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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 février 1998

• 0916

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La douzième séance du Comité permanent de la santé est ouverte. Au terme de cette intersession qui nous a permis de travailler dans nos circonscriptions, je souhaite la bienvenue à tous les membres du comité.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les produits de santé naturels. Nos premiers témoins sont les membres du Comité consultatif sur les produits de santé naturels. M. Frank Chandler est président du comité.

Bonjour. Je vais vous demander de présenter vos trois collègues.

M. Frank Chandler (président, Comité consultatif sur les produits de santé naturels): Bonjour et merci.

Avant l'exposé, j'aimerais faire quelques remarques préliminaires. Ce matin, nous sommes quatre, tous membres du comité consultatif. Nous avons été délégués par nos collègues du comité pour exposer leurs points de vue et présenter notre rapport intérimaire.

Je m'appelle Frank Chandler et je suis directeur du Collège de pharmacie de l'Université Dalhousie. J'ai environ 35 années d'expérience dans le domaine des médicaments préparés en laboratoire et environ 20 ans d'expérience dans le domaine des remèdes à base d'herbes médicinales.

Je suis accompagné aujourd'hui par Mary Wu, Dre en médecine chinoise, directrice de la Toronto School of Traditional Chinese Medicine qui pratique elle-même la médecine traditionnelle chinoise; André Gagnon, président de Santé naturelle—André a une expérience considérable dans la fabrication et la distribution de produits de santé naturels—et William LaValley, médecin qui pratique la médecine parallèle et qui est président-fondateur de la Canadian Complementary Medical Association.

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de témoigner ce matin.

À l'origine, en mai 1997, notre comité a été constitué par le ministre de la Santé de l'époque, David Dingwall. À ce moment-là, il s'appelait Comité consultatif sur les remèdes à base d'herbes médicinales. À l'époque nous devions faire rapport au Programme des produits thérapeutiques.

Après les élections d'octobre 1997, le nouveau ministre de la Santé, l'honorable Allan Rock, a reconduit notre comité et peu après, il en a élargi le mandat et l'a rebaptisé le Comité consultatif sur les produits de santé naturels. On nous a alors demandé de présenter notre rapport à votre comité.

Dans les deux cas, notre mandat était de fournir des conseils sur l'application des règlements et des politiques visant les produits de santé naturels. Certaines de nos recommandations ont été mises en oeuvre et ont fait l'objet d'une législation par divers moyens. Nous avons consacré le gros de notre temps à l'élaboration d'un cadre de réglementation repensé qui reflète mieux les besoins des consommateurs et des fabricants de produits de santé naturels.

Je pense qu'il est important de souligner que notre comité reflète la diversité des parties intéressées dans le domaine des produits de santé naturels. Nous représentons diverses cultures et expériences et toute une gamme de compétences. Les membres du comité viennent des quatre coins du Canada et je ne pense pas me tromper en disant qu'ils étaient animés d'une passion. Mais plus important encore, nous nous sommes réunis avec pour objectif d'améliorer le régime actuel et déterminés à travailler à la réalisation d'un but commun. Même si nous n'avions pas les mêmes antécédents ni les mêmes opinions, surtout en ce qui concernait la façon d'atteindre notre objectif, nous avons travaillé ensemble pour cerner les enjeux et préparer des conseils sur les pratiques actuelles, ce qui a abouti à une ébauche du cadre de réglementation.

Mes collègues se sont consacrés attachés à respecter le Mandat confié au comité. À mon avis, ils méritent de chaleureuses félicitations pour avoir tant accompli en si peu de temps. Le comité doit aussi beaucoup aux bons offices d'un grand nombre de personnes de l'équipe du Programme des produits thérapeutiques qui ont travaillé dur et pendant de longues heures afin de nous renseigner sur les questions de réglementation et qui n'ont pas hésité à nous fournir l'aide dont nous avions besoin au comité.

• 0920

Le comité ne s'est réuni que quatre fois. Nous avons tenu une conférence par voie électronique et deux ou trois conférences téléphoniques. S'il est vrai que nous avons accompli beaucoup de travail en très peu de temps, nous ne voulons cependant pas que vous ayez l'impression que tout le travail est fait. Il reste encore beaucoup à faire. Nous avons relevé diverses questions sur lesquelles le comité lui-même doit se pencher et nous espérons pouvoir le faire dans les semaines à venir.

Il importe également de noter que notre rapport préliminaire porte essentiellement sur le cadre de réglementation, c'est-à-dire le tableau d'ensemble. Quant à savoir comment ces règlements seront appliqués et qui s'occupera de leur application et de leur surveillance à l'avenir, ce sont là des questions qui intéressent vivement notre comité, mais à notre avis, ces détails devront faire l'objet de discussions plus approfondies une fois que le cadre de réglementation sera adopté.

Une de nos premières tâches a été de définir ce que l'on entendait par «produits de santé naturels». Notre définition figure à la troisième diapositive. C'est une définition relativement scientifique mais nous avons eu l'occasion de l'approfondir, et à la page 17 de notre rapport, on trouvera plus de détails avec des exemples de produits qui relèvent, à notre avis, de notre mandat. C'est donc pour cette vaste gamme de substances que nous avons élaboré l'ébauche de cadre de réglementation.

Outre la définition de «produits de santé naturels», le groupe a rapidement dégagé un consensus sur un certain nombre de questions fondamentales auxquelles il fallait s'attaquer. Nous les avons présentées sous forme de principes directeurs qui figurent aux diapositives 4 et 5.

Le premier principe directeur est la description du problème tel qu'il existe actuellement et la définition de ce qui sous-tend toute notre activité.

La Loi sur les aliments et drogues, dans sa version actuelle, porte sur deux catégories de substances seulement, les aliments et les drogues. Celles-ci sont clairement définies et pour l'instant, toute substance doit donc être définie ou réglementée soit comme un aliment, soit comme une drogue.

Au début des années 50, quand la loi actuelle a été promulguée, ces deux catégories étaient facilement reconnues par les consommateurs comme par les fabricants. À la fin des années 60, les remèdes à base d'herbes médicinales ont commencé à être offerts sur le marché au Canada. Dans l'ensemble, ces produits étaient, et le sont encore, réglementés comme des aliments, même si le consommateur s'en servait comme d'un médicament ou d'un produit de santé naturel.

Puisque les aliments ne peuvent pas faire l'objet d'allégations sur le plan médical, on pouvait donc trouver ces produits sur le marché sans que ne figure sur l'étiquette un mode d'emploi quelconque. On ne trouvait donc pas de recommandations précises quant à leur utilisation, aux doses recommandées, quant aux précautions à prendre ou aux contre-indications. De toute évidence, le consommateur n'était pas protégé comme il se doit par les règlements visant ces produits-là.

Pour redresser la situation, nous estimons que les produits de santé naturels doivent être définis officiellement. Selon nous, une structure de réglementation séparée composée d'individus ayant une expertise en matière de produits de santé naturels s'impose. Nous croyons qu'il faut un cadre de réglementation pour garantir la qualité et l'innocuité de tous les produits. Nous pensons qu'il faut donner aux consommateurs des renseignements valides et suffisants pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées quant à l'utilisation des produits de santé naturels.

Nous estimons également qu'il faut un régime qui permette de reconnaître les divers modèles culturels des médecines parallèles et permettre une intégration à la médecine conventionnelle. Nous reconnaissons qu'il faut prévoir un mécanisme de conformité aux règlements qui soit efficace et économique. Le régime retenu doit éviter d'imposer aux fabricants une charge financière trop lourde. Nous reconnaissons que le consommateur doit pouvoir jouir de la liberté de choix et d'accès à des produits de haute qualité et salubres. Nous reconnaissons qu'il faut que tous les compétiteurs jouissent d'un traitement juste et équitable. Nous reconnaissons la nécessité de créer un processus d'appels qui soit ouvert et transparent pour l'octroi de licences d'établissement et l'homologation des produits.

À la diapositive 7, figurent certains points que nous considérons comme importants dans la situation actuelle.

Tout d'abord, la Loi sur les aliments et drogues, dont j'ai déjà parlé, ne contient pas de dispositions législatives habilitantes pour les produits de santé naturels. Deuxièmement, la loi est désuète car il faudrait qu'elle reflète des notions comme celles de promotion et de maintien de la santé.

• 0925

L'annexe A est désuète et l'utilisation légale de produits de santé naturels, et même de drogues, par les praticiens comme par les consommateurs est limitée de façon illogique. L'annexe A comporte l'inconvénient de dresser la liste d'un certain nombre de maladies, troubles ou états physiques anormaux pour lesquels des traitements, des thérapies préventives ou des remèdes ne peuvent pas être annoncés ou vendus au grand public—par exemple l'ail qui permet de traiter l'hyperlipidémie—et ce sont des produits qui ne peuvent pas être mis légalement sur le marché à moins de passer par le processus d'homologation.

Il n'existe pas de cadre de réglementation exhaustif pour gérer comme il se doit les produits de santé naturels et, à notre avis, au sein de l'équipe du Programme des produits thérapeutiques, on ne trouve pas les compétences suffisantes et les connaissances spécifiques nécessaires pour traiter adéquatement de la question des produits de santé naturels.

Une fois les problèmes cernés, nous pensons que la solution passe par l'élaboration d'une structure de réglementation séparée avec pouvoir décisionnel permettant d'élaborer des règlements, des politiques et des lignes directrices pour les produits de santé naturels. Cette structure devra être composée de gens qui réuniront expérience, compétences et connaissances en matière de produits de santé naturels. Il faudrait que cette équipe soit distincte de celle qui évalue les produits pharmaceutiques.

Selon nous, il faudrait que l'annexe A soit abrogée et que la commercialisation soit amorcée grâce à une notification des cas où les monographies et les normes existent et grâce à un processus de demandes modifié là où elles n'existent pas. Aux fins de nos discussions au sein du comité, nous avons donné une définition assez large au terme «monographie» ou «norme» que nous considérons pouvoir être un document qui décrit la source, les caractéristiques, l'activité biologique, la toxicité, les précautions, la posologie, et les contre-indications d'une plante ou d'un produit. Si ces monographies existent, on sera dès lors en mesure d'homologuer un produit grâce au processus de notification.

Outre les principes directeurs, on trouvera, dans les diapositives suivantes, le fondement du cadre de réglementation proposé. Au cours de nos travaux, nous avons convenu d'utiliser une approche de gestion du risque. Ainsi, pour cela, il faut une évaluation du risque relatif d'un produit, de la nature des allégations et de la forme posologique. Il faut également être renseigné sur la gravité de la maladie pour laquelle les allégations sont faites et il faut prouver l'efficacité du produit. Plus le risque est grand, plus des contrôles réglementaires serrés s'imposent.

Au cours de l'élaboration de notre cadre, nous avons étudié les rapports entre tous les produits de santé, qu'il s'agisse d'aliments conventionnels ou de produits pharmaceutiques. Comme nous l'avons déjà dit, trois éléments interviennent pour classer un produit comme aliment, produit de santé naturel ou produit pharmaceutique.

Tout d'abord, il y a les allégations. Les allégations portent-elles sur la structure-fonction, sur la réduction du risque ou sur le traitement?

Deuxièmement, quelle est la forme posologique? Par quelle voie le produit sera-t-il absorbé?

Troisièmement, quelle est la catégorie de risque du produit? Faible, modérée ou haute?

Dans notre rapport, nous avons tenté de définir ces éléments de façon plus détaillée.

Le comité a eu beaucoup de mal à préparer le tableau 1 qui regroupe les termes que je vous ai exposés et que l'on retrouve dans notre texte. Nous avons essayé de regrouper dans une illustration graphique tout ce qui a été dit ce matin. Vous trouverez là non seulement un graphique de notre cadre mais également une illustration très éloquente des complexités des questions auxquelles s'attaque notre comité, et avec lesquelles le comité permanent sera aux prises.

Dans ce graphique, nous avons essayé de faire ressortir trois catégories distinctes. Il y a les aliments conventionnels, les produits de santé naturels et les produits pharmaceutiques. Nous avons l'intention de préciser que les aliments conventionnels n'ont pas d'allégations relatives à la santé, que les aliments fonctionnels en ont, et que tous les produits présentés sous forme posologique pourraient éventuellement apparaître sous l'une des quatre catégories. Vous constaterez que le risque dans chacune des catégories est évalué comme élevé, modéré ou faible.

• 0930

Nous avons accompli beaucoup de travail et sur certaines questions, un consensus s'est dégagé. Toutefois, il y a des questions dont il faut discuter davantage pour que le comité parvienne à une conclusion. Nous devons discuter notamment des trois questions importantes que nous avons cernées, mais que nous n'avons pas eu le temps d'examiner. Elles sont citées à la diapositive 12. Nous avons reconnu le besoin d'une structure réglementaire séparée, mais nous n'avons pas encore assez bien défini la nature de cette structure et la fonction qu'elle remplira.

Nous nous sommes entendus sur un processus de notification, mais nous ne savons pas encore s'il s'agira d'un processus prémarché ou postmarché et comment il sera géré. Encore une fois, nous avons manqué de temps. Nous nous sommes mis d'accord sur la notion de licences d'établissement et d'homologation des produits, et de frais connexes, mais nous ne nous sommes pas entendus sur leur nature, sur les avantages et les inconvénients dans chacun des cas, sur la répartition des coûts et sur les détails connexes. Nous avons nous-mêmes encore beaucoup de travail à faire manifestement.

Au cours des semaines à venir, nous envisageons de poursuivre notre travail afin d'aboutir à un consensus sur les questions qui ne sont pas encore réglées. Nous avons l'intention de suivre les exposés qui seront faits devant le comité permanent. Nous préparerons la version définitive de notre rapport sur le cadre de réglementation et nous espérons que cela se fera dans les mêmes délais que le comité permanent a prévus pour lui-même.

Au bout du compte, nous devons pouvoir compter sur un régime qui soit juste et équitable pour les fabricants et qui donne au consommateur l'assurance de produits de haute qualité et salubres dans un environnement propice à l'accès à toute une gamme de produits assortis des renseignements permettant au consommateur de prendre des décisions éclairées.

Madame la présidente, le comité est formé de représentants des secteurs les plus divers et nous vous demandons respectueusement de nous donner une occasion de présenter notre rapport définitif au comité permanent.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Chandler.

Monsieur Hill, avez-vous une question à poser aux membres du comité consultatif?

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci.

Je vous remercie d'être venus. Une question m'est immédiatement venue à l'esprit. Le comité permanent a une tâche qui semble tout à fait épouser la vôtre. En fait, ce que nous faisons est peut-être répétitif. Pouvez-vous nous dire comment nous devrions nous y prendre pour ne pas refaire le travail que vous avez fait, écouter le témoignage des gens que vous avez entendus, etc.? Il ne faudrait pas que nous fassions double emploi.

M. Frank Chandler: Quand le ministre Dingwall a formé le comité consultatif, il nous a confié la responsabilité d'entendre le point de vue de toute une gamme de parties intéressées. Quand le comité permanent a été formé, nous en avons conclu que cela ferait peut-être double emploi. Ainsi, nous avons décidé de nous en tenir à nos propres ressources au sein du comité consultatif qui sont d'ailleurs diversifiées. Ainsi, vous allez entendre les témoignages de gens que nous n'avons pas consultés et c'est comme cela qu'il n'y aura pas double emploi.

Je pense ne pas me tromper en disant que nous espérons, nous au comité consultatif, que vous considérerez ce que nous avons exposé ici aujourd'hui comme un premier jalon dans ce processus et que vous pourrez vous en servir pour formuler un grand nombre de vos questions et orienter les discussions avec les témoins que vous entendrez et que vous pourrez vérifier s'il y a en effet consensus à propos des idées générales que nous avons présentées.

M. Grant Hill: Vous ne mâchez pas vos mots quand vous dites que l'annexe A est désuète et que la Direction générale de la protection de la santé n'a pas les compétences nécessaires pour traiter de cette question. Ce ne sont pas des termes que l'on utilise couramment chez les bureaucrates. Comment donc dois-je interpréter cela quand je me rappelle ce que les représentants de la Direction de la protection de la santé nous ont dit il n'y a pas très longtemps, à savoir que les choses allaient plutôt bien, que des changements énormes ne s'imposaient pas, et qu'au sein de la Direction on connaît bien la question.

M. Frank Chandler: Il y a eu beaucoup de changements au sein de la Direction de la protection de la santé au cours des dernières années. Je pense qu'on s'oriente dans la bonne voie et qu'il existe une ouverture d'esprit permettant désormais de mieux répondre aux besoins des fabricants. Toutefois, les membres de notre comité consultatif sont quand même d'avis qu'il faudrait plus de gens compétents afin de bien répondre aux besoins des fabricants dans leur ensemble.

André, voulez-vous ajouter quelque chose?

• 0935

M. André Gagnon (Comité consultatif sur les produits de santé naturels): Votre remarque comportait deux éléments. D'une part, vous avez parlé de l'annexe A. Je pense que la plupart des gens au Programme des produits thérapeutiques s'accordent à dire que l'annexe A doit être, sinon abrogée, du moins repensée. En fait, un membre de l'équipe du PPT a préparé un document qui contient les arguments militant en faveur de l'abrogation de l'annexe A. Ainsi, voilà une question qui n'est probablement pas aussi controversée que l'autre, c'est-à-dire celle des compétences.

À ce sujet, c'est une chose que d'être expert en pharmacie ou en toxicologie, mais les choses évoluent si rapidement dans le cas de ces produits que suivre ce qui se passe aux États-Unis et en Europe quotidiennement occupe quelqu'un à temps plein. Il ne s'agit pas uniquement d'être capable d'évaluer qui a la capacité intellectuelle d'analyser. Il s'agit de connaître ces produits, ce domaine. C'est ainsi qu'on peut faire la différence entre ceux qui ont la compétence et ceux qui ne l'ont pas. Le jugement n'est pas fondé sur les qualifications de la personne. En fait, il se fonde sur la connaissance réelle qu'on a de ces produits. Ainsi, effectivement, il y a pénurie de ce genre de compétences actuellement.

Dre Mary X. Wu (Comité consultatif sur les produits de santé naturels): Pour ce qui est de la réglementation des produits, j'estime que le personnel du PPT possède bien la compétence voulue pour réglementer les produits pharmaceutiques. En fait, j'admire leur compétence dans ce domaine.

Il ne possède cependant pas la compétence voulue pour réglementer les produits de santé naturels. Il commence à se familiariser avec la question, mais pour bien réglementer les produits naturels, il faut comprendre leur fonctionnement ainsi que la philosophie et la culture qui les sous-tendent. Ainsi, je sais que quelques employés du PPT sont d'origine chinoise, mais il n'en demeure pas moins qu'ils ne comprennent pas vraiment comment il faut réglementer les produits de la médecine chinoise traditionnelle.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): M. Hill a posé la question que je voulais poser. Si vous n'avez pas actuellement suffisamment de compétence pour approuver les produits, de quelle façon pourrez-vous établir un cadre qui correspondra à votre mandat? De quelle façon pourrez-vous élaborer un cadre réglementaire tout en respectant la liberté de choix de la population si vous manquez de compétence pour étudier les produits, comme on le fait dans le cas des produits pharmaceutiques? Quels sont vos objectifs? De quelle façon pourrez-vous améliorer l'expertise des gens qui étudient les produits naturels?

M. André Gagnon: C'est la question fondamentale. Remarquez que le cadre réglementaire peut très bien se concevoir avec tous ces éléments. L'aspect de la définition est très important, de même que l'aspect de l'annexe A. Il y a plusieurs paramètres qui, lorsque mis en place, doivent par la suite être intégrés dans une structure. Le problème le plus important, du moins à mon avis, est cette structure-là. Peu importe les définitions, peu importe quelque élément que ce soit, en bout de ligne, quelqu'un va devoir prendre une décision sur une réclame, sur le fait qu'une substance puisse être vendue ou non au Canada alors qu'elle est vendue, par exemple, aux États-Unis.

Donc, l'objectif que l'on vise, c'est d'avoir en place des personnes qui, en se basant sur ce qui se passe partout dans le monde, seront en mesure de déterminer la valeur d'une réclame, sa véracité, ainsi que l'innocuité d'un produit. Beaucoup de choses reposent sur cet élément, et il n'est pas facile de décider de quelle façon cette structure sera composée.

• 0940

Par exemple, est-ce que le PPT va garder le pouvoir d'employer ces personnes-là? Est-ce que ce seront des employés du PPT ou des employés de l'industrie? Est-ce qu'on aura une forme de comité qui collaborera avec le PPT et l'industrie? Ce n'est pas clair. Chose certaine, le pouvoir décisionnel doit satisfaire les intervenants. Jusqu'à maintenant, ce pouvoir était presque toujours au niveau du PPT, ce qui ne satisfaisait pas l'industrie et ne correspondait pas à la réalité. D'après moi, le plus gros challenge est d'élaborer une structure qui va satisfaire tous les intervenants.

Mme Pauline Picard: À votre avis, quels sont les avantages et les inconvénients du cadre réglementaire actuel?

M. André Gagnon: Il a plus d'inconvénients que d'avantages. Son inconvénient le plus important est d'empêcher la vente au Canada de produits qui ne sont pas dangereux pour la santé, qui sont même utiles pour la santé. On est toujours quatre ou cinq ans derrière les États-Unis ou l'Europe. C'est très important. De toute façon, avec les médias, on reçoit maintenant toute l'information au Canada. Que ce soit par l'Internet, les revues, les journaux ou la télévision, les Canadiens reçoivent toute cette information-là. Ils sont au courant et ils auront toujours des décisions éclairées à prendre en se servant de leur jugement.

Tel est donc l'inconvénient le plus important. On ne peut pas vendre au Canada des produits qui ne sont pas dangereux. On ne peut pas dire à quoi ils servent, et cela pour deux raisons. Premièrement, il y a l'annexe A, qui n'existe d'ailleurs pas aux États-Unis. Cette annexe regroupe tellement de maladies et de ramifications de ces maladies ou de sous-problèmes reliés à ces maladies qu'on limite l'usage de produits qui pourraient être utiles. Donc, c'est un inconvénient majeur. Je dirais que ce sont les deux principaux inconvénients.

En ce qui a trait aux avantages, on pourrait dire que les Canadiens sont surprotégés par ce système de style canadien. On pourrait voir les choses de cette façon. Ils sont très, très protégés, à un point tel qu'au lieu de prendre quelque risque que ce soit, on les prive de produits qui pourraient leur être utiles. Tel est l'avantage.

Aux États-Unis, on a un système tout à fait différent qui est basé sur la libre entreprise. Le système américain est vraiment basé sur l'autocensure de l'industrie. C'est un modèle tout à fait différent.

Au Canada, on est à l'autre extrême. On a un système qui surprotège le citoyen. Est-il possible de trouver une juste mesure? Je l'espère.

Mme Pauline Picard: Merci.

[Traduction]

La présidente: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Je vous remercie.

Je trouve le modèle que vous proposez très intéressant. Dans quelle mesure le gouvernement doit-il s'immiscer dans le processus de la réglementation des produits naturels présentant peu de risque lorsqu'on ne leur attribue pas de propriétés thérapeutiques?

M. Frank Chandler: Je pense pouvoir dire que le comité est d'avis que ces produits pourraient être mis en marché rapidement. C'est ici qu'intervient l'avis de conformité. Nous établissons des normes. Bon nombre de ces produits naturels sont déjà en vente sur d'autres marchés mondiaux, mais ils doivent être homologués au Canada. Nous pourrions faire nôtres certaines des normes qui existent déjà et il suffirait ensuite pour mettre son produit sur le marché de prouver qu'il répond à ces normes ainsi qu'à celles de l'industrie et du gouvernement.

Comme mon collègue l'a dit, la situation actuelle dessert le consommateur étant donné que c'est l'industrie qui décide des renseignements qui seront donnés sur l'étiquette au patient pour lui permettre de faire un choix éclairé. Si l'on décide de demander que le produit soit considéré comme un aliment, le consommateur est laissé à lui-même.

Mme Elinor Caplan: La réglementation ne devrait-elle pas être fonction de l'endroit où le produit se vend? On me dit qu'un consommateur qui va à une pharmacie n'est pas dans la même situation que la personne qui va à un magasin de santé naturelle ou chez un herboriste.

M. Frank Chandler: Nous n'avons jusqu'ici que discuté brièvement de cette question. Nous nous sommes davantage préoccupés de la qualité et de l'innocuité des produits. Notre rapport recommande cependant de réglementer les praticiens. Voilà jusqu'où nous sommes allés. Nous n'avons pas encore établi quelles devraient être les compétences de ces praticiens.

Mme Elinor Caplan: Pourriez-vous nous en dire un peu plus long au sujet de la réglementation des praticiens?

• 0945

M. Frank Chandler: Dans la plupart des cas, les professionnels du domaine de la santé sont réglementés par leur propre profession ou par des lois. L'objectif est de s'assurer que le praticien a la compétence voulue pour donner des conseils au patient.

Dans le domaine des produits de santé naturels, la compétence des praticiens varie beaucoup. Certains sont très compétents et d'autres moins. Certains autres risquent peut-être même de donner des conseils qui seraient nocifs au patient.

Mme Elinor Caplan: Ma dernière question porte sur les attentes des consommateurs. J'appuie le principe de la liberté de choix et je pense qu'on devrait donner aux gens les moyens de prendre des décisions éclairées. Cela étant dit, les Canadiens s'attendent à ce que les produits qu'on leur vend soient de qualité et qu'ils ne présentent aucun risque pour la santé, qu'il s'agisse de produits alimentaires, de médicaments ou de produits de santé naturels. La question est donc de savoir quel devrait être le rôle de l'organisme de réglementation pour ce qui est d'établir l'efficacité d'un produit. Devrait-on simplement permettre aux gens d'essayer un produit pour voir s'il leur sera bénéfique. Je me demande si vous avez réfléchi à la question.

Nous nous entendons tous pour dire que les produits doivent être de qualité et qu'ils ne doivent pas présenter de risque. Une réglementation interdit déjà la publicité trompeuse touchant les attributions de propriétés thérapeutiques. Ceux qui s'adressent à nous sont ceux qui voudraient simplement essayer un produit. Avez-vous réfléchi à cet aspect-là de la question?

M. Frank Chandler: Oui. Le comité en a discuté longuement. Comme notre rapport le reflète, nous nous préoccupons surtout de la qualité des produits. Nous voulons faire en sorte qu'on n'attribue à un produit que les propriétés thérapeutiques qu'il a.

Nous nous préoccupons aussi beaucoup de l'innocuité des produits. Nous voulons pouvoir assurer le consommateur que compte tenu de l'information dont on dispose, le produit qu'il achète ne présente aucun risque. Voilà pourquoi nous recommandons d'imposer des contrôles en ce qui touche l'étiquetage. Certaines herbes ne conviennent peut-être pas à certains groupes de personnes comme les femmes enceintes ou les personnes ayant une tension artérielle élevée. Les mises en garde voulues devraient figurer sur l'étiquette.

Les avis sont partagés au sujet de l'efficacité des produits. Je crois que nous sommes plutôt d'avis pour l'instant de laisser au marché le soin d'en décider.

Mme Elinor Caplan: C'est ce que les fonctionnaires de la Direction générale de la protection de la santé nous ont dit. Ils estiment avoir un rôle à jouer à cet égard.

M. Frank Chandler: Oui.

Mme Elinor Caplan: Le problème qui se pose à l'heure actuelle a-t-il justement trait à l'efficacité des produits?

M. André Gagnon: C'est évidemment un problème fondamental.

Tout dépend évidemment des propriétés thérapeutiques qu'on attribue au produit. Si l'on attribue simplement des propriétés nutritives à un produit, le cas est assez simple. Compte tenu de la réglementation actuelle, on ne peut même pas mettre en marché les produits de ce genre. On pourrait au moins simplifier le processus pour ce qui est des produits auxquels on attribue des propriétés nutritives. La même chose vaut pour les propriétés touchant la structure qui sont assez simples. À titre d'exemple, le calcium renforce la structure osseuse. Ce n'est pas compliqué. Les gens n'ont pas de mal à comprendre ce qu'on entend par là.

La question se complique lorsqu'on attribue des qualités thérapeutiques à un produit. On attribue cependant à la plupart des produits naturels des propriétés nutritives ou structurelles et des propriétés liées à la réduction des risques. Peut-être convient-il de demander plus d'information ou même des preuves lorsqu'on attribue à un produit des propriétés thérapeutiques. Dans le meilleur des cas, on pourrait cependant laisser au consommateur le soin de décider si un produit est efficace ou non. Cela peut sembler simpliste, mais le consommateur cessera d'utiliser un produit dont il n'est pas content.

Certains diront cependant que le consommateur qui prend un produit inefficace s'expose à des risques parce qu'il aurait pu prendre un autre produit qui, lui, aurait été efficace. C'est une observation qui est souvent faite. Je crois que Will pourrait vous donner plus de précisions là-dessus.

Dr J. William LaValley (président-fondateur, Canadian Complementary Medical Association): L'innocuité des produits est évidemment la priorité que nous nous fixons. Nous voulons que les produits ne présentent aucun risque, qu'ils soient en vente libre ou que leur vente soit contrôlée. Nous voulons qu'on signale les contre-indications des produits comme on le ferait pour un médicament d'ordonnance.

J'aimerais revenir à deux points que vous avez soulevés. Le premier a trait à la question de l'efficacité et aux compétences nécessaires pour réglementer l'efficacité des produits.

• 0950

De toute évidence, il est nécessaire de créer un organe décisionnaire au sein d'une structure réglementaire distincte dont le personnel aura la compétence voulue dans le domaine tel qu'il se pratique, que cette pratique soit le fait des consommateurs ou de divers fournisseurs de services de santé traditionnels ou parallèles. Le problème qui se pose est que la réglementation des services de santé est une responsabilité provinciale. La vaste majorité des fournisseurs de services de santé parallèles ne sont pas reconnus.

Nous recommandons donc de faire une distinction entre les produits présentant des risques moyens et les produits qui présentent des risques élevés. L'évaluation du degré de risque serait confiée à un praticien et c'est lui qui établirait quels sont les produits qui peuvent être mis en vente libre.

Lorsqu'on parle de preuve, il est bien évident que la façon dont les produits pharmaceutiques sont évalués diffère grandement de la façon dont les produits de santé naturels le sont. Comme ces derniers posent habituellement des risques beaucoup moins élevés, la marge de sécurité est beaucoup plus grande.

Parmi les facteurs de risque, nous incluons la posologie, la gravité de la maladie et les propriétés qui sont attribuées au produit.

Il s'agit évidemment de savoir qui évaluera ces risques. Jusqu'ici on a demandé à des gens qui ne connaissent pas vraiment la médecine naturelle ni la façon dont on la pratique de faire ces évaluations. Étant donné l'absence de crédits pour la recherche, il est impossible de respecter les critères élevés qui sont fixés... En effet, il est impossible de mener les recherches voulues faute de crédits de recherche étant donné que ces molécules ou ces combinaisons de molécules ne sont pas brevetables.

Nous devons donc nous contenter de ce qui existe, c'est-à-dire des références traditionnelles qui sont éparpillées.

Il existe aux États-Unis une importante banque de données sur la médecine naturelle qui ne cesse de croître. L'Office of Alternative Medicine du National Institutes of Health a amassé beaucoup d'informations sur le sujet.

Nous pouvons aussi tenir compte des tests cliniques qui comprennent les essais cliniques contrôlés, mais qui ne s'y limitent pas. Cela met la médecine traditionnelle sur le même pied que la chirurgie, l'oncologie et la pédiatrie pour lesquelles nous ne disposons pas de très bons essais cliniques contrôlés, ce qui n'empêche pas qu'on consacre beaucoup d'argent et de ressources à la recherche dans ces domaines.

Enfin, il importe de souligner qu'il y a consensus pour éviter qu'on attribue des propriétés déraisonnables. Pour que nous puissions progresser, il faut que l'organisme de réglementation possède la compétence voulue pour intervenir en cas d'abus.

La présidente: Je vous remercie.

Je suis assez souple, mais je vous demande d'être concis dans vos réponses pour que tous les membres du comité puissent poser une question.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): J'aimerais remercier nos témoins de nous avoir donné un très bon aperçu de cette question et d'avoir étudié en profondeur le domaine qui nous intéresse.

Je me pose cependant une question à laquelle nos témoins ne seront peut-être pas en mesure de répondre. Le secrétaire parlementaire ou un autre député ministériel pourra peut-être cependant le faire. La question est celle-ci: Pourquoi sommes-nous ici?

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib): Voulez-vous poser la question ou voulez-vous la réponse avant que vous ne la posiez?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Non, je veux poser d'autres questions.

Nous sommes effectivement en droit de nous demander ce que nous faisons comme comité puisque ce groupe, qui a été constitué par le gouvernement pour proposer un cadre de réglementation des produits de santé naturels, s'est vu confier exactement le même mandat que celui que nous confiait le ministre de la Santé le 13 novembre dernier, soit de mener des consultations, d'analyser le sujet et de faire des recommandations portant sur le cadre législatif réglementaire...

Il serait stupide que le comité propose lui aussi un cadre réglementaire si le ministre a déjà confié cette tâche à un autre groupe s'il compte vraiment tenir compte de son avis.

• 0955

Ne serait-il pas plus logique, si le gouvernement et le ministère de la Santé ont déjà opté pour un cadre réglementaire, que nous demandions ce qu'en pensent les particuliers et les organismes qui comparaîtront devant nous au cours des deux prochains mois?

Je ne veux pas passer mon temps à réinventer la roue si le travail est déjà en cours et que c'est dans cette voie que nous nous dirigeons. Il vaudrait beaucoup mieux que nous demandions l'avis des gens sur ce cadre pour y apporter des améliorations au besoin.

Nous savons également que le porte-parole du Parti réformiste compte proposer un projet de loi visant à faire en sorte que les aliments ne soient pas considérés comme des médicaments. Du travail se fait donc à cet égard.

Compte tenu des accords internationaux qui existent et du fait que les normes internationales touchant les produits de santé naturels varient, des travaux sont sans doute en cours dans ce domaine également. Je n'aimerais pas que le comité fasse tout simplement double emploi.

La présidente: Voulez-vous que M. Volpe ou que M. Chandler réponde à votre question?

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais d'abord que M. Chandler nous dise où en est son rapport.

M. Joseph Volpe: J'aimerais d'abord invoquer le Règlement. Je suis sûr que M. Chandler meurt d'envie de répondre à une question qui est de nature politique, mais permettez-moi d'abord d'intervenir parce que je dois m'absenter.

Il est tout à fait surprenant de voir que la porte-parole du NPD a la même position sur cette question que le porte-parole du Parti réformiste. Tous deux ne comprennent pas le processus démocratique parlementaire.

La question qui vient d'être posée m'indique que le ministre et le ministère ont fait ce qu'il convenait de faire, c'est-à-dire consulter les spécialistes du domaine. Je remercie la députée de le signaler.

Par ailleurs, la députée a peut-être confondu «compétence» et «participation publique». Il incombe au comité de consulter aussi largement que possible le public au sujet de ce qu'on perçoit comme étant une entente politique. Si, comme son collègue du Parti réformiste, la députée pense qu'il faut donner carte blanche aux spécialistes, je suppose qu'on pourrait tout aussi bien faire fi du Parlement.

Le processus actuel fait partie intégrante du processus politique. Nous espérons que M. Chandler et d'autres spécialistes du domaine feront part de leurs conclusions non seulement au ministre, mais aussi au Parlement, par l'intermédiaire de ce comité, pour qu'ensemble nous puissions en arriver à une décision qui sera dans l'intérêt de la population canadienne.

Je sais que c'est ce que M. Chandler voulait dire, mais je n'ai pas pu m'empêcher de mordre à l'appât.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'invoque aussi le Règlement. Je crois que le secrétaire parlementaire comprend mal ma position. Nous appuyons clairement l'idée qu'on consulte aussi largement que possible la population sur cette question importante. Je suis cependant d'avis que le principe de la démocratie serait mal servi et qu'on placerait dans une situation injuste les gens que nous consulterons si le gouvernement a déjà décidé de la forme que prendra le cadre réglementaire.

J'essaie simplement de savoir où en est ce rapport pour avoir s'il ne conviendrait pas plutôt de demander ce qu'en pensent ceux que nous allons consulter. Si des travaux sont déjà en cours, je crois qu'il conviendrait d'en tenir compte. Je crois poser une question raisonnable.

M. Joseph Volpe: Je ne veux pas préjuger l'issue des travaux du groupe que préside M. Chandler, mais je suis sûr que celui-ci sera heureux d'avoir l'occasion de rejoindre le grand public par l'intermédiaire de ses représentants. Voilà l'une des fonctions d'un comité.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'en conviens.

M. Joseph Volpe: Nous ne préjugeons pas l'issue des travaux du groupe et j'espère que vous ne le ferez pas non plus.

La présidente: Merci, monsieur Volpe.

Monsieur Chandler, voulez-vous ajouter quelque chose?

• 1000

M. Frank Chandler: Je crois qu'on a déjà répondu à ma place, et fort bien, merci. Mais comme je l'ai dit plus tôt, notre mandat initial consistait à utiliser les ressources que nous avions à l'interne pour mettre au point un cadre que nous soumettrions ensuite pour commentaires à tous les intervenants au pays. On a modifié ce processus à l'arrivée du nouveau ministre. Nous tâchons encore de mettre au point ce cadre et de vous le soumettre, mais la consultation avec les parties intéressées doit encore avoir lieu.

Nous ne sommes que 19 personnes au comité, mais nous provenons tous d'horizons très divers, et nous avons parmi nous des consommateurs, des Autochtones, toutes sortes de gens. Je serais ravi, et je pense que le comité consultatif aussi, si vous considériez notre cadre de réglementation comme étant une étape initiale et en discutiez avec d'autres au cours de vos délibérations, pour voir si ça marche, ce qu'il faut peaufiner, ce qu'il faut laisser tel quel. Si l'on pouvait aussi nous communiquer ces réactions de manière suivie, nos discussions ne s'en porteraient que mieux.

La présidente: Merci, monsieur Chandler. Le comité consultatif communiquera-t-il son rapport intérimaire au comité?

M. Frank Chandler: Je croyais que c'était déjà fait. Il s'agit d'un rapport de 16 ou 17 pages.

La présidente: Non, nous n'avons pas reçu votre rapport intérimaire. Pouvez-vous nous l'envoyer?

M. Frank Chandler: Absolument.

La présidente: Si vous l'envoyez au greffier, nous en obtiendrons tous une copie.

M. Frank Chandler: Toutes mes excuses. Je croyais que cela avait déjà été fait.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, madame la présidente.

Le comité consultatif peut-il nous dire s'il a consulté les organismes internationaux de réglementation dans le cadre de son étude et nous communiquer toute information dont il dispose de cette source.

M. Frank Chandler: Nous ne les avons pas consultés, mais nous avons pris connaissance de documents de divers pays où l'on fait état de leur position et des initiatives qu'ils ont prises pour réglementer dans ce domaine. Je crois savoir que le Programme des produits thérapeutiques, ou la direction qui en est chargée, s'emploie sur le plan international à mettre au point des protocoles d'entente ou des accords, peu importe comment on les appelle, pour définir les normes qui existent ailleurs dans le monde.

M. Lynn Myers: Pourrions-nous obtenir copie de ces textes une fois qu'ils auront été formulés d'une manière ou d'une autre?

M. Frank Chandler: Nous y faisons rapidement allusion dans notre rapport. Nous avons lancé cette initiative canadienne sachant ce qui se passe ailleurs dans le monde. Mais nous pourrions vous faire parvenir certains de ces textes documentaires.

M. Lynn Myers: Avez-vous une idée, étude faite, de l'ampleur des ventes et de l'utilisation des produits de santé naturels? Savez-vous dans quelle mesure on les consomme, et est-ce qu'on a procédé à une catégorisation?

M. Frank Chandler: La consommation est très importante. C'est une des catégories qui connaît la croissance la plus rapide au niveau des ventes, des dollars et du volume, de tous les produits relatifs à la santé au pays—en fait, dans tout le monde occidental—à l'heure actuelle.

M. André Gagnon: À l'heure actuelle, les produits de santé naturels ne sont pas identifiés dans les enquêtes de Statistique Canada. La plupart des chiffres nous proviennent de l'industrie, de diverses associations où l'on peut obtenir ce genre d'information. Je peux me tromper, mais on ne trouve aucun chiffre officiel à Statistique Canada. Vous pourriez avoir là des données sur les vitamines et les suppléments minéraux, mais ces données ne font état que d'un petit segment de l'ensemble dont il est question ici.

J'aimerais répondre au premier volet de votre question, qui portait sur la réglementation internationale. À mon avis, une étude sérieuse de cette question nécessiterait beaucoup de temps, parce qu'il faut la faire. Nous devons accorder davantage d'attention à ce qui se fait ailleurs. Nous n'avons pas nécessairement le temps ou les ressources voulues pour ce faire. Il faut voir d'un peu plus près ce qui se passe ailleurs, et non se contenter de dire simplement, eh bien, le modèle américain pose des problèmes. On entend ça souvent. On va vous le dire: le système américain comporte plusieurs problèmes. Mais on vend quand même ces produits aux États-Unis, on y fait des affaires, et on ne note pas beaucoup de cas de nocivité dans la population. Je pense que nous avons écarté cela trop vite. Nous ne consacrons pas assez de temps à cette question.

M. Lynn Myers: C'est également mon humble avis.

J'aimerais revenir à la question de l'évaluation et de la gestion du risque. Êtes-vous d'accord vous aussi pour dire qu'il faut divers niveaux de preuve, selon les catégories, les vitamines et les minéraux, les médicaments homéopathiques, médicinaux et autres? Si oui, comment allez-vous départager tout cela? Comment va-t-on procéder?

M. Frank Chandler: Je suis d'accord pour dire qu'il existe un niveau différent. C'est une des questions où il nous reste encore beaucoup de travail à abattre: qu'est-ce qui est acceptable à chaque niveau. Je pense qu'il faut d'abord tracer un portrait général de la situation, eh oui, nous sommes d'accord pour dire qu'il faut divers niveaux d'expertise et de preuve pour diverses catégories, divers niveaux de risque. Mais comment procéderait-on...

Je suis dans le domaine pharmaceutique, et il nous a fallu 12 ans pour faire la même chose avec le tableau des médicaments. J'espère que nous avons appris beaucoup de ce côté et que nous pourrons agir ici beaucoup plus rapidement.

• 1005

Dr William LaValley: De manière générale, surtout lorsqu'on prend en compte de plus grands ensembles démographiques, qu'il s'agisse de l'Europe ou des États-Unis, on voit, d'après des preuves documentaires qui remontent à loin, que la consommation élevée pour ces produits pendant des périodes soutenues présente une marge de sécurité très élevée ainsi qu'un faible risque.

À mon avis, le problème qui se pose pour nous tient au fait qu'il subsiste de nombreuses questions sur la sécurité et le manque de preuves quant à l'efficacité, et l'on confond souvent les deux.

Le problème de la sécurité n'est pas le même que celui de l'efficacité, et quand on voit les statistiques pharmaceutiques... Je tiens à le dire très clairement et officiellement, je recommande fortement les médicaments d'ordonnance, ou produits pharmaceutiques, à mes patients, et je crois que leur utilisation est très nécessaire dans notre système de soins de santé. Voyez les données publiées par le Journal of the American Medical Association, et vous allez constater que chaque année, 100 000 Américains meurent de la consommation de produits pharmaceutiques. Voilà ce qu'on sait. On considère cela comme un risque acceptable.

Si vous cherchez maintenant des données dans le même sens relativement aux produits de santé naturels, ces données sont rares ou inexistantes. Il s'agit donc d'une catégorie tout à fait différente, et voilà pourquoi nous devons en reconnaître le caractère unique. Nous devons aussi savoir où se posent les risques élevés.

Il y a des risques élevés lorsque l'on requiert l'intervention d'un médecin. Cela nous ramène encore à ce dont nous parlions plus tôt. Si nous voulons garantir une sécurité absolue à la population, nous devons exiger les qualifications et les comptes voulus de ces médecins.

J'espère que cela répond à votre question.

M. Lynn Myers: Oui, absolument. Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur Chandler, j'ignore si vous l'avez dit en répondant une question plus tôt. Pouvez-vous nous dire à qui vous rendez des comptes? À qui s'adresse votre rapport? Nous, politiciens, savons à qui nous rendons des comptes. Pouvez-vous nous dire à qui votre rapport sera remis?

M. Frank Chandler: Je ne suis pas sûr si je l'ai bien dit, mais je crois savoir que c'est à vous que notre rapport s'adresse. Nous travaillons également de concert avec le PPT, qui recevra aussi une copie de notre rapport. Je crois avoir dit dans ma dernière lettre que notre rapport serait adressé au comité permanent.

La présidente: Merci.

Docteur—Monsieur Elley. J'appelle tout le monde docteur aujourd'hui.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci. Nous avons tous reçu un doctorat honorifique aujourd'hui. C'est très bien.

Encore une fois, je tiens à vous remercier vivement de vous être présentés ici ce matin et de nous avoir fait votre exposé. Tous les membres du comité pensent qu'une telle intervention contribuera grandement à nous sensibiliser à cette question. Peu importent les déclarations à caractère politique qui ont été faites ici ce matin, c'est le but premier de notre comité. Nous sommes censés former un comité non partisan qui examine cette question pour le compte du peuple canadien, et c'est du moins mon intention à moi.

Vous avez fait une affirmation audacieuse. Du moins j'ai trouvé qu'elle l'était un peu. J'imagine qu'elle paraîtrait audacieuse dans certains milieux, peut-être même au sein de l'industrie de l'alimentation naturelle elle-même. Vous avez dit qu'à votre avis—je cite la page 5—le système doit encourager l'intégration à la médecine conventionnelle. J'aimerais savoir ce que vous entendez par là. Pouvez-vous nous donner plus de détails et me dire où cette idée vous mènera?

M. Frank Chandler: Dans le monde occidental, depuis qu'on est revenu aux plantes médicinales et aux médicaments naturels, on a assisté à un mouvement presque clandestin à cet égard. Nous pensons qu'il existe une utilisation légitime de ces produits, qu'il doit y avoir des contrôles légitimes et que cela doit s'inscrire dans le continuum du risque et aussi de la consommation dans le système. Je pense que beaucoup de Canadiens aimeraient d'abord faire l'essai de la dose minimale, avec sécurité maximale, et si ça ne marche pas, avancer en quelque sorte dans le système, et nous devons faire en sorte que les naturopathes travaillent de concert avec les praticiens de la médecine conventionnelle pour éviter des déboires aux patients.

Dr William LaValley: J'aimerais citer ici quelques statistiques générales.

On a effectué un sondage en septembre—je pense que c'était un sondage CTV-Angus Reid—qui démontrait qu'environ 75 p. 100 des citoyens canadiens tiennent à ce que l'assurance-maladie provinciale fasse une plus grande place aux services de santé parallèles. Deux tiers des citoyens veulent qu'on consacre davantage de crédits de recherche à la médecine douce. Dans un sondage de Maclean's effectué à la fin de l'année, la moitié ont dit qu'ils étaient tout à fait ouverts à ce genre de services et y recourraient s'ils en avaient besoin.

• 1010

Prenez maintenant le nombre de médecins au pays qui s'intéressent à ces services, entre 50 p. 100 et 83 p. 100 admettent que l'un de ces services ou davantage sont bénéfiques; ils dirigent les patients vers ces services et veulent en savoir davantage à leur sujet. Ce qui contraste vivement avec le fait que moins de 10 p. 100 de ces médecins s'informent au sujet de ces services ou produits ou demandent comment leurs patients les utilisent. Il y a donc un grand écart entre la consommation et la demande au sein du public, mais la médecine conventionnelle intègre très peu ces produits et services.

Ce qui pose un plus grand risque pour la sécurité du patient. Les médecins ne savent pas quelles interactions peuvent se produire et ils ne sont pas au courant non plus des bienfaits que confirment clairement une preuve clinique solide ainsi que des preuves anecdotiques qui proviennent du pays tout entier.

Si l'on regarde maintenant du côté des autres pays, aux États-Unis, en Europe, en Inde, en Australie et en Amérique du Sud, on constate l'effet bénéfique de ces produits et services. L'approche rationnelle consiste à tendre vers l'intégration la moins nuisible et la plus bénéfique de ces produits et services afin de promouvoir le bien-être tout en prévenant et en soignant la maladie. Cela ne peut pas se faire isolément, et jusqu'à présent, cela a été fait isolément au sein du milieu médical conventionnel.

M. Reed Elley: Eh bien, puis-je vous demander à vous d'abord, et à tous les membres du comité consultatif, d'après ce que vous avez dit, si dans 20 ans d'ici, lorsque j'irai voir mon omnipraticien, s'il aura été formé à l'homéopathie, outre la formation qu'il aura reçue à la faculté de médecine, et est-ce qu'il va me sortir une bouteille d'herbes de Saint-Jean de son armoire et me dire, écoutez, vous devriez peut-être essayer ceci? Est-ce qu'il faut s'attendre à cela?

Dr William LaValley: Nous espérons que cela se fera avant 20 ans.

M. Reed Elley: D'accord.

Dr William LaValley: Mais, oui, c'est bien ce que nous envisageons.

Dre Mary Wu: J'aimerais vous dire un peu ce qui se passe en Chine. Il y a environ 20 ans, en Chine, on intégrait ce que je pourrais appeler la médecine occidentale et la médecine chinoise traditionnelle. Celle-ci existait bien avant la médecine occidentale, donc nos gens y sont habitués. Mais lorsque la médecine occidentale est arrivée dans le pays, nous nous sommes dit, eh bien, c'est formidable. Tout est fondé ici sur la science et tout est tellement clair. Même lorsque j'étais à la faculté de médecine, nous étudiions la physiologie et l'anatomie. Et nous avons pensé, c'est formidable; on peut voir ce dont il s'agit et on peut même le toucher, alors que lorsqu'il est question de médecine chinoise traditionnelle, on s'intéresse davantage à une vision philosophique et logique des choses.

On a donc accepté les deux, et savez-vous ce qui est arrivé? Pour les patients, ces deux genres de médecine présentent des avantages et des désavantages. Pour certaines maladies, la médecine occidentale est beaucoup plus indiquée. Si vous souffrez d'une hernie stomacale, une intervention chirurgicale est la solution. Il vous faut intervenir, sans quoi le patient va mourir. Mais s'il s'agit d'un autre trouble fonctionnel, comme on dit, disons que le patient se sent mal, qu'il se sent fatigué, que ses intestins ne fonctionnent pas bien, qu'il dort mal ou que ses menstruations sont irrégulières... Si vous vous adressez alors à un docteur en médecine occidentale, vous allez vous faire examiner une douzaine de fois, et l'on ne trouvera rien. On ne verra pas de résultats positifs.

Dans ces circonstances, nous avons recours à la médecine chinoise traditionnelle. Nous disons, venez nous voir, nous examinerons cela. D'accord, tous les résultats sont négatifs, et il n'y aurait apparemment aucun mal organique grave chez ce patient. La médecine conventionnelle ne nous apprendra rien sur lui. Mais la théorie de la médecine chinoise traditionnelle permet d'effectuer une foule de diagnostics. On peut déceler un déséquilibre. Vous avez trop chaud, vous vous sentez trop fatigué, ou vous vous sentez déshydraté. Alors, fidèle à l'enseignement de la médecine chinoise traditionnelle, nous prescrivons—non pas «prescrire», je n'ai pas le droit d'employer ce terme—nous recommandons des remèdes médicinaux chinois.

Parfois nous utilisons des produits. À d'autres moments, nous ne nous servons que de plantes médicinales pour ce genre de choses. Après environ une semaine, ou après un traitement plus long, le patient se sent beaucoup mieux.

• 1015

Il existe aussi une combinaison de médecine occidentale et de médecine chinoise traditionnelle au niveau de la chirurgie. Avant l'intervention chirurgicale, lorsque le patient attend cette intervention—et parfois, il faut des mois d'attente—on commence à lui faire prendre des produits de santé naturels ainsi que des remèdes chinois, et cela comprend l'acupuncture. Le patient se sent mieux et est en meilleur état lorsque l'intervention chirurgicale est pratiquée. Après l'intervention aussi, nous lui donnons quelque chose qui accélère la guérison et le rétablissement.

Je crois donc que la combinaison des deux est ce qu'il y a de mieux. Tout ce qu'il nous faut, ce sont des praticiens bien formés, qui peuvent déterminer dans quelles conditions cette combinaison donnera les meilleurs résultats au patient. Nous nous demandons également comment, d'ici 20 ans, nous allons former des médecins à la médecine chinoise traditionnelle. C'est ce qui se fait en Chine. Le médecin obtient son diplôme après cinq ans à la faculté de médecine, puis il étudie encore trois ans à l'école de médecine chinoise traditionnelle. Nous disons que ces médecins sont docteurs en médecine occidentale et chinoise.

M. Frank Chandler: J'ajoute que la même pratique de médecine intégrée est fort répandue en Europe occidentale à l'heure actuelle.

La présidente: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

Pour en revenir aux nombreuses questions qu'on vous a posées au sujet du rôle que le comité parlementaire peut jouer pour rendre le travail que vous avez déjà fait encore plus pertinent et pratique dans l'optique de la politique gouvernementale, comment pouvons-nous vous aider à aller plus loin? De toute évidence, le débat opposant la sécurité à l'efficacité va se poursuivre. Il ne fait aucun doute dans notre esprit que la sécurité est essentielle, tout comme l'est l'efficacité. Vous pourriez consacrer tout le produit national brut à la recherche et il vous resterait encore des tonnes de questions à résoudre.

Ma question est celle-ci: que feriez-vous à notre place pour compléter ce que vous avez déjà fait? Dites-nous ce que vous n'avez pas pu faire jusqu'à présent, et ce que vous nous demanderiez de faire si le comité parlementaire était à votre disposition? Est-ce que vous organiseriez des rencontres dans les salles paroissiales partout au pays, rien que pour écouter les consommateurs? Notre comité s'est demandé s'il devait voyager. À votre avis, que devons-nous faire pour vous aider à produire votre rapport?

[Français]

M. André Gagnon: Je vais répondre en français. C'est une question un peu trop compliquée pour que j'y réponde en anglais. C'est une très bonne question.

Pour nous qui travaillons tous les jours dans ce domaine, il est déjà compliqué de suivre ce qui se passe. Les gens comme vous, les députés, ont soit une information personnelle s'ils utilisent les produits, soit des renseignements qu'ils entendent un peu partout. C'est une décision différente des décisions politiques qui sont prises sur la justice, les armes ou n'importe quel autre sujet, que ce soit l'immigration ou des sujets d'intérêt général.

Pour comprendre le sujet dont on discute, il faut une expertise particulière. Je sais que vous avez une équipe de chercheurs pour vous aider, vous éduquer ou répondre aux questions que vous posez en vue de prendre une décision. Mais à votre place, j'aurais beaucoup de difficulté à prendre une décision là-dessus parce que je sentirais que je n'ai pas une expertise suffisante.

Ce que je propose à ce sujet, c'est qu'on tienne compte de ce qui se fait partout dans le monde. Je dois répéter qu'aux États-Unis, il y a l'Office of Dietary Supplements, qui a un budget de fonctionnement donné par le gouvernement américain qui lui permet d'engager du personnel compétent, des gens très qualifiés en vue d'arriver à des solutions qui soient acceptables pour l'industrie et pour la population.

À votre place, d'une part, je me fierais beaucoup à l'équipe de recherche. Par contre, moi, je n'ai pas de contact avec l'équipe de recherche. J'espère en avoir, mais encore là, ce serait presque un travail à temps plein si on voulait arriver à quelque chose. Je dois également m'occuper de mes affaires. J'ai mes occupations. Pour faire le travail d'une façon sérieuse, il faudrait un contact permanent avec les chercheurs. Je ne sais pas ce qu'ils vont faire. Est-ce qu'ils vont contacter le PPT? Est-ce que le PPT les contacte? Je n'en ai aucune idée.

• 1020

Il nous manque le fil conducteur dans tout cela. Pour faire un bon travail, il faudrait coordonner le tout en réduisant le nombre de personnes impliquées et en se donnant des objectifs et des délais. Autrement, quatre groupes vont travailler de façon disparate: le PPT, nous, le comité permanent et les chercheurs. Actuellement, c'est comme cela que je vois les choses.

Je ne comprends pas l'intégration. Je ne vois pas comment, au 30 avril, on va en arriver à un rapport. J'aurai peut-être l'occasion de parler une fois à un chercheur et je n'aurai peut-être jamais plus l'occasion de vous parler à vous, ici. Je n'aurai peut-être jamais l'occasion de consulter le TPP non plus. Ce sera vraiment le fonctionnement interne. On parle d'une nouvelle structure. C'est évident qu'il y aura de la résistance au niveau du PPT. On va dire: Désormais, on n'aura pas le pouvoir décisionnel sur ces produits-là. Ce ne sera pas facile, mais il faut en discuter.

De façon concrète, je regarde cela comme un business. Il faut s'asseoir avec un nombre limité de personnes et dire où on veut aller. C'est comme cela que je peux vous répondre, d'après ce que je sais.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett: Comme l'a dit M. Chandler, ce comité spécialisé regroupe des gens que la question passionne, et ils croient pour la plupart que cette approche aura un effet positif. Étant donné que nous sommes comptables à tous les Canadiens, il nous faut entendre tous les avis pertinents avant de façonner une politique. Je pense que le caractère restreint des audiences du comité ne nous permettra que d'entendre des gens qui ont des vues très précises à ce sujet, à moins que nous ne tenions des assemblées dans des salles paroissiales, où n'importe qui pourrait s'exprimer.

J'aimerais entendre les oubliés de la société avant que l'on façonne la politique, plutôt qu'après. Je pense seulement que si l'on pouvait faire participer davantage de Canadiens à ce processus... Pensez-vous que ce serait une bonne idée maintenant, ou y a-t-il d'autres façons de procéder?

J'ai été un peu surprise d'entendre que les données de Statistique Canada n'étaient pas à la hauteur de ce que l'on attendait. Je me demandais aussi, et je me reporte ici à la dernière question, docteur LaValley, si vous ne pensez pas que nous devrions également entendre le Collège des médecins de famille du Canada pour voir s'il ne pourrait pas proposer des stratégies qui contribueraient à la formation des médecins de famille de notre pays. Ils ne disposent peut-être pas de l'expertise voulue, mais comment allons-nous les aider à aider le patient qui, à mon avis, est toujours le patron dans ce genre d'affaires?

La présidente: Monsieur Chandler, pouvez-vous donner une brève réponse à la première question? Nous passerons ensuite au Dr LaValley.

M. Frank Chandler: Désolé, quelle était la première partie de la question? Je m'égare ici et je songeais à certains éléments de la deuxième partie.

Mme Carolyn Bennett: Devrons-nous tenir des consultations publiques pour entendre les Canadiens?

M. Frank Chandler: Eh bien, nous devons sûrement entendre davantage d'intervenants, dont le consommateur. Je ne peux pas vous dire avec certitude qui s'adressera à vous. Je connais plusieurs éléments de diverses industries qui, comme vous l'avez dit, s'adresseront à vous et vous communiqueront des opinions bien définies. Certaines de ces industries sont représentées à notre comité consultatif, et nous en avons entendu certaines. Nous avons tâché de les incorporer. Je pense que la position que nous prenons reçoit déjà de plus en plus d'appuis. Il se peut qu'il y ait désaccord au niveau des politiques ou des recommandations, mais notre orientation générale est beaucoup mieux acceptée.

Je m'en voudrais de vous dire qu'il vous faut sortir et tenir des consultations publiques, mais je crois sincèrement que vous devez entendre les consommateurs, le milieu médical et d'autres professions liées à la santé, ainsi que l'industrie dans son ensemble.

La présidente: Docteur LaValley.

Dr William LaValley: Quand vous parlez du Collège des médecins de famille, vous rappelez le fait qu'il existe des médecins de premier recours, et tous sont docteurs en médecine. Mais il y en a d'autres qu'il faut entendre et qui sont naturopathes, chiropraticiens, praticiens de la médecine chinoise traditionnelle, et je pourrais continuer longtemps comme cela. Nous disons pour notre part qu'il doit y avoir un processus de sensibilisation, et vous pouvez en faire la recommandation. Vous pouvez recommander ici l'instauration d'un parapluie qui regroupera tous les intervenants.

Nous avons besoin d'un processus de sensibilisation supplémentaire pour les ordres de médecins, parce que si vous voulez parler des oubliés de la société, bon nombre des membres de ce Comité consultatif sur les produits de santé naturels sont très près de ceux qui sont oubliés.

Nous devons éduquer la Fédération des ordres de médecins. Nous devons éduquer les ministères provinciaux de la Santé et faire des recommandations en vue d'intégrer également cette éducation dans les facultés de médecine.

• 1025

Si les médecins doivent être les médecins de premier recours, ou ceux qu'on appelle les sentinelles, nous devons nous assurer qu'ils comprennent bien à quel moment il est permis de recourir à l'acupuncture, à la chiropraxie ou à n'importe quel autre produit ou service parallèle qui fait intervenir la médecine naturelle, afin que nous intégrions bien tous les éléments additionnels.

Mme Carolyn Bennett: Si je vous comprends bien, de nombreux médecins de famille ne posent même pas la question élémentaire lorsqu'ils établissent le dossier, à savoir si les patients recourent ou non à des thérapies douces?

Dr William LaValley: C'est exact.

Mme Carolyn Bennett: Donc, pour la sécurité, nous ne pouvons rien faire si nous, les médecins, ne savons pas quelles sont les autres choses que prend le patient avant de recommander un médicament.

Dr William LaValley: Oui, c'est parfaitement exact. À l'heure actuelle, le public en sait davantage que les docteurs en médecine à ce sujet, si bien que les médecins se sentent intimidés. Ils ne veulent pas s'engager parce qu'ils ne veulent pas avoir l'air de ne pas comprendre ou de ne pas savoir.

La présidente: Merci beaucoup. Nous devons poursuivre. Nous avons d'autres groupes qui vont témoigner après 10 h 30.

Mme Picard posera la dernière question.

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur Gagnon, vous avez dit tout à l'heure qu'il serait important de connaître la loi ou les règlements de pays autres que les États-Unis, parce qu'il semble plus facile de faire affaire avec le bureau d'évaluation des médicaments naturels.

Vous dites manquer de ressources; vous parlez de ressources humaines et financières, j'imagine. Si le comité avait les moyens d'aller chercher ces lois et ces réglementations, est-ce que cela vous serait utile pour établir une réglementation judicieuse sur le sujet en question?

M. André Gagnon: Quand je parle des autres réglementations, je ne pense pas nécessairement à des réglementations de pays autres que les États-Unis. Sans analyser toutes les réglementations, il s'agirait d'aller chercher ce qui pourrait être utile pour notre cadre réglementaire. C'est vraiment ainsi que je dirigerais la collecte d'information.

Il semble que le besoin essentiel, c'est d'avoir l'expertise pour prendre des décisions. C'est à ce niveau que certaines alliances seraient peut-être souhaitables, au niveau du fonctionnement ou des compétences disponibles ailleurs. Il s'agirait d'avoir un réseau qui permette d'aller chercher cette information. Il ne s'agit pas nécessairement d'analyser la loi au complet, mais plutôt d'aller chercher ailleurs ce dont on a besoin pour bâtir l'expertise nécessaire et la structure.

Il faudrait peut-être faire une certaine analyse, mais pas une analyse complète, parce que ce serait un gros travail. C'est vraiment au niveau de l'expertise requise. Au lieu de réinventer la roue, il faut se servir de ce qui existe ailleurs au niveau de l'expertise.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Je tiens à remercier les quatre membres du comité d'avoir été des nôtres ce matin. Il se peut fort bien que nous vous réinvitions, alors sentez-vous bien libres de revenir si nous avons besoin de vous à la fin ou si nous voulons vous reparler après avoir entendu d'autres témoins.

Merci beaucoup.

Mme Elinor Caplan: Je tiens à dire que si le comité consultatif juge qu'il a à sa disposition des informations qu'il aimerait communiquer au comité, qu'il n'hésite pas à nous en informer par écrit, et si nous le voulons ensuite, nous vous demanderons de revenir en personne. Comme vous jugez devoir des comptes à notre comité ainsi qu'au ministre, nous serions très heureux d'entendre vos avis de manière suivie.

La présidente: Assurez-vous de toujours vous adresser au greffier, qui communiquera alors tous vos textes à tous les membres. Merci.

Nous allons faire une pause de cinq minutes.

• 1029




• 1042

La présidente: Nous reprenons.

Nous avons maintenant le plaisir de recevoir deux groupes. De l'Association canadienne des aliments de santé, Serge Lavoie et Michelle Marcotte, et de la Canadian Coalition for Health Freedom, Mike Vertoli et Valerie Dugale.

C'est l'ordre que j'ai. Nous pouvons donc peut-être commencer par l'Association canadienne des aliments de santé. Voulez-vous s'il vous plaît vous en tenir à cinq minutes chacun, 10 minutes pour tout le groupe? Ainsi, chaque député aura la chance de poser des questions.

Nous allons commencer par l'Association canadienne des aliments de santé.

M. Serge Lavoie (directeur exécutif, Association canadienne des aliments de santé): Merci, madame la présidente. Je dirai que nous ne formons en fait qu'un seul groupe. Nous faisons tous partie des intervenants de l'industrie des produits de santé naturels, et même si certains d'entre nous travaillent pour des groupes différents, nous sommes tous venus ensemble. Nous avons préparé notre texte conjointement, et nous le présenterons dans un certain ordre.

J'aimerais commencer par vous présenter notre groupe. Je suis le directeur général de l'Association canadienne des aliments de santé. Michael Vertoli m'accompagne. Il est le président de la coalition, il est botaniste, et il est également membre du Comité consultatif sur les produits de santé naturels. Valerie Dugale nous accompagne également. Elle est la secrétaire de la coalition. Elle est également au service de l'Association canadienne des aliments de santé à titre de coordonnatrice des questions réglementaires. À ma droite se trouve Michelle Marcotte. Elle représente Inter/Sect Alliance, un groupe de consultation privé, et nous lui avons demandé de se joindre à nous parce qu'elle est experte en matière de réglementation internationale des produits de santé et aliments naturels.

Nous avons également demandé à deux autres personnes de se joindre à nous pour répondre à vos questions. Il s'agit de Joel Thuna, qui est fabricant de produits médicinaux. Il dispose d'une expertise particulière en matière de bonnes pratiques de fabrication. Il représente un petit fabricant de produits médicinaux. Mme Maureen Horne-Paul représente l'Association canadienne de naturopathie et exerce la naturopathie dans la région de Kingston.

Comme vous voyez, vous avez devant vous des gens qui représentent divers intervenants de l'industrie des produits de santé naturels.

Nous voulons vous donner essentiellement un aperçu de notre secteur, répondre à vos questions concernant nos structures, notre mode de fonctionnement, et nous voulons aussi vous dire quelles sont nos principales préoccupations et les effets qu'elles ont eus sur notre secteur. Et évidemment, nous avons quelques recommandations essentielles à adresser à votre comité.

Nous avons préparé un cahier d'information à votre intention, qui vous a été remis, je crois, ou qui est en train de l'être.

[Français]

Je dois dire que la plupart des documents du dossier ont été traduits en français, sauf trois résumés. On a eu de la difficulté à cet égard. Les résumés seront distribués et traduits aussitôt que possible, dans quelques jours. Je m'excuse.

[Traduction]

Je vais prendre d'abord quelques minutes pour vous donner un bref aperçu de notre industrie. Des questions ont été posées à ce sujet plus tôt. J'aimerais d'abord parler de la taille et de la composition de notre secteur.

• 1045

Pour commencer, les catégories de produits ne se comptent pas. C'est attribuable au fait que nous avons une vision holistique de ces produits dans notre secteur, qu'il s'agisse de vitamines, de suppléments, de plantes médicinales, de produits relatifs aux soins personnels ou d'aliments frais ou emballés. Les produits organiques s'inscrivent aussi dans l'industrie des produits de santé naturels.

Les gens peuvent également se procurer ces produits par le truchement de nombreux réseaux de distribution. Il y a bien sûr les magasins d'aliments de santé, les magasins d'aliments nutritifs et de suppléments alimentaires, les praticiens de médecine douce, les pharmacies, les épiceries et les magasins généraux. De plus en plus, ces produits peuvent être achetés auprès d'organismes de vente à paliers multiples, par le truchement de commandes placées par la poste, par téléphone et maintenant par Internet, ainsi que par une multitude d'autres sources. Tout cela influe directement sur notre réglementation, cela ne fait aucun doute.

Pour ce qui est de la taille des entreprises et du chiffre d'affaires dans le secteur des aliments de santé, on nous a déjà dit que les statistiques sont affligeantes—et il n'existe pas beaucoup de statistiques dans ce domaine—, mais notre industrie a entrepris d'examiner son propre réseau de distribution pour mieux comprendre ce qu'elle vend à ses clients. D'après des données préliminaires, et je souligne le mot préliminaire, il y a environ 1 700 magasins de détail qui se donnent le titre de magasins et d'aliments de santé et de magasins d'aliments nutritifs. Ils ont un chiffre d'affaires de quelque 680 millions de dollars par année. Dans les magasins qui nous présentent des rapports, les vitamines, les produits à base d'herbes médicinales, les produits végétaux, les suppléments alimentaires et les remèdes homéopathiques représentent environ 450 millions de dollars de ce chiffre de vente. Et cela ne concerne que notre réseau de distribution. Ces chiffres ne tiennent aucun compte des pharmacies et des autres lieux de vente que j'ai mentionnés. Lorsque cette recherche sera achevée, les chiffres seront évidemment beaucoup plus élevés—j'estime qu'ils seront probablement trois fois plus élevés.

Nous avons interrogé notre secteur sur la croissance de ses activités commerciales. Il est intéressant de constater qu'au cours des deux dernières années, nos magasins nous ont signalé une augmentation de 24 p. 100 de leurs chiffres d'affaires moyens. C'est une augmentation étonnante dans le secteur de la vente au détail. Parmi ces magasins, 90 p. 100 s'attendent à une augmentation de leurs ventes au cours de la prochaine année et 93 p. 100 croient que leurs ventes continueront d'augmenter au cours des cinq prochaines années. De toute évidence, le marché est très florissant. Ces magasins prévoient également que leur chiffre d'affaires augmentera encore de 20 p. 100 au cours des deux prochaines années.

Du côté du consommateur, on constate une croissance considérable de la demande. Il suffit de voir les données tirées de différents sondages. En 1995, Statistique Canada a étudié la médecine douce et la médecine parallèle et a indiqué que 15 p. 100 des adultes canadiens ont dit utiliser un produit ou une méthode quelconque de médecine parallèle. Dès 1997, trois sondages différents montraient qu'il en était tout autrement.

L'enquête CTV-Angus Reid montrait que 42 p. 100 des Canadiens utilisent des médicaments et des méthodes douces et sur ce nombre, 55 p. 100 signalaient en faire usage depuis au moins cinq ans. D'après le sondage de MacLean's, réalisé à la fin de l'année, 47 p. 100 des répondants se disaient prêts à utiliser des médicaments parallèles et les utiliser. Le sondage Santé Canada signalait que 56 p. 100 des Canadiens disent avoir utilisé un ou plusieurs médicaments de médecine douce au cours des six derniers mois. Ce sont des chiffres importants qui montrent bien l'ampleur du changement dans la demande des consommateurs dans les trois ou quatre dernières années.

Comme vous pourrez le constater dans le cahier, il y a des différences selon l'âge, le sexe et le revenu des répondants. Ces différences sont intéressantes parce que, à l'heure actuelle, les personnes âgées sont de loin le groupe le plus important d'utilisateurs de ces produits. Toutefois, c'est dans le groupe d'âge des 18 à 34 ans que l'on constate la plus importante croissance. On voit donc qu'il y a des changements, même parmi les différents groupes démographiques.

Une croissance aussi grande a bien sûr des répercussions sur le régime des soins de santé. Nous trouvons intéressant que, d'après le sondage Angus Reid, 93 p. 100 des Canadiens ont convenu de ce que «les docteurs peuvent donner des conseils, mais ce sont les gens qui ont la responsabilité principale de s'occuper de leur santé». C'est là un indice clair de la perception qu'ont les gens à l'égard des médecines parallèles; elles sont une prise en charge de soi.

Nous remarquons également que parmi les personnes qui déclarent utiliser des produits et thérapies naturels de santé, 80 p. 100 pensent que ces traitements ou pratiques sont importants pour leur santé personnelle, 90 p. 100 sont satisfaits des remèdes ou pratiques parallèles qu'ils ont utilisés et 34 p. 100 les utilisent parce que les médicaments réguliers, à eux seuls, ne les guérissent pas. Ce sont là des déclarations très intéressantes quant à la perception qu'ont les consommateurs des médecines douces et parallèles. Combinées aux données commerciales dont nous disposons, cela montre bien, à mon avis, que le moment est venu pour nous de régler certaines de ces questions.

• 1050

Notre prochain présentateur est Michael Vertolli, qui nous parlera de la nature des produits de santé naturels.

M. Michael Vertolli (président, Canadian Coalition for Health Freedom): Merci.

C'est amusant, car j'ai constaté tant pendant le travail que j'ai réalisé que dans celui que j'ai fait au sein du comité consultatif, que les gens peuvent toujours s'entendre sur ce qui est un produit naturel et ce qui n'en est pas un, même s'il est très difficile de produire une définition claire et concise de ce qu'est un produit de santé naturel. Bien des groupes ont consacré de nombreuses heures à essayer de produire une telle définition.

Nous vous présentons une définition. Je ne vais pas la lire, mais je dirai, sans entrer dans les détails, qu'il s'agit généralement de produits naturels ou fabriqués à partir de produits naturels, même si ce n'est pas toujours le cas, et que pour la plupart, ces produits sont généralement utilisés dans le contexte du modèle de médecine holistique.

C'est un élément très important, car l'un des grands problèmes que nous posent le régime actuel des soins de santé et la réglementation des produits de santé, c'est que les principes sur lesquels se fonde ce modèle de médecine holistique sont boudés et souvent considérés comme non valables à un certain degré.

Dans le modèle de médecine holistique, les soins de santé sont définis tout autrement. Tout d'abord, nous tendons, du moins l'espérons-nous, à étudier le tableau d'ensemble. Pour un professionnel de la santé ordinaire, un rhume n'est un rhume que si le patient éprouve certains symptômes. Comme Mary l'a dit en réponse à une question précédente, notre perspective est différente. Souvent, les gens ont des problèmes de santé bien avant de commencer à éprouver des symptômes clairs. Le patient peut passer d'un médecin à l'autre pour trouver quel est son problème, car il sent bien que quelque chose ne va pas. Mais dans bien des cas, il n'est pas possible, compte tenu des méthodes utilisées pour établir les diagnostics, de détecter quel est le problème dès les premiers stages. Pourtant, bon nombre de ces patients peuvent obtenir un soulagement et améliorer leur santé en consultant des praticiens des soins de santé naturels ou en utilisant des produits de santé naturels. La principale différence est donc que le modèle de médecine holistique est un système axé sur la santé alors que le modèle médical traditionnel est un système axé sur la maladie.

En médecine traditionnelle, c'est l'étude des maladies qui produit la majeure partie de l'information. En fait, dans bien des cas, la médecine traditionnelle ne saurait même pas définir de façon claire et concise ce qu'est la santé. La médecine moderne décrit souvent la santé comme l'absence de maladie; nous avons donc une définition négative. Par contre, dans le modèle de médecine holistique, nous estimons que la santé est le but primordial et l'état naturel des gens, et nous orientons nos méthodes vers la promotion de la santé.

Dans ce contexte, les produits et les modes d'utilisation visent à promouvoir la santé. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne traitons pas la maladie, mais nous visons surtout à promouvoir la santé et à utiliser des méthodes et des produits qui, le plus possible, collaborent avec le corps humain, avec la personne, pour faciliter les mécanismes naturels par lesquels le corps se guérit lui-même.

Comparativement, dans la médecine moderne et la médecine traditionnelle, la plupart des substances et méthodes utilisées visent à éliminer les symptômes, puisqu'on estime que les symptômes sont en eux-mêmes la maladie et qu'il suffit d'éliminer les symptômes pour éliminer le problème. Dans le modèle holistique, on estime que le problème dépasse de loin les symptômes. Il est lié en grande partie à l'état émotionnel de la personne, à son style de vie et à d'autres facteurs. Il ne s'agit donc pas de voir seulement quels types de produits sont utilisés, mais aussi comment ils le sont.

Cela ne signifie pas non plus que ces produits ne peuvent être utilisés tout simplement pour traiter les symptômes. Ils peuvent aussi être utilisés à cette fin.

Un des grands problèmes de la médecine moderne, c'est qu'elle est réductionniste par nature; c'est-à-dire qu'elle se fonde sur une philosophie voulant qu'une personne peut être divisée en ses différentes composantes, en organes et en systèmes, ou même en molécules, et que l'on peut étudier les effets ou le fonctionnement de l'organisme au niveau moléculaire pour tirer des conclusions significatives sur l'ensemble de la personne. Dans le modèle holistique, au contraire, nous croyons que le tout est toujours plus grand que la somme de ses parties et que pour comprendre les humains, la santé et la maladie, il faut étudier toute la personne et la façon dont elle vit.

• 1055

Cette approche réductionniste mène à des modes et à des structures de réglementation et à des méthodes qui ont limité, par le passé et aujourd'hui encore, la disponibilité de tels produits pour la santé des Canadiens. C'est souvent parce que les décisions sont prises en fonction d'études démontrant, par exemple, qu'une substance extraite d'une plante peut être toxique lorsqu'elle est donnée en quantités massives à des rats. Dans de tels cas, on réglemente l'utilisation de cette plante sans que personne ait en réalité étudié la plante et ses effets sur les humains.

De même, nous avons des cas... Un exemple fréquent, qui a fait la manchette des médias, l'éphédra: cette herbe contient une substance qui a été isolée et qui a servi à produire le médicament qui porte le nom d'éphédrine. Auparavant, il y a eu des cas où l'utilisation de ce médicament a produit des réactions toxiques, parfois très graves. C'est à partir de ces résultats qu'on a tiré des conclusions sur les effets de cette herbe.

Souvent, c'est Santé Canada qui a perpétué dans les médias l'idée que cette herbe est dangereuse. Le ministère a perpétué la désinformation de la population en disant que des personnes étaient décédées pour avoir utilisé l'éphédra alors que, dans tous les cas, le produit ayant causé la mort ne contenait pas d'éphédra; il s'agissait d'un produit qui contenait soit l'alcaloïde, le produit pharmaceutique éphédrine, soit de l'éphédrine combinée à l'herbe. L'utilisation de l'herbe toute seule n'a provoqué aucun décès. Néanmoins, on a dit que c'est pour cette raison que les règlements avaient été pris au sujet de cette herbe.

J'ajouterais que dans chacun des cas, les produits avaient été mal utilisés. Les victimes avaient dépassé les doses recommandées.

On peut donc voir comment ce modèle médical peut perpétuer le régime de réglementation qui sert à juger les produits et les méthodes issues d'un point de vue philosophique très différent. C'est pourquoi le système ne pourra jamais bien fonctionner tant que les principes de l'holistique ne seront pas intégrés à la structure réglementaire et que les organes régulateurs n'auront pas la compétence nécessaire pour juger ces produits en fonction de leur valeur propre.

M. Serge Lavoie: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant Valerie Dugale. Elle nous donnera un aperçu des problèmes auxquels l'industrie est confrontée en matière de réglementation.

Mme Valerie Dugale (secrétaire, Canadian Coalition for Health Freedom): Merci, Serge.

J'aimerais passer en revue certains problèmes qui se posent, car on commence à y trouver certaines réponses qui expliquent notre présence ici aujourd'hui. Mais auparavant, je signale que pour examiner la situation canadienne, il faut comprendre l'influence qu'exerce le marché américain et les marchés internationaux.

En 1994, le gouvernement américain a adopté la Dietary Supplement Health and Education Act. Michelle Marcotte vous en reparlera dans un instant. Cette mesure a eu pour effet d'accroître la disponibilité des produits de santé naturels sur le marché américain et de chercher davantage à informer les consommateurs en matière de santé, ce qui a permis de diffuser plus d'informations concernant les produits sur le marché américain. C'est ainsi que les Canadiens peuvent obtenir une foule de renseignements sur les produits de santé et les tendances dans ce domaine, par le truchement de la publicité provenant des États-Unis et d'autres sources internationales, par exemple l'Internet.

Si nous sommes ici, c'est surtout parce que les Canadiens se sentent frustrés. Ils veulent avoir accès à des produits qui sont actuellement interdits au Canada. Il est possible de se procurer dans d'autres pays, dont aux États-Unis, des centaines de produits qui sont disponibles et considérés sans danger, mais ces produits ne sont pas vendus au détail au Canada.

Pourquoi ces produits ne sont-ils pas disponibles? Eh bien, cela revient à ce que Michael vient de dire, quant au fait que le processus de réglementation applique les normes pharmaceutiques aux produits de santé naturels, alors que ces normes ne sauraient s'appliquer.

Des produits ont été interdits pour toutes sortes de raisons. En 1980, lorsque sont arrivés de nombreux produits au Canada, les organismes de réglementation, volontairement ou non, n'ont pas obtenu de bons renseignements sur ces produits et les ont donc classés dans une catégorie, celle des produits interdits.

• 1100

Les produits composés de vitamines, de minéraux ou d'herbes sont également interdits. Ils ne sont permis que lorsque ses composantes sont limitées à des doses non médicinales. Il est bien certain que de telles doses rendent le produit moins efficace, mais à l'heure actuelle, les combinaisons de vitamines, de minéraux et d'herbes sont interdites. De même, on décourage vivement l'utilisation de produits à base d'herbes et de médicaments homéopathiques par les enfants.

Il en résulte que les Canadiens importent eux-mêmes des milliers de produits sans qu'il y ait de mécanisme pour garantir leur innocuité. À l'heure actuelle, il y a au Canada un vaste marché parallèle de produits de santé naturels importés des États-Unis et d'autres pays. Sous le régime des lois canadiennes, les Canadiens peuvent importer des produits de santé pour leur usage personnel pour une période maximale de trois mois. Compte tenu de cela, puisqu'ils ne trouvent pas les produits qu'ils cherchent dans leur magasin local de produits de santé, les Canadiens achètent des centaines de produits directement de fournisseurs américains, en magasinant outre frontière ou en les commandant dans de nombreux catalogues spécialisés.

Pendant ce temps, les détaillants et les fournisseurs canadiens respectent les règlements du pays et perdent un pourcentage important et toujours croissant de ventes chaque année à cause de ces importations des États-Unis. Et bien sûr, leur clientèle s'érode en raison des tactiques de vente compétitives de ces fournisseurs.

En outre, il n'existe pas vraiment de mécanisme garantissant que les produits importés par les consommateurs répondent aux normes canadiennes de sécurité et de grande qualité. Du point de vue de la réglementation, en tout cas, les règlements actuels ne servent pas beaucoup la cause de la sécurité en interdisant arbitrairement de tels produits, alors qu'ils peuvent être importés légalement pour utilisation personnelle.

Autre problème, les Canadiens veulent obtenir de bons renseignements sur les produits qu'ils achètent, mais ils n'en trouvent pas. D'après une enquête récente, les Canadiens ont déclaré vouloir que le gouvernement exige des renseignements sur les produits, des renseignements dont les mises en garde quant à la sécurité et aux effets secondaires, les affectations que combat ce médicament, ainsi que les quantités de chaque ingrédient du produit.

Comment réagit notre régime réglementaire à tout cela? Eh bien, sous le régime de l'étiquetage des aliments, lorsqu'un produit est considéré comme un aliment, il est interdit de fournir des renseignements sur les bienfaits du produit et en tout cas, aucun renseignement sur la façon de l'utiliser ou le moment où il faut l'utiliser. Autrement dit, certains produits devraient être étiquetés avec des contre-indications. Si un produit est considéré comme un aliment, on ne peut le faire.

Sous le régime des politiques relatives aux drogues, l'information est également très limitée. On ne peut donner de renseignements sur la façon dont un produit peut améliorer les fonctions ou la structure du corps, sauf dans certains cas bien précis. On ne peut certes donner aucun renseignement sur les avantages du produit sur la santé pour prévenir la maladie.

Autre problème, la croissance économique du secteur est entravée par des normes, des coûts et des politiques inacceptables. Le processus de réglementation, à l'heure actuelle, ne tient pas compte des différences fondamentales qu'il peut y avoir dans le secteur des produits de santé naturels et dans sa structure, l'élément le plus important étant que la plupart des produits de santé naturels ne sont pas brevetables. Contrairement aux firmes qui vendent des produits brevetés, notre secteur n'a tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire des recherches. Les frais de recouvrement des coûts, qui sont actuellement imposés pour chaque produit, sont cumulativement plus élevés pour les fournisseurs de produits de santé naturels, qui vendent généralement des produits très dispendieux afin de répondre aux nombreux besoins des Canadiens dans ce domaine.

Lorsque les organismes de réglementation, qui sont habitués à des essais cliniques pharmaceutiques en double aveugle qui coûtent 200 000 $ ou plus, demandent des preuves scientifiques de l'efficacité et de l'innocuité des produits de santé naturels, notre secteur a bien de la difficulté à répondre.

En outre, la direction générale a une marge de manoeuvre extrême pour ce qui est de classer les produits comme des médicaments. La définition est très vague. Elle est si vague qu'on pourrait y inclure le piment Chili et l'ail, ce qui fait que les fournisseurs se voient imposer une réglementation trop lourde et des coûts très élevés à l'égard de tels services.

Enfin, ceux qui réglementent les produits de santé naturels n'ont pas autant de compétences que les gens de l'industrie. Comme on vous l'a dit, les soins par les produits naturels et les médecines traditionnelles constituent toute une profession. Ces professionnels ne sont pas représentés au sein de la direction générale des produits thérapeutiques. C'est pourquoi le milieu de la réglementation est en pleine confusion.

Notre groupe, ainsi que des intervenants, a trouvé un certain nombre de solutions à ces problèmes. Nous serons heureux de vous en faire part pendant la période de questions et de réponses.

Merci.

• 1105

M. Serge Lavoie: Merci.

Enfin, nous entendrons Michelle Marcotte, experte de la réglementation internationale. Elle est le coauteur d'une analyse comparative des cadres de réglementation internationaux. Vous en avez un exemplaire dans vos cahiers. Elle vient de revenir d'une mission d'enquête en Australie, où elle a obtenu des renseignements à jour sur la réglementation dans ce pays.

Mme Michelle Marcotte (Association canadienne des aliments de santé): La relation entre la demande et les attentes des consommateurs en matière de produits de santé et les régimes gouvernementaux qui régissent de tels produits, évolue rapidement partout au monde. Les problèmes de réglementation dans le secteur des produits de santé naturels ont créé des limites à la recherche et au développement, des entraves à la publicité, à la promotion et aux allégations légitimes en matière de santé, ainsi que des obstacles dans l'accès au marché et au commerce international.

Toutes ces contraintes limitent le choix des consommateurs et leur accès aux renseignements auxquels ils ont droit.

Certains pays ont déjà réagi en modifiant le régime de réglementation pour faire progresser leurs industries des produits de santé naturels. Ce faisant, ils ont reconnu la demande des consommateurs à l'égard de produits leur permettant de soigner eux-mêmes leur santé, le besoin de meilleurs renseignements pour les consommateurs et le potentiel économique des produits de santé, qui sont, en fait, des denrées agroalimentaires à forte valeur ajoutée.

Aux États-Unis, la Nutrition Labelling and Education Act, ou NLEAS, permet d'approuver les allégations en matière de santé à l'égard des aliments et de fournir aux consommateurs plus de renseignements nutritionnels sur les aliments. Plusieurs allégations établissant un lien entre des aliments ou des groupes d'aliments et des maladies ou des questions de bien-être ont déjà été approuvées. Les exigences quant aux données sur l'efficacité permettent d'en arriver à une entente scientifique significative, ce qui est moins onéreux que d'aboutir à un consensus scientifique. D'après de nouvelles mesures législatives, il y également entente scientifique suffisante lorsqu'un des principaux organismes de santé publique américain approuve une allégation établissant un lien entre un élément nutritif et une maladie.

Sous le régime de la Dietary Supplement Health and Education Act, ou DSHEA, on suppose que les suppléments diététiques sont sans danger et peuvent contribuer à améliorer la santé publique. Pour mettre en marché un produit diététique, il suffit d'en donner avis et de respecter un délai de 30 jours. La DSHEA permet l'utilisation des allégations approuvées sous le régime de la NLEA. La DSHEA permet également les allégations quant au fonctionnement de la structure, quant aux produits qui atténuent les carences nutritionnelles lorsqu'elle a reconnu la prévalence de la maladie, les allégations dans lesquelles est décrit comment le produit agit dans le corps et celles associées au bien-être général. Les produits pour lesquels on n'utilise pas les allégations approuvées sous le régime de la NLEA doivent porter un avertissement.

Comme vous l'avez entendu ce matin, on a également créé un bureau de la DSHEA au sein des National Institutes of Health et un comité présidentiel a été chargé d'étudier la question des allégations relatives à la santé. Le rapport final de ce groupe est maintenant disponible.

Au Japon, la Loi japonaise sur l'amélioration de la nutrition permet l'approbation et l'étiquetage de produits alimentaires nutritifs spéciaux, d'aliments enrichis et d'aliments utilisés à des fins diététiques spéciales. La désignation d'aliments utilisés à des fins spéciales de santé permet aux fabricants d'élaborer la base de leurs allégations relatives à la santé. Le principe sur lequel repose cette désignation consiste à découvrir les éléments actifs avantageux pour la santé que l'on trouve dans des aliments ordinaires reconnus sans danger par suite d'une consommation réelle, raisonnable et documentée. Donc, le degré de documentation et de preuves nécessaires est très inférieur à celui qui est exigé à l'égard des additifs alimentaires et des produits pharmaceutiques.

La Japan Health Food and Nutrition Food Association est autorisée par le ministère japonais de la Santé et du Bien-être à donner des conseils aux fabricants japonais et à leur accorder une approbation de premier degré quant à l'octroi de licences pour les aliments destinés à des fins spéciales de santé. Cette méthode de coréglementation réduit la durée du processus de réglementation moins long pour les membres de l'association.

Les aliments utilisés à des fins spéciales de santé doivent répondre à huit critères, dont celui qui consiste à démontrer le bienfait de leur consommation comme aliment dans un régime ordinaire.

Les directives de l'Union européenne ne permettent pas les allégations en matière de santé, mais le système réglementaire de chaque pays use de degrés de tolérance variés à l'égard de ces allégations. Par conséquent, l'Union européenne étudie actuellement la situation dans les différents États et revoie sa position. Dans les faits, chaque pays, et parfois même chaque région d'un pays, a sa propre réglementation et ses propres mécanismes d'exécution. En général, les produits de santé naturels sont largement distribués et, dans certains pays, les allégations relatives à la santé sont imprimées sur les étiquettes des produits. Des pharmacies ordinaires et spécialisées posent des diagnostiques et prescrivent toute une gamme de suppléments diététiques.

Le régime réglementaire australien fonctionne très bien. D'après ce régime, les produits à base d'herbes doivent être inscrits dans le registre pharmaceutique. Les médicaments doivent être enregistrés, ce qui rend le processus plus rigoureux. L'Administration des produits thérapeutiques australienne a réussi en sept ans à dresser la liste des 1 800 produits à base d'herbes et de 6 000 à 7 000 produits grand public.

• 1110

Les produits disponibles avant 1991, date à laquelle ce processus a été entamé, ont été présumés sans danger, et on n'a donc pas exigé à leur égard de données sur leur innocuité. L'efficacité des produits est jugée en partie par des comités consultatifs dont les membres ont compétence pour évaluer les produits à base d'herbes.

Les allégations en matière de santé—la posologie, les contre-indications, les ingrédients, etc.—peuvent toutes être inscrites sur les étiquettes des produits à base d'herbes. Il est toutefois interdit en Australie d'indiquer les allégations relatives à la santé à l'égard des aliments.

L'approbation des allégations relatives à la santé pour les produits holistiques se fait grâce à un processus de coréglementation par l'industrie et le gouvernement. L'inscription sur la liste ne coûte que 220 $ et ce montant ne doit être payé qu'une fois. Le processus d'approbation préalable à la commercialisation ne nécessite qu'un délai de 20 jour avant que le produit puisse être mis en marché. L'inscription sur la liste se fait de façon électronique.

Vous trouverez dans votre cahier un rapport complet sur le régime de réglementation australien ainsi que le rapport dans lequel sont examinés en détail le cadre de réglementation des nutraceutiques et des suppléments diététiques au Canada, aux États-Unis, au Japon et dans l'Union européenne. Ce document a été rédigé pour Agriculture Canada.

J'ai apporté certains échantillons de produits de santé australiens afin que vous puissiez voir les étiquettes. Vous constaterez qu'il est possible de fournir sur de tels produits des renseignements crédibles, informatifs et compréhensibles pour les consommateurs, et ce, même pour les produits composés.

M. Serge Lavoie: Les produits sont encore scellés et ils ont été importés de façon privée à des fins de recherche seulement. Mais ils sont très intéressants.

Voilà pour la partie officielle de notre témoignage. Nos experts, et je ne saurais m'estimer de leur nombre, pourront répondre à vos questions. Merci.

La présidente: Pourriez-vous fournir au greffier tous les documents qui pourraient nous être utiles dans nos travaux? Pas des documents épais comme des briques, mais de grosseur raisonnable, si vous pouviez nous envoyer des documents qui, à votre avis pourraient...

M. Serge Lavoie: Outre ce qui se trouve dans le cahier?

La présidente: Il y a le cahier, bien sûr, mais d'autres documents. Vous avez mentionné certains documents qui ne se trouvent peut-être pas dans le cahier. Si dans les trois ou quatre prochaines semaines vous trouvez des documents qui pourraient nous être utiles, veuillez nous les transmettre.

M. Serge Lavoie: Oui, bien sûr.

La présidente: Monsieur Hill, voulez-vous commencer?

M. Grant Hill: Merci de votre témoignage.

Michael, vous avez mentionné que vous participiez à ce groupe consultatif. Je suppose que vous êtes au sein de ce groupe la personne qui exprime son sentiment.

M. Michael Vertolli: On pourrait dire cela, oui.

M. Grant Hill: Êtes-vous satisfait de votre participation? Avez-vous suffisamment de temps pour vous faire entendre?

M. Michael Vertolli: Je suis membre du comité consultatif. Ce n'est pas simplement que je leur fait rapport. Je suis en fait un des membres du groupe.

M. Grant Hill: D'accord, cela n'était pas clair. Êtes-vous satisfait de votre participation au comité consultatif?

M. Michael Vertolli: Étant donné qu'on nous a donné à l'origine un mandat d'un an et que nous pensons pouvoir compter intégralement sur ces 12 mois pour préparer notre rapport, nous avons beaucoup accompli. Mais c'est une oeuvre en évolution et il faudra sans doute y consacrer davantage de travail pour arriver là où nous le souhaitons. Mais de façon générale, oui, je suis satisfait.

M. Grant Hill: Très bien. Idéalement, que souhaiteriez-vous, si vous pouviez exprimer un souhait?

M. Michael Vertolli: Dans un large contexte?

M. Grant Hill: Ce matin, on nous a dit qu'on s'orientait vers un autre mécanisme de réglementation, une autre bureaucratie. À votre avis, est-ce une orientation opportune?

M. Michael Vertolli: À l'heure actuelle, c'est un peu comme si les plombiers régissaient les électriciens. En l'occurrence, des gens formés selon le modèle médical moderne, occidental, conventionnel et réductionniste tentent de réglementer des produits qui ne sont pas nécessairement utilisés de cette façon et qui sont recommandés à partir d'une philosophie très différente. Par conséquent, nous pensons que les responsables de la réglementation devraient posséder des connaissances spécialisées dans des domaines comme l'herbalisme, la naturopathie et l'homéopathie, et que le régime réglementaire devrait être structuré de façon à ce que les opinions et les décisions des experts ne puissent être subordonnées à celles de personnes qui n'ont pas les connaissances voulues ou qui, ayant une philosophie différente, sont peut-être même hostiles à cette perspective, comme c'est parfois le cas.

Mme Valerie Dugale: Puis-je attirer l'attention du comité sur le fait que les recommandations de ce groupe figurent à la dernière page de votre cahier.

M. Grant Hill: Michelle, il vous sera peut-être difficile de répondre, mais j'aimerais bien savoir dans quel pays on trouve le modèle qui se rapproche le plus de celui que votre groupe souhaite instaurer. De quel pays devrait-on suivre l'exemple?

• 1115

Mme Michelle Marcotte: Il se fait de bonnes choses dans divers pays. Nous avons la possibilité d'élaborer une solution canadienne en prenant le meilleur de ce qui se fait dans plusieurs domaines. Ainsi, aux États-Unis, la DSHEA fonctionne très bien pour les produits de complémentation alimentaire. La liste des produits de complémentation alimentaire utilisée en Australie est une bonne idée également. Mais si on veut tenir compte des aliments ou des produits qui ressemblent davantage à des aliments que des suppléments—alors on devrait regarder du côté du système japonais.

Il n'existe nulle part un régime réglementaire qu'on pourrait adopter en sachant qu'il conviendra au Canada. Cela dit, certains pays ont résolu certains problèmes auxquels nous nous heurtons, et nous pouvons nous en inspirer. Nous pouvons nous inspirer de l'expérience australienne, japonaise et américaine, et en prendre le meilleur.

M. Grant Hill: J'ai demandé aux organes de réglementation si les mécanismes d'application comportaient des pouvoirs policiers ici au Canada. Ils m'ont répondu que non. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Joel Thuna (Global Botanical Inc.): Voudriez-vous préciser votre question?

M. Grant Hill: D'après certaines sources fiables, la GRC aurait investi des magasins d'aliments naturels et saisi des ordinateurs, ainsi que des réserves de produits. La personne responsable de l'application de la loi à la direction générale de la protection de la santé a nié cela.

M. Joel Thuna: C'est inexact. Nous avons des preuves documentées que la GRC a participé à la saisie de produits finis, de produits en cours de transformation et de matériel de fabrication et de comptabilité, par exemple des ordinateurs, pas nécessairement chez des détaillants, mais plutôt chez des fabricants et des distributeurs. On fait très rarement appel à la GRC, mais de nombreux services de police ont participé à de telles opérations, à diverses époques, autant dans les magasins de détail que dans les divers réseaux de distribution et de gros.

M. Grant Hill: Merci.

Dre Maureen Horne-Paul (Association canadienne de naturopathie): De plus, je crois qu'il est arrivé plusieurs fois que des produits soient saisis directement dans des bureaux de naturopathes au Canada.

La présidente: Merci.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Le comité s'intéresse entre autres à la question des allégations des fabricants, et nous savons bien que nous devrons nous pencher sur la question. J'ai trouvé intéressant de constater que sur les flacons provenant d'Australie, on lisait que la vitamine B6 peut être utile pour le SPM, mais à la rubrique Soulagement de la cystite, le mot «soulagement» étant dans le titre, on dit bel et bien qu'il s'agit d'une formule pour soulager la douleur et la sensation de brûlure. Sur le flacon d'huile d'onagre, on trouve même des indications thérapeutiques.

Je me suis toujours posé la question en termes d'efficacité, parce qu'il est évident que quand un fabricant fait une allégation, son produit est traité différemment dans presque tous les régimes de réglementation. Qu'avez-vous à nous proposer pour mettre de l'ordre dans tout cela? Faudrait-il enlever toutes les allégations des étiquettes et faire appel à un naturopathe pour les guider tout au long du processus? Comment devrions-nous procéder, de la manière la plus simple? Que suggérez-vous?

M. Michael Vertolli: En fait, nous sommes d'avis que les allégations sont essentielles. Pour que les gens soient bien informés sur l'utilisation d'un produit, ils doivent savoir à quoi sert ce produit. Ça ne veut pas dire qu'il faudrait à notre avis adopter un règlement prescrivant des allégations pour tous les produits, mais nous estimons qu'il s'agit d'un renseignement important et que le public canadien doit être mis au courant de la bonne façon d'utiliser ces produits.

La grande question est de savoir sur quoi devraient se fonder les allégations. Là où nous sommes tout à fait en désaccord avec la pratique antérieure, c'est qu'à notre avis, les essais cliniques en double aveugle ne sont pas le fin du fin. Nous avons à notre disposition une vaste base de connaissances traditionnelles disséminées dans divers systèmes traditionnels, et cette information est valable et l'on devrait pouvoir l'utiliser également comme base des allégations, pourvu que l'on précise clairement sur l'étiquette la nature des allégations.

• 1120

Autrement dit, on pourrait par exemple indiquer sur l'étiquette que des études cliniques ont démontré que le millepertuis soulage les symptômes de la dépression. Toutefois, nous accepterions également l'allégation que le millepertuis est traditionnellement utilisé comme sédatif ou pour traiter les symptômes de l'insomnie.

Nous sommes convaincus que de telles allégations peuvent se fonder sur des données différentes, tout en étant également valides.

L'un des problèmes qui se posent aujourd'hui, c'est que nous avons quasiment légiféré dans notre pays un système de croyances voulant que la médecine occidentale conventionnelle moderne est le fin du fin et que tout autre système n'est valide que dans la mesure où il peut s'expliquer en fonction des concepts et des méthodologies de recherche de la médecine moderne. Nous croyons que c'est faux, et que les médecines traditionnelles sont valables et qu'elles doivent être jugées en fonction de leurs mérites propres, non pas à l'aune de la médecine conventionnelle.

Mme Carolyn Bennett: Mais si des gens comme vous faisaient partie d'un organisme de réglementation, que feriez-vous si quelqu'un commercialisait un produit en faisant une allégation absolument ridicule?

M. Michael Vertolli: Je ne l'autoriserais pas, bien sûr.

Mme Carolyn Bennett: Comment feriez-vous le tri?

M. Michael Vertolli: Il y a différentes façons de procéder.

D'une part, il y a des ouvrages de référence conventionnels et scientifiques, et d'autres qui sont traditionnels. Dans chaque domaine de médecine holistique, il y a des ouvrages de référence généraux qui sont considérés valides.

Deuxièmement, il y a la question du consensus des praticiens. Par exemple, on pourrait avoir un organisme composé de naturopathes, d'herboristes, d'homéopathes, etc., auxquels on pourrait poser la question: un tel veut faire telle ou telle allégation au sujet de tel produit, est-elle valable? En se fondant sur leurs connaissances personnelles et cliniques, ils pourraient se prononcer, d'après ce qu'ils connaissent des traditions de leur système et en puisant dans leur expérience.

Mme Carolyn Bennett: Vous estimez, Michael, qu'il y a un large consensus parmi les praticiens de ces formes de médecine et que le public canadien serait bien protégé par un tel mécanisme.

M. Michael Vertolli: Absolument.

Mme Valerie Dugale: Je voudrais ajouter à cela, et aussi pour revenir à ce que disait M. Hill, qu'un système de préavis plus simple pour beaucoup de ces allégations permettrait de traiter très simplement la plupart d'entre elles. Il faut mettre en place un système permettant de traiter les allégations plus complexes, mais c'est un fait que le système de réglementation pourrait être grandement simplifié pour répondre aux besoins de tous.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a eu des incidents bien connus de limites inutilement imposées à certains produits de santé naturels, et qu'il y a beaucoup de désinformation qui circule. Il y en a qui réclament l'élimination pure et simple de la direction de la protection de la santé. Ils veulent que le gouvernement se retire de leur secteur. Ce n'est évidemment pas ce que vous dites, mais je crois que ce que vous dites, c'est qu'à moins que nous agissions assez rapidement pour mettre en place un système de réglementation qui fonctionnerait selon une définition différente de la santé, en tant que modèle holistique axé sur le mieux-être total et à moins que nous ne mettions en place des procédures efficaces, nous allons nous retrouver dans une situation bien pire qu'auparavant.

J'aimerais bien entendre des observations générales là-dessus. Comment répondre aux gens qui affirment qu'il faudrait se débarrasser de toute intervention gouvernementale dans l'ensemble de ce secteur?

Deuxièmement, au sujet des recommandations du groupe, êtes-vous généralement d'accord avec ce qui est proposé ici: structure distincte au sein de l'appareil gouvernemental pour s'occuper des produits de santé naturels; abolition de l'annexe A de la Loi sur les aliments et drogues; adoption d'un système exigeant pour tous les produits une forme quelconque de permis, avec des pénalités rigoureuses; autres recommandations en matière d'étiquetage, etc.? Je voudrais savoir ce que vous pensez en général de ces recommandations.

M. Serge Lavoie: Je vais faire une observation générale: les recommandations de base et le cadre proposé par le groupe sont remarquablement conformes aux recommandations que nous avons faites et qui se trouvent dans ce cahier. C'est la première réponse qui me vient à l'esprit.

Mme Valerie Dugale: J'ai l'impression que nous avons répondu au deuxième point en premier, mais je voudrais ajouter quelque chose. J'espérais que nous pourrions poser au groupe consultatif, une question au sujet de votre premier point.

• 1125

Je crois que la raison d'être du comité, c'est de susciter une volonté politique. Des recommandations ont déjà été formulées dans le passé. Deux groupes consultatifs sur les herbes médicinales ont été constitués dans les années 80, et un autre dans les années 90. De nombreux intervenants ont proposé des changements à la direction des aliments et drogues. La question se pose maintenant parce que l'on n'a pas fait suffisamment de changements. Il n'y avait pas assez d'experts en la matière à la direction pour comprendre quels changements s'imposaient et pourquoi.

C'est la première fois que nous avons l'occasion de nous entretenir avec des gens autres que les auteurs de la réglementation qui impose tellement de pouvoirs arbitraires dans le cadre de cette réglementation, et que nous avons l'occasion de nous entretenir dans un cadre plus général avec des élus pour leur dire quels sont les problèmes et solliciter leur aide pour exposer ces points de vue au gouvernement canadien et aux organes de réglementation afin d'opérer certains changements. La volonté politique est un élément très important dans tout ce processus.

M. Joel Thuna: Pour répondre à la première partie de votre question, une deuxième dynamique est en train de voir le jour. Le Canada est dans une situation enviable dans ce secteur. Dans le monde entier, les gens adorent nos produits. C'est ce qu'on nous dit tout le temps. Les gens ne veulent pas des produits américains parce qu'ils sont américains. Ils ne veulent pas non plus de produits européens, parce que ces derniers sont perçus comme de nature pharmaceutique, même s'ils sont naturels. Le Canada occupe le juste milieu. Les gens ont encore l'impression que notre territoire est resté à l'état naturel. Quiconque voit les Rocheuses ou le Parc Algonquin s'imagine que c'est le centre-ville de Toronto. Mais ce n'est pas grave. Je peux toujours rêver.

Le problème, c'est que la réglementation actuelle fait obstacle à l'essor de ce secteur non seulement au Canada, mais elle nous fait aussi du toit sur le plan international. Il y a beaucoup de produits et de règlements qui nous obligent tout simplement à être non compétitifs internationalement. À long terme, cela coûte des emplois au Canada, et aussi beaucoup d'argent.

M. Serge Lavoie: Pour revenir à ce que je disais, je voudrais simplement ajouter que nous avons un remarquable consensus sur le cadre général et je pense que c'est vraiment réconfortant, mais c'est toujours au niveau des détails que tout se détraque. Quand nous nous emploierons à définir comment ce cadre s'appliquera, il faudra que l'on reconnaisse qu'il existe dans notre secteur un groupe d'experts et de professionnels qui possèdent une longue expérience et les renseignements voulus pour apporter une contribution valable. Si nous pouvons reconnaître cela, au moment d'aborder ce processus, peut-être ce cadre donnera-t-il des résultats. Sinon, si l'on continue de réglementer avec une mentalité paternaliste, ce sera un échec.

Dre Maureen Horne-Paul: Je voudrais réitérer cet argument d'un point de vue professionnel. Il y a beaucoup de médecins naturopathes accrédités qui ont fait de longues études en médecine naturelle. Voilà en quoi consiste notre formation. Il faut sept ans pour former un naturopathe. Quant à l'accréditation, elle nous est accordée par un organisme compétent dans la province d'Ontario depuis 1925.

Nous affirmons également qu'un cadre réglementaire doit s'appliquer à la botanique, à l'homéopathie et à tous les types de médecine douce, parce que c'est tellement différent, par rapport aux médicaments pharmaceutiques conventionnels. Nous devons être parties prenantes en tant que professionnels, parce que nous avons la formation voulue, nous sommes accrédités, à l'instar de beaucoup d'autres praticiens de la santé dans d'autres domaines, pas seulement en Ontario, mais dans l'ensemble du Canada. De plus, nous jugeons important que les décideurs en matière de réglementation puisent dans les connaissances que nous possédons en tant que groupe professionnel et se fondent sur la recherche qui se fait et dont les résultats sont diffusés, avant de prendre des décisions relativement à la réglementation de tout ce secteur.

La présidente: Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe: Comme bien d'autres, je suis fasciné par toute la discussion qui tourne autour de cette question. Ce matin, à plus d'une reprise, on nous a parlé de réglementation. Je me demande si nous avons réfléchi aux répercussions des changements que l'on pourrait apporter aux règlements qui régissent tout ce domaine, surtout en ce qui a trait à—et j'utilise ici un mot que Michael a beaucoup employé—la coordination et la réglementation des praticiens.

Il faut bien donner à la population une garantie quelconque, outre ce qui figure sur l'étiquette, lui donnant l'assurance que les gens qui posent un diagnostic—je suppose que c'est le terme idoine—et qui recommandent une posologie donnée, ont suivi une formation susceptible de rassurer tout le monde.

• 1130

On vient de nous dire que les naturopathes doivent étudier pendant sept ans. Je me demande s'il existe un organisme multidisciplinaire qui pourrait donner au grand public l'assurance, quand quelqu'un achète l'un de ces flacons que vous nous avez montrés et avale l'une de ces pilules, qu'il n'y a pas de risque que le remède soit pire que le mal.

Mme Valerie Dugale: Pour établir le contexte, avant que Michael ne vous donne une explication détaillée, je signale au comité que l'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie a récemment complété un très long processus visant à harmoniser les tableaux des médicaments dans les diverses provinces. Dans le rapport final qui a été publié l'année dernière, on a établi quatre catégories de produits, depuis les médicaments d'ordonnance jusqu'aux produits qui ne figurent pas au tableau, c'est-à-dire pour lesquels il n'est pas nécessaire d'obtenir l'avis d'un professionnel. La majorité des produits de santé naturels se trouvent dans cette catégorie.

Tout à l'heure, Elinor, vous avez demandé s'il y a une différence entre les produits vendus dans les magasins de produits de santé naturel et ceux que l'on vend dans les pharmacies. Non. Je pense que les tableaux de médicaments établis par l'Association nationale des autorités de réglementation de la pharmacie répondent à cette question.

Je voulais simplement établir ce contexte.

M. Michael Vertolli: Je discerne deux niveaux. Premièrement, il y a la question de l'expertise qui est intrinsèque dans ce domaine. Ensuite, il y a la question qui a été soulevée tout à l'heure par les membres du groupe consultatif dans leurs recommandations, c'est-à-dire que certains produits de santé naturels, quoiqu'ils représentent un petit pourcentage du total, posent un risque plus élevé. Nous estimons que ces produits sont quand même avantageux pour le public canadien, mais à cause de leurs caractéristiques un peu plus risquées, ils doivent être dispensés par un praticien compétent.

On a beaucoup discuté des docteurs en médecine, mais ce que l'on oublie dans tout cela, et ce que nous-mêmes et le comité consultatif faisons observer, c'est que la plupart des gens qui possèdent les compétences voulues pour utiliser ces produits ne sont pas docteurs en médecine. Voilà le problème.

M. Joseph Volpe: Excusez-moi de vous interrompre, Michael. L'inverse est également vrai. Dans la ville d'où je viens, il y a beaucoup de médecins ayant suivi une formation à l'occidentale qui affirment posséder l'expertise voulue dans les applications de médecine non occidentale, c'est-à-dire traditionnelle, et qui font aussi des diagnostics et recommandent d'utiliser certains produits à des fins qui ne sont pas prévues ou qui remplacent un produit pharmaceutique par un autre produit naturel, sans avoir de certitude quant à la qualité constante du produit qu'ils recommandent. Je dis qu'ils n'ont pas de certitude parce que dans l'état actuel des choses, il est impossible de prédire la posologie avec la même certitude.

Que faire en pareil cas? J'irais même plus loin, Michael, et je cite le cas de médecins diplômés qui font des expériences avec beaucoup de ces produits et qui pourraient faire des allégations et revendiquer des guérisons que le public, avide de remèdes miracles, accepteraient sans broncher.

M. Michael Vertolli: La question de la standardisation du produit n'a rien à voir avec celle des praticiens. C'est une question de procédé de fabrication, de bonnes pratiques de fabrication. C'est en fait un problème industriel. C'est pourquoi il faut mettre en place des règlements pour veiller à ce que les produits soient sûrs et efficaces ou tout au moins sûrs et qu'ils correspondent à ce qu'on affirme à leur sujet, parce que des problèmes se posent à cet égard. C'est l'argument le plus convaincant qui explique pourquoi nous ne voulons pas balancer par-dessus bord tout le régime de réglementation. Nous savons bien que dès qu'il y a de l'argent à faire, les gens sont prêts à tout. S'il n'y a aucun règlement, on trouvera plein de cochonneries sur le marché.

Par ailleurs, nous avons un problème très épineux en ce qui a trait aux praticiens. Il y a des docteurs en médecine qui utilisent des produits à base d'herbes médicinales, et certains le font très bien, mais il y a aussi beaucoup de docteurs en médecine qui les utilisent de façon inappropriée, faute d'avoir reçu la formation voulue.

Ce problème s'est posé dans le domaine de la médecine traditionnelle chinoise. En effet, des docteurs en médecine voudraient avoir le droit de faire de l'acupuncture. Beaucoup de thérapeutes chinois traditionnels refusent tout net, soutenant que s'ils veulent utiliser l'acupuncture, ils doivent d'abord suivre une formation en médecine chinoise traditionnelle. C'est vrai dans une certaine mesure, mais il faut quand même faire preuve d'une certaine souplesse.

• 1135

Le millepertuis peut être utilisé dans un contexte holistique. Il peut aussi servir dans le cadre de la médecine moderne. En ce sens, le millepertuis est beaucoup plus sûr qu'un antidépresseur conventionnel et il peut donc être très avantageux pour le patient. Mais la réglementation des praticiens relève strictement des provinces et c'est une autre question.

C'est très difficile, car les différents praticiens qui fourmillent dans ce secteur sont issus de diverses traditions et il est difficile de mettre en place un cadre de réglementation des praticiens qui ne leur imposeraient aucune contrainte inutile dans le contexte de la tradition qu'ils mettent en pratique. Néanmoins, il faut se pencher sur la question.

Nous avons bon espoir que le gouvernement fédéral, dans ses efforts pour modifier la réglementation, s'efforcera de travailler avec les provinces et avec les divers groupes de praticiens pour essayer de mettre en place un régime qui sera avantageux en fin de compte pour l'utilisateur final, le consommateur, afin que nous ayons l'assurance que non seulement les produits, mais aussi les praticiens eux-mêmes soient régis par une certaine réglementation.

M. Reed Elley: Certains ont dit craindre que si nous mettons sur pied un organisme de réglementation distinct relevant de la direction des produits thérapeutiques, ce ne serait pas la solution la plus rentable, qu'en fait, il faudrait simplement confier toute l'affaire à la direction des produits thérapeutiques et que les gens compétents devraient simplement travailler côte à côte avec ceux qui sont déjà qualifiés pour procéder aux tests des produits en question.

Je voudrais connaître votre opinion là-dessus. Qu'en pensez-vous? Vous pourriez peut-être visualiser un schéma du ministère et nous dire où vous mettriez ce qui vous semble nécessaire dans ce schéma, en faisant des commentaires sur la filière hiérarchique, etc.

Comprenez-vous ce que je dis?

Mme Valerie Dugale: Je vous renvois à l'Annexe B de notre document, qui se trouve à la dernière page des recommandations des représentants. Nous recommandons en fait de mettre sur pied un organisme administratif réglementaire séparé sous l'autorité de Santé Canada et qui serait fonctionnellement intégrée aux autres services relevant du sous-ministre et du ministre de la Santé, la direction des produits thérapeutiques, la direction des produits alimentaires et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, parce que tous ces groupes ont un intérêt en la matière.

Étant donné que les compétences nécessaires sont radicalement différentes, il faut un organisme réglementaire séparé. Je crois que les problèmes causés par l'actuel système de réglementation et, assurément, le manque d'expertise au sein de la direction des produits thérapeutiques et aussi de la direction des produits alimentaires ont abouti à un environnement réglementaire où la confusion règne. C'est pourquoi je trouve important de recommander la création d'un organisme administratif séparé qui aurait le dernier mot sur les décisions prises en matière de protocoles ou de politiques, la direction des produits thérapeutiques étant laissée en dehors du processus. Je dis cela parce que les gens de cette direction sont experts dans un domaine complètement différent; personne ne nie leur expertise, mais elle ne se situe pas dans un domaine susceptible de les aider à réglementer ces produits.

M. Michael Vertolli: J'ajouterais que nous pourrions créer le meilleur cadre réglementaire possible, mais si les gens qui sont chargés de l'appliquer ne comprennent pas la nature de ce qu'ils appliquent, alors cela ne marchera pas.

Nous ne nous sommes pas prononcés, et le comité consultatif non plus, d'ailleurs, quant à l'emplacement de ce service de réglementation dans l'appareil gouvernemental. Ce que nous disons, c'est que ce service doit posséder l'expertise voulue et le pouvoir de prendre des décisions qui ne risqueraient pas d'être annulées par des gens qui ne sont pas experts en la matière. S'il est possible d'établir cela dans le cadre de la direction des produits thérapeutiques, très bien, sinon, il faut alors créer une autre structure quelconque.

Par ailleurs, il importe de noter que si les gens ou les organes de réglementation qui s'occupent actuellement de tous les «produits thérapeutiques» se voient tout à coup enlever entre 20 et 50 p. 100 de leurs produits qui seraient désormais réglementés par un autre service, il est évident que cela suscitera des préoccupations quant au coût. Mais il semble logique de détourner des ressources de cette structure de réglementation qui aurait désormais moins de travail, pour financer la nouvelle structure. Cela ne veut pas dire qu'il faut créer quelque chose de toutes pièces tout en laissant l'ancien système intact.

• 1140

Mme Michelle Marcotte: Il y a un problème qu'il faut essayer d'éviter. Quand nous mettrons au point les derniers détails, il faudra aussi tenir compte des denrées alimentaires, des nutraceutiques, des aliments fonctionnels. Il faut régler le problème non seulement pour les produits qu'on pourrait considérer comme des suppléments alimentaires, mais aussi à l'égard des allégations relatives à la santé dans le cas de produits alimentaires ou de denrées alimentaires spéciales. Ainsi, on éviterait les problèmes qui se sont posés en Australie et que la DSHEA a suscités en se penchant uniquement sur les dossiers de suppléments alimentaires.

La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci. Peut-être a-t-on déjà répondu à cette question, mais je vais quand même la poser à Joel Thuna.

À titre de chef d'une petite entreprise de fabrication, Joel, quel est, à votre avis, le principal obstacle dans la culture canadienne des affaires? Vous avez évoqué les problèmes d'exportation, mais compte tenu de votre opinion sur ce que sont les principaux obstacles, quels sont à votre avis les principaux objectifs de votre comité et, par voie de conséquence, peut-être pour le comité consultatif?

M. Joel Thuna: Il y a une foule d'obstacles, mais les deux principaux découlent du manque d'expertise à la direction générale des produits thérapeutiques, et le fait que l'on ne se rend pas compte de la différenciation des marchés.

Par exemple, si vous ouvrez votre cahier à l'onglet 11, il y a une correction à faire, mais je crois que ça va illustrer assez clairement ce que je dis au sujet des différences. Il est question de la demande d'une IND et de frais annuels de renouvellement pour les entreprises ayant des profits bruts supérieurs à 20 000 $. Il faut remplacer le mot profit par «ventes». Cela fait une grande différence.

Ce que j'essaie de montrer ici... Prenons par exemple un produit comme l'échinacée. Je suis certain que la plupart des gens ici présents en ont entendu parler. Si j'obtiens une IND pour l'échinacée et que je vends ensuite ce produit comme fabricant, en excluant mon coût de fabrication, de main d'oeuvre, mon local, etc., j'ai déjà perdu plus de 22 000 $ à 23 000 $ la première année. C'est beaucoup d'argent à jeter par les fenêtres. J'obtiens très peu pour cette somme en fait de services ou bien...

M. Serge Lavoie: Pourriez-vous expliquer pourquoi?

M. Joel Thuna: Bon, allons-y.

Je dois payer 720 $ au gouvernement, par l'intermédiaire de TPP, uniquement pour avoir le droit de demander une IND pour pouvoir vendre légalement mon produit. Ensuite, si je vends 20 000 $ de produits la première année, je dois donner 5 000 $ à TPP. En plus, je dois les payer pour venir voir sur place chez nous, pour s'assurer que je fais bien les choses, alors qu'ils ne savent même pas ce qu'il faut faire exactement, puisqu'ils n'ont aucun expert. Le comble, c'est que je dois équiper mes locaux comme si je produisais un produit pharmaceutique. Je dois prévoir des salles blanches à l'épreuve des explosions. Je dois prévoir des appareils en acier inoxydable.

J'admets que cela répond en partie à des préoccupations d'ordre pratique, mais vous exagérez grandement. C'est comme essayer de tuer une mouche à coup de massue, au lieu d'utiliser un tue-mouche. Oui, il y a bien sûr des préoccupations en fait de propreté, etc, et c'est pourquoi il faut appliquer de bonnes pratiques de fabrication. Mais les BPF, la réglementation, le barème des droits, autant pour appliquer des normes de BPF et pour payer le gouvernement pour me surveiller, tout cela est exorbitant et ridicule.

Pour certaines compagnies, dont la mienne, qui offrent en vente plus de 3000 produits, le barème des droits est tellement démesuré que si on avait adopté le régime de permis tel qu'il était proposé, le gouvernement canadien aurait été ma plus grosse dépense. Il y a vraiment quelque chose qui cloche.

• 1145

Mme Aileen Carroll: Cette question me semble importante. Je sais que nous essayons de régler une foule de questions diverses, mais nous avons aujourd'hui la seule et unique occasion d'entendre ces experts. Je voulais donc signaler cela à l'intention du comité, car en tant que chef de petite entreprise moi-même, j'ai trouvé cela incroyable la première fois que j'en ai entendu parler.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Je voudrais revenir à la politique de Santé Canada en matière de recouvrement des coûts et aux trois catégories actuelles. Je pense que vous aviez commencé à donner des exemples de l'ampleur et de la portée de tout cela. Pourriez-vous nous dire laquelle des trois politiques en matière de recouvrement des coûts est la plus coûteuse. Deuxièmement, quelle est l'incidence en termes de congédiement d'employés ou d'autres conséquences? On y a fait allusion. Troisièmement, à combien s'élèverait un montant raisonnable des droits à payer? Je pense que l'on a évoqué le modèle australien, où ce montant est de 220 $, sauf erreur. Je voudrais donc avoir une réponse à cette question au sujet du recouvrement des coûts.

M. Serge Lavoie: C'est très difficile de demander à un secteur industriel combien il est disposé à payer...

M. Lynn Myers: Eh bien, donnez-moi votre avis.

M. Serge Lavoie: Et 220 $, c'est beaucoup mieux que 720 $ plus 500 $ par année. Mais la question demeure: combien le gouvernement doit-il prélever là-dessus? Ce montant de 220 $ revient à 50 p. 100 à l'organisme, en Australie. J'ignore quel est le pourcentage au Canada. C'est une question difficile.

Quant à l'incidence sur une compagnie, je pense que Joel pourrait probablement vous en parler, de même que Valerie. Voulez-vous dire quelques mots à ce sujet?

M. Joel Thuna: Je vais commencer par vous dire combien je serais disposé à payer. Commençons par cela, car c'est assez amusant de répondre à cette question.

De la façon dont je vois les choses, le problème est que si vous examinez ce droit de 720 $ pour la IND, il faut se rappeler que ce montant couvre tout IND. Prenons par exemple une compagnie comme Glaxo Wellcome, qui a fait énormément de recherches sur un produit et qui fait venir 20 ou 30 palettes remplies de boîtes de quatre pieds de haut pleines de matériaux pour un programme de produits thérapeutiques mettant en cause Dieu sait combien de gens et Dieu sait combien d'heures. Ces gens-là payent le même prix, c'est-à-dire 720 $, que moi, qui remet un bout de papier ou peut-être sept feuilles de papier au sujet d'un produit qui est disponible depuis 2 000 ou 3 000 ans. En fait, on se trouve à forcer les petites compagnies comme la mienne à subventionner les grandes entreprises qui fournissent des produits qui sont effectivement essentiels, mais si une compagnie fait du travail pour un produit donné, il faut que le régime soit conçu en conséquence.

Je serais disposé à payer un montant de l'ordre de 200 à 300 $. Je trouve que c'est justifié. Je crois que le travail en cause vaut probablement ce montant d'argent. Je trouve que ce n'est pas acceptable quand il s'agit de prendre quelques minutes pour cocher deux cases, alors que l'examinateur et moi-même savons pertinemment dès le départ que ce sera accepté. Je trouve que c'est exorbitant, voire quasi criminel.

Cela aura pour résultat de faire disparaître la compagnie. Je connais plusieurs fabricants qui, ces derniers mois, ont cessé de fabriquer des produits à base d'herbes médicinales, non pas à cause d'un problème de production, non pas faute de demandes ou de rentabilité, mais parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre de payer le gouvernement canadien. C'est triste, du point de vue du Canada.

M. Serge Lavoie: Je voudrais aussi signaler que s'il est question de tarifier les services, il faudrait alors recevoir un service en contrepartie du droit acquitté; il faudrait un barème précisant que tel montant donne droit à tel service. Je pense que le concept d'un pourcentage des ventes, c'est une forme de fiscalité. Ce n'est pas un droit pour obtenir un service. Cela n'a jamais de fin, même si c'est un montant déclinant graduellement en pourcentage. C'est très difficile d'établir un rapport entre le pourcentage de vos ventes et le service que vous obtenez de l'autorité réglementaire. Je trouve qu'il y aurait un certain mérite à établir une liste quelconque des services et de leurs coûts; on dirait par exemple qu'une visite sur place coûte tant, que l'étude des demandes coûte tant, ce qui permettrait de mettre en rapport la tâche nécessaire et l'avantage obtenu.

M. Lynn Myers: Vous vous élevez donc surtout contre les droits à payer pour l'obtention d'un permis, n'est-ce pas?

M. Michael Vertolli: Le fait que les produits sont passés de la catégorie des aliments à celle des médicaments nous pose de graves problèmes parce que nous devons respecter des BPF. Certains fabricants ont même dû apporter des modifications à leurs installations et changer le type d'équipement dont ils se servaient. La liste des normes qu'on leur a imposées est sans fin. Je ne conteste pas la nécessité de normes, mais ces normes ne cadrent pas nécessairement avec le type de produits dont nous discutons.

• 1150

M. Joel Thuna: Comme Mike vient de le faire remarquer, l'obligation d'obtenir un permis pour l'exploitation d'une usine a eu deux effets. Le premier a été d'obliger les fabricants à respecter certaines normes dans l'espoir que leurs installations soient approuvées et ensuite le barème des droits lui-même.

Pour répondre aux besoins de notre clientèle, la majorité des entreprises n'offrent pas parmi leurs produits les 10 ou 15 produits dont on entend parler chaque semaine, soit le millepertuis commun, la valériane, l'échinacée et le ginkgo biloba. Ils offrent des milliers de produits et, dans certains cas, des dizaines de milliers de produits parce que c'est ce que réclament les consommateurs: ils veulent pouvoir trouver tous leurs produits auprès d'un seul fournisseur.

La situation est horrible pour ce qui est du permis d'exploitation. Le barème des droits augmente très rapidement. Les petites entreprises comme la mienne qui ne comptent qu'une douzaine d'employés doivent payer au minimum... Nous n'avons jamais reçu une facture finale, mais ces droits vont s'élever au minimum à 25 000 $ la première année. Cela s'ajoute au fait qu'il nous a fallu améliorer nos installations. Cela nous a empêchés d'investir dans notre entreprise. J'en ai parlé à mon député et la situation m'a tellement mis en colère que nous n'avons pas donné suite à nos projets d'investissement. Nous avions conclu une entente avec deux universités dans le cadre de laquelle nous aurions installé un laboratoire dans notre usine. Nous avons abandonné le projet lorsque nous avons su que le simple fait d'avoir un laboratoire dans notre immeuble nous coûterait 10 000 $.

De nombreuses entreprises ont cessé de réinvestir leurs profits dans l'entreprise elle-même. Les investisseurs de l'extérieur ont aussi cessé de s'intéresser à ces entreprises qui ne créent plus d'emplois. Je connais des sociétés qui comptaient avoir une troisième équipe de travailleurs. Ma propre entreprise comptait en avoir une seconde. J'ai abandonné ce projet. Rien ne sert d'investir dans une entreprise si on a des doutes quant à sa viabilité.

M. Serge Lavoie: Permettez-moi d'ajouter ceci. Je ne suis pas fabricant, mais je reçois beaucoup d'appels de banquiers et d'analystes en valeurs mobilières qui étudient des demandes de crédit. La première question qu'on me pose toujours, est, quel sera l'impact du cadre réglementaire sur la croissance de cette industrie. Ils ne me posent pas de questions sur les bilans pro forma qu'ils peuvent comprendre eux-mêmes. La question qu'ils posent toujours est la même: On parle beaucoup dans la presse de cadre réglementaire et nous aimerions savoir quel sera son impact sur les ventes futures de ce produit?

Le cadre réglementaire est tellement flou que cela nuit aux investissements qui pourraient être consentis par les entreprises elles-mêmes et par les investisseurs en capital-risque.

M. Lynn Myers: Madame la présidente, je voulais simplement faire remarquer qu'il importe que le comité entende ce genre de choses.

La présidente: Oui.

Permettez-moi pour l'instant de me faire l'avocat du diable. Vous avez dit que le fait de devoir respecter certaines normes en ce qui touche les BPF et l'équipement entraîne des coûts. Le public ne s'attend-il pas à ce que vous respectiez certaines normes? Vous dites que les normes sont trop élevées. Le public ne s'attend-il pas à ce que vous respectiez certaines normes de qualité pour ce qui est de vos produits? Je parle ici de la IND.

M. Joel Thuna: Des normes sont nécessaires. Je ne connais aucun membre de notre industrie qui ne réclame pas en fait des normes adéquates. J'insiste cependant sur le fait que les normes doivent être «adéquates». Je ne pense pas qu'une entreprise comme la mienne, qui fabrique des suppléments naturels, devrait être assujettie aux mêmes normes que celles qui s'appliquent aux entreprises pharmaceutiques comme Glaxo Wellcome qui fabriquent des produits injectables et hautement toxiques. Les normes qu'on nous impose ne se justifient pas, compte tenu des risques peu élevés que présentent nos produits et compte tenu du fait qu'il est trop coûteux pour nous de nous y conformer.

Le président: Je vous remercie.

Mme Valerie Dugale: Nous réclamons des BPF adéquates. Les BPF actuels visent les entreprises pharmaceutiques. Étant donné que nos méthodes de fabrication et que notre structure diffèrent de celles des entreprises pharmaceutiques, nous ne pouvons même pas nous y conformer. Cette situation a donné lieu à des normes d'application qui varient d'une partie du pays à l'autre puisque les inspecteurs savent bien qu'ils doivent accepter certains compromis étant donné que les BPF ne correspondent pas aux normes de fabrication. Il n'y a donc pas d'uniformité pour ce qui est de la mise en oeuvre des normes. Nous recommandons donc l'adoption de BPF adéquates.

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vous remercie. J'ai deux questions à poser.

Certains estiment que le Canada ne devrait pas adopter un cadre réglementaire sans tenir compte de la réglementation internationale dans ce domaine. Le Canada doit évidemment tenir compte des accords commerciaux qu'il a signés.

• 1155

Voici ma question. À votre avis, s'oriente-t-on vers une réglementation uniforme des produits naturels à l'échelle internationale? L'Organisation mondiale de la santé notamment déploie-t-elle des efforts en ce sens?

Voici maintenant ma seconde question. Si l'on s'oriente vraiment vers un système de santé qui soit davantage axé sur la prévention des maladies et, par conséquent, un système moins coûteux, ne faudrait-il pas que le gouvernement joue un rôle plus actif, c'est-à-dire qu'il fasse la promotion des produits de santé naturels au lieu de s'en tenir simplement à les réglementer?

M. Serge Lavoie: Je vais d'abord répondre à votre deuxième question et je demanderai à Michelle de répondre à votre première.

Dans le titre même de la loi américaine, la DSHEA, il est question d'informer le public en matière de santé. Cette loi incite les Américains à prendre en charge leur santé. Ils sont appelés à prendre leurs responsabilités en ce qui touche les médicaments qu'ils consomment, en s'informant à leur sujet, en lisant les étiquettes des produits ou en consultant des livres ou des praticiens.

La promotion de ces produits passe par une loi. Nous devons étudier la question. Il ne s'agit pas simplement de changer la réglementation. Il faudrait changer les attitudes.

Pour ce qui est de la réglementation...

Mme Michelle Marcotte: Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il se passe vraiment quelque chose de concret à l'échelle internationale dans le domaine qui nous intéresse. L'Organisation mondiale de la santé ou le CODEX s'intéresse surtout à la classification des aliments.

On constate cependant que certains pays se sont efforcés de se donner une politique cohérente. Ils ont décidé de promouvoir la fabrication des produits de santé naturels pour des raisons économiques. Bon nombre de ces produits sont des produits agroalimentaires et leur production peut présenter d'importants avantages pour des pays dont l'économie repose sur l'agriculture. Ils se sont donc efforcés de se donner un cadre réglementaire adéquat. Ils pourraient évidemment y avoir des discussions sur le sujet à l'échelle internationale.

Nous constatons cependant plusieurs similitudes. Dans certains pays, on accepte beaucoup mieux les suppléments alimentaires naturels et les produits de santé naturels et on comprend qu'il faut présenter des allégations crédibles sur les étiquettes. On ne peut pas accepter que le consommateur ne sache pas à quoi sert le produit, quelle est la posologie et quels sont les contre-indications. Nous constatons donc certaines similitudes.

Nous devons nous orienter vers ce genre de système au Canada. Sinon, nous aurons pris beaucoup de retard lorsqu'on commencera à s'intéresser à la chaîne internationale.

M. Michael Vertolli: J'aimerais répondre à votre deuxième question, une question très importante, qui porte sur la place de la médecine holistique et des produits de santé naturels dans l'ensemble de notre système de soins de santé.

En dernier ressort, nous avons des comptes à rendre à la population canadienne. Nous voulons nous assurer que tous les Canadiens ont accès au meilleur système de soins de santé possible.

Tout se tient en l'occurrence. À une extrémité il y a ceux qui n'utilisent que des produits de santé naturels et à l'autre ceux que n'utilisent que des produits pharmaceutiques. Entre ces deux extrêmes se situe sans doute la majorité des Canadiens. Il importe de permettre aux consommateurs d'avoir accès à tous les types de services de santé disponibles.

La médecine moderne a fait de grands progrès dans le domaine de la chirurgie et des soins d'urgence, mais elle n'a rien à offrir à ceux qui souffrent de maladies chroniques contrairement à la médecine holistique. C'est le consommateur qui en profitera s'il a accès aux deux types de médecine.

Un système de santé plus préventif axé sur l'information et la prévention serait beaucoup moins coûteux que le système actuel. Je n'ai pas eu recours au régime d'assurance-santé depuis vingt ans. Tout le monde n'est pas aussi bien renseigné que moi sur les produits de santé naturels, mais je vois chaque semaine de nombreux patients qui, eux aussi utilisent très peu de services médicaux traditionnels parce qu'ils ont pris en charge leur propre santé.

• 1200

Ce que nous voulons tous, c'est un système de soins de santé qui soit efficace et abordable, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

La présidente: J'aimerais poser une question avant que nous ne terminions.

Monsieur Vertoli, vous avez mentionné le fait qu'on a interdit l'utilisation de certaines herbes au Canada. Avez-vous la liste de ces produits? Savez-vous pourquoi on en a interdit l'utilisation?

M. Michael Vertolli: Compte tenu de la période de transition dans laquelle nous nous trouvons, et à l'issue sans doute des consultations avec le comité consultatif et d'autres intervenants, Santé Canada a supprimé certains produits de la liste des produits interdits. Nous ne pouvons toujours pas dire sur les étiquettes à quoi servent ces produits et comment bien les utiliser, mais on en permet au moins la vente.

Le grand problème, c'est qu'on nÂa jamais vraiment su quels étaient les produits interdits. Depuis des années, les membres de notre industrie demandent à Santé Canada de leur fournir la liste des produits interdits.

La présidente: Ne vous l'a-t-on pas fournie?

M. Michael Vertolli: Jamais. Depuis des années, on nous répond qu'on modifie cette liste chaque jour. C'est effectivement le problème qui s'est posé.

La présidente: Cette liste existe-t-elle?

M. Michael Vertolli: Non, elle n'a jamais existé.

La présidente: Dans ce cas, savez-vous pourquoi certains produits sont interdits?

M. Michael Vertolli: Les produits qui sont actuellement interdits sont peu nombreux, étant donné qu'on a modifié récemment la réglementation à cet égard.

La présidente: Vous a-t-on expliqué pourquoi ils avaient été interdits?

M. Michael Vertolli: Dans la plupart des cas, ils ont été interdits pour les raisons que je vous ai mentionnées plus tÔt. C'est parce qu'on a décelé dans ces produits des quantités minuscules de substances toxiques lorsqu'elles sont prises par elles-mêmes.

Il existe aussi des contre-indications. Dans le cas d'un produit qui est clairement un aliment et pour lequel Santé Canada n'a pas voulu émettre une IND si ce produit était contre-indiqué en cas de grossesse, le ministère décidait simplement d'en interdire la vente au lieu d'indiquer cette contre-indication sur l'étiquette.

Beaucoup de renseignements qu'on vous a donnés au sujet de l'annexe 705 étaient inexacts. On vous a dit que les herbes mentionnées à l'annexe 705 ont été jugées inacceptables comme aliments à la suite de la recommandation des comités consultatifs d'experts précédents. C'est exact, par contre les comités ont recommandé de permettre la vente des produits dans bien des cas mais en signalant les contre-indications. Cependant, Santé Canada a refusé disant, nous regrettons, mais nous n'allons pas accepter ces produits comme médicaments, et ils ne sont pas acceptables comme aliments, donc nous n'allons pas autoriser la mention d'une contre-indication sur l'étiquette. Le produit a donc été retiré du marché.

La présidente: D'accord. Merci beaucoup.

Je vous remercie tous d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je pense que nous avons tous beaucoup appris.