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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 24 septembre 1998

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir, de la Compagnie d'assurance Standard Life, M. Claude Garcia, président et directeur général; de l'Industrielle Alliance, M. Yvon Charest, vice-président exécutif et chef de l'exploitation. Messieurs, bienvenue.

Dans cette étude, nous demandons aux témoins de nous dire ce avec quoi ils sont d'accord dans le rapport du Groupe de travail MacKay et pourquoi, et peut-être ce avec quoi ils sont en désaccord, et pourquoi. Vous avez environ 10 minutes pour faire vos observations liminaires. Ensuite nous passerons aux questions et réponses.

Nous commençons par M. Claude Garcia, de la Compagnie d'assurance Standard Life. À vous la parole.

[Français]

M. Claude Garcia (président-directeur général, Compagnie d'assurance Standard Life): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je voudrais tout d'abord vous parler un peu de la Standard Life. Je suis le président pour le Canada, mais nous sommes une entreprise d'assurance multinationale. Nous faisons des affaires au Canada depuis 1833 et nous avons notre siège social au Canada, à Montréal, depuis 1846. Nous vendons de l'assurance-vie, des rentes et des pensions. Nous offrons également des fonds communs de placement. Nous faisons partie d'un vaste groupe basé à Edinbourg et notre entreprise a des bureaux, outre ceux du Canada, au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et en Espagne. Nous avons ouvert deux bureaux de représentation en Chine, mais nous n'avons pas encore le droit d'y souscrire des polices d'assurance. Nous espérons également faire des affaires en Inde aussitôt que le marché y sera ouvert.

Nous aimons dire que nous sommes la première entreprise canadienne à offrir à chacun de ses clients une garantie de satisfaction totale. Nous leur donnons une garantie de six mois sur le processus de vente de nos produits. Voici comment cela fonctionne. Lorsque nous souscrivons une police, nous envoyons à notre client une lettre de bienvenue et l'informons des étapes qui auraient dû être suivies par le vendeur, le courtier ou l'agent qui lui a vendu le produit. Nous lui donnons six mois. Si, dans les six premiers mois, il n'est pas content des mesures suivies dans le processus de vente et qu'il réussit à nous dire quelle initiative du processus n'a pas été suivie adéquatement, nous le remboursons de tout ce qu'il nous a payé sans poser une question de plus.

À Montréal, nous avons également la responsabilité de gérer, pour la Standard Life, l'actif américain de la Standard Life. Cela représente pratiquement 5 milliards de dollars de valeurs américaines gérées à partir du Canada. C'est un mandat mondial. C'est la première année que nous faisons cela. Parfois les gens se plaignent du fait que les Canadiens font des affaires avec des entreprises étrangères. Dans ce cas-ci, il s'agit bien d'une entreprise étrangère, effectivement, mais elle fait des affaires au Canada au nom de clients étrangers de l'entreprise. Nous en sommes très fiers.

Dans l'ensemble, nous devons dire qu'à la Standard Life nous sommes très contents du rapport du Groupe de travail MacKay. Tout d'abord, je pense qu'il faudrait féliciter les membres du groupe de travail pour avoir livré le rapport dans les délais prescrits. Cela ne s'est pas souvent produit et de nombreux groupes d'étude ou commissions d'enquête ont pris beaucoup plus de temps et dépensé beaucoup plus d'argent que prévu pour faire leur travail. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans le cas du groupe MacKay, et je pense qu'il faut les en féliciter.

[Français]

Le rapport est généralement très bien écrit. Nous croyons qu'il s'agit d'un document extrêmement important qui pourrait aider la Chambre des communes et le Sénat. Le gouvernement du Canada a proposé une loi davantage appropriée aux défis qui s'annoncent dans le domaine des services financiers.

• 1540

[Traduction]

Ce qui nous plaît le plus c'est le fait que, pour la première fois depuis bien longtemps, une institution associée au gouvernement fédéral a reconnu les inégalités qui existent en matière de services financiers, banques et compagnies d'assurance confondues, sur le plan de la concurrence. Ces iniquités ont trait à l'assurance-dépôts et à l'accès au système des paiements.

L'assurance-dépôts est un vieux sujet de grief de notre secteur; le système d'assurance-dépôts prévu pour les banques et les sociétés de fiducie bénéficie de la garantie de la carte de crédit de Sa Majesté. Dans le cas des compagnies d'assurance, nous avons établi un organisme, la SIAP, financé par les compagnies d'assurances elles-mêmes et dont l'objectif est de protéger les détenteurs de police d'assurance contre les faillites des compagnies d'assurances.

Des clients nous ont dit à de nombreuses reprises qu'ils préfèrent la garantie offerte par la SADC à la garantie offerte par la SIAP. En fait, une enquête effectuée par l'ACCAP indique que lorsqu'un produit est exactement semblable, 75 p. 100 des clients préfèrent le produit garanti par la SADC au produit garanti par la SIAP.

Si j'étais un consommateur, j'en ferais autant, et je vais vous dire pourquoi. Lorsque la Confédération, la compagnie d'assurance-vie a fait faillite il y a quatre ans, elle avait une filiale appelée Confederation Trust. Dans cette filiale, bien sûr, les clients étaient protégés par la SADC. Trois semaines après la faillite, les clients de Confederation Trust avaient accès à leurs fonds parce que la SADC avait vendu les dépôts à la Banque Nationale et avait écrit un grand chèque tiré sur les fonds du gouvernement fédéral, nos fonds, pour créer les liquidités nécessaires afin que la Banque Nationale puisse donner accès aux sommes en question.

Les clients de la Confédération, la compagnie d'assurance-vie, eux, n'ont eu accès à leurs fonds, sauf en cas d'urgence, qu'au cours des derniers mois. Notre secteur a mis une marge de crédit à la disposition de la SIAP, pour permettre cela. Il a fallu trois ans. Une marge de crédit ne permet de donner accès aux fonds que lorsque les dépôts sont arrivés à maturité et ils arrivent à maturité, ce qui se produit après cinq ans. Par conséquent, certaines personnes ont dû attendre huit ans avant d'avoir accès à leurs fonds simplement parce que nous ne disposons pas de moyens semblables.

Si vous étiez clients, et il y en avait beaucoup à la Confédération, que choisiriez-vous entre la SADC et la SIAP?

Nous sommes très heureux de constater que le Groupe de travail MacKay a reconnu cette différence en matière de concurrence. Il a proposé deux options et j'aborderai les détails un peu plus tard si vous le souhaitez.

À la Standard Life, l'an dernier, nous voulions attirer un assez grand client, une entreprise pharmaceutique basée à Montréal, qui voulait établir un REÉR de groupe. Nous avions des concurrents. Nous nous attendions à des dépôts représentant 1,5 million de dollars par année. Notre concurrent était Canada Trust, qui a tout d'une banque sauf le nom.

Le contrat est allé à Canada Trust, pas parce que leur produit était meilleur, pas parce qu'il faisait telle ou telle chose mieux que nous, mais simplement parce que les dépôts seraient assurés par la SADC plutôt que par la SIAP. Il est frustrant de faire des affaires lorsque, d'une part, le gouvernement aide une entreprise et que l'autre entreprise doit se contenter de livrer combat avec ses propres moyens. Nous vous exhortons donc à mettre en oeuvre les recommandations du rapport du Groupe de travail MacKay sur cette question.

Le système des paiements fait également l'objet d'un grief de longue date du secteur des assurances. Les banques contrôlent et dominent le système des paiements et la loi a été rédigée de telle manière que les compagnies d'assurance n'y ont pas accès. Nous ne sommes pas les seuls à demander d'y avoir accès. Le groupe MacKay recommande que d'autres groupes y aient accès, et cela nous convient tout à fait.

Essentiellement, cela signifie que chaque fois que nous payons un de nos clients, et nous versons des milliards de dollars tous les ans à nos clients, nous envoyons en fait de l'argent à un concurrent, qu'il s'agisse d'une banque, d'une coopérative de crédit ou d'une caisse populaire. Nous ne gardons pas l'argent nous-mêmes, comme nous le pourrions, parce que nous n'avons pas accès au système des paiements et qu'il nous est impossible de rendre ces paiements disponibles.

• 1545

Dans le passé, ce n'était pas un grave problème, mais avec les techniques modernes il serait relativement facile de nous accorder cet accès tout en nous permettant d'offrir divers produits, de modifier nos produits légèrement afin de maintenir avec nos clients une relation semblable à celle que les banques entretiennent avec les leurs.

Une autre conséquence de cela, c'est que les banques ont accès à des renseignements très confidentiels au sujet de nos clients. Voici pourquoi. Lorsque nous vendons une police d'assurance-vie, de nombreux consommateurs choisissent de payer par débit mensuel à partir de leur compte en banque. Cela signifie que nous demandons à une banque de transférer de l'argent à la Standard Life ou à toute autre compagnie d'assurances en cause. La banque a donc accès à des renseignements sur notre client. Or, les banques vous demandent de les laisser nous livrer concurrence.

Je ne connais aucune autre industrie qui soit obligée d'autoriser ses concurrents à accéder à sa clientèle. Si vous en connaissez une, faites-le-moi savoir, mais personnellement, je n'en connais aucune. Les banques ont un avantage énorme à l'heure actuelle, et elles veulent le conserver.

Devant le Groupe de travail MacKay, nous avons également invoqué la question des ventes liées. Les banques affirment qu'elles n'en font pas. Nous ne prétendrons pas qu'elles en ont fait une pratique systématique, mais nous avons des preuves indiquant qu'elles s'y livrent de temps à autre.

L'année dernière, nous avons perdu un petit régime enregistré d'épargne-retraite auprès d'une moyenne entreprise de l'Ontario parce que cette entreprise a négocié l'obtention d'une ligne de crédit—c'est l'une des petites entreprises chanceuses qui ont obtenu une ligne de crédit auprès d'une banque—mais la banque a exigé en contrepartie que l'entreprise lui confie le régime d'épargne-retraite qu'elle avait conclu avec nous. Nous avons signalé au principal responsable financier de cette entreprise que le changement ne servait ni les intérêts des employés, ni ceux de l'employeur. À notre avis, un régime d'épargne-retraite appartient non pas à l'employeur, mais aux employés, car ceux-ci investissent la plus grande partie de leur argent dans des certificats de placements garantis à cinq ans et évidemment, le même argent investi dans des banques produirait un intérêt plus faible, tout simplement parce que les taux ont chuté. Il n'y a pas eu de conspiration de la part des banques, mais les taux du marché ont tout simplement baissé, ce qui entraînerait une perte pour les employés.

Le trésorier nous a accusés d'obstruction, nous qualifiant de mauvais perdants, et nous avons dû laisser partir l'argent. Mais ce qui me semble inacceptable dans un cas pareil, c'est que l'employeur avait une obligation fiduciaire à l'égard de ses employés et devait gérer le régime en fonction de leurs intérêts. Le fait qu'on n'ait pas légiféré en matière de conseil financier, ou qu'il n'y ait pas suffisamment de protection... Pour moi, il est tout à fait inacceptable qu'un transfert d'un régime d'épargne-retraite soit lié à l'acceptation d'un prêt. Il s'agit de deux entités différentes: on a affaire aux employés dans le premier cas, mais à l'employeur et à la compagnie dans l'autre. Mais le transfert s'est néanmoins réalisé.

Malgré les dénégations des banques, le Groupe de travail MacKay a décidé, sur la foi de divers témoignages, dont le nôtre, de se renseigner sur cette question. Il a demandé aux Canadiens qui avaient obtenu un prêt d'une banque s'ils avaient l'impression d'être contraints de lui acheter quelque autre produit. Un Canadien sur six a répondu affirmativement. Cela indique, à mon avis, que cet usage est certainement beaucoup plus répandu que les banques ne le laissent croire.

J'estime qu'avant de conférer de nouveaux pouvoirs aux banques, il faudrait s'assurer qu'elles se comportent correctement dans ce domaine, et que des précautions suffisantes ont été prises.

Finalement, je voudrais parler du droit à la protection de la vie privée. Nous sommes favorables à la recommandations du groupe de travail sur cette question. Nous estimons que de nombreux usages inacceptables ont cours actuellement. Je peux vous donner quelques exemples que je tire de ma propre expérience.

Comme de nombreux autres Canadiens, j'ai décidé l'année dernière de demander un compte bancaire sur Internet, notamment parce que c'est commode, mais aussi pour voir les possibilités offertes par Internet et pour voir si je ne pourrais pas me servir des mêmes possibilités pour les autres produits de la compagnie. On m'a demandé de remplir un formulaire d'ouverture de compte qui comportait un paragraphe autorisant la banque à échanger les renseignements sur moi et sur le service que j'achetais avec toutes les filiales de la banque. J'ai biffé ce paragraphe.

• 1550

Je n'ai entendu parler de ma demande d'ouverture de compte qu'au bout d'un mois. Une jeune femme très polie m'a appelé et m'a dit: «Monsieur Garcia, nous ne pouvons pas ouvrir votre compte». J'ai demandé où était le problème. Elle m'a dit: «Vous avez biffé un paragraphe du formulaire, et à moins que vous ne supprimiez cette rature, nous ne pourrons vous ouvrir un compte.» J'ai demandé pourquoi et elle m'a dit que c'était les ordres qu'elle avait reçus, et que c'était la procédure normale. Je lui ai demandé de confirmé tout cela par écrit et elle m'a dit que c'était impossible. J'ai demandé à parler à son supérieur hiérarchique, ce qu'elle a accepté, mais j'attends toujours l'appel de cette personne.

J'ai réussi malgré tout à me faire ouvrir un compte bancaire Internet, car la banque en question est celle de la Standard Life. Mais les clients n'ont pas tous la même chance.

Je trouve cela inacceptable de la part des banques, et la banque en question n'est pas la seule à procéder ainsi. Lorsqu'on a débattu au Québec du projet de loi 188, l'ACCAP a fait un sondage et on a constaté que plusieurs banques, y compris certaines caisses populaires, ont adopté cet usage.

Le mois dernier, j'ai demandé à la banque d'augmenter la limite de ma ligne de crédit. Une dame, encore une fois très polie, m'a téléphoné et m'a demandé mon numéro d'assurance sociale. Je lui ai demandé pourquoi elle le voulait, elle m'a dit qu'elle en avait besoin. Je lui ai dit: «Pourquoi avez-vous besoin de mon numéro d'assurance sociale? Je vous demande un prêt; vous n'allez pas me verser d'intérêts. Vous n'avez pas d'intérêts à déclarer à Revenu Canada, vous n'avez donc pas besoin de me demander mon numéro d'assurance sociale.» Elle a dit: «J'ai besoin de votre numéro d'assurance sociale parce que nous nous en servons pour vérifier votre dossier de crédit.» J'ai dit: «C'est illégal. Vous n'avez pas le droit d'agir ainsi.» J'ai refusé de lui donner mon numéro d'assurance sociale, mais elle a dit: «Cela ne fait rien, nous l'avons déjà à votre dossier. Je sais où le trouver.»

Voilà un autre exemple. Il y a quelques années, avant que je devienne président de la Standard Life, cette compagnie se servait du numéro d'assurance sociale de ses clients pour les identifier dans les dossiers de pension. En effet, tous les pensionnés reçoivent chaque année un reçu pour fins d'impôt. On nous a indiqué qu'il était illégal de procéder ainsi, et nous avons cessé immédiatement. La modification de nos bases de données nous a coûté très cher. Le numéro d'assurance sociale est un outil très commode, mais nous avons reconnu la validité des constatations fondées sur la protection de la vie privée. Nous avons donc décidé d'apporter les changements nécessaires.

Or, les banques, malgré toutes leurs prétentions, continuent à l'heure actuelle d'utiliser le numéro d'assurance sociale à des fins tout à fait illégales.

Avant d'accorder de nouveaux pouvoirs aux banques, nous vous demandons de veiller à ce qu'elles respectent les lois de ce pays, qu'elles respectent la vie privée des consommateurs et qu'elles ne portent pas atteinte à leur liberté de choix en les contraignant à acheter certains produits.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Garcia, pour cet excellent exposé qui met l'accent essentiellement sur deux sujets relatifs aux intérêts des consommateurs. À l'occasion des questions, nous pourrons peut-être aborder également d'autres thèmes du volumineux rapport du Groupe de travail MacKay.

Monsieur Charest, vous avez maintenant la parole. Soyez le bienvenu.

[Français]

M. Yvon Charest (vice-président exécutif et chef de l'exploitation, Industrielle Alliance): Merci. Au cours des prochaines minutes, j'aurai pour objectif de vous expliquer pourquoi le rapport MacKay m'apparaît trop favorable aux grandes banques,

[Traduction]

ce que j'appelle un rapport favorable aux banques.

[Français]

Je vais également vous expliquer pour quelles raisons le renforcement de la concurrence et de la compétitivité ainsi que l'accroissement du pouvoir des consommateurs ne pourront être réalisés si l'ensemble des recommandations sont acceptées.

[Traduction]

Je suis le vice-président exécutif et chef de l'exploitation de la Compagnie d'assurance-vie Industrielle Alliance. En 1987, il y a eu fusion entre deux compagnies d'assurance mutuelle, l'Industrielle, dont les bureaux se trouvaient à Québec, et l'Alliance, installée alors à Montréal. Pendant un certain temps, nous avons eu deux filiales d'assurance-vie à charte fédérale, et depuis la semaine dernière, nous en avons une troisième, appelée Seabord Life.

• 1555

Le président de notre société, M. Garneau, fait également partie du conseil d'administration de la Banque du Canada, qui siège à Terre-Neuve aujourd'hui, et c'est pourquoi c'est moi qui représente la société.

[Français]

Comme je le mentionnais, nous sommes une mutuelle d'assurances. Nous détenons une part de marché d'environ 10 p. 100 au Québec, tandis qu'au Canada, nous sommes au septième ou huitième rang, selon le secteur d'activité.

[Traduction]

Quelques jours avant le dépôt du rapport du Groupe de travail MacKay, on m'a demandé de proposer divers scénarios, et j'en ai présenté au moins deux. Le premier est favorable aux banques, le deuxième est une sorte de «oui, mais».

[Français]

La troisième recommandation du groupe de travail MacKay concerne la propriété canadienne des institutions financières. On recommande de conserver la propriété des grandes institutions financières au Canada. On sait très bien que par grandes institutions financières, on entend les grandes banques. Je comprends que le groupe de travail ait opté pour une telle recommandation, mais cette recommandation est très lourde de conséquences; elle a pour effet de protéger les institutions qui sont déjà les plus importantes. En permettant aux banques de se fusionner et en recommandant que les banques distribuent de l'assurance, vous donnez un pouvoir incroyable aux institutions qui contrôlent déjà le milieu financier.

Bien que le groupe MacKay dise que ses deux objectifs sont d'augmenter la concurrence et de donner plus de pouvoir aux consommateurs, le nombre de pouvoirs additionnels que vous devrez donner aux institutions financières autres que les banques devra être important si vous voulez qu'il y ait un équilibre dans les pouvoirs des institutions financières.

Je fais une telle affirmation pour un certain nombre de raisons. La première raison, c'est l'histoire. L'histoire des sociétés financières au Canada nous démontre qu'il n'y a pas eu accroissement de la concurrence. Au contraire, il y a eu accroissement de la concentration des pouvoirs. Il y a 10 ou 15 ans, vous avez opté pour déréglementer le système canadien dans l'espoir qu'il y ait plus de concurrence. Aujourd'hui, les compagnies de fiducie, tout comme les firmes de courtage, sont devenues la propriété des banques. Alors que votre objectif était d'augmenter la concurrence, l'histoire nous montre que c'est le contraire qui s'est produit. Non seulement il n'y a pas eu augmentation de la concurrence, mais il n'y a pas eu non plus augmentation du pouvoir des consommateurs.

Aujourd'hui, on nous dit que les banques ont d'autres concurrents, entre autres les compagnies de fonds mutuels. Mais le 31 décembre 1997, les banques contrôlaient 30 p. 100 des compagnies de fonds mutuels, et leur pourcentage de détention de ces sociétés va en s'accroissant. Donc, ma première raison, c'est l'histoire. L'histoire prouve que les mesures qu'on a prises pour augmenter la concurrence n'ont pas eu l'effet souhaité.

La deuxième raison, c'est le système canadien des paiements. Oui, les assureurs ont demandé l'accès au système canadien des paiements et ils l'ont obtenu. Je voudrais simplement vous mentionner qu'il y a trois éléments dans le système canadien des paiements: l'accès, les règles de fonctionnement—qui les contrôle?—et le coût d'utilisation. Jusqu'à présent, le rapport MacKay a parlé de l'accès. Je soulève ce point parce que l'histoire nous a montré qu'au Canada, il y avait une concentration des pouvoirs financiers. Je vous recommande d'attendre que les règles de fonctionnement incluent les compagnies d'assurances, que les coûts soient raisonnables et que cette mesure-là soit mise en place avant de donner des pouvoirs accrus aux banques.

• 1600

Soyez assurés que nous sommes très heureux d'accéder au système canadien des paiements. Mais entre l'accès et l'utilisation à un coût raisonnable ainsi que notre implication dans les règles de fonctionnement, il y a un pas additionnel à franchir.

La troisième raison pour laquelle nous croyons qu'on devrait donner plus de pouvoirs aux institutions financières et attendre les résultats avant de donner des pouvoirs additionnels aux banques a trait à la fameuse question de la mondialisation. Tout le monde nous parle de la mondialisation, mais il faut comprendre qu'il y a trois marchés bien précis de consommateurs: les grandes sociétés, les PME et les particuliers. Oui, bien sûr, on voit la mondialisation au niveau des grandes sociétés, mais quant aux deux autres catégories de consommateurs, les PME et les particuliers, le rapport MacKay dit clairement que nous sommes dans un marché local et non dans un marché mondial. Si l'objectif du rapport MacKay est d'augmenter le pouvoir des consommateurs, il faut constater que pour ces deux marchés, celui des particuliers et celui des PME, il y a peu de mesures qui pourraient mener à une concurrence additionnelle.

Depuis l'année passée, on nous donne des exemples de nouveaux concurrents. Lisez les journaux: on y lit que les concurrents additionnels s'en viennent et qu'ils vont tout bouleverser. On nomme toujours les trois mêmes et ils figurent aussi dans le rapport MacKay. Les concurrents des grandes banques sur le marché de détail n'attendent pas de l'autre côté de la porte pour pénétrer au Canada. Ces trois exemples sont Wells Fargo & Co., la banque virtuelle d'une compagnie d'assurances du groupe financier NN et, troisièmement, les compagnies de cartes de crédit.

Je crois que la concurrence faite aux grandes banques canadiennes n'est pas aussi forte et potentiellement aussi élevée que certaines personnes peuvent le penser. Oui, en théorie, MacKay favorise l'établissement de nouvelles institutions financières. Oui, en théorie, MacKay indique que la réglementation des institutions doit être fonction de la taille de ces institutions-là; plus les institutions sont petites, plus on devrait leur donner de la souplesse. Toutes ces recommandations ont pour seul objectif d'aider de nouveaux concurrents. Mais la concentration du pouvoir financier est actuellement telle que peu de concurrents seront intéressés à venir au Canada; trois, quatre ou cinq institutions contrôlent 90 p. 100 du marché. Plus la concentration est élevée dans un secteur de l'industrie, moins les concurrents sont tentés de percer ce secteur et moins ils croient qu'ils pourront y faire des opérations rentables.

La prochaine raison que j'invoquerai a trait à la gestion des renseignements personnels. Mon point de vue rejoint directement l'opinion exprimée par M. Garcia. L'Industrielle Alliance compte 650 000 clients, dont 500 000 qui nous versent des primes mensuelles par le biais du compte chèques qu'ils détiennent dans une banque. Nous avons donc 500 000 clients dont un banquier du pays sait qu'ils font affaire avec l'Industrielle Alliance. Dans un geste qui m'a un peu surpris, le rapport MacKay a recommandé non seulement que les banques puissent distribuer de l'assurance en succursale, mais aussi qu'elles puissent utiliser les renseignements personnels qu'elles détiennent sur leurs consommateurs dans leurs propres opérations.

C'est comme si vous forciez les compagnies d'assurances à divulguer des renseignements sur leurs clients à un concurrent. Encore là, c'est la fameuse distinction entre la théorie et la pratique.

• 1605

En théorie, vous pouvez créer des fichiers informatiques séparés, prétendre que les employés vendant de l'assurance seront physiquement séparés des autres employés de la caisse et ériger toutes sortes de murs, mais en pratique, dans une succursale bancaire, on retrouve 10 employés, dont deux qui vendent de l'assurance et qui doivent atteindre des objectifs de vente, qui dînent ensemble et qui se côtoient huit heures par jour. En pratique, la théorie voulant que l'on érige des murs ne nous permettra pas de nous assurer que les renseignements personnels seront réellement confidentiels.

La prochaine raison que j'invoque concerne les ventes liées. Je sais que le gouvernement fédéral s'est penché à plusieurs reprises sur la question des ventes liées, mais malheureusement, les pratiques de l'industrie vont toujours plus vite que la réglementation. Il y a des méthodes diverses et des plus créatives pour mettre des produits sur le marché, méthodes qui ne sont pas techniquement des ventes liées. Le dernier exemple dont m'a fait part par écrit un employé de ma compagnie concerne une institution financière qui offre des prêts hypothécaires pour lesquels il n'y a pas de vente liée à un produit d'assurance-vie; il n'y en a pas. Cependant, le deuxième produit qu'on y offre est une assurance-invalidité ou une assurance-habitation, et selon une autre clause, le consommateur ne peut se procurer cette assurance que s'il a déjà souscrit à leur assurance-vie.

Vous avez donc deux produits sur un document: le prêt hypothécaire et l'assurance-invalidité. On ne parle pas encore d'assurance-vie; cela viendra plus tard. Le client qui s'engage à contracter un prêt hypothécaire de cinq ans se fait dire qu'il jouirait de conditions favorables s'il prolongeait la durée de son prêt hypothécaire à au moins six ans. Ainsi, le consommateur est forcé de renouveler son prêt hypothécaire aux conditions unilatérales de la banque s'il veut conserver les bénéfices d'assurance dont il jouissait depuis cinq ans. Est-ce une vente liée? Pas selon votre réglementation actuelle.

[Traduction]

Est-ce que cette autre forme de vente répond à l'une des autres définitions qui figurent déjà dans le règlement? Eh bien non, mais il s'agit d'un produit disponible ici, et dès qu'on essaiera de modifier le règlement concernant les ventes liées pour y englober ce type de produit, on va voir dès le lendemain apparaître un autre produit nouveau, dont les promoteurs prétendront qu'il est conforme à la réglementation. Tout cela parce qu'on accorde des pouvoirs supplémentaires à des organismes qui accaparent déjà une large part du marché au Canada.

Dans la mesure où le client fera affaire avec une institution qui n'aura que 2 p. 100 du marché—et il y a énormément de concurrence dans ce domaine—ce dernier refuserait immédiatement une telle proposition. La seule raison pour laquelle nous discutons de vente liée et de vente croisée, c'est que le consommateur manque de choix et n'est pas en position d'opposer un refus à ces offres.

Je vous ai cité quelques raisons pour lesquelles avant de donner des pouvoirs additionnels aux grandes banques, vous devriez mettre l'accent sur les autres recommandations du Groupe de travail MacKay qui accordent des pouvoirs à leurs concurrents, voir le résultat, et vous assurer que dans les faits, la concurrence est devenue plus vive.

J'aimerais aborder deux autres sujets.

• 1610

Le premier est la protection du consommateur, la SIAP et la SADC. Nous sommes d'accord avec la recommandation qui reconnaît que les chances n'étaient pas égales pour tous et à cet égard, il est évident que le Groupe de travail MacKay égalise les chances.

Ma deuxième observation porte sur une recommandation concernant les champs de compétence fédéraux et provinciaux.

[Français]

La recommandation 115)(c) indique que si le fédéral et le provincial ne parviennent pas à arriver à une entente sur le suivi des institutions financières, on devra respecter la juridiction primaire. Notre compagnie, l'Industrielle Alliance, compte à la fois des compagnies à charte québécoise et des compagnies à charte fédérale. Nous croyons que le respect de la juridiction primaire simplifierait beaucoup notre travail. Même si la compagnie-mère du groupe possède une charte québécoise, nous devons remettre régulièrement des renseignements financiers à l'autorité de surveillance fédérale. Dans la mesure où il y aurait respect de la juridiction primaire, nous n'aurions pas à transiger avec deux autorités de surveillance différentes.

[Traduction]

En dernier lieu, la recommandation 62, concernant la divulgation des commissions, obligerait toutes les institutions à divulguer le montant exact des commissions. À ce sujet, je vous suggère d'examiner ce qui s'est fait au Québec avec le projet de loi 188, article 17. On a trouvé une approche à moyen terme en matière de divulgation. Le gouvernement demande aux institutions de divulguer le type de rémunération consentie à l'employeur ou à l'agent, que ce soit sous forme de salaire ou de commission, et de préciser dans quelle mesure il y a eu partage de la commission ou encore des droits additionnels versés à l'agent. Ce système semble avoir donné de bons résultats puisque le consommateur a l'information voulue sur le type de rémunération. Je ne pense pas qu'on soit allé jusqu'à divulguer le niveau des commissions proprement dites.

Voilà qui met fin à ma déclaration liminaire, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Charest.

Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses. Nous allons commencer avec M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Epp.

Messieurs, je vous remercie de votre exposé. Je suis sensible à vos préoccupations.

J'aimerais obtenir de vous, qui représentez de grandes sociétés d'assurance, certaines précisions. Si, par exemple, le gouvernement modifiait la réglementation et donnait accès au système de paiements à de grandes sociétés comme des sociétés d'assurance, et si vous étiez autorisés à participer au programme de la SADC, les sociétés d'assurances se précipiteraient-elles pour tirer parti de cette occasion et devenir plus semblables aux banques et, en fait, leur livrer une concurrence accrue?

M. Claude Garcia: Vous nous demandez de divulguer nos plans stratégiques.

La question de la SADC est importante. Chose certaine, elle est cruciale à nos yeux. Quatre-vingt-dix pour cent de notre chiffre d'affaires est attribuable à des produits d'épargne. Évidemment, de nos jours, les consommateurs préfèrent les fonds mutuels aux dépôts, mais nous vendons encore énormément de produits garantis où intervient l'assurance-dépôts. Par conséquent, le fait d'égaliser les chances pour tous dans ce domaine nous aiderait énormément.

En outre, cela équilibrerait aussi les choses d'une autre façon car à l'heure actuelle, nous savons que la moitié des consommateurs—ceux qui achètent des fonds mutuels dans les banques—sont convaincus que ces fonds mutuels sont assurés par l'assurance-dépôts. À notre avis, c'est regrettable, mais c'est un fait. En affaires, ce qui compte, ce n'est pas tant la réalité, mais la perception du consommateur et lorsque 50 p. 100 des consommateurs croient que les fonds mutuels vendus par les banques sont assurés, il va de soi qu'ils sont plus enclins à les acheter auprès de leurs banques que d'autres institutions. Évidemment, ils seront déçus advenant un effondrement du marché lorsqu'ils découvriront que ce n'est pas vrai. Mais la vente aura été conclue.

• 1615

M. Dick Harris: Permettez-moi de vous interrompre un instant. J'aimerais obtenir une précision. Je crois savoir que l'assurance-dépôts ne couvre pas les dépôts à terme assortis d'une échéance de plus de cinq ans, les obligations du gouvernement, les bons du Trésor, ainsi que les investissements dans des hypothèques, des actions et des fonds mutuels. Cela me semble être une grande part de votre marché. J'essaye de déterminer dans quelle mesure la présence de la SADC représenterait un avantage considérable pour une société comme la vôtre.

M. Claude Garcia: Je vous ai parlé de l'affaire que nous avons perdue l'année dernière. Normalement, dans un cas comme celui-là, un tiers seulement de l'argent aurait été acheminé vers l'épargne garantie et par conséquent, aurait été couvert par la SADC. Mais le fait est que nous avons perdu l'ensemble du compte-client. Même si les deux tiers de l'argent est versé dans des fonds d'investissement qui ne sont pas couverts par la SADC, si le consommateur décide de partir, nous perdons tout. Par conséquent, ce ne sont pas seulement les produits assurés qui sont en cause. Lorsqu'on vend un produit à un employeur pour ses employés, si on perd le compte-client, on perd tout.

Ce que l'ACCAP et le Groupe de travail MacKay ont recommandé est quelque peu ambivalent. Si nous limitons la couverture de la SADC aux produits ayant une échéance de plus de cinq ans, cela signifie que de nombreux produits vendus par les sociétés d'assurance ne seront pas couverts. Par exemple, les rentes à long terme ne seraient pas couvertes. Mais je suppose qu'une certaine couverture devra être maintenue car à l'heure actuelle, on peut obtenir une couverture auprès la SIAP. Je pense qu'il faudra voir comment tout cela fonctionnerait. Mais les produits garantis représentent tout de même une part importante de notre chiffre d'affaires.

À nos yeux, il est impératif que nous puissions être traités sur le même pied que les banques. Nous sommes déjà en concurrence avec elles. Les banques vendent des REÉR et jouissent de l'avantage de la protection de la SADC depuis les années 70. Nous nous plaignons d'être désavantagés sur le plan de la concurrence depuis ce temps-là, mais personne n'a voulu nous écouter avant le groupe MacKay. Nous sommes très heureux qu'il n'ait pas fait la sourde oreille, mais nous ne savons pas pourquoi il a fallu attendre si longtemps.

Vous vouliez savoir si nous allons devenir des banques. À cette question, je répondrais que ce n'est pas dans nos plans. Cela dit, si nous avions accès au système de paiements, il y a bien des choses que nous pourrions faire. Par exemple, la Standard Life compte plus de 100 000 rentiers qui reçoivent de nous un paiement mensuel. Rien ne nous interdirait de leur offrir une carte de débit leur permettant de retirer directement leur rente. À l'heure actuelle, nous envoyons l'argent directement à la banque et c'est la banque qui verse l'argent. Voilà un exemple du genre de choses qui seraient possibles.

Il nous faudra aussi trouver un moyen de régler le problème que mon collègue Yvon et moi-même avons soulevé au sujet du paiement des chèques. J'ignore comment nous pourrions nous y prendre car nous ne pouvons forcer les gens qui souhaitent acheter de l'assurance chez nous à faire leurs transactions bancaires chez nous. Chose certaine, la Standard Life n'envisage pas de devenir une banque en bonne et due forme. Il n'en reste pas moins que nous oeuvrons dans le domaine de l'épargne.

Premièrement, tous les citoyens ont besoin d'un compte de chèques pour payer leurs factures, par exemple. Étant donné que les banques ont cette information et offrent ce service, elles ont demandé au Parlement fédéral au fil des ans de leur accorder davantage de pouvoirs pour qu'elles puissent tirer parti des renseignements en question pour offrir d'autres produits à leur clientèle. Graduellement, elles ont investi les domaines d'activités de tous les autres intervenants financiers.

• 1620

Nous souhaitons qu'on nous accorde d'autres pouvoirs pour qu'à tout le moins nous puissions essayer de contourner la banque. Nous ferons preuve d'imagination. Il y a également des gens très créateurs dans le domaine de l'assurance-vie. Nous serons en mesure d'offrir des produits qui nous permettront de mieux concurrencer les banques, mais il nous faudra un certain temps pour les rattraper. Pendant toutes ces années, à cause de la politique gouvernementale, les banques ont eu l'avantage. Et ce, pendant longtemps.

M. Dick Harris: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci.

Tout d'abord, je veux que vous compreniez une chose. Je ne veux pas que vous déduisiez ma position en fonction de la question que je vais vous poser. En fait, je veux vous poser une question qui ne reflète absolument pas ma position, mais je veux tout de même que vous y répondiez.

Voici ma question. Supposons que je fasse l'acquisition d'une voiture et que j'achète séparément une radio, des rétroviseurs thermiques, au prix de 8 000 $. Mais le concessionnaire m'offre un forfait qui me permet d'obtenir la même chose pour 5 000 $. C'est la même chose si je demande à un couvreur de réparer mon toit. S'il ne fait qu'une partie du toit—parce que j'ai deux types de toits différents—, cela me coûtera la somme X. Mais étant donné qu'il sera déjà au travail chez moi, il m'offre de couvrir l'autre partie du toit et de me faire un bon prix, ce qui m'incite à conclure le marché.

Dites-moi pourquoi est-il désavantageux ou répréhensible que le client d'une institution financière qui y achète son hypothèque, y achète également son assurance habitation puisqu'à ce moment-là il n'y a qu'une comptabilité et qu'une évaluation de la maison? Assurément, cela sera bon pour le consommateur. Pourquoi devrions-nous être contre?

M. Yvon Charest: Je vous dirai simplement que votre exemple est bon pour autant que le consommateur a la possibilité de choisir entre de nombreux vendeurs pour obtenir le meilleur prix pour sa voiture ou pour sa télévision. Dans la mesure où l'on permet à un groupe d'institutions qui exercent déjà un contrôle énorme sur le secteur financier du pays, on pourrait dire qu'au cours des premières années, le consommateur aura davantage de choix. Mais après quelques années, ce choix disparaîtra et vous n'obtiendrez pas le prix intéressant que vous visez.

Si l'on considère ce qui s'est passé auparavant, vous serez forcé de constater que nous n'avons plus le choix quant aux taux d'intérêt offerts par les sociétés de fiducie et qu'on n'a plus de choix non plus lorsqu'il s'agit de faire affaire avec un courtier indépendant. Dans le contexte de la réglementation, vous dites que les institutions ayant un actif de plus de cinq milliards de dollars devraient avoir de nombreux actionnaires, mais par définition, ces institutions sont en mesure d'acheter n'importe quelle institution à n'importe quel niveau. Voilà ce qu'on dit dans le rapport MacKay.

En théorie, votre exemple des choix additionnels est plutôt bon. Mais si l'on considère le niveau de concentration qui existe au Canada, je vous invite à me dire combien d'institutions seront en lice lorsque le consommateur essaiera de choisir entre les différents produits pour obtenir le meilleur prix. Voilà mon argument, qui est fort simple. En théorie, vous avez raison, mais en pratique, dans notre pays, compte tenu de la concentration du pouvoir financier, cela ne fonctionne pas.

M. Claude Garcia: J'ajouterai que l'emballage est joli, sauf que, lorsque les banques font la publicité de leurs taux hypothécaires, elles vantent les taux d'intérêt. Je n'ai jamais vu de publicité au sujet des tarifs d'assurance. Il s'ensuit qu'elles vendent leur produit en fonction du taux d'intérêt, mais si l'on regarde d'où viennent leurs profits, le volet du domaine de l'assurance le plus rentable au Canada—et de loin—, est l'assurance-crédit. Demandez aux banquiers de vous en dire plus long là-dessus. C'est un secteur extrêmement rentable, qui représente sans doute plus de 50 p. 100 des primes. Les banques sont donc intéressées, mais je vous pose la question: est-ce dans l'intérêt du consommateur ou dans l'intérêt des actionnaires de la banque?

M. Ken Epp: J'ai une question supplémentaire. Si les banques qui offrent à l'heure actuelle des prêts hypothécaires devaient offrir de l'assurance-vie et d'autres types d'assurance, les sociétés d'assurance offriraient-elles à leur tour des assurances hypothécaires? Seriez-vous prêts à concurrencer directement les banques si cela devait se produire?

M. Yvon Charest: Tout d'abord, vous savez sans doute que les banques offrent déjà de l'assurance avec leurs prêts hypothécaires. Et c'est légal.

M. Ken Epp: Oui, ainsi que de l'assurance-automobile avec un prêt-automobile.

• 1625

M. Yvon Charest: Non. Elles offrent de l'assurance-vie avec les prêts hypothécaires. Je ne crois pas qu'elles puissent offrir de l'assurance-automobile.

M. Ken Epp: Je connais des gens qui ont acheté leur assurance-automobile auprès d'une banque.

M. Yvon Charest: Ce n'est peut-être pas...

M. Ken Epp: Peut-être pas directement.

M. Yvon Charest: Ce qui est clair, c'est que lorsqu'on signe un consentement relatif à un prêt hypothécaire, légalement le banquier est tout à fait autorisé à vous mettre sous le nez deux feuilles de papier. La première est un consentement relatif à l'hypothèque et la deuxième une offre d'assurance que vous devez accepter et signer immédiatement ou refuser. Cela, c'est certain. Cela existe déjà. Il existe déjà un marché d'au moins 250 millions de dollars en primes annuelles.

Certaines sociétés d'assurance-vie vendent déjà des hypothèques. Notre propre société vend pour 1,3 milliard de dollars d'hypothèques, mais ce n'est rien comparativement à l'ensemble du marché. Les banques ont déjà le droit de faire ce que vous venez de mentionner. Ce que souhaitent les banquiers, c'est qu'au lieu d'être autorisés à vendre des produits précis, comme celui que vous venez de décrire, ils aient la possibilité de vendre de façon générale n'importe quel produit d'assurance.

Le président: Monsieur Garcia.

M. Claude Garcia: Je voulais simplement ajouter que je ne connais aucune banque qui offre de l'assurance gratuite avec une hypothèque.

M. Ken Epp: J'en conviens.

M. Claude Garcia: Vous parlez de forfaits, mais ce ne sont pas des forfaits. Un forfait, c'est un prix unique pour tout. Mais ce n'est pas le cas en l'occurrence. Nous n'avons rien contre les forfaits. Ce qui nous dérange, c'est la vente liée.

Étant donné que dans le domaine hypothécaire la concurrence se fait sur les taux d'intérêt, tout le monde est forcé de réduire ses taux le plus possible pour être concurrentiel. Pour cette raison, personne ne groupe d'autres produits avec l'hypothèque. Mais on en vend d'autres parallèlement. On en ajoute. Et bien sûr, c'est avec ces ajouts que l'on fait des profits et non pas grâce au produit de base, c'est-à-dire l'hypothèque. Fort bien. Cependant, au bout du compte, ce contre quoi nous nous élevons, c'est la vente liée, le fait de forcer les gens à acheter un produit avec un autre. Et nous affirmons que cette pratique est beaucoup plus fréquente que ne veulent l'admettre les banques.

M. Ken Epp: Et selon votre définition, la vente liée peut s'exprimer ainsi: «Votre hypothèque ne sera pas approuvée si vous n'achetez pas aussi cela» par rapport à «Voici une hypothèque et nous vous offrons un prix très intéressant pour votre assurance si vous l'achetez ici, mais vous n'êtes pas tenu de le faire».

M. Claude Garcia: Voici un autre exemple de vente liée «Si vous ne transférez pas votre REÉR chez nous, nous ne vous accorderons pas d'hypothèque». Les clients qui se présentent dans une institution financière pour demander un prêt sont extrêmement vulnérables étant donné que le prêt en question servira à l'achat d'une maison. Pour la plupart des Canadiens, l'achat d'une maison est la transaction financière la plus importante de leur vie. L'accès à la propriété est aussi le rêve le plus répandu au Canada. Mais avant d'obtenir une hypothèque, vous devez fournir énormément de renseignements sur votre situation financière à la banque ou à tout autre fournisseur hypothécaire, de sorte que ces gens-là sont très bien renseignés à votre sujet. Voilà ce que les banques souhaitent. Elles souhaitent utiliser ces renseignements pour vendre d'autres produits.

La question est de savoir si oui ou non, cela est dans l'intérêt des consommateurs. À notre avis, les banques n'utilisent pas nécessairement les pouvoirs dont elles disposent déjà dans l'intérêt public et certainement pas dans l'intérêt des consommateurs. Il y a donc lieu de se demander pourquoi on leur accorderait des pouvoirs supplémentaires alors qu'elles n'utilisent déjà pas à bon escient ceux dont elles disposent déjà.

M. Yvon Charest: J'aimerais soulever une autre question. Quand peut-on affirmer être en présence d'une vente liée? Quand c'est uniquement une attente de la part de l'établissement, mais que le client, lui, pense qu'il n'a pas vraiment le choix?

Je suis un gestionnaire du secteur de l'assurance. Je sais que j'ai vraiment le choix. Quand j'ai renouvelé ma ligne de crédit à ma banque, on m'a offert de l'assurance. Je leur ai dit dès le début que s'ils voulaient que nous ayons de bonnes relations, je ne voulais plus qu'on me parle d'assurance. On m'a répondu: «Très bien, monsieur Charest». Deux mois plus tard, j'ai reçu un appel de quelqu'un de la même organisation qui me disait: «Vous avez bien une ligne de crédit chez nous?» J'ai répondu que oui. On m'a dit: «Mais vous n'avez pas d'assurance.» J'ai dit non et j'ai mis fin à la conversation. Le matin suivant, j'ai rappelé mon premier contact et je lui ai dit: «Je vous avais précisé que je ne voulais pas entendre parler d'assurance». Il m'a dit: «Yvon, je suis désolé, je n'ai pas de contrôle là-dessus. Mettons quelque chose dans l'ordinateur pour que tous le sachent». Puis il a dit: «Oh, désolé. Cette restriction, c'est-à-dire de ne pas parler d'assurance, n'existe pas.»

• 1630

Voici où je veux en venir: Quelle sera la réaction de la plupart des Canadiens lorsqu'ils recevront ce second appel, précisant qu'ils ont une ligne de crédit mais pas d'assurance? Se diront-ils: «Je sais tout; je sais que personne ne m'y obligera»? Ou se diront-ils plutôt: «Hum, je devrais peut-être prendre l'assurance cette fois, pour que ma ligne de crédit soit renouvelée.» C'est ce que pensera le Canadien moyen.

On ne cesse de parler de la définition des ventes liées, mais réfléchissons un instant à ce que pensera le Canadien moyen lorsqu'il recevra cet appel. Voilà où je veux en venir. Qu'est-ce qui est une vente liée et qu'est-ce qui est de la persuasion?

Le président: Monsieur Epp, je vous interromps, parce que cette question est très importante.

Je sais que vous êtes très sensible aux besoins des consommateurs et nous pourrions peut-être parler d'une question qui se rapporte aux ventes liées. Comme vous le savez sans doute déjà, le Comité des finances a demandé que soit promulgué le paragraphe 459.1 de la Loi sur les banques.

Je trouve intéressant que le rapport de M. MacKay soit allé encore plus loin que nous. Permettez-moi de lire une de ses recommandations:

    La loi devrait interdire de manière expresse aux banques et aux autres institutions financières de se livrer à des ventes liées avec coercition. À cette fin, l'article 459.1 de la Loi sur les banques devrait entrer en vigueur après avoir subi les modifications visant à en élargir le champ d'application à tous les produits de crédit, d'assurance et autres produits ou services pouvant être prescrits par règlement.

Même notre comité s'est plus concentré sur les banques que sur les autres institutions financières, même si nous avons bien demandé aux fonctionnaires du ministère des Finances si cela pouvait s'appliquer aussi aux sociétés d'assurance et aux autres institutions financières soumises à la réglementation fédérale.

Je ne sais pas s'il est juste ou non de poser cette question. Je crois que oui. Pourquoi M. MacKay ferait-il l'effort d'inclure les compagnies d'assurance et d'autres produits et services pouvant être prescrits par règlement? Pourquoi ne s'est-il pas contenté des banques?

M. Yvon Charest: La seule raison qui me vient à l'esprit, c'est d'avoir des règles semblables pour tous; partout ailleurs dans son rapport, il affirme vouloir... Je pense que d'emblée, dans la mesure du possible, il applique toutes ses recommandations à l'ensemble des institutions financières. C'est vrai tant pour les limites s'appliquant à la propriété de tous les types d'institutions, que dans ce cas-ci. Je n'ai pas du tout d'objection, puisque la différence entre les banques et nous, c'est qu'elles contrôlent le crédit du consommateur et pas nous. Je vends de l'assurance-vie et de temps en temps, les gens acceptent d'acheter un REÉR chez moi, mais je n'ai pas le contrôle qu'ont les banques sur l'obtention ou non d'un crédit.

Je n'ai donc absolument aucune objection à cela. Je crois qu'au départ, M. MacKay voulait présumer qu'à moins d'indication contraire, toutes ses conclusions devaient s'appliquer à toutes les institutions financières.

Le président: Il le ferait même s'il ne pensait pas qu'on puisse trouver des cas de ventes liées.

J'aimerais comprendre une chose: s'il n'y a pas de ventes liées dans le secteur de l'assurance, pourquoi voudrait-on l'inclure dans la loi?

M. Claude Garcia: Les banques ont soulevé la question: elles ne veulent pas être les seules visées.

Nous n'avons pas d'objection. Comme le disait Yvon, la source des ventes liées... Qui sont les personnes les plus susceptibles d'être influencées par les ventes liées? Ce sont les consommateurs et les petites entreprises.

Chez Standard Life, nous accordons beaucoup d'hypothèques aux petites entreprises mais nous n'avons jamais utilisé cette information pour vendre des produits d'assurance. Nous n'avons donc rien contre cette interdiction, si c'est le moyen de faire rentrer les banques dans le rang. Allez-y, pas de problème. Nous nous sommes bien débrouillés sans les ventes liées et nous n'avons pas l'intention de commencer cela, par respect pour le consommateur.

Le président: J'en parlais parce que vous vouliez que les règles soient les mêmes pour tous... Et je présume que c'est ce qu'on fait... On a pris en compte les compagnies d'assurance, même si elles ne font rien qui se rapproche des ventes liées.

M. Claude Garcia: Monsieur le président, permettez-moi de vous dire que parfois, c'est le consommateur qui veut lier ses achats chez nous. Ils nous disent que si nous ne leur accordons pas un prêt, ils se feront assurer par une autre compagnie. Devant cela, je réagis en disant que ce n'est pas ainsi que nous fonctionnons.

• 1635

Le président: Je soulève cette question parce que le Comité des finances s'est penché sur cette question précise. Le fait que M. MacKay veuille inclure l'assurance et d'autres produits ou services prescrits par règlement me fait croire qu'il intègre tout cela pour des raisons autres que la simple uniformité des règles.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Je viens de me rappeler une expérience que j'ai vécue avec une compagnie d'assurances. Nous parlons jusqu'ici surtout d'assurance-vie. Je me souviens toutefois très bien qu'il y a quelques années, j'ai acheté une motocyclette que j'ai voulu faire assurer. L'agente d'assurance m'a demandé si j'avais une voiture. J'ai répondu que non et on m'a dit: «Dans ce cas, nous ne pouvons pas vous vendre d'assurance pour votre motocyclette». En fait, j'avais bien une voiture, mais dès qu'on m'a posé la question: «Il y a un problème ici et je n'aime pas ça». Alors j'ai demandé: «Voulez-vous dire que je dois m'acheter une voiture pour pouvoir assurer ma motocyclette, comme l'exige la loi?» N'est-ce pas là un cas de vente liée?

M. Yvon Charest: Non. Je présume que vous parlez d'une compagnie d'assurances I.A.R.D. qui doit évaluer le risque pour chaque consommateur. Évidemment, vous ne pouvez pas conduire une voiture et une motocyclette en même temps.

M. Ken Epp: J'avais 35 ans.

M. Yvon Charest: Si vous avez les deux, la compagnie, doit évaluer les risques, en tenant compte du fait que vous ne pouvez pas conduire l'une et l'autre simultanément.

Le président: Merci, monsieur Epp.

Monsieur Charest, j'ai une question complémentaire. Dans le rapport MacKay, on parle de normes minimales de protection des renseignements personnels. À la recommandation 65, on dit:

    Le client devrait pouvoir spécifier la relation qu'il cherche à établir avec l'institution financière et les renseignements recueillis devraient se rapporter de façon précise à cette relation.

On continue avec les paragraphes a), b), c), d) et e) qui disent en gros que s'il s'agit d'un prêt, on ne parlera que d'un prêt, et de rien d'autre.

Permettez-moi de vous poser cette question. Si on met en oeuvre ces normes minimales de protection des renseignements personnels et toutes les autres protections pour le consommateur, les banques devraient-elles alors pouvoir vendre de l'assurance? Si ce qui compte le plus à vos yeux, c'est la protection du consommateur, si j'ai bien compris ce que vous nous dites jusqu'ici, si cela est mis en oeuvre, vous n'auriez plus d'objection à ce que les banques vendent de l'assurance, n'est-ce pas?

M. Yvon Charest: Au contraire.

Le président: Protégez-vous les consommateurs ou votre entreprise?

M. Yvon Charest: Non. Il faut se demander quel choix aura le client d'ici quelques années une fois que la décision sera prise d'accorder à un petit nombre de grandes banques la possibilité de vendre et de tout contrôler dans ce pays?

Le président: Alors c'est la concentration qui vous préoccupe.

M. Yvon Charest: Oui. Vous avez deux objectifs. Accroître la concurrence et le pouvoir du consommateur. Je n'ai absolument aucun problème en ce qui concerne les recommandations relatives à la protection des renseignements personnels. Je n'ai absolument aucun problème à cet égard. Cela serait bon pour le consommateur.

Le président: Alors votre opposition au fait que les banques possèdent ce renseignement et y ont accès n'est qu'une question d'intérêt secondaire.

M. Yvon Charest: Oui, c'est une question secondaire—mais si elles peuvent nous faire concurrence maintenant, et si vous leur donnez ces pouvoirs supplémentaires, quel sera le niveau de concentration d'ici 10 ans?

Le président: Merci. Monsieur Garcia.

M. Claude Garcia: Mon point de vue est peut-être un peu différent. Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, mettons ces règles en place et attendons quelques années pour voir comment les choses se déroulent, parce que nous n'avons pas trop confiance en nos concurrents. Leur comportement nous fait croire qu'il vaut mieux d'abord s'assurer que les règles marchent. Ensuite, on pourra réexaminer la question.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Messieurs Charest et Garcia, heureusement, le rapport MacKay a ramené le débat plus près de la réalité. Au départ, on parlait de fusion des banques et on parle maintenant de toute la réorganisation administrative des services financiers.

Mon parti, le Bloc québécois, demande au gouvernement fédéral s'il ne serait pas préférable de modifier le cadre juridique avant de faire approuver les fusions de façon à permettre à des gens qui ont des compagnies d'assurance et à d'autres institutions financières qui ne sont pas intéressées à se fusionner de demeurer quand même concurrentiels. Êtes-vous favorable à une telle approche ou si vous préférez que le gouvernement fasse un premier pas vers les fusions bancaires?

M. Claude Garcia: Vous parlez de modifier le cadre juridique. J'aimerais comprendre ce que vous voulez dire.

• 1640

M. Odina Desrochers: Si on procédait à la fusion bancaire dans le cadre juridique actuel, tous les autres acteurs qui ne sont pas impliqués seraient évidemment perdants. Je pense par exemple au Mouvement Desjardins, aux compagnies d'assurance et aux banques qui ne sont pas intéressées à la fusion.

M. Claude Garcia: Sur la question de la fusion des banques, je suis heureux de la façon dont le rapport MacKay a été écrit, parce que je craignais beaucoup que l'agenda des banques domine encore une fois le programme. Depuis des années, chaque fois qu'il y a eu une révision de la Loi sur les institutions financières, c'est toujours l'agenda des banques qui a été mis de l'avant. Il est important que cette fois-ci, ce soit l'agenda du consommateur plutôt que l'agenda des banques qui domine. Cela ne nous pose aucun problème pourvu qu'on égalise les chances et qu'on ait la possibilité de concurrencer les banques sur leur terrain.

Pour ce qui est de la fusion, je pense que M. MacKay et son groupe vous ont fourni un cadre utile, c'est-à-dire d'obliger les banques à faire la preuve que leur fusion est dans l'intérêt public. Je trouve cette suggestion intéressante et je pense que l'autre dimension du problème est le respect des règles de concurrence.

À la Standard Life, on n'a aucun problème devant la règle qui veut que le premier joueur ne domine pas plus de 35 p. 100 du marché et que les quatre premiers joueurs n'aient pas plus de 65 p. 100 du marché. Les chiffres que j'ai vus démontrent que les banques vont avoir beaucoup plus que cela. Les quatre premières institutions financières auraient plus que cela dans beaucoup de marchés au Canada.

Donc, il faut faire la preuve que les règles de la concurrence vont continuer de jouer. Il n'est pas évident pour moi que la fusion des quatre banques qui veulent en devenir deux est possible si on veut continuer à respecter les règles de la concurrence. Ce n'est pas en forçant les banques à vendre quelques succursales qu'on réglerait ce problème-là.

Donc, cette question-là doit être étudiée dans l'intérêt public. Les banques doivent faire une démonstration du but de leur démarche. Elles disent que c'est pour aller sur les marchés étrangers, mais ce n'est pas évident que les banques ont eu tendance à aller sur les marchés étrangers. Leurs actions ont plutôt prouvé le contraire. Je pense donc qu'il faut demander aux banques de faire la preuve que c'est dans l'intérêt du Canada, que c'est nécessaire. La fusion des banques va-t-elle aider Bombardier à vendre des avions à la Chine ou Quebecor ou d'autres entreprises québécoises ou canadiennes à faire des affaires à l'étranger?

Ce n'est pas évident. Quand Quebecor a voulu acheter QUNO, il y a quelques années, elle s'est alliée à la Chemical Bank de New York. Comment se fait-il qu'une banque canadienne n'ait pas jugé bon de financer cette transaction? Je ne le sais pas, mais c'est ce qui est arrivé.

M. Odina Desrochers: Monsieur Charest.

M. Yvon Charest: Selon nous, on devrait en priorité augmenter les pouvoirs et la compétitivité des institutions autres que les grandes banques. Telle devrait être l'urgence.

De toute évidence, je suis d'accord avec vous pour dire que la fusion des banques ne devrait pas être le point numéro un de l'agenda. J'ai constaté que le rapport MacKay s'est penché sur les nombreux rapports qui avaient été faits sur les PME et le manque de concurrence qu'il y a dans ce secteur-là. MacKay dit que, malheureusement, il n'a pas pu mettre le doigt sur le bobo et qu'il va faire une autre étude. Mais si, entre-temps, on permet la fusion des banques, la diminution du nombre de banques, une concentration plus forte, les gens autour de cette table pourront dès lors deviner le contenu du prochain rapport: les PME ne seront pas satisfaites de la concurrence qu'elles ont sur le marché canadien. Donc, pour nous, la fusion des banques ne devrait pas être le numéro un à l'agenda. On ne peut être d'accord sur cela.

M. Odina Desrochers: Vous exprimez des craintes, et je crois que vous avez raison lorsque vous dites qu'il serait facile de prendre des renseignements recueillis lors de l'ouverture d'un compte bancaire pour aller vendre des assurances si les banques vendant de l'assurance étaient... La Loi 108 qui a été adoptée au Québec ne pourrait-elle pas être reprise ici, au fédéral? On pourrait peut-être même aller plus loin pour protéger davantage l'information.

M. Yvon Charest: On va parler de la théorie plutôt que de la pratique. En théorie, le Québec contrôle les banques de données et, en théorie, le Québec dit que les agents d'assurance devraient travailler à l'intérieur de cloisons. Au niveau informatique et au niveau physique, cela se fait différemment.

MacKay, de façon étonnante, est allé plus loin en ajoutant un élément important, soit de permettre aux institutions bancaires d'utiliser les renseignements personnels. Cette seule phrase, à mon avis, va beaucoup trop loin.

• 1645

[Traduction]

Est-ce que les compagnies d'assurance changeraient leurs plans d'affaires si elles avaient accès au système canadien des paiements?

Si la loi devait permettre aux banques de se servir de tous les renseignements dont elles disposent déjà sur leurs clients, y compris les renseignements relatifs à mes 400 000 clients qui me donnent un chèque mensuel, il n'y a aucun doute que je changerais mon plan d'affaires pour empêcher les banques de savoir qui sont mes clients. Je crois donc qu'à cet égard, le Groupe de travail MacKay est allé trop loin

Voilà la théorie. En pratique, il reste encore un autre problème, même si vous réussissez à contrôler la question des dossiers électroniques. Vous pourriez stipuler qu'un employé doit travailler dans un bureau distinct. Mais il y aura à ce moment-là 10 ou 12 personnes qui travaillent dans une même succursale, et qui dînent ensemble de façon quotidienne. Un employé peut savoir qu'un client est malade, tandis qu'un autre pourrait être sur le point d'accorder à ce même client du crédit supplémentaire. Et le langage corporel, qu'est-ce qu'il indiquerait? Qu'il faut peut-être attendre un tout petit peu? Je ne sais pas. Alors du côté pratique, il y a encore un problème considérable.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai une dernière question. Monsieur Charest, vous êtes très préoccupé par la survie des compagnies d'assurance, et c'est normal. Si jamais on allait plus loin dans les fusions bancaires et qu'on permettait aux banques de vendre de l'assurance, les communautés rurales pourraient perdre de petits courtiers indépendants et on pourrait assister à une centralisation des services financiers dans les gros centres. Ne croyez-vous pas qu'il y aurait danger que les collectivités rurales perdent les services précieux qu'elles ont actuellement?

M. Yvon Charest: Vous rejoignez un petit peu le point que nous avons défendu en commission parlementaire il y a quelques mois, au Québec, où la question était: Est-ce que, oui ou non, on permet à Desjardins de distribuer de l'assurance? Vous savez, l'Industrielle Alliance est le deuxième plus gros assureur au Québec. On a une part de marché de 10 p. 100. En dehors des grands centres, bien souvent, on est le seul centre financier à l'exclusion de Desjardins. Je ne comprends absolument pas le geste du gouvernement qui, dans les toutes petites régions, où il y a deux institutions financières, permet à l'une des deux, qui contrôle déjà 40 p. 100 du marché bancaire, de vendre de l'assurance. Je comprends tout à fait votre préoccupation et c'est pour cela que j'ai du mal à voir pourquoi le gouvernement a permis à des institutions de dépôt de vendre de l'assurance.

M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Desrochers.

[Traduction]

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais poser une question aux deux témoins. Disons qu'on adopte et qu'on mette en oeuvre toutes les recommandations du Groupe du travail MacKay. Est-ce que votre secteur serait dans une meilleure situation ou si ce serait le contraire?

M. Claude Garcia: Je ne peux pas vraiment parler au nom du secteur, mais je peux parler au nom de la Standard Life. De façon générale, je crois que notre compagnie serait en meilleure posture. Nous faisons déjà concurrence aux banques dans le secteur des produits d'épargne, ce qui constitue le volet le plus important de notre entreprise, alors je crois que nous serions dans une meilleure situation.

Mais le fait qu'on n'a pas toujours eu un traitement équitable dans le passé nous inquiète toujours. Je crois qu'il incombe aux législateurs de faire des changements dans le but de restaurer une certaine équité. Ensuite, il faut prévoir une certaine période pour nous permettre de faire du rattrapage par rapport aux banques avant d'uniformiser les règles du jeu. À mon avis, c'est ça la question de fond.

Nous croyons qu'on a accordés aux banques des avantages que nous n'avions pas, si bien qu'elles ont réussi à accaparer une plus grande part du marché. Il faut uniformiser les règles du jeu avant d'accorder plus de pouvoirs aux banques. C'est cela notre préoccupation.

M. Yvon Charest: Pour répondre à votre question, je dirais que le secteur des assurances s'est vu accorder deux pouvoirs supplémentaires. Premièrement, on pensait que la SADC et la SIAP pourraient uniformiser les règles du jeu. Notre plan d'affaires ne va pas changer en conséquence. La seule chose qui va changer, c'est la perception des consommateurs en ce qui concerne la sécurité de l'institution financière. Il y a des années où cet élément-là n'est pas important. Par contre, lors d'une récession ou lors d'une crise économique, cet élément-là représenterait un véritable avantage. Mais le plan d'affaires ne va pas changer comme tel.

L'ouverture du Système canadien des paiements aiderait les compagnies d'assurance, y compris la nôtre. Mais je crains que nous ne parlions que d'accès en ce moment. Nous ne parlons pas de qui contrôlera le système ni des coûts.

• 1650

Alors, avant d'avoir vu tous les trois éléments, je dirais que je ne crois pas que ma compagnie serait avantagée si toutes les recommandations étaient acceptées.

Mme Karen Redman: Si je pouvais poser encore une question, sur le même sujet général. Le Groupe de travail MacKay dit très clairement que les fusions pourraient éventuellement être envisagées si cela est dans l'intérêt des compagnies. On ne dit pas que les fusions devraient se faire, et vous avez répondu de façon très appropriée dans le contexte des recommandations actuelles.

Mais qu'en serait-il si les fusions sont approuvées? Quelle serait votre réaction au Groupe de travail MacKay à l'égard des fusions bancaires? Quel serait l'impact sur votre industrie? Est-ce que votre réponse serait différente? C'est ma question.

M. Claude Garcia: Si les fusions vont de l'avant, je crois qu'il faudra avoir des garanties que la concurrence dans le domaine des produits offerts par les banques continuera d'exister.

Personnellement, je ne suis pas persuadé qu'il y aura une concurrence suffisante. Je ne suis pas convaincu en ce moment qu'il y aura assez de concurrence. Dans certains marchés, les quatre premières banques contrôleront 85 p. 100 du marché. Or, comment peut-il y avoir une concurrence suffisante si les quatre gros joueurs accaparent 85 p. 100 du marché?

Un professeur a déjà proposé que la banque pourrait vendre certaines succursales. Eh bien, avant de vendre la succursale la banque s'assurera de garder les clients. Si la banque est assez intelligente, elle gardera une liste des clients pour les contacter et les garder comme clients. Je ne vois donc pas comment cela pourrait corriger la situation.

À mon avis, la question de la politique de la concurrence est très importante, puisque si on n'a pas une concurrence suffisante, soit les marchés nous seront fermés, soit nous devrons pénétrer des marchés où nous n'aurons pas à concurrencer directement les banques, afin de survivre.

M. Yvon Charest: Ma réponse est similaire. Au fond, il faut examiner la part du marché de ces grandes institutions et déterminer à quel niveau cette part est jugée trop importante. Il faut tenir compte de tous les pouvoirs qu'on est disposé à donner à chaque type d'institution. Il est évident que si on permet aux banques de fusionner et de vendre des assurances, je dirais que les consommateurs n'auront pas suffisamment de choix d'ici deux ans.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: J'aimerais poser une question en complément de celle de Mme Redman, que j'ai trouvée excellente. À propos de la question de savoir si vous seriez avantagés ou non, monsieur Garcia, si je ne m'abuse, vous avez dit que vous seriez en meilleure position si toutes les recommandations étaient mises en oeuvre alors que vous, monsieur Charest, avez dit le contraire. Cette différence d'opinion est-elle un indicateur du débat en cours dans l'industrie?

M. Claude Garcia: Non, dans notre cas, elle découle du fait que 90 p. 100 de nos opérations sont dans le domaine de l'épargne. Si vous égalisez les chances au niveau de la SADC et du système des paiements, vous nous aidez dans un domaine où nous sommes déjà en concurrence directe avec les banques.

Nous ne vendons que très peu d'assurance. Industrielle Alliance vend beaucoup plus d'assurance. Nos réactions, bien sûr, seront différentes. Quand j'ai donné ma réponse, c'était au nom de la Standard Life. Nous sommes le plus gros joueur dans le domaine des pensions au Canada en ce moment, et nos activités dans ce domaine seront avantagées, et non désavantagées, par ces recommandations. Je pense donc que la réaction varie, puisque chaque compagnie a des circonstances différentes.

M. Yvon Charest: L'activité principale de notre compagnie est la vente d'assurance aux particuliers, plutôt que l'épargne. Même si nous figurons au septième rang au Canada en ce qui concerne le total des ventes, nous sommes au quatrième rang pour ce qui est des nouvelles ventes.

Nous sommes très actifs dans le secteur de l'assurance de personnes, qui pourrait représenter 40 p. 100 de nos profits et qui pourrait bien absorber 60 p. 100 de nos dépenses directes. C'est pourquoi je dis que les mesures populaires, y compris la vente d'assurance par les banques conformément à la proposition du rapport MacKay, auraient des conséquences directes pour les compagnies d'assurance qui sont très actives dans cette gamme de produits.

Le président: Ce sont des remarques très importantes, en particulier pour les téléspectateurs qui suivent ces audiences; en fait, la gamme des produits d'assurance est plus variée qu'on ne le croit.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai reçu récemment un communiqué provenant, je crois, du Bureau d'assurance du Canada, qui propose des polices d'assurance pour l'automobile, les biens et les risques divers. Ce bureau s'est prononcé résolument contre les fusions entre banques. Je voudrais citer la ligne suivante, qui résume bien sa façon de penser:

    Il ne s'agit pas de savoir s'il faut autoriser les banques à vendre de l'assurance. Elles peuvent déjà en vendre. Il s'agit plutôt de déterminer si les banques pourront utiliser leurs extraordinaires pouvoirs sur le marché pour concurrencer injustement tous les autres assureurs.

• 1655

Je suppose que la structure et l'organisation actuelles du secteur bancaire permettent aux banques de vendre pratiquement n'importe quel produit en concurrence avec notre secteur d'activité, même celui de l'épicerie, je suppose. C'est une question de degré.

Je voudrais poursuivre l'argument que vient de présenter le président. Nous parlions du secteur des services financiers, et non pas des fusions entre banques. Le sujet des fusions semble vouloir l'emporter sur les autres. Il est important pour nous de savoir si à votre avis, et compte tenu des points de vue exprimés à ce sujet dans le rapport du Groupe de travail MacKay, il est temps d'apporter des modifications importantes dans le secteur bancaire ou de modifier les règles auxquelles il est assujetti, de façon à prévoir les services qui répondent aux intérêts des consommateurs et de l'ensemble du public.

Que pensez-vous de la nécessité de restructurer le secteur des services financiers?

M. Yvon Charest: Du point de vue de la réglementation? Il est un fait que toutes les modifications apportées au cours des dernières décennies ont eu pour effet d'augmenter le pouvoir d'un petit nombre d'institutions financières. Je connais certaines personnes qui vous diraient que le changement est incontournable. À mon avis, et conformément aux objectifs du comité, c'est plutôt l'équilibre qui est incontournable. Tout le monde parle de changements et de la rapidité avec laquelle les changements s'opèrent. Ce que je voudrais vous dire, c'est qu'il faudrait viser moins de changements et plus d'équilibre. Vous me demandez quelles mesures il faudrait prendre actuellement dans ce pays; je vous répondrai qu'il faut assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs d'un petit nombre de banques et ceux des autres institutions financières.

Souvenez-vous de ce qu'on a fait au cours des années 80 dans le domaine des fiducies et des maisons de courtage. Je suis certain qu'à l'époque les changements visaient à stimuler la concurrence, à permettre à chacun de se positionner sur les différents marchés et à regrouper les produits de façon que le consommateur les obtienne à meilleur prix ou dans de meilleures conditions. Le consommateur obtient-il maintenant un meilleur service grâce à ces mesures de diversification et acquisitions?

Faut-il prendre des mesures draconiennes? Oui, s'il s'agit d'assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs de quelques banques et ceux des autres institutions financières.

M. Paul Szabo: Bien. J'accepte votre argument. Il me semble très pertinent.

Votre avis va peut-être à l'encontre du point de vue de M. Garcia, mais comme les banques sont assujetties à un ensemble de lois ainsi qu'à un régime juridictionnel précis, pensez-vous que le secteur de l'assurance soit soumis à un régime légèrement différent de lois et de règlements? Standard Life va proposer de plus en plus d'activités bancaires, tandis que les banques vont s'engager progressivement sur votre marché et pourraient même se mettre à proposer du crédit-bail pour l'automobile avant longtemps; un certain brouillard persiste et il n'est pas garanti que ce secteur d'activité soit assujetti à un régime de réglementation qui garantisse la protection des intérêts de toutes les parties en cause; qu'en pensez-vous?

Dites-vous qu'il ne faudrait peut-être pas trop se hâter d'autoriser les divers secteurs à offrir ce même ensemble de produits financiers parce que cela pourrait amener certains à choisir les meilleurs ou saper certains éléments de l'industrie sans que vous puissiez vous défendre? Est-ce vraiment une question de survie?

• 1700

M. Yvon Charest: Personnellement, je ne vois aucune objection à ce que vous décidiez que le consommateur soit plus protégé vis-à-vis de certaines institutions que d'autres. Le client est roi et je n'y vois donc pas d'inconvénient. Je m'inquiète davantage des pouvoirs que vous conférez aux institutions que des mesures que vous prenez pour défendre les intérêts des consommateurs.

Quant à savoir si c'est une question de vie ou de mort, je préférerais que le débat se situe au niveau du consommateur et je vous demanderais quel sera le choix de ce dernier d'ici 10 ans. Voilà ce que je vous répondrais. Si vous conférez des pouvoirs supplémentaires aux autres institutions, nous devrons effectivement travailler plus fort et peut-être que notre rentabilité en souffrira, mais quel sera le choix du consommateur? Tout est là. Quant à prédire la façon dont mes concurrents se serviront de leurs pouvoirs supplémentaires, de la rapidité avec laquelle ils s'en serviront, de ce que seront leurs priorités, etc., il m'est très difficile de me prononcer. Ce dont je suis certain, toutefois, c'est que le consommateur n'aura plus autant de choix.

Le président: Monsieur Garcia.

M. Claude Garcia: Une question qui est souvent soulevée et qu'Yvon a mentionnée est le fait que l'arrivée d'institutions étrangères au Canada facilitera la restructuration. Si nous regardons ce qui s'est passé depuis 10 ans, dans l'ensemble, la présence d'institutions financières étrangères a diminué au Canada. Quand la Loi sur les banques est entrée en vigueur, de nombreuses banques étrangères ont ouvert leurs portes au Canada. Depuis, un grand nombre d'entre elles sont reparties.

Dans le secteur de l'assurance, Standard Life est maintenant la seule grande compagnie d'assurance-vie qui ne soit pas canadienne. Il y a aussi Aetna, mais son actif est beaucoup plus petit que le nôtre. Toutes les grandes compagnies, comme Prudential of England, Prudential of America et Metropolitan Life se sont retirées du Canada. Quant à celles qui sont venues, il y a Fidelity, dans le secteur des fonds communs de placement, tandis que MBNA et Wells Fargo tentent de se tailler une place sur le marché canadien. Il y a eu davantage de départs que d'arrivées. ING Bank s'est installée au Canada, mais ce qu'elle fait est attribuable à l'initiative de sa direction canadienne. ING est une banque, mais elle n'est pas très active dans ce genre d'activités bancaires en Europe. Les Canadiens ont proposé cette innovation et le siège social de la banque a eu la bonne idée de les autoriser à expérimenter ce concept.

Il n'est pas si facile de se tailler une place sur le marché canadien, où la concurrence est très serrée. Le secteur des assurances est extrêmement compétitif et il n'y a pas tant de gens qui attendent d'entrer dans ce marché. Je pense que si l'on permet cette restructuration ou si l'on autorise les banques à se lancer dans d'autres secteurs d'activité, les banques vont continuer à faire ce dont Yvon a parlé, c'est-à-dire à mettre la main sur tous les secteurs des services financiers. Est-ce dans l'intérêt des Canadiens?

Voilà pourquoi je vous demande de donner aux compagnies d'assurance la chance de soutenir la concurrence sur un pied d'égalité et nous pourrons reparler de cette question dans quelques années. Les banques n'en souffriront pas. La révision en cours ne leur permettra peut-être pas de gagner beaucoup de terrain, mais elles en ont gagné lors de chaque révision précédente.

M. Paul Szabo: Je voudrais soulever une autre question qui me vient à l'esprit. Avant d'être élu, je travaillais pour TransCanada PipeLines, une compagnie de services publics réglementée qui devait aller devant l'Office national de l'énergie pour qu'il établisse son taux de rendement, etc. TransCanada a obtenu un taux de rendement garanti à la suite des audiences qui se sont déroulées, mais lorsqu'elle a changé de propriétaire—je pense que c'est Dome Petroleum qui a racheté les intérêts de CP—, elle s'est lancée dans des activités pétrolières et gazières non réglementées dont on a tenu compte pour l'évaluation de l'entreprise.

L'une des questions les plus cruciales qui a été soulevée au moment des audiences sur le calcul du taux de rendement était de savoir s'il y avait ou non interfinancement d'une activité non réglementée assortie de revenus ou de profits réglementés. Quand on songe au champ d'activité de chacun, envisagez-vous que puissent survenir des problèmes analogues et qu'un secteur ou un élément d'une entreprise puisse servir de fournisseur d'interfinancement pour un autre dans la mesure où des pertes seraient en cause? Pourrait-on faire quelque chose comme cela simplement pour rehausser d'autres aspects de l'entreprise sans qu'il soit évident que c'est ce que l'on cherche à faire?

Y a-t-il une possibilité d'interfinancement des services?

• 1705

M. Claude Garcia: Je pense que pour quiconque possède un poids financier suffisant, c'est une possibilité, mais pour le moment l'interfinancement peut être préjudiciable car cette possibilité risque de vous amener à bâtir une entreprise qui ne sera peut-être pas viable.

J'espère que vous n'allez pas proposer que nous soyons tenus de demander l'autorisation de changer nos prix, car je ne pense pas que ce soit acceptable.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Au cours des dernières années, et en particulier de l'année qui vient de s'écouler, nous avons beaucoup entendu parler de la consolidation des intérêts dans le secteur de l'assurance. Et pourtant, je ne me souviens pas d'avoir entendu d'autres assureurs ou sociétés d'assurance se plaindre de cette concentration du pouvoir ou concentration du marché. Pourquoi? Pourquoi est-ce répréhensible lorsque les banques le proposent alors que dans les faits, c'est déjà pratique courante parmi les sociétés d'assurance?

M. Yvon Charest: Le Canada compte plus de 140 sociétés d'assurance. Si l'on prend la part du marché des principales sociétés d'assurance, depuis deux ans, 10 des 30 principales sociétés d'assurance, c'est-à-dire un tiers, ont fait l'objet de fusions ou d'acquisitions. Mais il n'est reste pas moins que la part du marché des cinq premières sociétés d'assurance, peu importe leur secteur d'activité, demeure relativement petite comparée à celles des banques.

Dans le domaine de l'assurance individuelle des personnes, la part du marché des cinq principales sociétés s'établit à 57 p. 100. Pour l'assurance-groupe, c'est 60 p. 100. Pour le marché de l'épargne, 65 p. 100. Et il faut se rappeler que dans le marché de l'épargne, la comparaison prend en compte toutes les institutions financières, de sorte que 65 p. 100, cela ne veut pas dire grand-chose. Restent les pourcentages de 57 et 60 p. 100 pour les cinq principales sociétés d'assurance après le processus de consolidation dont on a été témoin récemment, y compris l'acquisition de la London Life par la Great West. Par contre, la part du marché des cinq principales banques canadiennes serait de plus de 90 p. 100.

M. Roger Gallaway: Merci.

En outre, je pense que c'est au printemps dernier que notre comité a examiné les dispositions relatives à la vente liée. Je crois me rappeler que le comité n'a été saisi que d'un seul exemple de vente liée. J'ai trouvé intéressant qu'un seul représentant de compagnie d'assurances ait comparu devant le comité à ce sujet, et pourtant les intervenants du milieu parlent maintenant beaucoup de ventes liées. Où étiez-vous la dernière fois? Pourquoi est-ce apparemment une préoccupation plus vive maintenant qu'il y a six mois?

M. Claude Garcia: Pourquoi? J'avoue que j'ai raté vos audiences. C'est tout. L'exemple que je vous ai donné aujourd'hui, je l'ai aussi soumis au Groupe de travail MacKay en novembre de l'année dernière.

M. Roger Gallaway: Une dernière question. On me dit que votre secteur doit absorber des frais généraux extrêmement élevés à cause de votre système de prestation de services, qui exige de nombreux agents. En fait, 20 p. 100 sont directement imputables aux frais généraux liés à la prestation de services.

Que pouvez-vous dire à la personne qui se présente chez vous en disant: «Je veux acheter de l'assurance à terme. Je sais ce que je veux et je préférerais avoir la possibilité de m'adresser à une banque et d'acheter un produit directement. On suppose que les frais généraux sont plus faibles étant donné que la banque n'amasse pas énormément de renseignements et n'envoie aucun agent au domicile d'un client éventuel.» J'appelle cela le produit générique de l'assurance-vie, l'assurance à terme.

Ce que je dis, c'est que du point de vue du consommateur, quel mal y aurait-il à permettre aux banques de vendre des produits d'assurance?

M. Claude Garcia: Les banques veulent vendre de l'assurance avec d'autres produits. Elles ne veulent pas vendre uniquement de l'assurance. Cela ne les intéresse pas. Elles veulent vendre de l'assurance à condition qu'elles puissent lier cela à un autre produit.

• 1710

Le meilleur exemple c'est l'assurance crédit. L'assurance crédit est extrêmement rentable pour les banques. Les consommateurs ne profitent pas de la faiblesse de coûts de distribution de l'assurance crédit. Vous avez bien raison, ces coûts sont très faibles, car cette assurance est offerte au consommateur en même temps qu'il souscrit une hypothèque, un prêt automobile ou tout autre prêt.

M. Roger Gallaway: Je pense qu'il faut établir une distinction entre ce qui, d'une certaine façon, tient à la convergence des marchés... Ce que je veux dire, c'est que l'on peut aller à Loblaws maintenant et y faire des transactions bancaires, y acheter son épicerie et acheter de l'essence, et ce sont autant de «produits». Les banques disent que ce n'est pas de la vente liée; les produits sont offerts en faisceaux. Autrement dit, vous allez à la banque et vous achetez une gamme de services financiers. Offrir cette gamme n'est pas, en soi, faire de la vente liée.

M. Claude Garcia: Non, c'est de l'intégration.

M. Roger Gallaway: Et qu'est-ce qui interdit l'intégration?

M. Claude Garcia: Nous en faisons un peu nous-mêmes. Lorsque nous vendons de l'assurance-vie, nous vendons de l'épargne associée à de l'assurance. Si on dit qu'on ne peut pas intégrer nos produits, nous aurons des problèmes.

Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. La vente liée, c'est lorsque vous forcez des gens à acheter un autre produit. Comme je l'ai déjà dit, lorsque vous souscrivez une hypothèque auprès d'une banque, on n'y intègre jamais l'assurance. C'est toujours vendu séparément. Donc, si le consommateur est forcé d'acheter l'assurance auprès de la banque, c'est de la vente liée.

Je ne connais aucune banque qui offre une hypothèque liée à une assurance, parce qu'elle ne peut pas se le permettre. Tout le monde se livre concurrence sur le taux d'intérêt de l'hypothèque. Donc, comme on se livre concurrence là-dessus, on élimine tous les coûts pour offrir le taux le plus bas possible pour amener le consommateur à acheter. Une fois le consommateur entré dans l'établissement, on lui vend alors d'autres produits. Ce n'est donc pas de l'intégration. La vente liée et l'intégration sont des choses différentes. L'intégration, c'est lorsque nous avons un seul prix pour un ensemble de produits. Si l'on interdit l'intégration, toutes les cartes de crédit émises au Canada seraient offertes illégalement parce qu'elles sont toutes associées à autre chose, tel que de l'assurance, etc. Mais il n'y a qu'un seul prix pour l'ensemble; voilà la différence.

M. Roger Gallaway: Merci.

M. Ken Epp: Il me semble que vos préoccupations au sujet de l'accès au système des paiements se composent de deux parties. D'une part, il y a le coût; en fait, vous êtes contraint de prendre des dispositions pour que des tas de profits passent aux banques, vos concurrents. Le deuxième aspect, c'est le transfert de l'information.

Ai-je raison de comprendre que vous voudriez avoir accès au système des paiements? C'est exact, n'est-ce pas?

M. Yvon Charest: Oui.

M. Ken Epp: Cela signifie qu'en votre qualité de compagnie d'assurances, vous commenceriez à émettre des chèques que vos clients pourraient utiliser et vous pourriez émettre des chèques directement par l'entremise du système des paiements.

M. Yvon Charest: L'avantage manifeste d'accéder au système des paiements serait d'accélérer considérablement le transfert d'argent à nos clients sans nécessairement recourir à une banque. J'ai deux exemples. Le premier est celui du chèque de pension mensuel que nous versons à tous nos clients. Au lieu de l'envoyer à un compte en banque, nous lui remettrions cet argent dans un compte où il pourrait puiser à volonté, en se servant d'Interac, par exemple. Cet argent sera versé dans un compte qui nous appartient, plutôt que d'appartenir à une banque.

M. Ken Epp: D'accord.

M. Yvon Charest: Le deuxième aspect, c'est que nous offrons de nombreux produits assortis de primes variables, de sorte qu'en ayant accès au système de paiements le client pourra—sans appeler un agent qui appellera lui-même le siège social, etc.—, à n'importe quel moment, investir dans des produits particuliers ou s'en défaire. Le consommateur bénéficiera donc de plus de souplesse, de rapidité et, ce qui est le plus important, il aura un meilleur accès à son propre argent.

À l'heure actuelle, lorsque nous devons rembourser un client, nous devons préparer un chèque, l'envoyer dans un compte bancaire et ensuite, le client doit puiser l'argent dans le compte bancaire en question. Il va de soi que nous utiliserons le système de paiements pour accélérer la rapidité des transferts d'argent entre la société d'assurances et le client puisque nous n'aurons pas à passer par l'intermédiaire d'une institution de dépôts.

M. Claude Garcia: J'accepte ce qu'Yvon vient de dire, mais j'ajouterais que nous souhaitons avoir accès à la régie du système de paiements. La structure de régie devra être modifiée pour que nous puissions avoir notre mot à dire dans le processus décisionnel.

• 1715

Au Canada, les banques viennent tout juste de commencer cette pratique. Il leur a fallu longtemps. Par exemple, mon compte de téléphone est maintenant payé automatiquement; la somme est débitée de mon compte de banque tous les mois. C'est très récent. Cela est une pratique bien établie en Europe depuis longtemps, mais elle vient à peine de commencer au Canada. Il y a quantité d'autres choses comme celle-là.

Nous voudrions avoir accès à la régie car nous imaginerons certainement nous-mêmes des produits supplémentaires, des façons créatrices d'utiliser le système de paiements à notre avantage ou à l'avantage de notre clientèle, notamment pour lui offrir de meilleurs produits. Par conséquent, il faut que nous ayons accès à la régie du système et non seulement au système proprement dit.

En outre, comme l'a signalé Yvon, il faut fixer le bon prix, quoique cela ne m'inquiète pas tellement étant donné que le récent jugement du tribunal de la concurrence était très clair. Dans mon esprit, cette question est réglée.

M. Yvon Charest: Pour que vous compreniez bien, l'accès consiste en un règlement qui stipule qu'à partir de maintenant vos amis chez les libéraux n'auront d'autre choix que de vous permettre d'entrer dans cette maison. Ça, c'est l'accès. La régie d'entreprise dicte combien de temps vous devrez rester à l'extérieur en hiver et combien il vous en coûtera pour entrer dans cette maison. L'accès est donc la toute première étape.

M. Ken Epp: Étant donné que vous n'avez pas du tout abordé ce sujet, j'aimerais savoir dans quelle mesure il vous importe d'avoir votre propre petite banque pour effectuer vos transferts de paiements. Sans doute que j'utilise à tort le terme «banque», mais vous souhaitez être habilités à émettre des chèques à vos clients et que ceux-ci puissent encaisser cet argent à leur guise. Ce que vous avez passé sous silence, c'est que cela signifie qu'il y aura une accumulation de capitaux inactifs tant que les consommateurs n'auront pas à rédiger de chèques. À l'heure actuelle, ce qui se passe, c'est que l'argent est transféré de la société d'assurances à la banque et que la banque est assise sur une pile d'argent inactif en attendant que le consommateur en fasse usage. Est-ce important?

M. Claude Garcia: Bien sûr. Pourquoi cet argent devrait-il rester inactif dans le compte de la banque? Pourquoi devrait-il rester là plutôt que dans notre propre compte?

M. Ken Epp: D'accord, c'est donc...

M. Claude Garcia: Nous pourrions aussi offrir à notre clientèle des cartes de débit, étant donné que l'accès au système de paiements signifie que nous aurons accès à Interac.

Les banques ont été astucieuses. Elles ont organisé Interac à l'extérieur du système de paiements. Pourquoi pensez-vous qu'elles ont agi ainsi? M. Protti doit comparaître tout à l'heure, et vous devriez lui poser la question. Nous soupçonnons que c'est parce qu'elles ne voulaient pas que le gouvernement fédéral mette son nez là-dedans. Elles voulaient que cela constitue une entité distincte car cela présentait des avantages pour elles.

Ce que nous disons c'est que nous voulons y avoir accès. Nous pourrions remettre une carte de débit à nos rentiers. Ils pourraient s'en servir pour en retirer de l'argent lorsqu'ils en ont besoin, comme ils le font actuellement à partir de leur compte en banque.

M. Ken Epp: Avec des frais de transaction beaucoup moins élevés.

M. Claude Garcia: Espérons-le, ou il pourrait s'agir d'un compte en banque sans frais de service.

M. Yvon Charest: Personnellement, j'y vois une question de rapidité. Si vous avez un régime d'épargne-retraite auprès d'une banque et que vous voulez retirer de l'argent le 31 décembre, vous savez que ce sera fait immédiatement étant donné que la banque contrôle tout le processus. Si ce même client vient nous voir le 31 décembre, nous ne pourrons pas lui donner satisfaction sur-le-champ. Nous lui dirons: «Voici un chèque». Par conséquent, chaque fois que vous examinez des lois et des règlements, je suis certain qu'il est très souvent question de la rapidité. Personnellement, je dirais que le principal facteur de changement est la rapidité plus que n'importe quoi d'autres.

M. Claude Garcia: Il faut aussi penser à l'avenir. Bientôt, nous n'aurons plus d'argent dans nos poches.

M. Ken Epp: Nous n'en avons déjà plus beaucoup; l'impôt nous saigne à blanc.

M. Claude Garcia: Je suis d'accord.

L'argent qu'il nous reste sera remplacé par un portefeuille électronique. Si le système ne change pas, ce portefeuille électronique sera émis par les banques. Nous ne ferons que réécrire l'histoire. Jusqu'en 1935, c'était les banques qui émettaient la monnaie au Canada. En 1935, le gouvernement a décidé que c'était à l'État de s'en charger. La Banque du Canada est donc devenue l'émetteur de la monnaie. Si nous passons à l'argent électronique, étant donné la façon dont les choses sont structurées actuellement—et je sais que mon ami Gordon Thiessen s'y intéresse, car nous en avons discuté—, les banques recommenceront à faire ce qu'elles faisaient avant 1935. Ce sont elles qui émettront la monnaie.

• 1720

C'est pourquoi, en voyant tout ce qui se passe, nous disons qu'il faut l'empêcher. Nous devons intervenir d'une façon ou d'une autre sans quoi nous allons nous faire dévorer et cela, parce que les gens auront accès à toutes les commodités. Les banques représenteront toujours la commodité. Ce n'est certainement pas dans l'intérêt du consommateur, mais ce sera une question de commodité, simplement parce que le législateur aura décidé que c'est la chasse gardée des banques.

Le président: J'ai une dernière question à poser avant de céder la parole à Mme Bennett.

Pour en revenir à une question que j'ai posée précédemment à propos des normes minimums de protection de la vie privée—ce dont M. MacKay parle dans son rapport—, il a été établi, je pense, que c'était quelque chose de positif pour les consommateurs. Mais, M. Charest—et je crois que M. Garcia est d'accord—, vous dites que c'est la concentration du pouvoir qui vous inquiète. Le problème est là.

Si nous pouvions légiférer pour assurer des normes minimums pour la protection des renseignements personnels, cela calmerait vos inquiétudes quant au fait que les banques pourraient utiliser ces renseignements à mauvais escient même si vous semblez en douter, monsieur Charest, car vous dites que ce ne n'est pas ce qui se passe en réalité. Devrions-nous quand même aller dans cette voie?

Également, vous dites que la concentration du pouvoir vous empêcherait de concurrencer les banques et réduirait donc le choix offert aux consommateurs. Est-ce bien ce que vous pensez?

M. Yvon Charest: Oui. Si nous commençons par la deuxième question, il est certain qu'au départ le consommateur aura plus de choix. Une autre institution financière vendra de l'assurance. Je ne dis pas le contraire, mais, à moyen terme, le consommateur aura moins le choix.

Pour ce qui est de la première question, comme je vous l'ai dit, je ne vois aucune objection personnellement aux recommandations visant à assurer une meilleure protection des renseignements personnels. Néanmoins, ce ne garantira pas, selon moi, que si les banques ont davantage de latitude pour la vente au détail de l'assurance... N'allez pas croire que cela protégera davantage le consommateur. Mais pour ce qui est de lui accorder une meilleure protection, je ne vois absolument aucune objection aux recommandations telles qu'elles sont.

Le président: L'un des postulats du rapport MacKay est qu'il faut stimuler l'esprit d'entreprise dans le secteur des services financiers. Voyez-vous cette possibilité?

L'entrée d'institutions étrangères soulève des questions, car vous dites que le système est trop compétitif pour le permettre - c'est ce que vous avez dit, je crois. J'en conclus que notre système est compétitif. Comment voyez-vous s'appliquer la culture entrepreneuriale du modèle MacKay?

M. Yvon Charest: Personnellement, je ferais une ou deux recommandations pour faciliter l'entrée de nouvelles institutions. Il faudrait un régime plus souple tenant compte de l'actif de l'organisation.

En principe, le rapport MacKay a raison de vouloir promouvoir l'esprit d'entreprise, mais en pratique, j'ai bien peur que peu de gens veuillent entrer sur le marché si trois des acteurs accaparent à eux seuls 65 p. 100 de ce marché. Ce sont de bonnes idées, mais si vous autorisez les fusions, vous vous retrouverez avec des institutions énormes, et rares sont les nouvelles institutions qui voudront pénétrer ce marché, même si les règles sont assouplies.

M. Claude Garcia: Je crois qu'il y a actuellement des gens ayant l'esprit d'entreprise dans le secteur des services financiers. Il y en même beaucoup. Un grand nombre de courtiers d'assurance sont des gens très entreprenants. Les propriétaires de petites entreprises font un excellent travail.

Il y a donc des tas de gens qui ont l'esprit d'entreprise. Ce n'est pas cela qui m'inquiète. Mais la meilleure façon de favoriser l'esprit d'entreprise, selon moi, est de veiller à ce que tout le monde soit sur un pied d'égalité et à ce que nous puissions concurrencer les grosses banques. Ce qui nous préoccupe, c'est que nous ne sommes pas sur un pied d'égalité avec elles. Elles ont plus de pouvoir et d'avantages que nous et il faut changer cela. L'esprit d'entreprise pourra alors se développer et il sera plus facile aux institutions étrangères d'entrer sur le marché.

• 1725

De nombreuses restrictions les empêchent d'entrer. Par exemple, même si la nouvelle loi a été recommandée, le gouvernement ne l'a pas encore promulguée, et les banques étrangères ne sont autorisées à ouvrir une succursale au Canada que si elles n'offrent pas de services au détail. Si vous voulez offrir des services au détail, vous allez devoir constituer une banque distincte. Pourquoi?

Le président: Vous êtes tous les deux des experts dans votre domaine. Je me demande seulement quand vous souhaitez que ces changements soient faits. Parlez-vous des cinq prochaines années, des dix, vingt ou trente prochaines années? Quel échéancier prévoyez-vous?

M. Claude Garcia: De quel changement parlez-vous, des changements technologiques, des changements législatifs ou...?

Le président: Je parle de la mise en oeuvre du rapport MacKay. Quel échéancier envisagez-vous?

M. Claude Garcia: Pour ce qui est de la recommandation que j'ai faite, je voudrais qu'elle soit appliquée d'ici deux ans et que l'on fasse ensuite un nouvel examen pour voir comment les banques s'y conforment. Pour le moment, elles ne respectent même pas la loi telle qu'elle est. Alors comment pouvez-vous être certain qu'elles le feront?

M. Yvon Charest: Je suis davantage expert dans mon domaine que dans celui de prédire combien de temps il faudra pour appliquer ces recommandations. Je pense que vous êtes mieux placés que moi. Il y a là de nombreuses recommandations et il me paraît difficile d'appliquer la plupart d'entre elles au cours des deux ou trois prochaines années. Ces recommandations sont nombreuses.

Le président: Le rapport MacKay est très précis au sujet de l'assurance en disant que ces mesures devraient être prises à compter de 2002.

Je vais laisser Mme Bennett poser la dernière question.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

Si j'ai bien compris, vous préféreriez que les banques ne soient pas autorisées à vendre de l'assurance. Vous avez distribué le mémoire que vous avez remis au groupe de travail en novembre 1997, mais vous n'en parlez pas de façon précise. Si vous voulez nous convaincre que ce serait une mauvaise chose, pourriez-vous nous citer des exemples de cas où cela a eu des répercussions négatives pour les consommateurs, aux États-Unis ou en Europe? Les organisations de consommateurs des États-Unis s'en inquiètent-elles ou y sont-elles habituées? Si nous n'autorisons pas ce changement parce que c'est mauvais pour les consommateurs, quels arguments pourrions-nous invoquer?

M. Claude Garcia: Voici un résumé du mémoire. Notre mémoire porte sur la question que j'ai soulevée d'entrée de jeu car à mon sens, c'est là que se situe le problème à l'heure actuelle. Il y a d'autres pays où les banques sont autorisées à vendre de l'assurance, mais par contre, les systèmes d'assurance-dépôts qui y existent ne sont pas inégaux. Il y a de nombreuses autres caractéristiques qui n'existent pas là-bas et qui existent au Canada.

Comme je l'ai dit, nous livrons déjà concurrence aux banques. Ainsi, on peut se procurer un REÉR et un FERR auprès d'une banque, d'une société d'assurances, d'un vendeur de fonds mutuels, d'une coopérative de crédit, d'une caisse populaire ou d'un agent d'investissement. Tout le monde peut vendre des REÉR; tout le monde peut vendre des FERR.

Il y a donc une concurrence très vive. Le hic, c'est que les banques ont un avantage indu à l'égard de tous ces produits à cause de l'assurance-dépôts. Voilà pourquoi notre mémoire porte essentiellement là-dessus. Cela représente 90 p. 100 de notre chiffre d'affaires. Lorsque j'étais écolier, on m'a dit que si l'on voulait réussir, il ne fallait pas trop s'éparpiller, qu'on devait plutôt se concentrer sur un objectif précis. Voilà pourquoi notre mémoire se concentrait là-dessus.

J'estime que la vente d'assurance dans les succursales est une question différente. Elle devrait être réglée. Il faut égaliser les chances et ensuite, nous pourrions discuter de cela. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas abordé le sujet. Nous sommes d'avis que les règles ne sont pas les mêmes pour tous à l'heure actuelle et qu'il faut qu'elles le deviennent.

M. Yvon Charest: Vous devriez dire à vos clients que la seule raison de ne pas autoriser cette initiative réside dans la concentration de pouvoirs. Voilà la raison. J'ai lu un article où l'on disait que seules les compagnies d'assurance étaient contre le rapport MacKay. Ma foi, les banques possèdent déjà tout le reste. Les seuls rivaux des banques à l'heure actuelle sont les compagnies d'assurance. Manifestement, c'est la seule raison pour laquelle on dit que seules les compagnies d'assurance sont contre les banques.

Mme Carolyn Bennett: D'accord. À propos d'égaliser les chances, le groupe MacKay recommande les rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Pensez-vous être en mesure de faire ce genre de chose? Est-ce une recommandation que vous acceptez?

• 1730

M. Claude Garcia: Oui, en principe. Il faudra voir où cela mène.

M. Yvon Charest: La responsabilité envers la collectivité... de quelle partie s'agit-il exactement?

Mme Carolyn Bennett: Il s'agit de la recommandation 99.

M. Yvon Charest: Je ne suis pas sûr de comprendre les motifs qui militent en faveur d'une telle recommandation dans une industrie où la concurrence est déjà farouche. En l'absence de concurrence, je comprends la recommandation. Mais si je devais dresser une liste de priorités, il est évident que cela ne figurerait pas en tête de liste.

Comme je l'ai mentionné, lorsque j'ai lu la recommandation, j'ai essayé d'en comprendre les motifs et de voir pourquoi on exigerait cela pour un secteur et non pas pour d'autres. Est-ce parce que certaines institutions ont une telle envergure que la collectivité aimerait savoir dans quelle mesure cet organisme énorme contribue à leur propre ville ou région?

Pour un secteur comme l'assurance-vie, où il existe déjà de nombreuses sociétés d'assurance, je ne suis pas sûr que la collectivité demande cela. Si c'est le cas, eh bien nous ferons de notre mieux pour nous plier à cette recommandation. Je doute que la collectivité exige cela de notre propre industrie.

Je suis curieux de savoir dans quelle mesure la collectivité voudra exiger cela de notre secteur, en plus de l'exiger des banques. Je pense que c'est une autre recommandation dictée par la volonté du groupe MacKay de faire en sorte qu'il n'y ait pas de passe-droit.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Au nom du comité, je vous remercie beaucoup. Vous avez fait un exposé éloquent et vous avez soulevé des arguments très intéressants, particulièrement au sujet de la concentration du pouvoir entre les mains d'une poignée d'établissements. Je pense que nous avons également établi le fait que tous les intervenants du secteur se soucient de la protection du consommateur, tout comme M. MacKay, évidemment. Je pense que grâce aux normes minimales de protection des renseignements personnels qu'il souhaite imposer, nous ferons de grands progrès pour favoriser l'observation des règles. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

Nous allons faire une pause de cinq minutes environ et nous reviendrons pour entendre l'Association des banquiers canadiens.

• 1733




• 1741

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Je souhaite la bienvenue à M. Raymond Protti et à M. Alan Young, de l'Association des banquiers canadiens.

Monsieur Protti, vous savez certainement comment fonctionne le comité. Vous avez environ 10 à 15 minutes pour votre déclaration liminaire et ensuite, nous passerons à la période de questions et réponses, qui est habituellement une partie très intéressante de nos audiences de comité. Monsieur Protti, vous avez la parole.

M. Raymond Protti (président et chef de la direction, Association des banquiers canadiens): Je vous remercie beaucoup de votre accueil. Alan Young et moi-même sommes ravis d'être sitôt de retour environ une semaine après notre dernière comparution.

[Français]

Monsieur le président, nous vous remercions de votre invitation. Le 14 septembre dernier, nous étions ici et nous vous avions présenté de l'information sur le secteur bancaire, ses intervenants, ses activités et certains des grands changements qui caractérisent les banques du Canada. Aujourd'hui, nous comptons vous faire part de commentaires préliminaires sur le rapport du groupe de travail MacKay. Nous vous remettrons également des observations un peu plus détaillées sur des aspects précis du rapport.

[Traduction]

Monsieur le président, nous avons fourni à vos collègues et à vous-même un mémoire qui énonce notre réaction préliminaire au rapport du Groupe de travail MacKay. Avant d'aborder certaines questions spécifiques, je tiens à souligner que les observations formulées dans notre exposé sont limitées par deux facteurs. Premièrement, le rapport du groupe de travail—rendu public il n'y a que quelques jours—est volumineux et contient énormément d'information et d'idées. Au cours des semaines à venir, nous analyserons en profondeur et examinerons en détail les implications de cet important ouvrage.

Deuxièmement, le gouvernement étudie présentement deux projets de fusion proposés par quatre de nos banques membres. Ces projets de fusion sont le fait de décisions prises par chacune de ces institutions et, à ce titre, l'ABC n'a pas de rôle à jouer en tant qu'association sectorielle. En outre, l'opinion de nos banques membres est partagée en ce qui a trait à ces projets de fusion et à leurs répercussions sur l'avenir du secteur des services financiers. C'est pourquoi notre exposé n'aborde pas les questions du rapport liées aux délibérations du gouvernement ou de votre comité qui portent sur les fusions bancaires et sur les autres enjeux d'intérêt public qui découlent de ce débat. Ainsi, le point de vue de nos banques membres divergent quant à la pertinence de certaines des approches réglementaires plus activistes proposées par le groupe de travail.

Par conséquent, bien que nous commenterons de façon préliminaire un certain nombre de questions, nos observations ne portent pas sur les 124 recommandations du rapport du groupe de travail. Toutefois, le fait que nous ne commentions pas certaines de ces questions ne signifie pas que nous souscrivons nécessairement aux recommandations du groupe de travail.

Je remarque, monsieur le président, que le comité a invité chacune de nos grandes institutions membres à comparaître devant vous. Vous serez donc à même d'obtenir leur opinion dans les semaines à venir.

Le secteur bancaire canadien attendait le rapport du groupe de travail avec impatience. Ce rapport est le fruit de plus de 20 mois de recherche indépendante et d'analyse exhaustive. Par le biais des consultations publiques qui se tiendront cet automne devant le présent comité et le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, nous bénéficierons de plusieurs autres mois de révision approfondie. Toutes ces étapes sont nécessaires et importantes.

J'aimerais à présent passer au rapport du groupe de travail et à nos observations à l'égard de certaines de ses propositions et de ses recommandations.

• 1745

À notre avis, le rapport est un document fort imposant—bien documenté, sérieux et exhaustif. Il énonce une vision claire de l'avenir du secteur canadien des services financiers, une vision qui repose fondamentalement sur un consommateur souverain et habilité. En fait, le groupe de travail pose une question clé qui est à la base de sa vision de l'avenir du secteur des services financiers: «Que devraient attendre les consommateurs de leur système financier?»

Tout le contenu du rapport, y compris les structures institutionnelles et le cadre de réglementation recommandés par le groupe de travail, découle de cet accent mis par le groupe de travail sur un consommateur souverain et habilité. Nous croyons qu'insister ainsi sur le consommateur souverain est ce qu'il convient de faire.

Dans le mémoire que nous avons présenté au groupe de travail en octobre 1997, nous décrivions en détail un système de réglementation idéal qui serait centré sur les intérêts et sur les besoins des consommateurs canadiens ainsi que sur les avantages, pour les consommateurs et pour l'ensemble de l'économie, qui découleraient d'un secteur financier dont les derniers obstacles seraient abolis.

Cet après-midi, j'aimerais aborder deux volets. En premier lieu, je vous ferai part de nos observations préliminaires à l'égard de certaines recommandations spécifiques du rapport qui nous semblent appropriées pour favoriser les intérêts des consommateurs. En second lieu, je cernerai les domaines où nous pourrions proposer certaines solutions de rechange en vue d'atteindre les résultats que le groupe de travail considère souhaitables, lesquelles pourraient modifier les mécanismes dont il est question dans le rapport.

Passons à présent à nos observations préliminaires à l'égard de certaines recommandations du rapport. Ma déclaration liminaire ne reprend pas toutes les questions qui figurent dans le mémoire que vous avez en main.

Le groupe de travail recommande l'accroissement du nombre de concurrents visant la clientèle canadienne et suggère des moyens de lever les obstacles existants et de favoriser la venue de nouveaux intervenants. Même si l'ABC estime que le marché canadien des services financiers est très concurrentiel, nous faisons bon accueil à la perspective d'un nombre de concurrents encore plus grand, offrant un choix encore plus vaste aux consommateurs.

Dans le mémoire que nous avons présenté l'année dernière au groupe de travail, nous avons réaffirmé notre soutien aux politiques qui favorisent la concurrence dans les services financiers, y compris l'établissement de succursales de banques étrangères selon des règles mettant les banques étrangères et les banques d'ici sur un pied d'égalité. Nous avons également fait valoir cet appui lors de notre comparution devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes à l'automne 1997 et, de nouveau, dans le mémoire que nous avons remis au présent comité au mois de janvier 1997. À l'instar du groupe de travail, nous sommes d'avis qu'un plus grand nombre de concurrents offrant plus de produits et de services est à l'avantage du consommateur canadien et nous espérons bien que le gouvernement adoptera au plus tôt une loi sur l'établissement de succursales de banques étrangères au Canada.

Dans les domaines de la protection de la vie privée, de la vente liée avec coercition, de la déclaration de l'information relative au financement des petites et moyennes entreprises et des mesures de redressement offertes aux consommateurs, le groupe de travail recommande que toutes les mesures mises en place pour protéger les consommateurs s'appliquent à l'ensemble du secteur. Nous constatons avec satisfaction que le groupe de travail comprend très bien que les mesures de protection des consommateurs ne devraient pas s'appliquer uniquement aux banques, mais devraient couvrir l'ensemble du secteur financier. Agir autrement serait contraire à l'intérêt du consommateur.

De même, il est à l'évidence dans l'intérêt du consommateur d'établir des règles du jeu équitables en ce qui a trait à qui peut procurer quels services aux consommateurs et à quelles conditions. Se guidant sur les préférences et sur les besoins des consommateurs, et fort d'une recherche imposante et impartiale, le groupe de travail recommande la levée des restrictions qui interdisent aux institutions de dépôts fédérales de vendre au détail une gamme complète de produits d'assurance dans leurs réseaux de succursales et d'offrir des services de financement de véhicules légers par crédit-bail. Le groupe de travail conclut non seulement que les consommateurs bénéficieront d'un meilleur choix dans les domaines de l'assurance et du crédit-bail automobile, mais il souligne également que les priver de ce choix «serait contraire à l'intérêt public».

Il est difficile d'expliquer pourquoi le groupe de travail n'est pas aussi pressé de procurer aux consommateurs les avantages d'une concurrence accrue dans les domaines de la vente au détail d'assurances et du financement par crédit-bail, qu'il ne l'est dans d'autres domaines du rapport, notamment en ce qui concerne l'élargissement de l'accès au système de paiements. En outre, si des mécanismes appropriés de protection des consommateurs sont en place, pourquoi l'accès des consommateurs à ces produits serait-il retardé?

• 1750

Avant de poursuivre, je signale que certains vous diront que l'entrée des banques dans les domaines de la vente au détail d'assurances et du crédit-bail automobile provoquera un marasme économique et des pertes d'emplois massives. Le groupe de travail a mené une recherche exhaustive et, sans émotion ni rhétorique, a examiné cette question pendant près de deux ans. Son évaluation des territoires où les institutions de dépôts sont autorisées à vendre de l'assurance et à offrir du financement par crédit-bail montre que les assureurs traditionnels, les sociétés de financement par crédit-bail et les concessionnaires d'automobiles peuvent bel et bien coexister, se livrer concurrence et prospérer dans ce marché aux côtés des institutions de dépôts. La recherche du groupe de travail est probante et ses conclusions, limpides.

Permettez-moi d'aborder l'importante question de la fiscalité. La semaine dernière, lors de ma comparution devant le présent comité, j'ai discuté de cet enjeu d'un point de vue purement informatif. J'ai alors précisé que je ne venais pas demander un allégement fiscal, car ce n'était pas là le forum approprié. Je vous ai toutefois averti que je reviendrais sur cette question. Et je tiens aujourd'hui parole, monsieur le président.

Le groupe de travail a engagé des spécialistes de la fiscalité pour examiner très attentivement le traitement fiscal réservé aux institutions financières du Canada. Et quelle fut la conclusion du groupe de travail? Son rapport indique que les impôts sur le capital ont, et je cite, des «effets pervers». En conséquence, le groupe de travail recommande l'élimination des impôts sur le capital des institutions financières. Et nous estimons que le groupe de travail a entièrement raison.

Examinons maintenant la question cruciale de l'accès au système de paiements. Les banques du Canada souscrivent à la recommandation du groupe de travail prévoyant l'élargissement de l'accès au système de paiements. Toutefois, nous croyons que toute mesure visant à élargir l'accès au système doit préserver, voire accroître, la sécurité, la stabilité et l'efficacité du système ainsi que les intérêts des consommateurs canadiens. Le groupe de travail l'affirme d'ailleurs lui-même, mais permettez-moi de prendre quelques instants pour vous donner quelques détails.

Le ministère des Finances a émis un document de discussion au mois de juillet 1998, lequel propose des critères qui s'appliqueraient aux nouveaux entrants du système de paiements. Si les nouveaux entrants n'étaient pas tenus de respecter les mesures réglementaires en matière de surveillance, de solvabilité et de liquidité énoncées dans le document de discussion, la confiance mutuelle et l'assurance que procure la solvabilité présumée de chacun des participants s'effriteraient. Si l'on n'agit pas de manière appropriée pour régler ces questions, il pourrait en résulter un système à deux paliers, où les clients pourraient bien constater que les chèques tirés sur des institutions comportant un risque plus élevé ne peuvent être encaissés aussi rapidement et que les cartes de débit émises par ces institutions pourraient être assorties de limites de paiement moins élevées. Voilà qui réduirait l'efficacité du système de paiements et minerait la confiance des clients envers sa fiabilité.

L'accès au système de paiements est une question des plus importantes, qui a d'énormes répercussions sur le service offert aux consommateurs et, en fait, sur l'ensemble de l'économie. Cette question mérite que toutes les parties intéressées y portent très soigneusement attention au cours des semaines à venir.

Bien que le rapport du groupe de travail souligne avec vigueur et, à notre avis, avec justesse la nécessité de se doter d'un cadre de réglementation souple qui puisse s'adapter à un marché en constante mutation, il recommande par ailleurs un certain nombre de mesures qui risquent d'accroître le fardeau de la réglementation et d'amoindrir la souplesse souhaitée. Nous en sommes encore à examiner le rapport et toutes ses implications, mais nous craignons que les mécanismes de mise en application proposés aillent à l'encontre des objectifs du groupe de travail, soit accroître le pouvoir des consommateurs, renforcer la concurrence et favoriser l'innovation et l'entrepreneuriat dans le secteur. Nous estimons qu'il existe des solutions de rechange permettant d'atteindre les objectifs du groupe de travail.

Le groupe de travail recommande, par exemple, une approche législative pour contrer la vente liée avec coercition, protéger la vie privée, offrir aux consommateurs des mesures de redressement efficaces, etc. Il peut être ardu de concilier ces initiatives avec l'objectif que le groupe de travail a clairement énoncé: «La réglementation devrait s'en tenir aux mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de solidité et fiabilité du système financier, de concurrence sur le marché et de protection du consommateur.»

• 1755

Le groupe de travail ne fait valoir qu'une seule option pour accroître le pouvoir des consommateurs. J'aimerais proposer une autre approche. Il se peut que l'on dispose d'un moyen plus efficace, plus souple et considérablement moins coûteux d'atteindre ces objectifs louables: soit par le biais d'un système d'autoréglementation, encore que sous l'oeil vigilant de l'État. Par exemple, le groupe de travail émet des commentaires favorables à l'égard du mécanisme d'ombudsman des banques, y compris le Bureau de l'ombudsman bancaire canadien. À ce chapitre, le groupe de travail considère que deux éléments devraient être améliorés: l'application élargie de ce mécanisme à toutes les institutions financières et la perception d'un manque d'indépendance par rapport aux banques. Nous croyons que ces deux questions peuvent être résolues au moyen d'une solution du secteur privé.

Nous réitérons la recommandation que nous avons formulée dans le mémoire que nous avons présenté au groupe de travail l'automne dernier, à savoir que le mandat de l'ombudsman bancaire canadien—lequel, je le souligne, offre ses services sans frais aux consommateurs—pourrait être élargi afin d'englober toutes les institutions financières qui font affaire avec les consommateurs et les petites entreprises. En effet, l'ombudsman bancaire canadien pourrait devenir l'ombudsman des services financiers canadiens, ce qui permettrait d'élargir ce mécanisme et d'éliminer la perception d'un manque d'indépendance par rapport aux banques.

En ce qui a trait aux à la vente liée avec coercition, les membres du présent comité savent que le secteur bancaire a été le seul groupe à suivre les directives du président du Comité permanent des finances de la Chambre des communes d'alors et à concevoir un régime d'autoréglementation afin de régler cette importante question. Bien que les véritables cas de vente liée avec coercition documentés soient très rares, le groupe de travail recommande néanmoins de modifier l'article 459.1 de la Loi sur les banques afin d'en élargir l'application à tous les produits de crédit—c'est-à-dire, pas uniquement aux prêts—et aux produits d'assurance.

De notre point de vue, la recommandation du groupe de travail en ce qui a trait aux produits de crédit est déjà concrétisée dans le secteur bancaire. En effet, l'énoncé en matière de vente liée à l'ABC s'applique à tous les produits de crédit offerts par les banques, y compris les prêts hypothécaires, les cartes de crédit et les marges de crédit. L'énumération précise des produits de crédit dans notre énoncé sectoriel est une avenue qui mérite d'être explorée et c'est ce que nous ferons avec nos banques membres. Nous appuyons également l'inclusion des produits d'assurance.

Même si nous faisons bon accueil à la recommandation du groupe de travail prévoyant que les mesures visant à contrer la vente liée avec coercition devraient s'appliquer à l'ensemble du secteur, nous persistons à croire qu'une approche d'autoréglementation constitue un moyen viable.

Monsieur le président, j'aimerais conclure mon allocution cet après-midi par deux observations ayant trait au système réglementaire du Canada.

Le groupe de travail reconnaît les répercussions négatives du chevauchement et du double emploi qui découlent de la structure réglementaire du Canada. À notre avis, les recommandations du groupe de travail telles que la délégation du pouvoir provincial au BSIF et l'harmonisation des règles, constituent une première série de mesures utiles, mais elles ne seront pas suffisantes pour rationaliser le régime actuel. Nous estimons que la clé pour résoudre la question du chevauchement et du double emploi consiste à adopter une réglementation nationale qui s'appliquera à tous les services financiers, dans les provinces qui choisiront cette option.

Il est intéressant de souligner que, sur la scène internationale, par le biais de nos obligations commerciales dans le cadre de l'ALÉNA, de l'OMC et de la zone de libre-échange des Amériques, le Canada se dirige vers un marché commun des services financiers avec ses partenaires commerciaux. Toutefois, au Canada, nous sommes aux prises avec un fardeau de règles provinciales qui se chevauchent et qui se contredisent.

Ma seconde observation a trait au niveau de risque du système de réglementation et du système financier dans son ensemble. Le groupe de travail a raison d'insister sur l'accroissement de la concurrence sur le marché, mais nous considérons que les artisans de la politique publique doivent être prudents dans la poursuite de cet objectif. Favoriser l'établissement d'un plus grand nombre d'institutions de dépôts peut accroître le niveau de risque, car le système comporterait alors un risque de faillites institutionnelles plus élevé. En fait, le groupe de travail s'attend à ce qu'il y ait des faillites et accepte entièrement cette éventualité. Or, la faillite entraîne des coûts, surtout lorsqu'il s'agit d'une institution dont les dépôts sont assurés.

• 1800

Bien que les nouvelles primes liées au risque que la SADC est à mettre de l'avant permettraient de mieux répartir les risques entre les participants à la SADC, nous demeurons préoccupés par l'éventualité que les institutions les plus solides paient une part importante des coûts engendrés par les faillites futures.

Depuis la création de la SADC en 1967, plus de 30 institutions de dépôts ont fait faillite, ce qui représente un coût global de 5 milliards de dollars pour les autres membres de la SADC. La majeure partie de ces 5 milliards de dollars ont été payés par les banques du Canada, et non par les contribuables. En bout de ligne, ces coûts se répercutent sur nos clients et sur nos actionnaires—ce travailleur canadien sur deux qui possède des actions des banques canadiennes et dont nous vous avons entretenu la semaine dernière. Il ne s'agit pas d'un argument contre la vision décrite dans le rapport du groupe de travail: accroître le pouvoir des consommateurs. Il s'agit plutôt d'un argument destiné aux artisans de la politique publique afin qu'ils s'assurent que des mesures prudentielles adéquates sont en place et que des niveaux de risque indus ne se créent dans le système financier.

Permettez-moi de conclure en disant que, lorsque nous avons comparu devant le comité la semaine dernière, vous nous avez demandé de vous dire à quoi ressemblerait le secteur des services financiers au Canada dans 10 ou 15 ans. Comme je le disais au début, il existe des divergences de vue parmi nos membres sur la façon dont le secteur des services financiers devrait évoluer. Nous osons espérer que le comité entendra certains de nos membres traiter eux-mêmes de cette question. Les banques membres de notre association ont été mises au courant de votre demande et pourront donc individuellement vous faire part de leur vision de l'avenir du secteur lors de leur comparution.

Il est clair que notre secteur est à un tournant critique. Songeons aux changements qui surviennent et à la gamme des dossiers de politique gouvernementale qui suscitent des débats, y compris les fusions proposées. Il est également clair, pour reprendre les mots du rapport du groupe de travail, que «pour les institutions financières comme pour leurs clients et les responsables de l'intérêt public, il est exclu de penser maintenir le statu quo».

Monsieur le président, j'espère que nos observations sur les questions relatives aux politiques gouvernementales vous aideront dans vos délibérations sur l'avenir et sur le cadre de réglementation du secteur des services financiers au Canada. Votre tâche n'est pas simple, mais elle est d'une importance fondamentale, pas seulement pour les institutions financières que nous représentons, mais surtout pour les consommateurs canadiens. Le groupe de travail vous a fourni un corpus considérable et impressionnant de travail à partir duquel vous pourrez obtenir l'opinion des Canadiens et conclure à certaines recommandations.

Nous vous souhaitons bonne chance dans vos délibérations et nous nous tenons prêts à vous fournir toute l'aide dont nous sommes capables en vue de la préparation de votre rapport.

Monsieur le président, M. Young et moi-même ferons de notre mieux pour répondre à toutes questions que vous ou vos collègues souhaiteriez nous poser. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Protti.

Nous passons maintenant aux questions et réponses. Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Monsieur Young, monsieur Protti, je vous souhaite la bienvenue. Je suis sûr que nous allons nous voir souvent au cours des prochaines semaines.

Je voudrais vous poser deux ou trois questions. La première porte sur le rôle de l'ombudsman et sur la structure de son bureau. Si le secteur bancaire est heureux du rôle de l'ombudsman, je trouve que le grand public, qu'il s'agisse du consommateur ou de la petite entreprise, ne partage pas cette vision des choses. Le sentiment général, selon moi, c'est que, dans le système actuel, le bureau de l'ombudsman n'est rien de plus qu'un prolongement de ceux qui oeuvrent dans le secteur bancaire.

Le rapport du Groupe de travail MacKay a recommandé la création d'un bureau d'ombudsman plus indépendant avec quelques pouvoirs étendus, mais M. MacKay a tenu à préciser que pour ce qui est des recours contre l'industrie bancaire, le plus grand pouvoir serait le pouvoir d'influence. Je pense que c'est le terme qu'il a utilisé.

• 1805

Dans certains autres pays, et notamment au Royaume-Uni, il existe un bureau indépendant de l'ombudsman, qui non seulement a le pouvoir de faire des enquêtes, mais qui peut également imposer des pénalités et réclamer le versement d'indemnités au cas où il y a eu violation prouvée.

Là encore, M. MacKay a précisé qu'il ne pouvait pas recommander la création d'un bureau de ce genre au Canada en raison des poursuites judiciaires possibles qui s'ensuivraient. Toutefois, ce système existe au Royaume-Uni depuis un bon nombre d'années, et ce pays semble avoir surmonté la plupart des difficultés envisagées par M. MacKay.

La question est donc de savoir ce que pense le secteur bancaire d'un bureau d'ombudsman tel que celui du Royaume-Uni, avec des pouvoirs étendus.

M. Raymond Protti: Je vous remercie de poser cette question. Vous avez dit un bon nombre de choses. Voyons si je vais réussir à répondre à tout cela.

Le bureau vient à peine de commencer ses travaux. Il existe depuis un peu plus d'un an seulement et l'on peut probablement dire qu'il y a énormément de consommateurs qui ne sont pas au courant de son existence, malgré les efforts publicitaires déployés pour signaler sa présence. Je sais que l'actuel ombudsman se livre à une campagne dynamique de relations publiques pour que les Canadiens apprennent l'existence de son bureau.

Je voudrais dire quelques mots de l'indépendance.

Lorsque le service a été créé, le conseil d'administration comptait un nombre égal de banquiers et de directeurs indépendants. On a fait valoir qu'il devait y avoir une majorité de directeurs indépendants et c'est ce que nous avons actuellement. Il y a donc une majorité de directeurs indépendants au sein du conseil.

Quant à l'ombudsman, il est très efficacement protégé contre le risque de destitution. Par exemple, il ne peut perdre son poste à moins d'un vote unanime en ce sens de la part des membres indépendants du conseil. Toutes ces mesures visent évidemment à créer une structure au sein de laquelle l'ombudsman se sent capable de considérer objectivement une plainte et de proposer une mesure corrective. Et je crois savoir que dans tous les cas de plaintes soumises à l'ombudsman et pour lesquelles il a recommandé une mesure de réparation, la banque s'est conformée à sa proposition.

Je pense donc que nous avons créé une structure indépendante. Si les autres intervenants du secteur des services financiers sont prêts à se joindre à nous, je les invite à le faire et on obtiendra ainsi un ombudsman canadien des services financiers encore plus indépendants.

En ce qui concerne l'exemple du Royaume-Uni—je n'ai pas les chiffres ici et je ne les connais pas de mémoire, mais je vous les ferai parvenir—, nous avons étudié la durée de l'instruction des plaintes dans le système anglais, et nous l'avons trouvée très longue. Pourquoi en est-il ainsi? Parce que la formule anglaise équivaut pratiquement à un organisme quasi-judiciaire et c'est précisément ce qui me préoccupe dans l'éventualité où l'on déciderait de légiférer dans ce domaine.

Mon passé de haut fonctionnaire pendant plus de 25 ans m'a appris que lorsqu'on légifère pour résoudre un problème de ce genre, on commence par accumuler les règlements et la voie de recours se transforme progressivement en un organisme quasi judiciaire. Vous allez voir—et c'est véritablement ce qui me préoccupe, car le consommateur n'a rien à y gagner—qu'on va se retrouver de ce côté avec une rangée d'avocats représentant le service et une rangée d'avocats de l'autre côté représentant l'institution financière, et le pauvre consommateur sera assis entre les deux, essayant de savoir ce qu'il est finalement advenu de sa réclamation d'assurance. Il sera pris en otage dans cet affrontement de titans, entre ces deux rangées d'avocats. À mon avis, une telle formule serait tout à fait régressive.

M. Dick Harris: Merci. Votre réponse me plaît.

Le groupe de travail a recommandé la fusion des accords d'indemnisation des institutions de dépôts et des compagnies d'assurance-vie. Il estime que la situation actuelle constitue un désavantage concurrentiel, puisqu'un groupe de sociétés est assuré par une société d'État, tandis que les autres sont assurées en vertu d'un accord strictement privé. Ce problème a déjà été évoqué par les représentants des assurances.

• 1810

Est-ce que vous approuvez la recommandation du rapport MacKay dans ce contexte? Entre le modèle inspiré de la SADC et le modèle du secteur privé, quelle est la préférence de votre organisme?

M. Raymond Protti: Je voudrais faire trois commentaires préliminaires sur cette question.

Les deux options sont toujours à l'étude, et nous n'avons pas encore tranché de façon définitive. Je dirais cependant que lors de notre intervention devant le groupe de travail, nous nous sommes prononcés sur la possibilité que les règles ne soient pas les mêmes pour tous. À notre avis, ce n'est pas le cas. De toute évidence, le groupe de travail en est venu à une conclusion différente.

Nous considérons au départ que si les compagnies d'assurance adhèrent à un système conjoint, il faudra construire des enclos séparés, de façon que si une compagnie d'assurances se trouve en difficulté, on ne fasse pas payer la facture à la banque et à ses actionnaires. De la même façon, si une banque se retrouve en difficulté, il serait injuste de demander à la société d'assurances et à ses actionnaires de se porter financièrement à sa rescousse. Il faudrait donc des enclos séparés.

Ma troisième remarque concerne la somme de travail abattue par le groupe au cours des 20 derniers mois. Il suffit de consulter l'une des 18 excellentes études de recherche, celle de M. Warren Moysey. Il montre de façon très convaincante qu'en ce qui concerne l'assurance-dépôts, on devrait adopter un régime de coassurance de façon à ce que les particuliers déposants assument une partie de la responsabilité de l'assurance de leurs dépôts. On pourrait envisager à cet égard différentes solutions pratiques.

À notre avis, le groupe de travail ne s'est pas posé cette question. Elle mérite pourtant d'être envisagée et nous aurons d'autres arguments à formuler à ce sujet dans un proche avenir.

M. Dick Harris: Je vais y revenir plus tard. Je crois que M. Epp a une question à vous poser.

M. Ken Epp: J'aimerais savoir pourquoi vos membres souhaitent s'engager dans le domaine de l'assurance. Les banques proposent des services financiers, tandis que l'assurance consiste à acheter une protection contre un risque. Pourquoi voulez-vous faire de l'assurance?

M. Raymond Protti: Nous constatons que nous avons des consommateurs de mieux en mieux informés qui veulent obtenir des conseils sur toute une gamme de services financiers susceptibles de résoudre les défis et les questions auxquels ils sont confrontés. Il existe une catégorie de consommateurs qui sont de plus en plus curieux et qui souhaitent bénéficier de la formule du guichet unique. Ils veulent pouvoir se rendre dans l'institution financière de leur choix et lui présenter leurs desiderata: besoin de faire des dépôts, besoin de prêts, désir d'investir, conseils sur leurs REÉR, accès à des fonds communs de placement, besoin d'assurance. Pour ce groupe de consommateurs, il faut une institution financière capable de proposer toute la gamme des services dont ils ont besoin.

Deuxièmement, comme le montre bien l'analyse du groupe de travail, le marché de l'assurance-vie au Canada est mal desservi et sous-représenté. Je veux dire par là qu'on accorde beaucoup de temps et d'attention aux besoins en assurance des plus fortunés. Il existe aussi un marché où figurent les Canadiens à revenu moyen ou modeste qui pourraient bénéficier de produits d'assurance-vie et qui, à notre avis, ne sont pas bien desservis sur le marché.

Sauf erreur de ma part, le groupe de travail signalait dans son rapport que moins de la moitié des foyers canadiens reçoivent la visite d'un agent d'assurance-vie. Nous pensons qu'il existe à ce niveau un marché pour les Canadiens à revenu modeste ou moyen qui ont des besoins en assurance-vie, et que grâce à leurs réseaux, les banques sont parfaitement en mesure de leur proposer une solution peu coûteuse.

M. Alan Young (vice-président, Division des politiques, Association des banquiers canadiens): Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, il s'agit là, en effet, des conséquences de l'évolution du secteur financier depuis 10 ans. Vous vous souvenez qu'en 1987, on a modifié la loi pour permettre aux banques de faire le commerce des valeurs mobilières. En 1992, la réforme de la Loi sur les banques a décloisonné le secteur bancaire et a réuni les quatre piliers dont il se composait jusqu'alors. Depuis 1992, on voit les institutions de chacun des quatre piliers s'intéresser aux activités des autres piliers. Il s'agit d'un processus de longue haleine visant à permettre au consommateur d'acquérir le produit qu'il cherche dans l'institution de son choix.

• 1815

M. Ken Epp: Comment pensez-vous proposer ces services d'assurance? L'assurance est une activité très complexe, aussi bien en ce qui concerne l'assurance-vie, l'assurance-automobile, l'assurance-habitation ou l'assurance-invalidité. Est-ce que vous envisagez de proposer des produits dans ces quatre secteurs de l'assurance?

Deuxièmement, avez-vous l'intention d'envoyer des représentants dans les foyers qui n'ont pas reçu la visite des compagnies d'assurance, ou au contraire de ne servir que les clients qui viennent vous voir, sans faire de fioritures, de façon à réduire vos coûts, même au risque d'offrir un service non personnalisé?

M. Raymond Protti: Évidemment, chaque institution choisira la solution opérationnelle qui lui convient. C'est une bonne question à poser aux représentants des institutions qui comparaissent devant vous, et je suppose qu'ils auront tous des solutions différentes à proposer. C'est une question de choix stratégique.

Vous avez fait référence à certaines catégories de personnes. En tant qu'institutions financières, nous devons veiller à ce que nos agents qui vendent ces produits au comptoir répondent à toutes exigences d'accréditation qui existent dans le secteur des assurances. Je suis certain que tout le secteur financier est prêt à prendre un engagement en ce sens.

M. Ken Epp: Êtes-vous prêt à faire les aménagements nécessaires de façon qu'au besoin, le client puisse passer une demi-heure ou une heure avec votre agent ou votre employé?

M. Raymond Protti: C'est déjà ce qui se passe pour toute une gamme de produits financiers que nous proposons.

Certains clients ont des contrats hypothécaires très volumineux et très complexes avec les banques, alors que d'autres contrats sont très simples. Mais il n'est pas rare qu'un client passe une heure et demie ou deux heures avec un agent pour faire le point de sa situation hypothécaire. D'autres hypothèques se règlent sur Internet en 30 secondes.

M. Ken Epp: Quelles mesures allez-vous prendre pour veiller à éviter les ventes liées et à n'exercer aucune pression indirecte? Pouvez-vous nous assurer qu'un client qui sollicite un prêt ne sera pas contraint de vous acheter également de l'assurance?

M. Raymond Protti: Dans mon introduction, j'ai parlé de notre conception des mesures coercitives et des ventes liées. Nous reconnaissons qu'elles sont illégales et qu'elles n'ont pas leur place.

M. Ken Epp: Qu'allez-vous faire pour qu'il n'y en ait pas?

M. Raymond Protti: Il y aura deux possibilités sur la table, et ce sera à vous, en tant que décideurs et parlementaires, d'en choisir une.

Nous avons foi en la formule d'autoréglementation mise en place par les banques. Nous sommes les seules institutions financières à l'avoir fait. Nous avons un code et nous sommes prêts à nous réglementer. Qui plus est, nous sommes les seuls aujourd'hui à proposer au consommateur un mécanisme de recours indépendant s'il estime avoir été victime de coercition dans le cadre de ventes liées. Voilà la formule que nous avons adoptée. Nous croyons en son efficacité.

Les cas de vente liée dont nous avons eu connaissance sont très rares. Pour ces cas, il existe des mécanismes de recours indépendants. Et nous sommes les seuls à en proposer.

M. Ken Epp: Je vous ai demandé si vous aviez l'intention de proposer les cinq produits d'assurance qui existent à ma connaissance, et vous n'avez pas répondu.

M. Raymond Protti: J'ai essayé de répondre en disant qu'il ne m'appartenait pas de me prononcer, puisqu'il s'agit d'une décision stratégique pour chacun de nos membres. Certains préféreront concentrer leurs activités dans un secteur particulier des assurances s'ils en ont la possibilité. D'autres décideront de proposer tous les produits. D'autres encore se limiteront à certains secteurs. Chaque institution prendra sa propre décision. Chacune pourrait évidemment vous apporter une réponse plus précise, mais c'est à elle d'en décider.

M. Ken Epp: Pour moi, les banques pourraient se diriger vers une situation de monopole. Un client qui demande du crédit-bail pour sa voiture pourrait être amené à transférer son hypothèque et à souscrire une assurance-automobile. L'institution pourrait lui proposer un forfait. Mais si le client ne veut pas acheter son assurance au même endroit, l'institution pourrait lui proposer des taux d'intérêt plus élevés. Il pourrait y avoir des forfaits très convaincants qui, sans relever directement de la vente liée, auront néanmoins un effet contraignant sur le consommateur.

• 1820

M. Raymond Protti: Me permettrez-vous, monsieur le président, de faire deux commentaires à ce sujet?

Tout d'abord, d'après la structure proposée par M. MacKay et par son groupe de travail, on devrait voir apparaître des centaines d'institutions financières dans toutes les régions du pays. Ces propositions impliquent l'élimination des distinctions entre les banques, les compagnies d'assurance, les compagnies de fiducie, les courtiers en valeurs mobilières et les courtiers en fonds communs de placement. Et l'accès au système des paiements est essentiel dans cette perspective. Il ne s'agit donc pas véritablement de savoir si les banques vont monopoliser tel ou tel secteur d'activité. Si l'on met en place la structure de M. MacKay et si ses prévisions sont exactes, on va assister à un bourgeonnement d'institutions financières dans ce pays et le consommateur qui estime être victime de coercition ou de ventes liées pourra s'adresser à d'autres institutions qui proposeront les mêmes produits.

M. Ken Epp: Sauf s'il habite une petite ville de l'Alberta où il n'y a qu'une institution.

Le président: C'est une question intéressante, monsieur Epp. Pensez-vous qu'il existe de petites localités au Canada où il n'y a qu'un seul courtier en assurance-vie?

M. Ken Epp: Dans ma circonscription, certaines petites municipalités n'en ont aucun.

Le président: C'est un argument intéressant.

Monsieur Harris, avez-vous une question à poser?

M. Dick Harris: Un simple commentaire à l'intention de M. Protti. On a parfois l'impression que l'arrivée des banques dans le secteur des assurances va rapprocher ce dernier des méthodes de la restauration rapide. On a déjà dû vous le dire. Comme l'a indiqué M. Epp, l'assurance est une activité essentiellement personnelle. L'agent d'assurance doit veiller à proposer un contrat convenant parfaitement aux circonstances.

Il faudrait nous convaincre que si le gouvernement applique les recommandations du Groupe de travail MacKay et permet aux banques de proposer de l'assurance, les banques vont réussir à prouver tout d'abord que le secteur de l'assurance est actuellement mal desservi, comme vous le prétendez—et je suis certain que les représentants des compagnies d'assurance ne sont pas d'accord—et qu'elles vont réussir également à mettre des professionnels très qualifiés au service des éventuels acheteurs d'assurance.

M. Raymond Protti: Puis-je répondre rapidement par deux points à ces intéressants commentaires?

Tout d'abord, tirons les choses au clair. Le groupe de travail s'est intéressé à la situation qui prévaut dans d'autres pays; le Canada est un des rares pays où les institutions de dépôts n'ont pas la possibilité d'offrir des produits d'assurance concurrentiels grâce à leur réseau de succursales. Et les recherches du groupe de travail indiquent, me semble-t-il, que dans tous les pays où la concurrence existe, le consommateur en a profité. Voilà pour mon premier argument.

Deuxièmement, le principal objectif du secteur bancaire, comme vous le savez, est d'établir et de préserver une relation de confiance avec ses clients. Nous nous occupons de l'argent de millions de Canadiens entre chaque paye. C'est le fondement même de notre activité. Ils nous font confiance et ils savent que leur argent sera à leur disposition lorsqu'ils en auront besoin au bout de 48 ou de 72 heures. Si, pour une raison ou une autre—à cause d'un mauvais produit d'assurance ou d'un personnel mal formé ou mal renseigné—nous ne pouvons préserver ce lien de confiance, notre activité est condamnée. Tout dépend de la préservation de ce lien de confiance avec le client.

Le président: Merci

Monsieur Perron.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Merci, monsieur Protti et monsieur Young, d'être parmi nous pour nous éclairer. J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, le rapport MacKay fait allusion à des mégaholdings financiers. C'est aussi, je crois, la théorie que vend ces jours-ci un de vos membres, M. Rousseau de la Banque Laurentienne.

• 1825

J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

M. Raymond Protti: J'aimerais bien vous répondre par des commentaires spécifiques, mais c'est une des questions sur lesquelles l'ensemble de l'industrie ne prend pas position.

M. Gilles Perron: Mais M. Protti a pris position. Donc, il a sûrement des commentaires.

M. Raymond Protti: Je ne prends pas position sur cela. J'aimerais bien le faire, mais il y a une grande divergence d'opinion parmi nos membres sur plusieurs questions, dont celle-là. Vous avez raison à propos de ce que M. Rousseau a dit hier. Il a une perspective vraiment intéressante de cette question, et je suis obligé de vous dire aujourd'hui que ce sera à M. Rousseau et à ses collègues des autres banques de répondre à cette question-là. Je m'excuse, mais je ne peux vraiment pas me prononcer sur cette question.

[Traduction]

M. Alan Young: La question porte-t-elle sur les holdings financiers ou sur la création de méga-institutions financières?

M. Gilles Perron: Il s'agit des holdings financiers.

M. Alan Young: Dans ce cas, nous avons proposé au Groupe de travail MacKay une série d'options que devraient avoir non seulement les banques, mais également l'ensemble des institutions financières pour se structurer de façon à desservir leur clientèle le plus efficacement possible. Le holding financier est l'une des solutions que nous avons proposées. Les deux autres consistent à permettre à une banque de détenir une option bancaire, ce qui n'est pas disponible actuellement, et deuxièmement, à étendre le modèle bancaire universel de façon à réunir toutes les entreprises dans une même institution.

Nous avons étudié la formule du holding financier. Nous ne l'avons pas trouvée supérieure aux autres, car notre principal objectif est la souplesse qui doit permettre aux institutions financières de se structurer comme elles l'entendent pour atteindre leurs objectifs stratégiques.

Le Groupe de travail MacKay a commenté favorablement deux des options que nous avons proposées, à savoir le holding financier et la possibilité pour une banque d'en détenir une autre. Nous ne nous prononçons pas sur le modèle bancaire universel, mais comme la recommandation du groupe de travail est de ne pas imposer de restrictions aux possibilités de structuration des institutions financières, nous pensons que les décideurs peuvent du moins envisager une extension du modèle bancaire universel.

[Français]

M. Gilles Perron: Monsieur Protti, vous êtes un expert quand vient le temps d'éviter les réponses. Vous devriez vous lancer en politique.

Ma deuxième question porte sur la page 12. Vous savez de quel coin du Canada je viens; on appelle cela le Québec. Vous dites à la page 12: «Toutefois, au Canada, nous sommes aux prises avec un fardeau de règles provinciales.» J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Veuillez élaborer, s'il vous plaît.

M. Raymond Protti: Si vous me le permettez, je vais élaborer en anglais, parce que je n'ai pas tout le vocabulaire français nécessaire.

[Traduction]

L'un de nos membres a considéré la profusion des lois fédérales, des ministères fédéraux et provinciaux, des différents organismes et de tous les règlements auxquels il était assujetti dans ses activités quotidiennes. Je crois qu'il a trouvé plus de 80 ministères fédéraux et provinciaux, et peut-être y en a-t-il encore plus. Cela signifie des milliers de pages de lois et de règlements.

Ce que nous demandons de façon urgente... et j'espère que les ministres fédéral et provinciaux des Finances vont maintenant amorcer un débat de fond, compte tenu des conclusions du rapport MacKay. Est-il possible de parvenir dans ce pays à une réglementation véritablement nationale, qui ne soit ni fédérale ni provinciale? Il pourrait s'agir d'une institution et d'un ensemble de lois qui serait géré conjointement par le fédéral et par les provinces, mais qui serait de portée véritablement nationale. Ainsi, si une province participait au projet—puisqu'il devra s'agir d'une démarche entièrement volontaire—, on pourrait harmoniser le fardeau réglementaire des services financiers dans l'ensemble du pays. Il faudrait pour cela un effort de coopération considérable. Certaines provinces seront prêtes à jouer le jeu, et d'autres non. En outre, on ne peut pas préjuger de l'opinion du gouvernement fédéral sur un tel projet.

• 1830

Si les responsables politiques reprennent la vision de M. MacKay, les gouvernements devront agir de toute urgence pour réglementer plus efficacement l'ensemble des institutions financières au Canada.

[Français]

C'est ce qu'on dit.

M. Gilles Perron: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Protti.

Le président: Merci, monsieur Perron.

[Traduction]

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Monsieur Protti, on considère souvent que le présent débat porte sur les fusions entre banques plutôt que sur l'ensemble du secteur des services financiers, comme en témoigne la phrase souvent citée: «Il est exclu de penser maintenir le statu quo.» Lorsque Harold MacKay et John Cleghorn ont comparu devant nous, ils ont bien indiqué que cette phrase faisait référence à l'ensemble du secteur et qu'elle ne portait pas sur les fusions entre banques. Voilà un élément important à ne pas perdre de vue.

Dans vos commentaires, vous avez dit qu'il fallait plus de concurrence et plus de services. Il me semble que vous faisiez référence au seul secteur bancaire, puisque vous parliez de l'accès des banques étrangères au marché canadien, me semble-t-il. Pouvez-vous nous dire s'il faut intensifier la concurrence et étendre la gamme des services dans le secteur des services financiers, dans les activités bancaires proposées par des institutions non bancaires ou quasi bancaires, etc., et si cette extension risque de créer des difficultés, compte tenu notamment de l'importance du défi réglementaire que nous allons devoir relever?

M. Raymond Protti: Je vous remercie de cette question.

Monsieur le président, si je vous ai donné cette impression, c'était malgré moi. Ce que j'ai voulu dire et que je pense avoir dit, c'est ce qu'a dit le secteur bancaire dans son intervention d'octobre 1997, à savoir que si l'on considère qu'il faut des nouveaux venus et un renforcement de la concurrence dans l'ensemble du secteur des services financiers et du secteur bancaire, nous ne nous opposons pas à cette concurrence supplémentaire. Nous pensons qu'en définitive, c'est le consommateur qui en profitera, et nous sommes tous à son service. Voilà le genre de déclaration très générale que je faisais, et je ne voulais nullement limiter mon propos aux activités bancaires.

M. Paul Szabo: Une dernière question. Vous avez abordé un sujet qui me semble essentiel dans le débat sur l'avenir du secteur bancaire, et en particulier sur les fusions, il s'agit de la question de la réglementation. Le secteur bancaire est assujetti à la Loi sur les banques et à divers règlements. Le secteur des assurances a lui aussi ses propres règles et les autres intervenants du secteur des services financiers sont eux soumis à certaines restrictions.

S'il y a une possibilité de croisement entre les services financiers dans l'ensemble du secteur, il me semble que la première mesure à prendre consiste à opérer une restructuration et une refonte de l'édifice réglementaire qui régit le fonctionnement des services financiers. Vous avez parlé d'une institution réglementaire nationale. À votre avis, faut-il procéder à cette restructuration de la réglementation avant d'envisager d'autres changements importants, notamment les fusions entre banques?

M. Raymond Protti: Je vous remercie de cette question. Ce serait merveilleux de pouvoir procéder d'abord à la refonte de la réglementation, mais en pratique, dans ce domaine, il faut un effort concerté de longue haleine pour mettre en place un ensemble de règlements. Il faudra du temps pour y parvenir.

• 1835

Je suis peut-être d'une naïveté incorrigible, mais je crois que si le gouvernement fédéral et les provinces reconnaissent conjointement qu'ils ont ici affaire à un secteur d'activité qui représente 17 p. 100 du PIB et de 1,2 à 1,5 million d'emplois dans l'ensemble du pays, nous finirons par y arriver. Mais si l'on décide de procéder d'abord à cette refonte, il va falloir préalablement régler les conflits de compétence, ce qui prendra du temps.

Pour élargir le débat, je dois dire que je suis personnellement très déçu de voir que dans ce pays, pour diverses raisons, on n'a pas suffisamment d'esprit d'innovation et de créativité pour reconnaître qu'il existe différents modèles de coopération entre le fédéral et les provinces lorsqu'il s'agit d'améliorer l'efficacité des institutions.

Je ne parle pas simplement de la réglementation des services financiers. Je pensais, par exemple, qu'il serait beaucoup plus efficace pour le fédéral et les provinces de s'entendre sur un véritable organisme national de perception des impôts. Il en va de même, par exemple, sur une question plus simple comme la collecte des données statistiques. Comment se fait-il qu'on ne parvienne pas à se mettre d'accord sur la création d'un organisme véritablement national qui n'appartienne ni au gouvernement fédéral ni aux provinces et qui serait géré conjointement par les deux niveaux? C'est pourtant ce dont on a désespérément besoin.

Je n'ai pas abordé cette question avec mes homologues de l'assurance ou du commerce des valeurs mobilières, mais j'ai l'intention de le faire, car nous devons tous nous ressembler, nous devons coopérer pour inciter le fédéral et les provinces à produire un régime de réglementation plus efficace et exempt de chevauchements. En définitive, c'est le contribuable qui a tout à y gagner.

M. Paul Szabo: Merci.

Le président: Mme Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Monsieur Protti, j'aimerais bien parler de crédit-bail automobile pendant quelques minutes. À votre avis, quel serait l'avantage pour les banques de s'engager sur la voie du crédit-bail automobile et que répondez-vous à ceux qui s'inquiètent de ce que vous pourriez éventuellement faire disparaître la concurrence et diminuer les choix offerts au consommateur.

M. Raymond Protti: Merci pour cette question.

En bout de ligne, l'avantage de cette concurrence revient au consommateur. C'est là-dessus que nous devons nous concentrer. Si nous pouvions nous engager dans ce domaine, les intervenants actuels qui monopolisent ce secteur—je vous donnerai des chiffres dans quelques minutes—devront aiguiser leurs crayons. Lorsqu'ils aiguisent leurs crayons, qui en profite? C'est la personne qui peut prendre à bail la voiture.

Je crois que le groupe de travail a rendu un service important au niveau du débat public sur cette question parce que c'en est une qui, très franchement, n'a servi qu'à semer la confusion chez les consommateurs pendant au moins une demi-douzaine d'années, à mon avis. L'étude effectuée par le groupe de travail montre très clairement que cette question n'est pas exclusive au seul concessionnaire automobile.

Au contraire, elle démontre que 80 p. 100 des contrats de crédit-bail automobile chez nous passent par les sociétés étrangères de financement des constructeurs automobiles. Trois de ces constructeurs—GM, Ford et Chrysler—comptent pour 70 p. 100 de cette activité. Donc, ce ne sont pas les concessionnaires d'automobiles qui sont responsables de 80 p. 100 de cette activité, mais bien d'énormes institutions financières étrangères aux poches très profondes. Dix pour cent de ce genre de financement est consenti par des sociétés comme la GE Capital, probablement l'institution financière non réglementée qui réussit le mieux au monde et qui est aussi la plus profitable. La troisième tranche, qui compte aussi pour 10 p. 100, revient aux concessionnaires d'automobiles. Dans cette tranche de 10 p. 100, 45 concessionnaires au pays, ce qui représente 1 p. 100 du total de cette confrérie, détiennent un portefeuille de plus de 200 voitures. En moyenne, 99 p. 100 des concessionnaires d'automobiles du pays détiennent un portefeuille d'environ 25 contrats de crédit-bail automobile.

Quand j'ai fait mes premières armes dans cette industrie il y a deux ans, j'ai trouvé la situation époustouflante. Lorsqu'on tourne son regard vers les États-Unis, Ford Credit, GM Credit et Chrysler Credit doivent faire concurrence, sur le propre marché intérieur, aux banques et à toute une gamme d'autres institutions financières. Ces trois grandes détiennent 46 p. 100 de ce marché aux États-Unis. Elles détiennent 70 p. 100 de ce marché ici. Le résultat? Les crayons sont mieux aiguisés aux États-Unis.

• 1840

Notre analyse nous a montré que si nous pouvions obtenir des tarifs plus concurrentiels au niveau du crédit-bail automobile ici, nos consommateurs épargneraient environ 370 millions de dollars. C'est une recherche indépendante que nous avons faite.

Mme Karen Redman: Vous nous avez très bien expliqué comment le consommateur y trouve son compte. Mais qu'en est-il des banques? Pourquoi les banques veulent-elles s'engager dans ce domaine de crédit-bail automobile?

M. Raymond Protti: Nous croyons que cela peut être avantageux pour nos actionnaires aussi.

Nous croyons pouvoir offrir des taux très concurrentiels. Nous pouvons offrir un produit concurrentiel dans ce domaine de services financiers. Évidemment, nous le ferons seulement s'il y a possibilité de profits, et nous croyons que ce sera le cas, mais le marché sera beaucoup plus concurrentiel. Si nous ne pouvons pas offrir un produit à prix concurrentiels assortis d'un niveau de service concurrentiel, nous ne réaliserons pas de profits et nous n'interviendrons donc pas dans le domaine.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit assez clairement préférer un mécanisme d'autoréglementation par opposition à toute législation additionnelle. Je comprends ce qu'il en est pour l'ombudsman des banques, mais je comprends aussi que MacKay a trouvé qu'à peine 20 p. 100 des gens connaissent son existence. D'après moi, il y a encore moins de gens qui savent où aller dans le cas des compagnies d'assurance. Ils ont plus ou moins l'impression qu'ils doivent avoir recours aux tribunaux.

J'aimerais savoir si en amalgamant les banques et les compagnies d'assurance, la loi ne devient pas tout simplement un sous-produit nécessaire parce qu'il existe cette sorte de confusion au niveau de la protection offerte aux consommateurs.

M. Raymond Protti: Merci pour cette question.

Je crois avoir répondu un peu plus tôt que nous avons l'ombudsman des banques canadiennes depuis environ un an. Nous avons fait des efforts plutôt concertés, ou du moins le bureau l'a fait, pour essayer d'avertir les Canadiens de son existence. Si je me rappelle bien, il a fallu un certain temps pour bien faire connaître l'ombudsman au Royaume-Uni après que l'on eut institué ce poste. Donc, je suis sûr qu'avec le temps de plus en plus de Canadiens seront au courant de son existence et s'en serviront peut-être de plus en plus.

Pour ce qui est de la collaboration avec le secteur de l'assurance, et ainsi de suite, on me dit que l'ombudsman des banques canadiennes a écrit cette semaine pour affirmer de nouveau à tous les intervenants du secteur des services financiers son désir de se transformer en ombudsman des services financiers canadiens.

Cela représenterait-il une amélioration par rapport à la situation actuelle? Absolument et sans aucun doute, parce que le consommateur qui aurait une plainte n'aurait qu'une seule démarche à faire. Que le problème se situe au niveau d'un courtier en valeurs mobilières, d'un vendeur de fonds communs de placement ou d'une société d'assurances et ainsi de suite, il n'y aurait qu'un numéro à composer et qu'un mécanisme de redressement et je crois que ce serait très avantageux.

Avons-nous besoin d'une loi pour ce faire? À notre avis, ce n'est pas nécessaire. Et ma véritable préoccupation, telle qu'exprimée plus tôt, c'est qu'il serait très malheureux si nous devions nous retrouver avec un mécanisme législatif transformé en tribunal quasi judiciaire qui—je ne suis pas avocat, alors je devrais peut-être tourner ma langue sept fois avant de parler—se transformerait en pot au beurre pour tous les avocats du pays faisant la queue en rang d'oignons, avec le pauvre petit consommateur assis dans un coin avec tous les avocats un peu partout dans le paysage, car à ce moment-là tout devient extrêmement coûteux et, évidemment, fastidieux, ce qui est une spécialité d'avocat. Voilà pourquoi l'approche législative m'inquiète.

Mme Carolyn Bennett: Croyez-vous que la fonction d'ombudsman mènera au règlement extrajudiciaire des conflits?

M. Raymond Protti: Absolument. Qu'on prenne l'approche d'autoréglementation ou l'approche législative, ce que j'ai vu personnellement dans les cas où on a recours au règlement extrajudiciaire des conflits, c'est que c'est très avantageux pour tous les intervenants parce que ça va beaucoup plus vite et que cela coûte beaucoup moins cher que d'avoir recours aux tribunaux. Donc, même si nous devions nous retrouver avec un modèle imposé par la loi, ce serait quand même bien, dans une telle situation, de pouvoir mettre l'accent sur le règlement extrajudiciaire des conflits, plutôt que le contraire.

Le président: Merci, madame Bennett.

[Français]

Monsieur Charbonneau.

• 1845

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): J'ai deux questions. La première porte sur la vente au détail d'assurance. Comme députés, nous sommes assaillis de représentations de la part de ceux qui sont actuellement dans ce métier et qui pensent que si les banques devaient aller massivement dans ce domaine, cela mettrait en péril beaucoup d'emplois dans beaucoup de situations. Ils nous font des représentations très insistantes pour que nous nous opposions à ce changement.

J'ai parcouru vos notes, et il me semble que vous ne répondez pas vraiment à cette question de la perte d'emplois, de la menace dans certaines situations, et à celle de la relation particulière entre les clients qui ont de l'assurance et leur courtier ou agent d'assurance, qui est pour eux un conseiller qui peut les accompagner pendant une bonne période de leur vie. On sait quelle relation s'établit entre un client et un vendeur d'assurance-vie. Souvent, c'est quelqu'un qui nous accompagne pendant des décennies, qui accompagne notre famille dans son développement, etc.

Est-ce qu'on va avoir accès à ce genre de services avec les personnes qui nous servent à la banque et qui peuvent être mutées du jour au lendemain d'une succursale à l'autre? Pouvez-vous reprendre ce passage et nous expliquer en quoi il serait bon que vous vous lanciez là-dedans du point de vue du consommateur, en tenant compte de la menace pour l'emploi?

M. Raymond Protti: Merci de votre question. Si vous me le permettez, je vais répondre en détail en anglais.

[Traduction]

Tout d'abord, le groupe de travail s'est penché sur cette question à savoir s'il y aurait perte d'emplois et dislocation massive, et dans tous les pays qu'ils ont étudiés et où les compagnies d'assurance et leurs agents coexistent avec les institutions financières, y compris les institutions qui reçoivent des dépôts et qui peuvent vendre l'assurance au détail au niveau des succursales, rien n'indique qu'il y a eu des pertes massives d'emplois. En réalité, ces gens travaillent ensemble et le consommateur n'a que l'embarras du choix lorsqu'il s'agit de trouver un endroit pour s'assurer.

Deuxièmement, il y aura toujours des Canadiens qui vivront des situations particulières quant aux assurances et qui auront besoin de conseils avertis et d'un suivi offert par des agents d'assurance indépendants qui peuvent fournir des produits et des conseils de qualité, et cela ne fait absolument aucun doute. Je ne crois donc pas que les rangs des assureurs seront décimés à cause de cela.

Troisièmement, pour répéter ce que j'ai déjà dit en réponse à une autre question, il existe des segments du marché des assurances qui, à notre avis, ne sont pas bien servis. Je crois que le groupe de travail l'a constaté. Il y a un grand nombre de Canadiens à faible et à moyen revenu dont les besoins en matière d'assurance sont assez simples, mais pour qui il pourrait être avantageux d'avoir accès à certains produits au niveau des assurances, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. À mon avis, mes membres cibleraient très certainement cette tranche de la population.

M. Alan Young: J'aimerais ajouter que dans notre mémoire nous avons inclus une série de citations tirées directement du rapport MacKay. Ces citations traitent des questions qui vous concernent. Permettez-moi de vous lire un petit extrait de ce rapport, qui est à la fin de notre mémoire:

    Le groupe de travail estime que les Canadiens à revenu faible et moyen seront probablement les principaux bénéficiaires de l'accès à des assurances de base, par exemple des polices individuelles d'assurance-vie temporaires, par le réseau de succursales des institutions de dépôt.

Ils sont arrivés à cette conclusion après avoir étudié pendant presque deux ans les situations qui existent dans différentes parties du monde.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Ma deuxième question est d'ordre un peu plus général. Dans le préambule de votre présentation, vous nous dites que vous allez aborder certaines questions, mais que, par contre, vous n'aborderez pas la question des fusions bancaires et d'autres questions d'intérêt public. Dans ce débat, les points de vue de nos membres divergent quant à la pertinence de certaines des approches réglementaires plus activistes proposées par le groupe de travail.

Je ne sais pas s'il y a un élément de stratégie de votre part à ne pas aborder cette question, mais c'est une question qu'on peut tout de même poser, étant donné qu'il est difficile pour nous d'apprécier certaines des remarques ou des observations que vous faites tant qu'on ne sait pas où va se diriger le mouvement de fusion. La fusion implique une plus grande concentration. Par exemple, vous nous dites que vous ne vous opposez pas à ce qu'il y ait de nouveaux intervenants ou plus de joueurs.

• 1850

Cependant, s'il devait y avoir moins de joueurs majeurs, c'est-à-dire une plus grande concentration, ce serait un peu comme si vous nous montriez un billet de 100 $ sur lequel il est écrit «100 $» d'un côté et «50 $» de l'autre. Quand on le retourne, on ne peut voir exactement le fond de votre pensée. Vous dites que vos membres divergent d'opinion là-dessus et que vous souhaiteriez qu'il y ait plus de joueurs, mais que vous vous préparez peut-être à ce qu'il y ait moins de joueurs. Pourriez-vous au moins nous dire quels sont les termes du débat quand vous nous dites que vos membres divergent d'opinion sur ces importantes questions? Il n'est pas nécessaire de nous nommer les membres en question, car on va les rencontrer et on va finir par le savoir, mais dites-nous au moins quels sont les termes du débat et pourquoi les uns pensent plutôt ceci alors que les autres pensent plutôt cela.

Plus tôt, nous rencontrions deux représentants de sociétés d'assurance. Le président a posé une question et a dit aux témoins qu'ils semblaient divisés sur une question particulière. L'un d'eux a dit: «J'ai cette opinion parce que je travaille surtout aux régimes de retraite.» L'autre a dit: «Moi, je suis surtout dans l'assurance au détail». On a compris immédiatement qu'il pouvait y avoir deux points de vue différents parce que les deux personnes étaient dans des segments différents de leur marché. Pourriez-vous nous expliquer au moins les termes du débat qui font que vous n'êtes pas capables d'en arriver à une approche unifiée?

M. Raymond Protti: Puisque c'est une question vraiment délicate, permettez-moi de m'exprimer en anglais.

[Traduction]

Premièrement, pour nous, il n'est pas question de stratégie, il est question d'une réalité fondamentale qui se manifeste. Différentes institutions bancaires ont des opinions très différentes sur l'évolution du secteur, et sur l'orientation stratégique qu'il devrait adopter.

Quatre institutions membres estiment qu'étant donné l'évolution du secteur, la meilleure chose serait de se fusionner avec une autre. D'autres sont très opposées à cette perspective, et vous expliqueront clairement et en détail pourquoi elles le sont. Je ne peux donc pas dire grand-chose.

Pour ce qui est de notre attitude envers la concurrence dans le secteur, notre réponse est unanime: nous sommes prêts à faire face à la concurrence sous toutes ses formes.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: C'est un peu facile à dire, si vous me permettez de continuer la discussion, puisque vous vous préparez peut-être à une plus grand concentration. Vous dites que vous voulez qu'il y ait plus de joueurs. Cela reste en suspens dans votre analyse et vous ne pouvez pas nous dire le fond de votre pensée parce que vos membres sont divisés, mais vous nous préparez une plus grande concentration.

[Traduction]

M. Raymond Protti: Monsieur le président, je ne sais pas si j'ai vraiment quelque chose à ajouter.

Le président: Étant donné les circonstances auxquelles vous êtes confronté, je comprends ce que vous dites, monsieur Protti. Évidemment, les opinions au sein de l'Association sont partagées, donc vos commentaires sont un peu limités par cela.

Pour revenir à vos commentaires, j'aimerais vous remercier au nom du comité—premièrement pour la séance d'information technique que vous avez présentée la semaine passée—et pour votre exposé d'aujourd'hui. J'avais hâte d'entendre votre opinion sur l'évolution du secteur des services financiers à l'avenir, mais je comprends les circonstances.

Je suis toujours persuadé que notre comité fera de son mieux pour s'assurer qu'une grande partie de nos énergies seront consacrées à la compréhension de l'évolution du secteur des services financiers et au travail à faire pour l'aider à prendre la forme qu'il doit avoir dans l'avenir. Nous ne sous-estimons certainement pas l'importance de la question. Il nous incombe de nous en occuper directement.

Au nom du comité, je vous remercie.

La séance est levée.