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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 juin 1998

• 0936

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance sur les consultations prébudgétaires est ouverte.

Nous avons avec nous aujourd'hui des témoins qui représentent le milieu des sciences et du génie. Nous avons de l'Académie canadienne du génie, M. Pierre Franche, directeur général; du Consortium canadien pour la recherche, M. Paul Hough; de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, M. Clément Gauthier, directeur général; de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, M. Chad Gaffield, qui est le président de ce groupe; du Collectif en faveur des sciences et de la technologie, M. Howard Alper et, représentant l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, nous accueillons Mme Shirley Mills, professeure, et M. Robert Léger, qui est chargé des relations gouvernementales.

Bienvenue à ces consultations prébudgétaires. Comme vous le savez, parce que vous avez tous déjà comparu devant ce comité, vous disposez de sept à dix minutes pour faire votre présentation. Je vous encourage à ne pas dépasser le temps qui vous est alloué afin que nous puissions avoir assez de temps pour la période de questions et réponses.

Nous allons commencer par M. Franche.

[Français]

M. Pierre Franche (directeur général, Académie canadienne du génie): J'aimerais remercier les membres du comité de nous donner l'occasion de déposer ici notre mémoire. Je vais en présenter une version légèrement abrégée afin de respecter le temps alloué.

Tout d'abord, je réitère que nous sommes d'avis que la dette globale est trop élevée et doit être réduite. La première priorité fiscale doit demeurer la réduction de cette dette nationale. Les dépenses traditionnelles doivent aussi être réduites afin de libérer des fonds pour les secteurs prometteurs et innovateurs de l'économie nouvelle.

[Traduction]

J'aimerais profiter de cette occasion pour présenter nos recommandations sous les trois rubriques du financement et de l'éducation en recherche, de l'entrepreneurship technologique et de l'éducation permanente. Parce qu'il existe un lien entre ces sujets, ils doivent être abordés ensemble.

En ce qui concerne le financement et l'éducation en recherche, les conseils subventionnaires comme le CRSNG doivent encourager, encore plus qu'à présent, les projets de recherche financés conjointement par le secteur privé et les universités afin d'assurer la pertinence et une plus grande probabilité de succès des innovations technologiques. La Fondation canadienne pour l'innovation est également essentielle dans ce domaine et nous louons cette nouvelle initiative gouvernementale.

Par rapport à il y a trois ans seulement, nous faisons face actuellement à une pénurie d'ingénieurs qualifiés, en particulier dans les secteurs de la haute technologie. Cette pénurie est due à la fuite des cerveaux vers les États-Unis et l'Europe. Entre 1990 et 1995, 7,2 ingénieurs ont quitté chaque année le Canada pour chaque ingénieur qui y entrait.

• 0940

Je vous renvoie à la page 22 du magazine Maclean's du 8 juin 1998, que j'ai reçu avant-hier. On y précise que la pénurie, qui est particulièrement forte dans les sciences informatiques, le génie biologique, les transports et le génie environnemental, s'applique à la plupart des autres disciplines du génie.

Dans nos universités, il est maintenant très difficile de recruter des professeurs de génie hautement qualifiés en raison du manque d'étudiants inscrits aux programmes de doctorat en sciences informatiques et en génie électrique ou mécanique. Les allocations que les universités offrent à ces étudiants, comparativement aux salaires offerts dans le secteur privé, tant au Canada qu'à l'étranger, les découragent d'accepter des postes d'enseignants. Les universités ne peuvent pas satisfaire à la plus grande demande pour remédier à la pénurie d'ingénieurs.

Il faut modifier les politiques sur le financement de la recherche pour augmenter la modeste allocation de 15 000 $ par an accordée aux étudiants diplômés afin de pouvoir concurrencer les offres d'environ 50 000 $US des universités et des entreprises des États-Unis et d'Europe. Cette augmentation permettrait de recruter des étudiants diplômés pour les programmes de doctorat et d'accroître ainsi la source d'enseignants universitaires, ce qui aboutirait à un plus grand nombre d'ingénieurs hautement qualifiés pour le secteur privé, en particulier pour les entreprises technologiques. Ces politiques exigeront de financer davantage les conseils subventionnaires.

Pour ce qui est de l'entrepreneurship technologique, pour assurer la création de la richesse et de l'emploi dans une économie axée sur le savoir dans laquelle nous vivons aujourd'hui, la croissance des petites et moyennes entreprises technologiques, les PME, exige un nombre toujours croissant d'entrepreneurs dans ce domaine. Les écoles de génie, en collaboration avec les écoles de gestion, doivent produire davantage d'entrepreneurs en technologie qui sont qualifiés. La situation actuelle ne se prêtant pas à ce genre de collaboration, il faudra financer de nouvelles initiatives en coopération.

En octobre dernier, lorsque j'ai comparu devant ce comité, j'ai déposé une étude préliminaire intitulée «L'entrepreneurship technologique et le génie au Canada». J'avais alors promis qu'un rapport renfermant des recommandations de l'académie serait prêt en 1998. Je suis heureux de présenter ce rapport, qui a été produit grâce à l'aide financière du gouvernement fédéral et à la contribution bienveillante des chercheurs de l'académie. Je crois que le greffier a reçu hier 30 exemplaires du rapport intitulé «Wealth through Technological Entrepreneurship».

Ce rapport présente 19 recommandations sous les rubriques leadership, possibilités et marchés, mise en marche, financement et éducation, enseignement et recherche. Ces 19 recommandations exigeront des efforts concertés de la part de nombreux intervenants. Pour tirer le plus grand profit de leur participation, de leurs idées et leurs énergies, l'académie propose que soit mis sur pied un comité directeur national sur l'entrepreneurship technologique, que nous avons appelé NASCENT. Ce comité serait composé au départ d'un représentant de chacune des principales organisations de génie et d'affaires au Canada. Cette représentation pourrait ensuite être augmentée. Treize membres possibles du NASCENT sont indiqués dans le plan d'action du rapport. Je vous encourage à lire ce bref rapport car il a un lien direct avec les travaux de votre comité.

En ce qui concerne l'éducation permanente, alors que les études universitaires représentent la première étape d'une carrière, ce n'est que le début d'un long cheminement sur le plan du perfectionnement personnel. L'éducation permanente est importante pour la contribution personnelle à la nouvelle économie du Canada. Par conséquent, il faut assouplir les politiques fiscales canadiennes pour encourager les particuliers à poursuivre leur perfectionnement personnel. Le coût engagé par un employeur pour permettre à un employé de se perfectionner ne doit pas être considéré comme un avantage imposable pour l'employé. Au contraire, il faut encourager les employeurs, par des incitatifs fiscaux, à investir dans le perfectionnement de leurs ressources humaines.

Actuellement, les employés canadiens qui décident de retourner à l'université pour obtenir des diplômes d'études supérieures, devraient pouvoir, grâce aux politiques fiscales, déduire non seulement leurs frais de scolarité mais également le capital emprunté ainsi que l'intérêt durant un certain nombre d'années, un peu comme c'est le cas pour amortir l'équipement d'une entreprise.

• 0945

Parce qu'elle estime que l'éducation permanente pour les ingénieurs issus de différents horizons est importante, l'Académie canadienne du génie a publié en octobre 1997 des lignes directrices intitulées «Lifelong Learning for Professional Engineers». Je suis heureux de présenter 30 exemplaires de ce rapport, qui ont été envoyés au greffier hier, pour étude par le comité.

Pour conclure, j'aimerais souligner que le Canada a besoin d'un environnement national qui soit non seulement propice à la formation des ingénieurs mais qui les encourage également à se perfectionner et à rester au Canada. Le premier ministre et le gouvernement fédéral doivent faire preuve de leadership afin de créer cet environnement qui encourage l'éducation permanente chez les Canadiens qui ont une formation technique. Sans quoi, nous perdrons la bataille sur le plan de la concurrence.

N'oublions pas que le travail des ingénieurs a beaucoup contribué à la création du Canada. Une forte pénurie d'ingénieurs compétents dans un monde en évolution technologique rapide nous empêcherait d'être concurrentiels dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui. Le Canada a besoin d'un environnement qui encourage l'éducation technologique de notre jeunesse.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous et j'ose espérer que vous étudierez sérieusement nos recommandations et que vous jugerez qu'elles sont dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Merci monsieur le président.

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Franche.

Je vais maintenant passer au représentant du Consortium canadien pour la recherche, M. Paul Hough. Bienvenue.

M. Paul T. Hough (président, Consortium canadien pour la recherche): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître ici devant le comité. Je sais que c'est un comité qui sait écouter et qui nous a beaucoup appuyés par le passé.

Je tiens simplement à rappeler que le Consortium canadien pour la recherche comprend environ 25 organismes qui recouvrent l'éventail complet de la recherche, du génie aux sciences naturelles en passant par les sciences sociales et les sciences humaines. Elles représentent essentiellement 50 000 chercheurs provenant de tous les secteurs et, par l'intermédiaire de la Fédération canadienne des étudiants, 400 000 étudiants. C'est donc un organisme important qui se concentre principalement sur la recherche et la santé du secteur postsecondaire.

J'aimerais mentionner d'abord que le comité a fortement soutenu bon nombre des choses que le monde de la recherche a proposées au cours des dernières années et nous le remercions de ce soutien. Je pense que cela a été un facteur important dans les décisions du gouvernement.

Le consortium a travaillé avec un certain nombre de ses membres constituants et d'autres pour tenter de cerner les priorités réelles du point de vue du milieu. Le comité a soutenu bon nombre de nos propositions et je pense que les mesures gouvernementales, grâce à la création de la Fondation canadienne pour l'innovation sur l'infrastructure, donnent une permanence aux réseaux des centres d'excellence; le Programme d'aide à la recherche industrielle, administré par le CNRC et plus récemment, le rétablissement du financement provenant des conseils subventionnaires, du moins au niveau de 1994-1995, sont toutes des étapes très importantes. J'aimerais souligner qu'à notre avis, il s'agit d'étapes. Je pense qu'il en reste beaucoup d'autres à franchir, mais nous sommes sur la bonne voie.

Je pars de l'hypothèse que l'importance des sciences, de la technologie et du génie n'est pas réellement remise en question. J'utilise le terme sciences dans son sens le plus large afin d'inclure non seulement les sciences naturelles mais aussi les sciences sociales et les sciences humaines.

Cela dit, du point de vue du gouvernement, il y a des incidences à ce chapitre. Elles ne se limitent pas aux réalités budgétaires car elles sont si importantes pour le pays. Les investissements réalisés par l'intermédiaire des programmes que je viens de mentionner visent en fait à renforcer la capacité scientifique du pays et à améliorer le système. Tout en étant souhaitable, chaque mesure traite en réalité un aspect différent des exigences pour l'éventail complet des sciences et n'est pas équivalente aux autres.

Par exemple, la Fondation canadienne pour l'innovation fournit un important financement en capital et en équipement, mais elle n'accorde rien pour les dépenses de fonctionnement ou le soutien direct à la recherche. Cela ne pose pas de problème, tant que nous le comprenons bien. Parce que les universités doivent entretenir leurs installations, il n'y a aucun doute que les conseils subventionnaires feront l'objet aussi d'une demande accrue de financement pour la recherche. Les conseils eux-mêmes accordent des subventions pour la recherche directe, et non pas encore une fois pour les frais généraux ou les coûts indirects, bien que certains frais généraux fassent l'objet d'une nouvelle facturation.

• 0950

Un autre facteur important et, à mon avis, de plus en plus évident ces jours-ci est que ce qui se passe ailleurs influence le Canada, et ce qui se passe ailleurs, c'est qu'il y a des pays qui investissent énormément de ressources dans la recherche, dans les sciences et la technologie et qu'un certain nombre de Canadiens, que ce soient les jeunes les plus brillants ou des professionnels bien établis, sont amenés à quitter le pays. C'est plus une question de perdre ce que j'appellerais nos «nodes», les chefs de file les plus créateurs, autour desquels des groupes se sont formés pour réaliser le meilleur travail. Si nous perdons trop de ces nodes, nous aurons alors un problème. C'est donc une question de qualité et non de quantité.

Que proposons-nous donc maintenant que le gouvernement fasse, après avoir mis en oeuvre au moins un certain nombre de programmes importants?

Premièrement, comme M. Franche l'a dit, nous appuyons l'idée que les budgets de base des conseils subventionnaires pour la recherche fondamentale au pays soient augmentés selon les recommandations du rapport que nous avons présenté au comité l'an dernier et qui était intitulé «Sustaining Canada as an Innovative Society».

Ce document prévoyait une augmentation de 50 p. 100 sur quatre ans des budgets destinés au CRSNG et au CRM, et une augmentation de 60 p. 100 du budget du CRSH pendant la même période. Une proposition par étapes, de façon délibérée, que nous estimions être une proposition réalisable, et le gouvernement a combiné essentiellement les changements proposés pour la première et la deuxième années dans son annonce du budget de février 1998.

Comme je l'ai dit, il s'agissait d'une mesure importante et souhaitable qui a ramené les conseils à leurs niveaux budgétaires de 1994 et de 1995. Toutefois, je dirais que demeurent valables les arguments en faveur du maintien de cet investissement selon les propositions énoncées dans ce document. Nos universités effectuent la plus grande partie de la recherche fondamentale au Canada et forment des gens hautement qualifiés pour tous les secteurs.

De plus, la FCI exercera sans aucun doute de nouvelles pressions sur ces subventions; il y aura des possibilités nouvelles et importantes, et des besoins seront créés, auxquels il faudra répondre.

Les programmes comme la FCI contournent également dans une large mesure les sciences sociales et les humanités et c'est la raison fondamentale, ou l'une des raisons, pour lesquelles nous proposons une augmentation légèrement supérieure des crédits pour le Conseil de recherche en sciences sociales.

Mais en dehors des budgets de base des conseils, il existe des programmes ciblés que nous proposons au gouvernement d'envisager sérieusement. Il s'agit de combler les lacunes dans les possibilités.

Par exemple, j'ai parlé de la perte de personnes clés autour desquelles des groupes se sont constitués. Si nous perdons ces nodes, il ne nous reste qu'une coquille vide. Nous proposons en fait d'établir un programme ciblé pour retenir au pays ces grands chercheurs et pour attirer les Canadiens connus, en particulier les grands chercheurs qui se trouvent actuellement dans d'autres pays, afin de les ramener chez nous.

Un autre programme ciblé possible aurait à faire avec la FCI. Le nouveau programme de possibilités par l'intermédiaire de cette initiative vise à placer des jeunes dans les universités et les établissements de recherche en fournissant de l'équipement et des installations. C'est une très bonne idée, mais il faudrait également un programme ciblé de soutien à la recherche pour ces personnes, car elles seront assez nombreuses. Ce sont des gens de grande qualité. Ils sont placés là en raison de ces qualités et ils ont besoin de soutien.

La dernière suggestion de programme ciblé a trait aux collaborations internationales dans le cadre desquelles la capacité des Canadiens à travailler avec leurs collègues d'autres pays a considérablement diminué. Je pense qu'il s'agit d'une omission très grave.

En fait, cet aspect international comporte plusieurs dimensions car, par exemple, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie a récemment examiné la totalité de ses programmes et de ses priorités. Dans le cadre de cet examen, on a engagé un certain nombre d'experts non canadiens pour connaître leurs opinions sur la qualité de la recherche actuelle au Canada. Ils ont tous indiqué qu'elle était absolument de première classe.

Puisque chacun convient que les Canadiens doivent non seulement participer à la recherche internationale mais également collaborer pour pouvoir profiter des progrès réalisés dans d'autres pays, nous croyons fermement que les moyens mis en oeuvre pour participer vraiment sont importants. Malheureusement pour le moment, le Canada est considéré comme un pays de resquilleurs, car nous ne faisons rien pour que nos scientifiques participent à la planification et à la collaboration internationales.

• 0955

Ce sont là les principales propositions. Il reste deux sources de préoccupation. L'une est le fait que les universités canadiennes ont vu le financement accordé par les divers gouvernements chuter de façon considérable depuis quelques années, ce qui a réduit énormément leurs capacités de supporter les coûts de fonctionnement et d'entretenir leurs installations. Nous pouvons parler longtemps des problèmes de compétence. Je soulève simplement la question qui est lourde de conséquences.

La recherche scientifique gouvernementale est également une source de préoccupation. Elle a été réduite considérablement dans tout le ministère alors que c'est un secteur important. Le secteur public fait un certain nombre de choses et il devrait faire des choses qui sont très différentes de ce que font les universités et le secteur privé. Malgré cela, il n'a plus les moyens de le faire.

En conclusion, monsieur, j'aimerais dire que nous devrions chercher à avoir un milieu de la recherche qui soit fort et dynamique, qui soit considéré comme abordant les questions et les problèmes réels et qui attire de façon constante les meilleurs de nos jeunes. Cela veut dire qu'il faut encourager un environnement et un système fiscal qui mettent à profit les points forts, créent les liens nécessaires entre ces groupes et améliorent la capacité de profiter des résultats de la recherche. Cet environnement permettrait de déterminer de façon constructive les problèmes et les questions auxquels font face les gouvernements, la société et l'industrie et, à mon avis, permettrait de déterminer les moyens nécessaires pour relever ces défis. Les propositions présentées ici ce matin visent à atteindre ce résultat.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hough.

Nous allons entendre maintenant le représentant de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, M. Clément Gauthier.

M. Clément Gauthier (directeur général, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Bonjour. J'aimerais remercier le Comité d'avoir invité la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé à comparaître devant vous. Deux documents ont été distribués aujourd'hui: notre mémoire intitulé «Building on Canada's Brain Power» ainsi qu'un rapport qui s'inspire d'un sondage des centres de santé universitaires du Canada «A Crisis in Health Research». J'y ferai référence dans ma présentation.

[Français]

Le principal message que la coalition désire envoyer au gouvernement quant aux priorités à fixer pour le dividende budgétaire est de garder le cap sur l'objectif fixé par le ministre des Finances dans le document de politique générale qu'il déposait devant le comité en octobre dernier, soit d'utiliser le nouveau dividende pour s'attaquer à des priorités nationales qui se renforcent mutuellement, telles que la protection et l'amélioration du système de santé et le positionnement du Canada comme chef de file de l'économie fondée sur le savoir. Ces priorités offrent des retours sociaux et économiques optimaux, de grandes possibilités de formation et un meilleur accès à l'emploi pour les Canadiens et les Canadiennes.

Le rôle fondamental de la recherche universitaire dans la transformation de l'économie vers une économie fondée sur les industries du savoir a été démontré aux États-Unis et dans plusieurs pays de l'OCDE. Au Canada, une récente étude d'impact commandée par l'Association des universités et collèges du Canada a démontré qu'en 1993, chaque dollar investi en recherche universitaire a généré une augmentation réelle de 7,50 $ du produit national brut. Cela établit hors de tout doute la recherche universitaire comme un élément clé de l'économie canadienne.

Au cours de la même année, le Conseil de recherches médicales du Canada rapportait que la recherche en sciences de la santé représentait 54 p. 100 des dépenses totales en recherche universitaire. En conséquence, à partir des données de l'étude de l'AUCC, il est raisonnable de déduire que la recherche universitaire en sciences de la santé a été la source d'une augmentation du produit national brut de l'ordre de 37 milliards de dollars, soit 5 p. 100 du PNB, en 1993, ce qui équivaut à près de 100 000 emplois.

Le rapport de février 1998 du Comité consultatif national de la biotechnologie identifiait la recherche médicale comme étant la source de la majorité des pratiques de pointe en biotechnologie, un secteur d'activité en forte croissance partout dans le monde. Le même mois, une étude américaine sur l'impact économique de la recherche biomédicale confirmait cette dernière comme la source d'industries fondées sur le savoir, qui sont les clés de la prospérité économique future des nations.

[Traduction]

Le président: Pourriez-vous ralentir un peu?

M. Clément Gauthier: Oui. Désolé.

J'espère qu'il y a une traduction. La moitié de ma présentation est en français et l'autre en anglais. J'espère donc...

Le président: C'est pourquoi vous devez allez plus lentement. Elle ne peut pas vous suivre.

M. Clément Gauthier: D'accord. Merci.

[Français]

Un mois plus tôt, le président des États-Unis déclarait au New York Times que les 50 prochaines années seront l'ère de la biologie et de l'exploration de l'organisme humain. En conséquence, ce dernier, fort de l'appui du Congrès, a annoncé son intention de doubler les investissements stratégiques de la nation américaine en recherche en santé par le biais des National Institutes of Health au cours des cinq prochaines années alors que le budget des NIH avait doublé au cours de la décennie précédente.

• 1000

Le Japon a déjà pris la décision d'accélérer la cadence des investissements, et la France et le Royaume-Uni suivront probablement cette tendance, tel qu'indiqué à la page 3 de notre mémoire.

Le graphique de la page 3 démontre également que le financement de la recherche fondamentale en santé par le gouvernement fédéral canadien a chuté de 1994 à 1997. Le budget fédéral de février 1998 est venu freiner cette tendance alarmante. La coalition désire exprimer son appui au gouvernement pour cette première étape vers la diminution de notre désavantage concurrentiel. Toutefois, en l'an 2000, le financement public du Conseil de recherches médicales se situera à un niveau inférieur à celui de 1990 en dollars constants.

[Traduction]

La comparaison avec les États-Unis, que l'on peut voir au bas de la page 3 de notre mémoire, est instructive. Alors que le Canada investissait 8,71 $ par habitant dans la recherche biomédicale au cours de l'exercice 1990-1991, par l'intermédiaire du CRM, le gouvernement fédéral américain investissait 39,71 $ par l'intermédiaire des instituts nationaux de santé (NIH).

Au cours de l'exercice 2000-2001, le Canada investira 9,58 $ et les États-Unis 86 $ par habitant. Bien qu'il soit admis que 25 p. 100 à 30 p. 100 des subventions des NIH couvrent les frais généraux, alors que ces coûts sont assumés au moyen de paiements de transfert aux provinces au Canada, ce facteur est entièrement annulé parce que le financement fédéral canadien de l'enseignement supérieur a diminué de 34 p. 100 depuis 1993, tandis que le financement des universités et des collèges a augmenté de près de 12 p. 100 aux États-Unis au cours de la même période. Par conséquent, en 1996 seulement, le financement provincial des coûts indirects de la recherche en santé dans les universités canadiennes, les hôpitaux universitaires et les instituts de recherche affiliés a diminué de 18 à 30 p. 100.

Il faut également souligner que même si le CRM et les NIH ne sont pas les seules sources de financement de la recherche en santé dans leur pays respectif, ils partagent un mandat commun et pratiquement exclusif en tant que principal bailleur de fonds pour la recherche fondamentale biomédicale, clinique et en santé que les chercheurs effectuent.

La détérioration de la compétitivité internationale du Canada entraîne une exportation de nos chercheurs, enseignants, spécialistes de la santé et étudiants les plus brillants. Par exemple, jusqu'en 1990, le Canada a perdu 30 p. 100 de ses chercheurs vedettes en génétique, ce qui est la pire situation parmi les pays du G-7.

Le rapport en annexe de la CRBS intitulé «A Crisis in Health Research» a été publié en janvier 1998. À la page 2, on y trouve des statistiques précises des centres de santé universitaires canadiens sur la fuite des cerveaux chez les scientifiques en recherche biomédicale, clinique et de santé au Canada, surtout vers les États-Unis. Pour mieux évaluer la qualité des chercheurs en cause et la gravité de cette perte, nous avons inclus des profils de scientifiques qui quittent le Canada en raison de l'insuffisance du financement pour la recherche accordé par le CRM. Dans bien des cas, ce n'est pas le simple fait de perdre le chercheur, comme Paul l'a mentionné il y a quelques minutes, mais de perdre une masse critique de connaissances, de brevets et de traitements possibles au profit de nos concurrents.

L'étude de l'ACPPU a montré que le dynamisme de la recherche universitaire est attribuable à ces éléments. Dans un sondage mené par CBC/Environics en février 1998, les Canadiens ont choisi les soins de santé comme étant la priorité des nouvelles dépenses du gouvernement. Ce sondage demandait également l'opinion des Canadiens sur la façon dont les nouveaux crédits consacrés aux soins de santé devaient être affectés. C'est à la recherche médicale que l'on a donné la priorité.

Au niveau de la recherche fondamentale, l'avenir du système de soins de santé à paliers et le secteur de la santé du Canada dépendent de la recherche biomédicale, clinique et en santé. L'écart des crédits fédéraux destinés à la recherche sur la santé entre le Canada et les États-Unis est telle que notre pays risque fort de perdre toute une génération de spécialistes en recherche biomédicale, clinique et médicale au profit des États-Unis.

Cette situation compromet clairement l'accès du Canada à des soins de santé de qualité ainsi que le développement économique du Canada au XXIe siècle.

[Français]

La Coalition pour la recherche biomédicale et en santé est actuellement en train de développer une proposition visant à permettre au Canada de tirer avantage des occasions générées par les sciences biomédicales et de dynamiser le partenariat entre le gouvernement fédéral et la communauté universitaire.

Le niveau de financement de 750 millions de dollars par année, en appui aux coûts des frais directs de la recherche fondamentale associée à notre proposition, est en accord avec la recommandation du Comité consultatif national de la biotechnologie de doubler le budget du CRM à partir de son niveau de 1993-1994 au cours des trois prochaines années et de le tripler d'ici l'an 2003. Cet investissement stratégique représenterait environ 1 p. 100 des dépenses totales des Canadiens et des Canadiennes pour les soins de santé.

En terminant, la proposition de la CRDS devrait être prête à être soumise au comité au cours des consultations prébudgétaires de l'automne 1998.

• 1005

La coalition est d'avis qu'une telle initiative est essentielle pour cinq raisons: premièrement, former et retenir au Canada les futurs spécialistes en soins de santé, les cliniciens et les scientifiques; deuxièmement, créer les alliances stratégiques nécessaires au renforcement et à l'accroissement du leadership du système de santé canadien au niveau international et à la production d'une nouvelle activité économique; troisièmement, accroître la productivité, l'efficacité et l'efficience de l'éducation médicale, de la recherche en santé et de la livraison des services de santé; quatrièmement, développer des politiques nationales de santé publique qui répondent aux attentes des Canadiens et des Canadiennes; finalement, appuyer la réforme des soins de santé à travers le Canada en assurant que la recherche en santé demeure la pierre angulaire de l'application d'une médecine fondée sur l'évidence scientifique.

[Traduction]

Je vous remercie de l'occasion qui m'a été donnée de présenter ces commentaires, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauthier.

Nous allons maintenant entendre le représentant de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, M. Chad Gaffield. Bienvenue.

[Français]

M. Chad Gaffield (président, Fédération canadienne des sciences humaines et sociales): La Fédération canadienne des sciences humaines et sociales représente 25 000 chercheurs dans toutes les disciplines des sciences sociales et humaines à travers le Canada. Pour ma part, je suis un historien à l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

Aussi, je vous remercie de la possibilité de m'adresser au comité et je me propose de parler brièvement aujourd'hui de deux importants défis que doit relever le Canada. Ces défis peuvent être présentés sous la forme de deux questions. Quel rôle les Canadiens joueront-ils dans la société axée sur le savoir du XXIe siècle? Deuxièmement, serons-nous les nantis ou les démunis?

Comme le ministre des Finances Paul Martin l'a noté la semaine dernière lorsqu'il s'adressait au Congrès annuel des sciences sociales et humaines, qui a attiré plus de 7 500 chercheurs à l'Université d'Ottawa, la mondialisation représente des enjeux importants pour le Canada. Ne nous y trompons pas, a dit M. Martin, si elle n'est pas surveillée, la mondialisation bénéficiera à des gagnants moins nombreux et plus riches, aux dépens de perdants de plus en plus désespérés. Le Canada peut-il conserver et élargir une société équilibrée face au déplacement de plus en plus rapide du capital d'investissement et de l'information, et à un rythme de changements technologiques étourdissant? En réponse à la question de M. Martin, la réponse est oui, nous le devons. De plus, nous avons un moyen de nous assurer de le faire. Cela peut se résumer en un seul mot: «contenu».

Le contenu est au coeur des sciences humaines et sociales. Lorsque les 7 500 spécialistes des sciences humaines et sociales se sont réunis en provenance de toutes les universités canadiennes et du monde, et du secteur privé—en fait, de plus de 30 pays—nous retrouvons le contenu dans la recherche que nous menons sur des sujets allant de la santé et l'immigration en passant par l'éthique et le bien public.

Lorsque nos philosophes étudient le lien existant entre l'individu et le spirituel, lorsque nos sociologues étudient la violence familiale, lorsque nos économistes examinent les facteurs déterminants de la croissance et lorsque nos psychologues étudient les causes fondamentales des troubles mentaux comme la schizophrénie, ils nous aident à comprendre notre monde. Parallèlement—et je pense que c'est le point crucial—les chercheurs canadiens contribuent au processus permanent de la construction du Canada.

Le contenu est ce que nous lisons dans les journaux, ce que nos élèves apprennent à l'école, ce que nous regardons à la télévision, ce que nous allons voir au cinéma, ce que nous communiquons sur Internet. Le contenu, c'est ce que nous trouvons dans nos musées, nos bibliothèques et nos archives. C'est ce qui définit le Canada et c'est le creuset dans lequel nous structurons nos vies. Le contenu est le sujet des débats politiques, des lois et des décisions judiciaires. C'est ce qui est fabriqué et ce qui est acheté. En somme, c'est le tissu de notre existence sociale, économique, politique et culturelle.

Le XXIe siècle appartiendra à ceux qui fournissent le contenu pour les inforoutes qui couvrent le monde. Autrement dit, le point de départ pour répondre à la question de M. Martin est d'admettre que la technologie est un moyen et non une fin. La question la plus importante n'est pas le nombre d'ordinateurs dans une salle de classe ou le nombre de chaînes de télévision mais plutôt le contenu auquel nous avons accès.

Selon les mots de M. Martin, les gagnants du XXIe siècle seront les pays qui produiront le contenu, la connaissance dans la nouvelle économie et la nouvelle société. Les nouvelles entreprises prospéreront ou échoueront selon leur contenu. Les perdants seront les pays ou les entreprises qui seront à la merci des autres.

• 1010

Le Canada est-il bien positionné pour produire ce contenu? Dans les deux derniers budgets fédéraux, le gouvernement a pris des mesures importantes dans la bonne direction. La Fondation canadienne pour l'innovation et la stratégie canadiennes sur les possibilités contribueront au développement d'une économie axée sur le savoir dans laquelle le Canada jouera un rôle de chef de file. Toutefois, il faut prendre rapidement d'autres mesures.

Premièrement, il est impératif de tenir compte en particulier des besoins en infrastructure de recherche des sciences humaines et sociales. Comme chacun le sait, la Fondation canadienne sur l'innovation s'intéresse davantage aux sciences naturelles, au génie et à la science biomédicale et ne vise pas précisément à fournir aux spécialistes des sciences humaines et sociales le soutien en matière d'infrastructure dont ils ont besoin pour garantir que les Canadiens produisent du contenu pour les inforoutes de la société mondiale.

D'autre part, les instituts de santé que propose le Conseil de recherche médicale, s'ils sont approuvés, concentreront encore plus de ressources dans le domaine biomédical. Il ne fait aucun doute que les Canadiens profiteraient de ces deux initiatives. En outre, ces efforts soulignent l'importance d'augmenter les niveaux proportionnels de financement pour la recherche dans les sciences humaines et sociales. Je trouve intéressant que tous semblent d'accord là-dessus. Seulement alors tirera-t-on pleinement profit de toute l'ampleur de la recherche canadienne.

Comme M. Martin l'a fait observer la semaine dernière, il faut rapidement remédier au manque de soutien accordé aux sciences humaines et sociales. Les plus de 25 000 chercheurs canadiens qui appartiennent à ces disciplines en conviennent pleinement et, en tant que leur représentant ici aujourd'hui, je recommanderais fortement que cela devienne une priorité.

Deuxièmement, nous recommandons des modifications fiscales. Il n'y a d'ailleurs aucune raison pour laquelle les incitatifs fiscaux actuels devraient inclure la recherche dans les sciences sociales et humaines. Des incitatifs d'ordre financier accordés au secteur privé pour appuyer la recherche dans les sciences sociales et humaines encourageraient les entreprises à adopter un point de vue plus général et à se concentrer sur le contenu ainsi que sur la mise au point des produits.

[Français]

Dans l'ensemble, le soutien fédéral à l'infrastructure de recherche et les incitatifs fiscaux pourraient aider à créer un environnement attrayant et stimulant qui garantirait que les humanistes et spécialistes en sciences sociales assument un rôle de leadership dans la production du contenu destiné à une société basée sur le savoir.

Investir dans la recherche en sciences humaines et sociales et l'encourager est une stratégie sage et solide pour faire du Canada un gagnant au XXIe siècle.

La Fédération canadienne des sciences humaines et sociales préparera un mémoire détaillé sur l'importance de nos disciplines pour l'avenir de la société canadienne en vue de le présenter en septembre au Comité permanent des finances.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir offert l'occasion de présenter notre perspective ici aujourd'hui.

[Traduction]

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gaffield.

Nous allons maintenant entendre le représentant du Collectif en faveur des sciences et de la technologie, M. Howard Alper.

M. Howard Alper (président, Collectif en faveur des sciences et de la technologie): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le Collectif en faveur des sciences et de la technologie, le CFST—et j'utiliserais l'acronyme pendant le reste de ma présentation—vous remercie de l'occasion qui lui est donné de présenter son point de vue sur les questions soulevées par le comité permanent.

Le CFST est une association coopérative de 22 grandes sociétés et associations des sciences et de la technologie du Canada qui collaborent, ensemble et avec le gouvernement, pour faire en sorte que la capacité de R-D du Canada ainsi que les résultats intellectuels et industriels qui en découlent produisent tout leur potentiel en vue d'un avantage économique et social maximum pour le pays.

Les personnes employées dans le secteur privé, les universités et les laboratoires du gouvernement sont des participants actifs aux organisations qui constituent le CFST. Ses récentes activités comprennent une étude sur l'importance socio-économique de la recherche scientifique au Canada. Cette étude a été commanditée par Industrie Canada et a été bien reçue au gouvernement et à l'extérieur.

Nous avons un groupe de travail sur les synergies université-industrie auquel siègent des représentants au niveau des VP de la R-D de différents secteurs, comme les mines, les produits pharmaceutiques et les industries de la TI ainsi que des universités et du gouvernement. Ils traitent des facteurs qui pourraient nourrir et améliorer l'interaction entre les universités et l'industrie. De nouvelles initiatives importantes vont être annoncées dans les mois qui viennent.

Finalement, nous avons un comité des communications qui a lancé deux initiatives l'an dernier. Le CFST, avec l'aide d'Industrie Canada, co-commandite des réunions au cours desquelles des dirigeants de l'industrie et d'ailleurs font des présentations sur la politique en matière de S et T et autres questions au niveau des SMA/DG des ministères à vocation scientifique. Il y a eu deux excellentes présentations jusqu'à présent. Une autre est prévue pour demain. Elle sera faite par Sir John Cadogan, qui est directeur général de tous les conseils subventionnaires du Royaume-Uni. Elle aura lieu à 11 h dans la salle du conseil de Industrie Canada. Je serais heureux de voir l'un d'entre vous y assister. Il parlera du sujet suivant «From Pure Science to Profit».

• 1015

Deuxièmement, nous commanditons conjointement avec le CRSNG des petits déjeuners avec des parlementaires connus sous le nom de «Lardon et tête d'oeuf» et qui visent à informer les députés des progrès et du secteur de recherche d'actualité. Deux intervenants ont participé jusqu'à présent; l'un a parlé des diamants la semaine dernière et trois autres présentations sont prévues à l'automne.

Quant à moi je suis chimiste. J'ai un groupe de recherche de 15 étudiants diplômés en étude poste-universitaire qui font du travail qui intéresse le secteur pharmaceutique, des produits pétrochimiques et les produits chimiques. Je suis également vice- recteur de la recherche à l'Université d'Ottawa.

J'aimerais maintenant parler des questions soulevées par le comité.

Premièrement, quel message devrons-nous envoyer au gouvernement quant aux priorités qu'il a fixées pour le dividende budgétaire? La recherche et l'innovation sont parmi les besoins les plus importants en matière de financement. Si le gouvernement augmente le financement de l'entreprise de recherche, il y aura de nouvelles inventions, une amélioration des procédés actuels et un développement rapide des nouveaux domaines. Les conséquences de l'investissement à la recherche sont notamment des contributions importantes au développement économique et social ce qui a une incidence favorable à la qualité de la vie de tous les Canadiens. La recherche innovatrice d'aujourd'hui va permettre de construire la société fondée sur le savoir de demain.

Le milieu de la recherche applaudit la décision du gouvernement annoncée dans le dernier budget de rétablir le financement des conseils subventionnaires à la recherche au niveau de 1994-1995. Il s'agit d'une première étape importante qui, associée aux investissements stratégiques dans les nouveaux projets annoncés dans le budget pour 1990-2000, permettra au Canada d'être à l'avant-garde de la recherche et de l'innovation.

Deuxièmement, quels sont les nouveaux investissements et changements stratégiques que l'on peut apporter aux régimes fiscaux pour permettre au gouvernement de réaliser ces priorités? Les investissements stratégiques dans les conseils subventionnaires sont essentiels à cette fin. Nous recommandons d'affecter des fonds à la création de nouvelles initiatives par les conseils subventionnaires en recherche comme suit.

Premièrement, le nouveau programme du premier ministre pour les chercheurs qui vise à soutenir les nouveaux professeurs des universités et fournir un salaire d'appoint pour les étudiants diplômés, les boursiers de recherches postdoctorales et les attachés de recherche; les produits consomptibles, etc. Paul Hough a parlé de la même idée sans la préciser de cette façon. Comme il l'a dit, cela vient compléter les travaux de la Fondation canadienne pour l'innovation qui soutient l'infrastructure de recherche en génie, santé, science et environnement mais non dans le domaine des sciences sociales ou humaines.

Deuxièmement, le programme des nouvelles possibilités pour demain pour les étoiles montantes, ceux qui ont déjà réalisé des travaux importants et fait la preuve de leur potentiel trois à cinq ans après leur nomination. Nous croyons que cela comporte des éléments incitatifs et préventifs, des éléments incitatifs pour encourager les chercheurs, leur permettre d'avoir un avantage concurrentiel sur le plan mondial, et des éléments préventifs pour réduire considérablement l'exode de personnes talentueuses vers d'autres pays, pour retenir et soutenir nos dirigeants de demain.

Troisièmement, un programme Redécouvrir le Canada qui a pour but de ramener au pays les chercheurs canadiens en milieu de carrière qui travaillent actuellement à l'étranger. Ce programme viserait les personnes qui ont contribué de façon importante ou marquante ou qui ont fait preuve d'innovation.

Quatrièmement, un programme de partenariats internationaux. La recherche en collaboration au niveau mondial peut ajouter une vraie valeur pour le Canada. Nous recommandons que les contributions pécuniaires des sociétés étrangères puissent être admissibles à des fonds de contrepartie—c'est-à-dire un effet de levier—accordés par les conseils de recherche, dans le cadre de partenariats université-industrie. Ces contributions permettraient de créer des emplois et de stimuler l'investissement étranger dans la recherche industrielle et le secteur manufacturier au Canada.

• 1020

Finalement, pour ce qui est des initiatives des conseils de recherche, il y a les partenariats inter-conseils. Les chercheurs universitaires qui collaborent entre eux et avec des partenaires d'autres secteurs peuvent apporter davantage de valeur que les travaux individuels.

On recommande ici une approche à deux volets. La priorité devrait être accordée aux créneaux qui sont importants pour le développement économique comme les produits biopharmaceutiques, l'alimentation et l'agriculture, la technologie de l'information et les matériaux.

Un de ces créneaux est le réseau des centres d'excellence qui existe déjà, les RCE. Ces réseaux ont déjà connu un grand succès, et le milieu de la recherche a accueilli avec satisfaction l'annonce d'un soutien permanent aux RCE dans le budget de 1997. Mais les fonds disponibles pour ce programme de partenariat sont insuffisants pour répondre aux pressions qui s'exercent sur le système. Par exemple, dans le cadre du concours actuel, on prévoit que trois des quatre demandes seront financées sur 72 lettres de préavis. Un doublement du budget des RCE contribuera non seulement à accroître le taux de réussite mais permettra également de tenir des concours plus fréquemment.

Le second, qui est nouveau, est celui des «initiatives de recherche créatrice». Il s'agit d'une nouvelle initiative permettant de promouvoir la collaboration multidisciplinaire dans un ou plusieurs centres. Ces centres se distinguent des RCE par le fait qu'il s'agit d'unités d'excellence situées à un endroit précis ou dans plusieurs endroits. Cela encouragerait la création d'une équipe de niveau international et permettrait d'établir une stratégie de recherche intersectorielle ainsi que des groupes d'excellence susceptibles d'améliorer le développement industriel, comme cela s'est fait avec succès aux États-Unis, au Japon et ailleurs.

La recherche et le développement industriels: il est essentiel que l'industrie finance la recherche et l'innovation afin d'être concurrentielle sur le plan mondial. À quelques exceptions près, il se fait trop peu de recherche dans l'industrie au Canada. Par exemple, le ministre John Manley, lors d'une entrevue publiée dans le numéro de mai-juin de Research Perspectives de l'Université d'Ottawa, déclarait «Le niveau de R-D dans les secteurs industriel et privé est un problème chronique au Canada» et il a déclaré:

    «Ces problèmes ont été soulignés par l'OCDE qui estime que le Canada n'est pas suffisamment innovateur, ce qui se reflète non seulement dans la R-D, mais également dans la tendance des entreprises à adopter les technologies les plus récentes et à les utiliser dans leurs activités.»

Même si la recherche effectuée dans les universités et d'autres compagnies est utile aux entreprises pour appuyer leurs activités internes, cela ne peut remplacer la recherche institutionnelle. La recherche interne est essentielle au succès des entreprises par la mise au point de nouveaux produits et lignes de produits, procédés, etc. et pour l'emploi de personnel hautement qualifié.

Au Canada, le recrutement et le maintien en fonction de chercheurs de haut niveau est un problème grave, notamment dans les industries fondées sur le savoir. Les secteurs de la technologie de l'information et des produits biopharmaceutiques sont particulièrement touchés à cet égard. Ces deux secteurs ne peuvent recruter suffisamment au niveau de la maîtrise et du doctorat, et un nombre important de ceux qui sont engagés partent après plusieurs années pour les États-Unis et ailleurs. Le système fiscal nettement plus avantageux ainsi que les salaires plus élevés attirent fortement nos chercheurs industriels. Toute initiative visant à remédier à ce problème, notamment la modification du régime fiscal, serait particulièrement utile à la recherche dans l'industrie au Canada.

Troisièmement, comment pouvons-nous aider les Canadiens à se préparer à tirer profit des possibilités offertes par cette nouvelle ère? L'éducation est essentielle au succès des Canadiens dans le prochain siècle. Des programmes scolaires primaires et secondaires—c'est-à-dire de la première à la douzième année—et des programmes de premier cycle de grande qualité et axés sur l'avenir maximiseront les possibilités des Canadiens. Il s'agit essentiellement d'une responsabilité provinciale. La recherche et la formation au deuxième et troisième cycles, c'est-à-dire maîtrise, doctorat et études post-doctorales—sont essentielles au succès de la plupart des secteurs de la nouvelle économie, et le dynamisme des programmes de recherche et de formation relève largement du gouvernement fédéral.

Le soutien aux programmes que je viens de décrire sera particulièrement utile pour atteindre nos objectifs. Les programmes de recyclage, qui font partie de l'éducation permanente, attirent de plus en plus l'attention ces dernières années. Ces programmes sont importants pour s'adapter à la nouvelle économie et pour améliorer les possibilités de perfectionnement professionnel en milieu de travail.

Finalement, pour répondre à la dernière question, c'est-à-dire celle de savoir comment le gouvernement peut au mieux contribuer à créer un large éventail d'emplois dans la nouvelle économie pour tous les Canadiens, je reviens aux thèmes dont j'ai déjà parlé: l'éducation et la formation, la recherche universitaire et l'encouragement à la recherche dans l'industrie.

• 1025

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Alper.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.

La professeure Shirley Mills.

Mme Shirley Mills (professeure, trésorière, comité de direction, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Au nom de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, j'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. L'ACPPU représente environ 25 000 professeurs dans tout le Canada. Je suis ici aujourd'hui à titre de membre du comité de direction. Je suis également professeure à l'une des universités locales, dans un domaine qui vient à l'appui de la haute technologie: je suis professeur de mathématiques et de statistiques à l'Université Carleton.

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université se réjouit de la prise de position du comité, à savoir que la connaissance et l'innovation doivent être une priorité du gouvernement. Nous nous félicitons particulièrement de votre soutien aux investissements stratégiques dans l'éducation et la recherche universitaire afin que le Canada puisse occuper une position concurrentielle dans l'économie mondiale fondée sur le savoir.

Notre mémoire, aujourd'hui, porte sur cinq grandes questions que j'aimerais aborder dans le temps qui m'est accordé pour faire cette présentation initiale. La première a trait à l'innovation, à la recherche et aux conseils subventionnaires, la deuxième au financement des universités et au TCSPS, la troisième à la recherche internationale, la quatrième aux sciences relevant du gouvernement et la dernière à l'aide accordée aux étudiants.

En ce qui concerne la première question, l'interaction entre l'innovation, la recherche et les conseils subventionnaires, le rapport de décembre 1997 du comité reconnaît que nous devons insister, à juste titre, sur l'innovation dans le transfert du savoir et de la technologie. Mais pour innover dans le transfert de la technologie et du savoir, nous devons posséder ce savoir de base.

Notre document de septembre 1997 adressé au comité, intitulé «Pour un Canada innovateur: cadre d'action» soulignait que la capacité à produire de nouvelles connaissances est le maillon faible dans la chaîne de ce cycle de l'innovation.

Si l'on examine plus particulièrement les dépenses en R-D au Canada, les dépenses brutes en 1997 représentaient 1,61 p. 100 du PIB. Ce chiffre était de 1,53 p. 100 en 1991. Par conséquent, il y a eu une augmentation, mais une diminution par rapport à 1994, puisque le niveau était alors de 1,64 p. 100. Il y a donc eu une remontée puis une nouvelle baisse. Ce pourcentage de 1,61 p. 100 est faible par rapport aux autres pays du G-7 et par rapport aux pays scandinaves.

Si l'on examine la recherche et développement par secteur, on voit que les entreprises ont augmenté leur pourcentage de 11 p. 100 de 1991 à 1997. Elles sont passées de 53 à environ 64 p. 100. Mais dans le secteur de l'enseignement supérieur, ce pourcentage est passé de 26 à 21 p. 100, soit une baisse de 5 p. 100.

Il semblerait à première vue qu'il y ait un gain, sauf que le secteur privé, se concentre principalement sur la recherche et le développement appliqués. Bien que nous nous en félicitions, il n'en reste pas moins que la recherche et le développement appliqués doivent s'appuyer sur la recherche fondamentale. Or, la recherche fondamentale est réalisée en très grande partie dans le secteur de l'enseignement supérieur où cette recherche justement diminue. Par conséquent, même si la situation est bonne dans l'immédiat, nous allons avoir des problèmes plus tard en raison de ce retard dans l'acquisition du savoir de base et dans la recherche fondamentale, qui constituent le fondement de la recherche et du développement appliqués de l'avenir.

Le milieu universitaire a accueilli avec satisfaction la création de la Fondation canadienne pour l'innovation, mais la FCI s'occupe du renouvellement de l'infrastructure de recherche, des coûts d'immobilisations mais non des coûts d'exploitation.

Nous avons de jeunes chercheurs et nous avons des chercheurs biens établis qui ont besoin d'une nouvelle infrastructure, d'une modernisation de cette infrastructure de recherche. Mais ils ont également besoin de subventions d'exploitation. Il n'est pas suffisant de fournir l'infrastructure. Il faut l'associer à des fonds de fonctionnement. En l'absence de ces fonds, les établissements hésiteront à entreprendre de nouvelles initiatives d'infrastructure. Dans les secteurs de la haute technologie, la discipline dans laquelle j'enseigne, nous constatons que nous avons besoin de l'infrastructure, mais nous n'avons aucune garantie d'obtenir les fonds d'exploitation qui doivent l'accompagner.

L'augmentation du financement des conseils subventionnaires l'an dernier—à 873 millions de dollars—a été une bonne nouvelle pour les universités. Nous nous en réjouissons. Nous espérons obtenir d'aussi bonnes nouvelles en 1999. Nous espérons que le Comité des finances réitérera une de ses principales recommandations, à savoir que le gouvernement fédéral s'engage à assurer un financement stable et à long terme des conseils subventionnaires.

• 1030

Nous appuyons la suggestion énoncée dans le document «Pour un Canada innovateur» selon laquelle nous devons augmenter de 50 p. 100 le financement du CRSNG et du CRM et d'au moins 60 p. 100 celui du CRSH sur une période de quatre ans.

Je voulais plus particulièrement parler des travaux du Conseil de recherches en sciences humaines car il semble y avoir certains malentendus. On dit notamment que les étudiants en sciences humaines ne trouvent pas de travail ou que la recherche réalisée dans ce domaine n'est pas financée. Statistique Canada a organisé des enquêtes qui montrent que les diplômés de ces disciplines trouvent en fait du travail et que le secteur de la haute technologie estime que ces diplômés leur sont extrêmement utiles.

Pour ce qui est de l'absence de financement de la recherche, je pense que le Conseil de recherches en sciences humaines a fait un excellent travail pour montrer l'importance de la recherche réalisée par les chercheurs dans ces domaines.

Dans le document «Pour un Canada innovateur», que nous vous avons remis en septembre 1997, la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales demandait la création de ce qu'elle appelait le CRIC, carrefour de recherche et d'information communautaire, qui permettrait de transférer le savoir en matière de sciences sociales et humaines aux Canadiens. Nous avons des mécanismes qui permettent de transférer le savoir en sciences physiques et médicales mais non en sciences sociales, et nous demandons à nouveau le financement de ce programme. Nous notons que le Conseil de recherches en sciences humaines a récemment affecté 3 millions de dollars à un projet pilote lié à cette initiative, mais nous demanderions au gouvernement fédéral d'accorder des fonds supplémentaires au Conseil pour poursuivre ce programme innovateur et axé sur l'avenir.

En ce qui concerne le second élément du financement des universités et du TCSPS, je peux parler d'expérience de la situation difficile de notre université. D'un point de vue général, le nombre des étudiants à temps plein est passé de 382 000 en 1980- 1981 à 582 000 actuellement. Il s'agit d'une augmentation de 52 p. 100.

Pendant cette même période, le nombre des professeurs à temps plein a augmenté de seulement 6 p. 100 pour faire face à une hausse des inscriptions de 52 p. 100, et cela ne tient pas compte des inscriptions à temps partiel.

Nous constatons une demande pour les études universitaires. Les étudiants veulent s'inscrire. Ils font des demandes pour cela. Nous avons des études qui montrent que pour exister et pour survivre dans une économie fondée sur le savoir, il faut aller plus loin que le niveau secondaire.

Il y a donc une demande pour les études universitaires, mais le personnel et les installations nécessaires pour répondre à cette demande ne se sont pas matérialisées, en raison notamment d'un manque de financement. Compte tenu du rétrécissement des budgets universitaires et de l'amélioration des conditions économiques dans d'autres pays, les universités canadiennes n'engagent pas suffisamment de diplômés canadiens à titre d'enseignants ou de chercheurs.

Par exemple, hier soir, j'assistais à une soirée organisée pour quatre professeurs de mon département qui prenaient leur retraite. L'an dernier, il y avait eu déjà quatre autres départs. Cela fait huit, huit professeurs sur 35 en deux ans, et ils ne sont pas remplacés. Nous n'engageons personne, pas même à temps partiel.

Quant à moi, j'enseigne les mathématiques, qui est une discipline fondamentale pour le génie et les sciences informatiques, mais nous n'obtenons pas les ressources nécessaires pour enseigner. J'enseigne les mathématiques à des classes de plus de 400 la première année, ce qui est maintenant considéré comme normal.

Nous n'engageons pas les diplômés canadiens, et ils vont ailleurs. Ils vont aux États-Unis où ils peuvent faire beaucoup plus d'argent et où les possibilités sont meilleures. Non seulement les salaires et les avantages sont meilleurs, mais ils obtiennent les fonds de recherche dont ils ont besoin là-bas également.

L'autre source de préoccupation dans le domaine de la haute technologie, en particulier lorsque l'on nous demande de prendre de l'expansion, est de savoir où nous allons trouver les professeurs de demain? Les étudiants sont récupérés au niveau de la maîtrise et parfois même avant. Ils ne poursuivent pas leurs études de doctorat en raison des autres possibilités. Où allons-nous trouver les professeurs pour enseigner à ces étudiants?

Dans ma propre discipline, nous avons un diplômé en mathématiques à l'Université Carleton qui a eu une moyenne parfaite de 12—c'est-à-dire des A +—dans tous les cours qu'il a suivis; un étudiant remarquable. On pourrait penser qu'il poursuivrait ses études en mathématiques. Mais il a l'intention de faire du génie électrique. Il ne sera pas mathématicien. Il ne sera pas là pour enseigner les mathématiques plus tard.

Paul Davenport, le recteur de l'Université Western Ontario, lors d'un colloque le 5 décembre 1997, a montré que les dépenses consacrées à l'éducation d'un étudiant en Ontario, un étudiant de premier cycle en génie ou en sciences informatiques est d'environ 17 000 $. Or le financement que nous recevons n'est que de 12 000 $. Par conséquent, nous perdons 5 000 $ pour chaque étudiant que nous recevons. Cela n'est pas une bonne façon de gérer une entreprise.

• 1035

Je ne pense pas que l'on puisse remettre en question l'importance du savoir et encore moins la nécessité d'une éducation postsecondaire. L'ACPPU aimerait que l'éducation postsecondaire soit plus accessible aux étudiants, c'est pourquoi nous nous félicitons de la récente initiative du gouvernement fédéral concernant l'aide aux étudiants. Par contre, le fait de donner directement de l'argent aux étudiants et d'augmenter les frais de scolarité du même montant n'est pas rentable; cela réduit le financement de base de l'université sans fournir plus d'argent à l'éducation comme tel.

Ce que nous constatons, c'est un marché d'acheteurs, où les universités se font concurrence. Elles engagent des entreprises de marketing et font leur propre publicité. Elles dépensent de l'argent à essayer d'attirer les étudiants. Elles se concentrent sur le présent, mais ne voient pas qu'il faut enseigner pour l'avenir, pour le plus long terme. Comme on l'a déjà dit ici, il faut miser sur l'éducation permanente. Il n'est pas suffisant de répondre à la demande d'aujourd'hui. Les universités doivent cibler la demande future. Nous devons la prévoir afin d'avoir un apprenant bien équilibré et ayant les connaissances voulues pour s'adapter aux nouveaux marchés et à la nouvelle société.

En ce qui concerne le TCSPS, nous reconnaissons qu'il s'agit d'un paiement de transfert par habitant aux provinces sous la forme d'un paiement de péréquation, ce qui devrait être considéré de façon positive. Il semble raisonnable de demander aux provinces d'offrir au moins un minimum de services en éducation postsecondaire, mais nous reconnaissons que ces transferts posent un problème de visibilité et d'imputabilité au gouvernement fédéral. De même, les réductions unilatérales posent un problème aux provinces. Le transfert de fonds au titre du TCSPS était de 18,7 milliards de dollars en 1993-1994, correspondant au financement du FPP et du RAPC, qui s'élève maintenant à 12,5 milliards de dollars en 1998-1999. C'est donc une diminution de 6 milliards de dollars. Lorsque l'on projette ces réductions massives à un moment où l'on connaît des problèmes croissants d'inscription dans les universités, cela exerce des pressions énormes sur le personnel universitaire et sur les installations. Nous croulons sous ces pressions.

Nous croyons que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent réformer le TCSPS, mais cela est plus facile à dire qu'à faire. L'ACPPU propose que les intervenants, y compris nous-mêmes, donnent des conseils pour que l'on en vienne à un meilleur système de soutien pour l'éducation postsecondaire, la santé et les services sociaux. En attendant, l'ACPPU recommande que l'on augmente considérablement le TCSPS.

Le troisième élément concerne la recherche internationale. Mes collègues autour de cette table en ont déjà un peu parlé. Je tiens seulement à attirer votre attention sur deux points. Premièrement, l'ACPPU recommande que le gouvernement reconnaisse les études régionales étrangères comme un domaine de recherche stratégique et consacre suffisamment de nouvelles ressources pour établir un programme dans cette discipline. Plus particulièrement, nous pensons que les études régionales étrangères sont nécessaires au Canada pour qu'il soit compétitif au niveau international. Nous devons bien comprendre les économies, les structures d'entreprise, l'histoire, la politique, les cultures et les langues du reste du monde, et nous estimons que les études régionales étrangères sont le meilleur moyen d'y parvenir.

Deuxièmement, nous pensons qu'il faut rétablir le financement de la collaboration en recherche internationale. Nous recommandons de consacrer des ressources supplémentaires au rétablissement de ces collaborations et à leur renforcement. Nous devons obtenir à la fois les finances et l'expertise, ce qui ne s'est pas produit. Nos partenaires des autres pays remarquent que nous n'apportons pas notre part du financement et de l'expertise. Moi-même, j'ai obtenu des subventions de recherche des trois conseils subventionnaires. J'ai collaboré avec des chercheurs internationaux et j'ai constaté que nous n'avions tout simplement pas l'argent dont nous disposions auparavant. Nous avons essayé les vidéoconférences, mais cela ne remplace pas la présence sur place pour les collaborations en recherche.

En ce qui concerne la science financée par le gouvernement, M. Hough a parlé de certains des problèmes. Je dirais simplement que l'ACPPU soutient la position du Consortium canadien de la recherche sur le sujet. Il existe un lien important entre la science financée par le gouvernement et nos chercheurs universitaires. Notre document en donne deux exemples qui ont à voir avec le NATMAP et la cartographie géoscientifique.

Finalement, en ce qui concerne l'aide aux étudiants, le gouvernement fédéral a pris des mesures très positives dans son dernier budget. Le gouvernement est actuellement en train de mettre en oeuvre ces mesures. L'ACPPU est membre du Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants et est prête à apporter sa contribution et à donner des conseils.

• 1040

En ce qui concerne le fonds du millénaire, l'ACPPU a exprimé ses préoccupations dans son mémoire présenté au comité le 4 mai. Le projet de loi C-36 donne un pouvoir important et élargi à la fondation du millénaire. Le gouvernement et tous les intervenants doivent surveiller très étroitement les activités de cette fondation.

Au cours des prochains mois, l'ACPPU consultera ses partenaires pour élaborer des propositions plus détaillées concernant les questions que nous avons énoncées ici. Nous aimerions avoir l'occasion de rencontrer votre comité plus tard pour en discuter. En attendant, nous attendons vos commentaires et vos questions.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, Mme Mills.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Nous allons commencer par M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je remercie nos témoins. C'est un domaine extraordinairement important. Je pense que bon nombre d'entre nous avons déjà parlé récemment du problème de la recherche et du développement, de l'exode des cerveaux et de ce genre de chose. Je pense que l'on pourrait peut-être limiter toute cette discussion à deux sujets. D'une part, il y a la question de savoir comment créer un milieu de recherche solide. D'autre part, comment retenir les chercheurs ici? Je pense que ce sont les deux problèmes auxquels nous devons faire face aujourd'hui.

J'aurais des questions assez précises, mais j'aimerais commencer par une question d'ordre général, qui est la suivante. S'il n'en tenait qu'à vous—je pose la question à presque tout le monde—quel serait le principal et seul changement que le gouvernement pourrait faire aujourd'hui pour renverser toute cette situation? D'un côté, on améliore la situation du secteur de la recherche et du développement. Mais d'autre part, comment encourageons-nous les gens à rester? Je me demande si vous pourriez être un peu plus précis. Je suis sûr que l'argent résoudrait bien des difficultés, mais peut-être pourriez-vous être un peu plus précis que de dire simplement qu'il faut davantage d'argent.

M. Chad Gaffield: Je vais répondre très rapidement. Je dirais que j'essaierais de voir le lien entre ce que je considère comme les deux grands problèmes auxquels fait face le Canada. Le premier est de savoir quelle sera notre place dans la société fondée sur le savoir et l'autre est celui de l'identité canadienne. Il me semble que l'on a tendance à penser que ces deux débats ne sont pas reliés alors que je pense qu'ils sont intimement liés.

C'est pourquoi j'insiste sur le contenu. Il me semble qu'une des choses que nous oublions, c'est qu'il y a quelques années à peine, il n'y avait pas de base de recherche au Canada. Lorsque j'étais à McGill dans les années 60, la grande majorité des professeurs ne recevaient pas de formation universitaire au Canada. Quant aux livres que je lisais, peu d'entre eux étaient écrits par des Canadiens. Nous étions essentiellement une colonie. Nous avions une économie industrielle de succursale dans laquelle la plupart du contenu n'était pas vraiment le nôtre et où nous essayions de nous forger une identité.

Depuis lors, nous avons fait d'énormes progrès. Nous avons maintenant des programmes de premier cycle canadiens. Nous avons des livres canadiens dans nos écoles. Nous nous améliorons sans cesse.

Mais nous avons maintenant une nouvelle société fondée sur le savoir sur laquelle s'exercent d'énormes pressions. Lorsque vos enfants se branchent sur l'Internet, où les pages auxquelles ils accèdent sont-elles créées? D'où provient tout le matériel et ainsi de suite?

Il me semble donc que nous devons voir le lien intime qui existe entre le Canada en tant que pays, l'identité canadienne, et le Canada et la société du savoir. Il me semble donc que le contenu est au coeur du problème. Les gens vont rester ici s'ils croient que le pays a un avenir. Il me semble qu'ils doivent voir le Canada comme si c'est ce qui allait se produire.

M. Paul Hough: J'estime également qu'il est très important que les gouvernements et les communautés interagissent de façon plus rationnelle et constante. Je veux dire par là qu'il me semblerait plus approprié que le gouvernement commandite des ateliers, des événements ou autres au cours desquels on aborde les problèmes, non seulement les problèmes immédiats mais ceux qui risquent de se produire. Cela permettrait une plus grande participation, un engagement, de la part des gens des deux côtés, par exemple, à l'égard de ces problèmes. Que savons-nous? Qu'avons-nous besoin de savoir? Comment obtenons-nous cette information?

Nous pourrons ainsi mieux comprendre quels sont les coûts réels et quelles seront les responsabilités. Si l'on obtient un engagement, je pense que l'on obtiendra un climat beaucoup plus favorable qui permettra aux gens de rester ici. L'argent est donc nécessaire, mais ce n'est pas la seule chose. Je suis d'accord.

• 1045

M. Monte Solberg: Bon nombre d'entre vous ont déjà comparu ici depuis un certain nombre d'années pour dire qu'il s'agit d'un problème et que ce problème ne fera qu'empirer dans l'avenir. Les médias ont maintenant repris ce thème et ont décidé qu'il s'agissait d'un problème.

Ce qui serait plus utile—je pense qu'il y a eu quelques recherches faites à ce sujet—ce serait de savoir si l'on peut quantifier le nombre de personnes et certaines des possibilités que nous perdons en faveur de l'étranger. Je sais que certains ont fait des recherches personnelles, ce qui est utile, mais il serait encore plus utile d'avoir une étude sur le nombre précis de personnes que nous perdons et les incidences que cela a.

M. Howard Alper: J'aimerais faire une observation au sujet de la première question puis répondre à la deuxième. Je dirais d'abord que je suis fier d'être Canadien. Je suis fier des réalisations des Canadiens en terme de recherche et développement. Mais il y a encore beaucoup à faire. Certaines des questions qui ont été soulevées autour de cette table ce matin, en particulier au sujet de la façon d'attirer et de retenir des gens dans le pays, sont essentielles. Je pense que certains des programmes dont j'ai dit qu'ils devraient être envisagés permettraient d'aborder ces problèmes.

Pensez à ces jeunes qui obtiennent leur diplôme, disons une maîtrise ou un doctorat, et qui souhaitent travailler dans l'industrie ou à l'université. Dans le secteur universitaire, bon nombre d'entre eux souhaitent rester ici. Mais il existe une concurrence internationale, et si l'on satisfait mieux les besoins financiers et l'infrastructure ailleurs, il est évident que ces étudiants vont aller souvent ailleurs à moins qu'ils ne restent ici pour des raisons personnelles ou autres.

Il serait très utile d'offrir un soutien de démarrage important, un nouveau prix du premier ministre ou tout autre mécanisme. Cela fait, et une fois que ces gens commencent à produire et à devenir assez connus parce qu'ils ont réalisé des choses importantes, nous courons le risque de les voir partir ailleurs. Les grandes universités, par exemple aux États-Unis, feront tout leur possible pour les attirer. C'est pourquoi il est tellement important d'établir un programme qui aborde la question des étoiles montantes.

En ce qui concerne l'industrie, n'oublions pas que la base du succès de notre économie est l'industrie et la recherche réalisée par l'industrie. Ce succès dépendra de la possibilité de retenir les gens que nous recrutons, mais aussi de leur recrutement pour commencer. Comme je l'ai dit, il est essentiel que l'on modifie le régime fiscal pour qu'il devienne plus intéressant de rester dans le pays.

Le Québec a essayé cette solution. Par exemple, je crois comprendre qu'une personne qui décide de travailler au Québec dans une compagnie de produits biopharmaceutiques, un secteur très important dans cette province, bénéficie d'une exonération temporaire d'impôt provinciale pendant les deux premières années. Certains présidents et vice-présidents m'ont dit récemment qu'ils viennent travailler pendant deux ans puis repartent. C'est donc un effort sans lendemain. Il faut un régime fiscal qui ait une incidence à plus long terme.

Le président: Merci. Monsieur Gauthier.

M. Clément Gauthier: Votre question sur l'ampleur du problème est très pertinente. C'est pourquoi la coalition a organisé le sondage de l'automne dernier dans les 16 centres universitaires des sciences de la santé dans notre secteur d'activité. À la page 2 du rapport, vous trouverez que 5 des 16 centres nous ont donné des chiffres exacts. C'est donc un bon échantillon. Ils représentaient des universités de toute taille.

Dans l'ensemble, en raison du sous-financement à l'époque—attribuable en fait directement à la réduction du financement de ces organismes par le CRM—ces 5 établissements ont perdu 62 postes de professeurs cliniciens, 232 techniciens de recherche, 39 cliniciens boursiers de recherches postdoctorales et 68 étudiants diplômés. Vous avez là des exemples de scientifiques brillants qui ont quitté le Canada et l'Alberta pour les États- Unis.

• 1050

Je vais également répéter ce qu'a dit Paul Hough tout à l'heure dans sa présentation, c'est-à-dire que ce ne sont pas seulement les chiffres qui comptent, c'est aussi la qualité des personnes. Il faut 10 à 15 ans pour former ces gens, pour en faire des vedettes.

Mais dans notre secteur en général, nous cherchons à adopter une approche intégrée car la recherche, par exemple, est réalisée en grande partie dans les hôpitaux d'enseignement. Il s'agit d'une nouvelle tendance. Il se fait de la recherche dans les universités également, mais elle se déplace maintenant vers les hôpitaux d'enseignement, où l'on a une interface entre l'enseignement aux étudiants en médecine, la recherche et le transfert des connaissances sur les soins de santé.

Parallèlement, on voit que les centres de santé universitaires sont des pivots—c'est-à-dire qu'ils reçoivent des fonds des gouvernements provinciaux, puisqu'ils doivent se conformer à divers organismes provinciaux, mais constituent en fait des pivots pour toutes ces interfaces—tout en étant l'endroit où sont donnés les meilleurs soins et où l'on transforme la recherche en soins de qualité et en rendement économique.

Nous travaillons à cette proposition en ce moment afin d'améliorer la situation, mais il faudra que le gouvernement fédéral nous aide et investisse davantage, comme cela se fait aux États-Unis. Le gouvernement américain ne forme pas de partenariats quand il appuie la recherche fondamentale des NIH. Il investit. Un point, c'est tout. Il a doublé les fonds au cours des 10 dernières années et a décidé de les doubler à nouveau dans les cinq prochaines années. Il a donc accéléré le taux d'augmentation.

Nous devons vraiment suivre cet exemple, ce que nous pouvons faire dans notre secteur. Nous y travaillons. Nous avons encore des gens très compétents au Canada, mais nous devons trouver des moyens de les garder. Ce qu'ils cherchent en premier, c'est le financement de la recherche fondamentale. Il y a aussi d'autres facteurs, comme le revenu et le régime fiscal, mais notre sondage a montré clairement que l'une des raisons principales est que, pour une même personne, la subvention équivalente est trois à quatre fois plus élevée aux États-Unis qu'au Canada de sorte que les possibilités professionnelles sont nettement meilleures.

Nous pouvons faire mieux ici et nous travaillons en ce sens. Nous présenterons notre approche intégrée au comité au début de l'automne, mais nous y travaillons actuellement.

Le président: Merci, monsieur Gauthier.

Monsieur Franche.

M. Pierre Franche: Merci, monsieur le président.

En réponse à votre première question, comme d'autres l'ont déjà dit, mais je pense que je dois le dire également dans la perspective de l'académie, il ne s'agit pas seulement d'un élément mais, bien souvent, du lien entre deux éléments. On peut avoir un niveau de recherche de premier cycle, ce qui est nécessaire pour former des gens à suivre le programme de doctorat, pour enseigner et pour produire des ingénieurs compétents, mais il faut aussi des politiques fiscales qui permettent de les retenir. Nous ne pouvons pas continuer à les former et à les expédier aux États-Unis ou e Europe, comme c'est le cas actuellement. Il nous faut donc des politiques fiscales pour les retenir. Les deux sont liés.

Dans mon mémoire, je parle brièvement, en passant, de ceux qui souhaitent devenir plus compétents en suivant les programmes de maîtrise ou de doctorat. Ce sont des ingénieurs qui décident de retourner à l'université car le monde change rapidement et qu'ils le savent. Cela entraîne des dépenses. Si l'on n'obtient pas tout le soutien nécessaire, il faut engager des dépenses.

Je peux vous dire que l'investissement que représente le fait de suivre le programme de MBA...J'en suis presque venu à la décision, il a quelque 20 ans, à un moment de ma carrière, d'utiliser toutes mes économies pour suivre le programme de MBA. Le hasard a voulu que je devienne directeur municipal de la ville de Hull, de l'autre côté de la rue. J'étais auparavant à Alma, au Lac- Saint-Jean. Par conséquent, je me suis dit qu'il y avait deux universités en ville, ce qui a tout changé. Sinon, j'aurais dû retourner à l'université Laval à partir de Alma, au Lac-Saint-Jean.

Vous devez pouvoir déduire l'investissement avec des lignes directrices et ainsi de suite. La machine humaine vaut bien une usine de produits chimiques ou une broyeuse à charbon, et vous devez être en mesure d'amortir ce que j'appelle votre investissement—l'investissement en vous-même.

En disant cela, je me suis rendu compte il y a quelques minutes, en y pensant, qu'il y a un côté machiavélique là-dedans. La personne qui peut déduire cela de son impôt sur le revenu, pendant les 10 prochaines années par exemple, aura moins tendance à aller aux États-Unis, car il ne pourra pas le faire là-bas. Il pourrait restera ici car ce sera à son avantage. Son revenu augmentera, il paiera davantage d'impôt au gouvernement tout en pouvant déduire son investissement. Voilà un exemple de politiques fiscales que l'on doit lier aux travaux et à l'équipement de recherche.

• 1055

On nous parle de la FCI, et je pense que c'est très bien. Nous nous réjouissons de la création de la Fondation canadienne pour l'innovation. Nous nous réjouissons, comme je l'ai dit dans mon mémoire, du financement supplémentaire accordé au CRSNG. Mais cela étant dit, il faut aussi des fonds non seulement pour les installations de recherche, mais également pour l'exploitation, afin de pouvoir ensuite poursuivre la recherche avec le secteur privé et les universités, en association avec les politiques fiscales.

Par conséquent, pour répondre à votre question, on ne peut pas avoir un seul élément. Il doit y en avoir deux ou trois qui sont reliés.

Quant aux études, à notre académie... Je travaille à temps partiel et ma secrétaire travaille à temps partiel, mais tout cela se fait grâce au travail bénévole de nos membres. Une des études, par exemple, a été réalisée avec l'aide financière de Industrie Canada, le Conseil national de recherches et le CRSNG, mais toujours à titre gracieux. Ils n'ont payé que les frais d'impression et autres.

Si l'étude avait été faite par d'autres, ou par Industrie Canada, nous aurions étudié la question et nous aurions certainement été prêts à collaborer.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Perron.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Je me trouve dans une situation très inconfortable. On veut former des gens et on demande des subventions, de l'argent. Je suis d'accord, comme Monte et comme tout le monde. Mais on forme ces gens-là et on les envoie un peu partout dans le monde. D'ailleurs, M. Franche, votre 7,2 pour 1 m'a vraiment impressionné. Cependant, je pense que le problème est encore plus grand parce qu'aujourd'hui, ce ne sont pas seulement nos cerveaux qu'on exporte; on en est quasiment rendu à M. et Mme Tout-le-Monde. Comme vous le savez, nos infirmières québécoises sont tellement en demande aux États-Unis qu'on manque maintenant d'infirmières. C'est la même chose pour les techniciens en informatique. On ne parle pas des docteurs en informatique, mais des techniciens.

Je ne sais pas si vous m'appuyez ou si vous avez un commentaire à faire, mais je crois que la première chose à faire est une révision en profondeur de notre système de taxation, pas seulement pour les super brillants, mais aussi pour nos techniciens et techniciennes. J'aimerais entendre des commentaires là-dessus. Aussi, avez-vu le système d'expropriation des techniciens et techniciennes?

M. Pierre Franche: Le problème se présente pour les ingénieurs, mais pas seulement pour les ingénieurs. Il se présente, comme vous le dites, pour les techniciens, les infirmières, les médecins, les plus grands chirurgiens. Ils s'en vont aux États-Unis pour des raisons de taxation et parce qu'il peuvent y pratiquer davantage leur profession. Le problème des chirurgiens en cardiologie, je le connais très bien, parce que j'ai été sauvé par eux. Donc, je connais très bien le problème et j'en discute assez souvent avec l'Institut de cardiologie de Montréal. C'est un problème très sérieux, mais il y a aussi la possibilité de pratiquer. En fin de compte, ils font même de la recherche aux États-Unis, etc., mais nous les formons ici.

Le Canada, par exemple dans le domaine de la cardiologie, a une des meilleures réputations au monde. Nos instituts, que ce soit de Toronto, Ottawa ou Montréal, sont fantastiques. Malheureusement, nos gens nous quittent. C'est un problème de taxation et aussi de possibilité de pratiquer. On les forme, on les paie et on les exporte.

M. Gilles Perron: La température ne nous aide pas non plus.

M. Pierre Franche: Ils aiment bien faire du ski.

M. Clément Gauthier: Ce problème est aigu au niveau des sciences biomédicales et des médecins spécialisés dans les centres académiques de santé, dont je viens de parler plus tôt, parce que le facteur se dédouble ici. Les gens qui font de la recherche avec des fonds grossièrement insuffisants comparativement à ce qu'on trouve aux États-Unis sont également les gens qui ont enseigné aux étudiants, à un plus grand nombre d'étudiants pour compenser l'élimination de ressources, et qui font également face aux contraintes économiques imposées par les systèmes provinciaux de soins de santé à cause des coupures, des diminutions de paiements de transfert, etc.

• 1100

Donc, vous avez ici des facteurs qui s'enclenchent l'un dans l'autre et qui créent une situation explosive. Mais ce n'est pas seulement la taxation qui va solutionner cela, comme je le disais plus tôt, parce qu'au niveau des services et de la recherche qui est faite dans ces centres de santé, il faut avoir une approche intégrée. Nous pensons que les budgets alloués à la recherche, par exemple au Conseil recherches médicales... On n'est pas conscient de cette chose, particulièrement dans la haute fonction publique.

Le ratio de 1 à 7, c'est l'étude de l'AUCC qui l'a sorti. Un dollar d'investissement en recherche universitaire a amené 7,5 dollars de retour en termes de PNB en 1993. Cela a été démontré et c'est très clair. Quand on parle d'investissements en recherche fondamentale, par exemple en santé, le même dollar va premièrement faire effectuer 24 p. 100 de toute la recherche qui est faite au Canada parce que c'est fait par les universités; deuxièmement, il va contribuer à trouver de nouvelles thérapies et des choses qui vont développer l'économie et créer des compagnies connexes; troisièmement, il va améliorer les soins de santé et le transfert de ces connaissances aux patients. Donc, vous avez un triple retour sur le même dollar et cela n'a pas été mis dans les Comptes publics. Comprenez-vous?

Revenu Canada et le ministère des Finances n'arrivent pas encore à donner une valeur à cela, mais l'étude de l'AUCC à laquelle je viens de faire allusion a démontré qu'il y avait un rapport de 1 à 7 sur le produit national brut. Quand va-t-on réussir à mettre cela dans les livres publics? Quand va-t-on réussir à démontrer au gouvernement—cette étude le fait—, aux hauts fonctionnaires du ministère des Finances et de Revenu Canada qu'il faut mettre ces valeurs-là dans les livres comptables?

En recherche médicale, par exemple, si l'Institut Robarts participe à une étude et démontre, par exemple, que le carotid artery by-pass sauve 90 millions de dollars par année et qu'on arrête de le faire parce que c'est plus efficace, où montrons-nous ces économies-là? On n'arrive pas à convaincre le ministère des Finances et Revenu Canada de les mettre dans leurs livres. Une régression multiple, que ce soit pour des termes comptables ou pour mes recherches multicomportementales, c'est la même équation. Pourquoi?

Cela fait quatre ans qu'on va les voir et qu'on leur dit: «Si on sauve 90 millions de dollars par une procédure, pourquoi ne peut-on pas l'indiquer comme un retour sur l'investissement?» Il semble que la génération de comptables et de hauts fonctionnaires qu'on a actuellement vive dans le passé. Ils ont une mentalité d'il y a 15 ans. Ils ne viennent pas à bout de donner une vision ou d'aider à appuyer pour le Canada une vision qui nous mènerait là où les États-Unis sont actuellement, là où nos compétiteurs sont. Je tiens à vous le dire: on a une misère terrible à présenter des solutions à des gens qui fonctionnent avec une mentalité d'il y a 15 ans. Donc, il faut amener ces nouvelles expertises-là.

Je crois que le rôle de votre comité et des élus parlementaires—vous l'avez fait pour le budget des conseils subventionnaires en février; vous vous êtes mis ensemble et vous nous avez aidés—est absolument critique pour catalyser ces changements-là. Autrement, on n'y arrivera pas. On est en train de perdre nos scientifiques pour un ensemble de facteurs. Il faut que vous nous aidiez à établir une approche intégrée. Nous, du secteur de la santé, nous sommes en train de l'élaborer et nous allons venir vous la représenter à l'automne, alors que nous aurons le détail. C'est fait en collaboration avec vos gens, chez vous, à Laval, avec les centres de recherche en santé qui sont en relation avec les ministres provinciaux. On va mettre tout cela ensemble, mais il va nous falloir de nouveaux investissements nationaux.

Les États-Unis, le Japon, tous nos compétiteurs le font. Pourquoi, au Canada, s'amuse-t-on à créer des mini-programmes d'aide à l'infrastructure alors qu'aux États-Unis, par exemple, les NIH donnent une partie de leurs fonds pour l'infrastructure? C'est intégré au reste de façon logique.

Chez nous, on crée des programmes à différents moments et ensuite on essaie de sauver les bouts. Il faut adopter cette approche intégrée. On est prêts à le faire, mais il faut aussi que dans la haute fonction publique, il y ait une nouvelle génération de gens innovateurs, d'économistes innovateurs, qui aient une vision et qui soient prêts à appuyer une vision du Canada autre que la réduction du déficit comme outil de promotion de carrière. C'est là qu'on est. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Franche.

[Français]

M. Pierre Franche: J'aimerais ajouter à ce que vous venez de dire très éloquemment, si je puis dire. Quand on fait des études de coûts-bénéfices, on se concentre sur les coûts et on oublie une partie des bénéfices.

Si on parle de la migration vers les États-Unis, les Canadiens qui vont là, qui sont en général très compétents, qui sont la crème de la crème, lancent des entreprises de recherche qui concurrencent les nôtres au Canada. C'est tout.

[Traduction]

Le président: Merci.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aurais deux questions. J'aimerais adresser la première à M. Hough et à M. Alper.

Vous avez dit que nous sommes dans un marché mondial. Je vous suis reconnaissant de certaines suggestions formulées dans votre mémoire, mais je me demande si vous pourriez commenter sur une tendance que j'ai notée en Ontario et qui consiste à recouvrer les coûts des frais de scolarité. C'est une chose sur laquelle les provinces prennent actuellement une décision. Cela entraînera une énorme majoration des frais de scolarité. Par ailleurs, la province de la Colombie-Britannique parle de demander aux étudiants provenant de l'extérieur de la province des frais de scolarité plus élevés.

• 1105

J'en entends parler et je note la réaction dans ma collectivité. Je tiens compte du fait que nous sommes dans un marché mondial, et je me demande tout simplement comment nous pouvons concilier ces éléments. Plusieurs témoins aujourd'hui ont mentionné que le mandat de l'éducation procédait d'une relation entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Je tente de voir où cela mène et quel rôle nous assumons.

M. Howard Alper: C'est un point très important, parce qu'il est crucial selon moi que l'on donne aux jeunes canadiens la possibilité de faire des études universitaires de premier cycle. La hausse rapide des frais de scolarité aura une incidence, je le prévois—et c'est là une opinion personnelle—sur la capacité des étudiants provenant des familles les moins nanties d'aller à l'université, malgré tous les programmes de prêt existants.

En ce qui concerne les étudiants qui peuvent venir de l'extérieur du pays, ceux qui viennent d'ailleurs, la Colombie- Britannique prévoit en effet d'augmenter ses frais de scolarité. Cependant, il faut reconnaître qu'ils sont encore nettement inférieurs à ceux de l'Ontario. Par conséquent, la Colombie- Britannique effectue une étude comparative.

Je pense que ce n'est pas une bonne chose, car il faut reconnaître qu'il est très important d'avoir une importante proportion d'étudiants étrangers dans nos universités. Pourquoi? Parce qu'ils créent un milieu, selon moi, où les Canadiens peuvent faire preuve d'une plus grande tolérance et d'une plus grande compréhension des peuples de diverses cultures et de diverses sociétés, etc., car on est conscient du fait que nous avons des immigrants provenant aussi de ces régions.

Chose plus importante encore, ils sont nos ambassadeurs. Lorsqu'ils retournent dans leur pays et parlent de ce que représente le Canada, de ce qu'ils ont appris dans ce pays, non seulement à l'université mais ailleurs également, je pense que c'est une des raisons très importantes pour lesquelles il est important d'avoir des étudiants étrangers et de ne pas nous couper du marché sur le plan de la concurrence avec les États-Unis et d'autres pays.

M. Paul Hough: Je pense que c'est une question extrêmement importante. Je pense que les gens craignent surtout que les frais de scolarité de plus en plus élevés entraînent probablement une diminution réelle du nombre d'étudiants désireux de poursuivre des travaux de deuxième et troisième cycle, quel que soit le genre ou la discipline. S'ils reçoivent initialement 30 000 $ ou 40 000 $ lorsqu'ils commencent à effectuer ces travaux, même s'ils reçoivent un certain soutien—et ce n'est pas le cas pour tous, il est impensable de pouvoir y ajouter un autre montant de 40 000 ou 50 000 $.

À mon avis, nous allons donc repousser des gens qui a) veulent b) peuvent et c) devraient poursuivre des études supérieures.

Le gouvernement fédéral ne semble pas vouloir assumer la responsabilité du secteur des universités. Il est exact que l'éducation relève des provinces, mais le gouvernement fédéral devrait peut-être mettre en évidence les écarts réels qui existent d'un bout à l'autre du pays. Les principes de la mobilité et d'égalité des chances devraient être respectés, si vous le voulez, peu importe le lieu de résidence. Il n'y a pas vraiment de raison pour laquelle je devrais fréquenter l'université locale s'il en existe une très bonne que je souhaite fréquenter dans une autre province.

Selon moi, le gouvernement fédéral devrait mettre en évidence ces écarts ou ces obstacles à l'égalité des chances, parce que cela n'a finalement pas d'incidence sur la capacité de notre population.

Le président: Mme Mills, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Shirley Mills: Oui, j'aimerais poursuivre sur ce sujet.

Dans ma présentation, j'ai dit que l'ACPPU croit qu'il y a des possibilités de réforme de la TCSPS. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une compétence provinciale lorsque nous parlons d'éducation. Cependant, le problème devient si grave au niveau postsecondaire qu'il faut faire quelque chose.

Le financement des services essentiels s'est érodé. Il y a des limites à ce que l'on peut faire avec le financement de la recherche fourni par les conseils subventionnaires—et nous demandons un financement accru à ce chapitre—mais il reste à régler le problème du financement des services essentiels des institutions. Lorsque vous donnez de l'argent aux étudiants et que vous augmentez aussi les frais de scolarité, il y a une folle surenchère dans les universités, comme nous l'avons constaté par exemple en Ontario. Toutes les universités sollicitent les étudiants, et leur argent passe au secteur privé, aux agences publicitaires et aux organismes de marketing qui tentent de vendre les différentes universités. C'est ainsi que nous perdons de vue ce que devraient être les universités. Les universités se concentrent sur le présent plutôt que sur l'avenir. Cela pose certainement un problème.

• 1110

Mais le rôle des universités est à la fois d'enseigner et de faire de la recherche, et ces deux activités combinées nous donnent l'éducation. Nous avons des conseils subventionnaires qui nous financent la recherche, mais j'exhorterais chacun à se pencher sur les questions liées à l'enseignement, notamment en ce qui concerne la situation actuelle de la haute technologie. Bon nombre de mes professeurs, dont moi-même, doivent acheter leur matériel.

Voilà les situations réelles auxquelles nous faisons face dans les universités. D'une manière ou d'une autre, nous devons nous occuper du financement des services essentiels de l'université, de l'infrastructure et des salaires nécessaires pour conserver le personnel.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Pierre Franche: J'aimerais ajouter très rapidement quelque chose à ce qu'a dit M. Howard. J'ai obtenu mon diplôme en 1955 de l'Université McGill où il y avait des étudiants étrangers. Ils étaient parmi les plus brillants. Cela a amené la classe à vouloir les stimuler et cela nous a encouragés à travailler encore plus fort. À mon avis, c'est là l'autre avantage des étudiants étrangers.

Le président: La question portait sur la mobilité interprovinciale dans tout le pays, et cela semble souligner le lien qui existe, selon moi, entre les travaux du Comité des finances et la question de l'avenir du Canada. Si nous continuons de fragmenter le pays de cette manière en y érigeant des obstacles et en tentant du même coup de réinventer le Canada en vue de la société fondée sur le savoir, il y a là manifestement une contradiction. Je pense donc que le genre de problème dont vous parlez compromet notre avenir dans la nouvelle société fondée sur le savoir.

Mme Karen Redman: J'aimerais poser rapidement une question destinée précisément à Mme Mills.

Vous faisiez allusion au diplômé en mathématiques qui avait obtenu une note parfaite et qui pourrait aller en génie chimique plutôt que de devenir professeur et de faire partie du corps professoral. Les mathématiques sont-elles trop faciles et cherche- t-il un autre défi, s'il peut obtenir une note parfaite? Que peut faire, le cas échéant, le gouvernement fédéral pour amener les étudiants les plus brillants à rester au pays et à devenir les mentors d'autres esprits brillants?

Mme Shirley Mills: Permettez-moi d'abord de parler de la facilité ou non des mathématiques. Les mathématiques sont utilisées dans de nombreux domaines. Sa soeur a obtenu 11,975 et il a obtenu une note de 12. Ils étaient tous les deux médaillés de notre établissement. Les mathématiques ne sont certainement pas trop faciles pour lui ou pour bien d'autres. Elles servent surtout à éliminer les gens dans d'autres programmes en fait, et c'est donc un programme très difficile. Cela montre qu'il s'agit d'étudiants exceptionnels. Ce sont le genre de personnes que nous désirons recruter pour nos travaux de deuxième et troisième cycle dans notre domaine.

Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'ils soient attirés par le génie électrique. Je pense que c'est merveilleux pour la profession du génie. Cependant, nous nous demandons où nous trouverons les diplômés de l'avenir en mathématique. Les conseils subventionnaires accordent peu de financement aux mathématiques. Les salaires ne sont pas élevés. Nous ne sommes pas reconnus comme faisant partie du secteur de la haute technologie, même si nous sommes essentiels à l'enseignement des programmes de haute technologie. Nous n'obtenons pas des salaires qui reflètent la différence de traitement en fonction du marché et nous sommes donc moins rémunérés à titre de professeurs.

Lorsqu'un étudiant comme celui-ci cherche un secteur dans lequel se diriger—étant un étudiant très brillant—il songe à la haute technologie et il sera probablement récupéré par l'industrie avant d'obtenir son doctorat. Je ne suis même pas certaine qu'il ira jusqu'au doctorat. Selon moi, l'industrie mettra la main dessus dès qu'il aura obtenu probablement sa maîtrise. Donc, il sera perdu pour les mathématiques. Il pourrait même être perdu pour le génie. Il pourrait décider de partir pour les États-Unis qui offrent des possibilités d'emploi. Comment pouvons-nous l'attirer?

Pour que cet étudiant puisse effectuer des études de deuxième et troisième cycle, il a besoin de financement. Cela veut dire que son professeur doit obtenir une subvention pour lui fournir un financement. Comme je l'ai dit, nous n'obtenons pas de très fortes subventions. Nous avons besoin de meilleures subventions pour soutenir ce type d'étudiant. Le financement de base est de 15 000 $ par année pour ce genre d'étudiant. Nous ne pouvons pas être concurrentiels lorsque ce type d'étudiant reçoit des États-Unis des offres de 50 000 $US. Le financement de cette personne nous pose un problème.

S'il accepte notre offre de 15 000 $ et s'il fréquente notre établissement et obtient son diplôme et si nous arrivons en fait à le garder pour qu'il fasse un doctorat en mathématiques, va-t-il travailler au Canada? Je viens de dire que nous avions perdu en deux ans huit professeurs dans notre département—sans en embaucher aucun. C'est là une situation courante. Quelles sont donc les possibilités d'emploi pour lui en mathématiques? On ne peut embaucher dans ce domaine. Le cas échéant, nous embaucherons des diplômés en génie ou en informatique parce que c'est là où l'on se dirige principalement, mais l'élément de relève pour le génie et l'informatique n'obtient pas de financement.

• 1115

Il n'y a donc pas de débouchés. Dans notre domaine précis, en mathématiques, il ne voit pas d'avenir. Ailleurs, il obtiendra de bien meilleures offres. Nous ne sommes pas concurrentiels. Même s'il devait rester, il occuperait un poste de professeur adjoint au salaire de peut-être 35 000 ou 38 000 $. Il ne restera pas—pas ce genre d'étudiant. Ce sont des devises canadiennes, pour un poste de professeur adjoint.

Puis-je vous rappeler ce que j'ai dit tout à l'heure. Je dois acheter mon propre ordinateur. Les secrétaires en obtiennent un, mais pas moi, et c'est monnaie courante. Nous travaillons donc dans des immeubles décrépits, nous n'avons pas le matériel nécessaire pour faire notre travail. Nous devons payer à même nos traitements, qui ne sont pas concurrentiels. Voilà un énorme problème.

C'est la partie essentielle du financement des établissements et c'est le financement destiné à la recherche, notamment par l'intermédiaire des conseils subventionnaires. Voilà les deux principaux aspects sur lesquels j'insisterais.

Le président: Merci, madame.

M. Howard Alper: Puis-je poursuivre sur cette question? C'est une très bonne question.

Depuis 30 ans, les gens passent toujours d'un domaine à un autre, des mathématiques au génie, de la chimie ou la biologie à la médecine ou à d'autres domaines. Tout cela est pour le mieux. De même, il est important, à mon avis, de comprendre les diplômés en sciences sociales et en sciences humaines qui, de plus en plus—mais on encore loin du compte—passent au secteur industriel des technologies de l'information. Leurs talents sont finalement et graduellement reconnus, parce qu'ils obtiennent une éducation. Cette éducation devrait être applicable dans différents secteurs.

Et effectivement, les universités, notamment dans certaines provinces, ont dû s'adapter à d'importantes compressions budgétaires. Elles s'y sont adaptées de différentes manières. À mon avis, ce dont elles doivent s'occuper en priorité, c'est la question de la réorganisation. Jusqu'à ce que les universités se réorganisent, tout comme l'industrie et le gouvernement, nous allons continuer d'avoir des situations comme celles dont on vient de parler il y quelques minutes. Il faut établir des priorités. Il faut se créer des créneaux, à l'exception peut-être, dirais-je, de l'Université de Toronto. Aucune université dans ce pays n'est d'un niveau que je qualifierais d'excellent dans tous les secteurs—y compris l'Université de Toronto, bien que celle-ci ait certes une plus grande envergure que les autres.

Selon moi, il est très important que les universités décident de leurs priorités et allouent les ressources en fonction de ces décisions.

Le président: Merci, monsieur Alper.

Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement de cette table ronde, que je trouve toujours très intéressante. Votre approche est sérieuse et réfléchie, et vos contributions ont toujours été valables, comme en témoignent bien entendu les recommandations que nous avons formulées l'année dernière.

À mon avis, cette table ronde nous permet de montrer que chacune de nos décisions et recommandations tient réellement compte de l'avenir de ce pays. Ce sont là des questions qui vous amènent aussi à réfléchir, très franchement, en fonction des générations. Les questions liées à la fuite des cerveaux et autres que vous avez soulevées intéressent bien sûr le comité.

Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier.

La séance est levée.