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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 janvier 1998

• 1708

[Traduction]

Le président (M. George Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte.

Mesdames et messieurs, nous nous excusons de ne pas avoir suffisamment de places pour permettre à tous de s'asseoir.

Avant d'ouvrir officiellement la séance, je veux vous présenter les députés au Parlement qui sont ici présents pour participer à cette réunion du comité permanent qui est tenue en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, nommément une étude des pêches la sur côte Ouest. Le comité tient dix réunions publiques dans des localités de pêche sur la côte de la Colombie-Britannique. Participent à ces réunions les principaux porte-parole de chacun des partis politiques à la Chambre des communes. Après ces réunions, nous présenterons un rapport à la Chambre des communes.

Je vais vous présenter les membres du comité.

• 1710

Nous sommes heureux de voir que M. Svend Robinson a pu venir ici aujourd'hui. Il est député de Burnaby—Douglas. À côté de Svend se trouve Libby Davies, députée de Vancouver-Est. Peter Stoffer est de Nouvelle-Écosse. Il est le principal porte-parole du Nouveau Parti Démocratique du Canada à la Chambre des communes. Peter est allé à l'école ici, mais il représente maintenant une circonscription de la Nouvelle-Écosse.

Je signale également, monsieur Stoffer, que votre mère et votre père sont ici.

Représentant le Bloc à La Chambre des communes, nous avons leur principal porte-parole en matière de pêches, le député Ivan Bernier. Pour le Parti progressiste-conservateur du Canada, nous avons leur porte-parole qui rédige leur politique en matière de pêches et d'océans, un ancien ministre du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, le député Bill Matthews.

Je reviens maintenant du côté libéral—je reviendrai à ces députés-ci dans un instant—de la province de Colombie-Britannique, nous avons la députée Sophia Leung; de la province du Nouveau-Brunswick, le député Charles Hubbard; et de la province de l'Ontario, le député Carmen Provenzano. Nous avons le secrétaire parlementaire—nous l'appelons parfois le ministre junior des Pêches et des Océans—qui est de l'Île-du-Prince-Édouard, le député Wayne Easter.

Nous avons aussi le porte-parole du Parti réformiste du Canada à la Chambre des communes en matière de pêches et d'océans, le député John Duncan.

Je vais maintenant céder la présidence de la réunion au vice-président de notre comité permanent, qui est de la côte Ouest. C'est un nouveau député au Parlement. Il est de la Colombie-Britannique, il s'agit du député réformiste, M. Gary Lunn.

Le vice-président (M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.)): Je vais d'abord esquisser rapidement notre mandat.

Nous ne sommes pas le gouvernement du Canada, nous ne sommes pas le ministre des Pêches et des Océans. Vous avez devant vous dix députés qui représentent les cinq partis politiques et nous faisons rapport à la Chambre des communes. Nous avons sillonné toutes les provinces de l'Atlantique. Nous nous déplaçons maintenant le long de la côte du Pacifique, en Colombie-Britannique, pour visiter dix localités. Notre objectif est de chercher à dégager des solutions et nous espérons rédiger un rapport unanime et faire des recommandations à la Chambre des communes. Votre voix sera donc entendue. Nous ne sommes pas venus ici pour parler; nous sommes ici pour vous écouter et c'est ce que nous avons l'intention de faire. Nous ne poserons pas de questions. À la toute fin, chaque député pourra prendre la parole pendant quelques minutes.

Je donne d'abord la parole au ministre des Pêches et des Océans, l'honorable David Anderson.

Mais avant de céder la parole au ministre, je demanderais à John Cummins, qui est le député de votre circonscription au Parlement, de vous souhaiter la bienvenue.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): À titre de député de Delta—South Richmond au Parlement, j'ai le grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue au comité permanent dans cette localité. Et j'ai tout particulièrement le plaisir de souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont venus assister à la séance du comité.

Le président, M. Baker, s'intéresse de longue date au dossier de la pêche et c'est également un plaisir de lui souhaiter la bienvenue dans cette localité. C'est un homme qui connaît à fond le dossier des pêches sur la côte Est, comme le reconnaissent tous ses collègues de la Chambre des communes, et, chose certaine, il n'est pas homme à mâcher ses mots. Je le remercie tout particulièrement pour l'intérêt de longue date qu'il démontre à l'endroit des dossiers de la pêche sur la côte Ouest.

J'aimerais également accueillir tout particulièrement à Steveston M. Yvan Bernier, le député du Bloc québécois. Depuis que je suis au Comité des pêches, M. Bernier nous a beaucoup aidés à faire avancer les questions relativement à la côte Ouest qui préoccupent notre comité parlementaire. C'était au cours de la dernière législature. Je suis donc très heureux de l'accueillir ici.

• 1715

Si je mentionne l'intérêt de longue date dans les pêches de M. Bernier et de M. Baker, c'est que leur attitude tranche considérablement par rapport à la situation ici sur la côte Ouest où les deux directeurs généraux précédents du ministère des Pêches... l'un venait du ministère de l'Agriculture où il s'intéressait essentiellement, je pense, à la pomme de terre, avant d'être nommé directeur général, et le suivant venait de Patrimoine Canada où il distribuait les drapeaux pour Sheila Copps.

Dans cette communauté, nous avons toujours été ennuyés par le fait que de nombreux ministres des Pêches avaient manifesté peu d'intérêt pour ce secteur avant leur nomination et qu'ils semblaient considérer le ministère des Pêches comme simplement un autre échelon dans leur ascension ministérielle. Il n'y a pas eu d'engagement soutenu. Ces ministres sont nombreux à ne pas survivre plus d'environ la moitié du cycle de vie du saumon moyen. Il est difficile de comprendre comment ils arrivent à prendre une décision.

Ça suffit. Je suis ici pour vous accueillir.

À cette fin, j'aimerais souhaiter la bienvenue non seulement aux membres du comité, mais également aux personnes dans la salle auxquelles le ministère des Pêches et des Océans veut intenter des poursuites parce qu'elles ont défendu leurs droits. Je sais que vous êtes plusieurs dans cette situation dans la salle. Peut-être ces personnes pourraient-elles se lever afin que les membres du comité sachent de qui nous parlons.

J'aimerais également souhaiter la bienvenue à M. Anderson et à M. Evans. En accueillant M. Anderson, j'aimerais lui signaler que j'espère que dans son exposé, il prendra la peine de justifier le droit exclusif de pêche des Autochtones dans le fleuve Fraser.

Monsieur le président, l'an dernier, le pêcheur moyen au filet maillant sur le fleuve Fraser a pris environ 2 100 saumons sockeyes, d'une valeur d'environ 13 000 $. Le million de poissons pris par les Autochtones dans une pêche illégalement créée par le ministre, représente environ 40 p. 100 de la prise dans le fleuve Fraser. Dans le cadre de cette pêche illégale, on a pris de chaque pêcheur à filet maillant du fleuve Fraser, 1 500 poissons d'une valeur de 10 000 $. C'est un fait. J'aimerais savoir comment le ministre peut justifier cet acte de piraterie sur le fleuve Fraser et comment il peut maintenir cette politique divisive à caractère raciste. J'espère qu'au cours de son exposé, il répondra à cette question. En outre, j'aimerais que le ministre provincial, M. Evans, nous explique pourquoi, puisque la province détient le pouvoir de mettre fin à cette pêche, il a choisi de ne rien faire.

Sur ce, monsieur le président, bienvenue à Steveston. J'entrevois un après-midi intéressant. Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Cummins.

J'aimerais demander au ministre, M. Anderson, de faire son exposé. Je vous en prie.

L'hon. David Anderson (ministre des Pêches et des Océans): Merci, monsieur le président. J'ai le plaisir, monsieur le président, monsieur le vice-président, membres du comité, de vous souhaiter la bienvenue en Colombie-Britannique, ma province.

C'est également un plaisir que d'être ici, à quelques 100 mètres d'où mon arrière-grand-père a établi l'une de ses conserveries dans les années 1880 et où en fait, ma famille est associée depuis longtemps à l'industrie de la pêche.

Je sais que plusieurs personnes vont vous faire des exposés aujourd'hui. Par conséquent, monsieur Baker, je vais suivre vos instructions religieusement, même si je déçois ainsi peut-être M. Cummins, et m'en tenir à de très brefs propos.

Je suis ici parce que je tiens à ce que les membres du comité sachent, d'une façon très générale, ce que fait le ministère des Pêches et des Océans pour conserver, protéger et gérer les pêches et l'environnement marin ici sur la côte Ouest. En Colombie- Britannique, nous avons environ 2 300 employés au ministère qui administrent un budget d'environ 240 millions de dollars. Nous avons ici en Colombie-Britannique 190 contrats de cogestion avec des localités des Premières nations et nous gérons évidemment aussi une pêche récréative très importante.

• 1720

L'objectif primordial dans cette province, comme ailleurs, vise à conserver et à protéger les ressources marines pour les générations futures. En deuxième lieu, objectif très important aussi, nous voulons une pêche considérable, une pêche qui permet de conserver les stocks de poisson tout en permettant à ceux qui travaillent dans l'industrie de bien gagner leur vie. Je n'envisage pas cet objectif comme signifiant simplement une pêche de subsistance pour la Colombie-Britannique. J'envisage une industrie où ceux qui travaillent gagnent adéquatement leur vie de façon à pouvoir prendre soin de leurs familles comme elles le méritent.

En ce qui concerne la pêche de l'avenir, elle repose sur cinq principes: elle doit être durable sur le plan écologique; elle doit être viable sur le plan économique; je regrette, mais elle doit être d'une plus petite envergure qu'aujourd'hui, à mon avis; elle doit être compétitive sur le plan international et elle doit être autonome.

J'ai déposé ici à l'intention des membres du comité une discussion des techniques de gestion qui visent plusieurs pêches différentes. J'espère que vous examinerez ces documents. Permettez- moi de signaler rapidement que cette stratégie de gestion comporte les éléments principaux suivants: une gestion des pêches prudente dans la détermination des niveaux de pêche et même, lorsque c'est nécessaire, une réduction de ces niveaux; la réduction de moitié du nombre d'embarcations de pêche commerciale du saumon sur plusieurs années; une nouvelle approche en ce qui a trait à l'octroi des permis qui crée des zones distinctes de pêche fondées sur le type d'agrès utilisés.

Je m'empresse d'ajouter que cette stratégie fait ses preuves, malgré les conditions environnementales...

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Nous sommes à l'église!

L'hon. David Anderson: Malgré les conditions environnementales défavorables telles que El Ni«o, malgré les problèmes entourant les niveaux dans le fleuve Fraser, nous avons rencontré ou même dépassé nos objectifs d'échappement pour 1997 et vous trouverez un graphique à barres dans le document que je vous ai remis qui l'indique très clairement. En fait, nous avons réussi l'an dernier à atteindre non seulement les niveaux d'échappement, mais évidemment, les prises d'une façon qui mérite d'être examinée.

Bien que la conservation représente la première priorité, nous voulons également—je tiens à le souligner—une industrie qui soit rentable. Nous ne voulons pas d'une pêche de subsistance pas plus d'ailleurs, je pense, que vous. Il n'y a aucune contradiction entre la viabilité économique et une pêche qui repose sur la conservation, aucune; cela va de pair. Toutefois, il faut reconnaître l'importance du prix et des marchés qui évoluent sur la viabilité économique de l'industrie du saumon et j'y reviendrai plus tard.

Nous devons également reconnaître qu'une industrie rentable entraîne malheureusement une flotte de pêche plus modeste et nous avons pris des mesures à cet effet. Nous avons mis en place le programme de retrait des permis de pêche au saumon du Pacifique et dans le mémoire que vous avez, vous trouverez des données détaillées sur les résultats de ce programme. À ce sujet, en ce qui concerne le revenu des pêcheurs, vous constaterez que le programme est une réussite. Le nombre de navires de pêche de saumon a diminué de 31 p. 100 en 1997 par rapport à il y a deux ans, en 1995 lors du lancement du programme. Il s'agit du résultat du cumul de permis et bien sûr du programme de retrait des permis. Un rapport de vérification indépendant de ce programme révèle que le programme a atteint ses objectifs.

Le nombre de navires étant réduit, un plus petit nombre de pêcheurs se partagent les prises. La santé économique de la flotte s'en est trouvée améliorée et le revenu moyen par navire a augmenté.

Des voix: Oh, oh!

L'hon. David Anderson: Je vous encourage à examiner les données monétaires qui figurent dans le mémoire que j'ai déposé. Bien que le prix du saumon soit à son plus bas niveau historique, les revenus l'an dernier étaient supérieurs à ce qu'ils auraient été si nous n'avions pas réduit le nombre de navires.

Des voix: Oh, oh!

L'hon. David Anderson: En 1997, les prises commerciales ont atteint environ 18,7 millions de dollars et le prix du saumon sockeye se situait à environ 1,32 $ la livre, une diminution d'environ 40 p. 100 par rapport à il y a deux ans et de 30 p. 100 par rapport à l'année précédente. Toutefois, six ans plus tôt, en 1988, le prix moyen se situait à 3,69 $ la livre. Demandez-vous comment cette industrie peut survivre lorsque le prix de la ressource, c'est-à-dire le taux de rendement pour les pêcheurs dans cette salle, diminue des deux tiers, depuis 1988. Songez à ce que cela représente en revenus. Considérez ce que cela signifie pour leur subsistance. Songez, membres du comité, à ce que cela signifie pour leurs familles et leurs vies.

• 1725

Il nous faut, comme je l'ai dit précédemment, une pêche commerciale qui soit compétitive et autonome à l'échelle mondiale. Nous ne représentons qu'un petit segment de l'industrie internationale du saumon. Nous représentons, en fait, un pourcentage assez faible qui diminue d'ailleurs depuis un certain temps.

Notre objectif est de gérer cette industrie en partenariat avec l'industrie de la pêche, je le souligne. Nous voulons nous assurer qu'à l'avenir, ce partenariat existe de façon à pouvoir conjuguer nos efforts et obtenir ce qu'il y a de meilleur en opinions, en conseils et en aide de chacun.

Dans cette optique de cogestion, mesdames et messieurs, je vais présenter une Loi sur les pêches modifiée à la Chambre des communes, à notre retour en février, ou au début du mois de mars, selon le cas.

En outre, nous allons mettre sur pied sur la côte Ouest un conseil mixte de conservation de la ressource du Pacifique dans le but d'obtenir des conseils indépendants sur les questions de conservation du saumon du Pacifique et de son habitat. Nous prévoyons que le conseil commencera ses activités à la fin du printemps de cette année.

Vu le temps limité, il y a un dernier point que je souhaite aborder. Il s'agit des travaux de M. David Strangway et de M. William Ruckelshaus. Il s'agit d'un rapport important qui comporte quatre recommandations, mais celle que j'aimerais aborder maintenant, c'est celle qui veut que nous négociions une entente intérimaire de pêche avec les États-Unis pour les deux prochaines années. Ce ne sera pas facile. Nous savons tous à quel point il est difficile de négocier avec les Américains sur le saumon, mais nous ne voulons pas revivre les événements de 1997.

Nous avons l'intention de commencer, aussitôt que nous pourrons réunir les parties autour d'une table, à négocier une entente intérimaire. J'espère que celle-ci sera en place pour la saison de 1998 et que nous ne connaîtrons pas le même problème que l'an dernier.

Mesdames et messieurs, les océans et les pêches sont très importants pour les localités côtières de la Colombie-Britannique— très importants. J'ai pleinement l'intention de faire ce que je peux pour maintenir cette ressource afin de maintenir les possibilités économiques que représentent la pêche commerciale, la pêche récréative, le tourisme et les industries fondées sur la mer.

En conclusion, je tiens à réitérer que notre principal objectif, c'est la conservation, mais nous nous sommes engagés à mettre en place une pêche durable sur le plan écologique et économiquement viable ici sur la côte Ouest.

Je serais heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur le ministre.

Je ne pense pas que nous passions aux questions pour l'instant. Ce n'est pas ce que nous avons fait dans les localités que nous avons visitées. Nous sommes ici pour écouter les gens. Je vous remercie de vos commentaires.

Je vais demander à tous les autres orateurs s'ils veulent tenter de limiter leurs propos. À l'heure actuelle, déjà, notre horaire se prolonge tard dans la soirée. J'ai l'intention bien arrêtée de rester ici jusqu'à ce que tous ceux qui le souhaitent aient eu l'occasion de nous adresser la parole.

Nous n'allons pas nous en tenir strictement à cette liste. Il y a plusieurs pêcheurs. Nous allons alterner entre les personnes dans la salle et les personnes sur la liste. Toutefois, si vous pouviez vous en tenir à cinq minutes—je sais que nous avons promis un peu plus de temps à certains—chacun aura ainsi la possibilité de prendre la parole.

Cela dit, je vais maintenant passer la parole à l'honorable M. Corky Evans, ministre de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation de la Colombie-Britannique.

L'hon. Corky Evans (ministre de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation, gouvernement de la Colombie-Britannique): Merci, monsieur le président. D'abord, j'aimerais remercier très sincèrement le peuple Salish de la côte dont c'est le territoire traditionnel, et remercier les représentants de l'Église unie de nous avoir permis d'utiliser cet immeuble et remercier aussi les membres du comité d'être venus si loin pour entendre ce que nous avions à dire.

Bon nombre d'entre vous m'ont déjà entendu prendre la parole. Je pense que personne ne peut cependant dire m'avoir entendu lire un texte préparé à l'avance ni parler trop vite. Or, c'est exactement ce que je compte faire maintenant vu le peu de temps dont nous disposons. Si je parle cependant trop vite, monsieur le président, n'hésitez pas à me le signaler et à me demander de ralentir. J'essaierai cependant de ne pas dépasser le temps qui m'est imparti.

Malgré le fait que la Colombie-Britannique a eu maille à partir avec le gouvernement fédéral au sujet du plan Mifflin et du traité sur le saumon, comme l'a bien montré l'an dernier la sénatrice Pat Carney, je me suis dit il y a déjà un certain temps que la visite de votre comité constituait une occasion importante de présenter notre point de vue. Je suis prêt à parier que presque tous les membres de votre comité savent que des difficultés se posent en Colombie-Britannique dans le domaine des pêches. Mon objectif aujourd'hui est de vous expliquer en quoi consistent ces difficultés et de vous proposer des façons d'y remédier.

• 1730

J'ai maintes fois lu dans le Globe and Mail que le Canada central pense que ces difficultés ont tout à voir avec la politique et qu'il convient par conséquent de n'y prêter aucune attention. Rien n'est plus faux. Si vous quittez la Colombie-Britannique avec cette impression, je n'aurai pas atteint mon objectif qui est de vous faire comprendre la situation.

Dans le monde entier, on constate une évolution rapide dans le domaine des pêches. Il faut en partie attribuer cette évolution aux progrès technologiques qui entraînent une capitalisation accrue de l'industrie ainsi qu'une augmentation de sa capacité. Il faut aussi l'attribuer en partie aux politiques monétaires préconisées par la Banque mondiale, lesquelles visent à inciter certains pays à chercher par la pêche non pas à alimenter leur population, mais à augmenter le revenu d'exploitation. Les progrès scientifiques et génétiques ainsi que l'avènement de l'aquaculture, qui fait des pêches un domaine où comme dans l'agriculture, l'accent est mis sur la production de protéines, exercent aussi une influence. Il y a aussi la mondialisation elle-même et ce que notre ancien premier ministre décrivait comme la course vers le fond qui amène les pays qui exercent la pêche à se faire concurrence pour être en mesure d'offrir leurs produits au meilleur prix possible. Enfin, cette évolution est aussi imputable à l'isolement et à l'aliénation incroyables que disent ressentir les urbains du monde entier, ce qui crée un marché sur lequel ceux qui peuvent se le permettre sont prêts à payer davantage pour avoir la possibilité de pratiquer la pêche que pour la denrée que constitue le poisson.

Vu que la combinaison de tous ces facteurs a comme conséquence prévisible l'accélération exponentielle du rythme des changements survenant dans le domaine des pêches, il en résulte que de petites erreurs de nature biologique ou économique peuvent entraîner en une seule saison la disparition d'une espèce ou la faillite d'une entreprise.

Je ne vous dis là rien de nouveau. Or, si comme moi vous entendiez ceux qui tirent leur subsistance de la pêche vous le dire, ces choses vous sembleraient nouvelles et terrifiantes. L'écart même qui existe entre l'analyse que je vous fais de la situation et son impact réel sur la vie des intéressés est ce qui fait du domaine des pêches non seulement un sujet de discussion, mais aussi un sujet à caractère politique.

Le rôle du MPO avait déjà commencé à changer bien avant que les pêches deviennent un sujet de discussion politique en Colombie-Britannique. J'ai constaté à plusieurs endroits en Colombie-Britannique que le MPO était autrefois le ministère fédéral le plus présent et le plus respecté. Ce qui suscitait ce respect, c'est l'honnêteté des fonctionnaires du ministère et la grande compétence attribuée aux biologistes.

Ces dernières années, le ministère a eu tendance à susciter moins de respect, non pas que ses fonctionnaires soient moins compétents que par le passé, mais parce que le ministère a mis l'accent sur l'économie et la théorie plutôt que sur la biologie et la pratique.

Ainsi, un économiste étudiant la pêche au saumon sur la côte Ouest conclurait que les prises totales de saumon augmentent de façon générale. Un résidant de Bella Bella ou un biologiste du MPO conclurait plutôt à un déclin dans le domaine de la pêche au saumon parce que l'écosystème sur lequel reposait un secteur florissant de pêche et de transformation du saumon est atteint. Pour un économiste, le plan Mifflin qui propose de réduire la flotte afin d'accroître la viabilité des exploitants de navires restants constitue une réponse parfaitement rationnelle au changement technologie et à l'évolution des conditions du marché. Pour un résidant d'Ahousat et pour sans doute un grand nombre de personnes dans cette salle, ce plan entraîne l'élimination de la moitié des emplois dans la collectivité.

Ces deux interprétations de la réalité sont évidemment justes et voilà où intervient la politique.

Pour l'économiste, la gestion des pêches et l'aide accordée aux pêcheurs est plus coûteuse que ce que le secteur rapporte au Canada. Quand la flotte de pêche est trop importante, les économistes soutiennent qu'il faut éliminer les pêcheurs pour qui la pêche n'est pas la principale activité. Voilà le raisonnement derrière le plan Davis et le plan Mifflin et la raison d'être de l'augmentation phénoménale du coût d'un permis de pêche.

Pour les économistes, les progrès technologiques sont inévitables et sont source d'économies d'échelle. Par conséquent, le MTO a décidé qu'il fallait réduire la capacité de la flotte au lieu de réduire la capacité de chaque bateau.

Les économistes sont d'avis que ce sont les forces du marché qui doivent déterminer s'il est rentable pour un pays de s'adonner à la pêche et de transformer ses prises. Voilà pourquoi nous acceptons les règles du GATT qui exigent que nous renoncions au droit d'exiger que nos ressources halieutiques soient transformées au pays.

Les économistes sont d'avis que la pêche du poisson à des fins alimentaires n'est pas rentable. Ils soutiendraient qu'il serait sans doute dans l'intérêt financier du Canada de s'approvisionner en saumon auprès des piscicultures chiliennes, de réserver les poissons sauvages à la pêche sportive et de vendre tout excédent aux entreprises de pêche commerciale américaines et de payer, avec cet argent, les pêcheurs pour rester à la maison.

Les économistes ont un plan qu'on appelle ici la politique des deux rivières. Ce plan repose sur l'hypothèse qu'il faut que la Colombie-Britannique conserve un certain tonnage, mais que comme il est trop coûteux de gérer les stocks de poissons dans les 600 cours d'eau où ils se trouvent, il faut concentrer nos ressources sur les rivières Skeena et Fraser. On pourrait du même coup mettre à pied les biologistes qui s'occupaient de la gestion des poissons sur les 598 autres cours d'eau.

• 1735

La façon dont on a géré récemment les stocks de morues charbonnières, de flétans et de harengs illustre bien comment les politiques de répartition des ressources traditionnellement mises en oeuvre en Colombie-Britannique ont été modifiées sur la recommandation des économistes. Le gouvernement fédéral a établi des quotas et des restrictions à l'acquisition de permis de pêche pour ces espèces et même si les revenus individuels tirés de la pêche de ces espèces ont augmenté, ces mesures ont entraîné une diminution importante du nombre et de la répartition des emplois dans nos collectivités. Parce qu'on a décidé de concentrer l'accès à ces ressources entre les mains de quelques détenteurs de permis, des équipages et des collectivités entières ont été lésés.

Le pire dans tout cela, c'est qu'on a créé un nouveau type de pêcheurs qu'on appelle les pêcheurs spéculateurs. Ces pêcheurs n'ont pas accès à cette ressource publique du fait de leur travail; ils font plutôt de la spéculation sur cette ressource, et louent leur matériel pour faire d'importants profits fortuits.

Bon nombre de ces politiques conviennent peut-être même aux grandes entreprises de pêche à qui il importe peu que le poisson soit attrapé dans des rivières, dans des ruisseaux ou à l'embouchure du Fraser ou dont les intérêts ne sont pas vraiment affectés si ce poisson est transformé à Port Hardy, à Bellingham ou à Vancouver.

Pour une famille de pêcheurs de Sointula, de Queen Charlotte City ou de Bella Bella, la centralisation et la consolidation dans des centres toujours plus importants des activités de pêche et de transformation du poisson ainsi que du processus décisionnel sonnent le glas de votre collectivité.

Peut-être direz-vous: «Voyons, Corky, quel est le problème?» «Tout évolue. L'agriculture évolue, l'industrie forestière évolue, les transports ferroviaires évoluent également. Pourquoi en serait- il autrement de la pêche? La pêche ne peut pas être une activité à caractère social. La pêche, elle aussi, doit être considérée comme un secteur commercial. Pour être compétitif, ce secteur doit évoluer».

Vous auriez évidemment tout à fait raison de faire ces observations. Tout évolue effectivement. Le secteur des pêches et la conduite des affaires publiques n'y échappent pas. La Colombie- Britannique a dû elle-même évoluer afin de prendre sa place dans ce débat.

Permettez-moi un rappel historique. En 1871, la Colombie- Britannique acceptait aux termes d'un accord de remettre au gouvernement fédéral la gestion des pêches alors qu'elle demeurait responsable de la gestion de presque toutes les autres ressources naturelles. Si je ne m'abuse, un précédent avait été établi dans la Confédération quatre ans plus tôt parce qu'on voulait que le gouvernement fédéral répartisse de façon équitable les stocks de poissons entre les provinces Atlantiques.

Sur la côte Ouest, il était illogique que la répartition des stocks de poisson se fasse à Ottawa puisqu'il n'y avait qu'un seul gouvernement entre l'État de Washington et l'Alaska. La Colombie-Britannique s'est cependant vu imposer le modèle de la côte Est lorsqu'elle est entrée dans la Confédération.

En 1992, j'ai eu l'honneur et le privilège d'être invité à Terre-Neuve pour étudier le fonctionnement du secteur des pêches. C'était au moment de l'effondrement des stocks de morue et des dirigeants de tout le Canada avaient été invités à participer à une discussion à l'Assemblée législative sur cette crise. Des dirigeants politiques, des dirigeants syndicaux, des chefs d'entreprise et des scientifiques participaient à la discussion dans une atmosphère surréaliste.

La ville de St. John's était en état de choc. Tous les quais regorgeaient de bateaux de pêche immobilisés et toutes les usines de transformation du poisson étaient inactives. Le théâtre local proposait une pièce au sujet du chômage et du recyclage des travailleurs. Il s'agissait d'une comédie, mais tous ceux qui n'étaient pas de l'endroit hésitaient à rire.

La discussion à laquelle j'ai assisté à l'Assemblée législative portait sur la crise et visait avant tout à trouver les coupables. Tous les intervenants ont dit qu'ils savaient qu'une crise se profilait à l'horizon, mais tous rejetaient le blâme sur quelqu'un d'autre. Les dirigeants syndicaux blâmaient les entreprises, assurant ainsi leur réélection. Les entreprises blâmaient à leur tour les gouvernements, ce qui leur a obtenu des subventions et des concessions. La province blâmait le gouvernement fédéral comme lors de toutes les élections et le gouvernement fédéral, étant chargé de la gestion du secteur, a convaincu les gens qu'ils devaient voter pour lui s'ils ne voulaient perdre leur part de la ressource.

Pendant des décennies, cette recherche d'un coupable convenait aussi très bien aux intérêts des dirigeants politiques de la Colombie-Britannique. Cela nous a permis d'ériger des barrages sur les rivières à saumon, de creuser dans les frayères pour extraire du gravier pour la construction des routes, de construire des villes sur les affluents des rivières à saumon, de faire le dragage des ports, d'exploiter des placers là où nous le souhaitions et de déverser des déchets humains ou industriels dans les rivières, car peu importe que ces activités aient été nuisibles aux stocks de poissons ou non, il suffisait de blâmer le gouvernement fédéral.

Les pêcheurs de la Colombie-Britannique doivent aussi mettre fin à leurs récriminations. Le «problème» en Colombie-Britannique ne peut pas être attribuable à l'aquaculture, à la pêche sportive, à la pêche autochtone ou au fait qu'il y a trop de bureaucrates et pas assez de pêcheurs. Les problèmes auxquels nous faisons face sont en fait trop complexes pour être résumés sur une affichette pour pare-chocs, dans une séquence de six secondes ou dans un slogan électoral. Le gouvernement provincial ne prétend pas non plus avoir des solutions magiques.

• 1740

Les habitants de la Colombie-Britannique se sont intéressés à ce que les ministres de l'est m'ont appris à appeler «une tragédie de proportions bibliques», et ils ont constaté que la situation sur la côte Est se rapprochait de la situation sur le fleuve Columbia qui, à une époque, était le fleuve à saumon le plus important au monde, et qui maintenant ne contient plus de poissons en raison des quelque 200 barrages et des digues qui y ont été construits. Ils se sont demandé s'il n'y avait pas une autre voie.

Nous avons donc commencé à chercher cette voie en partant du principe que le poisson constituait une ressource appartenant à tous les habitants de la Colombie-Britannique. Je suis vraiment sérieux. Tous les enfants de 12 ans qui grandissent à Castlegar, Terrace et Vancouver-Nord sont convaincus qu'ils pourront aller à la pêche l'été suivant et attraper un poisson. Tous les pêcheurs commerciaux, tous les pêcheurs autochtones et tous les écologistes que je connais sont convaincus que le poisson est une ressource commune.

Cela ne plaît pas beaucoup à certains universitaires. Les chercheurs de UBC ainsi que les envoyés spéciaux Ruckelshaus et Strangway aiment à parler de la «tragédie de la propriété commune». Pour eux, si l'on permet qu'une ressource renouvelable appartienne à l'ensemble de la population, on est sûr qu'elle sera mal gérée. Ce principe ne semble pas beaucoup plaire non plus au MPO. Au fil des ans, le ministère a toujours cherché à faire du poisson une ressource privée.

La province reconnaît que la tragédie de la propriété commune n'est pas seulement une invention des universitaires. En l'absence de contrôles, il est inévitable que cette tragédie survienne.

Le gouvernement fédéral voudrait que le marché constitue le mécanisme de contrôle permettant d'éviter cette tragédie. Le gouvernement de cette province n'acceptera jamais cette position.

Si tout ce qui importait était l'argent et les progrès technologiques, nous élèverions des barrages sur le reste de nos rivières. Pour les économistes, il ne devrait d'ailleurs y avoir aucune autre motivation.

Le moment n'est cependant plus aux reproches. Si la province s'oppose à la privatisation de la ressource et qu'elle s'engage pour des raisons économiques, sociales, politiques et même spirituelles à assurer la survie des stocks, que proposer, dans ce cas, pour remplacer les modèles fondés sur la centralisation et le marché auxquels les économistes du MPO accordent leur préférence?

La province estime qu'il est possible de créer un secteur de pêche communautaire qui, avec le temps, se substituerait au déclin des stocks, à la politique des deux rivières, à la centralisation des secteurs de la pêche et de la transformation, ce qui permettrait aux citoyens de voir qu'il y a un lien direct entre la viabilité biologique des stocks de poisson et la viabilité sociale et économique de leurs collectivités.

La province estime qu'il est possible de créer un secteur de la pêche communautaire, exploitée en propre, qui constituerait une nouvelle voie. Pendant que progresse le débat, nous avons augmenté nos dépenses afin de restaurer l'habitat du poisson: 23 millions de dollars en 1994-1995, 38 millions de dollars en 1995-1996, 103 millions de dollars en 1996-1997 et 150 millions de dollars l'an dernier. Or, la détermination d'une société se mesure à ses actes et non pas à l'argent qu'elle dépense. En 1992, les usines de pâte à papier ont cessé de produire de la dioxine. En 1994, nous avons mis sur pied un programme de restauration des bassins hydrographiques. En 1995, nous avons supprimé le projet Kemano II. En 1996, nous avons pris une pause, le temps d'avoir une élection. En 1997, nous avons mis sur pied la stratégie des pêches de la Colombie-Britannique, un accord de cogestion avec le gouvernement fédéral pour ce qui est du saumon et nous avons adopté la Loi de protection des ressources halieutiques et la Loi sur le renouvellement des pêches.

Nous croyons avoir créé un précédent avec le gouvernement fédéral dans le domaine de la pêche des espèces de fond. Nous avons accordé 20 p. 100 des contingents à des collectivités et aux travailleurs pour qu'ils puissent prouver qu'un secteur communautaire des pêches est possible dans cette province. De la même façon, nous espérons conclure des ententes avec l'industrie de la pêche sportive ainsi que l'industrie aquacole, ententes qui porteraient sur la composition de leurs effectifs.

Nous avons la même vision pour ce qui est du renouvellement du secteur des pêches. Nous réduisons le plus possible le nombre d'employés affectés à ces secteurs et tous les programmes seront mis en oeuvre avec l'aide des habitants des collectivités visées. Nous croyons que cette approche peut réussir.

Nous ne contestons pas le fait qu'il existe une tragédie de la propriété commune et qu'il faut trouver une façon nouvelle de gérer les ressources halieutiques, car sinon, elles disparaîtront. Nous rejetons cependant la conclusion des économistes selon laquelle la seule façon d'éviter la disparition de ces ressources, c'est de les privatiser. Tant l'intervention des sociétés d'État que les lois que nous adopterons ou que la façon dont le secteur des pêches sera restructuré, viseront à combattre les solutions fondées sur les profits et le mépris exprimé par les économistes pour les principes de la propriété commune.

• 1745

Nous savons qu'il nous incombe d'inventer un nouveau modèle et nous invitons le gouvernement fédéral, par votre intermédiaire, à collaborer avec nous pour créer un secteur communautaire des pêches. Nous sommes aussi prêts à ce que le gouvernement nous remette le contrôle des pêches et des ressources nécessaires à leur gestion. C'est la seule façon de répéter l'exemple de l'Atlantique et d'éviter que nous nous perdions en récriminations pendant que les stocks de poissons et les collectivités côtières disparaissent.

Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vous remercie, monsieur Evans.

J'ai une liste d'organisations qui veulent intervenir et cela nous amènera jusqu'à 20 h 30. Je ne vais pas demander à tous ceux qui veulent intervenir d'attendre aussi longtemps. Je vais donc donner la parole à deux ou trois pêcheurs et ensuite à quelques organisations. Nous n'allons donc peut-être pas suivre exactement notre emploi du temps. Je vais suivre cet ordre, mais je vais permettre à certains pêcheurs d'intervenir parce que nous avons beaucoup appris d'eux dans chaque collectivité que nous avons visitée.

Cela étant dit, je vais tout d'abord donner la parole à trois pêcheurs. C'est M. Bob Rezansoff qui aura d'abord la parole.

M. Bob Rezansoff (président, Association des propriétaires de navires de la Colombie-Britannique): Il me sera difficile d'éclipser les deux intervenants précédents. On voit que les ministres fédéral et provincial nous ont présenté deux visions de l'avenir.

D'une certaine façon, on peut dire qu'ils nous ont tous deux présenté une vision exacte de la réalité. La ressource a été complètement répartie. Il ne reste plus de poissons pour qui que ce soit d'autre.

Je vais me permettre de lire mes notes. Je n'aime pas le faire, mais j'ai un rhume de cerveau et il m'est très difficile de me souvenir de ce dont je voulais vous entretenir.

Lorsque vous ferez le tour de la province, on vous fera part des diverses préoccupations en ce qui touche la gestion du secteur des pêches, des préoccupations touchant la répartition des ressources halieutiques et des préoccupations propres à chaque collectivité. Pour simplifier les choses, tout revient à la question de pouvoir gagner sa vie. Voilà ce qui importe vraiment aux gens, c'est de pouvoir gagner leur vie.

J'aimerais aborder une question qui n'a pas été abordée par ni l'un ni l'autre des ministres. Il s'agit d'une question qui a son importance quelle que soit la façon dont on envisage l'avenir, que l'on croit au concept communautaire comme M. Evans ou à l'approche fondée sur le marché comme M. Anderson.

J'aimerais attirer l'attention sur le fait qu'on n'a absolument pas consulté les pêcheurs sur la Stratégie sur les pêches autochtones. Il m'est difficile de soulever cette question en public puisque je m'expose immédiatement à ce qu'on me traite de bigot. J'aimerais cependant essayer de le faire.

La Stratégie sur les pêches autochtones a été, dès le départ, une initiative du gouvernement fédéral. Il s'agit essentiellement d'une politique sociale. Il ne faut pas déduire qu'on ne peut pas y toucher et quand elle a été adoptée, en 1992, on a dit à l'industrie que cette stratégie découlait de la décision Sparrow. L'industrie a dûment contesté cette interprétation. Des décisions récentes rendues par des tribunaux ont confirmé le fait que la stratégie ne découlait pas de la décision Sparrow. Il s'agit essentiellement d'une initiative de politique sociale. Or, sur le fleuve Fraser, la stratégie a nui à l'industrie et a créé de l'incertitude.

Qu'est-ce qui est vraiment ressorti de la table ronde? Personne n'a voulu prendre des décisions jugées impopulaires. Racheter une partie de la flotte, prendre les mesures qui auraient un impact sur les collectivités dont a parlé M. Evans, toutes ces choses qui ont un impact sur la vie des gens. Chacun savait que c'est ce qui allait se produire et qu'en bout de ligne les contingents de poissons seraient accordés à d'autres. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé.

Je suis d'avis que les événements survenus en 1996 étaient prévisibles dès 1992. Je me rappelle très bien avoir demandé au ministre Crosbie et au ministre Siddon ce que je ferais en 1996. Je leur ai demandé si je travaillerais cette année-là. Je leur ai dit que je savais que je ne travaillerais pas en 1996. Je leur ai dit que j'étais sûr que la politique sociale qu'on nous présentait ferait en sorte de me priver de mon travail en 1996.

Ils m'ont alors dit qu'il n'en serait rien et que tout irait très bien. J'aimerais vraiment maintenant pouvoir leur dire: «Je vous l'avais bien dit».

• 1750

À mon avis, c'est à cette stratégie qu'on peut attribuer la mise en oeuvre ou du moins la raison d'être du plan Mifflin. Je ne dis pas que tout lui est imputable. Beaucoup d'autres raisons et notamment l'état du marché, ont eu un rôle à jouer, mais le fait est que la stratégie est l'élément principal auquel on peut attribuer l'épuisement des stocks en 1996.

J'aimerais signaler le fait que fort étrangement, les deux paliers de gouvernement évitent d'aborder la question. Personne n'en parle. Ni l'un ni l'autre des ministres n'a aujourd'hui mentionné l'existence de cette stratégie ni n'a parlé de son impact sur notre viabilité économique. Nous avons pris toutes les mesures qu'a préconisées M. Anderson. La flotte a presque été réduite de moitié. Cela a été extrêmement pénible. Dans toutes les collectivités côtières, on vous dira combien le processus a été pénible, combien il a été coûteux et combien nous avons eu du mal à nous adapter à la situation. On ne nous permet cependant pas d'en parler.

À l'heure actuelle, le juge Sam Toy est saisi d'un dossier qui découle du processus May. Il s'agit de savoir comment indemniser les gens pour les transferts gratuits effectués dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones. Je participe à ces discussions mais je le fais parce que je suis forcé et non pas parce que je crois vraiment au processus. Je sais que si nous ne trouvons pas un mécanisme adéquat, la moitié des pêcheurs de cette salle se retrouveront sans emploi. En l'absence de ces mécanismes, nous nous retrouverons dans cinq ou six ans dans la situation où tout le poisson a été sacrifié à cette politique sociale. Tous nos investissements ne vaudront plus rien. Voilà pourquoi je participe aux efforts en vue de trouver une solution au problème.

La question que j'aimerais vous poser est celle-ci: «Qui parle au nom des pêcheurs dans cette salle?» Lorsque nous sommes allés discuter de la question de l'indemnisation devant le comité Toy—il ne s'agit pas d'indemnisation mais plutôt de rachat—les Autochtones ont quitté la salle. Ils ont dit qu'ils ne discuteraient que de gouvernement à gouvernement et que nous devions intervenir auprès de notre gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, donc auprès de vous. Je ne vois pas comment nous pouvons participer au processus. Le gouvernement fédéral ne nous demande pas notre avis. Le gouvernement provincial non plus. Qui représente les pêcheurs dans cette salle dans ces discussions? Voilà le problème le plus grave qui se profile à l'horizon et qui va compromettre la mise en oeuvre du plan Mifflin.

Je ne conteste pas le fait que nous devons régler les revendications territoriales et respecter les traités. Je dis simplement que les gens qui se trouvent dans cette salle ne peuvent pas faire part de leurs préoccupations. Une politique sociale a été mise en oeuvre pour favoriser le développement économique d'un groupe de personnes, mais lorsqu'on le fait à partir d'une ressource limitée, il est bien évident que d'autres gens souffrent. Voici les gens qui sont mis à contribution. Voici les gens qui doivent renoncer à leur gagne-pain pour permettre la mise en oeuvre d'une initiative sociale qui a peut-être de bonnes raisons d'être. Peut-être est-ce la façon de procéder, mais entre-temps, le point de vue de ces gens n'est pas entendu. Non seulement n'est-il pas entendu, mais j'en déduit que les deux paliers de gouvernement ne s'entendent pas avec ceux qu'ils représentent.

Lorsque nous portons notre cause devant les tribunaux—et c'est ce que la décision Sparrow nous invitait à faire—et c'est ce que nous avons fait, que fait le gouvernement de M. Anderson? Il propose le projet de loi C-62 qui change toute la façon dont on envisage les pêches. M. Evans a parlé d'une propriété commune. C'est juste. C'est un principe qui remonte à la Grande Charte. C'est un principe qui a plus de mille ans. Que propose le gouvernement fédéral? Il propose une approche tout à fait nouvelle. Il propose de permettre les ententes privées et la redistribution des stocks de poissons. Il propose de légaliser des mesures qui sont interdites par la loi actuelle. Je crois que c'est répréhensible. J'aimerais savoir qui représente ces gens. Qui représente ces pêcheurs et comment pouvons-nous faire connaître notre point de vue? Je ne pense pas que qui que ce soit défende ce point de vue.

Avec le processus Toy, on a ce qui équivaut à un simple rachat, et non pas une méthode d'indemnisation. Comme je l'ai dit, la moitié des pêcheurs pourrait avoir disparu à la fin du processus. L'industrie pourrait s'effondrer parce qu'elle n'a pas suffisamment de stocks pour survivre.

• 1755

On nous dit que, même si nous pouvons atteindre un consensus sur les aspects mécaniques du processus et même si nous proposons des mesures au juge Toy qui seraient jugées acceptables parce que les Autochtones auraient quitté la pièce, ce ne serait pas un consensus véritable. Je peux vous dire que, depuis 1992, nous avons rencontré des pêcheurs autochtones en privé pour discuter de la stratégie relative aux pêches autochtones. Depuis le milieu de 1992, M. Brown, qui est conseiller pour le gouvernement provincial, moi-même et M. Fowler, nous nous sommes réunis à deux ou trois reprises pour voir si nous pouvions régler la question. Nous avons dépensé 300 000 $ de l'argent du gouvernement fédéral pour charger un médiateur professionnel de s'occuper de la situation, mais sans succès.

La question que je vous pose encore une fois est celle-ci: comment tient-on compte dans le système de l'importance de notre rôle pour nos localités? Qui étudie tout cela? Comment pouvons-nous influer vraiment sur les conséquences que la Stratégie sur les pêches autochtones aura sur nous? Comment pouvons-nous faire en sorte que nos opinions entreront en ligne de compte?

Si vous voulez créer de nouvelles possibilités sociales et économiques pour les pêcheurs autochtones, et je conviens que c'est un objectif tout à fait valable, il me semble qu'on devrait au moins permettre à ceux à qui on enlève ces possibilités de donner leur point de vue. On nous mène à l'abattoir sans même nous permettre d'exprimer nos préoccupations.

Il faut que vous essayiez de voir si la Stratégie sur les pêches autochtones a atteint ses objectifs. Le gouvernement exige- t-il une reddition de compte pour ce programme? Cela fait quelques années que nous payons des droits exorbitants pour nos permis, alors que l'industrie autochtone a obtenu une pêcherie supplémentaire pour payer ses coûts.

C'est une nouvelle façon de procéder. Le gouvernement n'a pas vraiment examiné quelles seraient ses conséquences. Pourtant, ses conséquences sont aussi graves que celles du plan Mifflin. Je vous exhorte à tenir compte de tout ce que je vous ai dit.

C'est une question politique. Sur le plan pratique, il y a une chose bien simple que vous pourriez faire valoir au gouvernement, c'est que tout le monde ici paie des frais exorbitants pour les permis. Ces frais ont été calculés en fonction de la période de base de 1991 à 1994 quand, comme l'a dit M. Anderson, ils étaient trois fois plus élevés qu'ils ne le sont maintenant, pour recouvrer de 3 p. 100 à 5 p. 100 de nos revenus bruts. Nous n'avons plus de revenus aussi élevés. Nous gagnons seulement le tiers des revenus d'alors. Cependant, nous payons encore comme si nous avions de tels revenus et réalisions encore de tels bénéfices.

Une chose qu'on pourrait donc nous donner très rapidement et que les deux échelons gouvernementaux devraient examiner, serait une réduction des tarifs pour les permis avant que ce soit le temps de payer les droits de permis pour le saumon, mais cela devrait s'appliquer à tous les droits de permis et pas seulement à ceux qui s'appliquent à la pêche au saumon. Je sais que cette question est à l'étude, mais si vous pouvez influer sur la décision à ce sujet, les membres de mon groupe vous en seraient très reconnaissants.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vais maintenant donner la parole à un autre intervenant parmi nos témoins, M. John Van Dongen qui est critique officiel pour l'opposition.

M. John Van Dongen (critique des Pêches de l'opposition, Assemblée législative de la Colombie-Britannique): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir intervenir aujourd'hui.

Je veux me pencher sur trois questions, la première étant la stratégie relative aux pêches autochtones, qui continuent d'être une source de tension et d'incertitude dans le secteur de la pêche commerciale. Il s'agit d'une mesure manifestement mal conçue parce qu'elle est contraire aux principes d'égalité et d'équité. Elle crée des divisions dans le secteur commercial en fonction des races et cela ne peut que causer des problèmes.

Je suis déçu de constater que ni le gouvernement provincial ni le gouvernement fédéral ne se rend compte des conséquences nocives de la stratégie relative aux pêches autochtones tant pour les Autochtones que pour les non-Autochtones.

Une deuxième question dont je veux parler a trait au fait que le ministère des Pêches et des Océans empiète de façon indue sur les droits à la propriété privée. Je vais vous donner un exemple particulier qui touche le Sud de la partie continentale de la Colombie-Britannique, mais il arrive la même chose dans bien d'autres régions. Cette question porte sur le nettoyage des fossés dans les plaines inondables du sud de la partie continentale de la province et ailleurs en Colombie-Britannique. C'est une opération tout à fait essentielle si l'on veut un secteur agricole viable dans ces régions.

L'été dernier, le gouvernement municipal de la ville d'Abbotsford et d'autres localités ont reçu une nouvelle entente de cinq pages du MPO contenant des conditions détaillées pour le nettoyage des fossés pour la saison suivante. L'entente proposée comprenait toute une liste de critères fixés par le MPO qui ajoute un montant considérable au coût de nettoyage des fossés. Ce sont des coûts supplémentaires que les agriculteurs et les gouvernements n'ont pas les moyens d'assumer vu leurs difficultés financières actuelles.

• 1800

Le contrat d'autorisation comprenait certaines mesures d'indemnisation qui ont des conséquences directes pour les droits à la propriété privée et la possibilité pour les agriculteurs d'exploiter pleinement leur bien-fonds. Tout cela nous pousse à poser une question: une indemnisation pour quoi?

La façon dont le MPO empiète indûment sur les droits à la propriété privée est encore plus grave dans d'autres parties de la vallée du Fraser. Le MPO demande à certains agriculteurs de la région de Langley—Aldergrove de cesser d'utiliser de grandes parcelles de terrain parce que le MPO en a besoin comme habitat de terres humides. Le ministère prend en mains 5 acres dans un cas et 16 acres dans un autre et exproprie à toutes fins pratiques ces terres sans offrir la moindre indemnisation à part l'imposition de nouvelles règles.

La troisième question dont je veux parler est un exemple de dommages graves causés à l'habitat sur la rivière Chilliwack sans que le MPO ne fasse quoi que ce soit à ce sujet.

La rivière Chilliwack est une très belle rivière tributaire du Fraser et du Vedder. C'est un cours d'eau extrêmement populaire et important pour le poisson et les pêcheurs. La rivière traverse une étroite vallée avec de chaque côté de profondes berges d'argile limoneuse à fines particules. À divers endroits, la rivière a parfois grugé les berges causant une grave érosion et la chute de gros morceaux d'argile dans le cours d'eau. C'est arrivé la dernière fois en janvier 1997 et il y a deux semaines en janvier 1998.

Le glissement de terrain de janvier 1997 à Slesse Park avait fait l'objet d'une campagne massive de la part des pêcheurs de tout le sud de la partie continentale de la province. Cependant, rien n'a été fait pour réduire les dommages à l'habitat du poisson.

Il y a bien eu deux études, dont l'une a été supprimée par le ministère provincial des Forêts. Le MPO, supposément avec la collaboration du ministre de l'Environnement, a prélevé des échantillons de la rivière pour déterminer les conséquences des glissements de terrain, mais nous n'avons jamais pu voir les résultats des essais par écrit et à ma connaissance, le ministre n'a jamais reçu de rapport officiel.

Le plus récent glissement de terrain s'est produit sur un terrain privé. Le propriétaire semble être très disposé à faire les travaux nécessaires, mais d'après les démarches faites auparavant auprès des responsables des pêches, il n'obtiendra pas la collaboration des autorités sans qu'on ait mené des études d'ingénierie dispendieuses et sans toutes sortes de problèmes bureaucratiques.

Le principe directeur pour le ministre de l'Environnement et pour le MPO est que la nature doit suivre son cours. Ce n'est qu'une excuse pour ne rien faire.

Les deux échelons supérieurs de gouvernement ne sont pas prêts à faire quoi que ce soit eux-mêmes dans les cas de ce genre, mais ils imposent aux gouvernements locaux et aux agriculteurs ce que ceux-ci doivent faire. Ils font monter les coûts d'entretien des fossés, sans contribuer d'aide financière. Ils parlent de protéger le poisson et l'habitat des poissons, mais refusent de faire quoi que ce soit sur la rivière Chilliwack et ailleurs.

Je voudrais terminer par quatre choses qu'il faudrait faire à mon avis. Il nous faudrait beaucoup plus d'uniformité entre ce que disent les gouvernements et ce qu'ils font pour protéger l'habitat du poisson. Il faudrait que les gouvernements cessent de se décharger unilatéralement de leurs responsabilités sur les gouvernements locaux et sur des tiers innocents. Il faudrait que les gouvernements respectent pleinement les droits à la propriété privée, y compris le droit des agriculteurs d'avoir des terres bien drainées. Enfin, il faudrait que les gouvernements assurent une équité véritable entre tous les pêcheurs commerciaux au lieu de favoriser les divisions basées sur la race qui mènent à l'incertitude et à la méfiance.

Merci beaucoup de m'avoir permis de vous parler.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci beaucoup.

Je vais maintenant revenir à un pêcheur. Il a déjà dit quelques mots pour nous souhaiter la bienvenue, mais il figure aussi sur la liste de nos témoins. M. John Cummins est pêcheur commercial. Je l'invite à s'avancer et à faire un bref exposé.

M. John Cummins: Dans mon discours de bienvenue, j'ai signalé que les bateaux de pêche au filet maillant du Fraser n'ont pris en moyenne que 2 100 saumons sockeyes cette année, pour une valeur d'environ 13 000 $. Les faits sont très simples à établir. Tout ce qu'il faut faire, c'est examiner les chiffres sur les prises—je pense que M. Eidsvik a fait circuler une feuille à ce sujet— multiplier par environ cinq livres et demie pour le poids du poisson et multiplier encore par le nombre de permis pour obtenir le chiffre. Ce n'est pas de la haute mathématique.

• 1805

Le gouvernement a réaffecté ce qui équivaut à environ 1 500 poissons par bateau aux pêcheurs autochtones, pour une valeur d'environ 10 000 $. Voilà ce que la Stratégie sur les pêches autochtones signifie pour les gens dans cette salle. Oui, les prix ont baissé, comme l'a dit le ministre, mais l'accès aux ressources a aussi été réduit d'environ 40 p. 100.

Permettez-moi de vous expliquer à quel point cette mesure est déraisonnable. N'oublions pas non plus que la Cour suprême a statué que ce groupe de pêcheurs ne devait pas avoir de droits particuliers. Voyons un peu à quel point c'est déraisonnable.

Il y a environ deux ans, le gouvernement a administré un programme de rachat de 80 millions de dollars. La plus grande partie de cet argent a été fourni par la flottille de pêche. Où sont rendus les bateaux de pêche maintenant? Je peux vous dire où ils sont. La plupart de ces bateaux, ou une bonne partie d'entre eux, participent maintenant à la pêche exclusive des Autochtones. Au lieu de sortir le mardi avec la flottille commerciale, ces navires sortent maintenant le lundi et peut-être même le samedi.

Combien cela fait-il de bateaux, de quels bateaux s'agit-il et qui s'en sert pour la pêche? Qui sait? C'est difficile à croire, mais ces questions ne relèvent pas du ministère des Pêches et des Océans. Ce sont les bandes elles-mêmes qui décident combien de bateaux vont faire la pêche, combien de filets seront installés et qui pourra pêcher.

Monsieur le président, vous ou moi pourrions être désignés comme pêcheurs dans un de ces groupes de pêche commerciale autochtone. Un Australien ou un Alaskien pourrait en faire partie aussi. Les origines du pêcheur n'importent pas du tout. Ce n'est pas un droit. La pêche doit cesser avant que le poisson ne disparaisse, monsieur le président, et avant que nous ne perdions notre avenir.

Je ne peux pas laisser passer cette occasion sans parler de la performance du ministre à Prince Rupert. Le vendredi soir où tout s'est passé, j'ai reçu un coup de fil peu de temps après qu'un chaland américain ait éperonné un bateau de pêche au filet maillant de notre port ici. J'ai été au téléphone toute la soirée. Le lendemain matin, on m'a informé du blocus peu de temps après qu'il se soit produit. Nous avions déjà chargé notre fourgonnette pour des vacances en famille. J'ai fait mon choix et j'ai pris le premier avion pour Prince Rupert pour essayer de résoudre le problème. J'ai travaillé avec certaines des personnes dans cette salle et avec d'autres pour essayer de résoudre le problème.

Le ministre a mis quatre jours pour venir. Il a fait son choix. Son choix consistait à rester avec certains collecteurs de fonds du Parti libéral, j'imagine, à Terre-Neuve, au lieu de venir ici pour essayer de résoudre ce grave incident international. Depuis, qui a-t-il blâmé si ce n'est les pêcheurs qui essayaient de protéger une ressource canadienne?

Il y a une autre question qui me préoccupe beaucoup et dont on n'a pas beaucoup parlé dans les journaux. Nous n'avons pas pu obtenir grand-chose à ce sujet jusqu'ici. C'est peut-être en partie, comme l'a signalé le Vancouver Sun il y a quelque temps, parce que l'organisme en question dépense environ 4 millions de dollars par année pour la publicité. De toute façon, pendant l'été de 1995, plusieurs camps de pêche sportive de la côte centrale ont refusé de fournir des rapports suffisants au ministère des Pêches sur leurs prises comme l'exige la loi. Des accusations ont été portées contre trois camps de pêche, y compris deux qui appartiennent à Oak Bay Marine Group.

Un an plus tard, les accusations contre Oak Bay ont été retirées parce que le ministère a découvert que les camps de Oak Bay fournissaient les renseignements voulus au lobbyiste enregistré, le Sport Fishing Institute. Apparemment, l'institut a fourni les chiffres voulus au ministère en novembre. Je ne vois pas à quoi peuvent servir des chiffres reçus en novembre pour gérer l'industrie de la pêche en août. De toute façon, pourquoi a-t-on retiré les accusations? Pourquoi l'a-t-on fait quelques jours à peine après que le ministre soit allé faire de la pêche sportive sur la côte centrale avec le principal actionnaire de Oak Bay Marine Group? Je l'ignore.

Ce voyage de pêche avait été organisé en partie par Velma McColl, ancienne directrice exécutive du Sport Fishing Institute et maintenant personne-ressource du ministre pour la côte Ouest.

Pourquoi les accusations ont-elles été retirées alors que le président de Oak Bay Marine Group, Bob Wright, aurait apparemment déclaré, comme le signalait le Vancouver Sun, qu'il n'avait pas fourni les chiffres sur les prises parce que le ministère aurait exigé la fermeture des camps de pêche s'il avait su ce qu'il prenait? Je l'ignore.

Comparez la façon dont ce groupe a été traité à celle dont Ray Forest a été traité. Ray est un pêcheur au filet maillant en amont de la rivière ici. Nous avions eu une manifestation ici l'été dernier et, il y a à peine quelques jours, le ministre fédéral des Pêches a décidé d'intenter des poursuites criminelles contre Ray pour sa participation à cette manifestation. On a attendu près d'un an, ou au moins six ou sept mois, vu que c'était l'été dernier, pour intenter des poursuites au sujet de la participation de Ray à cette manifestation.

Selon moi, votre comité devrait examiner la façon dont le ministère s'occupe de poursuites criminelles et applique la loi.

• 1810

Je voudrais aussi parler de l'habitat. Certains pensent que les deux ministres, tant M. Anderson que M. Evans, sont de véritables environnementalistes. Je voudrais cependant que le comité essaie de voir comment il se fait qu'on a pu construire la route de l'île de Vancouver, qui traverse environ 30 cours d'eau sur l'Île de Vancouver où le saumon coho se reproduit, sans qu'on ait fait d'évaluation environnementale. La province et le gouvernement fédéral ont vraiment tout fait pour éviter les évaluations environnementales.

Si le MPO avait reconnu que l'habitat serait de toute évidence altéré par la traversée de ces cours d'eau, on aurait dû faire une évaluation environnementale. La province était de son côté obligée de faire une évaluation pour tout projet de voirie sur plus de 20 kilomètres. Elle s'est assurée que les contrats pour la route ne dépasseraient pas les 20 kilomètres et a donc évité une évaluation provinciale.

Il me semble que le comité devrait examiner ce qui s'est passé pour la construction de cette route et ce que le MPO a fait pour éviter une évaluation. Il s'agit de cours d'eau de frai du saumon coho et, dans quelques années, lorsque le coho ne retournera pas à ces ruisseaux, vous savez à qui on en imputera le blâme: ce seront les pêcheurs commerciaux qui font une surpêche dans le détroit de Johnstone. Ce n'est pas de là que vient le problème. Le problème c'est qu'on a endommagé l'habitat avec l'autorisation des gouvernements fédéral et provincial.

La dernière question que je veux soulever, monsieur le président, et j'aurais probablement dû le faire au début, a trait au tour de passe-passe le plus scandaleux depuis Bingogate. C'est digne de Brian Mulroney, mais il faut dire que les agissements de Glen Clark ont fait bien paraître Brian Mulroney. Je veux parler du projet du barrage Kemano.

En avril 1997, Alcan a intenté des poursuites au gouvernement de la Colombie-Britannique au sujet de l'annulation en 1995 du projet Kemano d'Alcan visant à détourner environ 80 p. 100 de la rivière Nechako de la Colombie-Britannique, projet qui consistait essentiellement à échanger le saumon sauvage de la province pour de l'électricité qu'Alcan pourrait vendre aux États-Unis par l'entremise de B.C. Hydro. Quand Alcan a intenté des poursuites, le premier ministre Clark a tempêté en disant: «Les habitants de la Colombie-Britannique ne toléreront pas qu'on verse des centaines de millions de dommages-intérêts à une entreprise qui préconisait un projet malavisé sur le plan économique et environnemental.»

Quatre mois plus tard, M. Clark a tranquillement cédé la Nechako et tout son saumon à Alcan. Pourtant, il a prétendu qu'Alcan retirerait ses accusations, que Kitimat obtiendrait 2 000 nouveaux emplois, que le sinistre projet Kemano était mort et enterré et que l'eau et le saumon sauvage de la Nechako étaient sauvés. Seulement la première déclaration est vraie: Alcan a effectivement retiré ses accusations. Pour le reste, c'est de la foutaise.

Pourquoi cette question devrait-elle intéresser le comité à part son désir de protéger le poisson? Vu qu'il s'agit des travaux d'achèvement du projet Kemano, il ne faut pas oublier qu'au milieu des années 80, on avait exercé des pressions sur les scientifiques du ministère fédéral des Pêches pour qu'ils changent leur témoignage et appuient le projet d'Alcan. C'est un fait. Il existe des preuves que le ministère fédéral des Pêches a exercé des pressions sur ses scientifiques pour qu'ils changent leur témoignage et que certains scientifiques ont démissionné à cause de cela. Ceux qui avaient refusé de changer leur témoignage se sont vu interdire l'accès à la pièce où l'on a négocié l'entente finale.

On ne peut pas retirer de 70 p. 100 à 80 p. 100 des eaux du troisième plus important tributaire du Fraser et penser que la montaison du saumon pourra être maintenue. C'est impossible.

Monsieur le président, le MPO est un ministère dévoyé. C'est un ministère complexe qui mérite autre chose qu'un nouveau ministre tous les deux ans. C'est un ministère qui exige un certain engagement. Il est vraiment tragique que notre régime politique ne semble pas permettre qu'on charge des personnes d'expérience de gérer ce ministère.

Le résultat final de tout cela, c'est qu'il y a des gens ici même qui vont perdre leurs emplois, perdre leurs moyens de subsistance et peut-être encore plus. Si vous n'avez qu'un revenu de 13 000 $ et que vous avez probablement dû payer près de 100 000 $ pour construire votre bateau de pêche et que vous ayez des hypothèques et des enfants à faire instruire et à nourrir, vous devez avoir accès aux ressources et vous devez avoir des ressources bien gérées. Ce n'est pas ce qui est arrivé jusqu'ici. C'est facile de le prouver.

Je vous incite à vous pencher sur certaines des questions que j'ai mentionnées.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

• 1815

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je donne maintenant la parole à Mike Hunter, du Fisheries Council of British Columbia.

M. Mike Hunter (président, Fisheries Council of British Columbia): Monsieur le président, j'essaierai d'être bref. J'ai constaté que les politiciens pouvaient dépasser cinq minutes, mais peut-être est-ce ma montre qui retarde?

Je suis président du Fisheries Council of B.C., qui représente les principales industries de transformation du poisson de la Colombie-Britannique.

Je voudrais tout d'abord vous donner quelques détails, monsieur le président et membres du comité. En 1997, les compagnies que je représente ont acheté environ les deux tiers de tout le saumon pris en Colombie-Britannique pour le transformer en produits pour la consommation. La Colombie-Britannique est comme le reste du monde. Une fois transformé, le poisson vaut environ le double de sa valeur au quai.

L'autre chose qu'il faut comprendre, c'est que le sort des pêcheurs et des autres membres de l'industrie, c'est-à-dire des transformateurs et des commerçants, est intimement lié. Si vous essayez d'isoler ces éléments et si vous pensez pouvoir traiter avec les pêcheurs sans traiter en même temps avec les transformateurs, vous allez faire des erreurs.

L'industrie de la pêche commerciale de la Colombie- Britannique, malgré les problèmes pour le saumon, dont je voudrais vous parler un peu, représente encore environ un milliard de dollars par année. Cela correspond probablement encore au tiers du total pour tout le Canada. Le saumon représente seulement le tiers de cette valeur.

L'industrie est importante pour nos exportations et pour la création d'emplois. En 1997, nos compagnies membres ont fourni de l'emploi à 3 000 personnes. Le chiffre a déjà été plus élevé, mais l'industrie éprouve maintenant des problèmes économiques. Nous ne pouvons pas le nier. Tout le monde est d'accord là-dessus.

Pourquoi l'industrie a-t-elle des problèmes? Eh bien, ce n'est pas parce que les gens sont stupides et je rejette complètement l'idée que c'est parce que le MPO a des intentions sinistres. Le problème ne dépend pas de nous. Le problème, c'est que notre industrie n'est plus protégée. Nous faisons partie de l'économie globale à cause du GATT, de l'ALENA et d'autres facteurs qui ne dépendent pas de nous. Cependant, une raison peut-être plus importante et peut-être même la plus importante de toutes, c'est que le saumon n'est plus un produit spécial.

Depuis 1984, la production de saumon a presque triplé dans le monde. Elle a augmenté dans le Pacifique Nord, en Colombie- Britannique pendant une certaine période, en Alaska, en Russie et au Japon. Cependant, en 1997, pour la première fois de l'histoire, le saumon d'élevage a dépassé la production globale de saumon sauvage et représente maintenant environ 55 p. 100 du total.

Le monde du saumon a donc évolué. Peu importe où vous avez fait vos études, vos cours d'économie vous diront que, lorsque l'offre augmente plus rapidement que la consommation, les prix ne peuvent que baisser. Les compagnies de la Colombie-Britannique ne peuvent rien y faire.

La Colombie-Britannique produit maintenant environ 2,5 p. 100 des approvisionnements mondiaux en saumon. Nous ne contrôlons pas le prix que paient les acheteurs japonais à Tokyo. Nous ne contrôlons pas le prix que paient les acheteurs de saumon en conserve à Liverpool, à Londres ou à Sydney.

Qu'est-ce que cela signifie pour nous? Cela signifie que le côté économique de notre industrie doit changer. Un simple calcul arithmétique vous montrera que, du point de vue d'un pêcheur de saumon ou d'un transformateur, compte tenu des recettes brutes qu'on peut obtenir aux prix mondiaux actuels, il n'y a tout simplement pas assez d'argent dans le système pour produire un rendement suffisant pour les investissements et pour la main- d'oeuvre et aussi pour le public canadien à qui la ressource appartient.

De notre point de vue, nous avons un produit de grande vente pour lequel la saison est courte et qui provient d'une matière première hautement périssable. Nous devons rester concurrentiels à l'échelle globale. Le saumon est une partie importante de cette équation. Nous avons besoin d'un approvisionnement sûr et régulier de matières premières. Ce que M. Rezansoff et M. Cummins ont dit à propos de cet approvisionnement en matières premières nous intéresse beaucoup. Nous nous intéressons et nous participons aussi à la gestion des pêches en même temps que bien des gens dans cette pièce dans le cadre des divers groupes consultatifs organisés par le ministère des Pêches.

Nous avons besoin de plans de gestion des pêches qui permettent une utilisation optimale des prises. Nous devons cesser de livrer tout le poisson une fois par semaine. Nous devons avoir la possibilité de vendre le poisson sur des marchés différents.

Comment pouvons-le faire? Selon nous, le plan Mifflin nous a mis sur la bonne voie en redonnant un peu de bon sens et de viabilité économiques à l'industrie de la pêche. Je dois malheureusement vous dire que, selon nous, le plan Mifflin ne va pas assez loin; il faudrait réduire la flottille davantage. Notre industrie elle-même a perdu beaucoup de son importance depuis huit ans. Nous croyons que le secteur des pêches, à cause de tous les liens internes, doit malheureusement mais inévitablement devenir plus petit à moins que, comme l'a signalé M. Evans, les gouvernements ne décident que l'État doit participer d'une façon ou d'une autre à l'industrie de la pêche et offrir un financement aux localités qui ont jusqu'ici toujours compté sur cette industrie pour survivre.

• 1820

Dans cette industrie, nous avons besoin de structures législatives et réglementaires équitables et prévisibles. Nous avons besoin de politiques gouvernementales claires pour préserver la ressource et faciliter l'efficacité économique et la recherche d'objectifs orientés axés sur le marché qui, d'après nous, doivent en dernière analyse déterminer le développement de l'industrie.

La solution à nos problèmes ne viendra pas d'une hausse de prix pour le produit. Comme je l'ai dit tantôt, le fait est que les approvisionnements de saumon augmentent. Les prises de hareng en Colombie-Britannique, qui, depuis dix ans, ont permis à bon nombre de pêcheurs et de transformateurs de survivre, éprouvent des difficultés sur le marché japonais, le seul endroit où l'on peut vendre ce produit. Inutile que je vous parle des économies asiatiques qui, pendant des années, étaient pour nous un endroit de choix pour la diversification des marchés.

Les coûts de production du saumon d'élevage seront le principal facteur de détermination du prix tant pour le saumon d'élevage que pour le saumon sauvage et nous croyons que les coûts de production pour le saumon d'élevage continueront de baisser. Vous pourrez calculer vous-mêmes ce qu'il faut à notre industrie pour qu'elle devienne économiquement viable, c'est-à-dire pour qu'elle ait un rendement convenable, non pas exorbitant, mais convenable, tant pour les investissements que pour la main- d'oeuvre, et pour qu'elle soit profitable au public canadien.

L'industrie a survécu à des circonstances incroyables ces dernières années: les approvisionnements mondiaux de saumon ont presque triplé, le volume des prises a connu d'énormes fluctuations, le prix des produits a baissé, les marchés traditionnels se sont contractés à cause de la venue du saumon d'élevage, les coûts ont augmenté, en partie à cause des gouvernements fédéral, provincial et municipaux. Il ne faut pas non plus oublier l'effondrement de l'Union soviétique, parce que l'Union soviétique est maintenant devenue un fournisseur important de saumon pour le marché japonais.

Je ne voudrais pas m'appesantir là-dessus, monsieur le président. Ce que nous voudrions vous dire, c'est qu'à notre avis les gouvernements, pour rendre à ce secteur sa capacité d'assurer des revenus en Colombie-Britannique, se trouvent placés devant une alternative bien tranchée: soit que vous permettiez que le nombre de gens employés dans ce secteur diminue et que règne l'économie marchande, soit que vous ayez un secteur des pêches qui, pour des raisons sociales, est source de subventions publiques. À nos yeux, ce n'est pas là le modèle souhaitable, ni la façon d'attirer des investissements. Le message n'est pas plaisant, mais nous pensons que c'est la seule voie possible.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Hunter.

Je vais donner la parole à David Ellis.

M. David Ellis (président, David Ellis and Associates Ltd.): Je vous remercie. Je suis honoré de prendre la parole aujourd'hui devant ce comité, qui s'est rendu en Colombie-Britannique pour y rencontrer toutes les personnes intéressées dans ce secteur si varié.

Mon mémoire est relativement long, ce dont je m'excuse, mais il me semblait avoir beaucoup de choses à dire, comme cela m'arrive parfois.

Je suis consultant du secteur des pêches, et à ce titre, je travaille surtout avec des groupes ou des individus modestes dans ce secteur: Autochtones, environnementalistes, et un grand nombre de groupes de pêcheurs; au cours des années mon travail m'a amené à connaître beaucoup de gens dans ce secteur. Ce que je voudrais dire aujourd'hui—et que j'ai essayé d'exprimer par écrit—, c'est la vérité sur ce qui se passe en réalité: à savoir, si notre travail est lié à la pêche, quels sont les revenus que celle-ci produit, et à qui ils vont en réalité, et plus encore, quel est le potentiel de ce marché. M. Corky Evans disait que ce secteur pourrait, pour le moins, doubler, si nous partions de principes biologiques, et je suis tout à fait d'accord avec lui sur ce point. Nous avons, au ministère des Pêches et des Océans, des gens qui ont toutes les compétences nécessaires pour gérer la pêche de façon à en augmenter la production, mais pour plusieurs raisons ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle.

Je voudrais aller sans détour au coeur du problème. C'est une chose que vous n'entendrez pas souvent dire par les gens de ce secteur, dans une réunion comme celle-ci.

Le fond du problème, c'est la concentration des grandes sociétés dans ce secteur. J'ai essayé d'exposer, aussi simplement et clairement que cela m'est possible, comment les intérêts des grandes sociétés, en particulier ceux de la George Weston Limited, exercent une mainmise sur le ministère et en accaparent chaque aspect de la recherche et de l'élaboration des politiques. Tant que cette situation se maintiendra, les profits tirés de cette ressource seront confisqués par les agents du ministère qui travaillaient autrefois pour ces vastes sociétés, et les travailleurs de ce secteur n'en verront jamais les bénéfices.

• 1825

Si ce secteur dépérit, c'est à cause de la concentration par ces grandes sociétés. J'ai essayé de montrer comment cet accaparement fonctionne et retentit sur ce secteur.

Ce secteur comprend deux branches principales: la pêche au hareng, et la pêche au saumon rouge; à l'heure actuelle—les preuves biologiques sont nombreuses—, il y a une grave surpêche de ces deux ressources. Toutes deux sont très riches de potentiel, mais durement touchées par une mauvaise gestion prolongée. C'est ce que j'ai essayé de montrer dans le mémoire.

Je voudrais également mentionner la pisciculture car la société susmentionnée, George Weston Limited, y investit à l'heure actuelle des sommes considérables en Colombie-Britannique. Cette société possède certaines des plus vastes entreprises piscicoles, qui sont quatre fois plus grandes que la taille moyenne d'une telle entreprise en Norvège, ce qui est complètement contraire aux principes de la pêche aux poissons vivant à l'état sauvage. Les sommes que la Pacific Biological Station et la West Van Station consacrent à cette recherche sont prises sur ce qui pourrait être consacré à la reconstitution de la pêche aux poissons sauvages et de ses nombreux et divers participants.

J'ose l'affirmer ici sans ambages. J'ai récemment rédigé un ouvrage sur la pisciculture pour la Fondation David Suzuki. C'est une activité qui ne convient pas du tout à la Colombie-Britannique, et nous devrions sans tarder fermer toutes nos fermes piscicoles. Ce n'est pas la bonne manière de s'y prendre, elles mènent à la destruction des poissons vivant à l'état sauvage. Et les preuves à cet égard sont légion. Les grands spécialistes dans ce domaine ne manqueront pas de vous en fournir d'abondantes preuves.

On se rend à présent compte, en Norvège, qu'avec la pisciculture on condamne la pêche au poisson sauvage. Les raisons en sont complexes, mais dans mon rapport, dont j'ai apporté plusieurs exemplaires, vous trouverez une description détaillée de la pisciculture du saumon.

J'y formule également plusieurs recommandations, dont deux, qui me paraissent les plus importantes, portent sur le principe du propriétaire exploitant, qui est en place à l'heure actuelle et dont parlait M. Corky Evans. Nous devons faire marche arrière, et revenir, pour la pêche commerciale, aux petits bateaux de pêche du propriétaire exploitant, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Ce secteur connaît une concentration croissante, et le plan Mifflin va encore davantage dans ce sens.

Le plan Mifflin a écarté les petits exploitants et enrichi les gros. Cela revient, dans la pratique, à faire cadeau de 7 ou 8 millions de dollars, pour la plupart à Galen Weston et à ses actionnaires. C'est à cela que revient, pour l'essentiel, le plan Mifflin, et ce n'est certainement pas ce que nous en attendions.

Ma première recommandation est donc en faveur du propriétaire exploitant; ma seconde, c'est que les grandes conserveries de poisson devraient s'en tenir à leur métier, qui n'est pas de pêcher. Ce qui se passe à l'heure actuelle, c'est que ceux qui ont le plus d'argent pour construire le meilleur navire de pêche, le plus rapide, ce sont les propriétaires de conserverie, qui bâtissent donc, à qui mieux mieux, des navires de grande capacité capables de pêcher de plus grandes quantités que tous les autres.

Certes, le pêcheur a également son rôle à jouer, qui n'est pas sans importance, mais l'accès aux capitaux, pour acheter des permis et construire de meilleures embarcations et du meilleur équipement, écarte d'emblée l'humble pêcheur.

Les perdants, dans cette affaire, sont des gens que je connais, car j'ai moi-même, pendant 12 ans, travaillé dans la pêche à la traîne dans les îles de la Reine-Charlotte. C'est l'une des plus belles époques de ma vie, j'étais heureux. Ce n'était certes pas une pêche très rentable, mais j'ai gagné assez pour retourner à l'école et payer mes études.

Je rêve, quand je prendrai ma retraite, de retourner à la pêche à la traîne; j'aimerais acheter alors un petit bateau de pêche à la traîne et me remettre à pêcher avec des copains. Ce n'est plus possible de nos jours, il n'existe plus de petits bateaux de pêche, avec ce plan Mifflin, ils ont tous été éliminés, où ont dû s'allier avec les gros. Mais moi j'espère bien en acheter alors un gros, et le rendre plus petit, par pur défi.

Le dernier point que je voudrais mentionner concerne le ministère des Pêches, et la façon dont il fonctionne. J'y connais beaucoup de gens, en ma qualité de consultant pour diverses collectivités, et il y en a que je respecte beaucoup. C'est un ministère où il y a certes des gens très compétents, mais où l'on retrouve aussi un important noyau de corruption. On en est arrivé là graduellement. Beaucoup de ceux qui travaillent pour le ministère n'écoutent pas ce que les pêcheurs ont à dire, ce sont les conditionneurs qui ont leur oreille.

Par le biais de la Loi sur l'accès à l'information, je me suis procuré toute une volumineuse correspondance, et ce ne sont donc pas des accusations en l'air: je peux apporter des preuves à l'appui de tout ce que j'affirme.

• 1830

Nous assistons à la mise en place d'une politique au service des grandes sociétés, et c'est ce que nous devons changer. Ce qui constitue également un problème au sein du ministère, c'est un manque de responsabilisation. Il y a certes des gens de valeur. Dans la province également, en particulier au ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation, un grand nombre de gens travaillent de concert avec le secteur industriel—j'entends par là dans l'intérêt de celui-ci, et non dans l'intérêt public. C'est ce qui me scandalise, j'en suis outré.

Il faudrait introduire une clause de responsabilisation au ministère des Pêches et des Océans, une clause qui préciserait qu'ils ont l'obligation de travailler dans l'intérêt public et pour assurer la préservation du poisson, et qu'à défaut de respecter cette clause ils ne toucheront pas de pension à leur retraite. Autrement dit, la Commission de la fonction publique devrait veiller à ce que les pensions soient liées, d'une certaine façon, à la performance. Lorsque j'étais pêcheur, si je ne ramenais pas beaucoup de saumon royal, de coho ou autre, je ne touchais rien. Je sortais en mer pour ramener du poisson, cela me plaisait et je faisais correctement ce que je devais faire. La même chose devait s'appliquer aux bureaucrates.

S'ils nouent des liens répréhensibles avec certaines sociétés—comme je l'ai montré là dans le cas de National Sea Products et Fishery Products International et là dans le cas de l'association de pêche, ils auront à rendre compte de décisions qui ont entraîné une diminution de nos ressources halieutiques.

Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vous remercie, monsieur Ellis.

Je vais maintenant donner la parole à ceux qui l'ont demandée, mais je vais auparavant la donner à un pêcheur, à savoir M. Phil Eidsvik. Je vous serais reconnaissant de vous limiter à environ cinq minutes.

M. Phil Eidsvik (témoignage à titre personnel): Je ferai de mon mieux pour m'en tenir à cinq minutes, mais faites-moi signe, si vous le voulez bien, lorsque quatre minutes auront passé.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je n'y manquerai pas.

M. Phil Eidsvik: Je ne savais pas que vous alliez me donner la parole, mais j'avais, à tout hasard, apporté quelques notes dont vous voudrez peut-être bien prendre connaissance, si vous en avez le temps.

Tout d'abord je voudrais vous remettre un document qu'une aînée de la rivière Skeena, qui m'a demandé de présenter un mémoire en son nom, m'a remis. Elle s'inquiète beaucoup de la stratégie des pêches autochtones, disant qu'à cause de celle-ci, sur le réseau fluvial de la rivière Skeena, elle et bien d'autres comme elle ne pêchent plus suffisamment pour leur subsistance, et elle m'a demandé de porter ce fait à votre attention, dans l'espoir que vous puissiez intervenir et remédier à cette situation.

J'aimerais, en peu de mots, évoquer le système qui, au ministère des Pêches, consiste à museler les chercheurs, car vous avez fait du travail utile là-dessus. En Colombie-Britannique, le problème est encore bien pire: non seulement les avis des scientifiques ont été ignorés, mais le ministère des Pêches a organisé des campagnes délibérées et malfaisantes de désinformation publique. Des bureaucrates du ministère ont comparu devant ce comité en disant des mensonges flagrants. Je voudrais brièvement évoquer cette question, car tous les espoirs pour la pêche sombreront si le ministère ne fait pas le ménage dans ses propres rangs, parmi ceux qui vous mentent. Je vais vous en donner un exemple.

Lorsque nous avons comparu en 1992 devant ce comité—à la suite de la tragédie du frai qui résultait de la stratégie des pêches autochtones—le président du comité a demandé au sous-ministre et à l'un de ses collaborateurs, le directeur général régional: «Avez-vous donné l'ordre de ne pas poursuivre les Autochtones pour les délits commis en 1992?» À quoi le sous- ministre, ainsi que le directeur général régional qui était assis à côté de lui, ont répondu: «Certainement pas, nous n'avons pas donné ces ordres.» Il faut bien dire les faits.

Six mois après les audiences du comité, nous avons obtenu des documents par le biais de la Loi sur l'accès à l'information. Voici une note de Pat Chamut, l'un de ceux qui a assisté à la réunion, dans laquelle il dit: «J'ai parlé à Bruce Rawson»—qui est sous-ministre—et il est dit: «La vente de petites quantités de poisson pris pour la consommation personnelle ne devrait pas faire l'objet de poursuites». Nous avons donc un sous-ministre qui affirme n'avoir pas donné cet ordre, ce qui est contredit par cette note de service datée du 28 août.

Ce n'est pas tout, loin de là. Voici une autre note obtenue par une fuite au ministère des Pêches et des Océans et datée du 14 octobre 1992, soit six semaines avant que ces deux personnes aient comparu devant votre comité en affirmant n'avoir jamais donné ces ordres. Dans cette note de service, il est question des poursuites engagées contre les pêcheurs: le ministère des Pêches, par le truchement de Rawson et de Chamut, consent à consulter le ministère de la Justice pour lever les poursuites engagées contre des gens qui avaient été poursuivis en 1992. Ils ont donc non seulement donné les ordres de ne pas engager de poursuites, mais derrière le dos du comité, ils ont essayé de lever les poursuites contre ceux qui avaient été accusés.

• 1835

Voici qui entache la crédibilité du ministère, et si vous ne réglez pas ces problèmes... Entre-temps, M. Chamut a été promu, à Ottawa, au poste de sous-ministre adjoint, ce qui a déçu tous ceux ici présents. Je pense qu'il n'y aurait personne ici pour le défendre et pour dire de lui que c'est un homme honorable et sincère. Je suis désolé d'avoir à porter un tel jugement sur lui, mais vous en avez ici les preuves.

M. Anderson est venu aujourd'hui déclarer que le plan Mifflin avait réduit de 30 ou de 40 p. 100, je ne sais plus au juste, la flotte de pêche commerciale. Depuis 1992, 1 500 nouveaux permis de pêche commerciale ont été délivrés pour le fleuve Fraser, oui, 1 500. La pêche commerciale autochtone, sur ce même fleuve, est à présent deux fois plus grande que la flotte commerciale régulière.

Alors, quel espoir avons-nous d'obtenir gain de cause si les fonctionnaires du ministère des Pêches refusent de comparaître devant votre comité, vous qui êtes nos représentants au Parlement, et de dire la vérité?

Enfin, dernier point à propos de la stratégie des pêches autochtones, au cours des cinq dernières années, nous nous sommes fait traiter de racistes pour nous y être opposés. On s'est acharné contre nous. Chaque fois qu'on me pose cette question, je renvoie la balle en disant: «Que diriez-vous si, un jour où vous vous présentez au travail, on vous disait qu'il n'y a pas de travail pour vous parce qu'un bureaucrate, à Ottawa, a décidé que votre appartenance ethnique n'était pas la bonne?» J'ai toujours cru que la pêche commerciale était ouverte, sans distinction, à tous les Canadiens; c'est ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladstone: tous les Canadiens sont égaux quand il s'agit de pratiquer la pêche commerciale. Nous sommes persuadés que nos frères et soeurs autochtones, et tous ceux qui sont ici présents, doivent avoir les mêmes chances que tous, mais ce n'est pas ce que la stratégie des pêches autochtones nous a apporté.

Quand vous rentrerez chez vous pour discuter du contenu de votre rapport, demandez-vous comment vous réagiriez si, en vous présentant lundi matin au travail, on vous disait: «Vu l'ethnie à laquelle vous appartenez, vous n'avez plus le droit de travailler, sinon nous allons vous poursuivre en justice, vous faire mettre en prison.» John Cummins pourrait vous dire comment on se sent: il a passé deux jours en prison. «Et si vous persistez, nous vous confisquerons votre permis de pêche et ce qui est votre outil de travail.» Nous trouvons cela scandaleux: au Canada la pêche commerciale devrait être ouverte à tous.

Je vous remercie.

Des voix: Bravo, bravo!

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vous remercie, monsieur Eidsvik. Je ne peux souscrire à certains des commentaires que vous avez faits à propos des scientifiques: c'est une question que le comité tout entier a étudiée à fond au cours de la dernière session.

Nous allons maintenant donner la parole à Jamie Austin de la Underwater Harvesters Association.

M. Andrew Milne (ancien président, Underwater Harvesters Association): Je vous remercie, monsieur le président. Je voudrais préciser que je ne suis pas Jamie Austin, mais que je le remplace car il n'a pu venir aujourd'hui. Je m'appelle Andrew Milne, et je suis l'ancien président de l'association.

Nous sommes heureux de présenter le point de vue d'une autre catégorie de pêche. À une époque de bouleversements dans les principales pêcheries de la Colombie-Britannique, à une époque également où le ministère des Pêches, quoi qu'il fasse, est en butte à toutes sortes de critiques, on tente d'oublier qu'il existe, dans notre province, un certain nombre de pêcheries saines et bien gérées et que le ministère mérite, à leur égard, d'être félicité d'avoir fait preuve de perspicacité. Toute médaille a son revers.

La Underwater Harvesters Association représente les détenteurs de permis et autres de la pêche au panopéa du Pacifique. Certes, nous ne sommes pas bien connus, mais notre secteur est le plus important pêcheur de coquillages du Canada, et vient au quatrième rang, après le saumon, le hareng et le flétan, en Colombie-Britannique. L'expansion de notre secteur et d'autres, parmi eux les pêcheurs de morue charbonnière, de flétan, de crevettes et de sébastes, est, dans une grande mesure, le résultat de la coopération et de l'attitude positive manifestées par les représentants locaux du ministère des Pêches et des Océans.

Au cours des dix dernières années, nous avons pu nous rendre compte des répercussions profondes qu'une gestion avisée peut avoir sur nos marchés. Toute la nature de notre secteur a été changée grâce au contrôle sur notre production, afin d'assurer un flux constant de poisson et fruits de mer de grande qualité. Le fait de pouvoir assurer quotidiennement une livraison de marée fraîche nous a ouvert des marchés qui autrement nous étaient fermés, et ce grâce à la collaboration entre le ministère des Pêches et les pêcheurs.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Un instant. Est-ce qu'on pourrait peut-être mettre une sourdine au bavardage? Nous avons du mal à entendre. Je vous remercie.

• 1840

M. Andrew Milne: Le rôle du ministère des Pêches et des Océans a changé. Dans notre secteur, une grande partie des opérations au jour le jour est faite et payée par le secteur des pêches; dans d'autres domaines, le ministère s'affirme plus que jamais, à savoir en matière de conservation, salubrité, délivrance des permis et application de la loi. Le ministère doit conserver les pouvoirs, dans ces domaines et nous voudrions vous demander de lui donner tout votre soutien.

Récemment encore, il a été question de diminuer le rôle du gouvernement dans la gestion des pêches, et nous voudrions à cet égard vous mettre en garde. Le processus consultatif ne devrait pas être confondu avec l'autorité suprême. C'est ainsi qu'aux États-Unis, l'État a dispersé son pouvoir en matière de pêcherie, et nous savons quelle confusion—voire chaos—peuvent en découler. S'il y a un enseignement à en tirer, c'est que le Canada ne devrait pas, en l'occurrence, prendre les États-Unis pour modèle.

Cela n'empêche que nos propres procédures pourraient être améliorées, par exemple la proposition de création d'aires maritimes protégées. C'est là un sujet qui nous tient à coeur et qui pourrait avoir des incidences considérables sur de nombreuses conserveries de produits marins. Les propositions pourraient s'appliquer à toute partie de la côte, et limiter son utilisation pour tout objectif quel qu'il soit. Certains voudront empêcher toute activité dans certaines zones, d'autres proposent des restrictions plus limitées pour faciliter la recherche et la conservation. Notre secteur n'a pas d'opposition de principe aux AMP mais nous nous inquiétons, bien entendu, de l'effet qu'elles pourraient avoir sur nos prises.

Dans bien des cas nous pensons que les AMP pourraient coexister avec des pêcheries prudemment gérées comme la nôtre; il faudrait, à cet effet, que toutes les parties intéressées soient pleinement consultées. Certains, qui se sont proclamés des porte-parole des AMP, ont manifesté de l'hostilité envers les secteurs concernés ou les ont carrément condamnés, mais le directeur général, qui relève du ministère des Pêches, nous assure que la mise en place des AMP ne se fera qu'après avoir tenu compte de notre position. Ce n'est qu'avec le soutien du MPO que nous pouvons être rassurés pour le règlement d'une question de ce genre.

Comme je le disais tout à l'heure, le ministère des Pêches et des Océans mérite que vous le souteniez plus vigoureusement afin qu'il puisse assumer ses rôles fondamentaux. Avec les bouleversements qui se produisent dans notre secteur, ces questions gagnent encore en importance:

1. Conservation. Évaluation des stocks de ressources et fixation de contingents d'ensemble qui assurent la survie des espèces: ceci est fondamental pour toute gestion. Le secteur des pêches peut aider à procéder à cette évaluation, comme nous le faisons, et nous devrions être consultés régulièrement pour la fixation des contingents, mais c'est au ministère des Pêches de trancher en dernier ressort.

2. Salubrité. La qualité des produits de mer canadiens est assurée par nos procédures d'inspection, qui sont reconnues dans le monde entier. Des fruits de mer avariés peuvent rendre malade, ou pire encore. Là encore, la coopération s'impose, et seul le gouvernement du Canada a l'autorité et le prestige nécessaires pour maintenir les normes maximales.

3. Délivrance de permis. Pour assurer une bonne gestion, un plan clair et stable de délivrance de permis est indispensable. La possession d'un permis implique un privilège; elle comporte de plus en plus la responsabilité de veiller au bien du secteur. Les pêcheurs s'engagent à améliorer les chances d'avenir de leur secteur, mais seul le gouvernement fédéral peut en assurer, à long terme, la sécurité.

4. Application de la loi. Sans mesures vigoureuses d'application, les plans de gestion et de conservation les mieux conçus risquent d'échouer. Beaucoup d'entre nous pensent que dans les récentes réorganisations du ministère, l'accent n'a pas été suffisamment mis sur l'application de la loi. Nous-mêmes embauchons des détectives privés afin d'aider le ministère à arrêter les braconniers et autres personnes contrevenant aux règlements des pêches. Notre coopération à cet effet avec les agents du ministère a certes été utile, mais un renforcement de l'action du ministère s'impose. Nous vous demandons de lui accorder tout votre soutien aux fins de lui permettre d'assumer pleinement cette importante tâche.

Au cours des 10 ou 15 dernières années, le secteur des pêches non traditionnelles a connu, en Colombie-Britannique, une grande expansion, principalement à cause des pêcheurs eux-mêmes; cette expansion nécessite toutefois la compréhension et la coopération de la part des représentants locaux du ministère des Pêches. Certaines des leçons qui en ont été tirées pourraient être utiles, à l'avenir, à nos pêcheries traditionnelles, mais c'est à elles d'en décider. Ce que nous savons, nous, c'est que grâce au MPO, on peut trouver, en Colombie-Britannique, certaines des pêcheries les mieux gérées du monde.

Le public a parfois l'impression que les questions liées aux pêches sont tellement compliquées au point d'être insolubles; compliquées, elles le sont certainement, mais il existe des solutions.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole à Kathie Scarfo, qui est à la fois pêcheuse et présidente de West Coast Trollers. J'ai appris aujourd'hui que, toute femme que vous soyez, vous êtes classée parmi les membres du sexe fort.

Mme Kathie Scarfo (présidente, West Coast Trollers): Je suis contente que quelqu'un ait mis les points sur les i: j'ignorais moi-même ce qu'il en était.

• 1845

Je vais faire une chose dont je n'ai pas l'habitude. Après avoir entendu Corky Evans, j'ai renoncé à faire mon exposé, car il m'a coupé l'herbe sous les pieds. J'ai donc pris quelques notes et je vais essayer de m'en tenir à la limite de cinq minutes. Faites- moi signe si je dois me hâter, et interrompez-moi si besoin est. Je vais essayer d'improviser, en évitant, autant que possible, de répéter ce qui a déjà été dit.

Je représente la flotte de la pêche à cuiller de la côte Ouest, soit la côte ouest de l'île de Vancouver. Nous couvrons le même territoire que le conseil tribal Nuu-chah-nulth, avec lequel nous travaillons en liaison étroite, de même qu'avec les collectivités de la côte Ouest. Quand le ministre des Pêches prend la parole, il a l'air d'être le ministre du Développement économique, car les pêches sont liées à l'économie, mais également à la culture, et elles ont des répercussions sociales. Il est impossible de dissocier ces divers éléments, nous risquerions un fiasco, et c'est pourquoi nous avons procédé différemment.

Nous travaillons en liaison étroite avec les autres groupes d'usagers. Nous reconnaissons le fait que nos matelots font partie de notre flotte, que les entreprises commerciales qui dépendent de nous en font également partie et que tous nous devons pouvoir avoir accès à une commune ressource. Nous devons également penser à long terme et voir plus loin que notre horizon étroit. L'idée de biens communs tend à être galvaudée, dans cette province, et probablement également dans tout le pays; elle mériterait une discussion approfondie. Corky Evans a soulevé la question de la privatisation de cette ressource, notion qui est de plus en plus admise sans avoir été discutée. Je voudrais que ce comité permanent porte cette idée à l'attention du public et nous donne la possibilité d'en discuter.

La pêche à la cuiller, c'est comme la chasse: nous avons tous un équipement, comme pour la chasse, mais avec des hameçons. Certains d'entre vous viennent de très loin—de Grand Falls, de Gander ou de Gaspésie. Un grand nombre des gens auxquels vous allez parler, si loin qu'ils nous paraissent, sont bien moins éloignés, pour beaucoup d'entre nous, que ne l'est Ottawa.

Je voudrais aborder de nombreuses questions dont vous allez entendre parler prochainement, et vous demander de bien réfléchir à la raison pour laquelle nous vous exposons tout cela, et à la nature de ce que nous disons.

Dans le secteur de la pêche au saumon, nous avons une certaine réputation, qui nous porte ombrage: on dit de nous que nous sommes un groupe qui défend ses propres intérêts, qui est surcapitalisé, qui ne fait que se plaindre et qui, par avidité, viderait tout l'océan. Je m'inscris en faux contre cette réputation: nous sommes des propriétaires-exploitants indépendants, dans la majorité, qui pensons à long terme, et avec perspicacité.

Notre plus grand problème, à l'heure actuelle, c'est qu'on ne nous autorise pas à participer à la prise de décision. On a parlé de surpêche sur la côte Est et sur la côte Ouest, et un certain nombre d'entre nous sont à blâmer, mais j'espère que beaucoup de gens se rendent compte que cela ne dépend pas de nous. Nous allons là où nous sommes autorisés à pêcher, lorsque nous y sommes autorisés, et nous pêchons de la façon autorisée; si nous avions un peu plus voix au chapitre, nous n'aurions peut-être pas tous les problèmes que nous connaissons.

J'aimerais faire un bref bilan de la performance de Pêches et Océans du point de vue des pêcheurs à la cuiller de la côte Ouest. Lorsque je parle de Pêches et Océans, je ne vise pas des fonctionnaires en particulier, mais l'appareil bureaucratique dans son ensemble.

En ce qui concerne la biologie, les compressions financières ont eu une incidence sérieuse. Il n'y a pas eu de surveillance en période de pointe. L'évaluation des stocks halieutiques est médiocre. Nous sommes incapables de nous adapter aux changements dans un contexte où cette ressource naturelle est affectée par des changements constants, comme El Ni«o. Par conséquent, nous en subissons les conséquences.

Pour ce qui est des obligations internationales qui lient le Canada et les États-Unis, nous avons été abandonnés par le gouvernement fédéral. Nous avons dû réduire la flotte parce qu'il n'y avait pas suffisamment de poisson à distribuer entre les pêcheurs canadiens. Le problème tient en partie au fait que personne ne s'est porté à notre défense et qu'on a permis aux Américains de continuer à faire de la surpêche. Nous avons donc subi une réduction de flotte pour permettre une réallocation de poissons aux Américains.

Sur le plan des principes internationaux, nos collectivités ont souffert de bouleversements qui n'ont pas été pris en compte. Dans le contexte des Nations Unies, le Canada a signé un code de conduite international sur la gestion responsable des pêches, mais cela ne se traduit jamais dans la réalité au niveau régional et il serait dommage que tous les efforts consacrés à la rédaction de ce genre de code de déontologie ne portent pas fruit et que le document ramasse la poussière sur une tablette quelque part.

En matière de protection de l'intérêt public, on a déjà beaucoup parlé de privatisation. À notre avis, il s'agit d'une ressource qui appartient à tous, mais le fait est qu'on est en train de la privatiser.

• 1850

D'ailleurs, ce phénomène de la privatisation s'est déjà produit dans le cas d'autres ressources naturelles. Prenons le cas de l'ormeau. Cinq ans après la privatisation de cette pêche, il n'y en avait plus.

Le gouvernement des États-Unis a imposé un moratoire sur la privatisation et le système de quotas individuels afin d'en faire un examen approfondi. Je pense que nous devrions faire la même chose au Canada.

Les pouvoirs conférés au ministre font de ce pauvre homme un dictateur. La nouvelle Loi sur les pêches va même encore plus loin en ce sens et lui accorde des pouvoirs encore plus vastes.

On entend beaucoup parler d'initiatives visant la viabilité des pêches, mais on n'en voit guère sur le terrain. Il y a concentration de la capacité, et il est question de réduire la flotte. Or, personne ne parle de réduire la capacité. On a apporté des changements quant à savoir qui peut pêcher mais on n'a pas réduit la capacité de la flotte. Réduire la capacité de la flotte, voilà une option à laquelle devrait réfléchir le Fisheries Council of British Columbia et tous les autres tenants d'une réduction plus draconienne de la flotte.

Le plan Mifflin encourage la surcapitalisation. Essentiellement, on nous dit qu'étant donné que nous sommes trop nombreux, il nous serait impossible de subvenir à nos besoins en pêchant tout le long de la côte. Personne ne conteste notre nombre. Mais c'est un peu comme dire à un agriculteur qu'étant donné que le marché a baissé et qu'il ne pourra subvenir à ses besoins, on lui laisse son étable, son tracteur et toute son infrastructure, mais on va lui prendre la moitié de sa terre. Cela n'est pas utile. À mon avis, personne ne sera plus avancé en s'endettant davantage pour pêcher exactement le même volume de poisson qu'avant.

Dans notre secteur, nous avons pris de notre propre chef des initiatives pour assurer la pérennité des pêches. Nous avons envisagé d'utiliser des hameçons sans barbe. Nous avons examiné, en collaboration avec l'Université de la Colombie-Britannique et la Bamfield Marine Station, des programmes de surveillance informatique. Hier à Victoria, des représentants de notre association, de même que des conseils tribaux, des collectivités et d'autres groupes d'utilisateurs, y compris le Conseil consultatif du Sport Fishing Institute, ont rencontré des fonctionnaires du ministère de Pêches et des Océans, du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux au niveau des traités et déposé des ententes provisoires sur les commissions de conservation des ressources marines et aquatiques que nous voulons instaurer et qui nous permettront d'assurer la gestion locale de la ressource.

Pour concrétiser ces initiatives de pêche durable, nous devons savoir quel sera notre accès à la ressource. Personne ne fait un investissement sans savoir au préalable s'il peut être viable à l'avenir.

J'essaie de ne pas trop parler du plan Mifflin, surtout parce que je pense que nous en sommes tous écoeurés ici. Mais même si nous sommes tous écoeurés, c'est la réalité. Le fait est que ce plan n'est qu'une succession de promesses rompues. On avait promis, entre autres, que la réduction de la flotte, par le biais du rachat des permis, se ferait d'une façon équilibrée, ce qui ne s'est pas produit; qu'il n'y aurait pas de réallocation à d'autres groupes d'utilisateurs, ce qui ne s'est pas produit; et que de toute façon, il n'y aurait pas de réallocation ni d'augmentation du pourcentage net du secteur des entreprises de pêche à la seine. Peu importe ce que les économistes de l'entourage de M. Anderson peuvent lui dire, depuis l'entrée en vigueur du plan Mifflin, notre part du total des primes autorisées est passé de 30 p. 100 à 16 p. 100 depuis deux ans, et ce pourcentage est allé directement entre les mains des grandes sociétés.

Nous nous inquiétons surtout des répercussions régionales du plan Mifflin. Ni ce plan ni d'autres qui préconisent la privatisation de la ressource ne renferment d'étude des incidences sociale, économique et culturelle. Je pense qu'il faut distinguer ces aspects l'un de l'autre et en l'occurrence, on essaie de les réunir.

L'un des éléments clés du plan Mifflin était d'améliorer la consultation et d'assurer la sécurité de l'accès au pourcentage qui vous est alloué. Or, ce sont deux domaines où il ne s'est rien passé. Pour reprendre les propos de l'ancien directeur régional Louis Tousignant, la rogne et la grogne que l'on entend sur la côte Ouest sont en grande partie attribuables à l'exercice d'allocation, à savoir qui obtient quel pourcentage de la ressource, selon qu'il est Autochtone, pêcheur sportif, pêcheur commercial ou environnementaliste—ou encore, je suppose, au point où l'on en est, Américain. Cette discussion sur l'allocation était censée prendre fin en 1996. Nous sommes en 1998, et ce n'est pas encore terminé. Nous ne savons pas quel est notre pourcentage de la ressource.

Pour ce qui est de l'amélioration des consultations, nous considérons que notre association est très exclusive étant donné que nous sommes exclus en grande partie des processus de consultation. On nous a refusé de participer au processus des intervenants internationaux. Nous n'avons pas pu non plus avoir de siège au Conseil de l'industrie de la pêche commerciale, qui se réunit aujourd'hui pour décider qui obtient quel pourcentage de la pêche. Nous avons aussi essuyé un refus au niveau local, au conseil de gestion régionale par l'entremise du Conseil consultatif de la côte Sud, OTAC. Nous avons dû lutter pied à pied pour nous faire accepter à quelque instance que ce soit. Par conséquent, si je prends un petit peu plus de temps que je ne le devrais, c'est parce que je n'ai pas l'occasion d'avoir mon mot à dire ailleurs.

• 1855

L'amélioration des consultations... Comment parvenir à résoudre les problèmes du secteur? Vous avec entendu cela à maintes reprises aujourd'hui: nous devons être consultés. Excusez-moi, mais je ne suis pas d'accord. Nous avons été consultés autant comme autant. Si c'est ça la consultation, nous n'en avons pas besoin. Ce que nous voulons vraiment, c'est participer au processus décisionnel, et c'est notre droit à titre d'utilisateurs, de contribuables et de gens soucieux de cette ressource.

Lorsqu'on cherche des solutions, on commence habituellement par engager la discussion. Ce n'est pas ce qui se fait en l'occurrence. Il y a des groupes riches et pauvres qui se font concurrence. Il n'y a pas de discussion ouverte, intelligente et exhaustive avec tous les groupes d'usagers le long de la côte. Je n'ai jamais eu l'occasion de m'asseoir avec les pêcheurs de la panopéa du Pacifique pour savoir comment ils gèrent leur pêche selon la méthode utilisateur-payeur, utilisateur-participant. Cela hypothèque grandement l'avenir du secteur.

Je vais maintenant conclure. Nous avons déjà comparu devant des comités permanents. Essentiellement, vous êtes le seul groupe de gens qui puissiez demander des comptes à Pêches et Océans, les obliger à faire un suivi et faire en sorte que l'on respecte au niveau local les principes auxquels nous avons adhéré à l'échelle internationale.

Je ne sais pas si vous allez vous déplacer le long de la côte et ensuite rentrer à Ottawa et nous oublier. J'espère que vous êtes conscients de l'importance de votre rôle pour nous, pour notre avenir et pour nos collectivités.

J'espère que vous nous donnerez une voix et vous nous permettrez de trouver des solutions pour l'avenir, solutions auxquelles nous pourrons être parties prenantes, par opposition aux solutions artificielles qui nous sont imposées par les économistes. Je pense que nous pouvons faire une différence, et j'espère qu'avec votre aide, nous y réussirons.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Madame Mae Burrows.

Mme Mae Burrows (directrice exécutive, T. Buck Suzuki Foundation): Je travaille pour un organisme appelé T. Buck Suzuki Environmental Foundation. Il s'agit d'une fondation qui oeuvre auprès des pêcheurs commerciaux, des pêcheurs côtiers et de la population de la Colombie-Britannique dans les dossiers écologiques liés à l'habitat du poisson et à la qualité de l'eau.

En raison du cycle de vie et de migration particulier du saumon... Les saumons ne se déplacent pas seulement dans l'océan et tout le long des collectivités côtières; ils remontent la totalité du bassin du fleuve Fraser pour retourner aux aires de frai où ils sont nés.

Ce que je tiens surtout à dire au comité permanent aujourd'hui, c'est à quel point il est important de protéger l'habitat du saumon. Un environnement sain est un gage d'une pêche saine. Divers membres du personnel de la T. Buck Suzuki Environmental Foundation s'efforce depuis des décennies de protéger l'habitat du poisson en Colombie-Britannique.

Je voudrais aborder un certain nombre de sujets mais chacun d'eux est lié au fait que cette idée de se soucier de l'habitat du poisson et de le protéger recueille sans réserve le soutien de la collectivité. Il y a aussi diverses choses, dont on n'a pas parlé aujourd'hui, qui ont une influence sur l'habitat du poisson et auxquelles il importe de réfléchir. Je songe notamment à El Ni«o, dont on a parlé, mais aussi aux effets de l'urbanisation sur les ruisseaux à saumons, du ruissellement urbain sur la qualité de l'eau dans l'estuaire, étant donné que des déchets absolument non traités se retrouvent dans l'estuaire du fleuve Fraser. Il s'agit là de l'un des plus importants fleuves à saumon du monde et nous versons littéralement des milliards et des milliards de déchets non traités dans la décrue des eaux. Cela se produit tout le long de la côte.

Nous voulons également vous parler de projets hydroélectriques et de dérivation des eaux, comme le projet Kemano à Kitimat, qui a un effet sur la montée Stewart, une montée très importante, ainsi que sur les autres espèces de poissons dans la rivière Nechako.

Pour ceux d'entre vous qui ne viennent pas de la Colombie- Britannique—je sais que vous visiterez uniquement les collectivités côtières—, le saumon ne passe pas uniquement aux endroits où vous irez. Il se déplace dans toute la province et un environnement sain est gage d'une pêche saine.

Je voudrais revenir sur le sujet des permis. Notre travail se fait à la base, littéralement de quai à quai. Dans la foulée du plan Mifflin, nous avons constaté que les propriétaires de petits bateaux, les pêcheurs locaux, ceux-là même qui ont traditionnellement travaillé très fort pour protéger l'habitat du poisson, décennies après décennies, sont écartés de la pêche. On n'a pas jugé bon de réduire la capacité, ce qui est le but visé. Au lieu de cela, ce sont les gens qui se soucient vraiment de la ressource et qui y investissent que l'on oblige à partir.

• 1900

Je pense que le fait que les participants à la pêche soient au premier chef intéressés à protéger l'habitat du poisson est la clé de la durabilité, et le plan Mifflin va totalement à l'encontre de ces efforts.

Nous n'avons pas encore trouvé un juste équilibre, et je vous incite, une fois de retour à Ottawa, à continuer de collaborer avec les habitants des collectivités de pêche sur cette question des permis, car le système ne fonctionne pas.

De même, j'invite toutes les parties à se pencher sur le traité canado-américain sur le saumon, car la saison de la pêche approche à grands pas. L'année dernière, il est arrivé souvent qu'après que les pêcheurs commerciaux de la Colombie-Britannique aient accroché leurs filets, les Américains ont continué à pêcher un poisson dont les collectivités locales avaient assuré la protection. Cela ne saurait durer si nous souhaitons reconstituer les stocks. Je vous encourage vivement à résoudre le problème que pose ce traité.

Nous adhérons au principe de l'équité. Nous pensons que c'est un autre aspect important de la durabilité de la pêche. Après la conservation, le poisson qui revient et qui est originaire des eaux canadiennes doit servir à assurer la subsistance des collectivités côtières et des gens qui vivent ici.

J'aimerais aborder un troisième point dont personne n'a encore parlé aujourd'hui, mais j'ai l'impression que je ne serai pas la seule à le faire car on parle beaucoup en Colombie-Britannique de l'accord que négocie à l'heure le gouvernement fédéral au niveau international, l'accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI. Les milieux environnementalistes s'inquiètent énormément car nous croyons savoir à l'heure actuelle que la société Ethyl, à qui le gouvernement du Canada avait dit qu'elle ne pouvait faire entrer de la neurotoxine ici et continuer d'en produire... Cette société poursuit maintenant le Canada devant les tribunaux, sous prétexte qu'il s'agit là d'une mesure dissuasive, d'une entrave à son investissement étranger, et que le Canada ne jouit plus du droit souverain d'adopter des lois antipollution. Nous verrons quelle sera l'issue de cette poursuite, mais je vous invite tous instamment à suivre cette affaire.

Il faut ouvrir l'AMI. Il faut que nous sachions ce que notre gouvernement négocie en notre nom sur la scène internationale car cela pourrait constituer un tournant dans la lutte contre la pollution. Cela pourrait aussi signifier qu'un élément aussi important et souverain que le droit à l'égalité dans le traité canado-américain serait offert en pâture au plus-offrant car il ne serait sans doute pas juste d'accorder ce poisson aux pêcheurs canadiens plutôt qu'à une société étrangère. En Colombie- Britannique, nous n'acceptons tout simplement pas cela.

Quatrièmement, je voudrais parler des travaux d'achèvement du projet Kemano. Je sais que cela a déjà été mentionné une ou deux fois. Ici, sur la côte Ouest, nous considérons que c'est l'un des grands scandales nationaux du Canada. Comme on l'a signalé, cette affaire a débuté en 1987, lorsque le gouvernement conservateur a accordé à une société multinationale les droits sur la presque totalité d'une rivière.

Il y a eu suppression et manipulation des données scientifiques. Ce fut une affaire des plus honteuses qui tournait autour de la protection de l'habitat en Colombie-Britannique. Il y a dans cette salle des gens qui sont montés aux barricades et ont réussi à renverser la vapeur. C'est le gouvernement provincial qui a finalement annulé le projet Kemano en adoptant une mesure législative.

L'affaire n'est pas encore terminée car le gouvernement fédéral et le ministère des Pêches et des Océans s'en lavent les mains, ce qui est affreux. Ce n'est pas acceptable. Le gouvernement fédéral n'a plus d'excuse.

Le ministre Anderson et le ministre Tobin avant lui prétextaient qu'étant donné que c'était le gouvernement néo- démocrate de la Colombie-Britannique qui avait annulé le projet, c'était à eux de régler cela. Maintenant, c'est fait. Le gouvernement provincial a adopté une loi. Il a constitué un comité composé de représentants des trois parties pour réparer le tort causé à la rivière Nechako, pour commencer à renverser l'écoulement des eaux car les poissons qui remontent la rivière Stewart... Nous sommes bien au nord, en Colombie-Britannique, plus haut que Prince George. Pour les poissons, il faut qu'il y ait davantage d'eau dans la rivière. Il faut ramener la rivière à son état original.

Les autorités provinciales ont créé un comité, une structure. Le gouvernement fédéral a refusé de participer.

Vous devez convaincre David Anderson de faire trois choses. Premièrement, il doit faire en sorte que le gouvernement fédéral participe à ce comité, le Comité de la mise en valeur de la Nechako, en y affectant un haut fonctionnaire de Pêches et Océans. Il doit contribuer l'équivalent du montant engagé par la province et la société Alcan, soit 50 millions de dollars, pour les travaux de restauration. C'est la seule façon, à mon avis, de faire en sorte qu'il y ait un déversement d'eau froide grâce au barrage Kenney. Le saumon a besoin d'eau froide en provenance du bassin hydrographique, du barrage, à certains moments critiques au cours de l'été. Le saumon a remonté le fleuve Fraser. Il a cessé de se nourrir à l'embouchure du fleuve, car c'est effectivement ce que font les saumons. Ils cessent de manger et vivent de leurs réserves d'huile et de graisse. Le saumon de la Nechako remonte le Fraser pendant 37 jours sans manger et il ne doit pas déboucher là-bas dans de l'eau chaude. Voilà pourquoi nous avons besoin d'eau froide en provenance du barrage Kenney.

• 1905

Il est du devoir du gouvernement fédéral de participer à cet effort. La société Alcan et les autorités provinciales ont fait leur part. Il est maintenant grand temps que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités.

Troisièmement, David Anderson doit, comme nous l'avons déjà demandé à Brian Tobin et à d'autres ministres fédéraux avant lui, reformuler une directive pour faire en sorte que le niveau de l'eau du fleuve Nechako soit acceptable.

Ce sont des choses très faisables qui relèvent entièrement du mandat de Pêches et Océans. Nous exhortons Pêches et Océans à commencer à assumer cette responsabilité car cela est vraiment important pour les collectivités côtières de la Colombie-Britannique.

En dernier lieu, je voudrais dire une chose qui a un lien direct avec l'habitat. Le ministère des Pêches et des Océans doit tous les ans rédiger un rapport annuel. Or, depuis trois ans, le ministère ne s'est même pas acquitté de cette tâche. Les rapports existants ne sont pas suffisamment détaillés et la reddition de comptes fait cruellement défaut. Quoi qu'il en soit, le ministère n'en a même pas rédigé dernièrement. Nous devrions à tout le moins pouvoir compter sur un rapport annuel.

Depuis de nombreuses années déjà, bon nombre de groupes environnementaux plaident auprès de Pêches et Océans de diverses façons pour que le ministère s'acquitte de sa mission et publie un rapport sur l'état de l'habitat.

Dans bien des endroits, nous mettons l'accent sur ceux qui pêchent le poisson. C'est important, mais à l'autre bout du spectre... Ainsi, pour ce qui est du saumon coho, nous examinons l'allocation et l'évaluation des stocks. Nous souhaitons obtenir un rapport sur l'habitat du saumon coho. Ce type de saumon est extrêmement vulnérable aux lois qui régissent l'habitat dans les villes et les banlieues, dans les régions rurales, dans les chantiers forestiers et ce, pour toutes sortes de raisons différentes. Étant donné qu'il vit dans de petits cours d'eau pendant un ou deux ans, il est extrêmement vulnérable. Voilà où sont allés de nombreux saumons coho. Nous souhaitons obtenir un rapport sur l'état de l'habitat pour l'ensemble des stocks. Encore une fois, c'est une chose très faisable.

En guise de conclusion, je vous invite à réfléchir aux diverses façons dont l'habitat du poisson a besoin d'être protégé pour que nous puissions assurer la survie des collectivités de la Colombie-Britannique.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): J'ose m'interposer ici. Nous avons suivi la liste jusqu'à maintenant. Nous avons une liste où figurent quelque 40 autres intervenants, et nous voulons tous les entendre, mais j'ai un problème. Ce sont les pêcheurs qui sont sans doute venus ici pour prendre la parole et il ne serait pas juste de les faire attendre pendant trois ou quatre heures. Si deux pêcheurs veulent prendre la parole, nous les ferons passer tout de suite. Sinon, nous poursuivrons.

M. Richard Normura (président, Area E Gillnetters Association): Je suis ici au nom des pêcheurs titulaires de permis de la zone E. Essentiellement, il s'agit des pêcheurs du fleuve Fraser.

J'aimerais parler de la réallocation des stocks halieutiques à l'usage des Autochtones et le plus grand problème auquel sont confrontés les pêcheurs du fleuve Fraser. Il s'agit du plus grand transfert non indemnisé de saumons jamais vu dans la région du fleuve Fraser.

Personne ne conteste le droit des Autochtones à pêcher aux termes de l'article 35, mais par les réallocations au profit des Autochtones par le biais de projets-pilotes de vente de permis, aux termes de la stratégie sur les pêches autochtones, et par des permis liés au rapport entre le saumon excédentaire et les besoins de frai, toute une pêche a été accordée aux Autochtones sans que la flotte commerciale soit indemnisée.

Le gouvernement doit examiner les privilèges qui ont été conférés à ces Canadiens spéciaux. Nous sommes conscients que le gouvernement du Canada a exercé son mandat de fiduciaire à l'égard des Autochtones en leur conférant de tels privilèges, mais il faut que la flotte commerciale soit indemnisée à la suite de ces politiques.

La solution au problème que vit notre industrie aujourd'hui dépend d'une question: Quelle place le gouvernement du Canada fait- il à la flotte de pêche commerciale?

Le plan Mifflin, qui n'avait pas fait consensus, est la solution qui nous a été imposée. Ce plan visait surtout à assurer la sécurité de l'accès à la ressource. À l'époque, le ministre a donné à la flotte l'assurance que le processus de réduction ne se traduirait pas simplement par une réduction de l'allocation du même volume, mais qu'elle engendrerait des efficiences et des avantages pour ceux qui resteraient dans ce secteur d'activité.

On se rend compte maintenant de la complexité des lacunes d'un tel plan à la suite du renvoi en médiation de l'allocation entre les secteurs d'engins commerciaux aux termes des principes, directives et paramètres de gestion de Pêches et Océans qui affirme ne plus pouvoir garantir les allocations aux divers types d'engin.

• 1910

Les transferts non indemnisés aux Autochtones par le biais de projets-pilotes de vente de permis, de permis fondés sur le ratio entre le saumon excédentaire et les besoins de frai, la pêche de subsistance et d'autres caractéristiques autochtones ont annulé les avantages de la réduction de la flotte. Cette réduction du nombre de bateaux de 30 p. 100, dans la foulée du plan Mifflin, n'a pas permis à chaque bateau de pêcher 30 p. 100 de poisson de plus étant donné qu'on n'a pas retiré 30 p. 100 des permis. La combinaison de permis a donné une idée trompeuse de la réduction de la flotte. En outre, bon nombre de navires achetés dans le cadre du programme de rachat de permis étaient inefficaces et n'ont pas pêché leur part de l'allocation.

Même si le ministère des Pêches et des Océans a dit vouloir soutenir le secteur, il a mis en oeuvre des changements qui ont eu pour effet d'atteindre d'autres objectifs. Nous ne pouvons plus accepter les engagements du ministre, à moins qu'ils puissent se concrétiser. Nous ne sommes plus traités de façon équitable en raison de la relation fiduciaire du gouvernement avec les Autochtones. Cela dit, le gouvernement a le devoir de trouver une solution juste et équitable pour les Canadiens qui ont contribué au développement du pays, au lieu de les traiter comme on traite un briquet jetable.

Le secteur de la pêche commerciale en a assez des changements continuels du ministère. Nous avons besoin de stabilité et de directives claires quant aux intentions du gouvernement. Dans l'éventualité d'autres transferts, il faudra donner à l'industrie l'assurance qu'elle sera indemnisée avant. La flotte commerciale demeure trop considérable pour les ressources à exploiter. Nous convenons avec le ministre qu'une réduction de la flotte est sans doute dans le meilleur intérêt de l'industrie.

L'aquaculture a fait plafonner la valeur d'une ressource sauvage et, dans un avenir prévisible, les prix demeureront faibles. Par conséquent, il est encore plus nécessaire pour la flotte commerciale d'accroître son volume de pêche.

Nous espérons que grâce au processus Sam Toy, chaque secteur aura une allocation bien définie dont le respect sera assuré. Les transferts futurs, qui se feront sans doute dans la foulée de règlements découlant de traités, doivent prévoir une indemnisation généreuse pour la flotte commerciale. Si la réduction de la flotte est un mécanisme de transfert, il faut qu'il y ait un avantage résiduel pour la flotte restante. Acheter les bateaux et transférer les quotas n'est pas un exercice d'indemnisation; c'est simplement un transfert. Nous devons avoir l'assurance que les futurs transferts ne déboucheront pas sur le démantèlement systématique de la flotte commerciale, que des mécanismes de transfert adéquats seront en place dans l'intérêt de la flotte restante.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

M. Jim Nightingale (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je suis un pêcheur commercial et je possède un bateau de pêche à la traîne.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Quel est votre nom, monsieur?

M. Jim Nightingale: Je m'appelle Jim Nightingale.

Comme vous le savez, sur la côte Ouest, les stocks de saumon et le secteur d'activité qui en dépend sont en crise. J'aimerais attirer votre attention sur deux aspects de cette crise dont l'un est trop souvent oublié.

Le premier aspect est souvent passé sous silence car les personnes concernées sont isolées sur le plan géographique et dépourvues de ressources financières, sans compter qu'elles se heurtent à l'influence politique de leurs adversaires. Je parle de la situation de la flotte septentrionale de pêche à la traîne.

Depuis 80 ans, le saumon qui migre dans la zone entourant l'île de Langara revêt une importance primordiale pour les propriétaires de petits bateaux du Nord. Pendant de nombreuses années, nous étions les seuls utilisateurs de cette ressource, sauf pour ce qui est de la pêche pour consommation humaine. Il y a environ dix ans, des camps de pêche sportive commerciale ont commencé à s'implanter dans la région. Contrairement aux pêcheurs commerciaux, dont on a limité l'accès depuis les années 60, les exploitants de ces camps n'avaient pas besoin de reprendre une entreprise existante. À l'heure actuelle, au cours des mois d'été, il y a une mini-ville de campements dans le passage Parry, autrefois intouché.

Il y a quelques années, lorsque les stocks ont commencé à connaître des difficultés, on a imposé aux pêcheurs du Nord une allocation de pêche réduite. À notre grande surprise, l'allocation pour la pêche sportive est demeurée la même. C'est un groupe qui avait commencé à se manifester quelques années auparavant. Il y a plusieurs années, les stocks étaient tellement bas qu'on a décidé d'interdire totalement aux pêcheurs à la traîne de pêcher le saumon quinnat. Les propriétaires de camps de pêche sportive, eux, ont été autorisés à poursuivre leurs activités de pêche.

Au cours de la saison dernière, les pêcheurs à la traîne de la région du Nord ont appris que l'île de Langara, notre zone de pêche printanière la plus importante, leur serait dorénavant interdite car on la réservait désormais exclusivement à la pêche sportive. Cela, à cause des pressions politiques exercées par les intérêts commerciaux sportifs qui ont influencé indûment les orientations adoptées par le ministère des Pêches et des Océans.

Leur plus grand succès à cet égard a été la nomination, au poste de ministre des Pêches, de M. Anderson qui entretient des liens étroits avec les intéressés. Après sa nomination, le principal porte-parole du Sport Fishing Institute, principal groupe de pression du secteur de la pêche sportive, est devenu le conseiller régional du ministre. Il s'agit de Velma McColl.

• 1915

Les pêcheurs à la traîne sont donc les victimes des campagnes de propagande bien menées par le lobby des senneurs—comme tous les pêcheurs commerciaux du reste. On a vu le rapport de la firme d'experts-conseils ARA, qui est aussi épais que l'annuaire téléphonique de Vancouver, et dont l'objectif est de prouver que les poissons pêchés par les pêcheurs sportifs sont plus rentables pour notre économie que ceux qui sont pêchés par les pêcheurs commerciaux. En règle générale, de tels rapports oublient l'importance des recettes d'exportation que représente la pêche commerciale quand on les compare aux dépenses discrétionnaires à des fins récréatives. En effet, ces sommes sont en grande partie de toute façon réinvesties dans notre économie nationale et l'argent qui n'est pas consacré à des activités de pêche sportive est dépensé ailleurs de toute façon.

Mais il est une chose encore plus importante pour les pêcheurs à la traîne qui vivent dans ces petites localités comme Masset, qui dépendent de leur commerce. Les camps de pêche n'offrent pas grand-chose en termes d'emplois décents ou de retombées économiques qui pourraient remplacer les revenus du secteur de la pêche à la traîne qui est évincé.

Permettez-moi d'aborder très brièvement le deuxième point, c'est-à-dire le traité. Pour tous les pêcheurs de saumon de la Colombie-Britannique, et surtout ceux qui vivent dans le Nord, le traité a des conséquences très graves. Il nous a coûté à nous et à nos localités un demi-milliard de dollars au cours des dernières années. C'est une somme considérable qui pourrait changer la situation. Le gouvernement et les ministres ne semblent pas accorder à la question une très haute priorité. Pour ma part, je pense que si un différend international coûtait à un secteur industriel du Canada central une telle somme, M. Chrétien ne tarderait pas à téléphoner à M. Clinton, impatient de trouver une solution au problème.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Allez-y.

M. Jim White (Native Brotherhood of British Columbia): Merci, monsieur le président.

La Native Brotherhood de la Colombie-Britannique est un organisme qui s'adonne à la pêche commerciale depuis soixante-huit ans. Nous nous sommes également portés à la défense des droits de nos membres. Il se trouve des débouchés dans bien des domaines. Cet après-midi on vous a beaucoup parlé de la Stratégie sur les pêches autochtones, des rachats, des quotas réservés aux Autochtones. Il y a un monsieur qui, au cours des dix dernières minutes, vous a parlé de sa participation à la pêche, de celle de ses parents et de ses grands-parents.

Je vais lui rappeler qu'en 1939 son peuple a été exclu de la pêche. On l'a transplanté à l'intérieur des terres. En 1949, le gouvernement d'Ottawa a écrit aux représentants de la Native Brotherhood of British Columbia pour leur demander si la population japonaise pouvait réintégrer la zone côtière de la Colombie- Britannique car les Japonais souhaitaient se remettre à la pêche. Il nous a alors demandé si nous voulions que les Japonais continuent d'être exclus parce que dans ces conditions notre souhait serait respecté. Les dirigeants de l'époque ont répondu que la côte était assez vaste et qu'elle leur permettait à eux aussi de vivre de la pêche. Ils ont donc répondu de laisser les Japonais revenir car il y avait de la place pour eux comme pour nous. C'est la réponse qu'on a donnée. Voilà qu'on est en train de parler de ce qui nous arrive à nous aujourd'hui, au peuple que je représente.

Je trouve cela franchement insultant. Il y a des gens qui veulent nous jeter la pierre. Qu'on regarde ce qui s'est passé au fil des ans, ce que la société vous a fait et nous a fait à nous. L'égalité, l'équité... nous ne pouvions même pas obtenir de prêts pour doter la collectivité de bateaux.

Personne n'a évoqué les localités côtières échelonnées le long de la côte, dont les environs regorgent de ressources. Le gros des pêcheurs, d'où viennent-ils? Ils viennent des grands centres.

Nous n'avons pas eu l'occasion d'obtenir un deuxième ou un troisième permis, un permis pour des espèces différentes. Quand nous en avons obtenu, c'était trop tard, car il nous fallait aller trop loin. Voilà la réalité.

Certes, l'industrie a changé. Mon père m'a dit quand j'étais gamin que je ne serais jamais un pêcheur commercial, et cela s'est avéré. Je lui ai demandé à ce moment-là pourquoi et il m'a dit que c'était parce que le secteur changeait trop rapidement. C'était en 1954. Il m'a dit aussi qu'un jour—et il faut dire qu'à l'époque pour sa part il pêchait six jours par semaine du début du mois de juin jusqu'au milieu du mois de novembre—les pêcheurs commerciaux ne pourraient plus compter sur des journées de pêche mais des heures de pêche. Il n'y a qu'à voir où en est la pêche aujourd'hui. Le changement s'est produit. Je lui ai demandé comment il en était arrivé à penser cela. Il m'a dit qu'autrefois il se servait d'un doris pour pêcher pour le compte des grandes sociétés. Maintenant, il a un bateau à moteur. Les choses ne vont pas s'arrêter là. Nous pouvons le constater. La pêche comme tout le reste a changé et c'est nous qui continuons à en faire les frais.

• 1920

Je vous parle au nom de 31 localités échelonnées le long de la côte et qui ont été sans cesse lésées. Nous avons essayé d'obtenir des fonds pour nous recycler. Se recycler dans quoi? Nous vivons dans ces localités. D'autres gens ont l'occasion de venir jusque chez nous. Nous devrions peut-être faire accélérer le processus du traité et demander que l'on cesse toute activité tant qu'il n'y aura pas retour à la table de négociation, tant que chacun n'aura pas été consulté—le gouvernement. C'est dans ces conditions qu'il nous faut être entendus.

Nous sommes allés devant les tribunaux un nombre considérable de fois. Il nous est arrivé d'obtenir gain de cause, mais nous avons souvent perdu. C'est attribuable à votre système.

Prenez la composition de votre comité et le nombre d'Autochtones au Parlement à Ottawa. Là-bas, il n'y a personne qui veuille bien essayer de comprendre notre logique, ce que nous essayons d'expliquer. Notre cause est donc perdue d'avance.

Il faut dire ces choses parce que beaucoup de gens souffrent. Tous ceux qui habitent cette côte souffrent, nous y compris. Je ne vais pas rester inactif et porter tout le poids de l'affaire. Tout le monde a contribué à cette situation.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Permettez-moi de revenir à la liste.

Le chef John Henderson (bande indienne de Campbell River): Permettez-moi de parler car je dois prendre l'avion.

Le vice-président (M. Gary Lunn): D'accord, allez-y. Vous étiez le quatrième sur la liste.

Le chef John Henderson: Je suis pêcheur commercial et c'est aux pêcheurs commerciaux que vous avez lancé une invitation.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Ne vous en faites pas. Nous essayons de donner une chance à tout le monde. Allez-y.

Le chef John Henderson: Permettez-moi de vous faire part de quelques griefs. Comme vous le savez, comme pêcheur commercial... j'ai mené au fil des ans un long et difficile combat. Voyez ce qui se passe ici. Nous sommes surpassés en nombre en tant que Premières nations, mais si je suis ici, c'est parce que je m'inquiète.

Je suis pêcheur commercial et la pêche est mon gagne-pain. Je représente également 11 Premières nations de la côte et je vous parle au nom des Premières nations kwakiutl. Je suis le vice- président du Conseil de district des Kwakiutl. Je m'inquiète vivement du gagne-pain non seulement de ceux qui appartiennent aux Premières nations, mais également des autres.

Je ne veux accuser personne, mais il le faut. Cette situation n'est pas notre fait, mais celui du gouvernement. Le problème tient aux programmes de la stratégie sur les pêches autochtones. Le secteur de la pêche sportive est en plein essor. Des camps de pêche sont construits le long de la côte. Tout doucement, on nous évince des régions où nous avons toujours pêché. J'en veux pour preuve le nom des chefs héréditaires que l'on a donné aux pointes et aux baies des cours d'eau de notre région.

Je me sens lésé du fait que tous les ans notre zone de pêche dans les eaux locales rétrécit. Par le passé, nous avons pêché dans des zones... maintenant nous n'avons nulle part où aller. Je suis en faveur du plan Mifflin si de fait il réussit à réduire le nombre de bateaux de pêche, pas la taille de la zone de pêche. C'est ce qui s'est produit par le passé. Comment les choses vont-elles se faire? Vous maintenez la rivalité entre les pêcheurs, car vous nous avez retranchés dans une petite zone. On ne fait pas cela seulement dans le détroit de Johnstone. Si vous voulez ouvrir la pêche, ouvrez toute la côte. Réglez certaines de ces questions.

• 1925

Nos bandes, nos tribus locales des territoires Laich-Kwil-Tach, de Campbell River, de Cape Mudge et de Kwakiah, sont tributaires de la pêche et des secteurs d'activités connexes. Nous avons pu nous en tirer pendant des siècles et cela est prouvé. Il est fort triste qu'on nous évince de notre zone.

Je sais bien que chez les pêcheurs qui ne sont pas autochtones, il y a divergence d'opinions. Chacun a droit à son opinion. Je n'y vois pas d'inconvénient. J'ai la mienne. Les Premières nations ont leur opinion quant au programme de la Stratégie et aux conséquences qu'il a eues pour nous. Il décime littéralement nos localités car notre subsistance provient du poisson qui passe sous notre nez. Il n'y a pas que des non-Autochtones à être touchés, nous, les Premières nations, le sommes aussi. Il faut trouver une meilleure solution. Je ne la connais pas. Il vous appartient de la trouver, je suppose. Je me demande toutefois si en vous confiant cette tâche, la solution sera la bonne.

Étant donné la situation, il faut peut-être un effort collectif, tâcher de trouver une voie commune, collaborer plutôt que dresser un secteur contre l'autre. Voilà que les pêcheurs au filet maillant s'en prennent aux pêcheurs à la seine, que les pêcheurs à la traîne s'opposent aux pêcheurs au filet maillant et vice versa. Ce n'est pas nous qui avons créé cette situation. Nous essayons d'y trouver une solution. Nous voulons que notre voix soit entendue.

Les pêcheurs qui ne sont pas Autochtones ont toute ma sympathie car ils sont touchés tout autant que nous. Je comprends bien ce que Jim White dit quand il donne la perspective historique. Quant à moi, j'ai aussi une perspective historique.

C'est triste de s'asseoir sur la berge et de regarder le poisson filer vers quelqu'un d'autre qui en profitera. Cela n'est juste pour personne. Nous méritons tous une part égale de ce poisson, les Autochtones comme les autres. Il y a une solution à cette situation. Je pense que les pêcheurs doivent s'unir et trouver une solution commune. Au fil des ans, nous, les dirigeants de notre collectivité, avons tâché de trouver des solutions avec la nation Sto:lo, par exemple.

L'année dernière, nous avons assisté à une chose qui n'aurait jamais dû se produire. Sans consulter les tribus locales, la pêche a été inaugurée dans le détroit de Johnstone. Nous avons protesté en vain. À qui devons-nous cela? Au gouvernement fédéral, au ministère des Pêches.

Comment donc résoudre ces situations-là? Je ne veux pas que vous me donniez une réponse maintenant, mais dans six mois, vous devrez fournir une réponse, trouver un plan différent qui va réussir. Plus les processus de consultation se multiplieront avec les pêcheurs et les Autochtones de la côte, plus ce sera profitable au bout du compte, dans la mesure où vous tiendrez compte de ce que nous disons.

Il y a des années que je suis en politique et je sais ce qui va et ne va pas. Rien ne sert de taper constamment sur les têtes. Il faut s'asseoir ensemble d'un côté et de l'autre de la table et travailler ensemble.

Prenez tous les arrêts des tribunaux qui sont rendus. Je n'ai pas besoin de vous donner les détails. Comment allons-nous résoudre la situation si cela se poursuit et prend de plus grandes proportions?

L'autre jour, j'ai pris la parole à l'occasion d'une conférence sur la planification de la gestion des ressources en terres. Voilà un autre cas où il nous faut partager, qu'il s'agisse des terres boisées ou de celles qui contiennent d'autres ressources comme du minerai. Nous ne prétendons pas vouloir tout accaparer. Nous voulons travailler en collaboration avec les autres. Il faut que tout le monde le comprenne bien. Nous ne voulons pas évincer qui que ce soit. Nous voulons tout simplement bénéficier de chances égales dans la main-d'oeuvre active. Cela a toujours été notre discours. Les gens de nos collectivités veulent participer à la vie économique de tous les secteurs.

Il est vrai que nous avons d'autres entreprises. Comme beaucoup d'entre vous le savent sans doute, nous formons des entités économiques. John Duncan est venu chez nous et a vu ce que nous faisons. Nous avons appris au fil des ans la nécessité de travailler ensemble, mais si nous devons le faire, il faudra multiplier le genre de réunions comme celle-ci, qui sont pour nous des occasions de vous rencontrer. Les gens qui ont des préoccupations doivent pouvoir se faire entendre.

• 1930

J'espère que vous en tenez compte car sans eux, vous ne seriez pas là où vous êtes. C'est un fait. Merci.

Des voix: Bravo!

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Nous entendrons maintenant Doug Walker de la British Columbia Wildlife Federation.

Un témoin: Doug a dû partir.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vois. S'il revient, nous lui ferons une place. Nous entendrons donc Stan Watterson de la Pacific Trollers Association.

M. Stan Watterson (président, Pacific Trollers Association): Bon après-midi. Je suis le président de la Pacific Trollers Association, association qui a été établie en 1956. Veuillez m'excuser, mais je n'ai pas assez d'exemplaires de mon mémoire pour en donner un à chacun, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait tant de gens ici aujourd'hui.

Notre association représente les pêcheurs qui détiennent des permis actuellement dans les trois zones Mifflin. Les membres de notre association appuient le traité sur le saumon du Pacifique et la Commission du saumon du Pacifique.

J'ai quatre points à faire valoir. Je me rends compte qu'il y beaucoup d'autres bons arguments et, j'en suis sûr, vous les avez tous entendus, plus d'une fois.

Tout d'abord, il est capital que le problème cerné par Strangway et Ruckelhaus soit résolu. Nous appuyons également M. Yves Fortier en tant que négociateur en chef pour le Canada. Selon nous, il fait partie de l'équipe des as. Il faut donc faire avancer les choses afin de ne pas perdre la longueur d'avance que représentent les rapports Strangway et Ruckelhaus.

Deuxièmement, les droits sur les permis sont passés de 400 $ à 1 340 $ pour les pêcheurs à la traîne. En 1996, ces droits représentaient environ 10 p. 100 des revenus des pêcheurs à la traîne. Le gouvernement nous a donné le choix: régler les droits permettant de pêcher ou signaler au ministère notre intention de ne pas pêcher pendant la saison afin de ne pas avoir à payer ce droit exorbitant.

Étant donné les prévisions pour 1998, c'est encore 10 p. 100 des revenus prévus qui seront consacrés au règlement de ces droits. Étant donné ce pourcentage élevé, on constate que bien des pêcheurs remettent à plus tard les frais d'entretien, les assurances, les droits d'amarrage et autres coûts fixes afin de réunir l'argent nécessaire au paiement du droit de permis. Cela devient de plus en plus dangereux et on devrait y voir immédiatement.

Je pense que cela est très grave. Les gens renoncent actuellement à assurer leur bateau. Ils sont amarrés dans les ports, et dans la plupart des cas, il y en a deux ou trois autres d'amarrés à leurs côtés. On court ainsi le risque de ruiner bien des familles du fait que les propriétaires de bateaux n'ont plus les moyens de les assurer. Je pense que vous devriez examiner immédiatement cette situation.

Troisièmement, j'aimerais vous parler de l'excédent de saumon par rapport aux besoins de frai. Il ne faudrait pas établir d'ordre prioritaire pour cette pêche-là car elle devrait être ouverte à tous, aux Autochtones comme aux autres, suivant un système de soumissions. Actuellement, on a l'impression qu'il s'agit d'un atelier fermé, et je suis sûr que la plupart des pêcheurs estiment qu'on devrait établir un régime équitable pour répartir l'accès à cette ressource.

Quatrièmement, nos membres sont intimement convaincus qu'avant que ne commence la saison de pêche au saumon en 1998, il faut un règlement des allocations intersectorielles dont s'occupe le juge Samuel Toy et des allocations intersectorielles dont s'occupe Stephen Kelleher. Si je dis cela, c'est parce qu'au cours de l'année dernière, on nous l'a promis. Il y a au moins deux ans que nous attendons cela. Cela devait être réglé l'année dernière et il ne s'est rien produit. Ainsi, nombre de pêcheurs se sont contentés d'un revenu très bas, et cela les a laissés pour ainsi dire dans une situation désespérée. Il y a beaucoup de bateaux qui ne sont pas assurés actuellement.

Voilà ce que j'avais à vous dire. Merci beaucoup de votre patience et d'avoir pris le temps de m'écouter.

Des voix: Bravo!

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Watterson.

Fred Fortier de la Commission des pêches des peuples autochtones de la Colombie-Britannique est-il ici?

• 1935

M. Fred Fortier (président, Commission des pêches des peuples autochtones de la Colombie-Britannique): Bonsoir. Je suis un Secwepemc de l'intérieur de la Colombie-Britannique, d'un endroit situé à quatre ou cinq heures de route d'ici dans la région de Kamloops.

Permettez-moi de me présenter. Je suis le président de la Commission des pêches des peuples autochtones de la Colombie- Britannique, mais j'assume également les responsabilités de président de la Commission des pêches intertribales de la portion canadienne du fleuve Columbia. Au cas où vous ne le sauriez pas, le poisson remonte encore le cours du fleuve Columbia du côté de l'Okanagan, et on en a vu pas mal au cours de l'année dernière. Je suis également président de ma propre commission des pêches tribales, la Commission des pêches de la nation secwepemc.

Il y a peu de temps que j'assume la présidence de ces organisations et pourtant c'est la troisième fois que je me présente devant le comité permanent. Je ne sais pas si les députés rajeunissent ou si c'est moi qui vieillis.

Aujourd'hui, nous devrions nous demander qui défend les poissons. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites aujourd'hui, mais je n'ai pas entendu qui que ce soit dire: «Je défends les poissons et voici ce que j'entends faire dans leur intérêt». Je n'ai pas entendu cela.

Le droit et le privilège de pêcher dans cette province sont assortis d'une énorme responsabilité, tout comme vous-mêmes, députés, avez l'énorme responsabilité d'honorer la Couronne. C'est une lourde tâche.

Voici une des premières choses que je tiens à souligner: tout processus de consultation qui se déroule dans cette province semble rater la principale préoccupation, c'est-à-dire les aires de frai du poisson. Le comité permanent n'est encore jamais allé dans la région de Kamloops pour parler de poisson, ni dans la région de Prince George, ni dans celle de Williams Lake ou de Lytton. Personne ne parle du système de Kelowna ou de celui de l'Okanagan, l'amont de la rivière Skeena. Serait-ce que nous oublions tous que le poisson fraye dans les rivières?

J'aimerais donc suivre cela avec vous, en tant que président de la Commission des pêches des peuples autochtones de la Colombie- Britannique, et vous demander, dans les consultations à venir dans cette province, de veiller à ce que le processus soit juste à l'égard de tous les habitants de la Colombie-Britannique, les Autochtones comme les autres, sans oublier les gens de l'intérieur. C'est un message puissant, monsieur le président, qu'il vous faudra retenir. Je vous en parlerai davantage dans une lettre ultérieurement.

En outre, je vais vous parler au nom du peuple secwepemc. Nous allons coordonner une réponse écrite en tant que Première nation de la province que nous adresserons au comité permanent. J'assumerai ma responsabilité à cet égard et je vous la transmettrai, monsieur le président.

Nous allons aborder un des éléments les plus puissants et les plus positifs dans le secteur de la pêche, c'est-à-dire les partenariats. D'autres intervenants ont parlé de ces partenariats avec les Premières nations, avec les groupes de sportifs. Il faut que ces partenariats se réalisent dans les régions.

Permettez-moi de vous dire à quoi aboutirait un partenariat. Dans la région d'où je viens, c'est-à-dire le bassin du fleuve Thompson, nous avons constitué un partenariat avec les pêcheurs locaux, des gens qui ne sont pas des Autochtones. Nous cherchons par là à nous renseigner les uns les autres sur les pêches, les droits ancestraux, et à nous réunir pour trouver ensemble des solutions communes et des principes communs. C'est le fondement même de tout partenariat.

• 1940

Heureusement, nous ne nous querellons pas à propos de l'accès au poisson, car le poisson lui-même est notre première préoccupation. Nous avons formé un partenariat que nous appelons le Conseil du bassin du fleuve Thompson. Au cours des dernières semaines, à cause du processus du juge Sam Toy, nous nous sommes réunis et nous avons décidé que nous pouvions collectivement élaborer des principes. Nous en avons retenu neuf. Ils sont énoncés dans un document que je vous ai envoyé.

Les localités de l'intérieur de la province se considèrent comme les gardiens du saumon et de leur habitat en eau douce de même que les bénéficiaires des retombées que procurent des pratiques judicieuses et une bonne gestion. Par conséquent, s'agissant du renouvellement des pêches ou encore d'allocations intersectorielles des avantages reliées aux pêches, il est souhaitable de faire intervenir davantage les collectivités de l'intérieur de la province et leurs organismes de planification.

Monsieur le président, je vais donner seulement quelques éléments pour abréger mon exposé. J'espérais pouvoir disposer du même temps que Corky.

La politique concernant l'allocation du saumon du Pacifique en tenant compte des principes de conservation et de l'alinéa 35.(1)s) vise à obtenir la plus grande valeur économique durable associée à la prise. C'est un principe commun auquel nous adhérons, nous de l'intérieur.

Le principe de la conservation du saumon exige que les organismes de gestion offrent une définition claire et concise. Comme vous le savez, nous n'avons pas de définition de conservation. Il est singulier de penser que nous nous disons gestionnaires et qu'après la conservation, ce sont les besoins des Premières nations qu'il faut combler, et pourtant nous ne pouvons pas décrire ce qu'est la conservation.

Une des choses les plus tristes que je vais devoir vous présenter aujourd'hui est ce graphique que vous avez entre les mains. Je vais le citer ici. Vous pouvez le constater vous-mêmes en ce qui a trait au saumon coho. Il y a de quoi pleurer. Si donc vous êtes déterminés à conserver la ressource, comme votre ministre l'a dit, étudiez bien le cas du saumon coho.

Voilà des exemples de partenariat qui se sont réalisés. Nous pourrions continuer de discuter sans fin mais si nous le faisons, le saumon disparaîtra. Il faut agir.

Au nom du peuple secwepemc, que je représente ici pour la troisième fois, je redirai la même chose. Je parlerai plus particulièrement du saumon coho.

En 1977, le ministère des Pêches et des Océans a déclaré que les stocks de saumon coho du fleuve Thompson étaient menacés de disparition. L'été dernier, une de nos collectivités a intenté des poursuites judiciaires pour contester le règlement des pêches du ministère des Pêches et des Océans qui permettait la pêche du saumon coho menacé dans le fleuve Thompson. Nous savons qui attrapait ces poissons.

Le ministère a réduit l'été dernier l'intensité de la pêche récréative et commerciale du saumon coho sur la côte Sud et cela a peut-être protégé les stocks de saumon coho mais l'automne dernier, dans les cours d'eau de frai, le nombre des géniteurs a chuté d'un tiers à deux tiers par rapport à l'année initiale. Que vous a dit notre ministre? Nous avons fait quelque chose, mais nos stocks de coho ont baissé. Nos stocks sont passés de 20 000 à 2 000 au cours de l'année dernière.

• 1945

Quand on se reporte au graphique, on constate qu'il est très éloquent, n'est-ce pas? Est-ce là une des responsabilités des députés?

Le scénario se reproduit non seulement dans le fleuve Fraser mais dans les fleuves Thompson et Columbia et concernent le stock de saumon, le chinook, le sockeye et la truite arc-en-ciel et la liste est encore longue. On attribue cela à la surpêche—et non pas une surpêche qui bafouerait de façon flagrante les principes de conservation mais une surpêche due à une pêche à outrance du saumon du Pacifique, parce que l'on permet l'utilisation d'un matériel destructeur et une pêche intense dans des endroits d'une importance cruciale pour le frai. Comme l'a dit un de nos chefs, notre poisson est devenu une prise fortuite pour d'autres.

Il est révélateur que nous soyons ici dans une église. Nous pourrions peut-être prier pour notre saumon coho car nous ne savons pas si les autorités pourront le sauver. C'est indéniable.

Que propose donc le peuple secwepemc? Tout d'abord, de supprimer les pêches sélectives de saumon coho sur la côte Sud et de réorienter ces pêches vers l'embouchure des rivières là où les stocks sont en abondance raisonnable. Notre stratégie va dans le sens des mesures du ministère des Pêches et des Océans qui préconise une gestion prudente, et nous trouverons au bout du compte une expansion géographique de la pêche récréative sélective. Ainsi, les stocks qui sont faibles pourront se régénérer, les droits des Autochtones seront protégés et dans les zones de frai, nous atteindrons le nombre de géniteurs voulu et nous pourrons ainsi dire que nous avons été consultés.

En outre, les stratégies, si on les applique aux stocks de saumon coho ou à une autre espèce de saumon, permettront l'expansion d'une pêche plus écosensible. À l'avenir, au fur et à mesure que les stocks sauvages se rétabliront, ces pêches élargies deviendront plus productives. Nous devons investir dans le poisson pour obtenir plus de poisson.

Voici pour finir un exemple de la nouvelle approche à la pêche au saumon décrite dans la liste des principes que je vous ai lue. En tant que peuple secwepemc, nous avons participé à de nombreux processus par le passé. Je pense que le rétablissement des stocks de saumon affaiblis n'est pas un luxe mais une priorité juridique, qui fait partie intégrante de l'engagement du Canada dans les conventions internationales. La Cour suprême du Canada a déclaré dans l'affaire Sparrow en 1990 que notre droit prioritaire ne doit céder le pas qu'à la conservation. Cela nous a encouragés à définir la conservation.

Récemment, le même tribunal a fait valoir que nos droits comprennent des intérêts économiques dans nos ressources locales. Cela nous a encouragés à définir notre intérêt dans la pêche. La Convention sur la diversité biologique, pilotée par le Canada au Sommet de la Terre en 1992, décrit les droits des peuples indigènes à l'accès aux ressources locales ainsi que la valeur des connaissances traditionnelles. J'ai le regret de dire que notre connaissance traditionnelle avant l'arrivée des pêcheries commerciales ici, du moins au sens non autochtone, était notre système de pêcheries à fascines, qui a été interdit suite aux efforts des groupes de pression du secteur commercial visant à nous enlever notre système de gestion.

En dernier lieu, certains ont soulevé la question de la Commission du saumon du Pacifique. J'affirme que si l'Alaska appartenait au Canada plutôt qu'aux États-Unis, pensez-vous vraiment que l'argument disparaîtrait? Je ne le crois pas. Il y a toujours quelqu'un devant vous qui pêche le poisson. Donc il s'agit de partage des ressources régionales. Et qu'est-ce que l'Alaska demande au Canada et aux États-Unis? Aidez-nous; allez parler aux Japonais et aux Russes pour les empêcher de venir pêcher notre poisson.

Sur ce, je termine mes propos en disant que les Premières nations de cette province font partie de la solution et non pas du problème.

• 1950

Monsieur le président, j'aimerais vous remettre un exemplaire de la Convention sur la diversité biologique et j'espère que vous en obtiendrez d'autres pour les députés. J'aimerais vous signaler quatre extraits de la Convention: 8j), 10c), l'article 17 paragraphe (2), et l'article 18 paragraphe (4). En tant que députés, vous verrez l'engagement qu'a pris le Canada au niveau international.

Je vous remercie. Kukstsetsemc.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Je vais mentionner les quatre prochains témoins, afin que vous sachiez quel est votre tour. Le premier sera Doug Walker, et ensuite nous entendrons Greg D'Avignon, Mike Forrest et Frank Cox.

Est-ce que Doug Walker est revenu dans la salle? Non? Pardon, c'est censé être Chris Day.

Vous avez la parole, monsieur.

M. Chris Day (directeur exécutif, Deep Sea Trawlers Association): Merci, monsieur le président, honorables députés.

Nous avons entendu parler de nombreux problèmes dans l'industrie du saumon aujourd'hui, et c'est tout à fait juste, étant donné les énormes défis auxquels est confrontée cette industrie. Mais il y a d'autres industries de pêche sur la côte Ouest. Nous avons entendu les récolteurs sous-marins, et je suis ici pour vous parler du poisson de fond.

Le président: Monsieur Day, pour l'information du comité et pour le procès-verbal, vous êtes bien du Deep Sea Trawlers Association.

M. Chris Day: C'est exact.

Le président: Les chalutiers de la côte est du Canada sont divisés en deux groupes. Un groupe utilise des filets traînants.

M. Chris Day: C'est vrai.

Le président: Et l'autre a des chaluts de fond—c'est-à-dire, de longues lignes avec des crochets au bout. Dans quel groupe êtes- vous?

M. Chris Day: Nous avons des filets traînants.

Le président: Des chalutiers à pêche latérale ou à pêche arrière?

M. Chris Day: Surtout à pêche arrière.

Le président: Très bien. Allez-y, monsieur Day.

M. Chris Day: Comme je vous le disais tantôt, il y a d'autres pêcheries sur la côte Ouest, et je vais vous entretenir de la pêche au poisson de fond.

La pêche au poisson de fond, qui comprend la pêche au chalut et la pêche avec ligne et hameçon, la pêche à l'aiglefin et à la morue charbonnière, est de loin la plus importante pêcherie sur la côte Ouest en volume de poisson. Nous prenons plus de 55 p. 100 de tous les poissons ici en Colombie-Britannique. Cela représente environ 20 p. 100 en valeur de toute la pêche de la côte Ouest.

Le secteur de la pêche au chalut que je représente prend environ 93 p. 100 de ces poissons de fond en volume et 60 p. 100 en valeur. La pêche au poisson de fond au chalut se pratique toute l'année. Tous les poissons doivent être transformés, de sorte que nous produisons énormément d'emplois à plein temps toute l'année.

Nous avons entendu bien des choses négatives aujourd'hui et je voudrais donc commencer par un point positif. Quand on examine le secteur de la pêche au poisson de fond au chalut, on constate que la ressource est en très bon état. Elle a été bien gérée. Les pêcheurs ont joué un rôle très actif dans la gestion des pêches pour assurer la durabilité de la ressource. Nous avons accru la taille des mailles dans le détroit d'Hecate à cinq ou six pouces. Nous avons fermé des secteurs et des frayères. Nous avons donc fait notre part pour vraiment protéger la ressource.

Toutefois, tout comme le secteur du saumon, nous avons nous aussi nos problèmes. Nous éprouvons actuellement de graves difficultés économiques, dont beaucoup résultent directement des politiques du MPO. Je vais en donner deux exemples.

En 1996, on a introduit dans la pêche au chalut un programme d'observateurs en mer. Dans le cadre de ce programme, un observateur accrédité par le MPO a été placé à bord de chaque chalutier participant à la pêche au poisson de fond. On assurait une couverture à 100 p. 100. C'est le seul secteur de pêche sur la côte Ouest qui a cette couverture, et le seul autre secteur de pêche commerciale qui est dans le même cas, à notre connaissance, est la pêche à la crevette nordique au Labrador, qui se fait à l'aide d'énormes chalutiers congélateurs-usines, qui naviguent en haute mer et dont beaucoup ont des équipages étrangers.

• 1955

Le MPO a déclaré que ce programme des observateurs s'imposait pour obtenir une comptabilité précise des prises totales, par espèce et par zone, pour estimer les rejets et la taille des espèces. Cela est très bien, mais on suppose que le mandat est le même pour tous les secteurs de pêche partout au Canada: nous devons connaître avec précision les prises. Pourtant, nous sommes le seul secteur de pêche de la côte Ouest où l'on assure un tel niveau de couverture. Sur la côte Est, le taux moyen est de 10 à 15 p. 100, tandis que nous, c'est 100 p. 100 et, pour autant que nous le sachions, le programme de la côte Est très fortement subventionné par le gouvernement, qui paye tous les coûts administratifs, lesquels représentent 30 à 40 p. 100 du coût total.

Au contraire, nos pêcheurs doivent payer 365 $ par jour pour chaque jour passé par un observateur à bord d'un navire, peu importe que nous prenions un seul poisson. En hiver, le Pacifique Nord connaît des tempêtes épouvantables, parmi les pires au monde, et il arrive très souvent que le coût de l'observateur pour une sortie soit supérieur à la part de l'équipage, et je ne veux pas dire la part d'un seul membre d'équipage, mais bien la part de l'équipage au complet.

Au début du programme des observateurs, on a dit que l'une des raisons du taux de couverture de 100 p. 100, c'était qu'il y avait des préoccupations au sujet des prises fortuites d'aiglefin. Le programme existe maintenant depuis deux ans et si l'on examine les chiffres, on voit qu'en 1996, c'est-à-dire la première année, nous avons pris seulement 39 p. 100 de notre allocation d'aiglefin, tandis qu'au cours de l'année actuelle, après neuf mois, nous en sommes seulement à 22 p. 100 de notre allocation d'aiglefin. Il est évident que les pêcheurs au chalut agissent de façon responsable en fonction d'une exploitation durable. En dépit de cela et malgré de nombreux appels auprès des gestionnaires, ces derniers ont refusé d'envisager la moindre réduction du taux actuel de couverture des observateurs en mer. C'est un véritable boulet financier pour la flotte de pêche. Les petits bateaux ont été désarmés. Aucun bateau de moins de 55 pieds ne peut se permettre de sortir avec ce programme des observateurs et ils sont effectivement restés à quai. Certains bateaux parmi les plus grands paient plus de 100 000 $ par année pour ce programme des observateurs.

Ce que nous demandons, c'est une certaine égalité dans la façon dont ce programme est appliqué d'un bout à l'autre du Canada, égalité à la fois entre les côtes Est et Ouest et entre les divers secteurs de pêche.

Le deuxième point que je voudrais soulever, c'est qu'en avril 1997, l'année dernière, on a introduit dans le secteur de la pêche au poisson de fond au chalut un système de quotas individuels par navire. À l'époque, 90 p. 100 des quotas étaient attribués aux titulaires de permis. Les 10 p. 100 restants étaient octroyés aux autorités chargées de la mise en valeur du poisson de fond et administrés par un groupe non élu de représentants des localités et des syndicats. L'idée était que ce quota attribué aux responsables du développement de la pêche au poisson de fond, qui représentait 10 p. 100 des prises totales, devait être distribué en fonction de propositions conjointes faites par les pêcheurs et les transformateurs et devait respecter une série d'objectifs. Ces objectifs comprenaient la stabilisation du marché, le maintien de la capacité actuelle de transformation, les retombées économiques, et d'autres encore. Mais laissez-moi vous dire que Corky a beau être très fier du programme de mise en valeur du poisson de fond, ce programme est un échec total. Le principal transformateur bénéficiaire de ce programme a déclaré faillite peu après avoir reçu 50 p. 100 du quota attribué dans le cadre de ce programme.

Ce programme n'a atteint aucun de ses objectifs. En fait, les résultats ont même été contraires aux objectifs visés. Aucune autre pêche sur la côte Ouest n'a perdu une proportion de son poisson après être passée aux quotas individuels transférables. C'est pourquoi nous réclamons l'égalité, l'élimination du programme de mise en valeur du poisson de fond et que l'on redonne ce poisson aux pêcheurs.

Je le répète, la pêche au chalut est actuellement en plein bouleversement. Le principal transformateur s'est placé sous la protection de la Loi sur la faillite et ce n'est pas seulement le plus important transformateur en Colombie-Britannique, il représente aussi 25 p. 100 des prises. Il a fait faillite.

Le coût des permis a augmenté de 2 000 p. 100. L'augmentation des coûts de carburant et de fonctionnement, la mauvaise conjoncture du marché et une foule de règlements oiseux sont en train de tuer notre industrie.

• 2000

Si la flotte n'est pas économiquement viable, le secteur de la transformation ne pourra pas fonctionner lui non plus. Il y aura d'autres faillites et d'autres pertes d'emplois.

Il y a à peine 10 ans, le secteur de la pêche au chalut était en plein essor. Aujourd'hui, il est au bord de la faillite.

Nous avons besoin de votre aide et de votre soutien pour que ce secteur retrouve un rendement juste, non pas excessif, mais seulement juste.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Est-ce que Greg D'Avignon, de la B.C. Salmon Farmers Association, est présent? Non?

Je vais donc donner la parole à Mike Forrest, de la Pacific Gillnetters Association.

M. Mike Forrest (directeur, Pacific Gillnetters Association): Oui, monsieur.

Est-ce que vous aimeriez faire une petite pause pour vous dégourdir les membres et vous habituer à vous faire bombarder de la sorte? C'est très dur pour vous. C'est incroyable. Vous avez vraiment beaucoup de résistance pour endurer tout cela.

Je m'appelle Mike Forrest. Je suis directeur de la Pacific Gillnetters Association. J'occupe ce poste depuis la création de l'organisme en 1977.

Je ne traiterai pas des mesures de conservation et de l'habitat. C'est de la plus haute importance, mais je crois que bien des gens s'en occupent. Nous ferons de notre mieux pour contribuer à résoudre ce problème à long terme, comme nous l'avons fait dans le passé.

J'ai grandi dans la vallée du Fraser et j'y ai travaillé toute ma vie, comme l'avaient fait mon père et mon grand-père. J'ai pêché toute ma vie. Je m'occupe activement de la gestion des pêches depuis une vingtaine d'années, par l'intermédiaire de la Commission internationale de la pêche au saumon du Pacifique et actuellement par l'intermédiaire du Groupe du Fraser de la Commission du saumon du Pacifique. Je suis un pêcheur au filet maillant. J'ai passé toute ma vie dans le secteur des pêches. Or, j'ai été éjecté du secteur des pêches, de la même manière qui vous a été décrite par Jim White et divers autres pêcheurs autochtones et non autochtones.

Je me suis occupé de l'intendance et de la gestion durable. Je peux dire avec fierté que la Commission internationale du saumon du Pacifique a donné des résultats fabuleux avec le temps puisqu'on est passé de 1 000 reproducteurs en 1941 à 2,6 millions de reproducteurs en 1989.

On a pris des mesures très positives en fait de gestion du poisson sur la côte Ouest. La situation n'est pas entièrement négative.

C'est certain qu'il y a un problème que Fred Fortier vous a expliqué avec éloquence au sujet du coho et nous voulons contribuer à résoudre ce problème en évitant de dégrader davantage la situation.

S'il y avait plus de poisson, cela résoudrait la plupart des problèmes, mais il serait possible à court terme d'appliquer de meilleures pratiques de gestion des stocks actuels, autant en fonction des prises actuelles que de la croissance future. Voici quelques autres problèmes.

L'élément le plus important et le pire dossier que j'ai vu atterrir sur le pont de mon bateau de pêcheur, c'est la Stratégie sur les pêches autochtones sur la côte Ouest. Pour la communauté des pêcheurs, dont je fais partie, c'est la pire politique à avoir jamais été appliquée par le MPO, celle qui contribue le plus à semer la discorde. C'est une pêche commerciale de ségrégation, l'accès à la ressource étant fondé sur la race, et comme Canadien, je trouve ça inacceptable au Canada.

Vous avez entendu les commentaires qu'on a faits à ce sujet. Vous avez entendu les Autochtones dire que c'est un mauvais processus. Il faut y remédier. De préférence, il faut y mettre fin totalement. La seule personne qui ait examiné la chose, M. Howe Street Matkin, dans le cadre de son enquête, n'a bien sûr pas même suggéré d'y mettre fin. Il a plutôt proposé d'instituer un quatrième groupe d'usagers, la chose la plus stupide imaginable.

Il y a trois ententes pilotes de vente sur la côte Sud. Je vous épargne les détails, mais le pire, c'est le cumul des revenus. Je suis certain qu'en tant que parlementaires vous savez ce que c'est que le cumul, parce qu'on en parle beaucoup dans les journaux.

Les pêcheurs commerciaux autochtones établissent leurs plans de pêche et partent en mer un jour ou deux pour pêcher. Ensuite, le même bateau commercial vient pêcher avec moi et les autres pêcheurs commerciaux dans la pêche commerciale canadienne générale. Ça, c'est le cumul des revenus. S'ils n'en ont pas encore assez pris, on leur donne une chance de reprendre la mer avec une autre sorte de permis et ça devient un triple cumul.

Cette pêche est différente de celle qui est protégée par la Constitution aux termes de l'article 35, je veux parler de la pêche de subsistance et à des fins cérémoniales, dont je suis certain que vous avez entendu parler.

• 2005

Récemment, les gouvernements fédéral et provinciaux glissent sur les pêches autochtones, comme si elles étaient entièrement protégées par la Constitution. Ce n'est pas le cas. Veuillez noter que la pêche autochtone commerciale n'est pas protégée par la Constitution. Il s'agit d'une pêche commerciale où se pratique la ségrégation raciale et qui est réservée uniquement aux Autochtones.

Vous devez comprendre les sentiments qu'éprouvent les pêcheurs qui assistent à tout cela. Vous devez savoir ce que cette politique d'apartheid fait à nos communautés de pêcheurs. Avant, nous pêchions tous ensemble, pêcheurs commerciaux et autochtones confondus, et la communauté des pêcheurs autochtones se débrouillait aussi bien ou mieux que les autres. Aujourd'hui, la politique du MPO nous divise. Elle crée des dissensions parmi les travailleurs riverains et parmi les pêcheurs. Il faut partager, mais ce programme nous divise.

Tout au long de la saison, les pêcheurs commerciaux non autochtones du fleuve Fraser, comme moi-même, sont tenus de s'amarrer au quai, tandis que les Autochtones et les pêcheurs commerciaux peuvent prendre et vendre le poisson qui faisait auparavant partie des allocations commerciales destinées à tous les Canadiens. En 1997, cette allocation continue d'être transférée à titre gracieux à un nouveau groupe d'usagers, sans aucune compensation.

Je pourrais vous parler longuement de la compensation. Nous pourrions invoquer d'excellents arguments à ce sujet. Cela n'a pas eu lieu. Au début des années 70, nous prenions environ 300 000 poissons dans le secteur autochtone du fleuve Fraser. Aujourd'hui, cela dépasse le million. Il n'y a aucune compensation. Les gens soutiennent que pour 100 000 ou 200 000, il y avait autrefois compensation.

M. Art May et bien d'autres avant lui ont mis le doigt sur une vérité fondamentale—et vous pouvez en prendre connaissance dans le rapport May, j'espère que vous aurez l'occasion de le lire—à savoir que le paiement négocié pour les traités autochtones doit venir de tous les Canadiens, pas seulement d'un segment de la société, c'est-à-dire pas seulement de mon secteur de pêche, ou d'un secteur de pêche commerciale en particulier.

Le MPO a indiqué qu'il agirait conformément aux traités futurs. C'est pour donner bonne impression. Le problème, c'est que les fonctionnaires font l'erreur de croire qu'ils connaissent déjà le contenu des traités futurs. Jusqu'à présent, ils ont versé ces paiements grâce à mon gagne-pain.

C'est surtout ce problème qui constitue le fondement principal du récent plan Mifflin, si vous avez suivi le processus de la table ronde de M. Tobin. J'y ai participé pendant un an.

Il y a une solution. Tout n'est pas perdu. Il y a une solution qui est généralement acceptée sur toute la côte, y compris dans les localités autochtones de bien des régions. Le compromis de l'industrie permet au gouvernement du Canada d'acheter des navires commerciaux sur le marché libre et de céder ces permis aux pêcheurs autochtones, au besoin. Ces pêcheurs autochtones participent alors à la pêche commerciale ordinaire, comme tous les autres Canadiens. Il n'y a pas de pêche commerciale réservée aux Autochtones. La participation des Autochtones augmente, de même que les avantages économiques. On n'exerce plus de pressions sur la ressource pour des raisons de pêche ou de permis. La gestion des pêches est moins compliquée. Les pêches prévues à l'article 35 se poursuivent. C'est toute la population canadienne, et non pas seulement les pêcheurs commerciaux, qui paie la note. C'est un compromis réaliste.

Maintenant, le plan Mifflin. Qu'on le veuille ou non, il existe. Dans le cadre de ce plan, on nous a garanti l'accès à la ressource, et des décisions économiques ont été prises par suite de cette promesse. Or, cette promesse n'a pas été tenue et il semble même que le ministre envisage de permettre à certaines flottes de pêcher dans d'autres zones pour y prendre le poisson qu'il est permis d'y pêcher.

Le ministère doit comprendre que s'il agit ainsi, tout le plan de permis de la région s'effondrera. C'est peut-être ce qu'on souhaite, mais, quoi qu'il en soit, c'est ce qu'il arrivera. Le ministère doit s'en tenir à son plan pendant quatre ans, comme il a été prévu à l'origine. On l'examinera après quatre ans. Si on juge que des changements sont nécessaires, on n'aura qu'à apporter les correctifs qui s'imposent après avoir consulté le secteur. Notre industrie a besoin d'une certaine stabilité qui ne peut exister que si le ministère nous garantit qu'il ne modifiera pas les règles du jeu.

En ce qui concerne la gestion des pêches, la plupart des gestionnaires des ressources s'entendent pour dire qu'il y aurait moins de risques de surpêche du saumon si on pouvait contrôler les prises de certains groupes et stocks de poisson. On convient ici que, pour ce faire, la pêche au saumon doit se faire le plus près possible de la rivière d'origine, comme l'a indiqué Fred Fortier.

Récemment, le MPO a caractérisé de «prudente» cette méthode de gestion. Étant donné que le nombre de permis accordés dans une zone limite la pêche d'une flotte à cette zone particulière, les prises dans cette zone sont limitées et entraînent donc moins de risques. Le MPO envisage maintenant d'adopter l'approche contraire pour certaines pêches, de revenir en arrière et de permettre davantage de prises pour les pêches hauturières et de stocks divers. Cela va tout à fait à l'encontre de la politique actuelle et de celle du passé récent et représente un risque indu pour la gestion de la ressource.

• 2010

La gestion communautaire des stocks côtiers pourrait constituer une possibilité. On pourrait assurer une gestion communautaire assez bonne des stocks côtiers au niveau local, mais on ne peut gérer ainsi les stocks passants. Pour ce faire, il faut une autorité centrale quelque part—ce pourrait être le gouvernement ou l'administration du Traité sur le saumon du Pacifique—qui gérerait les stocks pour toute la côte. Ces stocks ne peuvent être gérés à partir d'une telle localité côtière. C'est impossible, il pourrait y avoir surpêche sans qu'on sache ce qu'on pêche.

Pour ce qui est des décisions concernant la côte Ouest et la région du Pacifique, pour faire des villages de pêche de la côte Ouest des partenaires... Comme notre chef l'a laissé entendre plus tôt, nous sommes déjà des partenaires.

Selon le nouveau concept de partenariat du MPO, les pêcheurs doivent être conscients et trouver des solutions à leurs problèmes eux-mêmes et ne pas compter sur Ottawa. Je ne vous apprends rien.

Les problèmes d'allocation de la pêche commerciale de la côte Ouest doivent être réglés sur la côte Ouest par le Conseil de l'industrie de la pêche commerciale—qui, si vous ne le saviez pas déjà, est ici même. L'allocation présente a des problèmes, certes. Ces problèmes doivent être réglés par le CIPC. Nous ne devrions pas contourner les conseils et exercer des pressions sur le ministre.

Nous demandons maintenant au ministre Anderson de consolider ce concept en renvoyant ceux qui voudraient exercer des pressions au CIPC—comme le ministre Tobin avait réussi à le faire—et de ne pas miner le processus en prenant des décisions unilatérales sans consulter le CIPC. La ressource doit être gérée par un seul gestionnaire, et non par deux ou trois. Pour ce faire, le gouvernement fédéral doit pouvoir compter sur la capacité des pêcheurs de la région du Pacifique à trouver des solutions locales.

Le gouvernement provincial et les autres intervenants représentent une partie essentielle de ce processus et doivent y participer activement; toutefois, le gouvernement fédéral ne réussira à contrôler efficacement les pêches du Pacifique qu'en appliquant des solutions élaborées sur la côte Ouest.

Art May et Sam Toy: il ne sert à rien de discuter des allocations dans les trois secteurs de pêche—autochtone, commerciale et récréative—si l'on permet à l'un de ces groupes de pêcher en fonction de règles différentes. Le conseiller indépendant de M. Tobin, Art May, devait nous garantir l'accès à la ressource en fonction du plan Mifflin en établissant les allocations initiales et les règles de cession pour les trois groupes d'utilisateurs. Il a négligé de régler la question de l'allocation aux Autochtones et a laissé à Sam Toy le soin de s'en occuper. Cela ne suffit pas.

Les pêches autochtone et commerciale devraient être incluses dans une seule pêche commerciale canadienne. Si la pêche autochtone continue d'être considérée comme une pêche en soi, il faudra que les Autochtones la pratiquent selon les mêmes règles que les autres. Cela ne s'applique pas aux pêches prévues à l'article 35, lequel ne porte pas sur les ventes pilotes.

En ce qui concerne le Traité sur le saumon du Pacifique, le rapport Strangway-Ruckelshaus paru récemment a justifié quelque peu la position traditionnelle du Canada. Pendant que le fer est encore chaud, le MPO doit réagir à ce rapport de façon positive. Nous devons maintenir et même accroître le soutien que nous accordons au négociateur en chef du Canada, Yves Fortier, qui fait de l'excellent travail. Nous avons besoin de ses connaissances approfondies et de son savoir-faire à la table des négociations.

Merci de m'avoir écouté. Nous serons heureux de contribuer à la solution.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Nous devons entendre cinq intervenants représentant le Community Fisheries Development Centre, qui compte cinq centres. Je me suis entretenu avec Frank Cox, du centre principal, qui m'a dit que les cinq témoins allaient combiner leurs exposés en un seul de 10 minutes. Puis, je crois savoir que nous aurons l'occasion de nous dégourdir les jambes. Les témoins ont amené un bateau qu'ils nous invitent à aller voir; cela nous permettra de nous lever et de marcher un peu.

Ce sera en quelque sorte une pause, bien que nous n'arrêtions pas d'entendre des témoins. Nous poursuivons notre audience afin d'entendre le plus grand nombre de gens possible.

Monsieur Cox, si vous voulez bien prendre la parole.

Mme Brenda Kuecks (Community Fisheries Development Centre): Je suis le témoin qui prendra la parole au nom du Community Fisheries Development Centre.

Nous espérons vous donner un petit répit. Nous savons que vous avez tous le cerveau en compote et que vous ne faites plus la distinction entre un rapide et une fosse, entre un permis de transformation et une prise de contrôle d'entreprise. Nous avons pensé faire un peu de théâtre, même si les agents de la GRC semblent un peu nerveux à cette idée. Nous avons amené juste à l'extérieur, devant la porte, une réplique d'un bateau. Si les membres du comité veulent bien prendre deux ou trois minutes, nous aimerions qu'ils y jettent un coup d'oeil. Nous reviendrons ici ensuite pour en parler plus longuement.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Certainement. Nous serons de retour dans trois minutes.

• 2014




• 2019

Le vice-président (M. Gary Lunn): La séance reprend. Nous accordons 10 minutes au CFDC.

• 2020

Le président: À l'ordre, je vous prie.

Mme Brenda Kuecks: Le doris que vous avez vu dehors illustre quelques-unes de nos idées sur ce qui pourrait se produire dorénavant, après les conséquences désastreuses de la politique fédérale en matière de pêches pour les collectivités côtières. Depuis deux jours, vous entendez des gens vous raconter comment ils ont été touchés par les politiques de pêche du gouvernement fédéral et continueront de l'être pour encore au moins trois à cinq ans d'après nous.

Le doris qui est dehors a été construit... Je n'ai pas entendu le début du petit exposé qu'on vous a fait dehors, mais je crois qu'on vous a dit que c'est une réplique exacte du doris qu'on utilisait sur la côte Ouest pour pêcher le flétan au moyen de palangre et de turlutte. L'embarcation comme telle n'est peut-être pas grand-chose, mais ce qu'elle représente pour ceux qui l'ont construite est une histoire en soi.

Dans le cadre d'un programme de Développement des ressources humaines Canada, le printemps dernier, le CSDC a pu aider près de 2 000 personnes qui avaient dû abandonner la pêche avec des projets de création d'emplois à court terme. C'était l'un de ces projets; cela a permis non seulement aux gens d'apprendre à construire un doris, mais cela leur a permis de se rassembler et de comprendre ce qui leur était arrivé, pourquoi tout cela leur était arrivé et quelles en étaient les conséquences à long terme pour eux.

Depuis, en collaboration avec DRHC et la province, le Community Fisheries Development Centre travaille dans environ 15 localités côtières. Nous travaillons avec des groupes autochtones et non autochtones. Nous travaillons avec les gouvernements locaux. Nous travaillons avec des gens qui s'adonnent à la pêche sportive et à la pêche commerciale. Nous tentons de trouver des perspectives d'emploi pouvant remplacer les emplois qui ont été perdus dans le domaine de la pêche sur la côte Ouest. Nous ne présumons pas que la pêche est disparue à tout jamais. Notre stratégie de travail dans ces localités côtières est directement liée à un objectif précis, à savoir faire travailler les pêcheurs, à temps plein ou partiel, à des activités qui permettront en fait de revitaliser la pêche—la revalorisation de l'habitat, l'évaluation des stocks et le contrôle.

Nous tentons aussi de créer de nouveaux emplois qui mettront à profit les compétences incroyables de ces gens d'une façon toute nouvelle. Si notre rêve se réalise, ce doris, ainsi que d'autres qui ont été réparés le printemps dernier, feront partie d'un programme côtier d'écotourisme qui prendra forme dans les deux ou trois années qui viennent et dans le cadre duquel des pêcheurs amèneront des touristes sur ces navires pour leur enseigner l'histoire de l'industrie des pêches. Nous, les pêcheurs et les collectivités côtières sommes tous enthousiasmés par cette idée.

Le gouvernement fédéral, par l'entremise de DRHC, nous a permis de lancer ce programme de transition. Lorsque le plan Mifflin a été déposé, on a d'abord reconnu—et vous en avez entendu parler—que les politiques que le gouvernement fédéral s'apprêtaient à adopter entraîneraient d'importantes pertes d'emplois et que le gouvernement fédéral devait s'engager à collaborer avec la Colombie-Britannique en vue d'élaborer un plan de transition à long terme.

Je sais qu'on a lancé beaucoup de chiffres sur qui a fait quoi à qui et sur qui a payé quoi pour qui. Nous, dans les localités côtières, estimons que nous avons au moins pris un bon départ. Les structures sont maintenant en place. Les principaux intervenants des différentes localités côtières ont établi de bons contacts. On a déjà environ 60 idées excellentes, telles que celle de l'écotourisme, qui sont à différentes étapes de leur élaboration, pour créer de nouveaux emplois et diversifier l'économie locale.

Il faut absolument que le gouvernement fédéral reconnaisse la nécessité d'implanter un plan de transition. Ce plan de transition devra être bien planifié et coordonné par les différents organismes de prestation de services.

Nous vous avons remis un mémoire et j'aimerais aborder très brièvement les recommandations qu'il contient.

• 2025

La première recommandation est de reconnaître que si le gouvernement fédéral doit utiliser pour la transition, Développement des ressources humaines Canada, les programmes et les critères d'admissibilité actuels de ce ministère ne sont pas suffisants. Nous avons environ 40 p. 100 de gens qui ne sont plus admissibles à l'assurance-emploi et qui ne peuvent donc plus avoir accès à aucun des programmes de formation ou de perfectionnement qui pourraient les aider à compléter leur revenu ou à sortir complètement du secteur de la pêche s'ils le voulaient. Il faudra donc d'abord examiner de près le véhicule de transition que souhaite utiliser le gouvernement fédéral dans cette situation et si la décision est de prendre DRHC, il faudra réexaminer sérieusement les principes qui limitent l'admissibilité à ces programmes.

Le Fonds transitoire pour la création d'emplois qui, nous a-t-on assuré, est le meilleur instrument fédéral pour bâtir, avec l'aide de Développement des ressources humaines, un programme transitoire pour les pêcheurs, s'est révélé extrêmement lourd du point de vue administratif. Les deux expériences que nous avons eues jusqu'ici ont été extrêmement pénibles. Nous préconisons donc que le fonds transitoire soit prolongé et que l'on réexamine les critères qui y sont rattachés afin qu'ils soient mieux adaptés au secteur des pêches.

La dernière recommandation sur laquelle j'aimerais attirer votre attention porte sur la nécessité d'examiner le Fonds pour l'expansion de la petite et de la moyenne entreprise qui est à la disposition des pêcheurs. À l'heure actuelle, il y a au Centre d'aide au développement des sociétés un «fonds de legs» qui aura remplacé à la fin novembre le programme de cumul d'aides et ce fonds devait faciliter l'expansion des petites entreprises dans le secteur des pêches. En fait, il est pratiquement inaccessible aux pêcheurs. Si c'est là l'instrument que le gouvernement fédéral veut utiliser pour faciliter l'expansion des petites entreprises parmi les pêcheurs, il faudra qu'il soit réexaminé.

Cela dit, il y a ici un certain nombre de personnes qui voudraient vous relater leurs expériences personnelles liées au programme transitoire.

Mme Diane Gordon (Community Fisheries Development Centre—Richmond): Je m'appelle Diane Gordon et je suis coordonnatrice de projet dans le cadre du Programme d'assistance aux chômeurs de Steveston.

Je ne suis pas issue du secteur de la pêche. J'ai juste passé un an à Steveston à travailler avec les travailleurs déplacés du secteur des pêches. Une chose que j'ai remarquée, c'est qu'il est très agréable de travailler avec des gens et très frustrant de travailler avec les programmes et les lignes de conduite de DRHC pour essayer de servir les clients que nous avons ici à Steveston dans ce village de pêcheurs.

Ce n'est pas que les programmes de DRHC n'ont pas été bien pensés et qu'ils ne contribuent pas au succès de certaines personnes. Je vais vous présenter José qui est un de ces succès. C'est simplement qu'ils ne s'appliquent pas à suffisamment de monde.

Dans la zone d'implantation de DRHC de Richmond, il y a 160 000 personnes et 25 p. 100 des demandes de prestations d'assurance-emploi dans cette zone viennent du secteur des pêches. Les chiffres sont là. Cela représente environ 3 500 personnes. Là-dessus, certaines retourneront à la pêche, d'autres non. Il s'agit là de gens qui sont admissibles à l'assurance-emploi.

Nous savons que 17 p. 100 des gens que nous voyons à notre bureau n'ont pu obtenir l'assurance-emploi cette année. Il y en a aussi 20 p. 100 que nous mettons dans la catégorie CRF et que je mets personnellement dans la catégorie SOL parce que nous ne pouvons rien pour eux.

Je ne vous ennuierai pas avec des statistiques. Vous pouvez en trouver des tas. Ce que nous constatons auprès des gens qui passent par notre bureau, c'est que ceux que nous pouvons effectivement aider s'en tirent très bien. Les programmes et services sont très bien conçus. Nous pouvons les utiliser, et c'est bien. Le gros problème, c'est tous les gens que nous ne pouvons pas aider.

• 2030

Je vais vous donner un exemple de situation désespérée. Je m'occupais du Programme des services d'adaptation lorsque B.C. Packers a fusionné avec une poissonnerie canadienne. Il y avait là un type qui travaillait à l'usine depuis 33 ans. Il n'était pas suffisamment vieux pour toucher sa pension de retraite. Qu'est-ce qu'on fait de quelqu'un qui a 58 ans et qui a travaillé toute sa vie dans une usine de poisson? Est-ce qu'on le recycle, est-ce qu'on le fait recommencer à un salaire de débutant? C'est très humiliant pour lui. Sa femme est venue me voir et m'a dit: «Diane, faites quelque chose pour lui. Faites-le sortir de la maison. Donnez-lui quelque chose à faire».

Cela crée d'énormes problèmes dans les familles quand on ne peut pas donner à ces gens accès à quelque chose qui leur permette de conserver leur dignité.

Nous avons également une forte population de minorités visibles qui étaient prospères dans le secteur des pêches. Maintenant, ces gens ne peuvent plus gagner d'argent dans ce secteur et rien ne va plus. Il faut une stratégie à long terme. Il faut qu'ils apprennent l'anglais, qu'ils refassent des études, qu'ils suivent un programme de formation quelconque. Certaines de ces interventions vont prendre trois ans. Serons-nous là suffisamment longtemps pour nous assurer que ces gens-là s'en sortent? Ces interventions vont-elles être possibles? Vont-ils être en mesure de prendre des emplois qui leur donnent plus qu'un salaire minimum vital et qui n'en font pas des travailleurs pauvres?

Si vous regardez autour de Steveston, vous voyez ce qui reste d'un village de pêche très actif. Si vous y regardez d'un peu plus près, vous verrez des usines de traitement fermées, des bateaux à vendre et si vous regardez d'encore plus près, vous verrez des gens qui vivent sur ces bateaux mais n'en parlent à personne parce qu'ils ont perdu leurs maisons.

Un fonctionnaire de DRHC m'a dit l'autre jour qu'on est en train de remarquer une tendance dans le secteur des pêches. Les gens quittent Richmond, ils s'éloignent de l'océan, ils vont dans la vallée, parce que vivre ici coûte trop cher et qu'ils ne gagnent pas suffisamment d'argent pour vivre là où ils travaillent.

Il y a aujourd'hui de bons programmes qui sont efficaces pour les gens qui y ont accès. Je recommande que les critères d'admissibilité à ces programmes et services soient élargis afin d'inclure davantage de monde qui touche soit l'assurance-emploi soit une aide au revenu, que chacune des zones d'implantation de DRHC suive les mêmes lignes directrices pour tous les travailleurs du secteur des pêches, que l'on applique une stratégie coordonnée qui inclut le renouvellement des pêches et l'expansion économique et que nous veillions à ce que les outils et mesures adoptés correspondent à une stratégie à long terme afin que les travailleurs de ce secteur qui doivent en sortir le fassent en conservant leur dignité.

Je vais maintenant vous présenter Jose. Il s'en est bien tiré.

M. Jose Galang (Community Fisheries Development Centre): Merci.

Je m'appelle Jose Galang. Je ne sais pas qui vous êtes. C'est la première fois que je prends la parole. Je ne vous connais pas. Est-ce que vous êtes des délégués du gouvernement? Je n'en sais rien. En tout cas, je veux vous dire ce que j'ai fait.

Je travaillais autrefois dans une conserverie, ici chez B.C. Packers, mais elle a fermé. Heureusement, notre syndicat, qui était l'UFAWU (Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés), avait un programme de création d'emplois. J'ai eu beaucoup de chance d'apprendre plusieurs choses que je n'avais jamais apprises jusque-là. Notamment peindre et nettoyer et entretenir. J'aurais beaucoup aimé apprendre à construire des bateaux afin de pouvoir en vendre ou faire quelque chose du genre.

En tout cas, quand j'apprenais cela, j'étais encore un peu perdu, ne sachant pas quoi faire après avoir perdu mon emploi. Je suis donc allé au centre où travaille Diane et lui ai demandé où je pourrais faire des études.

La première chose que j'ai faite, fut de me présenter à Career Drive où le groupe m'a aidé à définir ce que je souhaitais faire. À partir de là, j'ai monté ma petite entreprise de laveur de vitres et j'emploie aujourd'hui cinq personnes.

Je ne gagnais toujours pas ce que j'aurais voulu. Avant le décès de ma grand-mère, je lui ai dit que lorsque j'aurais 30 ans, je devrais être millionnaire. J'ai 32 ans et je n'en suis pas encore là.

• 2035

Avec ma petite entreprise, je n'arrivais pas à conquérir le marché que je convoitais. Je suis donc retourné demander d'autres cours de commerce afin d'apprendre à préparer un plan d'affaires, à acquérir des connaissances dans les secteurs de la mise en marché et de la vente. C'est ce que je fais actuellement et je suis aussi un cours d'informatique.

J'ai appris comment conquérir. Je vais probablement concurrencer une grosse entreprise de nettoyage et d'entretien et j'espère que je serai un jour millionnaire.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci beaucoup.

Une voix: Quelqu'un d'autre, de la même organisation.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Est-ce quelqu'un d'autre du CFDC?

Une voix: Oui.

M. Ross Watzel (directeur de programme, Community Fisheries Development Centre—Surrey): Je m'appelle Ross Watzel et j'ai l'impression que mon temps est pratiquement écoulé. J'aurai du mal à en dire autant que mon prédécesseur.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Nous vous donnerons quelques minutes supplémentaires.

M. Ross Watzel: Merci.

Je vous fais circuler une chemise. J'avais préparé un texte que je voulais vous lire, mais vous pourrez le lire plus tard. Vous trouverez dans cette chemise notre mémoire.

Mon programme est un programme de recyclage spécialisé dans les projets de restauration des habitats. J'ai également fait partie de la table ronde sur la pêche au filet maillant.

Je ne vais pas vous lire cela. Vous pourrez le lire plus tard.

Vous trouverez dans cette chemise une analyse des résultats du sondage sur la rationalisation de la flotte de pêche au saumon au filet maillant.

Quand j'étais à la table ronde, j'avais insisté quand on préparait le questionnaire pour que l'on réserve de l'espace pour que les gens puissent mettre des commentaires. J'avais promis que s'il y avait effectivement des commentaires, je veillerais à ce que l'on y donne suite. Le ministère des Pêches et des Océans n'en a absolument pas tenu compte, si bien qu'à mes propres frais, j'ai fait dactylographier ces commentaires et en ai fait faire l'analyse. J'aimerais que vous les regardiez. C'est très clair.

Je vous donnerai cet exemplaire des commentaires. Il y a plus de 1 000 commentaires. Peut-être que vous pourriez les faire photocopier et les distribuer. Cela ne dit pas tout, mais ce que vous lirez là, c'est ce que vous avez entendu ici.

Je suis dans le secteur des pêches depuis 1958. J'ai commencé comme homme de pont sur un bateau dans le région de Rivers Inlet. Maintenant, nous n'avons plus que deux rivières mais, quand j'ai commencé, Rivers Inlet était une zone très importante pour les pêches. Nous passions au moins un mois par an à pêcher là-bas. L'habitat s'est tellement dégradé que l'on n'y pêche plus. Il y a maintenant un petit groupe de personne qui va essayer d'évaluer la situation. J'aimerais que le gouvernement s'engage à financer les travaux qui s'imposent là-bas.

Rivers Inlet est aussi important pour les pêches que le fleuve Fraser ou la Skeena. C'est là qu'allaient les familles. Toute la famille y allait. Quand on allait là-bas en bateau, on voyait des enfants et des chiens et des couches partout sur les bateaux. Les familles se retrouvaient là-bas. C'était un mode de vie, mais c'est un mode de vie qui nous a été retiré à cause de la coupe du bois et d'autres phénomènes de dégradation de l'habitat.

Environ 70 travailleurs de l'industrie de la pêche ont suivi mon programme de recyclage. Ils trouvent du travail intéressant. Ils ont une bonne formation, mais ils n'ont pas de baccalauréat en sciences. Mifflin a dit qu'il ferait ce qu'il fallait pour rétablir cette industrie et ces ressources, et c'est pourquoi nous formons ces gens-là. Nous faisons notre part, mais il doit prendre l'engagement que lorsque ces gens-là auront suivi une formation, ils seront employés. Tous ces programmes que l'on met sur pied sont conçus pour les diplômés d'université et les scientifiques, mais les gens que nous formons connaissent beaucoup mieux les ressources que ces diplômés. Ils y tiennent beaucoup plus aussi qu'un diplômé d'université.

Nous pouvons faire le travail. Tout ce que nous demandons, ce sont les outils pour le faire.

Merci.

• 2040

Le président: Avant que nous ne passions à quelqu'un d'autre, je me demandais si l'un des trois intervenants précédents pourrait revenir au microphone pour une seconde afin de dire exactement au comité quels devraient être à votre avis les critères d'admissibilité. Que serait en fait l'idéal pour les critères d'admissibilité?

Deuxièmement, quelqu'un pourrait-il répondre à la question sur le fonds transitoire de création d'emplois? Quelle objection avez-vous exactement? Que faudrait-il faire exactement pour le modifier?

Mme Diane Gordon: À l'heure actuelle, les critères d'admissibilité aux programmes de DRHC s'appliquent aux gens qui perçoivent l'assurance-emploi et à ceux que l'on appelle les clients récupérés, c'est-à-dire ceux qui ont touché l'assurance-emploi au cours des trois dernières années ou au cours des cinq dernières années s'il s'agit de congé de paternité ou de maternité.

Nous voudrions que cela soit étendu à ceux qui n'ont pas bénéficié de l'assurance-chômage. Si vous êtes pêcheur et n'avez pas de problème ou si vous réussissez dans ce que vous faites et que vous continuez à travailler, pourquoi vouloir toucher l'assurance-chômage? Nous voudrions pouvoir aider ces gens-là.

Nous voulons aussi pouvoir aider ceux qui n'ont pas suffisamment travaillé ou qui peut-être étaient à la charge de leur mari ou de leur femme. Nous voudrions les aider à faire la transition pour sortir de cette industrie. Nous aimerions pouvoir aider davantage de jeunes.

Nous voulons pouvoir aider les gens qui ont perdu leurs maisons, leurs bateaux et qui se retrouvent à toucher une aide au revenu. Il est très difficile pour nous de savoir combien ils sont parce que nous ne les voyons pas. Ils ne viennent pas nous voir et quelquefois ils ne nous disent pas exactement ce qu'il en est.

Nous aimerions donc que les critères soient élargis afin de pouvoir inclure tous ces groupes et que le principal critère soit l'intérêt et l'enthousiasme des candidats ainsi que leur aptitude à suivre un programme de formation.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

Mme Brenda Kuecks: Je répondrai à la question sur le fonds transitoire pour la création d'emplois. Je m'appelle Brenda Kuecks et je suis membre de Community Fisheries.

Les fonctionnaires de DRHC dans la région ainsi que M. Nault, lorsqu'il est venu ici, nous ont dit que le fonds transitoire pour la création d'emplois était le meilleur outil que nous puissions utiliser pour aider les gens qui avaient perdu leur travail dans l'industrie de la pêche. Nous disions en effet que beaucoup de ces gens-là n'étaient pas admissibles aux programmes de l'assurance-emploi. On nous a alors dit que ce fonds transitoire pouvait être utilisé par ceux qui ne pouvaient toucher l'assurance-emploi, qu'ils pouvaient mettre au point un programme pour ceux qui n'ont pas droit à l'assurance-emploi. Que c'était donc le meilleur outil à utiliser.

Ce que nous avons constaté en faisant effectivement l'essai de ce fonds, c'est qu'il est établi très clairement dans les critères qu'il ne doit être utilisé que pour des emplois durables à long terme.

Il s'agit ici de créer de nouveaux débouchés: écotourisme, inventaire et cartographie, toutes les activités visant le rétablissement des pêches. Il s'agit dans tous les cas de former des gens à des emplois dans des secteurs nouveaux ou pour des travaux à contrat et à temps partiel durant la saison morte.

Les critères du fonds transitoire pour la création d'emplois ne nous permettent pas préparer ces gens au travail.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Combien d'intervenants avez-vous encore?

Une voix: Un seul pour cette partie.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Limitez-vous à environ une minute. Vous avez déjà eu à peu près deux fois le temps prévu. Nous ne vous interromprons pas toutefois. Nous sommes ici pour vous écouter.

M. Serge Cartier (Community Fisheries Development Centre): Merci. Je suis heureux que vous soyez ici. Merci d'être venus et de nous avoir écoutés vous raconter nos problèmes.

J'ai 55 ans et je travaille dans ce secteur depuis au moins 33 ans. Depuis que Roméo LeBlanc était au Nouveau-Brunswick. Je suis revenu ici il y a 26 ans et j'y suis toujours.

Ces deux dernières années, j'ai probablement eu 70 jours de travail comme membre d'équipage de bateaux annexes. En fait, vous ne savez probablement pas ce que c'est. Lorsque je suis allé à Ottawa pour parler du plan Mifflin, que nous avons vu dans ce document, il ne savait même pas ce qu'était un membre d'équipage de bateaux annexes. Donc, n'ayez pas de complexes. Lui aurait dû le savoir.

• 2045

En tout cas, j'ai tous ces jours où rien ne se passe. Heureusement qu'il y avait le programme de DRH... ces gens-là m'ont vraiment aidé. Je n'avais jamais préparé de curriculum vitae de ma vie, je l'avoue, parce que je pêchais. D'un endroit à l'autre, on savait ce qu'on valait pour vous avoir vu travailler.

Les gens de DRHC m'ont donc aidé. Je vais à l'école. Je viens de finir un trimestre au collège Douglas et, à 55 ans, se retrouver étudiant dans un collège n'est pas facile. Je vais probablement finir à la fin mars. J'ai déjà un emploi au ministère des Services sociaux, avec les enfants handicapés mentaux. Le cours que je suis est un cours de langage ASL (langage gestuel américain). Sans cela, je n'aurais rien.

Je dois vous dire que c'est assez pathétique quand il faut devenir assisté social. C'est quelque chose qui ne m'est jamais arrivé et je n'ai pas l'intention de commencer à mon âge.

Je suis donc très reconnaissant à ces gens-là. Non seulement cela m'a donné un emploi, mais cela leur donne aussi des emplois, puisqu'ils nous aident. Ils savent comment s'y prendre. Ils savent comment utiliser un ordinateur, ce que je ne sais pas. Je leur suis donc reconnaissant. C'est de l'argent bien placé que de le mettre dans des programmes semblables plutôt que dans l'assistance sociale. L'assistance sociale n'apporte rien.

La question du saumon... Si vous prenez un petit poisson et le mettez dans la rivière, cela peut donner des résultats quatre ans plus tard. Mes petits-enfants verront du poisson et peut-être que j'en verrai aussi mais quand on coupe du bois et qu'on plante un arbre, il faut attendre 30 ans avant de pouvoir couper ce nouvel arbre. Je ne serai pas là pour le voir couper, mais je verrai les saumons arriver.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci beaucoup, monsieur Cartier. Il y a encore un intervenant.

M. Peter Sainas (conseiller en emploi, Canadian Fisheries Development Centre): Bonsoir. Je suis conseiller en emploi au CFDC de Vancouver. J'ai passé trente ans dans l'industrie de la pêche. J'ai travaillé à terre, j'ai été membre d'équipage et j'ai aussi pêché.

Il y a quelques années, j'ai compris que je ne gagnais pas d'argent. Je ne pouvais vivre de ma pêche, tellement on m'accordait peu de temps, et j'ai donc décidé de me recycler. Je suis retourné à l'école et j'ai trouvé un emploi de conseiller en emploi au CFDC. Maintenant, j'essaie d'aider ces gens-là.

Il y a des tas de gens qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi. Ils touchent l'assistance sociale. Il y a des tas de gens qui ne parlent pas anglais et des tas de gens qui n'ont pas fait d'études parce qu'ils n'ont jamais été obligés d'aller à l'école; ils vivaient de leur pêche. Ce n'est plus possible. Il faut les aider.

Tout ce que vous pourrez donc faire pour nous permettre d'aider ces gens-là à devenir des travailleurs productifs serait une excellente chose.

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci beaucoup.

Je vais passer au Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés. Nous les avons deux fois avec deux intervenants. Je demanderais à John Radosevic et Jim Sinclair de s'approcher afin que nous voyions ce que nous pouvons faire.

M. John Radosevic (président, United Fishermen and Allied Workers Union): Pour gagner du temps, monsieur le président, il n'y aura qu'une personne qui fera un exposé aujourd'hui et j'essaierai de prendre beaucoup moins que 10 minutes.

Je suis président du Syndicat des pêcheurs unis et travailleurs assimilés. La première chose que je demanderais au nom de nos membres c'est que vous nous permettiez de comparaître devant votre comité, ici ou à Ottawa, pour poursuivre la discussion que nous allons aborder aujourd'hui très brièvement, comme vous le constaterez dans le document que nous avons distribué.

On a parlé de tas de choses aujourd'hui. Je commencerai par dire que ce ne sont pas simplement les différents morceaux du casse-tête qui doivent retenir notre attention, mais bien le fait que les fondations mêmes de Pêches et Océans et la façon dont nous gérons les pêches sont branlantes et doivent être révisées. On suggère des tas d'idées comme si nous avions un secteur gérable, un ministère compétent qui aurait une vision de l'avenir et une idée de la façon de nous sortir de la situation actuelle pour assurer notre avenir économique. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je crois qu'il faut donc s'attaquer à la racine du problème et c'est certainement vers le ministère des Pêches qu'il nous faut tourner nos regards.

• 2050

Repensez aux années 80. Le gouvernement fédéral s'engageait alors à des choses comme la propriété commune des pêches, la mise en valeur, le renouvellement des stocks, le respect de la réglementation, les sciences, la diversification de la flotte, les aides à tout un éventail de populations côtières.

Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit? Un ministère qui abandonne la propriété commune des pêches, comme on le disait tout à l'heure, aux groupes d'intérêts spéciaux, la privatisation et une flotte qui n'est plus contrôlée. Je dis qu'elle n'est pas contrôlée parce qu'il ne s'agit pas là de réduction de la flotte en soi. Nous sommes tous convenus qu'il faut parvenir à une certaine réduction de la flotte. On a envisagé pour cela des permis de zone ou des QIT qui ont mené l'industrie à une spéculation terrible pour certains poissons. On gagne plus d'argent à louer ce privilège de pêcher que l'on obtient du ministère des Pêches qu'à la pêche elle-même.

Les propriétaires indépendants doivent abandonner à cause de pratiques injustes concernant les permis. Les populations côtières ont de gros problèmes dans certaines régions de la province.

Voilà la situation générale. Si on examine toute la documentation, on constate qu'il y a en fait deux visions concernant cette industrie. Il y a le point de vue du ministère à Ottawa et il y a notre point de vue. Nous sommes ici pour vous dire qu'à notre avis la vision d'Ottawa n'a aucune envergure alors qu'il est nécessaire de parvenir à réaliser tout le potentiel de cette industrie.

La principale préoccupation d'Ottawa est de savoir comment réduire la flotte sans que cela coûte un sou au gouvernement; autrement dit compression des dépenses en général. C'est une mentalité de comptable. Tout ce qui compte c'est de réduire les coûts.

C'est exactement la priorité du ministère. Ce n'est pas moi qui le dis. Regardez ce qu'a déclaré Mike Hunter dans certaines publications; c'est une formule facile: une petite flotte produisant un gros volume par unité à bon prix afin que les entreprises n'aient pas à investir dans de nouveaux modes de commercialisation, de nouvelles productions, de la valeur ajoutée; afin qu'elles puissent continuer à faire ce qu'elles font depuis 100 ans sans rien changer. Dans un tel programme, il n'est pas question de mise en valeur ni de renouvellement des stocks.

Il n'y a pas d'objectifs non plus pour l'emploi. Il n'est pas question de l'économie des populations du littoral dans une telle vision ni de la survie des propriétaires de bateaux indépendants. On en a beaucoup parlé aujourd'hui. C'est une race qui disparaît et la situation empire plutôt que de s'améliorer. Le renouvellement des ressources... il n'en est pas question.

Nous avons une optique différente. Ce n'est pas notre vision; c'est leur vision. Ces éléments sont importants. Il nous faut, jusqu'à un certain point, mettre l'accent sur les emplois. Cela ne signifie pas que tous les emplois seront sauvés, que nous n'allons pas réduire la taille de la flotte, que nous n'allons pas rationaliser la flotte, ni quoi que ce soit du genre. Cela signifie plutôt qu'il nous faut, purement et simplement, un objectif d'utilisation des ressources publiques du Canada. Cela signifie qu'il faut inclure ceux qui travaillent dans l'industrie et ceux qui sont propriétaires de leurs propres bateaux.

Il faut qu'Ottawa cesse d'attaquer cette industrie; à vous de déterminer comment, au niveau des coûts et des changements; la saveur de la semaine. Nous ne savons plus ce qu'il en est. La garantie d'accès a disparu. Ce n'est pas là-dessus qu'on fonde une industrie florissante.

La Loi sur les pêches? Je souhaite que le comité y accorde beaucoup d'attention. Cette loi détermine dans une grande mesure l'accès de la population à cette ressource. J'inclus à ce titre les participants de l'industrie, en ce sens que ces personnes font partie de la population—leur accès découlant de permis—quoi qu'il en soit, ces modifications à la Loi sur les pêches menacent l'accès de la population à la ressource. Nous donnons de plus amples précisions à ce sujet dans le mémoire.

Le plan Mifflin. Je ne m'étendrai pas sur cette question, sauf pour dire qu'on y faisait de nombreuses promesses qui n'ont pas été tenues. On y promettait la durabilité, la capacité de gestion et la viabilité. Qu'avons-nous vu? Je n'entrerai pas dans les détails—certains ont déjà entendu tout cela auparavant—mais on y promettait la viabilité. Tenons-nous-en à cet exemple.

Cette année, d'après les chiffres du ministère, le pêcheur à filet maillant moyen dans la zone C a gagné environ 8 000 $, ou peut-être un peu plus. Dans la zone D, le revenu était d'environ 15 000 $ et dans la zone E, d'environ 15 000 $ ou 16 000 $.

• 2055

À titre de comparaison, puisque vous avez entendu M. Anderson, debout ici, vous dire que ceux qui demeureront dans l'industrie se trouveront en meilleure position puisqu'ils prendront un tiers de plus de poisson, je vais vous donner des chiffres comparatifs. En 1993, la dernière année du cycle, la valeur en termes monétaires était la même. En d'autres mots, les acheteurs versaient environ la même somme aux pêcheurs. Il y avait alors environ 30 p. 100 plus de navires dans l'industrie et le revenu moyen était d'environ 23 000 $. Voilà la prospérité.

Des voix: Bravo, bravo!

M. John Radosevic: Il nous faut examiner ce que fait le ministère des Pêches et des Océans. Dans le plan Mifflin, on promettait un examen avant le vote. Maintenant, le vote passera avant l'examen, et donc nous voterons sans savoir ce qu'il en est.

Je n'entrerai pas dans les détails à ce sujet. L'important, c'est qu'il faut un examen et vous devez y prendre part. Votre comité doit y prendre part. Nous avons besoin de vous pour nous aider à tirer cette industrie de l'embarras où elle se trouve. Nous avons besoin de vous sur le plan politique. Nous avons besoin de votre intelligence, de vos contacts au Parlement. Il nous faut des gens qui nous aideront à faire ce qu'il faut faire ici.

Nous espérons donc que vous vous intéresserez à la question, que vous examinerez certains points dans notre mémoire, que vous communiquerez à nouveau avec nous si vous avez besoin de mieux comprendre ce qui se passe.

Dans l'intervalle, il faut considérer la période de transition et de renouveau comme une même chose. Cela va de pair. Nous avons ce que l'on ne peut qu'espérer sur la côte Est. En effet, on y parle de LSPA ceci et cela, de tous les problèmes et du reste. En fait, contrairement à ce qui s'est passé dans le cas de la morue, il y a un habitat du poisson en Colombie-Britannique, un habitat que nous pouvons redresser. Dans quatre ans, le poisson reviendra. C'est impossible sur la côte Est. Il nous semble que si le ministère des Pêches et des Océans avait une vision, il comprendrait qu'il faut investir dans l'avenir au lieu de songer uniquement à réduire les coûts à l'exclusion de tout ce qui pourrait donner des résultats.

Nous sous-utilisons la main-d'oeuvre dans le secteur des pêches. Dans le domaine de la revalorisation de l'habitat, il y a des industries connexes que nous pourrions mettre sur pied, il y a la recherche et le développement. Nous pourrions faire l'envie du monde entier dans ce secteur des pêches et il suffirait, je pense, d'emplois de transition et de programmes de formation à long terme. Le marché existe pour ce travail. Si l'on veut donner de l'expansion à la pêche, il y a des personnes qui souhaitent le faire. Pourquoi ne pas les réunir? Certains des orateurs précédents en ont d'ailleurs parlé.

J'aimerais faire valoir quelque chose. Le 27 novembre 1996, Fred Mifflin déclarait:

    Plus tôt ce mois-ci, j'ai déclaré que le gouvernement fédéral était disposé à consacrer 30 millions de dollars ou ce qu'il fallait pour offrir une aide immédiate à court terme aux travailleurs des pêches. J'étais sincère alors et je le suis toujours, nous sommes disposés à faire le nécessaire.

On ne saurait demander un engagement plus clair.

Le ministre Anderson, dans des communiqués de presse et des commentaires, affirme avoir dépensé entre 136 et 200 millions de dollars afin de respecter cet engagement et ne plus rien devoir à l'industrie. À notre avis, c'est tout à fait inexact. Dans notre mémoire, à l'Annexe A, vous constaterez qu'en fait, on a consacré moins de 25 millions de dollars au programme d'aide pour les travailleurs de cette industrie, à court terme, afin de leur permettre de faire face aux effets immédiats du plan Mifflin et à certains autres éléments dans l'industrie, et presque rien à la formation à long terme, aux programmes de transition ou quoi que ce soit du genre.

On n'a pas donné suite à nos demandes de stratégies de transition. Nous ne savons où va Ottawa. Nous vous demandons votre aide pour le découvrir, et nous vous prions de nous aider à obtenir ces choses.

Ce que nous réclamons, ce sont les ingrédients essentiels au succès d'une industrie, industrie que nous voulons. Nous ne voulons pas d'un programme LSPA ici qui ne nous donne pas ce dont nous avons besoin. Je ne veux pas dire que les habitants de Terre-Neuve doivent manger de la roche. Le programme LSPA comporte des éléments utiles. Cela a permis aux gens de manger. À la réflexion, pourquoi pas? Mais nous n'avons pas besoin d'un programme LSPA, nous voulons quelque chose sur mesure qui réponde aux besoins de cette côte. Nous pouvons faire des choses très positives pour de nombreuses raisons que je ne vais pas expliquer maintenant.

Le traité sur le saumon... Évidemment, il est essentiel d'avoir la possibilité d'utiliser nos propres ressources. Le rapport Strangway-Ruckelshaus semble résumer. En plus de rétablir les faits en ce qui concerne le processus auquel devaient participer les intéressés—processus, en passant, qui n'avait jamais su gagner la confiance des travailleurs de cette industrie— le rapport souligne quelques points très importants, notamment qu'il est essentiel d'avoir un traité aux fins de la conservation, ce que les Américains contestaient. On y démontre également la nécessité de conserver l'article 3, le principe d'équité, et on y démontre que les États-Unis prennent notre poisson sans justification.

• 2100

On ne peut plus fermer les yeux là-dessus. Regardez ce que l'on dit dans les journaux et dans des entrevues avec le président Clinton, avec le gouverneur de l'Alaska, etc.

C'est un rapport très positif qui peut nous servir de point de départ. Nous pouvons nous en servir pour arranger les choses entre Ottawa et la province, entre Ottawa et les pêcheurs—et croyez-moi, il y a beaucoup à faire sur ce plan—nous pouvons vraiment mettre au point une approche de type Équipe Canada, ce qui n'aurait peut-être pas été possible avant la publication de ce rapport.

Entre-temps—il s'agit ici encore d'une recommandation que, je l'espère, vous examinerez très sérieusement et que vous tenterez de faire comprendre au ministère des Pêches—il est essentiel de que nous mettions l'accent sur les éléments du rapport Strangway-Ruckelshaus dont nous avons besoin, mais ce en privé. Nous pouvons parler entre nous des compromis, etc., mais publiquement, je ne pense pas que ce soit une très bonne stratégie de négociation que de commencer par dire dans tous les journaux ce que nous devrons faire et qu'il nous faudra faire des compromis pour obtenir ce traité avant même d'arriver à la table de négociation.

Nous ne disons pas que nous ne pouvons pas faire de compromis. Nous ne disons pas que nous n'allons pas négocier de bonne foi. Mais à quoi cela rime-t-il d'annoncer notre position dans les journaux avant même de commencer à négocier? C'est ce que Louis Tousignant a fait l'an dernier lorsque, avant les négociations sur le traité Canada-États-Unis, il a déclaré publiquement aux Américains qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, le Canada n'intercepterait pas le coho qui traversait les eaux canadiennes pour se rendre dans les eaux américaines.

Je ne dis pas que nous aurions pêché ce coho qui est une espèce menacée. Mais qu'est-ce que cela laisse supposer comme stratégie de négociation?

Vous vous demandez pourquoi les gens ont l'air un peu fou ici dans l'Ouest, pour vous d'Ottawa, et vous vous demandez pourquoi nous perdons tous la tête. Eh bien, c'est que rien n'est raisonnable maintenant. Cela n'a plus de sens.

Dans un avenir immédiat, nous aimerions que David Anderson vienne en Colombie-Britannique. Il doit forger une alliance quelconque avec la province, avec les pêcheurs des localités côtières, avec la population de la Colombie-Britannique qui souhaitent vraiment que la province obtienne un traité équitable.

Il nous faut également, dans un deuxième temps, voir le premier ministre Chrétien placer ces questions au haut de son programme diplomatique.

Nous voulons également que le gouvernement fédéral appuie les poursuites intentées par la province et défende les pêcheurs qui n'ont rien fait cet été sauf se défendre et défendre leur pays des Américains, ce que le processus Strangway et Ruckelshaus a fait ressortir, hors de tout doute.

Je vous exhorte à examiner le document joint sur l'Accord multilatéral sur l'investissement. Aux termes de ce nouvel accord, essentiellement, tous les pays doivent offrir un même accès aux licences, aux contingents et aux permis de pêche. La Norvège a déjà pris des mesures afin de se protéger de ce genre d'atteinte à sa souveraineté. Nous recommandons à ce comité et au ministre des Finances de commencer à envisager le même genre de mesure maintenant, rapidement, avant d'être complètement envahis.

Je ne parle pas uniquement des Américains; quiconque appartient à un pays partie à l'Accord multilatéral sur l'investissement pourra venir ici, prendre nos licences, nos contingents, nos permis, etc.

Si la Norvège le fait, si d'autres pays l'envisagent, nous devrions sûrement le faire. Pourtant, lorsque nous en parlons à Ottawa, personne ne semble au courant. Nous sommes assis ici à nous demander qui le ministère protège, qui parle pour le compte de notre industrie?

Pour conclure, nous pensons que si Ottawa adopte une approche responsable, nous avons de vastes possibilités. Nous ne sommes pas une industrie en déclin. Nous pourrions être une industrie en plein essor. Quand on commence à songer aux éléments essentiels, à la direction que prend Ottawa par comparaison à celle qu'il faudrait prendre, alors tout à coup cela devient compréhensible, quand nous disons qu'il faut investir dans l'avenir. C'est une question d'attitude. Au lieu de tout envisager du point de vue du coût, les choses tombent en place.

Il nous faut une pêche viable, il nous faut exercer un contrôle démocratique sur les forces qui influent sur nos vies, il nous faut des pêcheurs autonomes afin de survivre et il faut que le ministère des Pêches et des Océans tienne compte, dans une plus grande mesure, de cette vision, si nous voulons que cela fonctionne.

• 2105

Enfin, j'aimerais dire encore une fois que nous vous prions de songer à reconvoquer certains d'entre nous, à votre retour à Ottawa, afin de poursuivre une discussion plus approfondie de certaines de ces questions.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Nous entendrons maintenant M. Richard Gray, que j'ai oublié, parce que je pensais qu'il faisait partie du CFDC.

Je m'excuse d'avoir fait sauter votre tour. C'est l'erreur du greffier derrière moi. Je n'assume jamais ce genre de responsabilité.

M. Richard Gray (témoignage à titre personnel): J'aimerais vous remercier de cette occasion de vous adresser la parole.

Une précision. Je porte plusieurs casquettes, mais je ne porte pas celle du CFDC, en ce moment. Je vous parle comme membre de la table ronde. J'ai participé au processus, j'ai représenté les non-détenteurs de permis, c'est-à-dire les membres d'équipage. Pendant tous les travaux de la table ronde, je suppose qu'on m'a qualifié de «la voix qui crie dans le désert», parce que vu l'importance de l'enjeu et des questions à traiter, le simple travailleur est toujours oublié. J'étais donc là pour rappeler à tous son existence, ce que j'ai fait de mon mieux. Je dois toutefois noter qu'en cours de route, au cours du mandat de trois ministres des Pêches, de M. Tobin à M. Mifflin et maintenant M. Anderson, le message du simple travailleur s'est perdu.

Je n'entrerai pas dans les détails qui ont déjà été mentionnés. J'ai préparé un mémoire que je vous laisserai, et qui est en fait le rapport de la Table ronde sur la politique du Pacifique du mois de décembre 1995 présenté au ministre. J'y ai souligné les paragraphes pertinents et j'aimerais en aborder quelques-uns brièvement.

Les précédents intervenants aujourd'hui ont démontré que les travailleurs de l'industrie déplacés et versés dans un programme de transition ont connu... j'hésite à parler de failles, c'est plutôt des gouffres. Malheureusement, malgré les meilleures intentions, lorsque la bureaucratie s'en mêle, les objectifs ne sont jamais atteints et je suppose qu'une de mes fonctions comme représentant des non-détenteurs de permis et des membres d'équipage consiste à vous rappeler les engagements pris et quelques-unes des recommandations formulées, dont je vais brièvement vous parler. Je vais faire aussi vite que possible.

Dans ce même rapport de la table ronde, au nombre des options sur la gestion de la flotte, on était tous d'accord pour dire qu'il fallait former les équipages afin de promouvoir une flotte professionnelle et stable. En d'autres mots, si vous voulez réduire la taille de l'industrie, ceux qui resteront doivent être des professionnels, ils doivent pouvoir survivre, ils ont besoin d'aide pour devenir plus compétents, pour devenir de meilleurs pêcheurs capables de gagner leur vie.

Dans le schéma de nos programmes de transition auquel j'ai également participé, on semble avoir perdu cette optique. À Ottawa, au service des ressources humaines et dans une grande partie de la bureaucratie, il semblerait qu'il n'y ait pas possibilité d'offrir du perfectionnement à un pêcheur afin qu'il demeure pêcheur. Le perfectionnement signifie que vous devez partir. Or, il y a plusieurs façons de devenir viable. Vous pouvez vous améliorer et rester dans l'industrie de la pêche ou vous pouvez acquérir des compétences qui vous permettront de faire autre chose pendant la saison morte afin de compléter votre revenu de pêche. Il ne s'agit pas de demander l'assistance sociale ou l'assurance-chômage.

Toutes les tables rondes étaient d'accord... je ne saurais trop le souligner. Alors que je revenais constamment sur cette question pendant tout le processus, on m'a constamment dit, Richard, ne vous en faites pas, c'est entendu. Si d'un coup de plume des travailleurs perdent leur gagne-pain, nous allons prendre soin d'eux. Nous leur donnerons les moyens de faire la transition, de maintenir leur dignité et de se lancer dans un autre genre d'emploi. Donc, j'ai dit, oui, très bien, mais je dois quand même vous le rappeler. Au cours de ce processus, on n'a jamais contesté cela. Personne n'a jamais dit: Nous n'allons pas assumer cette responsabilité, pas même M. Tobin.

• 2110

La table ronde s'était notamment entendue pour que l'aide à la formation des équipages vise à créer essentiellement des professionnels, comme je l'ai dit précédemment et aussi—cela est tiré du rapport du commissaire Peter Pearse sur la politique des pêches du Pacifique—que le gouvernement était en grande partie responsable des problèmes économiques actuels dans l'industrie de la pêche par ses mauvaises politiques d'octroi de permis.

La mise en oeuvre d'un plan de restructuration de la pêche au saumon du Pacifique, fondé sur l'objectif proposé visant à réduire considérablement la flotte, entraînerait la disparition de 1 500 navires et la perte d'environ 3 500 emplois.

Ces chiffres se sont confirmés. Trois mille emplois sont disparus. Le programme actuel, par l'entremise de DRHC, comme vous l'avez entendu dire précédemment, n'est pas à la hauteur. Offrir un programme de création d'emploi de 12 semaines aux travailleurs afin de mettre un peu d'argent dans leur poche... Nous les sortons du trou, nous les laissons agrippés au-dessus du gouffre, nous partons et nous les laissons retomber. Ce n'est pas la première fois que cela se passe, mais ce n'est pas ce que nous promettait le programme préconisé par la Table ronde de la politique du Pacifique. Je vous exhorte à ne pas oublier que nous avons pris un engagement envers ces travailleurs de voir à ce que l'on tienne les promesses faites.

Dans le cadre de la restructuration, outre le rachat des permis, il avait été question également d'une aide de transition à l'intention des travailleurs déplacés. Les participants à la table ronde estimaient qu'il était essentiel d'offrir aux travailleurs une aide à l'adaptation afin de s'assurer de ne pas perdre les connaissances et les compétences que possédaient ceux-ci. Il nous faut faciliter pour les travailleurs de l'industrie une transition ordonnée car il faut donner à ceux-ci la première priorité,—je le répète, la première priorité—pour les emplois liés à la revitalisation de l'industrie tels que la remise en valeur de l'habitat, les projets de développement, les possibilités de production. Pendant le mandat de trois ministres, ce message semble s'être perdu. Voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui: pour vous retransmettre le message, à vous. Il faut que ces travailleurs aient la priorité.

Lorsque l'on distribue les dollars Mifflin, lorsque l'on distribue les dollars de renouvellement du secteur des pêches, c'est bien beau de pouvoir faire un peu de politique. Ça permet de se donner bonne conscience: c'est une bonne industrie, c'est une bonne chose que de sauver le saumon; il nous faut donner un peu ici à ce groupe, un peu à celui-là. Finalement, vous faites tant et si bien que lorsque les travailleurs touchent l'argent, il n'y en a pas suffisamment. On ne peut vraiment plus rien faire.

Les membres d'équipage ont besoin d'aide à l'adaptation sous forme d'options de perfectionnement, d'aide à la mobilité, d'aide à l'emploi et de subventions salariales transférables. Ceux qui demeurent dans l'industrie devraient également se voir offrir des programmes de professionnalisation pour pouvoir perfectionner leurs compétences.

On semble avoir oublié cela. Non seulement il y a un groupe de travailleurs qui devront quitter—involontairement, je l'ajoute—mais nous avons également un groupe principal de travailleurs qui veulent rester et devenir professionnels. Je pense que la professionnalisation de notre industrie doit également devenir une priorité.

Je ne veux pas m'étendre trop longtemps. J'aimerais simplement aborder quelques points encore.

Il faut lancer un programme qui permette pendant la saison morte ou en période de chômage de donner aux pêcheurs et aux travailleurs d'usine et aux autres travailleurs une formation en remise en état de l'habitat et en sylviculture afin que ces travailleurs puissent entreprendre du travail rémunéré et important et nous aider à conserver cette ressource.

C'est une idée formidable à laquelle tous souscrivent, je pense. Tous sont convaincus qu'avec le financement qui est prévu pour l'avenir et la volonté, il y a des emplois. Toutefois, dans mon autre rôle, lorsque je traite avec Développement des ressources humaines Canada, on me demande où sont les emplois; on me dit, ces emplois n'existent pas. On tourne en rond. Si nous obtenons de l'aide pour former les travailleurs, il y aura des emplois. Toutefois, on me demande où sont les emplois?

Il faut un effort concerté, ici entre Ottawa et entre le ministère des Pêches en Colombie-Britannique et la province afin d'élaborer une stratégie en vue de faire bénéficier les travailleurs du programme. Nous voulons protéger la ressource, nous voulons ensemencer, et non pas uniquement récolter. Ceux qui ont quitté l'industrie peuvent être ceux qui ensemenceront. S'il y a plus de poisson, il y en a plus pour tous, l'industrie est plus viable et un moissonneur du passé peut devenir un intendant ou un semeur.

• 2115

Je terminerai en disant qu'il s'agit peut-être de la dernière étape d'un très long processus auquel j'ai participé. Je veux m'assurer que tout le monde comprend bien qu'il se trouve ici des gens qui, d'un trait de plume, se sont vus privés du gagne-pain qui était le leur depuis 30 ans. Ils étaient des gens fiers et productifs. Il ne s'agissait pas d'assistés sociaux ni de gens qui touchaient régulièrement des prestations d'assurance-chômage. Il est difficile pour un membre productif et fier de notre société qui appartient depuis longtemps à cette industrie de perdre la possibilité de gagner sa vie, d'autant plus que le filet de sécurité qu'on lui a promis ne s'est pas matérialisé.

Je vous remets ce document. Je vous prie d'y jeter un coup d'oeil. Je me devais de profiter de cette dernière occasion pour dénoncer le fait que les promesses qui ont été faites aux non-détenteurs de permis et aux gens qui sont acculés au mur n'ont pas été tenues.

Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Mike Emes et Jim Stevens de Salmon for Canada sont-ils ici?

M. Mike Emes (Salmon for Canada Defence Committee): Je représente aujourd'hui les membres de Salmon for Canada. Je suis moi-même pêcheur professionnel. J'aimerais d'abord commencer par me présenter et vous dire depuis combien de temps j'appartiens à cette industrie.

J'aimerais d'abord mentionner le fait que dans ma famille, j'appartiens à la troisième génération de pêcheurs. Mon grand-père et mon père étaient pêcheurs avant moi. Mon fils cadet tente, lui, de demeurer dans l'industrie. Ces dernières années, il a songé à devenir un pêcheur professionnel. Nous en avons discuté, et il m'a dit qu'il n'y avait pas de place pour lui dans ce secteur. Il s'est résigné au fait qu'il devrait se recycler. C'était pourtant un jeune homme qui aimait la pêche. Peu lui importaient le temps et les longues heures de travail. Il travaillait très fort et il réussissait bien. Il travaille maintenant sur les tours de forage pétrolier en Alberta.

Mon épouse et moi sommes mariés depuis 27 ans et nous avons élevé deux enfants qui sont tous deux allés à l'université.

Je possède un permis de pêche pour la zone C. Les témoins précédents ont dit quels étaient les revenus qu'ils avaient tirés de la pêche et moi je sais exactement quel a été le mien. L'an dernier, j'ai fait un peu plus de 10 000 $. Mes dépenses de fonctionnement, compte tenu des nouvelles restrictions, se sont élevées à plus de 10 000 $. Vous pouvez faire le calcul vous-mêmes. Pas besoin d'être un génie pour savoir quel a été mon revenu net.

J'ai préparé une déclaration. Je crois qu'on devait vous la remettre. Je ne sais pas si vous l'avez eue.

Nous remercions le Comité permanent des pêches et des océans d'être venu en Colombie-Britannique pour permettre aux intervenants du domaine des pêches d'exposer leurs préoccupations et leurs craintes au sujet de l'état actuel et de l'avenir de l'industrie.

Il y a un peu plus de deux ans, on a présenté le plan Mifflin aux pêcheurs de la Colombie-Britannique, le ministre des Pêches de l'époque, M. Fred Mifflin, a expliqué que ce qui avait été jusque-là une seule zone de pêche deviendrait deux zones de pêche à la seine, trois zones de pêche au filet maillant et trois zones de pêche à la traîne. Chaque zone devait être viable.

• 2120

Nous voilà en 1998, et la situation de la majorité des pêcheurs est pire que jamais. Les collectivités côtières ont subi un coup terrible. Nous nous voyons contraints d'acheter un autre permis coûteux dans l'espoir douteux de faire un revenu décent.

Le plan Mifflin convient aux grandes entreprises. Je tiens à insister là-dessus. Le plan est certainement un succès, mais c'est un succès pour ceux qui en sont les auteurs, soit les grandes entreprises. Leur part des prises qui était de 50 p. 100 est maintenant passée à 75 p. 100. Les grandes entreprises peuvent maintenant recruter moins de membres d'équipage pour la même flotte et elles ont aussi réduit leurs dépenses en éliminant une partie de la flotte de bateaux de conditionnement, soit les transbordeurs.

Le plan Mifflin a permis d'éliminer un grand nombre de navires, mais n'a eu aucune incidence sur l'état des stocks. Le ministère des Pêches et des Océans n'est toujours pas parvenu... Le principal problème qui se pose au Canada pour ce qui est du saumon est la surpêche pratiquée par l'Alaska. Le ministère des Pêches et des Océans n'est toujours pas parvenu à arrêter les pêcheurs de l'Alaska de décimer nos stocks de saumon. En raison de la surpêche pratiquée par les pêcheurs de l'Alaska, l'été dernier, les pêcheurs au filet maillant de la Colombie-Britannique ont dû cesser de pêcher au cours de la dernière semaine de juillet. La saison de pêche de 1997 a été la pire que j'aie jamais connue.

Il nous faut un traité canado-américain sur le saumon qui fonctionne. Il nous faut un ministre des Pêches qui défendra vraiment les intérêts du Canada et non pas quelqu'un qui va à Washington, D.C., dire que les Canadiens devront réduire de moitié leurs prises si les pêcheurs de l'Alaska ne mettent pas fin à leur surpêche.

Le traité sur le saumon de 1985 prévoyait essentiellement que chaque pays devait avoir accès aux stocks de poisson s'étant constitués dans leurs propres eaux. L'Alaska a fait fi de cet élément du traité au détriment des pêcheurs canadiens et des stocks de saumon de la Colombie-Britannique. Comme MM. Ruckelshaus et Strangway l'ont dit, il faut établir de toute urgence des normes en matière de préservation des ressources halieutiques.

Le ministre des Pêches, M. David Anderson, ne peut plus dire que c'est aux intervenants de proposer une solution au problème. Cela ne fonctionne pas. Comme ce sont les pêcheurs de l'Alaska qui ont accès en premier au saumon, nos efforts de conservation seront vains si nous n'obtenons pas leur collaboration.

En 1997, les objectifs en matière d'échappement sur la rivière Nass n'ont été atteints que dans une proportion de 50 p. 100. Les pêcheurs de l'Alaska ont cessé de pêcher après les pêcheurs canadiens.

Si cette tendance se poursuit, non seulement elle entraînera l'élimination de la pêche commerciale, mais elle compromettra la viabilité de la pêche commerciale ainsi que la survie de toutes les collectivités et industries qui en dépendent. David Anderson et le gouvernement fédéral doivent exiger que les pêcheurs de l'Alaska conservent leurs stocks. Il importe que l'Alaska respecte le traité de 1985 qui permet à ses pêcheurs de prendre entre 120 000 et 130 000 saumons sockeyes chaque année et non pas 570 000 à 1 million comme ils l'ont fait en 1997.

Notre gouvernement doit demander à l'Alaska d'abandonner sa poursuite contre les pêcheurs de la Colombie-Britannique pour que les négociations entre gouvernements puissent reprendre à partir de zéro. Cette poursuite du seul fait qu'elle est en cours nuit à certains pêcheurs de la Colombie-Britannique qui ne peuvent pas vendre les bateaux mis en cause. Les pêcheurs du Nord ont été contraints à prendre les mesures qu'ils ont prises à Prince Rupert et ils ont manifesté ainsi la frustration qu'ils ressentent du fait que le ministre des Pêches n'est pas prêt à réclamer que les pêcheurs de l'Alaska mettent fin à leur pêche et du fait que les pêches et le système d'attribution des permis ont été mal gérés. Si nous n'avions pas pris les mesures que nous avons prises l'été dernier, on n'accorderait pas l'attention qu'on accorde maintenant à la question de la pêche au saumon et plus de pêcheurs auraient fait faillite.

Je vous remercie beaucoup.

• 2125

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vous remercie.

J'accorde maintenant la parole à Guy Dunston.

M. Guy Dunston (Sts'Wan Society): Je viens de Lytton qui se trouve à l'intérieur des terres en Colombie-Britannique. Je parle le Nlaka'pamux.

J'ai beaucoup appris aujourd'hui à écouter les autres, mais j'aimerais maintenant vous parler d'une époque beaucoup plus lointaine que 1980. Il y a 100 ans, l'homme blanc qui attrapait un poisson commettait un crime parce que le gouvernement avait dit que les poissons nous appartenaient. Depuis lors, la situation a changé. C'est maintenant l'Indien de l'intérieur de la Colombie-Britannique qui commet un crime s'il attrape quelques poissons.

Il y a très longtemps, le saumon constituait notre monnaie. Nous l'échangions contre d'autres denrées. Je ne sais pas ce qui s'est produit à la Cour suprême du Canada, mais ce n'est certainement pas la Cour suprême du peuple Nlaka'pamux ou des tribus de l'intérieur qui a renversé la situation qui prévalait puisque nos peuples se servaient du saumon comme monnaie d'échange dans le nord au Yukon, dans l'est et au sud jusqu'au fleuve Columbia.

Autrefois, nous élevions 100 millions de poissons par année. C'est le nombre de poissons qui remontaient nos rivières pour y frayer. L'océan regorgeait donc de saumon avant que les hommes ne deviennent avides. L'avidité fait évidemment partie de la nature humaine. Aujourd'hui, il ne reste plus que quelques millions de poissons et ce sont les petits pêcheurs qui sont les plus lésés par le déclin des stocks. Les peuples de l'intérieur vivent la même situation que les petits pêcheurs depuis 100 ans.

Personne n'écoute un homme qui gagne 8 000 $, 15 000 $ ou 50 000 $ par année. Le gouvernement ne lui accorde aucune attention. Le gouvernement n'écoute certainement pas les tribus qui vivent dans l'intérieur de la province, là où le saumon retournait dans les rivières où il était né pour aller frayer.

Le système d'aide sociale que le gouvernement fédéral a créé a engendré une grande dépendance chez nos gens. Il existe 74 réserves au nord de Sawmill Creek, là où cesse le projet-pilote mis en oeuvre dans le cadre de la Stratégie pour la pêche commerciale autochtone. Soixante—quatorze autres bandes vivent dans la région du bassin du fleuve Fraser. J'attire votre attention sur le fait que le taux de chômage tourne autour de 95 et 97 p. 100 sur ces réserves. Aucun débouché n'existe sur les réserves. Comme on ne peut pas y gagner sa vie, il faut les quitter.

• 2130

Or, depuis l'adoption du projet de loi C-31, on perd son statut indien si on quitte la réserve.

Nous nous querellons maintenant pour quelques millions de poissons par année. Tous ceux qui ne sont pas richissimes devront s'entendre avec les Autochtones. Nous n'avons pas abandonné notre droit à cette province. Nous devons discuter des traités sur les terres. Le pays Nlaka'pamux n'est pas à vendre. Il n'est pas à vendre, mais nous n'allons pas en chasser les Blancs. Je ne vais pas dire aux Blancs: «Quittez ce pays parce que c'est le mien». Je ne le ferai pas parce que j'ai le sens du partage.

Il faut donc régler certaines questions. Comme je l'ai dit, les négociations touchant les revendications territoriales n'ont pas encore abouti ou n'ont même pas commencé dans certains cas. La propriété des ressources n'a donc pas encore été établie. Les ressources appartiennent à leur propriétaire.

M. Anderson, le ministre des Pêches et des Océans, n'arrive pas à décider à qui appartient le saumon. C'est un problème réel parce que je peux remonter en arrière. Je ressens maintenant beaucoup de frustrations. J'ai passé dix ans dans un pensionnat où on inscrivait les Indiens. À 12 ans, l'administrateur de l'école m'a brisé la mâchoire. Cela me rappelle ce que le ministère des Pêches et des Océans nous fait maintenant. Le ministère nous surveille en hélicoptère le long du fleuve. Les policiers qui descendent de ces hélicoptères pourchassent nos gens et leur assènent des coups. Tout ce que je vous raconte se passe vraiment. Le gouvernement fédéral doit être alerté à la situation et y mettre fin.

Les petits intervenants, soit les petits propriétaires de navires, ne peuvent pas simplement dire qu'il faut exclure les Indiens. On nous exclut depuis 100 ans. La situation doit changer.

Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vous remercie beaucoup, monsieur Dunston.

M. Greg Taylor est-il ici?

M. John Murray (Coalition of Concerned Fishermen): Je m'appelle John Murray. Je suis président de la Pacific Gillnetters Association, mais je représente aujourd'hui les membres de la Coalition of Concerned Fishermen qui, à l'origine, appuyaient avec certaines réserves le plan Mifflin.

Le problème que je vois avec ce genre de réunion, c'est que tous les points de vue n'y sont pas représentés. Il y a polarisation des opinions. Je suppose qu'on peut dire que mon point de vue est à l'opposé du point de vue de certains des témoins que vous avez déjà entendus.

On attribue souvent directement au plan Mifflin le déclin des collectivités côtières, les difficultés économiques des pêcheurs et des entreprises de transformation ainsi que toutes sortes d'autres maux. Cette semaine, vous allez visiter des collectivités où l'on s'adonne à la pêche à la traîne où l'on vous présentera un aspect seulement du problème. Je soutiens que la viabilité des océans, la diminution des autres sources d'emplois, la redistribution gratuite du saumon aux Autochtones et à d'autres groupes de personnes, l'ingérence provinciale dans les processus de gestion et de consultation ainsi que la mauvaise gestion de la ressource par le MPO et les divers ministères provinciaux constituent tous des aspects du problème. La situation actuelle n'est pas attribuable à une seule cause.

La flotte n'a pas été suffisamment réduite. Bien que les lieux de pêche ne soient plus surpeuplés et que la pratique de la pêche présente moins de risques parce qu'il y a moins de bateaux, l'industrie n'est pas encore viable. Le processus de réduction volontaire est presque terminé. Si l'industrie ne devient pas viable, les efforts de réduction seront vains. Les pêcheurs pauvres du secteur commercial se préoccupent moins de la conservation que les pêcheurs avides, quel que soit le secteur auquel ils appartiennent.

• 2135

Cela étant dit, nous ne sommes pas des idiots. Nous comprenons que la conservation doit être une priorité et qu'il n'est pas dans notre intérêt d'épuiser la ressource. La nécessité économique explique cependant parfois certains excès.

Les programmes et les fonds prévus par le DRHC pour atténuer les difficultés causées par le plan Mifflin sont entièrement gérés par l'UFAWU et la TCA. Une étude commandée par l'industrie et menée par le collège Kwantlen l'an dernier a cependant fait ressortir les lacunes de cette approche. Le DRHC n'a cependant nullement tenu compte de cette étude. Charles Perrin, directeur régional des programmes et des services d'emploi pour la Colombie-Britannique et le Yukon, m'a personnellement refusé l'autorisation de participer à une réunion tenue pour exposer la façon dont ces fonds seraient gérés. M. Perrin a d'ailleurs qualifié cette étude de «sans importance».

Je ne voudrais cependant pas qu'on pense que l'UFAWU et la TCA font mal leur travail. C'est plutôt le contraire. C'est DRHC qui, comme on vous l'a déjà dit, n'aide pas tous ceux qu'il devrait aider.

Les partisans du plan s'inquiètent grandement du fait que le gouvernement fédéral n'a pas respecté les engagements qu'il a pris et dont il est question dans les lettres qu'envoyait l'ancien ministre des Pêches, M. Tobin, aux participants de la Table ronde du Pacifique et dans la lettre que faisait parvenir l'ancien ministre des Pêches, M. Mifflin, aux détenteurs de permis. Je ne m'étendrai pas sur le contenu de ces lettres puisque je les ai jointes à mon mémoire.

Le gouvernement s'est notamment engagé à pratiquer une gestion prudente. Il l'a fait en 1996, mais a délaissé cette méthode en 1997. Le gouvernement a aussi alors cessé de veiller à l'application des règlements. La seule fois qu'on a pris des mesures en vue de faire appliquer les règlements, c'était pendant les manifestations contre les ventes de poisson du fleuve Fraser auxquelles j'ai participé.

L'actuel ministre des Pêches a dit qu'il envisagerait de permettre la capture de saumon sockeye du fleuve Fraser dans les zones de pêche côtière et hauturière avant qu'on ne puisse établir l'importance ou la composition des remontes, ce qui ne cadre pas du tout avec une méthode de gestion fondée sur l'aversion au risque. Ce changement de méthode de gestion peut amener les groupes d'intérêt à exercer des pressions. Elle a aussi une incidence sur les choix faits par les pêcheurs et les incite à tricher.

On avait promis que le coût des permis serait juste et équitable et fondé sur la capacité de payer. Or, le permis de pêche à la traîne coûte la même chose que le permis de pêche au filet maillant bien que le premier type de pêche rapporte deux fois plus que le second. Est-ce juste ou équitable?

Dans le Nord, on n'a pas du tout tenu compte de la capacité de payer. Le permis coûte 60 $ aux particuliers et 13,50 $ aux navires. Le revenu brut moyen des pêcheurs au filet maillant dans le Nord était inférieur à 10 000 $ en 1997. Oui, vous avez bien compris. Le prix d'un permis pour un bateau de 30 pieds est beaucoup moins élevé que celui d'un permis pour un bateau plus long. Ces bateaux ont accès aux mêmes zones de pêche que les bateaux plus longs équipés du même genre d'engin. Est-ce une situation équitable?

En retour de l'appui au plan Mifflin, votre gouvernement devait régler deux questions portant sur l'attribution des quotas. Il ne l'a pas encore fait jusqu'ici. On a mis en place des processus, mais ils ne portent plus sur les questions principales qui devaient être réglées. On a beaucoup tardé à créer ces processus et leur direction a maintenant été confiée à d'autres personnes que celles dont il avait été question à l'origine.

M. Art May devait présenter un rapport attribuant à chaque secteur une part des ressources. Il n'a pas tenu compte du secteur autochtone et n'a pas quantifié la part de chaque secteur. Il n'a pas non plus proposé de méthode transparente de partage des transferts. Sam Toy est maintenant chargé de mettre en oeuvre le rapport May et on ne lui a pas donné l'information sur laquelle se fonde le rapport. Je joins à ce rapport les trois lettres précitées pour que vous compreniez pourquoi nous pensons que si tous les politiciens ne sont pas des menteurs eux-mêmes, ils appuient des menteurs.

Le processus Kelleher portant sur l'attribution des contingents entre les trois secteurs de pêche a échoué parce que la direction du MPO ne parvenait pas à prendre de décision. Le lobbying est maintenant devenu pratique courante et le respect des règles et les principes de l'équité ont pris le bord. Le ministre Anderson a dit à Kelleher d'élargir le processus d'attribution des contingents commerciaux et de tenir compte des désirs de toute tierce partie manifestant de l'intérêt pour la question. Ce n'est cependant pas ce qu'on nous avait promis à l'origine.

• 2140

Le rachat des engins de pêche fait partie du plan. Le retrait de ces engins devait être permanent. Une partie de ces engins ont été donnés ou vendus à des groupes d'intérêts spéciaux. Certains engins ont été offerts en vente par des employés du MPO travaillant dans la division du fleuve Fraser qui ont fait prêter un serment de secret aux acheteurs éventuels.

Pendant que nous parlons de la division du fleuve Fraser du MPO, il est vrai qu'il n'existait pas en 1997 un accord pilote sur les ventes dans le cadre de la SPA avec les Sto:lo vivant en amont du fleuve et ils ont pourtant obtenu les mêmes droits commerciaux que leurs frères vivant en aval. Ils ont pourtant dit avoir pris dix fois moins de poisson qu'eux. J'ai beaucoup de mal à le croire étant donné que des pêcheurs se trouvant encore plus en amont qu'eux ont dit avoir encore pris plus de poisson.

Le MPO soutient qu'on ne peut changer quoi que ce soit à ces accords et que c'est pour cette raison qu'il ne peut pas obliger les pêcheurs à changer d'engins de pêche même si c'est pour favoriser la conservation. On ne peut donc pas imposer aux participants au programme de ventes pilote les mêmes restrictions qui s'appliquent à la flotte commerciale pour ce qui est du maillage des filets.

À moins que le comité et le gouvernement ne contraignent le MPO à respecter ses engagements, vous pouvez vous attendre au chaos, à une désobéissance civile croissante et au déclin de nos stocks de saumon.

Il est à peu près temps qu'on nous propose de bonnes politiques et de bonnes décisions et ce n'est pas à la base de le faire, mais aux échelons supérieurs du ministère. Nous avons pris des décisions se fondant sur les politiques qui ont été annoncées et que nous soyons d'accord ou non avec ces politiques importe peu puisqu'on nous a dit à plusieurs reprises qu'il n'était pas question de changer le plan ou la politique Mifflin.

Les pêcheurs et la ressource ont besoin d'une certaine stabilité.

Si le ministre compte assouplir les règles portant sur les permis de zone et la gestion des risques s'appliquant aux pêcheurs à la traîne, les pêcheurs utilisant d'autres types d'engins de pêche réclameront la même chose. S'ils obtiennent gain de cause, c'en est fait du plan Mifflin ainsi que de la survie économique de tous les pêcheurs qui ont acheté des permis, des engins de pêche et des bateaux sur la foi de ce que leur ont dit les politiciens et les bureaucrates.

En conclusion, j'attire votre attention sur les quatre points suivants.

Le ministre change les règles du plan Mifflin avant l'expiration du délai de quatre ans qui nous a été donné ou avant l'examen promis.

Le processus de la réglementation du maillage des filets vise maintenant tous les pêcheurs et a été très mal mené par le ministre. Il s'agit d'un changement important de politique touchant l'attribution des permis qui s'écarte des recommandations du CIPC. Ce changement fait en sorte que le processus d'attribution des permis est maintenant laissé aux lobbyistes les plus efficaces. Il est tout à fait irresponsable que le ministre Anderson change maintenant les procédures et cela revient à faire fi des recommandations du CIPC.

Le processus dirigé par Art May et Sam Toy met beaucoup trop de temps à aboutir et leurs objectifs sont maintenant beaucoup moins précis qu'à l'origine. Même s'il avait été précisé dans le plan Mifflin que cela ne se produirait pas, on continue d'enlever des permis de pêche aux pêcheurs commerciaux pour les donner gratuitement à des pêcheurs autochtones dans le cadre d'accords pilotes de vente.

Quatrièmement, il faut que les décisions portant sur la côte Ouest soient prises par les fonctionnaires du MPO en poste sur la côte Ouest. Malgré les reproches que je leur ai faits, ils continuent d'être les seuls à avoir les connaissances et l'infrastructure voulues pour s'occuper du dossier. La province ne devrait participer au processus décisionnel qu'à titre d'intervenant.

En terminant, je me permets de préciser que je suis un pêcheur au filet maillant.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Ma liste commence à se raccourcir. Il semblerait que je doive remonter en arrière.

John Stevens.

M. John Stevens (Salmon for Canada Defence Committee): Je vous présente ce mémoire à la demande du Salmon for Canada Defence Committee qui a été créé à l'été de 1997 par les pêcheurs canadiens qui ont été mêlés au différend portant sur le traversier provenant de l'Alaska.

Le Salmon for Canada Defence Committee a joué un rôle actif dans les poursuites intentées devant les tribunaux à l'issue de ce différend, soit la poursuite intentée par l'État de l'Alaska contre les pêcheurs de la Colombie-Britannique et la poursuite intentée par la province de la Colombie-Britannique contre les États-Unis.

Le Salmon for Canada Defence Committee estime que ces événements soulignent la nécessité de la signature d'un nouveau traité sur le saumon du Pacifique. Ce traité doit reposer sur le principe de l'équité et prévoir des mesures efficaces permettant un partage juste des saumons du Pacifique entre le Canada et les États-Unis.

Selon le principe de l'équité, chaque pays devrait capturer le saumon qui se dirige vers ses cours d'eau. Le Canada devrait donc capturer le saumon se dirigeant vers les cours d'eau canadiens et les États-Unis, le saumon se dirigeant vers les cours d'eau américains. Là où il se produit des interceptions, les pêches doivent être gérées de façon à éviter tout déséquilibre.

• 2145

Au cours de ma vie, les États-Unis ont intercepté beaucoup plus de saumon canadien que le Canada n'a intercepté de saumon américain. Ces dernières années, le Canada a réduit ses interceptions de saumon américain et les États-Unis ont augmenté leurs interceptions de saumon canadien.

Le cas le plus contestable d'interception de saumon en 1997, s'est produit à l'Île Noyes dans le sud-est de l'Alaska. Les interceptions à l'Île Noyes ont sans doute été une des causes les plus importantes du différend touchant le traversier en provenance de l'Alaska qui est survenu à Prince Rupert l'été dernier. La flotte canadienne de pêche au saumon du Nord s'est sentie volée par l'Alaska et abandonnée par le MPO et le gouvernement fédéral.

Le rapport Strangway-Ruckelshaus, récemment rendu public, recommande que l'article III du Traité sur le saumon du Pacifique, l'article sur l'équité, soit mis en oeuvre à l'issue de négociations directes entre les deux gouvernements et que des plans de pêche provisoires d'une durée maximale de deux ans soient mis au point par les gestionnaires de la ressource. Le Salmon for Canada Defence Committee presse le comité permanent de demander au premier ministre et à son Cabinet de faire de cette question une priorité nationale et réclame qu'on prenne les mesures voulues pour régler le problème de l'équité à long terme. Nous demandons à tout le moins que la flotte canadienne de pêche au saumon ait un accès équitable à nos propres stocks de saumon en 1998.

Le Salmon for Canada Defence Committee demande aussi au comité permanent de transmettre une autre recommandation au gouvernement fédéral. À notre avis, il serait bon d'adopter l'approche Équipe Canada dans ces négociations, ce qui signifierait que la province de la Colombie-Britannique et les intervenants de l'industrie de la pêche en Colombie-Britannique participeraient réellement au processus de négociation. L'approche actuelle de la tour d'ivoire n'est pas acceptable.

Le Salmon for Canada Defence Committee aimerait aussi parler des principes démocratiques. Ceux qui appartiennent à l'industrie de la pêche ainsi que les résidants des collectivités où nous vivons ont l'impression d'être de simples pions dans une partie d'échecs complexe. Le MPO doit rendre des comptes à tous les Canadiens et en particulier aux pions dont je viens de parler.

Les propriétaires de navires de pêche au saumon de la Colombie-Britannique ont de plus en plus l'impression que le MPO est à la solde du milieu des affaires sous la gouverne de Allied Processors. Au Canada, le gouvernement fédéral tire actuellement moins de 17 p. 100 de ses recettes fiscales des entreprises. Le moment est venu pour le MPO de représenter les contribuables. L'emprise du milieu des affaires sur la politique du MPO doit être brisée de sorte que les travailleurs de l'industrie de la pêche et les collectivités côtières puissent planifier un avenir commun serein.

En conclusion, j'aimerais faire quelques remarques personnelles. Dans ma famille, j'appartiens à la quatrième génération de pêcheurs commerciaux. Je travaille dans le secteur de la pêche depuis 32 ans. J'ai été actif au sein de l'UFAWU-CAW pendant la majeure partie de ma vie adulte et je siège au Comité consultatif sur le fleuve Fraser du MPO depuis 1980. Il m'a été difficile de continuer de participer aux travaux de ce comité consultatif compte tenu de cette mentalité de tour d'ivoire à laquelle je me suis constamment heurté ainsi que d'autres conseillers. Des consultations réelles avec des gens comme moi seraient grandement appréciées.

Enfin, j'aimerais remercier le Comité permanent des pêches et des océans d'être venu entendre notre point de vue. Je répondrai volontiers aux questions des membres du comité.

Avant de partir, j'aimerais attirer votre attention sur un dernier point. La province de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral ont dernièrement discuté de la possibilité d'examiner l'impact du plan Mifflin sur les collectivités côtières et sur l'industrie de la pêche. Je ne saurais trop insister sur l'importance d'un tel examen qui doit cependant être mené de façon indépendante. La dernière fois que nous avons participé à des discussions de ce genre, c'était au sein du processus de table ronde du MPO. Nous avons alors eu l'impression d'être manipulés par les bureaucrates. Voilà pourquoi nous insistons sur un examen impartial.

L'examen doit aussi porter sur tous les aspects de la politique du saumon du MPO. Rien ne doit être exclu.

Les permis de zone et le cumul des permis vont nous achever. Je doute que des petits exploitants comme moi-même puissent survivre dans les circonstances actuelles. Je fais sans doute partie des 10 ou 20 p. 100 des pêcheurs au filet maillant qui ont les revenus les plus élevés et je suis presque au bord de la ruine financière. Une autre saison comme celle-ci et je ne pourrai plus survivre. Je n'ai qu'un seul permis. Je ne peux pas me permettre d'en acheter un autre. Je ne peux pas comprendre comment quelqu'un pourrait investir davantage dans le secteur.

Il faut revoir tout le plan portant sur l'attribution des permis et le gouvernement doit s'engager à vraiment écouter notre point de vue. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que la viabilité du secteur de la pêche au saumon sera assurée si l'on tient compte de nos recommandations.

Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): M. Patrick Moore du Forest Alliance of British Columbia.

M. Patrick Moore (directeur, Forest Alliance of British Columbia): Je vous remercie. Je ne m'attendais pas à prendre la parole aussi vite. Vous avez dû prendre de l'avance.

• 2150

Je vous remercie beaucoup de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant le comité.

Je m'appelle Patrick Moore. Je représente Forest Alliance de Colombie-Britannique qui est un groupe parrainé par l'industrie forestière dont font partie des gens de tous les milieux et dont le rôle est d'aider l'industrie forestière à mieux protéger l'environnement et à faire comprendre aux habitants de la Colombie-Britannique le rôle de l'industrie forestière dans notre économie et notre environnement.

Nous avons prouvé dernièrement notre désir de participer à l'élaboration du consensus communautaire dans le cadre du programme de gestion de l'estuaire et du bassin hydrographique de la rivière Squamish. La Forest Alliance a organisé une conférence de trois jours en décembre dernier à laquelle ont participé des gens de tous les secteurs. Cette initiative découlait d'une étude menée plus tôt avec l'appui des sociétés forestières dans le but de comprendre le rôle de l'industrie forestière dans le déclin des stocks de poisson du détroit de Georgia.

La situation qui prévaut actuellement est la suivante: chaque secteur impute à l'autre la responsabilité de l'état des stocks. Dans cette étude, nous avons essayé de voir quelles étaient les raisons expliquant le déclin des stocks de poisson dans le détroit de Georgia notamment. Nous avons cherché à voir quel était le lien entre chacune de ces causes dans le but d'amener tous les intervenants à participer à la recherche de solutions au problème.

Nous avons conclu de cette étude que la seule façon de vraiment aborder le problème était de faire participer tous les intervenants dans la région du bassin hydrographique à l'étude de la question.

Je ne suis cependant pas vraiment venu ici aujourd'hui pour vous parler de ce projet. Je voulais plutôt vous entretenir du lien entre les pêches et l'industrie forestière de même que du projet de loi C-65 qui est mort au Feuilleton avant les dernières élections et qui vient d'être représenté à la Chambre. Ce projet de loi porte sur les espèces en péril au Canada.

Le projet de loi concerne dans une large mesure les ressources halieutiques non seulement parce que ces ressources relèvent du gouvernement fédéral, mais aussi parce que les différentes espèces de poisson migrent dans nos eaux intérieures. Ce projet de loi concerne également l'industrie forestière en raison de l'impact parfois négatif de cette industrie sur les ressources halieutiques et du rôle que l'industrie peut jouer dans les efforts de conservation des stocks. Le projet de loi concerne également tous ceux qui habitent dans des régions rurales, c'est-à-dire là où se trouvent ceux qui participent à l'industrie de la pêche et à l'industrie forestière.

Au cours des dernières années, Forest Alliance a participé à la création d'une coalition regroupant 30 associations de l'Ouest canadien du domaine des pêches, de l'industrie forestière, de l'agriculture, des mines, du tourisme et des autres industries axées sur l'exploitation des ressources.

Je tiens à féliciter le comité pour les vastes consultations qu'il entreprend, du moins dans cette province. J'ai vu votre liste pour les autres régions du Canada, mais chose certaine, en Colombie-Britannique, vous faites un effort pour aller en région. Même à Vancouver, vous êtes à Steveston, plutôt qu'au Robson Centre, au centre-ville. Vous vous rendez également dans d'autres collectivités ailleurs dans la province. Je vous en félicite.

J'aimerais bien qu'il y ait bien une contrepartie de la part du comité de l'Environnement qui est celui qui, malheureusement, est chargé des mesures législatives relatives aux espèces en péril. À mon avis, cette mission devrait être confiée au Comité des ressources naturelles, à votre Comité des pêches et des forêts, ainsi qu'au Comité de l'environnement. Ces trois comités devraient examiner le projet de loi proposé car il a une incidence non seulement sur l'environnement mais aussi sur l'ensemble du secteur des ressources.

La Forest Alliance et tous les autres membres du groupe sont en faveur de mesures législatives visant à protéger les espèces en péril et veulent faire leur part pour y parvenir, mais la façon dont ce projet de loi est présenté n'est pas acceptable et ne devrait pas être acceptable à quiconque oeuvre dans le domaine de la pêche, particulièrement Pêches et Océans, qui devraient se soucier des stocks de poissons anadromes, comme le saumon. On ne procède pas par voie de consultation. On ne recherche pas la collaboration. On a choisi la méthode de l'affrontement, de l'intimidation.

Lorsque le Comité de l'environnement a mené son unique consultation en Colombie-Britannique sur cette mesure concernant les espèces en péril, il est resté au Robson Square Centre, au centre-ville de Vancouver. Il n'a visité aucune collectivité comme Campbell River, Prince Rupert ou Prince George, ou cette mesure aura des répercussions.

• 2155

En outre, nous pensons qu'il est insensé de suivre l'exemple américain, dont la loi concernant les espèces en péril est telle que toutes les personnes qui travaillent en milieu rural souhaitent être à mille lieux de toute espèce en péril. En fait, aux États-Unis, il y a eu de nombreux cas de personnes qui ont fait disparaître ces espèces ou leurs habitats de leurs propriétés ou de leurs voisinages pour être sûres de ne pas avoir de problème de ce côté-là.

Nous voulons que la mesure relative aux espèces en péril incite tous ceux qui travaillent dans les secteurs forestier, minier, agricole et de la pêche à chercher à sauver les espèces en péril et à contribuer à sauvegarder leurs habitats afin qu'elles puissent survivre et se multiplier. La seule façon d'y arriver est de collaborer avec les habitants des collectivités en bordure du bassin hydrographique. Ces espèces en péril ne vivent pas dans les agglomérations urbaines d'où émanent tous les votes en faveur de mesures législatives de protection des espèces en péril.

Nous souhaitons tous l'adoption de telles mesures, mais il est nuisible de compter sur la naïveté des gens qui vivent là où il n'y a pas d'espèces en péril, ni aucune autre espèce d'ailleurs, étant donné qu'ils les éliminent à coups de développement urbain et agricole. Parallèlement, les gens qui vivent dans les forêts, le long des rivières ou dans les régions rurales sont ceux qui devront composer avec ce problème sur le plan politique et économique. Et cela aura des répercussions pour les citadins car ce sont eux qui dépendent de toutes les ressources de l'arrière-pays, là où l'incidence de ce genre de mesures législatives se fera sentir. Les gens ne se rendent pas compte à quel point les répercussions d'une mesure de ce genre peuvent être importantes.

En conclusion, je vous invite à inciter vos collègues, M. Caccia et les autres membres du Comité de l'environnement, à faire un travail de consultation de la population en général aussi posé que le vôtre dans ce dossier clé des espèces en péril, qui revêt tant d'importance pour la pêche et l'exploitation forestière. Veuillez informer vos collègues du Parlement de l'importance de ce dossier alors que le gouvernement essaie encore une fois de faire adopter cette mesure.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): J'invite maintenant Mme Mary Sue Atkinson.

Mme Mary Sue Atkinson (Speak for the Salmon): Honorables députés, je suis mère de trois enfants et je fais du bénévolat communautaire afin de préserver le saumon pour les générations futures.

Nos stocks de saumon sont une ressource publique. Pour cette raison, toute l'information à leur sujet doit être facilement accessible aux propriétaires de cette ressource, la population.

Les autorités provinciales et le ministère des Pêches et des Océans se sont engagés à créer le Conseil de la conservation de la pêche du Pacifique. Voici comment il va fonctionner: le conseil fera rapport au ministre provincial, au ministre fédéral et à la population au sujet de l'état des stocks et des habitats. Ce conseil se veut le protecteur du poisson et uniquement du poisson.

Trente-six mois se sont écoulés depuis que l'honorable John Fraser a recommandé cette initiative dans le rapport du Comité de l'examen du saumon rouge du Fraser. La question est de savoir comment faire en sorte que ce conseil représente l'intérêt public. Pour ce faire, il doit être indépendant des milieux politiques et des intervenants intéressés.

La population se soucie beaucoup du saumon. Le saumon fait partie de notre vie sur la côte Ouest. Notre saumon, c'est nous.

Selon un rapport publié en 1996 par l'American Fisheries Society, 142 stocks de saumon et de truite ont disparu en Colombie-Britannique au cours de notre siècle. Six cent vingt-quatre autres stocks sont sérieusement menacés d'extinction. Notre saumon coho fait partie de ces espèces menacées. Cette perte considérable de diversité amoindrit la capacité des stocks survivants de résister aux effets négatifs de phénomènes naturels comme El Ni«o.

Mon rapport renferme un tableau sur le coho. On peut y voir les prises de saumon coho dans le sud de la Colombie-Britannique de 1980 à 1997. Comme vous pouvez le constater, cela semble extrêmement élevé, alors que les biologistes de Pêches et Océans ont en fait constaté dans les années 70 que les stocks de saumon coho étaient en déclin. Les prises sont demeurées très élevées jusqu'à récemment.

Le rapport sur le saumon coho du sud du Comité d'examen de l'évaluation des stocks du Pacifique a enfin été rendu public par Pêches et Océans le 22 août 1997, soit cinq mois après qu'il ait été terminé.

• 2200

Souvenez-vous, le saumon est une ressource publique.

Ce document constitue le fondement du plan de gestion du saumon coho de Pêches et Océans pour 1997. Au sujet des échappées— je suppose que vous savez maintenant ce qu'est une échappée—, on peut lire:

    Le nombre de poissons qui retournent à leurs aires de frai natales affiche une baisse depuis au moins les 12 dernières années par rapport aux stocks indicateurs et a été extrêmement bas en 1996, particulièrement sur l'île de Vancouver et dans la région de la Thompson. Les chiffres concernant la survie en mer ont commencé à baisser à la fin des années 80 et ont continué à décliner en 1996 sur l'île de Vancouver.

On conclut:

    Les populations de saumon coho dans un grand nombre de drainages du détroit de Georgia sont à un niveau très bas. Il est essentiel, à court terme, de réduire bien en deçà des niveaux récents le volume d'exploitation de la pêche pour augmenter la proportion de tous les stocks qui peuvent se reproduire. L'habitat du saumon coho doit aussi être protégé et être restauré.

    Le nombre de saumons qui atteignent les frayères du détroit de Georgia et de la rivière Thompson a été très bas en 1996 et cela suscite sur le plan de la conservation des interrogations sérieuses au sujet de la remontée des adultes en 1999. Il est particulièrement important de protéger la remontée de 1997 pour éviter le plus possible de piètres classes annuelles consécutives.

    Selon les auteurs du rapport, compte tenu du faible taux de survie en mer observé depuis la fin des années 80 et du niveau extrêmement bas de l'échappée observée en 1996, les gestionnaires de l'exploitation devraient se préparer à imposer des mesures de conservation vigoureuses pour la saison de pêche 1999.

Ce qui me dérange le plus, c'est qu'à Pêches et Océans, on ait été au courant du déclin du saumon coho depuis 12 ans et qu'on ait attendu si longtemps pour prendre quelque mesure que ce soit pour réduire les prises. Cela me dérange beaucoup.

En 1996, on a autorisé la capture de 220 000 saumons cohos, 170 000 pour la pêche sportive et 50 000 pour les prises commerciales fortuites. Parmi ces 220 000 saumons cohos, il y a des stocks sauvages précieux mélangés avec des stocks d'élevage.

Le 9 janvier 1998—il y a environ deux semaines—, le ministre des Pêches David Anderson a annoncé ce qui suit:

    À la suite du faible taux de survie en mer et du changement des conditions océaniques, la tendance à la baisse de la production du saumon coho en Colombie-Britannique se poursuit, en dépit des mesures de gestion prises par Pêches et Océans. Il est clair que les stocks de saumon coho le long de la côte suscitent de sérieuses inquiétudes sur le plan de la conservation. Pour pouvoir maintenir les populations sauvages de saumon coho pour les générations futures, il faudra manifestement donner la priorité à la conservation de ces précieux stocks.

Le saumon coho du nord a lui aussi enregistré cette année sa plus faible remontée depuis qu'on tient des registres en 1956.

Je pense que nous devrions tirer des leçons des erreurs que nous avons faites concernant la pêche de la côte Est et réagir rapidement à ces sonneries d'alarme.

À ce stade-ci, nous devons employer des mesures héroïques pour sauver les stocks sauvages de saumon coho qui restent. Le saumon coho est un peu comme un malade dont l'état empire et que nous avons mis trop longtemps à emmener à l'hôpital. Il se retrouve maintenant en salle d'urgence. Diagnostic: mauvais traitement chronique du saumon coho. État: critique; ne réagit pas au traitement actuel.

Les mesures à prendre sont simples. Nous devons augmenter la survie en eau douce. Pour ce faire, il faut améliorer sensiblement l'habitat en eau douce pour faire en sorte que le plus grand nombre possible de saumoneaux cohos se rendent à l'océan.

Jusqu'à maintenant, nous nous sommes bornés à réagir. Nous n'avons pas pris l'initiative. Nous attendons que le mal soit fait et ensuite, nous essayons de réparer les choses.

Nous devons protéger l'habitat actuel. Nous avons besoin de lois qui protègent les zones riveraines du développement, surtout dans les régions urbaines. En effet, c'est là que se reproduit le saumon coho. Quatre-vingt pour cent du coho se reproduit en aval de Hope, dans le bas Fraser. Le district de Vancouver-Nord est la seule municipalité qui a intégré à son règlement administratif des lignes directrices sur le développement foncier pour la protection de l'habitat aquatique. Si nous voulons restaurer nos stocks de saumon coho, il faut que des lois comme celles-là s'appliquent à l'échelle de la province.

Les zones riveraines fournissent nourriture, abri et protection aux poissons. Elles sont très importantes. Il faut également que l'habitat soit protégé pendant tout le cycle de vie du saumon.

• 2205

Tout d'abord, il faut identifier les régions vulnérables sur le plan écologique, et ensuite les protéger. Nous devrions créer des refuges à l'abri des prédateurs où le saumon coho pourrait se cacher. Il faut aussi accroître la plantation riveraine et veiller à la quantité et à la qualité de l'eau. Ce genre d'efforts doivent se faire pour chaque cours d'eau.

À mon avis, nous devons diminuer la pression qu'exercent les activités de pêche sur le stocks sauvages. Si Pêches et Océans considère la remise à l'eau des captures comme solution pour la prochaine saison de pêche et que les pêcheurs sportifs sont autorisés à pêcher et à remettre à l'eau le saumon coho sauvage, je signale qu'un taux de mortalité de 10 p. 100 est associé au fait même de remettre à l'eau les captures. Si le même poisson est pris à plusieurs reprises, ce risque augmente.

J'estime qu'il faut imposer un moratoire sur l'ensemble de la pêche sportive au saumon coho pour deux ans. Selon moi, il faut aussi que des observateurs indépendants effectuent une surveillance obligatoire sur les bateaux commerciaux afin d'obtenir un bilan clair et précis des prises fortuites de saumon coho. À ce stade-ci, il nous faut absolument être sûrs des données car le saumon coho est une ressource publique.

Le Conseil de la protection de la pêche du Pacifique pourrait jouer un rôle extrêmement important pour protéger le saumon à l'heure actuelle. Nous aurons besoin de chien de garde très bientôt. Le conseil est censé être constitué en avril de cette année. Nous espérons qu'il pourra vraiment donner l'heure juste à la population.

À titre de bénévole, je crois que nous pouvons rebâtir nos stocks précieux de saumon coho. Il est maintenant temps d'agir. Nous sommes tous à blâmer pour avoir permis que le saumon coho en arrive là. Nous avons tous notre rôle à jouer pour le rendre à la santé. Le temps presse. Faisons en sorte qu'il ne nous glisse pas entre les doigts.

Je vous remercie beaucoup de votre temps. J'ai apprécié cette occasion de vous parler.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Notre témoin suivant est M. Jim Fulton, de la David Suzuki Foundation.

Étant donné que le bruit court que vous êtes un homme politique, le temps vous sera compté.

M. Jim Fulton (David Suzuki Foundation): Monsieur le président, mesdames et messieurs, bienvenue. Je ne vais pas prendre beaucoup de votre temps parce qu'essentiellement je vais vous faire la leçon, mais cela ne prendra pas une éternité.

Il y aura un procès-verbal de la réunion, n'est-ce pas, monsieur le président?

Le vice-président (M. Gary Lunn): Oui.

M. Jim Fulton: Très bien.

J'ai quelques documents pour vous, mais permettez-moi de passer rapidement en revue certaines choses que j'ai faites. Étant donné que j'ai siégé 15 ans à ce comité, j'ai une bonne idée de ce que le comité peut faire, et je vais vous inviter à faire un certain nombre de choses car je pense que notre secteur de la pêche est en péril, et ce, sur les trois côtes.

La David Suzuki Foundation a effectué un certain nombre d'études depuis deux ans et c'est avec stupéfaction que nous avons constaté à quel point le ministère des Pêches et des Océans est insensible à la réalité. Au ministère, on semble incapable de comprendre l'intérêt public, mais on est très sensible aux intérêts d'intervenants puissants, que ce soit à Terre-Neuve ou ailleurs dans la région atlantique, ou encore ici, en Colombie-Britannique. Quel que soit le champ d'activité, qu'il s'agisse de projets d'envergure, que ce soit sur la terre, en eau douce ou en eau salée, l'argent est tout-puissant et les petites collectivités, les pêcheurs et les stocks halieutiques peuvent bien disparaître.

En fait, je suis très inquiet à l'heure actuelle, et je crois que le Parlement se doit d'intervenir et de demander des comptes aux mandarins du ministère. J'estime que le comité devrait convoquer le sous-ministre et tous les sous-ministres adjoints à comparaître à son retour à Ottawa pour leur secouer sérieusement les puces. Ils vivent dans un monde utopique.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Monsieur le président, vous devez savoir que tout le monde s'est demandé quelle tête allait tomber lorsqu'on a décidé de mettre au rancart 50 000 pêcheurs de Terre-Neuve, hommes et femmes? La tête du ministre des Pêches, du sous-ministre ou de quelqu'un d'autre allait-elle tomber? Six ans plus tard, aucune tête n'est tombée. Aucune.

• 2210

Il n'y a sans doute aucune autre industrie au monde qui a le pouvoir de détruire autant de collectivités. Ce fut une catastrophe environnementale aux ramifications internationales qui a jeté tous ces pêcheurs sur le pavé et tué la morue de l'Atlantique avec une efficacité de gestionnaire.

Ce soir, je vais recommander, entre autres, que le comité dépose à la Chambre une résolution portant amendement du Code criminel pour que l'on puisse traîner en justice les fonctionnaires qui ont délibérément permis que les stocks soient décimés au point de s'effondrer, que ce soit en appliquant un mauvais système de gestion et d'octroi de permis ou en approuvant des projets comme ceux que nous voyons ici en Colombie-Britannique, les projets de l'Alcan et de Kemano. Nous constatons cette tendance impitoyable avec la pêche de stock mélangée.

Bon nombre d'habitants de la Colombie-Britannique ne savent même pas quelle est la pêche la plus importante de la province. C'est la pêche au chalut. Vous n'avez sans doute entendu aucun témoin à ce sujet. C'est la pêche la plus importante. Soixante pour cent des stocks capturés sont débarqués directement ou acheminés par camion dans des ports américains, ou encore débarqués sur des navires usines en haute mer. Ils se mêlent aux autres navires usines japonais, polonais, russes, coréens et autres qui écument les stocks hauturiers au large de la côte ouest du Canada. C'est une activité impitoyable et, dans certains cas, les stocks sont capturés de façon accessoire et les prises fortuites sont remises à la mer. Parfois, les quantités déversées de ce poisson mort dépassent le total des prises autorisées pour assurer le caractère durable de la ressource. Je parle du crabe. Je parle du turbot. Il y a davantage de turbots que les chalutiers rejettent comme prises fortuites dans la province que ce qui est permis en vertu de l'OPANO pour toutes les nations européennes.

Lorsque le ministre Tobin s'en est pris à l'Estai et a fait une esclandre aux Nations Unies à ce sujet, c'était le turbot qui était en cause. Cela concernait un volume de prises inférieur à ce que l'ensemble de la flotte européenne rejette sous forme de prises fortuites entre les îles de la Reine-Charlotte et Prince Rupert. Il y a des quantités énormes de morue charbonnière, de saumon et de saumon quinnat qui sont rejetées sous forme de prises fortuites. Si on songe à tous les stocks mis à sac sur la côte Ouest, c'est un des grands secrets en Colombie-Britannique.

Nous recommandons que la pêche au chalut actuelle, à la fois sur le plateau et en eau profonde, soit fermée sous sa forme actuelle. J'invite le comité à envisager cette possibilité.

Nous avons aussi examiné six autres pêches pour lesquelles nous recommandons... La pêche d'interception aux stocks mélangés cause le plus grand risque biologique d'extinction dans la province. Nous avons fait cette recommandation dans un document d'examen des pairs rédigé par Carl Walters, chef du département des pêches à l'Université de la Colombie-Britannique. Nous avons demandé la participation des intervenants, d'anciens fonctionnaires de Pêches et Océans, de syndiqués, de représentants des Premières nations, d'universitaires, et de simples citoyens. Nous avons fait ces recommandations de bonne foi. Trois ans plus tard, pas une seule de nos recommandations n'a été appliquée, alors que les gestionnaires de Pêches et Océans n'ont contesté le bien-fondé d'aucune d'elles. Ils savent qu'il y a une pêche menant à l'extinction qui se fait et pourtant, ils ne font rien.

Je vous laisse ce document, qui renferme nos recommandations.

Nous avons poursuivi nos efforts avec un autre document intitulé «Fish on the Line». Ce document s'est avéré plus populaire. S'il était vendu en librairie par un éditeur, il se retrouverait sur la liste des best-sellers au Canada. Nous en sommes à notre cinquième édition.

Les habitants de la Colombie-Britannique veulent des solutions et ils ne les obtiennent certainement pas du MPO.

Ensuite, nous avons publié, grâce à la plume de Terry Glavin, auteur bien connu en Colombie-Britannique, une analyse de la pêche au chalut au large des côtes de la Colombie-Britannique. Le document dénonce des activités qui, dans pratiquement n'importe quel autre domaine, seraient considérées comme criminelles. Il fourmille de recommandations et pourtant, le ministère des Pêches et des Océans ne lève pas le petit doigt. Je vous invite instamment à demander à vos recherchistes d'en prendre connaissance.

Nous avons ensuite examiné la pêche partout dans le monde et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il faut que le Canada change de modèle. Le modèle que nous employons à l'heure actuelle est un modèle d'entreprise. L'argent que dépense chaque année Pêches et Océans en Colombie-Britannique n'est pas consacré à ce que l'on croit généralement. Cet argent sert à payer les scientifiques du ministère pour qu'ils étudient les projets soumis par la société Alcan, par de grandes sociétés minières ou par des municipalités. Le ministère paie pour l'étude de ces projets et dit aux promoteurs ce qu'ils devraient faire. C'est nous, les contribuables, qui payons la note en ensuite, et il ne reste plus d'argent à Pêches et Océans pour embaucher des gardiens de ruisseaux, pour faire des décomptes ou du marquage, toutes mesures qu'il faut prendre pour avoir une pêche durable.

À mon avis, le comité devrait se pencher là-dessus et faire certaines recommandations pour qu'on instaure un système d'utilisateur-payeur. Les grandes sociétés disent toujours aux pêcheurs et aux collectivités qu'il doivent faire leur part. Je peux dire aux gens de l'Alcan et à leurs confrères qu'il serait bon qu'il reste à Pêches et Océans un peu d'argent pour pouvoir faire ce que nous recommandons dans ce document, dont je recommande encore une fois la lecture aux membres du comité.

• 2215

Nous avons examiné la pêche partout dans le monde. Dans 15 des 17 régions du monde, les stocks sont soit en train de s'effondrer soit en voie d'extinction. Le phénomène est le même pratiquement partout dans le monde. Nous avons pris connaissance de dix études de cas particuliers de pêche en eau salée et en eau douce, en Amérique du Nord, au Japon et en Australie. Il s'agit là de pêches durables qui ont cours depuis des siècles et dont les stocks sont demeurés stables. Dans chacun de ces cas, un système de gestion et de délivrance de permis communautaire est en vigueur. Et c'est précisément ce que nous réclamons pour la Colombie-Britannique.

Pourquoi devrions-nous laisser Pat Chamut et Louis Tousignant et leurs collègues dans leur tour d'ivoire sur la colline du Parlement prendre les décisions pour nos collectivités? Tous les villages de pêche de la Colombie-Britannique sont en train de mourir en raison d'une mauvaise gestion.

Si ailleurs dans le monde, on peut trouver dix pêches durables—même au Lac Titicaca, en Amérique du Sud: quatre cents ans de pêche, 17 stocks différents, la plus grande pêche en eau douce des Amériques. Tous les stocks sont stables depuis 400 ans et pas un seul employé de MPO à l'horizon.

Voilà qui m'amène à l'un de nos derniers rapports, intitulé Net Loss: The Salmon Net Cage Industry. Monsieur le président, je n'ai pas besoin de vous expliquer ce qui se passe, pas plus qu'à certains autres députés du Canada Atlantique. Nous supprimons discrètement, sans caméra, sans que les journalistes de la presse électronique ou écrite soient là, des centaines de milliers de saumons malades et mourants dans les cages du Canada Atlantique. Ils meurent d'anémie.

Les habitants de la Colombie-Britannique s'imaginent que cela n'arrive pas ici. Nous venons de faire un examen de l'aquaculture du saumon car nous avons trouvé un cas de furonculose présentant une résistance à trois antibiotiques dans les cages ici. Cela signifie que les bactéries résistent non pas à un seul ou encore à deux antibiotiques, mais à trois.

Les membres du comité devraient pouvoir me dire combien de saumons sauvages au large de la Colombie-Britannique ou de la côte Atlantique se présentent à une clinique de soins pour recevoir une piqûre d'antibiotiques afin de ne pas attraper la maladie dont souffre le saumon élevé dans des cages en filet. Il y a de quoi se poser des questions.

L'industrie du saumon sauvage de l'Atlantique est sur le point d'être fermée. Le stock de saumon sauvage se chiffre maintenant à peine à 200 000.

Voyez ce qui s'est passé en Norvège. En Écosse aussi. Voyez ce qui est arrivé partout où l'on a procédé à l'élevage en cage de carnivores. Quels carnivores sont élevés en cage en Amérique du Nord? Les alligators, le vison et le saumon. Nous n'élevons pas des loups à Abbotsford pour nous nourrir.

À un moment donné, il faudra bien se réveiller. Pourquoi les éleveurs de saumon ont-ils décidé d'installer leurs cages en filet le long des routes migratoires du saumon sauvage? Savez-vous ce qui pose la pire menace de la terre à la rentabilité de l'élevage du saumon en cage? Le saumon sauvage. Ces éleveurs veulent éliminer le saumon sauvage.

Je vous invite instamment à prendre connaissance des recommandations rédigées dans ce document et à amorcer une réflexion. Pourquoi, le 27 juillet, la Chambre des communes a-t-elle adopté un règlement concernant le déplacement des oeufs de saumon de l'Atlantique au pays sans audience ou autre forme de consultation publique?

Dans ce document, vous pourrez lire la mise en garde des hauts fonctionnaires provinciaux et fédéraux: le mouvement du saumon et des saumoneaux de l'Atlantique, selon la méthode actuelle, est comparable à la roulette russe. On a la certitude qu'il y aura transmission de maladies du saumon d'élevage au saumon sauvage. Il en a coûté 100 millions à la Norvège uniquement pour commencer à nettoyer toutes ses rivières à la suite de la propagation d'une maladie, à bien des égards à cause de cette industrie.

Nous avons la possibilité d'agir maintenant. Malheureusement, il semble que le ministre Anderson soit l'otage politique des éleveurs de saumon. Il serait opportun d'installer des systèmes de contenants clos qui garderaient la maladie à l'intérieur, si elle éclôt, pour que les éleveurs de saumon puissent régler eux-mêmes le problème qu'à l'heure actuelle ils partagent avec l'ensemble de la population.

La population subventionne l'élevage en cage à filet en permettant aux éleveurs de la Colombie-Britannique de déverser la même quantité de déchets qu'une ville de 500 000 habitants tous les jours, particulièrement dans les eaux autour de l'île de Vancouver. Nous ne sommes pas avertis lorsqu'il y a une flambée de maladies.

Ils se servent de l'antibiotique le plus puissant qui reste sur la surface de la Terre, l'ivermectin. Renseignez-vous sur ce médicament, renseignez-vous sur la maladie et demandez-vous pourquoi les mandarins dont on cite les propos dans ce rapport, qui s'inquiètent au sujet de ce médicament et qui s'opposent à son usage, permettent à cette industrie de poursuivre ses activités sans entrave et sans faire payer les éleveurs eux-mêmes. Je trouve cela tout simplement lamentable et abominable.

• 2220

Permettez-moi de faire six brèves recommandations. Les recommandations sont toujours utiles au comité.

Premièrement, je recommande de réunir devant votre comité les douze salopards, 12 sous-ministres adjoints et le sous-ministre du ministère des Pêches et des Océans, afin de leur passer un savon. Ce faisant, lisez-leur les modifications au Code criminel que vous soumettrez à la Chambre des communes et qui prescrivent que des peines d'emprisonnement obligatoire seront imposées aux fonctionnaires qui, en toute connaissance de cause, autorisent des pêches ou des projets qui nuisent aux pêches et entraînent l'effondrement ou l'extinction des stocks de poisson.

Si nous ne pouvons pas faire adopter un tel amendement à la Chambre des communes, alors nous perdons notre temps. Cela ne vaut plus la peine de réclamer des lois sur la dénonciation. Nous savons que les provinces de l'Atlantique ont été le théâtre de l'effondrement industriel le plus important de toute l'histoire du Canada: 50 000 hommes et femmes ont été réduits au chômage. En Colombie-Britannique, ce chiffre approche les 10 000. Et tous les fonctionnaires responsables de cette situation ont monté en grade. Nous sommes en droit de nous demander sur quelle planète nous vivons.

J'estime qu'il faut adopter un tel remède; de cette façon, les fonctionnaires diront aux ministres et au public qu'ils refusent d'autoriser certaines pêches ou certains projets, parce que s'ils le font, ils seront passibles d'emprisonnement. Une telle mesure protégerait automatiquement les fonctionnaires et la ressource.

Vous devez dire aux grands mandarins de mettre fin à ces pêches qui entraînent l'extinction à grande échelle des stocks. Le comité permanent a le droit, j'en suis sûr, de dire aux gestionnaires de mettre fin aux pêches qui provoquent l'extinction des stocks.

Nous avons signé la Convention sur la biodiversité à Rio de Janeiro, en 1992. Cette convention a maintenant été signée par suffisamment de pays pour être ratifiée et mise en oeuvre dans toutes les régions du monde. Le Canada était l'un des principaux signataires. J'ai rarement eu l'occasion de remercier publiquement Brian Mulroney, mais dans ce cas-ci, je le dis bien haut: «Merci, Brian Mulroney».

Nous devons reconnaître que l'épuisement du stock génétique est un problème important. Notre côte est à elle seule un exemple flagrant d'extinction importante des stocks: nous avons déjà perdu 164 de nos montaisons de saumon; 600 autres sont sur le point de s'éteindre. Environ un tiers de toutes les espèces de saumon en Colombie-Britannique sont éteintes ou sur le point de l'être. Nous avons perdu des pêches entières. Il n'y a plus de pêche à la sardine; la pêche à l'oreille de mer, qui était dirigée par les grands mages de la bureaucratie, a dû cesser pour cause de surexploitation. Il y a maintenant toutes sortes de pêches qui sont surexploitées, surtout la pêche faite avec des filets de fond.

Je vous exhorte tous, lorsque les travaux de la Chambre reprendront, à interroger le ministre des Pêches sur les raisons pour lesquelles il permet encore que soit élevé du saumon dans des cages de filet, dans les eaux canadiennes, compte tenu des accès de maladie qu'on a déjà constatés dans de tels élevages. Il est absolument ridicule de ne pas adopter un calendrier pour leur élimination progressive et leur conversion à l'élevage en circuit fermé. C'est extraordinaire. On empêche les municipalités de déverser leurs égouts dans les stocks d'eau potable et dans les parcs à palourdes, mais on permet à cette industrie de le faire, même si elle utilise de vastes quantités de médicaments et connaît des problèmes graves de génétique et de santé.

Je vous prie également de recommander la création, d'ici le 1er juillet 2000, d'un régime de permis communautaires applicable à au moins la moitié des prises de chaque espèce au Canada. Les permis communautaires ont fait leurs preuves, comme vous pouvez le constater dans le rapport. Ce rapport a été rédigé par certains des meilleurs scientifiques du pays et a subi l'examen par les pairs. Ces scientifiques on dit clairement que les gens qui viennent de familles de pêcheurs, qui vivent dans la collectivité et y demeureront ne vont pas, sous le régime des permis communautaires, recommander que soient ouvertes des pêches qui entraîneront des extinctions. C'est aussi simple que cela. Il faut adopter une approche répartie sur plusieurs générations et les permis communautaires conviennent à cette fin.

Je vous prie de recommander la création de grandes réserves pour chaque stock de poisson canadien. Nos voisins du Nord et du Sud, l'Alaska et Washington, ont maintenant établi de grandes zones dans lesquelles il n'est plus permis de pêcher avec des filets de fond. Leur pêche au saumon s'est également effondrée. Il y a deux ans, le président Clinton a dû interdire la pêche commerciale de cette espèce au sud du 49e parallèle. C'est très important et il faut que nous ayons suffisamment d'information sur les stocks pour créer des réserves afin d'étudier scientifiquement ce qui arrive lorsqu'on laisse certaines populations en paix. C'est une mesure que la Chambre des communes est particulièrement bien en mesure d'adopter.

Pour le reste, je suis toujours prêt à répondre à vos questions, maintenant ou plus tard.

• 2225

Un dernier point. Je veux vous donner un exemple de ce qui arrive lorsqu'on s'en prend aux fonctionnaires. Si c'était arrivé pendant que j'étais encore député à la Chambre des communes, ce fonctionnaire se serait trouvé en orbite avec John Glenn, mais il n'aurait pas eu besoin de Challenger pour y arriver.

Nous avons publié une annonce sur l'élevage du saumon. Notre organisme est un organisme de bienfaisance. Nous avons publié une annonce sur ce qui se fait en Colombie-Britannique. Quelques jours plus tard, les journaux publiaient une autre annonce et, tenez-vous bien, cette annonce avait été rédigée par un haut fonctionnaire, un certain Dr John Davis. Il avait rédigé cette annonce sur du papier à en-tête du gouvernement, pendant ses heures de travail, avec les ressources du gouvernement. L'annonce a été publiée dans le journal et payée par l'association des salmoniculteurs de la Colombie- Britannique.

Au mois de septembre, j'ai envoyé ce document au comité et au vérificateur général. Il est intéressant de noter que le vérificateur général a réagi immédiatement. Il trouvait intéressant qu'un fonctionnaire et conseiller scientifique du ministère des Pêches et des Océans en Colombie-Britannique se servent des installations et du temps du gouvernement pour attaquer une oeuvre de bienfaisance parce que celle-ci essayait d'informer la population de la province des dangers de la salmoniculture.

Parce que nous avions publié une annonce, nous avons dû subir les foudres de fonctionnaires dont nous payons le salaire.

J'exhorte le comité à examiner cette question en profondeur. Dans notre annonce, nous citions deux des plus grandes autorités médicales canadiennes en matière de maladies infectieuses—plus particulièrement, le Dr Bill Bowie, du Vancouver General Hospital.

Mais voilà qu'un scientifique moins éminent met en doute nos documents. Le Dr Davis avait tort pour ce qui est des risques que présente la salmoniculture, des risques liés à l'utilisation du saumon de l'Atlantique, des risques de transmission des maladies du saumon d'élevage au saumon sauvage et des quantités d'antibiotiques libérés à partir des cages de filet. Il a même mis en doute l'exactitude des déclarations du Dr Julien Davis, chef de la section de microbiologie à l'Université de Colombie-Britannique, et du Dr Bill Bowie, ancien président de l'organisme sur les maladies infectieuses transmissibles aux humains au Canada.

Rien n'a été fait. Le ministre a refusé de répondre à ma lettre, une lettre que je lui avais envoyée après la publication de cette annonce. Le sous-ministre n'a pas répondu non plus. Le vérificateur général a déclaré que cette question relevait du sous- ministre.

Je l'ai envoyée à votre comité, et même si je sais que vous êtes très occupés, j'espère qu'après avoir passé un savon aux hauts fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans, vous demanderez au Dr Davis en quoi il se sent autorisé à user de son poste de fonctionnaire de l'État pour attaquer des organismes de bienfaisance qui essaient de protéger une ressource publique. S'il estime avoir des motifs raisonnables pour utiliser le temps et l'argent des contribuables et défendre l'association des salmoniculteurs de la Colombie-Britannique, une association très bien nantie qui compte des gens comme Galen Weston, un milliardaire, et des entreprises comme Dow, un des plus grands fabricants de produits chimiques au monde...

Voilà ce qu'est l'industrie canadienne de la salmoniculture en cage de filet. J'en suis malade de voir ces grosses légumes qui ne font affaire qu'avec les grands armateurs, les grands exportateurs de nos ressources et les grandes entreprises pendant que crèvent les petits pêcheurs, les petits stocks et les petites localités. Bienvenue en Colombie-Britannique.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Fulton. Je tiens à vous faire savoir que vous comptez certains alliés parmi nous. Pour ma part, j'ai réclamé que tous les hauts fonctionnaires du MPO soient renvoyés et que les portes du ministère à Ottawa soient soudées. Nous n'avons pas besoin de 800 fonctionnaires là- bas. Ces gens-là devraient travailler à Vancouver et à St. John's.

Vous avez des alliés. Nous allons exercer de fortes pressions à ce sujet. Nous avons même déclaré qu'il règne au MPO un degré de corruption qui dépasse l'imagination. Vous êtes loin d'être parmi les incrédules. C'est pourquoi nous sommes venus ici pour vous écouter.

Il nous reste encore quelques témoins à entendre. Je vais essayer d'accélérer un peu les choses. Notre témoin suivant est M. McKee. Je serais très content que le témoignage soit aussi bref que possible. Nous vous écoutons encore.

M. Charles H. McKee (Wild Fish First Society): Je vous ai amené un petit manuel que vous souhaiterez peut-être feuilleter. Il est sur la table.

Il m'est bien difficile de prendre la parole après mon prédécesseur. J'avais déjà entendu M. Fulton auparavant, et Dieu merci, je n'avais jamais eu à parler après lui.

• 2230

Je suis d'avis que le ministère fédéral des Pêches et des Océans est une organisation corrompue, et je pèse mes mots. Les mots sont mon gagne-pain.

Je suis titulaire d'un permis de pêche à la ligne traînante. Je suis également transformateur et avocat spécialisé en droit commercial. Je m'adonne à la pêche sportive depuis 50 ans et à la pêche commerciale depuis 30 ans.

Le ministère fédéral des Pêches et des Océans, je le répète, est une organisation corrompue. La soi-disant stratégie de revitalisation du saumon du Pacifique, qu'on appelle aussi le plan Mifflin, est si stupide du point de vue économique, si dangereuse du point de vue environnemental et si dévastatrice du point de vue social qu'elle ne saurait être le fruit d'une bévue de fonctionnaire. La mise en oeuvre de ce plan jusqu'à présent prouve de façon irréfutable que le problème ne se limite pas à la stupidité des bureaucrates. Il y a quelque chose qui cloche, lorsque le gouvernement tente d'éliminer une exploitation moins dangereuse, c'est-à-dire la pêche à la traîne, qui rapporte de trois à dix fois davantage qu'une exploitation dangereuse, cette dernière ne produisant aucune recette fiscale.

C'est qu'il existe une alliance malsaine, une alliance entre le ministère fédéral des Pêches et des Océans et deux grands partisans libéraux qui ont des relations et qui exploitent des entreprises de transformation dans la province.

Parlons un peu d'économie. Dix super senneurs peuvent s'accaparer toutes les prises autorisées de saumon en Colombie-Britannique. Il n'en faut que dix. Grâce à cette alliance, la mise en oeuvre de la stratégie du MPO pourrait rapporter à cette industrie environ 4 milliards de dollars par année pendant huit ans. Cette industrie est bien loin du déclin.

Je m'y connais en grandes entreprises. Une grande entreprise se fonde sur une perspective d'environ trois mois moins un jour. La rémunération des cadres supérieurs, dans les grandes sociétés cotées en bourse, se fonde sur le prix des actions et sur les revenus du prochain trimestre. Il n'y a pas de planification stratégique. Comment peut-on alors établir un plan sur une période de huit ans pour gagner 4 milliards de dollars par année? Eh bien, il appert que ces entreprises de transformation sont des entreprises familiales, des entreprises familiales qui veulent réaliser des milliards de dollars pour leurs petits-enfants.

Avez-vous déjà reçu le manuel que j'ai distribué? J'aimerais rapidement vous montrer quelques images, qui portent le numéro 4 et 5. Pour commencer, parlons de ce que j'appelle le scandale du poisson volé. L'été dernier, les gens de l'Alaska ont volé au moins 1,5 million de saumons rouges aux pêcheurs de la Colombie-Britannique, et ce, avec la bénédiction du ministre. Je ne lui donne jamais le titre d'honorable ministre. Le ministre a encouragé les gens de l'Alaska à voler 1,5 million de saumons, au moins, à nos pêcheurs.

Vous êtes en droit de vous interroger. Passez à l'annexe 5, dans laquelle on montre des images d'étiquettes. On peut lire sur l'une d'entre elles «Clover Leaf». Il y a une autre étiquette de «Clover Leaf». À la page suivante, il y a une étiquette de la compagnie «Ocean». Puis on trouve quelques étiquettes «Gold Seal», puis une autre «Clover Leaf» à la page suivante. À première vue, les étiquettes «Gold Seal» et «Clover Leaf» sont très semblables. Pas du tout. Si vous examinez de près les deux étiquettes qui se trouvent au bas de la première page de l'annexe 5, vous constatez que ce sont des étiquettes de la merveilleuse conserverie de M. Galen Weston, B.C. Packers. Ces étiquettes sont connues partout au monde, car elles sont apposées à un produit de qualité, le saumon de la Colombie-Britannique.

• 2235

Si vous regardez au bas de l'étiquette, vous pourrez lire «produit des États-Unis». Comment est-ce possible? Cette boîte de conserve vient d'une usine exploitée en coentreprise par Galen Weston et Jimmy Pattison en Alaska. Savez-vous ce que contenait cette boîte de conserve? Elle contenait du saumon rouge volé des pêcheurs de la Colombie-Britannique. Nos grands citoyens industriels ont volé le saumon des pêcheurs de la Colombie-Britannique et ils ont eu le culot—vous trouverez à la page suivante des coupons de caisse—de me le revendre à moi. Sur les premiers tickets de caisse, vous constaterez que le produit Clover Leaf, parce qu'il porte une marque bien connue, se vend 30c plus cher la boîte que le produit Gold Seal. Et pourtant, les deux boîtes viennent exactement de la même usine en Alaska.

Parlons maintenant du scandale des traités. Le ministre a essayé d'encourager les Américains à ne pas négocier. Pourquoi? Pourquoi déclare-t-il, entre autres, «qu'il faut tenir compte de tout le pays, pas seulement de la Colombie-Britannique»? Si les gens de l'Alaska continuent leur surpêche, nous devrons réduire nos prises de 40 p. 100. Le Canada est prêt à assouplir sa position. Quel choix avons-nous? On a rapporté que Mike Hunter, le patron d'Anderson, aurait dit que l'industrie est trop importante pour lutter jusqu'au dernier dollar. Eh bien, le Canada n'a pas lutté du tout.

Le Canada n'a pas négocié ces traités, et c'est bien parce qu'il y a d'autres intervenants en cause qu'on en connaît maintenant les modalités. Auparavant, le gouvernement fédéral participait aux négociations en croyant devoir défendre les intérêts de tout le pays. Eh bien, ils ont défendu les intérêts de cette partie du pays qu'ils estiment être tout le pays. Ils ont défendu les habits de laine, les pièces d'automobile et les flancs de porc. Ces choses-là sont bien plus importantes que le saumon et il suffit de laisser encore aux gens de l'Alaska pour 70 millions de dollars de saumon en échange de... quoi donc, l'abolition des droits de douanes sur les habits de laine exportés aux États-Unis.

Permettez-moi d'aborder également rapidement un autre sujet, c'est-à-dire l'arnaque de la commercialisation. On a réussi à convaincre le MPO et le gouvernement provincial de conserver des règlements désuets et inutiles quant aux inspections sur l'innocuité et la qualité, ainsi que d'autres éléments de paperasserie, afin que les exploitants indépendants ne puissent faire concurrence aux autres.

Regardez les belles images de l'annexe 4. À la première page, vous pouvez voir dans le magasin de Galen Weston du saumon frais et même super frais. Sur la première image, vous pouvez voir de beaux filets. À la deuxième et à la troisième image, on trouve un bel étalage de saumon. Ces poissons frais, super frais, sont des saumons d'élevage bourrés de produits chimiques et d'antibiotiques. À la page suivante, voyons maintenant comment Galen Weston présente, dix pieds plus loin, le saumon sauvage de la Colombie-Britannique. Dès la première image, si vous regardez à droite, vous voyez un saumon emballé dans un sac de plastique, congelé et couvert de brûlures par le froid. J'ai pris ce saumon et j'ai constaté qu'il s'agissait d'un saumon rose sauvage. Je l'ai acheté, je l'ai amené chez moi et j'ai entrepris de le faire dégeler. J'ai dû le jeter dehors tellement il sentait mauvais.

Sur la photo numéro cinq, vous constatez que le saumon a de nombreuses marques rouges sur le côté. À la photo numéro six, vous pouvez voir ce que contenait ce merveilleux saumon sauvage: du sang et des tripes.

J'ai demandé au Salmon Marketing Council de la Colombie-Britannique, qui est contrôlé par B.C. Packers, pourquoi nous ne faisons pas une commercialisation plus négative du saumon étranger. Ils m'ont répondu que ce n'était pas possible de décrier le saumon étranger, parce que les gens ne sauraient pas la différence et cesseraient d'acheter notre saumon sauvage. Eh bien, c'est de la foutaise. Ce qui se fait, c'est ce que j'appelle de la commercialisation négative. B.C. Packers contrôle les piscicultures. Elle vend ces merveilleux saumons d'élevage, et dix pieds plus loin, on fait de la commercialisation très négative.

• 2240

Contrairement à ce que j'avais dit, je veux parler d'une autre chose encore. Je veux parler à l'escroquerie dont se rendent coupables les grandes entreprises en matière de prix et de taxe.

À l'heure actuelle, les tribunaux de l'Alaska sont saisis d'une poursuite judiciaire de plusieurs millions de dollars. J'ai discuté à plusieurs reprises avec les avocats qui s'occupent de cette affaire et j'ai lu les documents. Les dommages-intérêts réclamés s'élèvent de 600 à 900 millions de dollars. Deux petites entreprises de transformation ont déjà signé un règlement. Les plaignants disposent d'une caisse spéciale de 2,5 millions de dollars US, et ils intenteront sous peu un procès.

Cette poursuite judiciaire porte sur... Les transformateurs et les sociétés commerciales japonaises, qui contrôlent bon nombre de transformateurs, ont délibérément détruit le marché du saumon sauvage frais et congelé en Amérique du Nord. Je le répète, les transformateurs ont délibérément détruit le marché en Amérique du Nord. C'est incroyable. Dans une économie pure et directe, personne ne pourrait croire une telle déclaration. Mais nous ne vivons pas dans une économie directe. Nous avons des taxes, ils en ont aussi. Revenu Canada les perçoit ici, l'IRS là-bas.

C'est ainsi que le système fonctionne. Les pêcheurs reçoivent 2 $ la livre. Il n'y a pas de commercialisation en Amérique du Nord—croyez-moi, il n'y en a pas. Le prix de gros est fixé à 2,50 $ la livre. Le saumon est ensuite vendu par lettre de transport à une entreprise de Grand Caïman, des Antilles Néerlandaises ou d'un autre pays où il n'y a pas de taxe. C'est ce pays étranger, ce paradis fiscal, qui vend le poisson sur le marché de Tokyo. Tout le monde sait qu'il s'agit d'un énorme marché international où la marchandise est vendue au cours, et ainsi de suite. Jusque-là, ça va.

Eh bien, ce n'est pas un marché libre. Ce marché est contrôlé et le prix y est fixé. D'après ce que peuvent voir les enquêteurs fiscaux, il n'y a pas de profits réalisés, mais ce qu'ils ne voient pas, c'est le prix que paie la ménagère japonaise. Elle paie 20 $ la livre. Dans cette transaction, le poisson coûte 2 $ au lieu de pêche, le transport et la manutention coûtent 1 $, reste un profit de 17 $. Combien perçoivent le Canada ou les États-Unis en taxe sur cette transaction? Pas un sou.

Non seulement on ne perçoit pas un sou de taxe, mais B.C. Packers utilise sa déduction pour amortissement pour ne pas payer d'impôt sur l'argent que lui rapporte ces ventes de thon, thon qu'elle importe de l'étranger. Non seulement cette société ne paie pas de taxe, mais elle utilise la déduction pour amortissement applicable à ses navires et à son équipement pour protéger le reste de ses revenus.

Le ministère des Pêches et des Océans sait ce qui en est. C'est une affaire politique. Le ministère reçoit des ordres. Il est corrompu.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Pourrions-nous entendre Terry Slack? Nous apprécierions que vous limitiez votre témoigne à cinq minutes.

M. Philip Tate (témoignage à titre personnel): Je viens de Moricetown. Mon nom est sur le carton. La lettre est revenue, reçue.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Comment vous appelez-vous?

M. Philip Tate: Philip Tate. J'ai une lettre de ces gens-là.

Le vice-président (M. Gary Lunn): D'accord.

• 2245

M. Philip Tate: C'est très important pour notre lieu de pêche, y compris pour les États-Unis et le Canada, pour les eaux de la Colombie-Britannique, y compris les rivières, les océans, l'océan Arctique, jusqu'en Alaska et dans toutes les terres intérieures de la Colombie-Britannique, dans notre zone de pêche commerciale...

J'ai un plan complet pour essayer de dire ce que l'on dit ici. Le grand brochet, c'est fini pour nous tous. Si le pire cas; ça va très mal et ça ne va pas cesser: c'est une maladie qui vient de l'air. Le meilleur cas, c'est le cercle arctique, le Canada et les États-Unis.

Notre lieu de pêche, c'est l'océan Pacifique. Il est près de vous, de moi, de nous tous. 1990 a été une année de perte. Pour ma part, j'ai perdu de tous les côtés. Cela ne reviendra jamais.

Tout d'abord, nous devons nous tourner vers l'avenir. Nous devons nous organiser et nous s'entraider. Nous devons faire de notre mieux pour sauver les eaux de la Colombie-Britannique.

La perte des eaux... si mauvaise qu'une usine de pâtes de Prince Rupert a pris de l'expansion. Le gaz, et toute cette eau... Depuis, tout a disparu: le saumon, le hareng, le saumon coho. Les pires, ce sont les saumons roses et les harengs. Les pressions sont fortes. Il n'en faut pas beaucoup pour perdre. Ils luttent, sous l'eau.

Ils nous manquent... Ils sont morts.

En 1996, il y a eu une sorte de marée rouge, du poison, qui était très dangereuse. On l'a détectée à Principe Channel, à la frontière de l'Alaska, à Dundas et jusqu'à Beaver Pass.

C'est pourquoi il y a toujours des problèmes entre les États- Unis et le Canada. Les États-Unis pêchent des millions de poissons, je crois, ce qui pose un problème au Canada.

Pire encore, en 1999-2000, la Colombie-Britannique perdra tout. Il n'y aura plus de pêche commerciale ou de pêche indienne du côté du fleuve.

En 1996, on a détecté des eaux rouges autour du cercle Arctique, dans la mer de Béring. C'était affreux.

Nous allons tous partager. Les pêcheurs d'ici ont bien de la difficulté à gagner leur vie. Pour ma part, c'est à peine si je m'en tire. Au moins, j'ai ma maison dans la réserve. Ça va.

Mais je pense à l'avenir, tout comme ces gens-là.

Nous avons un problème d'eaux rouges. En Colombie-Britannique, il y a le brouillard noir. Les saumons de la Colombie-Britannique ont été rendus aveugles par une infection des yeux. C'est très dangereux. Cette infection est causée par les eaux rouges.

• 2250

Aujourd'hui, j'ai hâte... J'ai une lettre de David Anderson. J'ai fixé des rencontres avec lui, mais je n'ai pas l'argent pour payer mon avocat. J'ai trouvé deux avocats. Ils me disent que je dois leur donner 5 000 $ en dépôt. À l'origine, il en fallait 10 000, mais ils me font un rabais de la moitié du prix.

J'aurai des réunions au centre-ville de Vancouver au sujet de mon lieu de pêche commerciale. Je suis supposé avoir une brève rencontre avec lui pour voir comment nous pourrions contrôler de nouveau nos eaux en Colombie-Britannique. Les livres sont pour la plupart ici, à la Canadian Fishing. C'est là aussi que se trouve mon directeur, qui comprend tout mon travail. Je n'ai pas de téléphone, mais vous pouvez communiquer avec lui pour savoir où me trouver.

Je retournerai chez moi d'ici deux semaines. Je travaillerai avec mes gens. Avant de partir, j'aimerais avoir une dernière réunion ici.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Tate.

Le président: Voulez-vous que je jette un coup d'oeil à ces lettres pour vous?

M. Philip Tate: Je peux les lire. Je ne vous entends pas.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Êtes-vous sourd?

Le président: Je vais regarder ces lettres. Continuez.

M. Philip Tate: J'ai remis le document aux gens qui travaillent pour votre comité.

Et puis, ils ont un projet de décharge sur la rive. Ce projet comprend une usine de pâtes et des installations de gaz naturel. C'est très dangereux. Il y a des problèmes au Moyen-Orient et à Montréal, et cela ne fera qu'empirer. Il faut s'arrêter avant que cela s'étende dans toute la Colombie-Britannique. C'est déjà là. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Il n'y a pas beaucoup de temps.

Au centre-ville de Steveston, j'ai participé à une réunion, la première semaine de décembre. Je me suis trouvé dehors à 17 h 30. J'ai marché jusqu'aux flotteurs et j'ai vérifié tous les petits bateaux, là où je jetais habituellement les amarres. J'ai vu là quelque chose d'étrange, mon ami: une mouette toute noire, recouverte de pétrole. Elle souffrait de larmoiement—cela aussi, c'est très dangereux, presque aussi pire qu'une infection des yeux.

Ces deux choses-là sont les pires pour notre océan Pacifique, et elles avancent lentement. J'appelle ça «le flux». Cela avance le long du récif. Il est en train de sombrer.

Les Américains pêchent à deux endroits, sur l'île. L'an prochain, les Américains pourront pêcher sur leur chemin de retour, durant l'été. Notre saumon n'arrivera jamais jusqu'à la Skeena et au Fraser. Il cherche à se frayer un passage à travers notre Canada, en Colombie-Britannique et dans le Fraser. Nous, qui pêchons avec des filets maillants, nous essayons de leur barrer la route. Nous nous inquiétons de la frontière.

Les stocks se reconstituent très rapidement. Nous faisons un meilleur travail. Il vaut mieux pêcher quand le poisson est sur le chemin du retour. C'est vrai, n'est-ce pas? Oui. Nos rivières méritent ce qu'il y a de mieux. Il faut les écouter.

Aujourd'hui, au lac Babine, la glace a gelé. Il a fait 40 ou 50 en dessous de zéro. Il a fait très froid. Mon ami est venu me rendre visite à pied et au bout de trois minutes, il était complètement gelé.

• 2255

Le meilleur temps... plus il fait froid, plus c'est propice pour le saumon. Aujourd'hui, le saumon ayant été enfermé sous une couche de glace... le temps est très mauvais. Il faut que le poisson puisse reprendre son souffle. Le poisson attend les grands froids de l'Arctique, de la glace très épaisse... si épaisse qu'elle pourrait même supporter un camion de ciment. Dans mes promenades en forêt, j'ai vu cela.

Quand la température baisse à ce point, on entend le bruit de la glace qui prend. Le saumon de l'Arctique respire doucement...

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Tate, ces papiers que vous avez, vous pouvez les donner à M. Baker qui les regardera avec vous.

M. Philip Tate: D'accord. Merci beaucoup. Je m'emporte. Personne ne vient à mon aide.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je comprends.

M. Philip Tate: Cela va avec ces gens... mais quelqu'un va venir à mon aide. La semaine prochaine, j'aurai une réunion et avant de rentrer chez moi, c'est-à-dire d'ici 10 ou 15 jours, je reviendrai pour terminer notre travail, en passant par Vancouver.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci de votre aide.

Monsieur Terry Slack.

M. Terry Slack (directeur, Société de conservation des localités côtières, section de Steveston): Je représente la troisième génération de pêcheurs commerciaux sur le fleuve Fraser. Je suis le directeur de la Société de conservation des localités côtières, à Steveston, et de la société de conservation de l'esturgeon du fleuve Fraser.

J'ai fait distribuer une carte, c'est un cartogramme de la région. Elle a été dessinée à partir d'images satellite de l'estuaire du fleuve Fraser. En tant que localité côtière, notre groupe assume la responsabilité de...

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Bernier, pouvez- vous baisser un peu le ton, derrière, car nous n'arrivons pas à entendre notre témoin. Merci.

M. Terry Slack: Cette carte est un cartogramme. Elle représente la région de l'estuaire du fleuve Fraser que nous pouvons voir à partir de là où nous nous trouvons en ce moment. C'est un bon procédé.

J'en ai une autre ici. Le ministère des Pêches devrait envisager d'avoir recours à cet outil pour gérer la pêche, car l'utilisation du satellite permet de vérifier dans l'estuaire l'étendue des marais que nous sommes en train de perdre. Nous sommes en train d'en perdre beaucoup ici dans les basses terres du Fraser. À l'avenir, cela va avoir une incidence sur la production de saumon dans l'estuaire du bas Fraser.

J'ai ici une autre carte du bras nord. Vous remarquerez en haut de la carte, ce petit bras de rivière que nous appelons le bras nord. Voilà encore une image satellite de cette partie de la rivière. De 12 à 20 p. 100 environ des saumons qui empruntent cette partie de la rivière pour descendre vers la mer—cette partie que nous appelons la fourche nord du fleuve Fraser—ne remontent pas. De 12 à 20 p. 100 environ du frai descend la rivière, mais il n'y a qu'un seul pêcheur commercial qui exploite cet énorme tronçon du fleuve Fraser.

Il faut savoir que cette rivière a été déclarée rivière morte par le ministère des Pêches et des Océans. Le ministère a cessé toute analyse dans cette rivière. Du reste, le ministère ne prend absolument aucune mesure pour le rétablissement de la rivière.

Je vais donc distribuer cette carte, mais je vous ferai remarquer l'énorme population de Vancouver. Si vous prenez la moitié des maisons qui figurent sur cette carte... le matin, on parle de «l'effet de chasse», quand les gens vont à la salle de bains. L'usine d'épuration des eaux usées qui se trouve dans l'estuaire, juste à l'embouchure de la rivière, ne fournit pas à la tâche le matin. Le ministère des Pêches et des Océans appelle ça «l'effet de chasse». L'usine d'épuration est saturée. Le bras nord se remplit donc d'eau usée. Rappelez-vous que 50 p. 100 des maisons qui apparaissent sur cette carte déversent des eaux usées brutes directement dans le fleuve Fraser.

Les interventions de l'homme dans l'estuaire ont entraîné des changements majeurs au stade et au cycle biologique le plus important du saumon. Cette partie de l'estuaire a une telle importance pour le saumon que tout le frai qui aboutit dans l'estuaire de Kamloops—les Autochtones de Kamloops vous en ont parlé. Tout le poisson qui aboutit dans l'estuaire passe obligatoirement dans cette partie de la rivière avant d'arriver dans ce que nous appelons une zone de transition, c'est-à-dire là où le passage de l'eau douce à l'eau salée se fait. Ainsi, le poisson va vers l'océan et revient, à la suite de quoi il est pêché par les habitants des localités échelonnées sur la côte.

• 2300

Les scientifiques en matière d'écologie et d'hydrologie des rivières font face actuellement à des questions très graves à propos de l'estuaire. Quelle surface d'habitat du saumon dans l'estuaire faut-il réserver pour que se développent les saumoneaux, les jeunes esturgeons, et pour qu'à l'avenir, les stocks soient durables? Cela est important. Si cette portion de l'estuaire n'est pas propice, il ne reviendra jamais plus assez de saumons dans le système du fleuve Fraser pour soutenir les trois pêches, la pêche autochtone, la pêche commerciale, la pêche de subsistance des Autochtones et bien entendu la pêche sportive.

Si la rivière ne permet pas à une quantité suffisante de jeunes poissons de revenir dans le bras nord, il n'y aura rien dans le bras nord. De 12 à 20 p. 100 du frai descend la rivière par le bras nord mais rien ne remonte. Le ministère des Pêches et des Océans a déclaré que cette rivière, et non par règlement... Personne ne pêche là. Il y a un seul pêcheur. En 1930 il y avait 400 pêcheurs dans ce tronçon de la rivière que vous venez de voir.

Les possibilités qu'offre aujourd'hui le bras nord—on dit que l'on pourra récupérer cet habitat, que l'on pourra en fait assainir les marécages, le lit de la rivière. Ce qui est vraiment capital ici, c'est que tout ce qui se passe dans l'estuaire, et surtout dans le bras nord, contrevient aux dispositions de la Loi sur les pêches du Canada. Il y avait un faux chenal, appelé faux chenal McDonald—il se trouve sur la carte en haut à droite. En 1962, le ministère des Pêche a fermé ce faux chenal. Il faisait partie de la route migratoire du saumon. On a construit un pont-jeté et bloqué au saumon et à l'esturgeon l'accès au bras nord du fleuve Fraser. Le geste du ministère des Pêches en 1962 était illégal.

Nous nous posons la question: que faisons-nous ici pour protéger ce qui reste? Eh bien, dans le bras nord, nous ne faisons rien. Dans le tronçon principal du fleuve, entre New Westminster et Steveston, il faudrait commencer à faire quelque chose, sans quoi il se produira la même chose dans le bras sud, dans le tronçon principal du fleuve Fraser.

Quand on regarde ces images, ces spatiocartes, on constate les changements que nous avons fait subir à l'estuaire, et on peut se demander quelles seront les conséquences futures de toutes ces jetées, de tous ces murs de dérivation construits sur la rivière? Nous avons transformé cette rivière anastomosée en une rivière découpée en canaux. À l'avenir, on va voir les effets de ces changements hydrologiques dans la rivière, car cette dernière subit de gros bouleversements.

Notre mémoire relate les divers problèmes qu'il faut régler pour réaliser la durabilité de l'ensemble du système. Sans un estuaire sain et fertile, nous ne pouvons plus compter sur une production de salmonidés pour répondre aux besoins des partenaires du secteur. La seule façon de s'en tirer est de veiller à avoir un estuaire très fertile et une rivière très fertile.

Je vais parcourir le mémoire brièvement. Je vais essayer de prendre le moins de temps possible.

Ce mémoire est présenté par le Groupe de conservation des localités côtières, Steveston. Nous représentons les localités côtières échelonnées sur la côte. Notre mandat est de veiller sur cet estuaire. Steveston se trouve dans la zone d'habitat du fleuve Fraser la plus délicate. Toutes les localités côtières qui pêchent le saumon qui remonte le fleuve Fraser sont tributaires de cet estuaire qui sert d'habitat à la reproduction dans les basses terres du Fraser, ici même à Steveston. Ils sont tributaires de cet habitat à Steveston. Notre travail de gardien de cet habitat est de vous faire comprendre que nous en sommes les intendants. Nous sommes des intendants bénévoles. Nous sommes ici pour protéger cette partie du fleuve.

Nous représentons un groupe d'intérêts collectifs dont l'objectif est strictement la préservation, la restauration de l'habitat du saumoneau. Je voudrais ce soir vous parler en détail de nos inquiétudes particulières à propos de la gestion actuelle de l'estuaire et de l'inertie du ministère des Pêches et des Océans malgré les rapports scientifiques fédéraux qui existent.

Il est une question que je me pose sans cesse quand j'entends parler de décisions concernant l'estuaire. Je me demande: qui prend la décision en bout de ligne? Le processus de prise de décision est-il ouvert à tous les partenaires? Le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser est financé par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et également d'autres organisations qui sont partie prenante à la mise en valeur du fleuve... C'est le seul outil. Les décisions ultimes qui sont prises concernant l'estuaire proviennent donc du programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser. Les tâches du programme sont décrites comme un effort coopératif entre trois paliers de gouvernement, le fédéral, le provincial et le local, pour coordonner la planification et la prise de décision concernant les activités de l'homme dans l'estuaire. Un gros document a été publié—et vous l'avez probablement vu—A Working, Living River. Je suppose que puisque vous avez payé pour ce document, vous l'avez vu.

• 2305

Le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser est financé à même des subventions fédérales-provinciales et reçoit un financement supplémentaire de la part de deux commissions portuaires. Voilà que nous rencontrons ici les gens qui véritablement gèrent cette rivière, les deux commission portuaires—la Commission portuaire du Fraser et la Commission portuaire du Nord Fraser. Ces commissions ont un pouvoir énorme dans l'estuaire et elles peuvent renverser des décisions prises par le ministère des Pêches et des Océans. Elles mettent en valeur l'estuaire suivant des principes de rentabilité économique et elles louent le terrain situé le long de la berge, là où se trouve l'habitat du poisson. Ce sont elles qui financent le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser. En fait, des représentants des commissions siègent au comité de cet organisme. C'est ainsi qu'ils offrent leurs conseils à l'organisme.

La gestion du fleuve Fraser n'a pas par le passé encouragé la participation des partenaires lors de la prise de décision. Le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser n'encourage pas des représentants de la population à siéger lors de ses réunions. Quand on en parle aux intéressés, ils pensent que ce programme de gestion de l'estuaire est un système bureaucratique contrôlé par la province et le gouvernement fédéral. Voilà ce que pensent les pêcheurs et les gens qui travaillent sur les estacades flottantes. Ils vous diront que ce programme de gestion ne porte pas ses fruits. Un bras du fleuve est mort et son principal tronçon est menacé.

Je pourrais vous donner certains exemples des décisions prises par le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser. En 1996, les responsables du programme, de concert avec le ministère des Pêches et des Océans, ont décidé de revoir le statut protégé de l'habitat dans une zone de l'estuaire désignée délicate. Lors de ce réexamen, on est passé de la consigne «aucun chantier» à la consigne «chantiers permis dans l'estuaire». Cela venait directement du ministère des Pêches et des Océans. On a donc changé les choses du tout au tout du point de vue du développement. Cette décision a été prise en 1996 par le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser.

Avec cela, on a incorporé une nouvelle ligne directrice, qui n'est pas très précise. Cette ligne directrice s'adresse à des promoteurs éventuels de terrains situés sur la berge lorsqu'il s'agira de choisir ceux qui seront mis en valeur. En fait, on a annoncé aux promoteurs ceci: «Venez avec nous, nous avons de beaux terrains au bord de la rivière qu'il vous plaira de mettre en valeur». Voilà que cela venait directement des responsables du programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser. De nombreux scientifiques, y compris un biologiste du ministère des Pêches et des Océans, Colin Levings, ont affirmé en 1989 et 1994 que ces zones qui étaient les dernières à être extrêmement fertiles devaient absolument être protégées. Ainsi, le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser l'entendait de la bouche de ses propres scientifiques qui réclamaient que ces zones d'habitat soient protégées car c'était les dernières, et voilà qu'on a refusé de les écouter et que l'on a offert ces terrains aux promoteurs.

Dans le cas des États de l'Oregon et de Washington, on s'est livré à une étude au moment où l'on envisageait de modifier la protection de l'habitat et cette étude a conclu qu'après cinq années, les vastes programmes de rétablissement de l'habitat n'y avaient pas porté leurs fruits. Le programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser prétend que si l'on a une zone désignée en rouge, il faut essayer de la restaurer. Il est vrai que dans l'État de Washington on a essayé de le faire mais en vain. Je parle ici d'un rapport de l'État de Washington intitulé Kintula - 1992 qui déconseillait de le faire.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Slack, permettez- moi de vous interrompre un instant. Pouvez-vous essayer... Nous avons reçu votre mémoire, c'est-à-dire le texte que vous êtes en train de lire.

M. Terry Slack: Je sais.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Nous avons donc déjà entre les mains l'essentiel de votre exposé sur le bras nord du fleuve Fraser.

M. Terry Slack: Je voulais vous parler en outre de l'immersion des déchets en mer et des lieux contaminés dans la vallée du bas Fraser. J'ai également des choses à vous dire à propos des changements que subit le système du fleuve Fraser, et l'un des plus importants, c'est le retrait du gravier dans la vallée du haut Fraser par le ministère des Pêches et des Océans. Le ministère est en train de saccager les frayères près de Hope. Voulez-vous que je vous en parle, oui ou non?

Le vice-président (M. Gary Lunn): J'essaie de vous expliquer qu'il nous reste encore quatre ou cinq témoins à entendre et je vous demanderais de résumer...

M. Terry Slack: Je vais vous parler de la dégradation de l'habitat. Actuellement, on est en train de retirer le gravier des frayères à Hope. Permettez-moi de consacrer cinq minutes à cette question.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Allez-y. Merci.

M. Terry Slack: Merci beaucoup. Je poursuis, monsieur le président.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci.

M. Terry Slack: Je vais tracer tout de suite l'histoire de l'habitat, la plaine d'inondation à Hope. Par le passé, cette partie du fleuve comportait une grande étendue d'habitats, c'est-à- dire 65 360 hectares. Voilà la quantité d'habitats qui existaient pour cette partie du fleuve quand nous avions des montaisons importantes sur le fleuve Fraser. Aujourd'hui, l'habitat à Hope, dans cette partie du fleuve, représente 7 319 hectares. Nous avons donc perdu la différence entre 65 000 et 7 000.

• 2310

L'étude s'est aussi penchée sur un bief du bras nord et en a conclu que l'habitat aquatique autrefois représentait quelque 2 896 hectares. Actuellement, ou plus tôt en 1990, l'habitat—c'est-à- dire dans cette partie là du fleuve—représente seulement 109,2 hectares. Nous sommes passés de 2 896 à 109,2 hectares d'habitats fertiles pour les salmonidés. Nous avons perdu 96 p. 100 de notre habitat dans cette zone du bras nord. C'est absolument inadmissible. Le ministère des Pêches et des Océans en est responsable.

En outre, dans le bras nord, on a procédé à la fermeture d'un chenal en disant que le saumon n'aurait plus accès à cet endroit, on l'a ni plus ni moins bloqué. Vous vous souviendrez que je viens de vous en parler. C'est inadmissible. Cela contrevenait aux dispositions de la Loi sur les pêches de 1962. En 1989, le gros des dernières zones d'habitat dans le bras nord ont été remplies de sable et le développement industriel a envahi tout l'estuaire et les biefs supérieurs du bras nord. En fait, aujourd'hui, il existe 52 buses qui déversent des produits chimiques et des eaux usées dans le bras nord, à commencer par l'Université de la Colombie- Britannique pour finir par la ville de New Westminster. Chaque fois que c'est possible, chaque fois qu'on le peut, on déverse des déchets dans le bras nord... En fait, on appelle le bras nord, le fossé. C'est comme ça que les pêcheurs l'appellent—le fossé.

Je vais passer immédiatement à l'immersion des déchets dans le golfe de Georgia. Environnement Canada—c'est-à-dire le ministère des Pêches et des Océans—administre le programme canadien sur l'immersion de déchets en mer. Dans le détroit de Georgia, près du fleuve Fraser, il y a deux sites d'élimination: Point Grey et Sand Heads. Ces sites se trouvent en eau profonde mais ils croisent la route migratoire et la zone de transition de tout le saumon qui remonte le fleuve Fraser.

En 1992 et en 1993, il y a eu autour de ces sites un grand nombre de violations des règlements d'immersion. Le ministère des Pêches et des Océans s'est penché sur les dossiers et a fait en sorte que le public porte des accusations—voyez-vous cela!—contre une société du nom de Valley Towing. Le ministère a demandé au public de porter des accusations. Le ministère n'allait pas le faire.

Ces violations ont donné lieu à une action en justice. L'issue en a été favorable. La société Valley Towing a donc été traduite en justice et ayant perdu dans l'affaire, on lui a imposé une amende d'un million de dollars. Mais il a fallu que ce soit le public qui intente des poursuites en vertu des dispositions sur la protection que contient la Loi sur les pêches. C'est inadmissible.

Actuellement, on s'adonne à de l'immersion en mer... Au moment où nous nous parlons, des convois de sol toxique sont déversés à l'embouchure du fleuve Fraser. Quand le saumon remonte le fleuve pour frayer, les déversements se font directement sur le poisson. C'est inadmissible. Que fait le ministère des Pêches et des Océans? Rien.

Pourquoi n'agissent-ils pas? Parce que la Loi sur l'immersion de déchets en mer relève du gouvernement fédéral, qui en tire profit. De ce fait le MPO se garde bien d'agir: il se moque bien des pêcheries, pourvu que les profits augmentent.

Quant aux sites contaminés des Basses terres de Fraser, dans le bras nord, nous en avons environ sept qui se déversent par filtrage dans la rivière. Dans le bras nord, nous avons une île à laquelle on a donné le non Tchernobyl. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il n'y reste plus aucun habitat ou arbre.

Tree Island, sur les hauteurs du bras nord, a été polluée par le cyanure et par toutes sortes d'autres produits chimiques qui ont dépouillé toute l'île—soit une superficie de sept acres—de toute végétation, de tous les arbres. Le MPO a-t-il engagé des poursuites? Il n'en a rien été.

Sur les rives ou à proximité du fleuve Fraser il y a de nombreux endroits où l'on soupçonne qu'il y a filtration de toxines. Il y en a même un, déjà ancien, au pied même de Oak Street, sur la rive même du fleuve Fraser, au confluent entre le bras central et le bras nord. C'est l'emplacement d'anciennes usines qui déversaient des toxines, par filtration, dans le bras nord du Fraser. Comprenez-vous maintenant pourquoi on ne voit pas de pêcheurs dans cette région, pourquoi il n'y a pas de poissons dans le bras nord? Il y a cinq endroits de ce genre, que le MPO surveille.

• 2315

Tout ce que je peux dire des toxines qui se déversent dans...

Un bon exemple en est le marécage Burns, la plus grande décharge dans le bras principal du fleuve Fraser. Une autorisation a maintenant été accordée de continuer à utiliser le marais comme décharge.

Les marais le long du Fraser sont très importants pour la production de salmonidés: en été, ils déversent de l'eau froide dans la rivière. Un phénomène météorologique comme El Ni«o fait augmenter la température de l'eau en été: les marais jouent donc un rôle utile en déversant constamment de l'eau froide dans le bras principal du fleuve, permettant ainsi au poisson d'y pénétrer.

Que se produit-il au marais Burns? C'est une ancienne décharge de la ville de Vancouver, qui commence à suinter les produits chimiques toxiques.

Le MPO et Delta ont décidé qu'ils allaient y mettre fin, en interceptant les produits chimiques qui étaient déchargés par le marais et en les faisant passer par pompage dans l'usine de traitement de l'île Annacis. Mais cette usine ne peut plus traiter ces produits, et les décharge dans la rivière. Ils passent donc du marais dans la rivière par un oléoduc. Le MPO déclare: «Il n'y a pas de mal à cela: nous traitons les produits contaminants».

Mais il y a tant de sites pollués sur la rivière que leur effet devient cumulatif. Si le MPO essaye de les assainir, cela lui donne une certaine crédibilité. Dans certains sites on utilise un processus de bio-oxydation, pour essayer de diminuer la quantité de produits chimiques déversés.

Prenons un exemple typique, celui de Chatterton Petrochemical, site de Dow Chemical, sur le bras principal de la rivière; ce site a été abandonné. Quand on a procédé à l'analyse des sols, on y a trouvé, enterrées, de grandes quantités de toluène et autres hydrocarbures.

Le ministère a alors décidé qu'il fallait faire quelque chose, et a obligé la société à construire une usine de bio-oxydation, mais là encore les produits chimiques ont été ramenés à un niveau jugé acceptable, et pompés dans la rivière. Vous avez donc des sites considérés comme assainis, ce qui signifie simplement qu'on a réduit la quantité de produits chimiques à un niveau acceptable, et qu'on les a alors déversés par pompage dans la rivière.

Mais tout cela a une action cumulative: avec cinq sites on a procédé de la sorte, et on obtient une accumulation de produits chimiques dans le fleuve.

Là encore, la conversion et le remplacement d'un habitat marécageux naturel, dans le bas de l'estuaire, se fait à une allure alarmante.

Voilà des milliers d'années que la productivité du saumon dans les marécages de l'estuaire, dans la partie basse du fleuve, dépend d'une végétation indigène saine, comme par exemple, la rouche et Carex lyngbei.

Un rapport a été publié sur ce sujet dont les auteurs, MM. Grout, Levings et Richardson, sont des scientifiques du ministère. À ce titre, il est intéressant de relever ce qu'ils ont eu à dire là-dessus.

Dans un document scientifique daté de mars 1997, ces chercheurs notent qu'une plante introduite appelée Lythrum salicaria constituait une grave menace pour l'avenir des marais de l'estuaire. L'expérience a démontré que la salicaire pourrissait en une allure différente de Carex lyngbei, plante qui depuis des milliers d'années assurait la survie de nos marais.

Or ces marais ont été envahis par cette plante, qui prolifère sur tout l'estuaire, et nous craignons que toute l'écologie de nos marécages n'en soit modifiée.

Les scientifiques du MPO reconnaissent la gravité de la situation et la nécessité d'intervenir. Il font dûment leur rapport puis se désintéressent de la suite en disant: «Voyons ce qui va se passer, et si notre habitat va être détruit».

Toutes les laiches indigènes de l'estuaire inférieur du Fraser sont essentielles à la productivité du saumon juvénile. Leur présence est indispensable, et ces plantes doivent être en bonne santé. Le ministère, par le truchement de ses propres scientifiques, déclare: «Il y a quelque chose qui cloche: il faudrait y remédier. Réfléchissons aux mesures qu'il conviendrait de prendre.»

Il y a une quinzaine de jours, le ministère publiait un rapport:

    À l'heure actuelle, la conversion, en Colombie-Britannique, des prairies naturelles est davantage due à la présence de la salicaire commune qu'à l'impact de toute autre entreprise humaine.

Vous avez pu constater sur la petite carte que j'ai fait circuler que l'estuaire et les berges du fleuve Fraser présentaient un peuplement très dense. Cette plante cause plus de dégât que tout ce peuplement urbain dans la vallée du Fraser. C'est déconcertant, et on le voit dans les propres rapports du ministère, mais celui- ci, en ayant pris connaissance, s'enfonce dans l'immobilisme.

• 2320

Depuis le tournant du siècle, le fleuve Fraser a subi des changements physiques considérables. Vous pouvez constater, sur la carte, qu'on y a construit toutes sortes de jetées et murs de dérivation qui, construits sur l'eau, y exercent un effet. Le ministère publie toutes sortes de rapports à ce sujet.

M. Levings, l'un des meilleurs scientifiques du ministère, mentionne dans un rapport que «les conséquences, pour l'habitat aquatique du fleuve Fraser, des jetées et murs de dérivation...» s'il y a des conséquences, pourquoi, pour l'amour de Dieu, a-t-on autorisé leur construction? C'est à cause de toutes ces constructions sur le fleuve Fraser, d'après lui, qu'il va y avoir des répercussions pour l'écologie de la rivière. Eh bien, attendons-les et on fera ensuite un rapport.

J'arrive à la dernière partie de mon exposé.

Parlons maintenant des opérations d'extraction du gravier en aval de Hope, la branche principale du Fraser, avec lequel on fait du béton pour les constructions dans la partie inférieure de la vallée. Ces carrières d'exploitation, situées sur la rivière, ont des incidences profondes sur les bancs de gravier de la rivière. Ces bancs de gravier, en aval de Hope, sont dits anastomosés. La rivière est sillonnée de chenaux avec bancs de sable, et des pressions se font sentir pour exploiter ce gravier et l'utiliser en amont de la rivière.

Le ministère des Pêches et des Océans est chargé, avec des permis et des inspections, de réglementer l'exploitation des carrières de gravier. Or les spécialistes craignent que si l'on continue à enlever le gravier au-delà de la quantité annuellement permise, comme cela se produit, ce gravier n'étant remplacer par rien d'autre, cette surexploitation ne résulte à la longue en une détérioration de l'habitat du saumon, de la truite et de l'esturgeon. Un des spécialistes de l'Université de la Colombie- Britannique a mis en garde le ministère, en lui demandant d'y mettre fin.

Les biefs de gravier du Fraser sont les canaux de frai par excellence du saumon kéta et du saumon rose. Environ 80 p. 100 de ceux qui se dirigent vers le Fraser frayent en aval de Hope, sur ces biefs gravelés. Est-ce que vous vous rendez compte de ce que nous faisons? Nous sommes en train de détruire l'habitat du saumon. C'est également ici que se fait l'élevage des salmonidés juvéniles, en particulier le saumon quinnat, que nous essayons de protéger en Colombie-Britannique, tout en faisant disparaître l'habitat qui leur est indispensable pour essayer de se reproduire. Cet habitat, nous le transformons en ciment dans la partie inférieure de la vallée.

Toutes ces opérations d'extraction des graviers vont à l'encontre des politiques actuelles de gestion des pêches: on reconnaît que pour maintenir les populations de tous les salmonidés il faut protéger l'habitat qui est essentiel pour le saumon, l'esturgeon et le poisson-chandelle. Le ministère reconnaît également que la Loi sur les pêches constitue une politique qui s'oppose à tout déficit de l'habitat. Mais alors, quel nom donneriez-vous à cela? De toute évidence, il s'agit d'un déficit: vous détruisez les aires de frai.

Les marécages et les chenaux latéraux en aval de Hope sont également utilisés par l'esturgeon blanc. Je suis directeur de la Fraser River Sturgeon Conservation Society, et nous nous inquiétons de ne pas même avoir procédé à des expériences. Nous ne savons ce que fait notre esturgeon en aval de Hope, mais nous le privons de ses aires de frai. Notre recrutement d'esturgeon blanc dans le Fraser est très faible à l'heure actuelle. Les biologistes de la province étudient actuellement l'esturgeons blancs dans les passages d'où l'on extrait le gravier. Il est inadmissible d'entendre les scientifiques du gouvernement fédéral dire «N'enlevez pas le gravier», et les scientifiques du gouvernement provincial: «Ce sont là les aires de frai de l'esturgeon: qu'êtes-vous en train de faire?»

Mais tout cela n'empêche pas l'exploitation de gravier de se poursuivre: pas plus tard qu'aujourd'hui le ministère a signé un contrat d'exploitation d'environ un demi million de yards de gravier. N'est-ce pas scandaleux?

Voyons un peu qui est responsable de cette situation, et qui peut y mettre fin. D'après le ministère, les multinationales de ciment et les entrepreneurs sont ceux qui ont besoin du gravier, à savoir Ocean Construction, et d'autres puissantes multinationales du ciment. Elles s'adressent au ministère en disant: «Il nous faut du gravier; enlevez donc ces aires de frai du saumon, c'est là que se trouve le gravier».

• 2325

J'ai reçu aujourd'hui un appel téléphonique d'un avocat qui a fait une constatation intéressante. Dans les passages de gravier du cours supérieur du Fraser 76,9 p. 100 des propriétés... lorsque la rivière baisse et que les bancs de gravier sont exposés, le propriétaire des bancs n'est pas le gouvernement fédéral, mais le gouvernement provincial. C'est donc le gouvernement de Colombie-Britannique qui est responsable de l'extraction du gravier de frai, et c'est à Cathy MacGregor de mettre fin à cette situation. Mais lorsque la rivière gonfle et parvient au niveau du banc de gravier, nous avons une tranche d'eau, et c'est alors le MPO qui est responsable, précisons: de la tranche d'eau, mais non du gravier de frai.

La responsabilité se répartit donc entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral.

Les deux contrats suivants vont porter sur des quantités considérables, plus de 3 millions de verges cubes. L'un de ces contrats a été signé aujourd'hui, deux autres vont l'être.

Si nous laissons faire cela, les pêcheurs vont constater qu'à l'automne il n'y aura plus de saumon rose ni de saumon kéta: leur gravier et leurs aires de frai auront disparu.

Nous devons mettre le holà, et ce sont à la fois les gouvernements provincial et fédéral qui sont responsables, ceux-mêmes qui ont comparu aujourd'hui devant vous.

En conclusion, autour de la rivière Fraser, il y a foison de problèmes relatifs aux ressources, et nous n'en avons évoqué que quelques-uns, mais j'aurais encore beaucoup à en dire...

C'est ainsi que dans le North Arm, on a procédé à trois essais de qualité de l'eau, l'un par le gouvernement fédéral, l'autre par le gouvernement provincial et un par le FREMP. Dans celui du gouvernement fédéral on reconnaît que la qualité de l'eau, dans le North Arm, présente des dangers... Le nageur qui a parcouru le Fraser, en franchissant ce passage, a failli étouffer et a dit que l'eau était extrêmement polluée.

Quels sont les résultats de ces trois études de la qualité de l'eau de la rivière Fraser? Le rapport du gouvernement fédéral constate que l'eau est polluée et que la rivière présente de graves problèmes; le rapport du gouvernement provincial dit que la qualité de l'eau est acceptable et que les problèmes ne sont pas trop nombreux, et le rapport du FREMP affirme que la situation présente quelques problèmes sans toutefois causer de graves inquiétudes.

Ce sont là des études scientifiques. On les parcourt avec perplexité: qui croire? Émanant tous de scientifiques, lequel dit vrai?

Quand je me promène sur la rive du North Arm j'y vois un panneau qui me dit de ne pas avoir de contact avec l'eau, de ne pas m'y baigner, de ne pas y nager et de ne pas permettre à mon chien de s'en approcher. Voilà qui est bien révélateur de la qualité de l'eau.

Nous tous qui utilisons cette ressource, nous comprenons bien qu'une gestion des pêches ne se conçoit pas sans un fondement solide de principes écologiques et de données scientifiques, et des données scientifiques fiables. Nous voulons pouvoir croire ce que nous disent les spécialistes.

Je serais vivement en faveur de la création immédiate d'un nouveau conseil pour la conservation scientifique des pêcheries du Pacifique, conseil dont tous les membres seraient nommés et complètement indépendant des influences politiques ou autres. Un tel organisme, vivement désiré, nous permettrait d'ajouter foi à ce qu'on nous dit sur cette rivière.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Slack.

Nous donnons maintenant la parole à M. John Maden.

M. John Maden (président, Canadian Ocean Frontiers Research Initiative): Bonsoir, mesdames et messieurs. Quand vous avez signé vos documents de nomination, vous ne vous attendiez certainement pas à aller à l'église un jour de semaine, pour y entendre une cinquantaine de sermons l'un à la file de l'autre, dont deux de personnalités ecclésiastiques.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Mais c'est déjà notre deuxième semaine de pérégrination.

M. John Maden: Vous savez donc que je m'appelle John Maden. À mon vif regret, et au risque de vous décevoir, je suis seulement l'homonyme de l'entraîneur de football qui négocie les gros contrats. Je suis cependant directeur d'un organisme intitulé Canadian Ocean Frontiers Research Initiative.

Je vais vous remettre un document de cinq pages. À une heure pareille, et après la journée que vous avez derrière vous, je désespère de pouvoir encore éveiller votre intérêt, et je préfère au lieu de prendre longuement la parole, me désister en espérant que vous aurez le temps de jeter un coup d'oeil à mon mémoire.

Comme beaucoup d'autres, je suis heureux que votre comité s'intéresse sérieusement à la recherche; c'est la première chose que je voulais dire.

• 2330

L'une des questions que vous étudiez, je crois comprendre, c'est de savoir si l'aile de la recherche, au ministère des Pêches et des Océans, ne devrait pas être en quelque sorte indépendante du reste du ministère. Je reconnais que c'est une question qui est au- delà de mes compétences, une question où je suis hors de mon élément, qui est les télécommunications; en effet, je suis consultant en gestion des recherches et du développement, mais je consacre beaucoup de mes temps libres à une cause à laquelle je crois de tout coeur.

Si Northern Telecom devait demander à ses actionnaires de donner à son département des recherches et du développement une place à part, dissociée du reste, ce serait une vraie levée de boucliers. Aussi vais-je insister auprès de vous pour que vous n'en fassiez rien. Le ministère a besoin de s'inspirer davantage de la recherche, et non moins. Et si vous en faites une organisation en quelque sorte indépendante, vous allez vous trouver devant des difficultés, il y aura un fossé entre les deux.

Ce n'est pas pour minimiser les problèmes qui existent et dont l'un, propre presque uniquement aux sciences marines—si je dis «presque», c'est parce que la même situation se présente pour les sciences spatiales—c'est que le gouvernement exerce pratiquement un monopole sur ces sciences.

Dans tous les autres domaines où interviennent les sciences, il y a une concurrence assez vive, mais pas dans celui-ci et ceci parce que—à l'exception du secteur pétrolier, qui n'est pas vraiment présent sur cette côte—il n'existe pas de grandes organisations, indépendantes du gouvernement, capables de se livrer à de gros travaux de recherche.

Je suis persuadé—de même que tous ceux qui sont associés avec COFRI, groupe très représentatif—je vais vous remettre une liste des membres de notre conseil d'administration—je suis donc persuadé qu'il ne faut d'aucune manière affaiblir le secteur de la recherche et du développement, au ministère des Pêches, mais envisager d'autres solutions. Vous pourriez peut-être obtenir 15 p. 100 du budget... Vous avez beaucoup de gens qui ont d'excellentes idées, mais s'il n'y a qu'une seule personne, ou une seule organisation qui prend les décisions, nombre de choses à faire ne le seront pas.

Je suis persuadé que ce comité est en mesure d'amener des changements, et ces changements s'imposent du point de vue structurel. Ce n'est pas quelqu'un du gouvernement qui pourrait recommander une chose pareille, mais vous pouvez le faire, et sans esprit de parti, cela me paraît très important.

Pour obtenir un peu votre attention, je vais vous laisser un document que j'ai intitulé «On économise les millions, et on prodigue les milliards». À bien y réfléchir, c'est ce qui se passe. Nous avons un programme comme la LSPA, qui coûte des milliards, tout le monde en fait des gorges chaudes, et il prête le flanc à la critique. Mais j'aimerais pouvoir dire: si on avait fait un peu plus d'études scientifiques, nous n'en serions pas là. C'est la vérité, mais le problème, c'est que personne ne peut se lever et vous dire: si nous avions dépensé 50 millions de dollars de plus, ou peut-être 100 millions de dollars de plus, par exemple, nous n'aurions pas le problème de la LSPA.

C'est un problème si vaste et il y a tant de choses que nous ignorons de l'océan... que de fois ai-je entendu dire que nous en savons encore bien moins sur l'océan que nous n'en savons sur la surface de la lune, et c'est vrai. Il est beaucoup plus difficile de recueillir des données sur le fond de l'océan qu'il n'est d'envoyer un satellite survoler la lune et en étudier la surface. Je n'ai jamais examiné les chiffres, mais j'ai l'impression que nous avons dépensé beaucoup plus d'argent à nous intéresser à la surface de la lune qu'à explorer l'océan.

Il existe cependant des méthodes pour ce faire, dont certaines élaborées ici même, en Colombie-Britannique, qui pourraient vous permettre de réduire le coût de la collecte de données de 10 p. 100 et davantage, et c'est ce que nous devrions faire.

Les analogies sont nombreuses. C'est comme si je disais à quelqu'un: «Voici un char à boeufs: promène-toi, dis-moi tout ce qu'il y a à dire sur la Colombie-Britannique, explore-là, reviens et fais-moi un compte rendu». C'est à peu près à cela que revient notre connaissance de l'océan.

À la fin des années 70, nous avions, sur cette côte, six navires pour la recherche océanique en eaux profondes. Deux de ces navires étaient des stations météorologiques chargées de recueillir, à l'occasion, des données, et le reste était pour la recherche en bonne et due forme des fonds marins. Il nous en reste un seul. Il y a eu une entente avec la Garde côtière, et nous ne savons pas au juste ce qui va se passer maintenant que nous partageons ces bateaux avec elle, mais il ne nous en reste plus qu'un, pour l'essentiel. Nous ne pouvons pas nous permettre de recueillir des données par navire, nous devons faire preuve de beaucoup plus d'imagination.

• 2335

Ce sont là les principales questions que je voulais soulever.

Quand je parle des millions que nous économisons, et des milliards que nous gaspillons, ce n'est vraiment pas une plaisanterie, et cela ne s'applique pas seulement à la LSPA. Nous savons que les collectivités du littoral sont en proie à de terribles problèmes. Elles sont représentées à notre conseil d'administration, et nous réfléchissons à ce qu'il serait possible de faire. Ces gens doivent trouver le moyen de mener une existence indépendante... Ils ne manquent certainement pas d'idées sur ce qu'ils pourraient essayer de faire, mais il leur faut de l'argent; de l'argent auquel ils pourraient faire l'appoint, mais il leur faut aussi avoir quelqu'un à qui s'adresser pour concrétiser ces idées.

Nous parlons tous du réchauffement planétaire: voilà un programme qui coûte des milliards de dollars. Or les océans y jouent un rôle considérable, et pourtant nous négligeons d'en faire l'objet d'une recherche approfondie. Nous devrions dépenser une dizaine de millions de plus par an pour étudier l'océan, et une somme probablement égale ou supérieure sur la côte Atlantique, avec les organismes intéressés. Cela fait beaucoup d'argent, nous dit- on: peut-être, mais nous avons bien dépensé une centaine de millions de dollars en publicité anti-tabac, et puis nous avons bien d'autres objets de dépense.

C'est là le message, relativement simple, que je voulais vous laisser. J'aurais aimé en parler plus longuement avec vous, mais vous êtes sans doute à bout de forces aujourd'hui; si vous le voulez toutefois, l'un d'entre nous...

Plusieurs scientifiques participent à ce programme, et nous travaillons également en collaboration avec des chercheurs du MPO. Nous ne recherchons pas la confrontation, mais bien plutôt la collaboration avec le ministère. Des représentants du gouvernement provincial siègent à notre conseil d'administration, car nous avons besoin de voix vigoureuses qui puissent se faire entendre et dire: «holà, les gars, réveillez-vous!».

La-dessus, messieurs, il me reste à vous remercier.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Je vous remercie, monsieur.

Je vais d'abord lire les noms suivants: Homer Stevens, Pat Young et Gordon Kibble, tous présents.

Je comprend que chacun d'entre vous veuille prendre la parole, c'est votre droit et nous allons vous écouter, en tout cas en écouter encore quelques-uns.

En toute franchise, je reconnais que nous nous fatiguons. Nous essayons de limiter les gens à cinq minutes, et ce depuis le milieu de la journée. Pourriez-vous essayer de vous en tenir à cela? Les textes écrits seront examinés, et vous parviendrez bien mieux à mobiliser notre attention si vous parvenez à vous en tenir vraiment à l'essentiel. Au cours des prochains mois, pour la préparation du rapport, nous prendrons connaissance de l'information écrite. Je vous remercie de votre compréhension et de votre collaboration à cet égard.

Nous allons d'abord donner la parole à M. Harold Steves.

Nous avons sauté votre tour, parait-il, mais vous avez maintenant la parole. Veuillez toutefois limiter vos commentaires à cinq minutes.

M. Harold Steves (témoignage à titre personnel): Je suis certainement à même de vous comprendre: je siège au conseil de la ville de Richmond, et je viens d'assister à une audience publique qui a durée quatre heures. Croyez donc que je sympathise avec vous.

Comme je viens de le dire, je suis un membre du conseil de la ville de Richmond, et également représentant, pour la côte Sud, de l'organisation pour le développement du poisson de fond, et membre de la Coastal Community Conservation Society.

Certains d'entre vous ont dû voir le livre rouge concernant un problème que nous avons ici sur la côte, et rédigé à l'origine par la Coastal Community Conservation Society. Si vous l'avez sous les yeux, j'aimerais en dire quelques mots.

J'ai quelques louanges a donner au gouvernement libéral, mais il s'agit malheureusement du gouvernement libéral d'il y a 30 ans. J'espère toutefois que cela s'applique également au gouvernement actuel, et que nous pouvons en attendre quelque secours.

David mentionnait que son grand-père était propriétaire d'une des conserveries du port, et c'est dans ce port que nous avons maintenant un grand problème.

Le livre rouge que j'ai distribué présente l'endroit où se trouvent la société B.-C. Packers. Quelqu'un tout à l'heure a mentionné le fait qu'ils construisaient une conserverie en Alaska, et qu'ils achetaient le poisson canadien à meilleur marché auprès des Alaskiens et le mettaient ensuite en conserve comme poisson canadien.

C'est parce que cette société vend sa propriété ici, à Steveston, qu'elle est à même de construire une conserverie en Alaska. En 1903 elle a construit ici la Imperial Cannery, et depuis elle l'exploite. Cette conserverie occupe 30 acres d'une zone industrielle qui vaut 15 millions de dollars, mais cette zone est en voie d'être rezonée, et vaudra alors 50 millions de dollars. L'objectif est donc de retirer cette entreprise de notre port; c'est ce que fait Galen Weston quand il achète notre poisson et le met en conserve en Alaska. Notre communauté s'en inquiète vivement, et je voudrais que vous me donniez votre soutien.

• 2340

Je voudrais faire certains commentaires à propos du gouvernement libéral précédent. La ténacité des pêcheurs de notre communauté est proverbiale. En 1968 Steveston Harbour était entièrement entre les mains d'une poignée de sociétés de conserverie. Les pêcheurs, sur lesquels ces sociétés avaient mainmise, se sont organisé un groupe de défense des travailleurs du port. Fait assez curieux, c'était mon père que le présidait. Ce groupe a réclamé une certaine indépendance, afin d'obtenir un port pour bateaux de pêche, et un quai d'amarrage et de débarquement. Nous nous sommes adressés à Jack Davis, qui était alors ministre des Pêches et qui s'est enthousiasmé pour cette idée. Il a même fait procéder à une étude par la direction de l'économie, du ministère des Pêches. Celle-ci a procédé à une étude pour toute la région de la vallée du bas Fraser, et a décidé qu'il fallait construire un grand dock de déchargement, pour acheminer le poisson vers de petites usines de transformation, à destination des marchés de poisson frais et congelé.

Effectivement, Davis est alors allé de l'avant et ils ont acquis une partie du port. Ils ont construit les quais de la troisième avenue, pas très loin d'ici, l'amarrage pour les embarcations de pêche, et ils ont acheté le terrain pour construire le débarcadère. Malheureusement, il y a eu un changement de gouvernement. Lorsque le gouvernement Mulroney est arrivé, la première chose qu'il a fait a été de lancer un appel d'offres au secteur privé, et ce qui aurait dû être au service des pêcheurs, un débarcadère et un marché public, tout cela a fini par un développement privé des quais.

Nous sommes dans les limbes depuis ce temps-là, étant donné qu'il n'y avait pas de place pour l'expansion des amarrages qui auraient pu assurer ces installations. Avec le gouvernement Mulroney, est arrivée la direction des ports pour petites embarcations, et l'administration portuaire de Steveston s'est transformée en monopole indépendant. Finalement ce port s'est retrouvé sous le monopole à la fois du gouvernement fédéral, par le biais de la direction des ports pour petites embarcations, et de la B.C. Packers. La direction des ports pour petites embarcations du gouvernement fédéral, après le changement de gouvernement, a même refusé d'adresser la parole à la communauté. On tenait des réunions dans la salle à côté d'ici de 300 ou 400 personnes. Ils venaient nous parler et on prenait des décisions en groupe. On nous écoutait. Mais dès que le gouvernement a changé, il y a eu un changement énorme dans l'attitude du MPO et de la direction des ports pour petites embarcations.

Je pense que d'autres vous ont déjà parlé de ces choses ou vous en parleront. Moi, je n'irai pas plus loin, mais j'ai des documents qui remontent à 10 ou 15 ans au moins et qui montrent de quelle manière cette collectivité a été traitée par cette agence fédérale. J'espère que vous allez changer cela un peu.

Nous avons encore une fois maintenant l'occasion de mener à bonne fin ce que Jack Davis et le gouvernement libéral avait envisagé il y a quelques années pour ce port. Maintenant que B.C. Packers quitte la région... Ils ont fermé leur conserverie.

Je dois vous dire encore une chose avant de me lancer dans ce sujet. J'ai travaillé pour B.C. Packers. J'ai pêché dans cette rivière. Je crois que j'ai été la dernière personne à sortir lorsqu'ils ont fermé leur conserverie Phoenix en 1968. Au cours des années, j'ai vu au moins 2 500 personnes perdre leur emploi. Les conserveries opèrent déjà depuis un siècle. Il y en avait 23. Jusqu'à l'an dernier il y en avait encore une; maintenant il n'y en a plus du tout.

Maintenant que B.C Packers s'en va, nous avons par contre l'occasion de ressayer de faire ce que Jack Davis avait l'intention de faire il y a quelques années. Je vous passerai mes notes à ce sujet. Le rapport de la direction économique du ministère des Pêches et des Océans a indiqué que l'un des problèmes qui faisaient obstacle à la construction d'un débarcadère et à la révitalisation du port, c'était qu'il n'y avait pas de terres ou de bâtiments disponibles. Il est quand même intéressant de noter que les bâtiments historiques des conserveries—il en reste quatre des plus grandes en bonne condition dans ce port le long d'un demi-mille de propriétés de B.C Packers—se trouvent sur des terres de la Couronne. Lorsque B.C Packers aura fait changer le zonage de ses hautes terres pour le transformer en zonage résidentiel, cette terre reviendra à la Couronne.

Le gouvernement provincial est le titulaire au nom de la Couronne. Le gouvernement fédéral détient le bail principal pour ce terrain, les terres intertidales où se trouvent les bâtiments de conserverie. Je pense que maintenant nous avons l'occasion de reprendre ces bâtiments, en particulier la Brunswick Cannery, qui se trouve juste à l'extrémité de Number One Road, et nous pourrions construire le débarcadère que nous avions autrefois envisagé. Si nous ne le faisons pas, c'est la fin de ce port en tant que communauté de pêcheurs. Croyez-moi, cela ne prendra pas longtemps. Jusqu'à maintenant, B.C. Packers a fait un peu de débarquement et un peu de transformation. Maintenant il n'y a plus de débarquement et il y n'a plus de transformation. Le ministère des Pêches et des Océans ne fournit des services que pour réparer les embarcations. Toutes les régions industrielles de cette communauté sont ouvertes au développement résidentiel, ainsi que des dizaines et des dizaines de petites entreprises qui desservaient la flotte et qui devront partir et n'auront aucun endroit où déménager si le nouveau zonage imposé par B.C. Packers est accepté. Il n'y aura personne pour réparer les moteurs, personne pour réparer les treuils et les engins de pêche et pour veiller à toutes ces choses dont les embarcations ont besoin. Déjà l'un des chalutiers de haute mer est au carénage à Anacortes Island.

• 2345

Nous avons discuté de ce que nous devions faire de cette propriété au bord de l'eau, et les exploitants de chalutiers de haute mer, qui vous ont probablement parlé plus tôt aujourd'hui, ont trouvé une solution. Ils ont 10 ou 12 embarcations en réserve, de sorte que si nous avons un débarcadère, ils pourrons débarquer quelque 34 millions de livres de poisson de fond par an. Et voici maintenant mon rôle en tant que membre de l'instance chargée du développement du poisson de fond, parce que je connais les quotas et je connais les compagnies qui assurent la transformation de ce poisson de fond; et croyez-le ou non, messieurs, la plupart d'entre elles se trouvent ici même à Richmond. Nous avons au moins une douzaine d'usines de transformation dans la région de Richmond et de Delta; mais la plupart d'entre elles se trouvent à Richmond. Une des usines de transformation à Delta, Lions Gate, décharge bien des chalutiers de poisson de fond, mais le port est tellement étroit et tellement rempli de plaisanciers que les capitaines ont peur d'entrer avec leurs bateaux par peur d'entrer en collision avec un bateau quelconque.

Nous avons beaucoup entendu parler de poissons vendus aux États-Unis. Voici une des raisons pourquoi notre flotte de chalutiers se rend à Bellingham. Or, je ne savais pas cela lorsque j'ai commencé à siéger à la Commission du poisson de fond lorsque nous cherchions à fixer des quotas pour encourager les communautés côtières ainsi que le développement de ces communautés, mais ce dont cette communauté-ci a besoin, c'est d'un débarcadère afin que nous puissions ramener ces bateaux chez nous.

Je ne vais pas entrer dans tous les détails de ce projet; la carte que je vous ai donnée a été au départ préparée par la Coastal Communities Conservation Society. Elle a reçu l'approbation de presque tous les groupes de pêcheurs de ce port: les chalutiers de haute mer, les pêcheurs indépendants, le syndicat des pêcheurs, le CFDC, la Britannia Heritage Shipyard Park et plusieurs autres encore.

Vous avez peut-être déjà entendu dire, effectivement, que la Britannia Heritage est en train d'essayer de mettre sur pied un programme de formation pour recycler les pêcheurs dans d'autres métiers, les pêcheurs et les travailleurs sur terre ferme qui ont été déplacés. L'un des métiers dans lesquels ils les ont recyclés, c'est la construction en bois massif, la reconstruction des quais et des amarrages de la Britannia qui deviendra un chantier naval opérationnel. Au fond, ce que nous envisageons pour ce port si jamais on remet en état quelques-unes de ces installations, c'est que nous aimerions pouvoir utiliser des pêcheurs qui ont été formés dans le cadre de ces programmes pour reconstruire et réparer les installations et on pourrait ensuite former des gens pour les exploiter et les gérer, que ce soit à titre public ou privé. Nous pensons qu'un bon nombre d'entreprises privées voudront aussi venir s'établir ici.

Le grand obstacle sur notre chemin, c'est notre cher ami Galen Weston, qui veut imposer un contrat à cette propriété pour empêcher qu'elle ne soit réutilisée par l'industrie de la pêche. Il ne l'a pas dit en ces termes-là, mais à chaque fois que nous avons suggéré de transformer son demi-mille de terrain au bord de l'eau—même effleurant à peine le bord de l'eau—en zonage industriel pour l'industrie de la pêche, il s'énerve et parle de convertir ce terrain en zone de plaisance et peut-être aussi d'installer quelques flotteurs pour bateaux de pêche mais aucun service, ni sur terre ferme ni au large, qui pourrait assurer une présence de la flotte à cet endroit.

Je vous encourage à bien examiner les preuves que je vous présente. J'ai plusieurs mémoires. J'ai les mémoires de la direction économique du ministère des Pêches et des Océans qui dit qu'en 1985, avec seulement 20 millions de livres, un embarcadère pouvait être envisagé. Avec 34 millions de livres et au moins 15 bateaux de plus, en plus du flétan, du thon, et de tous les autres poissons que l'on débarque le long de cette côte des bateaux hauturiers et côturiers, je pense qu'il est essentiel d'avoir un débarcadère.

Si vous voulez aider les communautés côtières, vous avez certainement besoin d'aider celle-ci, parce que c'est la vie même de notre communauté côtière qui est en jeu. Elle existe depuis 100 ans, mais elle n'existera pas longtemps après 1998, lorsqu'on aura terminé le processus final de zonage à l'Hôtel de ville si B.C. Packers obtient ce qu'il demande. Je vous prie de nous aider. Nous sommes dans une situation désespérée.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Maintenant nous entendrons M. Homer Stevens.

M. Homer Stevens (ancien président, United Fishermen and Allied Workers Union): Monsieur le président et membres du comité, je ne sais pas si ce processus est destiné à nous épuiser ou à nous affamer tous autant que nous sommes.

Le document que je viens de vous remettre a été présenté au nom des pêcheurs de la Colombie-Britannique en 1974-1975. C'est un document qui a trait à ce qu'on appelait alors à et ce qu'on appelle encore aujourd'hui la vente éhontée de nos ressources de saumon.

• 2350

Je suis un peu étonné et inquiet de la manière dont le comité procède. Ayant présenté le point de vue des pêcheurs au cours de ces dernières années, et ce depuis 1953, lorsque j'ai pour la première fois assisté à une réunion du Comité permanent sur les pêches à Ottawa, il me semble que le comité ne devrait pas simplement écouter les témoins, mais aussi leur poser des questions, et les mettre sur la sellette. C'est ce qu'on a fait avec moi. Et je comprenais, malgré la vive irritation que ça me causait et que je ne montrais pas. Au moins, cela m'a obligé à apprendre comment les membres du comité comprenaient les choses que je leur disais et le contenu du mémoire. Et je crois que cela a obligé les membres du comité à essayer de me mettre en difficulté moi et tous les autres témoins.

Je pense que les témoins, dans ce type d'audience, ne savent pas vraiment s'ils ont le moindre impact ou non. C'est très bien de nous dire, comme on l'a dit ici à maintes reprises, laissez-nous les documents et nous les lirons. Mais vous savez bien qu'à votre retour à Ottawa, vous aurez des tas d'autres documents à lire en plus. Presque tout ce que nous présentons ici pourrait être entièrement perdu. J'espère que non.

Au sujet du plan des pêches du Canada, j'ai devant moi, ici, un plan de pêche qui met les intérêts du Canada en relief et qui a été conçu cette année, le 18 juillet, par un groupe de travail technique qui représentait le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. On y trouve plusieurs points au sujet des objectifs et des principes et de la manière dont nous allons protéger les intérêts du Canada dans l'industrie du saumon du Pacifique. Je ne vais pas essayer de les analyser tous en détail. Mais rien n'a été réalisé—strictement rien. On aurait pu tout aussi bien jeter le tout dans la poubelle le jour même où il a été imprimé. Au lieu de protéger les pêcheurs fermement les pêcheurs canadiens, les ressources canadiennes et le droit de la population canadienne de récolter son propre saumon, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont capitulé, ils ont battu en retraite, et ils ont laissé faire les choses comme si de rien n'était.

Les pêcheurs étaient très en colère. J'étais à Prince Rupert. J'ai toujours été un fauteur de trouble probablement depuis ma naissance. Je pense que le dernier à m'avoir décrit de cette manière c'était Roméo LeBlanc à l'époque où j'avais décidé de démissionner du poste de président du syndicat des pêcheurs pour retourner pêcher. Il avait dit que j'étais comparable à une anguille dans le tonneau. Les pêcheurs de morue sur la côte Est mettent une anguille au fond du tonneau de poissons vivants et l'anguille les garde en vie. Je pense qu'il avait l'intention de me faire un compliment. C'est ainsi que je l'ai compris.

Je vous ai présenté une brochure intitulée «Stop the Sell-out». Quelques-unes des déclarations faites ici ont déjà touché au fait que nous devrions avoir le droit de récolter le saumon qui vient frayer dans les rivières canadiennes jusqu'au Yukon et jusqu'au nord de la Colombie-Britannique derrière la péninsule de l'Alaska. Vous avez entendu ce témoignage. Si vous ouvrez ce document, vous allez voir une carte qui montre les fleuves qui viennent se déverser à cet endroit. Où est passé tout cela? Nous avons lancé ce processus en exerçant des pressions sur feu James Sinclair au cours des années 50 pour que soit fondée une pêcherie en utilisant les ressources qui existaient sur place, en utilisant les aptitudes et les connaissances des populations autochtones qui vivaient derrière la péninsule de l'Alaska et dans le Stikine et le Taku, mais quelqu'un nous a coupé l'herbe sous les pieds. Tout a été annulé.

Nous avons le droit en vertu d'anciens traités conclus entre le Canada et les États-Unis de remonter le détroit de Clarence jusqu'à l'intérieur de la rivière Stikine. Alors nous faisions venir les pêcheurs et leur équipement par avion dans cette région et le poisson était expédié par avion aussi.

C'est déjà assez grave qu'un gouvernement ultérieur ait pris la décision de nous retirer mais lors de nos pourparlers avec les Américains en 1974, et j'ai assisté à plusieurs de ces réunions, c'était le représentant du gouvernement du Canada qui a retiré nos droits de pêche dans la région derrière l'enclave de l'Alaska. Nous avons renoncé à tout ce secteur où nous avons justement la possibilité d'exercer des pressions sur les Américains pour qu'ils viennent négocier avec nous en vue de conclure une entente.

• 2355

Historiquement parlant, au moins Jimmy Sinclair a eu le cran de dire aux Américains dans les années 50 que si vous n'aimez pas ce qui se passe maintenant, nous allons vous montrer ce qui se passe réellement et il nous a donné des filets maillants à maillage 90 pour utilisation à 300 brasses dans le détroit Juan de Fuca et il a permis aux senneurs de pêcher à 350 brasses quand la limite était de 250 brasses. Il nous a donné la possibilité de pêcher sept jours par semaine pour que les Américains se trouvent dans la même situation que nous quand ils prenaient les deux-tiers de notre saumon rose qui se dirigeait vers le Fraser et qu'ils nous disaient de faire des efforts de conservation par-dessus le marché. C'est ce qu'il a eu le courage de faire.

Il voulait que nous pêchions sept jours par semaine. En fait, nous ne le faisions pas. Il a amené un groupe de députés faire une partie de pêche en mer une fin de semaine et il a constaté que toute la flotte était restée au port. Il m'a fait une scène de tous les diables après en disant qu'il avait voulu faire un spectacle. Je lui ai dit qu'il aurait dû nous consulter, que cinq jours suffisent et que nous pouvons prendre assez de poissons pour exercer des pressions sur les Yankees.

Si nous décidons de renoncer à la ligne de démarcation que nous avons acceptée si tranquillement en 1957 même si l'Alaska avait refusé de montrer ses cartes marines, il vaut mieux y réfléchir deux fois. On s'est retiré de la pêche au filet de sorte qu'on ne pouvait pas poser un filet sans l'installer à partir de la plage avec un cheval et une charrette. Regardez ce que nous appelons la ligne de démarcation, la ligne bleue, qui suit la côte de la Colombie-Britannique et continue à longer les États de Washington, Oregon et Californie. Alors nous n'allions pas installer nos filets plus loin dans la mer pour attraper des poissons à queue qui remontent aux rivières où ils sont nés. Mais pour ce qui est de l'Alaska, eh bien, ils n'avaient pas de cartes marines.

Lors d'une conversation avec le sous-ministre, George Clark, je lui ai dit de ne rien signer et de ne rien accepter avant qu'ils produisent les cartes où ils vont tracer leurs lignes de démarcation. Il m'a répondu que j'étais trop méfiant. Eh bien, tout cela s'est réalisé. Ils ont tracé une ligne d'un cap à l'autre semblable à ce qu'a fait l'Islande pendant la première guerre de la morue et ensuite ils ont dépassé cette ligne de trois milles, ce qui leur a donné un secteur pouvant aller jusqu'à 20 milles au large de l'entrave de l'Alaska pour pêcher. C'est ce qui leur donne leur avantage actuel.

Nous avons le droit de dire que nous n'allons pas respecter la ligne de démarcation quand eux, ils ne remplissent pas leur engagement en vertu du traité et nous allons aller pêcher en haute mer aussi bien que sur la côte pour attraper ces saumons, pas pour détruire la remonte de saumons mais pour faire comprendre au gouvernement de l'Alaska et au gouvernement fédéral des États-Unis qu'ils ne peuvent pas se comporter n'importe comment avec nous tout en pensant que nous allons faire des efforts pour conserver ces poissons pour l'oncle Sam et ses travailleurs.

En ce qui concerne les travailleurs, j'ai de la famille qui habite aussi loin que la Californie, certains dans l'État de Washington. J'ai beaucoup d'amis en Alaska. Je ne pense pas que ce soit une dispute entre les pêcheurs canadiens et les pêcheurs américains. Je sais que ce n'est pas le cas parce que j'ai pêchée tout près de la frontière de l'Alaska l'année dernière et j'ai entendu que les pêcheurs américains se posaient des questions au sujet de qui serait la prochaine victime. Si ce qui se passe ici a déjà été fait au large de la Californie, de Washington et de l'Oregon, qui sera le prochain? Ce sera l'Alaska. La boucle sera bouclée. B.C. Packers, Canadian Fishing, Allied Pacific Processors, qui font construire des usines en Alaska et ailleurs pour le traitement du poisson, qu'est-ce qui les intéresse vraiment? Est-ce qu'ils s'inquiètent vraiment?

Quelqu'un a dit ici que les transformateurs devraient s'occuper de la transformation et présenter leurs arguments devant une tribune spéciale, mais qu'ils ne devraient rien avoir à dire sur notre façon de gagner notre vie par la pêche. Cela ne va pas se produire. Je sais très bien que ce n'est pas comme ça que cela va se passer et vous le savez aussi. Mais il faudrait au moins donner la possibilité aux pêcheurs eux-mêmes et à leurs familles et aux travailleurs des usines de transformation qui ont contribué à bâtir cette industrie de se faire entendre par quelqu'un à Ottawa afin d'arranger une réunion où ils écoutent ce que nous avons à dire. Autrement, nous n'allons pas faire beaucoup de progrès.

• 0000

Je pense qu'il est possible de conclure une nouvelle entente mais elle doit s'inspirer des principes de l'ancienne. En 1991 nous avons élaboré un accord avec un certain nombre de principes fondamentaux qui sont présentés à la dernière page. Certains autres aspects de cette entente sont également présentés.

Je suis revenu des réunions à Seattle et j'ai voyagé partout sur la côte de la Colombie-Britannique dans des localités que je connais et d'autres que je ne connaissais pas, accessibles seulement par bateau. Les gens voulaient un rapport. Je leur ai dit que l'accord de 1971, conclu entre les deux gouvernements—M. Alfred Needler, sous-ministre des Pêches, représentait le Canada—était le genre d'accord que nous pouvions accepter pendant très longtemps pour ce qui est de la répartition des ressources de saumon.

Eh bien, l'encre venait à peine de sécher que les Américains commençaient déjà à essayer toutes sortes de moyens pour y échapper. J'ai assisté aux Conférences du droit de la mer en 1974, 1975 et 1976 et j'ai vu comment les Américains faisaient des scènes parce que les Japonais ou les Russes auraient intercepté certains de leurs poissons dans le détroit de Bering. Si je ne me trompe, ils n'ont jamais signé la Convention sur le droit de la mer mais ils l'ont invoqué pour défendre les intérêts de l'Alaska et ils ont également voulu l'exploiter en disant qu'ils avaient le droit de récolter le saumon canadien parce qu'il se nourrit en partie dans leurs mers. Ils savent très bien que c'est de la pure hypocrisie.

Ils vont venir à la table de négociation lorsque nous aurons adopté ce genre de stratégie et je vous mets au défi, pas ce comité mais le gouvernement et l'opposition, de proposer quelque chose qui fera revenir les Américains à la table de négociation. Je lis les journaux, je suis les nouvelles à la télévision. J'ai énormément de coupures de presse et je sais que les Américains ne sont pas disposés à participer à des négociations maintenant. Ils ne vont rien faire du tout à moins qu'il y ait des pressions pour qu'ils reprennent les pourparlers.

Nous n'aurons pas de difficulté à parler à nos cousins Américains que nous rencontrons en faisant la pêche ou ailleurs. Parfois ils nous demandent pourquoi on ne les laisse pas faire telle ou telle chose en matière de pêche en Colombie-Britannique ou au large de nos côtes. Je leur réponds qu'ils devraient d'abord faire sauter quelques-uns de ces barrages qui se trouvent sur le fleuve Columbia. Pourquoi ne faites-vous pas quelque chose pour reconstituer les stocks de saumons en Oregon et en Californie? Je pense que c'est votre responsabilité.

Nous ne pouvons pas dicter aux États-Unis ce qu'ils doivent faire en matière de fabrication de bombes atomiques, ni éliminer leurs sous-marins nucléaires de nos eaux, mais vous pouvez au moins exercer des pressions pour la reconstitution des stocks de saumons. Le fleuve Columbia a des aires de frai encore plus grandes que le fleuve Fraser, et elles ne sont pas toutes au Canada.

Quant à la remise en état, j'ai des souvenirs assez précis à ce sujet. Je me rappelle qu'en 1973 Roméo LeBlanc et Dave Barrett ont annoncé un programme du ministère des Pêches de 350 millions de dollars pour la mise en valeur. Je me rappelle aussi qu'avant cela il y avait eu une étude du ministère des Pêches et des Océans qui démontrait qu'il fallait 260 millions de dollars annuellement pendant un certain nombre d'années pour reconstituer les stocks et cela c'était dans les années 60.

Cette fois-ci, de combien s'agit-il, 30 millions, 60 millions de dollars? Qu'est-ce que cela représente par rapport au demi milliard de dollars au moins que cela exige? Demandez donc au gouvernement fédéral et provincial combien ils ont l'intention de consacrer à la restauration de l'habitat du saumon.

Maintenant j'habite l'île Lasqueti à environ 50 milles d'ici et j'ai travaillé avec sept autres personnes afin de remettre en état un cours d'eau. Avant de commencer, j'ai obtenu un exemplaire du rapport rédigé en 1992 par les autorités fédérales et provinciales. Il n'y a plus de saumon dans l'île Lasqueti. On n'y trouve pas de truites anadromes ni d'autres espèces.

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Alors ma femme et moi, nous avons dû aller attraper quelques saumons coho dans le lac de l'île Lasqueti, un peu plus que nous n'en aurions voulu—quand je les ai relâchés, 10 étaient morts et neuf autres vivants—afin de leur prouver qu'il y reste des cohos. Nous avons vu des groupes de 50, 60 ou 100 alevins qui étaient à peine sortis de l'oeuf et nous avons dû les mettre dans des bocaux pour que les gens de Pêches et Océans puissent demander si c'était des saumons et de quelle espèce. Ils ont consulté un gros ouvrage et ont fini par nous dire que c'était des saumons kéta. Nous avions aussi un coho.

La situation est déjà assez grave et quand on demande que des mesures soient prises, on nous répond maintenant qu'il ne reste plus d'argent. Il y a peut-être quelques dollars pour les oeufs qui viennent de Qualicum sur l'île de Vancouver, 50 000 oeufs de coho, mais on ne peut pas obtenir des oeufs de kéta. Nous ne savons pas si nous allons obtenir des saumoneaux.

Tout cela ne représente qu'une partie infime de ce qui se passe le long de cette côte. Si nous voulons reconstituer les stocks, comme tant d'autres l'ont déjà dit, nous pouvons faire appel aux pêcheurs. Nous pouvons demander aux membres des équipages, aux transformateurs et à leur famille et d'autres encore de reconstituer les cours d'eau. Mais on ne peut pas faire tout cela sans les ressources voulues.

Nous devions soulever des rochers afin de construire un système de rétention d'eau pour l'été. Il nous a été impossible d'obtenir un bulldozer ou d'autre équipement. Nous voulons remettre en état les 12 autres cours d'eau. Réfléchissez au nombre de cours d'eau entre ici et Prince Rupert et encore plus loin. C'est possible de faire quelque chose si la volonté de le faire existe.

Je pense que vous le savez, messieurs.

S'ils veulent construire un autre monument comme le siège actuel du ministère des Pêches à Hull... Je ne sais pas ce qu'on trouvait à redire aux bâtiments antérieurs. Ils étaient très spacieux. J'ai dû faire des kilomètres de couloirs pour passer d'une extrémité à l'autre. Maintenant ils veulent en construire un nouveau et l'histoire va continuer à se répéter.

Puis il y a les 2 400 fonctionnaires qui travaillent en Colombie-Britannique, à l'édifice à 550 West Hastings dans le centre de Vancouver derrière des portes fermées à clé. Allez demander combien il y a de fonctionnaires du ministère des Pêches qui travaillent sur le terrain, qui font quelque chose de concret. Peut-être une douzaine.

Comme dernier point, je voulais simplement vous dire que je peux vous en apprendre davantage si vous voulez me contacter. Vous connaissez sans doute mon adresse ou vous pouvez l'obtenir. Je suis le seul de ce nom au Canada.

Je veux dire quelque chose au sujet d'une question qui me touche plus qu'elle n'a touché certains ici ce soir.

Vous connaissez ce vieil adage: diviser pour régner. C'est celui qu'appliquent toujours les entreprises ici. Je veux dire quelque chose aux quelques personnes qui restent ici ce soir... Nous n'aurions jamais rien obtenu, nous n'aurions jamais eu l'assurance-chômage, l'indemnisation des accidents de travail sur les bateaux, nous n'aurions jamais obtenu quoi que ce soit d'intéressant si nous ne nous étions pas tous organisés ensemble, que nous soyons Autochtones ou non. Je ne suis pas dégoûté, mais cela me rend malade d'entendre des gens, certains d'entre eux membres du même syndicat de pêcheurs que moi, se plaindre encore et encore des pêches autochtones, sans se rendre compte qu'un beau jour, il devra y avoir des négociations d'État à État ou de nation à nation.

Nous n'allons pas rendre quelque chose. Nous n'allons pas le rendre à ce qui est un quart de moi, à ce qui a fait l'objet d'un génocide dans ma famille, du côté autochtone. Nous sommes en train de reconnaître qu'historiquement, les trois-quarts de ce que je suis et de ce que vous êtes aussi sont venus dans ce pays et ont pris quelque chose à ceux qui, autrement, étaient tout à fait en mesure de subsister par eux-mêmes et dont la vie aurait été bien meilleure, si nous n'étions jamais venus. Nous reconnaissons au moins, enfin, qu'il existe des droits autochtones et notamment le droit de se défendre.

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Quoi qu'on dise d'autre, je n'adhère pas du tout à ce que pourrait dire la United Fishermen and Allied Workers Union, ou à ce que dit la coalition, ou toute autre coalition qui ne reconnaît pas au moins qu'il faut se pencher sur notre histoire et voir de quoi il retourne.

Étant donné que les universités nous ont trompés, que les églises nous ont trompés, que les politiciens nous ont trompés, nous devons prendre en main notre destin. J'espère que tôt ou tard, les gens commenceront à faire justement cela, dans notre industrie de même qu'ailleurs.

Ce n'est pas qu'ils n'en aient pas le droit. Ils en ont tout à fait le droit. À une certaine époque, j'étais fier d'être membre d'un syndicat, de parler au nom d'un syndicat qui tenait à ce qu'on reconnaisse les droits des Autochtones et à ce qu'on négocie de façon sérieuse. Je ne pense plus vraiment que ce soit le cas.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Stevens. Je vous remercie sincèrement de vos commentaires.

Je vais vous donner une réponse en 30 secondes, au sujet des questions que nous posons habituellement. C'est ce que nous faisons toujours, mais la Chambre ne siège pas et les députés sont censés être dans leurs circonscriptions. Notre comité est très actif et tenait à venir en Colombie-Britannique. Nous essayons de visiter 10 collectivités et d'écouter autant de monde que possible. Si nous posions des questions, nous ne pourrions jamais, jamais écouter tout le monde. Il nous a presque fallu bâillonner les députés et les attacher pour leur faire comprendre qu'ils ne pourraient pas parler pendant 10 jours, c'est déjà assez difficile!

Mais quand nous écoutons des gens comme vous... soyez assuré que vous reverrez dans notre rapport une partie de l'information que vous nous avez fournie. Nous recevons une montagne d'information. Ce n'est pas que nous ne soyons pas intéressés, mais nous sommes assis ici depuis sept heures. C'était un bon exposé et je vous en remercie.

M. Homer Stevens: Voici ma réponse en 30 secondes. Juste à l'extérieur, quelqu'un m'a dit que vous procédiez ainsi parce que vous étiez en voyage. Je tiens à dire qu'un comité de votre genre une fois a visité seulement cinq collectivités, mais en procédant de la façon normale, il y a quelques années, à l'époque où le sénateur Ray Perrault était très actif, de même que Paul St. Pierre et quelques autres. Je les ai suivis à chacune de leurs séances— Prince Rupert, Kamloops, Sidney, Vancouver—et j'ai vu que c'est ainsi qu'ils procédaient, non pas parce que c'est ce que je voulais, mais parce que c'est la façon de faire.

Je pense que ce qu'il faut faire, si vous voulez vraiment faire le tour de la question, c'est organiser une autre série de séances très rapidement, où vous fonctionnerez comme cela, avec des exposés, des questions, et une discussion approfondie. Ce que vous faites est instructif, c'est un bon départ et j'espère que vous élargirez le processus. Je vous suivrez peut-être à Campbell River.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci. Nous en prenons bonne note.

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Monsieur le président...

Le vice-président (M. Gary Lunn): Non, je ne vous ai pas donné la parole. Je viens de dire que les députés ne peuvent pas parler.

M. George Baker: Je voulais simplement signaler à l'auditoire que la dernière fois que je suis venu, il y a bien des années, j'ai rencontré Homer Stevens. J'étais à l'époque secrétaire parlementaire de Roméo Leblanc, Homer. Je me souviens quand on a envoyé Homer aux Nations Unies, à New York. Rendez-vous compte: il en a résulté que le Canada a finalement annoncé qu'il allait durcir sa position par rapport aux pays étrangers et déclarer sa zone de 200 milles, en 1977. Je pense que Homer avait beaucoup à voir avec cela.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Bien! Il faut faire élire Homer député et l'amener à Ottawa. Nous avons besoin de vous là- bas.

Est-ce que Pat Young est là? Je ne vais même pas vous demander de respecter la limite de cinq minutes. Je ne peux plus le faire. Vous pourrez vous asseoir quand vous aurez terminé.

M. Pat Young (témoignage à titre personnel): Il faut des chances égales pour tous. Je vais essayer d'être aussi bref que possible. Je pense que nous avons écouté beaucoup d'exposés ce soir.

Je pense quel le problème est très simple. Il y a un produit, qu'on appelle le poisson, et il faut le conserver.

Il y a deux façons de conserver cette ressource: la méthode à court terme et l'autre, à long terme. Je ne pense pas que la conservation à court terme va préserver mon emploi. J'aimerais pouvoir vous dire que je ferai encore de la pêche dans dix ans, mais en tant qu'entrepreneur, je ne pense pas que ce soit vrai. Je ne fais pas suffisamment d'argent. Vous avez entendu des chiffres aujourd'hui. Si vous aviez des revenus annuels de 8 000 $ et que vous exploitiez un bateau qui vous coûte 10 000 à 15 000 $ par année, sans tenir compte de l'hypothèque sur votre maison ou sur votre bateau, des changements d'engin que nous impose régulièrement le MPO... vous ne pourriez pas rester en affaires.

• 0015

Comme l'un des jeunes fonctionnaires du MPO a dit, il pourrait être millionnaire. Eh bien, je ne veux pas vous sembler condescendant, mais j'étais presque millionnaire et maintenant, je n'ai presque plus rien. Je suis marié depuis 25 ans et ma femme se demande ce qui va nous arriver. Nous allons perdre presque tout ce que nous avons.

Vous devez changer votre façon de penser. Je vais donc changer ma façon de penser et je vais vous poser des questions.

À court terme, le première chose qui doit se faire, c'est que les propriétaires de bateaux soient aussi ceux qui s'en servent pour la pêche, autrement dit, qu'il n'y ait plus de pêcheurs en pantoufles. Seuls les pêcheurs doivent avoir le droit de pêcher dans les eaux canadiennes—et il faut s'assurer qu'ils soient canadiens. Première chose.

Aussi à court terme: nous avons deux consommateurs de poisson. Il y a les mammifères ou les humains. Il y a aussi des phoques et des lions de mer. Il y en a 130 000. Pourquoi ne pas ouvrir la chasse au phoque, dans le but d'en éliminer? Je ne peux pas croire que cette question n'ait pas été soulevée ici aujourd'hui; et je serai probablement le dernier à parler ce soir.

Bien entendu, je ne crains pas ce que pensera le reste du monde si nous tuons des phoques ici, en Colombie-Britannique. Ce qui m'inquiète, c'est la disparition de toute une infrastructure collective, tout le long de notre côte.

Il y a actuellement un producteur sur cette côte qui possède probablement, directement ou indirectement—je ne sais pas si on peut le prouver—50 p. 100 des bateaux de pêche à la senne. Il faut y mettre un frein. Nous ne pouvons permettre qu'un producteur contrôle aussi la flotte. C'est comme ça qu'ils manipulent les prix. Ils savent trop bien qu'ils n'ont pas besoin de payer un autre pêcheur sur la côte. Ils savent que leurs bateaux vont prendre le poisson. Il ne faut pas le permettre. Il faut arrêter ça.

Notre façon de faire des affaires au Canada est devenu si archaïque et si ridicule que je suis dégoûté par la façon dont les Canadiens commercent avec le monde. En tant que pêcheur, lors des manifestations en Alaska, pour la première fois de ma vie, j'ai vu des Canadiens se tenir debout devant les Américains et dire non, nous n'endurerons plus ça.

Mais où étaient nos dirigeants? Où était la volonté politique? Axworthy était à Washington. Je ne sais pas s'il y était à genoux ou non. M. Anderson était perdu, à Terre-Neuve, probablement dans le brouillard. Pendant quatre jours, les pêcheurs de Prince Rupert ont dû endurer l'incessante stupidité des médias qui ne rapportaient pas la vérité.

La vérité, c'est la mauvaise gestion au MPO. C'est tout aussi évident, messieurs, que votre nez. Il est là. Vous ne pouvez pas le manquer. Juste là. C'est flagrant. Mais on ne le voit jamais.

Vous voulez des évidences? Prenons-en une facile. Nous, les pêcheurs, avons été forcés de réduire des deux tiers notre zone de pêche, tout en essayant de gagner notre pain. Pourquoi n'a-t-on pas réduit nos droits de permis des deux-tiers? Ne serait-ce pas logique? Vous réduisez la zone d'un pêcheur de deux tiers, bien, mais vous devez aussi réduire ses droits de permis de deux tiers. Ce n'est pas ce qui s'est produit.

Autre chose qui n'a aucun sens: la création de huit zones différentes pour l'industrie du saumon. Il y en a trois pour la pêche au filet maillant, trois pour la pêche à la traîne et deux pour la pêche à la senne. Bon sang, les gars, un intervenant précédent vient de nous dire que dix bateaux de pêche à la senne pourrait prendre tout le saumon rouge, le saumon rose et le keta de la côte. Quelle est la logique? C'est une mauvaise gestion.

À court terme, il faut aussi dire que c'est la faute des pêcheurs. Nous sommes rapaces. Il y a de la cupidité en jeu. Oui, de la cupidité. Certains d'entre nous semblent croire qu'il faut faire beaucoup d'argent, chaque année. Messieurs, je ne vais pas vous dire que je ne suis pas âpre au gain. Plus je vieillis... J'ai élevé deux enfants et il faut que je pense à ce que je leur laisserai. Ce que je leur laisserai n'est pas ce que j'ai reçu. Quand j'étais jeune homme, j'observais mon père pêcher sur cette rivière. Nous pêchions pendant six mois. Je me rappelle d'avoir regarder le soleil se coucher sur le bateau de mon père et je me rappelle ce que je ressentais.

Mon fils a maintenant 22 ans. Il n'a pas cette possibilité. En fait, je suis content qu'il est là où il est maintenant. Il a un emploi à quai, dans un petit atelier, et essaie de faire suffisamment d'argent pour payer son premier prêt auto.

• 0020

Il y a une chose que je recherche en vous présentant cet exposé. Les intéressés n'ont pas eu leur mot à dire, du début à la fin. Personne à Ottawa n'a écouté ce que nous avons essayé de dire. Les Autochtones ont essayé de leur parler, les aînés, les vieux pêcheurs à la retraite. Toute notre comité, en Colombie- Britannique, a essayé d'avoir l'oreille du MPO pour lui dire ce qui se passait. Ils s'en moquent, messieurs. Ils ne veulent rien savoir.

Je vais vous dire pourquoi. C'est très simple. En ce monde, il y a une puissance importante, et c'est l'AMI. Son but? Éliminer la chose la plus importante dans l'eau. Si on élimine les stocks de poisson, une fois partis les pêcheurs, on pourra construire des barrages et détourner l'eau vers le sud. Si vous me croyez, fouillerz un peu puis téléphonez-moi.

Beaucoup de gens pensent que j'ai perdu la raison, mais peu m'importe. La chose qui compte quand on est pêcheur, c'est qu'on est maître à bord. Vous n'avez pas à faire des façons à qui que ce soit et vous travaillez autant qu'il le faut pour survivre. Mais j'en ai marre de porter sur mon dos la bureaucratie gouvernementale.

Messieurs, vous faites actuellement partie du gouvernement.

Je remarque que les libéraux sont partis; je ne sais pas s'il y a une raison à cela.

S'il reste un libéral, qu'il lève la main. Y en a-t-il? Merci, messieurs. Bien, il y a en deux.

En terminant, je veux que vous compreniez qu'il y a des processus à court terme et à long terme. Je ne pense qu'on aura une solution. Je ne crois pas en la sincérité du gouvernement fédéral. Il n'a jamais été sincère. Nous avons eu trois ministres des Pêches qui nous ont vendu, essentiellement. Ils ont essayé de semer la discorde entre nous. Ils ont essayé les ventes pilotes, et toutes sortes d'autres procédés. Ce ne sont que des écrans de fumée.

Tout ce que veulent les pêcheurs du Canada et de la Colombie-Britannique, c'est faire leur travail. Nous savons comment faire notre travail. Je ne veux pas être formé pour apprendre à utiliser un ordinateur. Si j'enlèvais mes lunettes, je ne verrais rien du tout.

Permettez-moi d'ajouter une chose. J'ai 48 ans et je veux être pêcheur. Je n'ai pas peur. Je viens de vivre cinq années de famine. Pourquoi pas cinq autres? Ce que je veux savoir, c'est si je pourrai sortir MPO de mes filets pour pouvoir prendre du saumon rouge?.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Monsieur Baker, je pense qu'on s'est trompé et que la liste des intervenants est à l'envers. Les meilleurs intervenants arrivent à la fin, alors qu'on aurait dû les recevoir ici lorsque les médias étaient encore là. On nous aurait vu aux nouvelles de dix-huit heures.

Je donne maintenant la parole à M. Kibble. Êtes-vous là?

Je commence à me réveiller. Nous pourrions rester ici encore quelques heures.

M. Gordon Kibble (témoignage à titre personnel): Merci. J'espère que vous me donnerez les cinq heures que vous avez accordées à tous les autres.

Je ne vais pas vous lire mon mémoire, mais je vais vous faire part de son contenu. Messieurs, j'aimerais que vous regardiez le dépliant à mesure que j'en parle.

J'aimerais vous parler aujourd'hui de quelque chose qui nous manque, qui manque depuis déjà quelques années: la coopération.

Si nous voulons conserver nos stocks de poissons, nous devons tous collaborer, que ce soit à l'échelon du gouvernement fédéral, provincial ou local. Jusqu'à présent, je n'ai pas vu de collaboration. Je vais vous en donner trois exemples, qui se sont présentés depuis un an.

Notre premier exemple vient à la fin d'une campagne de quatre ans pour préserver un édifice patrimonial local, afin de l'utiliser comme installation estuaire, pour des activités d'éducation et d'interprétation pour la pêche et l'estuaire du fleuve Fraser. Le groupe que je représente, la Pacific Coast Cannery Society, a fait des démarches auprès du gouvernement fédéral, depuis quatre ans, pour que soit conservé cet immeuble dont il n'a plus besoin. Nous avons fait campagne pendant quatre ans et on a essuyé maints refus. C'est ce que fait le gouvernement depuis quatre ans: il dit non.

J'ai ici une lettre de M. David Anderson, qui me dit que malheureusement, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de détruire l'immeuble. À son bureau, on nous a dit que personne ne savait que l'immeuble allait être démoli.

• 0025

Dans la même lettre, M. Anderson me conseille de donner de mon temps à la Gulf of Georgia Cannery, une installation qui est certes valable, en effet. Mais je ne pense pas qu'un ministre fédéral ait le droit de me dire par écrit ce que je devrais faire de mon temps.

Un deuxième exemple de manque de collaboration implique encore une fois le MPO. Derrière vous se trouve le coeur de la ville de Steveston et juste derrière, il y a une île, l'île de Steveston, aussi appelée l'île Shady. C'est une île à une grande valeur environnementale. Elle abrite beaucoup d'oiseaux et de sauvagines ainsi que du poisson, à longueur d'année. Cette île se trouve directement dans le chemin qu'on connaît mondialement sous le nom de voie migratoire du Pacifique.

Ce soir, je représente un autre groupe, le Lower Fraser Stewardship Program, soit le volet environnemental de la Coastal Community Conservation Society. Nous avons un grand projet environnemental: nous procédons à l'inventaire de l'habitat, de la flore et des poissons, ainsi qu'à la restauration de deux marais du côté sud de l'île. Avant même de commencer à travailler sur cette île, il nous fallait un permis du MPO. Nous avons reçu des fonds du programme Agenda 21 et du programme relatif à l'habitat urbain du saumon, du gouvernement provincial. Nous avons donc reçu de l'argent pour mener à bien ce projet.

Une fois que nous avons obtenu les fonds, nous avons demandé un permis et nous avons attendu, attendu et attendu. Enfin, on nous a accordé un permis pour faire trois petites choses sur l'île. Premièrement, enlever le bois flotté de l'île, et seulement en un endroit. Pour ce qui est du reste de notre programme, de ce que nous voulions faire avec les fonds que nous avions reçu, on nous a opposé un refus net.

Nous avons attendu et attendu encore que ce permis soit élargi. Finalement, après de très nombreux mois d'attente, après que notre échéancier a été mis en suspens, on nous a accordé le permis pour faire certaines choses.

Troisième exemple de manque de collaboration. Revenons à l'immeuble dont je vous ai parlé. Je me suis adressé au ministre provincial de l'agriculture, des pêches et de l'alimentation pour obtenir son aide. Je lui ai raconté toute l'histoire de l'immeuble, de A à Z. Je lui ai demandé son aide. Il m'a simplement dit qu'il n'avait pas les fonds nécessaires pour acheter des immeubles fédéraux.

À ce moment-là, nous étions à la radio et la conversation a été interrompue. S'il était ici, je lui signalerais que l'immeuble avait d'abord été le sien, puisque c'était une propriété marine provinciale. Cette propriété marine a été louée par le gouvernement fédéral, mais tout ce qui se trouve sur le lot appartient au propriétaire.

Il y a autre chose que je voulais dire. J'ai essayé de convaincre une amie de venir vous parler. Elle n'a pas voulu. Il s'agit de Pat Westman. C'est la femme d'un pêcheur qui a pêché toute sa vie. Je lui ai dit de venir, de se faire entendre. Elle a refusé. Elle m'a dit que la compagnie Alcan finirait par tout avoir en l'an 2000 et que ça ne servirait à rien.

Je ne suis pas d'accord. Je pense que nous avons à nous exprimer ici, et il faut que ces choses soient dites par des personnes comme moi, qui font partie de groupes environnementaux ou de groupes de protection de biens historiques, par des personnes qui veulent se rassembler, collaborer et travailler pour sauver le poisson dont tout le monde parle ici aujourd'hui, pour sauver le poisson, pour sauver ce que les Premières nations appellent le don du peuple. Les Premières nations l'appellent «le don du peuple».

Si nous ne sauvons pas le poisson, il n'y aura plus rien à donner au peuple. Si nous ne mettons pas en marche maintenant des initiatives locales, comme ici, en aval du Fraser, où nous voulons mettre sur pied un programme d'adoption de zones afin que d'autres groupes environnementaux et d'autres parties intéressées puissent se rassembler et travailler et tenir compte de la portée plus large...

Il y a quelques années, cette femme dont je vous ai parlé vendait du poisson avec son mari sur les quais de Steveston. Un groupe d'enfants est venu autour de son bateau, pour voir ce qui se passait. Elle a pris son boyau d'eau fraîche et l'a mis à l'eau. Tout d'un coup, des saumons sont venus tout près, pour avoir plus d'oxygène. Les enfants étaient tout étonnés de voir que des petits poissons étaient là. Elle a commencé à leur raconter l'histoire du saumon, de l'endroit où ils naissent, tout en haut des Rocheuses, jusque dans le Nord de l'océan Pacifique, à des milliers de milles. Elle a ensuite commencé à leur parler du retour du saumon.

Ce n'est que l'an dernier que j'ai appris que plus d'un milliard de saumons vit dans cet estuaire. J'ai aussi appris que seulement quatre millions reviendront et remonteront le fleuve. Je pense que ces chiffres doivent être changés et je pense qu'on pourrait commencer à y travailler localement.

Si nous ne commençons pas ici, et maintenant, si nous ne collaborons pas, que ce soit au niveau provincial, fédéral ou local, nous n'arriverons à rien. Nous allons rester chacun de notre côté de la clôture et c'est le poisson qui en souffrira.

Là est toute la question. Il ne s'agit pas d'eux. Il ne s'agit pas de nous. Il s'agit du poisson. Si nous ne faisons pas quelque chose maintenant, des villes comme Steveston, qui risque de disparaître d'ici quelques jours—on pourrait voir les choses ainsi—et d'autres localités côtières, qui considèreront que ce qui arrive à Steveston leur arrivera probablement aussi, vont graduellement disparaître, iront vers l'extinction. Nous savons tous que l'extinction, c'est définitif.

• 0030

Merci.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Kibble.

Je pense qu'il nous reste encore un exposé, celui de M. Kreutziger.

Quelqu'un d'autre veut-il intervenir après lui?

M. Robert Kreutziger (témoignage à titre personnel): Je suis pêcheur commercial depuis de nombreuses années. J'ai travaillé dans les camps de bûcheron et en bien d'autres endroits ici, sur la côte Ouest. Je suis originaire des Prairies.

J'ai de la chance. Comme je suis le dernier, peut-être qu'on reprendra certains de mes commentaires; je ne crois pas avoir obtenu toutes les réponses que je voulais aujourd'hui. C'est pourquoi j'ai été assez déterminé pour rester ici.

Il y a des gens, comme M. Duncan, qui était autrefois à Salmon River. Ce sont des gens qui ont droit à notre respect. Si on multiplie les John Duncan par les milliers d'autres personnes qui vivent sur cette côte sans parler des milliers de fleuves ici... Ils iront au Père Lachaise plus tôt qu'on ne le penserait. Voilà de quoi il s'agit.

Ce que je vous dis ce soir, c'est que personne n'a reconnu la perte de 766 cours d'eau en Colombie-Britannique, en date du 1er novembre 1996, alors que seulement deux ont été perdus en Alaska, pendant la même période.

Il y a une accélération. Nous sommes en 1998. Nous avons commencé dans les années 1800. Ce que je dis c'est qu'on perd rapidement des rivières, avec le temps, quelle qu'en soit la raison. Que ce soit une mauvaise gestion ou une élimination systématique de ces cours d'eau et de ces espèces.

Je veux des réponses à ces questions: pourquoi? Que faisons-nous pour empêcher cela?

J'ai entendu le syndicat, ici, parler de possibilités économiques. Oui, il y a des possibilités économiques. Tout ce qu'il nous faut, c'est une vision de ce que nous voulons.

L'une de ces visions, ou de ces solutions se trouve dans un dépliant du MPO. La rivière Adams. Il n'y a pas tout à fait assez de lumière pour mes yeux, puisque je vieillis, mais on dit ici que 20 p. 100 des alevins de saumon rouge meurent naturellement et que 75 p. 100 sont victimes de prédateurs.

La prédation, c'est le cannibalisme ou quoi qu'il arrive dans les bassins d'élevage. Seulement deux alevins sur 4 000 reviendront.

On ne se rend pas compte de cette prédation avant de lire les livres que j'ai vus. C'est chose courante.

On y parle de rivières et de fleuves—le fleuve Fraser, la Shuswap. Ce sont des gens merveilleux, et de merveilleux éléments de notre écologie. La Nass, la Skeena. Disons qu'il s'agit de 20 lacs et rivières de cette côte où grandit le saumon rouge et où la production est forte.

Ici, nous avons Dolly Varden et la truite. On pourrait créer une autre industrie et tout ce que nous avons à dire... J'ai ici les chiffres de 1946 à 1982. Ils atteignent 365 millions de dollars.

Nous n'avons pas hésité. Nous n'avons pas hésité avant cette année. Dans le secteur du saumon et de la rogue de hareng, nous n'avons pas hésité à payer chaque année 1,75 million de dollars de location afin de pouvoir aller pêcher, tandis que les pêcheurs en pantoufles détenaient des permis. Ils nous ont extorqué cet argent; nous devions payer pour avoir un emploi.

C'est ce que nous avons payé pour avoir un emploi: 175 millions de dollars en une saison. Peut-être ne sommes-nous pas allés jusque-là, mais certainement au-delà de 100 millions de dollars, depuis le début. Voilà ce que sont les frais d'utilisateur pour les pêcheurs: la possibilité de travailler. Ottawa s'en moquait bien. À Ottawa, on ne nous a jamais entendus.

• 0035

Je parle de possibilités économiques. Ici, si nous pouvions éliminer une partie de cette prédation, de la cannibalisation de notre espèce, à hauteur de 75 p. 100, si nous pouvions créer une autre industrie et supprimer les prédateurs de ces lacs, nous pourrions doubler notre rendement; pouvez-vous imaginer cela? Pouvez-vous imaginer que quatre saumons reviennent plutôt que seulement deux?

Vous voulez savoir comment nous pouvons nous remettre. Nous sommes ici, à réfléchir, à nous arracher les cheveux, mais je n'ai entendu personne... J'ai soulevé cette question à une assemblée syndicale et je le fais de nouveau. Peut-être suis-je un peu fou. Alors dites-le moi, et je vais jeter ce document.

Il y a un lac juste ici, le lac Kinbasket; il est en amont du fleuve Columbia. Le fleuve Columbia porte maintenant plus de 200 barrages; il y en a un pour le mica, juste là. Mais à Valemount... Il y a environ un mille entre Valemount, tout en haut de la rivière Thompson... ça s'appelle Canoe Flat. Pourquoi ne pas profiter de ce bassin? Pourquoi ne pas créer dans cette rivière et ce lac un autre habitat pour le saumon rouge?

J'en ai parlé à Jack Nichols l'autre jour. Oui, mais personne n'a trouvé le temps de s'y mettre. On aurait pu y mettre M. Peter Larkin, maintenant décédé. Il nous a quittés l'été dernier. Il m'a dit oui, Bob, il y a suffisamment de nourriture dans l'océan Pacifique pour nourrir 100 millions de poissons. Oui, on peut en mettre 30 autres millions.

Nous sommes comme un troupeau de bouvillons. Nous essayons, essayons, et rien ne se produit. Bon sang, pourquoi ne pas faire un petit effort—ou alors, demander aux chercheurs s'il y a des possibilités? Il y a les Autochtones et les gens, là-haut, qui n'ont pas accès à la mer.

Dans le journal d'hier, j'ai lu qu'on essaierait de faire quelque chose avec ce satané kokanee. Ce saumon est de la même famille que le saumon rouge. Pourquoi ne pas exécuter ce projet?

Je sais qu'il se fait tard, mais j'ai quelques questions importantes. Quelqu'un a-t-il déjà lu le mandat du MPO au sujet de la mise en oeuvre de l'aquaculture du poisson, datant du 26 avril 1986, si je ne me trompe? Quel était ce mandat? En bref, on y disait que l'aquaculture du poisson ne devait pas se faire aux dépens du saumon sauvage—c'est tout. Ils seraient à égalité, sans que l'élevage de l'un se fasse aux dépens de l'autre.

Eh bien, j'ai eu de la chance. J'ai assisté à 30 séances et personne ne m'a rémunéré pour un examen de l'aquaculture commandé par le gouvernement provincial au coût de 1 million de dollars. Le gouvernement a consacré 1 million de dollars et n'a rien obtenu. Je trouve des choses plus intéressantes dans un sac à poubelle ou dans la toilette que dans le rapport sur l'aquaculture du poisson.

Nous avions un docteur, un dénommé Rosenthal, un Européen, un biologiste renommé ou quelque chose comme ça. Il disait qu'en 25 ans, on avait éliminé le saumon sauvage d'Europe, et c'est prouvé. La banque de Norvège a fait faillite, parce que 700 millions de dollars de dettes ne lui ont pas été remboursés.

Plus récemment—et je pense que certains d'entre vous le savent—on disait dans le journal que la quantité de saumon de l'Atlantique avait baissé depuis 1975, passant de 700 000 à 200 000 spécimens. C'est seulement sur la côte Atlantique. Vous n'avez pas suffisamment de temps, et peut-être que vous vous en moquez tous, mais je pourrais vous raconter une histoire d'horreur, à ajouter à toutes celles que vous avez déjà entendues aujourd'hui.

Qu'allons-nous faire à ce propos? Je dois revenir à ce que disait Jim Fulton ce soir concernant la maladie. Vous n'avez pas vu ce qui se passe sur la côte ouest de l'île de Vancouver dans les rangs de la population autochtone.

Le 12 septembre 1994, Simon Lucas, un puissant chef de Hesquiat, se trouvait sur le traversier avec moi et nous avons entamé une conversation. Il m'a dit qu'il ramenait avec lui le cercueil d'une petite fille de 12 ans, mais il m'a aussi précisé à sa façon, et c'est un type très bien, que le cercueil se trouvait sous scellé parce qu'il ne savait pas de quoi la petite était morte.

• 0040

Il y a deux printemps, vers le jour de l'An, un ami m'a téléphoné. Il m'a demandé si je connaissais Bloedel's Channel situé en face de Chatham Point? J'ai répondu que oui. Il m'a dit qu'il y avait deux élevages de goberges à cet endroit et m'a demandé si je savais de quoi on les nourrissait? Eh bien, de saumons atlantiques morts de maladies. Et nous les commercialisons.

J'ai envoyé une lettre à Mme Stancil, à la révision des pêches. Elle m'a répondu: oui, Clare Backman, de Courtenay, le fonctionnaire du ministère, l'agent des pêches là-bas ou l'agent de mise en valeur des stocks a répondu que oui, c'est vrai. Nous avons deux vétérinaires, les Dr Craig Stephen et Mark Sheppard. On a dû leur communiquer ces renseignements. De toute façon, ça m'est revenu. Et c'était que oui, on y nourrissait cette goberge de cadavres de saumons de trois ans. En plus de la pollution, c'est ce qu'ils vous vendent au marché. Et en plus de cela, nous polluons l'environnement.

Je ne veux pas prolonger la séance, mais j'ai entendu parler d'alevins de saumons coho. Grand Dieu, nous avons massacré Jervis Inlet et cette partie du monde avec nos élevages de poissons et on les installe maintenant dans toutes les baies ou les rivières ou les cours d'eau possible et qu'est-ce qui se passe? Il y a un monsieur ici tout à l'heure qui a plongé pour moi sous une de ces piscicultures à Loughborough Inlet. Et ça doit se faire au printemps, pas, contrairement à ce que dit Greg D'Avignon, à l'automne quand le saumon et le hareng et toutes les autres espèces effectuent leur migration. Il a trouvé deux pouces de squelettes. Les poissons ont déjà été digérés, et ils sont tombés jusqu'au fond où il n'y a pas de marée pour tout nettoyer.

C'est là où va notre poisson. Vous êtes venu ici pour savoir où il est passé, ce poisson. Comme je vous l'ai dit, j'ai une pile de bouquins haute comme ça et ce n'est pas moi qui les ai publiés. Ces bouquins sont publiés par le ministère des Pêches, le Comité d'examen des piscicultures. Et ils viennent... Si vous voulez voir à quoi ressembleront certains de ces cours d'eau d'ici quelques années, il ne nous restera plus d'industrie du saumon sauvage: ce sera seulement du saumon d'élevage.

Enfin, je vais résumer, parce qu'il y en a trop à dire. J'aurais une autre histoire à vous raconter, mais voici ce que j'ai à dire à propos des piscicultures: elles vont prendre en main toute cette industrie. Et il n'y a aucune valeur nutritive là-dedans. N'avalez pas toutes leurs sornettes. Qu'ils nous prouvent que ce produit a une valeur nutritive. Il faut se débarrasser des pisciculteurs et de ceux qui les approvisionnent en nourriture et c'est ce qu'ils ont fait au Chili et au Pérou. Il y a un moratoire là-bas. Maintenant, ils disent qu'ils vont les nourrir avec des moulées végétales. Et de quoi seront-elles faites? De menues pailles de blé et de brins de scie trempés dans de l'huile de soja: voilà de quoi on nourrira les poissons dans ces piscicultures.

Allez chez Moore-Clarke; le propriétaire de Moore-Clarke, c'est B.C. Packers. Et il y a pire, regardez Charlie McKee et ce qui s'est passé en Alaska. Oui, c'est un milliard de dollars. Ces gens-là sont acculés au Pôle Nord. Ils doivent signer une renonciation en faveur de ces compagnies de poissons pour obtenir le lait ou la nourriture ou les autres provisions de bouche ou leurs crédits ou quoi que ce soit. Ils ne sont pas vraiment bien renseignés. Tout ce qu'ils savent, c'est que quelqu'un est mort aujourd'hui à Goodnews Bay dans le coin de Bristol Bay.

Mais ce n'est pas le pire. Le pire, c'est ce qui s'est passé avec cette histoire de Ruckelhaus et Strangway, ce qui s'est passé dans le cas des Nisga'a sur la frontière de l'Alaska et dans la vallée de la Nass Valley, cette interception effectuée par les Premières nations américaines et le peuple américain. On n'a pas entendu parler d'un seul poisson attrapé, en Alaska, par les Autochtones. Ils n'ont pas besoin de les inscrire au dossier ni d'en faire rapport ni quoi que ce soit du genre. On n'a jamais entendu dire combien de poissons ont été pris par les Premières nations dans l'État de Washington.

On m'a téléphoné... Il y a un homme merveilleux qui n'était pas ici aujourd'hui et qui s'appelle Frank Barton. On aurait pu avoir ici Jacob Tate, si c'est bien son nom. Il est président des Premières nations. Il aurait pu nous renseigner sur ce qui se passe là-bas.

• 0045

Nous n'avons même pas quelqu'un qui aurait statut d'observateur pour aller contrôler combien de poisson les Premières nations de l'Alaska auraient pu pêcher pour les embarquer sur ces camions et les vendre ou les transférer via le Canada jusqu'à l'État de Washington pour qu'on les transforme en produits finis. Osez-vous l'imaginer? Combien de jours par semaine pêchent-ils, de Boston Rocks à Noyse Island: des gens qui ont la double citoyenneté et qui viennent de l'État de Washington. Ils prennent ce poisson à l'aide de senneurs. On n'a pas entendu une seule question posée à ce propos.

J'ai essayé d'intéresser les médias à la question. Charlie McKee et moi-même sommes allés voir Glen Clark et, Glen Clark, aussi merveilleux soit-il, n'en sait pas plus que ce que lui rapportent ses observateurs.

Pour qui, enfin, nous battons-nous? Qui est l'ennemi?

J'ai posé beaucoup de questions. Mais j'en aurais de plus nombreuses encore à vous poser. J'ose espérer que vous pouvez en tolérer la teneur. J'aimerais bien y trouver réponse, parce que si personne ne me croit, on peut toujours aller vérifier pour soi- même.

Le vice-président (M. Gary Lunn): Merci, monsieur Kreutziger.

Encore une fois, je vous répète qu'il y aura un rapport. Il nous faudra quelques mois. Vous pourrez l'obtenir en le demandant à votre député. C'est un document public.

Je remercie tout le monde de leur patience et de leur apport au débat. Tous ces renseignements nous sont fort utiles.

Cela dit, je vois que M. Baker est à la veille de m'assener un bon coup sur le crâne, alors nous mettrons donc fin à cette séance.

Merci.

La séance est levée.