion et le raffinage. Les sociétés minières embauchent 120 000 Canadiens, utilisent la technologie de pointe pour produire des métaux et les principaux matériaux industriels qui font du Canada un des grands exportateurs de ces produits. La plupart des sociétés qui produisent ces matériaux font partie de notre association.

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de participer à ces audiences du comité et de vous présenter notre point de vue sur les priorités nationales et sur la façon de bâtir une économie et une société fortes. Nous félicitons le gouvernement d'avoir ramené le déficit fédéral presque à zéro. Il reste toutefois des défis à relever sur le plan national et international à cause des changements technologiques rapides, de la mondialisation des marchés des capitaux ainsi que de la libéralisation des régimes d'investissement un peu partout dans le monde. Face à cette réalité globale, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre du recul sur le plan financier. Nous devons relever ces défis et saisir les occasions qu'ils représentent.

• 1120

Si vous me le permettez, j'utiliserai l'acronyme de notre association, c'est-à-dire l'AMC.

À notre avis, le gouvernement doit continuer à adopter une approche prudente et conservatrice—comme il l'a fait au cours des quelques dernières années—maintenir les plans financiers de deux ans et garder une réserve pour éventualités.

Les facteurs économiques fondamentaux—faible taux d'inflation, faibles taux d'intérêt et taux de change favorable—sont sûrement des atouts pouvant aider les entreprises canadiennes à créer des emplois et à soutenir la croissance économique. Ces facteurs économiques fondamentaux permettent aux Canadiens de profiter des réalités mondiales actuelles. Il existe un lien direct entre une forte économie, la compétitivité mondiale et la contribution qu'une politique sociale peut apporter pour améliorer notre performance sur le plan mondial. Le lien est complexe, mais est aussi lié directement à notre dette nationale de près de 600 milliards de dollars.

Notre première priorité devrait être de réduire le ratio de la dette au PIB, et nous pensons qu'il faut également réduire la dette elle-même. Puisque nous payons 45 milliards de dollars en intérêt sur la dette chaque année, notre prospérité à long terme et les vraies retombées exigent une réduction de la dette. Une dette élevée entraîne des paiements d'intérêt élevés, des impôts élevés, moins de services et de programmes sociaux. Le taux élevé de croissance économique, les faibles taux d'inflation, les faibles taux d'intérêt et un niveau de confiance élevé chez les consommateurs devraient nous permettre de nous concentrer sur la réduction de la dette. Cela ne veut pas dire pour autant que nous devrions faire fi des mesures fiscales ciblées et du financement de base des programmes sociaux, mais plutôt que le gouvernement fédéral doit être prudent et avisé face à cette inévitable tentation de recommencer à dépenser.

Il convient d'écarter la proposition gouvernementale visant à consacrer 50 p. 100 du dividende budgétaire à de nouvelles dépenses; la réduction de la dette doit rester prioritaire. Plus tôt elle sera résorbée, et plus tôt on pourra consacrer les économies réalisées sur les frais d'intérêt à des investissements stratégiques qui viseront l'éducation, la croissance de la productivité, la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies et les investisseurs étrangers. Le Canada doit établir les fondements de sa situation concurrentielle au XXIe siècle.

L'actuel niveau élevé d'imposition est dû à notre inaptitude à équilibrer les budgets jusqu'à maintenant. Néanmoins, nous ne demandons pas que l'élimination du déficit se traduise immédiatement par une réduction massive des impôts. Le gouvernement doit mettre l'accent sur la préservation de la compétitivité canadienne tout en usant parcimonieusement du régime fiscal et des investissements sociaux stratégiques pour faire en sorte que l'ensemble des citoyens, y compris nos enfants, soient prêts à relever les défis de l'économie mondiale, et à en saisir toutes les occasions.

Le gouvernement a réussi à améliorer les éléments de base de l'économie, mais nous sommes toujours confrontés à un certain nombre de problèmes connexes qui risquent de nuire à la compétitivité de notre industrie. Le premier problème est lié aux modalités de lutte contre le déficit. Nous avons été soumis à une augmentation rapide des taxes, des charges, des frais et des droits imposés par le gouvernement, indépendamment des bénéfices réalisés. Le deuxième défi pour notre industrie est de faire face aux recommandations du Comité Mintz, constitué par le gouvernement et chargé d'étudier la fiscalité des entreprises au Canada. Nous ne savons pas ce que dira ce comité dans son rapport, mais nous allons l'étudier très attentivement.

Le troisième problème, spécifique à l'industrie lourde, ce sont les retombées éventuelles pour l'économie canadienne d'un protocole international sur les changements climatiques. Nous considérons que la rencontre de Kyoto devra porter sur l'économie. Bien qu'elle soit consacrée à l'environnement, il y sera aussi question d'économie, et le Canada se trouve de ce point de vue dans une situation de grande vulnérabilité, compte tenu de ses caractéristiques géographiques et économiques.

• 1125

Toutes ces initiatives auront de vastes répercussions financières qui pourraient menacer nos économies régionales et notre compétitivité internationale. Il est essentiel que les conditions qui ont permis la croissance économique du Canada soient soigneusement évaluées de façon qu'on puisse les préserver à l'avenir dans la perspective d'un développement et d'une expansion durables.

En résumé, monsieur le président, l'Association minière du Canada estime que la priorité accordée à la réduction de la dette par rapport au PIB constitue la meilleure garantie d'un dividende budgétaire durable. La prudence et la clairvoyance devraient permettre d'éviter une réapparition du déficit, de réduire la dette et de favoriser la prospérité du Canada dans une perspective sociale, économique et écologique à l'approche du nouveau millénaire.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Miller.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Nous commencerons avec M. Gerry Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais moi aussi souhaiter la bienvenue à tous nos témoins, que je remercie pour leurs excellents exposés. Ce n'est certes pas moi qui contesterai vos principes idéologiques.

Le thème commun à tous vos témoignages, c'est que vos associations sont très favorables aux employés. Nous reconnaissons tous que la création ou la suppression d'emplois tient avant tout à l'imposition des employeurs.

On a assisté cette semaine à un rajustement du marché boursier, à une sorte de hoquet, pour ainsi dire. Ne pourrait-on pas mettre en place au Canada un système tampon qui nous prémunira contre ces rajustements du marché boursier qui se répercutent sur le marché du travail? Les régimes de pension ont été durement touchés.

Vous avez tous donné des indications intéressantes concernant le ratio de la dette au PIB. L'avenir est un peu plus radieux pour certains que pour d'autres. M. Wilson parle d'une baisse de ce ratio de 3 à 2 p. 100. Mme Swift, de la FCEI, envisage une hausse à 3,5 p. 100. Comment concilier tout cela de façon à éviter la surimposition, à créer les emplois dont nous aurons besoin au siècle prochain, à résorber le chômage des jeunes et à résoudre les grands problèmes auxquels nous sommes confrontés? Je vous soumets tout cela pour avoir vos commentaires.

Le président: Qui veut commencer? Monsieur Wilson.

M. Dean Wilson: Tout d'abord, je pense que la clé de la stabilité financière, y compris du marché boursier, c'est la réduction de la dette. À 600 milliards de dollars, notre dette est beaucoup trop élevée, et le gouvernement fédéral devra adopter un plan pour la résorber.

Nous pensons que le gouvernement aura un budget équilibré dès l'année prochaine et un excédent budgétaire l'année suivante. Cet excédent pourra donc être consacré à la réduction de la dette. En outre, il faut réduire avant tout la dette vis-à-vis de l'étranger. Il faut rembourser en priorité la dette étrangère de façon à ne pas rester à la merci des investisseurs étrangers. Je suis convaincu que le déficit et la dette sont les clés de la stabilité financière de notre pays.

Le président: Qui d'autre? Monsieur Miller.

M. C. George Miller: Monsieur le président, cette question me semble très bonne. J'aimerais aborder l'un de ces éléments, à savoir la proposition voulant que l'on isole en quelque sorte le Canada des marchés mondiaux, en particulier des marchés financiers. C'est un fait que les marchés financiers mondiaux sont liés aux marchés de biens et de services. Le Canada s'est rapidement taillé une place sur ces marchés, ce qui a profité non seulement au Canada, mais aussi à de nombreux pays étrangers.

Je pense qu'on ferait une erreur en essayant de protéger le Canada. Notre meilleure protection, c'est notre compétitivité dans la production de biens et de services. Il y aura toujours des fluctuations sur les marchés financiers.

Le président: Quelqu'un d'autre? Madame Swift.

Mme Catherine Swift: Je suis d'accord avec les témoins précédents, mais je voudrais ajouter que notre fardeau fiscal s'est considérablement alourdi au cours des 15 dernières années.

Au début de l'année prochaine, nous allons être frappés de nouveau par l'augmentation des cotisations au RPC; encore une fois, c'est un véritable impôt sur l'emploi, qui ne tient pas compte des bénéfices. La fiscalité des entreprises joue un rôle essentiel dans l'économie. Il faut réduire le fardeau total de l'imposition.

Nous mettons l'accent sur les charges sociales, car nous considérons que la création d'emplois est un objectif essentiel, mais nous insistons aussi sur l'impôt sur le revenu, qu'il est certainement possible de réduire également. En plus des arguments invoqués par un autre témoin, ce serait un facteur supplémentaire de stabilité. Nous ne serons jamais totalement à l'abri des marchés internationaux, et il n'est pas souhaitable de s'en isoler, mais une réduction d'impôt nous permettrait de surmonter ces périodes de volatilité des marchés et améliorerait l'économie.

• 1130

Le président: Merci, madame Swift. Est-ce que d'autres participants voudraient intervenir?

Nous allons passer au député suivant, M. Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Ma question s'adresse en particulier à la présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Vous avez mentionné tout à l'heure la nécessité de réduire le taux des cotisations à l'assurance-chômage. On sait qu'à la fin du présent exercice financier, le surplus accumulé depuis deux ans dans ce fonds va avoisiner les 13 milliards de dollars. Dites-nous à combien vous chiffrez la réduction du taux de cotisation, globalement et par 100 $ de masse assurable, pour qu'on ait un petite idée par rapport aux gestes qui ont déjà été posés par le passé.

[Traduction]

Mme Catherine Swift: Compte tenu des changements prévus au Régime de pensions du Canada, il faudrait au moins réduire les cotisations à l'assurance-emploi pour 1998; c'est le minimum qu'on puisse demander... Si l'on peut miser raisonnablement sur une certaine croissance de l'économie et une diminution du chômage, nous pensons que l'excédent de l'assurance-emploi devrait continuer à croître. Il pourrait atteindre 15 ou 20 milliards de dollars à la fin de l'année prochaine. De toute évidence, c'est plus que nous n'en aurons jamais besoin.

À notre avis, il n'est pas mauvais d'avoir un excédent, car nous ne voulons pas qu'on augmente les cotisations lors du prochain ralentissement de l'économie. Mais cet excédent augmente trop rapidement, et, encore une fois, il sert à autre chose qu'aux objectifs de l'assurance-emploi, puisqu'il est consacré à la réduction du déficit; cela doit cesser.

En ce qui concerne la réduction des cotisations... Actuellement, les cotisations sont de 2,90 $, alors que le point d'équilibre se situe à 1,85 $. Nous versons des cotisations qui dépassent de plus d'un dollar le montant nécessaire pour préserver l'excédent actuel. Il ne diminuerait pas, il serait simplement maintenu à son niveau. Nous ne préconisons pas une diminution de l'excédent, car nous sommes en mesure de continuer à accumuler un excédent à un rythme plus raisonnable, mais les niveaux actuels sont inacceptables. Il faut au moins compenser l'augmentation des cotisations au RCP, sinon aller un peu au-delà, si nous voulons véritablement nous en prendre à notre taux élevé de chômage.

[Français]

M. Yvan Loubier: Ça veut dire, madame Swift, que, pour vous, une réduction d'environ 40 ¢ pourrait avoir un sens et un impact assez consistant sur le plan de l'emploi. Cela totaliserait à peu près 4 ou 5 milliards de dollars de réduction du surplus par année.

[Traduction]

Mme Catherine Swift: Encore une fois, on a prévu pour l'année prochaine une augmentation de 66c. des cotisations au RPC, et c'est ce montant qu'il s'agit de compenser. Il faudrait même aller un peu plus loin, monsieur Loubier.

Le président: Monsieur Whyte.

M. Garth Whyte (vice-président, Questions nationales et recherche, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Le comité devrait s'adresser à l'actuaire responsable de l'assurance-emploi pour lui demander les chiffres exacts. Nous pensons qu'il faudrait remanier le taux des cotisations à 2,20 $, et compte tenu du taux de chômage actuel—qui devrait baisser—l'excédent atteindrait quand même 15 milliards de dollars. On peut donc réduire les cotisations de 60c. tout en permettant à l'excédent d'atteindre 15 milliards de dollars.

Ce qui nous préoccupe, c'est que même si l'on diminue la cotisation à 2,80 $, l'excédent va atteindre 20 milliards de dollars. Quel est l'objectif visé? Est-ce qu'on veut un excédent de 15, 20 ou 25 milliards de dollars? Où faut-il fixer la limite? On soutire cinq à six milliards de dollars chaque année des poches des employés et des employeurs pour financer un excédent qui est déjà plus que suffisant.

Mme Catherine Swift: Il convient de signaler qu'au cours de la dernière récession le déficit du compte de l'assurance-emploi n'a atteint que six milliards de dollars, et le programme est actuellement moins riche qu'il ne l'a déjà été, à cause des réformes entreprises par le précédent gouvernement au cours des dernières années. Donc, même avec un chiffre approximatif de six à sept milliards de dollars, on reste bien en deçà de l'excédent de l'assurance-emploi.

[Français]

M. Yvan Loubier: Seriez-vous prête à considérer un scénario où la réduction du taux de cotisation de l'employeur serait directement proportionnelle à sa performance au niveau de la création d'emplois?

[Traduction]

Mme Catherine Swift: C'est un bon principe, mais le problème, avec un programme de ce genre, c'est qu'il se prête aux abus. On pourrait créer des emplois à court terme, mais ils pourraient occasionner des déplacements d'employés actuels, ce qui donnerait un résultat nul. Le principe est sans doute bon, mais chaque fois qu'on a mis en oeuvre de telles mesures, on a constaté qu'elles étaient difficiles à administrer.

Le nouveau programme de recrutement vise à... On ne parle même pas de nouveaux employés; c'est une simple augmentation de la paie. À notre avis, c'est un principe facile à comprendre et à administrer. Les programmes de ce genre ont fait leurs preuves. Ils favorisent l'emploi et améliorent le sort des employés, ce qui, à notre sens, stimule l'économie et favorise la création d'emplois. Avec ces programmes, on gagne sur les deux tableaux, car ils sont faciles à administrer et favorisent la création d'emplois.

• 1135

Le président: Merci, madame Swift.

[Français]

M. Yvan Loubier: Juste une petite remarque, monsieur le président. Ma dernière remarque s'adresse à M. Miller et porte sur la conférence de Kyoto.

Je pense qu'on est rendu à un point où c'est plutôt l'inverse de ce que vous avez affirmé: ce sont les entreprises qui devront s'adapter au nouvel environnement international et aux préoccupations concernant l'effet de serre. Plusieurs années après la Conférence de Rio, le Canada n'a pas respecté 10 p. 100 de ses engagements. Il y a 15 000 tonnes per capita de rejets de gaz à effet de serre. On parle de changements de température, au cours des prochaines années, de deux à six degrés. Juste à trois degrés, il n'y a plus de culture de blé dans l'Ouest. À un moment donné, il va falloir qu'on choisisse: ou bien on crève, ou bien on continue à produire, mais en respectant un peu plus l'environnement. L'industrie minière est peut-être celle qui devrait s'adapter aux nouveaux changements et aux nouvelles préoccupations.

[Traduction]

Le président: Monsieur Miller.

M. C. George Miller: Merci pour cette question. L'industrie minière du Canada a donné de nombreux exemples d'amélioration de son rendement écologique. Nous prenons cette obligation très au sérieux.

Le Canada doit prendre un engagement dans la perspective de la convention sur le changement climatique, mais cet engagement doit être conforme à nos aptitudes réelles et à nos facultés d'adaptation à l'évolution de l'économie. Des raisons très précises expliquent pourquoi l'Allemagne, la France, la Suède et d'autres pays, dont les approvisionnements énergétiques et les économies industrielles sont tout à fait différents des nôtres, ont réussi à faire baisser en termes absolus leurs émissions de gaz à effet de serre, tandis que le Canada a réussi à réduire sensiblement la production de gaz à effet de serre par unité d'émission, mais n'a pas réussi à la faire baisser en termes absolus.

Nous préconisons une attitude plus prudente en ce qui concerne les mesures contraignantes concernant les gaz à effet de serre. Nous aimerions que l'on fixe des échéances permettant un certain roulement des capitaux, car la nouvelle technologie présente des avantages environnementaux considérables. Nous aimerions que l'on prenne le temps de s'assurer davantage des preuves scientifiques. Il existe encore actuellement de nombreuses incertitudes. L'estimation des conséquences du changement climatique sous forme d'élévation de la température prête encore à controverse. Il faudrait prendre le temps de lever ces incertitudes avant de prendre des engagements qui risquent de nous être très préjudiciables.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président.

Tous les exposés m'ont semblé très intéressants, et je suis tout à fait d'accord avec les intervenants.

Au cours des trois dernières années, le gouvernement ontarien a accordé des réductions d'impôt. Ces mesures ont-elles permis à vos industries installées en Ontario de créer de l'emploi...? Ont-elles eu un effet négatif sur l'économie? Les allégements fiscaux dont nous parlons... M. Szabo les place à 6,1 p. 100, mais j'ai entendu parler de 4,9 p. 100, et je sais que la diminution des recettes occasionnée par cet allégement fiscal a été plus que compensée par la création d'emplois, puisqu'il y a moins de chômeurs et que tous les autres programmes sociaux sont moins lourds pour l'économie. Est-ce que cet allégement fiscal a eu un effet positif sur l'emploi dans vos entreprises?

Le président: Madame Ward.

Mme Debra Ward: [Note de la rédaction: Inaudible]... réussi à obtenir les chiffres préliminaires pour le tourisme, mais nous avons constaté une augmentation des voyages intérieurs, c'est-à-dire des voyages des Canadiens, dont une grande partie sont effectués en voiture. Il y a donc eu une augmentation du revenu discrétionnaire. On obtiendrait le même avantage en suivant le modèle de la FCEI, qui comporte une réduction des cotisations à l'assurance-emploi.

• 1140

En résumé, je réponds par l'affirmative. Les gens ont plus d'argent en poche, et ils le dépensent. De notre point de vue, certains signes indiquent qu'ils le consacrent à des voyages, avec tous les avantages qui en découlent pour les entreprises.

Le président: Madame Swift, voulez-vous intervenir?

Mme Catherine Swift: Oui, brièvement.

À notre avis, ce n'est pas une coïncidence si les deux économies les plus florissantes au pays actuellement sont celles de l'Alberta et de l'Ontario. Dans ces deux provinces, il y a eu soit une réduction d'impôt, soit, dans le cas de l'Alberta, un niveau d'imposition relativement bas depuis très longtemps. Parmi les coûts des entreprises figurent également les charges sociales provinciales, comme les régimes d'indemnisation des travailleurs.

Nous avons donc constaté que nos petites et moyennes entreprises ont réagi très positivement à l'allégement fiscal accordé en Ontario ainsi qu'à d'autres réductions, comme celle des charges sociales, notamment des cotisations de l'employeur à l'assurance-santé, qui ont été une véritable bénédiction. Il n'est donc pas douteux que tout cela s'est traduit par la création d'emplois.

Je voudrais dire une autre chose importante en ce qui concerne les allégements fiscaux: comme pour tout le reste il faut choisir le bon moment. Évidemment, en période de difficultés économiques, c'est beaucoup plus difficile, sinon impossible.

Je pense qu'il faut saisir l'occasion immédiatement, dès que l'économie est en croissance, pour réduire les taxes et en tirer le meilleur parti sous forme de création d'emplois et d'expansion, de façon à mieux se préparer au prochain ralentissement de l'économie.

Le président: Monsieur Wilson.

M. Dean Wilson; Comme les autres intervenants, nous sommes favorables aux allégements fiscaux. Mais j'ajouterais qu'à mon avis le gouvernement ontarien n'a pas été assez rapide dans la lutte contre le déficit. Il s'est engagé à mener cette ronde d'allégements fiscaux à son terme au 1er janvier, je crois. Après cela, il devrait équilibrer son budget et commencer à résorber la dette, qui est toujours trop élevée et qui aggrave le déficit.

Le président: Qui d'autre? Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Oui, je voudrais poser une question à Debra Ward. Il semble que l'industrie touristique soit très fragile et qu'elle ne réalise que des bénéfices marginaux. Quelles conséquences aura l'augmentation des cotisations au RPC pour votre secteur d'activité, en particulier si elle n'est pas compensée par une réduction des cotisations à l'assurance-emploi?

Mme Debra Ward: Ce seront des conséquences dévastatrices. Pour nous, le Régime de pensions du Canada et le régime d'assurance-emploi sont deux choses différentes. Mais pour nos membres, c'est de l'argent qu'on leur demande et qu'ils n'ont pas.

Il va y avoir non pas création d'emplois, mais perte d'emplois. Certaines entreprises devront fermer. Certaines d'entre elles devront raccourcir leur période d'ouverture. L'activité touristique est très saisonnière. Certaines entreprises devront réduire leur période d'ouverture de 12 à 10 semaines.

Et vous savez, pour un chef d'entreprise peu importe que les charges sociales soient exigées par la municipalité, le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral... c'est de l'argent qu'on lui demande et qu'il ne sait pas où aller le chercher.

Donc, pour répondre à votre excellente question, je crois que cette augmentation aura un effet dévastateur.

M. Jim Jones: Je voudrais poser une dernière question aux représentants des associations automobiles. Je comprends pourquoi on a imposé un péage sur l'autoroute 407. Je sais qu'il y avait des embouteillages, mais ce n'est pas la raison principale qui a justifié le recours au péage pour financer cette autoroute. Ce sont plutôt des considérations économiques, comme le principe de la production au moment adéquat. Les camions restaient pris dans des embouteillages sur la 401, ce qui coûtait de très nombreux emplois à l'agglomération torontoise, car les usines allaient s'installer aux États-Unis. Les entreprises ne pouvaient plus compter sur leurs livraisons.

Je me demande quelles conséquences aurait l'imposition de péages dans des régions comme la Nouvelle-Écosse, où les exigences des entreprises ne sont sans doute pas les mêmes. Quelles en seraient les conséquences pour le tourisme et pour l'emploi?

M. David Leonhardt: Je crois que cette perspective a suscité de vives préoccupations à Terre-Neuve, au départ. C'est sans doute à cause du sentiment d'isolement des habitants de Terre-Neuve.

L'économie des Maritimes n'est sans doute pas toujours la plus solide au Canada. Je ne suis pas expert en macro-économie, mais d'après tout ce qu'on entend dire... On dirait qu'il n'y a même plus de chemins de fer là-bas. Tout arrive par camions. Comme partout ailleurs, il y a de plus en plus de camions sur les routes.

Si on a construit ce nouveau tronçon de la route 104, c'est notamment parce que l'ancien était dangereux, surtout à cause des camions. C'est la même chose pour la partie de la transcanadienne qu'on envisage de reconstruire au Nouveau-Brunswick. Le problème, là-bas, c'est que la transcanadienne est la seule route d'accès à la province. Les automobilistes pourront toujours emprunter l'ancienne route, mais elle sera interdite aux camions.

• 1145

Cependant, ce n'est pas une véritable solution. On abaisse la limite de vitesse au point de dissuader les voyageurs de prendre la route. Les gens de la région appellent cette route «la vallée de la mort». Personne ne voudrait l'emprunter, et cela nous préoccupe considérablement.

C'est un précédent dangereux, et je pense que les gens de l'Ouest, de l'Ontario et du Québec devraient eux aussi se préoccuper du manque de ressources des gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral s'approprie une bonne partie des taxes sur l'essence, qui échappent au contrôle des provinces. Que se passe-t-il lorsque ces taxes ne sont pas réinjectées dans le financement des routes, qu'elles soient nationales ou non? Les gouvernements provinciaux sont obligés de consacrer toutes leurs ressources à certains tronçons de route, les autres étant laissés à l'abandon. Mais il s'agit d'un problème de dimension nationale.

Le président: Merci, monsieur Leonhardt. Monsieur Wilson.

M. Dean Wilson: Le principe de la facturation de l'usager est très en vogue dans le monde entier, et j'invite le gouvernement canadien à en faire l'analyse. À notre avis, on a besoin de cette route supplémentaire.

Nous parlions un peu plus tôt de questions environnementales avec d'autres témoins. Il est vrai que la 401 ressemble parfois à un terrain de stationnement. On y voit des centaines de véhicules à l'arrêt, qui ne produisent que leur gaz d'échappement.

L'industrie nord-américaine de l'automobile a fait un sérieux effort pour réduire la nocivité des gaz d'échappement. L'automobile est désormais beaucoup plus propre, mais il reste que des véhicules au point mort ou qui restent trop longtemps sur les autoroutes produisent inutilement des émissions de gaz. La seule façon d'y remédier est d'améliorer l'efficacité du réseau routier.

Le président: Madame Ward.

Mme Debra Ward: Toujours sur le même sujet, il ne faut pas perdre les priorités de vue lorsqu'on parle des péages. Tout d'abord, il faut de bonnes routes. S'il faut recourir au péage, par l'entremise du secteur privé ou du secteur public ou au moyen de toute autre formule, d'accord il faut aménager ces routes de façon qu'elles soient disponibles pour les camions et les automobiles. Ensuite, on pourra mettre au point un échelonnement des paiements. Il ne faut pas se disputer pour savoir qui devra payer; pendant ce temps-là, le réseau routier ne progresse pas. J'ai l'impression que c'est un peu ce qui se passe actuellement.

Le président: Merci, madame Ward.

Nous passons maintenant à Mme Torsney, puis ce sera le tour de M. Pillitteri.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Je voudrais poser quelques questions. Je suis heureuse que nous ayons eu cet échange. Je fais partie des victimes des embouteillages de Toronto. Nous n'avons même pas parlé des conséquences du stress pour la santé, mais je trouve cette situation très contrariante.

Monsieur Leonhardt, est-ce que vous réussissez à convaincre vos adhérents de la nécessité de consacrer davantage d'argent aux réseaux routiers, en particulier dans la région de Toronto, alors qu'ils subventionnent déjà le transport par camion, et alors que d'après les chiffres dont je dispose, le transport ferroviaire assure l'entretien des voies, alors que le camionnage ne paie pas sa juste part de l'entretien des routes? Si vous avez emprunté la QEW entre Burlington et Toronto, vous avez dû voir qu'à différents moments de la journée, deux des trois voies sont entièrement occupées par les camions. Ce n'est pas très bon pour la sécurité, non pas que les camionneurs soient des mauvais conducteurs, mais parfois les automobilistes cherchent à les dépasser.

Il me semble que vous devriez préconiser une prise en charge plus juste des coûts sur les deux systèmes, et recommander que les conteneurs soient plus souvent transportés par train. C'est essentiellement une question de sécurité et de prise en charge des coûts. L'entretien des autoroutes est un gouffre sans fond.

Par l'intermédiaire du président, je voudrais vous demander votre avis à ce sujet, mais auparavant je voudrais formuler mes autres questions.

Madame Swift, le programme d'embauche de nouveaux travailleurs de l'assurance-emploi a été très efficace dans la lutte contre le chômage, en particulier chez les jeunes. D'après vos chiffres, vos adhérents ne connaissent pas bien ce programme. Vous avez fait de nombreux sondages. Y avez-vous inclus un message pour inciter vos adhérents à s'en prévaloir? Que pourrait-on faire d'autre pour faire passer le message?

Madame Ward, on a remarqué à l'Île-du-Prince-Édouard—c'est venu du champ gauche—que le tourisme augmente sensiblement la pauvreté dans les sites touristiques du monde entier. Les pays pauvres ne veulent plus d'une économie axée sur le tourisme. Votre secteur d'activités pourrait peut-être s'intéresser à cette question.

Monsieur Miller, vous n'avez pas donné, dans votre exposé, d'indications précises quant aux changements qui vous semblent souhaitables. Est-ce que vous vous en remettez à la Commission Mintz? Je sais ce qui s'est passé à la mine Creighton. J'ai appris bien des choses sur l'amortissement des frais d'immobilisation et tout le reste, et je sais que vous aimeriez des changements dans ce domaine. Est-ce que vous pourriez les indiquer plus précisément au comité?

J'espère que vous allez faire quelques commentaires concernant Terre-Neuve, qui est un gros exportateur de minerais, et dont l'économie ne devrait pas être considérée comme un fardeau pour le Canada.

• 1150

Monsieur Wilson, j'ai entendu un grand nombre d'apprentis et de jeunes travailleurs invoquer les problèmes que vous mentionnez; certains d'entre eux ont écrit au ministre à ce sujet. Nous allons continuer d'y travailler.

Le président: Voulez-vous commencer?

M. David Leonhardt: Vous avez demandé, je crois, si dans le cadre de notre programme de remise en état du réseau routier, il ne conviendrait pas de confier davantage de marchandises aux chemins de fer plutôt qu'aux camionneurs. Évidemment, nous nous plaçons du point de vue de l'industrie automobile, et nos sondages indiquent qu'environ la moitié de nos adhérents sont très mécontents de devoir partager la route avec les camions. Ils se plaignent de la taille et de la vitesse des camions, et de leurs éclaboussures quand il pleut. Je connais les problèmes que causent les camions. On peut s'en rendre compte ici même, à Ottawa. C'est la même chose à Montréal et partout où la reprise économique se fait sentir.

C'est exactement le problème. On fait de plus en plus appel aux routiers pour le transport des marchandises. Qu'y pouvez-vous? Dans beaucoup de régions du pays on ferme les lignes ferroviaires, et vous n'avez pas d'autres solutions. On est obligé de recourir aux camions.

Vous avez parlé des impôts. Toutes les études qui ont été faites, les unes après les autres, montrent que les transports ferroviaires sont plus imposés, puisque les propriétaires de voitures subventionnent les routes qu'utilisent les camions, alors que les chemins de fer paient des taxes foncières sur les lignes, ce que les transports routiers n'ont pas à payer. D'une certaine manière vous avez tout à fait raison. Mais c'est une question distincte, pour ainsi dire, que le comité pourra décider d'étudier. Ce n'est pas seulement une question du ressort fédéral, cela concerne les trois paliers de gouvernement.

En termes simples, le volume des échanges global augmente. On peut dire même qu'il y a eu une véritable explosion. Si l'on regarde les statistiques des marchandises transportées dans cette nouvelle économie, vous verrez que ce sont encore beaucoup des produits durables que l'on transporte par route, et comme quelqu'un le disait tout à l'heure, parce que les fabricants produisent dans les délais, à la demande pour ainsi dire. Cela veut dire que les routes ne sont plus simplement un passage d'un point à l'autre, ce sont en même temps des entrepôts, et on peut dire que les marchandises y sont entreposées.

Je suis d'accord avec l'idée qu'il faut simplement avoir les routes dont on a besoin, et arrêter de se disputer pour savoir qui va payer, car il est bien clair, si l'on parle de faire payer l'usager, que l'usager paie déjà, je parle des conducteurs automobiles, 5 milliards de dollars, ce qui dépasse largement ce dont nous aurions besoin pour refaire notre infrastructure autoroutière. Nous n'aurions besoin que de 20 à 30 p. 100, en gros, pour avoir un système autoroutier national de première classe. On peut donc dire que les usagers paient déjà, mais ce n'est pas là qu'est le problème. Le problème c'est d'amener le gouvernement à investir pour rattraper notre retard en matière d'autoroutes.

Le président: Qui vient ensuite? Monsieur Wilson.

M. Dean Wilson: Pour ce qui est de cette nouvelle route à Toronto, on devrait peut-être obliger les transports routiers à l'utiliser, car il y en a encore beaucoup qui passent par la 401. Il faudrait donc peut-être faire quelque chose à ce sujet.

Je pense véritablement qu'il n'y a pas eu suffisamment de discussions ici sur la nécessité de mettre les jeunes au travail, quand on pense que le chômage des jeunes dans notre pays atteint 16 p. 100. Il faudrait y accorder une importance prioritaire. L'avenir du pays ce sont les jeunes. Il faut arriver à leur donner du travail.

J'ai proposé un certain nombre de mesures précises, grâce auxquelles un nombre plus important de jeunes pourraient trouver du travail. Comme je le disais, si vous n'avez pas d'emploi vous n'avez aucune expérience professionnelle, et lorsque vous n'avez pas d'expérience professionnelle, vous ne trouvez pas d'emploi. Il y a ce programme de stagiaires pour les jeunes techniciens de l'automobile au Canada grâce au Conseil canadien de la réparation et des services automobiles. Il s'agit d'un financement mixte du secteur privé et du gouvernement fédéral. Voilà exactement le genre de programme qui a donné de bons résultats, et qui permet de donner un premier emploi à ceux qui en cherchent. Il faut insister sur ce genre d'initiative.

Une partie du problème vient de ce qu'on a transféré des responsabilités aux provinces, ce qui fait qu'il est de plus en plus difficile d'avoir accès à vos crédits. Mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas prélever des fonds sur le budget de l'assurance-emploi ou une partie de ce budget, pour essayer d'aider des jeunes à trouver du travail.

L'autre idée que j'avais proposée, était de donner aux techniciens de l'automobile un crédit fiscal calculé sur l'investissement énorme que représente l'acquisition de leurs outils. Pour un simple apprenti c'est 5 000$; pour un mécanicien cela représente environ 15 000$. Faites leur bénéficier d'un avantage fiscal, comme on le fait pour les déductions aux oeuvres de bienfaisance. Il faut trouver des moyens pratiques de mettre les jeunes au travail.

Le président: Merci, monsieur Wilson.

Mme Catherine Swift: En passant, j'aimerais vous faire remarquer que beaucoup de gens sont très favorables à ce crédit d'impôt sur les outils. C'est effectivement une injustice qui devrait être redressée. Cela fait déjà très longtemps qu'il en est ainsi. Et comme parmi nos membres il y a beaucoup de sociétés et de transports routiers, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter une petite observation.

Notre secteur est très compétitif, comme nous le savons, et cette idée d'accroître encore les coûts, alors que nous avons déjà une facture de carburant énorme, avec à bien des égards par ailleurs une imposition très lourde également, ça ne semble pas être la solution. De toute évidence, nos autoroutes demandent effectivement beaucoup de rénovations et de réparations, mais l'idée d'imposer des coûts supplémentaires à ce secteur, aurait des conséquences plutôt négatives qu'autre chose.

• 1155

La question qui m'a été posée concerne le Programme de première embauche. C'est très intéressant. On constate que quels que soient les efforts que l'on déploie... Nous contactons 3 000 petites entreprises par semaine. À chacune de nos visites, nous nous assurons que le programme est bien évoqué. Cependant, et comme pour n'importe quel programme, il faut un certain temps avant que l'effet de percolation se fasse sentir. Lorsqu'il s'agit d'une modification de l'impôt, ce dont les entreprises devraient être très rapidement informées, nous constatons qu'il faut en général une période de deux ans. Et lorsqu'en plus cela signifie que le ministère perd une partie de sa recette, qu'il s'agisse des ressources humaines ou des finances, les ministères eux-mêmes n'organisent pas une promotion très agressive du programme. C'est difficile à croire, mais c'est ainsi. Et je pense que cela joue.

Mais, oui, en tant qu'organisation nous faisons notre travail dans ce domaine. Nous avons un site Internet sur lequel nous faisons passer toutes ces informations de façon régulière. Cela figure également dans nos brochures imprimées, et lorsque nous rendons visite personnellement à nos membres, etc. Mais là encore, notre mémoire recommande de prévoir une période de transition, qui permette aux entreprises qui de bonne foi n'étaient pas au courant de l'existence du programme, de pouvoir, même si les délais sont passés, continuer à s'en prévaloir, si elles répondent aux critères. C'est-à-dire que l'entreprise qui a effectivement recruté pour une première embauche, devrait pouvoir rétroactivement se prévaloir du programme. Cela a très bien marché par le passé. Cela a également bien marché pour le gouvernement, et de façon générale l'économie en a profité.

Le président: Madame Ward.

Mme Debra Ward: J'aimerais répondre tout de suite à votre question. Je comprends ce qui la motive, mais lorsque l'on en a déjà discuté, par rapport à la pauvreté que cela pouvait engendrer, on prenait comme exemple des sites touristiques à l'ancienne, si vous voulez.

Le tourisme des années 90 n'est pas celui des années 50. À cette époque, et dans certains cas, on pouvait sans doute parler effectivement d'exploitation, si l'on s'en tient aux critères d'aujourd'hui, dans la mesure où un promoteur prenait une affaire en main, trouvait du sable, des palmiers, une plage, décidait de construire, d'offrir des chambres et de prélever un loyer, de recruter une main-d'oeuvre locale bon marché, en gérant tout cela de son siège social, en emportant avec lui tous les bénéfices. C'était cela le problème. Mais ce genre de façon de procéder disparaît plus rapidement qu'on ne l'imagine, à un tel point que je ne pense plus que cela existe encore véritablement à une échelle mondiale. Ce que l'on a maintenant ce sont des contrats d'association avec les intérêts locaux—des alliances stratégiques à Cuba, par exemple—où des hôteliers canadiens et des spécialistes du tourisme interviennent, dans le cadre de véritables entreprises en coparticipation ce qui profite à tout le monde.

L'idée c'est qu'une plage n'est jamais qu'une plage. Si vous voulez attirer des touristes, il faut offrir un peu plus. Soit sous forme culturelle, soit sous forme d'une expérience nouvelle, les curiosités de l'endroit, et de cette façon on monte un projet touristique qui associe les intérêts locaux. Une partie importante de mon activité, malheureusement, consiste précisément à parler à des gens qui posent cette même question qui vous a été posée, et je ne peux que leur répondre que celle-ci aurait dû déjà être posée en 1957, et qu'à l'époque ça aurait peut-être eu quelque intérêt.

Le président: Merci, madame Ward.

Monsieur Miller.

M. C. George Miller: Merci, monsieur le président. On m'a également adressé quelques questions, je vais essayer d'être concis.

Qu'attendons-nous du comité Mintz? Donnez-moi quelques instants pour que je fasse un petit historique.

Jusqu'ici le secteur des ressources profitait d'un certain nombre d'allégements fiscaux dont la plupart ont maintenant disparu. Les mesures spéciales concernant l'épuisement des ressources qui permettaient aux actions accréditives de marcher n'existent plus. La possibilité, aux fins de l'impôt, d'appliquer des taux d'amortissement élevés, n'existe plus non plus.

De façon générale, nous avons quand même le sentiment que le système actuel fonctionne assez bien. Nous acceptons que certaines des mesures incitatives du passé aient disparu, et nous pensons que nous sommes capables d'accepter les conditions actuelles qui nous sont faites. Il est clair que l'impôt sur les sociétés n'est pas simple, mais nous ne pensons pas non plus que d'imposer tous les secteurs industriels de la même façon exactement soit la meilleure façon de simplifier la fiscalité. Ainsi, l'État s'est entendu avec le secteur de la fabrication, sur des modalités, qui ne sont pas les mêmes que pour les producteurs de services.

• 1200

Si le Canada était une économie fermée, vous pourriez dire que la richesse générale pourrait augmenter si l'on supprimait ces disparités. Mais puisque sur le plan des échanges nous sommes un pays ouvert, et que certains secteurs par ailleurs se défendent très bien, dont notamment celui de l'exploitation des ressources naturelles, il serait absurde de faire de l'application d'un système unique et identique à tout le monde l'objectif prioritaire de notre politique nationale. On en arriverait à dresser un secteur industriel contre un autre, il y aurait des gagnants et des perdants. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne façon de procéder, pour le moment.

Ce que nous attendons du comité Mintz, c'est qu'il tienne compte du fait que le système actuel est complexe, qu'il peut être simplifié, mais que de façon générale il ne fonctionne pas si mal que cela. Ce qui nous inquiète, c'est une imposition qui soit sans rapport avec les bénéfices. Je pense à un certain nombre de choses qui ont fait leur apparition ces dernières années, telle que la facturation de l'usager, qui n'existait pas par le passé. Par ailleurs les taxes d'accise sur le carburant sont très dures pour notre bilan. Chaque année cela nous nuit sur le plan de la compétitivité, qu'on en tire un bénéfice ou pas. Au moins le système de l'impôt sur le revenu ne s'applique que si l'on a fait un bénéfice, alors que tous ces autres systèmes qui ne tiennent pas compte du tout du bénéfice dégagé nous cause beaucoup de souci.

Je vais vous parler un tout petit peu de Terre-Neuve, en qualité d'exportateur de produits miniers. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que pendant longtemps, depuis les années 50, Terre-Neuve était la province du Canada où la part du PIB provenant de l'exploitation minière était la plus élevée. Ça a d'abord été l'exploitation du minerai de fer. C'est un secteur qui est encore fort, et où l'on a beaucoup amélioré la productivité et diminué les coûts. On a radicalement réduit les coûts de production.

Tout le monde s'enthousiasme pour cette perspective d'une production massive de nickel à Terre-Neuve, avec une raffinerie qui serait installée dans l'Île. En ce moment les choses vont un peu au ralenti, mais espérons que l'on pourra déboucher sur une solution et que l'exploitation pourra démarrer à un rythme accéléré?

Le président: Dernière question, monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci pour tous ces exposés.

Madame Ward, vous dites que ce n'est pas la première fois que vous faites ces exposés ici, et que certains des députés étaient des gens présents. Je ne sais pas ce qu'il faut en penser, en tout cas j'ai assisté à toutes les réunions depuis le début. Si nous avons fait les bons choix, ce n'est peut-être pas la peine de recommencer, mais d'un autre côté si nous nous sommes fourvoyés d'après vous, je perds peut-être mon temps.

Quelques observations d'abord, et ensuite je poserai une petite question. Ma première observation concerne une diminution des cotisations à la caisse d'assurance-emploi, et des emplois que cela permettrait de créer, etc. Nous savons que 85 p. 100 des emplois créés, le sont par les petits entrepreneurs. Je pense que je fais partie de cette catégorie. On m'a demandé si une diminution de 10c. de mes charges sociales me permettrait de créer de l'emploi, la réponse est un non catégorique. Ce qui permettrait de créer de l'emploi, c'est la croissance économique, la croissance de mon entreprise. Cela permettrait de créer de l'emploi, et non pas une diminution de 10c.

J'ai d'ailleurs dit à ma famille de mettre de côté 10c., au cas où nous donnerions du travail à quelqu'un.

On a également demandé si des études avaient été faites sur ce que cela permettrait d'économiser. Si je ne me trompe, une réduction de 10c. permettrait d'économiser environ 700 millions de dollars par an, vous pouvez ensuite faire le calcul à partir de là.

Maintenant ma question s'adresse à Mme Ward. Il y a quelques années, nous savions qu'il y avait un déficit touristique d'environ neuf à dix milliards de dollars. Je sais que cela a augmenté, qu'il a en réalité diminué pour les autres. Vous n'avez pas chiffré ce déficit. Sommes-nous dans une situation déficitaire, ou au contraire excédentaire?

Vous avez également parlé des effets catastrophiques de la cotisation au RPC. Je ne regarde pas seulement cela du point de vue d'un employeur, mais également du point de vue de la protection sociale qui en résulte. Je songe au nombre de personnes qui seraient dans une plus mauvaise situation si ce programme n'existait pas. D'un autre côté, les nouvelles mesures concernant le RPC, cette protection sociale, permettront à des gens qui jusqu'ici n'auraient pas été admissibles, et je songe plus particulièrement aux industries du secteur du tourisme, d'y avoir droit, même s'il s'agit d'emplois saisonniers. Combien de gens en profiteront? Je connais la question, puisque je vis de l'industrie touristique.

• 1205

Avant d'y répondre, j'aimerais parler de l'isolement de notre marché boursier. Si les Canadiens investissaient plus au Canada et en Amérique du Nord, nous n'aurions peut-être pas eu cette chute de la Bourse, qui est l'effet de ces 20 p. 100 qui peuvent être placés à l'extérieur du pays, par le canal des REER. Il faudrait alors peut-être envisager de resserrer les mesures sur l'exportation de nos capitaux, puisque ce sont précisément ces investissements à l'extérieur du Canada et des États-Unis qui ont pris un bouillon. Il ne s'agissait pas du tout de nos marchés intérieurs.

Mme Debra Ward: Tout d'abord, les bonnes nouvelles—en passant, je vous remercie d'avoir rappelé que j'avais déjà comparu plusieurs fois—notre déficit atteint environ trois à quatre milliards de dollars. La partie la plus importante de ce déficit provient des dépenses des Canadiens aux États-Unis, cela veut donc dire que cette dépense est supérieure à ce que les touristes étrangers dépensent au Canada.

Un de nos problèmes c'est donc d'essayer de transformer cela en excédent. Mais, vais-je vous l'apprendre, les Canadiens adorent voyager, et surtout en hiver; vous connaissez notre hiver. Mais nous progressons.

Deuxièmement, je crois que ce vous avez dit à propos du RPC, et de l'importance de la protection sociale, est fondamental. C'est vrai, voilà pourquoi je vais vous parler un petit peu des conséquences pour le bilan des entreprises. Voilà pourquoi Mme Swift a dit qu'il ne serait pas inutile d'avoir une petite compensation, à savoir la réduction de cotisations. Pourtant ma mère dépend du RPC et de la Sécurité de la vieillesse. Elle n'a ni REER, ni aucun placement qui rapporte. Elle dépend donc uniquement de la bonne volonté des Canadiens, de notre protection sociale, qui lui permet de survivre, et je ne voudrais certainement pas parler contre cette protection sociale.

Pourtant, et d'un autre côté, on ne peut pas éternellement demander aux mêmes de payer. On a déjà rappelé que l'on faisait maintenant payer certains services aux usagers, en plus de l'impôt que l'on prélève, en plus des coûts réguliers et tôt ou tard, si vous me permettez la métaphore, cela va être la goutte qui fera déborder le vase. Et d'après ce que nous entendons dire, on peut dire que le vase est prêt à déborder, monsieur Pilliterri, et qu'il faut être raisonnable.

Le président: Merci, madame Ward.

Monsieur Whyte, madame Swift.

M. Garth Whyte: Nous avons parlé rapidement de REER, et je pense que nous allons nous retrouver devant le comité le 17 novembre pour parler du projet de loi C-2, et du RPC. Je ne vais pas m'attarder, mais il y a un tableau ici qui montre bien à quel point les REER sont importants, j'attire l'attention du comité là-dessus. C'est de l'information toute fraîche. Il s'agit d'un formulaire rempli par 10 000 entrepreneurs comme vous-même. Ils déclarent que les REER jouent un rôle important dans leurs dispositifs de retraite. Six pour cent seulement déclarent que ça n'a pas grande importance. Ne l'oublions pas, nous en reparlerons à notre prochaine comparution.

Vous avez raison de dire que 10c. ce n'est pas suffisant. C'est tout ce qui est offert, pour le moment. Nous avons fait une étude sur une entreprise de 25 employés, en Ontario, entre 1989 et 1994. Pendant cette période, les charges sociales ont augmenté, pour cette firme, de 60 000 $. Cela représente deux emplois, et nous ne parlons ici que d'une entreprise.

On dit par ailleurs que l'excédent en ce moment est de 12 milliards de dollars. À la fin de l'an prochain, si la cotisation reste à 2,80 $, ce que l'on propose, l'excédent sera de 20 milliards de dollars. Ce sont 20 milliards de dollars retirés de l'économie. Prétendre que 20 milliards de dollars en moins ne nuisent pas à la création d'emplois ne tient pas.

Nous allons rencontrer ce soir le ministre des Finances, et nous allons discuter avec lui de tout cela. Mais l'idée de réduire la cotisation d'assurance-emploi...

M. Gary Pillitteri: Ce sont 20 milliards de dollars bloqués.

M. Garth Whyte: Pardon? Non. Douze milliards de dollars sont bloqués, et nous nous demandons si cela devrait passer à 20 milliards.

Mme Catherine Swift: C'est une façon d'imposer du travail. C'est bien de cela qu'il s'agit: d'impôt sur le travail. Si nous diminuions cet impôt nous pourrions aussi faire baisser le taux de chômage, la cotisation à l'assurance-emploi est un prélèvement important.

M. Garth Whyte: Il y a quelque chose d'autre qui est important, à mon avis. Les gens se demandent si une réduction de la cotisation permettrait de créer de l'emploi, et personne ne conteste le fait que les prélèvements obligatoires tuent la création d'emplois. Là-dessus nous sommes tous d'accord. Votre gouvernement est également d'accord. Les études ont été faites. Elles le confirment.

• 1210

Le RPC augmentera de 66c. l'an prochain, à partir du 1er janvier. Nous avons la possibilité de compenser cela par une réduction de la cotisation à l'assurance-emploi. Laissez, si vous voulez, l'excédent augmenter. Vous pourriez réduire votre augmentation de cotisation de 60c., sans toucher à l'excédent, sans nuire aux prestations, aux chômeurs, aux employés et aux employeurs. Cela aiderait tout le monde. Pourquoi ne pas le faire? Je ne comprends pas.

Le président: Monsieur Wilson.

M. Dean Wilson: À propos de ce que vous avez dit au sujet de la stabilité du marché boursier, je rappellerai que la chose importante pour le Canada est que notre pays soit un lieu d'investissement, un pays qui attire les entreprises, et nous félicitons le gouvernement canadien d'avoir résorbé le déficit comme il l'a fait. Cette réduction du déficit est quelque chose dont on peut se féliciter.

Mais il faut maintenir le cap. C'est effectivement tout ce que confirment les déclarations et commentaires que l'on entend ailleurs. Continuez à lutter contre le déficit, essayez de réduire la dette et ne recommencez pas à dépenser. Il faut remettre les gens au travail, et avoir moins de gens inscrits aux programmes d'assistance sociale. Pour notre pays, c'est la clé de la compétitivité.

Le président: Merci beaucoup.

Je remercie les membres du comité pour les questions intéressantes qu'ils ont posées, et je remercie les témoins pour leurs réponses sensées.

Ce tour de table a été très intéressant. Cela nous aura permis, en tout cas, de prendre conscience de l'importance des enjeux et de la difficulté des choix qui s'offrent à nous. Il y a la question de l'endettement, et d'après la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, il faut faire baisser les cotisations à l'assurance-emploi, et trouver un moyen de neutraliser l'augmentation des cotisations au RPC. Nous avons donc un menu chargé. Vous comprendrez, bien sûr, que la tâche du comité n'est pas simple. Ce qui est certain, c'est que nous ferons de notre mieux pour que, du point de vue des Canadiens, les choses évoluent dans un sens positif.

La séance et levée.