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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 mai 1998

• 0914

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance. Nous sommes retransmis ce matin sur les fréquences radio 105,5 MHz, 105,9 MHz et 106,3 MHz. Nous sommes en vidéotéléconférence dans le cadre de notre étude sur les pêches, en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement.

Nous avons ici avec nous à Ottawa, dans la salle du comité, M. Bruce Osmond et M. Ron Langdon, qui représentent la Coalition of Community Groups.

En vidéotéléconférence, nous entendrons depuis Miramichi, au Nouveau-Brunswick, le Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick, représenté par sa présidente, Inka Milewski.

Nous entendrons également Jean-Guy Comeau, un propriétaire de boisé du comté de Northumberland.

• 0915

Nous entendrons en outre M. Denis Landry, député à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Selon le député fédéral Charles Hubbard, il est un éminent écologiste et très intéressé par notre sujet.

M. Hubbard, bien entendu, est l'auteur de la motion en vertu de laquelle nous traitons aujourd'hui de ces questions liées à la pêche, aux cours d'eau et à la forêt en général.

Nous allons peut-être commencer par notre vidéotéléconférence. Je pense que nous avons deux sites, et nous allons donc les utiliser l'un après l'autre.

Tout d'abord, j'aimerais que les témoins de Miramichi se présentent. Nous pourrions ensuite entendre la déclaration liminaire de chacun de vous, si vous le souhaitez, ou simplement d'une seule personne là-bas. Je m'en remets à vous.

Pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît. Nous vous voyons très clairement.

Mme Inka Milewski (présidente, Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick): J'ai déjà comparu devant votre comité permanent au sujet de la pêche en général. J'ai un exposé que j'aimerais lire. Je passerai ensuite la parole à mes collègues à côté de moi.

Le président: Allez-y.

Mme Inka Milewski: Je vous remercie. Au cours de l'année dernière, le déclin du saumon de l'Atlantique au Nouveau-Brunswick a considérablement éveillé l'attention. Les organisations de pêche sportive, les scientifiques du ministère des Pêches et des Océans et les députés se sont disputés sur la question de savoir combien il reste de saumon et qui devrait payer pour les écloseries de saumon.

Les scientifiques du monde ont débattu de la cause du déclin et ont fait porter le blâme sur...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]... la surpêche étrangère et la prédation par les phoques, comme explications possibles. La question évidente concernant le déclin du saumon de l'Atlantique et aussi, ajouterais-je, d'autres espèces anadromes n'a pas été posée.

Au cours des quatre dernières années, on a dépensé des millions de dollars pour les écloseries de saumon au Nouveau-Brunswick. Des milliers d'heures de bénévoles ont été consacrées à l'amélioration de l'habitat dans les rivières et cours d'eau, des millions de saumons ont été relâchés par les écloseries et des zones tampons forestières ont été imposées le long des cours d'eau.

Vu ces efforts héroïques et ces pratiques apparemment raisonnables, pourquoi les populations de saumon de l'Atlantique dans les rivières de toute la région Atlantique ont-elles continué à reculer? Je pense que l'histoire offre la réponse.

Au cours du siècle dernier, les rivières du Nouveau-Brunswick, et probablement des autres provinces Maritimes et du Canada, ont vu décliner les autres espèces commerciales telles que le bar d'Amérique et le gaspareau. Il est largement admis que la perte des habitats de fraie et de séjour des juvéniles et une détérioration de la qualité de l'eau suite aux rejets industriels et à l'exploitation forestière massive ont joué un rôle déterminant dans leur déclin. Pourquoi ces facteurs n'auraient-ils pas le même effet sur le saumon de l'Atlantique?

Au cours des années 1850, Moses Perley, un agent d'immigration du gouvernement britannique, a étudié la pêche en rivière au Nouveau-Brunswick de même que la pêche maritime dans la baie de Fundy et soumis un rapport à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Du haut en bas de la côte du Nouveau-Brunswick, Perley a constaté les effets des barrages érigés sur les cours d'eau et de la pollution par la sciure déversée dans les ports et les cours d'eau sur la pêche en rivière, notamment d'alose, de gaspareau, de bar d'Amérique et de saumon de l'Atlantique.

• 0920

Je le cite:

    la pêche dans ce port

—à savoir Saint John—

    recule graduellement du fait, à mon sens, de la grande quantité de sciure rejetée dans le port et de l'érection de scieries et de barrages de scierie dans les différents cours d'eau se déversant dans le fleuve Saint John.

Dès le début des années 1800, pratiquement chaque cours d'eau le long de la rivière du Nouveau-Brunswick avait un barrage et une scierie. Aujourd'hui, à peu près chaque grand cours d'eau le long de la côte du Nouveau-Brunswick reçoit des effluents d'usines à pâte, des égouts, des eaux d'écoulement d'exploitations agricoles, ainsi que d'autres sources de pollution non ponctuelles.

Et aujourd'hui on peut y ajouter un autre problème, l'effet de l'exploitation forestière à grande échelle sur les écosystèmes des rivières. L'exploitation forestière à grande échelle prend la forme de coupes à blanc et de la conversion de forêts naturellement diverses en monocultures sylvicoles.

L'appauvrissement dramatique de notre écosystème forestier a endommagé notre écosystème aquatique en altérant le régime des eaux et le cycle des nutriments dans le bassin hydrographique.

Les coupes à blanc massives augmentent les périodes de hautes eaux dans les cours d'eau, décapent les rives et emportent les vieux arbres tombés, les débris de bois et les embâcles naturels qui servent à diversifier l'habitat et abritent les insectes et les plantes dont les poissons se nourrissent.

Les recherches effectuées sur le fleuve Restigouche démontrent de manière indubitable les changements intervenus au fil du temps dans l'hydrologie du bassin, du point de vue de la date et du débit de la crue de printemps.

Des recherches à long terme effectuées à partir de 1964 sur le bassin hydrographique du Hubbard Brook, au New Hampshire, un projet de recherche de grande envergure aux États-Unis, ont fait apparaître divers impacts écologiques dus aux coupes à blanc.

Pour ce qui est du cycle des éléments nutritifs, les coupes à blanc, les fermes sylvicoles et l'éclaircissement intensif de peuplements à génération naturelle empêchent la rétention des nutriments. Ces nutriments sont emportés dans les rivières. Ils s'accumulent dans les estuaires où ils contribuent à l'eutrophisation des eaux côtières. Le niveau élevé des matières organiques dans ces nutriments favorise également la propagation des maladies dans les cours d'eau.

Le Conseil de la conservation estime que le fait que l'habitat ait été largement négligé dans l'équation de gestion de la pêche est à l'origine de la crise de la pêche dans les cours d'eau tout comme dans les océans. Continuer à ignorer l'importance de l'habitat revient à ignorer un facteur clé de la survie des populations de poisson, peut-être l'un des rares domaines, hormis les efforts de pêche, où nous pouvons exercer une influence directe et réelle sur l'abondance du poisson.

Assurer la survie des espèces de poisson exige de protéger non seulement les habitats de fraie mais aussi les habitats des larves, des juvéniles et des adultes. Cela signifie protéger les alevinières et, dans le cas du saumon, l'habitat des tacons.

La mortalité naturelle intervient surtout dans les premières phases de la vie, entre la ponte de l'oeuf et un certain stade de l'état juvénile. On sait qu'une très petite variation de température peut faire une grande différence dans les premiers stades de la vie de toutes les espèces. Dans le cas du saumon, cela signifie qu'il faut assurer une couverture forestière suffisante au-dessus des cours d'eau pour garder l'eau fraîche et assurer que la quantité de sédiments déversés dans la rivière soit faible, de façon à préserver des niveaux d'oxygène élevés.

Au fur et à mesure que le saumon avance en âge, les contraintes d'habitat changent. Des habitats d'alimentation tels que les bassins et des habitats migratoires tels que les estuaires contribuent à ce que les jeunes saumons remonteront dans les rivières pour frayer de nouveau.

Le Conseil de la conservation préconise une approche écologique de la gestion des pêches. Cette approche comporte trois objectifs. Premièrement, les fonctions ou processus écologiques et critiques dont dépendent les populations de poisson doivent être protégés. Dans le cas du saumon de l'Atlantique, cela signifie protéger l'écosystème forestier à l'intérieur du bassin hydrographique.

Deuxièmement, l'habitat et les conditions environnementales physiques nécessaires au frai et à la survie des larves et juvéniles doivent être protégés.

Troisièmement, les cycles reproducteurs doivent être protégés contre la capture, et cela signifie protéger les femelles porteuses d'oeufs.

• 0925

Ces objectifs peuvent être poursuivis au moyen d'approches diverses. Un régime strict de gestion de la zone côtière est indispensable si l'on veut protéger les poissons anadromes avant qu'ils entament leur migration vers l'amont.

Des normes plus rigoureuses touchant les déversements d'effluents et l'élimination des rejets de contaminants toxiques amélioreraient le taux de survie des juvéniles, des adultes, des larves et des oeufs.

Une approche paysagère de l'exploitation forestière contribuerait à protéger le fondement écologique de toutes les espèces anadromes, à savoir leur écosystème aquatique.

Le transfert de la responsabilité réglementaire à l'égard des habitats des poissons d'eau douce du gouvernement fédéral vers le gouvernement provincial n'améliorera guère la qualité de la gestion. Puisque le MPO, avec ses légions de scientifiques, n'a pu prédire ou inverser le déclin du saumon de l'Atlantique, ou même d'autres espèces, il n'est pas raisonnable d'escompter que la province fasse mieux avec moins de techniciens, de scientifiques et de contrôleurs.

Le MPO doit poursuivre énergiquement les contrevenants au paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches qui traite de l'altération et de la destruction de l'habitat du poisson.

En outre, les modifications proposées à la Loi sur les pêches doivent intégrer la protection des habitats du poisson dans une approche écologique de la gestion des pêches. Toute tentative de gérer les ressources halieutiques doit prendre en considération la santé de leur environnement, en sus des taux de prise.

Tant que l'on se contentera de compter les poissons et de repeupler les rivières en négligeant de protéger l'habitat du saumon de l'Atlantique et d'autres espèces anadromes, nous risquerons d'assister à l'extinction de ces espèces jadis abondantes.

Je vous remercie.

Le président: Merveilleux. Maintenant, Inka, pourriez-vous nous présenter les autres personnes dans la salle. Jean-Guy est-il là?

Mme Inka Milewski: Il est là. Il est assis à côté de moi. Je vous présente Jean-Guy Comeau.

Le président: Ce monsieur, dont Charles Hubbard dit qu'il est un grand écologiste, est un propriétaire de boisé.

Inka, si vous voulez bien, les membres ont demandé que nous entendions les exposés d'abord et posions les questions ensuite, afin de n'oublier personne. Est-ce d'accord?

Mme Inka Milewski: Parfait.

M. Jean-Guy Comeau (propriétaire, Northumberland County Woodlot): Bonjour. Messieurs, c'est un plaisir que d'être là aujourd'hui.

Je suis l'un des nombreux propriétaires de boisés au Nouveau-Brunswick. La province compte 35 000 propriétaires de boisés. J'en possède un moi-même, mais je travaille également dans une usine à pâte. Je suis également guide et pourvoyeur.

Pendant la plus grande partie de ma vie je n'ai connu que la forêt. Au cours des 40 dernières années... Je peux parler de 40 années. D'ailleurs, mon anniversaire est demain. J'aurai 54 ans. Nous sommes très heureux que je sois parvenu à cet âge. Je travaille dans l'exploitation forestière depuis l'âge de 14 ans.

Aussi, lorsque je parle de la forêt, je parle de toute ma vie. La plupart des habitants du Nouveau-Brunswick ne peuvent passer une journée sans regarder la forêt. Où que l'on aille, que l'on travaille ou non dans la forêt, on est au contact de la forêt.

Si vous considérez les propriétaires de boisés du Nouveau-Brunswick, le propriétaire moyen possède environ 130 acres. Certains d'entre nous en ont beaucoup plus. Certains possèdent 1 000 acres, peut-être 2 000 acres, mais la moyenne est d'environ 130 acres.

Pour quelle raison les propriétaires de boisés possèdent-ils ou veulent-ils posséder de la terre? Pour la plupart d'entre nous, c'est un élément de notre histoire et quelque chose dont on ne peut se passer. Si l'on regarde l'histoire des boisés, leurs propriétaires étaient de petits agriculteurs ou pêcheurs.

Lorsqu'un considère un propriétaire de boisés, il faut regarder tout un ensemble de choses. Il faut considérer un peu l'histoire, car lorsqu'on essaie de changer l'histoire, on apporte des changements qui ne marchent pas trop bien dans la forêt. Si nous considérons l'histoire, les 50 à 75 dernières années d'exploitation forestière, en particulier celle des boisés privés, un boisé apportait probablement de 20 p. 100 à 30 p. 100 du revenu chaque année, et le propriétaire avait d'autres revenus pour subvenir aux besoins de la famille dans une année.

• 0930

Le boisé est l'une des choses qui compte le plus pour la plupart des familles du Nouveau-Brunswick. Certaines ne possèdent peut-être pas de boisé, mais ce qui se passe dans les boisés les touche de très près.

Nous avons beaucoup de gens, particulièrement sur le Miramichi, qui travaillent dans les usines à pâte. Le bois provenant des boisés privés représente environ 30 p. 100 du bois consommé par les usines. Cela touche donc la plupart des gens sur le Miramichi et je pense, à l'échelle du Nouveau-Brunswick, la plupart des Néo-Brunswickois.

Le boisé m'a aidé à équilibrer mon revenu de façon à pouvoir instruire ma famille. Comme tout salarié moyen, il aurait pu m'être très difficile d'instruire mes enfants. Mais avec mes boisés, j'ai pu disposer de revenus supplémentaires—avec mes enfants travaillant avec moi dans la forêt—de façon à leur faire faire des études universitaires.

Regardons d'un peu plus près l'histoire des propriétaires de boisés et des travailleurs forestiers. Je pense qu'il faut regarder le passé pour comprendre la situation d'aujourd'hui, pourquoi nous sommes où nous en sommes.

Si nous considérons l'histoire des propriétaires de boisés et travailleurs forestiers, il faut remonter au début des années 60. Au début des années 60, je travaillais déjà dans la forêt. J'ai eu la chance de vivre les derniers moments du camp, où nous avions 75 hommes et 25 ou 30 chevaux pour couper et sortir le bois. J'ai eu la chance de connaître cette époque, où la vie était rude—c'était un travail très dur—mais néanmoins une époque dont nous devrions tous nous souvenir.

À partir des années 60, la mécanisation a envahi la forêt, particulièrement les forêts domaniales. Les débusqueuses sont arrivées au début des années 60. Cela a duré jusque dans les années 70. Ensuite, jusqu'au début des années 80, il y a eu les tracteurs porteurs. Après, cela a été le règne de l'abatteuse-ébrancheuse.

Cela a mis au chômage un nombre incroyable de travailleurs forestiers. Beaucoup de ces travailleurs étaient propriétaires de boisés privés.

Comme je l'ai mentionné, ils tiraient probablement 60 p. 100 à 70 p. 100 de leur revenu du bûcheronnage dans les forêts domaniales. Ces bûcherons, tout au long de la période des années 60 jusque dans les années 80, ont été évincés et ont perdu leur revenu.

La plupart d'entre eux avaient un boisé. Il leur a donc fallu s'installer dans leur boisé et tenter de nourrir leur famille. Auparavant, pendant 50 ou 75 ans, ils coupaient du bois sur leur terre pour assurer environ 20 p. 100 à 30 p. 100 de leur revenu. Tout d'un coup, il leur a fallu trouver de l'argent pour nourrir leur famille, c'est-à-dire passer de 20 p. 100 à 80 p. 100, 90 p. 100 ou 100 p. 100 de leur revenu.

On a donc vu un nombre énorme de travailleurs forestiers tenter de nourrir leur famille et d'instruire leurs enfants en exploitant leur bois privé. Et comme vous l'avez vu au cours des dix dernières années, cela a engendré une situation, à tort ou à raison, telle que les forêts privées sont surexploitées.

Nous savons que ce n'est pas bien, cela ne fait aucun doute. Mais il faut bien nourrir sa famille.

L'une des choses qui a frustré beaucoup de propriétaires de boisés et de travailleurs forestiers est la manière dont le gouvernement fédéral a contribué à ce chômage. Si on regarde ce que le gouvernement fédéral a fait au cours des 20 dernières années, il a donné énormément d'argent pour la mécanisation. Les grosses sociétés ont saisi l'occasion pour investir dans des machines. Ces machines sont la cause de ce que nous voyons aujourd'hui, en tout cas une cause partielle.

• 0935

Bon, nous voyons cette situation et nous demandons quel est le lien avec la pêche. Eh bien, il ne fait aucun doute qu'il y a un lien avec la pêche. Ayant travaillé moi-même comme guide et pourvoyeur au cours des 30 à 35 dernières années, j'ai passé énormément de temps sur les rivières à saumon du Miramichi. J'ai un camp dans le nord-ouest du Miramichi. Je ne veux pas vous rendre jaloux, mais ce soir je vais pêcher le saumon de 6 heures jusqu'à la nuit. Ne soyez pas jaloux, mais je peux vous dire que c'est un endroit merveilleux.

Mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que la surexploitation du bois a engendré une situation qui ne peut que se répercuter sur la pêche. La pêche a été touchée et continuera de l'être.

Je ne vais pas vous faire un trop long discours, car les politiciens ne manquent pas pour faire des beaux discours et pour mettre en relation les faits.

Il s'agira de trouver les moyens pour donner un sens à tout cela. Il s'agira de voir comment nous, les propriétaires de boisés, et les gouvernements—le fédéral et le provincial—pouvons travailler ensemble pour chercher à remédier à certains des problèmes que nous avons provoqués en rapport avec les travailleurs forestiers et la pêche.

Je ne sais pas si je me suis exprimé bien clairement, messieurs, mais j'espère qu'en général vous voyez la direction dans laquelle nous cherchons à aller.

J'espère que dans le courant de la discussion il y aura des questions portant sur... pour tenter de trouver quelques solutions pour l'avenir.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Comeau.

Je pense que nous allons passer à M. Landry.

Mme Inka Milewski: Nous avons Denis Landry, le député provincial. Je ne sais pas trop quel est son comté, mais il est le représentant local.

M. Denis Landry (député de Centre-Péninsule, Assemblée législative du Nouveau-Brunswick): Centre-Péninsule fait partie de la péninsule acadienne. Je viens d'une famille de 11 enfants. Nous avons été élevés dans une exploitation agricole.

J'ai été bûcheron—pas avocat, bûcheron—pendant 17 ans de ma vie. Je travaillais pour une grosse compagnie. Nous étions syndiqués et tout allait bien jusqu'à l'avènement de la mécanisation.

On nous a mis à la porte en 1991. Je ne vais pas répéter tout ce que Jean-Guy a dit, mais je vais essayer de vous expliquer ce que les nôtres ont ressenti lorsqu'ils ont été évincés de la forêt par des machines.

En 1991, on nous a jetés en dehors de la forêt. C'est une chose réellement triste qui est arrivée à 200, 300, 400 personnes. Je ne sais combien de gens dans ma région ont été mis à la porte en même temps que moi. Mais nous avons durement combattu la mécanisation.

J'ai été mis en prison. On m'a fait un grand procès. J'essayais de convaincre la compagnie et le gouvernement de l'époque qu'il y avait place dans la forêt pour les hommes.

La mécanisation a fait cela. Les hommes ont été exclus des forêts domaniales, où il y avait toutes sortes de règlements, où nous étions contrôlés par le ministère des Ressources naturelles et où tout était surveillé. Nous suivions les règles de notre mieux.

Mais ce qui s'est passé, c'est que l'on nous a envoyés dans des comités, on a essayé de recycler ces gens pour leur donner de nouvelles qualifications. Là où je travaillais, en 1991, l'âge moyen était de 49 ans. C'est un âge moyen plutôt élevé. Mais tous ces hommes n'ont pu retourner à l'école et certains d'entre eux ne savaient même pas lire. Ils ont été réduits à l'assistance sociale. Il n'y avait pas d'autre solution pour eux.

• 0940

L'une des choses les plus importantes qui est arrivée est que les entrepreneurs qui exploitaient la forêt domaniale à cette époque ont trouvé d'autres façons de couper du bois. Ils rentraient chez eux et ont coupé du bois sur les terrains privés. Ils achetaient du bois aux vieux qui possédaient des forêts privées avec des arbres magnifiques. Ils les rachetaient, disant à ces vieux que leurs fils étaient partis travailler au loin, et que le mieux pour eux était de vendre leurs terres.

Ils achetaient et achetaient et ces bûcherons qui travaillaient dans les forêts domaniales travaillent toujours pour ces entrepreneurs. C'est une chose très, très triste qui est arrivée. Ils ont surexploité la forêt domaniale. Ils surexploitent les terres d'État.

Je vais vous dire une chose. Ces types, que je connais très bien, étaient ravis de travailler pour une grosse compagnie. Maintenant ils sont dans les forêts privées, à couper et surexploiter pour ces entrepreneurs, parce qu'ils ne trouvent pas d'autre travail.

Lorsque ces gens ont été évincés des forêts domaniales, beaucoup pensaient qu'ils trouveraient un autre travail, mais il n'en a pas été ainsi. Ils surexploitent les boisés privés et il n'y a guère de surveillance. Ils coupent près des ruisseaux, près des rivières, partout.

Je vais vous dire un chose: les forêts privées de la péninsule acadienne sont réellement dans un triste état. Je ne sais pas ce qui va se passer dans l'avenir proche. Nous essayons de trouver une solution, ici, dans la province. Je fais maintenant partie du gouvernement et j'essaie d'expliquer autour de moi qu'il y aura quantité d'emplois dans les forêts du Nouveau-Brunswick si l'on veut bien écouter les gens. Au lieu de mécaniser à outrance, on pourrait créer quantité d'emplois, à condition d'utiliser de plus petites machines.

Au lieu de poursuivre, je vais écouter ce que les autres ont à dire. Je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Landry.

Nous allons maintenant passer aux témoins qui sont avec nous dans la salle. Nous avons M. Ron Langdon et M. Bruce Osmond, de la Coalition of Community Groups de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Je voudrais demander à M. Langdon, qui connaît intimement l'exploitation forestière depuis des années, de commencer.

Ron, cela fait pas mal d'années que vous vous occupez d'exploitation forestière. Êtes-vous du même avis que Jean-Guy et Denis sur la mécanisation? Auriez-vous une déclaration liminaire à nous faire?

M. Ron Langdon (Coalition of Community Groups): Venant de Terre-Neuve, nous considérons Terre-Neuve comme unique. Les forêts de Terre-Neuve sont exploitées de manière un peu différente de celles des autres provinces atlantiques. La plupart de nos forêts sont exploitées par des multinationales telles qu'Abitibi-Price, Bowater—maintenant Kruger—et Abitibi-Consolidated. Alors que dans beaucoup d'autres lieux, comme le Nouveau-Brunswick, il existe des boisés, des forêts privées, et quantité de sociétés d'État, ces dernières n'ont guère de présence à Terre-Neuve. Nous sommes principalement sous la coupe des multinationales et nous sommes en grande partie syndicalisés. Cette situation influence notre point de vue.

On peut comparer la forêt à la pêche à Terre-Neuve. Nous pouvons tirer une leçon de ce qui est arrivé dans la pêche: la destruction de la ressource par la technologie, la dévastation qui a frappé nos localités rurales et l'exode soudain des Terre-Neuviens et Labradoriens vers d'autres régions du pays en quête de travail.

On peut discerner une similitude avec ce qui se passe du point de vue de la mécanisation dans nos forêts, à cause de la mainmise des multinationales à Terre-Neuve. Actuellement, 50 p. 100 du bois est coupé par des abatteuses-ébrancheuses et, dans cinq ans, les deux fabricants de papier ont l'intention de passer à 100 p. 100. Cela anéantit totalement nos collectivités.

• 0945

Nous avons déjà suffisamment souffert dans les localités rurales de la perte de nos droits de pêche et les localités forestières sont liées aux localités de pêche. Tout se tient. Les pêcheurs et les bûcherons sont habituellement reliés à l'exploitation forestière et nous avons de 50 à 80 localités qui sont actuellement touchées par les abatteuses-ébrancheuses.

La raison pour laquelle j'en parle est que c'est la technologie qui a aussi détruit la pêche et nous ne savons pas qui blâmer. Nous rendons responsables toutes sortes de gens, et probablement le gouvernement fédéral est en partie responsable et nous-mêmes le sommes en partie aussi. Il va arriver la même chose dans l'exploitation forestière si l'on n'apprend pas à écouter ceux qui travaillent dans l'industrie et la comprennent—les gens communs qui sont impliqués et voient les problèmes dans les forêts et les effets et les impacts sur l'environnement.

Vous devez commencer à écouter ceux qui en ont la pratique quotidienne, plutôt que les spécialistes qui lisent les choses dans les livres et ne comprennent pas réellement le point de vue des gens. C'est très important et c'est pourquoi nous sommes là aujourd'hui. Nous sommes tellement inquiets.

Nous subissons déjà une privation économique suffisante et nous disons au gouvernement que c'est là une occasion pour le gouvernement de Terre-Neuve de prendre le taureau par les cornes et d'agir et d'essayer de freiner ce qui se passe dans les pratiques d'exploitation forestière à Terre-Neuve. Élargissez votre vision et tâchez de créer d'autres choses. Nos forêts n'existent pas uniquement pour ces énormes sociétés fabriquant du papier, elles existent principalement pour les habitants de la province. C'est pourquoi je dis que c'est similaire à ce qui est arrivé dans la pêche.

Selon mon expérience personnelle, si vous voulez que je vous donne quelques exemples des effets sur les cours d'eau—et je pense que nous sommes là pour cela... Elles se moquent de tout. Ces compagnies se moquent totalement des effets de leurs pratiques sur les ruisseaux et petits cours d'eau, des alluvions entraînés jusque dans les rivières, et de là dans les fleuves à saumon et l'océan. À Terre-Neuve, on se fiche de tout.

C'est surtout une opération de camouflage cosmétique, où tout a l'air parfait vu de la route, mais dans les coulisses nous avons vu des endroits où... Il y a deux ans, je travaillais dans un camp de bûcherons—nous avons toujours des camps de bûcherons à Terre-Neuve et nous voulons les garder; nous voulons conserver les camps de bûcherons à Terre-Neuve—et ces abatteuses-ébrancheuses travaillaient sur les pentes des collines.

Terre-Neuve est surtout un pays de marais et de ruisseaux. Il y a des milliers d'étangs et de lacs et 60 p. 100 de notre territoire est fait de terrains marécageux meubles. Ces machines tournent autour des terrains mous et creusent partout d'énormes fondrières en coupant et débusquant le bois. Ils coupent à blanc les pentes des collines autour des lacs et étangs, car c'est là que poussent la plupart de nos arbres. Notre bois pousse surtout autour des collines, des lacs et étangs.

Ils ont coupé à blanc les collines autour du lac, autour du camp, et nous avons eu une crue éclair après une averse. Tout le limon a été emporté dans le lac et les truites crevées venaient s'échouer sur les rives. Le groupe écologique, pour parler franchement... Du fait que les compagnies contrôlent l'exploitation forestière à Terre-Neuve depuis 1906, la foresterie et la compagnie ne sont qu'une seule et même chose, et c'est pareil pour le groupe environnemental. Il n'y a pas de différence entre eux.

Un groupe privé milite pour la production de papier à Terre-Neuve, sans que quiconque n'évoque l'impact des méthodes d'exploitation. Il n'y a pas de gestion des sols. Nul ne se demande quels dégâts sont causés aux cours d'eau ou au reste. Il est temps que l'on commence à se pencher sur ces problèmes et à étudier l'impact de ces méthodes.

Nous avons eu cette crue éclair et elle a tué le poisson. Le groupe environnemental est arrivé, a fait des vérifications et déclaré que c'était une sorte de bactérie ou quelque chose dans l'eau, et il n'en a plus jamais été question. C'est le genre de chose que l'on voit aussi dans la construction de routes de coupe. Vous verrez peut-être un petit banc de limon le long d'une route secondaire, mais la plupart des eaux boueuses s'écoulent vers les petits ruisseaux et de là vers les grands ruisseaux et les rivières, où les dégâts se produisent.

• 0950

Selon mon point de vue de profane, je pense qu'il faudrait imposer une sorte de moratoire, mettre en place un système, jusqu'à ce que l'on détermine l'impact des abatteuses-ébrancheuses sur nos petits ruisseaux et nos étangs et nos lacs et nos rivières, jusqu'à ce que l'on sache ce que ces machines font réellement.

Allons-nous attendre jusqu'à ce que se produise la même catastrophe que dans la pêche? Allons-nous attendre que le cheval se soit échappé de l'écurie? Voilà ce que nous essayons de faire comprendre au gouvernement.

Pourquoi se précipiter et tout d'un coup avoir 100 p. 100 de coupe mécanique, dévaster nos forêts, détruire nos cours d'eau et nos stocks de poissons et notre habitat? Ensuite nous irons étudier l'impact, mais il sera trop tard. Je pense qu'il importe d'agir tout de suite.

Pour ce qui est des bassins hydrographiques et des zones tampons, on peut les élargir de façon à protéger nos cours d'eau et utiliser la coupe manuelle pour créer des emplois à Terre-Neuve, car nous en avons grandement besoin depuis l'anéantissement de la pêche.

C'est pourquoi nous sommes là aujourd'hui et j'espère que mon ami Bruce parlera du coeur. Nous ne sommes pas techniciens et nous ne sommes pas spécialistes; nous sommes simplement des gens préoccupés par ce qu'il advient de nos forêts.

Je répondrai à vos questions tout à l'heure car vous voudrez sans doute des précisions. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Langdon.

Bruce.

M. Bruce Osmond (Coalition of Community Groups): Je vous remercie. Je suis bûcheron, pas avocat, et vous vous en rendrez probablement compte avant que je termine. Je suis bûcheron depuis environ 22 ans, les 17 dernières années chez Abitibi-Price.

Au cours des 17 dernières années, j'ai vu moi aussi la dégradation de l'environnement due à l'exploitation de nos forêts, la surexploitation dans bien des cas. La surexploitation de nos terres domaniales, par rapport à notre réglementation forestière à Terre-Neuve, est maintenant de 100 p. 100. Nos villages—et je précise que nous sommes une race de villageois—souffrent de la perte de tous ces emplois.

Nous avons perdu environ 60 emplois rien que dans mon coin, la région de baie Notre-Dame, il y a trois ans, lorsque le gouvernement a injecté 2,2 millions de dollars dans une société qui devait créer 42 nouveaux emplois, en sus de conserver les 170 emplois déjà existants. Ils ont embauché les bûcherons pour environ trois à quatre semaines, guère plus, jusqu'à ce qu'ils touchent l'argent du gouvernement, ensuite ils les ont mis à pied, ce qu'ils sont toujours.

Il faut donc trouver quelque chose, un moyen ou un autre pour remettre ces bûcherons au travail et la seule façon de le faire est de restreindre l'emploi des abatteuses mécaniques. Ces abatteuses mécaniques dévastent nos forêts. Elles arrivent—comme Ron l'a dit—il a très bien résumé—elles arrachent et anéantissent tout et dans quatre ou cinq ans il sera probablement trop tard.

Pour en revenir à l'une des choses que Denis a dites tout à l'heure, lorsqu'il parlait de son camp de pêche, moi aussi j'ai une cabane dans l'une de nos meilleures zones de pêche au saumon de baie Notre-Dame, et je ne pêcherai pas le saumon ce soir car nous ne serons même pas autorisés à en garder un seul cette année. C'est ce qu'il semble, en tout cas. Si nous avons de la chance, nous aurons probablement droit à un seul saumon.

Je vais vous faire part d'un incident. Il y a quelques années, ils ont construit un pont par-dessus l'un des principaux cours d'eau à Rocky Pond, où se trouve ma cabane. Je suis parti du travail le vendredi soir et suis monté pour pêcher un peu. À mon arrivée, c'était comme si l'on avait versé du lait au chocolat dans la rivière. Là où ils avaient construit le pont, il n'y avait pas du tout d'écran à limon dans les petits cours d'eau et tout l'étang était envasé. J'ai donc dû faire marche arrière et je n'ai pas pu pêcher le saumon cette fois-là. Voilà donc un élément pour ce qui est de l'environnement.

Mais je veux répéter à M. Baker et à vous tous ici qu'il faut absolument faire quelque chose au sujet de la coupe mécanique dans notre région. Il est temps de faire quelque chose. Nous ne pouvons attendre que le gouvernement fasse une étude ni rien du genre; il faut agir maintenant. Je pense que le moment est venu et c'est maintenant.

• 0955

L'un des slogans libéraux lors d'une campagne électorale à Terre-Neuve, il y a quelques années, était: Le moment est venu et c'est maintenant. Le moment est venu pour intervenir pour remettre ces bûcherons au travail dans les forêts et en faire sortir ces machines, ou du moins parvenir à un équilibre entre les machines et les bûcherons.

Merci beaucoup.

Le président: Avant de passer aux questions, monsieur Osmond, pourriez-vous expliquer une chose au comité pour ce qui est de la controverse entre bûcherons et abatteuses mécaniques?

Un règlement a été adopté récemment concernant l'utilisation d'huile de vidange dans les scies à chaîne—vous souvenez-vous de cela, l'interdiction de l'huile de vidange? Autrement dit, lorsque vous changez l'huile dans votre voiture, vous prenez cette huile de vidange et vous l'utilisez pour votre scie à chaîne. C'était considérablement moins cher que l'huile de chaîne spéciale.

Un règlement a été promulgué disant que les bûcherons n'ont plus le droit d'utiliser de l'huile de vidange, pour quelque raison. Comparez cela à la destruction causée autour de nos rivières et cours d'eau par les abatteuses mécaniques, pour ce qui est des déversements d'huile.

M. Bruce Osmond: Pour ce qui est de l'huile de vidange, l'huile à chaîne est un lubrifiant plus visqueux. L'huile de vidange est beaucoup plus liquide. Si vous utilisez de l'huile de vidange comme huile à chaîne, vous allez abîmer la chaîne de votre scie de toute façon, car l'huile s'écoule trop rapidement du guide et coule par terre. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles on veut interdire l'huile de vidange.

On va mettre sur le marché—cette année, je pense—une huile de chaîne biodégradable. Je pense que ce sera un pas dans la bonne direction.

Le président: Comparez maintenant avec les abatteuses mécaniques.

M. Bruce Osmond: Une abatteuse mécanique va consommer, oh, je ne sais pas, peut-être 15 gallons d'huile à chaîne par jour, quelque chose de cet ordre, alors que je peux travailler une semaine avec cinq litres d'huile à chaîne.

Le président: C'est pourquoi on voit toutes ces plaques d'huile lourde là où travaillent les abatteuses mécaniques.

M. Bruce Osmond: Exactement.

Il y a eu un incident lorsque j'étais contremaître pour Abitibi pendant une saison. Les bonnes années nous travaillons dans les concessions d'Abitibi. Un jour, j'ai chargé mon camion d'huile hydraulique, 15 bidons. Cela faisait 15 bidons de 20 litres d'huile hydraulique pour cette journée-là. J'ai dû retourner au camp à midi pour en chercher davantage. Où est partie toute cette huile, me demanderez-vous? Nous avons eu une grosse rupture de durite dans l'un de nos chargeurs. En l'espace de 30 à 90 secondes, nous avions 45 gallons d'huile par terre. L'une des principales durites de la pompe à huile avait lâché.

Le président: Il ne fait donc aucun doute dans l'esprit des bûcherons que les abatteuses mécaniques sont une source de pollution terrible.

M. Bruce Osmond: Oh, oui. Avec les huiles hydrauliques aussi, les bûcherons savent que le réservoir d'huile hydraulique des débusqueuses est très petit. Il contient peut-être 8, 10, 15 gallons au plus, alors que sur une abatteuse-ébrancheuse, si vous avez une rupture de la conduite principale, vous perdez de 40 à 45 gallons d'un seul coup.

Le président: Je vous remercie, monsieur Osmond.

Nous allons maintenant passer à la période des questions et les principaux partis politiques sont représentés aujourd'hui. Nous avons le Parti réformiste du Canada, le Parti progressiste conservateur du Canada, le Nouveau parti démocratique du Canada et, bien entendu, les Libéraux, le parti au pouvoir.

Le premier intervenant sera M. Duncan, du Parti réformiste.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci, George.

Je ne suis pas non plus avocat. Je suis en fait forestier. J'ai passé 20 ans dans l'exploitation forestière côtière en Colombie-Britannique. La mécanisation n'est pas très poussée encore là-bas, parce que nous utilisons encore principalement le câble pour le débusquage, etc., mais il y a quelques similitudes et nous avons beaucoup plus de matériel hydraulique qu'auparavant.

• 1000

M. Langdon a parlé de la différence entre les pratiques forestières à Terre-Neuve et au Labrador et celles des autres provinces maritimes. Je sais qu'elles sont manifestement très différentes de celles de la Colombie-Britannique.

L'une des questions sur lesquelles le comité veut se pencher est le rôle du ministère fédéral des Pêches, le MPO, à l'égard des pratiques forestières dans vos provinces. Ce n'est pas ressorti clairement ce matin, et c'est donc là-dessus que vont porter mes questions.

Mes antécédents et mon expérience me disent que le MPO a des gens qui s'occupent d'habitat et d'autres de contrôle. Il y avait tout un processus d'agrément dans les forêts privées et les forêts domaniales chaque fois que la pêche était en jeu, en particulier les espèces anadromes, les salmonidés. Pas une roue ne tournait, pas une autorisation n'était donnée sans ce feu vert. Et très souvent le MPO était l'administration la plus exigeante, ayant préséance sur tous les organismes provinciaux, etc. Bien que la province donnait le ton pour presque toutes les autres activités d'exploitation, tout ce qui touchait aux cours d'eau ou aux nappes phréatiques relevait du MPO. En est-il de même chez vous? Je n'ai pas l'impression.

Le président: Souhaitez-vous...?

M. Jean-Guy Comeau: J'aimerais dire un mot. Je suis Jean-Guy Comeau, du Nouveau-Brunswick.

Au cours des 15 dernières années, des lois ont été promulguées dans la province qui ont amélioré les choses, pour ce qui est des mauvaises pratiques forestières néfastes pour l'environnement ou les cours d'eau. Les lois au Nouveau-Brunswick, touchant tant les forêts domaniales que les boisés privés, sont très strictes. Et nous avons constaté une amélioration considérable depuis 25 ans.

Si on voulait supprimer les abatteuses mécaniques en arguant du fait qu'elles causent une pollution énorme et mettent en danger l'environnement, je ne pense pas que nous irions très loin, car la situation s'est améliorée. Les règles relatives aux abatteuses et le MPO sont très stricts, d'après ce que j'ai vu. Cela englobe les forêts privées. Je sais qu'en tant que propriétaire de boisé, on me surveille étroitement, et j'en suis heureux. Si nous voulons traverser un cours d'eau, nous avons intérêt à avoir le bon permis et faire les choses dans les règles.

Donc, pour ce qui est de la mécanisation et de la pollution des cours d'eau au Nouveau-Brunswick, je pense qu'il y a eu une grande amélioration. Si nous voulions nous battre pour éliminer les machines en invoquant la pollution, je ne pense pas que nous ayons de bons arguments, car la situation s'est améliorée.

Le gros problème de la coupe avec des machines au Nouveau-Brunswick est l'emploi. Une des choses que font ces abatteuses, c'est créer des coupes à blanc. Ce sont des machines très lourdes. On peut se plaindre des dégâts qu'elles causent à proximité des cours d'eau. Et lorsque je dis à proximité, ce peut être 300 mètres, 500 mètres, ou peut-être plus. Le règlement dit que l'on ne peut s'approcher à plus de 100 mètres d'un cours d'eau, aux alentours de 300 pieds. Vous pourriez donc toujours être dans les limites qu'impose la loi et causer néanmoins des dégâts énormes.

L'une des choses que j'ai pu faire, parce que j'ai un boisé qui borde le Miramichi nord-ouest, a été de constater les effets de la coupe sur la rivière. Et si vous regardez uniquement ce qui se passe à 300 ou 400 pieds de la rivière, vous n'aurez pas une image réelle de ce qui se passe. J'ai de petites sources dans ma forêt qui sont à plus de 300 mètres de la rivière, mais je peux vous emmener jusqu'à la rivière où ces sources rejoignent la rive. Si je travaille autour de ces sources, je n'enfreindrai pas la loi, mais je vais causer des dégâts qui vont se répercuter sur la rivière.

• 1005

Si vous approchez d'une source importante et que vous coupez tout autour de cette source, si vous faites une grande coupe à blanc, cette source va tarir. Ce petit filet d'eau froide qui alimentait la rivière nord-ouest où tous ces petits tacons... Je passe mon temps l'été à surveiller où se tiennent les tacons. J'ai un thermomètre avec moi et je prends la température de l'eau. Lorsque je vois des petites poches de la rivière où semblent se tenir beaucoup de poissons, j'y vais avec mon thermomètre et je prends la température.

L'une des choses que j'ai constatées sur le Miramichi nord-ouest est que, selon l'heure de la journée, si vous prenez la température à huit heures du matin, elle sera de 54 degrés environ. Elle se maintient jusqu'à peut-être onze heures et midi. Mais entre midi et trois heures de l'après-midi, la température de l'eau peut monter jusqu'à 70 degrés. Eh bien, autour de ces petites sources qui alimentent la rivière principale—c'est là où se trouvent ces petites poches où vous verrez tous ces petits poissons.

Pour en revenir à ce que nous disions au sujet des coupes à blanc avec les grosses machines, lorsque vous faites ces grosses coupes à blanc, vous touchez à ces sources. Si vous récoltez manuellement, vous n'êtes pas obligés d'enlever autant d'arbres rien que pour faire faire demi-tour à une machine.

J'espère que ce que j'essaie de vous expliquer vous montrera que, pour essayer d'éliminer les machines afin de créer les emplois et préserver l'environnement, il faut mettre en lumière le problème réel, variable selon la province, plutôt que certains problèmes qui n'existent que dans certaines provinces. Il semble qu'à Terre-Neuve le problème de la pollution directe par les machines est beaucoup plus grand qu'au Nouveau-Brunswick.

Je vous remercie.

Le président: Inka, aimeriez-vous ajouter quelque chose à la question de M. Duncan sur la juridiction...?

Mme Inka Milewski: Oui. J'aimerais en parler spécifiquement.

Peut-être depuis les dernières audiences du comité permanent... Je pense que le gouvernement commence enfin à saisir le message que les spectateurs de Sesame Street connaissent depuis longtemps, à savoir que tout se tient à l'intérieur de l'écosystème. Cela ne devrait réellement surprendre personne que les pratiques forestières se répercutent sur la pêche, que l'aquaculture se répercute sur la pêche, que le développement côtier se répercute sur la pêche, que les effluents des usines à pâte se répercutent sur la pêche. Je ne sais pas comment le MPO va s'attaquer à ce problème de l'interconnexion.

Je sais que le MPO a une stratégie océanique qui prévoit une gestion intégrée. Nous craignons que cela signifie en réalité gérer les intérêts économiques—la manière de découper ou de répartir le paysage entre les intérêts économiques—et pas réellement gérer en vue de la viabilité écologique.

Je suis venue vous dire que nous ne voulons pas que le MPO et le gouvernement fédéral allègent leur contrôle et leurs responsabilités à l'égard de la gestion des pêches. Nous voulons que vous protégiez le bien commun. Nous ne voulons pas de partenariat public-privé; à nos yeux, ce serait s'engager dans une direction réellement désastreuse. Nous ne voulons pas que vous vous déchargiez de ces responsabilités sur les provinces, qui n'ont pas la capacité de régler ces problèmes. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas collaborer avec les provinces et avec l'industrie, mais je pense que le contrôle, les études scientifiques et la gestion doivent rester aux mains du MPO. Il faut avoir une réglementation beaucoup plus stricte. Vous savez, vous allez devoir engager des poursuites. Il se commet des infractions passibles de poursuites.

En gros, mon message est que le MPO ne doit pas relâcher son contrôle de la gestion des pêches.

Le président: Monsieur Langdon, vouliez-vous ajouter quelque chose à cela?

• 1010

M. Ron Langdon: Je ne sais pas qui a compétence à Terre-Neuve—je suppose les deux—mais nous ne préconisons pas l'interdiction de toutes les abatteuses dans la province. C'est difficile, mais ce que nous recherchons actuellement, c'est un équilibre. Nous disons que cela suffit. Nous sommes arrivés à 50 p. 100. Restons-en là et essayons de déterminer où ces machines peuvent travailler, quand elles peuvent travailler, quelle zone tampon est nécessaire autour des cours d'eau, toutes ces choses.

Si on laisse une zone tampon plus grande autour des endroits sensibles où la coupe ne pourrait être que manuelle, ces machines peuvent faire encore beaucoup de travail en hiver à Terre-Neuve. Les ruisseaux sont moins un problème en hiver. Au printemps, comme chacun le sait, les cours d'eau sont un peu plus hauts et les ruisseaux sont gonflés. Tout d'un coup, pendant l'été, vous avez trois ou quatre semaines de temps sec et les ruisseaux se réduisent à un filet d'eau. Une machine arrive et ne peut voir où se trouve le ruisseau, ou personne ne sait qu'il y a un ruisseau, et l'on franchit les limites. Ensuite, le printemps prochain, le ruisseau remonte à un certain niveau, et ce sont tous là des habitats pour les petits poissons.

Terre-Neuve se distingue par le fait que nous avons habituellement un retard technologique de dix ans. La technologie avance d'ouest en est. Des études environnementales ont été faites en Colombie-Britannique et les pratiques changent en Colombie-Britannique parce que vous avez constaté les problèmes. Pourquoi nous précipitons-nous comme des imbéciles pour passer à une coupe mécanisée à 100 p. 100, alors que dans dix ans nous nous apercevrons que «oui, nous avons les mêmes problèmes qu'ils ont rencontrés en Colombie-Britannique et nous ne pouvons les résoudre»? Pourquoi ne pas regarder ce qui se passe ailleurs?

Je n'ai pu suivre la conférence sur l'exploitation forestière qui s'est tenue à Ottawa il y a quelques temps, mais j'ai l'étude sur les pratiques forestières de Colombie-Britannique et l'accord entre le gouvernement et l'industrie pour tenter de créer des emplois dans l'exploitation forestière, et je suis sûr que l'environnement est un facteur très important de cela. Je suis sûr que nous pouvons apprendre des autres provinces.

Il est très important de rechercher des façons de protéger les régions—non pas se débarrasser entièrement des machines, bien que personnellement j'aimerais le faire. J'aimerais ne plus en voir une seule dans la province. Chacune remplace 15 hommes au sol et ce n'est pas quelque chose que nous pouvons nous permettre de toute façon.

Une autre chose que j'allais mentionner est qu'ils nous ont contactés au sujet de la pulvérisation contre l'infestation de tenthrède dans l'ouest et le centre de Terre-Neuve, où ils veulent utiliser du dyloxe. Ce produit n'est pas agréé à Terre-Neuve, mais apparemment il a été approuvé par le gouvernement fédéral. Nous ne voyons pas comment ils pourraient pulvériser même des secteurs limités avec cette fine poudre de dyloxe, qui est très toxique pour les poissons, les animaux et les oiseaux... Partout où ils vont le pulvériser, ils vont tuer tout ce qui bouge.

Du fait que nous avons de l'eau partout—des étangs, des lacs, des cours d'eau—il est impossible que cette compagnie puisse pulvériser contre la tenthrède sans nuire aux poissons dans les étangs et les lacs. C'est très inquiétant et je ne pense pas qu'il faille le permettre. Je suppose que c'est du ressort provincial et nous ne pouvons que protester et tenter de l'empêcher, car apparemment c'est aussi un neurotoxique. Ils disent qu'on l'emploie sur le blé et d'autres cultures, mais là il n'y a pas autant de cours d'eau et c'est cela qui nous inquiète, que le produit se retrouve dans les étangs et les lacs.

Le président: Avez-vous une brève question, monsieur Hilstrom? Nous passerons ensuite au côté gouvernemental.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): J'ai une courte question, et peut-être le député provincial pourrait-il répondre brièvement.

En ce qui concerne la surexploitation des forêts et toute la réglementation provinciale—et peu m'importe à quel parti vous appartenez—pensez-vous que le gouvernement provincial a une réglementation suffisante pour contrôler adéquatement les pratiques forestières aujourd'hui, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs?

M. Denis Landry: Nous avons toutes sortes de règlements, qui sont réellement stricts, mais je ne vais pas dire le contraire de Jean-Guy qui dit être surveillé dans sa forêt privée. Dans ma région, une région rurale, j'ai vu des choses terribles. J'ai vu des débusqueuses haler du bois à travers un ruisseau—pas une rivière, un ruisseau. Ils traversaient à gué, pas sur un pont, parce qu'il n'y avait pas de pont. Parfois les exploitants font cela lorsqu'ils ne sont pas surveillés, et le ministère des Ressources naturelles ne peut les surveiller tous.

• 1015

De façon générale, oui, les règlements sont assez bons ici au Nouveau-Brunswick, mais il y a encore beaucoup à faire et notre gouvernement devrait écouter davantage les gens, à bien des égards.

Dans ma région, les gens dépendaient réellement de la forêt pour leur subsistance. C'est toujours le cas, mais c'est réellement...

Lorsque je me battais contre la mécanisation dans la forêt, à titre d'activiste social, je ne défendais pas ces machines. J'essayais de convaincre le gouvernement à l'époque—je n'en faisais pas partie alors—je n'essayais que de faire comprendre qu'il fallait protéger la forêt. Je disais à l'époque que si les compagnies continuaient à couper le bois au même rythme, la province en manquerait dans 15 ans. Je disais cela en 1991. Aujourd'hui, ils disent que peut-être en 2005 la province ne pourra fournir tout le bois dont les usines auront besoin alors.

On me traitait alors de fêlé. Un fêlé, c'est un malade mental. Aujourd'hui, le fêlé qui écoute toutes sortes de gens, est heureux, parce que tout le monde dit la même chose. Je vais vous dire une chose: ce n'est pas vraiment facile d'être remplacé par une machine dans la forêt.

Pour répondre à votre question, la réglementation est assez bonne, mais elle ne suffit pas.

Mme Inka Milewski: J'aimerais bien ajouter quelques mots à cela.

Il y a un réel danger ici de perdre de vue le tableau d'ensemble. J'y ai fait allusion dans ma présentation. J'ai vu des cartes où parfois les tampons minimaux autour des cours d'eau sont indiqués, et où parfois ils ne le sont pas. Mais si vous avez, derrière ce tampon, une coupe à blanc de 100 kilomètres carrés, le tampon ne servira à rien. Il ne s'agit donc pas seulement d'imposer des tampons et des ponceaux et des ponts enjambant les cours d'eau; c'est réellement tout l'écosystème forestier qu'il faut considérer.

J'ai fait état de cette étude qui a commencé en 1964 aux États-Unis sur l'effet d'une coupe à blanc sur un bassin hydrographique. La modification du complexe forestier et de la dynamique forestière a un effet sur l'hydrologie.

Imaginez donc. Imaginez votre province, n'importe laquelle, et prenez chaque bassin hydrologique et chaque cours d'eau, avec seulement une petite rangée d'arbres de 100 mètres sur les rives et, derrière, des coupes à blanc. Nul ne peut me convaincre, et aucune étude scientifique ne le prouve, que cela protégera efficacement ces cours d'eau. L'effet du paysage d'ensemble sur ces cours d'eau est énorme.

Il faut donc considérer non seulement la manière dont nous coupons le bois mais aussi tout le paysage pour voir exactement quel est l'impact sur l'écosystème aquatique.

Le président: Je vous remercie.

Je veux rappeler au comité que nous n'avons plus que quinze minutes à passer sur ce sujet. Nous devrons ensuite discuter de certaines motions des membres concernant les travaux futurs du comité. Nous allons donc passer à l'auteur de la motion, qui a introduit ce sujet, le député Charles Hubbard, et nous donnerons ensuite la parole à l'un des partis d'opposition.

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, président George.

Je viens de la région de Miramichi, qui est très bien représentée ce matin, de même que la péninsule acadienne—et certainement pas par un fêlé, Denis.

• 1020

Nous avons été très heureux d'entendre les renseignements au sujet de l'écologie et de l'environnement fournis par Inka, et, bien sûr, les propos tenus par Jean-Guy, ce formidable écologiste autodidacte. J'ai été très intéressé par le concept des nutriments selon la température de l'eau et, Jean-Guy, vous avez abordé cette question.

Comme vous le savez, George, le saumon, comme d'autres espèces de poissons, se déplace en grande partie en fonction de la lune et d'autres phénomènes naturels qui ont une incidence sur le cycle de vie, dont la température de l'eau, qui est l'un des principaux facteurs déterminants. Dans ce contexte, nous avons constaté qu'à l'heure actuelle, dans le Miramichi, pendant les périodes estivales, et surtout en juillet et en août, mais même en septembre, les températures de l'eau sont très élevées. Par suite de cela, le saumon ne remonte pas les rivières, et cela a une incidence sur le système tout entier.

Nous apprécions donc beaucoup les renseignements que nous avons reçus ce matin et l'explication selon laquelle la mécanisation très poussée, Denis, qui a été vécue au Nouveau-Brunswick et partout au pays—et je suppose, Ron et Bruce, à Terre-Neuve—a eu une très forte incidence sur notre économie.

Il est parfois difficile, monsieur le président, de regarder notre gouvernement consentir des encouragements fiscaux à de grosses entreprises pour leur permettre d'acheter de grosses machines qui suppriment les emplois des gens, et dans le Miramichi et dans tout le nord du Nouveau-Brunswick, et surtout dans la péninsule acadienne, des milliers de gens sont sans travail depuis 10 ou 15 ans à cause de ces grosses abatteuses mécaniques. Vous avez parlé, Ron, de 15 personnes. J'ai des chiffres selon lesquels jusqu'à 30 et quelques personnes peuvent être remplacées par une seule machine, et donc perdre leur emploi.

En tant que politiciens, il nous faut, monsieur le président, nous préoccuper de l'économie du Canada atlantique, et sans doute également, je pense, d'autres régions du pays, comme par exemple le nord de l'Ontario, et du fait que des machines aient chassé des personnes, les détournant de leur économie et de leurs habitudes de travail traditionnelles. Les petites localités ont perdu leur vitalité par suite de cette destruction.

Quoi qu'il en soit, pour ce qui est des renseignements que nous avons reçus ce matin, nous tenons à remercier le groupe d'être venu.

Inka et Jean-Guy, nous voudrons peut-être avoir quelques renseignements supplémentaires au sujet de ce que vous avez dit sur l'habitat et les nutriments et le fait que nombre de nos cours d'eau comptent sur de petites sources et des eaux froides pour assurer aux poissons les éléments essentiels à leur survie, et vous avez également parlé de la situation. Vous voudrez peut-être faire quelques observations supplémentaires au sujet de ces différentes choses.

Mme Inka Milewski: J'ai en fait une copie du mémoire, que j'ai remis à votre adjoint ici dans la région de Miramichi, monsieur Hubbard. J'ai donc cela, et je pourrai vous fournir nombre de preuves scientifiques qui appuient ce principe voulant que lorsque vous changez le paysage forestier, les nutriments, qui sont censés être renfermés dans le sol... En gros, lorsqu'il y a une pluie, ces nutriments s'écoulent tout simplement; ils s'écoulent, sont portés par le relief et aboutissent dans les ruisseaux, où l'on constate une importante charge de ruissellement. Non seulement cette charge solide a une incidence sur la température, mais elle change le niveau d'oxygène et offre en fait un substrat pour toutes les maladies transmissibles par des animaux et stresse les poissons qui se trouvent dans les rivières.

Il y a donc tout ce problème de ce qui arrive aux nutriments qui sont dans le sol.

L'autre chose que je mentionnerai peut-être est que lorsqu'un paysage est dénudé et que des affleurements rocheux sont exposés, nous savons qu'avec l'altération de cette matière rocheuse—il se trouve dans toutes ces formations rocheuses du mercure—les charges de mercure dans les ruisseaux et les rivières augmentent également et nous avons chez certaines de nos espèces d'eau douce des niveaux de mercure qui sont élevés.

Il y a le mercure atmosphérique, mais il ne faut pas oublier que le mercure est naturellement relâché par les roches qui se désagrègent, et au fur et à mesure que l'on expose le relief— cette base rocheuse—à l'altération, plus on voit augmenter les accumulations de mercure dans nos poissons. Bien sûr, nous avons déjà ici au Nouveau-Brunswick des avertissements-santé selon lesquels certaines espèces de truite et d'autres poissons ne devraient pas être consommés par des femmes enceintes. Ces avertissements précisent également quelle quantité de poisson devrait être consommée.

Il y a toute une masse de preuves qui montrent ce qui arrive lorsque vous changez le paysage forestier au moyen de coupes à blanc ou de fermes forestières. Il nous faut tout simplement faire intervenir cela dans nos processus décisionnels. J'ignore pourquoi les gestionnaires des pêcheries d'eau douce n'ont pas intégré ces renseignements.

• 1025

M. Jean-Guy Comeau: J'aimerais faire une observation.

Lorsque nous regardons les preuves que nous avons, les preuves scientifiques sont là. L'une des choses qu'il nous faut essayer de faire avec les preuves dont nous disposons est d'examiner le tableau d'ensemble et voir quelle incidence cela a sur la vie.

Lorsque nous regardons ce qui doit être fait avec le saumon, nous savons très bien ce qui doit être fait. Prenez la rivière Miramichi. Le saumon doit passer à travers de vastes étendues privées pour rejoindre les aires de fraie. Certaines de ces terres privées englobent même ces zones de fraie.

Nous avons parlé plus tôt de la perte d'emplois. C'est ici que l'on essaie de traiter de la situation réelle: celle d'essayer de nourrir sa famille et de protéger les poissons. Comment mettre les deux choses ensemble? C'est l'une des questions les plus critiques qu'il nous faut examiner. Nous pouvons nous doter des meilleures lois, avoir tout ce qu'il y a de mieux, mais il vous faut toujours avoir les gens pour faire les choses qui s'imposent.

Prenez, par exemple, le cas du propriétaire d'un petit boisé privé de 100 acres, qui est traversé par une belle rivière à saumon. Nous savons ce qui doit être fait pour protéger la rivière, alors il nous faut maintenant trouver des moyens grâce auxquels le propriétaire du boisé privé n'aura pas à abattre tous ses arbres pour nourrir sa famille. Tout peut être ramené à la survie du poisson et à la survie de la famille. Il nous faut mettre tous les éléments en perspective.

Lorsque nous regardons la situation dans son ensemble, il nous faut—et lorsque je dis «nous», je parle des gouvernements provincial et fédéral ainsi que de tous les organismes et de toutes les personnes qui s'intéressent à ce plan—trouver des moyens grâce auxquels tout le monde pourra vivre de cette planète. Ce que je veux dire par là c'est qu'à l'heure actuelle, si l'on prend le régime fiscal, je possède environ 1 000 acres de terres, et si je devais mourir demain, mes biens seraient imposés de telle sorte qu'une fois ces terres transférées à mes enfants, ils seraient obligés de les exploiter, d'y pratiquer des coupes à blanc pour payer les taxes qu'ils devraient au gouvernement.

Il s'agit là de questions réelles et importantes qui sont tout à fait contraires à ce que nous voulons faire en vue d'assurer la survie de la forêt grâce à son exploitation durable. Il nous faut examiner toutes les avenues possibles. L'avenue fiscalité est l'une des plus néfastes dans sa forme actuelle. La Fédération des propriétaires de lots boisés du Nouveau-Brunswick a déposé un mémoire auprès du gouvernement fédéral, et le ministre a tout dernièrement répondu par l'intermédiaire de son personnel en disant qu'il ne semble pas du tout prévu qu'il change les lois en matière d'impôt.

L'une des choses que j'aimerais que vous examiniez est un document intitulé Stratégie forestière nationale, durabilité des forêts: Un engagement canadien. M. Hubbard, de par ses fonctions, a accès à des personnes auprès desquelles il pourra obtenir ce rapport, et j'espère qu'il en obtiendra des copies pour tous les membres du comité afin que vous puissiez vraiment l'examiner. Il s'y trouve énormément de renseignements.

La Fédération des propriétaires de lots boisés du Nouveau-Brunswick a contribué énormément de renseignements dans la préparation de ce document. Il n'est nul besoin pour moi de les étoffer davantage, car tout cela est très bien traité dans le document.

En ce qui concerne les recommandations que nous avons faites relativement au régime fiscal, pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral en vue d'aider les petits propriétaires de lots boisés à opter pour de la mécanisation à petite échelle sur de petites parcelles de terre, si le gouvernement fédéral a réussi à trouver des sommes d'argent considérables pour permettre aux multinationales de s'équiper avec ces grosses abatteuses mécaniques, il devrait être en mesure de travailler avec nous pour trouver de l'argent pour appuyer la mécanisation à petite échelle sur les terres privées, de façon à favoriser la coupe sélective par opposition au régime de coupes à blanc que nous connaissons à l'heure actuelle.

Je ne vais pas accaparer davantage de votre temps. J'espère que vous obtiendrez ce document, qui s'appelle, donc, Stratégie forestière nationale. Vous y trouverez nombre des renseignements que la Fédération des propriétaires de lots boisés a déposés auprès du comité qui examine cela.

Merci.

• 1030

Le président: Merci, monsieur.

M. Hubbard va faire en sorte que tous les membres du comité reçoivent ce document, et notre documentaliste en chef y veillera aussi, surtout en ce qui concerne l'aspect taxation. Il est très intéressant de constater que toutes ces grosses abatteuses sont en fait, en vertu de notre actuel régime fiscal, un cadeau des contribuables canadiens.

Nous allons maintenant passer au NPD, plus particulièrement à M. Stoffer, de Nouvelle-Écosse.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Inka, je vais inscrire votre nom sur ma liste d'envoi de cartes de Noël pour cette année. J'ai beaucoup apprécié entendre ce que vous aviez à dire.

Quelques questions me préoccupent. Le Comité permanent de l'environnement et du développement durable a hier diffusé son rapport, condamnant le gouvernement fédéral. J'imagine, M. Comeau, que les choses vont beaucoup empirer avant de beaucoup s'améliorer en ce qui concerne la protection environnementale de l'habitat du poisson, des cours d'eau, et de tout le reste.

C'est étrange: vous parlez à des agriculteurs dans le centre du pays, vous parlez à des pêcheurs sur les trois côtes et vous parlez à des personnes oeuvrant dans le secteur forestier—et il se trouve dans ma circonscription plusieurs grosses sociétés forestières également—et ils vous disent tous la même chose, soit que ce n'est pas mieux d'être plus gros, que cela détruit tout autour de nous et qu'en même temps cela ponctionne le budget du gouvernement qui participe à l'achat de ces grosses machines ou de ces gros bateaux, tout en déplaçant des travailleurs. J'ai toujours trouvé cela honteux, et je suis vraiment heureux que vous ayez tous porté cela à notre attention ce matin.

Monsieur Osmond, vous avez dit quelque chose au sujet d'une abatteuse mécanique... que lorsqu'elle a une fuite, 45 gallons d'huile peuvent se retrouver par terre. Vous avez vu cela de vos propres yeux. Qu'avez-vous alors fait?

M. Bruce Osmond: Je n'ai pas vu l'abatteuse; j'ai vu une chargeuse. C'était il y a environ 14 ans. Nous avons tout simplement répandu de la sciure et des copeaux de bois pour absorber ce qui s'était écoulé.

M. Peter Stoffer: Que se passerait-il si la même chose était arrivée hier?

M. Bruce Osmond: Eh bien, en vertu de l'actuel régime provincial, si vous déversez plus de 20 litres, il vous faut faire venir l'équipe environnementale.

M. Peter Stoffer: Cela arrive-t-il?

M. Bruce Osmond: Non, je n'ai jamais vu cela arriver.

M. Peter Stoffer: Je ne pensais que cela arrivait.

M. Bruce Osmond: Je n'ai pas vu cela arriver, mais c'est ce que les gens sont censés faire.

M. Peter Stoffer: Hier, M. Herron, qui est le député de Fundy—Royal, nous a dit qu'il y a un seul inspecteur pour tout le Nouveau-Brunswick. Dans une province à forte activité agricole et forestière, le ministère de l'Environnement n'a qu'un seul inspecteur pour toute la province.

Monsieur Comeau, lorsque vous avez dit que les choses s'améliorent pour ce qui est des règlements, les règlements sont peut-être là, mais je ne pense pas du tout qu'il y ait d'exécution. Même le ministre de l'Environnement a dit que son objectif était de rechercher davantage de partenariats publics-privés pour ce qui est des aspects volontaires de la protection et de l'application des règlements.

Je suis bien sûr de votre avis, Inka. Ce n'est pas ainsi que les choses devraient se faire.

Je vais m'arrêter là pour l'instant. Je vous remercie en tout cas tous d'être venus ce matin pour nous saisir des renseignements dont vous disposez. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoffer.

Nous aimerions remercier les témoins. J'aimerais savoir si l'un quelconque parmi eux aurait quelques remarques à faire en guise de conclusion avant que nous ne coupions la communication afin que le comité puisse s'occuper d'autres choses.

M. Jean-Guy Comeau: J'aimerais faire une observation, et j'aimerais qu'elle soit prise très au sérieux par les députés.

L'une des choses que nous avons constatées est que le gouvernement fédéral semble se décharger de toutes ses responsabilités et remettre tous les pouvoirs aux mains de la province. Permettez-moi de situer le problème de la façon suivante: si vous ne voyez pas ce que vous êtes en train de faire, vous prenez le Canada et vous êtes en train de le déchiqueter. Il y a une chose dont vous devez vous rendre compte: dans une petite province qui n'a pas le financement nécessaire pour faire de nombreuses choses, les grosses sociétés exercent énormément de pouvoir auprès de ces gouvernements. Si, donc, vous n'avez pas de lois qui vous viennent du fédéral, si tout est transféré à la province, alors il devient très difficile de faire faire quelque chose qui touche les gens, car les sociétés... À l'heure actuelle, nombre des décisions qui sont prises dans la province le sont à cause du marché boursier.

N'oublions pas ce qui s'est passé au cours des 15 ou 20 dernières années: il y a eu énormément de fusions, qui se chiffrent dans les milliards de dollars. Alors le petit gouvernement de la province, lorsqu'il se trouve face à une société milliardaire, n'a pas une très grande force de frappe.

Il nous faut veiller à ce qu'au moins le gouvernement fédéral reste dans la discussion et reste dans les limites de certaines des lois, car le gouvernement fédéral a beaucoup d'influence. Lorsqu'on regarde le tableau d'ensemble, il a beaucoup plus d'influence qu'il peut exercer sur les sociétés. Dans les petites provinces, ce devient très dangereux lorsque vous ne traitez qu'avez la province.

Merci.

• 1035

Mme Inka Milewski: J'aimerais renchérir là-dessus et vous mettre en garde au sujet d'une autre question qui est liée à ces partenariats entre les secteurs public et privé.

Dès lors que le gouvernement fédéral se décharge sur la province, la province se décharge sur le secteur privé. C'est ce que nous avons constaté dans l'aquaculture: la province a jugé que le contrôle était trop coûteux et elle a cédé cette responsabilité au secteur privé. Lorsqu'en tant que simples citoyens vous voulez obtenir des renseignements sur la situation environnementale entourant ces bassins à saumon, vous apprenez qu'il s'agit de renseignements privilégiés et que vous n'y avez plus accès.

Je sais, par exemple, qu'au conseil des gisements sous-marins du Canada atlantique, pour la Nouvelle-Écosse, il y a un protocole d'entente qui est en train d'être élaboré par Environnement Canada et le MPO en vue de transférer la responsabilité en matière de contrôle et de réglementation. Je sais que le conseil des gisements sous-marins ne dispose pas des ressources nécessaires pour le faire. Il va céder cela aux entreprises et, encore une fois, le public n'aura pas accès à ces renseignements.

L'AMI est encore un autre exemple de transfert de responsabilité ou de privatisation de renseignements.

Il vous faut faire quelque chose pour stopper cette hémorragie de responsabilités publiques et de politiques publiques.

Le président: Merci, Inka.

Oui, monsieur Langdon.

M. Ron Langdon: J'aimerais dire qu'il est temps que les gens, auxquels appartiennent les ressources de notre province et du Canada, jouent un rôle important dans ce qui se passe relativement aux ressources dans leurs provinces et qu'ils reprennent ce qui leur a été arraché par les entreprises, les multinationales ou autres, et que nous veillions à avoir un impact direct sur la façon dont nos ressources sont gérées et à ce que, dans le secteur forestier, un rapport juste et équitable revienne aux gens qui s'occupent des ressources naturelles de notre province. Cela est très important, je pense. Nous ne devrions pas être assujettis au contrôle des multinationales, qui disent que c'est de telle ou telle façon que les choses vont être faites et qui ne se préoccupent pas de nos localités. Elles se contentent de donner des ordres.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Matthews, auriez-vous des remarques à faire en guise de conclusion?

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Monsieur le président, j'aimerais tout simplement dire aux témoins au Nouveau-Brunswick et à ceux de Terre-Neuve qui sont ici avec nous à Ottawa que j'ai trouvé la séance de ce matin très enrichissante.

Cette question est devenue un dossier de premier plan à Terre-Neuve et au Labrador. Il me faut dire aux deux messieurs qui sont ici que c'est devenu un très gros dossier au cours des quelques derniers mois. Je me ferai l'écho des remarques faites par d'autres en disant que c'est très ironique que nos lois, tant fédérales que provinciales, partout au pays, sont devenues plus sophistiquées à cause de la participation et de l'influence de groupes d'intérêt, mais que nous n'avons malgré tout pas le pouvoir de faire respecter les lois à cause de la délégation de pouvoirs, à cause de coupures, à cause de compressions budgétaires, et ainsi de suite. Il est en effet assez ironique que bien que les lois soient sans aucun doute meilleures, nous sommes beaucoup moins efficaces quant à leur application.

La matinée a été très intéressante et je tiens à remercier les témoins de leur participation. Comme je l'ai dit, dans notre province, c'est un dossier qui est maintenant au tout premier plan, avec les machines d'exploitation forestière, l'habitat des poissons, la privatisation prévue des rivières, etc. Cette question domine réellement l'opinion publique et les ondes publiques dans la province.

J'aimerais vous remercier des présentations que vous nous avez faites ce matin.

Le président: Merci, monsieur Matthews.

Nous aimerions remercier nos témoins d'être venus comparaître ici aujourd'hui. Nous avons entendu la Coalition of Community Groups, avec M. Bruce Osmond et M. Ron Langdon, de Terre-Neuve et du Labrador; de la province du Nouveau-Brunswick, de Miramichi, le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, avec sa présidente, Inka Milewski; du comté de Northumberland, M. Jean-Guy Comeau, propriétaire de lot boisé; et de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, M. Denis Landry, député.

J'aimerais remercier tous les témoins. S'il nous faut davantage de renseignements au sujet des propos que vous nous avez tenus, nous communiquerons avec vous à une date ultérieure. Merci beaucoup d'être venus et d'avoir comparu devant le comité.

M. Jean-Guy Comeau: Merci de nous avoir entendus.

• 1040

Le président: Merci.

Le comité doit maintenant passer à un certain nombre d'autres questions et être prêt à recevoir des motions. Le Parti réformiste et le Nouveau parti démocratique nous ont parlé de motions dont ils souhaiteraient traiter devant le comité.

La présidence a par ailleurs toujours la nomination par décret en conseil de M. Larry Murray, sous-ministre adjoint. J'ai vérifié mes notes et j'ai découvert que nous avions réglé cette question il y a quelques temps. Mais le greffier et les membres du comité m'affirmaient le contraire.

Je savais, cependant, que ma mémoire était meilleure que la leur. J'ai vérifié et il s'est bel et bien avéré que nous avions réglé cette question. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que nous y revenions. C'est donc réglé.

Il y a une autre nomination par décret en conseil dont j'ai été avisé: il s'agit de la nomination de M. Patrick Chamut du MPO en tant que représentant canadien auprès du Conseil général de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, à titre amovible; et sa nomination également comme représentant canadien à la Commission des pêches de l'Atlantique nord-ouest, à titre amovible—c'est le gouvernement qui décide.

Je vais distribuer cela aux membres du comité et si, à l'occasion d'une réunion future du comité, vous voulez y revenir et faire faire un examen du dossier de cette personne, alors nous ferons le nécessaire. C'est aux membres du comité qu'il revient de décider.

Nous sommes maintenant prêts à recevoir les motions des membres du comité.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: J'ai deux motions que j'aimerais déposer. Nous pouvons les traiter ensemble ou séparément.

La première concerne les rapports d'observateurs. Comme vous le savez, le comité a connu quelques difficultés dans ses efforts visant à obtenir les rapports d'observateurs. À un moment donné, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, j'imagine, les médias ont réussi à mettre la main sur des rapports d'observateurs, mais ceux-ci avaient dans une large mesure été gommés au feutre noir. Je pense que le comité a lui aussi reçu ces rapports remaniés.

Je pense que le comité souhaite avoir les versions non expurgées de ces rapports. C'est ce que nous demandons depuis le début. J'ai fait une demande personnelle de documents à la Chambre des communes, et on m'a proposé un marché. Le marché était que si je retirais ma demande, je recevrais les mêmes rapports que ceux qui avaient été remis aux journalistes, ce qui éviterait d'avoir à les faire traduire, ce qui doit être fait lorsque vous demandez quelque chose par l'intermédiaire de la Chambre des communes. Bien sûr, cela ne m'intéressait pas, car ce que je veux, ce sont les rapports intégraux.

Je pense que le comité vient de faire preuve d'énormément de patience, et je pense qu'il est temps que le comité soulève cette question à la Chambre des communes et dise que nous en avons assez. Ma motion, donc...

Le président: Avant d'aller plus loin, monsieur Duncan, quel était le marché? Je m'excuse, je m'y perds. Le ministère vous a offert un marché, est-ce bien cela?

M. John Duncan: Oui.

Le président: Pourriez-vous m'expliquer quel était ce marché?

M. John Duncan: Le résultat net de ce marché aurait été que j'aurais obtenu exactement les mêmes rapports que ceux obtenus par les médias.

Le président: Oui. Ils les ont déposés auprès du comité. Ce sont ces rapports qui étaient bariolés de noir. Je pense qu'ils faisaient 3 000 pages.

M. John Duncan: Nous les avons obtenus de toute façon, alors on ne peut pas du tout parler de marché.

Par suite de tout cela, j'aimerais proposer la motion suivante, et j'espère que le comité se rangera de mon côté.

Je propose qu'étant donné que le comité n'a pas reçu les versions intégrales des rapports d'observateurs, bien qu'il les ait demandés auprès du ministère, cette question soit renvoyée à la Chambre et que celle-ci émette une ordonnance exigeant que les rapports soient déposés en version intégrale dans les 30 jours.

• 1045

Si je dépose cette motion, c'est pour les raisons que j'ai exposées. Il y a par ailleurs un précédent.

Monsieur le président, en 1991, le Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général a adopté une motion exigeant le dépôt de versions non expurgées de ces deux rapports. Ne les ayant pas reçues, le comité a, comme il se doit, renvoyé l'affaire devant la Chambre et a demandé que celle-ci émette une ordonnance exigeant que les deux rapports soient déposés en version intégrale dans les 30 jours. Nous reproduisons donc une demande qui a déjà été faite au nom, je pense, de Derek Lee, qui siège toujours à la Chambre.

Le président: Y a-t-il des interventions? Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: Pour être certain d'avoir bien compris, M. Duncan a demandé ceci en tant que député.

M. John Duncan: Oui, cela figure dans les Journaux. C'est une demande de documents.

M. Charles Hubbard: Je ne suis pas certain, monsieur le président. Nous devrions peut-être en faire la demande en tant que comité, si nous voulons obtenir ces rapports, au lieu de passer à un autre palier.

Ce que je proposerais, monsieur Duncan, c'est que si notre comité en fait officiellement la demande par l'intermédiaire du greffier et que cette demande est refusée, alors nous pourrions...

Le président: Monsieur Hubbard, permettez-moi de faire une petite mise à jour pour le comité, car je ne l'ai pas encore fait. Le comité a demandé au président d'obtenir ces rapports. Je n'ai jamais fait rapport au comité là-dessus, car nous n'avons pas eu l'occasion de recevoir de rapport du président à ce sujet.

J'ai écrit au ministre à deux reprises et j'ai reçu un résumé de ce que le ministère prétendait être les prises esquissées dans les rapports d'observateurs. Lorsque j'ai examiné le résumé, j'ai trouvé qu'il était incomplet, m'appuyant uniquement sur mes connaissances quant à l'importance de l'activité de pêche qui est menée en vertu de l'OPANO et à l'intérieur de la limite des 200 milles.

Le ministère est revenu avec une liste supplémentaire de poissons qui auraient été pris, prétendant avoir omis une partie de ce qu'il aurait dû fournir au comité. J'ai alors communiqué avec le ministère et je lui ai signifié par écrit que le comité désirait avoir les rapports d'observateurs.

On m'a alors renvoyé une lettre expliquant que le comité ne peut pas avoir les rapports d'observateurs, qu'ils sont confidentiels pour des raisons commerciales et que ces pays considèrent que ce serait une atteinte à «leur vie privée» que de fournir ces renseignements à quiconque.

Lorsque le ministère a donc comparu devant le comité, il a déposé quelque 3 000 ou 4 000 pages de rapports d'observateurs qui avaient été bariolées de noir. Il ne restait que très peu de lignes qui pouvaient être déchiffrées.

J'ai fini par passer en revue ces 3 500 pages et j'y ai relevé certaines choses dont je pensais qu'elles intéresseraient le comité—je vais les envoyer à chaque membre du comité. J'ai tout juste fini cela hier soir, en fait—des choses comme, par exemple, le fait que tous ces navires au large des côtes jettent tous simplement par-dessus bord leurs déchets; que ces navires qui pêchent là retournent à leur port en Espagne—ce sont eux qui pêchaient le flétan à l'intérieur de la limite des 200 milles, par exemple—alors qu'on nous disait que ces navires se rendaient...

Le ministère est en train de suivre notre audience à la radio MF et il comprendra bien sûr maintenant que nous savons que ces navires sont retournés en Espagne et non pas à St-Pierre et Miquelon, contrairement à ce que le ministère avait déclaré lors de son témoignage devant le comité.

Quoi qu'il en soit, je vais fournir tout cela à chacun des membres du comité.

Voilà donc où en sont les choses à l'heure actuelle. M. Duncan propose que la version non éditée de ces rapports d'observateurs soit fournie au comité. Voilà donc la petite mise à jour que je voulais faire.

Oui, monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Je m'adresse à M. Duncan en tant que membre du comité: serait-il prêt à faire de sa motion un avis de motion?

• 1050

Je ne souhaite pas forcément voter contre la motion de M. Duncan, mais en tant que membre du comité et ayant entendu ce qui a été dit jusqu'ici, je me sentirais beaucoup plus à l'aise si la question faisait l'objet d'un avis de motion. S'il me faut voter tout de suite, je serai porté à voter contre la motion. Mais s'il s'agissait d'un avis de motion, nous pourrions obtenir de vous, monsieur le président, un rapport en bonne et due forme sur les efforts qui ont été faits pour obtenir ces renseignements.

Le président: Et nous en occuper à la réunion suivante du comité... est-ce cela que vous suggérez?

M. Carmen Provenzano: Lors de la réunion suivante du comité, si la question est si urgente. Mais en tant que membre du comité, j'apprécierais avoir la possibilité de prendre une décision réfléchie sur cette question.

Le président: Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur Duncan, la demande qui a été faite il y a quelque temps par M. Lee lors de la législature précédente—quel en a été le résultat? A-t-il obtenu ce qu'il voulait? Lui a-t-on de nouveau refusé...

M. John Duncan: Merci de poser cette question. Le ministre d'alors, Pierre Cadieux, a négocié avec M. Lee une entente en vertu de laquelle on lui a montré les documents en question à huis clos. On a déjà discuté de cela. Le même arrangement a été proposé au comité ici réuni.

Sauf le respect que je vous dois, Carmen, nous nous occupons de cette affaire depuis des mois et nous avons épuisé toutes les possibilités, toutes les options. Nous avons fait venir ici le ministre. Nous avons eu des avis juridiques. J'ai reçu copie de l'avis sur lequel il s'appuyait et qui traitait essentiellement le comité avec dédain.

Le fait qu'on nous ait accordé moins d'importance qu'à quelqu'un qui déposait une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information—ce serait acceptable et on nous a offert le même arrangement, mais dans ce cas-ci, je pense que l'intérêt public veut que ces documents soient du domaine public et non... Si nous examinons ces documents à huis clos, nous sommes coincés. Nous ne pouvons rien dire publiquement, et je pense que l'intérêt public ne sera pas servi. L'intérêt commercial est placé avant l'intérêt public. Nous avons entendu en comité des déclarations très troublantes de la bouche du ministre lui-même, qui a dit que si nous faisons une demande auprès des intérêts commerciaux concernés... J'oublie les termes exacts qu'il a employés, mais en gros, il a dit que cela mettrait en péril le programme des observateurs tout entier.

Nous ne devrions pas participer à des ententes avec ces pays étrangers à moins de pouvoir imposer nos règles fondamentales quant à ce qui doit être du domaine public, et nous ne le faisons pas.

Le président: Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle: Pour enchaîner sur la question, comment le ministre va-t-il jamais pouvoir réagir de façon positive aux genres de changements qui doivent être apportés quant à la direction à suivre si lui seul...? Et il avait lui aussi accès à ces documents à huis clos. Comment répondrait-il, étant donné qu'il ne peut pas témoigner publiquement sur ce genre de renseignements? Comment pourrait-il répondre à des questions sur les prises, etc., étant donné qu'il s'agit de renseignements qu'il aurait examinés à huis clos. À mon sens, il doit s'agir de renseignements publics afin que nous puissions faire des déclarations publiques nous appuyant sur ces renseignements, qui deviennent ainsi publics et qui font ressortir la nécessité d'apporter des changements. Je pense que c'est cela qui doit arriver et qu'il y a eu suffisamment de preuves.

Le président: Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews: Ce que j'allais dire a déjà plus ou moins été dit par les autres membres du comité qui ont pris la parole, monsieur le président. Il y a eu des questions très intéressantes. Le ministre a régulièrement dit que nous pourrions examiner les rapports à huis clos mais que nous ne pourrions pas nous prononcer sur eux en public car ce serait une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je pense que c'est cela qu'on nous a dit. Quant à l'intervention de M. Steckle...

Le président: Ce n'est pas lui qui a décidé. Il a prétendu que c'était la procédure parlementaire.

M. Bill Matthews: Une chose que nous devrions peut-être essayer de déterminer est de quelle façon ces rapports d'observateurs en provenance de ces navires étrangers sont protégés de la sorte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels? À mon sens, cela ne me paraît pas bien que ces renseignements, qui sont compilés par des observateurs à bord de navires étrangers, soient protégés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels de telle sorte que ni le comité ni personne ne puissent les voir. Il y a quelque chose dans la décision qui ne colle tout simplement pas.

• 1055

Je ne pense pas que l'interprétation soit juste. Je pense qu'il y a un sérieux problème avec l'interprétation, étant donné ce qui a été dit au ministre et ce que le ministre nous a dit à nous. Comment se peut-il qu'en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels les rapports d'observateurs de navires étrangers, l'activité commerciale renfermée dans ces rapports... que nous ne puissions pas y avoir accès. Il y a quelque chose qui ne va pas ici.

Le président: Monsieur Lee, dont vous avez mentionné le précédent, est un avocat bien en vue. Il vient tout juste de publier un livre sur la question que vous venez à l'instant de soulever, portant sur les pouvoirs des comités et sur cette affaire en particulier. Il a offert de comparaître devant le comité pour donner un avis sur ce que nous pourrions faire en réaction à cela. Il m'a proposé cela verbalement tout juste l'autre jour lorsqu'il m'a annoncé que son livre sur cette affaire allait justement sortir.

J'ai eu l'impression que M. Lee suggérait ce que suggère M. Duncan. Mais il me faudrait bien sûr attendre que M. Lee, si le comité désire l'inviter pour lui demander un avis—et en même temps, sans doute, un représentant des pêches... expliquant pourquoi ces renseignements sont jugés comme étant commercialement confidentiels, alors que ce ne devrait pas être le cas.

Allez-y, monsieur Duncan.

M. John Duncan: Quelques petites choses. Nous savons pourquoi le ministère dit que ces renseignements sont jugés comme étant commercialement confidentiels. Il le dit pour des raisons très intéressées. Il le dit car c'est là la position la plus confortable pour lui et parce que cela cadre avec la façon dont la bureaucratie a traité de la demande précédente en 1991. Comme je l'ai dit, je pense que la déférence qui a été témoignée au comité est inférieure à celle qui serait témoignée à un simple citoyen qui ferait une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, et je trouve cela tout à fait inacceptable. Je pense que cette motion devrait être déposée et adoptée. Je pense par ailleurs qu'il serait par la suite tout à fait indiqué de faire comparaître devant le comité et les bureaucrates et M. Lee.

Je pense qu'il n'y a aucune raison pour nous d'hésiter à demander cette motion. Je pense que ce serait improductif pour nous de ne pas le faire.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions? M. Provenzano a proposé que nous traitions de cette question à la prochaine réunion du comité afin d'avoir une mise à jour sur les faits en ce qui concerne la loi. Y a-t-il d'autres interventions à ce sujet?

M. Charles Hubbard: S'agit-il d'une motion de M. Provenzano demandant que ce soit réservé jusqu'à la prochaine réunion ou...?

M. Carmen Provenzano: Je lui demande tout simplement de tirer cela au clair. À ce stade-ci, je vais voter contre la motion. Je demande à l'auteur de la motion d'envisager d'en faire un avis de motion.

Le président: La question de M. Hubbard, monsieur Provenzano, est la suivante: Êtes-vous d'accord pour que ce soit un amendement à la motion et pour que cette question soit examinée à la prochaine réunion du comité?

M. Carmen Provenzano: J'en fais la proposition.

Le président: Il a été proposé par M. Provenzano que cette question soit examinée à la réunion suivante du comité. Y a-t-il une question ou des observations?

Tous ceux qui sont en faveur de la motion de M. Provenzano?

M. John Duncan: Je ne pourrai pas assister à d'autres réunions cette semaine.

Le président: Nous allons néanmoins traiter de votre motion. Peu importe, tant et aussi longtemps que vous avez un remplaçant.

M. Paul Steckle: Monsieur Duncan, je suis en train de réfléchir à voix haute, mais peut-être que la réussite de la motion, c'est-à-dire son adoption à l'unanimité, repose sur son examen demain plutôt qu'aujourd'hui, et pour cette raison je demanderais que vous envisagiez de faire cela demain. Je suis prêt à faire la proposition aujourd'hui, mais je suis également prêt à la faire demain.

• 1100

M. Peter Stoffer: C'est bien, monsieur le président, à condition d'avoir la garantie que nous aurons le quorum demain.

Le président: Oh oui, nous aurons le quorum.

M. John Duncan: Je suis vraiment très heureux que vous soyez prêt à réfléchir ici à voix haute, Paul.

Je vais laisser cela de côté. J'abandonne le champ à de plus dignes, sans doute.

Le président: Tous ceux qui sont en faveur de la motion de M. Provenzano?

(La motion est adoptée)

Le président: La motion suivante est de M. Duncan. Ce sera ensuite au tour de M. Stoffer.

M. John Duncan: Je pense que celle-ci n'a pas vraiment besoin de beaucoup d'explications, alors je vais tout simplement vous en lire le texte. Je pense que tout le monde pourra suivre.

Je propose que le comité écrive une lettre en réponse aux sénateurs des États-Unis qui ont écrit une lettre à Brian Tobin le 31 mars 1998, concernant la chasse aux phoques, et que cette lettre de réponse déclare que ces sénateurs des États-Unis devraient laisser les Canadiens s'occuper des affaires internes canadiennes.

À ceux qui ont besoin d'une explication, je dirai que j'ai remis au greffier une copie de la lettre des sénateurs des États-Unis. Ils se plaignent de la chasse aux phoques au large de la côte est. Ils disent, en gros, si je me souviens bien, que le Canada devrait mettre fin à cette activité.

Le président: Êtes-vous prêts à voter sur la motion?

M. Peter Stoffer: En avez-vous une copie?

Le président: Je pense que vous en avez des copies.

M. Carmen Provenzano: Encore une fois, j'aimerais que l'on ajoute quelque chose à la motion: la réponse devrait être formulée de façon diplomatique.

Le président: Ce pourrait être confié au président, et c'est ainsi que ce serait fait.

M. Carmen Provenzano: Eh bien, je préférerais que cela figure dans la résolution.

M. Charles Hubbard: Qui sont ces sénateurs?

Le président: Ce serait soumis au comité. Que diriez-vous de ceci: je rédigerai quelque chose et je le soumettrai au comité pour son approbation avant de l'envoyer? Cela vous convient-il?

Les sénateurs étaient D'Amato, Moynihan, Edward Kennedy, John Kerry, John McCain, Carl Levin et Christopher Dodd. Ce sont des sénateurs très en vue.

La motion demande que le président rédige cette réponse diplomatique et la renvoie au comité pour approbation avant de l'envoyer.

(La motion est adoptée)

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: L'autre jour, soit le 15 mai, le ministre des Pêches a annoncé une allocation supplémentaire de crevettes du nord de 28 000 tonnes, se fondant sur des preuves scientifiques. Il y a des preuves scientifiques qui montrent qu'il aurait pu aller jusqu'à 35 000 ou 40 000 tonnes supplémentaires, mais il a voulu suivre une approche axée sur la conservation.

Malheureusement, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse ont été écartés de toute allocation de quotas de crevettes supplémentaires. Ce que vous avez devant vous est la liste des...

Le président: Et l'Arctique, l'Alliance du Nord.

M. Peter Stoffer: Oui, la nouvelle Alliance du Nord.

Le président: Oui.

M. Peter Stoffer: Mais vous verrez devant vous les 14 détenteurs de licences qui ont 17 licences. Chacune de ces compagnies a déjà une allocation de crevettes du nord. Chacune des allocations de ces compagnies a été augmentée avec l'allocation supplémentaire de crevettes.

Le ministre dit que ces 14 détenteurs de licences ont utilisé des moyens environnementaux pour préserver ce stock. Ils l'ont bien pêché, alors ils méritent une augmentation.

Malheureusement, cela ne fait rien du tout pour le développement économique des intervenants au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et dans une partie de la région de Nancy, et qui avaient demandé une très petite allocation.

Par exemple, vous vous souviendrez tous que la coopérative de l'île Fogo était ici. L'un des quatre principes que le ministre a déclarés pour justifier les allocations supplémentaires de crevettes était le principe de la contiguïté. C'était le principe de conservation de la contiguïté.

L'île Fogo est située a milieu de la zone SFA 6. Elle se trouve en plein milieu, et les gens de là-bas n'ont rien eu. Il n'y avait pas une seule crevette, et tout ce qu'ils demandaient c'était 3 000 tonnes sur ces 28 000 tonnes supplémentaires, ce dans le but de continuer de faire travailler 300 personnes dans leur coopérative. Ces gens-là se trouvent au beau milieu de cette zone, et ils ont été écartés.

La ACS Trading, en Nouvelle-Écosse, m'a écrit pour me dire qu'elle demandait 2 200 tonnes dans le but de garder 170 personnes dans son usine.

• 1105

La motion que j'ai demande donc que le comité écrive au ministre l'exhortant à réexaminer les allocations supplémentaires de crevettes du nord à la lumière des preuves scientifiques, de façon que des intervenants comme la coopérative de l'île Fogo et la ACS Trading puissent participer dans cette pêcherie.

J'ai cité ces deux-là tout simplement à titre d'exemples. D'après ce que je sais, il y aurait six intervenants qui auraient demandé un total de 14 000 tonnes. L'un d'entre eux se trouve dans la région de Nancy. L'un d'eux est à l'Île-du-Prince-Édouard, un autre est au Nouveau-Brunswick et trois sont en Nouvelle-Écosse. Il reste donc encore 14 000 tonnes. Si vous incluez les 7 000 tonnes supplémentaires qui auraient pu être ajoutées à cause de la biomasse qui se trouve là-bas, il aurait été possible de distribuer suffisamment d'allocations pour que tout le monde participe à la pêcherie et pour que beaucoup de personnes conservent leur emploi.

Voilà, en gros, quelle est la motion. C'est à nous qu'il revient d'encourager le ministre à revoir les allocations de sorte que des intervenants comme la coopérative de l'île Fogo et la ACS Trading puissent participer dans la pêcherie.

Le président: La parole sera maintenant à M. Provenzano. J'aimerais néanmoins dire au comité que demain nous recevons le ministre et les hauts fonctionnaires du ministère dans le cadre de notre examen des prévisions budgétaires. On pourrait y ajouter n'importe quoi.

Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano: J'aimerais demander aux autres membres du comité si nous n'avons pas besoin d'une explication quant à la raison d'être de cette allocation?

M. Peter Stoffer: Il l'a donnée. Tout le monde en a eu une copie. Le document est daté du 15 mai. Il a été envoyé à tout le monde. Il est sans doute quelque part dans votre bureau.

Il dit, en gros, que ces 14 détenteurs de licences, qui détiennent 17 licences, ont pêché la ressource d'une façon conservatrice et appropriée et que c'est pourquoi ils vont obtenir 90 p. 100 du nouveau TPA là-bas. Ils ont donc tous vu augmenter leurs allocations actuelles. Il y a le fait qu'ils soient adjacents à la crevette, ce qui...

M. Carmen Provenzano: Mais je suppose que ce que je suis en train de dire est qu'en ce qui concerne la situation de l'île Fogo, cela mérite une explication, ne pensez-vous pas? Ne voudrions-nous pas poser une question précise là-dessus?

Le président: Monsieur Stoffer, M. Provenzano est en train de suggérer—c'est comme la dernière suggestion—que nous obtenions d'abord une explication et que nous traitions de la motion par la suite.

M. Peter Stoffer: Vous vous souviendrez, monsieur le président, que nous avons envoyé une lettre par suite d'une motion que j'ai proposée et qui a été adoptée ici lors de la comparution de la coopérative de l'île Fogo. Nous avons envoyé cette lettre qui demandait une explication et, que je sache, nous attendons toujours cette explication. Cela remonte à il y a bien plus d'un mois.

Le président: Je constate cependant, monsieur Stoffer, qu'il y a dans la salle deux membres très loyaux et très assidus du personnel du ministre et que ces personnes sont très soigneusement en train de prendre des notes. J'imagine qu'il y aura une explication de cela demain.

Monsieur Provenzano, nous attendons cette explication depuis un mois. Si nous l'obtenons demain, je pourrais reporter cet avis de motion jusqu'à demain, si vous préférez.

M. Carmen Provenzano: D'accord.

Le président: C'est bien.

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, nous avons également devant nous la liste des 17 licences. J'apprécierais beaucoup que le recherchiste les examine en fonction du quota pour chacun, des principes qui interviennent, de la valeur au débarquement, ainsi que du nombre d'employés par rapport aux poissons débarqués.

Le président: Cela englobe-t-il également le poisson conditionné sur la terre ferme?

M. Charles Hubbard: Oui.

M. Peter Stoffer: Monsieur Hubbard, je n'ai aucunement voulu laisser entendre que nous leur retirons du quota. Ils ont déjà une allocation de crevettes. Il s'agit tout simplement d'un ajout.

M. Charles Hubbard: Je pense qu'il serait utile que le comité connaisse les prises autorisées pour chacun de ces intervenants, sache de qui il s'agit, où le poisson est conditionné ainsi que la valeur au débarquement.

Il semble plutôt ironique, monsieur le président, que lorsqu'on regarde la valeur du poisson débarqué pour votre propre province, Terre-Neuve, malgré la fermeture de la pêcherie de la morue, la valeur du poisson débarqué a augmenté presque chaque année depuis la fermeture de cette pêche. Il y a donc une importante valeur au débarquement qui va quelque part, et j'ose espérer que les gens de Terre-Neuve bénéficient véritablement de cette augmentation sur le plan activité économique.

Le président: Bien sûr, ceci ne totalise pas la valeur débarquée mais la valeur transformée à bord des navires. Il serait très intéressant que le recherchiste se renseigne pour savoir pour combien de ces 17 licences de compagnies il y a une quelconque production sur la terre ferme. Je présume que c'est là la raison pour laquelle vous posez la question. C'est une intervention très intéressante.

M. Provenzano a proposé que votre motion soit réservée en attendant des explications du ministère et du ministre. Qui est en faveur de la motion de M. Provenzano?

(La motion est adoptée)

Le président: Y a-t-il d'autres questions dont le comité doit s'occuper?

• 1110

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à demain. Nous entendrons alors le ministre et les explications au sujet de la crevette et d'autres questions qui ont été soulevées ici aujourd'hui.

M. John Duncan: N'est-il pas prévu qu'on examine les prévisions budgétaires?

Le président: Oui, nous allons parler des prévisions budgétaires, mais ces prévisions couvrent tout. Les prévisions budgétaires s'inscrivent sous la rubrique «Vous pouvez soulever n'importe quoi».

Le ministre a des employés qui font preuve d'une grande loyauté en prenant des notes très précises pour être bien certains qu'il soit en mesure de répondre à nos questions demain.

M. John Duncan: Je ne serai pas ici demain, mais je suppose que le comité va poser des questions au sujet des progrès faits par le ministre en vue de répondre aux rapports que nous avons jusqu'ici déposés au Parlement.

Le président: Absolument.

La séance est levée.