Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 12 juin 1998

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tout le monde. Comme vous le savez, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend ce matin ses consultations prébudgétaires.

Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir les représentants du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de l'Alliance canadienne de technologie de pointe, d'IBM et de Nortel.

Nos premiers intervenants seront les représentants du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, soit M. Thomas Brzustowski et M. Steve Shugar. Bienvenue.

M. Thomas A. Brzustowski (président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada): Merci, monsieur le président, et merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité aujourd'hui. Vous avez posé quatre questions très importantes, et je suis heureux d'avoir l'occasion d'y répondre.

Mais d'abord, monsieur le président, au nom de l'ensemble des organismes de recherche en sciences et en génie, je désire remercier le comité pour sa réponse très positive à mon message de l'année dernière au sujet des jeunes. Je ne saurais trop insister sur l'effet positif qu'elle a eu sur le moral des universitaires. Ils sont maintenant convaincus que quelqu'un les écoute. Le comité nous a écoutés et a présenté des recommandations très claires. Vos conseils au ministre des Finances étaient sans équivoque. Nous vous sommes donc très reconnaissants de l'issue très positive de cette démarche. Un grand merci donc au comité.

[Français]

Vous avez posé quatre questions très importantes, et je suis très heureux d'y répondre à titre de président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

[Traduction]

Il est important de vous faire remarquer, monsieur le président, que même si ces questions touchent à des domaines dans lesquels le CRSNG apporte une contribution, le Conseil n'a pas étudié de politiques d'une telle portée, ni n'en a débattu. Par conséquent, ce que je vais vous offrir, ce sont des opinions personnelles qui sont orientées par les activités du Conseil. Il ne s'agit donc pas de la réponse officielle du CSRNG. J'espère que vous n'y verrez pas d'inconvénient.

Je voudrais aborder chacune des questions du comité l'une après l'autre. Vous avez sous les yeux un texte un peu plus long.

La première question est la suivante: Le budget étant maintenant équilibré, quelles devraient être selon vous les priorités du gouvernement, compte tenu du nouveau climat financier? Je crois que le gouvernement doit donner la priorité aux mesures générales et cohérentes visant à accroître la capacité du Canada de créer de la richesse, notamment par l'innovation, c'est-à-dire en mettant en marché de nouveaux produits et services et en augmentant la productivité grâce à des procédés novateurs et efficaces. Il s'agit d'un objectif très important pour un pays qui dépend des échanges disposant d'une économie ouverte, et surtout dans le contexte d'une économie mondiale en évolution rapide, évolution stimulée par l'avancement des connaissances en sciences et en technologie.

À cette fin, nous avons besoin de trois choses, à mon avis. D'abord, des personnes capables de faire progresser les nouvelles connaissances en sciences et en génie et d'utiliser le nouveau savoir. Deuxièmement, la possibilité, pour ces personnes d'utiliser au maximum leurs compétences et leurs connaissances afin d'offrir de nouveaux biens et services sur le marché—c'est-à-dire la mise au point de nouveaux produits novateurs; d'améliorer nos façons de faire les choses, soit la mise au point de nouveaux procédés novateurs; de résoudre des problèmes nouveaux et importants dans tous les aspects de notre vie; et de créer davantage de connaissances nouvelles. Et la troisième condition, c'est la mise en place par le gouvernement d'un ensemble de mesures cohérentes à long terme visant à créer un milieu qui encouragera nos chercheurs à réaliser tout cela ici même, au Canada.

• 0910

Monsieur le président, je me rends bien compte que cela peut vous sembler n'être qu'une série de 20 slogans mais c'est faux. Nombreux sont ceux et celles qui, connaissant bien la situation, ont proposé des mesures sensées qui nous permettront d'atteindre notre objectif principal, selon les trois axes que je viens d'indiquer. Je voudrais justement vous parler de certaines d'entre elles. Ces mesures sont diverses et variées: nouveaux investissements dans des domaines véritablement stratégiques; réduction des impôts et adoption d'autres mesures fiscales qui auront un rôle de catalyseur; et révision et mise à jour des politiques et pratiques gouvernementales afin qu'elles correspondent davantage à notre monde d'aujourd'hui et qu'elles aient une visée stratégique plus cohérente—et j'emploie ce mot à dessein.

Toutefois, je crois fermement que la possibilité de mettre en oeuvre de telles mesures nécessite, d'abord et avant tout, de la part du gouvernement, une liberté financière accrue, au niveau de l'attribution des crédits annuels, qui découle de la réduction du service de la dette nationale. Je suis donc en faveur du maintien d'un certain équilibre entre les trois principales mesures, soit l'investissement, la réduction de la dette et la réduction des impôts.

J'ai insisté sur les mesures qui favorisent la capacité du Canada de créer de la richesse, car je suis convaincu—et je ne crois pas me tromper à cet égard—que c'est là la source de la prospérité qui nous permettra d'assurer le bien-être des Canadiens et des Canadiennes, et ce, de toutes les manières possibles, selon nos valeurs, quelles qu'elles soient. S'il n'y a pas de prospérité, ce ne sera tout simplement pas possible.

Si je passe maintenant à la deuxième question, à savoir «Quels sont les nouveaux investissements stratégiques et les changements au régime fiscal qui permettrait au gouvernement d'atteindre le mieux possible ces objectifs prioritaires?», je voudrais, pour répondre à votre question, proposer trois types d'investissement et une mesure fiscale, de même qu'un investissement qui me semble assez mineur, puisqu'il s'agit surtout de changer notre façon de faire les choses.

D'abord—et vous ne serez certainement pas surpris de m'entendre dire cela—nous devons continuer à consolider le soutien à la recherche universitaire et aux études supérieures de ceux et celles qui, parmi nos jeunes chercheurs les plus brillants, ont le potentiel et le désir de travailler à l'extrême frontière des sciences et du génie. Les mesures budgétaires de 1997 et 1998 représentaient un progrès important, que nous apprécions énormément, mais il ne faut pas non plus se taper dans le dos en se disant que le tour est joué, car nous avons encore beaucoup de chemin à faire dans ces divers secteurs pour vraiment rivaliser avec nos partenaires commerciaux.

Le deuxième investissement prendrait la forme d'un élargissement substantiel—c'est-à-dire un budget au moins deux fois plus important—du Programme des réseaux des centres d'excellence, programme qui n'est devenu permanent qu'à partir du budget de 1997. Ce programme permet de regrouper en réseau les personnes qui créent de nouvelles connaissances et qui les mettent à profit dans notre économie. Je me permets de reprendre les propos de Peter Drucker, qui disait que ce programme a eu une telle incidence sur la culture des chercheurs, et jusqu'à un certain point, celle des partenaires commerciaux qui traitent avec les chercheurs, que nous avons à présent la capacité d'établir des masses critiques pour la recherche qui nous permet de nous attaquer à des questions importantes d'un bout à l'autre du pays. Dans le contexte du présent concours, nous aurons des taux de succès de 2 ou 3 p. 100, ou peut-être 6 p. 100, simplement à cause des contraintes budgétaires qui nous touchent.

Vous devriez d'ailleurs savoir quel effet cela peut avoir sur les personnes qui ont cru le discours et se sont laissé convaincre que c'était ça la voix de l'avenir: nous avons justement reçu 72 lettres d'intention dans le cadre du concours actuel visant la création de nouveaux centres d'excellence. Le comité de sélection a invité seulement 11 groupes à présenter des demandes complètes, c'est-à-dire un dossier volumineux traitant en détail des partenariats prévus, des possibilités de collaboration, de leurs projets précis et de leurs réalisations antérieures. Comme le budget annuel pour ce concours est de seulement 9 millions de dollars par année, à mon avis au plus deux à quatre nouveaux réseaux seront financés—quatre éventuellement, si leurs besoins sont assez modestes. Il s'agit donc d'un taux de réussite très faible.

Avec des taux de réussite aussi faibles, je crains justement que les personnes dont les demandes passent près d'être retenues se découragent et laissent tomber complètement leurs projets, étant donné que le concours suivant aura lieu seulement dans trois ans et demi. Plutôt que d'améliorer leurs propositions en vue du concours de l'année suivante, ils renoncent complètement au projet. Donc, à mon avis, nous avons une excellente initiative qui s'est avérée un franc succès, et nous devons absolument en profiter au maximum.

• 0915

Ma dernière proposition en matière d'investissement est en fait assez mineure mais c'est le genre de mesure qui serait à mon avis très efficace. Je propose que le gouvernement agisse collectivement au nom du secteur privé en se chargeant non seulement de déterminer quels Canadiens très qualifiés vont bientôt recevoir un diplôme ici ou à l'étranger, mais aussi d'offrir à ces personnes une série de possibilités d'emploi qui lui auraient été proposées par le secteur privé. Donc, ce serait une méthode beaucoup plus proactive, puisque le gouvernement ne se contenterait pas de mesurer les conséquences ou d'offrir une liste de candidats potentiels à l'étranger. J'appelle cette stratégie «embauchons d'abord les nôtres».

Enfin, je me rends bien compte que je suis loin d'être un spécialiste du régime fiscal, mais j'ai entendu suffisamment de choses au cours des dernières années pour me convaincre qu'il serait possible d'utiliser l'impôt sur les gains en capital comme catalyseur pour promouvoir la création d'une nouvelle capacité de création de richesse au Canada. Autrement dit, en cas de création d'une nouvelle capacité de création de richesse au Canada, de valeur ajoutée ou d'accroissement de la capacité d'entreprises en exploitation, les gains en capital réalisés seraient très faiblement imposés, et peut-être pas du tout pendant la période de démarrage.

Par contre, les gains en capital réalisés par quelqu'un qui réduit ou élimine la capacité de création de richesse de son entreprise, en fermant ses portes et en vendant les actifs pour profiter de leur valeur marchande feraient l'objet d'un impôt punitif. Il devrait également y avoir un régime mitoyen pour les cas où les gains en capital sont réalisés sans que cela ne contribue à notre capacité de création de richesse.

Ma réponse à la troisième question, monsieur le président, sera très brève. Comment pouvons-nous aider les Canadiens à se préparer, afin qu'ils sachent tirer profit des possibilités offertes par cette nouvelle ère qui s'ouvre à eux? Je peux formuler la réponse à cette question en quelques mots: le développement des enfants et l'éducation pour tous les Canadiens afin qu'ils puissent atteindre leur plein potentiel. Autrement dit, des programmes qui commenceraient dès la tendre enfance et se poursuivraient pendant toute la période préscolaire, pour que les enfants soient vraiment prêts à apprendre avant même d'arriver en maternelle, car c'est là qu'ils commencent à apprendre certaines habitudes qui influent sur leurs capacités futures, et qu'ils puissent continuer d'apprendre aussi longtemps que possible.

Ce que je vais vous dire aura peut-être l'air d'un slogan, mais je vais le dire quand même, parce que c'est très très important. L'accès par tous les Canadiens à notre système d'éducation, même aux niveaux les plus avancés et les plus coûteux, doit être fonction de leur capacité de continuer à apprendre, et non de leur capacité financière. À mon avis, c'est un principe tout à fait essentiel. Et il doit aussi y avoir des possibilités de formation continue une fois terminé le cycle formel d'éducation.

Enfin je vais essayer de répondre à la question que voici: «Quelle est la meilleure façon, pour le gouvernement, de s'assurer qu'il existe une grande diversité de possibilités d'emploi pour tous les Canadiens dans la nouvelle économie?». En essayant de répondre à cette question, je vais vous dire quelque chose qui comporte, je le sais, des risques politiques. Je vais bien choisir mes mots pour éviter tout malentendu.

Au Canada, nous semblons croire qu'il ne faut pas se préoccuper des meilleurs et des plus brillants d'entre nous; nous estimons qu'ils sont capables de s'occuper d'eux-mêmes. Certes, cette vision est très généreuse et bien intentionnée, mais elle m'inquiète. Nous devons assurément aider les personnes qui ont moins de possibilités que d'autres. Cela ne fait absolument aucun doute. C'est d'ailleurs l'une de nos plus importantes valeurs. Mais nous devons également répondre aux besoins très particuliers des meilleurs et des plus brillants parmi nous. Si je vous dis cela, c'est parce que dernièrement, vous avez entendu parler de nombreux exemples de personnes brillantes qui, conformément à nos attentes, se sont justement occupées d'elles-mêmes, mais nous n'avons pas toujours été très satisfaits du résultat. Quand ces personnes quittent le Canada pour accepter des emplois ailleurs, emplois qui leur permettent de mettre à profit leurs capacités et leurs connaissances et qui les mettent au défi de développer ce savoir, emplois qui leur permettent de gagner plus d'argent et d'en garder davantage pour eux, eh bien, là nous ne sommes pas du tout contents. Nous avons l'impression d'avoir été floués. Nous aimerions que leur contribution serve le Canada. Nous sommes mécontents—et moi-même je suis mécontent en tant que contribuable—de voir que c'est le Canada qui a investi dans leur éducation et leur formation, mais que ce sont d'autres pays qui en profitent. C'est quelque chose qui me trouble beaucoup. Mais en même temps, il faut bien comprendre les raisons pour lesquelles nous faisons face à ce phénomène.

Pour toutes ces raisons, je crois que le gouvernement devrait se préoccuper sérieusement des besoins des jeunes canadiens et canadiennes les plus prometteurs en sciences et en génie, c'est-à-dire des personnes ayant une grande capacité d'innovation. Ces jeunes ont surtout besoin d'un milieu de recherche stimulant qui met à profit la formation poussée. Ce milieu doit également leur permettre de concurrencer leurs collègues du reste du monde. Il faut qu'on leur offre des possibilités de profiter au maximum de leurs compétences. Voilà justement un facteur important dans la décision des gens de rester au Canada ou de partir; ils ont besoin d'un climat économique propice à l'innovation et ils doivent aussi voir qu'il est dans leur intérêt économique personnel de travailler au Canada.

• 0920

En retour, ils contribueront à la prospérité du Canada. Ce sont les créateurs d'emplois pour les autres Canadiens. Évidemment, il ne s'agit pas ici de reprendre la théorie de la relance économique par le haut, théorie qui ne m'a jamais semblé crédible, d'ailleurs. Je décris plutôt le processus par lequel ces Canadiens qui trouvent de nouvelles façons d'ajouter une plus-value à notre économie ou qui sont à l'origine d'innovations de calibre mondial—et c'est absolument indispensable—créeront des emplois pour d'autres Canadiens en raison de ce que j'appelle l'inéluctable effet multiplicateur de l'économie, notamment dans les secteurs qui dépendent le plus des progrès technologiques.

Le gouvernement se doit donc de reconnaître le rôle essentiel de ses créateurs et d'établir un ensemble cohérent de politiques et de pratiques dans de nombreux domaines différents—et je reviens constamment là-dessus—qui se renforcent mutuellement. Il faut absolument éviter que telle interprétation décourage telle autre activité qu'on voudrait au contraire favoriser grâce à tel et tel programme. Il faut des politiques cohérentes et générales qui visent à créer un environnement favorable au succès de ces créateurs d'emplois.

Merci de m'avoir écouté, monsieur le président. Je serais très heureux de répondre aux questions du comité le moment venu.

Le président: Merci infiniment, monsieur Brzustowski, pour cet exposé bien réfléchi et inspirant.

Nous passons maintenant aux représentants de l'Alliance canadienne de technologie de pointe, soit Mme Shirley-Ann George et David Perry. Bienvenue.

Mme Shirley-Ann George (directrice, Ottawa, Alliance canadienne de technologie de pointe): Merci. Bonjour.

Au nom de l'Alliance canadienne de technologie de pointe, l'ACTP, nous aimerions vous remercier de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui d'exprimer nos vues sur la fuite des cerveaux et les mesures que peut prendre le gouvernement fédéral pour s'assurer que le Canada est prêt à devenir un leader mondial dans la nouvelle économie, au profit de tous les Canadiens.

Je suis accompagnée ce matin de M. David Perry, qui est l'un des principaux recruteurs de spécialistes des technologies de pointe et qui sera à votre disposition pour répondre à vos questions au sujet de la fuite des travailleurs des différents secteurs de haute technologie.

Pour vous permettre de vous situer un peu, au cours des cinq dernières années, une bonne gestion et un peu de chance ont permis au Canada d'entrer dans une nouvelle ère. À l'heure actuelle, les dépenses des diverses administrations au Canada ne dépassent plus leurs recettes, et ces mêmes administrations font l'effort de préparer les Canadiens à profiter de l'économie du savoir. Cependant, il ne faut pas tenir cela pour acquis. Il faut surtout éviter de croire qu'il s'agit là d'un droit que personne ne peut nous retirer.

Il faut bien comprendre que l'ordre mondial a déjà évolué. Les pays du second et du tiers mondes ne dépendent plus de ce qu'ils cultivent, de ce qu'ils tirent de la terre ou de la générosité des autres. Ils peuvent élaborer un plan stratégique, créer un milieu commercial qui intéresse les autres pays du monde, et former massivement les travailleurs des secteurs des techniques de pointe. Ainsi ils peuvent se transformer très rapidement en pays du premier monde. Nos concurrents ne sont plus les pays du G-7, comme l'Italie et la France, avec lesquels nous nous comparons souvent. Nos concurrents sont plutôt des pays comme l'Irlande, l'Inde, et Taiwan.

Le Canada et les Canadiens doivent comprendre que les gouvernements doivent à présent être aussi dynamiques et concurrentiels que les entreprises de haute technologie. Il faut bien comprendre que même si ça va bien aujourd'hui, le loup est déjà à la porte; il veut s'emparer de notre repas, et il a très très faim. Heureusement, nous avons tout ce qu'il nous faut pour réussir. Nous avons également la possibilité de gâcher l'avenir de nos enfants. Le gouvernement fédéral a pris d'importantes mesures au cours des dernières années, y compris les mesures de réduction du déficit, la création de programmes tels que Rescol et le Réseau interbibliothèques, qui visent les jeunes enfants défavorisés, et la Fondation des bourses d'études du millénaire, qui va permettre aux jeunes enfants canadiens d'accéder aux études supérieures.

Les diverses branches d'activité font également leur part pour aider le Canada à bien entamer le prochain millénaire. Dans les secteurs des technologies de l'information, de la fabrication et des services, entre 1990 et 1995, les recettes ont augmenté de 78 p. 100, la recherche et le développement, de 47 p. 100, et les emplois, de 35 p. 100. Si nous tenons compte des chiffres récemment publiés par Statistique Canada pour période de 1992 à 1997 concernant les programmeurs et analystes informatiques, nous en arrivons à une étonnante augmentation globale de 92 p. 100.

Dans notre climat commercial, le Canada doit absolument être concurrentiel dans tous les secteurs de croissance. Dans le secteur privé, nous appelons ça le besoin de personnalisation massive. Par exemple, les besoins en matière de financement de l'industrie aérospatiale par le biais de programmes tels que Partenariat technologique Canada, sont tout à fait valables mais très différents de ceux des entreprises se spécialisant dans les technologies de l'information, où les crédits d'impôts au titre de la recherche et du développement sont essentiels. C'est grâce à des programmes de ce genre que nous réussissons à créer et à maintenir des dizaines de milliers d'emplois au Canada.

Malheureusement, notre principal problème demeure la rareté de la matière première de ce secteur en particulier, c'est à dire les spécialistes des techniques de pointe. Ces personnes ont reçu une formation poussée, et ce n'est pas uniquement un problème canadien. Selon les évaluations, il existe aux États-Unis plus de 340 000 postes vacants dans ce secteur, alors qu'au Canada, le nombre atteint facilement 20 000 ou 30 000.

• 0925

Si nous nous fondons sur le taux de croissance en 1995 et les extrapolations linéaires, il est possible que nous ayons besoin de 190 000 spécialistes de plus au cours des cinq prochaines années. Même en utilisant des chiffres plus conservateurs, on obtient un résultat de 75 postes à pourvoir.

Même si cela présente des possibilités intéressantes, il faut bien comprendre que notre système d'éducation connaît actuellement certaines contraintes, et malheureusement, il est peu probable que bon nombre de ces emplois se créent au Canada. Nous devons donc travailler ensemble pour nous assurer que le secteur de la haute technologie ne deviendra pas trop grand pour continuer de prospérer au Canada. Le défi est de taille, mais si nous acceptons de collaborer, c'est-à-dire le secteur privé et le gouvernement, rien ne nous empêche de prendre d'autres mesures pour faire créer et maintenir une bonne proportion de ces emplois et pour garder au Canada nos spécialistes les plus talentueux.

Du côté de l'industrie, les augmentations salariales des travailleurs de la haute technologie ont été en moyenne de 6 ou 7 p. 100 au cours des 12 derniers mois. Mais dans les secteurs où les spécialistes sont les plus en demande, comme les communications et la programmation dans le domaine des technologies de l'information, il n'est pas inhabituel de trouver des augmentations de salaire de 15 à 20 p. 100 au cours de la dernière année. Dans ce contexte, on se demande pourquoi il y a de si vives protestations dès qu'il est question de vous donner une augmentation de 2 p. 100.

Malheureusement, l'argent ne suffira pas pour garder ces travailleurs. L'ACTP et KPMG ont récemment mené une étude pour aider nos membres à mieux comprendre les facteurs qui permettent d'attirer des spécialistes vers le secteur de la haute technologie et de les retenir. Malheureusement, le phénomène de la mondialisation signifie que les entreprises internationales, notamment celles qui ont leur siège aux États-Unis, peuvent recruter les employés de nos membres. Celles qui le font sont souvent les entreprises les plus importantes et prospères, c'est-à-dire celles qui offrent les salaires les plus élevés. Elles viennent au Canada en grand nombre pour assister aux foires commerciales du secteur des techniques de pointe qui ont pour objet de favoriser la fuite de nos spécialistes les plus brillants et talentueux vers le Sud.

C'est un marché mondial, et c'est évidemment à nos membres d'offrir des augmentations salariales comparables à celles de leurs concurrents, mais nous ne pouvons cependant surmonter l'obstacle considérable que représentent les taux d'imposition au Canada, qui sont plus élevés. D'ailleurs, les stratégies de marketing des entreprises américaines mettent en relief l'avantage considérable qu'elles ont à offrir sur ce plan-là.

Pour vous donner une idée de l'importance de l'écart, si nous employons des statistiques pour 1997, un ingénieur constructeur principal moyen gagne environ 76 000 $ à Ottawa. À Austin, au Texas, il gagne environ 81 000 $. Il y a donc au départ un écart de salaire. Certes, cet écart n'est pas suffisant pour même décider de changer de rue, sans parler de déménager sa famille et de se rétablir dans un autre pays. Par contre, sur le plan du revenu disponible, la situation est très différente. Un contribuable canadien à Ottawa, après avoir payé une hypothèque moyenne, ses impôts, les soins de santé, les transports et les produits de consommation, n'a plus qu'environ 8 000 $. À Austin, par contre, il lui reste 26 000 $. Par conséquent, cet écart de salaire de seulement 5 000 $ correspond en réalité à un écart de 18 000 $, surtout à cause des niveaux d'imposition. Ottawa et les cinq grappes technologiques mesurées au Canada se sont placées au premier rang, soit un revenu disponible correspondant à 11 p. 100 du salaire de base. Quant aux grappes technologies américaines, les pires localités étaient San Jose, avec un revenu disponible de 21 p. 100, Boston, 23 p. 100, Seattle et Raleigh, 30 p. 100, et ensuite Austin, au Texas, à 33 p. 100.

Voilà qui explique le départ du Canada en 1993 d'environ 1 300 travailleurs temporaires qui ont décidé d'aller travailler aux États-Unis. C'est souvent de cette façon, plutôt que par le biais de l'immigration, que les Canadiens quittent leur pays. En 1995, le nombre de départ était de 3 800, soit trois fois plus que précédemment, et la véritable fuite des cerveaux n'a commencé qu'après 1995. Malheureusement, quand vous regardez ces chiffres, vous allez constater que seulement 20 p. 100 de ces personnes sont de récents diplômés. Nous perdons surtout nos spécialistes techniques et nos cadres les plus expérimentés et talentueux.

Donc, que peut faire le gouvernement fédéral pour recréer un environnement concurrentiel pour ces travailleurs de la haute technologie bien rémunérés et malheureusement très mobiles? Vous n'arriverez sans doute jamais à maintenir notre qualité de vie tout en mettant notre régime d'imposition sur un pied d'égalité avec celui des États-Unis. Je pense que la plupart d'entre nous acceptent cette réalité. Par contre, il faut prendre des mesures pour réduire de beaucoup cet écart. Et vous devez le faire tout en respectant votre engagement, c'est-à-dire consacrer un tiers à la réduction de la dette, un tiers aux nouveaux programmes et un tiers à une réduction des impôts. Ce n'est pas une tâche facile, mais s'il y a une chose que le secteur privé tient pour acquis, c'est que le gouvernement, quand il prend de tels engagements, les respectera.

Comme vous l'avez fait pour la réduction du déficit, vous, au gouvernement fédéral, devez annoncer un plan d'action pour réduire l'écart entre le niveau d'imposition au Canada, par rapport aux États-Unis. Parmi les mesures possibles que vous pourriez prendre, notons la possibilité d'éliminer immédiatement la surtaxe «temporaire» (provisoire dicté au début)et l'élaboration d'un plan quinquennal prévoyant d'autres réductions. Vous devriez également envisager, au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers, d'opter pour la méthode américaine, qui prévoit le fractionnement du revenu entre les deux conjoints et la réduction des impôts sur les options d'achat d'actions pour nous aider à garder chez nous les travailleurs les plus compétents et appréciés.

Enfin, l'ACTP appuie la proposition de la ESOP Association au sujet d'un régime d'actionnariat des employés, et nous vous encourageons à l'examiner. Cela encouragerait les propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien d'élaborer un régime et de partager le contrôle de leurs entreprises en permettant aux employés d'acheter directement des actions. Ce genre de régime s'avérerait certainement très avantageux pour conserver les travailleurs actuels et pour en attirer d'autres. La ESOP Association a des chiffres très impressionnants concernant les profits accrus et la croissance d'entreprises américaines qui mettent en place ce type de régime. Tout le monde y trouve son compte. Nous encourageons donc le gouvernement à examiner sérieusement cette proposition et à adopter une loi qui va profiter à toutes les entreprises canadiennes qui veulent partager le contrôle avec leurs employés en leur permettant d'acheter des actions.

• 0930

Bref, les employeurs et les employés du secteur de la haute technologie ont fait preuve de patience, budget après budget, pendant que le ministre Martin essayait d'assainir nos finances, et nous vous félicitons d'ailleurs de vos efforts. Il est maintenant temps que le gouvernement respecte sa promesse en réduisant l'impôt sur le revenu des particuliers.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame George. C'est un exposé bien réfléchi que vous nous avez fait.

Nous passons maintenant au représentant d'IBM, soit M. Wayne Scott. Bienvenue.

M. Wayne Scott (responsable des programmes gouvernementaux, IBM Canada): Monsieur le président, bonjour. Je vous remercie de nous donner ce matin l'occasion de discuter avec les membres du comité de questions qui sont pour nous chez IBM—et pour d'autres également, vu les discussions que nous avons eues avec d'autres entreprises du secteur—extrêmement importantes, non seulement pour notre branche d'activité mais pour l'avenir du Canada dans son ensemble.

Vous avez sous les yeux un mémoire qui est en deux parties. Je vais passer en revue assez rapidement les trois premières pages qui présentent mes idées sur la façon d'aborder le problème de la fuite des travailleurs qualifiés, et les facteurs qui influencent ce mouvement. La deuxième partie du mémoire présente plus de détails de même que des recommandations précises dont vous voudrez peut-être tenir compte en cherchant une solution à ce problème au Canada.

À partir de la page 2, vous avez une analyse, étayée par un cas d'espèce qui concerne notre propre laboratoire de logiciels à Toronto, qui nous permet d'affirmer que nous perdons maintenant des compétences tout à fait critiques. Ce problème intéresse, bien entendu, les entreprises, mais comme d'autres témoins vous l'ont déjà dit ce matin, il revêt également une importance critique pour le Canada dans son ensemble.

À la page 3, j'ai décrit en quatre points ce que j'appelle le cheminement de maturité professionnelle, qui me semble utile pour bien comprendre le phénomène de la fuite des travailleurs les plus qualifiés. La première étape est celle de l'obtention du diplôme des études secondaires et de la sélection d'une université. Même s'il est important de profiter des possibilités d'études des plus grands établissements scolaires du monde entier, chaque fois qu'un étudiant va à l'étranger, il se fait plus facilement à l'idée d'y rester.

La deuxième étape—plus importante encore—est celle de l'obtention du diplôme universitaire et du choix du premier emploi. Là nous constatons la plus forte présence des recruteurs américains sur les campus canadiens, notamment dans les plus grandes universités canadiennes.

La troisième étape, pour ceux et celles qui décident de faire des études supérieures, est celle du choix d'une université pour les études de deuxième cycle. Il s'agit d'une épée à double tranchant. Il faut que nos étudiants canadiens les plus brillants puissent partir et ramener au Canada leurs connaissances nouvellement acquises, après avoir étudié dans les plus grandes universités d'autres pays, mais en ce faisant, ils se font à l'idée d'y rester, et ils sont forcément exposés à leurs marchés du travail.

Enfin, comme vous l'ont dit les représentants de l'ACTP, les personnes que nous perdons en plus grand nombre au Canada sont celles qui ont effectivement le plus d'expérience.

Au haut de la page 4, j'aborde une question qui est d'une importance cruciale dans le contexte de l'examen des mesures à prendre pour stopper la fuite des travailleurs qualifiés du secteur de l'information et des communications, à savoir la structure du secteur en question. Quand on y pense, on a tendance, ou disons beaucoup de gens ont tendance à penser surtout aux plus grands participants, comme IBM et Nortel. Ici à Ottawa, vous avez cependant toute une série d'autres entreprises très prospères, telles que Newbridge et d'autres encore. Cependant, le fait est que ce secteur est dominé par les petites entreprises, voire même les micro-entreprises.

Par exemple, d'après les données d'Industrie Canada pour 1995, le secteur des logiciels et des services comptait plus de 14 000 compagnies, ayant en moyenne moins de 10 employés—et cela comprenait les grandes compagnies. Donc il s'agit bien d'un secteur formé surtout de petites entreprises et de micro-entreprises, cette réalité ayant nécessairement d'importantes conséquences pour la dynamique du marché du travail.

Je tiens à préciser, d'ailleurs, qu'en ce qui nous concerne, l'intervention qui s'impose face aux mesures énergiques que prennent les entreprises américaines pour attirer nos employés les plus qualifiés est une responsabilité partagée. Je ne suis pas là ce matin pour vous parler des mesures que le gouvernement devrait prendre pour régler ce problème au nom du secteur, mais plutôt pour parler des initiatives que nous vous conseillons de prendre pour compléter les efforts que nous avons déjà déployés à titre d'employeur.

• 0935

Permettez-moi de passer rapidement en revue les trois facteurs qui sont à mon avis les plus importants quand il s'agit de choisir le lieu où nous souhaitons vivre et travailler, et notre employeur. En ce qui concerne le travail proprement dit, pour moi, cette question relève surtout des employeurs. La qualité du travail, les défis qu'il présente, et la qualité du lieu de travail, si l'on en croit les résultats de plusieurs études, des facteurs tout à fait critiques quand il s'agit de garder les employés les plus qualifiés. Je pense d'ailleurs que les employeurs canadiens ont fait des investissements substantiels dans ces différents éléments pour rehausser justement la qualité du travail et du lieu de travail.

Le deuxième facteur en ce qui concerne le choix d'un travail—et sans doute celui qui a suscité le plus de discussions—est celui de la rémunération. Bien qu'il se trouve au milieu par rapport à l'ensemble des facteurs qui entrent en ligne de compte pour déterminer la satisfaction professionnelle, il arrive en tête de liste quand il s'agit d'évaluer l'attrait d'un emploi. La rémunération, les offres de salaires élevés et les gratifications à la signature d'un contrat sont autant d'outils de recrutement d'importance critique, outils que nos concurrents américains mettent bien à profit.

Le troisième facteur est celui du style de vie. À cet égard, le Canada présente de nombreux avantages. Bien que ce facteur ne soit pas décisif pour beaucoup de gens, il faut tout de même essayer d'en profiter au maximum.

Vous ayant donné cette toile de fond, permettez-moi maintenant de passer à des recommandations précises. Évidemment, comme d'autres vous l'ont déjà dit, y compris certains témoins de ce matin, il n'y a pas de solution magique.

Je voudrais prendre quelques instants pour vous parler de la concurrence que se font les employeurs pour obtenir les diplômés les plus brillants qui sortent de notre système scolaire. Dans ce contexte, c'est évidemment aux employeurs de prendre l'initiative de concurrencer énergiquement les entreprises étrangères sur les campus canadiens pour obtenir les meilleurs diplômés canadiens. Pendant les études de premier cycle, les employeurs et les universités doivent songer à profiter au maximum des occasions que présentent les programmes d'études coopératives et de stages.

Ces programmes présentent trois avantages importants. D'abord, ils permettent aux intéressés d'acquérir, dès le premier cycle, une expérience professionnelle pour qu'ils puissent plus facilement s'adapter au milieu du travail. Deuxièmement, ils constituent une importante source de revenus pour les étudiants, les aidant ainsi à faire face aux coûts de plus en plus importants que supposent des études universitaires. Enfin, ils permettent aux étudiants et aux employeurs de se connaître avant la fin des études. Nos nouveaux employés et ceux que nous recrutons sur les campus nous disent sans arrêt que l'expérience professionnelle est un facteur très important dans le choix d'un employeur.

L'autre élément, c'est qu'au fur et à mesure que les collèges et universités du Canada réagissent à l'expansion du nombre d'emplois dans ce secteur, nous allons devoir accroître de façon substantielle le nombre de places dans les programmes d'études coopératives et de stages. Les grandes entreprises et celles de taille moyenne participent pleinement à de tels programmes en collaboration avec les collèges et universités, mais nous sommes malheureusement dans l'impossibilité d'augmenter le nombre de places dans ces programmes en fonction de l'accroissement du nombre d'étudiants dans ces différents secteurs. Pour en revenir à la structure de cette branche d'activité, il est essentiel que les plus petites entreprises trouvent le moyen de participer, elles aussi, aux programmes d'études coopératives et de stages. Mais étant donné que chaque trimestre ou période de travail coûte entre 10 000 $ et 12 000 $, les petites compagnies peuvent difficilement se le permettre.

Voilà donc qui m'amène à ma première recommandation précise, à savoir que le comité envisage de recommander que le gouvernement fédéral, dans son prochain budget, prévoie une aide financière pour les entreprises qui accueillent les étudiants des disciplines très en demande et à forte intensité de connaissances grâce à ces programmes d'études coopératives et de stages. Cette aide, qui pourrait être assurée sous forme de subventions directes ou de crédits d'impôt, permettrait de faire deux choses. D'abord, elle permettrait d'offrir une aide financière aux étudiants qui veulent poursuivre leurs études, cette aide étant d'autant plus importante pour notre économie dans le contexte actuel de la progression des frais. Deuxièmement, elle permettrait d'établir entre étudiants et employeurs des rapports de travail qui vont nous aider à garder nos meilleurs étudiants ici au Canada.

Permettez-moi maintenant de parler de l'étape décisionnelle suivante pour les étudiants qui font des études supérieures. Le choix d'une université pour les études supérieures dépend surtout de deux facteurs: la réputation de l'établissement, et la possibilité d'obtenir une aide financière. Nous sommes d'ailleurs très encouragés par la décision du gouvernement de prévoir, au plus récent budget fédéral, des fonds supplémentaires pour la recherche et les études supérieures. Ma deuxième recommandation est donc que le gouvernement maintienne ce financement supplémentaire au titre de la recherche et des études supérieures dans les disciplines qui soutiennent les secteurs de l'économie canadienne à croissance élevée où s'exerce la plus forte demande. D'ailleurs, les propos de mon collègue à ce sujet étaient beaucoup plus éloquents et complets. Nous vous faisons remarquer simplement que nous cautionnons les opinions et les recommandations qu'il vous a présentées ce matin.

Enfin, nous abordons la question de la concurrence qui s'exerce entre employeurs pour les personnes les plus expérimentées, soit celles qui représentent la plus grande perte pour notre économie. À cet égard les employeurs doivent absolument prendre l'initiative. Des facteurs comme l'existence d'un travail stimulant et satisfaisant, la possibilité de formation permanente, et des conditions de travail souples sont tout à fait critiques. Sans l'investissement considérable des employeurs jusqu'à présent, nous aurions subi des pertes encore bien plus importantes.

• 0940

Par contre, vu l'importance de la rémunération en tant qu'outil de recrutement, nous ne pouvons nous permettre de ne tenir aucun compte de l'importante différence qui existe au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers. L'ACTP vous en a d'ailleurs donné quelques exemples ce matin. Bien qu'il soit impossible de changer radicalement la situation dans l'immédiat, vu les priorités budgétaires que s'est fixées le gouvernement et que nous, les citoyens, appuyons, il importe de faire comprendre à nos spécialistes les plus performants, ceux qui apportent la plus grande contribution à notre économie, qu'on ne les apprécie pas uniquement pour leur capacité de payer des impôts au taux d'imposition marginaux les plus élevés.

L'un des éléments qui distinguent le plus les régimes canadien et américain en matière d'impôt sur le revenu des particuliers est le niveau de revenu auquel s'appliquent les taux marginaux les plus élevés. En chiffres ronds, les Canadiens paient les taux d'imposition les plus élevés lorsque leur revenu dépasse 60 000 $, alors que les contribuables américains ne sont visés par les taux marginaux les plus élevés que lorsque leur revenu dépasse environ 250 000 $. Nous entendons dire, à juste titre d'ailleurs, que les taux marginaux les plus élevés ne sont souvent gère différents entre le Canada et les États-Unis. Par contre, bon nombre de nos spécialistes débutant à peine leur carrière au Canada sont visés par les taux marginaux les plus élevés après seulement un ou deux ans sur le marché du travail, ce qui est fort différent de la situation aux États-Unis.

Ma dernière recommandation est donc la suivante: j'exhorte le gouvernement, sur les conseils du comité, à annoncer publiquement qu'il s'engage à mettre en place un nouveau régime qui réduise progressivement l'écart entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, et qui prévoie la réalisation d'objectifs et d'étapes éthiques.

Pour conclure, je voudrais dire une fois de plus que la possibilité pour le Canada de garder ses meilleurs et ses plus brillants spécialistes revêt une importance critique pour l'avenir du pays. Nous sommes à un tournant, et nous vous remercions de nous avoir donné aujourd'hui l'occasion d'en discuter avec vous. Je suis à votre disposition pour répondre à des questions en temps et lieu. Merci d'avoir pris l'initiative d'examiner la question.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Scott, pour vos trois recommandations précises, que nous allons certainement examiner en détail.

Je donne maintenant la parole à la représentante de Nortel, soit Mme Claudine Simson. Bienvenue.

Mme Claudine Simson (vice-présidente, Recherche externe et propriété intellectuelle à l'échelle mondiale, Nortel): Merci. Bonjour, monsieur le président et membres distingués du comité.

[Français]

Je voudrais tout d'abord vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité aujourd'hui et de représenter Nortel en tant que vice-présidente à la recherche externe et à la propriété intellectuelle à l'échelle mondiale.

[Traduction]

Comme vous le savez, Nortel met au point, fabrique et intègre des produits de communications et des réseaux numériques avancés sur le marché mondial. Mais surtout, Nortel possède les plus importants budgets au Canada en matière de recherche et de développement. Les dernières statistiques révèlent que Nortel a réalisé environ 25 p. 100 de la totalité des investissements canadiens en recherche et développement l'an dernier.

[Français]

Aujourd'hui, pendant la courte période qui m'est accordée, je voudrais parler de l'expérience de Nortel afin d'examiner un certain nombre d'enjeux reliés aux difficultés inhérentes à la constitution et à la conservation d'une source d'employés et de spécialistes de haut calibre.

[Traduction]

Premièrement, le savoir est devenu le principal moteur de la croissance économique. L'innovation crée en effet de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois, et représente aujourd'hui la source principale de croissance et de richesse. Par ailleurs, l'innovation dépend de la disponibilité d'une source de personnel possédant les compétences et les aptitudes nécessaires pour permettre à l'entreprise de faire sa marque à l'échelle mondiale. En outre, pour répondre aux exigences de la société de l'information, il est de plus en plus important de disposer d'expertise scientifique et technique afin d'assurer la poursuite de notre succès en tant que pays. La constitution d'une source de travailleurs du savoir chevronnés est essentielle à la croissance des industries de haute technologie au Canada et constitue aussi l'un des principaux éléments qui permettra à notre secteur de maintenir et de développer ces investissements au pays. Par exemple, Nortel a annoncé l'an dernier l'embauche de 5 000 nouveaux travailleurs du savoir à Ottawa au cours des quatre prochaines années. Ce n'est là qu'un des volets de la stratégie de recrutement dynamique que nous avons adoptée au Canada.

En deuxième lieu, la plupart des entreprises canadiennes du secteur des technologies de l'information éprouvent des difficultés croissantes à trouver les spécialistes de haut calibre dont elles ont besoin pour répondre à la demande de personnel qualifié. Si rien n'est fait, ce problème ne fera qu'empirer.

• 0945

[Français]

Ce problème n'est pas confiné au Canada; nous en avons entendu parler auparavant et il est parfaitement reconnu que la main-d'oeuvre qualifiée du secteur de la technologie de l'information est mondialement mobile. La semaine dernière, nous lisions un article dans le Globe and Mail qui indiquait que le stock des visas de travail à long terme aux États-Unis pour les immigrants très qualifiés s'était épuisé cinq mois plus tôt que prévu.

[Traduction]

Ainsi les travailleurs spécialisés dans le domaine des technologies de pointe comptent parmi les plus courtisés au monde, et le Canada est un terrain de recrutement important. Là je ne parle pas seulement du nombre de Canadiens qui sont recrutés pour aller travailler ailleurs, mais également de leur qualité et du niveau de leurs compétences. Chez Nortel, par exemple, nous constatons que les employés qui nous quittent pour aller aux États-Unis sont souvent ceux dont les compétences nous font le plus cruellement défaut par la suite. Il s'agit d'employés qui ont profité de leurs quelques années passées chez nous pour compléter leurs connaissances théoriques par l'expérience pratique découlant de la présence mondiale de Nortel et de sa position de chef de file de l'industrie des télécommunications.

Ce n'est pas tant le nombre de départs qui est préoccupant, bien que ceux-ci se fassent de plus en plus nombreux, que la pénurie des compétences ainsi créée au Canada. Les spécialistes que nous perdons sont habituellement parmi les plus performants, et leur leadership de même que leurs compétences entreprenariales contribuent à créer la richesse et les emplois nécessaires à la croissance de l'économie. Leur valeur pour Nortel—et pour le Canada—est inestimable, et leur remplacement est souvent laborieux et aléatoire.

En troisième lieu, il faut préciser que ce ne sont pas les solutions à court terme qui nous permettrons de trouver tous les spécialistes d'expérience dont nous avons besoin. La source de personnes dotées des connaissances de pointe nécessaires qui entrent sur le marché du travail doit être élargie.

[Français]

Ceci exige l'appui de notre système d'éducation du niveau primaire aux niveaux secondaire et supérieur. Tout d'abord, nous devons appliquer nos efforts aux écoles primaires et secondaires afin qu'on mette l'accent sur les sciences et la technologie dans les programmes, qu'on améliore les méthodes d'enseignement en offrant une formation spécialisée aux enseignants et surtout qu'on fasse entrer la technologie dans les classes.

[Traduction]

Le programme récemment annoncé par le gouvernement fédéral concernant les Canadiens branchés est une excellente initiative en ce sens.

La promotion des sciences et de la technologie auprès des élèves doit devenir une grande priorité. Par exemple, Nortel a récemment annoncé les premiers récipiendaires de ses bourses d'études secondaires dans la région d'Ottawa. Au cours des trois prochaines années, nous offrirons à un groupe choisi d'élèves du secondaire de la région d'Ottawa des bourses de scolarité universitaires de même que des emplois. Chaque lauréat bénéficiera d'une bourse de 1 000 $ et d'un emploi d'été chez nous.

De plus, la création par le gouvernement fédéral de la Fondation des bourses d'études du millénaire est sans conteste une initiative louable. Je recommanderais, cependant, que ces bourses soient davantage axées sur les sciences et la technologie.

[Français]

Un autre programme particulièrement efficace est l'établissement par le CRSNG de chaires pour les femmes en sciences et en génie afin d'inciter les jeunes filles à opter pour une carrière en sciences et en génie.

[Traduction]

Des programmes de ce genre devraient être élargis afin de mettre à profit les talents des femmes qui font des études en sciences et technologie. Comme vous le savez sans doute, Nortel finance l'une des chaires dans ce domaine, qui se trouve en Ontario.

Je voudrais également proposer que le gouvernement fédéral envisage de créer une fondation sur les compétences critiques, vouée à la promotion d'un enseignement et d'une formation plus efficaces au niveau du primaire et du secondaire, l'accent étant davantage mis sur les sciences et la technologie. Ce serait un peu l'équivalent de la Fondation canadienne pour l'innovation, qui vise également le système d'éducation aux niveaux primaire et secondaire. Une telle initiative pourrait certainement bénéficier de l'apport financier du secteur privé, et nous pourrions aussi offrir des emplois d'été ou à temps partiel à des étudiants prometteurs au niveau secondaire.

De plus, nous devons réexaminer le système d'éducation postsecondaire.

[Français]

Nortel embauche au Canada 25 p. 100 des étudiants qui sortent des programmes de génie électrique, du génie informatique et des sciences de l'ordinateur. Au niveau de la maîtrise et du doctorat, c'est encore mieux: Nortel embauche 30 p. 100 des étudiants sortants.

[Traduction]

Si une seule entreprise au Canada engage plus de 25 p. 100 de tous les nouveaux diplômés au Canada, cela semble clairement indiquer qu'il n'y a pas assez de diplômés dans ces diverses disciplines.

• 0950

Ceci démontre aussi le besoin de créer un large éventail de mesures axées sur la collaboration avec des établissements d'enseignement de tous les niveaux pour élargir la source de diplômés qualifiés dans certaines disciplines clés.

Nous estimons aussi que la mise sur pied d'une infrastructure de recherche de calibre mondial et l'incitation au transfert du savoir constituent des facteurs clés pour le développement et la conservation de compétences essentielles, de même que pour l'excellence des enseignants, des chercheurs et des étudiants.

La création de la Fondation sur l'innovation au Canada, de même que les programmes de bourses de recherche du CRSNG et le programme des réseaux de centres d'excellence sont autant d'excellentes initiatives de la part du gouvernement. Tous ces programmes sont formidables et devraient être élargis. Je désire d'ailleurs soutenir les propos de M. Brzustowski, qui demande l'élargissement de ces programmes.

Bien sûr, le secteur privé doit continuer de faire sa part. Je me permets de citer l'exemple de Nortel, qui consacre plus de 17 millions de dollars par année en Amérique du Nord seulement à divers programmes de recherche universitaires qui ne sont pas visés par des concours. Évidemment, nous travaillons de concert avec les administrations fédérale et provinciales.

Voilà qui m'amène à mon quatrième point. Pour relever le défi consistant à développer et à retenir une main-d'oeuvre très spécialisée, le gouvernement fédéral devra travailler de façon plus étroite avec les administrations provinciales et le secteur privé.

[Français]

Le gouvernement fédéral pourrait envisager une participation dans plusieurs domaines. Par exemple, le gouvernement fédéral a clairement annoncé son intention de préparer les Canadiens à participer davantage à l'économie mondiale basée sur le savoir, ce qui exigera l'alignement, l'harmonisation et la coordination de l'infrastructure et des méthodes nécessaires en vue d'atteindre cet objectif.

[Traduction]

Par exemple, comment le gouvernement fédéral devrait-il profiter de sa présence nationale pour faire comprendre l'importance de faire carrière dans les disciplines scientifiques et technologiques? Nous pourrions, dans un premier temps, mener une campagne de sensibilisation auprès des députés et de la haute fonction publique. Il pourrait être avantageux de mettre sur pied des affectations provisoires dans les secteurs privés et publics, ainsi que d'organiser un programme d'échanges axé sur les sciences et la technologie dans la fonction publique.

Une autre possibilité serait d'intéresser l'ensemble des Canadiens. Les prix du gouverneur général en littérature et en arts décernés chaque année au CNA, ici à Ottawa, ont grandement contribué à faire comprendre à l'échelle nationale l'importance de ce volet culturel. Je propose que l'on s'inspire de la même démarche pour mettre sur pied un programme de prix à grande échelle et éminemment visible pour reconnaître l'excellence des intervenants dans les domaines de la recherche, de l'enseignement et de la collaboration en sciences et en technologie.

[Français]

Je termine en parlant de mon cinquième point. L'une des questions les plus importantes pour le développement et la conservation d'une source de compétences qualifiées réside dans les facteurs économiques inhérents à la vie et au travail au Canada plutôt qu'ailleurs, en particulier aux États-Unis.

[Traduction]

En effet, l'une des questions les plus importantes pour la constitution et la conservation d'une source de compétences réside dans les facteurs économiques inhérents au fait de vivre et de travailler au Canada, plutôt qu'aux États-Unis, par exemple. On vous l'a d'ailleurs déjà dit. Mais je me permets d'expliquer ma pensée à cet égard.

Il s'agit là d'une question très complexe qui recoupe un large éventail de préoccupations déjà exprimées, comme les taux d'imposition du revenu personnel, les conditions touchant l'habitation (entre autres la déductibilité des intérêts hypothécaires), les régimes de retraite et les soins de santé. Il n'existe pas de réponse toute faite à ces questions. Cependant, il n'en demeure pas moins que dans la perspective d'un marché du travail mondialisé, nous devons tenir compte de tous ces facteurs afin d'équilibrer plus favorablement les revenus après impôt au Canada, comparativement à ceux obtenus aux États-Unis et dans d'autres pays du G-7.

Il y a d'autres recommandations que j'aimerais vous faire sur les moyens que le Canada peut prendre pour retenir ses spécialistes les plus talentueux dans le domaine des sciences et du génie. Ces moyens comprennent des stimulants comme les régimes d'épargne-études et peut-être la possibilité d'autoriser la déductibilité fiscale des dépenses liées aux études universitaires, une fois que le diplômé est intégré au marché du travail.

• 0955

Permettez-moi cependant de faire une petite précision avant qu'on ne m'accuse de vouloir mettre l'entière responsabilité de la situation sur les épaules du gouvernement fédéral: je pense que la meilleure façon de nous doter d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée et de la garder chez nous réside dans la combinaison des efforts de l'industrie, des gouvernements fédéral et provinciaux et des établissements d'enseignement.

[Français]

La synergie créée par la puissance combinée du gouvernement, du secteur privé et du secteur académique peut certainement améliorer de façon considérable non seulement le nombre, mais aussi la qualité des Canadiens susceptibles de faire des percées mondiales et, de ce fait, de renforcer la prospérité future du Canada.

Merci de votre attention.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, madame Simson, d'avoir décrit les défis auxquels font face votre société et votre secteur en général. Merci aussi pour les conseils que vous avez offerts au comité.

Nous ouvrons maintenant la période des questions. M. Epp sera le premier intervenant.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié vos exposés. Je les ai trouvés très perceptifs. J'ai d'ailleurs travaillé dans le secteur de l'enseignement des technologies pendant 27 ans avant de venir ici, puisque j'étais professeur dans un institut technique d'Edmonton. Par conséquent, je connais bien les frustrations qu'éprouvent les étudiants, notamment.

Je suppose que n'importe lequel d'entre vous pourrait répondre à cette question. Pour ce qui est de trouver un emploi après les études, les étudiants sont de plus en plus frustrés en raison des difficultés qu'ils éprouvent. Aucun d'entre vous n'a vraiment abordé cette question-là. Y a-t-il quelque chose que le gouvernement fédéral doive et puisse faire, sur le plan financier ou autre, pour vous faciliter le recrutement de diplômés canadiens?

Personnellement, je ne suis pas tout à fait en faveur d'incitations fiscales qui donnent un avantage aux étudiants canadiens, par rapport à d'autres. Par contre, il semble que bon nombre de nos diplômés, y compris—et je rougis en vous disant cela, monsieur le président—mon propre fils, quitte le pays. Le fait est que mon fils n'a pas pu trouver un emploi ici. Il a essayé pendant un an, et se sentant frustré devant l'impossibilité de trouver quelque chose ici, il a fini par accepter un emploi en Corée.

J'aimerais donc savoir ce que vous conseilleriez au gouvernement fédéral—c'est-à-dire s'il y a des mesures directes ou indirectes que nous pourrions prendre pour nous assurer que nos plus récents diplômés trouvent du travail dans vos entreprises.

Mme Shirley-Ann George: Je vais essayer d'y répondre.

S'il y a un domaine où notre branche d'activité n'a pas été particulièrement efficace... C'est-à-dire que nous parlons beaucoup de la pénurie de compétences, et nous savons fort bien que cette pénurie est particulièrement aiguë au niveau des professionnels hautement qualifiés—c'est-à-dire ceux qui sortent de l'université avec au moins un diplôme technique. Il faut donc combler cette lacune, car si nous ne trouvons pas du travail à ces diplômés, nous ne réussirons jamais à obtenir les autres employés spécialisés qui permettent de former des équipes—c'est-à-dire les personnes ayant des diplômes techniques qui sortent des collèges, par exemple, et qui peuvent assurer le soutien des réseaux locaux, par exemple, et faire ce genre de travail.

Pour nous il est tout à fait fondamental de pouvoir engager des spécialistes très qualifiés qui vont nous permettre de former des équipes de travail efficaces.

Certains des diplômés qui sortent de nos universités et collèges ont malheureusement choisi un domaine de spécialisation ou une carrière pour lequel il n'y a pas énormément de demandes. Nous constatons également qu'il y aurait lieu d'aider davantage les étudiants à comprendre ce qu'il faut faire pour obtenir un emploi. Il ne suffit plus d'avoir fait des études. Il ne suffit plus, par exemple, d'avoir de très grandes compétences techniques. Il faut également savoir communiquer. Il faut pouvoir travailler en équipe. Donc, nous pouvons venir en aide aux jeunes de diverses façons.

Très souvent je reçois des appels de jeunes dont je sais qu'ils ont certainement beaucoup de potentiel mais qui s'empêchent en quelque sorte d'obtenir leur premier emploi parce qu'ils ne comprennent pas bien qu'ils ont besoin de toute une panoplie de compétences. Le système d'éducation pourrait donc chercher à mieux communiquer à ses étudiants les compétences et qualités qu'il faut pour obtenir un emploi, et pour leur part, les responsables d'entreprises peuvent également aller directement dans les écoles pour leur communiquer ce genre d'information.

Par le passé, le gouvernement a offert des incitations fiscales aux entreprises pour les encourager à recruter des employés. Dans le cadre de certaines initiatives, une entreprise peut être exemptée de certains impôts, par exemple, comme l'assurance-chômage et ce genre de chose. C'est une formule très intéressante pour les petites compagnies qui voudraient engager quelqu'un mais qui n'en ont pas vraiment les moyens.

Le président: M. Perry, suivi de M. Scott.

• 1000

M. David Perry (Perry Martel International Inc.; Alliance canadienne de technologie de pointe): Pour apporter un élément plus pragmatique à la discussion—je suis connu pour ça—je vous fais remarquer que l'Association canadienne de technologie de pointe a établi un site Web de concert avec l'industrie pour attaquer justement bon nombre de ces problèmes; l'adresse est la suivante: www.technoskill.com. Nous avons l'intention d'en faire la promotion, à titre de site de recherche de débouchés, non seulement dans tout le Canada mais dans le monde entier. De cette façon, les jeunes sortant des universités—par exemple, des Canadiens qui se trouvent en Californie, même si les États-Unis ne seront pas notre seul rayon d'action—sauront que c'est là qu'ils devraient aller voir en premier.

Tout ce que peut faire le gouvernement pour nous aider à communiquer ce message serait grandement apprécié et aurait sans doute un effet très positif sur cette initiative.

Le président: Monsieur Scott.

M. Wayne Scott: Au cours des 10 dernières années, nous avons connu un taux d'évolution des compétences exigées sur le marché du travail sans précédent, au fur et à mesure que le secteur des technologies de l'information a pris de l'expansion au sein de l'économie en générale. Voilà qui a donc aggravé le déséquilibre entre l'offre et la demande des nouveaux diplômés des disciplines techniques.

En 1995, l'année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles, environ 12 p. 100 de tous les diplômés canadiens avaient des spécialisations dans la physique, les sciences pures, les technologies de l'information et les télécommunications. Or les besoins du marché du travail étaient fort différents. La demande de diplômés était surtout à la hausse dans ces disciplines-là. Donc, le défi pour non seulement les employeurs mais les diplômés consiste à faire concorder les compétences et connaissances des diplômés qui sortent des universités avec nos besoins.

Dans mon exposé liminaire, j'ai d'ailleurs parlé de l'utilité d'une première expérience professionnelle pendant qu'on est encore à l'université. Et même si cela ne suffit pas, c'est ce genre de programme qui permet de mettre les nouveaux diplômés en rapport avec le marché du travail.

Une deuxième initiative du gouvernement actuel, annoncée au dernier budget, a été la création de la Fondation des bourses d'études du millénaire, qui servira à financer des bourses d'études pour des étudiants du niveau postsecondaire. Par rapport au réseau universitaire actuellement en place au Canada, je sais que dans certaines provinces du moins, nous assistons à la déréglementation partielle des frais de scolarité, si bien que les frais de scolarité cadrent de plus en plus avec les coûts réels des cours et pour ma part, je crains l'incidence potentielle des bourses d'études du millénaire sur les des étudiants qui vont à l'université, et par ricochet, sur leurs perspectives d'emploi à la fin des études.

Cela coûte moins cher de dispenser les cours qui mènent à un diplôme général. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les universités tardent à évoluer. La grande majorité des universités perdent de l'argent sur les cours de génie et de science pure et en gagnent grâce au volume élevé d'étudiants inscrits à la faculté des lettres. Si la Bourse d'études du millénaire est... Il a été question de verser 3 000 $ par personne. Même s'il est très important d'assurer l'accès à l'université, je crains qu'une bourse uniforme favorise ce déséquilibre entre les disciplines choisies et les possibilités d'emploi après l'obtention du diplôme. Ainsi j'encouragerais le comité à envisager, par exemple, de faire concorder le montant de la bourse avec les frais des cours dans chaque discipline pour éviter d'aggraver le déséquilibre qui existe actuellement.

Le président: Merci, monsieur Scott.

Monsieur Epp, avez-vous d'autres questions?

M. Ken Epp: J'aurais une petite remarque à faire, qui me semble tout à fait à propos.

J'ai enseigné les mathématiques et les sciences pendant de nombreuses années—31, pour être exact—et je me souviens d'avoir lu il y a très longtemps dans un de nos documents professionnels que seulement 15 p. 100, si je ne m'abuse, des étudiants des niveaux primaires et secondaires démontrent ce qu'on pourrait appeler une propension naturelle pour les mathématiques et les sciences. Autrement dit, 85 p. 100 des gens sont plus enclins à étudier l'histoire et les matières touchant les communications. Ma propre expérience d'enseignant le confirme, d'ailleurs. Quand j'enseignais les étudiants du secondaire, et même quand j'étais moi-même étudiant, c'était à peu près cela: environ 15 p. 100 des étudiants adoraient les maths et réussissaient bien dans cette matière, mais pour les autres 85 p. 100, c'était pénible.

• 1005

Je me demande donc s'il y a des mesures qu'on peut prendre dans la pratique pour encourager les étudiants qui adorent les maths et les sciences à poursuivre leurs études dans ces disciplines, à perfectionner leurs compétences dans ces domaines et à rester au Canada. C'est ça l'objet de cette consultation, d'ailleurs. Qu'en pensez-vous?

Le président: Monsieur Brzustowski.

M. Thomas Brzustowski: Merci, monsieur le président.

Ce que vous dites est très intéressant. Je voudrais dire, d'entrée de jeu, que j'ai du mal à croire que les étudiants canadiens puissent être si différents des étudiants d'autres pays, ou que les enfants canadiens puissent être si différents des enfants des autres pays. Malgré tout, les statistiques sur la répartition des diplômés d'université prouvent bien le bien-fondé de votre observation et d'autres au sujet des différents pays... Je ne me rappelle plus s'il s'agissait des pays membres du G-7 ou de l'OCDE.

Il se trouve que le Canada a le plus faible pourcentage de diplômés d'université en génie, l'un des plus faibles en sciences, et le pourcentage le plus élevé en sciences sociales et humaines. Les États-Unis ont un pourcentage presque aussi faible en génie, un pourcentage légèrement plus élevé en sciences, un pourcentage bien inférieur en sciences humaines et sociales, et bien supérieur en droit et en commerce. En Allemagne, en France et au Japon, les chiffres pour les diplômés en génie sont bien plus élevés.

Je me demande si cela ne vient pas étayer l'affirmation de Mme Simson et d'autres tout à l'heure, à savoir qu'il faut commencer à les intéresser dès leurs premiers contacts avec le système d'éducation; qu'il est déjà trop tard une fois qu'ils sont au niveau postsecondaire. On dirait que les aptitudes naturelles pour les maths et les sciences ne sont pas renforcées chez nos enfants comme dans d'autres pays. C'est une question complexe et importante, et en même temps il n'y a pas de solution simple ou magique. Je pense qu'il faut bien se rendre compte que le problème ne se pose pas uniquement au niveau postsecondaire.

Le président: Madame Simson.

Mme Claudine Simson: Je suis tout à fait d'accord. Dans mon allocution, j'ai parlé d'initiatives précises qui visent la totalité des cycles primaire et secondaire. Et à cet égard, il y a pour moi deux éléments importants. Le premier, c'est que nous devons nous pencher sur les programmes d'études proprement dit et essayer d'y mettre davantage l'accent sur les sciences et la technologie. Nous sommes d'ailleurs très actifs dans ce domaine en Ontario. Nous sommes actuellement en train de les aider à réviser leurs programmes d'études en sciences et en technologie. Il faut justement modifier le contenu de ces programmes d'études, car ils ne sont pas sur un pied d'égalité avec ceux des autres pays.

Le deuxième élément, qui me semble encore plus important, est la présentation du programme d'études. Il faut former les enseignants pour qu'ils sachent susciter l'intérêt des jeunes filles; au lieu de le présenter de façon stérile ou d'exprimer des préjugés contre un sexe ou l'autre, en disant que les maths sont trop difficiles, les enseignants doivent apprendre à susciter leur intérêt. Donc l'aspect présentation est très important. Et là nous devons venir en aide aux enseignants. Tout commence à la faculté de l'éducation, où les enseignants sont formés, et c'est justement là qu'il faut leur apprendre à bien présenter le contenu.

Le dernier élément, c'est qu'il faut donner à ces enseignants les outils dont ils ont besoin. Je disais qu'il faut amener la technologie dans la classe, et c'est justement un domaine où le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très actif. Donnez-leur les outils qui vont leur permettre de recevoir une bonne formation et vous verrez qu'ils sauront susciter l'intérêt de leurs étudiants pour les mathématiques et les sciences. Pour moi, c'est absolument critique.

Le président: Madame George.

Mme Shirley-Ann George: Dans le même ordre d'idées, il convient également de voir qui enseigne les maths et les sciences à nos enfants. Le fait est que bon nombre d'enseignants ont fait des études de lettres. Ce sont les mêmes personnes qui enseignent l'informatique et d'autres disciplines scientifiques dans nos écoles. Mais si vous n'aimiez pas trop les maths et les sciences quand vous étiez à l'école, et qu'on vous demande, 15 ans plus tard, d'enseigner ces matières, il est peu probable que vous réussissiez à enthousiasmer vos étudiants pour ces mêmes disciplines.

Il faut donc trouver le moyen d'encourager les enseignants potentiels à faire des études scientifiques. Et un aspect tout aussi important est la nécessité d'encourager les enseignantes potentielles à faire elles-mêmes des études scientifiques avant de commencer leur carrière, afin d'offrir à nos enfants des modèles qui adorent les maths et les sciences et peuvent vraiment leur communiquer cette passion.

Le président: Merci, madame George.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'ai écouté avec attention les présentations, qui ont été fort intéressantes. J'aimerais faire une remarque et poser deux questions.

Après avoir entendu votre exposé et ceux qu'on a entendus depuis deux ou trois ans environ—Mme George a mis le doigt sur l'année 1995—, je trouve qu'on ne dramatise pas suffisamment la situation. C'est un drame qu'on est en train de vivre à l'heure actuelle.

• 1010

Comme le mentionnait tout à l'heure la représentante de Nortel, on vit dans une économie axée sur le savoir. Les frontières deviennent de moins en moins hermétiques. Au niveau de la concurrence, le marché de l'emploi pour les secteurs très hautement spécialisés est maintenant devenu la planète entière. Il ne se limite plus à l'environnement nord-américain; la concurrence vient de partout.

On devrait promouvoir davantage des mesures comme celles qu'a présentées tout à l'heure le professeur Brzustowski sans craindre d'être qualifié d'élitiste en disant qu'il faut faire attention à nos jeunes chercheurs les plus prometteurs. Je ne suis pas gêné de dire qu'à un moment donné, quand on est dans une économie du savoir et que l'avenir économique des nations et leur existence seront basés sur leur force dans des secteurs clés de l'économie, tels la haute technologie et le génie entre autres, il faut donner un coup de barre extraordinaire. Et il faut le faire à l'heure actuelle. D'après moi, les efforts qui sont faits ne sont pas suffisants.

Quand vous rencontrez les professeurs à l'université et les chercheurs des universités et des grandes sociétés qui sont en relation les uns avec les autres, vous constatez qu'il règne un climat de morosité. Même les nouvelles mesures qui ont été mises en place, bien qu'elles représentent un pas dans la bonne direction, ne sont pas suffisantes pour inculquer à ces chercheurs, qui sont souvent jeunes, un sentiment d'appartenance aux milieux universitaires québécois et canadiens et le goût d'y rester. Il n'y a pas que la rémunération qui joue. Il y a aussi le sentiment d'appartenir à une équipe gagnante. On est toujours fiers lorsqu'on voit un chercheur faire une découverte dans n'importe quel domaine des sciences et de la technologie. On devrait ajouter à cette fierté les moyens qu'il faut y associer pour poursuivre l'excellence.

Je ne suis pas gêné, comme vous le disiez tout à l'heure, professeur Brzustowski. Ne soyez pas gêné non plus. Vous avez dit qu'il était politiquement sensible de présenter des choses comme celles-là, mais c'est de moins en moins politiquement sensible parce qu'on fait face à une catastrophe à l'heure actuelle. Il faut se le dire. Il faut soutenir nos cerveaux les plus performants et les chercheurs les plus prometteurs avec tous les moyens possibles. Cela devrait être une des priorités du gouvernement fédéral lors du prochain budget. Ne croyez pas qu'il n'y a pas de surplus à l'horizon. Le gouvernement a bien plus de moyens qu'on ne le pense.

Au dernier exercice financier, on parlait d'un surplus de 4 milliards de dollars. Au prochain exercice, on pourra parler d'un surplus de 8 milliards de dollars. L'année prochaine, au cours de l'exercice 1999-2000, on sera probablement rendu à un surplus de 14 ou 15 milliards de dollars. En 2003, si la conjoncture s'y prête, on aura un surplus de 25 milliards de dollars. Je ne peux pas croire qu'il n'y a pas quelque part quelques centaines de millions de dollars qu'on pourrait consacrer à un secteur qui est dans un état aussi déplorable que celui que vous nous avez décrit.

Madame George, vous avez dit tout à l'heure que l'exode des cerveaux n'avait commencé qu'en 1995. Cela semblait être à vos yeux une année cruciale. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi on a remarqué en 1995 une plus grande propension vers l'exode des cerveaux que dans les années précédentes?

[Traduction]

Mme Shirley-Ann George: C'est en 1995 que bon nombre des entreprises de notre secteur ont commencé à connaître une croissance exponentielle du nombre d'emplois. Il s'agissait d'ailleurs d'un phénomène mondial. Jusqu'alors notre taux de croissance avait été raisonnable, mais d'un seul coup il est monté en flèche. Quand cela s'est produit dans le monde entier, les rares spécialistes expérimentés ont commencé à faire l'objet d'une très forte demande dans tous les pays du monde.

Par exemple, si vous visitez certaines de nos entreprises, vous verrez qu'elles ont des employés qui viennent de 20 ou 30 pays différents, et il s'agit d'entreprises ayant moins de 100 employés.

Aussitôt après cette explosion de croissance, les Américains ont commencé à avoir besoin de nos travailleurs. Nous formons des technologues de calibre mondial au Canada, et nous sommes devenus alors très attrayants pour eux. Il y avait peu de différences culturelles. Ils pouvaient venir au Canada, offrir des salaires raisonnables et repartir avec nos plus brillants spécialistes, qui avaient l'impression d'avoir obtenu une énorme augmentation salariale. Les gens croient, à tort, qu'on tient compte du taux de change quand on décide de quitter le pays mais le taux de change ne peut vous être favorable que si vous revenez le soir au Canada pour dépenser votre salaire. Beaucoup d'employés croient à tort que ce facteur est pris en compte. Donc, les raisons sont multiples.

• 1015

À certains égards, c'est une très bonne nouvelle. Cela indique que nos entreprises prennent rapidement de l'expansion et qu'elles ont besoin de plus de personnel.

Le président: Monsieur Scott.

M. Wayne Scott: Ce n'est certes pas la seule raison, mais l'année 1995 a également marqué le début de l'utilisation accrue d'Internet. On a assisté alors à une demande de produits multimédias, et de logiciels permettant de soutenir l'expansion des réseaux, etc. Si la croissance est montée en flèche vers 1995, 1996 et même les années qui ont suivi, c'est à cause de l'adoption très rapide et de la popularisation d'Internet et d'autres formes de communications en réseau.

Le président: Merci, monsieur Scott.

[Français]

M. Yvan Loubier: Au début des années 1990, on disait qu'un problème commençait déjà à poindre au niveau de la pénurie des compétences. Je me souviens des chiffres qui avaient été véhiculés par Statistique Canada dans un court rapport concernant le marché de l'emploi québécois. On disait qu'à tous les ans, depuis trois ou quatre ans, il y avait 75 000 emplois de haute technologie, des emplois ultraspécialisés, qui ne trouvaient pas preneur parce qu'on manquait de main-d'oeuvre spécialisée. Est-ce que vous avez des chiffres plus récents qu'on pourrait évoquer et qui pourraient nous aider à sensibiliser la population et le gouvernement chaque fois qu'on aura l'occasion de vous aider? Je puis vous assurer que mon parti va en faire une priorité au cours des prochains mois.

[Traduction]

Le président: Madame George.

Mme Shirley-Ann George: Malheureusement, comme vous l'aurez certainement constaté en entendant les chiffres que j'ai donnés tout à l'heure, les personnes qui réunissent ce genre de statistiques se servent surtout de données historiques qui remontent à plusieurs années. Ça fait tout de même un écart de quatre ans entre maintenant et 1995; ça correspond pour nous à trois cycles de vie de nos produits. Donc, il est très difficile d'obtenir des données récentes.

Nous devons donc nous contenter d'examiner les tendances qui se dessinent au sein des entreprises de notre secteur. Par exemple, 174 membres de l'ACTP prévoyaient l'année dernière une augmentation du nombre d'emplois de presque 10 000. Donc, la croissance se maintient et s'intensifie même. Je vous ai déjà donné des projections des possibilités de croissance.

En ce qui nous concerne, l'un des plus graves problèmes est celui du bouchon qui caractérise actuellement certaines de nos universités. En Ontario, par exemple, pour être admis à l'une des universités les plus recherchées, comme l'Université de Waterloo, il faut une moyenne de 93 p. 100. Par conséquent, bon nombre de personnes qui pourraient éventuellement avoir les compétences et les talents nécessaires pour être travailleurs du savoir n'arrivent pas à accéder au système d'éducation. Nous travaillions récemment avec le gouvernement de l'Ontario pour doubler les inscriptions à certains de ces programmes, mais ces initiatives ne vont malheureusement pas déboucher sur des résultats concrets avant au moins quatre ans.

Il n'y a pas de solution magique dans l'immédiat. On ne peut pas demander à quelqu'un de suivre un cours de six mois en s'imaginant qu'il pourrait trouver un emploi chez Nortel aussitôt après et commencer à mettre au point des commutateurs. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce sont vraiment des emplois de niveau professionnel.

Le président: Monsieur Perry.

M. David Perry: Il suffit de regarder la situation à Montréal pour comprendre. Au cours des huit ou 10 dernières années une quinzaine ou vingtaine de diplômés ont quitté l'Université du Québec à Montréal et l'université McGill pour ensuite trouver du travail dans cinquante ou soixante compagnies différentes. Le nouveau moteur de l'économie québécoise est sans aucun doute le secteur de la haute technologie, et pour chacun de ces diplômés universitaires, des entreprises ont recruté 100 ou 200 employés pour former des équipes de soutien. Donc, il ne sera guère difficile de convaincre la population; il suffit de citer l'un des nombreux exemples qui nous entourent.

Le président: Monsieur Scott.

M. Wayne Scott: L'un des éléments qui empêchent les universités et les entreprises d'attaquer directement le problème de façon organisée est le manque de bonnes données sur le marché du travail. C'est un problème qui est d'ailleurs bien compris à présent d'Industrie Canada et de DRHC. Je crois comprendre que ces deux ministères ont décidé de prendre les mesures qui s'imposent pour répondre de façon prioritaire à ce besoin d'information. Mais il ne fait aucun doute que le soutien et l'encouragement du comité en ce sens seraient d'une grande utilité.

Le président: Madame Simson.

Mme Claudine Simson: Pour moi, un point très important dans tout ce débat concerne justement l'une des questions—celle qui concerne le climat qu'on retrouve actuellement dans les organismes de recherche au Canada. Il se caractérise actuellement par une grande morosité; le moral des chercheurs est très bas en ce moment, parce que les gens n'ont pas cessé de faire l'objet de réductions budgétaires. Les subventions du CRSNG ont été réduites, et même si une légère augmentation est prévue, le moral des chercheurs reste bas étant donné que les compressions ont été considérables. De plus, les salaires de ceux qui enseignent sont relativement faibles, comparativement à ceux du secteur privé, et nous devons pouvoir offrir des salaires relativement concurrentiels à tous ces professeurs—non seulement pour éviter qu'ils quittent le Canada, mais pour les garder dans les établissements d'enseignement.

• 1020

Pour ce qui est des mesures correctives à prendre à long terme, il est important de reconnaître que nous devons pouvoir faire appel aux meilleurs et aux plus brillants diplômés pour former nos enfants. Or, ce n'est pas du tout la tendance actuelle. Les salaires qu'on offre actuellement dans le secteur de l'enseignement sont très faibles. Par conséquent, les meilleurs et les plus brillants ne voudront pas enseigner; ce sont les autres qui vont finir par être les professeurs futurs de nos enfants. C'est assez préoccupants. Il faut donc revoir complètement le système d'éducation en ce qui concerne les salaires, et tout le reste.

Le deuxième élément concerne les fondations de recherche. Pour garder les meilleurs et les plus brillants au Canada pour innover et créer de la richesse, il faut absolument disposer d'une bonne infrastructure pour la recherche. Il faut la recherche fondamentale. Il faut des gens qui y croient et il faut que le gouvernement y croie. Ce n'est d'ailleurs pas le cas à l'heure actuelle. Nous devons donc accentuer nos actualités dans ce domaine-là également.

Le président: Merci, madame Simson.

Monsieur Brzustowski.

M. Thomas Brzustowski: J'aurais quelque chose à ajouter à ce sujet, monsieur le président, et cela semble être le meilleur moment de le faire.

Dans une économie axée sur le savoir, poursuivre ses études pour faire de la recherche implique beaucoup plus que de la simple recherche. C'est en réalité une excellente préparation pour la résolution de problèmes de haut niveau, car les gens qui ont parfait leurs études en faisant de la recherche connaissent bien les sources du savoir; ils ont des contacts avec des réseaux internationaux de spécialistes qui créent ce savoir. Ils ont apporté une contribution de calibre mondial à l'élargissement de ce savoir. Ils connaissent les tendances, ce qu'il faut chercher, ce qui est bien, ce qui est mauvais, et la façon d'évaluer tous ces éléments. Ce sont des compétences formidables pour quiconque doit résoudre des problèmes de haut niveau dans le secteur privé ou au gouvernement, où qu'ils soient; ce n'est donc pas uniquement de la recherche. C'est un élément important qu'il ne faut pas perdre de vue.

Le président: Avez-vous d'autres questions à poser, monsieur Loubier?

[Français]

M. Yvan Loubier: Non, merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je crois que la fuite des cerveaux a commencé dans les années 1960, et la preuve, en ce qui me concerne, c'est Ross Perot et EDS. J'imagine que Wayne sait bien ce qui est arrivé au cours des années chez EDS. Cette entreprise a rapidement pris de l'expansion et est devenue un chef de file mondial dans la mise au point des logiciels et des techniques informatiques de pointe. Cette entreprise était tellement prospère que les gens faisaient la queue pour y rentrer, mais l'entreprise les perdait aussitôt après, étant donné qu'ils avaient travaillé dans l'une des meilleures entreprises.

Par conséquent, EDS a mis sur pied un système de billets à ordre en vertu duquel les nouveaux employés devaient signer un billet prévoyant une période d'amortissement de cinq ou de sept ans, période pendant laquelle ces employés recevaient leur formation. Autrement dit, l'entreprise vous empêchait de partir, à moins que vous n'acceptiez de payer le billet à ordre. Évidemment, les plus talentueux continuaient de payer leur billet à ordre, simplement parce que les plus grandes compagnies pourront toujours tenir compte du coût de la formation des spécialistes les plus prometteurs.

Donc, il ne s'agit pas à mon avis, comme le disait M. Scott dans son exposé, de la manifestation traditionnelle de ce qu'on appelle la fuite des cerveaux, la définition traditionnelle étant la migration des professionnels vers un autre pays, le plus souvent pour bénéficier de salaires plus élevés et de meilleures conditions de vie; à ce moment là, nous aurions affaire à une situation simple qui appellerait une solution simple. Mais nous faisons face au contraire à un problème complexe, et comme nous le savons tous, les problèmes complexes peuvent appeler des solutions simples, mais elle n'est pas nécessairement la bonne. En l'occurrence, nous sommes confrontés à un problème complexe qui demande beaucoup plus de réflexion. C'est là que nous pouvons demander l'apport de nos plus grands penseurs.

Pour moi, deux groupes sont visés par la fuite des cerveaux. D'abord, les personnes qui font de la recherche pure, les penseurs, les meneurs, les personnes qui ont une capacité de réflexion et d'innovation tout à fait exceptionnelle. Deuxièmement, il y a les personnes qui ont des compétences monnayables, pour des raisons de style plus qu'autre chose. Certaines entreprises ont besoin de se faire une image, parce qu'ils ont des millions de personnes qui savent réfléchir, mais ils n'ont pas d'image de marque ni de spécialistes qui puissent leur en donner.

Les éléments qui semblent être les plus importants... J'ai un peu revu la documentation concernant les discussions précédentes dans ce domaine, et à mon avis, il y a quatre grandes préoccupations: les salaires, de façon générale, c'est-à-dire la défense de ses propres intérêts; les impôts, qui sont un peu liés, sauf que la responsabilité incombe davantage au gouvernement qu'au secteur privé; des questions liées à la qualité de la vie; et enfin, le besoin de réalisation de soi, selon la hiérarchie de Maslow.

• 1025

Si je devais vous dire ce que j'en pense, je dirais sans doute que puisque 90 p. 100 des Canadiens gagnent moins de 60 000 $ par année, je serais peu disposé à modifier le régime fiscal à ce niveau-ci car il faut tout de même pouvoir assurer l'équité du régime dans son ensemble. Je ne puis transformer quelque chose d'insubstantiel en quelque chose de substantiel, et de toute façon, ça ne marcherait pas. Quels que soient les changements apportés au régime fiscal—par exemple, des mesures touchant l'impôt sur les gains en capital—cela ne marchera pas. C'est trop restrictif. C'est trop insubstantiel pour que les gens puissent y voir clairement leur intérêt.

Pour ce qui est des salaires, comme je le disais il y a quelques instants, les entreprises vont toujours en tenir compte au moment de faire des offres. Si vous êtes parmi les meilleurs, les plus talentueux, vous serez choisi. Les plus offrants seront toujours après vous. Tout dépend de votre système des valeurs.

En ce qui concerne la qualité de la vie, je dois vous dire que l'ONU ne peut pas avoir tout à fait tort si elle a cru bon d'évaluer la qualité de la vie de façon holistique au lieu de simplement compter le nombre de voitures que je peux posséder. Nous savons tous ce que c'est que la qualité de vie, et je n'ai donc pas besoin d'approfondir la question avec vous. Vous savez très bien de quoi il s'agit.

Donc, pour moi, la question essentielle consiste à savoir comment encourager les meneurs, les penseurs, les puristes, en ce sens qu'il y a une infime différence entre celui qui remporte la médaille d'or aux 100 mètres et celle qui arrive deuxième, bien que ces différences soient suffisamment importantes pour essayer d'encourager et de favoriser l'excellence. C'est au niveau de la recherche pure que nous devons faire attention à mon avis. D'ailleurs, le gouvernement a réagi dans les deux derniers budgets en rétablissant une partie des crédits des conseils de recherche subventionnaires.

Voilà qui m'amène à ma question. Vous ayant brossé cette toile de fond pour situer un petit peu ma pensée, je me permets de vous faire remarquer que selon l'Institut C.D. Howe, il n'y a pas de fuite des cerveaux. Selon lui, si on regarde les résultats nets, on constate qu'il y a à la fois importation et exportation de cerveaux. Et assurer la mobilité de ces personnes est un objectif important à réaliser, car aucune entreprise ne peut espérer garder tous les meilleurs employés pour elle-même. Si elle le fait, elle finit par les étouffer, et tout le monde y perd. Il est donc essentiel qu'ils puissent se déplacer. On ne peut pas s'attendre à ce qu'un seul pays puisse offrir des emplois parfaits à tous les plus grands chercheurs et professionnels. Cela ne va jamais se produire. Cela ne peut se produire. C'est un objectif tout à fait irréaliste.

Nous devons donc nécessairement favoriser la mobilité transfrontière, parce que nous, aussi, nous allons en profiter. Alors il s'agit peut-être de gérer le départ net des cerveaux pour être sûr que la situation s'équilibre. Notre principal objectif sera certainement d'encourager la mobilité, afin que nous puissions toujours trouver quelque part, que ce soit au Canada ou à l'étranger, les personnes dont nous avons besoin pour doter les postes vacants qui existent. Notre rôle consisterait alors à garantir que les penseurs aient suffisamment de défi à relever et qu'ils aient accès aux compétences et aux possibilités d'emploi qui vont leur permettre de se surpasser.

La question qui se pose est donc la suivante: Le phénomène de la fuite des cerveaux nous touche-t-il vraiment, ou sommes-nous simplement en train de gérer la mobilité des plus grands penseurs et professionnels?

Le président: Mme Simson, suivie de Mme George.

Mme Claudine Simson: Je voudrais réagir à ce que vous avez dit au sujet des résultats nets. Il y a des gens qui partent et des gens qui arrivent. Ce qui importe, c'est de comparer les compétences des personnes qui partent avec celles des personnes qui arrivent. D'ailleurs, cela n'a jamais été analysé; on n'a jamais demandé aux personnes qui arrivent au Canada si leurs compétences correspondent à celles qui sont les plus demandées sur le marché du travail canadien. Voilà justement l'analyse qu'il faut faire. Nous, dans notre secteur, savons très bien quel type de personnes nous avons tendance à perdre. Il s'agit essentiellement des personnes les plus compétentes. Elles ont des qualités de chef en plus de posséder les bonnes compétences techniques. Elles ont une bonne culture générale, et ce sont ces personnes qui vont créer de la richesse et des débouchés ailleurs. Nous savons tout cela. Il s'agit donc de faire l'analyse des compétences des personnes qui arrivent pour connaître les véritables résultats nets.

Vous avez également parlé des questions fiscales. Du point de vue du secteur privé, nous travaillons actuellement dans un environnement mondial, si bien que nous avons maintenant des salaires mondiaux. À cet égard, je peux évidemment parler pour Nortel: nous avons maintenant des salaires nord-américains; cela ne fait aucun doute, d'ailleurs. Par contre, le secteur privé ne peut compenser les différences substantielles qui séparent nos deux régimes fiscaux, comme vous l'expliquait tout à l'heure Shirley-Ann George. Le secteur privé ne peut se permettre de faire une telle chose, parce que nous devons respecter certains principes en matière de rémunération qui visent le monde entier, surtout que notre effectif est véritablement mondial. Il ne faut pas perdre de vue cet élément-là. C'est assez important, car il ne s'agit pas simplement de quelques points de pourcentage. On parle d'un écart de l'ordre de 20 à 25 p. 100, comme le mentionnait Shirley-Ann George. C'est donc une différence substantielle qu'il conviendrait d'examiner.

• 1030

Le dernier point que je voudrais soulever concerne l'épanouissement des besoins personnels. Pour que les gens s'établissent ici et décident d'y rester, il faut qu'ils soient convaincus d'avoir de l'avenir au Canada. C'est très important pour nous. Et de plus en plus, vu l'incertitude qui règne, peut-on vraiment dire... Il a été question de favoriser l'excellence, de faire en sorte que le Canada joue un rôle de chef de file. C'est justement cet esprit qu'il faut cultiver au Canada, car ce n'est pas cet esprit-là qui caractérise le Canada en ce moment. Nous devons y travailler très fort, à mon avis, et orienter tous les programmes—tant ceux du gouvernement que ceux du secteur privé—de manière à réaliser cet objectif.

Le président: Madame George.

Mme Shirley-Ann George: Vous avez soulevé plusieurs points intéressants.

Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il importe de faire notre possible pour que l'élite intellectuelle puisse bien travailler et s'épanouir au Canada, mais cela ne suffira pas. Avoir quelques rares individus qui sont très contents mais qui finissent par comprendre que le travail de développement et de fabrication se fait désormais ailleurs ne vas pas tellement nous avancer.

Quand vous aurez sous les yeux les rapports récemment publiés concernant l'existence d'un excédent net de travailleurs de la haute technologie, je vous encourage à examiner de très près toutes ces statistiques. Vous verrez qu'il y manque un certain nombre d'éléments très importants.

D'abord, un immigrant indien qui a fait sa formation de programmeur informatique en Inde n'équivaut pas à un professionnel ayant de trois à cinq ans d'expérience qui a fait ses études à l'Université de Waterloo ou de l'Université de Toronto et décide tout d'un coup de quitter le Canada. On parle de talents complètement différents. Malheureusement, les statistiques en question n'en tiennent pas compte.

L'autre élément qui n'est pas non plus pris en compte dans ces statistiques, c'est qu'à cause de l'adoption de l'ALENA, lorsque les Canadiens quittent le Canada pour aller aux États-Unis, il suffit qu'ils versent 50 $ ou 100 $ et passent 30 minutes à la frontière pour être considérés comme des travailleurs temporaires, plutôt que des immigrants. Par conséquent, des centaines et des milliers de personnes qui optent pour cette formule ne sont pas comptées dans vos statistiques.

Il ne fait aucune doute que si le gouvernement ne prend pas des mesures pour rectifier le régime fiscal pour les personnes ayant un salaire d'environ 60 000 $, cela va devenir un véritable exode. Nous avons déjà constaté la hausse du nombre de personnes qui partent, et il s'agit d'un nombre substantiel. Il n'est tout simplement pas possible de conserver un régime fiscal qui impose aux personnes ayant un salaire de 60 000 $ les taux d'imposition marginaux les plus élevés, alors qu'à Austin, au Texas, ces taux ne s'appliquent qu'à partir d'un revenu de 263 000 $. C'est un écart beaucoup trop important. Pour ces personnes-là, ce n'est tout simplement pas justifié. Si vous analysez les avantages qu'offre le Canada, par rapport aux États-Unis, vous allez voir que les avantages financiers sont beaucoup plus considérables là-bas. Et ces gens-là ne vont pas s'établir dans les ghettos de Washington. Ils vont dans des localités qui ont des taux de criminalité comparable à ceux d'Ottawa, et qui connaissent dans certains cas moins d'agressions et de meurtres. Ils vont s'établir dans des villes agréables, et s'ils le font en si grands nombres, c'est certainement en partie à cause de notre régime fiscal.

Le président: Merci, madame George.

Monsieur Brzustowski.

M. Thomas Brzustowski: Monsieur le président, je ne peux pas me prononcer sur la situation du secteur privé, mais j'ai un document qui pourrait intéresser le comité, et qui soutient justement la thèse de M. Szabo. Il concerne les boursiers de recherches postdoctorales. Ce sont justement les personnes qui ont déjà résolu de devenir scientifiques, penseurs ou chercheurs purs.

Je vous laisse donc les résultats d'un sondage mené par Cheryl Wellington et ses collègues auprès des titulaires de bourses de recherches postdoctorales. Elle est membre d'un de nos comités d'élaboration de politiques et elle est elle-même boursière de recherches postdoctorales en statistiques médicales. Ce sondage présente sept conclusions.

Je me permets simplement de vous faire remarquer que par rapport à ceux qui ont reçu leur formation au Canada, les boursiers de recherches postdoctorales qui ont été formés aux États-Unis ont qualifié leur environnement professionnel de nettement supérieur, notamment en ce qui concerne les installations et l'infrastructure. Voilà donc l'une des conclusions. Une autre conclusion a été que 81 p. 100 de ces personnes, qui ont déjà pris la décision d'accepter un salaire moins élevé pendant longtemps, afin de parfaire leurs compétences et de travailler dans différents domaines scientifiques, jugent que la disponibilité des emplois futurs est un facteur de stress très important. La dernière conclusion, c'est que les professionnels au Canada disent être beaucoup moins sûrs de trouver un emploi ici qu'aux États-Unis.

• 1035

Donc, vous avez certainement raison d'insister sur la nécessité de créer de bonnes conditions pour ces personnes. Je crois effectivement que cela permettrait de répondre aux besoins mis en évidence par ce sondage.

Je veux bien laisser une copie du document aux membres du comité, s'ils le souhaitent.

Le président: Merci, vous êtes bien aimable.

Monsieur Perry.

M. David Perry: En tant qu'économiste et statisticien, j'attends avec impatience de lire le rapport intégral de l'Institut C.D. Howe. Je vis cette situation tous les jours, et je peux vous assurer qu'il n'y a pas de conspiration au Canada; il existe réellement une pénurie, et même une pénurie très grave. Le nombre de départs augmente sans doute plus vite que notre dette. Je ne pense vraiment pas exagérer en vous disant cela.

Pour ce qui est des résultats nets des départs et des arrivées, ce qui compte finalement... Peut-être pourrais-je vous brosser un tableau de la situation. Nous sommes tous dans la course, mais un seul pays va pouvoir gagner. Nous sommes loin derrière, et nous n'arriverons peut-être jamais à rattraper les Américains, mais nous pouvons tout de même être au deuxième rang. Et voilà ce que ça signifie pour nous. Depuis une centaine d'années au Canada, nous sommes les fournisseurs nets de matière première plutôt que de produits finis. La situation est à peu près la même dans le secteur de la haute technologie. Nous avons le choix de devenir des fournisseurs nets de matière première, de décider d'être le cerveau de toute l'opération ou de nous contenter d'utiliser les programmes mis au point par d'autres ailleurs dans le monde—c'est-à-dire des chiffres et des codes—ou encore décider de mettre au point nous-mêmes ces produits et de les exporter.

Je peux vous assurer que l'exportation de produits finis va créer beaucoup plus de richesse au Canada que l'autre activité. Donc, nous n'arriverons peut-être pas à rattraper les Américains, mais nous pouvons certainement être au deuxième rang, et vu la situation actuelle, ce ne serait vraiment pas si mal.

Le président: Monsieur Easter.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié vos exposés, parce que vous m'avez forcé à réfléchir à des choses auxquelles je n'ai pas l'habitude de réfléchir. Si je vous dis cela, c'est parce que pour moi, c'est justement ça le coeur du problème.

Mes origines sont dans le secteur primaire. Je vais toujours défendre à la Chambre des communes la nécessité de crédits adéquats et de recherche et de développement dans les secteurs primaires, soit l'agriculture, la pêche, les mines, l'exploitation forestière, etc., secteurs qui vous concurrencent.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que votre message au sujet des besoins de votre secteur et des possibilités qui se perdent n'est pas entendu. Je dois vous dire, à titre de député, que je ne l'avais pas reçu, ce message-là. C'est tout à fait par hasard que je suis venu assister à cette réunion du Comité des finances. J'ai donc bien compris votre message. Mais si moi, à titre de député, je ne l'ai pas reçu jusqu'à présent, il y a lieu de supposer que les citoyens ne l'ont pas non plus reçus, malgré les grands efforts que déploient Industrie Canada, vos entreprises et d'autres. Et ce n'est pas par le biais de la publicité qu'on retrouve dans The Globe and Mail qu'on va arriver à le faire passer, car la plupart des Canadiens ne lisent pas ce journal. Et ce message n'est pas non plus communiqué aux parents, qui se demandent à quelle université ils devraient envoyer leurs enfants.

Voilà donc pour mon premier point. Il convient de réfléchir aux moyens à prendre pour bien faire comprendre aux Canadiens en quoi consistent vos besoins, en insistant sur les possibilités que ça présente pour les jeunes Canadiens qui vont faire des choix de carrière et de vie. Je pense que cela présente sans aucun doute des possibilités intéressantes pour les gens de ma région qui travaillent actuellement dans d'autres secteurs. Je viens du Canada atlantique.

L'autre point que je voulais soulever concerne la fuite des cerveaux... Je suis d'accord avec vous: à mon avis, le problème de la fuite des cerveaux pourra être réglé dans l'immédiat si nous prenons certaines des mesures que vous recommandez, qu'elles visent le régime fiscal ou autre chose. À mon avis, c'est un problème beaucoup plus facile à régler. Pour moi, le vrai problème est celui de l'inutilisation de tous les cerveaux qui se trouvent au Canada. Il y en a beaucoup. Je connais trois personnes dans ma circonscription électorale qui, lorsqu'elles étaient à l'école secondaire... D'ailleurs, je pense que c'est vrai pour la totalité des cycles primaire et secondaire, soit de la 1ère jusqu'à la 12e année. C'est sûr qu'elles ont un don naturel qui leur permet d'apprendre rapidement les nouvelles techniques, mais je sais que les personnes auxquelles je songe s'ennuyaient à l'école. Les trois ensembles laissaient leur prof loin derrière. L'une d'entre elles travaille actuellement dans un restaurant, les deux autres travaillent pour un fournisseur de services Internet à 8 $ de l'heure. Ça, c'est dans l'Île-du-Prince-Édouard.

Je connais bien ces trois jeunes gens. J'ai essayé de les convaincre d'aller au Collège Holland dans l'Île-du-Prince-Édouard ou à d'autres universités ailleurs pour poursuivre leurs études, car il y a des débouchés intéressants. Mais ce message ne passe pas bien. Comment faites-vous donc... Avez-vous des suggestions à faire à cet égard? Nous avons toutes sortes de gens au Canada qui ont un talent naturel pour ce genre de choses. Ils sont âgés de 21 à 24 ans. Bientôt ils auront des hypothèques, des familles...

• 1040

Une voix: Des cartes VISA.

M. Wayne Easter: Oui, et cette possibilité sera perdue pour eux et pour vous aussi. Serait-il possible, à votre avis, de trouver le moyen de mettre à profit leur talent dans ces nouveaux secteurs de l'économie du savoir?

Voilà donc mes deux questions. Je suppose qu'il n'y a pas grand-chose à dire au sujet des communications, mais il est clair qu'il faut déployer beaucoup plus d'effort de ce côté-là. Le second problème—tout en étant le premier en importance—n'est pas celui de la fuite des cerveaux; ce serait à mon avis un problème facile à régler si nous avions la volonté politique de le faire. Le problème plus grave est celui du potentiel introuvé ou inutilisé dans notre système scolaire, et ce problème-là appelle un effort à plus long terme.

Le président: Merci, monsieur Easter.

Mme George et ensuite, M. Perry.

Mme Shirley-Ann George: Vous avez soulevé un excellent point, à savoir qu'il convient de restructurer notre système d'éducation de façon à encourager tous les Canadiens à réaliser leur potentiel dans cette nouvelle économie. Il y a un certain nombre de phénomènes qui sont très inquiétants et qu'il conviendrait d'examiner de plus près.

Il y a un écart grandissant entre ceux qui possèdent ce savoir et ceux qui ne le possèdent pas, et c'est surtout à cause d'obstacles économiques. Dans notre secteur, nous tenons pour acquis que chaque famille a accès à un ordinateur à la maison et qu'elle est branchée sur Internet. Mais ce n'est pas vrai. Il y a des collectivités entières qui n'ont pas accès à cette technologie.

L'un des programmes les plus intéressants élaborés par le gouvernement jusqu'à présent, et qui va bientôt être lancé, est celui du Canada branché, une initiative d'Industrie Canada, qui consiste à brancher toutes les écoles sur Internet. Ce ministère voudrait maintenant lancer une série de programmes comme ceux auxquels nous participions quand nous étions enfants—Participaction, entre autres—et dans le cadre desquels on nous décernait chaque année des petites plaques en argent et en or. Le gouvernement va justement faire quelque chose de semblable pour encourager les jeunes à acquérir des compétences technologiques et à participer à des projets qui vont leur permettre de les acquérir.

Pour moi, c'est un élément tout à fait critique; quand les enfants s'investissent dans ces projets, ils commencent à apprendre, et il est souvent étonnant de voir à quel point ils arrivent à rapidement dépasser leurs enseignants pour devenir eux-mêmes des as. Alors tout programme de cette nature qui permet d'encourager les jeunes me semble critique. À mon avis, nous devons vraiment mettre l'accent les très jeunes enfants et s'engager à éviter un plan sur 20 ans qui va nous permettre de repérer ces jeunes personnes talentueuses pour que nous ayons une offre illimitée de travailleurs du savoir au Canada, car si nous sommes vraiment résolus à le faire, nous y arriverons.

Le président: Merci, madame George.

Monsieur Perry.

M. David Perry: À mon avis, si nous arrivons à donner un grand coup de pouce au secteur de la haute technologie, l'effet d'entraînement sera certainement substantiel; il s'agit maintenant de savoir comme s'y prendre.

Le président: Monsieur Brzustowski.

M. Thomas Brzustowski: Monsieur le président, en tant que Canadiens, il nous faut arriver à reconnaître l'apport de ceux et celles qui font preuve d'excellence, apprendre de ces expériences et en partager les fruits avec d'autres. Il n'y a peut-être pas de solution magique, mais permettez-moi de vous donner deux exemples particulièrement appropriés.

Dans un coin du pays, on chante les louanges des personnes qui réalisent des choses extraordinaires en sciences et en génie; on attire l'attention du public sur ces réalisations dans des articles qui sont rédigés avec verve et enthousiasme, qui offrent beaucoup de détails intéressants. J'ignore son effectif lecteur. En fait, je songe à la province du Québec, qui est très différente du reste du Canada. Les articles qu'on retrouve dans Québec Science et Interface sont absolument merveilleux puisqu'ils nous décrivent les héros locaux des sciences et de la technologie, et suscitent notre intérêt pour ce genre de travail. J'aimerais que ce genre de chose soit généralisé non seulement au Canada mais dans le système d'éducation, et ce dès les premiers contacts.

• 1045

L'autre exemple qui fait ressortir l'importance de ce genre de reconnaissance est la ville de Calgary, qui a un taux de chômage de 4,3 p. 100, qui dépend désormais moins du secteur pétrolier cyclique, et qui constitue un véritable centre névralgique pour les télécommunications sans fil. Nortel y est très présent. Calgary fait de l'autopromotion, mais malgré tout peu de gens savent qu'elle a la plus forte proportion d'ingénieurs par habitant de toutes les villes du Canada—soit 3,5 fois notre moyenne nationale. Calgary peut se vanter d'avoir 20 ingénieurs pour 1 000 personnes appartenant à la population générale. On peut toujours prétendre que c'est par pure coïncidence que Calgary a réussi à faire toutes ces choses et à se doter d'un bassin aussi important d'ingénieurs. Mais pour moi, c'est loin d'être une coïncidence.

Je suis sûr qu'il y a d'autres enseignements à tirer des expériences d'autres localités. Il s'agirait simplement de connaître leurs histoires, de les partager avec d'autres et d'essayer d'en faire autant; Il n'y a peut-être pas de solution magique, mais ce genre d'initiatives permettraient sans doute d'améliorer la situation.

Mme Claudine Simson: Je voudrais revenir à la question fondamentale. Nous avons dit qu'il faut améliorer l'accès aux ordinateurs et faire en sorte que les enfants soient exposés aux sciences et à la technologie par l'entremise d'enseignants qui sachent susciter leur enthousiasme pour ces matières. Pour moi, une telle stratégie repose nécessairement sur les enseignants. Si les enseignants découragent les enfants, nous sommes perdus. Donc, nous devons vraiment mettre l'accent sur le rôle des enseignants. Cela soulève la question primordiale, à savoir qui va instruire nos enfants.

Par ailleurs comment allons-nous encourager les jeunes qui sortent des écoles de s'inscrire à la faculté de l'éducation en vue de devenir enseignants? Étant donné les perspectives d'emploi et les difficultés qui accompagnent le travail d'enseignant, il est clair que c'est une profession qui n'est guère très attirante. Ni les salaires, ni les conditions de travail ne sont intéressants—il y a eu des réductions partout. Alors le point de départ doit nécessairement être les enseignants. Nous devons y consacrer beaucoup d'efforts. Pour moi, on n'attache pas encore suffisamment d'importance à cet élément-là. Ni le gouvernement fédéral ni les administrations provinciales ne se font conseiller à ce sujet. Mais à mon avis, c'est un élément fondamental, parce que nous allons perdre les enfants. D'ailleurs, nous les perdons dès qu'ils arrivent en 2e ou 3e année. Ils ne sont plus du tout présents.

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): À titre de commentaire, je dirai d'abord que je suis aussi d'avis qu'il y a un problème national de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et que c'est un problème qui va s'amplifier.

Je crois aussi que le développement d'un autre domaine scientifique sera phénoménal et qu'il supplantera celui de l'industrie électronique: c'est tout le domaine de la biotechnologie et de la génétique. C'est un domaine qui croît à une allure vertigineuse et qui aura un impact dans presque toutes les sphères d'activité. Mon collègue M. Easter devrait se consoler puisque si on peut se permettre d'investir du côté de la recherche, la biotechnologie est un domaine qui aura une importance majeure du côté des pêches, des forêts et de l'agriculture. Donc, on a présentement un problème de pénurie de main-d'oeuvre hautement qualifiée et le problème ne va que s'accentuer, cela très rapidement.

Je remercie nos témoins de leurs présentations et j'encourage le comité à prendre cette situation très au sérieux parce qu'on en subira les conséquences à moyen et long terme.

[Traduction]

J'ai une question à poser à nos invités, et j'invite ceux qui le désirent à y répondre. Nous nous trouvons devant un dilemme en quelque sorte. Inconsciemment peut-être—bien que j'aie l'impression que c'est plutôt sciemment—vous y avez fait allusion indirectement. Dans vos exposés, la plupart d'entre vous avez insisté sur la nécessité de créer davantage de richesse. À mon avis, personne ne serait en désaccord avec un tel objectif. Dans la mesure où c'est au gouvernement de créer un environnement qui favorise la création de plus de richesse, je pense qu'on peut dire que le gouvernement actuel a eu du succès sur ce plan-là et continuera de poursuivre cet objectif.

Je pense aussi que la principale raison d'être de l'État est justement la redistribution de la richesse. Sinon, on se retrouve dans une société qui manque de civilité et de cohésion où la criminalité pose un grave problème. Par conséquent, à mon avis, la redistribution de la richesse est tout aussi importante que sa création. Mais ce n'est pas ça que vous demandez. Vous demandez une réduction de l'impôt sur le revenu pour être en mesure de concurrencer nos voisins, où la redistribution de la recherche est moins avancée et moins bien établie en tant que principe directeur qu'elle ne l'est au Canada.

• 1050

Je comprends très bien votre position. Ma question est donc la suivante: Si nous allons créer de la richesse et la redistribuer, puisque vous préconisez une réduction des impôts, par exemple, à quels autres mécanismes le gouvernement pourrait-il envisager de recourir pour s'assurer de la redistribution de la richesse au Canada? Ou seriez-vous prêt à accepter l'idée d'une période provisoire?

Vous demandez au gouvernement de réduire la dette, et je pense que la plupart des gens sont d'accord là-dessus. Mais tant que nous n'aurons pas réduit la dette, et que nous devrons continuer à en faire le service, le gouvernement et nous, les Canadiens, nous n'aurons pas beaucoup de marge de manoeuvre.

Les gens demandent que le gouvernement dépense davantage dans tous les domaines—vous n'êtes pas les seuls. Ils demandent, comme vous, une réduction des impôts. Et ils insistent aussi pour que nous—c'est-à-dire nous en tant que pays ou en tant que peuple—réduisions notre dette. Mais on ne peut pas faire tout cela si vite. Il faut procéder étape par étape en assurant toujours un certain équilibre.

Seriez-vous prêts entre-temps—et on pourra définir ce terme «entre-temps» un autre jour—à offrir des salaires plus élevés ou des régimes de participation aux bénéfices afin d'atténuer les différences entre ce que vous offrez et ce que peuvent offrir vos concurrents américains? À mon avis, rien ne vous empêcherait de faire cela maintenant, à part peut-être... Vous devez pouvoir affronter la concurrence sur la scène mondiale; je comprends très bien ça. Mais peut-être y aurait-il eu lieu d'insister davantage sur les régimes d'intéressement, pour encourager au moins les gens à rester. Je me demande si vous avez déjà mis en place ce genre de programmes et si vous êtes prêts à prendre d'autres mesures de ce genre, plutôt que de demander simplement qu'on réduise les impôts.

Le président: Merci, monsieur Bélanger.

Mme George, suivie de Mme Simson.

Mme Shirley-Ann George: Si les salaires que nous offrons augmentent de 15 à 20 p. 100 chaque année, il semble assez clair que nous sommes prêts à aller assez loin pour répondre à nos concurrents.

Même si nous sommes entièrement d'accord avec vous pour dire qu'il faut une approche équilibrée, et que la meilleure stratégie pour le gouvernement est de montrer des résultats concrets et mesurables au prochain budget, et ensuite prévoir un plan quinquennal visant à réduire l'écart, vous serez bien obligés de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, du moins pour les catégories touchées par les taux d'imposition les plus élevés, pendant un certain nombre d'années pendant que vous poursuivez d'autres objectifs.

À mon avis, la plupart des Canadiens sont d'avis que l'engagement du gouvernement—soit un tiers, un tiers, un tiers—est un engagement raisonnable.

M. Mauril Bélanger: Ce n'est pas tout à fait un tiers, un tiers, un tiers. C'est plutôt 50-50: la moitié de l'excédent devant être consacrée à la réduction de la dette et des impôts, et l'autre moitié, à des programmes économiques et sociaux.

Le président: Mme Simson, et ensuite ce sera le tour de Paddy Torsney.

Mme Claudine Simson: Je voudrais vous rappeler ce qu'on disait tout à l'heure, à savoir que les grandes entreprises, et même certaines plus petites entreprises, sont actives dans le monde entier, et par conséquent, nos échelles de salaires sont vraiment mondiales. Nous arrivons déjà à bien concurrencer les autres pays—pas seulement les États-Unis—sur le plan des salaires, car nous avons du personnel dans le monde entier. Donc, nous offrons des salaires tout à fait concurrentiels.

Pour ce qui est de la redistribution de la richesse, bon nombre d'entreprises le font par le biais de divers programmes. Mais comparativement à d'autres pays, nous sommes plus durement touchés au niveau des impôts qui visent ce genre de redistribution de la richesse, car on considère que cela fait partie de la rémunération. Notre compétitivité dans chacun des pays où nous sommes actifs est donc influencée par des éléments sur lesquels le secteur privé n'exerce aucun contrôle, comme les mesures fiscales qui s'appliquent.

M. Mauril Bélanger: Je ne parlais pas de la redistribution de la richesse au sein des entreprises; je parlais plutôt de la nécessité de redistribuer les revenus entre ceux qui arrivent à peine ou pas du tout à joindre les deux bouts et ceux qui ont des emplois bien rémunérés. Mis à part les taux d'imposition qui les touchent, il n'en reste pas moins qu'ils ont des emplois bien rémunérés. C'est de ce genre de redistribution de la richesse que je parlais tout à l'heure.

Le président: Monsieur Perry.

M. David Perry: À mon avis, nous devrions tous payer plus d'impôts. Mais dans l'ensemble, nous devrions à mon avis payer plus d'impôts en révisant les taux d'imposition et en amenant chez nous plus de spécialistes très performants qui vont fonder des entreprises prospères qui créeront beaucoup d'emplois. Ainsi l'assiette fiscale sera plus importante. Ne nous inquiétons pas pour le moment de la question de la distribution; essayons plutôt d'élargir l'assiette.

Le président: Madame Shirley-Ann George.

Mme Shirley-Ann George: Il est important de se rappeler qu'on peut associer à chacun de ces emplois bien rémunérés non seulement un apport fiscal considérable mais entre deux et quatre autres emplois complémentaires. Il suffit d'aller voir à Nepean ou à Kanata, deux localités en pleine expansion, pour comprendre que les commerces et entreprises de tous types—restaurants, compagnies de nettoyage, etc.—profitent de cette prospérité et qu'il y a énormément de redistribution de la richesse grâce à la création de ces emplois bien rémunérés.

• 1055

Le président: Merci, madame George.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

Je voudrais tout d'abord vous féliciter de votre succès. Bon nombre d'entre vous étiez là l'année dernière pour nous exhorter à accroître le financement de la recherche. Or le dernier budget prévoyait justement certaines augmentations. Je sais que ce n'est pas tout à fait ce que vous souhaitiez, et je vous encourage d'ailleurs à maintenir et même accroître vos efforts de ce côté-là. Pour ma part, j'ai reçu d'excellentes lettres de gens non seulement de ma circonscription électorale mais de toutes les régions du pays. J'espère que vous faites également des démarches auprès des autres députés, car c'est effectivement une question importante.

Il me semble que vous avez besoin d'une masse critique. Quand M. Szabo me demandait pourquoi certains de mes amis avaient quitté le Canada, je lui disais que c'est parce qu'ils étaient spécialistes financiers, et que New York était vraiment le centre névralgique de la finance. Je sais aussi que dans les milieux de recherche, on essaie à présent de créer le genre d'énergie et de vitalité qui attireront les spécialistes et les convaincront de rester. Je sais que l'université McMaster, par exemple, est en train de ramener des gens des États-Unis en vue de créer ce genre d'environnement stimulant.

Hier, nous discutions avec un autre groupe de cette question d'encadrement et de programmes coopératifs. Je sais que vous avez dit qu'il faut prévoir entre 10 000 $ et 12 000 $ pour un programme de stage, mais il me semble qu'il y a aussi toutes sortes d'autres façons de s'y prendre. Par exemple, Ian McWalter qui travaille pour l'une des entreprises membres de Mme George, Gennum, implantée à Burlington, travaille actuellement avec des étudiants du niveau secondaire à la mise au point de méga-fabs et forme les enseignants en les faisant venir à l'université Queen's pour qu'ils apprennent davantage.

La réalité, c'est que la plupart des gens qui instruisent nos enfants n'ont jamais suivi de cours postsecondaires en sciences ou en mathématiques. On les décourage indirectement de faire ce genre de chose. Il faut donc trouver une autre façon d'organiser notre système d'éducation. On ne peut pas nécessairement dire que c'est la faute des enseignants, mais c'est peut-être l'occasion pour toutes vos entreprises de participer à des initiatives dans ce domaine. Mais si vos entreprises sont implantées à Kanata, Burlington et Toronto, où les enfants pourront participer et donc auront de meilleures chances de succès dans ce domaine, qu'allons-nous faire s'il n'y a pas d'entreprises de technologie de pointe dans l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple? Ces enfants-là devraient également pouvoir participer, n'est-ce pas?

Monsieur Perry, je sais que selon vous, la situation va changer, mais je continue à parler avec des étudiants—c'est pour cela que j'ai dû partir pendant quelques minutes—pour parler à des étudiants—et quand je leur demande combien d'entre eux vont faire des études de génie, je constate qu'il n'y en a seulement un ou deux... Disons que déjà en 8e année, ils ont fait une sélection; ils ont déjà écarté certains domaines et pris la décision de les laisser tomber. Et quand je leur dis: «Voulez-vous gagner 150 000 $ par année?», ils me répondent souvent en disant: «Mais les sciences, c'est difficile».

Donc, madame George, comme je n'ai pas très bien réussi dans différents programmes, comme Participaction, j'espère que Rescol et d'autres programmes de même genre seront conçus de façon à leur donner de meilleures chances. Il va falloir faire des efforts supplémentaires pour certains enfants, parce qu'ils pourraient finir par s'y intéresser. J'espère que les entreprises voudront participer à l'expérience des boules de feux que présente l'Université McMaster à des étudiants d'un peu partout, parce qu'il suscite justement l'intérêt des jeunes et crée le genre de climat stimulant qu'on recherche.

Alors je vous encourage à continuer. Ça, c'est tout à fait à part les mesures que pourrait prendre le gouvernement dans ce domaine. Peut-être faut-il faciliter votre travail et faire certains investissements. Je sais que nous le faisons déjà jusqu'à un certain point, mais nous devons conjuguer nos efforts. À cet égard, les entreprises ont tout de même des responsabilités. Récompenser nos jeunes chercheurs en demandant au gouverneur général de leur décerner des prix et des cérémonies de ce genre sont évidemment importants, mais nous devons aussi créer un bassin beaucoup plus important de spécialistes et de professionnels talentueux, bassin qui serait beaucoup mieux réparti parmi les différents segments de la population. De plus en plus, ceux qui réussissent sont ceux qui ont accès à l'information, et les enfants vivant dans certaines localités pour une raison ou une autre, n'arrivent pas à profiter de ces possibilités.

J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez, mais je voulais également vous demander... Bien sûr vous souhaitez un accroissement du financement de la recherche—je suis vraiment en faveur de tout ce qui touche l'éducation des jeunes enfants—et des initiatives qui vont permettre aux Canadiens de se brancher, etc. Mais du côté fiscal, est-ce suffisant—comme le disait quelqu'un à une réunion précédente—de dire à la population que nous arriverons en temps et lieu, ou faut-il à votre avis prévoir des mesures dès la prochaine ronde?

M. Perry pense qu'il faut faire quelque chose tout de suite.

M. David Perry: Moi, je vis au présent, et je sais que j'ai une quarantaine de clients d'un bout à l'autre du pays qui se plaignent tous les jours de ce que les produits ne puissent pas être expédiés, parce qu'ils n'ont pas assez de personnel—pas uniquement du personnel de haut niveau, mais du personnel de tous genres pour faire le travail. Il ne s'agit pas uniquement d'ingénieurs. C'est ça le problème. Il y a également une pénurie de spécialistes du marketing, de représentants, etc.

• 1100

Ce qu'il y a d'ironique dans tout cela, c'est que nous avons non seulement perdu—et nous continuons d'en perdre—des ingénieurs de haut calibre, mais... Vous savez, les Américains ont un grand talent: personne ne les surpasse sur le plan de la vente et du marketing et ce qu'il y a d'ironique, c'est que si vous regardez la composition du personnel des entreprises de technologie de pointe en Californie, vous verrez qu'un grand nombre de leurs spécialistes des ventes et du marketing sont des Canadiens. S'il y a tous ces spécialistes canadiens de la vente et du marketing qui assurent la prospérité de ces immenses entreprises américaines, c'est parce que ces spécialistes canadiens n'ont pas trouvé de débouchés ici.

Mme Claudine Simson: Je voudrais réagir à une de vos remarques. C'est un point très important qui concerne le défi que nous avons à relever du côté des enfants et des enseignants. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral peut faire quelque chose sur le plan de l'infrastructure.

Chez Nortel à Ottawa, nous avons mis sur pied et soutenu un programme qui a été couronné de succès—un programme de stages d'été destiné aux enseignants. Nous leur trouvons un emploi et ils viennent travailler pendant quatre ou cinq semaines. Ils travaillent dans les entreprises de technologie de pointe, du moins la grande majorité de ces entreprises participent au programme. Cela leur permet de comprendre ce qui se passe dans le monde réel et de mettre à profit ces nouvelles connaissances dans la classe.

Nous offrons également beaucoup d'emplois aux étudiants du niveau secondaire, des emplois d'été ou des emplois à temps partiel. Nous en avons plus de 400 chaque année seulement à Ottawa. Donc, s'il y avait moyen de faciliter ce genre de programme ou de favoriser ces placements—par exemple, donner une incitation fiscale à d'autres entreprises, notamment les petites compagnies, pour qu'elles créent ce genre de programme de stages à l'intention des enseignants, ce serait très intéressant, car obtenir des enseignants et des enfants qui s'investissent vraiment dans ce genre de chose demande un certain temps, et je pense qu'il serait important de créer ce genre de modèle.

Le président: Madame George.

Mme Shirley-Ann George: Vous soulevez deux points importants. D'abord, l'encadrement. Il ressort très clairement de nos discussions avec les responsables des entreprises de technologie de pointe qui sont nos membres qu'ils sont très préoccupés par le système d'éducation et voudraient faire quelque chose, mais ne savent pas vraiment quoi faire. Donc, comme le disait Claudine, il serait utile que le gouvernement puisse jouer dans ce domaine le rôle de facilitateur.

Dans certaines localités, il y a des gens ou des groupes qui élaborent des bases de données comportant le nom de tous ceux et celles qui sont disposés à visiter les écoles et à leur apprendre l'existence de leur site Web pour que les enseignants puissent eux-mêmes consulter la liste et trouver des gens qui viendront faire des exposés à leurs étudiants.

Par exemple, le Conseil des ressources humaines dans le secteur du logiciel est en train d'élaborer des programmes et des outils pour que les gens qui visitent les écoles sachent que quand ils s'adressent à des enfants de tel et tel âge, ils devraient dire telle et telle chose; il ne s'agit pas d'envoyer quelqu'un qui a un doctorat à parler à des enfants comme s'ils avaient, eux aussi, un doctorat.

Donc, ce rôle de facilitation est tout à fait critique, surtout qu'il est très difficile d'obtenir du financement pour ce genre d'initiative, même s'il existe déjà d'excellents modèles. Il ne s'agit pas de réinventer la roue, il suffirait de prévoir des fonds de lancement pour certains programmes, comme l'a fait le gouvernement fédéral en décidant de parrainer le programme des investissements communautaires, qui vise justement à offrir des fonds pour aider les localités à réunir leurs propres fonds qu'elles pourront ensuite investir dans des petites et moyennes entreprises. Ce serait un rôle très intéressant pour le gouvernement dans le domaine de l'encadrement, c'est-à-dire qu'il parrainerait la création de programmes d'encadrement dans les entreprises.

En ce qui concerne la fiscalité, je pense qu'il est important qu'il y ait du mouvement au prochain budget, et ensuite, un plan qui nous permette de savoir comment nous atteindrons notre objectif ultime. À mon avis, personne ne s'attend à ce que le gouvernement fasse d'énormes progrès au prochain budget. Nous savons tous qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour nous permettre de le faire. Mais s'il était possible d'ores et déjà de faire un petit progrès nous pourrions nous engager au cours des quatre ou cinq prochaines années—ou du moins pour ce qui reste du mandat de l'actuel gouvernement—à poursuivre cet effort, et pour moi, ce serait extrêmement positif. Les gens veulent savoir si la situation va s'améliorer.

Le président: Monsieur Scott.

M. Wayne Scott: J'ai deux très brefs commentaires à faire.

Par rapport aux employeurs individuels, vous parlez aujourd'hui aux représentants de deux des plus importantes entreprises de technologie de pointe au Canada. Comme c'est le cas pour Nortel, l'engagement d'IBM vis-à-vis des programmes touchant le cycle primaire et secondaire est assez important. En fait, du point de vue des dons, nous avons décidé il y a cinq ans d'accorder la priorité à cette activité-là.

Je voudrais revenir sur la question d'une participation plus large de la part de toutes les entreprises qui oeuvrent dans ce secteur, et qui sont de tailles différentes. La facilitation des initiatives communautaires serait peut-être un excellent véhicule à envisager, comme le disait Shirley-Ann. Je ne propose pas nécessairement de solution, mais je sais qu'il peut être très difficile d'assurer le succès de ce genre d'initiative à tous les niveaux, depuis les derniers échelons jusqu'à la base.

Je suis d'accord pour dire—même si David dit qu'il vit au présent, et je suppose que nous vivons tous au présent—que vu la réalité financière actuelle et ce que nous avons tous connu ces derniers temps, prendre des mesures trop draconiennes dès maintenant ne serait pas une solution pratique.

• 1105

Par contre, j'insiste sur la nécessité de bien orienter nos efforts. Bon nombre des gens à qui je parle, et je pense que même David admettrait que la majorité des personnes avec lesquelles il a des contacts aiment vivre au Canada et voudraient pouvoir y trouver un travail intéressant et stimulant qui leur donne l'impression d'être valorisées. Un élément important de tout cela est nécessairement le salaire et les avantages ou primes qui y sont associés, de même que ce qui reste à la fin de la journée. Par conséquent, il serait important à mon avis d'annoncer que nous allons prendre cette orientation dès maintenant en nous fixant des objectifs bien précis et tenir le cap.

Le président: Y a-t-il d'autres remarques de la part de nos invités? Monsieur Perry.

M. David Perry: Oui, très rapidement. Depuis cinq ans, nous faisons toujours valoir l'argument au sujet de la qualité de la vie pour attirer les gens et pour les garder au Canada, mais les Américains ont compris. Sans vouloir faire de reproches à quiconque, le fait est que les recruteurs américains sont les plus visibles et ce sont eux qui partent avec nos diplômés.

L'argument au sujet de la qualité de la vie au Canada concerne le fait que nos villes sont beaucoup plus sécuritaires qu'aux États-Unis. Mais de plus en plus, et vous n'êtes peut-être même pas au courant de ce phénomène, les grandes entreprises américaines commencent à... Vous souvenez-vous des cités- entreprises qui existaient dans les années 1910 et 1920?

Le président: Oui.

M. David Perry: Eh bien, elles commencent à réapparaître. De plus en plus, les grandes entreprises de technologie de pointe s'implantent dans de petites localités sécuritaires où il est possible de créer de bonnes cités-entreprises. Si cette tendance se maintient—et ce sera certainement le cas à mon avis, parce qu'ils ne sont pas bêtes—notre argument au sujet de la qualité de la vie au Canada aura de moins en moins d'impact.

Le président: Merci. C'était un dernier commentaire de la part de nos invités.

Je voudrais vous remercier tous d'avoir fait de cette table ronde un grand succès, comme c'est toujours le cas quand vous venez nous voir. Vous arrivez non seulement à nous éclairer au sujet des conditions actuelles mais aussi à nous forcer à réfléchir à l'avenir.

Chaque fois qu'une société subit une transformation, on insiste nécessairement à une redéfinition des rôles et des responsabilités non seulement des particuliers mais des collectivités, du gouvernement, et du secteur privé. Bien que nous n'ayons pas le temps de nous y attaquer aujourd'hui, j'aimerais vous donner un petit devoir, si je puis dire, qui porte justement là-dessus.

En édifiant cette nouvelle société dans laquelle les entreprises de technologie de pointe et tout le secteur auront un rôle important à jouer, j'aimerais vous inviter à réfléchir aux rôles et responsabilités du secteur privé, du secteur public, des particuliers et des collectivités. C'est seulement quand nous aurons une vision du futur, ou du moins un objectif ultime à réaliser que nous pourrons commencer à créer les outils qui vont nous permettre de réaliser cette vision. Mais il y a toutes sortes d'autres éléments connexes—par exemple, l'argument au sujet de la qualité de la vie, et M. Perry a soulevé un certain nombre de points très intéressants au sujet des méthodes employées par les Américains pour attirer les Canadiens vers leurs entreprises; d'autres ont parlé de la fiscalité et du rôle important qu'elle joue dans ce contexte. Mais mis à part tout cela, il s'agit en fin de compte de savoir quel avenir vous voulez créer pour ce pays et le rôle vous définissez pour votre secteur?

En ce qui me concerne, l'une des questions fondamentales est celle de la polarisation des classes causée par les degrés très variables d'expertise technologique. C'est quelque chose qui m'inquiète. Nous pouvons toujours continuer d'attirer des travailleurs hautement qualifiés et de les garder au Canada, mais si nous finissons par aggraver les différences entre les personnes qui possèdent ce savoir technologique et celles qui ne le possèdent pas, il faudra se demander ce qu'on peut faire pour améliorer le sort de tout le monde? Car le critère le plus important pour toute décision en matière de politique doit nécessairement être sa capacité d'améliorer la qualité de vie des gens. C'est ça qui compte, finalement—du moins en ce qui me concerne. Donc, j'aimerais bien profiter des fruits de votre réflexion sur la question.

Cela dit, je dois dire que j'ai été très impressionné par la contribution de tous nos invités ce matin. Merci.

La séance est levée.