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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 11 février 1998

• 0815

[Français]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonjour, tout le monde. Je vous souhaite la bienvenue à notre deuxième séance d'information. Nous allons procéder tout de suite à la présentation des députés qui nous accompagnent ce matin. Pour le bénéfice de ceux qui n'ont pu assister à la séance d'hier soir, je demanderais aux députés qui sont ici présents de bien vouloir se présenter.

[Traduction]

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): David Pratt, député libéral de la circonscription de Nepean-Carleton, tout à côté d'Ottawa.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Je m'appelle Judi Longfield. Je suis la députée libérale de la circonscription ontarienne de Whitby—Ajax, à l'est de la région métropolitaine de Toronto.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Leon Benoit, député de la circonscription de Lakeland, en Alberta, et le critique suppléant de la défense du Parti réformiste.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Je m'appelle Pierrette Venne et je suis porte-parole du Bloc québécois en matière de défense nationale et députée du comté de Saint-Bruno—Saint Hubert. Bonjour.

Le président: Je m'appelle Robert Bertrand et je suis député du comté de Pontiac—Gatineau—Labelle dans l'Outaouais. Je suis président de ce comité.

Nous allons tout de suite donner la parole à notre premier témoin, madame Caroline Dion.

Mme Caroline Dion (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.

Je m'appelle Caroline Dion. Je suis la travailleuse sociale civile de la base. Avant de vous faire part de mon point de vue sur l'état psychologique de la communauté militaire de Bagotville, je vais vous décrire brièvement mon travail et l'ensemble des services sociaux de la base.

Les services sociaux de la base sont regroupés aujourd'hui sous deux volets principaux: les services d'une travailleuse sociale, en l'occurrence moi-même, et les services d'une équipe de conseillers psychosociaux.

De façon générale, mon mandat est de fournir des services qui vont permettre le maintien d'un haut moral des troupes afin de maximiser leur rendement au travail et, pour ce faire, je fournis des services de consultation et de thérapie qui s'adressent aux individus, aux couples et aux familles.

Je procède également à l'évaluation psychosociale des militaires qui partent pour une mission à l'étranger ou pour un endroit isolé afin de minimiser les risques de rapatriement et m'assurer que les besoins spécifiques des familles sont, dans ce contexte, bien comblés.

De plus, j'évalue les situations des militaires qui demandent une mutation pour des raisons familiales. Enfin, je peux aussi conseiller les superviseurs quant à l'orientation à prendre auprès des membres aux prises avec certains problèmes.

L'équipe de conseillers psychosociaux, pour sa part, se compose de sept militaires, des travailleurs répartis dans les différentes unités de la base et qui ont reçu le mandat d'écouter, de conseiller et d'orienter les personnes aux prises avec des difficultés personnelles ou reliées au travail. Ils sont des aidants naturels.

Ces gens conseillent également les superviseurs concernant l'aide qui doit être apportée à certains membres.

De par leur position stratégique en milieu de travail, les conseillers facilitent la prévention et le dépistage de certaines problématiques. À ce groupe s'ajoute une préventionniste qui travaille en complémentarité avec l'équipe et moi-même et qui a comme responsabilité la prévention de problématiques comme la drogue et l'alcool, le stress, le suicide, la violence, le harcèlement, etc.

Quelles sont les problématiques observées dans la 3e escadre? Comme de nombreuses personnes vous l'ont dit hier et vous le diront aujourd'hui, les militaires et leurs familles vivent une réalité qui diffère quelque peu de celle de la majorité des personnes du monde civil. On peut penser à la mobilité géographique, aux absences prolongées, au stress qu'engendrent certaines missions opérationnelles.

Dans le domaine de l'intervention, dans mon domaine, il est difficile de démontrer, à moins d'en faire une étude scientifique, dans quelle proportion ces facteurs de stress vont contribuer à l'apparition de certains symptômes chez les militaires et leurs familles. Chose certaine, je rencontre régulièrement des couples militaires séparés, des couples séparés parce que le ou la conjointe civil a fait le choix d'évoluer dans une carrière à son tour. Je rencontre des militaires monoparentaux; je rencontre des parents qui vont faire face à l'échec scolaire de leurs enfants parce que ceux-ci n'arrivent pas à s'adapter aux différents systèmes d'éducation existant dans les différentes provinces. Je rencontre des conjoints qui vont revoir leur époux après 20 mois d'absence, parce qu'il était allé suivre des cours ou en mission à l'étranger. Je rencontre des militaires qui reviennent de mission avec des réactions de stress post-traumatique, comme des flash-backs ou de l'agressivité et qui vont même en venir à détruire leur famille.

• 0820

Mais je rencontre surtout des militaires désillusionnés, désabusés et démotivés parce qu'on ne peut leur accorder la sécurité d'emploi d'autrefois, parce qu'ils ne peuvent presque plus espérer une promotion ou de l'avancement dans leur carrière ou parce qu'ils doivent faire face au changement à la vitesse de l'éclair.

Cette réalité entraîne donc un sentiment d'impuissance très grave chez les militaires et leurs familles. Ils se sentent dépassés. Ils manifestent des signes de stress, d'inadaptation, ou bien leur expérience devient l'élément déclencheur de l'apparition de symptômes plus graves comme la dépression, les troubles de personnalité ou d'autres maladies mentales.

C'est lorsque l'individu n'arrive plus à fonctionner et ne trouve plus de solution dans son répertoire de ressources, lorsqu'il est susceptible de perdre son emploi qu'il vient à mon bureau demander de l'aide et qu'il demande de l'aide auprès d'autres ressources spécialisées.

Malheureusement, les militaires ont tellement peur de perdre leur emploi qu'ils n'osent pas demander de l'aide. S'ils le font, ce sera en situation d'urgence, lorsque les moyens pour les aider sont devenus pour nous très limités. Et cela les rend encore plus anxieux et moins performants.

Finalement, ce que nous rencontrons plus souvent comme difficultés, ce sont les problèmes des couples, les demandes de mutation pour raisons de famille et les difficultés reliées au travail.

L'insatisfaction par rapport aux conditions de travail a pris beaucoup d'ampleur dans la dernière année. Elle prend souvent la forme de conflits ou d'abus de pouvoir entre superviseurs et subalternes ou entre collègues de travail. Nous pouvons constater que la réalité vécue par les travailleurs n'est pas toujours quantifiable en termes statistiques. Mais nous pouvons décrire leur discours, leurs perceptions ou leur vécu.

Comme on l'a dit à maintes reprises, les restrictions budgétaires ont fait beaucoup de dommages. Elles ont eu pour résultat un manque d'effectif dans certains domaines. Par conséquent, le personnel se retrouve avec une surcharge de travail. L'amalgamation des métiers ajoute un stress très important pour les travailleurs. En effet, l'on exige de chacun d'eux plusieurs types de qualifications. Ne réussissant pas à performer dans tous les domaines, parce qu'il y a des limites aux habiletés d'une personne, ils ont un sentiment de dévalorisation, de manque de confiance en soi, ce qui diminue leur rendement au travail.

Les cadres intermédiaires semblent être ceux qui subissent le plus de pressions, car ils doivent à la fois faire de nouveaux apprentissages, livrer leurs connaissances à leur personnel et continuer de gérer ce personnel. C'est un effort presque surhumain qui leur est demandé, dans un contexte où le temps est toujours limité par l'obligation de changement.

Ce qui est très important également, c'est que les gens perçoivent peu de reconnaissance et de considération, de quelque façon que ce soit, de la part des hauts dirigeants pour les efforts accomplis. Ayant perdu des privilèges dans leurs conditions de travail, les militaires s'attendent au moins à de la considération, mais cela semble peine perdue.

Par ailleurs, soulignons que sous les difficultés reliées au travail pour lesquelles les gens consultent à mon bureau, il ressort souvent un manque de leadership. Il est parfois difficile, et il faut le comprendre, pour les militaires plus expérimentés de faire face aux changements et d'assumer un style de leadership approprié à ces changements. Je remarque aussi qu'il y a de jeunes officiers, davantage qualifiés pour un travail technique mais à qui on demande d'être en charge de tout un groupe de travailleurs. Malgré leur bonne volonté, leur manque d'expérience et de qualification en gestion de personnel augmente le nombre de situations conflictuelles et le sentiment d'insatisfaction chez les travailleurs.

En somme, le portrait de l'état psychologique des militaires à Bagotville n'est pas totalement réjouissant. Les changements dans le travail et dans les conditions de travail affectent l'équilibre physique et psychologique des travailleurs. L'état de stress dans lequel ils se trouvent les rend moins tolérants, moins sensibles aux autres, modifie leur comportement et affecte d'autres aspects de leur vie personnelle comme leur état émotif, leur relation conjugale ou leur relation avec leurs enfants. Nous sentons que les membres du personnel restent partagés entre l'obligation de répondre aux besoins opérationnels et les besoins qu'ils ressentent comme individus et comme membres d'une entité familiale.

Ne soyons pas trop pessimistes. Il faut voir les facteurs qui contribuent de façon intéressante au bien-être de la communauté militaire, dont la présence à Bagotville d'une équipe innovatrice comme celle des conseillers psychosociaux et de la préventionniste. Ces intervenants font un excellent travail de dépistage et ils permettent la promotion des ressources d'aide. À mon avis, ils favorisent un plus grand sentiment de considération, ce qui est tant convoité par la communauté militaire.

• 0825

Nous pouvons également constater de façon générale que là où il y a des superviseurs à l'écoute de leur personnel, les gens se portent mieux et ont une plus grande satisfaction à leur travail. «À l'écoute» signifie que les superviseurs parlent à leur personnel avec respect malgré la pression subie de part et d'autre. Ils ont un style de gestion participative. Ils sont relativement disponibles pour écouter les problèmes personnels des individus qui entravent leur rendement au travail et tentent avec ces derniers de trouver des solutions ou de les orienter vers les ressources appropriées. Ils font valoir le point de vue de leurs subalternes auprès de leurs supérieurs. Mais, pour que les superviseurs agissent dans ce sens, il faut qu'ils en aient les moyens et le temps.

J'ai mentionné quelques-unes des problématiques. Voici maintenant, brièvement, quelques pistes de solution. À mon avis, il serait souhaitable que des efforts soient faits pour muter les couples militaires sur une même base. Ce serait une façon de démontrer de la considération pour le personnel et de compenser pour les privilèges perdus au cours des années.

Il serait souhaitable que l'on uniformise les systèmes d'éducation partout à travers le Canada afin d'arrêter de pénaliser les enfants.

Il serait souhaitable que des efforts soient faits, peut-être par le biais d'agences de placement et d'ententes entre les gouvernements provinciaux et fédéral, pour muter les militaires là où la conjointe peut avoir du travail selon ses qualifications.

Il serait peut-être possible aussi de maintenir plus longtemps au même endroit les militaires dont le ou la conjointe veut conserver son emploi dans le secteur civil. Ce serait une façon d'économiser, grâce à la réduction du nombre de mutations. Ce serait aussi une façon d'augmenter le niveau de vie des familles militaires par la présence d'un deuxième salaire. Ce serait aussi une façon d'éviter le déchirement des familles par la séparation et donc d'augmenter le bien-être de celle-ci.

Il serait souhaitable que les changements de l'avenir dans les structures organisationnelles soient mieux planifiés à l'étape de l'implantation et dans l'échéancier. Cela permettrait de mieux faire accepter les changements par les travailleurs tout en minimisant le stress qu'entraînent ces changements.

Il serait souhaitable que des personnes ressources soient mises à la disposition des superviseurs, des dirigeants, qui sont responsables de l'implantation des changements. Ces dirigeants se sentiraient moins isolés et moins coincés entre les besoins opérationnels et les besoins de leurs subalternes. On nous demande d'établir des priorités.

Il serait souhaitable que l'on multiplie les sources de reconnaissance. Les chances d'avancement étant très minimes pour la majorité du personnel, il importe de valoriser le travail effectué et les efforts déployés. Cela pourrait contribuer à l'augmentation du sentiment de fierté et d'appartenance à l'organisation. La forme de gestion adoptée par les dirigeants est une des réponses à cette lacune. À mon avis, ce n'est pas le rapport annuel des militaires qui va régler les choses.

Il serait souhaitable qu'on rende plus facilement accessibles les outils qui favorisent une meilleure gestion du stress, comme la disponibilité d'activités sportives. La santé physique est un élément de base pour le travail des militaires et, pourtant, encore trop de superviseurs font obstacle à la participation des travailleurs sur ce plan, parce qu'ils n'en ont pas les moyens et qu'ils n'en ont pas le temps.

Il serait souhaitable, enfin, qu'on maintienne la présence de l'équipe de conseillers psychosociaux dans les unités et qu'on appuie adéquatement leur travail. Ce volet des services sociaux pourrait être étendu, à mon avis, aux autres bases militaires canadiennes car toute la population canadienne en apprécie les services.

Il serait souhaitable qu'on officialise le rôle du préventionniste. La prévention et le dépistage des problématiques favorise l'efficacité des travailleurs et permet de diminuer les coûts que requièrent autrement les soins de santé physique et mentale lorsque des situations dégénèrent. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame. Y a-t-il des questions?

Madame Longfield.

[Traduction]

Mme Judi Longfield: Merci pour ce rapport très complet et pour quelques suggestions excellentes auxquelles notre comité, j'en suis sûr, veillera à donner des suites.

Vous n'avez pas parlé des adolescents. Y a-t-il des services pour les jeunes qui peuvent avoir des problèmes de stress identiques à ceux de leurs parents? Lorsque vous prodiguez des conseils aux pères et aux mères, y associez-vous les enfants?

[Français]

Mme Caroline Dion: Si j'ai bien compris la question, la plupart des enfants qui demandent de l'aide ou au sujet desquels les parents demandent de l'aide sont... Je ne suis pas spécialisée dans ce domaine. Il me faut donc les référer au centre multiservice, organisme situé sur la base, ou aux services civils. Ce peut être le CLSC ou certaines ressources privées qu'on trouve en ville. Mais on s'assure toujours de répondre à leurs besoins.

• 0830

[Traduction]

M. Leon Benoit: Vous avez dit que les militaires hésitent souvent à parler de leurs problèmes de peur de perdre leur emploi. Y en a-t-il qui vous ont dit carrément avoir cette crainte?

Mme Caroline Dion: L'interprétation ne passe pas.

[Français]

Mme Pierrette Venne: Monsieur le président, on devrait peut-être nous traduire la question.

Mme Caroline Dion: Oui, il y en a qui se sont sentis menacés. Il s'agit de groupes de personnes. Ce sont peut-être plus des groupes de civils qui travaillent ici sur la base, parce que les militaires qui sont partis ou ont quitté les Forces sont partis volontairement pour la plupart. C'est surtout chez des groupes de civils que j'en ai eu connaissance ici.

Il y a certains groupes de militaires bien particuliers qui, oui, ont eu des craintes. Je pense à ceux qui sont employés dans les photothèques, dont l'emploi est menacé. Dans le cas des groupes de civils, on peut penser aux réductions de personnel qui ont été faites parmi les cuisiniers ou au sein d'autres groupes spécifiques comme celui-là.

Est-ce que ça répond à votre question?

[Traduction]

M. Leon Benoit: Oui.

Vous avez mentionné plusieurs problèmes. Parmi tous ces problèmes, pourriez-vous me dire quels sont les deux qui, d'après vous, sont les plus critiques pour la stabilité des familles?

[Français]

Mme Caroline Dion: Ce que je rencontre le plus en consultation, ce sont des problèmes de couple sur le plan de la communication ou de la gestion de conflits. On peut penser que c'est le résultat de toutes les pressions qu'ils subissent. Bien sûr, les problèmes sont aussi propres aux individus. Souvent, ils manquent d'outils pour régler les conflits et réussir à s'entendre et à communiquer. Ce sont surtout des que je constate chez les familles.

Les deuxième problème des familles, c'est la difficulté à s'adapter à la vie militaire ou à la région ici, dans le cas des conjointes anglophones. Des familles demandent des mutations parce qu'elles ont de la difficulté—je vois quelques sourires—à trouver ici les services et les ressources nécessaires. C'est un milieu isolé. On ne peut pas y trouver d'emploi, et l'accès à l'éducation y est parfois limité, surtout pour les anglophones.

Les demandes de mutation sont presque toujours reliées à cette problématique. Dans le cas des familles, c'est ce qu'on voit le plus fréquemment.

Ce qu'on rencontre aussi, c'est tout l'effet du stress ressenti au travail par le militaire, qui se répercute à la maison. On sait qu'en situation de stress, il est difficile de faire la part des choses, de laisser tout le stress au travail et d'arriver à la maison serein et joyeux. Il est donc certain que le stress se répercute à la maison et peut devenir une cause des difficultés conjugales qu'on rencontre.

Le président: Madame Dion, serait-il possible d'avoir une copie de vos notes, s'il vous plaît?

Une dernière petite question de ma part. Quand vous parlez d'augmenter les sources de reconnaissance, pensez-vous à une reconnaissance monétaire ou à une reconnaissance morale? Comment entrevoyez-vous cela?

• 0835

Mme Caroline Dion: Une reconnaissance morale d'abord. La directrice du centre multiservice va peut-être en parler tout à l'heure. L'argent n'est pas toujours la source de satisfaction la plus grande pour un travailleur. Oui, c'est une source de satisfaction, mais je pense que la reconnaissance du travail d'un individu doit primer.

Le président: Merci beaucoup, madame.

Madame Joanne Simard.

Mme Joanne Simard (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous souhaite le bonjour à tous. Il me fait plaisir de me présenter ce matin devant le comité. Je pense que c'est une tribune de choix. C'est une tribune qui, espérons-le, aura des effets à court terme.

Hier soir, alors que nous étions ici rassemblés, il demeurait certaines incertitudes. La raison en est qu'au cours des dernières années, le ministère de la Défense nationale a fait effectuer certaines enquêtes auprès de la communauté militaire et de ses conjoints. Dans cette multitude d'études, on nous a un peu disséqués. Quand de telles démarches sont faites sans qu'on puisse en constater les effets, on finit par se demander à quoi tout cela sert et si on en verra des résultats.

Je pense que nous sommes au creux de la vague et que si des mesures ne sont pas prises rapidement, une déstabilisation totale s'ensuivra. Si on s'arrête à la démotivation de nos gens aujourd'hui, c'est parce que c'est ce qu'on vit.

Je voudrais me présenter et vous dire d'où je viens. Je ne suis pas une conjointe de militaire. Je suis de la région, de Chicoutimi plus précisément. Je suis voisine de la 3e escadre ou de la base canadienne de Bagotville depuis 35 ou 37 ans. C'étaient des voisins mal connus. Depuis quelques années, on procède à une certaine ouverture. Depuis que je suis arrivée ici, j'ai vu exactement ce qui se passait sur la base. Il est malheureux que les communautés environnantes n'aient pas connu exactement le travail qui se faisait ici, au sein de l'escadre.

J'ai une formation d'agent de développement, en sciences sociales. Ce n'est pas pour faire étal de toute mon expérience, mais je pense que cette expérience peut vous aider à comprendre les raisons qui m'amènent à faire certaines recommandations.

J'ai travaillé auprès d'organismes communautaires et auprès de communautés en difficulté, des organismes communautaires qui avaient des problèmes très spécifiques à la région. C'est ce qui m'a amenée à travailler ici, au sein de la communauté militaire.

Après avoir travaillé auprès de ces organisations, j'observe le type d'interventions et le type de symptômes qui existent dans un organisme comme les Forces et je me dis qu'il est anormal qu'on y constate autant de problèmes que dans le monde civil; autant, sinon plus, compte tenu du fait que, parmi les civils, on retrouve des gens qui sont sans emploi, qui sont bénéficiaires du bien-être social, qui sont sous le seuil de la pauvreté. Normalement, on devrait avoir un niveau de satisfaction un peu plus élevé.

Or, au cours des deux dernières années, nous avons eu une énorme augmentation des interventions psychosociales. On parle d'une augmentation de 100 p. 100. Je vous remettrai des statistiques à la fin.

Ainsi, en 1994-1995, le centre multiservice faisait en moyenne 91 interventions par année. En 1996-1997, ce chiffre est monté à 200, ce qui est l'équivalent du chiffre d'un CLSC, toutes proportions gardées. Cette année, après trois trimestres, comme vous l'avez vu hier dans les propos tenus par le commandant, on parle de 160 interventions alors qu'il reste encore un trimestre. C'est donc un peu inquiétant.

Les problématiques abordées sont celles dont Mme Dion a parlé tout à l'heure. On parle de séparations, de divorces. On parle de problèmes concernant le couple. Nous traitons de problèmes concernant les enfants, les comportements, la violence, la santé physique, la communication et le déploiement. En fait, vous pouvez tous les nommer: nous les traitons tous. C'est presque surprenant.

• 0840

Je suis ici à la base depuis 1992. J'ai fait mes premières expériences au sein du ministère de la Défense. On constatait alors qu'il y avait un esprit communautaire fort et un désir de fonctionner. Les gens participaient aux activités et, pour renchérir un petit peu sur ce que l'adjudant-chef disait hier, il y avait un sens d'appartenance qui était très présent.

Au cours des dernières années, compte tenu des réductions, peu importe les secteurs d'activité, on a dû faire des choix qui n'étaient pas faciles. On a été obligé d'imposer ou d'ajouter un fardeau financier aux familles. Le plus bel exemple que je peux vous donner est celui de la fermeture des écoles offrant un service de prématernelle qui étaient financées par le ministère. Comme je vous le disais hier, on ne peut plus désormais compter sur ce service qui nous avait été offert lorsqu'on est arrivés. Il a fallu donner cette charge-là aux parents. Ce sont des choix qui ne sont pas évidents. On donne toujours la priorité à nos enfants, mais parfois on n'a pas les moyens de s'accorder cette priorité.

Les salaires sont gelés depuis 1990 et on a augmenté progressivement la charge financière de nos familles. Elles subissent une augmentation de leur loyer et de tous les coûts reliés aux sports et loisirs auxquels s'adonnent leurs enfants hors de la base. Les enfants ne participent pas qu'aux activités de l'escadre, et les coûts de ces activités ont eux aussi augmenté au cours des années.

Tout ceci m'a amenée à faire une comparaison, et j'ai cru que votre comité aimerait se pencher sur quelques chiffres. Nous avons fait un sondage auprès des membres de l'escadre et comparé les salaires des familles des militaires à celui auquel en arrivait Statistique Canada pour l'ensemble des familles canadiennes. Statistique Canada indiquait que le salaire moyen d'un couple canadien à revenu unique, c'est-à-dire dont un seul des deux conjoints travaille, est de 49 850 $, ce qui n'est quand même pas si mal. Je connais ce chiffre par coeur. Au sein de l'escadre, chez 902 répondants dont 70 p. 100 sont des familles, la moyenne est de 39 000 $. On parle donc d'un écart de 20 p. 100. Cet écart est significatif et c'est justement là que l'on voit les difficultés monétaires auxquelles font face nos familles.

Au Canada, dans 60 p. 100 des couples, les deux conjoints travaillent. Ici, au sein de l'escadre, 50 p. 100 des conjoints ont réussi à se trouver un emploi. Ces conjoints ne sont pas nécessairement des salariés à temps plein ou en permanence. Parmi ces 50 p. 100, il y en a peut-être 60 qui ont un travail régulier.

Cette situation ne peut qu'avoir certaines conséquences. Je ne voudrais pas parler seulement de la question économique, mais on sait que cela a un impact, qu'il y a de la frustration et que nos conditions de vie en général s'en ressentent. Il est certain qu'une meilleure qualité de vie passe par l'amélioration de la condition économique de nos familles.

Comme Caroline voulait le faire, je parlerai des phénomènes ou symptômes profonds, d'un malaise profond. Je vais peut-être répondre à la question de M. Benoit avant qu'il ne me la pose. On ne peut pas identifier un ou deux facteurs qui mènent à cette déstabilisation. On suit parfois de petits cours de gestion qui nous aident à comprendre les facteurs de motivation. On sait très bien qu'il y en a plusieurs et je peux en nommer certains: le sens de l'appartenance, la loyauté, le leadership des dirigeants, la sécurité d'emploi, les conditions de travail, la rémunération, la reconnaissance de la population, l'avancement et la promotion, et la fierté envers l'organisation.

Lorsqu'un ou deux de ces facteurs de motivation ne fonctionnent pas, on peut compenser par les autres. On peut les étudier dans leur ensemble. Hier je prenais des notes en écoutant les témoins faire leur exposé. Je ne faisais qu'identifier les facteurs qui étaient nommés. On les a tous nommés comme facteurs de démotivation.

On part de très loin. On a un gros virage à faire. Il faut aussi réévaluer nos façons de faire parce que la cellule familiale et la société ont énormément changé, et cela non seulement en termes de statut. On ne parle pas uniquement des nouvelles familles qui viennent d'arriver, mais aussi des familles monoparentales

• 0845

La société a énormément changé. Quand je parle de changement, c'est non seulement en termes de statut, de nouvelles familles qui viennent d'arriver ou de familles monoparentales et ainsi de suite, mais aussi en termes des façons de faire et d'être de nos familles.

Si auparavant le ministère de la Défense était en mesure de muter un militaire, de faire suivre sa conjointe et ses enfants, ce n'est plus comme cela aujourd'hui. À la suite de notre sondage, on a préparé des modules de formation à l'intention des conjoints de nos militaires. Je puis vous assurer que depuis 1992, je constate que ce ne sont plus les mêmes femmes qui sont là. Le degré d'instruction des femmes s'est accru de façon significative depuis quelques années. Ce degré d'instruction accru correspond à ce qu'on constate dans la population civile en général. Ces 17 p. 100 de femmes qui ont un diplôme universitaire vont chercher à poursuivre une carrière. C'est la même chose au niveau d'un DEC ou de la formation professionnelle. La plus grande scolarisation des conjointes représente aussi un facteur déterminant dans notre façon de faire et de gérer nos gens.

J'ai rêvé à cette question toute la nuit, en repensant aux gérants de carrière dont parlait Mme Venne hier. Ces gérants de carrière sont aussi un gros mythe pour moi; je n'en ai jamais vu. Plusieurs gens me disent que c'est la même chose pour eux. Il y a donc un problème.

Je proposerai peut-être une solution. Il faut voir la vie familiale dans son ensemble, dans sa globalité. On parlait hier des femmes qui ont appuyé leurs conjoints pendant des années. Je parle ici des femmes, tout en sachant qu'il y a aussi des hommes. Mais puisqu'elle y sont représentées de façon majoritaire, je parlerai plutôt de ces femmes qui, si on reconnaît leur contribution significative, doivent aussi être partie prenante de la démarche de carrière de leurs conjoints.

On sait que ce sont souvent elles qui subissent tout le stress familial, y compris celui lié à l'éducation des enfants, la gestion de la famille et la planification. Elles détiennent toutes une maîtrise en planification familiale. Il est impensable de continuer à les mettre de côté comme on le fait depuis plusieurs années. Plusieurs dames ici présentes seraient en mesure de vous confirmer que tel a été le cas. L'influence de la conjointe et la prise de position sont déterminantes dans la carrière du militaire.

Si on a des gérants de carrière, pourquoi ne pas en faire des agents comme ceux qu'on voit au hockey ou au football? Pourquoi ne sont-ils pas rémunérés en fonction de la performance du service qu'ils rendent à leur client, qui est le militaire? Ce n'est pas ce qu'on voit présentement, ou du moins l'impression qu'on en a.

Lorsque je pense en termes de gestion de carrière, je pense à un orienteur, à une personne qui me connaisse bien, qui me guide et qui comprenne mes attentes. Ce n'est pas nécessairement ce qu'on rencontre. Il y a beaucoup de désillusion à cet égard. On a l'impression que ces gens remplissent des cases ou changent les cases tout simplement, qu'ils changent les enjeux de place.

On a justement entendu plusieurs témoignages pathétiques relativement à une gestion de carrière mal faite. Cela se solde finalement par un compassionate posting. On a plein de difficultés. Il faut débourser toutes ces sommes d'argent pour gérer des problèmes créés par une mauvaise gestion des carrières au sein de notre organisation.

Tout comme certains témoins l'ont fait hier, je vous parlerai des difficultés reliées aux missions. Des actions concrètes qui n'exigent que peu de temps devraient être prises. On a parlé de militaires qui partent en mission pendant trois ou six mois ou qui vont suivre des cours pendant de longues périodes, ce dont on parle moins souvent. Il leur arrive de devoir s'absenter pendant trois mois. Bien que le facteur de stress ne soit peut-être pas le même, il y a quand même un stress énorme à la maison. Des actions spécifiques devraient être prises à l'intention des conjointes. Lorsque tout repose sur les épaules d'une personne à la maison pendant une période de temps, il faut prévoir et planifier des choses. On doit penser à donner du répit à cette personne.

L'un des principaux problèmes qu'on rencontre présentement, c'est que les militaires participent à des missions pendant une période de temps et qu'on n'a pas planifié ce répit, parce que le répit coûte des sous.

• 0850

Quand on parle de répit, on parle de services de garde. Le répit consiste à pouvoir se payer une sortie le soir, un après-midi de liberté, ce qui conduit à une meilleure santé mentale. Ceux d'entre vous qui ont des enfants et moi, qui en ai trois, avons une bonne idée de ce que peut être une santé mentale qui s'effrite lorsque la responsabilité familiale retombe sur une seule personne.

Ce sont des choses qui seraient réalisables. Par exemple, une allocation pourrait être versée directement à la conjointe qui porte le poids, en fonction du nombre d'enfants qu'elle a. Ce ne sont pas des choses qui me semblent devoir entraîner de lourdes charges financières. Je me dis qu'on peut parler de lourdes charges financière lorsqu'il faut faire revenir un militaire ou le muter parce que les conditions familiales sont devenues invivables. Donc, il faudrait alléger ces charges et proposer des compromis de ce type.

Je viens de parler de dynamiques. Cependant, on sait très bien que d'autres solutions pourraient être proposées. Mon document en contient d'autres et je sais que le comité en tiendra compte. Je ne pourrai pas parler de toutes ces choses ce matin parce que j'y passerais le reste de la matinée.

La dernière que je voudrais mentionner touche à la communication. On en a glissé un mot hier. Les stratégies de communication, effectivement, sont déficientes au ministère de la Défense. La raison pour laquelle je vous le dis, c'est que j'ai travaillé pendant quatre ans au sein des médias. Or, je me suis posé bien des questions quand je suis arrivée ici et que j'ai vu qu'on passait vraiment à côté de ce qui aurait dû être fait.

En matière de communication, il existe un malaise profond qui vient de loin. Lorsqu'on sait que le ministère de la Défense est en fait pour le gouvernement un outil de négociation avec d'autres pays et que c'est le gouvernement qui détermine les mandats qui seront exécutés par la Défense, on se dit que ce dernier est un prolongement important du gouvernement. Je me dis, pour ma part, que si le gouvernement ne clame pas clairement, haut et fort, le soutien qu'il accorde à ce ministère, c'est qu'il s'égare.

Si le gouvernement n'appuie pas fermement le ministère, je pense que le reste ne pourra pas aller. Il se produit un sorte d'effet de dominos. C'est un peu comme un organisme dont le conseil d'administration ne fonctionne pas. C'est bien dommage, mais il y a des répercussions sur les travailleurs, sur la population et sur les services en général.

Cette stratégie devrait être bien planifiée. De fait, dans le cas du ministère de la Défense, il y a eu des occasions perdues en matière de communication. Par exemple, au cours de la crise du verglas, les dirigeants d'Hydro-Québec ont rapporté que leurs employés avaient travaillé un grand nombre d'heures supplémentaires sans réclamer d'être payés temps et demi ou temps double. A-t-on fait le parallèle avec les militaires qui ont, eux aussi, travaillé de nombreuses heures sans toucher de paie supplémentaire alors qu'ils touchent de 4 $ à 6 $ par jour, même pas?

Il faut émettre un message clair pour la population. C'est sûr que ce n'est pas aisé pour la population en général de bien capter le message parfois technique qu'on tente de communiquer. Ce sont des messages qu'on n'est pas habitué à saisir. Mais lorsque les comparaisons sont aussi évidentes, aussi faciles à percevoir, on devrait utiliser une stratégie de communication plus fonceuse.

J'ai travaillé étroitement, non pas avec l'officier ici présent, mais avec celui qui est responsable des affaires publiques. Il me disait que la stratégie du ministère portait surtout sur le recrutement, qu'elle visait surtout à inviter les gens à s'enrôler. C'est bien dommage, car si la population en général n'est pas sensibilisée et n'a pas une bonne opinion de ce que fait le ministère, il faut oublier le recrutement. Il faut absolument que ce soit concerté. Donc, je pense qu'une stratégie énergique de communication pour sensibiliser la population en général...

J'entendais Mme Venne suggérer d'envoyer un communiqué de presse aux médias ou aux journalistes. Je pense que ce ne sont pas les journalistes qui ont à faire la promotion ou la publicité du ministère. Si on veut émettre un message clair, on doit franchement se mandater pour le faire et se pourvoir d'une campagne publicitaire ou de sensibilisation. Vous savez comme moi que, lorsqu'on abandonne l'interprétation aux autres, on n'obtient pas nécessairement les résultats attendus.

Je vous remercie. Je vous remettrai le document.

• 0855

Le président: Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Madame Simard, comme vous m'avez interpellée souvent, je me suis dit qu'il fallait certainement que je vous parle.

À propos des communications, je disais justement hier qu'elles devaient être prises en charge par les Forces. Sur ce point, on s'entend.

Là où nos opinions diffèrent, c'est sur les médias. Je regrette, mais, de toute façon, ce sont eux qui vont transmettre votre message. Même si vous faisiez demain matin une conférence de presse pendant laquelle tout le monde se trouverait très beau et gentil, le journaliste ferait ses propres commentaires par la suite. Donc, la relation entre les Forces et les médias est très importante. Actuellement, elle est totalement déficiente. Sur ce dernier point aussi, on s'entend.

Vous parlez aussi des communications entre le gouvernement et les militaires. J'aimerais que vous me parliez des communications entre les militaires, parce que j'ai l'impression que celles-là aussi sont déficientes. Or, vous n'en avez pas beaucoup parlé. Je pense aux communications entre le supérieur et le subalterne. Cette relation-là semble assez difficile. Souvent le subalterne, enfin le simple soldat, se demande ce qui se passe et trouve qu'il n'est pas reconnu par son supérieur, qu'il ne peut pas lui parler. À quoi est-ce dû exactement? Est-ce dû au fonctionnement de la hiérarchie? J'aimerais comprendre pourquoi on entend souvent cette plainte de la part des militaires.

Mme Joanne Simard: Vous me posez là une question qui relève davantage du secteur de la travailleuse sociale de la base. C'est elle qui reçoit ce type de doléances. La réponse que je vais vous donner est très personnelle. C'est aussi une affaire de perception parce que je n'ai pas à rencontrer d'une façon systématique les gens qui travaillent ou qui ont des difficultés en matière de communications.

Je pense que cette difficulté à communiquer est justement due au fait que le message n'est pas clair et n'est pas compris de tout le monde. Quand, en arrivant, vous modifiez les façons de faire, la charge de travail, les rôles, ce n'est pas tout le monde qui comprend bien ce que devient son rôle. Si on compare les changements et la situation d'il y a quelques années, on parle d'un virage d'environ 180 degrés en termes d'organisation. C'est comme si, du jour au lendemain, on changeait tous les pions en même temps et qu'on disait: voici la façon de fonctionner dorénavant.

Il est clair que le superviseur, dans ce nouveau mode de fonctionnement, relève lui aussi d'autres personnes—on parle ici de cadres intermédiaires dans plusieurs des cas—et n'a pas nécessairement tout saisi de l'ampleur de la tâche ou n'a pas toutes les capacités pour répondre aux besoins des gens. Il est souvent surchargé de travail; il a souvent énormément de gestion de paperasse à faire. On sait combien la quantité de paperasse est énorme sur la base.

On sait très bien que les gens ont des compétences énormes du point de vue technique, en termes de maniement des appareils, etc., mais qu'en ce qui concerne le personnel, il y a clairement des lacunes en matière de communications. On a tenté de travailler ce point. Je sais qu'ici, à l'escadre, il y a eu des efforts de faits, mais il demeure des inconforts. On a l'impression que les gens accepteraient de recevoir des avis, mais voudraient bien que ces avis concordent avec ce qu'ils veulent entendre. La communication, cela se fait dans les deux sens. L'écoute n'est pas toujours favorable à cause de la charge de travail, entre autres. C'est donc difficile à gérer de façon assez claire.

Mme Pierrette Venne: Merci.

Mme Joanne Simard: À votre service.

[Traduction]

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: J'ai deux questions à vous poser. La première concerne les déploiements. Vous pensez que les longs déploiements posent beaucoup de difficultés—je crois que tout le monde est d'accord—et que des déploiements moins longs et moins fréquents faciliteraient les choses. Tant que le gouvernement continuera à déployer des troupes à l'étranger tout en réduisant les effectifs, il semble que la seule possibilité c'est de choisir entre des déploiements longs mais moins fréquents ou plus courts mais plus fréquents. Je me demande ce qui serait le plus difficile à gérer pour les familles: des déploiements longs mais moins fréquents ou des déploiements plus courts mais plus fréquents.

La deuxième partie de cette question est la suivante: est-ce que la difficulté que posent les longs déploiements pourrait être partiellement surmontée si les familles avaient la certitude de rester ensemble plus longtemps après ces déploiements?

• 0900

[Français]

Mme Joanne Simard: La question que vous me posez n'en est pas une facile. Si vous permettez que je vous réponde en français, je serai beaucoup plus loquace.

Les déploiements, que leur durée soit de trois ou de six mois, sont toujours très difficiles à vivre pour la famille, et la préparation est à peu près la même. Quand le conjoint part et qu'il faut s'organiser en conséquence, que ce soit pour trois ou six mois, c'est un peu du pareil au même. C'est une question de conditionnement aussi.

Hier, nous avons eu un bon élément de réponse. En fait, on sait que les déploiements font partie du mandat des Forces, de leur raison d'être. C'est la réalité. Maintenant, sont-ils gérés de façon équitable? La question se pose. On a des gens qui sont déployés deux ou trois fois de façon assez rapprochée, en l'espace de peu d'années, ce qui cause de la frustration chez certains, surtout quand ils en voient d'autres qui ne sont jamais partis.

Ici, à Bagotville, on ne parle pas de déploiement massif comme à Petawawa ou encore à Valcartier. Lorsque les gens sont déployés, ils sont rattachés à une unité de ces endroits-là. C'est donc difficile d'avoir une vision globale ici, à Bagotville, et mon expérience se limite à Bagotville. Cependant, je me dis qu'il faudrait gérer les déploiements de façon équitable.

Les problèmes sont souvent survenus lors de déploiements rapprochés. Les problématiques concernant la vie de couple sont souvent liées aux départs d'un conjoint à tous les deux ans et pour six mois ou à tous les 18 mois pour six mois. Cela cause des problèmes fondamentaux de fonctionnement.

Je pourrais donc vous répondre que cela dépend sûrement de la gestion équitable des déploiements.

Je m'excuse, mais je ne me souviens plus de l'autre partie de votre question.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Je crois qu'en fait vous y avez répondu.

Je sais que, pendant ces périodes de déploiement, c'est probablement pour la famille qui reste derrière que c'est le plus difficile. Vous avez parlé des enfants. J'ai cinq enfants. Je suis souvent loin de chez moi mais pendant des périodes relativement courtes. Une chose que j'ai découverte—heureusement un autre député qui en avait fait l'expérience m'en avait parlé—c'est que lorsqu'on est souvent absent, la famille a tendance à vous exclure un peu et à se débrouiller sans vous. Il faut s'y attendre et il faut le comprendre. Lorsque je rentre, je sais qu'il faut que je retrouve ma place au sein de la famille. J'ai eu la chance qu'un de mes collègues m'en parle et ne me cache pas les problèmes que cela pose.

La situation est certainement beaucoup plus difficile dans le cas des militaires. Je me demande si les familles sont bien préparées tout particulièrement en cas de déploiements fréquents.

[Français]

Mme Joanne Simard: De mon côté, je vous dirai que des conjointes militaires qui ont expérimenté plusieurs centres de ressources alors qu'elles étaient membres de conseils d'administration ont préparé plusieurs documents. Certains centres qui ont affaire à des déploiements massifs travaillent à la préparation des déploiements. Ils rencontrent les conjointes après les déploiements.

Ici, à Bagotville, comme nous n'avons pas de déploiements massifs au sein des unités comme telles, nous avons mis au point des outils mieux adaptés. On essaie de rencontrer les gens individuellement pour leur offrir les services existants et un guide qui porte sur le départ: comment préparer les enfants et la conjointe au départ. La travailleuse sociale m'a aidée à préparer ce guide qui a été approuvé ou validé par des conjointes.

Bien sûr, il faut être conscient des étapes par lesquelles passe la dynamique familiale lorsqu'il y a déploiement ou que le conjoint part pour six mois. Cependant, on parle toujours de ces étapes de façon très rationnelle. On offre en fait des services très rationnels, mais on se rend compte que tout cela est vécu de façon très émotive.

• 0905

On constate que les gens sont prêts à accepter ce qu'on a à leur offrir. On contribue aussi à faire s'ouvrir les portes. Mais de là à ce qu'ils fassent la démarche eux-mêmes... Il faut les relancer. C'est ce qu'on fait.

On a un comité de bénévoles qui rappellent systématiquement aux deux ou trois semaines les conjointes des militaires partis pour une période prolongée. C'est ce qui nous aide et nous met au fait de ce qui se passe. Si la conjointe préfère ne pas recevoir de téléphone, elle nous dit que, pour le moment, elle n'en sent pas le besoin. Si elle en a besoin, elle nous rappellera. Nous respectons évidemment sa démarche. Il y a en effet des cas où les personnes se sentent capables de fonctionner pendant ces six mois d'absence.

Le président: Merci beaucoup, madame.

Madame Joanne Lajoie.

[Traduction]

Mme Joanne Lajoie (témoignage à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. Le centre multiservices m'a demandé de venir vous parler des problèmes socio-économiques auxquels sont confrontés les anglophones à la troisième escadre de Bagotville au Québec.

Personnellement, mon plus gros problème à mon arrivée à Québec a été de trouver des cours de français. Après plusieurs coups de téléphone et après avoir rencontré plusieurs fois des membres du personnel de la base responsable des cours de langue, on a commencé par me dire qu'il n'y avait pas de budget et ensuite que cela n'intéressait personne.

Avec l'aide de mon mari et du centre multiservices, nous avons trouvé huit femmes qui désiraient vivement suivre un cours de français pour débutants. J'ajouterais que c'est seulement en parlant autour de nous que nous sommes arrivés à trouver ces femmes.

Nous avons suggéré au personnel de la base qu'un encart en anglais dans le journal de la base pourrait informer les anglophones de l'existence de ces cours. Ces cours de français ne sont pas indiqués dans les ordres de service... Les femmes ne lisent pas les ordres de service. Ils ne concernent que les militaires.

Au bout d'un an, j'ai finalement pu m'inscrire à un cours de français. Ce cours a commencé pour nous en septembre. Mais encore une fois, c'était à condition qu'il y ait des places de libres pour nous les personnes à charge. C'est un cours pour les militaires. Ce n'est pas un cours pour les personnes à charge. Cette formation est destinée au personnel militaire, pas aux conjoints.

Un cours de base de français nous est indispensable pour pouvoir communiquer dans cette communauté, pour pouvoir fonctionner dans cette communauté. Il y a un cours du soir à Jonquière mais cela fait à peu près à 30 km de chez moi. Cela me pose personnellement un problème mais aussi à celles qui peuvent avoir des enfants, dont les maris sont en travail posté. Le transport peut être un problème. Bien entendu c'est toujours un problème financier. Qui va payer notre gardienne? Qui va s'occuper des enfants?

Je crois que ce cours a lieu de 18 h 30 à 22 h 30. Trente kilomètres cela fait loin pour revenir chez soi à 10 h 30 du soir.

C'est mon problème numéro un sur cette base: le manque de cours de français.

Ce cours de français nous est donné deux après-midi par semaine, trois heures chaque après-midi. C'est merveilleux. Cela nous a beaucoup aidé. Mais trois heures par jours cela fait six heures par semaine. Nous entamons tout juste notre deuxième trimestre. Nous avons eu environ 70 heures de cours de septembre à décembre. Cela ne représente même pas deux semaines d'heures de travail pour apprendre le français et pour pouvoir fonctionner en français. C'est vraiment difficile.

Le deuxième problème qui me vient à l'esprit c'est la perte de mon indépendance depuis que je suis ici. Je n'ai pas eu de choix, j'ai dû suivre mon mari lorsqu'il a été muté à cette base. On ne m'a pas donné le choix, ni à lui non plus. Pouvez-vous vous imaginer combien est difficile le quotidien des conjointes anglophones sur cette base? Des petites choses toutes simples comme trouver un docteur, un dentiste deviennent pratiquement impossibles quand on vit dans un environnement totalement francophone.

• 0910

Nous sommes obligées de nous faire amener par nos maris chez le docteur, chez le dentiste, à la banque. Nous sommes comme de petits enfants. Quand nous arrivons ici nous sommes incapables de nous expliquer. Nous avons besoin de nos maris. Imaginez le temps perdu pour la vie militaire quand les maris doivent emmener leurs enfants ou leur femme chez le dentiste, chez le médecin, à l'hôpital. Il y a tellement de choses que nous ne pouvons pas faire nous-mêmes. Pouvez-vous comprendre ma frustration? J'ai exercé un métier pendant plusieurs années et aujourd'hui je dois me reposer sur mon mari pour les plus petites choses de la vie quotidienne.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, venir à cette base m'a coûté non seulement mon indépendance mais aussi mes possibilités de carrière. À chaque mutation, les conjoints perdent leur emploi, leur poste et leur possibilité de revenu ce qui bien évidemment est d'une grande conséquence sur la situation financière des familles. Personne n'a pensé à nos besoins et à nos pertes de possibilités d'emploi chaque fois que ces mutations ont lieu.

Nous avons déménagé trois fois en six ans, ce qui cause un autre problème. Ces déménagements constants à court terme, ces déracinements constants sont très durs au niveau émotif. Chaque déménagement est synonyme de perte financière quand nous revendons notre maison pour en acheter une autre dans des délais bien trop courts. Chaque nouveau logement entraîne des dépenses financières, que le logement soit neuf ou ancien. C'est un fardeau financier supplémentaire pour les familles qui essayent de s'assurer un petit avenir. Dans de nombreuses bases, les familles doivent soit acheter une maison ou louer en dehors des logements familiaux à cause de la pénurie de logements décents ou des listes d'attente qui peuvent aller jusqu'à un an dans certaines bases.

Vivre au Québec cause un autre problème financier dans la mesure où les dépenses sont beaucoup plus élevées que dans certaines autres provinces. Par exemple, pour une maison beaucoup plus petite et qui vaut beaucoup moins, nos taxes ici à Bagotville sont plus du double de ce que nous payions à Greenwood en Nouvelle- Écosse. L'assurance pour la voiture, la maison, les plaques d'immatriculation, tout coûte généralement plus cher. Encore une fois, nous ne pouvons pas travailler à cause du problème de langue, nous sommes financièrement désavantagés. Toutes ces dépenses supplémentaires venant s'ajouter à un impôt sur le revenu supérieur multiplient les causes de stress pour le militaire et sa famille.

Je terminerais en osant espérer que ma description de la vie des familles anglophones mutées dans un environnement totalement francophone convaincra votre comité de la nécessité de mieux comprendre et de régler les problèmes susmentionnés pour atténuer le stress et les troubles émotionnels dans lesquels la difficulté de ces circonstances place les familles de militaires. Prendre en considération l'avenir et le bien-être des militaires et de leur famille, en consultant peut-être un peu plus les premiers sur leurs éventuelles mutations, pourrait permettre d'atténuer le stress et de réduire les problèmes.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Judi a une question à vous poser.

Mme Judi Longfield: Joanne, je tiens à vous remercier de ce témoignage très franc et très courageux. Vous avez certainement exprimé avec beaucoup d'éloquence ce que beaucoup de conjointes de militaires vivent. Je vous en remercie.

• 0915

Vous nous avez répété ce que d'autres nous ont déjà dit dans d'autres bases. Je sais qu'il nous faudra tenir compte de tout cela dans nos recommandations.

C'est votre quotidien et cela fait déjà un certain temps que vous le vivez ainsi. Parmi toutes vos recommandations y en a-t-il une qui vous serait de la plus grande utilité et à laquelle vous donneriez la priorité.

Mme Joanne Lajoie: Je crois que pour moi, encore une fois ne parlant qu'anglais... Lorsque mon mari a reçu cet avis de mutation, nous avons tout fait pour qu'il soit muté n'importe où ailleurs au Canada. Nous étions prêts à aller n'importe où. Nous n'avions pas de préférence. Tout ce que nous voulions c'était une mutation où notre famille pourrait continuer à fonctionner.

C'est tellement difficile de passer de deux revenus à un seul. C'est tellement difficile de perdre, comme je l'ai dit tout à l'heure, notre indépendance, mon indépendance. Les moindres petites choses deviennent difficiles. C'est ça qui est tellement important pour moi.

Lorsque nous avons été mutés, mon mari a tout fait pour expliquer la situation à son gestionnaire de carrières mais il s'est heurté à un mur. Il n'y a rien à faire, vous partez là-bas, vous n'avez pas le choix—et si cela ne vous plaît pas, la porte est ouverte.

Cela fait 24 ans que mon mari est militaire. Il n'a jamais refusé une mutation.

Nous acceptons les mutations les unes après les autres. Cela fait partie du travail.

Nous n'avons pas d'enfants donc de ce côté-là je n'ai pas de problème. Mais pour moi cela reste un problème.

Mme Judi Longfield: Certainement.

Vous n'avez pas d'enfants mais il y en a qui en ont. Leur problème est au moins quadruplé.

Mme Joanne Lajoie: Absolument.

Mme Judi Longfield: Il n'y a pas de solutions faciles à des problèmes très difficiles mais je peux vous assurer que nous les examinons avec le plus grand sérieux. J'espère que nous trouverons au moins un début de solution.

Mme Joanne Lajoie: Merci, madame Longfield.

Le président: J'aimerais ajouter un petit commentaire. Ce que vous nous avez dit ce matin, nous l'avons déjà entendu à Cold Lake et je crois à Moose Jaw mais dans l'autre sens. Ce sont les francophones qui dans ces bases ont d'énormes problèmes.

Mme Joanne Lajoie: Absolument.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame. Major Bernard Desgagnés, s'il vous plaît.

Major Bernard Desgagnés (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, membres du comité. Vous connaissez déjà mon nom. À l'escadre, je suis le chef des opérations par intérim depuis une semaine, parce que le chef des opérations qui était en poste a pris sa retraite. Je dois combler ce poste jusqu'à la fin juin ou début juillet, quand son remplaçant arrivera ici.

Du côté personnel, j'ai une famille, une femme et quatre fils, des adolescents de 18, 16, 14 et 12 ans. Ils sont très actifs et ils vont très bien, merci.

Une voix: Vous les voyez trop souvent?

Maj Bernard Desgagnés: Non, pas encore. On m'a demandé de faire ma présentation en fonction de mes expériences personnelles, et c'est ce que je vais faire. Comme la tendance naturelle est de comparer ce qui se fait dans d'autres armées et ce qui se fait dans la nôtre, je vais faire certaines comparaisons.

Je vous ai dit que j'étais chef des opérations par intérim. Je ne toucherai aucune augmentation de salaire pour ce travail, même si mon temps comme intérimaire est assez bien défini. Je suis major et je serai payé comme major, comme si j'étais l'adjoint que j'étais avant.

• 0920

Dans la Royal Air Force, chez les Anglais, un officier ou un membre qui doit combler un poste pour au moins 30 jours reçoit le salaire qui va avec le poste. Ce n'est pas ce qui se fait ici.

Je vais maintenant parler du surtemps. Ici, les pilotes de chasse, et j'en suis un, travaillent en moyenne 10 heures par jour, sans compter les déploiements à l'extérieur pour l'entraînement ou les opérations. En ce qui concerne les opérations, j'ai été nommé dans le Golfe, entre octobre et décembre 1990, comme chef des opérations de la 409 et ma famille est restée à Baden pendant ce temps-là.

Depuis un an que je suis ici à Bagotville, j'ai passé à peu près cinq mois en déploiement, pas intégralement mais par coups de deux semaines ou un mois par-ci par-là. Encore une fois, ma famille est restée ici. Je suis propriétaire d'une maison à La Baie et les enfants vont à l'école polyvalente là-bas.

Chez les Norvégiens, quand leurs militaires, appelés ou professionnels, font du surtemps par rapport aux normes nationales d'une semaine de travail, ils sont payés pour leur surtemps sans problème.

Je vais nous comparer maintenant aux Américains. Ici, quand on déménage et que l'on doit passer d'une province à une autre, on change en fait de statut provincial. En devenant des résidants de cette province, on y paye des impôts, on doit changer de permis de conduire et on doit tout faire comme si on appartenait à cette province.

Aux États-Unis, ce n'est pas le cas. Le militaire reste, à moins qu'il ne veuille faire un autre choix, toujours résidant de sa province ou de son État d'origine. Il paie toujours ses impôts dans son État, il garde son permis de conduire, etc. Cela nous ferait économiser de l'argent et, surtout, cela serait plus facile.

Aux États-Unis également, les membres du Congrès s'impliquent beaucoup plus dans la rémunération des militaires et dans leurs primes. Je n'ai rien vu de ce genre au Canada jusqu'à maintenant. On est un peu les enfants oubliés du gouvernement fédéral alors qu'on est le plus gros groupe militaire au Canada.

Cet été, j'aurai 25 années de service. J'ai payé l'assurance-emploi pendant tout ce temps-là. Au bout de 20 ans, j'ai droit à une pension. Alors, si je quittais l'armée demain, j'aurais un pourcentage de mon salaire. Mais je devrais toujours payer l'assurance-emploi même si je ne pourrai jamais en bénéficier. Je trouve cela injuste. Quand on soulève ce point, la réponse est plutôt «tough», comme on dit en anglais: c'est une taxe, payez-la et fermez votre gueule.

Je voudrais mentionner un autre point au sujet de la fiscalité. Tous les militaires au pays doivent appartenir à un mess, que ce soit le mess des officiers, des hommes de rang ou des adjudants-sergents. Des cotisations doivent être payées, et les militaires n'ont pas le choix. Certains civils, quand ils appartiennent à des clubs ou des associations professionnelles, ont le droit de déduire ces cotisations de leurs impôts. Encore une fois, nous n'avons pas le choix. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises, et la réponse a toujours été négative. On ne nous a jamais vraiment donné d'explications.

Comme vous le savez tous, le pays est très vaste et on n'est pas toujours mutés près de chez nous. Moi, je suis à Ottawa. C'est la première fois depuis que je suis marié que je suis aussi près de chez moi. J'ai servi à Moose Jaw, à Portage La Prairie, à Cold Lake, à Toronto une année, et j'ai fait des séjours outre-mer, en France et en Allemagne. Il n'y a aucun avantage pour les militaires qui sont loin de chez eux, sans famille, pour qu'ils puissent retrouver leurs proches d'une façon ou d'une autre. Il n'y a pas de soutien pour des tarifs spéciaux sur les lignes aériennes, par exemple. Il n'y a absolument rien. On nous traite comme tout le monde, alors qu'on oeuvre quand même pour le bien de tous.

• 0925

Pendant mes 18 années de mariage, j'ai subi neuf déménagements. C'est peut-être au-delà de la moyenne, mais chez les officiers, c'est assez normal. Entre autres, j'ai eu une mutation de deux ans à Lahr suivie immédiatement d'une mutation d'une année à Toronto. Ce sont des déménagements qui se succèdent rapidement.

Ma femme, inévitablement, a déménagé quand elle était enceinte et elle a déménagé avec un ou plusieurs tout-petits. Ce n'est pas facile. Elle ne se plaint pas souvent. Ma famille et moi n'avons jamais eu recours au service social de la base alors qu'on en aurait peut-être eu besoin. Ensemble, on a donné une certaine priorité à notre famille. On a passé le temps qu'il fallait avec nos fils pour les informer de ce qui se passait et cela a très bien été.

Le facteur travail pour mon épouse, quand je ne suis pas là ou pendant ces déménagements multiples, est assez difficile à décrire. Elle pourrait vous le décrire, mais je pense que cela ressemblerait beaucoup à la présentation précédente. Elle n'a pas eu la chance de poursuivre une carrière ou une autre formation professionnelle et, si elle se trouve un emploi, c'est souvent à temps partiel ou avec une rémunération réduite. Évidemment, il n'y a pas de compensation pour une telle situation monosalariale.

Le commandant vous a dit hier que les pilotes étaient en train de quitter l'armée de l'air à un rythme ahurissant. C'est principalement à cause du gel des salaires et de la hausse de l'économie. L'aéronautique marche très bien au pays. Les lignes aériennes embauchent beaucoup. La situation a été identifiée il y a au moins deux ans et on aura de la peine à trouver une solution à ce problème d'ici le 1er avril. C'est assez difficile d'avoir une Armée de l'air sans pilotes.

On s'achemine d'ailleurs assez rapidement vers une situation où les pilotes d'un escadron seront presque tous très juniors ou très seniors. Les hommes qui sont dans la force de l'âge et qui sont entraînés nous quittent. Encore une fois, je dirais que c'est à cause de l'insuffisance des rémunérations et du manque de respect envers les militaires et les officiers. C'est tout. Merci.

Le président: Merci beaucoup, major.

[Traduction]

David, vous aviez une question.

M. David Pratt: Major, on nous a parlé partout du problème des plaques d'immatriculation. C'est une simple supposition de ma part, mais je pense que le problème est d'arriver à ce que les provinces acceptent que les militaires puissent garder les mêmes plaques d'immatriculation. Que penseriez-vous de l'idée d'une plaque d'immatriculation personnelle pour les militaires qui les suivrait pendant toute leur carrière pour éviter ce problème de renouvellement chaque fois qu'il y a changement de base?

Maj Bernard Desgagnés: C'est une solution intéressante. Je verrais plutôt un statut accordé aux soldats fédéraux en vertu duquel ils resteraient officiellement résidents de leur province d'origine ou de leur province de recrutement à moins qu'ils ne choisissent d'en changer, comme on peut le faire pour les listes électorales. Je ne crois pas que vous arriverez à obtenir des dix provinces qu'elles acceptent l'idée de plaques d'immatriculation spéciales.

M. David Pratt: Exactement. Je ne pense pas que nous aurions besoin de l'accord des provinces si nous décidions d'agir unilatéralement.

Maj Bernard Desgagnés: Exactement. Je suis d'accord. Et je ne crois pas que les provinces y perdraient vraiment car de la manière dont les militaires sont recrutés, la représentation des provinces reste proportionnelle. Quand un Terre-neuvien travaille en Alberta ou ailleurs, il continue à payer ses impôts dans sa province. Je ne vois vraiment pas où est le problème. Cela nous soulagerait énormément et cela ferait faire des économies à l'armée, qui doit nous payer pour changer nos plaques d'immatriculation, nos permis de conduire et nos cartes de santé. Cela recommence tout le temps.

• 0930

M. David Pratt: Et vous considérez la question des cotisations de mess comme étant, à de nombreux égards, des frais professionnels...?

Maj Bernard Desgagnés: Ce sont les règlements et ordonnances de la Reine. Nous n'avons pas le choix. Je crois que la majorité d'entre nous considèrent les cotisations de mess comme une dépense professionnelle surtout quand on n'a pas le choix.

M. David Pratt: On nous en a déjà parlé et cela mérite certainement une petite enquête.

Maj Bernard Desgagnés: Il ne s'agit pas de grosses sommes. C'est plutôt ce principe d'obligation de participation et d'adhésion à ces institutions. Je le fais volontiers. Je ne me plains pas d'être membre du mess, mais d'un autre côté pourquoi est-ce que je ne peux pas déduire ces frais de cotisation? À mes yeux, ce sont des frais professionnels.

M. David Pratt: Pouvez-vous nous donner une idée de ce que cela représente par mois ou par an?

Maj Bernard Desgagnés: Probablement aux alentours de 10 $ ou 15 $ par mois, du moins pour le mess des officiers. Je ne peux pas vous dire pour les autres. Il est évident que l'intégralité de ces cotisations ne peut être considérée comme correspondant à des frais professionnels et on pourrait en discuter, mais il reste qu'une grande partie de ces cotisations...

[Français]

Mme Pierrette Venne: Je ne voudrais pas qu'on vous laisse des espoirs qui, à mon avis, n'ont pas lieu d'être. En effet, si on parle des plaques d'immatriculation, cela relève effectivement de l'administration des provinces et il est alors évident que le gouvernement fédéral ne peut pas le faire unilatéralement. Je pense donc qu'il ne faut quand même pas vous laisser croire des choses qui ne sont pas vraies.

Par contre, il est certainement possible d'envisager des pourparlers qui permettront, dorénavant, un quelconque arrangement pour vous éviter tous ces frais. Je voulais simplement remettre les pendules à l'heure.

Maj Bernard Desgagnés: J'en suis bien conscient, merci.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Vous avez commencé par dire qu'on vous avait demandé de venir témoigner. Pourrais-je avoir une petite idée de qui vous a fait cette demande?

Maj Bernard Desgagnés: Le commandant de l'escadre, étant donné mon ancienneté et mes fonctions. Je suppose que je parle au nom des plus anciens pilotes de la base dont je suis moi-même le plus ancien.

M. Leon Benoit: D'accord.

Maj Bernard Desgagnés: C'est parti de là et j'avais toute liberté de dire ce que je voulais.

M. Leon Benoit: Je me demandais si c'était au nom d'un groupe quelconque qui vous avait en quelque sorte autorisé à parler.

Vous avez parlé du régime d'assurance-emploi auquel vous devez cotiser alors, qu'à toutes fins utiles, il ne vous sert à rien et qui ne vous servira probablement jamais à rien. Ce n'est pas la première fois qu'on nous le fait remarquer.

Pour ce qui est des plaques d'immatriculation, il faudrait un accord entre les provinces, mais comme vous l'avez dit, aucune n'y perdrait puisque...

Maj Bernard Desgagnés: Non.

M. Leon Benoit: ...et ce serait certainement utile. Je trouve qu'il y a suffisamment de coopération entre les provinces pour pouvoir arranger cela. Il s'agit seulement que quelqu'un en prenne l'initiative et le gouvernement fédéral pourrait assurément le faire.

Pour ce qui est des nominations intérimaires, vous dites qu'il n'y a aucune rémunération supplémentaire pour ceux qui occupent un poste plus élevé que le leur, et je l'ai entendu dire également. Je ne connais aucune autre organisation, à part une très petite entreprise, où l'on n'est pas payé plus pour occuper un poste supérieur pendant une période prolongée. Je dois dire que c'est un curieux arrangement.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, major.

Maj Bernard Desgagnés: Au plaisir.

Le président: Madame Murielle Tremblay.

Mme Murielle Tremblay (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, chers membres du comité, mesdames, mes patrons. Je suis la directrice de la Caisse d'économie ici, sur la base militaire. Je ne suis pas militaire, évidemment, bien que je pense avoir un peu de sang militaire dans les veines.

Étant sur cette base depuis plus de 30 ans—j'étais très jeune au début—, je pense que si on parle du réchauffement de la planète, on pourrait parler ici de refroidissement au niveau de la motivation. C'est ce que je ressens dans nos bureaux.

Mais je suis ici pour parler des finances. La communauté militaire n'est ni plus ni moins endettée que le reste du Canada.

• 0935

Je regardais les chiffres de Statistique Canada. On sait très bien que nos ménages ont environ 12 ¢ d'épargne pour 88 ¢ d'endettement. L'augmentation des actifs n'est que de 4 p. 100. On s'endette donc pour payer la consommation quotidienne.

Évidemment, un salaire qui n'augmente pas au rythme de la consommation crée des problèmes, et tous les discours que nous entendons depuis hier font état de ce phénomène. On parle de la communication comme la solution aux problèmes familiaux, mais je trouve difficile d'organiser une communication quand le seul sujet de conversation est la façon dont on va payer les factures.

Je trouve que l'argent—c'est peut-être une déformation professionnelle—est un point assez important, et je dirais même le problème numéro un. Bien que j'aie de grandes connaissances et de grandes compétences en matière de finances, il me semble, depuis quelques années, que j'aurais aussi besoin de compétences en psychologie.

Les gens viennent nous rencontrer pour nous faire part de leurs craintes, de leur démotivation. Les gens n'osent pas nécessairement consulter les organismes qui se rattachent de près aux militaires, ayant des craintes pour leur travail, etc. Cela cause souvent certains inconvénients dans le sens où on se sent un peu mal à l'aise face à ces situations.

Une autre chose que l'on peut constater, c'est la fierté des gens. On a beaucoup parlé de fierté. Lorsqu'on perd son identité, sa fierté, on perd un gros morceau de soi-même. Ce qui me préoccupe le plus, c'est d'entendre que les seniors et les autorités commencent à être démotivés. Cela est très inquiétant.

En plus, nous perdons l'expérience. Vous pensez peut-être que je prêche pour ma paroisse, n'étant plus dans la vingtaine, mais il me semble qu'on perd l'âme de l'organisation lorsqu'on perd son expérience. Cela m'inquiète donc de voir les autorités ou les seniors qui sont démotivés, et cela m'inquiète également de voir les gens quitter les Forces armées. Évidemment, c'est un témoignage très personnel. Je n'ai pas de documents pour appuyer mes dires, mais c'est ce que je ressens.

On dit qu'on n'est pas plus endetté qu'ailleurs et que la situation correspond aux statistiques de la province. Mais est-ce qu'on peut considérer cela comme une excuse?

Évidemment, notre organisme essaie au maximum de récupérer l'épargne. On essaie d'enlever le tabou de l'épargne. En effet, si le sexe était le tabou d'une certaine époque, l'épargne est devenue le tabou d'aujourd'hui. On essaie donc, dans notre institution, d'aider les gens à organiser leur budget pour leur enlever un peu de stress, parce que nous savons très bien que le stress va se propager à la famille et au travail.

C'est mon commentaire à propos de ce que nous ressentons à notre bureau. Merci

Le président: Merci beaucoup, madame Tremblay. Je crois que M. Benoit a une question.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Vous avez dit que vous occupiez un poste dans le domaine des finances sur la base. Pourrais-je vous demander quel est votre poste? Peut-être l'avez-vous dit, mais cela m'a échappé.

[Français]

Mme Murielle Tremblay: Je suis la directrice de la Caisse d'économie Desjardins, l'institution financière qui se trouve sur la base militaire.

[Traduction]

Je suis directrice de banque.

[Français]

Le président: Madame Tremblay, je présume que vous offrez des services de planification financière à votre caisse.

Mme Murielle Tremblay: Oui.

Le président: Est-ce que les militaires utilisent beaucoup ces services-là?

Mme Murielle Tremblay: De plus en plus, et nous travaillons de plus en plus avec le conjoint et la conjointe. On parle de l'effritement de la famille.

• 0940

Dans le contexte économique que nous vivons, deux phénomènes sont clairement visibles: l'effritement de la famille et les cartes de crédit, dont j'ai failli oublier de vous parler et que j'appelle «le sida de la finance».

Des voix: Ah, ah!

Mme Murielle Tremblay: J'aurais peut-être un message pour les autorités d'Ottawa. Vous savez qu'on a émis une carte de crédit pour les militaires qui vont en voyage ou en mission. C'est une carte de crédit qui leur a été donnée en supplément de celles qu'ils avaient déjà. Personnellement, je crois qu'en 1998, on devrait avoir un test à passer avant d'obtenir une carte de crédit. Or, on les offre at large, à tout le monde. En plus, c'est le gouvernement ou le ministère qui offre cette carte supplémentaire qui fournit une occasion de plus de s'endetter. Je suis opposée à cette pratique.

Le président: Merci beaucoup, madame.

Mme Murielle Tremblay: Merci.

Le président: Adjudant-maître René Couturier.

Mme Pierrette Venne: Monsieur le président, je m'excuse. J'aurais souhaité qu'on revienne à Mme Tremblay, seulement pour une seconde. Mon collègue, M. Benoit, se demandait quelle sorte de carte de crédit était mise à la disposition de tout le monde.

Mme Murielle Tremblay: La carte Diners Club enRoute.

Mme Pierrette Venne: Est-ce que vous pourriez nous dire, puisque vous semblez au courant, comment est faite cette demande-là? Est-ce qu'elle est faite pour tout le monde?

Mme Murielle Tremblay: En fait, le nom de la carte n'a pas beaucoup d'importance. Ce qui importe, c'est qu'on ait accordé à nos membres une autre forme de crédit. Évidemment, je ne connais pas officiellement l'origine de la chose, mais je pense que ce sont les réductions administratives qui en sont l'explication. Lorsque les militaires ont à s'absenter par devoir, ils ont des réclamations à faire au retour et cette carte-là avait pour but, à l'origine, de servir aux réclamations.

Les autorités de la base qui travaillent dans ce secteur peuvent me ramener à l'ordre si je m'écarte de la vérité, mais je pense que c'était là le but de cette carte. Cependant, dans nos fonctions quotidiennes, nous la voyons sous un tout autre angle. Elle ne constitue à nos yeux qu'une carte de crédit supplémentaire.

Mme Pierrette Venne: Je voudrais savoir si elle est demandée non pas par le militaire lui-même, mais par quelqu'un d'autre en son nom. Est-elle garantie par quelqu'un d'autre? C'est ce que j'ai de la difficulté à comprendre. Qu'en est-il de son niveau de crédit alors? Normalement, s'il fait la demande d'une carte de crédit, on va vérifier son niveau de crédit. D'après ce que vous dites, on n'y regarde pas de si près dans ce cas-là.

Mme Murielle Tremblay: Peut-être que quelqu'un qui connaît mieux la question que moi et qui se trouve ici pourrait répondre. Pour ma part, ce que j'en connais, ce sont les dégâts qui s'ensuivent.

Mme Pierrette Venne: Ah, vous constatez les dégâts. Je comprends.

Col Benoît Marcotte (commandant de la 3e escadre, BFC Bagotville): Je peux faire un peu de lumière sur la situation. La fameuse carte qu'on a donnée devait servir de palliatif aux coupures budgétaires. Lorsqu'on envoyait quelqu'un en devoir à l'extérieur temporairement, il y avait auparavant deux transactions à faire par le caissier de l'escadre. On donnait d'abord à un individu un formulaire de réclamation avant le voyage, qui l'autorisait, en même temps, à effectuer le voyage. Ensuite, cet individu passait chez le caissier chercher une avance de fonds pour pouvoir payer ses frais d'hôtel, de transport, etc. Lorsqu'il revenait, il indiquait sur sa réclamation ses frais réels d'hôtel, de repas, de transport, etc. Il devait encore une fois se présenter chez le caissier pour toucher le reste de ses frais de voyage. Donc, on lui consentait une avance qui pouvait couvrir environ 80 p. 100 des dépenses anticipées et lorsqu'il se présentait de nouveau chez le caissier, il était défrayé des autres 20 p. 100.

L'idée de la carte Diners Club enRoute était d'éviter aux militaires d'avoir à demander une avance, d'éliminer une démarche auprès du caissier. Toutefois, il ne fallait s'en servir que pour payer ses frais d'hôtel ou ses repas ou pour aller au besoin chercher des avances dans le système bancaire par l'entremise des guichets automatiques. En éliminant cette transaction, on a pu diminuer les tâches des caissiers. On a pu amalgamer nos services d'administration et nos services financiers. On a diminué le nombre de personnes qui devaient faire ce type de travail.

C'est un exemple des solutions qu'on a trouvées pour essayer de mieux organiser les tâches qui nous incombent à l'heure actuelle, d'en diminuer le fardeau. Mais en même temps sont apparus de nouveaux problèmes, ceux auxquels Mme Tremblay fait face à la Caisse d'économie.

Mme Pierrette Venne: Colonel, vous êtes pire qu'un politicien; vous ne m'avez pas répondu.

Des voix: Ah, ah!

Mme Pierrette Venne: Je vous ai demandé qui fait la demande de cette carte. Je ne veux pas vous insulter; je faisais une blague. Qui demande cette carte et par qui est-elle garantie? Ce n'est pas le crédit du militaire qui est en question, à ce que je comprends.

• 0945

Col Benoît Marcotte: C'est une carte qui est endossée par le ministère de la Défense pour le gouvernement du Canada et qu'on donne de façon presque systématique aux gens qui ont plusieurs voyages à faire au cours de l'année. Je ne me rappelle pas le nombre ni les critères exacts qui déterminent qui aura droit à la carte et qui n'y aura pas droit, mais un des critères est la fréquence des voyages.

Mme Pierrette Venne: D'accord, merci.

Col Benoît Marcotte: Je ne suis pas un politicien.

Des voix: Ah, ah!

Mme Pierrette Venne: Je le sais.

Le président: Colonel, il peut toujours y avoir une deuxième carrière.

[Traduction]

Monsieur Benoit, avez-vous une question à poser?

M. Leon Benoit: Non.

[Français]

Le président: Mesdames et messieurs, le temps avance et, pourtant, le nombre de témoins s'accroît. Je demanderais donc à chacun d'entre vous de raccourcir sa présentation et de répondre brièvement. Je demanderais également à mes collègues de raccourcir leurs questions. Merci.

Adjudant-maître René Couturier.

Adjudant-maître René Couturier (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Pour vous situer, je vous dirai que je suis responsable aux ateliers avioniques du 3e escadron de maintenance.

Mon but aujourd'hui est de vous faire connaître les effets du programme Divers modes de prestation de services, qu'on désigne par l'abréviation DMPS en français et qui est peut-être mieux connu sous son acronyme anglais, ASD, pour Alternate Service Delivery.

Après avoir vécu l'étude DMPS dans les ateliers avioniques du 3e escadron, je suis aujourd'hui en mesure de vous faire part des effets que ce genre d'initiative peut avoir sur le personnel.

Je vais diviser mon exposé en deux parties: la première portera sur les effets que je qualifierais de génériques ou propres à toute étude du genre; et la deuxième, sur les effets que nous avons ressentis ou la situation que nous avons vécue.

La première observation sur ce qui a été ressenti par le personnel révèle un sentiment d'abandon. Les gens ont vu dans ces initiatives un manque de confiance de la part de leurs supérieurs. Ce qui s'est dit, en gros, c'est qu'on ne leur avait pas reconnu la compétence pour faire le travail, qu'on avait cru être mieux servi en confiant la tâche à un contractuel civil.

La deuxième observation qu'on a faite a été une baisse de la motivation. Plusieurs techniciens ont vu leur poste désigné dans les études recommandant la disparition de leurs occupations ou de la part valorisante de celles-ci. La part qui disparaissait était souvent celle qui présentait le plus grand défi personnel et professionnel. Cela s'est donc traduit par une baisse de la motivation et des pertes d'occasions quand des contrats ont été octroyés pour l'exécution de certaines parties de nos occupations. On diminue beaucoup les occasions de relever des défis personnels et les occasion de promotions.

On a pu observer également une augmentation énorme du stress ou des tensions et préoccupations personnelles et familiales. Du côté personnel, la majorité des questions qu'on a vu surgir portaient sur les possibilités de rivaliser avec des sociétés civiles. Comment entrer en concurrence avec ces dernières, qui ont une équipe de spécialistes pour faire des propositions d'affaires, alors qu'on n'a aucune expérience et aucun entraînement pour faire ce genre de proposition? A-t-on quelque chance de gagner en bout de ligne?

Une autre interrogation était la suivante: restera-t-il un emploi susceptible de m'intéresser au sein des Forces armées canadiennes? Est-ce que tous les emplois qui présentent des défis de haut niveau vont disparaître? Quelles sont mes chances d'avancement dans le futur?

Il faut se rappeler que dans le système actuel de rémunération, les augmentations de salaire sont directement reliées aux promotions. Si on enlève beaucoup de postes à des niveaux supérieurs, les occasions de promotions diminuent énormément, ainsi que les possibilités d'augmentations de salaire et d'avancement.

• 0950

Si ma section ou mon poste sont radiés, va-t-il en résulter que je serai muté? Et si tous les emplois ou occasions qui m'intéressent disparaissent, suis-je intéressé à demeurer dans les Forces canadiennes? Sinon, quelles sont les possibilités que je trouve un emploi dans le monde civil?

Toutes ces préoccupations personnelles se sont traduites par des préoccupations familiales. Cela nous ramène à la question dont on a parlé. Faudra-t-il déménager? Comment ma famille va-t-elle réagir à un déménagement? Quel effet aurait un déménagement sur notre situation financière et sur l'emploi de mon conjoint? Beaucoup de personnes ont mis leur vie en suspens. Est-ce que je dois m'acheter une maison ou faire des rénovations à ma maison?

Le deuxième volet est beaucoup plus en rapport avec notre situation. Nous avons subi une étude qui a connu beaucoup de ratés, qui a duré trois ans et qui a beaucoup augmenté le niveau de stress personnel et familial.

Un des effets a été un amoindrissement de la crédibilité des quartiers généraux. Le manque de planification et de direction et le retour fréquent à la case départ ont fait que nos supérieurs ont été très mal perçus et que leur leadership a été remis en question.

La prolongation sur trois ans d'une telle étude a créé énormément de frustrations. Elle a aussi entraîné la perte de nombreux techniciens qui avaient un avenir...

    [Note de la rédaction: Le témoin a un malaise]

Le président: Nous allons nous arrêter pendant quelques minutes.

Une voix: Si vous le voulez, je pourrai poursuivre le témoignage de l'adjudant-maître Couturier, car j'ai une bonne idée de ce qu'il avait l'intention de dire.

• 0953




• 0958

Adjm René Couturier: Je m'excuse, monsieur le président, d'avoir causé ce contretemps. Le sujet me tient à coeur et je pense que cela a eu un effet inattendu. Comme je le disais, si je résumais mes trois dernières années en trois mots, ce serait frustration, frustration et frustration. On a recommencé à la case départ. Il y a eu plusieurs ratés. Le processus avait sans doute été mal défini dans notre cas.

On a donc dû refaire diverses études au niveau local et national pour finalement, après trois ans, en arriver à une recommandation. Cela a causé beaucoup de frustrations et la perte d'excellents techniciens. Nous avions des techniciens dont l'avenir était prometteur qui sont partis. Ils aimaient leur emploi, mais ils sont partis parce qu'ils voyaient l'avenir bouché au sein des Forces armées.

Une chose qui s'est aussi produite, c'est une division du personnel militaire en deux centres de maintenance pour la force de chasse. La procédure a voulu qu'on nous partage en deux équipes travaillant l'une contre l'autre. Normalement, au sein d'une force armée, on devrait travailler en équipe. On nous a forcés à travailler en deux équipes séparées, avec deux propositions séparées, ce qui a créé beaucoup d'animosité et qui a laissé beaucoup d'amertume.

La tension et les préoccupations ont été dues à plusieurs facteurs encore accentués par la durée prolongée de l'étude. Trois ans, c'est une très longue période pendant laquelle rester sans connaître son avenir, sans savoir si on va avoir un emploi, si on va être obligé de déménager et si on va avoir une occupation qui nous intéresse demain matin.

Ma présentation s'arrête là. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je vous remercie pour votre présentation.

• 1000

Je voudrais une précision. Vous avez dit que les techniciens s'interrogent au sujet du fonctionnement des DMPS et qu'ils se demandent notamment comment nous pouvons être compétitifs? En posant cette question, voulez-vous dire comment nous pouvons être compétitifs en faisant une proposition susceptible de rivaliser contre celle d'une compagnie privée qui possède toutes les ressources voulues pour ce faire, ou bien vous demandez-vous comment nous pouvons accomplir la tâche exigée de façon compétitive?

Adjum René Couturier: Nous pouvons accomplir la tâche de façon compétitive, sans aucun problème, car je crois fermement que nous sommes les meilleurs dans notre domaine. Nous l'avons prouvé grâce à cette étude. Pour ce qui est de faire l'entretien d'équipement, nous sommes les meilleurs et les meilleur marché.

Je parlais de présenter une proposition. La plupart des compagnies ont une équipe spécialisée et expérimentée dans ce domaine. Pour ma part, je suis un décrocheur scolaire. J'ai dû mettre sur pied une équipe et élaborer une proposition. Nous nous en sommes très bien tirés. C'est toutefois très difficile et c'est beaucoup de travail. Par exemple, nous avons consacré environ 1 300 heures-personnes à notre dernière proposition, dont au moins 400 heures supplémentaires.

[Français]

Le président: Oui, madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Je n'ai pas très bien compris combien d'hommes étaient partis. Combien de techniciens sont partis sur quel nombre, et combien vous en reste-t-il maintenant?

Adjm René Couturier: En ce moment, on considère une perte possible de 10 à 12 techniciens. Ce n'est pas définitif. Une recommandation est en ce moment à l'étude et en voie d'être approuvée. On est en train d'organiser un genre de consortium entre une compagnie civile et l'Armée. On devrait perdre 10 ou 12 techniciens sur 57. Mais il y a du progrès parce qu'il y a trois ans, on aurait perdu les 57 postes. Les études ont porté leurs fruits.

Mme Pierrette Venne: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Couturier.

Adjm René Couturier: De rien.

Le président: Capitaine Yvon Martineau.

Capitaine Yvon Martineau (témoigne à titre personnel): Bonjour, messieurs et mesdames. Je suis l'officier de sélection du personnel de la base et j'aimerais m'entretenir avec vous des aspects de la garde partagée en situation de famille monoparentale.

Si j'ai fait ce choix-là, avec mon ex-épouse, c'est parce qu'il était important, bien que j'aie toujours aspiré à cette carrière militaire, que j'assume également mes responsabilités de père. La garde partagée, qui était à la mode, était celle qui me permettait d'arriver le mieux à cet objectif, c'est-à-dire garder un bon contact avec mon fils et avoir une certaine flexibilité au cas où je subirais différentes affectations.

Comme j'ai de bonnes relations avec mon ex-épouse, il est facile de lui confier l'enfant pour trois mois et de faire ma part par la suite. Je l'ai fait parce que je pensais que la carrière militaire me permettrait de le faire, mais j'ai maintenant des doutes là-dessus.

Il n'est pas évident que les décisions de carrière relatives à mes affectations, qu'elles soient pour les Nations unies ou pour une affectation de trois ou quatre ans sur une base, soient prises par les gens les plus aptes à orienter ma carrière, c'est-à-dire mes superviseurs immédiats, mon commandant, ou les spécialistes qui sont ici, localement, pour aider les commandants à prendre leurs décisions, comme la travailleuse sociale.

Vous savez, la garde partagée et la situation de famille monoparentale sont des faits. Bien que nous ayons une mission, la population canadienne connaît cette situation, qui se reflète aussi au sein des Forces canadiennes. La famille demeure une valeur et, si on veut que les individus assument leurs responsabilités, il faut que notre style de gestion des ressources humaines reflète une certaine flexibilité. Malheureusement, je ne crois pas que ce soit le cas du fait que les décisions sont prises trop haut dans la structure hiérarchique. On ne tient pas suffisamment compte des avis des commandants locaux.

• 1005

Comme officier de sélection du personnel, j'ai été amené à vérifier des recommandations de commandants assistés des travailleurs sociaux locaux, qui ne recommandaient pas certaines affectations. Mais ces recommandations n'avaient pas été prises en compte et malheureusement, à Ottawa, on continuait de donner ces affectations. Il y a certainement de bonnes raisons organisationnelles au niveau des gérants de carrière, mais il faut seulement du bon sens pour gérer les ressources humaines. Il me semble qu'il faudrait faire des choix un peu plus avisés pour respecter l'aspect humain des organisations.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Il n'y a pas de questions.

Caporal Julie Parent.

Caporal Julie Parent (témoigne à titre personnel): Bonjour. Good morning.

Je suis le caporal Julie Parent et je suis dans la réserve aérienne depuis six ans environ. Je travaille présentement au gymnase de la base de Loretteville.

Le point dont je veux vous parler ce matin, c'est la rémunération en cas de congé de maladie ou de blessure, c'est-à-dire quand on se blesse, en particulier dans le cas des réservistes dont je fais partie.

Je vais vous donner un exemple. Si je tombe et que je me fais une entorse en cours de travail, on va me donner un arrêt de travail pour trois semaines. En tant que réserviste, je travaille à temps partiel présentement, soit à peu près 12 jours par mois. Trois semaines d'arrêt, ça représente neuf jours de salaire; c'est-à-dire que je n'ai plus les neuf jours de salaire. Comme je suis seule pour élever ma famille, les neuf jours de salaire qui me sont enlevés font un gros trou dans mon budget.

Je pense donc qu'il serait important de prendre cette situation en considération pour les réservistes. Nous voudrions être rémunérés pour les jours de travail qui étaient prévus, même si nous sommes blessés, parce qu'autrement nous n'avons rien. Si on est blessé, on n'a absolument rien. Je perds donc tous ces jours de salaire et je suis obligée d'aller m'inscrire à l'aide sociale.

C'est le point que je voulais exposer aujourd'hui, mais je ne vais pas trop m'attarder là-dessus parce que c'est très clair. Je reconnais qu'il y a eu beaucoup de changements pour la réserve, des changements très positifs comme l'augmentation des salaires, mais je vous demande de considérer le point que j'ai soulevé. Merci. C'est tout.

Le président: Caporal, j'aurais une brève question pour vous. En tant que réserviste, est-ce que vous êtes couverte par le programme d'assurance-santé qu'on appelle le GSMIP?

Capl Julie Parent: Il est possible de souscrire à ce programme, mais cela coûte une quarantaine de dollars. Comme je suis seule à élever ma famille et que je travaille à temps partiel, il ne m'est pas possible de payer cette assurance-maladie. Cela ferait un trop gros trou dans mon budget.

Pour vous, 40 $, ce n'est peut-être pas grand-chose, mais pour moi, cela représente un gros montant de mon budget. Il faut donc bien réfléchir avant de décider de prendre cette assurance. Je ne vous cache d'ailleurs pas que j'y réfléchis, mais tout le monde ne peut pas se la payer.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Robert Boudreau.

M. Robert Boudreau (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames. Je vous parlerai à titre personnel car il s'agit de choses personnelles que je vis présentement.

J'ai eu 26 ans de service et je suis maintenant à la retraite. J'ai quitté les Forces avec une cote médicale «G3O3 permanent». Je vais vous raconter mes petits problèmes.

Quand j'ai quitté les Forces, après 26 ans de service, je gagnais 36 000 $. La pension militaire qui m'est versée présentement est de 17 000 $ bruts. Une fois les impôts payés, il me reste à peu près 13 000 $.

• 1010

Je pense que mon discours est un peu mêlé parce que je l'ai préparé assez vite, mais vous allez comprendre.

La cote médicale qui correspond à «G303 permanent» est signée par des médecins d'Ottawa. Le médecin de la base ne fait que donner une autorisation qui est vérifiée par des médecins à Ottawa qui se chargent de nous donner une cote médicale.

Quand j'ai quitté l'armée, j'ai fait une demande aux Anciens combattants. Pour les anciens combattants et pour ceux qui vont bientôt quitter l'armée, j'ai essayé de défendre mon cas médical car j'ai un problème de dos constant et dégénératif. Je ne vous raconterai pas toute ma vie, mais vous allez voir qu'il n'est pas facile de régler des problèmes quand on est tout seul.

Pour faire reconnaître mon mal de dos, il m'a fallu faire appel. Cela n'a été reconnu qu'au deuxième appel. Pour faire reconnaître ce mal, il m'a fallu quatre ans. On a fait l'évaluation de mon dos: 10 p. 100 dont 3 p. 100 qu'on attribue au civil et le reste à l'armée. On casse les morceaux et il ne reste plus grand-chose.

Pour finir, ils me donnent présentement 171 $. Si on regarde ma cote médicale, on voit que je ne peux plus porter de poids au-delà de cinq livres et que je ne peux plus faire le sport que je faisais avant. Ils ne touchent pas au côté moral. J'ai des problèmes du côté moral, mais personne ne s'en occupe. Ils ne s'occupent que du dos et le reste n'est pas leur problème. C'est ce qu'ils nous disent.

J'ai aussi des problèmes de travail à la maison. En effet, si je ne peux pas soulever plus de cinq livres, ça veut dire qu'à la maison, je ne peux pas prendre la souffleuse ou la pelle. C'est ma femme qui a des problèmes. J'ai demandé de l'aide aux Anciens combattants, et on m'a dit qu'on regarderait mon dossier et qu'on allait me rappeler. Ça a été très rapide. Ils m'ont rappelé au bout de cinq minutes pour me dire que je ne pouvais avoir de l'aide parce que je n'étais pas allé à la guerre.

Donc, ceux qui quittent les Forces armées avec un problème de dos, ce qui est le cas de beaucoup de monde, sont mal évalués. On ne s'occupe pas de notre problème moral, de tout ce qu'on peut perdre comme activités. On ne s'occupe que de notre bobo et encore, on le coupe en deux. Personnellement, j'essaie de vivre avec tout ça et c'est bien difficile.

J'ai demandé que l'on reconsidère les 10 p. 100 de maladie qu'on m'avait accordés, et le médecin m'a dit qu'on ne pouvait rien faire pour moi. Mais quelqu'un m'a conseillé de parler à un député, et cela m'a permis de savoir que je pouvais m'exprimer ici devant vous.

On m'a dit que d'après une loi de 1944 et de 1949, quelqu'un qui a mal au dos mais qui n'a pas eu d'accident n'obtient pas plus de 10 p. 100 à l'évaluation. Mais une personne qui a des problèmes d'oreille obtient une évaluation à 60 p. 100. Un de mes amis qui a un problème d'oreille reçoit 600 $ par mois tandis que je ne reçois que 171 $. De plus, il peut toujours travailler alors que moi je ne peux plus. Où est la justice? Je n'ai rien contre mon copain, mais il est bien content car il a le problème et il a l'argent.

Je vais vous donner un autre exemple typique. Écoutez bien et accrochez-vous. J'ai eu une opération en 1992 pour une hernie inguinale. Ils m'ont ouvert des deux côtés alors qu'ils ouvrent normalement un côté à la fois. Cette opération a retardé mon départ des Forces canadiennes d'au moins trois mois.

• 1015

Des problèmes ont fait en sorte que mon départ des Forces armées canadiennes a été retardé d'au moins trois mois. Je suis revenu et j'ai présenté l'évaluation des Anciens combattants. Je leur avais expliqué mes problèmes et ils ont essayé de défendre mon cas.

J'ai porté ma cause en premier appel, bien que mon avocat m'ait dit que ma cause était perdue d'avance. Ce n'est pas intéressant de se faire dire cela quand on essaie de se défendre. J'ai ensuite porté ma cause en deuxième appel et elle a été rejetée une fois de plus. Le troisième appel fut entendu à Charlottetown, ce que je n'ai pas apprécié, et ces messieurs à l'autre bout ont décidé que mes problèmes n'étaient pas reliés aux Forces armées canadiennes. Ce sont pourtant leurs médecins qui m'ont opéré. J'ai couché dans leur hôpital et j'ai travaillé pendant 26 ans dans le système. Je présentais six lettres et des photos à l'appui, mais je me suis fait virer tout simplement. On m'a dit que si j'avais des problèmes, je devais engager un avocat. Mais parce que je touche un salaire, monsieur, je n'ai pas droit à l'aide juridique.

En plus de cela, j'essaie de travailler comme je le peux. Je n'ai pas droit à ces services dont peuvent se prévaloir les prestataires de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage. Mon mince revenu est d'à peu près 13 000 $ par année et je n'y ai pas droit. C'est la même chose pour tous ceux qui vont se retirer des Forces: on est pris. C'est moins grave pour ceux qui reçoivent un bon salaire et qui s'assurent d'avoir un capital.

Malgré tout cela, je suis un gars prévoyant. Je savais que j'allais me retirer des Forces et j'ai réussi à payer ma maison. Ma femme est à mes côtés. Malgré mon petit salaire, j'ai su être prévoyant, et c'est une chance. Sinon, je ne sais pas ce que je ferais aujourd'hui. J'aurais peut-être une corde au cou. Ce serait de votre faute à vous autres.

Ce sera tout.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Monsieur Boudreau, je crois que vous avez expliqué clairement votre situation et je comprends ce que vous dites, mais avez-vous été blessé au travail ou bien vous êtes-vous blessé d'une autre manière?

[Français]

M. Robert Boudreau: En raison de la fonction que j'occupais et du matériel inadéquat que j'utilisais, cette blessure s'est aggravée au fil des ans. Les documents juridiques dont je dispose établissent très clairement la progression de la situation d'année en année. C'est une des raisons qui ont fait en sorte que j'ai gagné. Sans ces documents et les notes qu'avait prises mon médecin militaire, c'est moi qui aurais payé la note. Je n'aurais rien touché. Ce qui m'a aidé, c'est cette documentation compilée au fil des ans.

On m'a même reproché de ne pas m'être plaint au médecin. J'ai donné du 100 p. 100 aux Forces canadiennes et il y a assez de monde ici pour le prouver. Je n'ai jamais compté les heures.

Il est faux de croire qu'on est bien lorsqu'on prend sa retraite. On connaît alors de très gros problèmes parce qu'on est laissé à soi-même à l'extérieur. Vous avez entendu parler des problèmes que vivent les militaires sur la base, mais moi je me débats tout seul dans l'eau bénite. Je n'ai pas les services d'un avocat. Je n'ai personne pour m'aider et ils savent que je n'ai pas les moyens. C'est une situation que ma femme et moi trouvons vraiment déplaisante. Ma femme travaille pour les Forces. Elle n'est pas ici aujourd'hui parce qu'elle est malade. Elle aurait aimé être ici pour que vous puissiez la comprendre elle aussi. On vit des situations vraiment difficiles.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Quand vous vous êtes adressé aux Affaires des anciens combattants et qu'on vous a répondu que votre blessure n'était pas de nature professionnelle, ou quelque chose du genre, sur quoi s'appuyait-on pour vous faire cette réponse? Quelles explications vous a-t-on données?

[Français]

M. Robert Boudreau: C'est la seule raison qu'ils m'ont donnée. Je n'ai pas mon propre avocat. L'avocat qui me représente travaille pour le ministère. Puisque mon salaire n'est pas tellement élevé, je ne suis pas en mesure d'argumenter contre eux. Tout ce que j'avance est sur papier. Ils ont jugé que ma blessure n'était pas attribuable aux Forces.

• 1020

Mes patrons m'ont signé des lettres; j'en avais six à l'appui de ma demande, avec photos. Je pense qu'ils ne les ont pas prises en considération. Je n'ai pas travaillé à l'extérieur puisque je travaillais pour les Forces armées canadiennes. Ma fonction était de travailler dans des conditions d'urgence, aux pièces d'équipement d'urgence. Ce sont des pièces pesantes et nous n'avons aucun appareil de levage pour les manipuler. Pourtant, on doit les sortir dans des conditions difficiles, d'endroits peu accessibles. J'ai fait cela pendant 14 ans. Merci.

Le président: Madame qui êtes à l'autre micro, voulez-vous faire un commentaire? Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Isola Bouchard (témoigne à titre personnel): C'est toujours difficile quand on traite avec des civils—pardon, ce ne sont pas des civils mais des militaires—qui n'ont pas fait la guerre. Il y a deux poids, deux mesures. Je voudrais bien savoir qui sont les juges quand on s'adresse à la cour pour obtenir une pension. On m'a dit que c'était une position qu'on donnait par favoritisme.

Moi, je voudrais bien que ce soit des ex-militaires qui puissent juger les cas des militaires qui s'adressent à la cour pour obtenir une pension. Ce devrait être une cour spéciale. Il faudrait que ce soit des gens comme M. Tout-le-monde qui puissent juger du cas de monsieur ici. C'est tout à fait incompréhensible.

C'est la même chose pour les membres de la marine ou de l'aviation. Si ce sont des militaires qui jugent, ils auront plus de chance que si ce sont des civils qui n'ont jamais rien su de la vie militaire. À tous les militaires ici présents, je fais une recommandation. Quand vous avez mal aux orteils, à la tête ou ailleurs, ne vous gênez pas pour le faire inscrire à votre dossier. Autrement, quand vous quitterez l'armée, sachez que si votre dossier est vierge, vous n'obtiendrez rien, même si vous avez la pire des maladies. Si ce n'est pas entré dans votre dossier, vous n'aurez absolument rien; ils ne feront absolument rien pour vous.

Monsieur, je vous donnerai mon numéro de téléphone parce que nous avons des choses à régler.

M. Robert Boudreau: Merci, madame.

Mme Isola Bouchard: Je dois annoncer une chose. Hier soir, j'ai lancé un SOS de désespoir et je dois vous dire qu'une dame, non pas du ministère mais d'Ottawa, s'est occupée du cas de monsieur. Nous allons sûrement recevoir de bonnes nouvelles quant à l'hospitalisation de monsieur à l'hôpital militaire spécialement réservé aux anciens combattants du Golfe.

Le président: Merci, madame.

Mme Isola Bouchard: En tout cas, merci beaucoup à vous tous.

Le président: Sergent Tremblay.

Sergent Jean Tremblay (témoigne à titre personnel): Bonjour, tout le monde. Je suis le sergent Tremblay et je fais partie de l'escadron 439 ici sur la base. Pour ceux qui ne le savent pas, il y a une équipe de sauvetage ici, à Bagotville.

Il y a certains points que j'aimerais soulever. Après de longues discussions avec ses confrères de travail, on se demande un peu où on s'en va ici à Bagotville, mais aussi où on s'en va ailleurs au pays, partout où il y a des unités de sauvetage. Il y a plusieurs mythes qui courent sur le technicien de sauvetage tout habillé de jaune orange. Plusieurs personnes s'imaginent que ce technicien fait partie d'une bande à part, qu'il touche un salaire différent de celui des autres.

Je vous raconte brièvement mon histoire. J'étais mécanicien de moteurs d'avion avant de changer de métier. J'ai donc été technicien pendant quatre ans. Par la suite, j'ai changé de métier et je suis devenu sauveteur. Il faut faire un minimum de quatre années dans l'Armée avant de pouvoir suivre le cours.

Lorsque j'ai changé de métier, il n'y a eu aucun changement de salaire; le salaire est resté le même. C'était la paye de spécialiste 1. La plupart des gens avec qui mes confrères et moi parlons, et qui font partie des Forces, sont tous surpris d'entendre que nous sommes spécialistes 1 et que nous recevons le même salaire qu'un mécanicien de moteurs d'avion. Il y a différents métiers ici sur la base qui sont au même échelon.

Donc, même si nous sommes habillés en jaune orange, le salaire ne change pas. La seule chose qui change, c'est notre prime de risque. Or, la prime de risque, si tu te blesses, tu la perds. Tu te retrouves dans un bureau et c'est fini.

• 1025

Dernièrement, je me suis blessé, mais j'ai été chanceux, puisque j'ai récupéré assez bien. J'aurais pu perdre tout le prestige qu'on associe au travail dans le domaine du sauvetage. Pour moi, cela aurait été une grosse perte. Ce qui m'a sauvé, c'est ma bonne santé. J'ai quand même pu reprendre mes fonctions assez rapidement.

Certains aspects de notre métier sont plutôt exigeants. Les exigences de l'entraînement médical qu'il nous faut suivre pour pouvoir exercer ce métier sont assez élevées. Notre métier continue d'évoluer. On nous demande de gravir des échelons encore plus élevés au point de vue médical, soit jusqu'au niveau de EMT-2, pour ceux qui connaissent comment cela fonctionne.

Cela comprend aussi le parachutisme, l'alpinisme, la plongée sous-marine. On doit être membres d'équipage sur différents types d'avions, soit dans l'hélicoptère ici, à Bagotville, ou dans un autre type d'avion lorsqu'on est dans de grosses unités où il y a plus de techniciens en recherche et sauvetage. On travaille sur deux types d'avions. Donc, il y a différentes techniques à l'intérieur de l'avion. Pour le métier de technicien en recherche et sauvetage, l'avion est un mode de transport, un mode de pénétration pour arriver sur les lieux. Notre travail commence lorsqu'on arrive au sol.

Parfois, on a de la difficulté à faire comprendre cela à plusieurs personnes qui disent que c'est un métier qui coûte cher et qu'il faut beaucoup d'entraînement. Oui, mais il faut garder un niveau d'entraînement très élevé pour pouvoir participer à des missions qui peuvent être extrêmement exigeantes. Cela fait 14 ans que je fais ce métier-là. J'ai participé à des missions qui n'étaient pas toujours belles. Par contre, certaines missions étaient quand même assez faciles, mais le niveau de stress et de responsabilité pour un technicien en recherche et sauvetage est très élevé.

Parfois, c'est frustrant de se faire dire: «Oui, mais comment se fait-il que vous êtes si peu payés?» Je pense que la plupart des techniciens qui travaillent dans ce métier-là sont fiers de porter l'uniforme jaune orange et fiers du service qu'ils dispensent au public. On fait affaire avec beaucoup d'organismes, militaires et civils, et même avec des personnes qui font du plein air, de la chasse, de la pêche, etc.

Dans l'escadrille, on est 130 approximativement. Actuellement, il y a beaucoup de discussions et on perd beaucoup de nos techniciens expérimentés. C'est frustrant de voir cela, parce qu'on travaille avec de bons hommes. Plusieurs sont frustrés à cause des coupures budgétaires, du manque d'entraînement, des situations qui nous sont imposées. Ici, à Bagotville, nous sommes seulement quatre techniciens qui travaillons à la base et répondons aux appels.

Normalement, on n'est qu'un à la fois à bord de l'hélicoptère. Je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer la dimension du CH-146, le Griffon qu'on a ici à Bagotville. Lorsqu'on travaille dans l'hélicoptère, on est tout le temps penché. La cabine est extrêmement petite et il est très difficile pour une personne d'y travailler confortablement. On est tout le temps penché et, dès qu'on fait entrer un blessé à l'intérieur, la cabine devient encore plus petite. En hiver, lorsqu'une personne a eu un accident, il faut commencer des intraveineuses ou dispenser des soins médicaux assez avancés. Ce n'est pas l'endroit le plus confortable pour travailler. Cela augmente le niveau de stress.

Lorsque tu arrives en forêt, si c'est l'été, il y a beaucoup de mouches; ce peut aussi être la nuit, l'hiver, à moins 30 degrés, etc. Il n'y a qu'un technicien qui descend sur le câble. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais il n'y a pas beaucoup de services d'ambulance qui travaillent avec un seul technicien.

Le nombre de personnes à la base n'est pas vraiment élevé, mais on considère que les ressources sont sous-utilisées. On pourrait être utilisés davantage et offrir un niveau de service plus élevé à la population francophone et même à la population anglophone, parce qu'on couvre un très grand territoire avec les appareils de Bagotville. On est appelés à répondre à des appels provenant de l'Ontario et, ce qui n'est pas surprenant, on est aussi appelés à couvrir des appels en mer, parce que les hélicoptères, au Labrador, sont en trains d'être remplacés par le nouveau Cormoran.

• 1030

Cela n'implique pas seulement les techniciens en recherche et sauvetage. Je parle aussi des techniciens, des mécaniciens, des ingénieurs de vol, des pilotes. Partout, dans l'escadrille, le personnel est à son minimum. Il est vraiment difficile de fonctionner, et on se demande pourquoi le moral est bas. Moi, je n'ai pas de misère à comprendre que cela affecte beaucoup de gens.

Deux études ont été faites sur le salaire du technicien en recherche et sauvetage. On n'a jamais eu de résultats. Actuellement, nos supérieurs, dans notre métier, sont en train de discuter de cela parce qu'il y en a beaucoup qui quittent. Il y a beaucoup de frustration. Je ne sais pas ce qui va ressortir de tout cela. On espère pour le mieux, parce qu'il y en a d'autres qui s'alignent. À 130, on ne peut se permettre de perdre beaucoup de gens.

Lorsqu'il y a eu une offre dans le cadre du Programme de réduction des Forces, on a perdu à peu près un cinquième de nos effectifs. Si le même programme était encore offert, je pense qu'on en perdrait encore une bonne partie. Ce n'est pas parce que les gars ne veulent pas faire le travail. Tout cela est dû au degré de frustration.

Je ne m'étendrai pas trop longuement là-dessus, car j'aimerais parler des cours des langues. Mon épouse et moi-même avons eu une longue discussion hier soir. On a eu un peu de difficulté à s'endormir, car notre adrénaline a pompé pas mal. On en est venus à la conclusion qu'on a été chanceux lorsqu'on est arrivés ici. On a vraiment apprécié que le Centre d'emploi de La Baie dispense un cours de français auquel ma femme a pu avoir accès. Cela a vraiment aidé notre relation. Actuellement, elle suit un cours avancé, et cela va très bien.

J'aimerais dire que la base de Bagotville a quand même un bon système. J'ai été affecté à d'autres bases et j'ai parlé à d'autres personnes qui avaient été affectées à d'autres bases, que ce soit à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard ou à Greenwood, en Nouvelle-Écosse. Leurs conjoints francophones n'ont pas eu la chance de suivre un cours d'anglais.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup, sergent. Deux personnes veulent vous poser des questions.

[Traduction]

Mme Judi Longfield: Sergent, je veux vous remercier pour votre présentation. Vous êtes le premier membre de l'Unité Orange, puisque tel est le nom que vous vous donnez, à comparaître devant le comité au cours de la présente ronde de consultation et vous nous avez donné beaucoup d'information, en fait plus que ce dont nous aurons besoin au cours de nos délibérations.

Vous avez dit qu'un certain nombre de techniciens de recherche et de sauvetage partent. Pouvez-vous me dire où ils s'en vont, quels emplois civils ils vont occuper exactement?

[Français]

Sergent Jean Tremblay: Je vais répondre en français parce qu'il y a beaucoup de francophones.

[Traduction]

Ce n'est pas que je ne parle pas anglais.

[Français]

Cela varie. Plusieurs personnes vont s'établir dans le domaine médical et vont travailler sur les ambulances. Il y en a d'autres qui seront pompiers et d'autres qui travailleront dans des compagnies de sécurité. Il y a un certain ajustement à faire et des cours à suivre pour pouvoir travailler pour une compagnie en tant que technicien dans la sécurité. Il y a aussi les plates-formes.

Un certains nombre de techniciens sont là actuellement, et ils recherchent d'autres membres des Forces. Ils recrutent actuellement. Même les compagnies civiles qui font du sauvetage le long de la côte est font du recrutement. Ceux qui effectuent le sauvetage à bord de cet appareil-là sont pour la plupart—je dirais à 99 p. 100—d'anciens techniciens en recherche et sauvetage.

[Traduction]

Mme Judi Longfield: Vous avez dit en outre qu'à votre avis, les unités de recherche et de sauvetage sont sous-utilisées, sous-déployées et que vous pourriez en fait aller plus loin.

Quel est le rayon d'action du Griffon?

• 1035

Sgt Jean Tremblay: Je ne parlais pas de l'unité de lutte contre les incendies.

[Français]

Je parlais surtout de Bagotville, parce que c'est la première unité francophone. J'étais ici pour l'ouverture de la section des techniciens en recherche et sauvetage. Avant cela, il y avait des hélicoptères de sauvetage, mais ils amenaient des pompiers ou du personnel de l'hôpital. On est arrivés en 1994 et on a ouvert la section de techniciens en recherche et sauvetage.

Les choses ont évolué et on a augmenté la versatilité du sauvetage en région. Avant cela, le personnel avait le minimum de qualifications nécessaires pour être déployé en forêt ou sur le bord d'un précipice. Si le personnel de ces petites unités, que ce soit à Cold Lake en Alberta, à Goose Bay au Labrador ou à Bagotville au Québec, était un peu augmenté, que ce soit par des pilotes, des ingénieurs de vol ou des techniciens, cela augmenterait la qualité des sauvetages dans ces régions-là.

Avec le Griffon, on peut faire trois heures et demie ou quatre heures de vol, selon l'équipement qu'on a à bord et la façon dont on configure la machine. On peut se rendre facilement dans des endroits assez éloignés, même au Québec. On s'est même rendus dans l'extrême nord du Québec pour porter assistance aux Inuits.

[Traduction]

Mme Judi Longfield: J'ai une dernière question. Elle porte encore une fois sur le véhicule. Combien de personnes blessées pouvez-vous transporter d'un seul coup? Outre les limites dont vous avez parlé, dans quelle mesure est-il difficile de travailler à cause de la hauteur hors tout limitée, pouvez-vous m'en dire davantage au sujet de...

Sgt Jean Tremblay: Cela dépend de la configuration de l'appareil. En cas d'écrasement de grande envergure, nous pouvons configurer l'appareil différemment. Actuellement, la configuration est fondée sur deux ou trois personnes à secourir. Si nous savons que nous allons secourir les victimes de l'écrasement d'un gros porteur, bien sûr, nous amenons plus de personnel à bord de l'hélico et nous faisons le triage au sol. Ensuite, nous ferons venir d'autres hélicoptères d'ici ou d'autres bases pour évacuer les victimes. Mais de la façon dont nous exécutons actuellement nos missions, nous pouvons transporter seulement deux ou trois personnes couchées en même temps. Cela ne laisse pas beaucoup de hauteur libre.

Mme Judi Longfield: Non, je m'en rends compte. Moi-même, je manque souvent de hauteur libre.

Le président: David.

M. David Pratt: Judi a posé bon nombre des questions que j'avais l'intention de poser, mais il m'en reste une au sujet du type d'équipement que vous utilisez. Le Cormoran remplacera-t-il l'un ou l'autre des Griffons que vous utilisez actuellement? D'après ce que vous dites, j'ai l'impression que le Griffon n'était pas prévu pour être utilisé dans son rôle actuel.

Sgt Jean Tremblay: Non, les Cormorans ne remplaceront aucun des Griffons. Les Cormorans remplacent les Labradors.

M. David Pratt: Oui, je m'en rends compte. Vous n'aurez aucun de ces nouveaux hélicoptères?

Sgt Jean Tremblay: Non, pas nous. Nous sommes une petite unité. Les grandes unités vedettes ont un personnel plus nombreux. Notre rôle principal ici à Bagotville est dévolu aux CF-18 et aux T-33. Nous avons un rôle de soutien pour l'entraînement des pilotes de ces appareils. On ne fait pas vraiment appel à nous pour les déploiements. On ne sait jamais, les choses pourraient changer à l'avenir, mais à l'heure actuelle, notre rôle primordial se limite à la base. Si un pilote en mission d'entraînement doit s'éjecter, nous devons aller à sa recherche et le secourir.

On nous demande aussi, comme rôle secondaire, d'intervenir en cas de crise civile, qu'il s'agisse d'un écrasement d'avion, d'un tremblement de terre, etc. Quelle qu'en soit la raison, on nous demande d'intervenir, avec la permission du commandant de la base.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Georges Thibault.

M. Georges Thibault (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Georges Thibault et je suis retraité des Forces armées canadiennes. Le 3 septembre, j'ai été libéré pour cause médicale et je me suis aperçu que le monde militaire et le monde civil étaient très différents. Le soutien auquel j'étais habitué dans le militaire est devenu inexistant à partir du 3 septembre.

• 1040

On s'aperçoit qu'il faut se battre contre l'assurance-maladie, contre le ministère des Anciens combattants, contre l'assurance-chômage. Personne ne veut me donner ce pourquoi j'ai payé pendant mes 12 années de service.

Par exemple, vu que j'ai eu une libération médicale, l'assurance-chômage a décrété, lors de ma première demande, que je n'étais pas admissible à l'assurance-chômage parce que j'avais eu une libération médicale. Je ne pouvais travailler parce que j'avais été libéré pour une raison médicale.

L'Armée avait tout simplement indiqué sur mon «bleu», si vous voulez, que j'avais été libéré pour le motif 3B. Le motif 3B veut dire que je n'étais plus capable de faire mon métier. Cependant, cela ne voulait pas dire que j'étais invalide.

Il m'a fallu deux mois et demi pour faire comprendre à l'assurance-chômage que je n'étais pas invalide et que j'étais capable travailler. Mais dans ce coin-ci, trouver de l'emploi, ce n'est pas évident. Quand je me suis trouvé un autre emploi sur la base en tant qu'employé civil, on m'a dit une semaine plus tard: «Oh, monsieur Thibault, vous pouvez travailler.» Si je n'avais pas trouvé cet emploi, c'est ma femme qui m'aurait fait vivre. Pourtant, j'ai contribué pendant 12 ans au régime d'assurance-chômage. Je ne vois pas pourquoi j'ai été obligé de me battre contre eux.

La solution évidente à ce problème serait peut-être tout simplement de ne pas indiquer sur le «bleu» de l'Armée que c'est un motif 3B. Le motif 3B, dans l'Armée, on sait ce que cela veut dire. Dans le monde civil, on se fout du motif 3B. On ne sait pas ce que cela veut dire et cela entraîne toutes sortes de délais dont on n'a pas besoin.

Aussi, quand on nous met en congé, avant qu'on sorte, on nous remet une somme équivalente à celle qu'on recevra mensuellement comme pension. Ils m'ont remis 728 $ et des poussières. C'était correct, mais cela leur a pris deux mois avant de me l'envoyer. Et quand ils me l'ont envoyé, il y avait 3 ¢ de différence entre leur calcul et la paie qu'ils m'ont envoyée et j'ai été obligé d'attendre deux mois avant de l'obtenir. Il n'avaient qu'à commencer à m'envoyer ma pension quand ils me la devaient. Cette pension-là, elle m'appartient. J'avais travaillé pour cela. C'était à moi. Ils n'avaient aucune raison de me faire attendre deux mois avant de commencer à m'envoyer de l'argent.

Ils disent qu'il faut qu'ils fassent une revue de tous les documents, par exemple pour voir si on n'a pas été trop payé, etc. Qu'ils retiennent 10 p. 100 au cas où il y aurait des erreurs et qu'ils commencent à t'envoyer ton argent. C'est à toi. Tu as travaillé pour cet argent. Cela t'appartient. Cela t'éviterait beaucoup de problèmes quand les banques t'appellent pour recevoir leurs paiements, etc. Tu sais que tu peux les payer, mais l'organisation ne te donne pas l'argent qu'elle te doit. Il n'y a aucune raison pour que ces problèmes surviennent.

Quand tu sors, à 37 ans, et que tu as fait 20 ans d'armée, la planification est peut-être un petit peu plus facile. Mais quand tu as fait 12 ans d'armée et que ta femme accouche deux semaines après ta libération... La planification financière, on peut la faire quand on reçoit un salaire. Avec mon salaire, c'était un petit peu plus dur. J'aurais été capable de gérer ce que j'avais à gérer avec l'argent qui m'était dû. Ma femme et moi n'aurions pas eu le stress des banques qui nous appelaient à 21 heures ou 22 heures, parce qu'il est légal, au Canada, pour une banque de t'appeler à 22 heures pour te demander de la payer. Ce n'est pas quelque chose dont on a besoin.

C'est assez dur de faire la transition entre la vie militaire et la vie civile sans avoir à composer avec ces petits irritants.

Ce matin, à deux reprises, on a parlé du ministère des Anciens combattants. Je ne comprends pas la relation entre le ministère de la Défense nationale et celui des Anciens combattants. Quant à moi, ce sont deux organismes qui devraient être assez bien liés. On parle du même monde. Si tu es allé à la guerre, tu as fait partie de l'Armée. Si tu as servi dans l'Armée, tu as droit à une pension du ministère des Anciens combattants. Ce sont deux ministères qui devraient se parler. La communication entre les deux ministères est inexistante ou presque.

Mon dossier a été débloqué lorsque, à force de téléphoner à Ottawa, j'ai réussi à parler à une dame qui a été gentille. Je voudrais me souvenir de son nom parce que c'est peut-être la personne qui m'a le plus aidé dans tout cela. Elle a appelé le ministère des Anciens combattants pour dire: «Oui, il est libéré.» Le ministère des Anciens combattants ne reconnaissait pas ma cessation d'emploi ou mon «bleu» comme étant la confirmation que je ne faisais plus partie de l'Armée. Ils ne veulent pas te payer et ils ne te laissent pas voir un médecin avant qu'ils aient confirmé que tu n'es plus dans l'Armée. Si tu ne peux pas voir leur médecin, tu ne peux pas recevoir de pension.

Là encore, il y a de l'argent auquel tu as droit. C'est la Loi sur la Défense nationale qui nous octroie une pension si on a été blessés dans le système. On a ce droit-là, nous. Moi, j'étais un petit caporal. J'avais le droit de recevoir une pension; je savais que j'avais ce droit. Pour aller chercher ce droit, savez-vous à quel point il faut se battre, combien d'appels téléphoniques il faut faire, combien de fois on se fait dire qu'on va nous rappeler?

• 1045

Moi, j'ai commencé cette procédure il y a trois ans, et heureusement que je l'ai commencée il y a trois ans. La première fois, c'est un groupe d'infirmières d'expérience qui examinent ton dossier, qui acceptent ou refusent ta demande. Cela m'a été refusé, comme 90 p. 100 des demandes le sont.

La deuxième fois, je suis allé en appel avec un avocat qui était supposé me représenter. Mais ils ont changé mon avocat deux jours avant. Je n'avais jamais parlé à l'avocate qu'ils m'avaient présentée. Elle ne connaissait pas mon dossier. Elle a lu mon dossier une demi-heure avant que j'entre en audience.

Quatre mois plus tard, je reçois une décision écrite qui dit: «Monsieur Thibault, les trois cinquièmes de vos affections sont reliées au militaire.» Je ne sais pas où ils sont allés chercher les deux autres cinquièmes. Je n'ai jamais travaillé ailleurs que dans l'Armée. Où sont-ils allés chercher cela? Je ne le sais pas. C'est ce qu'ils ont dit.

À part cela, les juges qui entendaient cet appel étaient deux notaires. Un notaire est-il qualifié pour décider de ce qui est médical et de ce qui ne l'est pas? Quelqu'un pourrait-il m'expliquer cela? Il faut que je comprenne cette partie-là. J'avais devant moi deux notaires qui ne connaissent pas le système militaire. Quand je leur ai dit que j'avais mal aux genoux, ils m'ont dit: «Mais, monsieur Thibault, pourquoi avez-vous continué à courir si vous aviez mal aux genoux?» J'ai répondu que je n'avais pas le choix de ne pas courir, parce qu'il fallait que je garde mon emploi. Si le médecin militaire me disait que j'étais bon pour courir et qu'il levait l'empêchement médical, il fallait que je reste au même standard physique que tout le monde. Cela voulait dire courir, fermer ma gueule et endurer mon mal. J'ai fait cela aussi longtemps que j'ai pu et j'aurais continué à le faire, mais le docteur m'a finalement dit de ne plus le faire. Le docteur a décrété que je ne pouvais plus le faire. J'ai donc cessé de courir et ils m'ont mis dehors.

Tu pars avec cela et tu fais une demande aux Anciens combattants. Ce que le docteur militaire écrit sur tes papiers, oublie cela, «tabarnouche», oublie cela. Il aurait fallu que je retourne voir le docteur chaque fois que j'avais un petit mal de genou. Chaque fois que je me mettais une écharde dans les doigts, il fallait que ce soit rapporté. Chaque fois que je me faisais mal, il aurait fallu que j'aie un rapport d'accident signé par mon officier commandant. Savez-vous combien de fois on se fait mal dans l'Armée sans aller voir le docteur? On a un travail à faire.

Dans le civil, quand vous avez une petite grippe ou que vous vous cognez un genou, allez-vous chaque fois voir le docteur? On ne peut se permettre cela dans le militaire non plus. Dans le militaire, quand on va trop souvent voir le docteur, on commence à être pointé du doigt. Ils commencent à dire que c'est un cas problème. Tu deviens un problème administratif. Alors, que fais-tu? Tu endures le plus possible et, quand tu y vas, c'est pour un raison extrême. Ce n'est pas tout le temps un maudit accident qui te fait mal.

Je voudrais bien voir le monde civil marcher deux fois par semaine avec un «racksack» de 50 livres sur le dos, avec des bottes de combat qui ne sont pas adaptées à nos besoins. Il y a peut-être bien 20 ans que ce problème est identifié. Il faut faire cela deux fois par semaine. Quand on a mal aux genoux et qu'on est obligé de le faire, j'appelle cela de la détérioration. Ce n'est pas un accident. Si les Anciens combattants pensent que ce n'est pas un accident, attachez-vous pour prouver cela. Ce sont deux notaires qui vont te dire si tu as le droit ou pas aux bénéfices.

De par les questions que les notaires vous posent, vous voyez qu'ils ne connaissent pas du tout le système militaire. Ils ne connaissent pas cela. Nous, on a un rôle à jouer. On est en premier lieu des soldats. C'est ce qu'ils aiment nous dire. J'ai accepté cela parce que c'est pour cela que j'avais signé: je savais que j'étais un soldat en premier lieu. Mon job, c'était d'être un soldat. Ensuite, c'était de faire mon métier. J'avais une fonction à remplir et j'ai accepté cela. Dans ma tête à moi, si je remplissais ces fonctions-là, j'endurais. Ils m'ont demandé d'aller en Somalie. Quatre jours plus tard, je décollais. Ce sont de petits sacrifices qu'on fait pour notre belle organisation, parce qu'on se dit: «Ce n'est pas un métier qu'on a, mais une profession. On fait cela parce qu'on aime cela».

Mais on finit par s'apercevoir qu'on fait des sacrifices tout au long de notre carrière et que, quand on a besoin de l'organisation, l'organisation se dérobe. J'ai travaillé avec de bons officiers. Je ne parle pas du niveau de superviseur, lequel est assez proche de nous. Même si les officiers commandants ne sont pas tellement proches de nous, j'ai toujours eu un bon soutien de leur part. C'est quand on sort de notre unité que cela devient un zoo. Là ils ne voient qu'un dossier personnel et un dossier médical.

• 1050

Ils ne savent pas qui tu es. Ils sont «tough», même si ton dernier rapport annuel était «outstanding». Ils se foutent de toutes les raisons. Ils se foutent que tu sois allé voir le médecin parce que tu n'étais plus capable de courir tous les jours. Tu as quand même couru trois fois par semaine. Pour courir 5 km trois fois par semaine, tu dois être aussi en forme que les trois quarts des Forces armées canadiennes. Tu as un questionnaire à remplir: peux-tu faire ci, peux-tu faire ça? Toi, tu es honnête et tu réponds «non» à certaines des questions. Le processus est commencé et tu te fais mettre dehors.

La recommandation qui m'a été faite par la suite par certains de mes officiers et commandants a été: «Tu aurais dû mentir.» Si c'était à recommencer, je mentirais. Je répondrais «oui» à toutes ces questions et ce serait à eux de me prouver le contraire.

Mais cela n'aurait pas réglé le problème, parce que j'aurais continué à courir et à endurer mon mal. Le militaire est dans un cercle vicieux, et j'espère que ce comité pourra aborder ces problèmes. Quand tu es d'un rang inférieur, comme soldat, caporal, caporal-chef... C'est pas mal plus facile quand tu fais partie des rangs supérieurs.

Le petit monde comme nous n'a pas de recours. Il faut fermer notre gueule et endurer. Et quand tu arrêtes d'endurer, les procédures pour te mettre dehors commencent. Et quand tu es dehors, il faut que tu commences à te battre avec le ministère des Anciens combattants. Ce que les médecins militaires disent, le ministère des Anciens combattants ne le reconnaît pas. Il faut que tu te battes avec l'assurance-chômage, parce que les raisons indiquées sur ton papier de libération sont écrites en jargon militaire: le motif 3B. Le saviez-vous, vous, ce qu'était un 3B? Le pauvre préposé qui travaille à Jonquière, il s'en fout du 3B.

Au ministère des Anciens combattants, il faut absolument régler les problèmes. Je ne sais pas s'il faut que la Loi sur la Défense nationale soit modifiée. Cela fait un bon bout de temps qu'elle a été modifiée.

J'ai rencontré un médecin du ministère des Anciens combattants à Ottawa. Il m'a dit: «Oui, j'ai reçu cela par la poste.» Mais c'était six mois après. Je ne le savais pas. Je savais que j'avais droit à une pension; je ne savais pas quelle sorte de pension c'était et je ne savais pas à quel point j'étais invalide selon eux. Six mois plus tard, je reçois une évaluation: «Tu es invalide à 20 p. 100.» Je ne peux pas me plaindre de cela, car je pensais recevoir pas mal moins. On me déclare invalide à 20 p. 100, mais je le suis pas mal plus que cela, parce que je ne suis plus capable de faire ce que j'ai à faire dans la vie. Je ne suis plus capable de gratter ma cour. Quand j'ai mal aux genoux, c'est ma femme qui rentre l'épicerie dans la maison. Quand c'est le temps de porter un enfant en haut, le soir, que j'ai mal aux genoux, c'est ma femme qui le fait. Je suis supposé être un homme, moi. C'est supposé être mon travail. Mais je dois vivre avec cela.

Et là je reçois il y a trois mois une lettre me disant d'aller voir un médecin à Québec. Le travail du médecin du district est de diminuer ce 20 p. 100. À Charlottetown, dans leur grande sagesse, ils ont décidé que 20 p. 100 pour des genoux, ce n'était pas assez. Ils ne se sont pas rendu compte que deux genoux, c'est ce qu'il faut pour marcher et que ça vient après les pieds et les chevilles. Tu as des genoux et c'est avec cela que tu te déplaces. Je ne peux pas marcher sur les mains. Si j'ai mal aux genoux, ça affecte tout. Ça affecte mes déplacements.

Ce dont ils ne tiennent pas compte, c'est à quel point cela affecte mon humeur quand je suis obligé de faire ce que je ne suis pas capable de faire, parce qu'il faut que ce soit fait. Quand je gratte une cour parce que ma femme n'est pas capable de le faire, pensez-vous que je suis de bonne humeur le lendemain matin? Je n'ai à peu près pas dormi.

Le président: Monsieur Thibault, je m'excuse de vous déranger. Plusieurs autres personnes veulent témoigner et je sais qu'il y a des parlementaires qui veulent vous poser des questions. Avez-vous presque terminé?

M. Georges Thibault: Je vais résumer. Ce ne sera pas long.

Le président: D'accord.

M. Georges Thibault: J'aurais quelques recommandations.

Le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens combattants doivent se parler. Quand un médecin militaire nous met dehors pour cause médicale, qu'il fasse parvenir son rapport au ministère des Anciens combattants pour que ce soit clair et précis. S'ils ont une raison pour nous mettre dehors, ils doivent avoir une raison pour nous donner une pension.

Deuxièmement, les juges qui siègent aux cours d'appel doivent avoir une expérience de l'Armée. Il ne faut pas nécessairement qu'ils soient militaires, mais qu'ils comprennent le système.

Troisièmement, lors d'un appel à Charlottetown, on devrait avoir le droit d'être présent.

Dans l'Armée, les standards devraient être les mêmes, que ce soit pour le CDS ou le simple soldat. S'il faut qu'il y en ait un qui coure 10 km une fois par année avec un «racksack» sur le dos, tout le monde devrait courir ce 10 km.

• 1055

De plus, on devrait pouvoir savoir s'ils l'ont couru ou pas, parce qu'on est jugés à cela. Ensuite, au moment de la libération, on devrait avoir un meilleur soutien. Le soutien des unités locales est toujours extraordinaire, mais ça bloque au zoo. Quant à la pension, ils pourraient nous la donner dès le premier mois, parce qu'ils sont capables de la calculer à un cent près. Cela devrait se faire tout de suite. Cela éviterait des problèmes. J'ai terminé. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Benoit, vous aviez une brève question.

M. Leon Benoit: Monsieur Thibault, nous avons entendu des préoccupations semblables au sujet de la façon dont les militaires sont traités quand ils sont blessés. Nous avons déjà entendu bon nombre d'anecdotes semblables. Je me demande si vous en avez parlé à d'autres qui ont été blessés. Si vous l'avez fait, les résultats étaient-ils variés? Certains vous ont-ils dit que les forces armées s'étaient occupées d'eux vite et bien, ou bien est-ce que tous ceux à qui vous en avez parlé ont été traités misérablement et ont dû attendre longtemps pour obtenir un dédommagement?

M. Georges Thibault: Je vais vous raconter une petite anecdote. J'ai été promu caporal-chef il y a deux ans. Il y avait en même temps une promotion au grade d'adjudant-chef. L'adjudant- chef était dans la même catégorie que moi. Sa catégorie a été rehaussée pendant à peu près trois semaines, mais pas la mienne. Il a été promu et je ne l'ai pas été. Je suis passé devant le CMRB et il est devenu adjudant-chef. Cela répond-il à votre question?

M. Leon Benoit: Oui, merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Thibault. Capitaine Luc Gaudet.

Capitaine Luc Gaudet (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, merci de me donner l'occasion de vous adresser la parole ce matin. Au départ, je n'avais pas l'intention d'intervenir car je préférais laisser la place aux gens qui ont de vrais problèmes. Mais à la suite d'une petite discussion au mess des officiers, on nous a été présentés et j'ai rencontré les membres du comité, l'équipe.

J'ai été piqué au vif. On m'a demandé ce que je faisais habillé en vert et quelle était ma fonction. Le commentaire émis par l'intervenant à la suite de ma réponse laissait supposer que j'étais probablement un «spin doctor». Comme je n'ai pas d'équivalent en français pour cette expression, je vais me servir du terme un peu plus vague de «bureaucrate».

Comme j'avais la bouche pleine et que je suis poli, je n'ai pas répondu sur le coup. Mais me voici ce matin. Je suis membre des Forces canadiennes à part entière, fier de l'être, fier de porter mon uniforme, même si ce n'est pas toujours évident. Comme vous le voyez, il y a beaucoup de bleu.

J'ai une conjointe et deux jeunes garçons. Ma situation est la même que celle de bien d'autres que vous avez entendus depuis le début de votre tournée au Canada. Je ne suis dans les Forces canadiennes que depuis quatre ans, mais j'ai déjà fait trois déménagements. Vous avez entendu le major Desgagnés ce matin. Donc, je suis en compétition; je vais peut-être pouvoir le rattraper un jour.

Ce n'est pas un problème pour moi. J'ai déjà fait une mission de cinq mois en Haïti; il y a des gens ici qui en ont probablement fait deux, trois, quatre et même plus. J'ai fait d'autres déploiements plus courts ici et là, une opération récupération, il y a près de trois semaines, un déploiement dans la région de Montréal. Un dimanche après-midi, tu reçois un appel: «Tu t'en vas là-bas.» Des journées de 12, 14 ou 15 heures, jour et nuit, ce n'est pas un problème. Il y a d'autres missions des Nations unies, de l'OTAN, qui vont se présenter à moi dans un avenir très rapproché. En janvier dernier, il y a moins d'un mois, j'ai reçu un appel me demandant si j'étais volontaire pour une mission en Bosnie. Cela fait cinq mois que je suis revenu d'Haïti, mais ce n'est pas un problème.

Je m'en vais en Norvège très bientôt. Ce n'est pas un problème. Il y en a plein d'opérateurs ici qui vont en Norvège. Cela fait partie de la «game».

• 1100

Je suis en devoir 24 heures sur 24. En tant que bureaucrate, ou «spin doctor», je travaille au-delà de mon horaire de 8 à 4. Je reçois des appels le jour et la nuit. C'est la nature de ma fonction. J'y réponds. Ce n'est pas un problème.

Monsieur le président, membres du comité, je me sens parfaitement à l'aise dans ma profession et avec l'uniforme que je porte, celui des FC. La philosophie qui prévaut actuellement au sein des FC, c'est que si vous n'êtes pas déployable, vous n'êtes pas employable.

Donc, je suis «spin doctor», bureaucrate peut-être, mais membre des FC d'abord. Je ne connais pas beaucoup de bureaucrates qui sont déployés outre-mer pendant six mois, qui laissent leur famille, leurs jeunes enfants, qui font des sacrifices, qui déménagent année après année. Je ne connais pas beaucoup de bureaucrates qui font cela.

Les membres des Forces canadiennes, malgré un écart salarial de 12 p. 100, du moins pour les officiers, se dévouent. Aujourd'hui, l'écart est de 12 p. 100 entre moi et les bureaucrates de la fonction publique du même type que moi, mais eux ne vont jamais en Haïti et en Bosnie.

Pour ce qui est des membres du rang, on parle d'un écart de près de 2 p. 100. Il y a toujours un écart. Pourquoi cet écart existe-t-il compte tenu des sacrifices qu'on nous impose?

Ce n'était que mon introduction. Le sujet que je veux aborder aujourd'hui...

Des voix: Ah, ah!

Capt Luc Gaudet: ...a trait aux règles d'injustice ou ce qu'on appelle, dans le jargon militaire, les griefs. Je suis relativement jeune dans l'organisation. Vous savez que j'y suis depuis quatre ans seulement. J'ai reçu ma formation de base. J'ai gravi les échelons normaux de la façon normale. Je suis rendu où je suis rendu et, selon le cheminement prévu, je devais être promu au grade que j'ai actuellement en janvier 1997, il y a un peu plus d'un an.

Je ne sais pas si tout le monde se souvient de la situation qui prévalait l'année dernière à la même époque, dans le temps des Fêtes, en décembre 1996. Les médias avaient rapporté, entre autres, deux histoires: l'affaire Perron, à Gagetown, et l'affaire touchant un haut gradé des Forces canadiennes. C'étaient des allégations de fraude. C'était en décembre 1996 et cela avait fait les manchettes nationales. Le ministère, à l'époque, avait pris une décision qui a eu d'énormes conséquences sur le cheminement des jeunes officiers. On avait tout simplement décrété un moratoire sur les promotions d'officiers. Or, dans la très grande majorité des cas, les officiers touchés étaient des officiers juniors, des sous-lieutenants, des lieutenants, des gens qui gagnaient 30 000 $ et moins, qui avaient des enfants, des familles. C'était la mesure du ministère à l'époque.

Pas de problème, j'ai avalé ma pilule, sachant très bien que ce moratoire n'affectait évidemment que les lieutenants et les sous-lieutenants. On nous disait à l'époque, pour nous aider à avaler la pilule, qu'il n'y aurait probablement pas de problème à la levée du moratoire—on ne savait toujours pas quand—et qu'on aurait de promotions rétroactives, avec les avantages sociaux qui les accompagnent. J'ai avalé ma pilule. Pas de problème.

Tout cela a été annoncé le 31 décembre 1996. Donc, la dinde a été difficile à avaler pour un lieutenant. En janvier, à mon retour au travail, on m'a annoncé: «Tu t'en vas en Haïti; tu pars au mois de mars pour Valcartier, pour un mois. Tu t'en vas en mission des Nations unies à Haïti.» Pas de problème, je l'ai accepté. Cela fait partie de mon métier.

Si je suis ici ce matin, ce n'est pas pour me plaindre des déploiements ou des difficultés pour ma famille. Oui, ces conditions-là existent, c'est évident, mais personne ne m'a forcé au centre de recrutement. Je l'ai fait volontairement et j'en accepte les conséquences. Ce fut mon choix. D'une certaine façon, je l'impose à ma famille, et ma famille doit vivre avec cela. Il n'est pas là, le problème.

• 1105

Donc, je suis allé en Haïti, j'ai fait mon travail là-bas et, trois mois après le début du moratoire du ministère, qui avait débuté en janvier 1997, on m'a donné ma promotion. À la fin avril, au Camp Maple Leaf, il fait 40 degrés. J'étais content, mais cela s'est arrêté là. Je n'ai pas eu ma rétroactivité et les avantages qui sont reliés à cela. On parle d'une importante somme d'argent. La promotion de lieutenant à capitaine est l'une des promotions d'échelon les plus importantes, parce qu'on vous considère comme quelqu'un qui a de l'expérience, mais il y a aussi les avantages sociaux qui sont rattachés à tout cela. Au niveau salarial, on fait un bond très important.

Donc, je n'ai pas eu trois mois de salaire de capitaine, les avantages sociaux, etc. C'est une perte nette pour moi. Je dois me battre contre le système. Actuellement, j'ai un grief en cours. Il est à un échelon supérieur. Depuis près de sept mois, au même échelon supérieur, il a été soutenu du bas vers le haut sans problème. Mon cas est noir et blanc; c'est l'un des cas les plus clairs, les plus évidents, les plus faciles à trancher. Imaginez quand c'est compliqué, par exemple pour un caporal. Mon cas est clair. Après presque sept mois, j'attends toujours une décision, j'attends toujours qu'on me fasse signe pour me dire que j'aurai peut-être une réponse d'ici deux mois.

Je suis conscient qu'il y a eu d'énormes coupures au cours des dernières années au niveau des quartiers généraux. Notre CDS, notre DCDS, notre VCDS ont d'autres chats à fouetter que de petits griefs, de petites réparations d'injustice faites à des officiers juniors. Il y a d'abord les opérations qui priment, j'en suis conscient, mais je juge qu'après sept mois d'attente, je suis en droit de m'attendre à une réponse. Évidemment, je m'attends à une réponse positive. Là n'est pas la question. C'est que j'attends un règlement de cette demande-là. Il y a bien évidemment de la bureaucratie à Ottawa.

Merci, monsieur le président, membres du comité. Tout à l'heure, un intervenant a parlé de sujets et d'autres qui ne concernent pas mon cas. Il est venu me voir, sachant que j'allais intervenir, me demandant si, en son nom, je pouvais vous demander de l'écouter de nouveau. Il a oublié de signaler un point. Je suis conscient de nos limites de temps, mais en son nom, je vous fais cette demande-là.

Une voix: Une question rapide sans réponse.

Le président: On peut l'inscrire à la fin, mais je ne crois pas qu'on va avoir le temps de l'entendre, parce qu'on en a plusieurs autres et que le temps avance.

Capt Luc Gaudet: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Y a-t-il des questions pour le capitaine? Non? Merci beaucoup, capitaine.

Capt Luc Gaudet: Merci.

Le président: Mademoiselle Nadine Parisé.

Mme Nadine Parisé (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je vais tâcher de me faire brève. Je vais exposer plusieurs points et ensuite, s'il y a des questions, j'y répondrai.

Les 30 $ qui sont enlevés chaque mois de la maigre paie des militaires, ce qu'on appelle le «mess due», pourraient au moins être admissibles en tant que frais syndicaux afin qu'on puisse les déduire dans notre rapport d'impôt. On n'a pas le choix. Ces 30 $ sont tout simplement enlevés de la paie de chaque militaire même si les militaires ne profitent pas toujours des mess parce que, souvent, ils n'ont pas le temps d'y aller puisqu'ils travaillent trop.

Si le bilinguisme est un critère d'embauche, comment se fait-il qu'il n'y ait à peu près que les francophones qui soient capables de maîtriser deux langues?

Des voix: Bravo!

Mme Nadine Parisé: Ils ne font pas un cent de plus, mais ils sont capables de parler deux langues.

En passant, en ce qui a trait aux services aux conjoints, ceux qui se plaignent qu'il n'y a pas de services en anglais au Québec devraient voir ce que c'est que d'être francophone et de déménager dans une province anglophone.

Par exemple, pendant la crise de verglas, à Montréal, plein de travailleurs ont dû s'exiler pour aller aider ailleurs. Ils ont été séparés de leurs familles, mais ils en ont au moins retiré certains bénéfices financiers. Je parle des employés d'Hydro-Québec, par exemple, de Bell Canada et de beaucoup d'autres. Mon ami est parti pour deux semaines et on n'a pas eu un cent pour cela. On a juste eu de la peine, parce qu'il était parti et qu'il a fallu payer des gardiennes en plus, parce que j'ai une vie en dehors de cela, moi.

• 1110

Nous, on ne retire rien de rien de tout cela; on fait juste payer.

Pour ce qui est du soutien psychologique aux familles des militaires en mission des Nations unies, il est pratiquement inexistant. Pendant une mission de quatre mois que mon conjoint a faite l'année dernière, je n'ai reçu qu'un appel téléphonique de moins d'une minute d'un travailleur social. Depuis quand peut-on assurer l'équilibre familial nécessaire à une séparation aussi longue sans même prendre le temps de se déplacer pour rencontrer ces personnes à la maison? Il n'y a aucun soutien psychologique, ou pratiquement aucun.

L'Armée ne semble pas avoir évolué au rythme de la société. Aujourd'hui, les femmes de militaires ont aussi des carrières et elles ne peuvent pas toujours être trimballées d'un bout à l'autre du pays sans rien dire. Avec les maigres rémunérations des militaires, un deuxième salaire est une nécessité pour beaucoup. Depuis longtemps, les pères ne sont plus seulement des entités vaguement aperçues apportant la paye. Ils sont et veulent être présents dans la vie de leurs enfants. Les militaires et leurs familles sont des êtres humains, mais certains semblent l'avoir oublié. Merci.

Le président: Merci beaucoup, mademoiselle. Il n'y a pas de questions?

Monsieur Denis Lavoie.

Chef Denis Lavoie (témoigne à titre personnel): Bonjour à tous. Pourquoi l'allocation au logement dans des endroits éloignés tels Esquimalt, Ottawa et Trenton, les endroits qui coûtent cher, est-elle directement proportionnelle au grade? Je m'explique.

Selon le CFAO 205-30, plus la personne est haut gradée, plus elle reçoit d'aide. Je ne trouve pas cela correct; c'est le soldat qui en a le plus besoin. D'ailleurs, on le voit dans votre papier ici. Dans l'Ouest, il faut qu'ils aillent chercher de la nourriture toutes les semaines. Ils ne sont pas capables de vivre et, pour eux, c'est une question de survie. Ce sont les soldats qui ont besoin de cet argent, pas les officiers supérieurs. Je n'ai rien contre les officiers supérieurs, mais ce sont les soldats qui en ont besoin.

Le major Desgagnés a dit qu'il perdait beaucoup de pilotes. Nous, on perd des techniciens. On en perd presque au même rythme qu'eux et pour la même raison: on n'est pas rémunérés comme les civils. Tout à l'heure, le capitaine parlait de l'écart entre les officiers et la fonction publique et de l'écart entre nous et la fonction publique. Il parlait de 2 p. 100 à 12 p. 100. Je vais vous dire honnêtement qu'en tant que techniciens en aviation, quand on sort, on a 10 000 $ d'augmentation au départ. C'est assez clair. Presque tout le monde ici dans la salle arrive à 20 ans de service, et on va sortir avec une pension d'à peu près 17 000 $ bruts et plus 10 000 $ d'augmentation. Donc, si vous voulez garder vos gens, rémunérez-les. C'est ce que cela veut dire. C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Pierre Hébert.

Caporal Pierre Hébert (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, bienvenue. Comme vous le voyez, je suis militaire mais je ne porte pas l'uniforme parce que je n'ai plus le même sens d'appartenance qu'il y a 12 ou 15 ans.

Je suis ravi de voir qu'un comité tel que le vôtre a été mis sur pied afin de lever le voile sur certains sujets tabou. Cependant, les budgets et le temps sont comprimés, et on discute de sujets qui exigeraient des discussions beaucoup plus longues et approfondies.

Dans le CFP 300, qui est une grosse brique, on identifie le facteur humain comme le plus important facteur de notre organisation. Il serait temps qu'on mette sur pied un comité, comme il a été fait dans l'une des provinces de l'Ouest, formé justement de ceux qui composent la masse et complètement indépendant du système, afin de discuter de ces problèmes et de les résoudre.

• 1115

Dans l'une des provinces, on est en train de procéder à un remaniement des services aux enfants. On a pris des gens du milieu pour renverser la machine pyramidale du gouvernement. C'est eux qui prennent les décisions, qui vont présenter un plan d'affaires, et ce plan sera plus fort et aura une plus grande valeur pour ces gens-là parce que ce sont eux qui l'auront bâti.

Ce sont eux qui vont avoir le sens de l'appartenance. C'est comme une mission. Quand vous faites une mission, si vous la faites vous-même, vous avez un lien d'appartenance. Mais si quelqu'un d'autre vous l'impose, vous n'avez plus ce lien-là. Donc, il serait temps qu'on s'assoie et qu'on identifie des comités qui travailleraient sur ces sujets-là et y consacreraient le temps qu'il faut.

Comme vous le voyez, il y a ici beaucoup de personnes qui sont frustrées et, pour enrayer leurs frustrations, il faut non pas débattre à votre niveau, mais débattre à notre niveau et commencer à mettre sur pied des comités pour discuter de ces sujets-là.

En plus, comme je vous l'ai dit ce matin, ça prend un certain courage pour venir ici et parler. Je serais curieux de savoir combien de caporaux sont venus vous parler jusqu'à maintenant. On en a vu deux ce matin. Ce sont des ex-militaires qui sont retraités maintenant. Ils viennent ici parce qu'ils ont eu leurs frustrations avant. Maintenant ils sont capables de prouver ce qu'ils avancent ou de traiter de leur point. Par contre, dans notre système, certains se sentent lésés, et la dimension de la peur existe énormément à cause du facteur rang. Il y a également le facteur oppression; on peut pratiquement appeler cela de l'oppression. Les gens ne viendront pas ici pour présenter leur point de vue de peur que cela nuise à leur carrière. On peut énumérer les autres facteurs qui sont reliés à cela: le familial et ainsi de suite.

Donc, il serait vraiment important, selon moi, de mettre sur pied un comité entièrement composé de gens indépendants du système militaire.

On parlait aussi du redressement de griefs, des promotions et des systèmes d'évaluation personnelle. Cela aussi devrait être complètement indépendant du système, parce que lorsqu'on est devant un redressement de grief ou une injustice, cela demeure dans le système. Il faudrait que ce soit évalué par une source externe qui puisse prendre en considération ces points ou les injustices qui ont eu lieu.

Cela prendrait beaucoup moins de temps, et les solutions qui en ressortiraient seraient probablement plus justes que celles qu'on a actuellement.

Pour les griefs, comme le capitaine le disait, si le CDS n'a pas le temps de reprendre les évaluations ou d'en faire une étude plus approfondie parce qu'il a d'autres chats à fouetter, ce que je comprends, il donne le mandat à quelqu'un d'autre.

La fonction publique a une protection. Dans notre cas, on dit qu'on a une protection par les redressements de griefs. Mais moi je n'y crois pas. La différence est très dure à renverser.

Donc, il nous faut un comité indépendant pour protéger nos droits. Je ne parle pas du supérieur immédiat, mais d'un comité indépendant.

On a une panoplie de règlements internes qui sont très précis. Ça revient au redressement et au système d'évaluation personnelle. C'est interne et il faut sortir de l'interne.

On a parlé plus tôt des gérants de carrière. Le meilleur gérant de carrière, c'est soi-même. Si on a des problèmes familiaux, peu importe les sources, on devrait être en mesure de dire notre mot, mais pas à notre superviseur, parce qu'on n'a pas, surtout à notre niveau de caporal, de lien direct avec notre gérant de carrière, sauf une ou deux fois par année. On a l'occasion de le voir quand on n'est pas déployés.

Il faudrait avoir un gérant de carrière qui puisse être mandaté pour nous représenter et on devrait être en mesure de communiquer directement avec lui et non via notre superviseur immédiat, parce que là, c'est le coup de téléphone. On lui mentionne le problème et cela va plus haut. Quand ça arrive à Ottawa, le problème est complètement déformé.

On a parlé également des fameuses pensions. Il devrait y avoir une réforme majeure à cet égard; je ne m'étendrai pas là-dessus, parce qu'on a très bien décrit le problème.

• 1120

Quand on quitte les Forces après 20 ans de service, on ne reçoit que 1 000 $ par mois. Je ne voudrais pas pointer du doigt ceux qui sont sur l'aide sociale, car c'est malheureux. Par contre, ces gens-là ont le même revenu que moi, qui ai donné 20 ans de service à mon pays.

Je crois que le salaire est important, mais les valeurs sont plus importantes: le leadership, la loyauté, l'honneur. On ne pourra arriver à des solutions qu'en se parlant, en communiquant, en ayant confiance et en ayant une bonne gestion du personnel.

Comme on l'a mentionné, il y a trop de personnes qui se retrouvent dans des postes de supervision. Ils se retrouvent avec 20 ou 30 personnes et n'ont pas eu de cours approprié pour gérer le personnel qu'ils doivent superviser.

On a mentionné aussi les problèmes reliés aux familles qui sont transférées, surtout celles ayant de jeunes enfants. Je pense qu'on devrait porter une attention particulière à ces gens-là.

Les statistiques sont là pour prouver que lorsque des jeunes ne sont pas bien encadrés et sont dérangés durant leurs première et deuxième années d'éducation, ils auront des problèmes dans 10, 15 ou 20 ans. Un gros pourcentage des décrocheurs viennent de là. J'ai vécu ce problème-là; j'ai vécu dans l'Ouest pendant cinq ans. Mon plus vieux commençait sa première année.

Il me reste quatre ans à faire pour terminer ma carrière et il a fallu que je me batte pour me faire reconnaître le droit d'envoyer mon enfant dans une école francophone. Mais il n'y avait aucune école francophone à l'endroit où j'étais. Même dans notre système, c'est déjà écrit blanc sur noir qu'on a ce droit-là. Si c'est déjà dans le système, pourquoi doit-on se battre?

Quand on a à faire face au système, ça reste toujours interne et il faut toujours se battre. Il serait très important d'avoir un troisième comité ou un autre comité, qui soit externe, pour faire reconnaître nos droits.

Il y a aussi la reconnaissance des acquis. J'ai de l'instruction, mais si je passe 20 ans dans l'Armée et que je me retrouve ensuite sur le marché du travail, ce que j'ai fait comme militaire n'est pas reconnu. C'est un problème majeur. Cela veut dire que lorsque je quitterai, je n'aurai pas de job et mon épouse va probablement devoir assumer les responsabilités financières parce que mon instruction n'est pas reconnue à l'extérieur des Forces. Il devrait y avoir quelque chose de systématique qui se fasse à ce niveau pour l'instruction qui se donne aux membres dans les Forces armées canadiennes. Je suis conscient qu'il y a un travail qui s'est fait, mais ce n'est pas pour tous les métiers. Certains métiers n'ont pas été touchés.

Il y a aussi le problème du lieu de résidence. C'est un problème très très important. Je suis revenu ici deux fois. Je suis allé à l'extérieur du Québec et je suis revenu. Par exemple, si je veux avoir un permis de chasse et pêche, je ne suis pas reconnu comme résidant le jour où j'arrive au Québec. C'est tout nouveau, et j'ai appris que je n'étais pas reconnu comme résidant. Pour avoir un permis, je devais payer 10 à 15 fois plus qu'un résidant. Il fallait être résidant depuis six mois. Par contre, les taxes sont imposées dès l'arrivée. Cherchez l'erreur!

Maintenant, parlons de nos confrères de la fonction publique. Mon confrère assis à côté de moi gagne environ 10 p. 100, pas 2 p. 100, de plus que moi. Par contre, ces gens-là sont stables. On ne leur touche pas. Ils sont là pour un certain temps, pendant 20, 30, 35 ans. Dans notre cas, il est prouvé qu'après quatre déménagements, notre ménage est détruit; c'est comme s'il avait passé au feu.

Quand on a offert les programmes de retraite anticipée, c'est nous qui avons eu le bas niveau. Ils ont eu beaucoup plus.

• 1125

Par contre, nous devons accepter les déplacements et les responsabilités. Nous devons déménager. Eux, ils sont stables. Il y a un gros désavantage de ce côté-là.

On a touché un autre point important, celui de l'universalité des forces et des G3 O3. On dit qu'aussitôt que tu es G3 03, on te met dehors pour atteindre l'universalité des forces. Je suis d'accord sur cela, car le principe est bon, mais qu'on l'applique partout dans la province indépendamment de ton rang.

Je m'explique. Pour ma part, je suis dessinateur, un 611. À cause du remaniement, je suis devenu un 649 et, dans mon nouveau métier, c'est un G2 02. Donc, je suis victime du système parce qu'en étant G3 03 auparavant, je rencontrais les normes de mon métier. Maintenant, je deviens un G2 02, ce qui est imposé par le système, et je vais peut-être recevoir une lettre me disant: «Tu es remercié de tes services; tu es G3 03 et l'universalité des forces nous oblige à te mettre au rancart.»

Par contre, mes superviseurs, qui sont dans le monde de l'ingénierie, sont des 648 et on leur permet de garder leur cote médicale à G3 03. S'il y a un déploiement qui se fait à l'extérieur, dans un théâtre opérationnel, est-ce qu'il devra cesser de courir parce qu'il est G3 03? Donc, qu'on applique ce règlement-là d'un bout à l'autre de la province indépendamment du rang.

J'aimerais écrire un livre sur toutes les expériences que j'ai vécues, parce que cela ressemble passablement à ce qui a été dit ici, mais je me retrouverais peut-être derrière les barreaux. Donc, je vais peut-être attendre d'être à la retraite. Je répète que pour se pencher sur les situations auxquelles ont fait face aujourd'hui, il serait important d'avoir un comité indépendant formé majoritairement de travailleurs, c'est-à-dire nous, sur le plancher, afin de voir aux situations et d'y remédier s'il y a lieu. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Caporal Charles Baril.

Caporal Charles Baril (témoigne à titre personnel): Bonjour messieurs, mesdames. J'aimerais avoir une réponse immédiatement, s'il vous plaît, à savoir s'il va bientôt y avoir un poste d'ombudsman pour les Forces armées canadiennes. Actuellement, on ne peut se plaindre des problèmes, des situations de gaspillage ou de mauvaise administration dans les Forces armées canadiennes sans que cela passe par nos supérieurs. Autrement dit, on n'a pas le droit de mentionner les gaffes qui se commettent. S'il y avait un poste d'ombudsman, on pourrait en parler.

À une occasion, j'ai vu des problèmes de dépenses. On avait, je pense, payé un bureau à un adjudant-chef de mon escadre. Cela avait coûté au-delà de 2 000 $, parce que c'était un surplus budgétaire On aurait pu prendre cet argent-là pour acheter des outils ou je ne sais quoi, mais c'était tout simplement un surplus de budget qu'on a gaspillé là. Tout le monde a vu cela, mais personne n'a pu dire quoi que ce soit parce qu'on n'en avait pas le droit. On ne pouvait pas aller dire à quelqu'un que cet argent-là était gaspillé. Je voudrais vraiment avoir une réponse là-dessus, messieurs, s'il vous plaît.

Le président: Je pense que vous allez comprendre que je ne peux vous répondre immédiatement là-dessus. Si je comprends bien, vous en faites une recommandation maintenant?

Caporal Charles Baril: Oui, absolument, parce que c'est nécessaire. Tant qu'il n'y aura pas quelqu'un d'indépendant de l'Armée à qui on pourrait aller dire... Tout le monde dit qu'il faut restreindre les dépenses et empêcher le gaspillage, mais on ne peut parler des cas de gaspillage ou de dépenses inutiles par crainte de représailles, parce que les personnes qui les autorisent, elles, les veulent. Donc, à qui peut-on dire cela si on n'a pas de recours? On est à la merci des dirigeants.

Je ne veux pas me plaindre des supérieurs ou quoi que ce soit, absolument pas. Mais, quand on voit une dépense que nous considérons inutile, cela devrait être jugé par une personne indépendante de l'Armée. C'est une recommandation que je fais.

Ce monsieur qui est allé à la guerre du Golfe a donné sa vie, finalement. Cette personne-là est semblable à beaucoup de membres des Forces armées canadiennes. Ce sont des gens qui croient à un système, qui croient que le Canada est un des pays les plus démocratiques au monde et qu'on est là, nous, non pas pour une paye, non pas parce qu'on est des techniciens ou des administrateurs, mais pour défendre ce pays auquel on croit.

• 1130

C'est pour ça qu'on a joint les rangs, finalement. Ce n'était pas la raison au départ, mais c'est venu par après, lorsqu'on a pris conscience de notre utilité. C'est nous, les membres des Forces armées canadiennes, qui défendons le système démocratique de ce pays, permettant à la population de dormir sur ses deux oreilles, parce qu'on est là pour la défendre et assurer sa sécurité.

Mais comment sommes-nous traités? Ce monsieur est allé à la guerre du Golfe. On a gaspillé sa vie et on ne le reconnaît même pas. Il y a M. Boudreau justement, un ancien du Royal 22e Régiment. Il s'est défait le dos à faire de l'exercice. Il n'est pas allé à la guerre, mais cela ne fait rien: l'exercice te défait. Quand bien même tu as le dos ou quelque chose de fini, même s'il peut guérir, on se fout carrément de ces personnes. On les utilise et, quand elles ont fini leur temps ou ne ne sont plus bonnes médicalement, on les met de côté.

Si j'étais un soldat du 3e Reich, ou soldat dans l'armée de M. Saddam Hussein, je comprendrais qu'on soit gaspillés, qu'on soit mis à côté, qu'on soit traités comme de la chair à canon. C'est bien dommage, mais c'est un peu comme ça qu'on est traités au Canada. On ne respecte pas ce qu'on fait, on ne le reconnaît pas du tout. On t'utilise. Tu as donné les 20 meilleures années de ta vie et, après cela, on te fout aux poubelles. C'est ce qu'on fait de toi. On se fout de ce que tu vas devenir. Tu as été utilisé. Si on était dans le civil, on ne donnerait pas nos 20 meilleures années à la défense du pays. La plupart des gens qui sont ici disent: «On va à la guerre, on va y aller à la guerre.» Il y a certainement une raison d'y aller.

Les gens qui sont allés à la guerre du Golfe croyaient à ce qu'ils faisaient. Ils croyaient qu'ils défendaient le Canada. Si le Canada avait pris la décision d'aller à la guerre du Golfe, c'était bon. Donc, la plupart y sont allés parce qu'ils voulaient y aller et qu'ils étaient volontaires d'y aller.

Finalement, on t'utilise et on s'en fout. Mme Dion disait ce matin que les gens avaient peur de perdre leur job. On comprend pourquoi ils ont peur parce qu'au début des années 1970 et à la fin des années 1960, c'était facile pour un militaire de dire: «Après 20 ans de service, je vais aller travailler dans le civil.» Les jobs n'exigeaient pas des diplômes collégiaux et universitaires. Si tu avais des qualifications militaires, tu trouvais un travail. Aujourd'hui, essayez de vous trouver un travail avec un salaire décent sans avoir un diplôme de cégep ou d'université. Je ne parle pas d'être pompiste à temps partiel chez Esso ou Petro Canada, mais d'un salaire décent.

Les gens ont peur de perdre leur job, parce qu'après 20 ans, tu es jeté aux poubelles. Ils se foutent de toi.

Les gens craignent de ne plus avoir assez de revenu pour faire vivre leur famille ou même rencontrer leurs obligations financières. Ils ont une maison ou une auto à payer. Les gens ont peur de ça.

Il y a autre chose au sujet des qualifications. On est en train de donner tous les jobs qui ont une certaine valeur, la plus grande valeur, je pourrais dire, au civil. Les jobs des métiers de l'électronique, ils sont en train de les donner au civil parce qu'ils disent que ce n'est pas déployable. Ce n'est peut-être pas déployable, mais si tu veux faire un travail dans le civil après la vie militaire, il te faut un job semblable. Ce n'est pas en étant pompiste de F-18—et je n'ai rien contre cela car je l'ai fait—ou en changeant des pneus, mais en faisant ces jobs-là que tu vas te trouver un job dans le civil.

Je travaille au 3 EMA, dans la module shop. Il n'est resté que cinq ou six personnes qui avaient plus de quatre ans d'expérience quand Air Canada est venu chercher les meilleurs éléments qu'il y avait là. Pourquoi? Parce qu'Air Canada paie mieux. Finalement, ils sont partis parce qu'on leur offrait un meilleur salaire. En plus, après 20 ans, tu peux continuer à travailler là. Tu peux travailler peut-être jusqu'à 50 ou 55 ans et plus. Dans l'Armée, c'est fini, fini, et tu n'a plus rien à faire là.

Ils songeaient à un moment donné à offrir ces jobs au civil. Si on n'avait pas eu les qualifications pour travailler là, à remonter des moteurs, qu'est-ce qui nous serait resté? Il nous faut ces qualifications pour aller travailler dans une compagnie comme Air Canada. Si on n'a plus ces ateliers, qui sont stables, on a beaucoup moins de chances de se trouver un emploi. Ce qu'ils demandaient, c'était quatre ans d'expérience à monter des moteurs. Après cela, tu pouvais aller chez Air Canada ou une compagnie semblable. Si tu ne les as pas, ces quatre années, qu'est-ce que tu fais? Tu te tournes les pouces ou tu te contentes de tes 16 000 $ ou 17 000 $ de pension par année, ou tu deviens pompiste.

Il serait temps que le monde cesse d'essayer de se serrer la ceinture et de faire des économies de bouts de chandelles. L'armée doit avoir un système et être autosuffisante sans que le civil se foute le nez dans ses affaires. Ce n'est peut-être pas déployable, mais c'est nécessaire. Ne serait-ce pour le bien-être des membres des Forces armées canadiennes, c'est nécessaire.

Merci, c'est tout.

• 1135

Le président: Caporal, je crois que M. Benoit a une question pour vous.

[Traduction]

M. Leon Benoit: En fait, caporal, je n'ai pas vraiment de question à poser, je veux seulement dire que je vous remercie vivement pour vos commentaires. On nous a déjà dit qu'il fallait créer un poste d'ombudsman indépendant et je pense que ce besoin est assez clair.

Cpl Charles Baril: Vous avez donc étudié la question au Parlement?

M. Leon Benoit: Eh bien, c'est envisagé. C'est une recommandation qui a été faite, mais je ne crois pas que le poste dont on parle correspondrait à ce que vous voulez. Le point que vous avez soulevé est donc important.

Sur le plan du moral, je pense que vous avez très bien dit que ce n'est pas seulement la paye qui influe sur le moral; c'est de pouvoir sentir qu'on apprécie vraiment le travail que vous faites, l'engagement que vous prenez et les sacrifices que vous consentez. Je pense que vous l'avez très bien exprimé. Si l'on ne vous apprécie pas à votre juste valeur quand vous faites de tels sacrifices, bien sûr que le moral ne sera pas bon.

Je tiens donc à vous remercier pour vos commentaires.

[Français]

Le président: Merci beaucoup. Mademoiselle Valerie Morinville.

[Traduction]

Mme Valerie Morinville (témoignage à titre personnel): Je voudrais faire quelques brèves observations.

Hier soir et encore ce matin, on a entendu des intervenants dire que les militaires font leurs propres relations publiques. La seule question que je me pose à ce sujet, c'est que quand on travaille pour une grande entreprise, on ne s'attend pas à ce que chaque département de cette entreprise se charge de ses propres relations publiques. C'est la compagnie qui s'en charge. Je trouve donc que oui, les Forces canadiennes ont du chemin à faire à cet égard. Je trouve qu'elles doivent assumer en partie cette responsabilité, mais le gouvernement fédéral doit aussi les appuyer.

Hier soir et encore ce matin, M. Benoit a demandé si des déploiements plus courts et plus fréquents seraient une solution, au lieu d'envoyer des gens au loin pendant six ou neuf mois. J'ai fait les deux et je dis que non, je ne crois pas que ce soit la solution.

Nos enfants ont de la peine chaque fois que nos conjoints partent. Je pense que peut-être des déploiements plus courts, mais pas plus fréquents, pourraient être la solution. Oui, ils ont décidé de devenir militaires, et oui, cela fait partie de leurs fonctions de militaires et c'est ce que l'on attend d'eux, mais je pense que l'on pourrait faire plus pour aider à atténuer ce problème.

Peut-être qu'il serait utile à cet égard de mieux former les gens qui s'occupent des conjoints et des familles, je parle des enseignants et des travailleurs sociaux de la région. Souvent, ils n'ont aucune idée du genre de vie que mène un militaire, son conjoint et sa famille.

Le centre multiservice que nous avons ici sur la base a institué un tel programme et j'ai eu la chance qu'on me demande de participer à la première session, alors qu'on a donné de la formation à des travailleurs sociaux de la région. Malheureusement, il ne s'est plus rien passé depuis et je ne sais pas si cela existe encore, mais je me demande encore une fois si ce n'est pas un problème d'argent.

L'année dernière, un enseignant qui compte 28 ans d'expérience, qui a toujours travaillé sur cette base et qui travaille maintenant en ville avec des enfants de militaires et de civils m'a dit que les enfants de militaires ont plus de problèmes, et causent plus de problèmes que les enfants de civils. Nos enfants subissent une discrimination. Ils sont perçus comme des fauteurs de troubles. On les croit paresseux. Je pense que c'est simplement parce que les enseignants ne sont pas au courant que papa ou maman est parti pendant six mois. Même si ce n'est qu'une semaine, je le répète, chaque fois qu'un militaire part, la famille a du chagrin.

• 1140

Un dernier point. Il s'agit des affectations et des conséquences des compressions budgétaires.

Mon mari attend actuellement qu'on lui dise si nous aurons une nouvelle affectation cet été. L'attente se prolonge maintenant depuis un mois. Chaque jour, il revient à la maison et il n'a aucune nouvelle à m'annoncer. Notre vie en est complètement bouleversée.

La raison pour laquelle on n'arrive pas à prendre une décision sur cette affectation, c'est qu'il n'y a pas d'argent. Mais si l'on ne trouve pas d'argent pour cette affectation, que ce soit mon mari ou quelqu'un d'autre qui soit désigné, l'aviation canadienne n'aura pas de chef du service des incendies cette année; Et ce n'est pas le seul poste qu'il faut combler et que l'on ne peut pas combler faute d'argent.

Comme nous ignorons si nous serons affectés ailleurs cet été, notre famille ne peut pas faire de projets. Nous ne pouvons rien prévoir pour les vacances d'été. Nous ne pouvons rien prévoir non plus pour les vacances de Pâques parce que mon mari pourrait avoir une nouvelle affectation le mois prochain.

Il me reste seulement six cours à suivre pour obtenir mon baccalauréat. À cause des affectations de mon mari, j'ai fait tout cela par correspondance. J'ignore si je devrais m'inscrire à un autre cours cet été, car je ne sais pas si je vais déménager ou non.

Nous devons faire très attention à ce que nous disons devant nos enfants. Nous avons trois enfants et nous ne voulons pas les bouleverser inutilement en leur parlant d'un déménagement qui n'aura peut-être pas lieu. Ils ont déjà vécu cela en septembre dernier, alors qu'on nous a dit que nous serions envoyés à Ottawa, affectation qui a été annulée une semaine plus tard.

Ce sera pour nous la quatrième affectation en cinq ans. Chaque fois, on est dans l'indécision pendant des mois; on nous dit que nous partons en affectation; puis, désolé, vous ne pouvez pas aller à tel endroit, mais par contre vous pouvez aller là-bas. Ces difficultés s'expliquent en bonne partie par des raisons financières. Je crois qu'il y aurait moyen d'éviter cela, ainsi que le stress que cela impose chaque fois à notre famille et à chaque famille.

À cause des affectations, il est difficile, si non impossible, pour les conjoints d'avoir une carrière intéressante. Comme le lieutenant colonel Desgroseilliers l'a dit hier soir, il vient un temps où un conjoint doit avoir son tour. Il devient de plus en plus difficile pour moi d'appuyer mon mari dans sa carrière militaire, carrière qui impose un stress excessif à notre famille, alors que nous attendons que l'on prenne des décisions qui ne viennent pas faute d'argent. Avec l'appui financier et autres du gouvernement fédéral, je pense qu'il y aurait moyen, si non d'éviter complètement ces problèmes, tout au moins de les atténuer.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame.

Caporal Daniel Bisson.

Caporal Daniel Bisson (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, madame et messieurs du comité. Je suis le caporal Bisson, technicien en électronique. Dans à peu près deux mois, j'aurai 17 années de service. J'aimerais soulever quelques points qu'on pourrait changer dans le futur.

Le premier a trait à notre régime de soins dentaires. Selon la directive AFN-100-002-AG 005, notre régime de soins dentaires cessera lorsqu'on quittera les Forces, ce qui est le contraire du GSMIP, que l'on peut garder. Il serait souhaitable qu'on puisse garder le régime de soins dentaires même si on devait assumer certains frais, parce qu'on peut quitter à 37 ans, après 20 ans de carrière, alors qu'on a encore besoin de soins dentaires.

Le deuxième point a trait à l'injustice du système de paie des officiers et des non-officiers. Les officiers jouissent de 10 mesures incitatives par rapport à quatre seulement pour les non-officiers. Dans le système militaire d'aujourd'hui, il est très fréquent de voir des caporaux et des caporaux-chefs ayant 20 ans de service, mais avec seulement quatre mesures incitatives, tu ne vas pas loin.

• 1145

Mon troisième et dernier point porte sur les pensions.

Quand on quitte les Forces à 37 ans, après 20 ans de carrière, nos pensions ne sont pas indexées. J'aimerais que les pensions soient indexées, d'abord parce qu'elles ne sont pas élevées et aussi parce qu'il est très difficile de se trouver un job à 37 ans. Nos métiers respectifs ne sont pas beaucoup reconnus dans le monde civil. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Jacques Gauthier.

Major Jacques Gauthier (témoigne à titre personnel): Membres du comité, messieurs, mesdames, je suis le major Gauthier et je suis chargé des télécommunications à la base de Bagotville. J'ai 28 ans de service, bientôt 29. J'aimerais soulever quelques points et faire des suggestions. Je suis reconnu pour mettre mon grain de sel à la dernière minute.

Dans les Forces armées canadiennes, le moral baisse. Beaucoup de personnes se mettent la tête dans un trou, comme une autruche, et n'en sortent pas. Je suis assez haut gradé. Donc, pour moi, ce n'est pas un problème que d'aider notre personnel. C'est mon travail que de résoudre des problèmes.

Notre personnel se fait dire tous les jours, toutes les semaines, qu'on coupe, qu'on ne coupe pas, qu'on veut avoir plus d'argent ou qu'on a moins d'argent. Cela affecte le moral des troupes. Il est important que la hiérarchie et le gouvernement fédéral fassent le point quelque part afin de donner une stabilité d'au moins cinq à dix ans. Autrement dit, décidez de ce qu'on va faire, établissez-le une fois pour toutes afin d'assurer une certaine stabilité, pour qu'on puisse donner au moins un sens d'appartenance à nos membres et leur relever le moral.

Je ne sais pas si vous le savez, mais depuis quelque temps, beaucoup de personnes quittent les Forces armées canadiennes à cause de l'instabilité, quoique le civil ne soit pas beaucoup plus stable. Aussitôt que l'occasion se présente, ils partent. J'en perds en moyenne 3 sur 40 chaque année. Ce n'est pas considérable, mais c'est beaucoup plus que ce à quoi j'étais habitué. Le niveau de stress augmente rapidement et, dans certains cas, on peut même parler de suicide.

Donc, il est important d'établir une stabilité. Si on doit couper dans les Forces canadiennes à certains niveaux, qu'on le dise et qu'on le fasse tout d'un coup; qu'on règle le cas. La stabilité viendra et on pourra commencer à remonter les choses. Au début, on était 72 000; on a diminué à 65 000, puis à 62 000 et maintenant on tombe à 60 000. On ne peut se faire une idée. Faisons-nous une idée. Stabilisons les choses et donnons aux personnes une chance de repartir et de vraiment appartenir aux Forces armées canadiennes et de récupérer leur fierté.

Je ne parle pas principalement pour moi. Je parle de ce que je vois, de ce qui se passe parmi mes employés dans les Forces armées canadiennes. C'est une suggestion que je vous fais.

Passons maintenant aux taxes fédérales. Pour une personne de l'Ontario qui vient s'établir au Québec, il lui en coûte, d'un seul coup, à peu près 2 000 $ de plus en taxes. Si elle va en Alberta, elle reçoit un boni. On est des Canadiens qui travaillons pour le Canada. Pourquoi le Canada ne reconnaît-il pas qu'il faut, pour ses employés qui doivent déménager en tout temps, un niveau de taxes uniforme n'importe où au Canada ou dans le monde?

Cela nous amène aux plaques d'immatriculation fédérales des véhicules. Compte tenu que le territoire de la base où ils sont affectés est de juridiction fédérale, le problème ne touche pas vraiment les membres des Forces armées canadiennes. Le problème affecte le conjoint et les enfants en ce qui a trait à la couverture médicale. C'est un problème à débattre avec les provinces et, surtout au Québec, ce sera difficile.

Les conjoints perdent leur emploi chaque fois qu'on se déplace. Il y a des solutions simples, mais elles ne seront pas acceptées par les villes où sont situées les bases. Compte tenu qu'on doit déménager, employons nos conjoints et conjointes sur les bases des Forces armées canadiennes. Les conjoints devraient y être employés en priorité.

• 1150

Certains membres des Forces armées canadiennes perdent leur emploi parce qu'ils n'atteignent pas la norme minimale, qui est de se promener avec un sac à dos de 50 livres. Quand les genoux sont défaits... Le monsieur qui a parlé plus tôt travaillait pour moi à la fin, parce qu'il avait été transféré chez nous pour quelques mois avant sa libération. C'était un très bon technicien, qui pouvait encore servir et bien travailler. Pourquoi n'offre-t-on pas à ces personnes des emplois dans les Forces armées canadiennes en tant que civils? Lorsqu'on va se déployer, nous, on aura besoin de cette expérience pour maintenir la base. S'ils sont très qualifiés, comme le monsieur qui était là, pourquoi ne les emploie-t-on pas dans des fonctions où ils n'auront pas besoin de se déployer, parce qu'ils seront devenus civils? Ils ont une expérience qui pourrait être utile sur la base Ils ont déjà été militaires, ils comprennent le système et ils sont un atout pour une base des Forces armées canadiennes. C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Major, on nous a évidemment beaucoup parler des problèmes de salaire, d'emploi des conjoints, de moral. Depuis un jour ou deux, nous avons abordé de nombreuses questions. Je me demande comment vous décririez la situation, d'un point de vue général. Diriez-vous que c'est une situation grave ou bien diriez- vous qu'elle a atteint les proportions d'une crise au sein des Forces canadiennes?

Maj Jacques Gauthier: Je vais vous donner mon opinion strictement personnelle et je ne fais pas de politique. Je regarde simplement autour de moi, et j'ai vu bien des choses en 29 ans de service. J'ai vu bien des gens qui étaient auparavant très heureux et qui faisaient du très bon travail, faire des dépressions, plus que jamais auparavant. À mes yeux, cela prend des proportions de crise.

Je ne suis pas expert. Je regarde seulement autour de moi. J'observe.

Pour moi, c'est moins prononcé au niveau des officiers, parce que nous sommes habitués à intervenir tout le temps pour essayer de résoudre des problèmes. Mais dans les autres grades, surtout pour ceux qui ont des problèmes financiers à Toronto, à Victoria et ailleurs, là où on subit une hausse d'impôt quand on va s'y installer... Un caporal ou un caporal-chef qui gagne un petit salaire ne peut pas joindre les deux bouts à moins que sa femme ne travaille, mais elle vient de déménager là-bas et elle parle français, donc elle aura bien du mal à se trouver un emploi.

C'est la même chose ici. Ici, si vous avez un numéro 677, que vous soyez francophone ou anglophone, on ne vous dira pas que vous n'obtiendrez pas l'emploi, mais vous ne l'aurez pas, c'est garanti.

Les problèmes d'ordre financier... Il y a des gens ici qui croyaient que l'argent n'était pas la solution. L'argent est bel et bien la solution dans les endroits où le fardeau est lourd, comme les villes que j'ai mentionnées: là où l'impôt est plus élevé, où il faut changer de plaque d'immatriculation tout le temps, changer de régime d'assurance-maladie. Cela ajoute une pression dont les militaires n'ont vraiment pas besoin, surtout ceux des grades inférieurs.

Il faut faire quelque chose pour stabiliser le système. La stabilité est la clé du moral. C'est aussi la clé, si nous voulons que des gens soient prêts à servir le Canada.

Je me suis engagé dans les Forces canadiennes, parce que j'y crois et parce que je crois pouvoir peser dans la balance. Je pense que c'est le cas de la plupart d'entre nous, surtout après cinq ans. Les cinq premières années, la plupart des gens s'engagent simplement pour apprendre le métier. Après cela, on se prend au jeu et on commence à observer les gens autour de nous, on commence à mieux comprendre le Canada et puis l'on devient un vrai Canadien, du moins la plupart du temps.

Ce que je veux dire, en somme, c'est qu'il nous faut la stabilité. Il y a des moyens d'instaurer la stabilité. Je ne suis pas au quartier général d'Ottawa et je ne prétends pas connaître tous les problèmes. Ce qu'il y a, c'est que nous changeons souvent de chefs. Je ne veux dire que les chefs sont mauvais; c'est simplement que chaque nouveau chef à de nouvelles idées. Chaque fois que l'on change de chef, tout change du même coup.

Nous ne pouvons pas comparer les Forces canadiennes aux Forces australiennes, même si elles sont à peu près de la même taille. Eux n'assument pas de fonctions de maintien de la paix pour le compte de l'ONU comme nous en faisons. Ils ne paient pas les mêmes impôts que nous. Ils n'ont pas un territoire aussi immense que le nôtre. Ils n'ont pas les mêmes engagements que nous à l'égard de l'ONU, de l'OTAN, et des États-Unis.

Les Américains nous disent que nous ne sommes plus une force viable. Nous faisons de la figuration. Nous ne sommes même plus capables de défendre notre souveraineté. C'est ma conviction. Si nous voulons défendre notre propre souveraineté, respecter nos engagements envers les États-Unis, et nous commençons vraiment à nous dérober de ce côté-là, et nos engagements envers l'OTAN où nous avons réduit notre engagement de moitié...

• 1155

Les gens disent, oui, mais l'OTAN, c'est du gaspillage. Grâce à l'OTAN, nous n'avons pas besoin de 200 000 soldats pour défendre notre territoire, parce que nous pouvons compter sur une communauté de soldats d'autres pays pour nous aider.

Nos contribuerons à l'ONU parce que nous croyons aux efforts de paix et notre participation est très importante. Nos militaires sont envoyés en mission, surtout dans l'armée, tous les dix mois, ce qui est exagéré. Les divorces... Les familles éclatent. Il leur faut de la stabilité.

Ce qu'il faut, par conséquent, c'est augmenter la taille de l'armée, augmenter la taille de l'aviation, non pas les réduire au point de devenir la risée du monde, ce qui est le cas en ce moment.

C'est mon point de vue personnel. Ce n'est pas un point de vue militaire. C'est tiré peut-être d'une analyse de science politique et d'une observation de ce qui s'est passé dernièrement. À mon avis, nous sommes en désarroi.

Il faut boucher les fuites. Il faut dire clairement ce que nous allons supprimer et ce que nous allons faire. Il faut être direct, il faut éviter les faux-fuyants, il ne faut pas changer d'avis toutes les cinq minutes.

C'est ridicule. Les problèmes et le stress vont redoubler. Les gens vont s'effondrer. Bien des vies seront ruinées. J'estime personnellement que nous le faisons actuellement plus que jamais auparavant.

[Français]

Le président: Un instant, major. Mme Venne aurait une autre question à vous poser.

Maj Jacques Gauthier: Je pensais que vous vouliez qu'on procède assez rapidement.

Mme Pierrette Venne: On pose de moins en moins de questions, comme vous pouvez le constater, parce qu'on essaie d'entendre le plus de gens possible. Mais quand même, je ne pouvais m'empêcher de vous dire que certaines solutions que vous avez apportées sont uniquement de juridiction provinciale et que ce serait s'immiscer dans les juridictions provinciales que de changer l'immatriculation de façon unilatérale comme vous le proposez.

Il y a également les taxes, l'éducation et la santé. Comme vous le savez, ce sont tous des domaines de compétence provinciale. Donc, j'aimerais simplement vous dire que, malheureusement, je ne crois pas que vos solutions puissent être retenues, à moins qu'on décide d'entrer dans des discussions avec toutes les provinces du Canada, ce qui serait peut-être un peu long.

Quant à l'autre suggestion, qui a déjà été soumise ailleurs, ce serait une prime à l'éloignement. Elle existe déjà, mais pour le logement uniquement. Dans ce cas-là, ce devrait plutôt être proportionnel. À Victoria, par exemple, et on le sait très bien puisqu'on y est allés, non seulement le loyer, mais également l'essence sont plus chers, de même que la nourriture, etc. Il y aurait peut-être lieu d'essayer de faire une proposition dans ce sens-là.

Maj Jacques Gauthier: Oui. Comme je l'ai dit, la base des Forces armées canadiennes est de juridiction fédérale dans toutes les provinces. L'immatriculation ne devrait pas être un problème. Le problème a trait à l'assurance médicale. À cause des taxes, si cela relevait du fédéral, les provinces diraient qu'elles ne reçoivent pas d'argent pour cela et qu'elles ne devraient donc pas être tenues de donner de l'assurance médicale à nos enfants et à nos femmes. La seule manière de le faire serait de dédommager la province pour le personnel militaire.

On dit que c'est impossible. Rien n'est impossible. Les pourparlers peuvent prendre du temps, mais si c'est bien fait, bien structuré, cela peut se faire. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui pense aux Forces armées canadiennes, aux sacrifices que ses membres font, et prenne le temps d'essayer de le faire. Et il faut que ce soit public afin que la population comprenne mieux ce que font les Forces canadiennes. On aurait peut-être alors plus de facilité à faire passer ce message. Il doit être uniforme pour qu'on soit traités équitablement.

Comme je l'ai dit, une différence de 2 000 $ par année, surtout quand tu arrives dans la province, cela fait mal à n'importe qui. Ça aide beaucoup quand on est transférés en Alberta, parce qu'il n'y a pas de taxes provinciales, mais il n'y a pas beaucoup de postings en Alberta. Quand on déménage au Québec, cela représente 2 000 $ de plus en taxes. Quand on va à Terre-Neuve, c'est aussi plus cher qu'en Ontario. Ce sont des choses qu'on se doit d'examiner, pour assurer la stabilité et pour qu'on soit traités un peu plus comme tout le monde.

Je suis plus inquiet à propos de mes caporaux, sergents et pilotes que je le suis à propos de moi-même, parce que j'ai un salaire plus décent. Il faut s'occuper de notre monde. Il faut instaurer une certaine stabilité. C'était le commentaire que je voulais faire. Merci.

Mme Pierrette Venne: Merci.

Le président: Mesdames et messieurs, malheureusement, je dois mettre fin à nos délibérations de ce matin. Je m'excuse auprès de Mme Catherine Fulton De Pape, Mlle Sonya Chisolm-Dubé, M. Robert Boudreau, qui voulait comparaître une deuxième fois, et M. Bill Neelin.

• 1200

J'encouragerais ces gens-là, s'ils ont une présentation écrite, à l'envoyer au greffier à Ottawa ou à venir la lui remettre ce matin.

Encore une fois, je m'excuse. Je désire tout simplement vous remercier de votre présence ce matin. Mes collègues et moi avons beaucoup apprécié vos commentaires et suggestions.

J'aimerais également vous dire que vos idées seront très importantes lors de la rédaction de notre rapport. Merci beaucoup encore une fois.

La séance est levée.