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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 4 mai 1998

• 1542

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Je souhaite à nouveau la bienvenue à tout le monde.

Comme vous le savez, notre ordre de renvoi concerne l'examen du projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposée au Parlement le 24 février 1998.

Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association parlementaire des étudiants des collèges communautaires de l'Ontario, soit Mme Cynthia Hilliard et M. Cameron Swimm. Vous disposez d'environ 15 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous ouvrirons la période des questions. Veuillez accepter nos excuses pour le retard. Je vous cède tout de suite la parole.

M. Cameron Swimm (président, Association parlementaire des étudiants des collèges communautaires de l'Ontario): Merci. Bonjour. Je m'appelle Cameron Swimm. Je suis président de l'APECCO, soit l'Association parlementaire des étudiants des collèges communautaires de l'Ontario.

L'APECCO est le porte-parole des étudiants des Collèges ontariens des arts appliqués et de la technologie. Je suis accompagné aujourd'hui de Cynthia Hilliard, directrice de l'Association. Nous sommes ravis d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous faire part de nos vues concernant le réseau de collèges ontariens et le budget déposé le 24 février 1998. Nous avons également des recommandations à faire au comité concernant le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposée au Parlement le 24 février 1998.

Les étudiants qui fréquentent les collèges ontariens ne sont pas représentés au niveau fédéral. Environ 55 p. 100 de tous les prêts consentis au Canada le sont à des étudiants qui fréquentent les collèges et universités de l'Ontario, dont environ la moitié étudie dans un collège.

Nous allons passer rapidement en revue les points que nous soulevons dans notre mémoire et nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

L'APECCO est consciente de la situation budgétaire fort difficile des gouvernements fédéral et provinciaux. Notre association reconnaît également qu'il y a de plus en plus d'étudiants et d'étudiants potentiels qui vont exiger l'accès aux 25 collèges ontariens.

Étant donné que l'enseignement qu'on y dispense est axé sur l'apprentissage appliqué, les collèges représentent un investissement que le gouvernement ne peut se permettre d'ignorer. Il convient au contraire de reconnaître que les collèges constituent un véhicule de croissance économique fort efficace au Canada.

De nos jours, les étudiants sont généralement plus âgés, ont déjà fait des études ou acquis une expérience professionnelle quelconque et, ce qui est encore plus important, ont des besoins en formation très précis. Les caractéristiques de notre population étudiante dans les collèges sont en train d'évoluer. L'âge moyen de l'étudiant collégial en Ontario est de 26 ans. Seulement 37 p. 100 des demandes d'admission faites auprès des collèges ontariens le sont par des étudiants du secondaire. En 1995, les étudiants adultes, c'est-à-dire âgés de 25 ans et plus représentaient 23 p. 100 de l'effectif des étudiants collégiaux à plein temps, et leur nombre continue à croître.

Les étudiants de première année sont plus âgés qu'ils ne l'étaient quand le réseau des collèges a été implanté en 1967. Comme les étudiants du niveau collégial sont plus âgés, ils ont des besoins complètement différents. Le profil changeant de la population ontarienne exige une certaine adaptation de la part de nos établissements scolaires.

• 1545

Bon nombre de nos étudiants dépendent d'emplois à plein temps et à temps partiel pour financer leurs études. Le nombre d'emplois d'été a diminué depuis la dernière récession, et selon les prévisions, les emplois perdus ne reviendront plus. En même temps, le coût des études a augmenté de bien plus que le taux d'inflation ces dernières années. Un étudiant sur deux travaille en même temps qu'il poursuit ses études collégiales. Cinquante-trois pour cent des étudiants nous disent qu'ils travaillent afin de pouvoir supporter les dépenses liées aux études collégiales.

Selon les statistiques du ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario, 55,6 p. 100 des étudiants fréquentant les collèges bénéficient d'une aide financière. Les collèges ontariens assurent l'accès aux études à 77 p. 100 de plus de parents seuls soutiens de famille et d'étudiants mariés que les universités ontariennes. De plus en plus de diplômés universitaires qui n'arrivent pas à trouver un emploi fréquentent un collège pour compléter leurs études antérieures. C'est bien la preuve que le type d'enseignement que dispensent les collèges revêt une importance critique pour la population active. Dans les entreprises, les personnes détenant un diplôme collégial sont de plus en plus considérées comme un atout.

L'APECCO s'inquiète des niveaux d'endettement croissants des étudiants du secteur de l'éducation postsecondaire. Si l'on examine l'information préparée par le ministère de l'Éducation et de la Formation concernant ce que ce dernier considère comme étant les coûts des études, on constate que les chiffres de 1996-1997 relatifs au programme ontarien d'aide financière aux étudiants indiquent que les étudiants du niveau collégial ont payé entre 78 p. 100 et 82 p. 100 de tous les coûts associés aux études.

Nous avons assisté à une augmentation en flèche des frais de scolarité des collèges. Au cours des 10 dernières années, ces frais ont augmenté de 26 p. 100, et au cours des cinq dernières années, de 64 p. 100. À l'heure actuelle, l'étudiant moyen au niveau collégial qui bénéficie d'aide financière sort d'un programme collégial de deux ans avec une dette de 14 000 $. Ce diplômé moyen gagne 24 000 $ par année. Nous avons donc assisté à une augmentation du nombre d'étudiants qui ne remboursent pas leurs prêts, et ce parce que l'aide financière qu'ils reçoivent ne comprend pas une bourse.

Le programme de prêts actuel prévoit certaines restrictions qui font que de nombreux étudiants qui font partie du réseau collégial ontarien poursuivent leurs études même si leurs besoins financiers restent insatisfaits. Le réseau collégial englobe environ 3 900 étudiants qui ont en moyenne besoin de 3 600 $. Cela donne un total de 14 millions de dollars.

De plus, environ 800 000 apprenants à temps partiel bénéficient de l'enseignement dispensé dans les collèges ontariens. Le Conseil du premier ministre de l'Ontario sur le renouveau économique a noté que c'est l'éducation permanente qui va permettre de rapprocher nos stratégies pédagogiques et économiques en prévision du XXIe siècle. Les étudiants à temps partiel seront admissibles aux bourses d'études du millénaire, de même qu'aux bourses à l'intention des étudiants avec personne à charge et aux nouveaux dégrèvements fiscaux. Voilà quelques années que les étudiants à temps partiel ne bénéficient d'aucune aide.

Les étudiants qui fréquentent les collègues communautaires ontariens insistent sur le fait qu'ils ont désespérément besoin d'un programme de prêts souple et réaliste. Tous les Canadiens profiteront d'une société bien instruite. Le gouvernement ne doit pas abandonner sa responsabilité en matière d'appui à l'éducation postsecondaire.

L'APECCO a chaudement félicité le gouvernement fédéral lorsqu'il s'est réengagé à soutenir l'éducation supérieure. Pendant son dernier mandat, le gouvernement libéral a réduit de façon massive les transferts aux provinces au titre de la santé et de l'éducation. Dans son budget déposé le 24 février 1998, le gouvernement a commencé à rectifier la situation en s'engageant à affecter 4,7 milliards de dollars d'argent frais à l'éducation supérieure au cours des quatre prochaines années. L'initiative la plus importante prévue au cours de cette période est la Fondation des bourses d'études du millénaire. Cette fondation disposera de 2,5 milliards de dollars pour attribuer quelque 100 000 bourses de 3 000 $ chacune en moyenne sur 10 ans à partir de l'an 2000.

Le gouvernement a déclaré que les bourses d'études seront attribuées en fonction du mérite et des besoins financiers des étudiants. Pour leur part, les étudiants espèrent que le besoin sera le principal critère. Surtout en Ontario, où les frais de scolarité sont élevés, les étudiants ont grandement besoin de ces fonds pour éviter que leurs niveaux d'endettement deviennent excessifs.

Cynthia va clore notre exposé en présentant nos recommandations.

Mme Cynthia Hilliard (directrice, Association parlementaire des étudiants des collèges communautaires de l'Ontario): Merci, Cameron.

En plus de ces quelques observations concernant l'éducation postsecondaire, et notamment l'enseignement collégial, l'APECCO désire vous faire les recommandations suivantes:

Étant donné que l'enseignement collégial est très différent de l'enseignement universitaire, que les étudiants dans ces deux milieux sont dans des situations différentes, et que les caractéristiques de la population estudiantine dans ces deux milieux sont également très différentes, il est essentiel que les deux milieux soient représentés au conseil d'administration, pour que le point de vue de l'un et de l'autre puisse être pris en compte.

Pour donner suite à cette recommandation, l'APECCO propose que l'alinéa 8(2)b) soit modifié pour se lire ainsi:

    six personnes qui sont au courant des préoccupations des étudiants et en mesure de les présenter, dont un étudiant qui fréquente un collège et un étudiant qui fréquente une université, nommées par le gouverneur en conseil sur la recommandation des ministres

et que l'alinéa 8(2)c) soit modifié pour se lire ainsi:

    huit personnes nommées par les membres en conformité avec les règlements administratifs de la Fondation, après que ces derniers auront pris les mesures raisonnables pour consulter les ministres provinciaux, de même que les représentants d'organisations de leur choix provenant du monde de l'éducation postsecondaire au Canada.

• 1550

De plus, nous recommandons que le paragraphe 12(1) soit modifié pour se lire ainsi:

    La Fondation compte 15 membres, dont un étudiant qui fréquente un collège, et un étudiant qui fréquente une université.

L'APECCO recommande que le mandat des étudiants administrateurs soit de trois ans. Dans bon nombre de cas, les étudiants qui fréquentent un collègue suivent un programme d'une durée maximale de trois ans. Si la durée du mandat dépasse trois ans, il pourrait arriver qu'un étudiant administrateur occupe ce poste alors qu'il n'étudie plus. Pour donner suite à cette recommandation, l'APECCO propose que le paragraphe 9(1) soit modifié pour se lire ainsi:

    Sous réserve du paragraphe (3), le président et les administrateurs nommés en vertu de l'alinéa 8(2)b), à l'exception des étudiants administrateurs, sont nommés à titre amovible pour des mandats respectifs de cinq ans. Toutefois, leur mandat se prolonge jusqu'à la nomination de leur remplaçant, à moins qu'ils ne cessent d'être administrateur au titre du paragraphe (6).

Nous recommandons également l'adjonction d'un nouvel alinéa, qui serait l'alinéa 9(1)b):

    Sous réserve du paragraphe (3), les étudiants administrateurs nommés en vertu de l'alinéa 8(2)b) sont nommés à titre amovible pour des mandats respectifs de trois ans. Toutefois, leur mandat se prolonge jusqu'à la nomination de leur remplaçant, à moins qu'ils ne cessent d'être administrateurs au titre du paragraphe (6).

De plus, nous recommandons que le paragraphe 13(1) soit modifié pour se lire ainsi:

    Sous réserve du paragraphe (2), les membres, à l'exception des étudiants administrateurs, sont nommés pour des mandats respectifs de cinq ans. Toutefois, ils peuvent faire l'objet d'une révocation par résolution extraordinaire des membres auquel cas, sauf s'ils cessent d'être membres au titre du paragraphe (5), leur mandat prend fin à la nomination de leur remplaçant.

Nous avons également d'autres amendements à proposer pour permettre de donner suite à cette recommandation. Le premier concerne le paragraphe 13(2), qui devrait être modifié pour se lire ainsi:

    Cinq des membres nommés en vertu des paragraphes 12(2) et (4), à l'exception des étudiants administrateurs, sont nommés pour des mandats de six ans, cinq le sont pour des mandats de cinq ans et cinq le sont pour des mandats de quatre ans. Toutefois, leur mandat se prolonge jusqu'à la nomination de leur remplaçant, à moins qu'ils ne cessent d'être membres au titre du paragraphe (5).

Nous recommandons également l'adjonction du paragraphe 13(2)b) qui suit:

    Les étudiants administrateurs nommés en vertu des paragraphes 12(2) et (4) sont nommés pour des mandats de trois ans. Toutefois, leur mandat se prolonge jusqu'à la nomination de leur remplaçant, à moins qu'ils ne cessent d'être membres au titre du paragraphe (5).

L'APECCO est d'accord avec les nombreuses observations faites par d'autres groupes d'intervenants qui ont comparu devant le comité. Comme l'Alliance canadienne des associations étudiante, qui vous a fait une proposition à ce sujet, l'APECCO estime que l'amendement suivant s'impose, parce que les administrateurs doivent non seulement posséder les connaissances nécessaires concernant le monde de l'éducation postsecondaire et les besoins de l'économie canadienne, mais également les connaissances nécessaires en ce qui concerne l'aide financière aux étudiants. Pour donner suite à cette recommandation, l'APECCO propose que l'alinéa 10a) soit modifié pour se lire ainsi:

    les administrateurs [...] sont en outre choisis de manière à ce que le conseil possède les connaissances nécessaires concernant le monde de l'éducation postsecondaire, l'aide financière aux étudiants et les besoins de l'économie canadienne;

L'Association est également d'accord avec l'Alliance canadienne des associations étudiantes en ce qui concerne la nécessité pour la Fondation de pouvoir attribuer des bourses pour réduire les niveaux d'endettement des étudiants, même si les étudiants concernés ont déjà terminé leurs études. Pour donner suite à cette recommandation, l'APECCO propose l'adjonction du paragraphe suivant, soit 28(2):

    Si elle le juge appropriée, la Fondation peut octroyer des bourses d'études pour des fins de réduction de dettes, même si les intéressés ont terminé leurs études.

Cette dernière recommandation fait suite à nos observations concernant l'importance de l'éducation permanente.

L'APECCO estime par ailleurs que le paragraphe 30(2) devrait être modifié pour se lire ainsi:

    Le nombre maximal de mois d'études pour lesquels une personne qui poursuit des études à temps plein peut recevoir des bourses d'études est de 40 mois. Les mois d'études n'ont pas à être consécutifs.

Nous comprenons que votre tâche n'est pas nécessairement facile et nous sommes ravis d'avoir eu cette occasion de vous faire part de nos vues sur la question. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Hilliard et monsieur Swimm. Vous nous avez fait des recommandations très précises, et nous vous en remercions.

Nous ouvrons immédiatement la période des questions. Monsieur Harris, vous avez la parole.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): J'ai quelques brèves questions. D'abord, permettez-moi de vous remercier pour votre présence. J'ai beaucoup aimé votre exposé.

Existe-t-il une association canadienne représentant les étudiants des collèges communautaires?

Mme Cynthia Hilliard: Non.

M. Dick Harris: Ah, bon? Très bien.

Vous demandez essentiellement à jouer un rôle au sein de la Fondation pour représenter les étudiants des collèges communautaires.

Mme Cynthia Hilliard: Nous demandons qu'un étudiant qui fréquente un collège et un étudiant qui fréquente une université soient membres du conseil d'administration.

• 1555

M. Dick Harris: Je crois savoir, d'ailleurs, que le groupe qui représente les étudiants des universités a présenté une recommandation semblable en leur nom.

Le président: C'est exact.

M. Dick Harris: Ils voulaient participer à nos audiences pour présenter leur point de vue.

Je dois vous dire en toute sincérité que votre idée me semble très intéressante, car après tout, si ce projet de loi est adopté, c'est vous qui voudrez vous assurer que ces fonds seront administrés de la façon la plus efficace possible et que ceux qui en ont le plus besoin vont y accéder.

Je n'ai pas vraiment de questions à poser. Votre exposé était très complet. J'appuie ces recommandations, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Harris.

[Français]

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Vos recommandations sont assez claires et elles tiennent compte des mêmes éléments qu'on soulevés différents groupes que nous avons entendus. Plusieurs recommandations relatives à la notion de mérite et à la sélection des membres du conseil d'administration se ressemblent. Les gens se montrent inquiets à savoir si les gens du milieu seront représentés. Ce matin, nous entendions justement des représentants de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.

Je viens du Québec où nous avons une situation assez particulière. Nous ne sommes pas très heureux face au Fonds des bourses du millénaire parce que nous avons un des meilleurs systèmes d'éducation, de financement de prêts et bourses et d'aide aux étudiants. Est-ce que vous seriez d'accord que le Québec ait droit à la pleine compensation puisqu'il a déjà un système de prêts et bourses et qu'une structure est déjà place? Plusieurs fédérations, dont la Fédération étudiante collégiale du Québec et la Fédération étudiante universitaire du Québec, sont venues dire qu'elles étaient d'accord sur la position du Québec, à savoir qu'on donne au Québec les sommes d'argent qui seraient allouées pour le Fonds des bourses du millénaire afin qu'il puisse les gérer et en allouer une partie à l'encadrement et une autre aux dans les bourses. Est-ce que vous seriez d'accord que le Québec obtienne cette compensation-là?

C'est une grosse question.

[Traduction]

Mme Cynthia Hilliard: Notre position à cet égard est la suivante: si le projet de loi est modifié pour donner suite à nos recommandations, nous serions en faveur de son adoption dans sa forme actuelle.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Si on adopte ce projet de loi, la Fondation ne pourra pas déléguer de pouvoirs à une province qui voudrait assumer la gestion de sa fondation. Différents groupes nous ont dit craindre que l'administration coûte trop cher. On craint les dédoublements et les chevauchements qui pourraient survenir dans certaines provinces, comme au Québec où une structure est déjà en place.

Si l'objectif est d'aider les étudiants qui sont dans le besoin, eh bien, au Québec, les étudiants sont moins endettés parce que les coûts de l'éducation sont moindres en raison du gel des frais de scolarité. C'est pourquoi nous jugeons important d'être capables de gérer à bon escient les fonds des bourses du millénaire. Est-ce que vous êtes au courant de la façon dont fonctionne le système d'allocation de prêts et bourses au Québec?

[Traduction]

Mme Cynthia Hilliard: Oui, et je comprends ce que vous me dites. Mais nous représentons les étudiants des collèges de l'Ontario, et il ne nous appartient donc pas de parler pour ces autres groupes. Je crois comprendre que ces derniers ont déjà comparu devant le comité pour présenter eux-mêmes leur position sur la question.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: On voit que la sagesse n'est pas aux aînés, mais aux jeunes.

[Traduction]

Le président: Ne vous sentez pas obligée de répondre aux questions. C'est justement pour ça qu'on a la période des questions à la Chambre des communes.

Nous allons passer maintenant à Mme Redman, car je crois qu'elle a une question à vous poser.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): C'est exact. Merci.

J'apprécie beaucoup le fait que vous vous soyez attardée sur les détails du projet de loi. Merci infiniment.

Je voudrais vous poser une question au sujet de ce que vous dites à la page 5, où il est question de réduction des dettes d'étudiants même après qu'ils ont terminé leurs études. Pourriez- vous me donner quelques précisions à ce sujet?

• 1600

Mme Cynthis Hilliard: Pour vous expliquer ce qui nous a motivé à faire cette recommandation, il convient de vous dire tout d'abord que le nombre d'étudiants du réseau collégial qui ne remboursent pas leurs prêts monte en flèche. Cette année marque la deuxième année où les diplômés collégiaux auront dû se passer de bourses, et nous avons encore deux ans à patienter avant que la Fondation des bourses d'études du millénaire ne soient en place. Nous souhaitons que la Fondation ait la possibilité d'attribuer des bourses pour cette raison-là, si elle le juge appropriée. Pour nous, c'est un objectif suffisamment important pour qu'on en fasse mention ici, bien que certains estiment que le libellé actuel n'empêcherait pas la Fondation de prendre une telle décision. Nous souhaitons simplement une formulation un peu plus énergique.

Mme Karen Redman: Je comprends que vous vous intéressez surtout aux bourses d'études du millénaire, mais ce budget comporte d'autres mesures qui auront des effets très positifs sur le secteur de l'éducation qu'il ne faut pas négliger.

Vous attachez beaucoup d'importance à l'éducation permanente, et à mon avis, le gouvernement actuel a justement élaboré tout un train de mesures destinées à aider les personnes qui doivent retourner aux études, aux collèges communautaires ou ailleurs, parce qu'elles ont perdu leur emploi ou ont dû changer de carrière.

Mme Cynthia Hilliard: Nous avons éliminé cette partie de notre exposé pour qu'il soit moins long.

Des voix: Oh, oh.

Mme Karen Redman: Écoutez, si vous voulez en parler maintenant, nous serions très heureux de connaître votre opinion à ce sujet.

Le président: Justement je me posais la question. C'était un exposé très concis et je l'ai trouvé excellent.

Mme Cynthia Hilliard: Nous avons dû en éliminer certaines parties, parce que notre texte était très long.

Si je peux essayer de résumer notre position, nous sommes parfaitement au courant de toutes les mesures annoncées dans le budget: l'élargissement des mesures d'allégement des intérêts—par exemple, la décision du gouvernement d'assumer tout ou une partie des intérêts, pour une période maximale de 30 mois, sur les prêts des étudiants qui sont dans l'impossibilité de faire leurs versements; la prolongation de la période, suivant l'obtention d'un diplôme, pendant laquelle aucun intérêt n'est payable, cette période passant de cinq ans à sept ans; et les bourses qu'ils pourront demander.

À notre avis, c'est une approche intelligente—c'est-à-dire d'accorder des bourses d'abord et avant tout aux étudiants qui en ont le plus besoin. En tenant compte de l'importance de la dette et du revenu de l'intéressé, le gouvernement garantit que le programme d'aide financière aux étudiants sera à la fois plus juste et plus efficace.

Pour ce qui est des mesures fiscales, nous sommes d'avis que les étudiants vont en bénéficier aussi. Pour la première fois, les intérêts versés au titre d'un prêt d'étudiant seront déductibles de l'impôt, comme c'est actuellement le cas pour les prêts commerciaux. Les crédits d'impôt pour études seront désormais plus élevés et pourront être reportés prospectivement sur cinq ans afin que les étudiants dont le revenu actuel est trop peu élevé puisse en profiter. De plus, les crédits d'impôt bénéficieront désormais aux étudiants à temps partiel.

Les étudiants sont très satisfaits de la décision du gouvernement de prévoir de nouvelles mesures à l'intention de ceux qui font des études à temps partiel. Les étudiants à temps partiel seront admissibles aux bourses d'études du millénaire, de même qu'aux bourses à l'intention des étudiants qui ont des personnes à charge—il s'agit de nouveaux allégements fiscaux. Les étudiants à temps partiel ne bénéficient d'aucune aide particulière depuis plusieurs années, de sorte que le nombre de personnes qui font des études à temps partiel est à la baisse. Ces nouvelles mesures seront donc extrêmement utiles.

Nous avons également noté que les mesures budgétaires allègent les pressions qui s'exercent sur les provinces. Les bourses que recevront les étudiants, y compris les bourses d'études du millénaire seront défalquées de leurs prêts. Ainsi les étudiants sont avantagés, puisqu'ils n'auront pas à rembourser cette partie- là de l'aide financière qui leur est accordée, et les provinces seront également avantagées puisqu'elles vont faire des économies du côté des prêts d'étudiants. À notre avis, ce progrès devrait leur permettre d'investir davantage dans des mesures visant à alléger les dettes des étudiants, c'est-à-dire des mesures semblables à celles que vient d'instituer le gouvernement fédéral.

Voilà donc pour la section que nous avons éliminée.

Mme Karen Redman: Très bien. J'ai juste un dernier commentaire. Je comprends très bien que vous ayez voulu vous concentrer sur la question qui vous semblait la plus importante, mais je suis contente d'avoir pu entendre vos commentaires sur les autres mesures, car même si la Fondation des bourses d'études du millénaire était le pivot du budget en quelque sorte, d'autres mesures ont également été annoncées par le gouvernement pour aider les étudiants.

Mme Cynthia Hilliard: En fait, on pourrait vous remettre une copie d'un bulletin qui a été distribué à tous les étudiants qui font actuellement partie du réseau. Il explique les mesures annoncées par la province et tout récemment, par le gouvernement fédéral.

Mme Karen Redman: Parfait. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Redman.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je n'avais pas encore terminé.

[Traduction]

Le président: Vous avez une autre question à poser?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Vous sembliez vous réjouir du fait que les étudiants à temps partiel pourront profiter de ces bourses. J'ai l'impression que vous êtes probablement collée à la réalité de l'Ontario pour adopter cette orientation. Les représentants de la Fédération des étudiants et étudiantes du Québec nous ont dit qu'ils étaient plus ou moins d'accord sur les bourses pour les étudiants à temps partiel. Ils ne sont pas contre le principe des bourses, mais ils veulent qu'on tienne compte du fait que les étudiants obtiennent déjà des prêts. Je respecte votre opinion, si c'est ce que vous souhaitez pour l'Ontario. Mais au Québec, les étudiants semblaient dire que ça créerait deux catégories ou deux façons de faire. Le Québec a déjà un système de prêts et bourses et les bourses du millénaire viendraient un peu contrecarrer les orientations du Québec.

Vous n'avez pas la même façon de financer le système de prêts et bourses en Ontario ou d'administrer les bourses des étudiants à temps partiel. Quelle est la différence entre l'Ontario et le Québec?

• 1605

[Traduction]

Mme Cynthia Hilliard: Je peux évidemment vous parler de la situation en Ontario. En fait, au cours de la dernière année, un certain nombre de changements ont été apportés à la portion ontarienne du programme des prêts aux étudiants. Par suite de ces changements, les étudiants à temps partiel n'auront plus du tout droit aux prêts aux étudiants en Ontario. Ils auront droit uniquement à la portion fédérale du programme des prêts aux étudiants, qui prévoit un maximum de 4 000 $. Jusqu'à présent ils n'ont pas pu y accéder, mais ils pourront désormais demander des bourses special opportunity, entre autres. Donc, pour les étudiants ontariens, le fait qu'on offre maintenant de nouvelles possibilités aux étudiants à temps partiel constitue vraiment un grand progrès.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je voudrais vous poser une dernière question.

[Traduction]

Le président: Je pensais que celle-là était votre dernière question.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Non, j'avais dit que j'avais deux courtes questions.

On sait qu'on a subi d'importantes compressions budgétaires au niveau du Transfert social canadien et qu'elles ont eu un impact sur les services d'éducation, de santé et de sécurité du revenu. Si on vous le proposait, accepteriez-vous qu'on ne crée pas le Fonds des bourses du millénaire, mais qu'on récupère plutôt ces sommes pour les remettre aux provinces dans le cadre du Transfert social canadien, comme les premiers ministres provinciaux l'ont demandé au premier ministre du Canada lors de la conférence des premiers ministres, afin qu'elles puissent les réinvestir dans l'éducation, comme on veut le faire au Québec, selon les priorités qu'on croit être les meilleures?

[Traduction]

Mme Cynthia Hilliard: Nous voulons que ce soit les étudiants qui touchent cet argent. Le niveau d'endettement des étudiants du réseau collégial a beaucoup augmenté en Ontario, et si ces crédits étaient versés directement aux gouvernements par le biais des paiements de transfert, il n'est pas certain que ce soit les étudiants qui en profitent, ni que leurs niveaux d'endettement diminuent.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Donc, c'est très réaliste face à votre milieu.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Permettez-moi donc de vous remercie au nom de tous les membres du comité pour votre contribution. J'ai beaucoup apprécié votre exposé. Vous vous êtes concentrée sur l'essentiel. Je me joins donc à Mme Redman et aux autres membres pour vous féliciter pour un excellent exposé.

Mme Cynthia Hilliard: Merci.

M. Cameron Swimm: Merci.

Le président: Nous allons faire une pause d'une minute pour permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de s'installer.

• 1608




• 1611

Le président: Je rouvre la séance. Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins, soit Émile Vallée et Jean-Pierre Néron.

Bienvenue au Comité des finances. Comme vous le savez, vous disposez d'environ 10 ou 15 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous ouvrirons la période des questions en donnant tout d'abord la parole à Mme Gagnon. Vous avez la parole.

[Français]

M. Émile Vallée (conseiller juridique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Merci, messieurs et mesdames les députés. Au nom de la FTQ, nous tenons à vous remercier de nous avoir invités pour nous entendre sur cette importante question.

Avant d'aborder notre sujet principal, permettez-nous de nous présenter à ceux ou celles qui nous connaissent peu. La FTQ est la plus grande centrale syndicale au Québec, où elle représente quelque 480 000 membres oeuvrant dans tous les secteurs d'activités. La FTQ regroupe au Québec les membres des syndicats affiliés au Congrès du travail du Canada dans le reste du Canada.

Nous aimerions prendre quelques minutes pour vous parler de nos rapports avec le CTC. Cela vous aidera à mieux comprendre notre position. Nous vous présentons en quelque sorte nos lettres de créance sur la proposition de Fondation des bourses du millénaire.

Tel que mentionné, la FTQ représente les membres québécois des syndicats affiliés au CTC. Bien que nos syndicats fassent partie des mêmes structures que dans le reste du Canada et, dans certains cas, aux États-Unis et se soient développés de la même façon qu'ailleurs, des différences culturelles et sociologiques importantes sont apparues avec le temps. Pour une part, la FTQ, en tant qu'organisme de coordination et de représentation québécois, s'est vu confier par ses membres et ses syndicats, au cours des ans, des responsabilités plus importantes que les autres fédérations provinciales. C'est un peu comme l'ascendance du rôle du gouvernement du Québec auprès de la population.

Il va sans dire que ces développements ne se sont pas produits sans quelques frictions entre les deux centrales, le CTC ayant tendance naturellement à refléter une vision pancanadienne alors que la FTQ adoptait une perspective québécoise. Les dossiers communs étaient traités cas par cas, au hasard des circonstances politiques, sans direction générale. Ils traînaient parfois en longueur et se réglaient parfois dans l'amertume, chacun estimant que l'autre empiétait sur son territoire ou faisait fi de ses priorités, un peu comme nos gouvernements.

En 1993, les deux centrales ont convenu d'une nouvelle procédure d'accommodement et de partenariat. En vertu de ce protocole, le CTC reconnaît que la FTQ doit oeuvrer dans un contexte particulier, faisant face à un pluralisme syndical unique au pays, au sein d'une société dont les caractéristiques linguistiques, les aspirations culturelles et les politiques sont distinctes de celles des autres régions. C'est dans ce contexte qu'au fil des ans, la FTQ a été amenée à jouer un rôle différent de celui des autres fédérations provinciales.

Dans les faits, l'incarnation du CTC au Québec, c'est depuis longtemps la FTQ. En pratique, cela signifie que les questions soulevées au Québec qui, dans le reste du Canada sont normalement réglées au niveau du CTC, se règlent à la FTQ. Cela comprend également les questions de juridiction entre les syndicats, de conflits entre les syndicats lors de demandes de changement d'allégeance, de responsabilités des conseils locaux et régionaux du travail, de programmes d'éducation, etc.

En matière d'affaires internationales, la FTQ concentre ses activités sur les pays francophones et coopère avec le CTC dans les autres instances. Le président de la FTQ demeure un membre du comité exécutif du CTC et occupe un des deux sièges canadiens au comité exécutif de la Confédération internationale des syndicats libres, l'autre siège étant occupé par le président du CTC.

Lors des auditions, en novembre dernier, du Sous-comité sur le commerce, les différends commerciaux et les investissements internationaux portant sur l'Accord multilatéral sur l'investissement, le CTC a comparu et a parlé au nom de ses membres, y compris ceux du Québec. La FTQ avait été invitée mais a déféré le dossier au CTC.

Dans certaines matières, par ailleurs, les deux centrales prennent chacune position dans le meilleur intérêt de leurs membres. Ce fut le cas lors de l'étude du projet de loi C-19 pour modifier le Code canadien du travail. Les deux centrales ont comparu séparément devant le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.

• 1615

Il est évident que les politiques des deux centrales se rejoignent dans la plupart des dossiers, mais il arrive que nos orientations divergent. La signature de l'entente de 1993 n'a pas diminué les occasions de discorde, mais le climat a changé considérablement et c'est dans la confiance et le respect mutuel que les discussions se font entre les deux centrales.

Nous laisserons aux intervenants experts le soin de commenter les détails techniques du projet de loi. Voici quelques observations d'ordre général.

Le projet d'augmentation des bourses répond à un besoin réel des jeunes pour des raisons qui nous semblent évidentes:

- Le niveau moyen d'endettement des étudiants ayant complété un premier cycle d'études universitaires en 1996-1997 est très élevé, variant de 11 227 $ pour un étudiant québécois à 27 700 $ pour un étudiant de la Saskatchewan. Il est à noter que la dette la moins élevée après celle de l'étudiant québécois est celle de l'étudiant ontarien, qui s'élève à 17 181 $, soit 53 p. 100 de plus;

- Deuxièmement, les frais de scolarité ont augmenté considérablement au cours des dernières années, notamment en Ontario. Soulignons que ces hausses font suite aux coupures dans les transferts fédéraux aux provinces;

- Finalement, les besoins de formation des jeunes pour répondre aux exigences du marché du travail vont continuer de croître.

Par ailleurs, le projet de Fondation des bourses du millénaire ne constitue pas la seule façon d'aider financièrement les jeunes aux études. Le gouvernement canadien aurait pu tout aussi bien choisir d'augmenter ses transferts aux provinces pour leur permettre de réduire les frais de scolarité et améliorer leur régime de prêts et bourses.

Le projet de Fondation des bourses du millénaire constitue une intervention dans le domaine de l'éducation, un domaine de compétence exclusive des provinces. Certains seraient tentés de prétendre qu'aider les jeunes à choisir de poursuivre leurs études ne constitue pas une intervention dans le domaine de l'éducation. Pour nous, c'est jouer sur les mots. Le projet, s'il est appliqué tel que proposé, affectera le programme des prêts et bourses québécois, un programme faisant partie des services d'éducation du gouvernement du Québec. De plus, dans la mesure où le programme sera un succès en encourageant plus de jeunes à continuer leurs études, il amènera une augmentation de la demande des services éducationnels que devront fournir les provinces.

De prime abord, nous n'aimons pas que le gouvernement canadien intervienne dans le domaine de l'éducation. Mais s'il perçoit une lacune grave à corriger et qu'il en a les moyens, nous acceptons qu'il puisse le faire compte tenu de sa responsabilité de voir au bien-être général de l'ensemble des Canadiens et Canadiennes. Cela ne veut pas dire cependant que le gouvernement canadien puisse intervenir comme bon lui semble. À notre avis, il devrait faire preuve de respect envers les provinces et l'expertise qu'elles ont dans un domaine qu'elles administrent depuis longtemps. Il devrait aussi reconnaître le désir des contribuables de voir leurs gouvernements coordonner le plus efficacement possible les services qu'ils paient très cher plutôt que de les voir se chicaner. Le gouvernement canadien devrait consulter les provinces et s'entendre avec elles pour la mise en place d'un programme efficace qui tienne compte de leurs priorités et de leurs programmes existants.

Le projet de Fondation des bourses du millénaire tel que formulé actuellement dans le projet de loi C-36 illustre le manque de consultation et le manque de connaissance du gouvernement canadien à l'égard du régime québécois de prêts et bourses et des priorités québécoises en matière d'éducation. Ainsi, le coeur du projet consiste à créer une fondation dont la fonction principale sera de gérer un programme de bourses tout comme le ministère de l'Éducation du Québec. Comme le programme québécois est passablement complet, sa fondation sera placée dans une situation difficile: ou bien elle suivra le modèle québécois, auquel cas elle constituera un dédoublement coûteux et inutile, ou bien elle suivra un modèle différent, auquel cas elle ira à l'encontre des objectifs du régime québécois et causera un gaspillage de ressources dont les contribuables canadiens et québécois pourraient fort bien se passer.

Le programme québécois est le fruit d'un consensus entre le gouvernement du Québec et les organisations représentatives du monde de l'enseignement postsecondaire. La ministre responsable de son administration est imputable devant l'Assemblée nationale et la population québécoise.

• 1620

Sans présumer de la bonne foi des futurs administrateurs de la Fondation, ces derniers ne sont pas imputables aux contribuables qui l'auront financée. Est-il raisonnable que ces administrateurs puissent établir des priorités d'octroi de bourses qui passent outre les priorités que se seront données les représentants du monde postsecondaire québécois et le gouvernement du Québec? Nous croyons que non.

Nous estimons que le modèle de consultation et de concertation développé au Québec au cours des 20 dernières années pour créer des consensus et aider le gouvernement à mieux gouverner fonctionne bien et qu'il ne devrait pas être sujet à sanction par un groupe d'administrateurs non imputables aux contribuables québécois. Somme toute, le gouvernement canadien peut accroître son aide financière aux étudiants s'il le veut, mais il devrait le faire dans le cadre de programmes et de structures établies. Par structures établies, nous entendons le programme de prêts et bourses du Québec. Ce programme existe depuis près de 40 ans. Il n'est pas assez généreux à notre goût, faute de fonds suffisants, mais avec des déboursés de près de 800 millions de dollars, il dessert quelque 150 000 étudiants et étudiantes, et nous y tenons.

Une des raisons de cette fierté collective provient sans doute du fait que le Québec, par la voix de M. Lesage, en 1964, a dû exercer son droit de retrait avec compensation du programme canadien de prêts aux étudiants mis de l'avant par M. Pearson pour se donner le programme qui lui convenait.

La FTQ appuie la démarche du gouvernement du Québec.

La FTQ vous demande d'insister auprès du gouvernement canadien, en modifiant le projet de loi à cet effet, pour qu'il signe un accord avec le Québec reconnaissant, comme MM. Lesage et Pearson l'avaient convenu en 1964, le droit de retrait du Québec avec juste compensation. Il nous semble impératif qu'un tel accord soit signé avant l'adoption du projet de loi. Nous estimons en effet que, si les négociations devaient traîner en longueur, elles viendraient empoisonner les relations Québec-Ottawa, tout comme le dossier du transfert des programmes de main-d'oeuvre l'a fait pendant près de huit ans.

Nous suggérons fortement au gouvernement canadien de bien mesurer ses actions dans le dossier des bourses du millénaire. Nous observons actuellement au Québec le début d'un consensus similaire à celui qui s'est développé dans le domaine la main-d'oeuvre. Si le gouvernement canadien persiste à refuser de reconnaître le droit de retrait du Québec avec compensation en lieu et place des activités de la Fondation au Québec, il va sans doute faire face à une levée de boucliers sur cette question tant et aussi longtemps qu'il ne l'aura pas réglée. Dans une telle éventualité, la FTQ ne restera pas inactive.

Nous sommes convaincus que la population canadienne et québécoise ne veut pas d'une autre chicane comme dans le dossier de la main-d'oeuvre. Merci.

Le président: Merci, monsieur Vallée.

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Merci. Il me fait plaisir de vous entendre aujourd'hui. Vous allez peut-être convaincre le comité, justement, du consensus qui se fait au Québec sur la Fondation des bourses du millénaires. Comme vous le disiez, ce dossier est pour le Québec aussi symbolique que le dossier du transfert de la main-d'oeuvre. Si le comité ne recommande pas au gouvernement de modifier le projet de loi, beaucoup de gens au Québec seront déçus, et ce sera une preuve que le gouvernement fédéral n'est pas flexible et n'entend pas les revendications du Québec. On a beau adopter de belles motions à la Chambre des communes sur la société distincte, dans les faits, quand vient le temps de poser un geste concret, on nous prouve le contraire.

Je suis donc contente de vous entendre aujourd'hui parce que cela nous donne des munitions pour essayer de convaincre le comité. Nous ne parlons pas du problème de fond parce que de nombreux témoins nous ont dit leur inquiétude par rapport à la bourse au mérite. Pour nous, nous parlons plus d'un problème de forme et nous voudrions obtenir le retrait du gouvernement du Québec avec pleine compensation.

Il nous est un peu difficile de vous poser des questions parce que nous sommes presque d'accord, mais j'aimerais vous demander combien cela coûterait. Nous voulons aider les étudiants. Même avec l'objectif de ce projet de loi, on n'aiderait pas au maximum les étudiants au Québec, parce qu'il faudrait payer le dédoublement des deux structures administratives qui seraient mises en place. Avez-vous calculé combien de bourses on aurait en moins au Québec à cause du dédoublement et du chevauchement des deux structures qui seraient mises en place par la Fondation des bourses du millénaire?

• 1625

M. Émile Vallée: Non, nous n'avons pas fait le calcul.

Mme Christiane Gagnon: Nous en avons fait un rapidement. S'il est entendu que les frais de gestion compteraient pour 5 p. 100 du montant, c'est 1 000 bourses de moins qui seraient mises à la disposition des étudiants du Québec.

Vous avez aussi déclaré que vous préférez la solution du rétablissement des paiements de transfert social. Plusieurs témoins du Québec sont venus nous dire la même chose.

On sait aussi qu'au Québec, les priorités sont axées sur le décrochage et sur l'encadrement des étudiants. Nous ne sommes pas contre les étudiants, mais si on ne les aide pas à la base, par de l'encadrement et par le gel des frais de scolarité, il y aura un impact sérieux qui viendra déséquilibrer le système qu'on a mis en place au Québec. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?

M. Émile Vallée: Absolument. Pour nous, pour le Québec, il aurait été plus avantageux que les sommes allouées en vertu du Transfert social canadien soient augmentés. À ce moment-là, le gouvernement du Québec aurait pu allouer ces sommes d'argent aux priorités qu'il détermine.

Maintenant, nous disons aussi que si le gouvernement canadien choisit une autre façon de faire les choses, c'est très bien, mais il doit respecter quand même une priorité importante, soit ce qui a été fait au Québec depuis plus de 30 ans dans ce domaine-là. Il est inutile de recommencer à zéro, de mettre en place un nouveau système pour concurrencer ou même compléter un système qui existe déjà. On trouve que sur le plan strictement financier, cela n'a pas beaucoup de sens.

Mme Christiane Gagnon: Êtes-vous quelque peu au courant de l'augmentation qu'aurait pu consentir le Québec en aide aux étudiants depuis 1990, depuis que les établissements perdent de l'aide financière à cause des coupures faites par le fédéral?

M. Jean-Pierre Néron (conseiller juridique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Je peux vous en parler un peu. Je siège à un comité d'aide financière aux étudiants et j'ai l'occasion de voir la situation dans laquelle sont les étudiants. C'est évident que le besoin est important. Ici, on parle de 11 000 $ en moyenne, mais il y a des gens âgés de 25 ans qui débutent dans la vie avec une hypothèque de 30 000 $ ou de 40 000 $. Ce sont des sommes considérables qui obligent à intervenir.

Comme l'a dit M. Vallée, on aurait effectivement souhaité qu'il s'effectue un transfert d'argent. Ç'aurait été la chose la plus simple à faire. Si ce n'est pas ce qui se fait, je pense que des aménagements sont possibles pour que le fédéral conserve la visibilité qu'il souhaite dans ce programme et que le Québec conserve sa pleine juridiction dans le domaine. Je pense que c'est aménageable.

Mme Christiane Gagnon: Si, par exemple, le fédéral ne fait pas montre de bonne volonté dans ce dossier, est-ce que cela aura un impact négatif sur l'interprétation que va donner la population de cette affaire, et non seulement sur celle des centrales syndicales? Le vent est vraiment à la décentralisation et au Transfert social canadien. L'impact sur le fédéral et sur sa prétendue flexibilité ne serait-il pas négatif?

M. Émile Vallée: On a fait un rapprochement avec le dossier de la main-d'oeuvre. Dans notre esprit, si ce dossier-ci n'est pas réglé, on risque de se retrouver dans une situation semblable à celle de la main-d'oeuvre. Je pense qu'on peut voir déjà—il me semble l'avoir vu—que l'Association des manufacturiers et des exportateurs du Québec a fait une présentation appuyant la position du Québec. Comme on l'a mentionné, de plus en plus de groupes estiment que la Fondation ne devrait pas être mise en opération au Québec et qu'il devrait y avoir entente entre les deux paliers de gouvernement.

Je veux ajouter qu'il y a quand même une grande différence avec le dossier de la main-d'oeuvre. Dans le dossier de la main-d'oeuvre, le gouvernement fédéral parlait de transférer au Québec des programmes qui existaient au Québec depuis longtemps et que le fédéral administrait. Alors, il y avait déjà une expertise portant sur les programmes en place au niveau du gouvernement fédéral.

Dans ce dossier-ci, le gouvernement fédéral n'administre, à ma connaissance, aucun programme de prêts et bourses au Québec. Donc l'expertise n'est pas là. On ne lui demande pas de mettre de côté ou de donner quelque chose d'existant.

• 1630

Ce qui existe déjà est au Québec. Alors, pourquoi recommencer? Il me semble que l'argument, dans le fond, est assez simple.

Mme Christiane Gagnon: J'aurais une dernière question. C'est que vous avez touché un point sensible. Depuis le début, j'entends des témoins apporter des appuis indiscutables à la position du Québec. C'est le cas de l'Association des manufacturiers et des exportateurs du Canada ainsi que de l'association des contribuables. Elles sont venues nous dire qu'elles commençaient à être plutôt mal à l'aise devant l'attitude du gouvernement fédéral et sa volonté d'empiétement.

D'ailleurs, les provinces auraient peut-être avantage à emprunter certaines bonnes idées au Québec pour les mettre en application chez elles. Ce n'est pas parce que nous avons instauré quelque chose de bien qu'il faudrait aujourd'hui s'en trouver pénalisés.

Il y a aussi des étudiants qui viennent nous dire qu'ils se sentent un peu gênés et intimidés. C'est sûr que l'analyse du système des prêts et bourses dans d'autres provinces révèle que la réalité n'est pas la même là qu'au Québec, mais ces provinces ne se sentiraient pas du tout frustrées si le gouvernement du Canada, à la suite des négociations qui se déroulent actuellement et que nous espérons honnêtes, en venait à donner suite aux revendications du Québec.

On sent certains groupes un peu intimidés par la situation. Ils font partie d'associations canadiennes et, en même temps, sont bien conscients de ce qui se passe au Québec. Dans votre mémoire, vous avez très bien expliqué la situation qui existe entre le CTC et la FTQ. C'est ce que nous vivons ici relativement aux associations canadiennes. Quand on les rencontre et qu'on parle du Québec, il y a des gens qui commencent à nous entendre un peu plus. Nous avons moins l'air d'illuminés comme au tout début, en 1993. Quand le Bloc québécois parlait des revendications du Québec, on pensait que c'était des petites associations marginales. Actuellement, certaines associations pancanadiennes, en dehors du domaine politique, commencent à trouver que le gouvernement fédéral fait preuve de mauvaise foi. Dans ce dossier-là, je pense qu'on est de très mauvaise foi vis-à-vis du Québec.

[Traduction]

Le président: C'était surtout un commentaire, n'est-ce pas? Je pense que vous avez réussi à tout dire; c'est bien.

[Français]

Des voix: Ah, Ah!

Mme Christiane Gagnon: C'est parfait.

[Traduction]

Le président: Madame Torsney, suivie de M. Szabo.

[Français]

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur Néron, quel est votre travail?

M. Jean-Pierre Néron: Je suis avocat à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Voulez-vous savoir cela par rapport à l'intervention que j'ai faite tout à l'heure?

Mme Paddy Torsney: Oui.

M. Jean-Pierre Néron: Je suis à la permanence syndicale de la FTQ. Je fais partie d'un comité consultatif pour la ministre de l'Éducation. Je siège comme membre d'un comité socio-économique pour conseiller les étudiants et les étudiantes qui sont en difficulté financière. À partir de cela, j'ai été à même de voir la situation financière que vivent les étudiants. Je pense que ce doit être la situation que vivent l'ensemble des Canadiens et Canadiennes. Je ne veux pas dire que celle des étudiants du Québec est particulière. Au départ, je pense que tout le monde s'accorde pour dire qu'il faut vraiment avoir de l'argent pour aider les jeunes. C'est clair.

Je me dis qu'il ne faut pas essayer de réinventer la roue tous les matins. Nous avons des structures et je pense qu'il faut essayer de faire cela le plus simplement possible.

Mme Paddy Torsney: J'ai posé la question parce cela m'intéressait. Vous avez dit que la situation des étudiants au Québec était très grave. Ils ont des dettes de 11 000 $. Pourtant, les autres représentants du gouvernement, des étudiants et des professeurs disent plutôt que la situation n'est pas très grave au Québec puisque l'endettement moyen n'est que de 11 000 $ et que la situation est plus grave dans les autres provinces de notre pays.

Par ailleurs, je crois que l'impact positif d'un montant de 3 000 $ pour un étudiant du Québec est plus important que pour un étudiant d'une autre province dont la dette est plus élevée. Donc, cette bourse avantage peut-être encore plus les étudiants du Québec.

M. Jean-Pierre Néron: Je vous ai dit que ces montants me semblaient très graves. Ils le semblent peut-être moins à d'autres. Peut-être est-ce dû à leur âge. Pour moi, qui vais avoir 52 ans, l'idée d'avoir eu à commencer ma vie professionnelle avec une telle hypothèque, à 20 ans, m'aurait effrayé. C'est en ce sens que je disais cela.

Je ne sais pas si, finalement, une somme de 3 000 $ a un plus grand impact à Québec qu'à Vancouver. Je ne le sais pas. Ce que je sais, c'est que ce sont des montants qui sont quand même assez considérables pour l'ensemble des gens.

• 1635

Mme Paddy Torsney: J'ai été moi-même un peu surprise quand les jeunes étudiants ont dit que 11 000  $, ce n'était pas très grave. C'est une grosse somme pour moi.

Est-ce que vous pensez qu'il soit possible, si les choses en restent comme elles sont dans le projet de loi actuel, que le gouvernement québécois utilise d'autre argent pour les édifices universitaires et collégiaux? Est-il préférable de conserver le système que nous proposons et qu'il utilise le reste de l'argent pour ces autres choses?

M. Émile Vallée: Il me semble que le gouvernement du Québec a annoncé que si les sommes étaient transférées, elles seraient utilisées en majeure partie pour les programmes de prêts et bourses. Il me semble que c'est déjà établi. L'idée n'est pas de prendre l'argent pour le mettre, comme vous dites, dans des édifices ou d'autres programmes. J'ai vu un document, une proposition du gouvernement du Québec au comité nommé par MM. Chrétien et Bouchard, qui disait clairement que les sommes d'argent seraient utilisées pour les étudiants et pour les prêts et bourses.

De la même façon, il a indiqué que la visibilité du gouvernement fédéral serait assurée et conforme au montant de ses contributions. Si l'argent vient du gouvernement fédéral, les jeunes devraient savoir qu'il vient de là. Mais il me semblait que cette position-là du gouvernement du Québec était déjà acquise.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Souhaitez-vous qu'une entente soit conclue juste avec le Québec, ou pensez-vous que le gouvernement devrait conclure 10 ententes avec les 10 provinces?

M. Émile Vallée: Il pourrait y avoir 10 ententes. Pour moi, il s'agit essentiellement de savoir ce qui convient le mieux aux étudiants des différentes provinces.

Si la situation en Ontario est différente de celle du Québec, il convient de prévoir pour cette province un traitement différent. Il ne faut pas lui imposer un certain régime simplement parce qu'on estime que ce dernier est plus commode et plus efficace. Nous ne demandons pas non plus qu'on accorde au Québec un traitement spécial. Si l'Ontario veut la même chose, parce que sa situation correspond à celle du Québec, très bien. Sinon, ce sera aux deux paliers de gouvernement de s'entendre.

Nous essayons de trouver un système qui aide vraiment les jeunes. C'est ça qui devrait être notre objectif ultime.

Mme Paddy Torsney: Et nous aussi.

M. Émile Vallée: Oui, j'en suis convaincu. Il y a peut-être un meilleur moyen que celui que propose le projet de loi.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

Le gouvernement fédéral envisage, comme en témoignent ses déclarations publiques, d'investir dans des programmes d'assurance- médicaments et de soins à domicile en vue d'améliorer l'état de santé des Canadiens. Êtes-vous en faveur de ce genre d'initiatives fédérales?

M. Émile Vallée: Oui, absolument. À mon avis, les Canadiens ont justement besoin d'un programme d'assurance-médicaments.

M. Paul Szabo: Je suis tout à fait d'accord, mais il y a un parallèle intéressant à faire ici. La prestation des soins médicaux relève des provinces. Estimez-vous que d'une certaine manière, le gouvernement fédéral participe directement à la prestation des soins de santé par l'entremise du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux?

On peut établir ce même parallèle avec la Fondation des bourses d'études du millénaire. Même si l'administration de l'éducation postsecondaire relève des provinces, le gouvernement fédéral examine diverses formules qui permettraient de l'améliorer.

Si je me permets de faire ce parallèle, c'est parce que je trouve intéressant que seuls les représentants de la province du Québec, si je ne m'abuse, sont venus dire devant le comité qu'il s'agit là d'une responsabilité provinciale et que le gouvernement fédéral ne devrait donc pas s'y mêler.

Cela dit, trouveriez-vous tout cela logique si je vous disais que le gouvernement veut créer la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire parce que toutes les provinces ne disposent pas de fonds de ce genre. Cette fondation va donc exister. Des mécanismes et règles appropriés seront établis et les fonds qui vont lui être accordés seront à la disposition de tous les étudiants canadiens.

• 1640

Pour éviter la possibilité de double emploi, étant donné que ce programme doit exister pour venir en aide aux autres Canadiens, et dans la mesure où un étudiant québécois qui en fait la demande reçoit une bourse du millénaire, on peut supposer que le programme qu'administre le Québec en tiendrait compte en déterminant l'accessibilité de ce même étudiant à d'autres formes d'aide.

Par conséquent, le fardeau que représente pour le gouvernement du Québec le programme actuellement en place s'en trouverait allégé, de sorte que la province disposerait de ressources plus importantes que cela n'aurait été le cas autrement. Autrement dit, la somme qui aurait été accordée à cet étudiant-là pourrait aider d'autres étudiants à la place.

En fin de compte, qu'on donne cet argent au gouvernement du Québec pour qu'il le distribue lui-même, ou qu'on le fasse par l'entremise de la Fondation, le résultat est le même. Le même nombre d'étudiants, sur une base proportionnelle, va bénéficier d'une aide financière, qu'elle passe par la Fondation des bourses d'études du millénaire ou par un programme semblable administré par le Québec.

M. Émile Vallée: J'ai trois remarques à faire. D'abord, nous n'avons jamais dit que le gouvernement fédéral ne devrait pas se mettre à attribuer des bourses. Pas du tout. À notre avis, si on juge important au Canada d'aider les jeunes, parce qu'ils n'ont pas des moyens suffisants, très bien. Nous sommes tout à fait d'accord pour que le gouvernement fédéral le fasse. Nous n'avons donc jamais dit que le fédéral ne devrait pas faire ce genre de chose.

Vous avez parlé de l'assurance-médicaments. Le parallèle que vous établissez avec l'assurance-médicaments n'est pas tout à fait approprié, sans être non plus tout à fait déplacé. C'est-à-dire que l'assurance-médicaments et les soins de santé en général relève de la responsabilité des provinces, mais en même temps, nous avons tous vu de quelle façon les administrations provinciales ont géré le dossier du système de santé au cours des années. À mon avis, nous n'aurions peut-être plus de régime de soins de santé au Canada si le gouvernement fédéral ne s'y était pas mêlé au milieu des années 60 en déclarant qu'il était essentiel d'avoir un régime national de soins de santé et qu'il convenait par conséquent de conclure une entente avec les provinces. Nous avons donc fini par obtenir un régime—c'est-à-dire pas un seul régime mais 10 régimes différents. Chaque province a commencé à participer au programme à un moment différent, selon ses besoins. De même, la couverture n'est pas la même d'une province à l'autre. Je viens de quitter l'Ontario pour m'installer au Québec, et c'est l'une des choses que j'ai remarquées. En Ontario, je pouvais me faire examiner les yeux gratuitement, mais au Québec, je dois payer cet examen. Il ne s'agit pas de différences énormes, mais ces différences existent.

Mais pour en revenir à votre proposition, vous dites que si l'étudiant québécois reçoit une bourse, le Québec ne sera pas obligé de lui en donner. Mais cela suppose deux administrations distinctes. Le régime québécois devrait continuer à administrer ses bourses, tout comme la Fondation devrait le faire au niveau fédéral. Chaque administration aurait à examiner les demandes des étudiants. Nous aurions deux régimes parallèles.

De plus, si l'étudiant reçoit une bourse de la fondation canadienne, qu'arrivera-t-il si le Québec décide de ne rien lui donner parce qu'il a déjà obtenu une bourse du gouvernement fédéral? Ce serait donner au gouvernement du Québec le mauvais rôle, puisque c'est lui qui refuserait d'accorder une bourse. À mon avis, il ne convient pas de mettre quelque administration provinciale que ce soit dans une telle position.

M. Paul Szabo: Merci.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Mme Gagnon va poser une dernière question.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Avant de poser ma question, je voudrais jeter un certain éclairage sur ce que vient de dire Mme Torsney du Parti libéral. Elle a dit tout à l'heure qu'au Québec qu'on n'était pas très préoccupés et qu'on ne voulait pas des bourses du millénaires. Or, ce n'est pas ce que nous voulons dire.

Les fédérations d'étudiants des collèges et des universités sont venus nous dire que que si l'argent était remis dans le Transfert social canadien, on donnerait priorité aux prêts et bourses et au système d'éducation. C'est un accord qui a été conclu entre le gouvernement du Québec et le milieu de l'enseignement.

On essaie de nous faire dire, en prenant seulement une toute petite part de nos explications, qu'au Québec on ne se préoccupe pas de l'endettement des étudiants. C'est tirer des conclusions hâtives à partir des interventions faites ici par les fédérations des étudiants des collèges et des universités du Québec. On a comparé l'endettement des étudiants du reste du Canada avec celui des étudiants du Québec.

• 1645

Je voulais préciser que si les étudiants du Québec sont moins endettés que ceux d'ailleurs, c'est parce que le gouvernement québécois leur donne davantage et que les frais de scolarité coûtent moins cher. On nous a dit également qu'on voulait continuer dans ce sens afin que tous les étudiants puissent bénéficier de coûts moins élevés et avoir ainsi plus facilement accès à l'éducation. C'est cela que les étudiants nous ont dit et non pas qu'une dette moyenne de 11 000 $ n'était pas importante.

Voici ma question. On place 2,5 milliards de dollars dans la Fondation des bourses du millénaire. Le vérificateur général du Canada a critiqué le fait que cette somme apparaisse comme dépense au budget de 1998. On sait à quel point il a été dur pour toute la population, dans l'ensemble du Canada et du Québec, de subir toutes les coupures du fédéral et le resserrement des critères d'admissibilité à l'assurance-emploi. Soudainement, on place une somme de 2,5 milliards de dollars dans une fondation qui n'aura d'effets tangibles que dans deux ans, pendant dix ans.

Donc, ce que je veux vous demander, c'est ce que vous pensez du fait que cette somme soit prise à même le budget de 1998. On aurait peut-être pu échelonner la dépense sur plusieurs budgets. N'oublions pas qu'on n'est même pas capable de consentir le transfert social habituel aux provinces. Alors, qu'en pensez-vous?

M. Émile Vallée: J'essaie de ramener cela, pour fins de comparaison, à une situation individuelle. Si je voulais acheter une maison et qu'on me mettait immédiatement toute la dette sur le dos, je ne serais pas en mesure de l'acheter. J'en répartis donc le coût sur un certain nombre d'années. Maintenant, je n'irai pas plus loin. Le problème est entre le gouvernement fédéral et le vérificateur général. Je ne pense pas que le but de notre intervention ait été d'intervenir sur cette question, à ce moment-ci. Nous avons notre opinion, mais je pense qu'il faudra la faire valoir en un autre lieu et à un autre moment.

[Traduction]

Le président: Merci infiniment.

Monsieur Vallée, Monsieur Néron, merci infiniment pour votre exposé et pour votre contribution à notre étude du projet de loi C-36.

La séance est levée jusqu'à 18 h 30.

• 1648




• 1838

Le président: Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous nos invités de ce soir.

Comme vous le savez, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du mardi 31 mars 1998, nous reprenons ce soir l'examen du projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 24 février 1998.

Nous accueillons ce soir les représentants du Conseil des présidents des collèges publics et des instituts techniques de l'Alberta, soit M. Doug MacRae, président du Collège Keyano et président sortant; et Margaret Hildebrand, directrice. Nous accueillons également Mme Robin Round, de Halifax Initiative, et John Trent, professeur de sciences politiques à l'Université d'Ottawa.

Bienvenue. Comme vous le savez, vous disposez d'environ 10 minutes pour faire votre exposé et ensuite nous allons ouvrir la période des questions.

Notre premier intervenant sera M. Doug MacRae.

M. Doug MacRae (membre, Conseil des présidents des collègues publics et des instituts techniques de l'Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président. Je désire tout d'abord remercier les membres du comité de l'occasion qui nous est donnée ce soir de présenter nos vues sur la question.

Comme vous venez de le dire, je représente ce soir le Conseil des présidents des collèges publics et des instituts techniques de l'Alberta. Ce conseil regroupe quelque 17 établissements desservant environ 250 000 étudiants chaque année qui suivent des cours à la fois à unité et sans unité. Nos établissements offrent une gamme complète de programmes.

Étant donné qu'il est assez tard et que vous avez déjà eu une journée bien chargée, je n'ai pas l'intention de lire le document qui fait partie des documents qu'on est en train de distribuer; je vais me contenter d'en présenter les points saillants.

Notre mémoire aborde la question de l'évolution de l'économie et des besoins en matière d'éducation. Nous parlons également des bienfaits de l'éducation, mais je ne pense pas avoir à vous convaincre de cela. Je voudrais par conséquent passer directement à notre réaction à la décision du gouvernement d'établir la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.

• 1840

Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris l'initiative de créer cette bourse. Le coût élevé de l'éducation postsecondaire a créé une véritable crise d'endettement pour de nombreux étudiants. Le facteur coût est également un élément dissuasif pour de nombreuses personnes qui envisagent de faire des études postsecondaires. Nous savons aussi qu'environ 40 p. 100 des étudiants qui font des études postsecondaires ont des prêts d'étudiants. Leurs prêts sont de l'ordre de 25 000 $ en moyenne. Un niveau d'endettement de cette importance décourage donc les personnes qui envisagent de faire ou de poursuivre des études postsecondaires.

D'autres initiatives ont été prises pour réduire les niveaux d'endettement des étudiants et réduire les obstacles financiers à l'éducation postsecondaire. Par exemple, en Alberta, nous venons de créer une bourse pour initiatives spéciales destinée justement à attaquer ce problème. Mais en ce qui nous concerne, les bourses d'études du millénaire sont les bienvenues.

D'ailleurs, les présidents membres de notre Conseil félicitent le gouvernement du Canada, au nom de leurs établissements, d'avoir reconnu la nécessité d'assurer une aide financière plus importante par l'entremise de bourses de ce genre. Notre Conseil est également ravi de constater que les étudiants à temps partiel seront désormais admissibles aux bourses et à différentes formes d'aide. Chaque année, les personnes optant pour les études à temps partiel augmentent en nombre. Le Conseil est également ravi de la décision d'inclure les étudiants inscrits à des programmes menant non seulement à un grade, mais à un certificat ou un diplôme. Normalement, les bourses de ce genre ne sont attribuées qu'aux étudiants inscrits à un programme menant à un grade. Mais les étudiants qui fréquentent les collèges communautaires ont également des besoins financiers pressants.

Nous sommes d'accord sur le principe selon lequel la majorité des fonds devraient être accordés aux personnes qui ont besoin d'aide financière et qui font la preuve de leur mérite. Nous sommes également d'accord avec la disposition prévoyant qu'une portion des crédits sera réservée aux personnes qui font la preuve d'un mérite exceptionnel, sans qu'elles aient besoin d'aide financière. Nous sommes également d'accord pour que les étudiants qui fréquentent un établissement situé à l'extérieur de la province de résidence soient admissibles. Le concept d'un plafond pour les bourses, de même que la durée de ces bourses, nous semblent tout à fait acceptables. Nous sommes également d'accord pour qu'on tienne compte des frais supplémentaires d'étudiants qui fréquentent des établissements situés en dehors de leur région ou province normale. C'est d'ailleurs particulièrement critique dans une province rurale comme l'Alberta. Nous sommes d'accord aussi pour que les critères d'attribution des bourses fassent l'objet de discussions avec les autorités provinciales. Et enfin, nous sommes en faveur de l'attribution équitable des bourses parmi toutes les différentes régions du Canada.

En terminant, au nom des 17 collèges et instituts de l'Alberta, je désire féliciter le gouvernement du Canada d'avoir mis sur pied un programme qui aidera les étudiants à réaliser leurs objectifs en matière d'éducation postsecondaire.

Pendant la période des questions, nous aurons certainement l'occasion de vous présenter le point de vue des étudiants à ce sujet. Nous en avons d'ailleurs longuement discuté avec nos étudiants, étant donné qu'il était peu probable que les étudiants albertains puissent venir eux-mêmes pour vous faire part de leurs vues sur la question. Merci.

Le président: Merci infiniment, monsieur MacRae et madame Hildebrand.

Nous passons maintenant à la représentante de la Halifax Initiative, Mme Robin Round. Bienvenue.

Mme Robin Round (Halifax Initiative): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir invité à comparaître devant vous ce soir.

Étant consciente, moi aussi, de la très longue journée que vous avez déjà eue, j'ai écourté mon exposé. Je vous encourage cependant à examiner le mémoire que je vous ai remis de même que la fiche d'information concernant la taxe Tobin.

La Halifax Initiative est une coalition d'une dizaine de groupes de défense de l'environnement, du développement et de la justice sociale et d'organismes confessionnels qui ont de graves préoccupations au sujet des politiques et pratiques des institutions financières internationales et oeuvre donc en faveur d'une réforme fondamentale de ces mêmes institutions. Je suis coordonnatrice de la Coalition.

Si je me présente devant vous ce soir, c'est parce que je trouve inquiétant qu'au moment même où le Parlement du Canada devrait être en train de débattre avec sérieux l'échec répété des politiques du Fonds monétaire international, on vous demande de voter des autorisations et des modifications législatives qui auront pour résultat de lui accorder plus de crédits, sans qu'on analyse la mesure dans laquelle il est justifié de les lui accorder.

L'adoption de ces mesures par le Parlement du Canada reviendrait à approuver le manque total de sagacité qui a caractérisé l'action du FMI face à la crise financière en Asie du Sud-Est et à soutenir, au plan financier et moral, la tentative du FMI pour exercer plus de contrôle sur les pays souverains, et ce sans que le public soit invité à examiner, à débattre, ou à commenter une telle ligne de conduite.

• 1845

Nous trouvons inadmissible que le Canada envisage d'accorder sans condition plus de crédits au FMI. Les pays membres du FMI n'ont que très peu de moyens de contrôler les mille économistes qui décident des conditions économiques de plus de 1,4 milliard de personnes dans plus de 75 pays en développement. L'argent demeure notre unique levier. De toute évidence, le FMI n'est pas sensible aux pressions morales, puisque nos efforts en ce sens au cours des années n'ont absolument rien donné.

Le Canada doit insister pour qu'on procède à une analyse et à une évaluation critique des raisons qui justifieraient que nous cotisions à l'une des institutions publiques les plus secrètes et antidémocratiques qui soient. Je vous exhorte donc à saisir cette occasion unique de stopper les changements que propose le projet de loi C-36 aux articles 125 à 133.

Je vous encourage vivement à insister pour qu'aucun crédit supplémentaire ne soit versé au FMI par le Canada en attendant que:

(1) l'incapacité du FMI de déterminer et de comprendre les causes directes de la crise en Asie du Sud-Est ait fait l'objet d'une évaluation exhaustive et indépendante et que ces politiques aient été modifiées conformément aux recommandations;

(2) la maladresse dont a fait preuve le FMI en menant les opérations de sauvetage en Thaïlande, en Corée du Sud et en Indonésie ait fait l'objet d'une évaluation exhaustive et indépendante et que ces politiques aient été modifiées conformément aux recommandations;

(3) le FMI puisse donner des assurances qu'il ne financera aucune autre opération de sauvetage tant que les créanciers ayant consenti des prêts inopportuns ne soient pénalisés;

(4) le FMI cesse d'essayer d'abolir les mécanismes permanents de contrôler les mouvements de capitaux internationaux;

(5) le FMI entreprenne des recherches sur les mesures de prudence qui s'imposent pour décourager les mouvements de capitaux spéculatifs et déstabilisateurs, y compris les taxes sur les transferts financiers et la taxe Tobin;

(6) que le FMI ne devienne un organisme tout à fait transparent et responsable devant ses pays membres et le public.

Le Canada a déjà accordé 1 milliard de dollars de prêts à la Corée du Sud, 500 millions de dollars à la Thaïlande, et 280 millions de dollars à l'Indonésie, dans le cadre de cette opération de sauvetage. Les changements que prévoit le projet de loi C-36 garantiront que le Canada continuera à verser des cotisations au FMI sans qu'on ait fait la moindre analyse critique de l'effet catalyseur de ses politiques pour ce qui est de créer de l'instabilité sur les marchés financiers mondiaux.

Au fur et à mesure que s'aggravent les effets négatifs de cette crise sur l'économie mondiale, l'économie canadienne, et la population d'Asie du Sud-Est, le refus de saisir une occasion rare d'insister pour que le FMI rende compte de ses échecs et réforme ses politiques et pratiques devient de plus en plus inconcevable.

Les membres du Comité des finances et les députés en général déplorent leur impuissance face au phénomène de la mondialisation. Vous êtes responsables de plusieurs milliards de dollars canadiens et le pouvoir de distribuer ces crédits relève de vous. Je vous implore donc de ne pas faire de chèque en blanc au FMI.

Merci.

Le président: Vous faites tous un effort de concision ce soir.

Merci infiniment pour cet exposé très précis.

Je cède maintenant la parole au professeur John Trent de l'Université d'Ottawa. Bienvenue.

M. John Trent (à titre particulier): Merci, monsieur le président.

Moi, aussi, je désire remercier le comité de m'avoir invité à comparaître ce soir, pour aborder tout particulièrement la question de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.

Malheureusement, à la différence de mes collègues de l'Alberta, je n'appuie pas cette initiative du gouvernement fédéral.

Je voudrais dire, d'entrée de jeu, que le gouvernement libéral, dirigé par le premier ministre Jean Chrétien, a généralement un bilan assez positif pour ce qui est de respecter l'attribution des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces et les principes du fédéralisme, un bilan qui lui a d'ailleurs valu plus de reconnaissance qu'il n'en a eue des provinces, des médias et du public.

Vu ce bilan positif, la décision du gouvernement fédéral d'anéantir ce bilan en recourant une fois de plus à son pouvoir de dépenser par l'entremise du projet de loi C-36 et en s'immisçant dans un domaine—l'éducation—qui relève des provinces par l'entremise de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Le projet de loi C-36 que propose le gouvernement fédéral constitue une attaque directe contre les principes du fédéralisme.

Mais si vous me permettez un peu d'excentricité, monsieur le président, du dehors on a l'impression qu'il s'agit là d'un petit stratagème politique concocté un soir par une bande de tacticiens de coulisse qui ont réussi à l'imposer au parti et au gouvernement. On les entend en train de faire leurs calculs: voilà ce qu'on peut faire pour montrer aux provinces qui commande et pour rehausser notre visibilité publique. Ceux qui comprennent que l'éducation supérieure est la clé du succès dans la lutte pour la compétitivité économique mondiale savent aussi que les gouvernements ont trop diminué le financement de ce secteur. Voilà donc qu'ils décident d'élaborer un programme de bourses massif pour que les provinces aient l'air pingres. Ils se frottent les mains en disant qu'ils ont le prétexte parfait pour célébrer le nouveau millénaire en faisant vibrer la corde patriotique; ils se disent que le premier ministre donnera vraiment l'impression de faire preuve de leadership, et que les provinces ne pourront pas l'attaquer. Elles savent, après tout, que c'est le fédéral qui a les gros sous, et évidemment, les étudiants, les parents et les collèges sont tous en faveur. Fantastique.

• 1850

Je suppose qu'en plus d'avoir entendu parler des sérieux problèmes d'endettement des diplômés d'universités et de leur gratitude pour toute mesure, quelle que soit sa source, qui permette d'alléger leurs difficultés financières, le comité a également entendu les arguments qui militent contre cette initiative: c'est trop peu, trop tard. Ces bourses ne seront accessibles qu'à un cinquième ou un sixième des étudiants. Tous les autres vont devoir continuer à supporter des frais de scolarité élevés de même que leurs frais de subsistance, les obligeant ainsi à s'endetter et, comme je l'observe à l'université où l'enseigne, à travailler de longues heures aux dépens de leurs études. De plus, ces bourses ne seront disponibles que dans trois ans, alors que les étudiants ont des besoins financiers pressants.

Cette fondation qu'on envisage de créer n'est ni efficace, ni rationnelle. Pour moi, c'est ça qui doit primer pour le comité. Si l'idée est de mettre l'accent sur l'excellence et le mérite, ce programme n'aidera pas ceux qui ont le plus pressant besoin d'aide financière, sans pour autant aider les étudiants à la fois compétents et défavorisés.

En outre, cette fondation fera double emploi avec les régimes provinciaux actuellement en place.

Les bourses d'études du millénaire vont concurrencer directement le programme québécois de prêts et de bourses qui, de l'avis de bien des gens, est un meilleur régime.

Enfin, la plupart des éditorialistes et chroniqueurs—du moins, ceux dont je lis les textes—ont déclaré que la création de cette fondation n'est qu'une vulgaire tentative pour galvaniser l'opinion publique mais elle est beaucoup trop subtile pour que le gouvernement devienne plus crédible aux yeux des citoyens.

Je n'ai pas l'intention de répéter tous ces arguments; je préfère m'attarder sur une seule question, à savoir que les bourses d'études du millénaire violent les principes du fédéralisme. Je veux que ma position soit claire: je ne suis pas contre l'idée d'attribuer des bourses aux étudiants qui ont besoin d'aide financière—Dieu sait que je vois suffisamment les conséquences de leurs problèmes de financement pour ne pas être contre. Mais à mon avis, l'objectif ultime du Comité des finances et du Parlement doit être de s'assurer que le programme des bourses cadre bien avec les besoins de nos institutions fédérales. Autrement, les coûts ne seront pas purement monétaires; c'est la viabilité même du pays qui risque d'en pâtir.

Monsieur le président, étant donné que je désire vous convaincre du bien-fondé de ma position—en tant que professeur, j'hésite toujours à dire que mon objectif est de convaincre mes interlocuteurs, au lieu de simplement leur faire un exposé didactique—permettez-moi de m'écarter brièvement de ces principes intellectuels pour exprimer mes sentiments personnels sur la question.

Il y a bien longtemps, quand j'étais un jeune Anglophone vivant à Toronto... Je me souviens de la frustration que me causait le fédéralisme, ce fédéralisme qui semblait toujours prôner une approche pragmatique, fondée sur l'action, et qui ne se laissait pas distraire par de mesquines querelles de compétence. Donc, je comprends très bien ceux qui disent: Peu importe le drapeau qui figure sur les chèques, ce qui compte, c'est qu'on nous les donne, ces chèques-là.

Je n'aime pas l'admettre, mais il m'a fallu toute une vie pour comprendre que même, de temps à autre, des problèmes surgissent qui excitent les passions, le fédéralisme est quelque chose de plus profond et de plus simple. Pour utiliser un mot de tous les jours, le fédéralisme est un marché—un marché, un pacte ou une entente démocratiquement négociée entre des partenaires pour créer un pays et une Constitution équilibrée qui assure à tous les partenaires la protection et la participation les plus complètes possible.

C'est justement parce qu'ils ont l'impression que le Canada ne respecte pas les conditions de ce marché fédéral que nos deux principaux partis de l'opposition à la Chambre des communes sont actuellement des partis régionaux qui cherchent en partie à conclure un nouveau marché.

Au cours des dernières années, de nombreux praticiens fédéralistes, politicologues, auteurs de différents pays du monde et participants à d'innombrables réunions ont essayé de cerner le vrai sens du fédéralisme.

Permettez-moi de vous offrir ma codification de ces discussions internationales, qui se résument pour moi en neuf principes. Je n'ai pas l'intention de vous les expliquer tous, monsieur le président—ils figurent dans le document que je vous ai remis—mais je vais vous donner les grandes rubriques: l'unité et la diversité, la confiance mutuelle et la négociation, l'accommodation pragmatique, l'autodiscipline démocratique de la part des groupes majoritaires, l'acceptation de la contradiction, l'autonomie et la participation, la promotion étatique d'une culture fédérale, l'adaptation continue, l'adoption de lois et l'administration constitutionnelle, et l'équilibre. Le principe de l'équilibre est celui qui sous-tend tous les autres.

• 1855

Pour moi, la Fondation est une atteinte directe à cette notion de diversité et d'identités multiples. Elle constitue également une atteinte à nos systèmes d'éducation provinciaux, qui sont le fondement même de notre diversité culturelle. C'est l'antithèse même de la confiance mutuelle et de la négociation. Il s'agit d'un programme élaboré unilatéralement et imposé par le gouvernement central dans un domaine qui relève de la responsabilité des provinces, et ce sans consultation préalable et dans le refus total de la négociation. Aucun effort n'a été déployé pour tenir compte de la diversité qui existe entre les diverses régions.

Le pouvoir de dépenser fédéral est utilisé en l'occurrence pour subordonner les pouvoirs provinciaux, ce qui trahit le principe de l'autonomie locale. Si le gouvernement fédéral peut faire fi de pouvoirs provinciaux aussi sacro-saints que l'éducation, le fédéralisme n'est qu'une coquille vide. Il s'ensuit donc, à cette époque d'administration interdépendante, que la négociation préalable de programmes conjoints s'impose dans tout secteur où il y a intersection des politiques.

Et enfin, un dernier point, mais non le moindre, on dirait qu'une fois de plus, la loi de la majorité et l'homogénéité—c'est- à-dire la politique passe-partout—sera imposée au Québec, et ce contrairement à la résolution proposée par le premier ministre Chrétien et adoptée par le Parlement qui reconnaît que le Québec est une société distincte. Ce qu'il y a d'ironique dans tout cela, c'est que le gouvernement du Québec va, une fois de plus, attaquer le Canada anglais pour cette usurpation de droits, alors qu'on ne peut rien reprocher à ce dernier.

Certains prétendent que la Cour suprême a affirmé la validité constitutionnelle du pouvoir de dépenser lorsque ce dernier n'est pas exercé de façon à imposer des règlements dans un domaine qui ne relève pas de l'autorité fédérale. Mais voilà justement le sujet des discussions actuellement en cours et la raison pour laquelle il y a eu diverses tentatives pour limiter ce pouvoir fédéral. Le dépôt du projet de loi C-36 met obligatoirement en doute la sincérité des efforts déployés pour remplacer l'exercice du pouvoir de dépenser fédéral par des approches plus coopératives.

Pour conclure, monsieur le président, comme je suis optimiste, je suis d'avis que la grande majorité des objectifs que poursuit le gouvernement fédéral en voulant créer la Fondation des bourses d'études du millénaire peuvent être réalisés par d'autres moyens. M. Chrétien avait parfaitement raison de reconnaître la nécessité absolue de fournir aux étudiants des ressources qui vont leur permettre de surmonter l'obstacle de la crise d'endettement, comme le disait notre ami de l'Alberta. C'est le véhicule de distribution de ces ressources qui a besoin d'être remanié. Nous voilà devant le problème classique des fins et des moyens.

Nous savons tous qu'aussi louables que soient ces objectifs—en l'occurrence, ceux du gouvernement fédéral—si les moyens que vous choisissez sont illégitimes, ils vous poursuivront et détruiront vos bonnes intentions.

Si nos principes du fédéralisme—ce que je propose—peuvent être une source d'inspiration, je souhaite, monsieur le président, que le Comité des finances recommande à la Chambre et au gouvernement que:

(1) Le projet de loi C-36 soit négocié avec les administrations provinciales;

(2) Ottawa soit prêt à accepter que ce programme soit administré par les provinces dans le cadre de leurs programmes d'aide financière aux étudiants, à condition que l'apport soit reconnu de façon adéquate et que la mobilité des étudiants soit assurée. Une autre possibilité serait une fondation fédérale-provinciale, mais à mon avis, il en résulterait un double emploi tout à fait inutile;

(3) l'on tienne compte de la situation unique du Québec; et

(4) des fonds additionnels soient débloqués dès maintenant à l'intention des diplômés récents et des étudiants qui poursuivent actuellement leurs études.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Trent.

Je vais passer tout de suite la parole à M. Harris, qui sera notre premier intervenant.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref.

J'ai un commentaire que je voudrais adresser à M. Trent et ensuite j'aurais des questions pour nos autres invités.

D'abord, monsieur Trent, permettez-moi de vous remercier pour un exposé très bien préparé. Je suppose que c'est un peu normal pour vous, étant donné votre métier.

M. John Trent: Disons que j'essaie de le faire.

M. Dick Harris: Étant donné notre dernière réunion, je suis bien content de constater que nous sommes sur la même longueur d'onde. Je suis parfaitement d'accord avec vos observations concernant la Fondation des bourses d'études du millénaire et ses conséquences. De plus, je suis sûr que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'étant donné que le financement de l'éducation au Canada a été réduit de 4 milliards de dollars depuis 1993, une injection d'un peu plus d'un milliard de dollars, bien que ce soit utile, ne remplace certainement pas le manque à gagner causé par les compressions budgétaires.

• 1900

Moi et mes collègues estimons également qu'au lieu de mettre sur pied la Fondation des bourses d'études du millénaire et de distribuer les fonds par l'entremise de cette dernière, il serait possible comme vous le disiez vous-même, d'assurer la répartition équilibrée des crédits disponibles parmi les diverses provinces. Autrement dit, on pourrait créer ces bourses d'études mais l'administration relèverait des provinces, qui sont directement chargées de l'éducation sur leur territoire respectif.

Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser, parce que vous avez à peu près tout dit. J'aimerais simplement votre autorisation—et je ne sais même pas si j'en ai besoin—pour distribuer ce document à mes collègues, car j'ai l'intention de le faire. Merci infiniment pour votre exposé.

J'ai une question à poser à M. MacRae et à Mme Hildebrand.

Si la Fondation est mise sur pied dans les conditions actuellement prévues, nous voulons surtout nous assurer que les étudiants fréquentant les collèges et les universités seront traités équitablement. Je comprends très bien que vous soyez en faveur de la création de ces bourses d'études. Je suis sûr que si elles étaient administrées par les provinces, votre appui serait tout aussi solide. Il s'agirait des mêmes fonds, sauf qu'ils seraient administrés de façon différente.

Vous n'avez pas exprimé de préoccupations particulières dans votre exposé, et je me demande donc s'il y a des éléments qui vous semblent problématiques, en tant qu'administrateurs, ou que vos étudiants jugent problématiques.

M. Doug MacRae: Notre position essentielle est la suivante: tout ce qui permet de mettre de l'argent entre les mains de nos étudiants—et là nous parlons aussi au nom des étudiants, évidemment—est le bienvenu. C'est une position pragmatique mais elle s'appuie sur la réalité.

Comme d'autres, nous craignons un certain double emploi. Des annonces ont récemment été faites concernant le programme des bourses de l'Alberta. La Fondation va-t-elle faire double emploi? Évidemment, ce qui nous inquiète le plus, c'est la possibilité qu'on consacre des sommes excessives à l'administration de ces programmes. C'est quelque chose qui nous préoccupe toujours.

Mais nous sommes entièrement d'accord sur les principes: mettre de l'argent entre les mains des étudiants, c'est-à-dire les étudiants qui fréquentent les collèges et les universités. Nous sommes très encouragés par cette initiative. Et les autres principes sont plus ou moins logiques. Ce qui compte pour nous, c'est qu'on mette cet argent entre les mains des étudiants. Voilà ce qui nous intéresse surtout—c'est-à-dire nous, les administrateurs, de même que les étudiants.

Donc, la source des fonds, que ce soit le gouvernement fédéral ou provincial qui les distribue à l'étudiant qui essaie d'aller à l'école ou d'y rester, ou encore, une fois qu'il a son diplôme, de rembourser son énorme dette, nous préoccupe beaucoup moins, du moins au niveau des collèges communautaires et instituts. En tout cas, c'est mon avis, mais j'invite Margaret à répondre également.

Mme Margaret Hildebrand (directrice, Conseil des présidents des collèges publics et des instituts techniques de l'Alberta): Vous l'avez très bien dit, Doug. Ce qui est critique pour nous, c'est de favoriser l'accès aux études postsecondaires, ce qui facilite l'accès à l'économie. Si ces fonds peuvent permettre à plus de gens d'accéder à l'éducation et à la formation, tant mieux.

M. Dick Harris: Merci.

Ma dernière question s'adresse à Mme Round. Votre exposé m'amène à croire que vous n'êtes pas vraiment une grande admiratrice du FMI, surtout en ce qui concerne ses récentes activités.

Le président: Quelle perspicacité!

M. Dick Harris: Oui.

Dois-je comprendre que vous êtes tout simplement contre le FMI, parce que vous êtes très mécontente de sa façon de faire les choses, de ses méthodes et de ses récentes activités? Si c'est le cas, votre institut a-t-il élaboré des propositions en vue de remplacer le FMI par un autre organisme plus efficace, et dans l'affirmative, est-ce qu'on peut obtenir une copie du document qui les explique?

• 1905

Mme Robin Round: D'abord, à mon avis, nous avons besoin d'institutions multilatérales qui puissent suivre et examiner le système financier mondial. Mais pour toutes les raisons que j'ai évoquées, le FMI ne fait pas le travail qu'il devrait faire. Il ne fait pas non plus le travail qu'il était censé faire au départ, surtout pour ce qui est de contrôler les marchés financiers, etc. Donc, il ne fait aucun doute qu'une institution multilatérale est nécessaire.

Il s'agit essentiellement de savoir si on peut vraiment réformer le FMI; voilà la question que nous nous posons tous. Il s'agit d'une organisation notoirement cachottière et fermée, dotée d'une bureaucratie extrêmement puissante qui exerce son emprise, comme je le disais tout à l'heure, sur des milliards de personnes, sans pour autant faire l'objet d'un examen détaillé.

En 1992 le vérificateur général du Canada exprimait ses préoccupations concernant l'insuffisance des renseignements transmis aux Parlementaires concernant les risques auxquels s'expose le Canada par l'entremise du FMI, surtout que les Canadiens ne connaissent guère le FMI ni son mode de fonctionnement, et n'ont aucun moyen de s'assurer que celui-ci rendra compte de ses activités. Donc, dans sa forme actuelle, je ne souhaite pas que cette institution gère ou représente à quelque titre que ce soit les intérêts du Canada sur la scène mondiale.

Quelles sont les solutions de rechange? Eh bien, pour le moment, il n'y en a pas, et c'est justement maintenant qu'il faut commencer à ouvrir un débat là-dessus. Je pense que la crise en Asie du Sud-Est représente pour les politiques l'occasion d'ouvrir ce débat. Nous avons déjà la preuve des conséquences de l'action du FMI. Il convient maintenant d'en faire une analyse exhaustive.

Les médias et les universitaires ont d'ailleurs déjà commencé à faire cette analyse. Les économistes traditionnels débattent déjà le rôle du FMI. À mon avis, nous avons une occasion unique d'ouvrir un grand débat public sur le genre d'institution que nous souhaitons avoir, et la mesure dans laquelle il est possible de changer celle qui existe actuellement.

M. Dick Harris: Très bien. Merci.

J'ai une question pour M. Trent, et ce sera tout.

Monsieur Trent, je pense que nous sommes d'accord pour dire que si le gouvernement, au lieu de créer cette Fondation des bourses d'études du millénaire, que certains qualifient de monument au chef du gouvernement...

Je n'ai jamais dit une telle chose, monsieur le président...

Le président: J'en prends bonne note.

M. Dick Harris: ... mais je le dirai peut-être un jour.

N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il serait possible d'atteindre le même objectif—sans doute avec de meilleurs résultats—si le gouvernement distribuait ces crédits parmi les administrateurs des systèmes d'éducation provinciaux, pour qu'ils s'en servent pour créer des bourses ou encore améliorer leurs propres systèmes d'éducation, ce qui permettrait d'éliminer tout double emploi?

Je sais que votre réponse sera oui, mais peut-être pourriez- vous nous expliquer pourquoi.

M. John Trent: Pour moi, la montée en flèche des niveaux d'endettement des étudiants est le résultat de deux choses. D'abord, l'idéologie, aux paliers à la fois fédéral et provincial. Depuis cinq ou six ans, on répand la notion selon laquelle les étudiants sont les principaux bénéficiaires des études qu'ils font, sur les plans à la fois intellectuel et économique, et qu'il est donc normal qu'ils assument une plus forte proportion du fardeau. C'est en partie pour cette raison que les fonds accordés aux collèges et universités par le biais des programmes d'éducation provinciaux ont diminué, forçant ainsi les universités à augmenter leurs frais de scolarité, et c'est précisément les frais de scolarité qui représentent la majeure partie de la dette des étudiants.

Deuxièmement—et vous-même en avez fait mention tout à l'heure—des milliards de dollars ont été retirés du système d'éducation par le gouvernement fédéral au cours des dernières années dans le cadre d'un programme général de réductions budgétaires visant à faire baisser le déficit et la dette.

• 1910

À mon avis, tous les citoyens canadiens comprennent que tout le monde devait participer à cet effort de réduction du déficit et de la dette. Par contre, bon nombre d'entre nous—et j'espère que je ne me contente pas ici de prêcher pour ma paroisse—estimons que l'éducation est la clé de la croissance économique, et que c'était tout à fait contraire à notre intérêt que d'avoir autant réduit le financement du secteur de l'éducation.

Donc, je me demande si le simple fait de transférer des fonds aux provinces, sans qu'il y ait de négociations sérieuses sur l'utilisation de ces fonds—c'est-à-dire les bourses, par rapport aux problèmes d'endettement—et de reconnaître l'apport fédéral—je me demande vraiment si le transfert de ces crédits aux provinces sera suffisant. À la place du gouvernement fédéral, je voudrais entamer des négociations sérieuses avec les provinces, quitte à menacer de faire cavalier seul si ces dernières refusent de reconnaître l'apport fédéral et ne garantissent pas une mobilité accrue pour les étudiants et un certain investissement dans les bourses.

Essentiellement, ma réponse est oui. En fin de compte, il faut qu'une autorité assume la responsabilité de l'administration de l'éducation. Il faut que quelqu'un en soit responsable, et nous avons toujours accepté au Canada que cette responsabilité relève des provinces.

Il y en a beaucoup qui prétendent que le gouvernement fédéral administre les prêts depuis longtemps, et j'aurais deux observations à faire à ce sujet. Le gouvernement a commencé à financer les études pour deux raisons. D'abord, à cause des anciens combattants; à l'époque, on considérait—et c'était très clair pour tout le monde—que les anciens combattants relevaient de la responsabilité financière du fédéral. La deuxième raison était le désir d'aider à financer l'accès à l'éducation supérieure, mais là la responsabilité financière du fédéral se limitait aux prêts et n'englobait donc pas les bourses.

Par conséquent, cette nouvelle initiative constitue une volte- face, et comme je le soulignais dans mon exposé, ce revirement est très dangereux et va très certainement se retourner contre nous. Le gouvernement fédéral espère que cela va favoriser l'unité nationale tout en se faisant bien considérer aux yeux du public, mais ceci va certainement se retourner contre vous dans les années qui viennent. Cette initiative deviendra une véritable pomme de discorde entre le gouvernement fédéral et les provinces, et nous regretterons amèrement d'avoir agi de la sorte.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je suis heureuse de vous accueillir. Il est assez difficile de poser des questions parce que vous semblez ne pas tenir le même discours.

Monsieur Trent, vous n'êtes pas un souverainiste, du moins je ne le pense pas. Vous faites toutefois à peu près la même lecture que nous, au Québec, des bourses du millénaire. Pour une fois, le gouvernement fédéral aurait pu montrer sa bonne volonté et accepter les demandes du Québec relativement aux bourses du millénaire. Comme en ont témoigné plusieurs organismes du Québec, les fédérations étudiantes des collèges et universités, la CEQ et la CSN, cela va à l'encontre de toutes les revendications du Québec, ça crée des dédoublements et des chevauchements et les frais de scolarité sont moindres au Québec parce que le système québécois permet une meilleure aide aux étudiants.

On essaie de faire croire aux membres de ce comité que finalement, le Québec n'est pas vraiment sensible à l'endettement des étudiants. On veut minimiser la situation. Nous sommes très inquiets de l'endettement des étudiants, mais nous croyons aussi qu'il faut que notre système d'éducation soit performant et que l'encadrement des étudiants se poursuive. Dans certains collèges et universités, on a de la misère à avoir un psychologue pour aider les étudiants en difficulté.

• 1915

Une partie de l'argent des bourses du millénaire pourrait aller à l'encadrement des étudiants.

Nous ne tiendrons pas de débat là-dessus parce que nous ne croyons plus au fédéralisme. Il n'est pas souple et il ne reconnaît pas les spécificités au Canada, lesquelles peuvent aussi exister dans d'autres provinces. Trop de gens sont venus du Québec pour essayer d'assouplir le fédéralisme et ils se sont butés à ce manque de souplesse. J'en suis à mon deuxième mandat et on aurait pu me faire croire le contraire, mais c'est tout à fait l'inverse que j'ai constaté. On dépense beaucoup d'énergie à essayer de faire comprendre certaines réalités qui se vivent ailleurs au Québec.

Vous avez soulevé le principe du fédéralisme. Je me souviens qu'un analyste politique m'avait justement mentionné qu'il remettait en question l'essence même du fédéralisme, ce fédéralisme qui se doit d'abord d'être souple, un peu plus transparent et à l'écoute des volontés des provinces, et son pouvoir de dépenser.

En tout cas, je ne connais pas tous les principes, mais je trouve que vous avez soulevé un point important. La plupart de ceux qui sont venus témoigner se sont dits très inquiets de la façon dont sera dépensé l'argent des bourses du millénaire, compte tenu du fait que toutes les provinces ont subi des compressions budgétaires, que l'argent ne sera pas investi à bon escient et que cela coûtera trop cher aux contribuables. Je m'inquiète de la façon dont on administrera ces 2,5 milliards de dollars.

Que pensez-vous du fait qu'un conseil d'administration indépendant administrera des fonds publics? Vous faisiez allusion au FMI plus tôt. J'ai l'impression que maintenant qu'on a un petit peu d'argent, on fait à peu près n'importe quoi avec ce petit coussin-là, sans consulter les provinces. Lors de la conférence des premiers ministres, on avait justement demandé qu'on consulte les provinces et le premier ministre y avait consenti. Cette consultation n'a pas eu lieu avec les provinces, ni avec les réseaux étudiants avant même qu'on se prononce sur le Fonds des bourses du millénaire. On avait cerné la problématique, mais on n'avait pas dit au premier ministre de créer le Fonds des bourses du millénaire. La plupart de ceux qui sont venus témoigner ici voient certains dangers à ces bourses-là. J'aimerais entendre votre opinion parce qu'à mon avis, vous avez effectivement soulevé de nombreux bons points.

Vous riez, monsieur le président, mais je pense que M. Trent a fait une analyse intéressante. Je suis heureuse d'entendre ce point de vue parce qu'il n'est certainement pas un souverainiste et qu'il a peut-être une opinion moins illuminée que nous, souverainistes. Il a quand même cerné certains points importants. Comme je le disais cet après-midi, je crois que ce dossier sera aussi symbolique que celui de la formation de la main-d'oeuvre que revendiquait le Québec. Je vous le dis, c'est une autre bataille qu'on va avoir. Vous allez peut-être réussir à faire valoir votre point de vue, mais vous accomplirez peut-être l'inverse de l'objectif que vous voulez atteindre.

M. John Trent: Merci, madame. Permettez-moi d'abord de m'excuser de ne pas avoir présenté une version française de mon texte, mais j'étais à l'extérieur du pays depuis un mois et je n'ai simplement pas eu le temps de le faire traduire.

J'espère d'une part que votre parti lira mes principes de fédéralisme et y verra des objectifs pour l'avenir. On n'a pas besoin d'être un souverainiste pour appuyer la cause d'un Québec distinct, avec une autonomie et ainsi de suite. Ça va même du fédéralisme. Je suis un peu triste d'entendre qu'à cause des luttes des partis, les discussions autour de cette table n'ont pas inclus jusqu'ici la question très importante et reconnue qu'au Canada, si on ne porte pas attention au fondement du système fédéral, on risque à long terme d'aliéner non seulement les Québécois, mais aussi les gens de l'Ouest, du Nord et les autochtones.

Comme je le précise dans mon texte, je comprends très bien les frustrations actuelles du gouvernement fédéral et le manque de reconnaissance de la part des provinces quant à ses efforts en vue d'être plus équitable et décentralisé dans certains domaines depuis quelques années.

• 1920

Cependant, il me semble que ce projet de loi nous rappelle les pires moments de l'ingérence du gouvernement fédéral dans les domaines provinciaux depuis la Deuxième Guerre mondiale. Et encore pire, une des grandes difficultés que j'éprouve face à ce projet de loi, c'est qu'il risque de permettre aux gens de s'attaquer à la majorité anglophone. Ce ne sont pas les anglophones ni la majorité canadienne qui ont demandé ce projet de loi, mais ils vont être attaqués encore une fois parce qu'on est en train de submerger les droits des provinces, et en particulier ceux de la province de Québec, quoiqu'elle ne soit pas la seule.

Votre autre question portait sur le conseil d'administration que prévoit ce projet de loi. J'ai ri un peu en lisant le projet de loi. On annonçait en grosses lettres que ce ne serait pas une fondation relevant du gouvernement fédéral ni une société de la Couronne. On nous dit toutefois que le gouvernement fédéral en nommera le président et cinq autres membres du conseil d'administration, ce qui donne au président, si on l'inclut, un quorum de six membres sur 15. Les neuf autres membres seront sélectionnés par les six premiers membres. Donnez-moi une telle organisation. Je vous dis que si j'étais le premier ministre, je pourrais très clairement dominer cette organisation, même si ce n'est pas dans la loi. Je crois qu'on se retrouvera avec une organisation qui relèvera clairement du gouvernement fédéral, que ce soit une fondation indépendante ou non.

Mme Christiane Gagnon: Monsieur MacRae, vous semblez assez optimiste face à la Fondation des bourses du millénaire. Plusieurs témoins sont venus nous dire qu'ils étaient plutôt inquiets, et ce pour plusieurs raisons, parce qu'on ne sait ni par qui ni comment elle sera gérée. Il s'agit presque d'une mainmise du gouvernement fédéral sur une fondation, bien que l'on dise qu'elle sera constituée de façon très démocratique.

N'avez-vous pas de craintes à ce niveau-là et par rapport au mérite? Plusieurs personnes sont venues nous dire qu'elles était très inquiètes face à cette notion de mérite, à l'absence de critères très définis et au fait qu'on pourrait privilégier certaines disciplines.

Si les membres de la Fondation ne sont pas représentatifs du milieu de l'enseignement et sont davantage à l'écoute de l'économie et de ses impératifs, ne risque-t-on pas d'oublier les sciences sociales, le journalisme et d'autres disciplines et d'être plus porté à donner des bourses à des étudiants qui sont plus méritoires dans des disciplines qui font peut-être plus avancer l'économie que la pensée sociale?

Vous semblez n'avoir aucune inquiétude et accepter cela d'emblée de A à Z. La Fondations est bonne, le mérite est bon et la façon dont ce sera structuré vous convient.

[Traduction]

M. Doug MacRae: D'abord, j'ai confiance, si vous voulez, parce que le projet de loi précise que les critères seront établis en consultation avec les provinces. Je suis donc convaincu qu'il en découlera quelque chose qui correspond aux besoins des étudiants.

• 1925

Si moi et mes collègues avons pris la position que nous venons de vous expliquer, c'est parce que lorsqu'on a annoncé la création des bourses d'études du millénaire, le gouvernement de l'Alberta venait tout juste de créer une bourse d'études qui représentait une injection assez importante de fonds dans ce domaine, et je dois dire que moi-même et mes collègues avons surtout constaté que les étudiants fréquentant notre établissement étaient soulagés en apprenant la nouvelle. Ils étaient ravis de voir que les autorités commençaient à comprendre que les niveaux élevés d'endettement des étudiants, surtout que les coûts continuent à augmenter, constituent un véritable obstacle. C'est ainsi, donc, que la grande majorité des étudiants ont réagi aux annonces à la fois fédérale et provinciale.

Bon nombre des points qu'a soulevés M. Trent—et d'autres témoins aussi, sans doute—sont parfaitement légitimes. Mais nous faisons confiance à nos représentants provinciaux pour élaborer des critères appropriés dans les discussions qui vont suivre. Le projet de loi prévoit que les bourses d'études du millénaire soient attribuées en fonction du mérite et du besoin d'aide financière, et nous sommes entièrement d'accord là-dessus. Dans nos propres établissements, nous appliquons aussi ces deux critères pour l'attribution des bourses d'études financées par des dons.

Nous tenons également compte d'autres facteurs, mais le besoin d'aide est certainement un facteur très important, tout comme le mérite. Le projet de loi prévoit aussi que 5 p. 100 des fonds seront réservés pour des bourses d'études qui seront attribuées en fonction du mérite seulement, et je ne m'y oppose pas du tout. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on tienne compte de ces deux éléments.

Je ne me rappelle plus des autres points que vous avez soulevés. En tout cas, c'est tout ce que j'ai à dire pour le moment.

Le président: Merci.

Madame Hildebrand, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Margaret Hildebrand: Je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose à ce que vient de dire Doug, si ce n'est que nous préférons être optimistes et espérer que tout ira bien, au lieu d'essayer de voir tout ce qui pourrait éventuellement être problématique, car pour nous, ce serait adopter une approche beaucoup trop négative avant même que ce projet démarre.

Le président: Merci.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le président, je suis arrivé un peu tard. J'ai lu les mémoires, bien entendu, mais ça me semblerait un peu injuste à l'endroit de mes collègues que de me permettre de poser des questions maintenant. S'il reste du temps à la fin, j'aurai une question à poser à ce moment-là.

Le président: Êtes-vous prêt maintenant?

M. Nelson Riis: Oui.

Le président: Allez-y.

M. Nelson Riis: Vous êtes bien gentil.

À l'exception de mes collègues, car je me rends compte que nous sommes un peu... Il y a bien un calendrier mais...

M. Paul Szabo: On vous a donné la parole, mais votre temps est déjà écoulé.

M. Nelson Riis: Doug, dans votre mémoire, vous dites que vous et les personnes que vous représentez aujourd'hui se réjouissent de la décision d'inclure les programmes d'études menant à un certificat ou un diplôme, de même qu'à un grade.

En Alberta, il existe un certain nombre de collèges professionnels privés. On ne sait pas vraiment s'ils vont être visés par cette initiative. L'Alberta a déjà fait oeuvre de pionniers dans plusieurs domaines. Je songe, par exemple, aux écoles à charte et à toutes sortes d'autres exemples. Souvent vous apportez à un débat un éclairage différent. Vous et vos collègues seriez-vous d'accord pour que ces bourses d'études visent également les étudiants qui fréquentent les collèges professionnels privés, surtout que M. Trent souligne que seulement un cinquième ou un sixième des étudiants seront admissibles?

M. Doug MacRae: Vous parlez de collèges professionnels privés, mais le terme n'est pas vraiment approprié. C'est-à-dire que les établissements privés qui sont accrédités—je suppose que ce qui m'inquiète surtout, c'est que quelqu'un arrive un jour et décide de créer un collège ou un établissement, dont les étudiants seront automatiquement admissibles... Comme vous le savez peut-être, la question de la crédibilité de certains établissements privés est une sérieuse préoccupation pour nous dans notre province. Mais s'il s'agit d'établissements qui sont reconnus par la province, je serais d'accord pour qu'ils soient inclus.

M. Nelson Riis: Quand vous dites «reconnus», que voulez-vous dire au juste?

M. Doug MacRae: Je veux dire qu'ils sont accrédités. Tout établissement privé qui veut être accrédité doit répondre à certains critères, c'est-à-dire prouver sa crédibilité, avoir des programmes d'études appropriés, être stable, etc. À condition que l'établissement soit accrédité, je serais tout à fait d'accord pour qu'il soit inclus.

• 1930

Les étudiants ont différentes raisons de vouloir fréquenter un établissement plutôt qu'un autre, et je ne voudrais pas qu'ils soient exclus à cause de l'établissement qu'ils ont décidé de fréquenter.

M. Nelson Riis: Et les étudiants suivant des cours d'apprentissage, seraient-ils également inclus?

M. Doug MacRae: Oui. Pour la première fois dans notre province, les étudiants qui suivent des programmes d'apprentissage paient des frais de scolarité.

M. Trent disait tout à l'heure que les frais de scolarité sont un facteur, et je dois dire que c'est de plus en plus le cas de nos établissements. Par exemple, les frais de scolarité peuvent représenter jusqu'à 30 p. 100 des frais d'exploitation d'un établissement. Un projet de loi vient d'être adopté chez nous qui prévoit justement cette possibilité, et de plus en plus les frais de scolarité supportent les dépenses associées au programme d'éducation que nous dispensons dans la province. Comme je viens de le dire, nous avons récemment établi des frais de scolarité pour les étudiants qui suivent des programmes d'apprentissage.

M. Nelson Riis: Très bien. Merci.

Monsieur Trent, j'ai trouvé votre mémoire fort intéressant. J'attends avec impatience l'arrivée des premiers chèques. Mais en toute sincérité, je trouve que c'est une stratégie politique absolument géniale de la part du Parti libéral, stratégie que vous avez mentionnée de façon un peu indirecte. Mais quand je vais voir ces chèques portant la signature de je ne sais qui—même si j'ai une bonne idée—drapeaux inclus... Les étudiants vont être ravis de toucher les 3 000 $; ce sera formidable.

Le président: Pensez-vous qu'ils vont remarquer la signature?

M. Nelson Riis: Mais cela mis à part—c'est une réalité qu'il faut tout simplement accepter—pour ce qui est des frais de scolarité, et Doug en a parlé aussi, de même que de la nouvelle loi en Alberta, bon nombre de pays n'ont pas de frais de scolarité du tout, comme c'est d'ailleurs le cas du réseau des collèges dans la province du Québec. Seize pays membres de l'OCDE n'ont pas de frais de scolarité. Ils les considèrent comme un obstacle. Êtes-vous d'accord?

Au lieu d'avoir des bourses et tous les autres programmes provinciaux, si l'éducation revêt vraiment une importance critique pour le développement économique, pourquoi n'aurions-nous pas l'audace de décider, en tant que pays, que nous ne voulons plus d'obstacles, qu'il faut au contraire offrir un maximum d'encouragement, et que l'élimination des frais de scolarité serait en réalité un bon investissement pour notre société? Êtes-vous d'accord?

M. John Trent: Monsieur Riis, vous m'avez posé une question à la fois fascinante...

M. Nelson Riis: Je ne vous demande pas de longues explications, parce que...

M. John Trent: ... et difficile.

Disons que j'ai pu observer les deux systèmes. En Yougoslavie, par exemple, où il n'y a pas de frais de scolarité, j'ai constaté que les étudiants étaient ravis de rester à l'université pendant 10 ou 15 ans. J'ai également observé la situation au Danemark, qui a un excellent système sans qu'il y ait de frais de scolarité. Ils n'ont pas connu les mêmes problèmes. Mais je ne sais pas au juste ce qu'il faut faire pour éviter ce genre de situation.

M. Nelson Riis: Il faut exiger des preuves de progrès.

M. John Trent: Oui, c'est exact. Mais non seulement ils n'ont pas à payer de frais de scolarité, on les paie pour aller à l'université.

M. Nelson Riis: Oui, c'est vrai. Non seulement ils les paient pour aller à l'université, mais ils leur fournissent les manuels, les fournitures, tout quoi.

M. John Trent: Si je vous disais qu'elle était difficile, c'est parce qu'elle soulève, non seulement la question de l'efficacité, mais celle des croyances et des principes moraux d'une société.

Je dois dire—et je parle pour moi-même—que je suis un peu déchiré en ce sens que tous les membres de la société n'ont pas la possibilité d'accéder à l'éducation supérieure, et qu'il semble donc un peu injuste de faire payer tous les membres de la société alors que seulement un certain nombre de personnes bénéficient de cet avantage et de ce privilège même. Pour beaucoup de gens, c'est un avantage considérable—encore plus considérable quand les gens poursuivent leurs études et deviennent des professionnels; il semble donc logique jusqu'à un certain point que les personnes qui font des études supportent une portion des coûts.

M. Nelson Riis: Alors pourquoi ne pas appliquer ce même système aux étudiants de 10e ou de 12e année?

M. John Trent: Bonne question. Il est tout à fait possible que je me trompe.

Auparavant, c'est la 8e année qui était la limite. Et avant cela, c'était l'école primaire. Mais par la suite, on a décidé de l'étendre à la 10e année, et progressivement aux études secondaires. On estimait qu'il fallait garantir un niveau d'éducation minimum.

M. Nelson Riis: Savez-vous par hasard quand cela aurait été décidé?

• 1935

M. John Trent: Vous voulez dire quand il a été décidé de financer les études jusqu'à la fin du secondaire? Je crois que c'était dans les années 20 ou 30, mais je n'en suis pas sûr.

M. Nelson Riis: Si déjà dans les années 20 et 30, dans le contexte de la situation économique qui caractérisait le Canada à ce moment-là, nous avons décidé que le niveau d'éducation minimum serait la 12e année, ne pensez-vous pas que nous avons suffisamment progressé depuis pour envisager d'étendre le financement public à la 14e ou la 16e année éventuellement?

M. John Trent: Oui, et le Québec l'a d'ailleurs fait pour son réseau de CEGEP, qui couvre jusqu'à la 13e ou la 14e année selon sa méthode de calcul. Mais même en tenant compte de cet argument, il ne me semble pas déraisonnable de prévoir que les individus assument une part des responsabilités ou que l'État s'attende à récupérer une partie de son investissement. Si j'avais une solution à proposer—si j'étais Dieu ou M. Chrétien...

M. Nelson Riis: Je me permets de vous signaler qu'il y a tout de même une différence entre les deux.

M. John Trent: ... j'éliminerais les frais de scolarité pour le premier cycle et je récupérerais cet argent en imposant tout le monde, y compris nous qui sommes passés dans le système. J'imposerais les personnes qui ont pu profiter de leurs études pour accumuler les richesses.

M. Nelson Riis: Merci de m'avoir fait part de vos vues sur le sujet. Nous débattons souvent dans ce comité de questions qui dépassent le dossier dont nous sommes saisis, et nous allons d'ailleurs lancer sous peu d'autres consultations budgétaires en prévision de l'année prochaine. Vos commentaires sont donc très utiles.

Vous êtes de l'Université d'Ottawa?

M. John Trent: Oui.

M. Nelson Riis: Les enfants des professeurs peuvent-ils faire leurs études gratuitement à l'établissement où vous enseignez?

M. John Trent: Oui.

M. Nelson Riis: Doug, est-ce le cas des établissements que vous représentez? Est-ce gratuit pour les enfants du personnel enseignant?

M. Doug MacRae: Non, c'est imposable.

M. Nelson Riis: C'est un avantage imposable. Mais c'est tout de même gratuit. Si votre père est professeur—comme vous, John, vos enfants n'ont pas à payer des frais de scolarité tant qu'ils poursuivent leurs études, c'est-à-dire pendant 10 ou 15 ans. C'est bien ça?

M. John Trent: Non, ils doivent fournir des preuves de progrès.

M. Nelson Riis: Mais ça peut prendre pas mal de temps de faire un diplôme de deuxième ou de troisième cycle.

M. John Trent: Le système a été modifié. On leur donne...

M. Nelson Riis: Ce n'est pas une critique personnelle.

M. John Trent: Non, non. Nous avons changé notre système. Les enfants des professeurs—non seulement les enfants, mais leurs conjoints, tantes et oncles—reçoivent une bourse de l'université qui est imposable.

M. Nelson Riis: Ah, bon. Et cette bourse couvre le coût de leurs études.

M. John Trent: C'est exact.

M. Nelson Riis: Ce sera ma dernière question, monsieur le président.

Le président: Souhaitez-vous que les députés puissent également jouir de ce privilège?

M. Nelson Riis: Je sais que vous avez de jeunes enfants, Maurizio. Peut-être que nous devrions envisager de procéder à quelques adoptions temporaires.

Ma dernière question s'adresse à Robin. Je vous remercie pour vos observations concernant le FMI, et j'ai deux questions à poser ce sujet, dont une très rapide concernant l'article 125 du projet de loi. D'après vous, cet article accorde-t-il au ministre des Finances un droit de veto sur l'aide financière qui pourrait être accordée aux pays du Tiers monde ou à d'autres pays éventuellement? Le savez-vous? Est-ce votre interprétation? Est-ce une question trop technique?

Mme Robin Round: Oui, effectivement. Je ne sais pas du tout. Nous essayons d'ailleurs de nous renseigner auprès du ministère des Finances pour connaître justement les répercussions de cet article. Pour le moment, la situation n'est pas claire.

M. Nelson Riis: Dans l'ensemble, j'accepte votre analyse du FMI, et c'est d'ailleurs mon opinion depuis longtemps.

La question que je voudrais vous poser maintenant est tout à fait sérieuse, car je vois bien que vous avez étudié le FMI. Pouvez-vous songer à une seule opération du FMI où cette institution aurait pris des mesures qui profitaient à la population, plutôt qu'à l'élite du pays concerné? Évidemment, quand on se lance dans de grandes opérations de sauvetage pour rembourser les banquiers, il est clair que sa seule véritable clientèle est l'élite du pays concerné. Donc, pouvez-vous me nommer une seule initiative positive du FMI?

Mme Robin Round: Pour vous dire vrai, non.

M. Nelson Riis: Moi non plus. Je pensais que vous connaîtriez peut-être un exemple plus positif.

Merci, monsieur le président. C'est tout pour moi.

Le président: Merci, monsieur Riis.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

J'ai quelques questions à adresser à Robin, que je remercie d'ailleurs pour son exposé. Son analyse du FMI m'a beaucoup intéressé. C'est une analyse qui intéresserait certainement les membres du Comité des affaires étrangères, et je vous encourage donc à essayer d'organiser une rencontre avec eux.

D'abord, je ne suis pas d'accord avec vous sur plusieurs points et j'aimerais donc connaître votre réaction aux arguments que voici. Pour ce qui est des spéculateurs, à qui on a l'habitude de reprocher la crise qu'a connue l'Asie du Sud-Est, le fait est qu'en général, les spéculateurs ne peuvent profiter de la situation que lorsque la politique monétaire d'un gouvernement est tout à fait incompatible avec sa politique budgétaire, comme ce fut le cas dans chacun des pays de l'Asie du Sud-Est.

• 1940

Certains économistes prétendent que ce genre de politique a des répercussions très négatives à long terme, qu'elle est insoutenable, et que lorsque les spéculateurs se précipitent pour profiter de la situation, ils font beaucoup d'argent, certes, mais en même temps ils corrigent la situation de façon peut-être douloureuse dans l'immédiat et bénéfique à long terme. Voilà donc un premier argument auquel je vous invite à réagir.

Deuxièmement, en ce qui concerne la taxe Tobin, c'est certainement une idée très séduisante—la notion qu'une taxe permette d'atténuer le syndrome des capitaux flottants mais le problème qui se pose à mon avis est celui de l'application. La présence de certains paradis fiscaux pose déjà des problèmes pour des choses très simples comme l'impôt sur le revenu, qui à bien des égards, est plus facile à suivre que les opérations financières, surtout dans le contexte du commerce électronique. Et pour qu'une taxe de ce genre soit efficace, il faudrait que presque tous les pays industrialisés, et peut-être même d'autres, s'engagent à interdire la création de paradis fiscaux, alors qu'il pourrait être pratiquement impossible de faire respecter ce genre de règle à l'ère du commerce électronique.

Troisièmement, suivez-vous l'évolution de la Banque mondiale sous la direction de Wolfensohn et les résultats de leur réforme qui est actuellement en cours? J'aimerais savoir ce que vous en pensez et si vous êtes d'avis qu'il y a également moyen de réformer le FMI.

Enfin, la situation me paraît bien difficile. Depuis 1993, le respect des droits de la personne n'est plus du tout une considération dans le cadre de notre politique étrangère, et je pense qu'on peut dire que notre politique commerciale veut que les gouvernements jouent le rôle de représentant des entreprises individuelles. J'aimerais savoir si vous estimez que cela a pu compromettre la réalisation des objectifs stratégiques de notre politique étrangère dans des domaines traditionnels, tels que les droits de la personne et l'environnement, surtout par le biais de projets comme celui de la SEE aux Trois Gorges.

Je voudrais également parler brièvement de l'exposé de M. Trent. Je l'ai trouvé très intéressant, monsieur Trent, mais le fait est que les niveaux d'endettement chez les étudiants ont augmenté de façon disproportionnée par rapport à l'augmentation des frais de scolarité. Les frais de scolarité dans tout le Canada ont augmenté d'environ 110 p. 100, par rapport à une augmentation de 2 p. 100 des niveaux d'endettement des étudiants; c'est peut-être en partie le résultat de la situation des étudiants sur le marché du travail, car il n'est plus aussi facile d'obtenir un emploi qu'il y a 10 ans. À présent les étudiants concurrencent des adultes pour les mêmes emplois de premier échelon qui étaient autrefois réservés aux étudiants.

À votre avis, devrions-nous envisager, dans le cadre d'une véritable politique holistique, de réduire les impôts afin de stimuler la création d'emplois? J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez, parce que certains estiment que l'initiative des bourses d'études du millénaire représente une approche très ciblée alors que nous faisons face à un problème holistique qui appelle plutôt une approche holistique. Donc, je vous invite à réagir à toutes ces questions.

Merci.

Mme Robin Round: Vous devrez peut-être me rappeler certaines de vos questions, parce que vous en avez soulevé beaucoup.

M. Scott Brison: Très bien. La première concernait les spéculateurs.

Mme Robin Round: Je crois avoir noté la plupart d'entre elles, mais vous me le direz si j'en oublie.

M. Scott Brison: Absolument. Merci.

Mme Robin Round: Pour ce qui est de savoir si l'action des spéculateurs permet de corriger une situation, je dois dire que je ne suis pas d'accord. Il est vrai jusqu'à un certain point que les données fondamentales de l'économie ne sont pas appropriées dans certains de ces pays mais à mon avis, il faut tout de même tenir compte de l'importe des capitaux qui se déplacent d'un marché financier à un autre car, face à ces énormes mouvements de capitaux, les gouvernements peuvent difficilement résister à l'assaut des spéculateurs lorsqu'ils se ruent sur leur monnaie. Et en réalité, à cause de ces mêmes spéculateurs, les gouvernements ont beaucoup plus de mal à appliquer leur politique monétaire justement à cause du risque que ces capitaux flottants fuient.

On a l'impression que ce contrôle existe parce que les gouvernements n'ont plus le pouvoir de prendre eux-mêmes les décisions, étant donné qu'ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour défendre leur monnaie face à ces énormes mouvements quotidiens de capitaux, qu'on évalue à 1,3 billion de dollars par jour. Voilà ce que contrôlent les spéculateurs. Voilà, selon les estimations, la valeur des mouvements quotidiens de capitaux dans le système financier mondial. Par contraste, toute l'économie productive mondiale ne représente que 4,3 millions de dollars par année. Donc, il y a des sommes imaginables qui se déplacent tous les jours.

• 1945

En ce qui concerne la taxe Tobin, proposée par James Tobin il y a une vingtaine d'années pour mettre des bâtons dans les roues des spéculateurs, taxe sur les opérations de change qui devaient se situer entre 0,1 p. 100 et 0,5 p. 100, la question de l'application se pose depuis fort longtemps. D'ailleurs, je trouve très frustrants que les économistes terminent toujours leurs discussions en disant: «Non, c'est impossible à appliquer. Oublions ça.»

Mais quand on examine les chiffres, on se rend compte que deux banques sont à l'origine d'environ 66 p. 100 des opérations. De plus, 20 p. 100 des opérations nous disent que les banques et d'autres institutions financières (coupé?). La majorité de ces opérations, soit 55 p. 100, sont menées dans seulement trois pays: le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon. À New York seulement, une centaine de banques sont à l'origine de 70 p. 100 de toutes ces opérations.

Donc, une fois qu'on se renseigne sur le nombre d'institutions qui sont à l'origine de ces opérations, on se rend compte qu'il n'existe pas des milliards de spéculateurs. Il y en a un certain nombre, qui sont concentrés dans certains coins du monde. Ils ne sont pas partout; on les trouve surtout dans les grands centres financiers. Donc, nous n'avons pas affaire à des millions de spéculateurs que personne n'arrive à trouver et qui peuvent disparaître avec leurs capitaux à n'importe quel moment. Les institutions responsables ne chercheront pas à fuir si elles sont parties prenantes.

Comme il s'agit d'échanges entre les banques, si certaines banques décident de fuir et de s'établir ailleurs, il y a moyen de régler ce problème. Supposons que la participation au FMI soit conditionnelle à la perception d'une taxe Tobin, ou encore que les pays pouvant devenir d'éventuels paradis fiscaux touchent des fonds grâce aux recettes générées par la taxe Tobin. Ces recettes pourraient être de l'ordre de... Selon les conditions, la taxe pouvant se situer entre 0,1 p. 100 et 0,25 p. 100, et compte tenu du fait que ces recettes iraient en diminuant dès l'application de la taxe, si on décide qu'il est possible de l'appliquer, les recettes pourraient se situer entre 120 milliards de dollars et 300 milliards de dollars par année. Et si l'on accordait une partie de ces ressources à ces pays-là pour garantir leur participation au programme? Ce serait certainement possible étant donné l'importance des recettes qui en découleraient.

Il faut donc faire passer le débat à l'étape suivante; il faut cesser de dire: «Non, c'est impossible» et commencer à examiner les mécanismes qui permettraient de l'appliquer. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Halifax Initiative, en collaboration avec des universitaires et d'autres, envisage d'organiser des colloques ici à l'automne, avant la réunion des ministres des Finances du Commonwealth, pour qu'on commence à étudier les diverses solutions de rechange; il faut donc cesser de dire que c'est impossible et d'écouter les institutions financières, qui ne veulent rien savoir, évidemment, et reconnaître non seulement que le contrôle de ces mouvements de capitaux spéculatifs s'impose mais que nous avons les mécanismes nécessaires pour exercer ce contrôle. Chacune de ces opérations génère des données électroniques qu'il n'est pas du tout impossible de suivre. Il y a donc moyen de l'appliquer. Il faut ouvrir le débat sur les moyens à prendre.

Encore une fois, le véritable problème, dans une très large mesure, est la résistance de ceux qui détiennent le pouvoir et de la communauté financière elle-même et le manque d'une volonté politique d'ouvrir ce débat. Nous avons déjà réussi à faire des choses tout à fait étonnantes. La Banque mondiale et le FMI ont mis sur pied une initiative multilatérale concernant les dettes que personne n'aurait pu imaginer. Le FMI lui accorde des bourses. Nous avons aussi réussi à conclure un traité sur les mines terrestres. Il est possible de faire des choses. Encore une fois, il s'agit d'avoir la volonté politique et le désir d'ouvrir ce débat. Voilà ce que nous devons faire.

En ce qui concerne les réformes en cours à la Banque mondiale et la possibilité que le FMI puisse également être réformé, je ne dis pas dans mon texte qu'il faut démanteler le FMI; je dis qu'il faut utiliser les outils dont nous disposons maintenant pour exiger la réforme. Et ces outils sont surtout d'ordre monétaire. Par exemple, c'est l'amendement Pelosi aux États-Unis, rattachant certaines conditions à l'octroi de fonds de la Banque mondiale, qui a déclenché le processus de réforme actuellement en cours à la Banque mondiale. Cet amendement exigeait que la Banque devienne plus responsable sur les plans social et environnemental et qu'ils rendent davantage compte de ses activités. Voilà qui a déclenché le processus de réforme progressive au sein de cette institution. Mais à mon avis, vu la dégradation considérable de l'environnement et la destruction d'un important capital humain à la suite de l'application des programmes du FMI et de la Banque mondiale, je dois dire que ce processus n'est pas assez rapide, en ce qui me concerne.

• 1950

M. Scott Brison: Pourriez-vous parler brièvement de la SEE?

Mme Robin Round: Voilà un bon exemple d'une institution fermée qui n'est responsable devant personne. Nous insistons, par le biais des discussions au comité des SHERPA—car c'est un sujet qui sera abordé cette année au sommet des G-7—pour que cette institution devienne plus transparente. Je n'arrive pas à obtenir le moindre renseignement de la SEE au sujet de ses prêts ou de l'évolution de ses prêts, et de plus, ils ne sont aucunement assortis de conditions sociales et écologiques.

Aux États-Unis, on fait pression à l'heure actuelle pour faire appliquer aux sociétés de développement des exportations des normes minimales qui viseraient l'ensemble des pays membres de l'OCDE. Donc, je ne sais pas si elle sera une bonne candidate pour la réforme, mais tant que nous n'aurons pas rattaché des conditions aux crédits que nous accordons au FMI, nous ne saurons jamais s'il y a moyen ou non de réformer cette institution. Nous ne le saurons jamais parce qu'elle existe dans une sorte de bulle. C'est une organisation très cachottière et extrêmement bureaucratique. Le public et les parlementaires n'ont pour ainsi dire aucun accès au processus décisionnel.

Jeffery Sachs a déclaré qu'étant donné que le FMI n'a que 1 000 économistes pour diriger toutes les économies dont ils sont chargés, il a fallu environ sept économistes pour déterminer le sort de chaque pays de l'Asie du Sud-Est. Mais ils ne sont pas tenus de rendre compte de leurs décisions. Nous ne savons même pas quelle procédure a été suivie. Et nous ne savons pas si l'on jugera bon d'analyser les résultats. En fait, on pense qu'il n'y aura pas d'analyse. Et cette organisation n'est responsable devant personne.

Donc, tant que nous n'aurons pas rattaché des conditions à l'utilisation de ces fonds, nous ne saurons jamais s'il est possible ou non de réformer le FMI.

En ce qui concerne votre dernier point au sujet de la politique étrangère, et la notion selon laquelle le gouvernement doit se faire le représentant des entreprises, au lieu de défendre les valeurs canadiennes, je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois que c'est Sylvia Ostry dont on a récemment publié les commentaires dans le Globe and Mail concernant l'échec total de la politique étrangère canadienne, et je dois dire qu'elle a parfaitement raison. À part quelques brillants exploits, comme le Traité sur les mines terrestres, quand je vois le premier ministre partir pour la Chine ou l'Amérique latine, où il va servir en paroles la cause des droits de la personne tout en signant des accords qui valent des milliards de dollars, cela me rappelle à quel point cette politique me semble tout à fait immorale et inadmissible.

Le président: Merci.

Monsieur MacRae.

M. Doug MacRae: Vous avez parlé des frais de scolarité, et j'aimerais réagir, si vous me permettez.

M. Scott Brison: Oui, les frais de scolarité et les emplois.

M. Doug MacRae: C'est ça.

Je pense que les gens n'ont peut-être pas toujours une idée tout à fait précise de la situation en ce qui concerne les frais de scolarité. Évidemment, je ne peux parler que pour les collèges communautaires, et je sais bien que c'est différent dans les universités. En Alberta, les frais de scolarité sont environ deux fois plus élevés. Dans notre province, cela coûte environ 2 000 $ par année pour fréquenter un collège communautaire ou un institut technique. Les coûts se situent entre 10 p. 100 et 15 p. 100, selon les besoins de l'étudiant. Donc, on attache beaucoup d'importance aux frais de scolarité, et lorsqu'ils augmentent, cela donne lieu à beaucoup de discussions.

Tout à l'heure, vous parliez de la possibilité qu'il n'y ait pas de frais de scolarité dans nos établissements scolaires. À la suite d'un long débat tenu dans la province sur la question, nos étudiants se sont prononcés en faveur des frais de scolarité. Ils voulaient qu'on établisse un plafond, que ces frais soient prévisibles, et qu'on fixe un maximum pour la contribution des étudiants, et ces éléments sont maintenant incorporés dans la loi.

Pour moi, le vrai problème est celui de l'accès aux emplois par les étudiants. Ces derniers se livrent une concurrence de plus en plus acharnée pour obtenir des emplois. Et dans la plupart des cas, il s'agit d'emplois de premier échelon. À ce moment-là, on ne peut pas faire autant d'économies, et son prêt prend de plus en plus d'importance. Mais à mon avis, ce serait une erreur que de dire, par rapport aux niveaux d'endettement de plus en plus élevés des étudiants que les frais de scolarité sont à l'origine du problème. Comme je viens de vous le dire, les frais de scolarité ne représentent que 10 ou 15 p. 100 du coût annuel des études. Il ne faut pas l'oublier. Nous avons tendance à tout vouloir mettre sur le dos des frais de scolarité. Mais il y a tous les autres frais, surtout si l'étudiant n'a que peu de revenus ou pas de revenu du tout. Ce sont les frais de la vie quotidienne et d'autres dépenses qui font augmenter le coût des études et finissent par créer une dette importante.

• 1955

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

J'ai fait quelques recherches sur un problème social particulier, et j'ai découvert que 3,4 p. 100 des femmes ont un problème social quelconque—par exemple, une dépendance à l'égard du jeu. J'ai trois ou quatre questions à vous poser, alors je vous demanderais de me donner de très brèves réponses. Au Canada, 3,4 p. 100 des femmes adultes souffrent de ce problème social. Que diriez-vous donc de l'ordre de grandeur de ce problème, monsieur Trent et monsieur MacRae? En ce qui vous concerne, quel serait le degré de gravité ou d'importance de ce problème?

M. Doug MacRae: Je n'en sais rien. Je ne comprends pas votre question et...

M. Paul Szabo: J'essaie de vous démontrer quelque chose.

M. Doug MacRae: Très bien.

M. Paul Szabo: Si je vous disais que 3,4 p. 100 des femmes ont une dépendance à l'égard du jeu, diriez-vous que c'est une préoccupation, sans être une préoccupation grave?

M. Doug MacRae: Je ne sais pas si c'est une préoccupation grave ou non. C'est certainement une préoccupation.

Mme Margaret Hildebrand: Surtout pour elles.

M. Paul Szabo: Oui, bien entendu, mais dans l'ordre des choses...

Et vous, monsieur Trent?

M. John Trent: Je serais très inquiet si ma femme était incluse là-dedans.

M. Paul Szabo: Voilà où je veux en venir. Nous avons reçu des témoignages concernant les dettes des étudiants. On nous a dit qu'entre 30 et 50 p. 100—c'est-à-dire que M. MacRae disait que 40 p. 100 des étudiants ont des dettes. On nous a également confirmé que 93 p. 100 des étudiants remboursent leurs prêts. Les données qu'on nous a fournies à ce sujet sont très solides, ce qui veut dire que seulement 7 p. 100 des étudiants ne remboursent pas leurs prêts. Nous avons également constaté que la grande majorité d'entre eux ont cessé de rembourser leurs prêts ou se sont déclarés en faillite avant même la fin de la période sans intérêt, ce qui veut dire que ces personnes-là n'étaient pas de bonne foi. Disons que le caractère de bon nombre d'entre eux laissait pas mal à désirer.

Mais même si on suppose que 7 p. 100 des étudiants ne remboursent pas leurs prêts, seulement 40 p. 100—c'est-à-dire que seulement 2,8 p. 100 des étudiants au Canada ont un problème d'endettement. Vous ne semblez pas croire que le fait que 3,4 p. 100 des femmes aient une dépendance à l'égard du jeu représente un problème grave, monsieur MacRae, mais vous qualifiez la situation des étudiants de crise d'endettement. Le professeur Trent a dit que leur situation d'endettement était désespérée. Je voulais donc vous faire reconnaître qu'il semble y avoir deux poids deux mesures quand on décrit l'ampleur de ce problème-là, par rapport à d'autres.

Personnellement, je ne suis pas convaincu que le vrai problème soit le niveau d'endettement des étudiants. À mon avis, Margaret l'a très bien dit tout à l'heure: tout ce qui favorise l'accès aux études postsecondaires, notamment dans la part de ceux et celles qui n'y accéderaient pas autrement, constitue un bon investissement. C'est d'ailleurs le meilleur investissement qu'on puisse faire parce qu'il aide directement les étudiants.

Nous avons aussi discuté du chômage. Cependant, Développement des ressources humaines Canada nous dit que le taux de chômage parmi les personnes ayant un diplôme universitaire âgées de moins de 25 ans est de seulement 6,5 p. 100. Dans le cas des Canadiens ayant un diplôme universitaire ou collégial, le taux de chômage est de 64,5 p. 100. Il est donc clair que tout investissement dans le secteur de l'éducation comporte des avantages. Un témoin nous a dit que cela correspond à un rendement après impôt de 15 p. 100 pour le reste de leur vie.

Je veux que vous sachiez que d'après ce que nous ont dit les gens, et d'après ce que j'ai pu moi-même observer, l'objet de ce programme n'est pas d'aider les 7 p. 100 de la population estudiantine à rembourser leur dette. J'espère que cette initiative va permettre d'aider les personnes qui veulent faire des études mais qui n'en font pas pour le moment parce que nous voulons justement qu'ils participent. J'espère que ce sera possible grâce à cette initiative.

• 2000

Mes autres questions s'adressent à M. Trent.

Je dois vous dire que j'espère que nous pourrons jouer au poker un jour, car j'ai l'impression soit que vous ne jouez pas au poker, soit que vous jouez mal, parce que vos expressions vous trahissent chaque fois qu'on commence à parler de quelque chose.

Je voudrais rapidement vous poser une question. Pensez-vous que le gouvernement devrait prévoir un financement supplémentaire par le biais du REEE, c'est-à-dire le complément de 20 p. 100? Pensez-vous que c'est le genre d'initiative que le gouvernement devrait prendre? Cette possibilité a été annoncée au dernier budget. Êtes-vous en faveur?

M. John Trent: Oui.

M. Paul Szabo: Ah, bon. Alors vous estimez que le gouvernement fédéral, pour ce qui est de ses initiatives...

M. John Trent: Si c'est un impôt, ça relève du gouvernement fédéral.

M. Paul Szabo: ... touchant le remboursement des prêts en fonction du revenu... Est-ce que ces initiatives vous semblent utiles?

M. John Trent: C'est prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu, monsieur Szabo. Cela n'a rien à voir avec l'éducation dans les provinces.

M. Paul Szabo: Peut-être, mais c'est directement ou indirectement lié à la possibilité d'investir plus de ressources dans les études...

M. John Trent: Parfait.

M. Paul Szabo: ... pour qu'ils aient plus d'argent dans leurs poches et moins de dettes et de frais, etc. Un peu comme les bourses d'études du millénaire.

Permettez-moi donc de vous poser cette question très simple: si on décide de créer une fondation pour administrer ce programme pour l'ensemble du Canada, alors qu'une province dispose déjà d'un programme semblable, est-ce que cela veut automatiquement dire que ce programme fait double emploi, même si une seule province a quelque chose d'approchant? Pour moi, c'est un aspect important.

Deuxièmement, dans la mesure où un étudiant québécois demande et reçoit une bourse d'études du millénaire, en théorie, il n'aurait pas accès à une bourse provinciale, ou encore le montant de sa bourse serait ajusté en conséquence ou peut-être même éliminée s'il bénéficiait d'une bourse d'études du millénaire. Donc, dans la logique des choses, les fonds qui ne seraient pas utilisés par cet étudiant-là pourraient servir à autre chose, soit à réduire les frais de scolarité ou à élargir le programme des bourses. Autrement dit, le résultat final est le même.

Pour moi, la seule différence n'est pas la question de l'accès à l'éducation mais l'aspect politique, à savoir si c'est Jean Chrétien ou un autre qui signe le chèque. Est-ce l'aspect politique ou économique—c'est-à-dire la promotion de l'accès à l'éducation—qui vous dérange le plus?

M. John Trent: Monsieur Szabo, je voudrais dire d'entrée de jeu que je n'ai pas l'intention de répéter tout ce que je viens de dire. J'ai dit ce que j'avais à dire; tout cela est expliqué dans mon document et mes remarques seront consignées au procès-verbal de la réunion. J'ai élaboré une série de principes du fédéralisme—principes, je vous le signale en passant, que le gouvernement fédéral m'a aidé à développer et à publier.

Cela dit, je pense que le public serait très étonné de vous entendre dire que les étudiants n'ont pas de problèmes d'endettement, ou que leurs problèmes sont minimes. Je ne sais pas vraiment comment vos calculs vous permettent d'en arriver à 2,8 p. 100—vous dites que seulement 2,8 p. 100 des étudiants ont un problème d'endettement—mais je suis convaincu que bon nombre d'étudiants canadiens seraient étonnés de l'apprendre.

J'estime d'ailleurs que c'est en partie à cause de l'ampleur de ce problème que le gouvernement a décidé d'agir—il était motivé par le problème de l'accès et de l'endettement. Vous dites qu'il est clair que tout investissement dans l'éducation est avantageux, mais je trouve triste que non seulement le gouvernement fédéral, mais les administrations provinciales aussi—tout le monde a justement oublié ce fait très important au cours des cinq ou six années pendant lesquelles les budgets de nos établissements scolaires faisaient l'objet de réductions importantes.

Pour passer maintenant à votre observation la plus importante, concernant le double emploi avec le programme québécois, je n'ai pas l'intention de répéter mes arguments. J'ai dit ce que j'avais à dire au sujet des principes du fédéralisme, et quelle que soit la province concernée—que ce soit le Québec, l'Alberta ou Terre- Neuve—je vais toujours trouver extrêmement dangereux de décider que la situation dans cette province-là n'est pas importante et que si tous les autres ont besoin d'un programme, eh bien, cette province ou cette minorité, quelle qu'elle soit, va devoir l'accepter. Pour moi, il est très dangereux d'appliquer ce genre de principe.

• 2005

Vous soulevez la question du double emploi. Et je pense qu'il s'agit sans doute du problème le plus épineux de tous ceux que pose l'initiative des bourses d'études du millénaire. J'ai dit dans mon mémoire que, selon mon analyse, le double emploi est inévitable. Même le projet de loi en fait mention; le gouvernement dit qu'il veut minimiser toute possibilité de double emploi. Donc, le gouvernement lui-même accepte la possibilité de double emploi.

Mais ce que nous refusons de reconnaître, c'est que quelqu'un, quelque part, devra administrer nos collèges et nos universités. Cette personne devra tenir compte des coûts des étudiants, des coûts des professeurs, des coûts de la recherche, des coûts de l'administration, des coûts des bâtiments, et de tous les autres éléments en essayant d'avoir une vue d'ensemble.

Si nous multiplions le nombre d'organismes qui travaillent chacun de leur côté, même s'ils se consultent et même s'ils font participer d'autres personnes, nous allons finir par créer du double emploi partout. Et là je ne parle pas uniquement de la possibilité que deux personnes fassent exactement la même chose. Je parle de l'impossibilité d'avoir une politique cohérente.

Voilà justement ce que je crains tout comme je crains, vu l'évolution des frais de scolarité, etc... Ce qui compte le plus pour moi c'est la situation de l'étudiant doué qui n'a pas d'argent. Voilà les personnes que nous devons soutenir dans le cadre de ce programme.

Et ce programme doit tenir compte de la situation globale des universités et correspondre aux besoins globaux des établissements fédéraux et provinciaux.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, je voudrais poser une dernière question à M. Trent.

Je présume que vous vous présentez ce soir à titre de particulier et que vous ne représentez pas l'Université d'Ottawa.

M. John Trent: J'imagine que mon recteur ne serait pas très content de moi.

M. Paul Szabo: Dans ce cas-là, je n'ai même pas besoin de poser la question. Vous y avez déjà répondu.

M. Nelson Riis: Monsieur le président, pourrais-je poser une question?

Le président: Oui, bien sûr.

M. Nelson Riis: Étant donné ce qui a été fait au cours de cette dernière ronde, est-ce que les étudiants qui quittent l'université ou n'importe quel autre établissement scolaire en ayant une dette de 25 000 $ ou de 40 000 $—comme nous le disait l'autre jour l'étudiant de deuxième cycle—ont maintenant la possibilité de se déclarer en faillite sans qu'il y ait d'autres conséquences? Je croyais que la Loi sur la faillite avait été modifiée il y a quelques années pour que ce ne soit plus possible. Un étudiant peut-il se déclarer en faillite et se débarrasser aussitôt de sa dette?

Le président: Oui, mais je pense...

M. Paul Szabo: Il y a tout de même certaines restrictions.

Le président: Oui, il y a non seulement des restrictions, mais la faillite est exclue pour les étudiants.

M. Nelson Riis: Pourrions-nous demander à notre attaché de recherche de se renseigner?

Le président: Oui.

M. Nelson Riis: Je pense que c'est un point important, parce que...

M. Richard Domingue (attaché de recherche du comité): Maintenant c'est 10 ans; mais c'est nouveau.

Le président: On prévoit maintenant une période de 10 ans, mais c'est tout à fait nouveau. Les dernières modifications apportées à la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants portaient justement là-dessus.

M. Nelson Riis: Il me semblait aussi, mais plusieurs témoins ont parlé de cette possibilité de se déclarer en faillite. Donc, si j'ai bien compris, ce n'est pas le cas actuellement.

Le président: Comme le disait l'attaché de recherche, le projet de loi C-36 prévoit une période de 10 ans.

M. Nelson Riis: Mais qu'est-ce que ça veut dire?

M. Paul Szabo: C'est dans le projet de loi que vous avez sous les yeux.

M. Nelson Riis: Oui, je sais, mais qu'est-ce que ça veut dire?

Le président: Ça veut dire que si vous vous déclarez en faillite, vous ne pourrez être libéré avant la dixième année.

M. Nelson Riis: C'est-à-dire, si je me déclare en faillite à cause de mon prêt.

Le président: Voilà.

M. Nelson Riis: Autrement dit, votre situation de faillite pèse sur vous pendant une dizaine d'années.

Le président: C'est exact.

M. Nelson Riis: Très bien. Et c'est prévu dans le projet de loi?

Le président: C'est exact. On a apporté des modifications—je crois que c'était dans le projet de loi C-35 qu'on a adopté au cours de la dernière législature, ou encore le projet de loi C-28.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, je désire m'adresser à vous, et non pas à M. John Trent. Je tenais à souligner que s'il y a dédoublement dans une province et que 5 p. 100 du budget est consacré à l'administration, on aura 1 000 bourses de moins par année, cela juste au Québec. Cela représenterait 10 000 bourses en 10 ans.

• 2010

Comme je vous le disais, je n'avais pas d'autres questions, mais je voulais juste vous souligner cela avant de vous quitter.

[Traduction]

Le président: C'était juste un commentaire? Bon, voilà.

Madame Round, monsieur Trent, monsieur MacRae, et madame Hildebrand, je désire vous remercier au nom du comité pour votre présence à cette table ronde, qui a été des plus intéressantes. Vous avez fait valoir de bons arguments, et vos vues vont certainement nous aider à analyser le projet de loi C-36. Encore une fois, au nom de tous les membres du comité, merci infiniment de votre présence.

La prochaine réunion du Comité des finances, soit la réunion numéro 79, se tiendra demain matin à 9 heures, dans la salle 362 de l'édifice de l'Est. Nous examinerons alors la partie I.

La séance est levée.