Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 avril 1998

• 0915

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à M. Tom Brzustowski, président du CRSNG.

Monsieur, vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour nous faire un exposé, et ensuite nous passerons à une période de questions et réponses.

M. Tom Brzustowski (Groupe consultatif canadien sur les bourses d'études du millénaire): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je vous prie d'accepter mes excuses. Il semble que lorsque l'on est dans l'immeuble, il est plus facile d'être en retard que lorsque l'on vient de loin. Je m'en excuse.

Je pense qu'il est extrêmement approprié, au tournant du siècle, alors que nous entrons très clairement dans ce que les Canadiens comprennent de plus en plus être une économie où nos connaissances et notre compétence constitueront les éléments essentiels de notre succès, que le projet du millénaire attire le plus d'attention...

Il faut que notre principal engagement financier vise l'apprentissage, vise à donner aux Canadiens un meilleur accès à l'enseignement postsecondaire, niveau extrêmement important pour entreprendre une carrière.

Ce qui me frappe vraiment—et avec le temps, nous constaterons à quel point c'était important—c'est que dans le projet de loi annoncé dans le budget la définition d'apprentissage, d'accès, vise non pas uniquement les étudiants à plein temps dans les établissements postsecondaires tels que les universités et les collèges. En fait, cela va plus loin. On veut appuyer l'apprentissage, le faciliter pour les étudiants de tout âge, qu'ils étudient à temps plein ou à temps partiel, et quel que soit le moment de leur vie où ils entreprennent des études. À long terme, monsieur le président, cet élément de souplesse pourrait bien s'avérer de la plus grande importance.

Comme vous le savez, je suis ici parce que vous m'avez invité. En fait, j'ai eu l'honneur de participer à des discussions d'ordre général sur ce concept, bien avant le dépôt du budget. Je suis donc très heureux d'être ici ce matin afin, si j'ai bien compris, de vous offrir quelques idées et de tenter de répondre à des questions sur ce concept.

Je vais m'arrêter là, si vous le permettez.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Ritz, avez-vous des questions?

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Oui, j'ai quelques brèves questions à poser.

Merci de cet exposé, monsieur. Vous avez mentionné que l'éducation est essentielle à l'orée du prochain millénaire. J'en conviens parfaitement. Je me demande toutefois pourquoi le libellé du projet de loi précise que les bourses du millénaire seront octroyées pour des études faites dans des établissements à financement public?

M. Tom Brzustowski: Excellente question. Une disposition du projet de loi prévoit essentiellement que le conseil, une fois constitué, déterminera quels établissements seront admissibles.

Cette décision découle du fait, je pense, que l'un des objectifs les plus importants du programme vise à réduire l'endettement des étudiants. Je ne sais pas jusqu'à quel point il existe un lien logique. On craignait de créer des circonstances où l'étudiant verrait l'argent lui filer entre les mains parce que le coût de l'enseignement aurait augmenté.

Je comprends que je ne réponds pas à votre question, car dans certaines circonstances ce serait la même chose dans un établissement considéré comme public. Quoi qu'il en soit, c'est la décision à laquelle on en est arrivé.

C'est peut-être en partie parce que l'on comprend mieux le régime d'enseignement public. Dans l'avenir, il se pourrait que le conseil élargisse la définition afin de rendre admissibles des écoles professionnelles privées. Néanmoins, il faut faire un premier pas, et il a été décidé de commencer de cette façon.

M. Gerry Ritz: On constate les résultats d'examens faits dans des écoles publiques et des écoles privées. De façon générale, les établissements privés ont tendance à atteindre des niveaux supérieurs. Le niveau de connaissance atteint semble être supérieur.

Je me demande donc, si c'est préférable pour les étudiants, pourquoi l'exclure? On ne prévoit pas non plus rendre publique l'information sur les étudiants choisis, les critères de sélection, etc. Je pense qu'il faut plus de reddition de comptes, d'ouverture, dans ce processus.

• 0920

M. Tom Brzustowski: Je dois dire que je n'ai pas entendu parler de ces résultats. Il s'agit d'universités, de collèges, de cégeps et d'instituts techniques. Je ne suis pas au courant—alors que manifestement vous l'êtes—d'examens généralisés qui révèlent ces différences. Je ne suis tout simplement pas au courant de cela.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Merci, monsieur Ritz.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur Brzustowski, avant de commencer à poser des questions, j'aimerais que vous nous précisiez quel est le mandat du comité consultatif dont vous étiez membre et qui sont les gens qui en étaient membres, auxquels vous faisiez allusion. Ensuite, on pourra approfondir les questions techniques.

M. Tom Brzustowski: Est-ce que votre question porte sur le conseil d'administration de la fondation?

M. Paul Crête: Nous n'avons pas de traduction ici. Il s'agit du Canadian Millenium Scholarship Fund Advisory Group.

M. Tom Brzustowski: Oh, le groupe consultatif. C'était un groupe qui réunissait des présidents d'universités ou de collèges, des universitaires, quelques personnes comme moi-même, d'anciens professeurs et d'anciens fonctionnaires dans le domaine de la formation. C'était un groupe d'une douzaine de personnes. Il a tenu trois réunions de quatre ou cinq heures chacune pour discuter du principe de ce projet.

M. Paul Crête: De qui teniez-vous votre mandat pour travailler là-dessus?

M. Tom Brzustowski: C'est le ministre des Finances qui avait invité ces gens à se réunir.

M. Paul Crête: Dans les débats préliminaires de ce comité, avez-vous discuté de la pertinence d'une intervention du gouvernement fédéral dans un secteur qui est de compétence provinciale, soit l'éducation? Vous êtes-vous interrogés là-dessus au point de départ?

M. Tom Brzustowski: Nous étions très conscients de cet aspect de la question. C'est pour cela qu'on trouve dans le projet de loi l'indication que la Fondation entend travailler avec les provinces pour établir les modalités du programme.

M. Paul Crête: Êtes-vous étonné et surpris du fait qu'une coalition s'est formée au Québec, regroupant des gens de tous les secteurs de l'éducation, autant du côté des recteurs d'universités que de celui des enseignants, des fonctionnaires, etc., une coalition présidée par M. Shapiro, le recteur de l'Université McGill? Ces gens sont venus à Ottawa demander au gouvernement fédéral, et ont obtenu de M. Chrétien, qu'il y ait des négociations pour voir s'il est possible de respecter la compétence des provinces en cette matière. Est-ce que, pour vous, cela devrait être une opération qui précède toute mise en place d'un régime comme celui des bourses du millénaire?

M. Tom Brzustowski: C'est vous qui êtes des experts dans le domaine politique. Moi, je suis un ancien professeur et je connais ce contexte. Cependant, les bourses qui auront pour effet de diminuer l'endettement des étudiants sont tellement importantes que je suis convaincu que les gens de bonne volonté vont trouver moyen de faire fonctionner ce programme. Je suis convaincu de cela.

M. Paul Crête: Vous avez dit vous-même au départ qu'on trouve dans cette loi une définition de l'apprentissage. Donc, quand on définit l'apprentissage ou qu'on détermine qui sera couvert par l'apprentissage, il devient évident qu'on touche directement au champ de l'éducation.

Vous vous attendez à ce que les négociations—et c'est ce que chacun souhaite—puissent aboutir à un résultat. Il y a eu jusqu'ici quelques réunions entre les deux négociateurs, M. Mel Cappe et le représentant du Québec. Les négociations ne semblent pas très faciles.

• 0925

Qu'est-ce qui vous apparaîtrait comme une solution intéressante pour le Québec, afin que le fonds puisse être attribué tout en respectant la pratique existant au Québec depuis 35 ans, où le régime d'aide financière, qui comprend des prêts et bourses, a permis que l'endettement des étudiants soit beaucoup moindre que dans le reste du Canada? Quelle voie nous mènerait à des solutions possibles, selon vous?

M. Tom Brzustowski: C'est une question à laquelle je ne puis répondre. Ce n'est pas dans mon champ de compétence. Je ne suis pas au courant de ces négociations. Il faut laisser les gens qui sont au courant répondre à cette question. Toutefois, je reconnais l'importance de la question.

Le président: Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): L'objectif que vous poursuivez au moyen de la Fondation des bourses du millénaire, à laquelle est affectée une somme de 2,5 milliards de dollars, est tout à fait louable. Cependant, les transferts aux provinces, dont une bonne partie va à l'éducation, ont été amputés considérablement. Ne pensez-vous pas que si les provinces n'ont pas assez d'argent à transmettre aux universités et aux collèges pour leur permettre de geler les frais de scolarité, l'ensemble des étudiants s'en trouvera pénalisé alors que seulement certains étudiants recevront les bourses du millénaire?

M. Tom Brzustowski: C'est une autre question qui est souvent posée à la Chambre des communes. Il faut bien dire que j'ai été membre de ce comité consultatif pendant trois réunions de quatre ou cinq heures, c'est tout. J'en ai terminé avec cela. Je n'ai aucune responsabilité concernant la mise en oeuvre de ce programme et je ne suis pas au courant de ces décisions politiques. J'espère être capable de répondre des questions portant sur les modalités du programme et de présenter des opinions, des avis sur la valeur des programmes, mais je n'ai aucune compétence dans le domaine politique. Je suis désolé.

Mme Christiane Gagnon: Pourtant, vous conseillez un ministre qui va allouer une somme de 2,5 milliards de dollars aux bourses du millénaire. Toutes ces analyses n'ont pas été prises en compte dans les avis que vous avez donnés au ministre.

Actuellement, en se fondant sur vos conseils, on a décidé de créer cette fondation qui, à notre sens, met en péril le système d'éducation et le bon fonctionnement du financement du système d'éducation au Québec. Les étudiants, d'une part, demandent le gel des frais de scolarité et le fédéral, d'autre part, va investir dans les bourses du millénaire qui seront accordées au mérite.

«Au mérite», qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que certaines compétences, à l'université, seront considérées plus prioritaires que d'autres? Par exemple, on dit que l'informatique et l'ingénierie auront la préférence plutôt que les sciences sociales dans l'octroi des bourses du millénaire. Est-ce que vous avez pensé à une certaine équité entre les différentes disciplines offertes dans les universités et collèges?

M. Tom Brzustowski: Si vous me le permettez, je vais répondre à votre question en anglais.

[Traduction]

À cet égard, il ressort très clairement que l'on a accordé la priorité au besoin dans ce programme de bourses. Par conséquent, la question du mérite n'y est pas réellement définie, sauf, comme vous le dites, dans le projet de loi. Le mérite peut, dans certains cas, servir de principal critère, c'est-à-dire pour attribuer 5 p. 100 des bourses.

De façon générale, je pense qu'on est parti de l'idée du besoin et que les progrès dans le programme d'études des candidats révéleraient le mérite. Ainsi, ce sont les établissements d'enseignement eux-mêmes qui détermineront les mérites, d'abord, en acceptant la demande, et, deuxièmement, en permettant aux étudiants de suivre des cours, et en leur permettant de terminer les programmes où ils sont inscrits.

• 0930

En fait, une partie seulement de cette proposition traite du mérite dans son sens strictement universitaire, sans égard au besoin. Là encore, ce sera au conseil de la fondation de décider s'il faut accorder la priorité à un domaine plutôt qu'à un autre. Cela n'a pas été décidé.

Cette question et de nombreuses autres ont été laissées au conseil, étant entendu que des consultations exhaustives auraient lieu dans tout le pays avant qu'on ne décide de ces questions. Un groupe qui s'est réuni à trois reprises pendant quelques heures pour discuter du concept et du principe ne pouvait trancher ces questions.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Mais vous avez quand même pris la responsabilité de conseiller le ministre sur la mise en place du programme des bourses du millénaire pour contrer l'appauvrissement des étudiants et pour bonifier leurs avantages au cours de leurs études. Le fait qu'une réunion de trois ou quatre heures, de quelques personnes, puisse aboutir à un projet d'une telle envergure me porte à douter quelque peu de la faisabilité et de la cohérence de la fondation. On essaie de savoir combien le projet va coûter en frais administratifs et on ne peut le savoir.

On essaie aussi de savoir comment cela sera administré dans chacune des provinces. Or, il y a très peu de souplesse qui est laissée aux provinces. Si, par exemple, une province comme le Québec voulait être compensée parce qu'elle a déjà ses propres bourses...

Il assez difficile de croire à la pertinence de la mise sur pied d'une telle fondation dans un contexte économique difficile. On ne sait plus comment on a trituré la formule pour arriver, non pas avec un programme à imposer aux provinces, mais une fondation mise sur pied pour aider les étudiants. Nous ne sommes pas contre l'idée d'aider les étudiants, mais ce n'était même pas le voeu qui avait été exprimé lors de la rencontre des premiers ministres. Le souhait qui avait été formulé était de remettre aux provinces une certaine partie des sommes d'argent qui leur avaient été coupées dans le cadre du Transfert social canadien, et là on nous propose une fondation comme celle-ci.

Vous nous permettrez de douter du sérieux de la chose ou de l'interprétation qu'on nous donne de ce qui se passe dans chacune des provinces du Canada.

[Traduction]

M. Tom Brzustowski: D'une certaine façon, je suis très flatté par cette question, car, bien que mes petits-enfants souhaitent peut-être m'attribuer le mérite d'avoir songé à la création de cette fondation, je n'ai été invité qu'à offrir quelques conseils sur certains des paramètres.

Toutefois, de nombreuses questions soulevées, par exemple... Monsieur le président, j'aimerais m'arrêter à un point ou deux, et émettre quelques opinions.

En ce qui concerne les coûts de fonctionnement de la fondation, on a l'exemple des programmes d'aide financière offerts par les provinces aux étudiants dans les universités, et il s'agit là de la charge de travail typique. Je pense qu'en Ontario un employé peut traiter environ 1 000 demandes par année, en moyenne. Ces demandes sont d'une nature très complète puisqu'on y trouve les finances de l'étudiant, de sa famille, etc. J'ose espérer que la fondation ne se créera pas de nouvelles tâches qui ont déjà été remplies soit par les étudiants, soit par ceux qui avaient à se prononcer. On maintiendra les coûts très bas, puisque l'information déjà réunie pourra servir encore une fois.

J'espère donc que la fondation pourra fonctionner pour considérablement moins que 5 p. 100 de son budget de bourses annuel.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Une dernière question. Nous apprenons ce matin que vous avez reçu un mandat précis du ministre et que vous l'avez conseillé. Serait-il possible de voir le libellé du mandat ainsi que les avis que vous avez donnés au ministre, avis sur lesquels le ministre s'est fondé pour créer la Fondation des bourses d'étude du millénaire? Est-ce que vous aviez un mandat? Le mandat que vous avez eu doit être écrit, si vous l'avez reçu du ministre.

[Traduction]

M. Tom Brzustowski: Ce que je peux dire d'un processus pour lequel j'ai signé le serment de secret budgétaire est quand même assez limité. Mais je pense pouvoir affirmer que l'on a fait appel à tous les membres de ce groupe.

• 0935

En fait, le plan budgétaire décrit bien ce que ce groupe a fait. À la page 86 de la version française il y est dit que:

[Français]

    Un comité consultatif...

C'est une faute de traduction.

    Un comité consultatif, composé de représentants du milieu universitaire et des groupes d'étudiants, a été consulté dans le cadre des travaux de définition du mandat de base.

Un comité a été consulté dans le cadre des travaux visant à définir le mandat de base, mais l'idée d'avoir une fondation était déjà arrêtée. Ce petit comité donnait son avis, mais c'est tout.

Mme Christiane Gagnon: Donc, il n'y a pas une liste des avis qui auraient été donnés au ministre, qu'on pourrait consulter.

M. Tom Brzustowski: Dans le plan budgétaire, vous avez les principes, les grandes orientations.

Le président: Merci, madame Gagnon.

[Traduction]

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci.

Nous avons certaines préoccupations quant au rôle du vérificateur général—ou plutôt quant à l'absence de rôle—dans la surveillance de 2,5 milliards de dollars de deniers publics qui serviront de capitaux de lancement pour la fondation.

Nous comprenons que dans le cas d'une fondation indépendante l'exclusion du vérificateur général s'explique. Mais ici il s'agit de 2,5 milliards de dollars de deniers publics, et le contribuable n'aura pas la possibilité de superviser directement les dépenses de la fondation.

Aux termes de ce projet de loi, le vérificateur sera nommé par le conseil. Là encore, c'est tout à fait inhabituel. Que pensez-vous de l'idée de faire nommer le vérificateur par le ministre ou par les parlementaires, afin de reconnaître les intérêts des contribuables canadiens dans cette fondation?

M. Tom Brzustowski: Ici encore, mes opinions ne sont peut-être pas très bien éclairées.

D'après mon expérience des conseils dont j'ai fait partie—des conseils d'administration d'universités, d'organismes bénévoles à but non lucratif, etc.—ces conseils nomment toujours leurs propres vérificateurs. Si le processus est suffisamment transparent et les rapports publics, en général les gens sont satisfaits. En l'occurrence, je ne peux vraiment donner aucune opinion, mais je comprends ce à quoi vous voulez en venir lorsque vous dites que le Parlement voudra peut-être nommer le vérificateur. Je n'ai rien à dire à ce sujet.

Il s'agit d'une structure unique. Après la fondation canadienne pour l'innovation, ce n'est que la deuxième. Et il reste à voir comment ces pratiques seront accueillies. La Fondation sera très transparente, suivra des règles très précises.

Il est clair, d'après mon interprétation du projet de loi C-36, que l'on vise les mêmes intentions dans ce projet de loi. Mais je comprends votre question, et je suis persuadé qu'elle fera l'objet d'un débat approfondi si elle est vraiment soulevée.

M. Scott Brison: Évidemment, et vous comprendrez pourquoi l'on s'inquiète lorsque l'on songe que les livres de la fondation ne seront même pas disponibles par le truchement de l'accès à l'information. Encore une fois, comme fondation autonome...

Je le répète, les deniers publics investis sont considérables, tout comme dans le cas de la Fondation pour l'innovation; c'est la même chose. Il s'agit d'une nouvelle tendance, une tendance que de nombreux Canadiens voient avec malaise pour l'instant. Voilà ce qui nous préoccupe.

J'aimerais aborder brièvement une autre préoccupation. Vous avez dit que le besoin est plus important que le mérite. Le libellé en ce qui concerne le besoin et le mérite est extrêmement obscur dans le projet de loi. Selon la composition du conseil d'administration, l'accent pourrait passer du besoin au mérite, car, encore une fois, le mandat n'est pas clairement défini.

• 0940

Deuxièmement, en ce qui concerne le besoin, cette fondation n'aidera que 7 p. 100 des étudiants qui font des études supérieures au Canada, et ce, à une époque où l'endettement étudiant moyen est d'environ 25 000 $ à la fin d'un programme d'études de quatre ans. Que pouvez-vous répondre à cela? Je veux dire que pour l'instant c'est très obscur.

M. Tom Brzustowski: Je vais revenir sur ces questions, mais j'aimerais ajouter au départ que c'est peut-être en partie la réponse. En ce qui concerne la reddition de comptes, il ne faut pas oublier que le gros du financement—c'est-à-dire les bourses aux étudiants—sera public, les boursiers connus. Cette information sera publique.

Quant aux résultats de ce financement public, c'est peut-être là la meilleure façon de divulguer à quoi l'argent est consacré. Après tout, on connaîtra le nom de tous les boursiers, et les montants reçus seront publiés.

Quant à la question de l'équilibre entre le besoin et le mérite, voilà qui est très difficile. Si je comprends bien, le programme a été conçu pour s'attaquer tout particulièrement au problème de l'endettement des étudiants. Le programme est axé sur l'accès, le besoin venant en première place. Compte tenu de la nature très publique du processus de consultation qui a évidemment eu lieu au pays, j'ai peine à imaginer que les membres du conseil d'administration abandonneraient ce principe.

Encore une fois, je reviens à l'exemple de la Fondation canadienne pour l'innovation. Tous les détails du programme découlent d'une consultation exhaustive, répétée au moins deux fois ou peut-être même trois fois, à travers le pays, d'un océan à l'autre, avec les groupes intéressés. Ici le groupe est beaucoup plus important, mais il est représenté par des organisations.

Je suis persuadé que les membres du conseil d'administration se sentiront liés par la direction générale et les objectifs généraux de la fondation et continueront à mettre l'accent sur le besoin.

La question de la qualité et de son évaluation est peut-être un peu plus vague, mais je nourris un espoir, à savoir que le conseil choisisse l'indicateur le plus simple, le plus direct, du mérite, qui soit facilement disponible sans travail supplémentaire. Et à mon avis ce serait tout simplement d'être admis à un programme d'études par le moyen d'un concours, et, deuxièmement, le succès à travers les diverses étapes du programme.

Pour moi, le paragraphe 5(1) du projet de loi n'est pas si ambigu. La mission consiste à: «accorder des bourses d'études à des étudiants qui ont besoin d'aide financière et qui font la preuve de leur mérite». Pour moi, l'ordre est clair: il s'agit de ceux qui ont besoin d'aide financière et ensuite qui font la preuve de leur mérite.

J'espère que le conseil interprétera ce libellé sans ambiguïté et de façon uniforme dans les années à venir.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison. Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président.

Manifestement, vous êtes très emballé par ce projet, et on le comprend facilement. Un grand nombre d'étudiants y trouveront de l'aide.

Ce que vous nous avez dit ce matin en vue de circonscrire la relation entre le besoin et le mérite est très rassurant, car cet aspect a été beaucoup discuté. Je pense que vous nous avez beaucoup rassurés. Je vous en remercie.

Mon collègue a parlé d'un vérificateur. Je me souviens qu'il y a quelques années des banques s'effondraient autour de nous. Tous les rapports de vérification vantaient en termes glorieux le succès merveilleux de ces banques. Six mois plus tard, elles n'existaient plus.

On devient donc plutôt blasés en ce qui concerne les rapports de vérification, surtout quand on est vérificateur. Toutefois, comme vous l'avez mentionné, c'est une préoccupation.

Certains m'ont dit qu'ils s'inquiétaient à l'idée que ce programme va aider 7 p. 100 des étudiants à l'université et dans les collèges, alors que, de plus en plus, les étudiants suivent des cours dans des établissements différents. Autour de cette table il nous est arrivé de parler de ceux qui cherchent une formation professionnelle plus pratique, un accès plus direct au marché du travail. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cette fondation aidera ces gens?

• 0945

M. Tom Brzustowski: Très bien. Je reconnais qu'au départ je suis plutôt surpris par ce chiffre de 7 p. 100. J'aurais pensé que la fondation offrirait peut-être 100 000 bourses par année à un groupe qui se compose d'un million de personnes.

La question de la comptabilité est intéressante, parce qu'elle va au coeur même de votre question. Il y a environ 500 000 étudiants universitaires, un nombre légèrement inférieur d'étudiants dans les collèges et cégeps, mais allons plus loin.

Il nous faut comprendre—peu nombreux sont ceux qui le comprennent—que le système d'enseignement que nous avons au Canada aujourd'hui se compose de deux éléments. Pour la plupart d'entre nous, au départ, un seul nous vient à l'esprit.

Il y a d'abord les établissements d'enseignement. Ensuite, il y a ce que j'appellerais presque le marché de l'éducation. Ce marché comprend ceux qui prennent des cours au niveau communautaire, ceux qui suivent une formation en cours d'emploi, ceux que l'on envoie suivre des cours de gestion et ceux que l'on envoie suivre des cours de perfectionnement. Tous ces cours font suite à un premier séjour dans un établissement d'enseignement.

Dans mon exposé, j'ai souligné que je pense que le point fort de cette fondation vient justement du fait que des personnes de tout âge pourront obtenir de l'aide. Il reviendra en fait au conseil de déterminer qui est admissible.

L'alinéa 27(1)b) parle de personnes inscrites dans un établissement admissible à temps plein ou à temps partiel. C'est ce temps partiel qui est si important.

À l'alinéa 27(1)c), on mentionne la poursuite des études en vue d'obtenir un grade, un diplôme ou un certificat. Lorsque l'on parle de diplôme ou de certificat, on élargit la définition. En effet, on vise ainsi un grand nombre d'activités du marché de l'éducation qui sont accessibles aux gens à toute période de leur vie.

Je suis donc heureux d'obtenir ce répit. Je pense que c'est...

M. Nelson Riis: Les apprentissages sont-ils inclus, par exemple les apprentis qui deviendront des ouvriers qualifiés?

M. Tom Brzustowski: J'ai l'impression qu'il s'agit d'enseignement postsecondaire... ce qui pourrait exclure les apprentissages. Toutefois, je ne pense pas que cela soit exprimé d'une manière catégorique. Il est possible que les membres du conseil d'administration souhaitent faire leur propre interprétation des dispositions.

Je n'ai pas pensé que les apprentis entraient dans la catégorie des étudiants à temps plein ou à temps partiel. J'ose cependant espérer que si l'on démontre que le besoin existe, le conseil d'administration aura suffisamment de latitude pour interpréter la loi afin de pouvoir inclure les apprentis, s'il y a consensus pour les inclure.

M. Nelson Riis: Merci.

Monsieur le président, j'ai une dernière question à poser.

Si vous voulez bien, je vous demanderais d'obtenir des explications à cet égard. Il y a des organismes et de nombreux particuliers qui m'ont posé cette question. Il y a peut-être d'autres éléments entourant la description générale des apprentissages, et l'on pourrait les préciser. Je vous prie instamment d'examiner cela le plus tôt possible.

Ma dernière question porte sur le paragraphe 5(2), où l'on peut lire:

    La fondation accorde les bourses d'études, de façon juste et équitable, à travers le Canada.

Permettez-moi de faire entendre une voix de l'Ouest autour de cette table. Ceux d'entre nous qui viennent de l'Ouest... je dis cela en toute sincérité, bien que mes collègues puissent en douter. Je n'ai encore jamais vu de programme fédéral-provincial en vertu duquel la province de la Colombie-Britannique, par exemple, obtenait sa juste part, du moins en fonction de sa population. Il en existe peut-être un, mais je ne l'ai pas encore trouvé, après 18 ans de vie politique.

Vous comprendrez donc sûrement pourquoi je vois ce programme avec un certain scepticisme. Toutefois, pourriez-vous me rassurer, et rassurer les autres qui viennent des régions du Canada, en me disant que nous allons réellement comprendre ce que l'on entend en l'occurrence par «équitable»?

M. Tom Brzustowski: Je me souviens des discussions que nous avons eues au sujet de ce libellé, et nous cherchions précisément à déterminer ce que vous demandez. J'exprime ici une opinion, parce que c'est au conseil d'administration et à son équipe de gestion que la loi confie vraiment le mandat d'élaborer les modalités de la mise en oeuvre du programme. J'imagine cependant qu'un point de départ évident serait à tout le moins d'attribuer les bourses aux provinces, par exemple, proportionnellement au nombre d'étudiants inscrits ou proportionnellement à la population de chaque province.

• 0950

À la lecture du projet de loi il est évident que quelqu'un devra préparer une liste d'étudiants considérés comme ayant des besoins financiers, et qu'on estime méritants, d'après les critères que choisira le conseil. Ils seront déterminés comme on le dit ici. Les noms pourront venir des gouvernements provinciaux, ou du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. On pourra ainsi en dresser la liste globale.

Il m'est difficile d'imaginer que cela pourrait se faire sans qu'on fasse une répartition préalable du nombre de bénéficiaires. Le point de départ évident est une répartition proportionnelle à la population des provinces, ou proportionnelle au nombre total d'étudiants inscrits, ou encore toute autre proportion.

M. Nelson Riis: Puis-je suggérer que vous songiez au moins à utiliser la population comme base? Je dis cela pour un certain nombre de raisons. Le taux d'inscription dans les établissements d'enseignement postsecondaire en Colombie-Britannique est l'un des plus faibles au Canada. C'est parce qu'il existe des îlots de pauvreté extrême, où les gens estiment qu'ils n'ont tout simplement pas accès à ces établissements. Pour être juste, il peut y avoir également d'autres raisons.

Par conséquent, si vous vous fondez sur la population étudiante, je dirais alors qu'encore une fois nous nous faisons avoir sur la côte Ouest. Si vous vous fondez sur la population, c'est une tout autre affaire.

M. Tom Brzustowski: Monsieur le président, même si ce commentaire m'était adressé personnellement, je préfère dire qu'à mon avis c'est le compte rendu des délibérations de ce comité qui pourrait guider le conseil, ou quiconque décidera de la façon de procéder.

Ma participation à ce projet tire à sa fin, et je ne m'attends pas à y collaborer davantage. Je pense que le fait d'être employé du gouvernement du Canada m'empêche d'être membre du conseil, d'après les dispositions du projet de loi. Je pense toutefois qu'il est important de signaler à quiconque fera partie du conseil que le compte rendu des délibérations de ce comité devrait servir de guide.

Permettez-moi de revenir sur la question de l'apprentissage. C'est une question de définition; il s'agit de savoir si l'éducation de niveau postsecondaire inclut ou non l'apprentissage, parce que ces termes sont explicites. Je pense qu'il vaut la peine d'en discuter. Je me réfère au paragraphe 5(1).

Le président: Merci, monsieur Riis. Madame Torsney, suivie de Mme Redman.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci. L'un des avantages de votre expérience est certainement le fait que vous avez travaillé jusqu'à maintenant tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral.

Vous pourriez peut-être renseigner davantage le comité sur le fait que le gouvernement fédéral s'occupe de l'éducation de niveau postsecondaire depuis des années. De fait, il s'est donné des outils comme le Programme canadien de prêts aux étudiants, les conseils subventionnaires, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, appelé le Transfert, et il a contribué pendant un certain nombre d'années à accroître l'accessibilité de l'éducation. N'est-ce pas exact?

M. Tom Brzustowski: C'est absolument exact. Lorsque j'étais sous-ministre des collèges et universités en Ontario, il était très clair que nous étions fort conscients de l'existence du financement des programmes établis. Nous étions très conscients aussi de l'existence de l'élément canadien des prêts aux étudiants. Nous étions très conscients de l'aide apportée aux étudiants du niveau postuniversitaire par l'entremise des conseils subventionnaires. Tout cela existe depuis des décennies.

Mme Paddy Torsney: Vous fréquentez les milieux universitaires et vous côtoyez une variété d'autres personnes, y compris les ministres provinciaux de l'Éducation, qui sont très préoccupés, d'après ce que j'ai cru comprendre, du niveau d'endettement des étudiants actuellement dans l'ensemble du pays.

M. Tom Brzustowski: Je l'ai certainement entendu dire. Ce sont plutôt les étudiants que les ministres qui m'en ont parlé.

Des voix: Oh, oh!

Mme Paddy Torsney: Je pense que les premiers ministres ont convenu lors de leur dernière rencontre que cette situation les préoccupait beaucoup, et nous avons ici simplement un autre outil pour aider à diminuer cette pression.

Ce qui est particulièrement intéressant dans cette fondation, c'est justement qu'il s'agit d'une fondation et que, contrairement à d'autres mécanismes, elle pourra attirer des dotations du secteur privé. Est-ce exact?

M. Tom Brzustowski: C'est exact. Elle pourra attirer des dons ou des legs de la part de particuliers, mais il est très clair que cet argent devra être utilisé pour les bourses.

Mme Paddy Torsney: Cela contribuera donc à augmenter encore le nombre d'étudiants que le programme pourrait aider?

M. Tom Brzustowski: Oui.

Mme Paddy Torsney: Je n'ai plus d'autres questions à poser.

Je pense que c'est votre tour.

Le président: Merci. Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Pour continuer dans la même veine que les deux députés précédents, je dirais que l'objectif principal des bourses d'études du millénaire est de résoudre le problème de l'endettement des étudiants et de favoriser les études postsecondaires. J'y vois aussi une approche à plusieurs volets. L'un d'eux est d'encourager les étudiants à fréquenter des établissements d'enseignement à l'extérieur de leur province. Ne pourrait-on pas aussi utiliser ce programme comme un outil pour encourager l'inscription des étudiants dans des provinces où il n'y a pas suffisamment d'étudiants au niveau postsecondaire? Je pense au fait que les bourses d'études doivent être accordées de façon juste et équitable à travers le Canada et à la façon précise dont cela pourrait se faire.

• 0955

M. Tom Brzustowski: C'est une question très intéressante. Une partie du projet de loi permet certainement au conseil de tenir compte du fait que les études à l'extérieur de la province entraînent des frais supplémentaires. Ceux qui étudient à l'extérieur de leur province prennent eux-mêmes la décision en fonction des places disponibles, des critères d'admission, ou du fait qu'ils veulent aller vivre ailleurs, et aussi à cause de la réputation particulière d'un établissement donné dans un certain domaine. Il y a une grande mobilité actuellement dans le pays. Ce programme pourrait peut-être encourager une telle mobilité, et il en tiendrait certainement compte.

Je ne vois pas de mécanismes qui inciteraient des étudiants à aller poursuivre leurs études à l'extérieur de la province, à moins que cette décision ne soit fondée sur le coût de la vie chez soi par rapport à l'extérieur. Bien des gens prennent des décisions fondées sur d'autres raisons, mais pour ces gens-là, oui, cela faciliterait les choses.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Merci beaucoup. Voilà qui met fin a la période de questions et réponses.

Avez-vous une dernière question? D'accord. Je vais accorder la parole à M. Ritz, et ensuite à M. Crête, pour deux brèves questions.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président. Ma question est brève.

Vous avez parlé des étudiants qui ont besoin d'argent. Tous les étudiants ont besoin d'argent à divers degrés, de sorte qu'il est difficile de choisir. Pour ce qui est des transferts à d'autres provinces, les étudiants les plus démunis n'envisagent pas de poursuivre leurs études à l'extérieur. Étant donné que cela coûte plus cher, ils ne peuvent tout simplement pas se le permettre.

Le mérite est relatif: tout dépend des cours que l'on prend, qui sont plus ou moins difficiles. Il y a bon nombre de facteurs qui entrent dans cette décision concernant les étudiants. Par conséquent, je me demande s'il existe un mécanisme d'appel pour les étudiants qui auraient le sentiment d'avoir été lésés.

M. Tom Brzustowski: Je ne peux imaginer un processus de distribution d'argent qui ne serait pas assorti d'un processus d'appel. Mon propre organisme, le CRSNG, a un processus d'appel, même si les décisions sont rendues par un jury de pairs. Je suis convaincu que lorsque le conseil précisera les détails de son fonctionnement, il prévoira un mécanisme d'appel. D'ailleurs, s'il ne le faisait pas, quelqu'un interjetterait certainement appel de cette décision.

M. Gerry Ritz: Vous êtes l'un des architectes de ce fonds de bourses d'études, et vous semblez avoir des problèmes avec son fonctionnement également. En tant que législateurs, on nous demande de voter en faveur de cette initiative, mais c'est un peu comme si on nous demandait d'accorder notre bénédiction à l'aveuglette. Tant qu'on n'aura pas précisé les modalités du projet, comment pouvons-nous en toute conscience lui accorder notre aval?

M. Tom Brzustowski: Je pense que vous m'avez fait trop d'honneur en m'appelant l'architecte de cette initiative. Nous sommes en présence d'un plan d'ensemble. Si le plan d'ensemble est approuvé, les gens qui seront nommés au conseil d'administration embaucheront les architectes, le personnel. Ce sera une lourde tâche de gestion que de concevoir ce processus.

Je pense que c'est minimiser les défis que de croire qu'un groupe, même un groupe d'une douzaine ou d'une quinzaine de personnes très expérimentées, aurait pu préciser tous ces détails. Surtout qu'il y a des opinions tranchées de part et d'autre d'un certain nombre de questions qui devront être résolues avant que le modèle final soit arrêté.

Ce que vous avez sous les yeux est un plan d'ensemble. Je m'attends à ce qu'on respecte le processus de nomination des membres du conseil d'administration, processus qui est expliqué dans ses menus détails dans le projet de loi, et qu'ensuite les personnes en question nomment le chef de direction et le personnel compétent qui sera chargé de façonner ce modèle. D'ailleurs, je ne peux imaginer qu'on puisse concevoir quoi que ce soit sans mener des consultations approfondies d'un bout à l'autre du pays.

Il s'agit là d'un processus qui représente tout un défi. Même si je suis très heureux qu'on m'accorde énormément de crédit pour ma contribution, je me dois d'être modeste et de remettre la pendule à l'heure. Il y a eu une discussion du plan d'ensemble, sans plus.

[Français]

Le président: Monsieur Crête.

M. Paul Crête: J'aimerais vous demander de nous donner les noms des membres du comité qui travaillaient avec vous, et j'aimerais aussi que vous me précisiez si vous avez travaillé à l'évaluation du pourcentage de 5 p. 100 des frais de la fondation qui serait consacré à l'administration. Est-ce que vous et votre groupe avez travaillé là-dessus et émis une ou des opinions?

D'autre part, est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que la meilleure façon de procéder, dans le cas du système de prêts et bourses du Québec, serait de donner à la province un droit de retrait avec pleine compensation pour assurer le maximum d'efficacité des sommes qui seraient consacrées à ce programme?

• 1000

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. Je pense qu'il serait plus opportun que M. Crête pose sa première question au ministre ou à son secrétaire parlementaire, plutôt qu'au témoin.

Le président: Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête: En fait, un membre du comité voudrait avoir les noms de ceux qui ont travaillé à ce comité-là.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Il ne dirige pas le comité, et cette question devrait être adressée au ministre ou au secrétaire parlementaire du ministre.

[Français]

M. Paul Crête: Je voudrais apporter une précision, monsieur le président. Il me semblait que nous recevions M. Brzustowski ce matin en qualité de représentant de ce groupe afin d'évaluer l'efficacité et la pertinence du travail. En général, nous recevons un mémoire contenant une liste des membres et un autre mémoire qui est déposé et qui contient le texte de la présentation. Normalement, c'est ainsi que cela fonctionne.

En tout cas, j'aimerais qu'il puisse répondre à la question. S'il ne peut pas acquiescer à la demande, cela risque de laisser planer des doutes importants sur le travail de ce comité, sur sa marge de manoeuvre et sur son efficacité. Est-ce un comité secret? Qu'en est-il de la transparence?

[Traduction]

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Ma prémisse demeure la même. Même si le témoin est ici pour discuter de la réflexion qui a cours au sujet du mandat, des membres du comité et de l'administration, il s'agit d'un groupe consultatif, et il est ici pour nous communiquer ses idées au sujet de l'établissement de ce fonds de bourses. Il convient d'adresser les questions de nature technique aux fonctionnaires, au ministre ou au secrétaire parlementaire. Le témoin n'est pas un administrateur. Ce n'est pas de lui que relève ce genre d'information.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Est-ce que ce comité avait un président?

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, monsieur Crête.

Monsieur Brzustowski, la question vous pose-t-elle un problème?

M. Tom Brzustowski: Oui. C'est le deuxième groupe auquel je participe qui a exigé que je prête un serment de discrétion, et je ne sais pas...

Le président: D'accord. Nous vous comprenons.

Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Valeri, voulez-vous ajouter autre chose? Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête: J'ai posé une question qui n'avait rien à voir avec la composition du comité, et il me semble qu'une telle chose ne devrait pas être secrète. J'ai posé également une question sur le 5 p. 100 de frais et sur le droit de retrait avec pleine compensation. Tout cela ne devrait pas être secret.

On apprend des choses nouvelles tous les jours dans ce gouvernement. Je trouve absolument aberrant qu'un comité chargé de conseiller le ministre ne puisse pas savoir qui travaille à ce comité. Il ne me semble pas que cela doive être un secret, en aucune façon. Ce n'est qu'un commentaire de ma part.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement, car vous me faites dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai pas dit que vous ne devriez pas essayer d'obtenir cette information, mais que votre question s'adressait à la mauvaise personne. Voilà ce que j'ai dit.

Le président: Et M. Brzustowski en a convenu.

Nous allons entendre une dernière observation de M. Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Si M. Crête veut avoir la liste des noms des personnes qui ont participé au groupe consultatif, de concert avec notre témoin d'aujourd'hui, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas la lui fournir. En fait, je crois qu'au moment de l'annonce du fonds du millénaire un communiqué de presse renfermant la liste des membres du groupe consultatif a été publié.

Le président: Monsieur Crête, je pense que si vous fouillez dans vos dossiers vous trouverez cela.

[Français]

M. Paul Crête: Par conséquent, la liste est publique. Il n'est donc pas interdit de donner les noms des membres du comité. Selon ma collègue, ma question n'est pas pertinente en ce moment, tout simplement.

[Traduction]

Le président: M. Valeri vous fournira la liste.

Monsieur Brzustowski, je vous remercie de vos commentaires. Ils nous ont été fort utiles. Nous apprécions votre aide.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, nous n'avions pas terminé. Il y avait deux autres questions.

M. Paul Crête: J'attends la réponse sur l'évaluation des frais à 5 p. 100. Est-ce qu'ils ont travaillé à cela? Le témoin était d'ailleurs prêt à répondre à cette question.

[Traduction]

Le président: Il a répondu à cette question.

[Français]

M. Paul Crête: Ma deuxième question portait sur le droit de retrait.

[Traduction]

Le président: Vous n'avez pas répondu à cette question précédemment?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Non.

[Traduction]

Le président: Non? Je pensais que vous l'aviez fait.

M. Tom Brzustowski: Monsieur le président, je n'ai pas précisé pourquoi j'ai confiance dans le 5 p. 100. Mon propre organisme, le CRSNG, fonctionne à 4 p. 100 avec un processus d'évaluation plus complexe que celui qu'aura la fondation. Par conséquent, j'estime que 5 p. 100 est tout à fait raisonnable.

J'avoue avoir la compétence voulue pour ne répondre qu'à une seule de ces trois questions.

• 1005

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant accueillir notre témoin suivant, l'honorable Paul Hellyer, du Parti action canadienne.

Monsieur Hellyer, bienvenue au Comité des finances.

Comme vous le savez, monsieur Hellyer, notre ordre de renvoi concerne le projet de loi C-36. Nous sommes impatients de vous entendre, et je suis sûr que vos propos nous seront fort utiles dans l'examen du projet de loi. Vous savez certainement comment fonctionne les séances du Comité des finances. Vous pouvez commencer.

M. Paul Hellyer (chef, Parti action canadienne): Merci, monsieur le président et membres du comité. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de prendre la parole brièvement au sujet de la partie 13 du projet de loi C-36, intitulée «Aide financière aux institutions financières et aux États étrangers».

Si j'avais le privilège de voter sur cette partie, ma conscience me dicterait de voter contre. Au cours des quelques minutes qui me sont accordées, je voudrais vous expliquer pourquoi.

Le Fonds monétaire international découle d'une entente conclue en 1964 entre les grandes puissances capitalistes. Le rôle du Fonds était de faciliter les échanges de devises convertibles en accordant une aide temporaire aux pays qui avaient épuisé leurs réserves de devises étrangères. Ces derniers pouvaient ainsi poursuivre leur quête d'une forte croissance et du plein emploi grâce à une politique de faibles taux d'intérêt. C'était à l'époque où le contrôle des capitaux était permis, et le FMI avait en fait pour mandat de réclamer un tel contrôle s'il le jugeait nécessaire ou souhaitable.

On me dit que le FMI n'a jamais demandé qu'on impose des contrôles de capitaux ou qu'on suspende des crédits, même en cas de sorties importantes ou soutenues de capitaux. Pendant la majeure partie de la période de la guerre froide, son importance en tant que prêteur d'urgence était moindre que celle des subventions et des crédits officiels, qui visaient à obtenir un avantage tant politique qu'économique.

L'avènement des prêts consentis par les banques commerciales aux pays du tiers monde et la déréglementation ainsi que la mondialisation croissante des services financiers lui ont fait perdre presque totalement sa raison d'être. Au lieu d'être un prêteur de dernier recours, il est devenu l'exécuteur des banques internationales et des institutions financières, et il joue un rôle comparable à celui de videur dans un cabaret. Les grandes banques invitent les pays du tiers monde à faire la queue pour prendre un verre à crédit. Lorsqu'ils boivent trop et dépassent leur limite de crédit, le FMI prend les choses en main en tant qu'organisme d'exécution.

• 1010

Ses tactiques sont brutales. Il refuse de permettre aux pays qui demandent de l'aide d'imposer des contrôles des capitaux. Au lieu de cela, il exige qu'ils augmentent les taux d'intérêt afin d'attirer des capitaux étrangers. Cela ralentit l'économie et entraîne un accroissement du nombre de faillites et une hausse du chômage.

Les gouvernements doivent aussi réduire leurs dépenses en matière de santé et d'éducation. Dans la plupart des cas, il leur faut éliminer les subventions pour les aliments. Au lieu de faire produire des aliments pour ses propres citoyens, le gouvernement est forcé de produire des récoltes destinées à l'exportation afin de gagner des dollars américains qui lui permettront de rembourser le FMI.

C'est cette sorte de politique draconienne qui m'a amené à demander dans un livre que j'ai publié en 1996 si le FMI n'avait pas fait son temps. Depuis, je suis arrivé à la conclusion que c'était le cas. Cela serait un grand bienfait pour le monde si l'on liquidait cet organisme et si l'on en remettait l'actif à la Banque mondiale, qui l'utiliserait en partie pour remettre les dettes des pays les plus pauvres du monde, en particulier celles d'un certain nombre de pays d'Afrique, et en partie pour fournir des sommes massives de capitaux pour des opérations microbancaires. Cela donnerait de l'espoir et des possibilités à des millions de pauvres dans le monde. Comme nous ne vivons pas dans un monde de logique et de bons sens, cependant, il y a lieu de supposer que l'idéal ne se produira probablement pas à court terme et qu'il est donc préférable d'envisager des scénarios plus probables.

La politique actuelle du FMI renverse complètement les principes originaux de l'Accord de Bretton Woods. Au lieu de recommander, ou du moins de permettre, l'imposition de contrôles des capitaux afin d'atténuer les conséquences d'entrées et de sorties massives de capitaux, il adopte la position contraire. Il s'attaque principalement aux contrôles des capitaux, en contravention directe de l'article VI. Il agit ainsi sous prétexte que les marchés financiers mondiaux réduisent le coût des capitaux et permettent une meilleure répartition des ressources dans le monde.

Cette hypothèse néoclassique est réfutée par les tendances qu'on voit depuis les années 70. La suppression des contrôles des capitaux a ouvert les vannes à un volume accéléré de flux financiers. Les opérations de change sont passées de quelque 18 billions de dollars par année à quelque 250 billions de dollars par année, ce qui représente environ un billion pour chaque jour ouvrable, soit un facteur de multiplication de 14.

Le commerce mondial, par contre, a à peine plus que doublé. Le ratio des opérations de change sur le commerce a monté en flèche, passant de 6 à 1 à environ 35 à 1.

La croissance explosive des opérations croisées sur les monnaies a été accompagnée par la volatilité croissante du taux de change tant nominal que réel, parce qu'elle a fait d'augmenter brusquement les taux d'intérêt réels. Loin de diminuer, le coût des capitaux a encore augmenté.

Les prêts bancaires internationaux ont également grimpé beaucoup plus rapidement que l'activité économique. La valeur des emprunts bancaires internationaux impayés a augmenté, passant de 4 p. 100 à 44 p. 100 du produit intérieur brut des 24 pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, entre 1980 et 1991. Depuis, de nouveaux membres se sont joints à l'OCDE.

Tout cela a été accompagné, cependant, par un ralentissement de la croissance des investissements, des épargnes, de la production, du volume des échanges, et de la productivité tant dans les pays du tiers monde que dans ceux de l'OCDE, les principales exceptions étant les économies miracles de la partie est de l'Asie, qui se joint maintenant à ces autres pays.

Il s'agit d'un changement spectaculaire par rapport aux premières années de l'après-guerre. Les architectes de l'Accord de Bretton Woods estimaient que le fait de ne pas réglementer les marchés financiers déboucherait inexorablement sur des mouvements de spéculation à court terme et sur une instabilité financière de plus en plus grande. C'est ainsi que l'on en est venu à accepter des mesures de limitation des mouvements de capitaux et la création du FMI comme prêteur de dernier recours.

À l'heure actuelle, on dit plutôt que les marchés financiers internationaux jouent un rôle de policier en obligeant les politiciens à être constamment sur le qui-vive. Ils récompensent les gouvernements qui réduisent les dépenses affectées aux programmes sociaux et d'autres dépenses destinées à améliorer le sort de la population et ils sanctionnent les gouvernements qui ne le font pas.

En réalité, ce mécanisme de contrôle parfait en théorie a donné lieu à une série ininterrompue de crises. Les crises sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves, et le fait même de leur imprévisibilité a effrité la crédibilité des positions adoptées par Washington et le FMI.

Commentant l'effondrement récent en Asie, Alan Greenspan, le président de la Federal Reserve Board des États-Unis, faisait observer qu'un recours excessif à l'effet de levier et aux prêts à court terme des banques s'avérerait peut-être le talon d'Achille d'un système financier international dont la cote de confiance dans les milieux financiers est largement aléatoire. C'est peut-être le cas. Un système qui permet aux grandes banques de faire marcher la planche à billets à leur gré pour prêter à pratiquement n'importe quel emprunteur intéressé a tout pour être instable.

• 1015

Les efforts de sauvetage du FMI ne font qu'aggraver la situation. Avec le sauvetage du Mexique en 1995, on peut dire que la table était mise pour la crise asiatique actuelle. Sachant que le FMI n'attend qu'un appel au secours, les banquiers et les spéculateurs internationaux sont incités à consentir des prêts toujours plus risqués. Ils n'ont pas à assumer les conséquences de leurs actes, et les coûts de leurs excès sont assumés par la société et les contribuables en général.

Compte tenu de tous ces faits, il est plus que surprenant que le FMI cherche maintenant à faire modifier sa charte. Encouragé en cela par le gouvernement Clinton, le FMI demande instamment des pouvoirs nouveaux et élargis. Le Fonds demande le pouvoir d'exercer un contrôle quasi illimité sur les entrées et sorties de capitaux de tout gouvernement, y compris le pouvoir d'obliger les pays membres à s'engager à une pleine libéralisation du compte capital.

Il convient de reconnaître une telle initiative pour ce qu'elle est. Cela signifierait la fin de la souveraineté nationale en matière d'économie. Aucun pays ne serait maître chez lui. Le FMI cherche à assumer le contrôle de l'économie mondiale. Et s'il y a urgence, selon le premier directeur général adjoint du FMI, Stanley Fischer, c'est que l'autre mécanisme permettant d'aboutir aux mêmes fins, à savoir l'Accord multilatéral sur l'investissement, tarde à être adopté, comme on a pu le constater récemment.

Il convient de trembler devant une telle perspective. Mis à part les idéologues les plus indécrottables, tous devraient avoir compris que le système financier mondial n'est plus du tout en rapport avec l'économie réelle. Les milieux de Wall Street, ou encore de Bay Street ou de la rue Saint-Jacques, si vous voulez, ont été propulsés dans l'espace cybernétique et ont été programmés de telle sorte qu'ils font tout à fait abstraction des vrais besoins de la très grande majorité de la population du monde, pour qui les aliments, les vêtements et l'hébergement constituent encore des besoins. Ainsi, seuls les détenteurs d'avoirs financiers, c'est-à-dire une infime fraction de la population mondiale, celle dont les besoins ont déjà été satisfaits, peuvent avoir avantage à perpétuer le mythe d'un système financier mondialisé.

Et même eux auraient tort d'envisager une telle perspective avec complaisance. Un système financier mondialisé dominé par des banques bénéficiant d'un très fort pouvoir multiplicateur nous mènerait droit au désastre. Or, les conséquences sociales d'un tel désastre sont tout à fait imprévisibles.

Voilà pourquoi je n'accorderais pas au FMI des ressources additionnelles qui pourraient conforter ses dirigeants dans leurs ambitions actuelles. Il ne faudrait pas non plus, d'après moi, que la décision de venir en aide à certains pays nécessiteux soit conditionnelle à leur acquiescement aux douloureuses exigences du FMI. Dans les pays qui ont été mis au pas et assujettis à la discipline sévère du FMI, la rancoeur est considérable, et elle est compréhensible. Le Canada ne doit pas contribuer à l'alimenter encore davantage. Le FMI n'a pas mérité la confiance de ceux qui sont ses bailleurs de fonds, et on doit l'empêcher d'agir avant qu'il ne fasse plus de tort à un plus grand nombre de personnes.

D'autres réformes financières sont évidemment nécessaires pour garantir la stabilité de l'économie mondiale. Cependant, à l'heure actuelle, celle qui est la plus urgente est vraisemblablement la réforme en profondeur du FMI.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Monsieur Ritz, je vous en prie.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Hellyer, de cet exposé des mieux pensés.

En cette ère de libéralisation accélérée du commerce mondial que nous connaissons, vous parlez d'autres réformes financières essentielles et de notre désir de protéger les entreprises au pays et à l'étranger. Pourriez-vous nous donner quelques détails sur ce que vous croyez nécessaire?

M. Paul Hellyer: Il y a plusieurs choses à faire, certaines plus urgentes que d'autres. Je viens de laisser entendre qu'il faut rabattre les ailes du FMI afin, comme l'a dit Charlene Barshefsky, représentante commerciale américaine, de mettre fin à ce que le Fonds fait en Indonésie et en Corée du Sud, soit forcer ces pays à ouvrir leurs frontières à un plus grand nombre de produits américains.

Je pense que Washington, le FMI et l'OCDE doivent cesser de tenter d'abolir tous les contrôles sur le mouvement international des capitaux et devraient plutôt commencer à appliquer l'article VI de la charte du Fonds.

Il faut une réforme du régime bancaire mondial. Il faut lui rabattre les ailes. Son endettement est trop élevé. Le règlement international... les règles sur les réserves de capitaux de la BRI se sont avérées trop laxistes, surtout dans leur application dans certains pays, notamment, le Japon. Lorsqu'ils ont recours à des mécanismes de levier, ils ont tendance à mettre les pieds dans le plat et à accumuler trop de dettes un peu partout dans le monde.

• 1020

À mon avis, il faut imposer des exigences en matière de réserve de caisse et les augmenter graduellement sur plusieurs années, pour ralentir les banques et pour donner aux gouvernements nationaux la souplesse financière nécessaire pour prendre les mesures que leurs populations attendent.

Je suis également un partisan inconditionnel d'une taxe sur les opérations de change, dans la même veine que ce qui avait été appelé la taxe Tobin. Ceux qui s'opposent à cette taxe sont ceux qui gagnent de l'argent par la vente et l'achat de devises étrangères. Ces personnes ont beaucoup de pouvoir, surtout à Washington. C'est l'une des raisons qui expliquent l'opposition si féroce de l'administration de Washington à la taxe Tobin il y a quelques années et qui expliquent pourquoi on a supprimé plusieurs études qui démontraient que ce serait peut-être avantageux pour le monde.

Il faut faire quelque chose de semblable pour ralentir les mouvements de devises étrangères qui ont un effet déstabilisateur sans précédent et inacceptable et pour encourager les investissements légitimes. Troisième raison probablement, cette taxe minime serait une source de recettes supplémentaires pour les gouvernements.

De telles questions sont très vastes, et nous n'avons pas le temps ce matin d'entrer dans les détails de tous les aspects, mais il y a des réformes en profondeur extrêmement importantes qu'il faut considérer.

M. Gerry Ritz: Est-ce que vous approuvez ou désapprouvez le fusionnement des banques au Canada?

M. Paul Hellyer: Je m'y opposerai toujours, parce que cela fait partie de la tendance qui vise à renforcer l'idée d'un système financier mondial, ce qui ne peut réussir. Nous ne faisons qu'emboîter le pas au mauvais moment à mon avis. En supposant que l'on ne touche pas à la règle des 10 p. 100, on encouragera certainement ainsi nos mégabanques à faire de nombreux prêts à l'étranger, et, à cause des politiques du FMI, à consentir des prêts de plus en plus risqués. Elles ont déjà fait leurs preuves dans le tiers monde et dans les prêts immobiliers, ce qui a failli les éliminer, et je pense qu'en leur permettant de devenir trop grandes on ne fait que les encourager à récidiver.

Le monde n'a pas besoin d'un plus grand nombre de mégabanques pour financer encore plus de fusions, pour créer un plus grand nombre d'oligopoles à l'échelle mondiale. Ce qu'il faut, ce sont de plus petites banques, des microbanques, des banques à l'intention des petits entrepreneurs qui ont besoin d'un peu d'argent pour financer leurs activités, leur croissance, l'embauche de travailleurs.

En fait, nous nous lançons dans la mauvaise direction. Les mégabanques financent les fusions et les prises de contrôle qui entraînent inévitablement la restructuration et l'élimination de personnel—ce sera le cas immédiatement dans le cas des banques, puisque de 15 000 à 20 000 emplois seront perdus au Canada lors des deux premières fusions, et encore plus lors de la suivante—à un moment où nous voulons créer plus d'emplois. Les banques ont un rôle à jouer dans la création de ces emplois, mais elles préfèrent l'ignorer, parce que les petits prêts exigent plus de travail, et il faut faire beaucoup de petits prêts pour réaliser les bénéfices que permet—surtout si l'on tient compte des frais initiaux—le financement d'une importante fusion ou prise de contrôle.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: J'aimerais entendre des réactions au commentaire de M. Ritz. Vous avez piqué ma curiosité en affirmant que, plus une banque devient grande, plus les prêts qu'elle consent deviennent risqués.

M. Paul Hellyer: C'est pourtant la vérité, selon moi.

Le président: Vous nous dites que les banques fourniraient plus d'argent, littéralement.

M. Paul Hellyer: En effet, elles créent plus d'argent.

Le président: Elles vont créer plus d'argent.

M. Paul Hellyer: En effet, et elles vont créer cet argent dans des circonstances où le risque est plus considérable.

Le président: Êtes-vous donc en train de dire que les consommateurs vont être avantagés du fait qu'ils vont avoir accès à plus d'argent?

M. Paul Hellyer: Non.

Le président: Non?

M. Paul Hellyer: Cet argent servira pour l'essentiel à financer de très grandes sociétés internationales et des activités d'intégration à l'échelle mondiale, qui vont entraîner dans leur sillage un délestage d'effectifs. Ainsi, les banques vont financer simultanément l'inflation et le chômage, au lieu de fournir davantage de prêts aux petits entrepreneurs et ainsi financer la création d'emplois. Une telle évolution va dans un sens tout à fait contraire à ce qu'était l'objectif des banques au départ, à mon avis.

• 1025

Le président: Vous dites que les banques agiraient de la sorte parce que... selon vous, il s'agit d'un geste d'autodestruction.

M. Paul Hellyer: Il s'agit d'un geste motivé essentiellement par le souci de faire de l'argent rapidement, facilement, et en quantité.

Le président: On ne peut faire de l'argent si l'économie est en train de s'effondrer.

M. Paul Hellyer: Je le sais, mais c'est ce qui risque d'arriver si un trop grand nombre de grosses banques consentent des prêts de ce genre un peu partout sur la planète. Permettez-moi de revenir un peu sur les événements.

Après que M. Paul Volcker nous eut fait connaître un effondrement majeur de nos économies en 1981-1982 et après la forte majoration des taux d'intérêt qui a eu lieu à ce moment-là, les prêts consentis aux pays du tiers monde, qui l'avaient été à des taux d'intérêt passablement bas, ne pouvaient être maintenus. Ils sont devenus non productifs. Pourtant, le monde ne l'a jamais su, étant donné que M. Volcker a agi d'une façon tout à fait contraire au principe de transparence qui est tellement vanté aujourd'hui un peu partout dans le monde.

Il a réuni les grands banquiers. Les grosses banques américaines étaient toutes en faillite technique. Il a réuni ces gens dans une salle et leur a déclaré que, même s'ils ne voulaient pas le faire, ils devaient le faire, puisque c'était lui qui le leur disait. Il leur a dit de consentir de nouveaux prêts aux pays du tiers monde pour qu'ils puissent verser l'intérêt des prêts existants de manière à ce que ceux-ci ne soient plus des prêts non productifs—autrement dit, de telle manière que le monde, et plus particulièrement leurs déposants, n'en sache rien—jusqu'à ce que lui, Volcker, puisse convaincre le FMI de venir à la rescousse avec l'argent des contribuables, ce qu'il a fait en fin de compte.

Si vous voulez savoir comment les événements se sont succédé, il faut remonter à ces prêts consentis à des pays du tiers monde, à l'époque de Volcker, et puis aux crises comme la crise mexicaine et la crise plus actuelle de l'Asie du Sud-Est. Ce qui inquiète bon nombre d'économistes, je suppose, c'est que la prochaine crise, ou la suivante, pourrait bien concerner non pas la périphérie, mais le centre, à savoir les États-Unis. Nous pourrions assister à de graves perturbations financières à l'échelle mondiale, qui entraîneraient une déflation de grande ampleur et déboucheraient sur des problèmes inimaginables partout dans le monde qui seraient tout aussi graves, sinon davantage, que la grande dépression des années 30.

Cette perspective suscite de réelles inquiétudes. Pour ma part, je suis en quelque sorte un livre d'histoire parlant, étant donné que j'ai vécu tout cela. Le système d'aujourd'hui est celui qui existait avant la dépression. Or, c'est le crash de 1929 qui a débouché sur la grande dépression. Au Canada, nous avons abandonné ce système pour adopter un système légèrement différent vers la fin des années 30, après la création de la Banque du Canada. La Banque du Canada a commencé à créer de l'argent au nom du gouvernement du Canada à un taux d'intérêt qui était en réalité nul, ce qui donnait au gouvernement du Canada une certaine marge de manoeuvre.

Nous nous sommes graduellement relevés de la dépression. Nous avons utilisé le système pour financer l'effort de guerre et l'activité des années qui ont immédiatement suivi la guerre, et, par la suite, pour financer l'infrastructure routière et aéroportuaire de l'après-guerre et pour faciliter le lancement de notre régime de sécurité sociale.

Puis, en 1974, le monde a changé. Lors d'une réunion tenue à Bâle, en Suisse, les représentants des banques du monde ont décidé d'abandonner le système qui avait si bien fonctionné durant 30 ans à peu près et de revenir à petits pas vers celui qui avait existé auparavant. On a appelé cela le monétarisme, mais puisque le monétarisme ne fonctionnait pas tout à fait, on a intégré le tout sous la rubrique de l'économie néoclassique. Concrètement, nous répétons à l'heure actuelle toutes les erreurs faites au cours de ces années-là, des erreurs qui nous ont donné 44 récessions et dépressions sur une période de moins de 200 ans.

Voilà la source du problème. Et cela a entraîné, comme je l'ai déjà dit, des taux de croissance économique plus faibles, des taux de chômage supérieurs à la moyenne, une augmentation mirobolante de l'endettement, et, comme nous le constatons aujourd'hui, des taux d'intérêt plus élevés pour l'ensemble des pays du G-7. La dette croît à un taux plus rapide que l'économie, ce qui ne peut durer.

Et tout cela se passe à cause de l'introduction dans l'économie mondiale et à la Banque du Canada en 1974 de ce que j'appelle la religion économique, inspirée de Milton Friedman et de ses collègues de l'École de Chicago. Nous nous laissons guider maintenant par une théorie qui va nous mener une fois de plus à un désastre de grande ampleur, dans la mesure où nous tenons absolument à garder le cap.

• 1030

Le président: M. Ritz a une autre question à poser. Après lui, ce sera M. Crête.

M. Gerry Ritz: Vous nous parlez du fait que de 15 000 à 20 000 emplois vont être perdus dans le secteur bancaire à cause des fusions, etc., et puis vous nous dites également que les banques vont prêter à de grandes sociétés pour que ces dernières puissent profiter des marchés mondiaux en développement.

Les emplois perdus dans le secteur bancaire ne seraient-ils donc pas compensés par l'expansion du secteur de l'entreprise? N'y a-t-il pas là un compromis à faire?

M. Paul Hellyer: Non. Jusqu'à maintenant, les fusions n'ont entraîné que des réductions d'emploi, et la plupart des emplois qui seront créés, le cas échéant, le seront à l'extérieur du Canada. Ce sont des emplois qui, dans bon nombre de cas, offrent une piètre rémunération, etc. Ainsi, les conséquences sont nombreuses.

Avec ce phénomène de la mondialisation, nous sommes en train de remonter 60 ans en arrière sur le plan du système monétaire et 100 ans en arrière sur le plan du système social. Ainsi, nous remontons à l'époque de Dickens, bon nombre de tâches étant effectuées dans des pays du tiers monde au lieu de l'être dans des pays de l'OCDE comme le Canada et les États-Unis.

[Français]

M. Paul Crête: J'ai été vivement intéressé par votre mémoire, particulièrement en ce qui concerne l'encouragement à la spéculation.

Vous avez donné l'exemple du sauvetage au Mexique qui a eu un effet d'entraînement. Les spéculateurs ont compris qu'on peut aller encore plus loin dans la prise de risques si les gouvernements apportent leur aide dans ce genre de situation. Vous dites dans votre mémoire que cela a contribué à ce qui se passe en Asie aujourd'hui. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur cette position-là et que vous nous donniez plus de détails sur ce qui pourrait et devrait être fait.

Vous dites aussi que si vous deviez voter sur cette partie du projet de loi, vous voteriez contre. Est-ce que vous pensez qu'il faudrait agir différemment? Une partie de cette loi-là, à mon avis, fait suite à des accords internationaux, des engagements qui ont été pris un peu partout. Que proposeriez-vous donc comme action pour que le Canada ait un droit de regard suffisant sur l'endroit où il décide de mettre de l'argent, pour ne pas que cela soit fait d'une manière automatique?

Je crois avoir compris, d'après votre présentation, qu'en votant la loi telle qu'elle est proposée, on encourage un système bancaire qui n'est pas soutenu, qui n'est pas solidement assis. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu sur ces deux aspects-là?

[Traduction]

M. Paul Hellyer: Je vais m'efforcer de le faire.

Tout d'abord, dans la certitude de bénéficier d'un sauvetage, les banques du monde, y compris celles des États-Unis, du Canada dans une très petite mesure, et du Japon dans une très grande mesure, ont prêté de l'argent, ont créé de l'argent pour le prêter par exemple aux banques coréennes et aux grandes entreprises coréennes. Ensuite, lorsque la banque centrale de Corée a agi comme l'auraient fait la plupart des banques centrales en tentant de défendre le won en l'achetant et en se dessaisissant de ses réserves en dollars U.S. et en le faisant à tel point qu'elle a fini par créer une crise et une ruée sur le won, les banques étrangères ont été mises dans la situation d'être des créanciers dont les prêts auraient été non productifs.

Dans certains cas, celui par exemple des prêts consentis au tiers monde dont nous avons parlé, de tels prêts étaient suffisamment importants pour que le fait de les radier entraîne la quasi-élimination de leur capitalisation. Or, la conséquence logique—et c'est justement pourquoi la question est si grave—du fait d'être obligé de radier sa capitalisation, c'est la compression des prêts consentis, et c'est justement cela qui entraîne les récessions et les dépressions. Pourtant, ces banques ont créé cet argent essentiellement parce qu'elles avaient déjà été rescapées à deux ou trois reprises par le FMI et étaient convaincues, il me semble, que c'était ce qui allait arriver à nouveau.

• 1035

On recommande notamment comme politique, à l'heure actuelle, que le risque soit partagé entre ceux qui investissent et la collectivité mondiale, par le truchement du FMI ou autrement. Voilà une bonne idée, me semble-t-il. Les banquiers y penseraient peut-être alors à deux fois avant de consentir certains prêts comme ceux qui l'ont été à des pays du tiers monde et de l'Asie du sud-est. Mais c'est un monde rempli de subtilités, puisque le système bancaire mondial est un véritable château de cartes.

J'ai en main un livre qui s'intitule The Confidence Game: How Unelected Central Bankers are Governing the Changed Global Economy, dont l'auteur est M. Solomon. Je vous le recommande fortement. Il n'est pas du genre à vous faciliter le sommeil, puisque l'auteur y énumère les excès du système financier mondial et montre comment et jusqu'à quel point ceux qui en sont responsables sont passés à un cheveu d'entraîner l'effondrement de l'ensemble du système et continuent d'agir d'une manière qui pourrait nous y mener. Voilà pourquoi, compte tenu du mode de fonctionnement et du fort pouvoir multiplicateur des banques dont j'ai déjà parlé, je propose de rétablir des réserves en espèces beaucoup plus considérables que celles qui existent à l'heure actuelle. Évidemment, pour le Canada, il s'agit tout simplement de les rétablir puisque, comme vous le savez, aucune exigence en la matière n'a été imposée à nos banques, et il faut également donner au système une plus grande stabilité.

Également, il faut des mesures de contrôle des mouvements de capitaux, même si le FMI préconise leur abolition à l'heure actuelle. Lorsque survient une crise, que ce soit au Canada ou ailleurs, les gens commencent à montrer des signes de nervosité... S'il n'y a aucun contrôle des mouvements de capitaux, qu'adviendrait-il? Les Canadiens se mettraient à déplacer leur argent vers l'extérieur du pays, ce qui aurait pour effet d'aggraver la crise. Puis, les sociétés étrangères établies au Canada, devant l'imminence d'une chute de la devise canadienne, jugeraient bon de retirer leurs billes du jeu—elles ne liquideraient pas leurs installations, mais placeraient ailleurs leurs excédents de liquidités. Et l'effritement progressif gagnerait tout le système. Voilà ce qui se passe dans un système aussi fluctuant que le nôtre, qui comporte notamment, à l'échelle de la planète, un système bancaire à très fort effet multiplicateur.

Je crois bien qu'il faut agir à ce niveau. Cependant, entre-temps, nous devons atténuer le danger en prévoyant d'imposer des mesures de contrôle temporaires en cas de crise, ce qui empêcherait une saignée de la devise jusqu'à ce que la crise se résorbe. Il pourrait s'agir d'une période de trois jours, de 30 jours ou encore de 60 jours, mais au moins, une intervention serait possible.

Si nous acceptons l'idée du FMI de libéraliser entièrement les mouvements de capitaux, alors nous perdons ce pouvoir. Pour ceux qui aiment parler en termes de souveraineté—il n'y en a plus; c'est un mythe. La souveraineté est entre les mains du système financier mondial, et ce dernier peut détruire votre pays. Il peut le faire en trois ou quatre jours.

Si les gens veulent voter en faveur d'un gouvernement mondial, où tout serait dirigé à partir des bureaux de quelques bureaucrates, alors qu'ils le fassent et que le monde soit organisé en conséquence. Cependant, nous n'avons pas voté à ce sujet. Je pense que bien des gens refuseraient de donner leur accord à ce genre de monde. Nous voulons un monde dans lequel nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que notre gouvernement intervienne pour nous sauver et pour nous venir en aide lorsque nous sommes en difficulté. Si tel est le cas, il nous faut un monde où nos dirigeants disposent des instruments voulus pour le faire. En cas de crise, il faudrait notamment pouvoir imposer des mesures de contrôle des mouvements de capitaux, tout au moins pour quelques jours jusqu'à ce que la situation soit maîtrisée.

Et voilà donc ce à quoi on nous demande de renoncer, aussi bien au FMI qu'à l'OCDE et, en fin de compte, c'est l'influence de Washington qui s'exerce.

[Français]

M. Paul Crête: La présentation que vous avez faite m'a convaincu de la justesse de la réaction d'un jeune député qui disait hier qu'on ne contrôlait plus rien dans cet univers et que le Parlement n'était pas nécessairement l'endroit où on pouvait régler les problèmes. Vous le faites de façon plus réfléchie et avec une grande argumentation, mais vous rejoignez un peu la position prise par ce jeune député hier.

Regardons cette loi de façon concrète. Est-ce que vous préféreriez que ce soit le statu quo ou qu'on ait un amendement qui dirait, par exemple, qu'on va accepter les règles qui sont là mais avec une date limite de trois à cinq ans, ou quelque chose comme ça? Et si le Fonds monétaire ne revoyait pas ses positions en fonction des intérêts du Canada, est-ce qu'on en sortirait? Finalement, est-ce que vous préféreriez le statu quo ou un autre type d'amendement?

• 1040

[Traduction]

M. Paul Hellyer: Tout d'abord, permettez-moi de faire allusion à l'initiative prise hier par le jeune député. Lorsque j'ai entendu ce qu'il avait dit, je me suis dit qu'il y avait au moins une personne qui comprenait les choses. En envisageant le monde que nous sommes en train de créer, les larmes me viennent aux yeux. Il s'agit d'un monde où les États nations ont moins d'importance et où les électeurs en ont encore bien moins puisque, en réalité, en votant pour quelqu'un, on sait très bien que cette personne aura bien peu d'influence sur le cours des événements. Ce n'est qu'un semblant de démocratie. Et nous rendons un bien mauvais service au monde.

Pour revenir à votre autre question, j'estime qu'il faut préférer le statu quo aux demandes du FMI pour le moment. Ce serait une façon de dire aux responsables du Fonds qu'ils ont atteint la limite et qu'ils doivent revoir leur façon d'agir avant de venir demander une aide financière supplémentaire. Ils doivent tout d'abord montrer qu'ils en sont dignes et qu'ils respectent l'article 1 selon lequel le Fonds doit mener des politiques qui profitent à la population mondiale, et non le contraire.

Mais je crains fort qu'il soit difficile d'apprendre à un vieux singe à faire autre chose que la grimace. Vous comprenez ce que je veux dire par là, j'en suis certain. Je crains tout simplement que, si nous approuvons tout, les responsables vont conclure que tout va bien, que rien n'a changé. Ils ne tarderont donc pas à demander de nouveaux pouvoirs pour être en mesure de diriger l'économie mondiale, comme ils en ont l'intention.

Il est parfois important de donner un signal... Je pense au policier qui lève la main et dit très clairement à l'automobiliste de ralentir, non pas la prochaine fois, mais immédiatement. Si on ne manifeste pas ses inquiétudes, on n'est pas pris au sérieux.

La même chose vaut pour les banques. Tant que le FMI ne leur portera pas préjudice en leur demandant de radier certaines sommes, d'assumer certaines pertes, et d'expliquer à leurs actionnaires pourquoi certains types de prêts ont été consentis et pourquoi leurs bénéfices et leurs perspectives ont ainsi été amoindries, il ne sera pas pris au sérieux. Pour être pris au sérieux, il doit prendre ce genre de mesure.

Si nous acquiesçons tout simplement, les responsables du Fonds vont se dire une fois de plus que le Canada est un bon soldat sur lequel on peut compter. Ils ne vont pas nous prendre au sérieux puisqu'ils vont tout simplement nous considérer comme le faire-valoir ou le béni-oui-oui—une expression que je digérais plutôt mal à l'époque—de la superpuissance mondiale.

Je pense que nous devons nous affirmer et dire que, ayant bien réfléchi à la question, nous continuons de vouloir venir en aide aux pays en difficulté, mais que nous n'allons pas le faire selon le bon vouloir du FMI. Nous allons les aider lorsqu'ils auront besoin d'aide, et non pas pour les obliger à accepter des mesures qui ne sont pas dans l'intérêt de leurs citoyens, qui entraînent des compressions en soins de santé, en éducation et en services sociaux, ce qui correspond bien à la façon de faire les choses du FMI depuis un certain nombre d'années.

M. Paul Crête: Merci.

Le président: Merci, monsieur Crête. M. Brison est le suivant.

M. Scott Brison: Merci.

Merci de votre comparution d'aujourd'hui, monsieur Hellyer.

Vous avez parlé du caractère très fluctuant du système financier mondial. Compte tenu de cette instabilité à l'échelle mondiale, n'est-il pas important pour nous de disposer d'institutions financières qui appartiennent à des Canadiens? Nous avons signé l'accord de l'OMC en matière de services financiers. Si nous ne permettons pas ces fusions, ne compromettons-nous pas beaucoup plus que 15 000 emplois, compte tenu de la fusion de Citicorp et de Travelers et de la concurrence d'organisations comme ING et Wells Fargo? J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.

M. Paul Hellyer: Eh bien, ce n'est pas mon avis. J'estime pour ma part que nous obtiendrions plus d'emplois, non pas simplement ces 15 000 emplois mais des milliers d'emplois complémentaires créés par la petite entreprise, si nous faisions savoir aux banques que nous voulons les voir consacrer un peu plus de temps aux Canadiens, car ce sont bien eux, après tout, qui les autorisent à imprimer de l'argent.

C'est bien nous qui accordons cette autorisation. Elle nous appartient. Elle appartient au Parlement et nous n'exigeons même pas de redevances pour l'avoir accordée. Il me semble un peu ridicule que nous permettions aux banques de créer de l'argent pour le reprêter ensuite au gouvernement du Canada parce que c'est comme si le gouvernement du Canada devenait percepteur d'impôts pour le compte des banques.

• 1045

Je réponds donc par la négative puisque j'estime que les banques, à l'heure actuelle, élargissent leurs activités à une bonne cadence à l'échelle mondiale, ce qui est très bien. Je les y encourage. Elles occupent divers créneaux dans diverses parties du monde, ce qui est fort bien. Voilà qui les protégera vraisemblablement des désastres éventuels qui pourraient les guetter si elles étaient de trop grande taille et devenaient trop complaisantes et trop imprudentes.

L'autre partie de la solution consiste à dire que nous allons accepter les arrangements dont nous avons déjà convenu dans le cas des banques étrangères, mais que nous n'allons pas aller plus loin et que nous n'allons certainement pas leur permettre d'assumer le contrôle de nos principaux établissements bancaires puisque c'est par elles que nous exerçons sur notre système monétaire un contrôle que nous ne voulons certainement pas perdre.

M. Scott Brison: Nous nous inquiétons du rôle des spéculateurs—tout comme l'ont fait des gens comme le président Suharto et, plus récemment le premier ministre Chrétien, en faisant allusion aux types à bretelles rouges qui ne semblent pas faire suffisamment confiance à la politique budgétaire du gouvernement—or, les meilleures occasions qui s'offrent aux spéculateurs sont celles qui existent lorsque la politique monétaire d'un pays ne va pas de pair avec sa politique budgétaire. Que la politique budgétaire soit bonne ou mauvaise, il importe qu'elle s'harmonise avec la politique monétaire. À ce moment-là, il existe peu d'occasions pour les spéculateurs.

M. Paul Hellyer: Ce n'est pas nécessairement le cas, du fait que les divers pays sont interdépendants. Si les spéculateurs obligent un pays à augmenter les taux d'intérêt de ses obligations, par exemple, alors ils peuvent forcer la main du Canada s'il ne semble pas vouloir suivre la hausse. Il peut leur suffire de quelques heures pour nous faire rentrer dans le rang. Le gouverneur de la Banque du Canada sachant alors qu'il perdra certains investissements s'il ne suit pas la tendance, décidera d'augmenter les taux d'intérêt, ce qui aura pour effet de réduire le nombre d'emplois pour les Canadiens et d'augmenter les coûts des propriétaires de maisons, des entrepreneurs canadiens et ainsi de suite.

Il me semble tout simplement que les spéculateurs écrèment la valeur du travail que font les gens un peu partout dans le monde. Il suffit de penser à l'augmentation de la valeur des actions bancaires récemment, qui est égale ou supérieure à 50 p. 100. C'est bien beau pour les gens qui ont de l'argent et qui avaient la bonne fortune de posséder ces actions, mais...

Demandez maintenant aux gens qui travaillent aux champs, dans les usines ce qu'ils pensent des augmentations qu'ils ont reçues dernièrement, et allez demander à certaines personnes chez Canada Packers ce qu'ils pensent de la forte baisse de salaire qu'ils viennent de subir. Demandez-leur comment ils se situent par rapport aux fortes augmentations accordées dans le secteur financier. Évidemment, on répondra que la comparaison ne tient pas, puisque le monde évolue vers un système où les personnes qui spéculent au sein de cette conjoncture gagnent beaucoup plus et exercent un contrôle beaucoup plus grand sur l'économie réelle que les personnes qui travaillent et qui cultivent leurs serres.

Voilà ce que je veux dire lorsque je parle de clivage complet entre les deux économies. D'une manière ou d'une autre, il faut supprimer ce clivage. Pour le faire, il faut notamment imposer des lignes directrices plus rigoureuses, notamment à nos banques. Il faut leur dire de prendre certains risques lorsque les petits entrepreneurs les approchent. Ces risques ne sont pas du même ordre que ceux qui caractérisent les prêts consentis au tiers monde. Les banques doivent être disposées à venir en aide à ces gens, et même à essuyer des pertes dans certains cas. C'est peut-être le coût qu'il faut payer pour créer des emplois au Canada. En agissant de la sorte, le Canada pourra ainsi justifier sa politique qui est de permettre aux banques d'imprimer de l'argent, ou une partie de cet argent.

M. Scott Brison: Il ne faut pas perdre de vue toutefois que plus de 50 p. 100 des Canadiens sont actionnaires des banques, par le truchement d'un fonds de pension, d'un fonds mutuel ou d'un REER, etc. Ainsi, lorsque nous disons que la valeur des actions des banques a augmenté de façon importante, il faut dire que 50 p. 100 des Canadiens en ont bénéficié directement.

Très brièvement, vous avez mentionné... Avez-vous lu l'article qui a paru dans le Atlantic Monthly il y a environ 18 mois sous la plume de George Soros au sujet de l'avenir du capitalisme? Il y exprimait ses préoccupations au sujet de la viabilité du capitalisme.

• 1050

M. Paul Hellyer: Oui, je l'ai lu. Je me souviens qu'il ait dit que le capitalisme sauvage—et il insistait sur ce terme, comme je le fais, car j'ai été capitaliste toute ma vie et je le suis encore—que le capitalisme sauvage a remplacé le fascisme et le communisme à titre de pire menace aux sociétés ouvertes. Je suis d'accord.

Nous sommes en train de développer un capitalisme sauvage. Cette forme de capitalisme n'est pas avantageuse pour tous également. Même si la moitié des Canadiens, comme vous le dites, détiennent des actions dans les banques—et je ne peux contester cela puisque je n'ai pas vraiment fait de calculs—certain d'entre eux ne possèdent qu'un petit nombre d'actions alors que d'autres en possèdent un nombre considérable.

Mais je ne pense pas que même les actionnaires des banques—et j'en suis, avec ma femme—souhaitent qu'elles prospèrent encore davantage si de ce fait les Canadiens sont au chômage, écartés du grand courant de la société, sans but dans la vie et sans aucun espoir de réaliser leurs aspirations. Je pense que la plupart d'entre nous avons un petit peu plus de décence et que nous sommes prêts à accepter une appréciation du capital légèrement moindre et à partager un peu plus la richesse.

M. Scott Brison: En terminant, j'espère que nous pourrons poursuivre cette conversation à une autre occasion.

Un autre article a paru dans The New Yorker il y a quelques mois. Un courtier en valeurs mobilières de Wall Street y exprimait ses préoccupations au sujet de l'avenir. Selon lui, Marx avait peut-être tort au sujet du communisme, mais il craignait qu'il n'ait eu raison au sujet du capitalisme.

M. Paul Hellyer: Il constate qu'il sème les germes de sa propre destruction, ce qu'affirme George Soros et ce que je dis moi-même.

M. Scott Brison: Pour que le capitalisme soit viable, il faut que tous puissent avoir accès à ses instruments. Cela signifie un système de soins de santé solide, un système d'éducation solide, etc.

J'espère que nous pourrons poursuivre cette discussion à une autre occasion. Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison. Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.

À vous entendre, tous les jeux de hasard de Las Vegas sont de la petite bière.

M. Paul Hellyer: C'est mon amorce.

M. Nelson Riis: Cela fonctionne.

Votre exposé est l'un des plus intéressants que j'ai entendu depuis longtemps et il suscite la réflexion.

On nous demande aujourd'hui d'accorder au ministre des Finances davantage de pouvoirs et de discrétion également pour allouer des fonds au FMI. Vous avez sans doute pris connaissance du rapport du vérificateur général de 1992, dans lequel il dénonce le manque de transparence du système à l'heure actuelle.

Préconisez-vous que l'on demande aux administrateurs de la Banque mondiale et d'autres institutions analogues de faire rapport directement au Parlement de façon plus transparente, ou de donner aux parlementaires les moyens de savoir à quoi servent les fonds acheminés au FMI?

M. Paul Hellyer: Je pense que le manque de transparence est évident à toutes les étapes du processus, et c'est sans doute l'une des choses qui préoccupaient ce jeune homme hier.

Sans l'Internet, la plupart d'entre nous ne saurions pas ce qui se passe. Grâce à l'Internet, nous avons pris connaissance de l'accord sur les transactions financières et de la position du Canada. À mon avis, il aurait été utile d'avoir un grand débat au Parlement et dans tout le pays avant que notre gouvernement signe le document.

La même chose s'applique pour la libéralisation des capitaux et le pourcentage de la propriété étrangère. Il convient de déterminer si nous devrions avoir le droit d'imposer des conditions et des restrictions, tout aussi importantes, sur la propriété étrangère de ressources canadiennes.

Toutes ces choses n'ont pas fait l'objet d'un débat public et c'est uniquement grâce à l'Internet que bien des gens ont découvert ce qui se passe dans le monde. C'est un petit peu comme courir derrière un bus. On voit le bus s'en aller et on souhaiterait qu'il s'arrête. En l'occurrence, il aurait fallu pouvoir discuter de toutes ces questions avant qu'elles ne soient gravées dans la pierre.

À mon sens, le manque de transparence est un problème. Le phénomène culmine avec la Banque des règlements internationaux ou, comme vous le savez, les banquiers des banques centrales du monde entier se réunissent en secret. Même les ministres des finances ne sont pas admis à ces réunions. Nous parlons de gouvernement responsable alors qu'Alan Greenspan a plus de pouvoir que le président des États-Unis et Gordon Thiessen plus de pouvoir que le premier ministre du Canada pour ce qui est de déterminer le bien-être des Canadiens. Ces gens-là se réunissent en secret et prennent des décisions que dans bien des cas nos dirigeants élus ignorent.

• 1055

C'est une réponse un peu longue pour dire que je suis d'accord avec vous. Les personnes qui nous représentent dans ces organisations internationales devraient faire un rapport au Parlement. Elles devraient à tout le moins être tenues de comparaître devant le Parlement et de dire: «Nous avons assisté à une réunion du FMI ou de la Banque mondiale. Il y a été question de tel ou tel sujet et la position du Canada a été la suivante. Certains représentants du tiers monde ont adopté une position contraire, et vous devriez être au courant de cela.» Cela nous aiderait à stimuler le genre de débat qu'exigent ces enjeux considérables.

M. Nelson Riis: Dans votre exposé, vous avez parlé de divers contrôles, et vous avez mentionné la taxe Tobin ou une version de cette taxe. Le Canada s'intéresse beaucoup au Chili. Nous revenons tout juste de Santiago et il y a quelques semaines, un article du Globe and Mail rapportait une entrevue avec le ministre des Finances du Chili. En vertu du système en vigueur là-bas—je ne peux prononcer son nom en espagnol—les investisseurs étrangers sont tenus de déposer des fonds équivalent à 30 p. 100 de leur investissement auprès de la Banque centrale du pays et de les y laisser, sans intérêt, pendant un an, qu'ils achètent des obligations ou qu'ils investissent dans une mine. On y précise que cette exigence au titre des réserves décourage au départ les investissements qui sont seulement axés sur le très court terme et favorisent des investissements à long terme, réfléchis et générateurs d'emplois.

On précisait—et c'est sans doute votre argument—que des institutions comme le FMI et d'autres investisseurs institutionnels des pays industrialisés ne prisent guère les restrictions à l'investissement du Chili et invite instamment le gouvernement chilien à les abandonner. Par conséquent, si l'on cherche à savoir pourquoi l'économie du Chili est particulièrement dynamique par rapport à d'autres, on peut supposer que c'est là une des raisons.

M. Paul Hellyer: Je pense que la politique chilienne est légitime. Je souscris sans réserve à leur argument.

L'autre jour, j'ai entendu le dirigeant d'une mine canadienne à la radio expliqué la situation au Chili car il venait tout juste d'y ouvrir une mine. À son avis, c'est un inconvénient, mais cela ne constitue pas un obstacle suffisant à l'ouverture d'une mine. Cela permet d'éliminer en grande partie l'instabilité liée aux mouvements de trésoreries incontrôlés, qui perturbent le plus le monde.

À mon avis, tous les pays devraient pouvoir imposer un mécanisme comparable à ce que l'on appelle «la barrière chilienne». C'est simplement une façon de demander aux investisseurs d'affirmer leur légitimité, de montrer qu'ils sont bel et bien sur place pour ouvrir une mine ou pour construire une usine, ou en tout cas pour faire quelque chose de sérieux. Dans l'intervalle, il ne leur est pas interdit de sortir leur profit du pays, mais ils doivent faire la preuve qu'ils sont de véritables investisseurs, qu'ils n'entrent pas simplement au pays pour faire un coup d'argent rapide et ensuite en sortir en laissant derrière eux des pots cassés.

L'exemple chilien est très valable pour quiconque juge qu'il n'est pas souhaitable d'ouvrir le monde entièrement au mouvement de capitaux sans restrictions.

M. Nelson Riis: Vous savez certainement que notre ministre des Finances a proposé la création d'un secrétariat international de surveillance. Selon lui, ce secrétariat pourrait relever du FMI et de la Banque mondiale et faire rapport à ces institutions. Êtes-vous au courant de cela, M. Hellyer?

M. Paul Hellyer: Je sais que la Banque mondiale—du moins le FMI—pousse dans ce sens et je dirais honnêtement qu'ils exagèrent probablement les résultats que l'on peut en escompter.

Une chose est devenue très claire, c'est que personne ne peut prédire les crises. Le FMI s'est fait passer un savon pour n'avoir pas prédit la crise asiatique. La Banque mondiale... beaucoup de banquiers, je suppose, en ont discuté, mais dans un monde aussi ouvert, avec un système financier mondialisé, les choses vont si vite que personne ne peut les prédire. Et c'est le problème. On n'a quelques fois pas plus de 24 ou 48 heures d'avis lorsque se présente une crise très importante. Si l'on ne peut rien faire, cela empire.

Il serait évidemment bon d'avoir quelques personnes qui sauraient ce qui se passe dans diverses régions du monde, mais cela ne remplace pas les outils qui sont nécessaires aux États pour être en mesure d'agir en cas d'urgence. C'est à mon avis la perte de ces outils qui devrait nous inquiéter le plus.

• 1100

M. Nelson Riis: Plus qu'une petite question car je veux laisser la parole à mes collègues.

Vous avez dit que nous étions sur la voie du désastre. Je ne pense pas qu'on puisse tirer d'autres conclusions de votre exposé. Pour ce qui est des activités du FMI dans les pays ces dernières années, y a-t-il à votre avis un exemple de choses qu'ils auraient imposées aux pays et qui auraient été positives? Quand je dis «positives», je songe évidemment à la majorité de la population.

M. Paul Hellyer: Je ne connais pas assez les détails. Vous pouvez trouver les différents accords à l'Internet et il serait probablement bon d'y jeter un coup d'oeil. Un ami qui a sorti l'autre jour celui de la Corée a dit qu'il était tout à fait draconien et qu'on leur demande de faire des tas de choses, notamment d'ouvrir totalement leurs banques aux intérêts étrangers. Je ne pense pas que ce soit bon. C'est à mon avis inacceptable. C'est le genre de politique qu'imposent au monde des gens qui croient à ce qu'ils appellent le consensus de Washington—à savoir que le monde doit être dirigé comme le FMI, Wall Street, la Banque mondiale et d'autres le disent.

Je suis donc tout à fait sceptique face à cette tendance. J'ai dit que le désastre était inévitable, mais expliquer cela nous obligerait à examiner de près le système bancaire, ce que nous n'avons pas le temps de faire ce matin. Toutefois, dans le système actuel, pratiquement tout l'argent nouveau créé consiste en dette. Dette sur laquelle il faut payer des intérêts et si personne ne crée d'argent avec quoi payer ces intérêts, qu'est-ce qu'on fait? C'est évident—il faut emprunter davantage pour payer l'intérêt sur ce que l'on doit déjà, pour continuer à s'endetter encore plus. C'est ça le système.

Il arrive que les consommateurs n'aient pas suffisamment d'argent pour acheter les produits et services que produisent toutes ces nouvelles grandes découvertes dans le monde et c'est là que l'on en arrive à une dépression ou à une récession. Cela s'est déjà produit souvent et tant que nous conserverons ce système, qui a été testé à maintes reprises et qui a toujours échoué, la situation ne changera pas. Il y a donc deux choix. Soit nous réussissons à changer le système maintenant et à éviter ce genre de désastre, soit nous ne tirons pas les leçons de l'histoire et poursuivons sur la voie sur laquelle nous nous sommes engagés. Tout le monde devrait avoir quelques pièces d'or au sous-sol et avoir payé ses hypothèques immobilières parce que tout cela risque de disparaître la prochaine fois.

M. Nelson Riis: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Riis. Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Monsieur Hellyer, ce n'est pas à l'ensemble de la partie 13 que vous vous opposez mais simplement à l'article 127 sur le paiement au FMI et à l'article 129 sur les éclaircissements à donner sur ces paiements. Toutefois, le concept général de la partie 13, qui est de consulter le ministre des Finances avant que le ministre des Affaires étrangères n'effectue des paiements, ne devrait pas vous poser de problème.

M. Paul Hellyer: Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'il y ait des consultations entre les deux ministres. Je ne suis pas d'accord sur deux choses. Tout d'abord, sur le fait de donner au FMI davantage de ressources financières tant que celui-ci n'aura pas prouvé qu'il peut les utiliser de façon plus judicieuse dans l'intérêt des citoyens du monde entier. Deuxièmement, il n'est pas bon que le Canada encourage le fonds à imposer le genre de politique draconienne qu'il impose aux différents pays à qui il déclare qu'il ne leur prêtera pas d'argent s'ils ne signent pas une entente avec lui. On peut envisager que cela devienne possible à l'avenir, lorsque le FMI changera—s'il change un jour—mais s'il continue comme il le fait depuis 15 ans, je ne voudrais pas que nous soyons obligés de dire à un pays pauvre que nous ne lui prêterons de l'argent que s'il se met à plat ventre devant le FMI et satisfait à ses exigences.

Mme Paddy Torsney: Pour que les choses soient bien précises, là encore, vous ne vous inquiétez que de la partie 13 de ce projet de loi qui porte directement sur le FMI—sur l'augmentation des paiements, par exemple, et de la façon dont fonctionne le FMI et dont nous nous comportons vis-à-vis du FMI ce qui, techniquement parlant, ne fait pas partie de ce projet de loi. Vous souhaiteriez simplement que nous réexaminions notre politique vis-à-vis du FMI.

M. Paul Hellyer: Les deux dispositions sont toutefois en fait l'essentiel du projet de loi. L'une porte sur l'augmentation des ressources versées au FMI et la deuxième sur les prêts aux pays dans le besoin, à condition qu'ils signent des accords avec le FMI. C'est donc l'objet même du projet de loi.

Mme Paddy Torsney: Deuxièmement, j'aimerais que vous sachiez qu'à la récente réunion de l'Union inter-parlementaire, la résolution complémentaire portait sur l'endettement des pays. Les Canadiens ont déclaré que nous devions être absolument certains que les droits de l'homme, la santé, l'éducation et les services sociaux ne seraient pas les premiers à disparaître et que les plans de restructuration et politiques économiques étaient des plans auxquels ces pays eux-mêmes tenaient beaucoup.

• 1105

M. Paul Hellyer: Je suis heureux d'entendre cela. En fait, le bilan du Canada en matière de remise de dette, etc, est assez bon comparé à certains autres pays et je crois donc que nous pouvons nous féliciter un peu.

Mme Paddy Torsney: Nous avons mentionné que nous avons remis une dette, en particulier en Afrique subsaharienne et nous avons donc préconisé une position positive, comme vous en conviendrez probablement.

M. Paul Hellyer: Je crois qu'il faudra encore parler là de remise de dette.

Un des changements, et vous en êtes certainement consciente, est que du temps où les gouvernements fournissaient davantage d'assistance, ils pouvaient se montrer plus souples et réduire ou remettre totalement la dette s'ils le souhaitaient. Mais lorsque le système bancaire international s'est imposé et que le FMI a pris le dessus, il n'y avait plus aucune latitude. Le FMI ne remet pas les dettes. Il fixe les conditions de remboursement et exige des mesures draconiennes pour s'assurer qu'il récupérera son argent en dollars américains.

Cela fait partie de l'objection que j'y vois et il est évident qu'insister pour que les pays ouvrent leurs frontières aux importations ou aux capitaux étrangers peut exacerber la situation. Après tout, ce n'est pas parce que l'on importera davantage aux États-Unis que cela va régler la crise monétaire en Asie du sud-est. Cela risque plutôt d'empirer la situation. Dans ces circonstances, il est possible qu'un gouvernement déclare qu'il a besoin de remplacer des importations en attendant de sortir de la crise que ce qu'on lui propose à l'échelle internationale l'empêche de le faire.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Tony Valeri est ici dans une position assez spéciale étant donné qu'il est plus directement lié au monde de la finance.

Que pense-t-il de ce rapport? C'est un rapport très négatif. Il condamne pratiquement tout ce que nous faisons en tant que pays. J'ai l'impression que cela vaut plus qu'une ou deux questions. Tony, peut-être pourriez-vous nous aider un petit peu à ce sujet. On y met en doute le travail fondamental de notre pays au sein du FMI et de la Banque mondiale sans parler de notre système bancaire. Nous avons parlé de la possibilité d'avoir plus de banques étrangères au Canada, etc. N'a-t-on pas d'autres questions à poser à ce sujet?

Le président: Vous avez posé vos questions, n'est-ce pas?

M. Nelson Riis: J'en aurais des centaines d'autres, mais je voudrais laisser la parole à mes collègues d'en face qui n'ont pas encore pu en poser. J'aimerais en poser beaucoup d'autres mais je croyais que mes collègues voulaient aussi en poser.

Très bien. S'ils n'ont pas de questions, c'est très bien, mais cela me semble étrange.

Mme Paddy Torsney: Puis-je faire une intervention?

Au cours de la dernière législature, nous avions un sous-comité mixte des affaires étrangères et des finances qui s'est penché sur les institutions financières internationales. Il s'est réuni de temps à autre pour discuter de certaines de ces questions et pour entendre ce que les banques de développement avaient à dire. Nous avons eu certaines réunions très intéressantes avec Wolfensohn de la Banque mondiale. Si cela intéresse le comité, nous pourrions envisager d'organiser à nouveau quelque chose de ce genre.

M. Paul Hellyer: J'avais demandé à être entendu par ce comité, mais le président avait perdu ma lettre.

Mme Paddy Torsney: J'étais vice-présidente de ce comité... je peux vous dire que nous ne nous sommes pas réunis très fréquemment et que nous nous étions essentiellement limités aux grandes banques—à la Banque africaine de développement et à la Banque asiatique de développement.

Le président: Monsieur Hellyer, j'étais heureux que vous soyez là aujourd'hui.

M. Paul Hellyer: Merci.

Le président: J'ai trouvé que vous présentiez une perspective tout à fait unique.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

Je voulais simplement dire à M. Riis que je ne manque jamais une occasion de digérer, de lire et d'interroger des gens sur les questions qui m'intéressent. J'apprécie donc votre intervention mais tout ce que j'ai entendu M. Hellyer dire ce matin, je l'ai déjà entendu à propos du FMI.

• 1110

Il y a eu une réunion à Washington la semaine dernière avec le FMI et la Banque mondiale où la discussion, comme vous le savez probablement, monsieur Hellyer, portait sur le rôle du FMI dans la crise asiatique.

Nous savons tout cela depuis des semaines, monsieur Riis. Si je remercie M. Hellyer pour son intervention ce matin, j'aurais espéré qu'il aurait eu un peu plus à dire sur la proposition présentée la semaine dernière par le Canada. Elle a été assez bien accueillie par d'autres pays car il semble qu'il y ait toujours un besoin réel d'instance quelconque qui assure une plus grande transparence des investissements dans d'autres pays.

Je crois que l'on avait indiqué dans le communiqué que l'idée du partage du fardeau était très réelle après la crise asiatique. Il faut qu'il existe un mécanisme qui permette de partager le fardeau. Les spéculateurs ne devraient plus être libres d'entrer et sortir et de faire des tas de choses qui leur rapportent de l'argent créant ainsi des situations dramatiques dans les pays en question.

Peut-être pourrions-nous donc poursuivre une discussion à une autre occasion sur la proposition qui a été faite, sur les réunions prochaines qui auront lieu à Birmingham en Angleterre avec les dirigeants de ces pays suite à la réunion des ministres des Finances sur les rôles des différents intervenants.

Pour répondre à votre question, monsieur Riis, j'avais déjà reçu beaucoup de ces informations.

Monsieur Hellyer, j'aimerais répéter ce qu'a dit le président et vous remercier d'être venu. Tout ce que vous avez dit ce matin peut certainement aider le comité.

M. Paul Hellyer: Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité. Comme vous l'avez peut-être deviné, je ne fais tout simplement pas confiance au FMI. C'est un groupe qui se mêle des affaires des autres.

Je me rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, il avait dit au Canada que notre taux de chômage à inflation stationnaire devrait être de 8,75 p. 100. Je ne crois pas que nous ayons reçu beaucoup de conseils de l'étranger que j'ai moins appréciés car, lorsque j'étais jeune, il n'y avait pas de taux de chômage à inflation stationnaire ou de taux de chômage naturel. On parlait de chômage élevé ou faible.

Le professeur Friedman et ses collègues ont inventé ces concepts pour essayer d'expliquer l'inexplicable. Qu'ils viennent nous dire que nous devrions avoir un taux de chômage minimum de 8,75 p. 100 au Canada me semble absolument inacceptable et je sais que M. Martin abonde dans le même sens. Il l'a d'ailleurs dit.

C'est donc ce genre de conseils... et si vous regardez les autres conseils qu'ils donnent, vous verrez qu'ils sont tous mauvais. Ils ont adopté cette méthode d'approche entièrement néoclassique vis-à-vis du monde qui doit, à mon avis, être renversée, et rapidement, si nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation que nous avons déjà connue. Ce sera la grande crise et un phénix sortira à nouveau de ses cendres. Ce sont toujours les mêmes questions. Si nous ne tirons pas les leçons de l'histoire, nous répéterons les mêmes erreurs et c'est là que nous en sommes.

M. Tony Valeri: Je crois que le Canada a tiré des leçons de la crise asiatique. Il ne fait aucun doute que dans le contexte de la mondialisation de l'économie, le fait que le Canada ait réussi à régler son problème de déficit... il est évident que le fardeau a été partagé par tous les Canadiens... est important. Il nous appartient en tant que gouvernement de veiller à ne pas perdre le bénéfice de cette réussite sous prétexte d'une crise financière dans une autre région du monde et des conséquences de la mondialisation.

C'est dans une large mesure ce qui a inspiré le Canada à faire cette proposition. Nous voulons conserver le bénéfice de notre réussite. La façon de le faire est de tirer les leçons du passé, certes, mais également de mettre en place un système ou un mécanisme quelconque, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du FMI ou encore d'une initiative par un des pays membres. Nous pouvons tous mettre la main à la pâte parce que tous les pays participants ont des experts en matière de finance et veiller à ce que les autres pays disent la vérité sur ce qui se passe chez eux.

• 1115

C'est en fait la proposition qu'a présentée le Canada la semaine dernière et on peut se demander si les pays membres n'attendaient pas depuis longtemps que le Canada donne l'exemple. Cela a été très bien accueilli et notre pays et nos parlementaires canadiens peuvent se féliciter de ce qui s'est passé la semaine dernière. C'est le Canada qui en était à l'origine.

M. Paul Hellyer: N'abandonnez pas votre indépendance.

M. Tony Valeri: Je suis d'accord.

M. Paul Hellyer: Le meilleur exemple que vous puissiez donner au monde aujourd'hui, c'est de dire non, c'est de refuser d'abandonner tous nos pouvoirs au FMI, à l'OCDE ou à quiconque d'autre.

M. Tony Valeri: Certainement, et l'on a dit qu'il faudrait peut-être se pencher davantage sur l'expérience chilienne. Nous ne devons pas laisser le FMI contrôler les mouvements de capitaux. C'est bien ce qu'a dit le Canada.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

Merci encore beaucoup, monsieur Hellyer, de votre intervention.

M. Paul Hellyer: Merci à vous, monsieur.

Le président: Je rappellerai simplement aux membres du comité que la prochaine réunion aura lieu le mercredi 22 avril de 15 h 30 à 17 heures alors que nous traiterons des parties 4 et 7. De 19 heures à 20 h 30, nous nous occuperons de la partie 11. La réunion se tiendra à la salle 362 de l'édifice de l'Est.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête: Monsieur le président, est-ce qu'on va rencontrer les groupes dans l'ordre dans lequel ils apparaissent à l'ordre du jour, c'est-à-dire la Société canadienne du cancer et ensuite la bande indienne?

[Traduction]

Le président: Nous aurons d'abord la bande de Kamloops.

[Français]

M. Paul Crête: La bande en premier et ensuite la Société canadienne du cancer. Ce ne sont pas nécessairement les mêmes députés qui vont être là dans les deux cas, étant donné que ce sont des dossiers très différents.

[Traduction]

Le président: C'est la règle et c'est ce que l'on fera. La bande indienne passera d'abord.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Je voudrais simplement vous faire remarquer que nous nous réunissons mercredi soir. La plupart d'entre nous ont des étudiants du Forum des jeunes Canadiens à Ottawa le mercredi soir pendant quelques semaines. Si nous pouvions éviter de manquer ces rencontres avec nos électeurs, ce serait très apprécié.

Le président: D'accord.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Le président: Cela termine notre réunion. La séance est levée.