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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 novembre 1997

• 0853

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): La séance est ouverte. Conformément à notre ordre de renvoi et à l'article 108(2) du Règlement, nous nous intéressons aujourd'hui à la Direction des sciences.

Avant de demander à M. Doubleday de répondre aux critiques formulées récemment à l'endroit de la Direction des sciences, votre président aimerait porter une ou deux questions à l'attention du comité.

Nous avions demandé que des représentants du comité fassent partie de la délégation canadienne qui participera à la réunion sur le thon et les prises de thon dans les eaux canadiennes par le Japon; or, on a refusé notre demande.

La seconde question concerne la demande qu'a faite le président, à l'instigation des membres du comité, de recueillir de l'information concernant la quantité et le type de poissons pêchés au large de la côte atlantique par des navires étrangers détenteurs d'un permis du Canada. La réponse verbale qu'on m'a donnée est qu'il s'agit là de renseignements confidentiels qu'on ne peut même pas obtenir en recourant à l'accès à l'information parce que cela violerait le privilège dont jouissent les compagnies et les pays de ne pas communiquer leurs propres informations industrielles à personne.

• 0855

Voilà les deux questions que je voulais soumettre au comité.

Monsieur Matthews, vous vouliez intervenir?

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Oui, monsieur le président, je souhaite intervenir au sujet des demandes de renseignements concernant les navires étrangers. Est-il vrai que le comité dispose d'un pouvoir d'assignation et pourrait entamer des procédures judiciaires ou s'adresser aux tribunaux?

Le président: Certainement, monsieur Matthews, le comité dispose de ces deux pouvoirs. Nous avons aussi des avocats à notre disposition.

M. Bill Matthews: Eh bien, si tel est le cas, le président serait-il disposé à recevoir une motion?

Le président: De quoi s'agirait-il?

M. Bill Matthews: La motion serait que le président soit autorisé à demander l'information une fois de plus et que, en cas de refus du Ministère, des procédures judiciaires soient entamées pour que le comité ait accès à cette information.

Je pense que l'on ne peut tout simplement pas accepter qu'on nous refuse cette information. S'il s'agit d'une entreprise ou des prises d'un navire particulier qui bénéficient de confidentialité en raison de la nature de l'entreprise, dans une certaine mesure je peux le comprendre. Mais du point de vue des prises totales—de la valeur commerciale, de la valeur des prises, etc.—je pense que quelqu'un s'oppose à ce qu'on nous communique ces renseignements et le comité ne devrait absolument pas tolérer une telle situation.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): J'appuie la motion.

Pour être très bref, il est absolument inacceptable que le comité n'ait pas cette information. Notre comité regroupe des membres de tous les partis, et c'est nous qui avons été élus et qui sommes responsables devant les Canadiens. Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue, et je pense que nous devons insister très fortement pour avoir cette information. J'appuie la motion en tous points.

Le président: Pourquoi ne pas nous y prendre de la façon suivante? Nous entendons aujourd'hui une personne dont le témoignage est essentiel pour le comité, et je crois que M. Duncan veut soulever une autre brève question. Que diriez-vous si nous demandions à notre personnel—nos attachés de recherche—de communiquer immédiatement avec le MPO, probablement dans une lettre que je signerais, pour demander cette information et signaler que si nous ne l'obtenons pas, nous pourrions entamer des poursuites judiciaires pour l'avoir?

M. Gary Lunn: Monsieur le président, je crois qu'il faut aller plus loin, et ne pas dire «pourrions entamer des poursuites judiciaires», mais que le comité vous a informé que si nous n'obtenons pas cette information, nous envisagerons d'autres solutions, dont les poursuites judiciaires, pour l'obtenir. Je pense que notre requête aurait plus de poids.

Le président: Très bien, nous demanderons à notre personnel de le faire et nous passons à l'autre question.

Notre demande de faire partie de la délégation a été refusée, donc, de toute évidence, nous devrions demander que la délégation qui participera à cette réunion sur le thon qui est pêché dans les eaux canadiennes fasse rapport au comité, et qu'on puisse contre-interroger les représentants. C'est ce que nous demanderons. Nous demanderons au greffier de contacter le MPO pour faire comparaître ces représentants devant le comité.

Le greffier me fait remarquer que nous n'avons pas le quorum nécessaire pour adopter une motion, mais le président utilise son pouvoir discrétionnaire, tout comme nous le ferions en comité de direction pour adopter la même procédure.

Maintenant, un autre point qu'aimerait soulever M. Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Je ne suis pas très heureux de voir que nous n'avons pas le quorum, monsieur le président, mais je suppose que les huit membres présents ne peuvent pas y changer grand-chose.

J'aimerais savoir ce que fera le comité au sujet de la nomination de M. Fewchuk à l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce.

Nous en avons déjà discuté, et on m'a informé que tant que le décret n'est pas déposé au Parlement, nous ne pouvons rien faire. Le décret ne peut être déposé tant qu'il n'a pas paru dans la Gazette du Canada pendant cinq jours, ce qui n'est pas encore le cas.

• 0900

Selon le communiqué de presse, la nomination entre en vigueur le 28 novembre. Nous ne siégeons pas la semaine prochaine. La semaine suivante est la seule semaine où nous sommes ici avant le 28 novembre parce que nous nous déplaçons dans la région de l'Atlantique. La seule façon dont le comité pourrait exercer sa compétence pour inviter M. Fewchuk à comparaître devant nous avant le début de son affectation serait que le décret soit publié demain dans la Gazette du Canada.

Je ne comprends pas pourquoi cela n'a pas été fait, sauf qu'il y a peut-être une tentative de sabotage de la capacité du comité de convoquer M. Fewchuk pour nous parler de ses compétences, etc. J'espérais que le secrétaire parlementaire serait ici pour nous dire si, sur le plan politique, on est prêt à ce que cela se fasse demain.

Comme nous n'avons pas cette assurance, en ce qui me concerne, le comité peut convoquer M. Fewchuk sans que le décret soit déposé à la Chambre si nous voulons utiliser notre pouvoir d'assignation. Je crois que nous avons ce pouvoir et je ne pense pas que nous souhaitions y recourir, mais je crois que c'est le seul moyen à notre disposition pour pousser le gouvernement à déposer le décret. De toute évidence, tout est en place, le communiqué de presse a été publié il y a quelques semaines.

J'aimerais à nouveau déposer cette motion, mais nous n'avons pas quorum. Je crois qu'il faut faire passer le message. Peut-être pourrions-nous en discuter plus en détail à la fin de la réunion. J'estime que dans cette affaire, on se moque de nous.

Le président: Monsieur Duncan, comme vous l'avez fait remarquer, le décret n'a pas été déposé à la Chambre...

M. John Duncan: Il n'a pas été publié dans la Gazette du Canada.

Le président: Il doit être déposé. Il doit être publié dans la Gazette du Canada avant d'entrer en vigueur. La Chambre ne siège pas la semaine prochaine. Nous revenons ici pendant une semaine avant de partir en voyage. Alors, pourquoi ne reportons-nous pas les choses—vous l'avez bien fait ressortir—jusqu'à la réunion de notre comité de direction dans deux semaines lorsque nous siégerons à nouveau? Peut-être qu'à ce moment-là le décret aura été déposé à la Chambre.

Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn: Monsieur le président, ce que je dis, c'est qu'il ne fait aucun doute que le décret sera déposé à la Chambre à ce moment-là, mais pour résumer en une phrase, le gouvernement joue ici à un jeu. Il dépose le décret à la toute dernière minute, cette nomination a été effectuée et le décret, d'après ce que je comprends, a été signé, mais on joue à un jeu parce que le gouvernement sait très bien qu'une fois que le décret sera signé, nous pouvons convoquer M. Fewchuk devant notre comité.

Le gouvernement déposera le décret à la toute dernière minute, à peine quelques jours avant l'entrée en vigueur de la nomination. C'est cela qui est frustrant pour nous. Il n'est pas tellement utile d'interroger M. Fewchuk après que la nomination aura pris effet. C'est ce que j'essaie de faire comprendre, et j'apprécie vos commentaires.

Le président: Monsieur Lunn, en tant qu'avocat, vous savez que le gouvernement ne joue peut-être pas à un jeu, il y a peut-être une raison qui justifie son comportement. Alors pourquoi le comité ne reporterait-il pas l'étude de cette question lorsque nous reviendrons après le congé de la semaine prochaine?

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Le président: Passons maintenant à notre témoin d'aujourd'hui et à une question très sérieuse. Nous demanderons à M. Doubleday de faire une déclaration préliminaire et, s'il le peut, de répondre précisément aux critiques qu'ont formulées à son endroit des scientifiques de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Ces critiques ont été publiées dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques où l'on condamne très clairement la Direction des sciences en ce qui a trait à l'attribution des quotas.

• 0905

Monsieur Doubleday, auriez-vous l'obligeance de faire une déclaration préliminaire. Ensuite, les membres du comité vous poseront leurs questions.

M. William Doubleday (Directeur général, Direction des sciences, des pêches et des océans, ministère des Pêches et des Océans): Monsieur le président, honorables députés, je sais que les membres du comité veulent entendre mon témoignage sur des questions touchant la recherche sur les pêches et les conseils scientifiques en matière de gestion des pêches au Canada, tout particulièrement en ce qui a trait au poisson de fond de l'Atlantique.

Je cherche par la présente déclaration préliminaire à mettre en perspective le processus de consultation scientifique en matière de pêche au Canada atlantique. Celui-ci a évolué, c'est-à-dire qu'il est passé d'une commission internationale à un rigoureux processus d'examen par des pairs au Canada auquel peuvent participer des pêcheurs, des universitaires et des scientifiques du MPO.

Pour mettre les choses en perspective et vous montrer l'évolution qui s'est produite, il faut que je remonte assez loin en arrière. J'aimerais commencer par ce que j'appelle la période de la CIPANO, c'est-à-dire l'acronyme pour la Commission internationale des pêches de l'Atlantique nord-ouest. Cette commission a été créée en 1950 pour gérer le poisson de fond de l'Atlantique nord-ouest, ce qu'elle a fait jusqu'à la fin des années 1970.

Le Comité permanent de la recherche de la Commission assurait l'examen par des pairs des évaluations scientifiques et des conseils scientifiques collectifs. Ce comité était composé de scientifiques des États membres.

Avant les années 1970, le Conseil de recherches sur les pêcheries du Canada effectuait la plupart des recherches sur les pêches marines au Canada. La Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement (1963) et le Conseil des sciences (1970) ont examiné le Conseil de recherches.

Les deux organismes ont recommandé de fusionner les laboratoires du CRPC au ministère des Pêches, qui avait également un modeste programme scientifique à l'époque. Ces recommandations ont été faites principalement à cause des problèmes de coordination de la recherche et du manque de sensibilité du Conseil aux besoins en matière de gestion des pêches.

On a reproché au CRPC de ne pas accorder assez d'importance aux observations répétitives nécessaires pour donner des conseils en matière de conservation. En 1973, les laboratoires du CRPC ont été fusionnés avec ce qui était alors le ministère de l'Environnement.

Cela ne veut pas dire que le Conseil de recherches ne faisait pas du très bon travail, au contraire. Il se consacrait surtout aux projets de recherche, examinant une chose, publiant un document sur la question pour passer ensuite à autre chose. On n'avait ni programmes ni processus de surveillance pour assurer la prestation de conseils répétitifs, comme cela devenait nécessaire pour la gestion des pêches.

La CIPANO, la Commission internationale, a reconnu que les stocks de poisson de fond étaient surexploités et qu'ils diminuaient très rapidement. Elle commence à en parler dans ses rapports au milieu des années 1960. La Commission a examiné divers moyens de régler ce problème et en 1972, on a commencé la pêche en fonction de quotas de capture. Cette mesure venait s'ajouter aux contrôles des engins de pêche comme la taille minimum des filets, qui avaient été le principal outil de conservation utilisé jusqu'à cette période.

On voulait au départ atteindre la «production maximale équilibrée»—c'est-à-dire la prise la plus importante qui pouvait être viable pour chaque stock de poisson—mais en 1975, il était devenu évident que la PME (production maximale équilibrée) était un objectif illusoire qui n'était vraiment pas atteint en pratique. Une réunion spéciale a été convoquée cette année-là pour examiner des lignes directrices axées davantage sur la conservation. On a adopté ce que l'on a appelé le FO.1 pour établir les niveaux de prises.

À moins que le comité souhaite que je lui donne une foule de détails techniques, je n'expliquerai pas ce qu'est le FO.1. Je préciserai cependant que pour la morue, qui était l'espèce la plus importante de poisson de fond au Canada atlantique, l'utilisation de cette nouvelle ligne directrice FO.1 voulait dire qu'on tenterait de capturer chaque année environ 20 p. 100 du poisson d'âge exploitable au lieu de 40 p. 100. Ça voulait dire 20 p. 100 chaque année. C'est là un niveau de prises davantage axé sur la conservation. Cela laissait une marge de sécurité faisant en sorte qu'il y avait plus de poissons dans l'eau qui pouvaient se reproduire et préserver la pêche pour l'avenir.

• 0910

En 1977, le Canada a élargi sa zone de compétence sur les pêches, devenant ainsi responsable de la gestion des stocks à l'intérieur de la limite de 200 milles de la côte canadienne. Le plateau continental sur la côte est s'étend jusqu'à 350 milles dans certains secteurs. Il y a donc des stocks de poisson qui se retrouvent à l'extérieur de la zone de 200 milles et il y a aussi des stocks de poisson qui chevauchent cette zone de 200 milles.

On a mis sur pied un processus canadien de gestion dans cette limite de 200 milles. Il comprenait un comité formé de scientifiques, le Comité scientifique consultatif des pêches canadiennes dans l'Atlantique, que tout le monde a toujours désigné sous l'acronyme CSCPCA. Ce comité était constitué de façon semblable au Comité scientifique de la CIPANO et il exerçait des fonctions semblables. Il avait la responsabilité collective des documents de consultation scientifique et devait voir à l'examen par des pairs et à la documentation des évaluations.

Le Canada a adopté la ligne directrice FO.1 pour fixer les niveaux de captures du poisson de fond et d'autres espèces telles que le hareng, permettant ainsi au CSCPCA d'évaluer l'abondance des stocks et de faire des prévisions de captures en fonction de la ligne directrice FO.1. Les renseignements scientifiques étaient transmis dans des documents de consultation et des documents de recherche plus techniques et ils étaient présentés au Comité consultatif du poisson de fond de l'Atlantique (CCPFA) et à des comités régionaux plus petits travaillant dans le même domaine.

De 1978 jusqu'au milieu des années 1980, les stocks ont augmenté de façon générale, puis ensuite, les niveaux se sont maintenus et, dans certains cas, ils ont même commencé à diminuer. En 1988, on a modifié la ligne directrice FO.1 en introduisant la règle des «50 p. 100» par laquelle on adoptait progressivement plutôt qu'en bloc les modifications apportées aux quotas de captures. Cette mesure donnait suite aux préoccupations formulées par l'industrie de la pêche selon laquelle des rajustements importants des quotas perturbaient l'industrie.

Au cours de cette période, l'OPANO, l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, gère les stocks à l'extérieur de la limite de 200 milles.

Je m'excuse d'avoir à vous donner tous ces acronymes, cela fait partie du domaine.

L'OPANO fonctionne de façon semblable à la CIPANO. Elle compte un conseil scientifique qui fonctionne de façon semblable au Comité permanent de la recherche de la CIPANO. Ce conseil scientifique, composé de scientifiques des pays membres, examine les évaluations des stocks présentées par les pays membres. Il effectue un examen par des pairs et recommande les niveaux de prises, donne des conseils sur d'autres mesures de gestion à la Commission des pêches.

Le Conseil scientifique de l'OPANO évalue également les stocks à la demande des États côtiers. Par exemple, dans le Grand Nord, le Canada et le Groenland partagent certains stocks dans le détroit de Davis. Ils demandent des conseils au Conseil scientifique et celui-ci effectue un examen par des pairs de ces évaluations.

La Gestion des pêcheries qui, en 1979, est devenue la Gestion des pêches du ministère des Pêches et des Océans, consultait les pêcheurs par l'intermédiaire du CCPFA, le Comité consultatif du poisson de fond de l'Atlantique, et d'autres comités semblables. On demandait des conseils scientifiques au CSCPCA et aux scientifiques du Ministère et on consultait les pêcheurs. On élaborait ensuite un plan de pêche qui était normalement annoncé en décembre, ou parfois la première semaine de janvier de chaque année. Ce plan était rédigé par un groupe de travail surtout composé de spécialistes de la gestion des pêches du MPO, mais qui comportait aussi au moins un membre de la Direction des Sciences du MPO.

• 0915

Le CSCPCA jugeait qu'il formulait des avis conformément à des lignes directrices établies ou en réponse à des demandes particulières de la Gestion des pêches du MPO.

Le CSCPCA recommandait rarement des mesures particulières. Toutefois, l'industrie de la pêche, les gouvernements provinciaux et le public n'en jugeaient pas moins que les avis du Comité constituaient des recommandations de niveaux de captures.

La situation a changé radicalement dans les années 1990. Le CSCPCA a formulé des avis scientifiques jusqu'en 1992, date à laquelle la fermeture de la pêche de la morue du Nord a donné lieu à une série de moratoires imposés aux pêches du poisson de fond.

En 1993, le CSCPCA a été remplacé par un nouveau processus scientifique consultatif régionalisé au lieu d'un processus établi pour l'ensemble de l'Atlantique. Pour donner suite aux critiques selon lesquelles le CSCPCA se réunissait en secret, les réunions au cours desquelles les évaluations scientifiques étaient examinées et les rapports sur l'état des stocks formulés ont été ouvertes aux pêcheurs et aux scientifiques canadiens intéressés.

En 1993, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, le CCRH—encore un autre acronyme pour lequel je m'excuse—a été créé sous la forme d'un organisme indépendant comprenant notamment des scientifiques universitaires et des pêcheurs. Le but du CCRH était de formuler de façon simultanée des recommandations en matière de conservation au public et au ministre des Pêches et des Océans.

Le CCRH a pris à sa charge le rôle du CSCPCA et l'a élargi aux réunions publiques afin de tenir des consultations sur les avis scientifiques émanant des Sciences du MPO. Le CSCPCA a donc été démantelé en 1993 et le nouveau Conseil de conservation des ressources a assumé ce rôle consultatif.

La Gestion des pêches du MPO a continué à élaborer des plans de pêche tout en consultant les pêcheurs sur les questions de gestion, par l'intermédiaire de comités consultatifs régionaux.

En outre, au cours des années 1990, le niveau de pêche FO.1 a été abandonné à titre de référence de politique pour l'établissement des niveaux de captures. De plus en plus, les évaluations font appel à l'analyse des risques connexes à une gamme d'options de conservation et une plus grande attention est accordée aux probabilités et à l'ampleur prévue de l'augmentation des stocks plutôt qu'à la proportion des poissons des âges exploitables récoltés.

Donc, au lieu de dire aux pêcheurs qu'ils doivent prendre 20 p. 100 des stocks et que l'on établit pour eux tel ou tel quota, les scientifiques disent que si vous faites telle chose, les stocks augmenteront, si vous en faites une telle autre, ils se stabiliseront et si vous adoptez une autre mesure, ils diminueront.

L'examen scientifique par les pairs et le processus consultatif ont évolué au cours des 25 dernières années et continuent d'évoluer. En 1996, on a commencé à diffuser sur Internet les rapports sur l'état des stocks et à distribuer aux stations de télévision communautaire et aux associations de pêcheurs des vidéos expliquant les évaluations des stocks de poisson de fond. Cela permet une diffusion plus large de l'information scientifique qu'auparavant.

Monsieur le président, sur une période approximative de 25 ans, on a constaté une évolution raisonnablement stable dans la façon dont les stocks sont évalués et dans la façon dont l'information scientifique est utilisée pour élaborer des plans de pêche, entre autres.

J'ai concentré mes propos sur le poisson de fond de l'Atlantique parce que je pense que c'est là-dessus que le comité veut se concentrer. La situation est semblable, bien que les détails diffèrent, concernant les pêches dans le Pacifique et le saumon de l'Atlantique, etc. Je me ferai un plaisir de vous donner ces détails si le comité le souhaite, mais essentiellement, je vous ai dit ce qu'il y avait à dire au sujet du poisson de fond de l'Atlantique.

Le président: Monsieur Doubleday, avant de céder la parole aux gens qui veulent vous poser des questions, j'aimerais que vous me donniez une brève réponse à la question suivante.

• 0920

Dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques, trois biologistes de renom—J.A. Hutchings, du département de biologie de l'Université Dalhousie, C. Walters, du Centre des pêches de l'Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver et R.I. Haedrich, du département de biologie de l'Université Memorial de Terre-Neuve—ont publié un article dans lequel ils prétendent, par exemple, que l'intervention des bureaucrates a eu une influence néfaste sur la capacité des scientifiques de contribuer de façon efficace à la gestion des pêches et que la science des pêches est inextricablement liée aux décisions politiques des bureaucrates à Ottawa.

En outre, ces scientifiques prétendent que l'on pourrait probablement vous appeler le «museleur», parce qu'à leur avis, on interdit explicitement aux scientifiques, même aujourd'hui, de discuter de questions délicates sur le plan politique, par exemple, l'état des stocks de poisson, avec quiconque à l'extérieur du Ministère.

Qu'avez-vous à dire à ces très grands scientifiques qui ont porté des accusations très sérieuses contre votre ministère? Ensuite, nous entendrons les questions des membres.

M. William Doubleday: Merci, monsieur le président.

J'ai bien sûr lu l'article de Hutchings et de ses coauteurs, et j'ai eu l'occasion d'y répondre dans un commentaire qui a paru dans le numéro suivant du Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques. J'en ai fait des photocopies que je peux remettre aux membres aujourd'hui.

Très simplement, je dirais que l'article de Hutchings et de ses coauteurs comporte trois principaux éléments.

Le premier est qu'il examine une série d'exemples qui ont trait particulièrement au poisson de fond de l'Atlantique et à la morue du Nord, et laisse entendre d'après les citations de documents, que des changements ont été apportés aux conseils scientifiques et qu'on a déformé les faits. J'ai voulu vérifier les divers cas qu'il a cités, et après examen attentif, les preuves ne sont pas très solides. Toutes les explications figurent dans la réponse publiée.

Le président: Et dans le cas de la Colombie-Britannique également où il critique vos décisions dans cette province—en arrivez-vous aux mêmes conclusions, pour la Colombie-Britannique, au vu des affirmations que les auteurs ont publiées dans leur article?

M. William Doubleday: En ce qui concerne l'exemple de la Colombie-Britannique, je ne connais pas aussi bien les détails...

Le président: Concernant le saumon du Pacifique.

M. William Doubleday: ...mais cet exemple porte sur les travaux d'achèvement du projet Kemano et sur le détournement des eaux de la rivière Nechako.

Je n'ai pas répondu à cet exemple de façon très détaillée, mais j'ai effectivement fait remarquer, je pense, une omission assez importante dans l'article de Hutchings, à savoir qu'en 1991 et 1992, la B.C. Utilities Commission menait une très vaste enquête et qu'à ce moment-là, nous avons fourni de très nombreux documents, nous avons mis à sa disposition tous les témoins qui voulaient comparaître ou qu'on avait convoqués devant la Commission. Je pense que c'est en utilisant ces documents que les auteurs ont élaboré leur exemple dans leur article. La situation est tout à fait différente dans les années 1990 de ce qu'elle était dans les années 1980.

Pour revenir à vos premières questions, monsieur le président, je ne crois pas que les exemples détaillés soient très valables quand on les examine de façon approfondie. Les citations dans l'article de Hutchings étaient très sélectives—on utilise parfois un bout de phrase. Dans ma réponse, j'ai indiqué qu'une citation plus complète montrait qu'en réalité, les documents du Ministère concernant l'évaluation des stocks étaient équilibrés et complets et donnaient un portrait exact de la connaissance scientifique.

L'un des exemples que les auteurs de l'article ont pris était qu'en 1995, dans une ébauche de rapport sur l'état des stocks de poisson de fond dans le sud du golfe Saint-Laurent, on parlait des phoques et que la version finale n'en faisait pas mention. Hutchings a noté ça, analysé ces données et laissé entendre qu'elles avaient été manipulées pour donner l'impression que l'on jetait le blâme sur les phoques.

• 0925

Lorsque vous lisez ce rapport d'étape sur l'état des stocks, il est impossible d'en dégager cette impression. Il était dit très clairement que la diminution des stocks de morue dans le sud du golfe Saint-Laurent était attribuable à la surpêche, aux rejets et aux pratiques de ce genre. La conclusion que Hutchings a tirée en examinant les documents n'est pas celle que l'on peut dégager lorsqu'on les lit de façon objective et complète.

Donc voilà ce qu'il en est des exemples cités.

Par ailleurs, il a critiqué le Ministère de ne pas avoir joint les analyses de risques aux documents d'évaluation des stocks à partir des années 1980. L'analyse des risques, qui consiste à examiner les probabilités de problèmes et leurs conséquences, est devenue un élément de recherche très important dans les années 1990. De plus en plus nos propres évaluations des stocks et celles faites à l'étranger incluent de façon explicite les analyses de risques et des diagrammes pour montrer les risques probables.

Personne ne faisait cela dans les années 1980. Par exemple, aux États-Unis et en Europe, lorsqu'on publiait des évaluations de stocks durant les années 1980, la période pour laquelle on nous critique, personne ne faisait de telles analyses. Donc c'est comme si on critiquait les fabricants d'automobiles de ne pas avoir produit de mini-fourgonnettes dans les années 1960. Il s'agit tout simplement d'un élément qui est survenu plus tard et qui est de plus en plus courant.

Le troisième aspect concerne le fait de parler en public et à la presse pour les scientifiques. Il est important ici de faire une distinction entre en scientifique à qui on pose des questions sur son travail, qu'un journaliste appelle ou n'importe qui d'autre et qui doit fournir des données factuelles, et le Ministère lorsqu'il est appelé à donner son opinion sur une question. Dans ce dernier cas, nous devons avoir un porte-parole. On ne peut pas avoir 15 personnes qui donnent chacune leur opinion. Les lignes directrices concernant nos rapports avec les médias sont telles que si un journaliste interroge un scientifique sur son domaine de travail, ce dernier doit s'en tenir aux faits plutôt que de faire des suppositions sur les politiques ou sur l'avenir.

Dans son article, Hutchings laisse entendre qu'on réprimande les scientifiques lorsqu'ils le font. Nous avons reçu une demande d'accès à l'information l'été dernier sur toutes les réprimandes données aux scientifiques pour avoir parlé publiquement. Nous avons consulté nos dossiers et nous n'avons trouvé qu'un seul cas de réprimande et c'est celui qui est abordé dans l'article de Hutchings.

Comme je l'ai fait remarquer dans ma réponse à l'article de Hutchings, le scientifique n'a pas été réprimandé pour avoir donné des renseignements factuels. En réalité, c'est tout le contraire. Lorsqu'il a été interviewé par le Globe and Mail au sujet d'un article qui venait d'être publié dans le journal Science, il a dit qu'une des conclusions de cet article était que l'environnement et les phoques n'avaient rien à voir avec la diminution des stocks de morue du Nord.

Si vous lisez l'article, on n'y dit rien de tel. Cette déclaration n'a rien à voir avec l'article qui faisait l'objet de l'entrevue.

Hutchings et ses coauteurs justifient cette déclaration sur l'environnement et les phoques qui n'avaient rien à voir avec la diminution de la morue en se reportant à 14 autres articles, dont dix ont été publiés un an ou plus après la réprimande.

• 0930

Je trouve plutôt difficile d'expliquer en quoi un énoncé peut être considéré factuel quand il se base sur des faits qui se sont produits des années plus tard.

Le président: Merci, monsieur Doubleday. Je sais que vous voulez donner des réponses précises, mais je me demandais si vous pourriez être un peu plus bref, compte tenu des contraintes de temps que nous avons.

Monsieur Duncan, de la Colombie-Britannique.

M. John Duncan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout ne va pas bien, en dépit de vos déclarations. À vrai dire, je suis estomaqué par ce que vous dites de l'évolution des choses au cours des 25 dernières années.

Nous ne parlons pas ici de choses qui doivent évoluer. Nous avions l'un des stocks de poisson les plus grands et les plus importants du monde, les stocks de morue du Nord, qui ont été décimés.

Nous avons assisté à la plus importante mise à pied de travailleurs dans l'histoire du Canada. Personne ne s'en est excusé, personne n'a été tenu responsable. Quand on parle de la Direction des sciences du Ministère, on constate qu'il s'agit d'une organisation davantage préoccupée par les conséquences politiques que scientifiques de ses décisions.

Nous en avons la preuve. L'un de nos membres, notre critique en matière de pêche lors de la dernière législature, a pris des rendez-vous pour discuter avec certains scientifiques à Terre-Neuve. Il s'est rendu à Terre-Neuve et s'est fait dire qu'il ne pouvait pas rencontrer les scientifiques, qu'il fallait d'abord s'adresser au sous-ministre adjoint des Sciences à Ottawa... si ce n'est pas de la paranoïa et de l'exclusion, je me demande bien ce que c'est.

Il ne s'agit plus de faire évoluer les choses. Il s'agit de les réinventer. Il nous faut séparer la science de la politique. D'après ce que j'ai entendu ici aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on discute de la couleur du couvre-plancher qu'on va acheter pour la maison alors que les fondations sont en train de s'écrouler. Nous faisons face ici à un problème majeur.

Actuellement, il y a au Nouveau-Brunswick 20 000 pêcheurs à la ligne détenteurs d'un permis. Leurs porte-parole disent qu'il est impossible de faire entendre raison au MPO au sujet de la ressource.

La pêche avec remise à l'eau a été fermée dans la rivière Saint-Jean. Voilà que le MPO autorise la capture de ce poisson pour le donner aux Autochtones. Pour le Ministère, la conservation passe après la priorité accordée aux pêches autochtones. Nous savons tous que ce devrait être le contraire.

D'un mois à l'autre, la confiance à l'égard du MPO s'effrite. Je ne comprends pas comment vous pouvez dire que tout va bien et que les choses suivent leur cours normal.

Ce que nous faisons est d'importance capitale.

Compte tenu de vos déclarations, je ne crois pas que le ministère des Pêches et des Océans soit capable de se ressourcer de l'intérieur. Il a besoin d'une influence de l'extérieur. Il faut séparer la science de la politique et peut-être même de toute organisation.

Peut-être pourriez-vous répondre à mes propos car je sais pertinemment que je ne mâche pas mes mots.

M. William Doubleday: Merci, monsieur le président.

Je ne sais pas exactement quelle réponse vous donner. Vos propos ressemblent davantage à une affirmation qu'à une question. J'aimerais cependant préciser que deux études indépendantes ont été menées durant les années 1980 sur la question de la morue du Nord. Une a été effectuée par le groupe de travail sur la morue du Nord dirigé par M. Alverson des États-Unis. L'autre était une étude indépendante sur les stocks de morue du Nord qui était menée par le professeur Harris qui, à ce moment-là, était recteur de l'Université Memorial. Ces deux groupes de travail ont examiné les conseils et l'information scientifiques.

• 0935

La première étude, celle de M. Alverson, a jugé que nos conseils pouvaient être étayés par les données mais que nous surestimions probablement l'abondance de l'espèce. Le rapport Harris, qui a été publié quelques années plus tard, après qu'on eut constaté que nous avions effectivement surestimé l'abondance des stocks, a examiné toutes nos données et nos évaluations scientifiques et a conclu que nos estimations étaient justes.

L'idée que l'effondrement des stocks de morue du Nord et d'autres espèces était prévisible et avait en fait été prévu—à mon avis, ne tient pas. Toutes les «prévisions» de cet effondrement que j'ai vues ont été faites après coup. Si vous examinez le rapport Harris en détail, vous constaterez que les auteurs prévoyaient une régénération graduelle des stocks de morue du Nord sans qu'on ait à fermer la pêche.

Les causes de l'effondrement des stocks de poisson de fond de l'Atlantique ont été examinées à deux reprises: une fois dans l'étude sur les revenus et les rajustements, menée par Richard Cashin, une autre par le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Ces deux groupes ont examiné la question sur une période d'environ trois ans et en sont tous les deux venus à la conclusion, de façon indépendante, que la diminution était attribuable à un certain nombre de facteurs, dont des évaluations scientifiques trop optimistes. Parmi les autres facteurs, on retrouvait de mauvaises pratiques de pêche, la diminution de productivité des stocks eux-mêmes et l'établissement de quotas trop élevés. Donc, un certain nombre de facteurs sont en cause, et parmi ceux-ci, on retrouve l'intervention des scientifiques.

En ce qui concerne la rivière Saint-Jean, je pense que nous parlons ici des 22 grilses mâles qui ont été pris il y a une semaine ou deux pour être utilisés par les Autochtones. D'après ce que je sais, il y a suffisamment de mâles qui ont été amenés en aval du barrage à Mactaquac pour fertiliser les oeufs des femelles qui ont réussi leur montaison.

M. John Duncan: Nous avions une pêche au filet. Lorsque la pêche avec remise à l'eau a été fermée, ils ont pris 300 adultes. Maintenant, ils ont fait la même chose encore en fermant la pêche avec remise à l'eau. Ces adultes ne sont pas des poissons excédentaires. Ils le sont peut-être pour l'écloserie, mais pas pour les besoins de la rivière. Les mesures que vous prenez actuellement sont en train de vous faire rater la gestion de cette pêche à la ligne. C'est ça qui importe ici.

Le président: Monsieur Duncan, je permettrai à M. Doubleday de répondre à votre question. Vous partagez votre temps de parole avec M. Lunn, et celui qui vous était réservé est écoulé.

Je me demande, monsieur Lunn, si vous pouvez poser votre question. M. Doubleday pourrait peut-être y revenir s'il souhaite faire des commentaires sur ce dont a parlé M. Duncan.

M. Gary Lunn: Monsieur Doubleday, d'abord vous avez fait certains commentaires—et j'ai énormément de mal à les accepter—à savoir qu'il était reconnu au milieu des années 1960 que les stocks diminuaient beaucoup. Il y a plus de 30 ans de cela. Ensuite, vous avez dit qu'au cours des 30 dernières années, la façon de faire les évaluations des stocks a constamment évolué. À mon avis, il y a eu un recul constant, non pas une évolution.

Vous avez dit ensuite—et j'aimerais bien avoir les termes exacts—que l'effondrement des stocks n'est pas vraiment ce qui fait problème. Je ne veux pas vous citer, mais il a été question de cela et d'autres exemples de mauvaises pratiques de pêche.

Laisser entendre que les pêcheurs des collectivités de Terre-Neuve et des autres pays... Nous entendons aujourd'hui le chef de la Direction des sciences du Ministère nous dire que le problème est attribuable en partie aux piètres pratiques de pêche. Je suis là à vous écouter défendre votre position. Si la question n'a pas été politisée, vous avez échoué de façon absolument lamentable quand on voit les résultats de la pêche et ce qui s'est produit là-bas. Et personne n'est responsable de rien.

• 0940

Comme l'a dit M. Duncan, vous êtes là à défendre votre position. Cela est absolument et totalement inacceptable. Ce qui s'est produit est une vraie honte. Passons maintenant à la côte ouest et vous êtes en train de détruire toute la pêche de la côte ouest. Vous écouter défendre votre position me met hors de moi.

Nombre de scientifiques nous ont dit à maintes reprises qu'on leur interdisait de parler, qu'ils risquaient de perdre leur emploi s'ils parlaient. Nous en avons des preuves. Nous le savons, mais vous ne faites qu'esquiver la question et vous poursuivez. Ce que j'entends est honteux.

Les habitants de Terre-Neuve et de l'Atlantique ont le droit d'exiger que chacun d'entre vous soit mis sur la sellette et tenu responsable de ce que vous avez fait à l'industrie de la pêche et, pire encore, de prétendre qu'ils sont en partie responsables.

La question que je vous pose est la suivante: êtes-vous d'accord pour que l'on puisse convoquer ici tous les scientifiques, qui viendront comparaître devant le comité, que ce soit à Terre-Neuve, en Colombie-Britannique ou à Ottawa, et que ces scientifiques aient le droit de dire absolument tout ce qu'ils veulent? Il faut aller au coeur de ce problème, parce que ce qui se dit ici aujourd'hui est absolument inacceptable. Il faut aller au coeur du problème. Vous avez été un intervenant majeur dans la destruction de la pêche de l'Atlantique et vous êtes sur le point de refaire la même chose sur la côte ouest. Nous ne pouvons pas laisser une telle chose se produire. Les gens là-bas méritent mieux.

Le président: Monsieur Doubleday.

M. William Doubleday: Merci, monsieur le président.

Je crois que ce que j'ai dit était tout à fait factuel. Les stocks de poisson de l'Atlantique nord-ouest étaient relativement élevés dans les années 1950 et au début des années 1960. Ils ont diminué de façon soutenue et frappante jusqu'en 1976 ou 1977 pour ensuite recommencer à augmenter considérablement à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Je crois que c'est là un fait qui est très bien établi.

Maintenant, j'ai perdu le fil de mon idée. Vous aviez soulevé quatre ou cinq points différents.

Monsieur le président, pourriez-vous me rafraîchir la mémoire?

Le président: Je crois, monsieur Doubleday, que l'élément général qui se dégage de l'intervention de M. Lunn concerne les conseils scientifiques donnés au gouvernement et une déclaration générale précisant que c'est la Direction des sciences qui devrait être tenue responsable de ce qui s'est passé sur la côte est et sur la côte ouest du Canada.

Je crois, monsieur Lunn, que c'est ce que vous vouliez dire.

M. Gary Lunn: Je voudrais aussi que vous vous engagiez à accepter que le comité puisse avoir accès à n'importe quel scientifique n'importe quand. Si le comité ou si un de ses membres veut interroger un scientifique... il vaudrait mieux qu'on ne lui ait pas demandé de garder le silence, sinon nous allons vous ramener ici et vous demander de nous dire pourquoi on a réduit cette personne au silence.

M. William Doubleday: Merci, monsieur le président.

Pour ce qui est des piètres pratiques de pêche, je ne me cite pas moi-même. Ces données se trouvent dans les rapports du groupe de travail sur l'examen des revenus et des rajustements et du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Il est bien connu, par exemple, qu'il se faisait beaucoup de rejets à la fin des années 1980. Cela n'est pas nouveau, et ce n'est pas simplement mon opinion, c'est un fait très bien établi.

En ce qui concerne les témoins, la Direction des sciences du Ministère collaborera entièrement avec le comité. Nous sommes disposés à libérer tous les témoins que vous souhaitez entendre.

M. John Duncan: J'aimerais poser une question si nous avons encore du temps.

Le président: Je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Nous allons maintenant passer au représentant de l'Ontario, M. Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.):Le président a fait référence à un article et vous, vous avez parlé de la réponse que vous avez donnée à cet article. Dans vos conclusions, je crois que vous avez fait état de trois facteurs. Ai-je raison de dire que l'un de ces facteurs est la façon dont les scientifiques abordent la science des pêches? Je crois que selon vous, il s'agit là d'une approche fragmentée et non holistique. Pourriez-vous faire des commentaires là-dessus?

• 0945

M. William Doubleday: La façon de faire les évaluations a beaucoup changé au cours des 20 dernières années. Auparavant, on examinait chaque stock individuellement mais plus récemment, on le fait en tenant compte de l'ensemble de l'écosystème. Maintenant, les évaluations se font en général par des équipes de scientifiques, d'océanographes et d'écologistes et par des spécialistes de l'évaluation des stocks. Nous sommes plus sensibles aux changements dans l'environnement marin et à l'abondance des espèces associées qui ont des répercussions sur ces stocks.

En outre, l'expérience des 15 dernières années a changé fondamentalement notre compréhension de la résilience de ces stocks ou nos plans dans ce domaine. Durant les années 1980, les scientifiques du Ministère, moi y compris, tout comme presque tous les spécialistes des sciences halieutiques au monde, estimaient que les stocks comme la morue étaient très solides. Il n'y avait jamais eu d'effondrement de stocks de morue de mémoire d'homme. On pouvait surexploiter les stocks dans une certaine mesure sans courir de véritables risques. Nous avons appris que cela n'est pas le cas, que tous les stocks de poisson sont potentiellement fragiles et peuvent diminuer rapidement dans certaines circonstances.

Notre approche a donc changé: au lieu de recommander des mesures précises et draconiennes seulement lorsque la situation était très déplorable, on tient maintenant compte de l'espèce même et on prend beaucoup plus de précautions. Cette façon de voir est aussi adoptée ailleurs dans le monde. Donc, nous avons changé de position et de façon de voir.

M. Carmen Provenzano: Je parle ici précisément de ce que vous avez dit des scientifiques qui pourraient commencer à étudier les pêches et à les voir comme des systèmes complets et non comme des éléments séparés et rangés.

M. William Doubleday: Dans les années 1980, les choses étaient plus compartimentées. Les océanographes s'intéressaient aux océans, les écologistes à l'écologie de façon abstraite et les spécialistes de l'évaluation des stocks examinaient chacun des stocks et voyaient comment ils diminuaient ou augmentaient. Nous avons réuni ces gens pour qu'ils se transmettent leurs connaissances et qu'ils utilisent toutes leurs compétences pour régler les problèmes.

M. Carmen Provenzano: Ma dernière question renferme un ou deux volets. Elle porte sur l'article dont nous parlons. Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'incompatibilité entre le contrôle de l'information au gouvernement et l'investigation scientifique.

Dans le résumé des problèmes de la morue de l'Atlantique, les auteurs de l'article—Hutchings et les autres—énoncent cinq points. Je crois que vous avez répondu à certains d'entre eux, mais je ne crois pas que vous les ayez tous abordés dans vos commentaires. On a posé des questions ici ce matin qui portent sur certains de ces éléments.

Il y avait cinq choses: la dénonciation par le gouvernement du travail indépendant, une présentation déformée des hypothèses de rechange, l'ingérence dans les conclusions des scientifiques, les réprimandes imposées aux scientifiques qui communiquaient publiquement les résultats d'une recherche examinée par des pairs et la déformation de la base scientifique des rapports publics et des déclarations du gouvernement.

Ce que je veux vous demander, en tant que témoin qui ne peut répondre que pour lui-même une fois pour toutes, c'est si on vous a jamais demandé d'altérer ou de modifier des données scientifiques en votre qualité de scientifique du gouvernement.

M. William Doubleday: Non, j'ai participé à de nombreuses évaluations des stocks. À vrai dire, à un moment donné, j'étais président du CSCPCA durant les années 1980. Jamais on ne m'a demandé de modifier des données ou de changer une interprétation ou un conseil durant cette période.

M. Carmen Provenzano: Avez-vous déjà été assujetti à une sorte de loi du silence?

M. William Doubleday: Non, parfois j'aurais bien aimé, mais non, au contraire.

M. Carmen Provenzano: Voudriez-vous faire d'autres commentaires concernant les cinq points que vous n'avez peut-être pas explicités dans votre article?

• 0950

M. William Doubleday: Oui. Dans une certaine mesure, Hutchings a décrit une situation qui existait il y a dix ans, et qui a changé radicalement. Jusqu'à un certain point aussi, les gens ont des perceptions qui ne correspondent pas à la réalité.

Nous avons tenu une série de réunions l'été dernier pour discuter de l'article de Hutchings dans la région. J'ai examiné les rapports de certaines d'entre elles, et je n'ai vu nulle part quelqu'un dire que ses données avaient été dénaturées ou déformées. Certains avaient entendu des rumeurs au sujet de quelqu'un d'autre qui se serait plaint d'ingérence, mais d'après ce que je sais, personne n'a dit qu'on lui avait demandé de déformer ou de changer aucun de ses résultats scientifiques.

Le président: Merci, monsieur Doubleday.

Nous passons maintenant au Québec, monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je regrette d'avoir manqué le début de la présentation de M. Doubleday. J'établissais des contacts avec des gens du secteur de la pêche, ce matin. Il y a cinq représentants de l'Alliance des pêcheurs commerciaux du Québec qui sont ici, ce matin, et une délégation un peu plus importante y était hier. Tous ces gens vont s'adresser à la presse aujourd'hui pour exposer leur point de vue. Ils en profitent également pour s'instruire en venant écouter M. Doubleday et assister aux travaux du comité ce matin.

J'ai cru comprendre qu'il me fallait être bref. J'aurais trois questions. Je vais tenter de les poser rapidement.

Monsieur Doubleday, cette série d'audiences qui débute s'intéresse au domaine scientifique. Je dois vous avouer que je suis tenté de tourner les yeux vers l'avant plutôt que vers l'arrière. Cependant, il arrive que pour savoir comment se diriger, il faille regarder un peu vers l'arrière.

La première question que je me pose concerne la communication entre les scientifiques et les gestionnaires des pêches. J'aimerais savoir quels liens ils entretiennent puisque les principaux utilisateurs de vos connaissances sont les gestionnaires. Quel feedback recevez-vous des gestionnaires? Vous aussi avez besoin d'information a posteriori.

Voici sur quoi j'aimerais attirer votre attention. Comme tout le monde, je suis les déclarations de certaines personnes voulant que les biologistes aient donné des informations qui n'ont pas été entendues. Par ailleurs, j'aimerais savoir si toutes les données sur les captures de pêche, par exemple, vous sont dûment communiquées. Je ne parle pas seulement de celles qui vous sont transmises par la filière ordinaire. Est-ce que vous avez une méthode de calcul qui vous permette de les estimer? En effet, en tant que biologistes, vous jugez parfois que la pêche n'est pas pratiquée comme elle le devrait, mais avez-vous une méthode qui vous permette de calculer et de tenir compte du gaspillage, de même que des dépassements de contingents? Avez-vous une méthode empirique qui vous permette de savoir ce que sera l'impact sur la gestion des stocks? Je ne sais pas si ma question est assez claire.

M. William Doubleday: Monsieur le président, je pense que la question est très claire. La réponse est un peu compliquée.

Habituellement, les scientifiques utilisent les données officielles sur les prises. Nous savons qu'il y a des lacunes dans le système de collecte de données statistiques. De temps en temps, nous faisons des études spécifiques pour estimer les rejets en mer et peut-être estimer une certaine portion qui manque dans les prises.

Il y a eu des cas où les scientifiques ont utilisé un chiffre différent du total officiel des prises, et une composition des prises qui correspondait à l'échantillon scientifique des rejets plutôt qu'aux échantillons pris au moment des débarquements. Mais, habituellement, nous sommes obligés d'utiliser les données existantes. Les données disponibles sont habituellement des statistiques officielles.

M. Yvan Bernier: Mais est-ce que cela ne doit pas faire partie du travail du scientifique, non seulement d'étudier la biomasse des stocks, mais de faire un échantillonnage pour s'assurer que la pêche s'effectue tel que le décrivent les gestionnaires?

Je vais vous en donner un exemple. Je voudrais savoir si vous croyez qu'un tel cas puisse se produire éventuellement ou, plus simplement, qu'il soit possible.

• 0955

Je peux vous dire que dans un secteur donné, celui de la Gaspésie-Nord où se pêche le turbot des zones 4R et 4S, le contingent global, estimé et comptabilisé dans certaines usinées, débarqué effectivement à une usine, était atteint à partir du mois d'août, disons en août 1990. Comment se fait-il qu'un gestionnaire ait ordonné la fermeture un mois et demi plus tard?

Croyez-vous qu'une telle affirmation soit vraie, qu'une telle chose ait pu se produire? Quel pourrait être l'impact d'une aussi mauvaise gestion? Enfin, comment les scientifiques peuvent-ils introduire de telles erreurs dans leurs méthodes de prévision?

M. William Doubleday: Malheureusement, monsieur le président, je ne peux pas répondre en ce qui concerne cet exemple, parce que je ne suis pas informé en détail des situations.

M. Yvan Bernier: Est-ce que cela peut arriver?

M. William Doubleday: Vous me demandez si les mêmes situations ont pu se produire ailleurs. Par exemple, dans la pêche au turbot au large de l'Atlantique, l'incertitude des données sur les prises par des bateaux étrangers a influencé l'évaluation des stocks de façon assez marquée. Habituellement, nous, les scientifiques, menons des recherches sur les stocks. Nous avons des moyens pour estimer les tendances à l'abondance, etc. Mais il nous faut établir une relation entre les indices scientifiques et les pêches réelles.

C'est l'accumulation de prises qui nous permet de calibrer nos indices d'abondance. Si les chiffres des prises ne sont pas complets, ils ont un effet direct sur l'estimation de l'abondance et l'évaluation des stocks.

M. Yvan Bernier: J'aimerais vous poser deux courtes questions concernant l'avenir des pêcheries et les orientations possibles que le comité pourrait retenir comme grandes lignes de son travail.

Existe-t-il un code de déontologie entourant les méthodes employées par les scientifiques de Pêches et Océans? Sinon, souhaiteriez-vous qu'il y en ait un? Moi, j'ai comme prémisse que votre patron est à la fois juge et partie. J'aimerais avoir une indication de votre opinion là-dessus.

Par rapport au futur, croyez-vous que la gestion des stocks pourrait à l'avenir, plutôt qu'être estimée en termes de biomasse et communiquée ensuite en vrac aux gestionnaires...?

Vous savez que chacun des engins de pêche correspond à une classe d'âge particulière du poisson. Pour les profanes, je vais tenter de mieux expliquer. Un chalut, par exemple, sert pour la pêche à la morue de 4 à 5 ans, un filet maillant, pour la morue de 6 à 7 ans, et la palangre, pour la morue de 8 à 10 ans. Croyez-vous que vous devriez fournir ces informations et dire quel est le taux de mortalité dans chacune des classes d'âge, de façon à indiquer...?

On va rouvrir les pêches. Quels critères adopterons-nous? Quel engin sera choisi? Est-ce que vous pensez que ce seraient des façons de procéder acceptables?

M. William Doubleday: C'est un peu compliqué, mais je pense que je peux répondre à vos deux questions.

Concernant un code de conduite, il n'en existe pas d'écrit, mais il en existe un en pratique. Nous, les scientifiques, traitons des questions de ressources, d'écologie et autres; ce n'est pas à nous de déterminer les allocations de prises.

Notre travail comprend l'estimation des prises selon l'âge, pour chacun des engins de pêche, et ces données sont disponibles. Habituellement, les prises pour presque tous les engins de pêche concernent le poisson à maturité. Alors, le poids des poissons intervient peu dans les rendements selon les engins employés. Toutefois, il y a des différences et nous pouvons fournir les estimations si on nous les demande.

• 1000

Habituellement, les scientifiques s'occupent des ressources et non pas des allocations de prises.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Doubleday.

Nous allons maintenant aller dans cet ordre à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve—les députés de ces provinces poseront des questions—et nous reviendrons ensuite à la Colombie-Britannique. M. Stoffer de la Nouvelle-Écosse.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.

Monsieur Doubleday, j'aimerais d'abord vous poser une question rapide. Depuis quand êtes-vous au MPO?

M. William Doubleday: Eh bien, je m'occupe maintenant...

M. Peter Stoffer: Non, seulement le nombre d'années.

M. William Doubleday: Je suis là depuis 24 ans.

M. Peter Stoffer: Très bien, merci. Nous manquons de temps, et plus courte sera la réponse, mieux ça vaudra.

Je m'apprête à vous demander quelque chose, monsieur, et je le fais avec tout le respect que je vous dois. Ne voyez pas cela comme une attaque personnelle.

Vous étiez donc en poste lorsque John Crosbie et Fred Mifflin étaient ministres des Pêches. Nous avons des preuves que ces deux personnes, représentants de deux gouvernements différents, ont infirmé des preuves scientifiques concernant la gestion des quotas pour satisfaire leurs besoins politiques.

En réponse à une question de M. Provenzano, vous avez dit n'avoir constaté aucune une loi du bâillon, aucune ordonnance de garder le silence. Pourtant—corrigez-moi si j'ai tort—vous étiez le chef, le premier responsable de la Direction des sciences du MPO. Est-ce exact?

M. William Doubleday: C'est exact.

M. Peter Stoffer: Très bien. Donc, la responsabilité—c'est ce qu'a dit M. Duncan—la réalité est qu'il y a 20 000 pêcheurs et leurs familles qui, à la fin de mai, vont avoir épuisé toutes leurs ressources. Ils veulent des réponses maintenant, et personne—pas un seul ministre, pas un seul fonctionnaire du MPO—n'est allé les rencontrer pour s'excuser, pour leur expliquer véritablement les faits.

Vous pouvez dire que les faits sont là, vous pouvez dire que M. Hutchings a dit ceci, moi je dis cela, et jouer au yo-yo comme ça. Pourtant, les pêches sur les trois côtes souffrent beaucoup de cette situation.

Or, s'il n'y a pas de loi du bâillon, et si vous êtes le premier responsable, pourquoi ne vous êtes-vous pas opposé à M. Mifflin quand il a augmenté les quotas de turbot le 7 avril 1997? Pourquoi n'avez-vous rien dit? À moins que vous ayez été sous...

Ce que je suppose et ce que je crois, c'est que vous n'avez rien dit parce que vous craigniez pour votre emploi ou votre réputation. Vous saviez très bien—nous en avons la preuve noir sur blanc—que M. Mifflin a infirmé les preuves scientifiques et le sous-ministre vous en avait informé également, et pourtant, votre ministère et vous êtes demeurés silencieux.

Maintenant, ce n'est pas à moi que vous donnez une réponse, vous le faites à plus de 20 000 Canadiens de l'Atlantique et à leurs familles qui aimeraient avoir une réponse à cette question, je vous en prie.

M. William Doubleday: Eh bien, j'y répondrai, monsieur le président.

D'abord, je me suis rendu dans la région de l'Atlantique à maintes reprises depuis 1992. Tout récemment, j'ai assisté au Sommet de la mer à St. John's en septembre. On a passé tout un après-midi à discuter de cette question des sciences.

J'ai également voyagé dans toute la province de Terre-Neuve et j'ai rencontré les pêcheurs. Je me suis rendu chez eux, et je n'hésite pas à leur expliquer mon interprétation des événements qui se sont produits dans le passé.

Deuxièmement, lorsque j'ai dit que j'agissais à titre de sous-ministre adjoint intérimaire aux Sciences durant une partie de cette période—pas dernièrement—je n'avais pas l'intention de donner au comité l'impression que les conseils scientifiques sont toujours suivis de façon automatique. Tout ce que j'ai dit, c'est que les conseils scientifiques existent, ils sont ouverts, enregistrés et, à ma connaissance, personne ne les change.

Merci.

M. Peter Stoffer: Très bien. Je vous remercie.

Maintenant, on a un petit problème. M. Hindle, qui représente l'IPFPC, les 35 000 membres de l'Institut des sciences professionnelles, est en désaccord total avec tout ce que vous avez dit. Il l'a dit publiquement, il l'a répété à maintes reprises. M. Paul Brodie, qui est au MPO en Nouvelle-Écosse également, est tout à fait en désaccord avec tout ce que vous dites, et aussi M. Hutchings et nombre d'autres personnes qu'on peut nommer.

Je trouve cela absolument étonnant, monsieur, que dans votre... Je dis cela en toute déférence. Selon vous, tout est parfait, il n'y a pas de problème au monde. Tout marche comme sur des roulettes, tout va bien.

Vous avez également oublié de dire, monsieur, comme l'a mentionné M. Lunn... Vous dites qu'il y a eu «évolution» de ces choses. Je préfère utiliser le terme «recul» parce que c'est exactement ce qui s'est produit.

• 1005

Vous avez omis de parler de la fusion de la Garde côtière au MPO, qui, à mon avis, est complètement désastreuse. Je ne sais pas quand vous êtes allé à l'Institut océanographique de Bedford en Nouvelle-Écosse la dernière fois. Auparavant, c'était l'un des instituts les plus modernes du monde pour la science, la compréhension de nos océans et de nos stocks de poisson, et en l'espace de quelques années, tout a été détruit. Vous entrez là-dedans, vous parlez même aux concierges qui nettoient l'immeuble et aux scientifiques qui travaillent là, le moral de ces gens-là n'a jamais été aussi bas.

Au lieu de faire leur travail, ce pourquoi ils sont payés, les gens cherchent tout simplement à se protéger de la prochaine ronde de compressions qui s'en vient. À mon avis, cela est totalement inacceptable.

Je sais que ce n'est pas vous qui effectuez les compressions, mais je crois que vu le poste que vous occupez, vous devriez vous opposer à ces compressions tout comme le font les pêcheurs sur toutes les côtes. Vous devriez dire aux ministres et à ceux qui font partie du Cabinet restreint que les mesures qu'ils prennent sont mauvaises. Je vous demande de le faire, monsieur, en votre capacité de chef je vous demande de le faire à l'avenir.

Revenons maintenant au passé. Cela est extrêmement frustrant pour moi qui représente une circonscription de la Nouvelle-Écosse comptant de nombreux pêcheurs. Leur revenu moyen est de 22 000 dollars par an. Ça c'est avec ou sans le supplément de la LSPA. Ces pêcheurs-là sont tout à fait frustrés d'entendre les scientifiques qui vivent sur les côtes. L'information qu'ils reçoivent et qu'ils envoient à Ottawa revient un an plus tard complètement changée.

Je vous dis, monsieur, qu'une personne qui pêche depuis plus de 30 ans sur les côtes de l'Atlantique, qui n'est allée que cinq ans à l'école, en connaît probablement plus que vous sur les stocks de poisson et sur tout ce qui se passe. Je vous dis ça en toute déférence, monsieur. Je le dis également pour les ministres que nous avons maintenant. Ce sont peut-être des gens très bien, mais je pense qu'ils ont complètement raté le coche à cet égard.

Dernier commentaire que je vous adresse, monsieur, c'est que je réclame à cor et à cri une enquête judiciaire sur le ministère des Pêches et des Océans, ses pratiques et ses politiques. Pouvez-nous dire ici si vous êtes d'accord pour qu'une telle enquête judiciaire soit menée sur tout ce que vous avez dit et sur tout ce que le Ministère a fait au cours des années? Êtes-vous en faveur d'une telle enquête?

Le président: Monsieur Doubleday, de toute évidence, vous... Souhaitez-vous répondre à cette question? Vous connaissez les règles du comité et vous connaissez également votre position.

M. William Doubleday: Eh bien, monsieur le président, je ne pense pas qu'il m'appartient de dire si, à mon avis, il devrait y avoir une forme d'enquête ou une autre. Tout ce que je peux dire, c'est que je suis ici, et que je vous fais profiter pleinement de mes connaissances. Je ne cherche pas à cacher quoi que ce soit. Je collabore avec le comité du mieux que je le peux.

Je suis tout à fait d'accord avec le député que je ne connais pas tout sur les pêches. J'ai une attitude assez humble à cet égard. J'en connais moins maintenant que j'estimais en connaître il y a dix ans. Mais je ne pense pas que cela soit véritablement très pertinent.

Nous ne faisons pas l'évaluation des stocks à Ottawa, mais dans les régions. J'estime que nous avons beaucoup amélioré les communications et les contacts entre scientifiques et pêcheurs, plus particulièrement avec le programme de pêches indicatrices qui a été mis en place ces dernières années.

Nous ne prévoyons pas avoir toutes les réponses. Certainement pas moi.

Le président: Merci, monsieur Doubleday.

Compte tenu de ce que vous disiez, monsieur Stoffer, je crois que M. Lunn voulait déposer une motion très brève au comité.

Je crois que tout le monde sera d'accord pour accepter la motion que vous voulez soumettre au sujet du 18 novembre.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Le président: Vous serez très bref, n'est-ce pas?

M. Gary Lunn: Oui. J'aimerais proposer au comité de convoquer le Ministre pour l'interroger sur le budget, le 18 novembre.

Le président: Quand vous dites «budget», vous voulez dire que dans votre motion, vous demandez que le Ministre soit ici le 18 novembre?

M. Gary Lunn: C'est exact.

Le président: Les témoins que nous avions prévu entendre, qui étaient en fait les personnes dont a parlé M. Stoffer qui critiquent le Ministère, les scientifiques en général, les auteurs des articles, etc... Si le Ministre est ici le 15 novembre, on peut alors convoquer les scientifiques qui critiquent la Direction des sciences à la réunion suivante du comité durant la même semaine. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Gary Lunn: Oui.

Le président: Si le Ministre ne peut venir témoigner le 18 novembre, à ce moment-là, on entendra les scientifiques dans ce créneau horaire.

M. Gary Lunn: L'un ou l'autre, vous parlez du témoignage du Ministre cette semaine-là.

Le président: Oui.

M. John Duncan: Il faut nous entendre pour convoquer en priorité le Ministre le plus rapidement possible cette semaine-là, peu importe la journée.

• 1010

Le président: Voilà en quoi consiste la motion. Le greffier ne veut pas se tromper. Donc, c'est la motion qui est déposée au comité. Ceux qui sont en faveur, ceux qui sont contre. La motion est adoptée.

M. Yvan Bernier: Je n'ai pas véritablement entendu le greffier.

Le président: Le greffier...

[Français]

M. Yvan Bernier: Pouvez-vous répéter pour que je puisse comprendre la proposition? Il vous a parlé à l'oreille, pas dans le microphone.

[Traduction]

Le président: Le greffier fait simplement remarquer... Oui, madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le président, je me demande si nous devrions entendre d'autres témoins après les scientifiques. D'autres personnes ont manifesté leur opposition. Peut-être devrions-nous entendre davantage de témoins.

Moi, je propose qu'après avoir entendu tous les témoins, nous invitions le Ministre.

Le président: Oui, je pense cependant que le Ministre souhaite comparaître devant le comité le 18 novembre en après-midi.

Que diriez-vous si nous le laissions décider lui-même? Nous ne pouvons pas donner d'ordres au Ministre; tout ce que nous pouvons faire, c'est lui demander de venir comparaître.

Mme Sophia Leung: Certainement.

Le président: Je prends donc bonne note de ce que vous avez dit. Après avoir entendu les critiques, nous convoquerons le Ministre. Et la motion que nous venons juste d'approuver dispose que l'on demande au Ministre de comparaître le 18 novembre 1997 en après-midi.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

Une voix: Il parlera du budget.

Le président: Eh bien, vous parlez du budget, mais en réalité, monsieur Lunn, nous l'interrogerons sur la Direction des sciences, entre autres. Vous dites que vous voulez l'interroger sur la question du budget, mais de toute évidence, vous voudrez lui poser des questions sur l'aspect scientifique également.

Nous passons donc maintenant au Nouveau-Brunswick, la parole est à M. Hubbard.

M. John Duncan: Y a-t-il eu vote par appel nominal ou un autre vote à ce sujet?

Le président: Oui, la motion a été adoptée.

Une voix: Je n'ai pas entendu personne demander le vote.

Une voix: M. Bernier a dit qu'il n'avait pas entendu...

Le président: Oh, vous n'avez pas entendu.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je ne comprends pas qu'on puisse prendre un vote sans que ce soit fait dans les règles.

[Traduction]

Le président: Très bien, la motion dispose que nous demandions au Ministre de comparaître devant le comité.

M. Yvan Bernier: Lentement, s'il vous plaît.

Le président:...le 18 novembre en après-midi. C'est la motion dont le comité est saisi. Selon le Règlement, il n'est pas nécessaire d'avoir un comotionnaire.

(La motion est adoptée)

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Le président: En étant bien entendu que les scientifiques qui ont tellement critiqué le Ministère devront être convoqués la même journée si le Ministre ne peut venir comparaître et immédiatement après la comparution du Ministre durant le reste de la semaine, peu importe la période. Ce sera notre priorité pour cette semaine-là. Tout le monde s'entend là-dessus.

M. John Duncan: Mais avant que vous ne poursuiviez, est-ce que vous allez revenir à ceux qui veulent poser des questions?

Le président: Oui.

M. John Duncan: Pendant que nous avons quorum, je me demandais si nous ne pourrions pas aborder une ou deux choses. Est-ce qu'on doit faire approuver nos discussions antérieures sur le thon et sur les débats avec M. Fewchuk, ou sur ces motions.

Le président: Non, parce que...

M. John Duncan: Très bien, je suis d'accord.

Mais l'autre chose que je voulais soulever est que si nous entendons les scientifiques, particulièrement ceux qui ont fait ces allégations, je crois alors que le comité voudra s'assurer que M. Doubleday revienne comparaître après.

Le président: C'est juste.

M. John Duncan: Je propose la motion. Je crois que cela est raisonnable.

Le président: La motion dispose qu'après le témoignage des scientifiques—pas seulement les trois qui ont rédigé l'article de journal, mais les autres scientifiques identifiés par les membres du comité ou tout scientifique qui souhaite comparaître ici—après leur témoignage, dis-je bien, nous demanderons une fois de plus à M. Doubleday de venir témoigner. Voilà la motion de M. Duncan.

M. John Duncan: C'est exact.

(La motion est adoptée)

Le président: Nous passons maintenant au Nouveau-Brunswick, la parole est à M. Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur Doubleday. J'ai été impressionné par votre exposé, non seulement parce que vous êtes un scientifique, mais manifestement parce que vous êtes aussi un peu un historien.

Certes, sur la côte ouest, quand on parle de pêche aujourd'hui, on parle de pêche au saumon. Sur la côte est, on semble parler surtout de morue. J'aimerais prendre un peu de temps ce matin pour parler du saumon sur la côte est, parce qu'il y a environ 200 ans, c'est le saumon qui a amené les premiers colons à s'établir dans la région de Miramichi.

Ils sont venus s'établir chez nous, et la pêche au saumon était leur principal secteur d'activité. C'est le premier secteur d'activité qui a été exploité dans la région et qui a continué de l'être pendant près de 200 ans. À vrai dire, quand on regarde en arrière, on constate que nous avions une pêche commerciale assez importante sur la rivière Miramichi jusqu'à la fin des années 1960, début des années 1970.

• 1015

Dès les années 1860, les habitants de la Miramichi et les pêcheurs ont jugé nécessaire d'établir une écloserie pour le saumon. La pêche au saumon était un secteur d'activité très important dans la baie de Miramichi et la région, l'écloserie permettait la fraie d'environ 3 000 poissons par année et constituait une ressource très importante.

Or, depuis ce temps, et à vrai dire dans les années 1970, le MPO a réduit l'écloserie de saumon au point où elle ne permet maintenant la fraie que d'environ 150 poissons. En même temps, même nos pêcheurs à la ligne... M. Duncan a parlé des pêcheurs à la ligne au Nouveau-Brunswick. Pendant cette période, le MPO a jugé nécessaire de réduire la pêche à la ligne. En réalité, depuis plus de dix ans, aucun pêcheur à la ligne au Nouveau-Brunswick n'est autorisé à garder un poisson de plus de 24 centimètres.

Cette année, les montaisons de saumon sont environ 20 p. 100 de ce qu'elles ont été au cours des 15 ou 20 dernières années. C'est là une diminution considérable au Nouveau-Brunswick. Les rivières ont été fermées, par exemple dans la rivière Saint-Jean où on avait une pêche avec remise à l'eau...

Je soulève la question parce que la Direction des sciences est un volet important du MPO. D'après ce que je comprends, c'est votre direction qui, il y a environ trois ans, a recommandé que les écloseries de saumon de l'Atlantique sur la côte est soient confiées à d'autres ou fermées. Est-ce vrai, monsieur Doubleday?

M. William Doubleday: En 1995, nous avons étudié diverses options pour effectuer des réductions de notre programme afin de tenir compte des compressions budgétaires. L'une des recommandations n'était pas que les écloseries soient fermées, mais qu'elles soient confiées à des groupes d'intérêt. Si cela n'était pas possible, on allait les fermer.

Maintenant, si je peux avoir un peu...

M. Charles Hubbard: Oui, c'est très bien, alors, monsieur Doubleday.

En ce qui concerne M. John Ritter, qui était responsable dans la région de l'Atlantique de cette fermeture ou du fait de confier les écloseries à quelqu'un d'autre, à l'écloserie de Miramichi, nous avons une entente... en fait tout le monde n'est pas heureux de l'entente concernant le groupe à qui elle a été confiée. Les gens disent qu'ils n'ont pas assez d'argent pour la faire fonctionner.

Il en aurait coûté environ 170 000 dollars au MPO par an pour maintenir cette écloserie, c'est-à-dire la seule ressource que nous avions qui aurait pu permettre de continuer la pêche au saumon de l'Atlantique, de l'enrichir ou de la mettre en valeur. Aujourd'hui, le SMA, Politiques au MPO a dit que la mise en valeur n'est plus une priorité du Ministère. Est-ce vrai ou non?

M. William Doubleday: Eh bien, je ne donnerais pas une réponse en ces termes. Quand cette décision, monsieur...

M. Charles Hubbard: J'aimerais que vous me donniez un oui ou un non, monsieur Doubleday. Est-ce que seule la conservation, et non plus la mise en valeur du saumon de l'Atlantique, est la priorité du ministère des Pêches et des Océans, de votre Ministère, monsieur Doubleday?

M. William Doubleday: Eh bien, si vous voulez avoir un oui ou un non, je pense alors qu'il faut que je dise oui.

M. Charles Hubbard: Oui. Les gens de la côte ouest ont commencé une pêcherie il y a environ 50 ans... probablement plus importante que celle du saumon de l'Atlantique sur la côte est. Votre Ministère pourra peut-être un jour réduire son budget au point où la pêche du saumon sur la côte ouest, qui est aussi touchée—non pas par les Canadiens mais par des pêcheurs étrangers—vous direz qu'on ferme leurs écloseries et on tournera le dos à la pêche au saumon sur la côte ouest également.

Je n'ai que cinq minutes. Je crois que c'est mon ami du Québec qui a posé la question. À Terre-Neuve ou au Nouveau-Brunswick, on demande si les gens ont du coeur au ventre, s'ils ont une échine quelconque? Le saumon en a. Mais il semble que les scientifiques de votre Ministère n'en aient pas beaucoup. Combien ont quitté le Ministère parce que leurs recommandations n'avaient pas été suivies? Est-ce que vous pouvez donner cette information au comité? Il y a un code de déontologie à respecter, certaines responsabilités, une certaine conduite professionnelle. Combien ont quitté le Ministère par désespoir ou par frustration face à ce qui se passait?

M. William Doubleday: Eh bien, monsieur le président, je crois qu'en réalité, il est impossible de répondre à la question telle qu'elle est formulée. Beaucoup de gens ont pris leur retraite, certains une retraite anticipée, au Ministère ces dernières années, mais je ne sais pas ce qui s'est passé dans la tête des personnes qui ont pris leur retraite ou qui ont quitté le Ministère.

M. Charles Hubbard: Il semble, par exemple, que dans la merveilleuse province de Terre-Neuve, à l'époque où vous vous présentiez devant notre comité, soit entre 1986 et 1991, on s'inquiétait de la pêche à la morue. Eh bien, 500 nouveaux permis ont été délivrés durant cette période. Vrai ou faux?

• 1020

M. William Doubleday: Des permis pour la pêche au poisson de fond?

M. Charles Hubbard: Les permis pour la pêche au poisson de fond à plein temps accordés aux pêcheurs de Terre-Neuve ont augmenté de 500 entre 1986 et 1991. Or, en tant que scientifique, vous n'avez rien dit. Quelles observations avez-vous faites de la situation à Terre-Neuve?

M. William Doubleday: Je ne sais pas si cela est vrai ou non, monsieur le président. Je sais que le nombre de pêcheurs à Terre-Neuve a augmenté de façon spectaculaire à la fin des années 1970 et au début des années 1980, mais je n'ai pas de données précises sur...

M. Charles Hubbard: Donc, vous dites, monsieur Doubleday, à titre de scientifique qui avait beaucoup d'information sur le... que vous avez observé la situation pendant 23 ans au Ministère, que vous avez assisté au déclin de la pêche, et aujourd'hui vous avez gravi les échelons pour devenir sous-ministre adjoint...

M. William Doubleday: Non, je ne suis pas sous-ministre adjoint.

M. Charles Hubbard: Très bien, SMA, Sciences, pour utiliser le titre exact. Vous avez vu tout cela se produire, et vous avez accepté de continuer de travailler au Ministère sans essayer de trouver un emploi ailleurs? Vrai ou faux? Je crois que c'est vrai, puisque vous êtes ici aujourd'hui.

Merci, monsieur le président.

M. William Doubleday: Monsieur le président, je crois que la question est basée sur le principe que si l'on estime que tout n'est pas parfait dans le monde, on devrait aller ailleurs faire quelque chose d'autre.

M. Charles Hubbard: Je crois que ce serait là un sens professionnel très important.

M. William Doubleday: Je pense que je me dois d'expliquer mon point de vue là-dessus. Durant toute ma carrière, mon objectif a été la conservation des stocks de poisson, leur maintien à un bon niveau, et je fais ce que je peux avec les moyens dont je dispose. Le monde n'est pas parfait. On n'atteint pas toujours ses objectifs. Je ne crois pas que cela soit une raison pour...

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, le témoin pourrait-il dire à notre comité qu'il serait peut-être préférable de réduire le Ministère? Vous avez confié les écloseries de la côte est à d'autres personnes. Peut-être devrions-nous faire la même chose avec les sciences afin que nous puissions avoir des sources de l'extérieur, contractuelles, qui feraient rapport au MPO. Les Américains font un peu cela pour leurs pêches le long de la côte est. Diriez-vous que cela est une solution possible aux problèmes que la science nous a apportés au cours des 25 dernières années?

M. William Doubleday: Les États-Unis ont ce que l'on appelle le National Marine Fisheries Service, qui est assez semblable au ministère des Pêches et des Océans. Leur programme est principalement effectué dans les laboratoires du gouvernement, tout comme nous.

Le président: Merci, messieurs Hubbard et Doubleday. Passons maintenant à Terre-Neuve, la parole est à M. Matthews.

M. Bill Matthews: Merci beaucoup, monsieur le président. Monsieur Doubleday, j'ai écouté votre exposé très attentivement et je crois que vous avez dit—n'avez-vous pas parlé du rapport Alverson?

M. William Doubleday: Oui.

M. Bill Matthews: Et c'était en quelle année?

M. William Doubleday: En 1986, je crois.

M. Bill Matthews: Le rapport Alverson disait essentiellement que vous surestimiez l'abondance de l'espèce.

M. William Doubleday: Il disait que notre estimation se situait dans les valeurs possibles, mais que nous surestimions probablement l'abondance de l'espèce, c'est exact.

M. Bill Matthews: Par conséquent, vous avez établi des quotas en fonction d'une espèce surestimée. Vous êtes au Ministère depuis 24 ans, pendant combien d'années croyez-vous avoir surestimé les stocks et par conséquent établi des quotas plus élevés que nécessaire?

M. William Doubleday: Pour la morue du Nord uniquement?

M. Bill Matthews: Oui.

M. William Doubleday: Eh bien, si l'on regarde en arrière, je pense que l'on peut conclure que l'espèce a été surestimée probablement de 1979 ou 1980 à environ 1989.

M. Bill Matthews: Donc, pendant 10 ou 12 ans...

M. William Doubleday: Oui.

M. Bill Matthews:...on a récolté de trop grandes quantités de ce poisson.

Je ne veux pas m'attarder trop au passé, aussi important soit-il. Mais nous devrions tirer des leçons du passé, et voir ce que nous voulons faire à l'avenir.

Pouvez-vous nous parler de la recherche qui s'est faite au cours des dernières années au MPO, comparativement à ce qui se faisait, disons, il y a 10 ou 12 ans?

M. William Doubleday: Au cours des trois dernières années, notre financement a été réduit d'environ 30 p. 100. Une partie de cette perte a été compensée par l'établissement de partenariats—nous travaillons de plus en plus avec les universités, etc., mais on fait moins de recherche qu'il y a cinq ou dix ans.

• 1025

M. Bill Matthews: Je vous remercie de cette réponse. Je pense que vous savez où je veux en venir.

Nous voilà en train de parler de la pêche de l'avenir, et nous prenons toujours des décisions de gestion aujourd'hui. Mais, bon sang, comment le Ministre, comment le gouvernement peuvent-ils prendre des décisions de gestion pour une pêche de l'avenir quand en fait aujourd'hui—comme vous l'avez reconnu et confirmé devant le comité—il se fait moins de recherche sur les pêches dans l'Atlantique qu'il y a quelques années?

Que pensez-vous de cela compte tenu du poste que vous occupez? Ne devrait-il pas y avoir plus de recherche aujourd'hui? Si on veut ramener les stocks de poisson dans l'Atlantique, l'augmentation de la recherche et des investissements dans l'avenir de la pêche de l'Atlantique au Canada ne serait-il pas par conséquent un bon investissement pour le gouvernement du Canada afin de ramener les stocks aux niveaux où on voudrait les voir? On pourrait alors garder des emplois aux gens qui travailleraient de façon productive dans leurs collectivités, contribuant ainsi au Trésor fédéral. N'est-ce pas là une analyse juste de la situation?

M. William Doubleday: Bien sûr, l'accroissement de la recherche est toujours un avantage du point de vue du scientifique. Néanmoins, on a assisté à certaines réalisations positives au cours des dernières années. Nous avons maintenant divers projets coopératifs avec les pêcheurs qui nous fournissent de bonnes données et qui nous aident à faire les évaluations de stocks, ce qui contrebalance les réductions dans notre propre programme.

Vous n'allez certainement pas m'entendre prêcher contre la recherche.

M. Bill Matthews: Pour moi, le gouvernement est en train de prendre des décisions contre-productives sur tout cet aspect de la pêche.

Le ministre fédéral des Pêches, les ministres provinciaux des Pêches, tout le monde parle de la pêche de l'avenir. Pour moi, l'élément le plus important du moment, c'est une recherche adéquate et suffisante et de bonnes données. Et voilà qu'on assiste à des diminutions dans ces domaines, monsieur le président. Pour moi, c'est totalement étonnant.

À Terre-Neuve, on dit que c'est une façon de faire les choses cul par-dessus tête.

Je voulais vous demander, monsieur Doubleday, est-ce qu'on a fait de la recherche sur les schémas migratoires du poisson? Je vous pose cette question parce qu'au cours des années, j'ai parlé à un certain nombre de capitaines de chalutiers qui pêchaient la morue du Nord dans les zones sud. Ces gens-là gardent des journaux de bord. Ce sont des pêcheurs très intelligents, qui réussissent très bien. Je suppose qu'un jour, vous direz qu'ils connaissent trop de succès, mais ils veulent gagner leur vie.

Est-ce qu'il se fait de la recherche sur les schémas migratoires, disons, de la morue du Nord? J'ai parlé à un certain nombre de capitaines de pêche qui tenaient un journal de bord de leurs voyages et de leurs prises. Ils m'ont dit que leurs journaux indiquaient des schémas migratoires de la morue du Nord à l'extérieur de la limite de 200 milles. Avez-vous déjà pris connaissance de données en ce sens?

M. William Doubleday: Oui, la morue du Nord n'est pas une espèce homogène. Elle est composée de divers éléments. Des études sur le marquage se font depuis au moins 50 ans et elles indiquent les mouvements généraux de ces poissons.

Habituellement, la morue du Nord reste dans la limite de 200 milles, mais certaines années, particulièrement en hiver, elle est vulnérable à la pêche à la pointe des Grands Bancs. Cela s'est produit à deux ou trois reprises au cours des dix dernières années.

M. Bill Matthews: C'est intéressant.

Le président: Vous pouvez poser une autre question, monsieur Matthews, après quoi je céderai la parole à Mme Leung.

M. Bill Matthews: Monsieur Doubleday, il semble y avoir régénération dans les zones sud. La région que je connais le plus est la région sud de Terre-Neuve, la région 3P et d'autres. Il semble y avoir certains signes intéressants et encourageants. En fait, les pêcheurs me disent que les prises de cet été pour la pêche restreinte qu'ils avaient été les meilleures depuis les 15 ou 20 dernières années. Dans les zones du Nord, il ne semble pas y avoir de régénération.

Qu'avez-vous observé sur la différence dans la régénération dans ces deux secteurs? Je sais que peut-être l'eau plus chaude pourrait être un facteur. Quelles sont l'analyse et l'évaluation des scientifiques sur les raisons pour lesquelles les zones du Nord affichent une régénération si lente, même aucune régénération, alors que dans les zones du Sud, on semble assister à une régénération importante?

M. William Doubleday: Monsieur le président, la côte sud de Terre-Neuve n'a pas vu les stocks de morue diminuer autant. Elle était donc en meilleure position au départ. L'eau est certainement plus chaude là-bas. Nous n'avons pas connu les changements spectaculaires dans l'écosystème qui se sont produits au large du Labrador où on ne trouve pratiquement plus de capelan. Il n'y a toujours pas ou presque de capelan au large du Labrador.

• 1030

En ce qui concerne la morue du Nord, les composantes dont je parle, ce que l'on appelle les «stocks de la baie», semblent être ceux qui reviennent. On ne constate pas tellement de présence de morue au large des côtes. Auparavant, les composantes de fraie au large des côtes étaient les éléments majeurs de la pêche, et ces composantes semblent toujours à un très bas niveau aujourd'hui.

Le président: Monsieur Matthews, je sais exactement ce que vous allez demander. Il y a beaucoup de poissons dans les baies du Nord.

Il faut accélérer.

M. Bill Matthews: Quand il a parlé des stocks de la baie, je me demandais s'il parlait de la pêche par les Français. Les pêcheurs de Saint-Pierre-et-Miquelon utilisent maintenant des chalutiers canadiens. Ils pêchent au-delà des îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon et ils ramènent des quantités de poisson.

Donc, après tout, il est question d'autre chose que des stocks de la baie. C'est ce que je voulais souligner.

Je ne veux pas prendre plus de temps, monsieur le président.

Le président: Nous accordons maintenant la parole à Mme Leung pour la dernière question. Nous demanderons à M. Doubleday d'être très bref dans sa réponse.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

Monsieur Doubleday, j'ai trouvé votre exposé très intéressant. Je crois avoir beaucoup appris. J'ai l'impression qu'il y a tellement de groupes qui se sont penchés sur ces questions au cours des années et qu'alors vous avez obtenu des données et des évaluations très variées. Comment le MPO utilisera-t-il finalement les données pour les appliquer véritablement à l'élaboration des politiques et à la planification?

M. William Doubleday: C'est là un des changements qui se sont produits dans les années 1990. Nous avons créé le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Le Conseil reçoit des informations et des conseils scientifiques du Ministère. Il les examine, procède à des consultations publiques auprès de l'industrie de la pêche et d'autres intervenants, après quoi il fait des recommandations sur la conservation.

Une fois ces recommandations faites, le Ministre décide de les accepter ou non. Elles sont ensuite intégrées à un plan de pêche par la Gestion des pêches de concert avec l'industrie.

Nous fournissons les renseignements sur le poisson de fond au Conseil pour la conservation des ressources halieutiques qui demande parfois des précisions. Nous lui présentons des exposés, nous lui donnons plus de détails pour répondre à ses questions. Le processus est assez différent aujourd'hui de ce qu'il était il y a dix ans.

Mme Sophia Leung: Tenez-vous compte des recommandations ou des suggestions des pêcheurs locaux?

M. William Doubleday: Oui, les pêcheurs participent au processus de deux façons.

Premièrement, ils participent eux-mêmes aux évaluations des stocks. Nous avons maintenant établi une pratique qui consiste à rencontrer les pêcheurs après la saison de la pêche et avant les évaluations. Nous examinons leur expérience et leur interprétation des événements dans le domaine de la pêche pour l'année écoulée.

Nous avons aussi des pêcheurs qui participent aux réunions sur l'évaluation des stocks. Une fois l'évaluation terminée, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques tient des consultations publiques dans environ dix endroits répartis dans toute la région de l'Atlantique. Quiconque a de l'information ou une opinion à présenter peut venir le faire et la soumettre au Conseil. Ces opinions sont prises en compte dans les recommandations du Conseil et se retrouvent ensuite dans ses rapports. Le Conseil produit un rapport qui résume les consultations de même que les recommandations et les motifs qui les justifient.

Mme Sophia Leung: Depuis 1993, le CCRH a participé très activement à tout cela. Croyez-vous que l'on devrait entendre certains de ses représentants? Nous ne connaissons rien de ce Conseil.

Est-ce que les augmentations récentes de la population de phoques ont une conséquence quelconque sur l'épuisement des stocks de morue? Je crois savoir que la morue constitue la nourriture la plus importante des phoques.

M. William Doubleday: C'est là une question sujette à controverse. Il y a beaucoup de phoques du Groenland dans l'Atlantique, environ 5 millions à l'heure actuelle. Ces phoques mangent beaucoup, mais pas tellement de morue; or, nous avons estimé qu'ils consomment plus de 100 000 tonnes de petite morue chaque année. Cela varie d'une année à l'autre, et les estimations ne sont pas précises. Néanmoins, c'est une importante quantité de petite morue.

• 1035

Les phoques ne tuent pas les morues adultes. La diminution constatée de 1989 à 1992 n'est pas attribuable au fait que les phoques mangent de la morue adulte, autant qu'on puisse en juger. La question est de savoir s'ils réduisent le nombre de jeunes morues qui survivent pour reconstituer l'espèce. Nous savons qu'il se consomme beaucoup de jeune morue. Nous faisons actuellement de la recherche pour voir dans quelle mesure cela empêche la régénération de la morue.

Mme Sophia Leung: Merci.

Le président: Merci, monsieur Doubleday.

J'aimerais aborder une question qu'il faut étudier avant que la réunion ne se termine. Les membres préfèrent-ils que nous siégions à huis clos, que nous demandions à M. Doubleday de dire quelques mots et que nous terminions la réunion? Est-ce que c'est ce que vous préférez?

[Français]

M. Yvan Bernier: Je n'ai rien à cacher. Nous pouvons le faire en public.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Je pense qu'il veut simplement savoir si M. Doubleday veut partir maintenant.

Le président: Voulez-vous que le comité poursuive sa séance à huis clos concernant le voyage?

Une voix: Cela n'a pas d'importance.

Le président: Non? On reste comme on est. Nous allons permettre à M. Doubleday de faire sa déclaration.

Monsieur Doubleday, voudriez-vous faire un résumé?

M. William Doubleday: Merci, monsieur le président.

Je pense que je devrais en dernier lieu replacer ce que j'ai dit tout à l'heure dans son contexte. Certains membres ont pensé que je défendais rigoureusement tout ce que la Direction des sciences a fait durant cette période au cours de laquelle j'ai été au Ministère. Je pense que j'ai peut-être donné une fausse impression.

Je ne veux pas dire que tout ce que nous avons fait était parfait, mais je tiens à préciser que nous faisions de notre mieux pour conserver les stocks de poisson et pour nous assurer qu'il y aurait du poisson à l'avenir pour assurer la pêche. Nous avons surestimé certains stocks, sous-estimé d'autres, et tout cela est connu. Je ne dis pas que nous sommes parfaits, mais je veux que vous sachiez que nous faisons notre travail honnêtement et de notre mieux pour conserver la pêche et donner la meilleure information possible pour en assurer une saine gestion.

Le président: Merci, monsieur Doubleday. Bien sûr, nous vous demanderons de revenir témoigner après les scientifiques qui ont exprimé un intérêt pour cette question. Nous tenons à vous remercier d'être venu comparaître aujourd'hui. Si vous souhaitez rester et savoir où nous irons dans l'est du Canada, libre à vous.

[Note de la rédaction: la séance se poursuit à huis clos]