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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 28 septembre 1998

• 1531

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ici cet après-midi.

Comme vous le savez, le Comité des finances, conformément au paragraphe 108(2) et à l'article 83.1 du Règlement reprend ses consultations prébudgétaires. Nous espérons bien sûr les idées de Canadiens sur la façon d'améliorer la qualité de vie du peuple canadien grâce à des mesures budgétaires, et nous aimerions, en gros, connaître vos opinions quant aux priorités.

Nous allons commencer avec Action Canada pour la population et le développement, représentée par Mme Katherine McDonald et par Mme Ann Burnett, coordonnatrice parlementaire. Bienvenue.

Mme Katherine McDonald (directrice exécutive, Action Canada pour la population et le développement): Je m'appelle Katherine McDonald. Je suis directrice exécutive d'Action Canada pour la population et le développement, et je suis accompagnée d'Ann Burnett, qui est notre coordonnatrice des affaires parlementaires.

Action Canada pour la population et le développement (ACPD) est une nouvelle organisation non gouvernementale (ONG), qui a été mise sur pied avec comme mission la promotion de la discussion et du débat sur une vaste gamme de questions relatives à la population, à la santé génésique et au développement durable. Nous nous intéressons principalement aux engagements pris par le Canada à l'occasion de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), tenue au Caire en 1994.

Cette conférence du Caire, comme on l'appelle communément, a marqué un réel pas en avant en ce qui concerne les questions de planification familiale et de population à l'échelle de la planète, car la communauté internationale s'est alors pour la première fois penchée sur la façon dont des programmes sont élaborés et proposés aux femmes et conçus en vue de traiter des droits des femmes et de leur habilitation, et ce d'une façon tout à fait nouvelle pour la communauté internationale. Auparavant, lors de conférences antérieures sur la population et le développement, la communauté internationale avait examiné des objectifs nationaux, des politiques en matière de population axées sur le ralentissement de l'augmentation de la population et sur la réduction du taux de fertilité des femmes, sans que l'on ne s'attarde vraiment sur la question de savoir si les femmes avaient ou non un rôle à jouer dans l'élaboration ou la conception des programmes en question.

L'examen quinquennal de la CIPD, Conférence internationale sur la population et le développement, approche à grands pas. Bien que la CIPD se concentre sur les droits de procréation et de santé des femmes et sur les droits de procréation et de santé des hommes membres de la famille ainsi que des enfants, elle traite également des migrations internationales et elle comporte certes beaucoup de discussions sur les politiques en matière de développement durable.

• 1535

L'autre chose importante qu'il faut savoir et dont il faut se rappeler relativement à la CIPD est que cette conférence a marqué la première fois que la communauté internationale a véritablement fixé des objectifs financiers en vue d'adopter une approche plus large relativement à la santé génésique des femmes et à la santé de leurs familles. Les objectifs ainsi fixés devaient augmenter tout de suite après la conférence, puis en l'an 2000, une nouvelle fois en l'an 2005 et ainsi de suite jusqu'en l'an 2015. La part canadienne de ces engagements a été chiffrée à environ 200 millions de dollars par an d'ici l'an 2000, ce qui correspond à environ 7 $ par Canadien par an. Cependant, l'an dernier, nous n'avons dépensé que 50 millions de dollars. Nous n'en sommes donc encore qu'à 25 p. 100 des engagements pris en 1994.

Or, ce n'était pas que de vagues promesses. Les chiffres ont été cités par l'OCDE et confirmés par notre propre gouvernement canadien. Dans le but de pousser le Canada à atteindre ses objectifs financiers établis au Caire, nous avons produit une fiche de pointage, un graphique illustrant là où nous devrions en être d'ici l'an 2000. Une photocopie de cette fiche de pointage est annexée à notre mémoire, qui devrait se trouver dans une chemise bleue. Vous y trouverez l'original de la fiche de pointage et une brève description des faits saillants de la Conférence internationale sur la population et le développement. Malheureusement, cette fiche de pointage n'existe qu'en anglais. Elle a été produite par le Fonds des Nations unies pour la population, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale de la santé.

La position dont nous voulons aujourd'hui saisir le Comité des finances est double. Tout d'abord, nous voulons vous faire savoir que c'est une conférence internationale clé qui a eu lieu au Caire en 1994, que ce n'est pas juste encore une autre conférence des Nations unies, que celle-ci représente une véritable percée en matière de stratégies de développement international visant à s'occuper des besoins réels des femmes et de leurs familles de façon, nous l'espérons, à réduire la pauvreté, à faire en sorte qu'un plus petit nombre d'enfants meurent avant leur premier anniversaire et à assurer que davantage de femmes survivent aux complications de la grossesse et de l'accouchement.

Aujourd'hui, en dépit du fait que nous ayons des initiatives visant l'examen du taux de mortalité maternelle, près de 600 000 femmes meurent chaque année par suite de complications liées à la grossesse et à l'accouchement. L'on estime qu'entre le tiers et la moitié de ces décès pourraient être empêchés grâce à des soins obstétriques de base et à l'intervention de personnel soignant formé.

Notre approche ne se limite donc pas à fournir tout simplement des services de planification familiale. Notre approche à la santé génésique est plus vaste, englobant les besoins des femmes, et nous croyons pouvoir faire la preuve, dans le cadre du premier examen quinquennal de l'initiative du Caire, que cette approche a connu un énorme succès dans les pays dans lesquels on l'a mise en oeuvre avec succès.

Le défi auquel nous nous trouvons confrontés est que bien que près des trois quarts de la part du fardeau financier de la satisfaction des besoins des femmes et de leurs familles revenant aux pays en développement aient été couverts, environ le tiers seulement de l'argent promis par les pays donateurs a été à ce jour versé. Et si nous examinons la position du Canada dans cette liste, nous faisons en effet très mauvaise figure.

J'exhorte donc aujourd'hui le comité à reconnaître le fait que cette conférence clé ait eu lieu et à convenir que bien que nous ayons de nombreuses priorités ici au Canada et ailleurs dans le monde, une augmentation sensible des sommes consacrées à l'aide officielle au développement s'impose. Toutes ces choses étant des facteurs absolument égaux et décisifs, notre requête est que l'on accorde la priorité à la réalisation de ces engagements clés que nous avons pris.

• 1540

Le Canada a solidement joué un rôle de leader au sein de la communauté internationale. Nous sommes très fiers de la position que nous avons prise relativement aux mines antipersonnel et dans le cadre de l'établissement récent du tribunal criminel international. Nous sommes reconnus comme étant le leader dans le domaine des droits de la personne et le fait de prendre position en faveur de la défense des droits de procréation des femmes ne ferait qu'élargir le rôle du Canada au sein de la communauté internationale.

En ce qui concerne les avantages économiques pour les Canadiens, l'augmentation de la capacité des organisations non gouvernementales et des agences gouvernementales au sein du Canada d'être véritablement en mesure d'élaborer et de mener à bien des programmes de santé génésique dans des pays en développement amènerait une augmentation sensible de la compétence des travailleurs de soins de santé au Canada ainsi que des experts en matière de développement international. Je pense que si nous consentions aujourd'hui un investissement dans ces programmes, nous verrions se réaliser nombre des engagements clés pris par notre gouvernement, nous multiplierions les possibilités d'emploi pour les Canadiens tant à l'intérieur du Canada qu'à l'étranger, nous adopterions une position morale solide et appropriée à l'égard d'engagements internationaux clés, comme il se doit, et nous prendrions véritablement place à part entière au sein de la communauté mondiale.

Il nous faut prêter attention à ce qui se passe à l'échelle mondiale. Nous le savons tous. Les récents événements survenus en Asie ont fait trop clairement ressortir à quel point notre pays et notre situation économique sont touchés par d'autres marchés. En investissant dans les femmes, leurs enfants et les familles de ces pays, nous verrons tout de suite se réaliser un bénéfice direct à l'échelle mondiale et à l'intérieur même de nos frontières.

Nous sommes sur le point de lancer une campagne appelée «200 millions de dollars d'ici l'an 2000», dans le cadre duquel nous allons parcourir le pays avec notre fiche de pointage et d'autres analyses de la contribution canadienne. Nous faisons partie du processus de consultation au sujet de la «Conférence du Caire plus cinq», et nous appuyons et épaulons des organisations comme l'Association canadienne des parlementaires sur la population et le développement, qui travaille très fort pour que soit mise en oeuvre l'entente du Caire.

Je n'entends pas accaparer beaucoup de temps encore. J'espère que si vous avez des questions au sujet ou des engagements pris lors de la CIPD ou de l'analyse de la position du Canada relativement à ces engagements, vous me les poserez dans le courant d'une discussion que j'espère très fructueuse et très intéressante.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame McDonald.

Nous allons maintenant entendre, au nom du Conseil canadien pour la coopération internationale, Mme Gauri Sreenivasan. Bienvenue.

Mme Gauri Sreenivasan (coordonnatrice en politiques, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à venir aujourd'hui prendre la parole devant le comité. Je m'appelle Gauri Sreenivasan. Je suis responsable de l'équipe des politiques du CCCI.

[Français]

Le Conseil canadien pour la coopération internationale est un organisme cadre qui regroupe plus de 100 organisations non gouvernementales canadiennes oeuvrant au développement international.

En examinant les quatre questions soumises au comité, je voudrais insister sur trois caractéristiques importantes du contexte actuel qui éclairent nos recommandations.

Premièrement, notre monde vit une période d'interdépendance sans précédent, où la spéculation monétaire, les mouvements de capitaux et les fluctuations du marché boursier sont suivis de près et ressentis par tous les pays. Nous sommes témoins de la situation en Asie et de ses répercussions en Russie et au Canada, ainsi que dans toutes les régions du globe.

• 1545

Deuxièmement, les Canadiennes et les Canadiens vivent au sein d'une société et d'une économie mondiale de plus en plus inéquitables. En 1970, les avoirs du cinquième le plus riche de la population mondiale représentaient 32 fois ceux du cinquième le plus pauvre. En 1995, ce rapport avait plus que doublé. Nous constatons également que la pauvreté n'a pas de frontières. Malgré l'engagement pris en 1989 par le Parlement de mettre fin à la pauvreté infantile au Canada, six ans plus tard, près de 500 000 enfants canadiens sont acculés à la pauvreté. Après des années de coupures sérieuses en vue d'équilibrer le budget, le Canada peut maintenant entreprendre de combler le fossé qui ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres.

Troisièmement, l'aide à l'étranger, qui a aussi souffert de ces mesures, doit recevoir un appui croissant. L'aide publique au développement du Canada pour 1998-1999, estimée à 2,3 milliards de dollars, soit 0,27 p. 100 de notre PNB, est en chute libre par rapport au taux de 0,46 p. 100 de 1992. Les Canadiennes et les Canadiens veulent continuer à intervenir sur la scène internationale. Nous devons donc prendre des moyens concrets et décisifs si nous voulons que le Canada continue de mériter le respect acquis à juste titre par son militantisme international.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer par la question de l'interdépendance et de l'instabilité mondiales. Je suis récemment revenue d'une mission en Indonésie et en Thaïlande menée par le CCCI et réunissant des parlementaires et d'autres leaders canadiens, notamment vos collègues Jean Augustine, Daniel Turp et Libby Davies. L'objet de cette mission était de faire enquête sur les origines de la crise financière asiatique et les effets de cette crise sur les pauvres et d'en examiner les ramifications pour le Canada. Notre rapport de mission—j'en ai apporté quelques exemplaires pour ceux que cela intéresse—traite des questions qui forment une importante toile de fond d'incertitude tandis que le ministre des Finances est en train de préparer son budget.

Ce que nous avons vu et constaté c'était une crise humaine et de développement d'une envergure effroyable. Des pays vantés il y a à peine quelques années comme étant des modèles de croissance économique ont essuyé de dures et rapides chutes, avec des conséquences catastrophiques pour les pauvres. D'ici la fin de l'année, la Thaïlande verra le cinquième de sa population sombrer sous le seuil de la pauvreté. En Indonésie, l'on estime que près de la moitié de la population, soit 100 millions de personnes, vivront dans la pauvreté d'ici la fin de l'année 1998.

Même si la crise impose des conséquences dramatiques aux peuples d'Asie, il est rapidement devenu apparent lors de notre voyage que la crise allait avoir d'énormes conséquences pour le monde tout entier et pour le Canada, bien au-delà de l'effet bien documenté sur le dollar canadien. Par exemple, nous pouvons être presque certains que les exportations asiatiques accrues et les importations asiatiques réduites, prescrites par le Fonds monétaire international, vont réduire la croissance au Canada d'au moins 1 p. 100. Préoccupés que nous sommes par le chômage au Canada, connaissant bien le schéma de comportement des entreprises qui cherchent des environnements où la réglementation est moindre et les salaires plus bas, nous voyons également très clairement l'importance de veiller à ce que les travailleurs en Asie ou ailleurs jouissent et de conditions de travail saines et de salaires adéquats.

Les Canadiens sont préoccupés par l'environnement. Il nous faut prêter attention à ce qui se passe en Asie. Les institutions financières internationales y encouragent, comme condition de l'offre d'aide, un déboisement accru; or, l'on sait que c'est là l'une des principales causes des changements climatiques.

En résumé, ce que nous avons retenu de notre récente mission en Asie et ce qui doit impérativement, selon nous, être reconnu par le comité aujourd'hui est que dans le cadre des décisions que nous prenons au sujet de la façon de gérer notre économie nationale et notre société, il nous faut également tenir compte du fait que notre avenir sera déterminé tout autant par ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières que par ce qui se passe à l'intérieur de celles-ci.

Nous avons soumis au ministre Martin un certain nombre de recommandations sur le front financier mondial, soulignant qu'une réaction appuyée exclusivement ou sur des programmes d'aide ou sur des initiatives de sauvetage internationales ne suffira pas pour régler cette crise mondiale. Je me ferai un plaisir d'examiner davantage dans le détail avec le comité, pendant notre discussion, certaines de ces recommandations. Je ne vais pas en traiter de façon approfondie maintenant, mais j'aimerais dire, en gros, qu'elles visent la réglementation des mouvements de capitaux internationaux à court terme, notamment, et une réorganisation du Fonds monétaire international.

Permettez-moi de passer maintenant au deuxième point, soit le fossé entre riches et pauvres. Le CCCI et nos 100 membres ont récemment lancé, conjointement avec un certain nombre de groupes canadiens, la campagne «en commun». La prémisse de notre campagne est que la pauvreté au Canada et ailleurs dans le monde n'est pas inévitable. Ce qu'il nous faut ce sont des interventions concertées de la part du gouvernement, de la société civile et du secteur privé en vue d'agir et de travailler ensemble en faveur de politiques et de programmes susceptibles d'éliminer la pauvreté.

• 1550

Nous sommes fermement convaincus que les Canadiens eux-mêmes tiennent à agir en tant que citoyens du monde et à réagir aux conditions humaines intolérables de la pauvreté endémique. Pourquoi pensons-nous cela? Il y a plusieurs facteurs.

Premièrement, nous savons que les dons privés destinés à combattre ces problèmes n'ont pas diminué alors même que les gouvernements sabraient dans des programmes telle l'aide publique au développement. Les résultats d'un récent sondage Angus Reid, tenu en 1997, montrent que l'appui en faveur du programme d'aide du Canada va augmentant et un récent sondage d'opinion Compas-Southam fait ressortir que les Canadiens tiennent fermement à leurs valeurs humanitaires et à partager le bien-être relatif du Canada avec les personnes vivant dans la pauvreté. Enfin, ce même sondage nous apprend que les Canadiens tiennent au respect des droits de la personne universellement reconnus, y compris le droit à une éducation, le droit à des soins de santé et le droit à des moyens d'existence durable, et qu'ils comptent sur le gouvernement pour promouvoir et protéger ces droits.

Les Canadiens veulent continuer de manifester leur soutien au développement international et au travail des organisations non gouvernementales dans ces dossiers. Concrètement, donc, que recommandons-nous au comité dans ce contexte? Nous avons des recommandations portant sur le traitement fiscal des dons de charité et sur le budget de l'aide au développement.

Au sujet de la première question, il nous faut offrir aux Canadiens des incitations fiscales ciblées afin de les encourager à continuer de faire des dons aux organismes de charité et à être plus généreux. En tant que membres de la table ronde du secteur du bénévolat, nous appuyons les recommandations déposées par celle-ci. Permettez-moi de m'attarder sur deux propositions qu'est en train d'élaborer le groupe de travail sur l'examen des incitations à faire des dons de charité.

La première est une proposition qui a pour objet d'encourager davantage de Canadiens à faire des dons de charité et de pousser ceux et celles qui font de petits dons à donner plus encore. Aux États-Unis, l'État de l'Arkansas a récemment adopté un incitatif fiscal spécial pour les donateurs qui augmentent leurs dons à certaines organisations caritatives de jusqu'à 200 $ par an. Un encouragement fiscal semblable au Canada pourrait se solder par des dons supplémentaires pouvant atteindre jusqu'à 50 millions de dollars par an.

La deuxième proposition simplifierait le crédit d'impôt et égaliserait l'avantage fiscal offert aux donateurs, quel que soit leur niveau de revenu.

En ce qui concerne l'aide internationale au développement, que recommandons-nous relativement au budget d'aide du Canada? Encore une fois, pour répéter ce qui a déjà été dit, il est très important de souligner que l'APD subit depuis le début des années 90 une part disproportionnée du fardeau dans la lutte contre le déficit. Cette aide a diminué de près de 40 p. 100 en chiffres réels. Un récent examen du dossier canadien en matière d'APD, effectué par l'OCDE, laisse entendre que la réputation internationale du Canada est menacée. L'on craint beaucoup que dans le cadre de son rôle dans le monde, à l'intérieur de son propre territoire et à l'échelle internationale, le Canada ne soit pas en mesure de respecter ses propres engagements.

Nos deux principaux messages en ce qui concerne le programme d'aide, sur le plan budget, sont tout simplement, premièrement, que nous devons augmenter notre soutien à l'APD et, deuxièmement, qu'il nous faut revitaliser la contribution canadienne pour consacrer ces ressources à la suppression de la pauvreté. En ce qui concerne une augmentation générale des niveaux d'aide, nous comptons sur le comité et sur le gouvernement pour montrer solidement la voie et pour bâtir sur le signal positif donné dans le dernier budget, soit celui de 1998-1999, en engageant les ressources dont on a urgemment besoin pour rétablir la réputation internationale du Canada.

Nous aimerions voir établis trois éléments clés. Tout d'abord, il nous faut un calendrier d'augmentations progressives pour ramener le Canada à son engagement international de 0,7 p. 100 de son PNB. Nous cherchons en particulier un objectif intermédiaire pour nous ramener, au minimum, à notre niveau historique de générosité de 0,35 p. 100 du PNB pour l'aide au cours des cinq à sept prochaines années. Nous aimerions que soit établi un échéancier à cette fin.

Deuxièmement, nous aimerions voir le Canada radier les dettes actives dues au Canada par les pays moins développés et très endettés. Les pays les plus pauvres nous doivent à l'heure actuelle 1,2 milliard de dollars canadiens.

Troisièmement, il nous faut mettre dans l'enveloppe de l'APD pour 1999-2000 des ressources financières supplémentaires et nouvelles. Nous recommandons une augmentation de 6 p. 100 de l'enveloppe de l'aide internationale, une part des fonds étant réservée pour la réduction de la pauvreté. Cela représenterait environ 120 millions de dollars pour l'exercice financier 1998-1999.

Enfin, pour ce qui est de l'amélioration du ciblage et de la qualité de l'aide, ces aspects étant tout aussi importants que la quantité d'aide, nous savons que l'ACDI a pris un certain nombre de mesures très importantes visant à mettre en place les politiques nécessaires pour déterminer des résultats réalisables. Nous nous sommes, par exemple, engagés à l'égard de l'objectif de l'OCDE de réduire de moitié d'ici l'an 2015 la pauvreté extrême, définie comme étant la situation des personnes vivant avec moins d'un dollar par jour.

• 1555

Des travaux de recherche effectués par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et d'autres ont montré que ces objectifs sont réalisables. Il faut non seulement mobiliser de nouvelles ressources mais également élaborer des stratégies détaillées pour la véritable réalisation des objectifs fixés, et les ONG canadiennes veulent travailler à cela aux côtés de l'ACDI.

Nous aimerions mentionner deux choses. Nous souhaiterions que l'ACDI consacre au moins 60 p. 100 de son budget d'aide à la suppression de la pauvreté dans le cadre de programmes qui viendraient améliorer directement les conditions et les droits des personnes vivant dans la pauvreté. Les 40 p. 100 restants devraient être consacrés à des activités dont le lien avec l'élimination de la pauvreté pourrait être clairement démontré.

Deuxièmement, au chapitre de l'intérêt du comité à l'égard de la question de savoir comment aider les Canadiens à réagir à la nouvelle économie dans le nouveau contexte, nous croyons fermement qu'il nous faut investir dans l'éducation et dans l'engagement public pour amener les Canadiens à être des citoyens du monde. Les Canadiens veulent comprendre l'incidence locale des questions mondiales et ils veulent découvrir des façons pour eux de contribuer à un monde meilleur. Nous sommes à la recherche d'un partenariat avec l'ACDI et d'autres institutions pour veiller à ce que dans leurs localités, dans leurs lieux de travail et dans leurs écoles les Canadiens s'engagent dans des discussions éclairées sur les dossiers mondiaux, y compris la coopération au développement. Nous soulignons que l'ACDI consacre aujourd'hui moins de 0,5 p. 100 de son budget à des programmes d'éducation et d'information en matière de développement.

En conclusion, nous aimerions nous faire l'écho de propos tenus plus tôt cette année par le ministre des Finances, M. Paul Martin—ce n'est pas une chose que nous faisons souvent—:

    Les grandes nations du XXIe siècle seront celles [...] où le fossé entre riches et pauvres a rétréci, où le courant principal s'élargit sans cesse, où la qualité de la vie est en fait augmentée pour tous afin que les plus vulnérables dans notre société soient protégés.

Nous exhortons le gouvernement canadien de relever ce défi en réinvestissant dans le programme d'aide du Canada et en contribuant à la réalisation de l'objectif qu'est celui de l'élimination de la pauvreté.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer au Conseil canadien de développement social. Souhaitons la bienvenue à M. Chuck Birchall, ancien président; à Susan Carter, directrice associée; et à Pierre Laliberté, recherchiste associé.

M. Chuck Birchall (ancien président, Conseil canadien de développement social): Merci. Je m'appelle Chuck Birchall. Je suis ancien président du conseil et je vous remercie de nous recevoir ici aujourd'hui.

Comme vous le savez peut-être, le Conseil canadien de développement social est une organisation nationale indépendante à but non lucratif. Il est dirigé par un conseil d'administration bénévole, et j'en suis membre. Ses administrateurs viennent de partout au pays. Le CCDS a un vaste mandat axé sur la sécurité sociale et économique.

Je sais, monsieur le président, que vous avez dans votre lettre du 25 mai posé à nous et à d'autres quatre questions. Notre mémoire, que nous vous avons fourni, tente de répondre à ces questions. En même temps, nous convenons que depuis que vous nous avez écrit, le terrain économique a peut-être quelque peu changé. Nous avons donc tenté dans notre mémoire de tenir également compte de ce changement.

Je pense vouloir tout simplement insister sur trois questions que nous abordons dans notre mémoire. La principale question posée dans votre lettre demeure la suivante: quel devrait être le principal objectif du gouvernement en ce qui a trait au dividende fiscal? Nous croyons que le gouvernement devrait se concentrer sur l'amélioration du bien-être des enfants. La nouvelle prestation nationale pour enfants représente certainement la plus importante initiative sociale lancée par l'actuel gouvernement, et l'on considère jusqu'ici qu'il s'agit là d'une réussite, surtout sur le plan coopération provinciale-fédérale. Les besoins des enfants demeurent cependant constants lorsqu'on parle de pauvreté infantile.

Nous recommandons que vous consolidiez la nouvelle prestation et que vous envisagiez un investissement supplémentaire de 850 millions de dollars d'ici la fin de l'an 2000. Nous pensons que vous devriez faire un pas de plus en élaborant un plan d'action exhaustif destiné aux enfants et aux jeunes. D'autres questions, comme par exemple des services de garde d'enfants adéquats, des programmes de développement pour enfants en bas âge, des collectivités sûres, la transition à l'âge adulte et l'éducation précoce et continue, méritent la pleine attention du gouvernement, étant donné surtout le désir des gouvernements provinciaux de faire avancer le dossier enfants. Une initiative fiscale, dont mes collègues voudront peut-être vous entretenir plus avant dans la discussion, est le rétablissement d'un crédit d'impôt pour enfant universel.

• 1600

Le deuxième point que je voudrais souligner concerne le tiers secteur. Nous aussi, tout comme le CCCI, dont la représentante vous en a parlé, sommes membres de la table ronde du secteur bénévole, et nous appuyons les recommandations déposées par elle ici cet après-midi.

Par ailleurs, tout comme le gouvernement l'a fait avec son programme d'infrastructure, nous recommandons que les pouvoirs publics envisagent un engagement envers ce que l'on appelle l'économie du tiers secteur: c'est-à-dire investir dans les organisations communautaires qui offrent des emplois et des services sociaux et de soutien à la santé dont les gens ont absolument besoin. Cela pourrait être fait grâce à la création d'un fonds national de développement communautaire.

Enfin, il semble que l'on ait beaucoup discuté ces derniers temps de la prime d'assurance-emploi. Le CCDS croit que la prime d'AE devrait servir la fin prévue au départ: en d'autres termes, elle devrait assurer un soutien de revenu aux Canadiens qui sont temporairement sans travail. Le CCDS ne pense pas qu'une réduction de la prime devrait être une priorité, étant donné que le Canada a en place des charges sociales qui se comparent favorablement à celles de la plupart des pays membres de l'OCDE et des États-Unis.

La couverture des chômeurs a chuté de 83 p. 100 en 1990 à 42 p. 100 en 1997. Les économies réalisées l'ont été en grande partie sur le dos des cotisants et aux frais des provinces, qui ont dû dépenser plus au titre de l'aide sociale. Nous estimons que la priorité devrait être le rétablissement partiel des prestations d'assurance-emploi, y compris les congés de maternité et parentaux.

Merci de nous avoir donné l'occasion de faire cette brève présentation. Nous envisageons avec plaisir de participer à la discussion.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à l'Organisation nationale anti-pauvreté ici représentée par M. Mike Farrell, directeur adjoint, et par Laurie Rektor.

Mme Laurie Rektor (directrice exécutive, Organisation nationale anti-pauvreté): Bonjour. C'est moi la Laurie du duo. Je suis directrice exécutive de l'Organisation nationale anti-pauvreté et Mike Farrell en est le directeur adjoint. Nous aimerions tous les deux prendre un peu de votre temps cet après-midi. Je vais pour ma part vous entretenir de certaines des questions dont nous nous occupons cette année, tandis que Mike se penchera sur certaines des choses que nous recommanderions au comité d'envisager.

L'Organisation nationale anti-pauvreté existe depuis 1971 et on dit communément d'elle qu'elle est la voix des pauvres du Canada. Ceci s'explique du fait que notre conseil d'administration est composé de 21 personnes qui ou vivent présentement dans la pauvreté ou ont passé une part importante de leur vie dans la pauvreté. Ce sont elles qui dirigent le personnel et l'organisation, leur conseillant à quels problèmes réagir et leur offrant des suggestions sur des façons de nous y attaquer. Les membres du conseil d'administration viennent de partout au pays, représentant toutes les régions et réunissant des connaissances et des expériences très variées qu'ils ont transmises à l'organisation afin que celle-ci puisse vous en parler ici aujourd'hui.

J'aimerais vous dire un petit peu ce que notre conseil nous raconte cette année: ce à quoi ressemble la vie, ce qu'il considère comme étant les plus importantes préoccupations et questions. L'année a été difficile pour les pauvres du Canada, pour tous ceux et celles qui vivent dans la pauvreté. Si les choses sont difficiles depuis plusieurs années c'est pour diverses raisons.

Premièrement, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté augmente. À l'heure actuelle, plus de 5,2 millions de Canadiens vivent en dessous du seuil de faible revenu. Une part importante de ces personnes sont des enfants, ce qui préoccupe encore davantage nos membres. D'autre part, la gravité de la pauvreté est à la hausse, et je pense que Mike va tout à l'heure vous citer quelques chiffres illustrant l'envergure du fossé. Certaines des autres organisations nous l'ont dit et nous savons nous-mêmes intuitivement, grâce au travail que nous faisons, que le fossé entre riches et pauvres est en train de s'élargir. Il existe par ailleurs des données statistiques qui appuient ce constat.

Le recours aux banques alimentaires au Canada bat tous les records. Depuis 1989, le recours aux banques alimentaires a augmenté de 118 p. 100. En 1989, le Canada ne comptait presque pas de banques alimentaires. Aujourd'hui, aller à la banque alimentaire fait partie de la vie de tous les jours de milliers de Canadiens.

Comme je viens de le dire, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de faible revenu augmente. Il a augmenté de 40 p. 100 depuis 1989. Cela donne une idée de l'augmentation du nombre de Canadiens vivant dans la pauvreté.

• 1605

Il existe encore une autre difficulté, encore un autre défi pour les personnes que nous représentons, pour les pauvres: je veux parler ici d'une augmentation de l'intolérance et je dirais même d'une véritable ignorance de la réalité de ce que c'est que d'être pauvre au Canada. De la même façon que certaines personnes vivent leur vie très loin de la pauvreté, les gens sont nombreux à ne pas savoir que nous avons vraiment ici au Canada des gens pauvres.

Hier, lorsque j'ai rencontré mon frère, que je n'avais pas vu depuis que j'ai accepté mon poste à l'Organisation nationale anti-pauvreté, il m'a dit être heureux que j'aie un nouvel emploi mais ne pas être convaincu qu'il nous faille une organisation chargée de représenter les pauvres du Canada. Mon frère est une personne bien intentionnée, instruite et informée. Je pense que ce que nous disent ceux et celles que nous représentons est que l'un des plus gros obstacles auxquels ils se trouvent confrontés en plus de l'augmentation de la pauvreté est le simple fait que beaucoup de gens ne savent pas à quoi ressemble la vie des Canadiens pauvres.

J'aimerais maintenant que Mike vous entretienne un petit peu de certaines de nos préoccupations et de certaines de nos recommandations, et de la façon dont celles-ci pourraient être traduites en des solutions budgétaires.

M. Mike Farrell (directeur exécutif adjoint, Organisation nationale anti-pauvreté): J'aimerais tout d'abord vous présenter des excuses car nous n'avons pas eu le temps de faire traduire notre mémoire en français. Nous le traduirons et espérons pouvoir vous fournir la version traduite la semaine prochaine.

J'aimerais étoffer un petit peu ce qu'a dit Laurie et vous parler de ce que nous recommandons. Nous n'avons que trois recommandations. Elles découlent des discussions que nous avons eues avec les membres du conseil d'administration et avec plus de 400 groupes locaux de lutte contre la pauvreté. Nous avons beaucoup de contacts avec différents groupes à travers le pays.

Je pense tout d'abord que ce que nous voulons c'est une reconnaissance que les citoyens canadiens ont droit à l'aide financière du gouvernement, quelle que soit la raison pour laquelle ils se trouvent dans le besoin. Si une personne n'a absolument aucune source de revenu, elle a droit à un certain soutien financier de la part du gouvernement. Or, ce droit a été retiré aux gens car il y a des centaines, voire des milliers, de Canadiens qui ne bénéficient d'aucune aide financière quelle qu'elle soit et qui n'ont pas d'emploi. Nous ne savons même pas où se trouvent ces personnes.

La deuxième recommandation concerne le fonds de l'assurance-emploi. Je suis heureux que le CCDS l'ait mentionné. Je trouve étonnant—et je n'arrête pas de lire des articles là-dessus dans la presse—que l'on s'attend à ce que le fonds affiche un surplus de 20 milliards de dollars d'ici la fin de l'année. Tout le monde parle de la question de savoir de combien devraient être réduites les primes. Je pense que vous avez mentionné qu'en 1997 la couverture avec des prestations d'assurance-emploi avait chuté à 42 p. 100 des chômeurs. À l'heure actuelle, cela se situe aux environs de 36 p. 100; il y a donc eu une nouvelle baisse en 1998. Cela signifie que les travailleurs canadiens cotisent à un régime d'assurance et que la plupart d'entre eux ne vont jamais en bénéficier. Je ne comprends pas comment cela est possible. Je pense que nous devrions modifier le régime le plus rapidement possible de sorte que les gens, lorsqu'ils perdent leur emploi, puissent toucher quelque chose qui les aide dans l'intervalle.

Ce qui s'est passé jusqu'ici c'est que les personnes qui se trouvent sans emploi et qui ne sont plus admissibles aux prestations se rabattent sur les programmes d'aide sociale des provinces. Les provinces ont réagi en resserrant les conditions d'admissibilité à leurs programmes d'aide sociale, car elles n'ont pas les moyens financiers de s'occuper de tous les demandeurs. Le nombre de personnes qui ne bénéficient d'absolument aucune aide est en hausse.

La troisième recommandation concerne la prestation nationale pour enfants. L'Organisation nationale anti-pauvreté en a déjà parlé devant le comité ici réuni. Je pense qu'il serait vraiment bon que vous entendiez parler de cela de la bouche des gens concernés eux-mêmes. Lorsque les membres de notre conseil d'administration parlent de la prestation nationale pour enfants ils s'enflamment. Il s'agit là d'un programme qui est perçu comme étant carrément discriminatoire à l'égard des assistés sociaux, car les familles inscrites à l'assistance sociale ne touchent pas un cent en vertu de ce programme. Notre recommandation est que cette prestation soit offerte à toutes les familles pauvres, et pas juste aux familles actives pauvres, en guise de première étape, et que le financement du programme soit accru.

Le président: Avez-vous d'autres observations à faire? Merci.

Nous allons maintenant entendre la Canada Family Action Coalition, représentée par M. Peter Stock, directeur. Bienvenue.

• 1610

M. Peter Stock (directeur des affaires nationales, Canadian Family Action Coalition): Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux de comparaître devant vous ici aujourd'hui. Je pense que tout le monde a devant les yeux copie du document que nous avons déposé. Je ne vais pas vous le lire, ce qui serait pour vous ennuyant à mourir. Vous pourrez le lire vous-mêmes lorsque cela vous conviendra, si vous le voulez. Je me contenterai d'aborder les points saillants qui y sont traités.

La première question est celle de la surtaxation que nous constatons ici au Canada. Nous avons l'impression que le gouvernement du Canada compte s'engager sérieusement à s'attaquer à ce problème. Il a en tout cas été clairement indiqué par le ministre des Finances et par le Premier ministre qu'ils souhaitent faire quelque chose et réduire les taux d'imposition des Canadiens. Bien sûr, c'est au gouvernement qu'il revient de décider de la meilleure façon de faire, et nous nous remettons donc entièrement à vous qui êtes compétents en la matière.

La question qui se trouve au coeur du débat est la suivante: quel est le bon niveau d'imposition? Cela va faire l'objet d'un débat qui va durer des années et des années, au fil des différents gouvernements qui se succéderont. Je pense néanmoins que ce que nous disent nos membres c'est que les gens ont le sentiment d'être surimposés. Et je ne pense pas que ce soit juste le fait de difficultés financières dans les ménages. Je pense que cela a à voir avec d'autres facteurs également, et je vais en traiter un petit peu plus tard dans ma présentation.

Il y a, tout d'abord, le concept voulant que le régime fiscal traite certaines familles mieux que d'autres. Cela est particulièrement frappant du côté de la déduction pour dépenses pour soins de garde d'enfants: en effet, les familles qui choisissent de recourir à une garderie reconnue bénéficient en fait dÂun avantage qui est très nettement supérieur aux avantages qui reviennent aux familles qui ne recourent pas à des garderies reconnues. Pour certaines familles, cela peut représenter jusqu'à 10 000 $ par an. C'est un montant d'argent phénoménal, et cela empêche certaines familles de faire les choix qu'elles veulent en matière de garde d'enfants, que ce soit choisir un parent ou un voisin ou rester à la maison pour s'occuper des enfants. Les familles aimeraient pouvoir faire ces choix. Nous parlons dans notre documentation de sondages montrant qu'un important pourcentage de Canadiens—peut-être jusqu'à 40 p. 100 d'entre eux—voudraient pouvoir choisir de rester à la maison pour s'occuper de leurs propres enfants mais ne le peuvent pas à cause de pressions financières.

D'après ce que nous constatons, il y a parmi la population un sentiment croissant que certains aspects du régime fiscal militent contre un traitement égal de tous les Canadiens.

La deuxième question que nous abordons est bien sûr celle du gaspillage. Les Canadiens, lorsqu'ils voient leur argent gaspillé sur certains projets, programmes, ou subventions, ont le sentiment que leurs impôts sont mal dépensés et, donc, qu'ils sont surimposés. S'ils voient l'argent gaspillé, ils disent qu'ils auraient mieux dépensé cet argent eux-mêmes au titre d'une organisation communautaire ou d'un organisme de charité local.

Encore une fois, nous mentionnons certains exemples dans notre mémoire. Les opérations de changement de sexe sont un exemple intéressant que nous avons relevé il y a tout juste quelques semaines. Les militaires ont décidé de les financer pour un coût, je pense, d'environ 50 000 $ par soldat concerné. Lorsque nos membres nous en parlent, ils disent que ce ne sont pas là des dépenses à bon escient, de bonnes dépenses; que nous ne devrions pas consacrer notre budget militaire à ce genre de chose.

Bien sûr, la même chose se passe dans le cadre de notre système pénal. Il y a des prisonniers qui se font payer des opérations pour changer de sexe. Je pense qu'ils ont sans doute une tête quelque peu différente lorsqu'ils sortent, et peut-être que cela les aide lorsqu'ils intègrent la société, mais je ne suis pas certain que les contribuables devraient financer cela.

La dernière question que nous abordons est celle du financement des groupes d'intérêt particulier. Le comité en a entendu beaucoup, qui l'ont entretenu de la contribution qu'ils font à la société canadienne. Nous pensons quant à nous que si ces groupes sont en fait un élément nécessaire à notre démocratie, ils devraient pouvoir s'autofinancer en s'appuyant sur les éléments de la société qu'ils prétendent représenter. Ils n'ont pas besoin du soutien du gouvernement du Canada pour faire leurs déclarations politiques et mener à bien leurs activités.

Nous vous demandons de faire des dépenses plus responsables dans tous les domaines où vous le pouvez. Nous vous demandons de réexaminer le régime fiscal et son manque inhérent d'équité. Faites-en sorte qu'il soit juste, consacrez-vous à cette tâche et je pense que les Canadiens seront confiants en leur gouvernement, convaincus que celui-ci fait un bon travail pour eux. Merci.

Le président: Merci, monsieur Stock.

Nous allons maintenant entamer la période de questions et réponses, en commençant par M. Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à tous les participants d'être venus ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs bons conseils. Il y a certainement beaucoup matière à penser dans ce que vous nous avez dit.

Il y a un fil conducteur commun à certaines des présentations qu'on a entendues relativement aux engagements du Canada à l'égard du monde. À une époque, nous étions sur les premières lignes de la lutte contre la pauvreté, de la défense des droits des femmes, etc. En avons-nous toujours les moyens? Pouvons-nous consacrer des dollars à ces causes en terre étrangère alors qu'il y a des enfants vivant dans la pauvreté ici chez nous? Les Nations unies sont aujourd'hui en train de décrier le statut du Canada comme pays au premier rang, à cause de notre pauvreté infantile.

• 1615

Quelqu'un a mentionné le recours accru aux banques d'alimentation. Comment justifier auprès des contribuables canadiens et des citoyens canadiens, ici chez nous, le fait que nous allons envoyer...? Je sais que tout récemment lorsque la Corée s'est trouvée en situation de crise, le gouvernement canadien s'est engagé à verser un milliard de dollars. Cela s'est fait par l'intermédiaire du FMI. L'argent a été fourni à la Corée et a en gros servi à renflouer des banques et ainsi de suite. Le FMI a en fait pris en mains le filet de sécurité sociale du pays, au détriment des personnes directement concernées.

Le gouvernement du Canada peut-il donner aux contribuables canadiens l'assurance que ces dollars atteindront la cible visée d'une façon rapide et efficace, sans que cela ne mette en péril nos propres programmes ici chez nous? Quelqu'un pourrait-il nous éclairer là-dessus?

Le président: Qui veut bien répondre à la question? Madame McDonald.

Mme Katherine McDonald: Je pense que ce dont il nous faut nous rappeler c'est qu'il y a en vérité deux aspects. Premièrement, nous devrions respecter les promesses que nous avons faites. Si nous avons promis, pris un engagement, alors nous devons aux personnes à qui nous avons fait la promesse de la garder. Nous autres Canadiens ne devrions pas manquer à nos promesses.

Deuxièmement, en plus de l'engagement moral voire même, diraient certains, juridique, de respecter nos promesses, il revient aux Canadiens un avantage du fait de contribuer à un monde plus sûr, à un monde où moins d'enfants meurent, où plus d'enfants auront la possibilité d'obtenir un niveau d'instruction de base, de contribuer au bien-être de leur famille. Les retombées pour nous pourraient être des partenaires commerciaux plus solides, une économie renforcée au Canada, sur le plan établissement des compétences nécessaires pour fournir aux pays en développement l'aide technique que ceux-ci demandent, et un recul des guerres et des conflits qui surviennent lorsqu'on est en présence de personnes qui n'ont tout simplement nulle part ailleurs où aller.

À l'heure actuelle, l'on compte en Afrique plus de réfugiés que jamais auparavant. Le dossier du Canada en matière d'accueil de réfugiés est très bon, mais lorsque des personnes viennent ici en tant que réfugiés c'est parce qu'elles n'ont aucun choix. Si nous les aidions à vivre de façon productive et heureuse dans leur pays d'origine, alors nous ne serions pas en train de faire des contributions massives au Soudan pour lutter contre la famine, surtout si l'on parvenait à lui éviter la famine au départ.

Je pense que tout cela s'inscrit dans un mode circulaire et qu'il nous faut nous voir comme en faisant partie. Nous n'allons rien obtenir si nous recourons à des solutions partielles et ponctuelles, mais nous aurons des résultats si nous adoptons une approche beaucoup plus ciblée. J'adore l'approche du CCCI qui dit: prenons ce pourcentage, tentons de supprimer la pauvreté et voyons vraiment quel pourcentage de notre PNB nous pouvons consacrer à ces programmes, et allons-y.

M. Gerry Ritz: Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Le président: Gauri, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Gauri Sreenivasan: Certainement. Je pense qu'il y a quelques points en plus de ceux que Katherine a déjà évoqués et qui offrent des éléments de réponse à vos questions.

Pour aller droit au coeur de votre question, nous ne pensons pas vraiment qu'il y ait à choisir entre s'occuper des enfants qui ont faim chez nous et s'occuper des enfants qui ont faim à l'étranger. Je ne dis pas du tout que l'établissement d'un budget ne suppose pas des choix et des priorités, mais à notre avis, l'impératif éthique de la lutte contre la pauvreté est critique tant à l'intérieur de nos frontières qu'en terre étrangère. Il ne s'agit pas de choisir entre les deux; il ne s'agit pas de choisir entre l'enfant ici et l'enfant là-bas. Nous pensons qu'il est très important que le Canada maintienne son programme d'aide extérieure à l'étranger et qu'il serait même opportun de l'augmenter. Nous ne voyons pas cela comme devant se faire au détriment des investissements sociaux clés chez nous. Je pense qu'il est important de souligner cela.

Deuxièmement, il me semble que vous avez posé une question au sujet de l'efficacité de l'aide. Quelles institutions atteignent le plus efficacement les pauvres? Dans notre expérience en Asie, par exemple, les récentes missions de rescousse menées par le Fonds monétaire international n'ont en fait pas servi les pauvres. Les conditions dont étaient assortis ces programmes ont exacerbé la pauvreté des plus démunis.

• 1620

Nous pensons qu'il incombe au gouvernement canadien non seulement de réfléchir à la question de savoir si nous sommes en mesure d'augmenter l'aide internationale à l'étranger, mais également de s'engager dans un très sérieux programme de réforme politique d'institutions telles le FMI. Dans le cas de pays comme l'Indonésie, par exemple, on ne cesse de nous répéter qu'on ne peut pas faire parvenir de l'aide à ce stade-ci en passant par l'intermédiaire du gouvernement de ce pays, qu'il nous faut travailler par le biais d'organisations non gouvernementales. Par conséquent, selon le contexte du pays concerné, il est essentiel de faire des choix prudents quant au mécanisme d'exécution des programmes.

De façon générale, les institutions comme le Fonds monétaire international nécessitent un remaniement complet. Et ce n'est pas là l'avis tout simplement des ONG ou de groupes qui ont traditionnellement été perçus comme étant critiques à l'égard de ces institutions. Nous voyons se profiler un important consensus politique, de la gauche et de la droite, relativement à l'échec des prescriptions émanant du FMI.

En ce qui concerne les mécanismes, donc, je pense que vous soulevez un point important, mais je vous renverrai à ce qu'a dit Katherine au sujet des engagements internationaux.

Le dernier point que j'aimerais aborder est qu'il n'est pas uniquement question d'obtenir des gains pour nous ici au Canada; toutes ces questions sont véritablement mondiales dans leur envergure et les Canadiens comprennent cela. Ce que nous disent les Canadiens que nous interrogeons dans nos sondages est qu'ils ne pensent pas que ce soit le moment d'abandonner les pauvres du monde et qu'en fait il y aurait lieu d'augmenter l'aide que nous offrons et de faire en sorte qu'elle soit efficace. D'ailleurs, les dons faits par les particuliers témoignent de cette conviction.

Le président: Merci.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Non, ça va. Merci.

Le président: Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je vais me présenter. Je m'appelle Monique Guay et je suis députée du Bloc québécois et porte-parole en matière de coopération internationale. Je suis aussi membre de l'exécutif de l'Association canadienne des parlementaires pour le développement et la population. Je connais donc bien ce dossier.

Katherine, je suis heureuse de te revoir. J'ai déjà eu le plaisir de voyager avec toi en Belgique, où tu t'es exercée à parler français.

Il est évident que la pauvreté infantile existe au Canada. Puisqu'on sait qu'un enfant sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté, il est urgent qu'on agisse. Ayant atteint le déficit zéro, le Canada doit immédiatement prévoir dans son budget des sommes pour pallier cette situation grave.

On a pris des engagements officiels au Caire. On a signé des documents nous engageant à faire notre part. Par contre, on se rend compte, encore une fois, qu'on ne s'en acquittera pas. Si vous regardez l'échelle, vous constaterez qu'on n'atteindra pas le niveau d'aide promis d'ici l'an 2000 à moins d'un miracle ou à moins que le ministre des Finances décide d'injecter les sommes nécessaires pour atteindre nos objectifs. Il faut vraiment faire quelque chose à cette fin.

J'ai eu l'occasion de voyager et de me rendre entre autres en Asie pour prendre connaissance des programmes qui ont été mis en place à l'intention de la population, dont des programmes de contrôle des naissances visant à éduquer les jeunes adolescentes et les femmes. Le planning familial est d'une importance capitale dans ces régions, et j'ai constaté qu'il y a encore beaucoup à faire et que nous, au Canada, ne faisons pas vraiment encore notre part ou du moins pas celle que nous sommes censés faire.

Katherine pourrait peut-être m'indiquer quels échéanciers nous pourrions nous fixer afin de réussir à atteindre nos objectifs internationaux, sans oublier que nous avons aussi des objectifs au plan national, chez nous.

[Traduction]

Le président: Et qui va répondre à cette question? Madame McDonald.

Mme Katherine McDonald: Je pense que les échéances pour ce qui est des engagements du Caire sont assez claires. Il faut, pour réaliser l'engagement pris au Caire d'ici l'an 2000, 9,7 milliards de dollars sur le plan mondial. La part qui revient au Canada est de 200 millions de dollars par an.

Plusieurs pays ont déjà réalisé leurs engagements. Les Pays-Bas ont en fait adopté une loi établissant que 4 p. 100 de son aide étrangère doit être consacrée à des programmes visant la population, la santé génésique et le développement, tout cela dans le contexte des engagements prix à la CIPD. Le gouvernement néerlandais a donc adopté une loi stipulant que le pays consacrera 4 p. 100 de son budget d'aide au développement à l'étranger à ces volets.

• 1625

Je suis d'accord avec vous, madame Guay, lorsque vous dites qu'il faudrait un miracle pour que ces engagements soient réalisés d'ici l'an 2000. Cependant, si nous plaçons les choses dans leur contexte et disons que c'est 7 $ par Canadien par an, je pense qu'il y aurait moyen de trouver l'argent. À mon avis, la question est de savoir s'il y a la volonté politique nécessaire pour trouver l'argent, car le montant n'est pas énorme. Consentir une augmentation sérieuse de 75 p. 100 pour les deux cycles budgétaires à venir exigerait énormément de volonté politique dans ce pays.

J'aimerais en tout cas me faire l'écho de la position du CCCI. Il ne s'agit pas d'échanger un programme pour un autre. Bien que l'organisation que je représente s'intéresse principalement aux engagements pris à la CIPD, je souhaite également ardemment voir augmenter l'enveloppe générale des programmes d'aide et j'envisage avec plaisir de travailler avec mes collègues d'autres ONG qui visent ce même objectif.

Je pense que si le Canada abordait ses engagements clés avec une approche par étape, et s'il établissait un échéancier en vertu duquel non seulement l'on retrouverait les niveaux du passé mais l'on s'attacherait à réaliser d'autres engagements pris par le passé—je songe, par exemple, à l'engagement d'atteindre 0,7 p. 100 de notre PNB—ce serait là une réalisation dont nous serions fiers. Nous en sommes à l'heure actuelle à 0,27 p. 100, et je ne pense pas que ce soit très bon.

Le président: Qui d'autre aimerait se prononcer sur cette question?

[Français]

Mme Gauri Sreenivasan: J'aimerais intervenir très brièvement et souligner que, comme nous l'indiquions dans notre présentation, nous concédons qu'à court terme, il n'est pas possible que le Canada atteigne son but de 0,7 p. 100 du PNB. Nous demandons toutefois qu'on établisse un plan prévoyant d'atteindre l'objectif de 0,35 p. 100 au cours des sept prochaines années. Nous proposons donc un but moyen pour le moyen terme. Un des tableaux que j'ai apportés aujourd'hui indique combien cela coûterait selon certaines hypothèses relatives au dividende fiscal.

Mme Monique Guay: J'aimerais émettre un dernier commentaire, monsieur le président. Au chapitre de l'aide internationale et du développement international, il faut être conscient qu'on se dirige de plus en plus vers une mondialisation des marchés. Tout sera un jour facile d'atteinte ou d'approche. Si nous réussissons à rapprocher les pays qui sont en voie de développement de notre niveau, il sera évidemment plus facile de créer une certaine stabilité économique internationale et d'éviter de vivre des crises comme celles qu'on a vécues.

Je sais que les coupures qu'a subies l'ACDI au cours des dernières années sont assez importantes. On a dû réduire nos contributions aux cliniques de vaccination en Afrique qui offraient des services très importants, voire essentiels, et contribuaient à enrayer des maladies mortelles qui ont sévi pendant des millénaires. Donc, quelque part, il faut qu'il y ait un juste milieu. Je crois que l'ACDI est très apte à administrer de tels fonds. J'aimerais qu'elle nous fasse rapport un peu plus souvent de ses activités pour que nous soyons mieux en mesure d'apprécier ses efforts. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais tout simplement faire un bref commentaire au sujet de la présentation de M. Stock. Je ne pense pas que ce soit un secret que je serais très favorable à ce que l'on investisse dans les enfants. Ce que vous avez dit au sujet de la déduction pour les soins de garde d'enfants est très intéressant, mais il est curieux que cela bénéficie davantage aux personnes à revenu élevé. Il me semble qu'investir dans les enfants n'est pas une chose que les gens seraient nombreux à contester, et j'ose espérer qu'on y réfléchira comme il se doit dans le processus.

Les commentaires que je vais faire s'adressent à l'Organisation nationale anti-pauvreté. Je pense qu'il est à peu près temps qu'on examine très sérieusement cette situation. Je suis très préoccupé par la pauvreté au Canada, mais je vais vous demander d'être plus francs en ce qui concerne la réalité de la pauvreté.

• 1630

Je pense qu'il nous faut en fait établir un vrai seuil de pauvreté au Canada. D'après le seuil de faible revenu, à Ottawa, une famille de quatre avec des revenus de 26 000 $ est considérée comme vivant dans la pauvreté. Mais lorsque vous prenez le crédit d'impôt pour enfants, le crédit de TPS et le crédit pour la taxe de vente provinciale, le revenu de ces familles passe en fait à plus de 30 000 $. Ce n'est pas de cette pauvreté-là que vous parlez.

L'autre aspect est que 12 p. 100 des familles canadiennes sont des familles monoparentales. Je ne parle pas de mères célibataires, je parle de parents seuls, de mères ou de pères qui sont le principal ou le seul prestataire de soins. Ces familles comptent pour 46 p. 100 de tous les enfants vivant dans la pauvreté. Près de la moitié des enfants vivant dans la pauvreté correspondent en fait à des cas de pauvreté fabriquée. C'est à cause d'autres décisions qui sont prises, pour quelque raison, et ce sont là des choix faits par les gens.

Les gens dont vous parlez et donc j'aimerais vous entendre parler davantage représentent un pourcentage élevé de personnes qui vivent dans la pauvreté et qui ont des revenus inférieurs à 10 000 $. En fait, ce qu'ils demandent, c'est de la nourriture sur la table, des vêtements sur le dos et un abri, et ce n'est pas trop demander. Je pense que notre système de valeurs au Canada... La pauvreté ne se limite pas à une question de pauvreté infantile—il s'agit là d'une expression politique. Il nous faut commencer à parler de la pauvreté des familles, dans le contexte des valeurs et des nécessités de la vie.

J'espère que vous parviendrez à un examen raisonnable de ces questions, mais vous aiderez votre cause si vous traitez de la vraie pauvreté et si vous vous abstenez de grossir les chiffres ou de les emballer dans des situations qui ont en fait pour effet de désensibiliser les Canadiens au problème. Je pense qu'il nous faut parler de la réalité de la vraie pauvreté, du manque de nourriture, d'abri et de vêtements au Canada.

Pourrais-je entendre vos réactions?

Le président: Qui aimerait répondre? Monsieur Farrell.

M. Mike Farrell: J'irai le premier. J'apprécie vos observations; cela me fait plaisir de voir la passion qui vous anime.

Je pense que la question de la mesure de la pauvreté a été extrêmement controversée, et il y a plusieurs façons de la mesurer. Le Conseil canadien de développement social a sa façon à lui, et une autre formule est le seuil de faible revenu.

En gros, la pauvreté peut se mesurer de deux façons différentes. Ou bien vous mesurer la pauvreté absolue, c'est-à-dire si les gens sont ou non en mesure de survivre, ou bien vous mesurer la pauvreté relative. Chaque méthode sert une fin différente. Je pense que lorsque vous parlez de pauvreté absolue, il s'agit de personnes qui sont près de la mort, mettons, et certaines mesures doivent être prises pour s'occuper de ce genre de pauvreté. La pauvreté relative est une mesure de la pauvreté de certaines personnes par rapport à la moyenne ou à une autre mesure, et cela constitue en soi une mesure valable de l'inégalité sur le plan revenu, car au-delà de la mesure de la pauvreté absolue, l'égalité des revenus est une mesure importante de la santé de la société.

Par conséquent que le seuil de faible revenu définisse une situation où les personnes parviennent à peine à survivre ou une situation où ces personnes sont beaucoup plus pauvres que la moyenne, il s'agit néanmoins d'une mesure très importante qu'il nous faut surveiller.

Dans le mémoire que nous avons déposé, nous soulignons entre autres que l'inégalité des revenus augmente. Je pense que depuis 1989, l'inégalité dans les revenus gagnés augmente graduellement, mais jusqu'en 1995, la combinaison impôts et transferts des gouvernements avait contrecarré ces inégalités de telle sorte qu'elles n'allaient pas en augmentant. Cependant, de 1995 à 1996, les premiers 20 p. 100 de Canadiens à revenu élevé ont en fait vu leur revenu augmenter d'environ 2 000 $, tandis que les derniers 20 p. 100 sur l'échelle des revenus ont vu le leur reculer de 500 $. Ce que l'on constate, donc, c'est un fossé toujours croissant contre les riches et les pauvres. Je pense que les seuils de faible revenu sont une mesure importante pour ce qui est de la pauvreté relative.

• 1635

J'aimerais me prononcer sur l'autre question que vous avez soulevée, celle de la situation des parents seuls, car, comme vous le dites, ce sont là des personnes qui vivent des circonstances très difficiles. Notre conseil compte un membre qui a déjà été sans abri. Si vous passiez du temps avec lui, il vous raconterait des histoires assez terrifiantes sur la vie dans la rue.

Je pense qu'il nous faut abandonner cette idée que ce sont les gens qui amènent leur propre pauvreté. En tant que société, il nous faut assumer la responsabilité des structures économiques et sociales que nous avons créées et qui amènent ces choses. Si un homme ou une femme se trouve seul avec des enfants, les obstacles auxquels il ou elle est confronté pour se sortir de la pauvreté sont énormes.

Laissez-moi vous donner un exemple. Dans plusieurs provinces, on a changé les règles applicables aux assistés sociaux. Autrefois, les personnes bénéficiant du bien-être social, et surtout les parents seuls, pouvaient continuer de toucher leurs prestations pendant qu'elles suivaient des cours dans un établissement d'enseignement dans le but d'obtenir la formation nécessaire à l'amélioration de leurs compétences afin qu'elles aient de meilleures chances de se trouver un emploi. Plusieurs provinces ont supprimé cela. Si vous êtes assisté social et si vous voulez retourner aux études, il vous faut renoncer au bien-être social et faire une demande de prêt d'étudiant à la province. De ce fait, vous vous endettez, et il vous faut rembourser.

Je pense que nous pouvons changer la structure de nos programmes pour donner un soutien aux gens afin qu'ils ne sombrent pas dans la pauvreté ou encore qu'il leur soit plus facile de s'en sortir lorsqu'ils s'y enlisent. Je ne pense pas que l'on soit en présence d'une situation où les gens disent qu'ils vont faire ceci ou cela et qu'ils vont ainsi se retrouver dans la pauvreté, comme s'il s'agissait d'une question de choix de style de vie. Je ne pense pas que ce soit le cas.

Je me souviens avoir regardé la couverture télévisée de la catastrophique tempête de glace au Québec et dans l'Est ontarien et des inondations au Manitoba. Les gens vivaient dans des abris et recouraient à différents endroits pour avoir de la nourriture. Ce que j'ai trouvé d'ironique c'était qu'il était très facile de déclarer ces situations comme étant des urgences nationales parce que les gens voyaient qu'il s'agissait d'actes de Dieu ou autre, qui arrivaient comme cela, et qu'on n'aurait jamais pu prévoir ce genre d'événements. Eh bien, la pauvreté, c'est comme cela. Vous ne la prévoyez pas. Quelque chose arrive, quelqu'un meurt. Votre mariage éclate. Il survient dans votre famille un énorme problème de santé. Quelque chose arrive dans votre vie et vous sombrez dans la pauvreté. Ce n'est pas que les gens font des choix.

Le président: La parole sera maintenant à M. Stock, puis ce sera au tour de Mme Carter.

M. Peter Stock: Merci, monsieur le président.

M. Szabo a soulevé une excellente question relativement au seuil de faible revenu. Statistique Canada a maintes fois répété que ce n'est pas une mesure de la pauvreté, et il y a bien sûr de bonnes raisons à cela. Si vous regardez ce groupe de personnes considérées comme étant dans cette catégorie à faible revenu, 25 p. 100 d'entre elles possèdent leur propre maison et n'ont pas d'hypothèque. On parle sans doute surtout de personnes du troisième âge, mais ce sont des personnes qui vivent avec un revenu qui n'a pas à être aussi élevé que celui de nombreux autres membres de la société. C'est néanmoins un revenu qui est tout à fait adéquat compte tenu de leurs possibilités et de leurs besoins.

Un autre groupe dans cette catégorie est, bien sûr, celui des étudiants qui fréquentent l'université ou le collège. On les met dans une catégorie à part du fait de leur revenu. En même temps, ils vivent une situation où un revenu de 10 000 $ ou moins est néanmoins suffisant pour payer leurs frais de scolarité, acheter leurs livres, manger et se payer une chambre dans une résidence pendant qu'ils vont à l'école. Ce ne sont pas ces genres de personnes, dans notre société, qu'on considère comme étant vraiment pauvres ou dans le besoin, mais elles tombent malgré tout dans la catégorie des personnes à faible revenu.

Ce que dit M. Szabo est donc tout à fait juste. Il nous faut commencer à tenir davantage compte du besoin, et pas tout simplement du revenu en fonction de la situation familiale.

Merci.

Le président: Madame Carter.

Mme Susan Carter (directrice associée, Conseil canadien de développement social): Merci.

J'aimerais faire plusieurs remarques au sujet de la question de savoir comment on interprète et comment on définit la pauvreté. Il existe toute une masse de preuves qui montrent que ce qui compte vraiment c'est importance de l'écart entre les personnes à revenu élevé et les personnes à faible revenu.

Nous faisons depuis quelque temps des recherches très intéressantes sur les perspectives des enfants: ce à quoi l'on peut s'attendre, ce que l'on constate parmi certains groupes d'enfants sur le plan santé, sur le plan contacts avec le système judiciaire, sur le plan fréquentation et résultats scolaires, sur le plan efficacité scolaire, risque de décrochage, etc. Toutes ces perspectives ou tous ces résultats, si vous voulez, sont très étroitement liés au niveau de revenu et à l'écart dans les revenus. Cela laisse entendre qu'il n'y a pas de point magique: on ne peut pas dire qu'en dessous de tel niveau les gens vont lutter et avoir de piètres perspectives et qu'au-dessus de ce point tout ira bien. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. C'est un continuum.

• 1640

Il demeure la question de savoir comment définir le point en dessous duquel les gens n'ont plus assez pour subvenir à leurs besoins. Les seuils de faible revenu ont été largement utilisés pour situer cette ligne de démarcation.

Nous avons tout récemment fait une chose très intéressante. Nous avons examiné le sondage Gallup, qui pose depuis 25 ans la même question, parmi beaucoup d'autres: de combien d'argent devrait disposer une famille de quatre pour pouvoir vivre de façon raisonnable? Au cours de ces 25 ans, le montant d'argent mentionné a presque toujours été identique au seuil de faible revenu, ce qui laisse entendre que les Canadiens s'accordent pour dire que c'est le seuil en dessous duquel les gens doivent lutter et ne disposent pas des ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Il y a un autre point que j'aimerais soulever et c'est le suivant: lorsqu'on discute de ces sujets, il est important de réfléchir à la question de la gravité de la pauvreté. En moyenne, les familles vivant en dessous du seuil de la pauvreté ne sont pas tout juste en dessous; elles sont de 8 000 $ à 12 000 $ en dessous. Elles sont très loin derrière. Il n'est pas question d'une petite somme d'argent pour pouvoir passer de l'autre côté; c'est beaucoup plus grave que cela.

Le président: Monsieur Birchall.

M. Chuck Birchall: Ça va, merci.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais poser une question au sujet de vraies recommandations.

Monsieur Birchall, dans votre mémoire, mais non pas dans votre présentation, vous parlez d'allégements fiscaux offerts à tous et vous dites que votre préférence serait qu'on augmente l'exemption fiscale de base. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu mieux cela? Pensez-vous vraiment que l'on pourrait vendre cela comme solution à la pauvreté?

M. Chuck Birchall: Dans le but de faire en sorte que chacun de nous trois ait la possibilité d'intervenir dans le débat, c'est mon collègue M. Laliberté qui va répondre.

M. Pierre Laliberté (recherchiste associé, Conseil canadien de développement social): Il y a de nombreuses façons de faire. Il s'agit là d'une possibilité.

Le fait est que depuis quelques années déjà le fardeau fiscal pour les personnes à faible revenu a en fait augmenté. Cela est en grande partie dû à la désindexation partielle des crédits et avantages correspondant aux différentes tranches d'imposition. En passant, c'est sans doute là que pourrait selon nous se faire le plus important changement fiscal immédiat, car ce serait une chose qui bénéficierait à tout le monde mais surtout à ceux et celles qui dépendent de ces crédits et avantages. L'idée d'augmenter l'exemption personnelle de base n'est donc qu'une possibilité.

Une autre possibilité, mais ce serait plus ambitieux, serait de faire en sorte que ces tranches d'imposition soient un petit peu plus progressives, comme c'était le cas autrefois. Mais, encore une fois, ce serait plus ambitieux.

L'autre élément, encore une fois, lorsqu'on parle impôts—et je pense que je vais profiter de l'occasion qui m'est ici donnée—est que nous avons au CCDS quelques réserves quant à l'idée de donner aux gens... Je veux dire, tout le monde veut voir ses impôts réduits, et nous aussi. Personne ne refuserait cela à notre avis. Mais à l'heure actuelle, lorsqu'on parle du surplus, ça passe très mal qu'un gros bloc de ce surplus sorte du compte d'AE. Nous pensons que l'on ne devrait pas prendre de l'agent qui provient d'une taxe essentiellement régressive sur la masse salariale pour subventionner des réductions dans un régime d'impôt sur le revenu plutôt progressif.

• 1645

C'est certainement une mise en garde que nous ferions au comité: méfiez-vous de vous lancer dans un allégement fiscal général parce que c'est populaire, alors qu'en fait les ressources nécessaires ne sont peut-être pas là pour financer une telle réduction.

Je vais m'arrêter là.

Mme Carolyn Bennett: L'une des choses qui arrivent aujourd'hui dans les négociations sur l'union sociale entre les provinces et le gouvernement fédéral est que l'on commence à utiliser le mot «imputabilité», ce qui est sans doute une bonne chose de l'avis de bon nombre d'entre nous.

Votre mémoire parle d'indicateurs de résultats côté soins de santé. Pensez-vous que nous pourrions commencer à examiner les indicateurs de résultats pour ce qui est du filet de sécurité sociale et pour ce qui est de l'imputabilité en matière de logements abordables, de soins de santé, de désir d'apprendre et d'autres choses du genre? Encore une fois, commencer à mesurer cela va coûter de l'argent. Pensez-vous que ce serait un investissement valable du gouvernement que d'aider les provinces à commencer à mesurer ce genre de choses?

Mme Susan Carter: Absolument. Il s'agit là d'un élément clé pour commencer à guider et à orienter les dépenses et à définir les priorités en matière de dépenses, à déterminer ce sur quoi les gouvernements doivent mettre davantage l'accent. Il importe d'élaborer des indicateurs qui mesurent véritablement les vrais résultats, qui mesurent les différences qui sont amenées et non pas le processus.

Nous sommes de fervents défenseurs d'une telle orientation. Nous avons plusieurs fois demandé au gouvernement d'engager des ressources en ce sens. C'est un travail auquel nous nous consacrons nous-mêmes au sein de notre organisation, car nous croyons que cela est central à la façon dont on pourra à l'avenir établir la gestion des programmes et le choix des priorités et des orientations futures.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson et Highland Valleys, NPD): Merci, monsieur le président.

Je ne voudrais pas que mes observations soient mal comprises, mais ces discussions me paraissent quelque peu surréelles. C'est un petit peu comme si l'on nous avertissait qu'un ouragan fonçait droit sur nous et qu'on passait notre temps à parler du genre de ruban collant à utiliser sur nos fenêtres.

Nous faisons des choix. C'est le propre des gouvernements: ils font des choix. Le gouvernement a choisi d'éliminer le déficit. Il lui a fallu puiser dans le fonds de l'AE pour le faire, mais c'est ce qu'il a fait, et il n'y a plus de déficit.

Je pense que le CCCI a mentionné un pays du Sud-Est asiatique où la pauvreté est le propre d'environ 20 p. 100 de la population, ou en tout cas c'est ce qui est prévu. C'est la même chose au Canada. On est censé être le pays le plus riche au monde. Or, on affiche déjà 20 p. 100. L'an dernier, on avait 1,5 million d'enfants canadiens vivant dans la pauvreté, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Il y a des pays qui n'ont pas d'enfants vivant dans la pauvreté parce qu'ils n'ont pas d'adultes vivant dans la pauvreté.

Il me semble que parler de la définition de ce qu'est la pauvreté c'est s'écarter un petit peu du sujet. Dans un pays comme le nôtre, où le fossé entre riches et pauvres se creuse davantage chaque année, où le nombre de personnes vivant dans la pauvreté va toujours augmentant, où on nous rappelle que les banques alimentaires sont très achalandées et où nos programmes destinés à aider les gens subissent des coupures, etc., pourquoi êtes-vous si calmes?

Année après année vous venez comparaître ici, et la situation ne fait qu'empirer. Nous avons les groupes anti-pauvreté, que quelqu'un, je pense, a évoqués. Ils ne semblent pas très bien fonctionner, à moins que leur objet soit de créer davantage de pauvreté, car la pauvreté est à la hausse.

Puis-je poser une question à un représentant de chacun de vos groupes? Comment se fait-il que les choses empirent et pourquoi n'y a-t-il aucune amélioration? Les choses ne s'améliorent pas. Je ne dis pas que le gouvernement ne fait pas des choses ou que des mesures ne sont pas en train d'être prises. Nous avons des programmes de prestations pour enfants. La réalité est que la situation est en train de s'aggraver dans notre pays. Dans certains pays, comme le Bangladesh et peut-être l'Indonésie à l'heure où nous parlons, nous ne pouvons pas y faire grand-chose.

Prenez le FMI. Scott et moi-même revenons tout juste de Russie, et on y a envoyé 18 milliards de dollars. Que s'est-il passé? Des centaines de millionnaires de plus ont été créés et ils ont tous quitté le pays. Ils habitent maintenant les îles Caïman, je suppose, et il y en a peut-être qui sont venus s'installer au Canada, dans des palaces à Toronto.

Quel est le problème? Pouvez-vous aller droit au but et nous dire ce qui doit être fait pour que les choses aillent dans la bonne direction? À l'heure actuelle, rien ne bouge.

Mike, pourquoi ne commencerait-on pas par vous?

• 1650

M. Mike Farrell: Je vais commencer par m'excuser de mon calme. J'ai récemment reçu quelques appels téléphoniques de journalistes au sujet du processus de consultation gouvernementale, et je pense que cela explique en grande partie mon calme.

Mon expérience me dit que quoi que je dise aujourd'hui, des décisions sont en train d'être prises au sujet du budget par le ministre des Finances et par le bureau du premier ministre, et peut-être que le Cabinet exerce une certaine influence. Je ne pense pas qu'ils écoutent ce que je dis, et c'est le cas de l'ONAP depuis quelques années. Je regarde les mémoires qu'on a présentés par le passé. Nous venons ici chaque année et nous consacrons des ressources à la préparation d'une présentation, mais d'après ce que je peux voir, cela ne change rien. Je pense donc qu'il nous faut garder notre énergie pour les personnes qui écoutent et essayer de nous faire comprendre par elles.

Je partage vos préoccupations. Je suis presque convaincu que nous allons vivre une récession l'an prochain. Avec les coupures dans le programme d'AE et avec ce que les provinces ont fait au programme d'assistance sociale, je pense que ça va être la catastrophe. En mars de cette année, plus de 700 000 Canadiens ont recouru aux banques alimentaires. Si vous pensez que les choses vont mal aujourd'hui, ça va être pire l'an prochain.

Le président: Merci, monsieur Farrell.

Monsieur Birchall.

M. Chuck Birchall: Il existe sans doute une vaste gamme de réponses à votre question, mais tout peut être ramené à trois mots: marché du travail. C'est ce qui se passe dans ce pays. Nous vivons—comme vous le savez, car c'est votre domaine—des restructurations massives, et les gens n'arrivent pas à s'adapter assez rapidement. Nous avons fait des études au sujet du travail à temps partiel et celles-ci montrent que les gens ne veulent pas travailler à temps partiel. Ils veulent plus de travail. Ils ne cherchent pas à éviter le travail; ils en réclament. Or, les nombres ne cessent d'augmenter.

La difficulté c'est de trouver un bon emploi, un emploi bien rémunéré, et les données sont là. Les choses ne s'améliorent pas, elles s'aggravent. Il existe un certain nombre de très bons emplois, alors ceux qui sont en haut de l'échelle économique ont de très bons emplois, eux. Mais il y a des gens qui traînent à l'arrière, et les chiffres sont là. Nous compilons les statistiques. Nous les analysons et nous en tirons des conclusions. Tout nous ramène au marché du travail. La question est de savoir dans quelle mesure le gouvernement est prêt à aider ou capable d'aider les gens à s'adapter à ce genre de marché du travail.

Le président: Y a-t-il d'autres observations? Monsieur Stock.

M. Peter Stock: Merci.

Je pense que votre commentaire, monsieur Riis, voulant qu'avec 20 p. 100 de pauvreté en Thaïlande et 20 p. 100 de pauvreté au Canada nous avons le même problème, est quelque peu préoccupant. Je ne pense pas que nous ayons le même problème. Je pense que le problème en Thaïlande est très différent: on parle là-bas de vraie pauvreté, de pauvreté abjecte, d'enfants vendus comme esclaves et comme prostitués et de toutes sortes d'autres choses épouvantables, comme par exemple des personnes qui meurent de faim, etc. Nous n'avons pas ce problème au Canada.

M. Nelson Riis: N'avons-nous pas cela?

M. Peter Stock: Non, nous n'avons pas le même problème, quelles que soient les bases sur lesquelles vous vous appuyez. Nous n'avons pas d'enfants qui meurent de faim au Canada, et je vous mets au défi d'en trouver des exemples. En fait, le seuil de faible revenu que vous utilisez comme base pour déterminer qu'il y a 20 p. 100 de pauvreté au Canada n'est pas le même seuil qui serait utilisé en Thaïlande.

Si nous prenions le revenu d'une personne dans ce pays qui vit sur le bien-être, et la plupart de ces personnes seraient considérées, comparativement, comme ayant un faible revenu, et si nous donnions cela à une personne vivant dans un pays comme la Thaïlande, cette personne y serait considérée comme faisant partie de la classe moyenne. Je pense que vous trouveriez la même chose si vous examiniez la situation des Canadiens au cours des 50 dernières années. Prenez la période allant de 1945 à 1950. Les gens considérés à l'époque comme faisant partie de la classe moyenne seraient considérés comme pauvres aujourd'hui. C'est le même revenu en dollars réels.

Nous avons connu une croissance incroyable en tant que société. Notre société est la plus riche qui ait jamais existé dans toute l'histoire du monde, et nous en bénéficions. C'est pourquoi nous avons pu contribuer 2 milliards de dollars en aide étrangère chaque année pour des pays comme la Thaïlande et la Chine.

• 1655

Je ne peux pas convenir que le même problème de pauvreté existe au Canada et en Thaïlande, monsieur.

M. Nelson Riis: En interprétant mes commentaires, vous êtes passé complètement à côté de ce que j'essayais de dire. Je ne dis pas qu'il faut comparer le Canada avec la Thaïlande ou le Bangladesh. Ce que j'essayais de dire est que nous sommes bien d'accord sur le fait qu'il existe un grave problème de pauvreté, relativement parlant, en Thaïlande, au Cambodge, ou ailleurs, mais que nous avons également l'un des pays les plus riches au monde. D'autres pays riches n'ont pas de pauvreté, monsieur Stock. Il y a dans ce monde des pays qui ne connaissent pas du tout de pauvreté.

M. Peter Stock: Ils n'ont pas de pauvreté relative, monsieur. Ce n'est pas la même chose que la pauvreté tout court.

M. Nelson Riis: D'accord, je veux bien.

Le président: Madame McDonald.

Mme Katherine McDonald: Le PNUD a récemment produit un rapport disant que selon ses indicateurs, nous sommes le meilleur endroit au monde où vivre. Eh bien, les indicateurs qu'ils regardent ne concernent pas la richesse. Ils regardent des choses comme l'accès à l'éducation, l'accès aux soins de santé, l'égalité entre hommes et femmes—même si nous occupions autrefois le neuvième rang dans l'indexe sur les différences entre les sexes, si je me souviens bien. Ce sont donc des aspects liés à la qualité de la vie que mesurent ici les Nations unies, et non pas la santé absolue ou le revenu moyen.

Cela a été très intéressant pour moi d'oeuvrer à l'intérieur d'une si nouvelle ONG, et j'ai récemment travaillé avec un groupe d'organisations autochtones qui oeuvrent à une analyse de la santé et des perspectives des femmes autochtones en s'appuyant sur les indicateurs du PNUD. Je pense, et je dirais même que je sais, que nous trouvons qu'il y a au Canada des pochettes de communautés autochtones dont la situation se comparerait à celle du Tchad ou de l'Éthiopie.

Je pense que si nous voulons parler d'inégalité et du fossé entre riches et pauvres, alors nous avons pour responsabilité de passer en revue les résultats de notre système, et non pas la moyenne... non pas combien, quel est le revenu moyen, mais là où se trouve la richesse et comment elle est distribuée. Je pense que ce devrait être là notre intention également au niveau international, c'est-à-dire nous pencher sur la distribution de la richesse entre riches et pauvres et entre pays riches et pays pauvres.

Le président: Madame Carter.

Mme Susan Carter: J'aimerais ajouter quelque chose à cela, tout simplement pour être bien certaine que les membres du comité sont au courant: le rapport des Nations unies de cette année donne une cotation générale mais examine ensuite un certain nombre de dimensions différentes.

Sur le plan pauvreté, la position du Canada a reculé et le pays se situe maintenant au dixième rang pour ce qui est de ce que nous faisons pour lutter contre la pauvreté, ce qui vient confirmer le fait qu'il y a un nombre significatif de pays qui font un meilleur travail que nous dans la lutte contre la pauvreté.

Le président: Madame Rektor.

Mme Laurie Rektor: J'aimerais ajouter que le Canada se classe au dixième rang selon un tout nouvel indice de la pauvreté humaine, dixième sur 17 pays développés. Il s'agit donc d'un résultat plutôt pitoyable, étant donné les ressources dont nous disposons dans ce pays.

Le président: Très bien. Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Il est intéressant que certaines des présentations aient donné une perspective mondiale des questions tandis que d'autres étaient davantage axées sur le contexte canadien. Toutes ont beaucoup donné matière à penser.

Pour ce qui est de l'aspect mondial, a paru dans le Globe and Mail d'aujourd'hui un article de Jeffrey Garten, qui est le doyen du Yale School of Management. Il a écrit de nombreux très bons articles sur, par exemple, la séparation qui est intervenue entre les droits de la personne et la politique étrangère. C'est un type très brillant. Cet article porte sur la question d'une banque mondiale centrale: les banques centrales des pays membres du G-7 ou du G-8 s'agrandiraient en fait. Vous auriez, par exemple, un G-15 englobant d'autres États qui travailleraient ensemble. Les banques centrales travailleraient ensemble pour financer une banque centrale mondiale qui aiderait à éviter certaines des difficultés aux prises avec lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui. Alors que le FMI réagit, cette nouvelle entité serait en un sens proactive.

• 1700

Comme l'a mentionné Nelson, nous avons récemment participé à une conférence de l'Union interparlementaire qui a eu lieu en Russie pendant la semaine au cours de laquelle le rouble a été complètement massacré et Primakov est devenu premier ministre. Ce qui est arrivé là-bas est absolument catastrophique et le détournement de fonds à l'oligarchie corporative n'a servi ni avantagé personne, sauf cette oligarchie et les dirigeants au pouvoir.

Cela m'intéressait de connaître, très rapidement, vos réactions au concept d'une banque centrale mondiale, après quoi je vous poserai une question à caractère national.

Le président: Qui aimerait répondre à la question? Madame Sreenivasan.

Mme Gauri Sreenivasan: Je ne peux pas y répondre dans le détail—je n'ai pas vu cette proposition en particulier—mais j'aurai quelques observations à faire au sujet du concept.

Je pense qu'il est très clair, par suite de la libéralisation mondiale des marchés financiers, que nous avons besoin de nouvelles règles du jeu à l'échelle internationale pour gérer ce qui est en fait une économie mondiale internationale. Je pense que nous voyons également des lacunes du côté du Fonds monétaire international. Je suis d'accord avec vous sur ce que vous avez dit au sujet du FMI et du fait que l'institution soit purement réactive. Comment faire pour que les institutions oeuvrent plus proactivement à la stabilité mondiale?

Une banque mondiale ou une quelconque nouvelle institution mondiale m'inquiéterait, car elle pourrait très facilement être la proie des mêmes genres de problèmes que ceux qu'ont connus d'autres institutions mondiales.

Certains des gros problèmes de nos institutions mondiales actuelles, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international, sont liés à la personne qui décide de la tactique et au partage des pouvoirs, c'est-à-dire au processus décisionnel. Une partie du problème avec les banques est qu'elles tendent à être gérées davantage en fonction de la question de qui y met de l'argent que du système des Nations unies où il y a un vote par pays, voire même de la représentation proportionnelle. Je suppose qu'une partie de mon inquiétude concerne la gestion d'une telle institution et la question de savoir, avant que l'on en crée de nouvelles, comment faire pour être certain d'avoir bien compris les problèmes de celles qui existent déjà.

Encore une fois, je ne suis pas certaine de ce que signifierait le terme proactif, mais il faut assurément un consensus international sur le consentement plus sage de prêts. Une partie du problème avec la crise asiatique est qu'on a prêté à tort et à travers et à très court terme et qu'on a fait de la spéculation sur prêt et, partant, des emprunts à très court terme. Il nous faut donc de nouvelles règles du jeu visant les pays qui s'endettent mais également les banques commerciales et les institutions de prêt qui consentent des prêts d'une façon si précipitée.

Voilà quelques-unes des questions auxquelles devrait s'attaquer une nouvelle institution ou un nouveau consensus international. Je ne sais cependant pas très bien comment une banque mondiale réagirait face à tout cela.

M. Scott Brison: L'une des questions dont on ne parle peut-être pas aussi souvent qu'il le faudrait est celle des difficultés avec la crise asiatique... La plupart de ces pays ont continué d'appliquer des politiques fiscales qui ne cadraient pas avec leurs politiques monétaires. C'est déjà là un problème qui n'a lui non plus pas été abordé.

Je sais que le FMI se fait souvent malmener à cause des conditions dont il assortit ses initiatives de sauvetage. J'arguerais, après avoir passé un peu de temps en Russie et discuté avec des gens là-bas, que certaines de ces conditions n'étaient pas déraisonnables. Je songe, par exemple, à des choses comme une politique fiscale fondée sur une large assiette ou une politique de réglementation qui fonctionne véritablement... Le FMI n'est pas si mauvais que cela, pas plus que la Banque mondiale. La Banque mondiale renferme un certain potentiel.

De toute façon, j'apprécie vos remarques là-dessus. Je vous donnerai l'article. J'ai également dans mon bureau un article que j'ai reçu des Affaires étrangères, qui a été écrit par le même type et qui s'inscrit dans la même veine.

• 1705

Côté situation intérieure, j'aimerais tirer quelque chose au clair. Un membre du comité a soulevé la question de la pauvreté fabriquée et a lié cela à la situation des parents seuls. Il est très important que nous reconnaissions tout d'abord qu'il y a une causalité qui intervient dans le cadre des divorces, que la pauvreté et les difficultés financières peuvent exacerber les conflits dans les ménages.

Je pense que nous devrions également reconnaître que nos institutions, dans les années 90, reflètent peut-être à certains égards les réalités des années 50. Nous ne reconnaissons pas forcément que nous affichons aujourd'hui un taux de divorce plus élevé. Personnellement, je ne pense pas que ce soit le cas de la pauvreté. Je pense que dans bien des cas, il s'agit de couples qui, dans un contexte des années 50, seraient restés unis à cause des enfants, même si les relations familiales étaient peut-être tout à fait dysfonctionnelles.

En tant que parlementaires, lorsqu'on regarde autour de nous, on constate que le taux de divorce est très élevé. Je ne voudrais pas que vous pensiez qu'il existe autour de cette table un consensus sur la pauvreté fabriquée, sur le fait qu'une telle chose existe ou que les couples riches ou aisés devraient être plus libres de divorcer que les couples pauvres, qui devraient rester unis parce que c'est préférable dans le contexte du revenu de la famille. Personnellement, je ne crois pas cela.

J'aimerais que vous vous prononciez sur les façons dont nos programmes actuels pourraient en fait refléter la réalité des années 90, pour ce qui est de l'état civil ou d'autres nouvelles réalités—par exemple, des choses comme l'importance de l'appui actif à donner à l'idée d'un programme national Bon départ ou d'intervention précoce. Certaines de ces études font ressortir—et je sais que M. Szabo en connaît certaines—qu'un dollar investi dans un enfant dans une situation à risque élevé peut en fait économiser à la société environ 7 $ entre le moment de l'intervention et le moment où l'intéressé atteint l'âge de 30 ans.

J'ai fréquenté une école élémentaire dans laquelle il y avait 30 élèves en sixième année. C'était une région très pauvre. Sur les 30 qui sont sortis de la sixième année, seuls huit d'entre eux ont terminé leurs études secondaires. Lorsque je regarde la pauvreté abjecte dans laquelle ces personnes la vivent à l'heure actuelle, la pauvreté absolue que certains de ces camarades vivent encore aujourd'hui dans la même localité, la localité que je représente et où je vis aujourd'hui, je pense qu'il nous faut envisager très sérieusement des programmes de type bon démarrage ou intervention précoce. Cela est extrêmement important.

D'autre part, je représente une localité ou une circonscription rurale. Même si la pauvreté rurale paraît peut-être plus bucolique et moins énorme à nos yeux lorsqu'on regarde les maisons, les clôtures, les cours et les petits jardins et autres, en fait, les données démographiques, par exemple taux de grossesse chez les adolescentes, taux de décrochage scolaire, taux d'abus de stupéfiants et incidence de violence conjugale, sont aussi tristes, à bien des égards, que dans les villes.

J'aimerais entendre vos commentaires sur certaines de ces questions.

Le président: Madame McDonald ou madame Carter.

Mme Katherine McDonald: J'aimerais tout simplement faire un bref commentaire.

Je ne suis pas ici en tant que membre de l'Organisation nationale anti-pauvreté ni du Conseil canadien de développement social, mais ce que disent leurs porte-parole me touche très profondément. J'ai été mère à l'âge de 18 ans, j'ai vécu pendant huit ans en comptant sur le bien-être social. Je me suis payé l'université, l'école de droit et j'ai fini par m'en sortir. Il est donc très difficile pour moi de me taire lorsque j'entends mon collègue, avec tout le respect que je lui dois, parler de pauvreté fabriquée.

Je pense que certaines situations de pauvreté sont limitées dans le temps, sont des situations à court terme, comme ce que j'ai vécu. Mais cela a compté néanmoins lorsque mon enfant de six ans a dû aller à des fêtes d'anniversaire sans cadeau, ou avec seulement un tout petit cadeau, et que ce cadeau était très différent de ceux qu'apportaient ses camarades de classe. Il y a toutes sortes de questions qui planent autour de la pauvreté et de sa durée, et il y a la question de savoir s'il va y avoir une lumière au bout du tunnel.

Je pense que si nous faisions une chose dans ce pays pour commencer à soulager la pauvreté, un investissement qui changerait beaucoup de choses serait de financer les études universitaires, les études postsecondaires et, bien sûr, les études secondaires également—un réel coup de pouce et un réel investissement dans l'éducation de jeunes femmes qui sont mères et qui sont seules pour qu'elles puissent sortir de leur carcan et avancer dans la vie. Cela ne concernera qu'un très faible pourcentage des pauvres dans leur ensemble, mais c'est un investissement rapide et bon marché qui rapporte presque immédiatement.

• 1710

Bien que je ne travaille pas dans ce domaine, j'y ai travaillé autrefois. Je m'excuse donc auprès de mes collègues qui ont des compétences en la matière. Après tout, M. Riis cherchait de la passion, alors il m'a fallu...

M. Scott Brison: Merci beaucoup. Je pense que nous devons parfois enlever nos oeillères et nous attaquer aux problèmes tels qu'ils existent véritablement. Il est très facile de se laisser happer à l'occasion par des envolées moralisatrices, et je ne pense pas que ce soit sain. Nous vivons en effet dans une société en évolution, et si nous ne reflétons pas ces changements, les gens vont tomber à travers les mailles de ce système à définition traditionnelle.

M. Peter Stock: J'apprécie les observations de M. Brison. Je pense qu'il a vraiment mis le doigt sur ce qui se trouve à l'origine de tout cela. À notre avis, c'est la stabilité de l'unité familiale...

M. Scott Brison: Ce n'est pas là ce que je disais.

M. Peter Stock: Eh bien, c'est en tout cas ce que j'en ai tiré.

Une question que nous aborderions est la suivante. C'est intéressant, car Betty Friedan, féministe de renom, en a parlé au cours de l'année écoulée. Elle a reconnu que le problème du divorce hors faute était dans son esprit l'un des principaux problèmes à l'origine de la création de la pauvreté, de l'éclatement des familles, etc. Dans les années 70, le divorce sans faute était la grande question et les gens poussaient très fort, et peut-être qu'ils sont allés trop loin. Peut-être que la faute est un élément qui devrait intervenir dans le contexte du divorce. Dans bien des cas, le père quitte sa famille, l'abandonne et celle-ci vit alors les situations dont vous parlez. Dans d'autres cas, c'est la mère. Dans un cas comme dans l'autre, le divorce coûte aux familles et ne bénéficie pas aux enfants. Cela est une évidence.

M. Scott Brison: Qu'en est-il des familles qui restent unies pour des raisons financières et où le mari bat sa femme? Il y a un sexisme inhérent dans ce que vous dites, en un sens. Il y a également, si vous me le permettez, un certain préjugé fondé sur le revenu, car en fin de compte les gens qui sont à l'aise financièrement peuvent se permettre de divorcer; ils n'ont pas à continuer de vivre avec quelqu'un qu'ils ne peuvent plus supporter. Mais si vous êtes pauvres, alors vous ne devez pas divorcer. Vous devez continuer de vivre une situation insupportable avec quelqu'un que vous méprisez et avec qui vous vous disputez sans cesse devant les enfants, du simple fait que vous êtes pauvres.

M. Peter Stock: Je dirais que même dans le cas des couples aisés, il demeure un gros problème pour ce qui est des revenus. Il y a la question du style de vie. Quelqu'un vient de parler de cadeaux apportés à des fêtes d'anniversaire et du fait que le cadeau de l'un n'est pas toujours aussi important que le cadeau des autres. Même dans une famille aisée, si vous la démantelez et que vous avez une résidence supplémentaire à financer...

M. Scott Brison: On ne parle pas ici d'une Jaguar au lieu d'une Lexus.

M. Peter Stock: Eh bien, en fait, la réalité de la plupart des familles est que si l'un des conjoints décide de quitter le foyer, souvent c'est qu'il part pour vivre avec quelqu'un d'autre, un autre conjoint, si vous voulez, assumant peut-être même des responsabilités familiales supplémentaires ailleurs. Cela s'accompagne de coûts énormes.

Dire que l'idée de revoir la question du divorce avec faute est un problème parce que cela pourrait établir une distinction entre les couples aisés et les autres n'est selon moi pas la vraie raison pour laquelle nous devrions examiner cela. Il nous faut songer aux enfants concernés. Il nous faut songer à la majorité de Canadiens qui vont souffrir d'une façon très réelle d'une situation de pauvreté relative, sinon de pauvreté réelle, par suite d'un divorce.

M. Scott Brison: Vous ne pensez donc pas que nos programmes sociaux devraient refléter les réalités sociales d'une société en évolution, et vous estimez que nous devrions adopter une approche plutôt pavlovienne aux choses comme le divorce, du genre: si vous divorcez vous allez payer un coût significatif car vous faites quelque chose qui n'est pas bien?

M. Peter Stock: Excusez-moi, mais pourriez-vous expliquer un peu mieux cela.

M. Scott Brison: Vous suggérez, il me semble, que nos programmes sociaux devraient demeurer statiques et que nous n'avons pas à changer les programmes, le problème étant que les gens commettent tout simplement des erreurs et ne devraient pas divorcer. S'ils divorcent, ils commettent là un acte qui est intrinsèquement égoïste ou compromettent l'avenir de leurs enfants en se sortant d'une relation dysfonctionnelle. C'est bien cela?

• 1715

M. Peter Stock: C'est précisément ce que je dis. S'il y a faute et si cela peut être prouvé, alors cela nuit bien sûr à la famille existante et tout particulièrement aux enfants.

M. Scott Brison: L'incompatibilité ou l'incapacité de s'entendre?

M. Peter Stock: Il ne s'agirait pas forcément là d'un motif de divorce avec faute.

M. Scott Brison: Très bien. Merci.

Le président: Madame Carter.

Mme Susan Carter: J'aimerais revenir sur la question des avantages manifestes des programmes d'intervention précoce. Il existe quantité de preuves de la valeur de tels programmes, que l'on parle du programme Bon départ ou du très intéressant programme 1, 2, 3 GO! à Montréal. Quantité d'interventions de ce genre sont lancées et affichent de très bons résultats.

Je pense que l'exemple dont vous parliez est un exemple américain, la Perry Preschool, qui est le cas le plus documenté. Cette expérience a fait ressortir qu'un dollar dépensé en intervention précoce produisait un rapport de 7 $.

M. Paul Szabo: Dans les ghettos.

Mme Susan Carter: Oui. C'est là la deuxième partie de ce que j'aillais...

M. Paul Szabo: Ce n'était pas là la situation moyenne.

Mme Susan Carter: Non. Ce que j'allais dire est que les programmes de ce genre ont surtout de la valeur en ce qu'ils limitent ou contrecarrent les conséquences d'un milieu défavorable pour les jeunes. La valeur de ces programmes est donc claire et prouvable.

En même temps, il importe d'essayer de s'attaquer aux problèmes de l'inégalité des revenus afin que moins d'enfants grandissent dans la pauvreté et en milieu défavorisé.

M. Scott Brison: Si vous me permettez, j'aimerais faire un commentaire sur l'expression «dans les ghettos». Il y a des circonstances de type ghetto et il y a des situations qui n'évoquent pas les ghettos. Je parle ici encore de la pauvreté rurale, car c'est un problème qui me touche de très près. Les campagnes ne ressemblent pas à des ghettos, mais la situation qu'on y rencontre ressemble à celle que l'on peut voir dans les ghettos. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Brison, pour la question et les observations détaillées.

Je vous écoutais, et je suis bien sûr très préoccupé par le fait qu'il y a dans ce pays des personnes qui vivent dans des conditions dont nous déplorons tous l'existence. Je pense que tous les membres du comité sont poussés par un objectif essentiel, soit améliorer la qualité de vie des Canadiens. Je pense que c'est là notre but ultime. Je ne pense pas que nous souhaitions faire autre chose que cela.

L'histoire nous dit cependant également que ce n'est pas tout simplement une question d'argent. Il ne s'agit pas tout simplement de dépenser plus d'argent sur des programmes pour enfants ou pour adultes, quels que soient les programmes dont vous parlez, car certains programmes ont réussi et d'autres ont échoué. Lorsque l'actuel gouvernement est arrivé au pouvoir, il a dû assumer un déficit de 42 milliards de dollars. Nous aurions préféré ne pas avoir hérité d'un déficit de 42 milliards de dollars. Certains imputent ce déficit de 42 milliards de dollars qui nous a été légué à de mauvaises habitudes passées en matière de dépenses, avec des programmes pour lesquels il n'y avait aucune reddition de comptes, aucun suivi, rien du tout.

Je peux vous dire sans ambages que si des gens me disaient: investissez 20 milliards de dollars dans ce programme et vous supprimerez la pauvreté, ou bien dépensez 10 milliards de dollars et toutes ces personnes vont voir leur sort s'améliorer et tout le monde sera mieux loti... Je pense qu'aucun député ne dirait non à cela. Bien franchement, s'il était possible de résoudre le problème en dépensant tout simplement davantage d'argent, alors c'est ce qu'on ferait. Au bout du compte, si la société se porte mieux, en tant que politiques, nous avons accompli notre mission. Nous avons amélioré la qualité de vie des habitants du Canada. C'est là, en bout de ligne, notre objectif. Mais le passé nous dit que tel n'est pas le cas. Nombre de programmes sociaux n'ont pas réussi.

• 1720

J'ai participé à un programme d'examen de la sécurité sociale en 1993. Je peux vous dire que partout au pays j'ai trouvé de nombreux programmes qui étaient formidables, comme vous vous en souviendrez. Ces programmes faisaient tourner les choses.

Je me suis souvent posé une question au sujet du programme d'alphabétisation que nous avons dans ce pays. Comment se fait-il qu'il y a un si grand nombre de personnes qui peuvent lire et écrire dans ce pays, mais qu'il y en ait 30 p. 100—je pense que dans certaines régions du pays on atteint ce pourcentage—qui ne peuvent ni lire ni écrire?

Ce que j'essaie de dire c'est que la construction d'une nation dépasse de simples questions de postes budgétaires. Cela va bien au-delà de postes dans un budget. Cela suppose également que certaines personnes assument certaines des responsabilités que nous avons aujourd'hui—celles que nous avons en tant que citoyens, celles que vous avez au sein de vos groupes, bien sûr. Je ne pense pas que vous faites ce travail parce qu'on vous offre des salaires astronomiques. Je pense que vous le faites parce que vous tenez à ce que l'on bâtisse un pays meilleur.

D'un côté, donc, nous sommes confrontés à la polarisation des classes fondée sur le savoir-faire technologique. Là encore, cela est lié à l'éducation. Or, l'on constate que nous dépensons plus d'argent sur l'éducation que la plupart des pays, n'est-ce pas? Voyons ensuite le fait que certaines personnes arguent que c'est du côté de l'exemption personnelle de base qu'il faut regarder. Vous l'augmentez et vous rayez certaines personnes des listes de contribuables. C'est vrai; nous avons fait cela l'an dernier. En tout cas je pense que nous l'avons fait. J'imagine que des millions de Canadiens se sentent mieux avec le régime fiscal que l'an dernier. Songez à la surtaxe de 3 p. 100, imposable jusqu'au seuil de 50 000 $.

Les gens se portent mieux, mais cela ne peut pas se limiter à ce genre de choses. Il nous faut faire plus.

J'aimerais tout simplement que vous m'appreniez quelque chose, car vous avez de l'expérience au niveau communautaire. Le gouvernement offre des possibilités aux gens, et ce devrait être là sa responsabilité. Mais la responsabilité des gens est de maximiser ces possibilités. J'aimerais savoir si, d'après votre expérience, le fait que nous ayons un taux de décrochage de 30 p. 100 au niveau secondaire est dû au fait que toutes les écoles au pays sont mauvaises et que nous n'avons pas de bons enseignants. Ou bien avons-nous un taux de décrochage de 30 p. 100 parce que nous n'avons pas de réseau informatique à la fine pointe? Les gens me disent que nous sommes le pays le plus branché dans le monde.

Que devrions-nous faire en plus de tout cela? J'ai entendu votre message. Vous voulez qu'on augmente le financement de l'aide internationale. Vous voulez qu'on augmente l'exemption personnelle de base. Certains d'entre vous souhaitent peut-être qu'il y ait des réductions d'impôt, mais non pas universelles. J'ai entendu tous ces messages, mais je ne pense pas que de telles choses guériront tous les maux. Je peux vous le dire tout de suite. Alors s'il faut aller plus loin que cela, que devrions-nous faire pour que les choses bougent vraiment dans ce pays?

Mme Susan Carter: Cela m'ennuie beaucoup de vous décevoir, mais je pense que nous devrions sans doute commencer par reconnaître qu'il n'existe pas une chose qui à elle seule va tout arranger. Je pense néanmoins qu'il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire et qui fonctionnent à la base, qui permettent de cerner et d'améliorer la situation, les conditions dans lesquelles vivra la génération à venir. Je pense que c'est là une façon importante d'aborder ce que nous pouvons faire pour vraiment changer les choses: il nous faut travailler pour l'avenir.

Je pense que bon nombre des initiatives conçues pour prévenir des problèmes et pour intervenir très vite pour régler les lacunes avant qu'elles ne se transforment en problèmes... Ce sont là certains des mécanismes à long terme grâce auxquels nous pouvons intervenir pour améliorer les choses dans leur ensemble.

J'aimerais également mentionner qu'en matière de responsabilités et de participation individuelles et de responsabilisation des personnes pour qu'elles s'efforcent de trouver des solutions elles-mêmes, il existe quantité de preuves de l'importance de l'engagement des gens.

• 1725

Cet été, on a pris connaissance des résultats d'un important sondage documentant les heures de travail bénévoles que font les gens partout au pays, travaillant dans leur localité à des choses auxquelles ils croient. Si vous ajoutiez ensemble toutes ces heures de bénévolat et si vous les traduisiez en des emplois, vous obtiendriez un montant qui est supérieur à l'économie de six des provinces du pays. Il s'agit là d'une très grosse contribution. Cela témoigne de l'engagement et du sentiment de responsabilité des gens ainsi que de leur désir de travailler pour le bien des localités où ils vivent.

Le président: Qui aimerait réagir? Madame Sreenivasan.

Mme Gauri Sreenivasan: C'est une très grosse question, et je pense que la réponse de Susan est sans doute juste et appropriée: il n'existe pas de panacée.

Vous avez parlé tout particulièrement de la question des jeunes—des jeunes qui décrochent ou qui ne sont peut-être pas très engagés dans la société—et de ce qu'il nous faut faire pour obtenir qu'ils s'engagent. Lorsque je suis allée en Indonésie, j'avais pensé que nous allions rencontrer surtout des personnes qui seraient complètement frustrées et apathiques, et pas du tout engagées, étant donné la situation de leur pays. Je m'étais attendue à rencontrer des personnes fatalistes. En fait, bien que nous ayons rencontré certaines personnes comme cela, ainsi que des organisations qui ne savaient pas trop quoi faire, lorsque nous avons rencontré des jeunes gens et des étudiants et de jeunes travailleurs, il y avait chez eux une compréhension de l'injustice les entourant, une énergie et un optimisme dans leur désir de renverser la situation, choses que nous n'avons pas perçues à l'occasion d'autres rencontres.

Je dis cela tout simplement à cause de votre propre vision de la question des jeunes au Canada. Je ne veux pas dire qu'il nous faut tout simplement mettre plus d'argent dans l'aide internationale, même si ces genres de programmes ont besoin de ressources, et je ne veux pas que l'on prenne ces choses à la rigolade, mais je pense que l'une des questions auxquelles il nous faut réfléchir sérieusement, pour faire bouger le pays et pour obtenir des jeunes Canadiens qu'ils s'engagent, est celle de savoir comment encourager les Canadiens à comprendre le contexte mondial dans lequel s'inscrit le Canada.

Toute la question suppose que les jeunes aient la possibilité de rencontrer des jeunes d'autres pays, et pas seulement pour comprendre le monde. Lorsque vous sortez de chez vous et que vous comprenez le monde et que vous voyez ces situations qui existent à l'étranger, vous comprenez beaucoup mieux votre propre pays ainsi que ses limites et les possibilités qui s'y offrent.

À mon sens, l'un de nos principaux défis—et il n'y a pas de solution magique—est d'examiner l'éducation destinée aux jeunes pour les 5, 10 et 25 prochaines années pour voir quels investissements et quels programmes permettront vraiment aux jeunes de comprendre le Canada comme faisant partie du village mondial. Cela permettrait également aux jeunes de prendre conscience du reste du monde et de mieux cerner leurs responsabilités et la possibilité pour eux, ici au Canada, de travailler à des questions internationales.

C'est un vaste domaine, mais je pense qu'il est vraiment nécessaire pour nous de réfléchir à ce qu'il faudrait faire pour relancer notre pays. Nous ne pouvons pas tout simplement songer à nos frontières nationales. Il nous faut reconnaître le contexte mondial et il nous faut y préparer nos jeunes gens.

Le président: Merci. Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président. Bien sûr, à ce stade-ci dans la période des questions, nombre d'entre elles ont déjà été posées.

J'ai écouté attentivement vos présentations et le président vient bien sûr tout juste de poser une très vaste question sur ce que nous avons fait avec le dernier budget, relativement au crédit d'impôt pour enfants, sur l'augmentation de l'exemption de base, la suppression de la surtaxe, les 13 millions de personnes qui ont bénéficié de réductions d'impôts.

J'ai également entendu dire pendant les échanges que nous avons pris un engagement. Nous avons pris des engagements internationaux. J'ai également entendu dire que nous ne devrions pas toucher au fonds d'assurance-emploi car c'est le fonds des travailleurs et des employeurs. Nous avons également entendu M. Riis mentionner le fait que nous avons éliminé le déficit sur le dos des travailleurs.

• 1730

Que l'on situe un petit peu les choses: lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le fonds de l'assurance-emploi affichait un déficit de plus de 6 milliards de dollars. Il y avait une prime de 3,30 $, qui est depuis passée à 2,70 $. Et il y a bien sûr un surplus, mais il n'y a pas d'argent, car il s'agit de recettes générales.

La plupart d'entre vous viennent ici pour nous dire ce que nous devrions être en train de faire. Il est tout le temps question de dépenser de l'argent. Et si l'on doit suivre des principes, l'on ne devrait pas toucher au fonds d'assurance-emploi pour redistribuer de l'argent ailleurs.

Quelqu'un pourrait-il me dire où le gouvernement est censé trouver l'argent à consacrer à certains de ces autres programmes? Ou bien préféreriez-vous qu'on ne touche pas à ce fonds et que certaines des choses que vous demandez ne viennent pas: pas de réduction d'impôt, pas d'augmentation de l'exemption de base? D'où devrait provenir l'argent? Ou bien recommanderiez-vous que l'on sombre de nouveau dans une situation déficitaire? C'est là le premier volet de mon intervention.

Monsieur Stock, lorsque vous êtes arrivé, vous avez dit qu'il vaudrait mieux que l'argent soit dépensé à bon escient, et vous avez parlé d'opérations de changement de sexe. Assis de mon côté de la Chambre, je peux vous dire que je ne souscris pas aux opérations de changement de sexe pour des détenus ou pour des militaires. Je ne voudrais pas laisser planer l'impression, telle que vous l'avez insinuée, qu'en tant que parlementaires nous approuvons ce genre de choses.

Le président: Monsieur Birchall.

M. Chuck Birchall: La question est une bonne question: comment faire pour trouver l'argent. Il y a toutes sortes de façons de trouver l'argent. Elles ne sont peut-être pas toutes très attirantes, mais il y a moyen de trouver l'argent.

Il n'est pas nécessaire de retourner sans cesse au fonds d'assurance-emploi. Vous pourriez établir une taxe sur le transfert de richesses, qui pourrait être modeste, à 5 p. 100, et qui vous fournirait de l'argent. Vous pourriez réduire les plafonds applicables aux cotisations à des REÉR. Encore une fois, cela vous donnerait de l'argent. Ce ne sont là que des suggestions, mais le débat... Je pense que vous avez raison, il est toujours difficile de trouver de l'argent. Mais ce sont là deux façons de faire.

En ce qui concerne le fonds de l'assurance-emploi, établi dans un but bien précis... Je suppose que la position du CCDS est que si vous allez changer ce but, si vous allez utiliser les sommes ainsi amassées à d'autres fins, alors vous devriez peut-être revoir tout cela ouvertement au lieu de prétendre que le fonds avait été établi pour autre chose. C'est là l'un des points que nous avons expliqués à ce sujet.

Le président: Monsieur Stock.

M. Peter Stock: Merci.

Premièrement, en ce qui concerne le fonds d'AE, j'apprécie vos commentaires. Je suppose que si l'on devait réduire encore les primes, l'on réduirait par la même occasion le surplus, ce qui, pour les Canadiens actifs...

M. Gary Pillitteri: Nous l'éliminerions.

M. Peter Stock: ...c'est la même chose que de bénéficier d'une réduction d'impôt à une autre rubrique. Dans un cas il s'agit d'une charge sociale, et dans l'autre c'est un impôt sur le revenu, mais l'effet net est qu'on paie moins d'impôts. Ce serait peut-être donc là, monsieur, une façon d'aborder cette situation en particulier.

En ce qui concerne les opérations de changement de sexe, j'ai le regret de vous informer que le ministre de la Défense a en fait approuvé cette opération de changement de sexe dont j'ai parlé, il y a de cela à peine quelques semaines. En même temps, ces opérations se font déjà dans nos prisons; vous pourrez vérifier auprès de l'ancien Solliciteur général et de l'actuel titulaire de ce poste pour savoir...

M. Gary Pillitteri: Ils y ont été obligés, pour des raisons de droits de la personne.

M. Peter Stock: Ils n'y ont pas été obligés, monsieur. Ils n'y ont pas été obligés par la Commission des droits de la personne. Ils ont pris cette décision librement.

Le président: Madame McDonald.

Mme Katherine McDonald: Je ne voudrais pas prolonger le débat sur les opérations de changement de sexe, mais la réalité est que dans certaines provinces du pays ces opérations sont remboursées. Le fait que vous soyez militaire ne devrait pas vous placer dans une situation différente de celle d'un quelconque autre citoyen canadien. Et je présume que si vous êtes en prison, c'est la même chose. Si l'on parle d'accès universel aux soins de santé au Canada, il me semble qu'il est un peu ridicule de discuter d'une telle question.

• 1735

Le président: Les soins de santé sont bien sûr une question très importante, et les Canadiens s'y intéressent de très près.

Je pense que nous avons dépassé le temps qui avait été prévu. Monsieur Riis, vous souhaitez faire un dernier commentaire.

M. Nelson Riis: J'aimerais 30 secondes pour répondre à votre question, et j'apprécie l'observation de mon ami, M. Pillitteri. Je pense que le fait d'avoir hérité d'un déficit de 42 milliards de dollars a été un cauchemar pour nous tous. Le gouvernement, dans sa sagesse—et nous pourrions en discuter de cette sagesse—a décidé qu'il était opportun d'éliminer ce déficit, et il y est parvenu. Il a fallu un véritablement engagement pour faire cela, et beaucoup de choses ont changé dans ce pays; cet objectif a néanmoins été atteint et toutes sortes d'avantages commencent maintenant à en découler, comme l'a fait ressortir notre débat.

Le président: Pas encore.

M. Nelson Riis: En 1989, le Parlement a adopté une motion visant la suppression de la pauvreté infantile avant l'an 2000. Mettez cela de côté. Cela ne s'est pas fait. Monsieur le président, peut-être qu'une approche serait d'envisager pour la pauvreté de faire ce que nous avons fait pour le déficit, avec la même détermination que celle que nous avons eue en tant que Parlement, et surtout en tant que gouvernement, pour éliminer le déficit au bout de x années, et il nous faudrait pour cela fixer des échéances. Nous ne pouvons pas, comme vous l'avez dit dans vos observations, éliminer ce problème d'ici un, deux ou cinq ans. Mais nous pourrions néanmoins nous fixer un objectif. Dans un an, nous pourrions réunir ces personnes autour de la table et leur demander comment nous avons fait. S'il y a un recul d'un ou deux points, alors nous dirons qu'on a fait certains progrès et qu'on se réessaiera l'année suivante.

J'aimerais citer l'effort déployé par le gouvernement relativement au déficit comme modèle qui pourrait en fait être appliqué à d'autres questions qui sont importantes pour notre société.

Merci.

Le président: Merci.

J'aimerais conclure la séance avec le commentaire que voici.

Monsieur Farrell, vous pouvez être certain qu'il y a une chose que je vais vous garantir. Chaque groupe qui comparaît devant nous est écouté attentivement. Parfois, vous n'obtenez pas 100 p. 100 de ce que vous avez demandé, mais si vous examinez les mesures prises avec le dernier budget, vous verrez que certaines personnes s'en portent mieux. C'est le cas des Canadiens à faible revenu qui ont bénéficié de certaines de ces mesures.

J'espère vraiment que vous prendrez du temps—et je m'adresse ici à tout le panel—pour voir à quels genres de défis nous nous trouvons, en tant que comité, confrontés. Un jour, vous avez un groupe qui réclame des réductions d'impôt générales. Vous entendez un autre groupe qui veut des réductions d'impôt ciblées, un autre qui veut des réductions des primes d'assurance-emploi, un autre qui veut qu'on consacre plus d'argent à la R et D, et encore un autre qui veut que l'on ne s'intéresse qu'à la dette nationale. Nous sommes donc confrontés à de très nombreux choix et à de très longues listes de revendications de Canadiens. Il nous faut utiliser la sagesse limitée que nous avons acquise au fil des ans pour faire le meilleur choix pour les Canadiens en tenant compte des circonstances qui prévalent dans le moment, et c'est là la seule chose qui guide véritablement le comité.

Au bout du compte, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce que nous voulons c'est améliorer la qualité de vie des gens que nous représentons. C'est là notre véritable force motrice. J'espère que nous pourrons faire plus pour les enfants qui vivent dans la pauvreté. J'espère que nous pourrons assurer aux Canadiens de meilleurs soins de santé. J'espère que nous pourrons assurer un meilleur accès à l'éducation, au recyclage et à la formation des travailleurs et ainsi de suite. Mais il y a des choix et des compromis qui découlent de tout cela.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Pour enchaîner sur ce que vous avez dit, ici aujourd'hui il y a un équilibre, il y a une uniformité relative au niveau des intervenants, à l'exception peut-être de Peter, qui a une optique quelque peu différente. La discussion serait intéressante si l'on accueillait ce groupe-ci aux côtés de deux ou trois des groupes dont vous avez parlé, ceux qui demandent tout simplement des réductions d'impôt, ceux qui veulent davantage d'investissements et qui revendiquent des déductions pour immobilisations, ou autres. Ce serait intéressant d'avoir un petit mélange.

Le président: Nous ferons cela. On vous réinvitera donc peut-être.

Merci beaucoup, au nom de tous les membres du comité.

Nous allons maintenant suspendre la séance pendant 35 à 40 minutes environ.

• 1740




• 1815

Le président: Je vais rouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à tous ce soir. Nous avons le plaisir de recevoir les représentants du Département des métiers de la construction, en particulier M. Joseph Maloney, directeur des Affaires canadiennes, et M. Robert Belleville, directeur des Affaires canadiennes de l'Association internationale des travailleurs du métal en feuille. Nous entendrons également M. Bruce Campbell, directeur exécutif du Centre canadien de politiques alternatives, et M. Mark Goldblatt, président de la Fédération canadienne des coopératives de travail.

Soyez les bienvenus, messieurs. Vous êtes familiers du processus des consultations prébudgétaires et vous savez donc que vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire votre exposé. Nous aurons ensuite une période de questions.

Nous allons commencer par M. Maloney.

M. Joseph Maloney (directeur des Affaires canadiennes, Département des métiers de la construction): Merci beaucoup, monsieur le président, de votre invitation à comparaître de nouveau devant votre comité.

Je pense que vous avez en main le texte de notre mémoire. Nous y avons ajouté une annexe qui recense certains des problèmes de l'assurance-emploi que je vais vous expliquer plus avant. Je ne ferai pas lecture du texte du mémoire. Vous pourrez le lire à loisir. Je vais essayer de vous donner des explications aussi rapides et concises que possible afin que nous puissions passer à la période des questions.

Je veux dire d'emblée que les solutions que nous recommandons aujourd'hui sont de type incitatif, puisqu'elles visent à amener les Canadiens—et en particulier les travailleurs de la construction, à ne plus dépendre de l'assurance-emploi et à réintégrer la population active.

J'ai entendu le groupe précédent parler d'excédent et de choses de ce genre. Je tiens à vous dire carrément que, pour notre part, nous savons tous depuis le début qu'il n'y aurait pas d'excédent budgétaire fédéral sans le compte d'assurance-emploi. Par ailleurs, selon notre optique, lorsque le contribuable canadien jouit d'un excédent légitime—c'est-à-dire pas seulement dans le seul compte AE—nous aimerions en tout premier lieu que des politiques sociales solides soient mises en place pour chaque Canadien. Lorsqu'il est question de répartir cet excédent, nous aimerions que tout l'excédent financier soit réparti en trois parts. Un tiers devrait être canalisé vers les programmes sociaux existants, un tiers servir aux allégements d'impôt et un tiers aller à l'amélioration des services publics. Nous ne demandons pas qu'il soit consacré exclusivement à l'assurance-emploi.

Lorsque je parle d'assurance-emploi, j'entends le projet de loi C-12, qui a été adopté en juillet 1996. Ce projet de loi a fait deux choses primordiales. Premièrement, il a autorisé le gouvernement à transférer des milliards de dollars d'excédent du compte AE vers le Trésor pour éponger le déficit. Le deuxième volet était la transformation du soutien passif du revenu en mesures censément actives.

Lorsque nous parlons de mesures actives, nous voulons dire le fait que vous avez changé le nom d'assurance-chômage en assurance-emploi. C'était censé devenir un programme dynamique qui n'allait pas pénaliser les Canadiens ni les dissuader d'y avoir recours.

En commençant à la page 5 de notre mémoire, j'aimerais passer en revue avec vous certaines des règles pénalisantes qui marquent ce programme et montrer leurs effets néfastes sur les Canadiens, particulièrement les travailleurs du bâtiment.

La première est la règle d'intensité. Cette règle punit les travailleurs. Pour chaque période de prestation de 20 semaines, à compter du 1er juillet, ils perdent 1 p. 100 de leurs prestations. Si vous regardez ce tableau, vous verrez que la prestation maximale est de 413 $. N'oublions pas qu'à compter du 1er juillet 1996, la prestation maximale a été ramenée du jour au lendemain de 438 $ à 413 $. Vous pouvez voir, au fur et à mesure que les gens font appel à l'AE et commencent à perdre 1 p. 100 de leurs prestations jusqu'à un plafond de 5 p. 100, avec quelle rapidité leurs prestations diminuent lorsqu'ils deviennent chômeurs.

Dans le secteur du bâtiment, cela nous touche de plein fouet. Nous sommes usagers du programme, car plus nous travaillons fort, plus vite nous nous retrouvons sans travail. C'est la nature même de notre métier, si bien que cette règle nous pénalise probablement plus que tous les autres Canadiens.

• 1820

La page suivante montre le problème des petites semaines. La première ligne du diagramme donne l'exemple d'une personne qui a travaillé un total de 420 heures, ce qui suffit pour avoir droit aux prestations. Étant donné que ces heures ont été effectuées sur une période de 15 semaines, la formule de calcul étale le revenu de la personne sur 15 semaines. La ligne en dessous donne l'exemple d'une personne de la même ville qui se trouve avoir travaillé 28 heures de plus sur quatre semaines différentes. Étant donné que cette personne a travaillé ces 28 heures sur quatre semaines différentes, la même formule de calcul étale son revenu sur 19 semaines. Cette personne a donc travaillé en fait plus d'heures, mais elle touche moins de prestations. C'est un très gros problème pour les personnes qui veulent saisir chaque heure de travail qui leur est offerte.

Nous recommandons une solution à ce problème, à savoir que, pour ceux qui travaillent 15 heures ou moins dans une semaine, ces heures ne seraient pas comptabilisées aux fins du calcul des prestations à moins qu'elles soient requises pour que la personne puisse devenir admissible. Cela nous semble une ligne de démarcation assez équitable et qui encourage les gens à sauter sur chaque heure de travail qui leur est offerte. Cela fait déjà quelque temps que nous avons fait cette proposition au gouvernement et nous aimerions bien voir les choses bouger.

Le problème suivant est celui des seuils de récupération fiscale. Avant le 1er juillet 1996, le seuil de récupération était fixé à 63 000 $ environ. Cela signifie que si vous aviez gagné 63 000 $ et aviez touché l'assurance-chômage, vous deviez rembourser 30 p. 100 de vos prestations. Il n'y avait rien à redire à cela. Le 1er juillet 1996, le seuil a été ramené du jour au lendemain de 63 000 $ à 48 750 $. Ensuite, à partir du 1er juillet, après 20 semaines de prestations d'assurance-chômage, le seuil est tombé de 48 750 $ à 39 000 $ et il est à ce niveau depuis.

Cela a été fait assez rapidement, et c'est très pénalisant pour ces travailleurs lorsqu'ils remplissent leur déclaration d'impôt et qu'ils voient qu'ils doivent rembourser 50 p. 100, 60 p. 100 ou 70 p. 100, parce que la récupération maximale est de 100 p. 100. Les gens vont vous dire: «Vous m'avez eu une fois, mais vous ne m'aurez pas deux fois», et la prochaine fois ils vont simplement travailler au noir. Ainsi, ils ne gagneront plus 39 000 $. C'est là une dissuasion majeure de travailler.

Tout ce que nous demandons est une révision du seuil et l'instauration d'une espèce de barème progressif, de façon à éviter qu'il tombe de 63 000 $ à 39 000 $ en l'espace de 20 semaines.

Un autre problème est la règle de réintégration. En l'état actuel des choses, il faut travailler un minimum de 490 heures au cours d'une période de 52 semaines pour être considéré comme actif aux yeux du régime d'assurance-emploi. Si vous n'avez pas un minimum de 490 heures sur une période de 52 semaines, pour redevenir admissible à l'assurance-emploi il faut travailler 910 heures, quelle que soit la région où l'on vit. Or, dans le bâtiment, en période de récession, vous pouvez être au chômage pendant un an d'affilée ou plus, sans qu'il en soit de votre faute. Dans bien des cas, les travailleurs ne parviennent pas à accumuler les 910 heures requises, si bien qu'ils ne peuvent toucher l'assurance-chômage. Ils dépendent donc de l'assistance sociale ou sont sans ressources.

Lorsque nous en avons parlé au gouvernement avant l'adoption du projet de loi, on nous a expliqué que l'intention n'était pas de pénaliser les membres de la population active, mais plutôt d'encourager les jeunes Canadiens à poursuivre des études et à ne pas devenir dépendants de l'assurance-emploi. Nous n'étions pas opposés à cette notion. Le gouvernement était censé rectifier cela et introduire un critère d'ancienneté pour les personnes déjà membres de la population active. Mais rien n'a encore été fait, si bien que beaucoup de gens vont souffrir lorsque la prochaine récession frappera le secteur du bâtiment.

L'établissement d'un système de banque d'heures est une autre question. Nous voulions introduire dans le programme d'assurance-emploi autant d'incitations que possible afin que les Canadiens ne soient pas dissuadés de saisir chaque heure de travail qu'ils peuvent trouver. Nous avions recommandé que la personne dépassant un certain plafond d'heures au cours d'une période de 52 semaines—par exemple, un plafond de 1 400 heures—voie son reliquat d'heures placé dans une banque ou reporté sur l'année suivante, en cas de besoin. Ce serait une grande mesure d'incitation à travailler plus que le nombre minimal d'heures requis pour devenir admissible. Le but est d'amener les travailleurs à sortir de ce cycle de dépendance. Tous ceux à qui nous en avons parlé jugent l'idée excellente. Tout ce que nous demandons, c'est que le gouvernement mette sur pied un comité, avec représentation patronale et syndicale, pour voir si l'idée est praticable et en calculer le coût.

• 1825

Pour ce qui est de la formation professionnelle et du financement de l'apprentissage, le gros problème que nous voyons est que, avant le 30 avril 1996, lorsqu'un apprenti suivait une formation en classe pour une période de huit à dix semaines d'affilée, il était dispensé de la période d'attente de deux semaines aux fins des prestations d'assurance-chômage. Cette dispense a été supprimée à compter du 30 avril 1996.

Aujourd'hui, lorsque les apprentis fréquentent une école professionnelle, le délai de carence de deux semaines leur est imposé. C'est un gros obstacle pour les apprentis. Ils ne veulent pas aller à l'école professionnelle. Les apprentis ont souvent des enfants en bas âge, ce genre de choses. Ces deux semaines sans soutien du revenu les pénalisent. C'est une barrière qui les empêche de boucler leur apprentissage ou qui les dissuade de suivre des cours. Cela engendre quantité de problèmes.

Les bureaucrates du gouvernement fédéral nous disent que cela n'est plus de leur ressort, que c'est de la compétence provinciale. Nous leur répondons non, ne croyez pas cela. L'assurance-emploi est une compétence fédérale, pas provinciale. Le gouvernement fédéral a le pouvoir de rétablir ces deux semaines de prestations pour les apprentis.

Le coût du rétablissement de ces prestations pour tous les apprentis, pas seulement ceux de la construction, serait d'environ 10 millions de dollars par an. Lorsqu'on sait qu'il y a un excédent de 20 milliards de dollars, il faut se demander quel cas le gouvernement fait des apprentis de ce pays? S'est-il simplement déchargé de cette responsabilité sur les gouvernements provinciaux afin de pouvoir ignorer le problème?

Une autre chose que nous avons proposée au gouvernement fédéral est de relier l'apprentissage et le départ à la retraite. Dans les régions à chômage élevé, comme l'Île du Cap-Breton, à n'importe quel moment, près de 80 p. 100 des travailleurs de la construction se retrouvent sans travail. Dans la tranche d'âge entre 55 et 64 ans, on trouve à tout moment de 80 p. 100 à 100 p. 100 de chômeurs.

Ce groupe a formé un comité de travailleurs âgés du bâtiment pour constituer ce qu'ils appellent le Third Force Volunteer Corps. Les membres de celui-ci offrent bénévolement leurs services à la collectivité sur une période de dix ans et proposent de prendre avec eux des apprentis pour les former. Le gouvernement, pour sa part, les aiderait à faire la transition vers la retraite.

Nous demandons donc, et je me réfère en cela au mémoire que j'ai remis, la mise en place d'un programme pilote au Cap-Breton pour voir si ce genre de choses serait faisable. Le gouvernement nous a dit carrément que ce n'était pas viable, que ce n'était pas faisable, et nous demandons à votre comité d'étudier de nouveau l'idée.

Une autre chose que nous avons demandée au gouvernement concerne la mobilité est-ouest des travailleurs du bâtiment. Nous avons actuellement des travailleurs de la construction qui n'ont pas de travail dans certaines régions du pays, alors que l'on prévoit un grand boum en Alberta au cours des prochaines années. Un des problèmes qui empêche les travailleurs de la construction du Québec—ou de Terre-Neuve, ou de l'Île-du-Prince-Édouard ou de n'importe où—à partir en Alberta est le prix du billet d'avion. Nous demandons une aide de relocalisation temporaire tirée sur le fonds d'assurance-emploi afin qu'un travailleur puisse se rendre du point A au point B pour trouver du travail et cesser de dépendre de l'assurance-emploi. Nous pensons que cela cadrerait tout à fait avec le programme d'assurance-emploi puisque cela déboucherait sur un travail et permettrait aux chômeurs de réintégrer la population active et de se passer des prestations AE, tout cela pour le montant d'un billet d'avion ou d'autocar.

Dans le dernier budget, le gouvernement a instauré une déduction fiscale pour l'allocation d'hébergement que touchent les travailleurs de la construction. Lorsque leur travail est situé loin de leur lieu de résidence, l'employeur leur verse une sorte d'allocation de subsistance qui n'est pas considérée comme faisant partie du revenu imposable. Le gouvernement en a partiellement donné acte et a inscrit cela dans le budget de l'an dernier. Je crois que les critères pour que ce montant soit déductible du revenu imposable étaient que le lieu du travail devait être situé à plus de 30 kilomètres d'une ville de 40 000 habitants. Nous demandons que cette allocation de subsistance versée aux ouvriers de la construction travaillant n'importe où dans le pays soit déductible de l'impôt, car ces travailleurs sont obligés d'avoir deux résidences.

Pour ce qui est de l'avenir de l'assurance-emploi, nous demandons que le compte AE soit géré par un groupe tripartite patronat, syndicats et administrateurs, afin que les parties puissent peser davantage sur les décisions qu'à l'heure actuelle.

Par ailleurs, l'an dernier, votre comité a reconnu dans son rapport l'opportunité d'un crédit d'impôt pour outillage, mais cela n'a pas été repris dans le budget. Nous demandons de nouveau l'instauration d'un crédit d'impôt pour outillage à l'intention de tous les travailleurs de la construction de tout le pays.

Pour ce qui est de l'économie souterraine, je tiens à donner au gouvernement le crédit qui lui revient. Il a introduit un système de déclaration obligatoire de tous les contrats de sous-traitance dans le bâtiment à compter de janvier 1999. Cela signifie que si, à titre d'entrepreneur principal, je sous-traite une partie du contrat à un autre entrepreneur, je dois déclarer au gouvernement la valeur de ce contrat. Cela contribuera largement à éliminer le travail au noir et nous en remercions le gouvernement. C'est un bon début.

• 1830

Nous avons ici une étude conjointe gouvernement/industrie sur l'économie souterraine dans le secteur du bâtiment. Cette étude est assortie de huit recommandations précises. Quatre d'entre elles relèvent de la compétence fédérale et nous aimerions les porter à votre attention en vue de leur exécution. Vous les trouverez à la page 14.

En gros, elles établissent—et je pense que ce serait du ressort du ministère du Revenu—des critères très clairs pour distinguer entre un entrepreneur indépendant et un employé. À l'heure actuelle la distinction est très floue et il est très facile de contourner les règles.

Une autre proposition consiste à établir des barèmes de salaire équitables pour les travaux de construction financés par le gouvernement fédéral. Ce barème est actuellement en cours de révision et nous aimerions que votre comité appuie ce travail et que le barème entre en vigueur le plus rapidement possible.

Les deux autres propositions figurent dans le mémoire.

En outre, nous avons un problème majeur dans le secteur de la construction avec le chapitre 15 de l'ALÉNA, qui permet aux ouvriers américains de venir au Canada, souvent sous de faux semblants, pour travailler directement sur les chantiers. Je sais que cet aspect échappe probablement à la compétence de votre comité, mais nous n'apprécions pas de voir des ouvriers américains prendre notre travail. Nous ne pouvons obtenir qu'ils soient exclus des chantiers. La loi n'autorise pas l'expulsion de ces personnes une fois qu'elles sont au Canada.

Cela rend fous les ouvriers du bâtiment. Que diriez-vous si vous étiez sans travail pendant cinq ou six mois d'affilée et saviez qu'un ouvrier américain effectue illégalement votre travail? Nous demandons à votre comité de recommander au ministère compétent de remanier la loi de telle façon que lorsque l'on prend sur le fait des ouvriers américains clandestins, on puisse les expulser.

Je m'en tiendrai là pour céder la parole à qui veut la prendre et peut-être répondre aux questions que vous pouvez avoir.

Le président: Nous allons donner la parole à M. Campbell.

M. Robert Belleville (directeur des Affaires canadiennes, Association internationale des travailleurs du métal en feuille): Monsieur le président, si vous le permettez, avant de poursuivre, Joe a fait état dans le mémoire d'une allocation de mobilité temporaire des ouvriers du bâtiment. J'aimerais illustrer brièvement, selon mon optique, la nécessité d'une telle allocation.

J'ai sur les bras une situation qui est survenue au cours des six dernières semaines. Une entreprise américaine ouvre un gros chantier en Alberta. Elle a besoin de 42 soudeurs d'acier inoxydable. J'ai fait le tour de toutes nos sections syndicales à travers le Canada—et je précise en passant que nous avons un taux de chômage de 25 p. 100 dans mon syndicat—et nous pouvons fournir les 42 soudeurs requis.

Le problème, bien entendu, est celui du déplacement. Certains de nos membres sont au chômage depuis si longtemps qu'ils n'ont pas les moyens de payer le voyage. Comment mettre ces 42 Canadiens au travail dans une localité du nom de Taber, en Alberta?

J'ai évidemment demandé à DRHC de mettre en place une aide temporaire pour que ces ouvriers puissent aller faire ce travail. Le problème, c'est que si nous n'avons pas ce genre de programme, le maître d'oeuvre américain pourra me dire: «Vous ne pouvez fournir les ouvriers, par conséquent, je vais invoquer l'article 15 et obtenir l'entrée de nos 42 soudeurs américains qui peuvent faire le travail».

Voilà un exemple concret du genre de situation auquel nous serons confrontés lorsqu'il s'agira de répondre à la demande qui émanera prochainement de l'Alberta, en l'absence d'une infrastructure. Cela ne peut que s'inscrire dans l'AE, car celle-ci établit tout le cadre général.

Nous avons déjà eu la même chose dans les années 70. J'étais déjà agent syndical à l'époque, ici, et il existait une allocation de mobilité temporaire.

Je demande au comité de réellement se pencher sur ce problème. Il va se poser de manière de plus en plus aiguë à partir de maintenant, lorsqu'il s'agira de déplacer les ouvriers d'Est en Ouest ou d'Ouest en Est. Bien entendu, l'objectif est qu'ils cessent de pointer à l'AE. Ils veulent travailler, mais ils ont besoin d'aide pour se déplacer et je voulais simplement illustrer cela par un exemple.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Belleville.

Je reviens à vous, monsieur Campbell.

M. Bruce Campbell (directeur exécutif, Centre canadien de politiques alternatives): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité ce soir.

• 1835

En guise d'introduction, j'aimerais dire que le Centre canadien de politiques alternatives est un institut de recherches politiques. Nous avons 4 000 membres, qui sont tant des particuliers que des organisations. Nous avons des bureaux régionaux au Manitoba et à Vancouver et j'espère pouvoir annoncer l'année prochaine que nous avons également un bureau dans la région Atlantique.

Nous sommes également les coparrains d'un projet intitulé Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral qui en est maintenant à sa cinquième année. Ce que vous voyez ici est le résultat du travail de l'an dernier. Je remettrai une copie au greffier et nous pourrons également en envoyer une directement aux membres qui le souhaitent.

Comme le dit le dicton, nous vivons une époque économique dangereuse. L'affirmation du ministre des Finances disant que le Canada entrait dans un nouvel âge d'or n'est plus qu'un lointain écho, six mois après. De fait, ce mot pourrait bien remplacer le «quoiqu'il arrive» comme la formule la plus mémorable de Paul Martin.

Nous sommes entrés il y a un an dans une crise financière mondiale, une crise qui va en s'élargissant et en s'amplifiant. Ce n'est pas se montrer exagérément alarmiste que de dire que la situation actuelle évoque dangereusement l'année 1929, et je vous conseille un cours d'histoire. Allez à la bibliothèque et sortez l'ouvrage de John Kenneth Galbraith: La grande crise de 1929. L'histoire montre qu'il a fallu beaucoup trop de temps et beaucoup trop de souffrance humaine pour que l'orthodoxie libérale cède la place à une politique gouvernementale éclairée.

Considérons la situation macroéconomique actuelle.

La croissance économique s'essouffle. Il n'y a pas eu de création d'emplois depuis avril et pas de croissance du PIB depuis mai. Les économistes du secteur privé ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance, de 3,5 p. 100 à 2,5 p. 100. Vous savez que chaque point de croissance en moins entraîne une baisse des recettes du gouvernement de près de 2 milliards de dollars. Bien entendu, la bonne nouvelle est que les prévisions de M. Martin étaient si prudentes que cela signifie néanmoins un excédent budgétaire de l'ordre de 5 milliards de dollars.

La seule raison pour laquelle les chiffres officiels de chômage n'ont pas encore augmenté est que la population active diminue. Le taux de chômage est parvenu à son point le plus bas et il est presque certain qu'il va de nouveau augmenter si les politiques actuelles sont maintenues.

Le taux d'inflation annuel est en baisse, en dépit de la chute du dollar. En août dernier, il était à 0,8 p. 100 pour les 12 mois précédents. Au cours des 19 mois écoulés depuis que les objectifs d'inflation de 1 à 3 p. 100 ont été fixés, le taux s'est situé en dessous de la limite inférieure 40 p. 100 du temps, au-dessous de la médiane 80 p. 100 du temps et il n'a jamais dépassé la limite supérieure de 3 p. 100. Cette obsession de l'inflation zéro doit s'arrêter.

Il y a également eu une fuite énorme de capitaux canadiens—10 milliards de dollars au cours des six premiers mois de 1998—principalement à destination de valeurs américaines plus sûres, et cette fuite s'est probablement accélérée au cours des trois derniers mois, intensifiant la pression exercée sur le dollar.

Face à cet état de chose, que fait le gouvernement? Eh bien, la Banque du Canada a porté son taux directeur à 6 p. 100, soit un taux réel supérieur à 5 p. 100. Mais il faut reconnaître que la banque a résisté. Elle a résisté longtemps aux pressions venant de toutes parts voulant lui faire défendre un dollar à 70c. au moyen d'une majoration des taux d'intérêt. Cela n'aurait fait qu'empirer encore la situation.

Le budget de cette année de M. Martin prévoit de nouvelles coupures de programme à hauteur de 1,5 milliard de dollars.

Au cours des quatre premiers mois de l'exercice en cours, le gouvernement a en fait remboursé quelque 9 millions de dollars de dettes. À un moment de contraction économique, ces mesures amplifieront le ralentissement. En d'autres termes, elles vont empirer les choses.

• 1840

Que devrait faire le gouvernement? À mon sens, la première priorité devrait être d'éviter de tomber dans une récession et prendre les mesures nécessaires pour maintenir la croissance autour de 3 p. 100 cette année et l'année prochaine. Le moyen d'y parvenir est une stimulation financière massive, c'est-à-dire une augmentation des dépenses et des allégements fiscaux ciblés. Rembourser la dette est peu sage, comme je l'ai dit. Tout d'abord, cela amplifie le ralentissement à un moment où le gouvernement devrait plutôt prendre des mesures contre-cycliques. Deuxièmement, c'est une distorsion des priorités publiques à un moment où l'éducation, la santé et d'autres services publics et programmes sociaux sont délabrés. Le réinvestissement dans ces domaines vitaux doit prendre le pas sur la réduction de la dette. Pour faire l'analogie avec un ménage, je ne vois pas beaucoup de familles qui utiliseraient un reliquat de revenu pour accélérer leur paiement hypothécaire au lieu d'envoyer leurs enfants à l'université.

Je veux dire rapidement un mot sur l'assurance-chômage. Le gouvernement actuel et les précédents ont, ensemble, engendré un énorme excédent dans le compte AE, principalement en réduisant l'accès des chômeurs à ce programme indispensable, contraignant les uns à quémander l'assistance sociale et les autres à prendre de mauvais emplois, par désespoir et pour éviter l'assistanat. Le pourcentage des chômeurs admissibles aux prestations est tombé de 87 p. 100 au début de la décennie à moins de 40 p. 100 aujourd'hui. Je suis indigné que le débat tourne autour de la réduction des cotisations plutôt que sur le rétablissement de l'accès à l'assurance, particulièrement en cette période d'incertitude et d'insécurité.

La deuxième mesure de stimulation financière que le gouvernement devrait prendre est un allégement d'impôt pour les personnes et familles à faible et moyen revenu, et non pas pour les plus riches. Ces derniers s'en sont plutôt bien tirés au cours des années 90 et une baisse d'impôt générale serait peu sage du point de vue de la politique économique car l'effet stimulant serait bien moindre, étant donné que les contribuables à haut revenu tendent à dépenser proportionnellement moins que ceux à moyen et faible revenu et tendent à dépenser proportionnellement plus à l'étranger.

Deuxièmement, il serait moralement répréhensible que les riches jouissent de la plus grosse part de l'allégement fiscal engendré par une baisse générale des impôts, alors que ce sont les pauvres et la classe moyenne qui ont porté le fardeau des ajustements pendant les années 90.

Je souligne que l'allégement fiscal ne devrait pas se faire aux dépens de l'assiette fiscale. Les riches devraient financer cet allégement d'impôt sous différentes formes, par exemple une taxe sur les transferts de fortune ou les successions. Pour la première fois en 25 ans, l'inégalité entre Canadiens, après impôt et transferts publics, commence à se creuser. Nous savons depuis longtemps que l'inégalité des revenus, c'est-à-dire ceux provenant du travail et des placements, s'amplifie. Mais la redistribution par le biais des programmes sociaux et du régime fiscal a maintenu la distribution remarquablement stable. En d'autres termes, la redistribution par le secteur public a, jusqu'à récemment, compensé la défaillance du marché, mais ce n'est plus le cas. Les chiffres les plus récents font apparaître une disparité croissante, qui résulte des coupures de dépenses du budget de 1995. La dernière chose dont nous ayons besoin sont des mesures fiscales régressives.

La politique monétaire devrait essentiellement soutenir l'orientation budgétaire que je préconise. Par exemple, la Banque centrale devrait baisser son taux directeur le plus rapidement possible.

Deuxièmement, il est au crédit du ministre des Finances qu'il ait résisté à la forte pression des milieux financiers visant à majorer, voire supprimer, le plafonnement à 20 p. 100 des placements à l'étranger des fonds de pension fiscalement avantagés. S'il l'avait fait, les sorties de capitaux correspondantes auraient grandement accru ces derniers mois la pression exercée sur le dollar. Nous prônons depuis longtemps une réduction graduelle de ce plafond.

• 1845

Troisièmement, la Banque du Canada devrait acheter et détenir plus activement des titres de créance fédérale—en d'autres mots, monétiser une plus grande partie de la dette gouvernementale qu'il ne l'a fait ces dernières années. À notre sens, cela représenterait une forme d'assouplissement monétaire qui réduirait la facture du service de la dette gouvernementale.

Le gouvernement pourrait faire beaucoup sur la scène internationale en tant que membre du G-8. Les Canadiens—tant fonctionnaires qu'hommes politiques—ont participé activement à l'édification du système de Bretton Woods qui a tant contribué à notre prospérité pendant la période d'après-guerre, et qui pourrait le faire de nouveau, j'en suis sûr.

Les idées ne manquent pas. Nous pourrons en parler pendant la discussion, et je vais m'en tenir là pour le moment.

Le président: Merci beaucoup, M. Campbell.

Nous allons maintenant entendre M. Goldblatt.

M. Mark Goldblatt (président, Fédération canadienne des coopératives de travail): Bonsoir. Je suis Mark Goldblatt. Je suis le président de la Fédération canadienne des coopératives de travail.

La Fédération canadienne des coopératives de travail est toute récente, à l'aune du très important secteur coopératif canadien. Elle a été fondée en 1991 à Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Il existe à l'heure actuelle 225 coopératives de travailleurs au Canada, comptant quelque 14 000 employés membres. La grande majorité, de très loin, de ces coopératives sont situées au Québec et il convient de souligner que cette province est la seule entité politique canadienne à avoir jusqu'à présent investi lourdement dans la capitalisation des coopératives de travailleurs.

Le but des coopératives de travailleurs est de fournir des emplois. Elles sont par conséquent un outil tant de maintien des emplois que de création d'emplois. Par exemple, pour ce qui est du maintien des emplois, un propriétaire prenant sa retraite qui n'a pas de membre de sa famille susceptible de reprendre l'affaire peut utiliser ce moyen pour vendre l'entreprise à ses employés. Un autre exemple de maintien d'emploi est le cas d'entreprises connaissant des difficultés graves et ayant besoin d'être remises à flot. L'exemple de plus grande envergure que l'on puisse citer est la remise à flot d'Algoma Steel à Sault Ste. Marie il y a quelques années.

Comme je l'ai dit, ces coopératives sont également un outil de création d'emplois. Par exemple, elles peuvent être employées dans le cadre d'une stratégie de développement économique régional.

La caractéristique distinctive des coopératives de travailleurs est toute simple. Les employés de l'entreprise en sont les propriétaires, sur le principe d'une voix par membre. Elles sont donc dirigées démocratiquement et représentent une structure à l'intérieur de laquelle les membres peuvent agir directement sur leur situation professionnelle.

Les coopératives de travailleurs ne sont pas nécessairement une formule marginale. Si l'on prend les derniers chiffres de l'Union européenne, on y recense 700 000 membres dans des coopératives de travailleurs, concentrées surtout en Espagne, en France et en Italie. On remarque particulier en Italie, par exemple, une forte concentration de coopératives de travailleurs dans le secteur de la construction.

Dans le secteur capitaliste privé traditionnel, dont nous sommes tous si familiers. On pourrait dire que le capital privé achète le travail. C'est l'inverse dans les coopératives de travailleurs. Le travail achète le capital. C'est donc un modèle structurel différent. L'une des difficultés que nous rencontrons de ce fait consiste à familiariser les institutions financières canadiennes avec ce modèle particulier.

Le grand problème que nous rencontrons—et cela m'amène à la proposition que je veux vous soumettre ce soir—est le manque de mise de fonds. Notre approche de la capitalisation des coopératives de travailleurs, qu'il s'agisse de cas de maintien d'emploi ou de création d'emplois, consiste à lever environ 25 p. 100 du capital initial de l'entreprise auprès des membres de la coopérative eux-mêmes. Dans le secteur des services, cela signifie un minimum absolu de 1 000 $ ou 2 000 $ par emploi, jusqu'à, mettons, 10 000 $ par emploi.

Notre expérience montre que nous pouvons lever encore 50 p. 100 du capital auprès des prêteurs canadiens conventionnels tels que la Banque fédérale de développement, les banques à charte, les caisses populaires et caisses de crédit, ce qui signifie que nous manquons sans cesse d'environ 25 p. 100 du capital nécessaire.

Cela nous amène à la proposition dont nous discutons activement avec le ministère du Développement des ressources humaines fédéral. Nous travaillons avec lui sur notre idée d'un fonds de création d'emplois par les coopératives de travailleurs, financé par le gouvernement fédéral, lequel serait inscrit dans le budget fédéral de février prochain. Nous demandons plus particulièrement un prêt ponctuel de 16,5 millions de dollars, qui serait non remboursable pendant les dix premières années, les remboursements commençant la onzième année au taux d'environ 1 million de dollars par an. Ce fonds servirait spécifiquement à prendre une participation de 25 à 30 p. 100 dans les nouvelles coopératives de travailleurs. Bien que notre proposition ne soit pas axée là-dessus, cette dépense, si le gouvernement fédéral la faisait, serait génératrice de recettes en ce sens qu'elle servirait à créer des entreprises produisant des recettes d'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés.

• 1850

Le fonds que nous proposons serait simultanément actif dans toutes les provinces et tous les territoires canadiens. Nous sommes arrivés au chiffre de 16,5 millions de dollars sur la base de nos projections qui visent à rendre le fonds autosuffisant, afin que nous n'ayons pas à venir sans cesse demander des suppléments. Nos projections détaillées font apparaître un solde en baisse constante au cours des neuf premières années de fonctionnement. Ensuite, le nombre des placements rémunérateurs augmente, si bien que le fonds retrouvera son niveau et restera autosuffisant en permanence.

La conception de notre fonds est largement inspirée du Northwest Territories Cooperative Development Fund, que le gouvernement fédéral a doté de 10 millions de dollars en 1986. Ce fonds, qui est la propriété d'Arctic Co-operatives Limited, affiche maintenant un solde de plus de 20 millions de dollars. Il est à noter que le réseau des coopératives communautaires à vocation multiple des Territoires du Nord-Ouest est maintenant le deuxième plus gros employeur dans les Territoires du Nord-Ouest, après le gouvernement fédéral.

Je vais passer en revue sept avantages fondamentaux du modèle des coopératives de travail avant de conclure. Le premier avantage est une productivité accrue, simplement parce que les gens travaillent directement pour eux-mêmes.

Deuxièmement, comme le montrent les recherches, et le texte complet de notre proposition le montre en détail, pourvu qu'elles soient bien encadrées, les coopératives de travailleurs ont un taux de survie plus élevé que les nouvelles petites entreprises traditionnelles.

Troisièmement, comme je l'ai déjà dit, elles sont un excellent outil de développement économique régional. De fait, dans une coopérative de travailleurs, les emplois sont contrôlés au niveau de la collectivité locale, et aussi longtemps que les comptes sont équilibrés, l'entreprise continue d'exister. Le capital ne va pas migrer ailleurs en quête de rendements supérieurs dès que les subventions prennent fin.

Quatrièmement, les coopératives de travailleurs développent les aptitudes de leurs membres, notamment les aptitudes de gestion et de leadership, ce qui profite tant à l'entreprise qu'à la collectivité environnante.

Cinquièmement, les coopératives de travailleurs sont structurellement très sensibles à la collectivité environnante du fait que les propriétaires, ceux qui prennent les décisions, habitent eux-mêmes cette collectivité. De ce fait, toutes les répercussions en aval de l'activité—par exemple, les répercussions environnementales—sont directement prises en compte dans le processus de décision de la coopérative.

Sixièmement, les coopératives de travailleurs peuvent contrebalancer les concentrations de capital privé. On constate en effet une tendance à la création d'oligopoles dans de nombreux secteurs de l'économie canadienne, et le modèle coopératif est une alternative décentralisatrice qui dissémine le pouvoir vers les collectivités locales au lieu qu'il se retrouve concentré aux mains d'acteurs de moins en moins nombreux.

Enfin, et nous détaillons cela encore une fois dans notre proposition adressée à DRH, les chiffres montrent que la création d'emplois par le biais de coopératives de travailleurs coûte considérablement moins cher que les programmes de création d'emplois traditionnels. Je m'en tiendrai là.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Goldblatt.

Nous allons commencer par M. Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Je vous remercie. Je tiens à remercier tous les intervenants de leur exposé.

• 1855

J'aimerais poser tout d'abord une question à M. Maloney. Je pense qu'il a très bien résumé la situation dans le secteur de la construction. Dans quelle mesure le gouvernement fédéral, par le biais du Fonds AE, a-t-il l'obligation d'aider concrètement les gens à se déplacer d'un endroit à l'autre? S'il y a un travail disponible quelque part, on pourrait considérer que les gens feraient le voyage, prendraient l'emploi et rembourseraient ensuite les frais. C'est ce qu'ont fait tous les immigrants qui sont venus s'établir dans ce pays, me semble-t-il. Ils ont saisi une possibilité de gagner quelque argent et remboursé le coût du voyage.

M. Joseph Maloney: Le compte AE ou le régime AE n'a l'obligation d'offrir aucune aide à la mobilité. Actuellement, la loi prévoit des mécanismes pour un déménagement permanent. Si je déménage d'une province à l'autre, si je vais relocaliser de façon permanente ma famille, on me rembourse les frais de voyage et de déménagement.

Ce que nous disons, c'est que l'industrie du bâtiment offre au mieux des emplois très précaires. Les emplois sont très souvent à court terme. Dans bien des cas, cela représente un gros empêchement pour un travailleur d'une région à fort chômage de prendre un travail dans une autre province. La raison pour laquelle ils ne peuvent se déplacer est qu'ils n'ont pas les moyens de payer le voyage. Ils doivent emprunter l'argent ou se débrouiller par ce genre de moyens. Dans beaucoup de cas, ils n'y parviennent pas.

Nous disons donc que si l'on va appeler cela un régime d'assurance-emploi plutôt que d'assurance-chômage, alors il faudrait que ce soit un programme positif. Si je peux prouver au CEC local que j'ai trouvé un emploi en Alberta, pour telle ou telle durée, il serait rationnel, à mes yeux et aux yeux de beaucoup d'autres personnes à qui j'en ai parlé, de pouvoir disposer d'une allocation de transport. Si le fonds d'assurance-emploi versait 400 $ ou 500 $ à un chômeur pour partir travailler et cesser de percevoir les prestations, cet argent serait remboursé en l'espace de quelques semaines dès que la personne commence à verser des impôts sur le revenu et à cotiser à tous les autres programmes. Ce serait simplement un autre programme d'incitation au travail dans le cadre de l'assurance-emploi.

M. Ken Epp: Peut-être monsieur Belleville voudrait-il répondre aussi à ma prochaine question?

Je conviens qu'il faut faire tout le possible pour que les Canadiens aient un travail rémunéré au lieu de percevoir les prestations d'assurance-emploi. Ma question est celle-ci. Initialement, l'ancien fonds d'assurance-chômage a été créé comme une véritable assurance pour protéger une personne ou sa famille contre la perte de revenu en cas de chômage temporaire. Le régime a maintenant été élargi, tout comme le Régime de pension du Canada a été élargi. Précédemment, c'était purement une pension de retraite et maintenant on y a englobé toutes sortes d'autres choses. Êtes-vous en faveur d'une modification substantielle de l'objectif de l'AE?

Je pense que M. Campbell a mentionné également qu'il faudrait majorer les prestations plutôt que de réduire les versements ou les cotisations. Évidemment, si l'on multipliait les prestations, cela modifierait considérablement le fonctionnement du régime. Dites-vous que c'est cela qu'il faudrait faire?

M. Joseph Maloney: Monsieur Epp, ce que je dis c'est qu'il faudrait utiliser l'argent de l'AE pour les fins de l'AE. Lorsque vous versez une aide à la mobilité temporaire à quelqu'un pour travailler, cela me semble conforme au programme d'assurance-emploi. En ce moment, comme nous le savons, tout excédent dans ce compte sert à réduire le déficit. Cela ne fait certainement pas partie du programme d'assurance-emploi.

M. Ken Epp: Oui, je suis d'accord.

M. Joseph Maloney: Je dis que l'argent de l'AE devrait servir aux fins de l'AE, et que l'aide à la relocalisation temporaire fait et devrait faire partie de ce programme. Vous le faites déjà pour la relocalisation permanente. Tout ce que je dis, c'est qu'il faudrait étendre cela à la relocalisation temporaire. Un ouvrier du bâtiment ne va pas faire déménager de façon permanente sa famille dans une autre province pour un travail de deux mois. Il faut tenir compte de cela.

M. Ken Epp: D'accord.

Ensuite, j'ai une question sur la dette. Les témoins qui défilent dans ce comité transmettent des messages divergents. Certains disent qu'il faut rembourser la dette de façon à réduire les paiements d'intérêt, afin que l'argent de nos impôts puisse servir à des choses comme des baisses d'impôt ou le renforcement de programmes gouvernementaux tels que la santé, ce genre de choses. Au lieu que l'argent paie les intérêts, on l'utiliserait pour payer les programmes. D'autres, comme vous aujourd'hui, disent qu'il faut cesser d'être obnubilé par le remboursement de la dette. Conservons cette merveilleuse dette—désolé, l'adjectif est de moi, vous n'avez pas dit cela.

Le président: Voulez-vous qu'il soit rayé du procès-verbal?

Des voix: Oh, oh.

M. Ken Epp: Non, ça va.

• 1900

Gardons la dette. Continuons à payer des intérêts. Un tiers de chaque dollar d'impôt est actuellement accaparé par le service de la dette. Continuons à faire cela, mais augmentons quand même les crédits pour les programmes, etc.

Est-ce là réellement votre message, que vous ne voulez pas rembourser la dette?

M. Joseph Maloney: À qui posez-vous la question?

M. Ken Epp: À tout le monde.

M. Bruce Campbell: Je pourrais peut-être essayer de répondre puisque j'ai traité de cet aspect plus directement que les autres.

M. Ken Epp: Oui, c'est vrai.

M. Bruce Campbell: Je pense que la notion clé ici est le fardeau de la dette, et le fardeau de la dette signifie le ratio dette-PIB. Lorsque Paul Martin parle de réduire le fardeau de la dette, il veut dire surtout la réduction du ratio dette-PIB, et non pas le chiffre absolu—encore que, comme je l'ai indiqué, des remboursements de dette importants ont eu lieu.

Si, par exemple, la génération de politiciens précédente—ceux qui étaient aux commandes pendant la période d'après-guerre—avaient épousé ces notions, lorsque le ratio dette-PIB était de 115 p. 100—un chiffre très élevé, beaucoup plus élevé qu'aujourd'hui... S'ils avaient considéré que, non, nous ne pouvons réellement mettre en place un programme d'assurance-chômage ou créer un système de pension ou de soutien social et d'aide à l'éducation postsecondaire parce qu'il faut éponger cette dette, je pense que nous aurions connu de grandes privations pendant cette période. Au lieu de cela, la période d'après-guerre a été marquée par une prospérité sans précédent.

Au cours de la période 1945 à 1975, ce ratio dette-PIB est tombé de 115 p. 100 du PIB à environ 15 p. 100. Ce n'est pas arrivé parce que le gouvernement remboursait la dette, bien qu'au début cela ait été partiellement le cas. Au cours de la première décennie, environ 15 p. 100 de la réduction de la dette était due à des remboursements effectifs, mais ensuite, la dette a en fait augmenté. Mais l'économie croissait beaucoup plus vite, si bien que le fardeau de la dette ne cessait de diminuer. Ce n'est qu'après 1975 que le ratio a commencé à augmenter de nouveau pour atteindre une pointe de plus de 70 p. 100 du PIB au milieu des années 90, et il retombe régulièrement depuis.

Mon argument est que nous nous trouvons à l'heure actuelle dans une impasse dangereuse. La croissance économique ralentit et je pense que les chiffres du chômage afficheront une hausse. Le gouvernement prévoit de continuer à réduire les dépenses. Donc, si vous faites tout cela, vous renforcez—vous pratiquez des politiques procycliques à un moment où il faudrait pratiquer des politiques contre-cycliques.

Mon argument est qu'une stimulation économique majeure aura un effet positif sur la croissance économique et j'ai signalé que chaque point de croissance supplémentaire rapporte environ 2 milliards de dollars de recettes fiscales. Il importe donc de considérer la partie supérieure de l'équation et pas seulement la partie inférieure.

J'aimerais dire une dernière chose. Je conviens avec vous que les versements d'intérêt sur la dette sont élevés et qu'ils drainent des fonds qui pourraient servir ailleurs, dans les domaines prioritaires. L'une des choses que je préconise pour réduire la facture d'ensemble—et j'admets que des contraintes pèsent sur les taux d'intérêt dans l'instabilité financière actuelle—est que la Banque du Canada cherche plus activement à monétiser la dette, ce qui aurait pour effet de réduire la facture globale du service de la dette. Ce serait une façon de diminuer la facture sans aller jusqu'à réduire ou éponger la dette.

Le président: Je vous remercie, monsieur Campbell.

Monsieur Goldblatt.

• 1905

M. Mark Goldblatt: J'ajouterais simplement que, selon notre point de vue, nous attendons essentiellement du gouvernement fédéral une approche équilibrée. Au lieu de se concentrer sur un seul objectif de politique tel que la réduction de la dette, il faudrait considérer toute une série de besoins du public canadien. Nous recherchons une approche équilibrée qui répartirait les ressources limitées du gouvernement fédéral entre un certain nombre d'objectifs différents, dont l'un serait la stimulation de l'économie, la stimulation de l'emploi, tout en continuant à réduire le fardeau de la dette.

M. Robert Belleville: Je conviens que la dette représente un réel problème, mais il ne faut certainement pas le régler sur le dos des chômeurs. Et je ne pense pas que la bonne façon soit de puiser dans l'excédent de l'AE. Je viens de vous citer un exemple concret, un cas réel, où l'on pourrait mettre des Canadiens au travail, et certains ne veulent pas en entendre parler. J'ai beau essayer, je ne comprends pas pourquoi. Vous avez la possibilité de donner du travail à 42 Canadiens, dans l'exemple que j'ai cité. En l'absence de cette aide, nous ne parviendrons sans doute pas à fournir la main-d'oeuvre pour ce chantier. D'autres feront le travail et ce ne seront pas des Canadiens. Pourquoi ne pas investir dans les Canadiens? Pourquoi ne pas attribuer une partie de ces 20 milliards de dollars à cette aide à la mobilité, pour remettre nos Canadiens au travail?

Vous voulez éradiquer la dette, mesdames et messieurs. Laissez-moi vous dire que la façon de le faire est de redonner du travail aux Canadiens. Pour cela, il faut investir dans le marché canadien. Il faut faire certaines des choses que je préconise. Il faut donner l'incitation. Il faut donner l'aide à certains de nos ouvriers qui chôment depuis un an ou plus.

Il faut trouver une solution. La dette est un problème sérieux, pour le chômeur, pour le pauvre Canadien qui n'a pas travaillé depuis un an. Il doit retrouver du travail afin de pouvoir contribuer à rembourser cette dette. Et il peut le faire si vous pouvez l'aider. Voilà l'alternative que nous proposons.

Je n'ai pas eu l'occasion de dire cela plus tôt, mais c'est tout le raisonnement qui sous-tend l'assistance au retour au travail.

Le président: Juste pour préciser ce point, monsieur Maloney, vous parliez d'un 33...

M. Joseph Maloney: Oui. À la page 3 de notre mémoire, au dernier paragraphe, lorsqu'il y aura un excédent légitime—pas seulement un excédent de l'AE; il faudra d'abord mettre de l'ordre dans le gouvernement et dans les programmes—nous préconisons une répartition 33-33-33, entre programmes sociaux, allégements fiscaux et frais de fonctionnement du gouvernement, qu'il s'agisse de réduction de la dette ou autre chose. Donc, comme mon ami, nous optons pour une approche équilibrée.

Le président: Avez-vous une autre question?

M. Ken Epp: Oui, j'ai une autre question maintenant.

Vous parlez «d'incitation». Par exemple, M. Goldblatt insiste sur le fait que si les employés sont réellement parties prenantes à l'entreprise dans laquelle ils travaillent, s'ils en sont copropriétaires, ils vont travailler mieux et seront moins susceptibles de quitter l'emploi pour une raison ou une autre. Je me demande si vous appliquez le même raisonnement à l'entrepreneur qui, en substance, assume les risques de la construction d'une usine, qui organise les choses de façon à offrir les emplois.

L'un de vous a même prôné le rétablissement de l'impôt sur les successions et peut-être un impôt sur la fortune—c'était M. Campbell—et je rétorque que l'impôt généralement décourage l'activité. Quelle que soit l'activité que vous imposez, vous découragez de l'entreprendre. C'est généralement vrai. Si vous allez imposer les entrepreneurs, vous les pousserez à quitter le pays. J'essaie d'imaginer—pourquoi irai-je investir 500 000 $ dans ce pays si je sais que les deux tiers seront prélevés par le gouvernement au lieu d'aller à mes enfants? Je partirais plutôt trouver un endroit où je pourrais garder cet argent pour ma famille. Ne faut-il pas rechercher un équilibre là aussi?

M. Mark Goldblatt: Oui, il y a un équilibre. Comme vous l'avez indiqué au sujet de notre proposition concernant les coopératives appartenant aux employés, je pense que toute l'idée d'offrir une incitation aux travailleurs ordinaires dans le modèle coopératif, soit la participation à la réussite financière de l'entreprise, est un moyen puissant d'encourager le type d'esprit d'entreprise dont vous parlez, et cela s'applique tout aussi bien aux entrepreneurs individuels. Cela s'applique à notre modèle, mais cela s'applique aussi bien au modèle entrepreneurial traditionnel où les gens travaillent pour eux-mêmes. Cela s'applique aux deux modèles.

• 1910

M. Bruce Campbell: Puisqu'on a mentionné l'impôt sur la fortune, j'aimerais expliquer brièvement ce que nous avons proposé par le passé. Ce n'est pas nécessairement ce que nous allons inclure dans notre budget alternatif cette année. Nous avions proposé une taxe sur les grandes fortunes. C'était un montant très faible. Vous savez certainement que nous sommes l'un des trois pays du monde industrialisé à ne pas posséder une forme d'impôt sur la fortune, et il y a quantité de pays dans le monde industrialisé qui se portent tout à fait bien.

Sur le plan de la fiscalité en général, nous ne faisons pas partie des pays les plus lourdement imposés. Nous nous situons à peu près dans le milieu pour ce qui est des prélèvements fiscaux en pourcentage du PIB. Vous ne prétendez tout de même pas que si nous baissions suffisamment l'impôt, nous aurions le plein emploi et une croissance de 5 p. 100 par an. Est-ce cela que vous prétendez?

M. Ken Epp: Eh bien, vous êtes le...

M. Bruce Campbell: Selon les études menées par KPMG ces dernières années sur les centres urbains du Canada et des États-Unis, nous sommes très compétitifs par rapport à nos concurrents américains sur le plan de l'imposition des sociétés. Il n'est donc pas vrai que notre régime d'imposition des sociétés nous rend non compétitifs.

M. Ken Epp: Vous avez ce petit livre, ce budget alternatif. J'aimerais en avoir un exemplaire.

M. Bruce Campbell: Certainement.

M. Ken Epp: Pour que les choses soient claires, j'aimerais savoir si ce budget est équilibré.

M. Bruce Campbell: Oui. L'un des paramètres que nous avons établi les années précédentes est ce cheminement financier qui nous amène à un budget équilibré, et ce durablement. L'une des différences entre notre approche et celle du gouvernement est qu'au cours des quatre dernières années Paul Martin a largement dépassé son propre objectif de réduction du déficit. Nous nous sommes donc fixé des objectifs plutôt réalistes. Nous ne faisons pas ce que le gouvernement a fait, à savoir fixer un objectif et ensuite le dépasser, à hauteur de 17 milliards de dollars, l'année dernière, par exemple. Mais nous suivons un chemin différent vers la réduction du déficit.

M. Ken Epp: En réponse à cela, je dirais simplement que si vous fixez la barre à 10 centimètres, moi aussi je pourrais la sauter.

J'ai une dernière question dans ce tour, monsieur le président.

Le président: Je pensais que l'autre était votre dernière.

M. Ken Epp: Pourrais-je rapidement en poser une autre?

Le président: Très brièvement.

M. Ken Epp: Aucun de vous n'a parlé de l'impôt sur le revenu des particuliers. Devons-nous en conclure que vous considérez tous que le taux d'imposition des particuliers au Canada ne pose pas de problème?

M. Joseph Maloney: J'ai expliqué que notre position est 33-33-33. Vous pouvez intégrer l'impôt sur le revenu des particuliers là-dedans, mais il faut que l'approche soit équilibrée.

M. Bruce Campbell: Au cours de la dernière décennie, les taux d'imposition dans les tranches supérieures au niveau fédéral ont été réduits et regroupés. Il y avait cinq tranches de revenu et il n'y en a plus que trois. Cela a avantagé les plus gros revenus. Bien entendu, il y a aussi toute une série de déductions très conséquentes. Les 10 p. 100 supérieurs de contribuables s'en sont très bien tirés au cours des années 90. Nous ne recommandons donc pas une baisse d'impôt générale. Nous recommandons des réductions ciblées, peut-être sous forme d'une réduction du nombre de tranches et de la suppression de la surtaxe dans la tranche inférieure, etc.

M. Mark Goldblatt: J'aimerais faire une remarque très générale. Il est, évidemment, très souhaitable de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire qu'il ne faut plus à l'avenir accumuler de déficits. Donc, en même temps que l'on demande au public de se prononcer en faveur d'une baisse de l'impôt sur le revenu, il faut également lui demander quels services il veut voir réduits de façon à financer ces baisses d'impôt sans engendrer de déficit. Les deux questions vont de pair.

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur Campbell, j'ai cru comprendre que vous affirmiez qu'au cours des six premiers mois de 1998, il y avait eu un exode de capitaux du Canada de l'ordre de 10 milliards de dollars. Que pensez-vous de la possibilité d'imposer éventuellement une taxe sur les transactions financières sur le plan international? Que pensez-vous du comportement du gouvernement canadien face aux paradis fiscaux qui existent toujours?

• 1915

[Traduction]

M. Bruce Campbell: Il faudrait que j'écoute la traduction.

Je peux parler de la taxe Tobin, certainement. C'en est une que nous avons intégrée dans notre budget alternatif dans le passé. Cette idée circule depuis pas mal de temps. Je suis sûr que vous en connaissez tous le principe. Elle a probablement été évoquée par un grand nombre de témoins.

Elle a été lancée par James Tobin, le Prix Nobel, qui se préoccupait depuis déjà longtemps de l'effondrement de Bretton Woods et des répercussions sur les marchés financiers privés, en expansion et non réglementés, et l'impact sur les économies nationales, sur la politique économique et nationale. Je pense que ces craintes, exprimées déjà au milieu des années 70, se sont avérées.

Nous avons assisté à une expansion massive des marchés de devises, avec toute une pléthore d'instruments financiers utilisés et mis au point pour faire passer très rapidement les capitaux d'un marché à l'autre de façon à tirer profit de très petits écarts de taux d'intérêt. Il s'agit là de capitaux qui se déplacent de jour en jour, qui ne séjournent que quelques jours dans un endroit. Ce sont ces mouvements que vise à limiter une taxe sur les transactions spéculatives. Non seulement dégagerait-elle des recettes substantielles, car les montants en jeu sont énormes, mais surtout, et je pense que c'était l'objectif de Tobin, elle rétablirait un peu les pouvoirs des gouvernements nationaux de fixer des politiques conformes aux priorités nationales et pas seulement à ce que dictent les marchés financiers.

Donc, oui, je pense que cette mesure et d'autres devraient être envisagées. Toute une série de mesures sont possibles au niveau international, depuis une banque centrale mondiale de type de celle envisagée par Keynes mais jamais réellement concrétisée dans le système de Bretton Woods, jusqu'à une série de contrôles sur les mouvements de capitaux, dont certains sont déjà en place dans quelques marchés émergents.

Je pense que la clé ici est une réduction coordonnée des taux d'intérêt, et plus encore. La clé est la volonté politique et la coopération entre les dirigeants du monde industrialisé, car c'est par là qu'il faut commencer. Le Canada, et Paul Martin en tant que ministre des Finances, sont bien placés pour jouer un rôle et devraient probablement prôner plus vigoureusement et plus publiquement ce genre de mesures.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Dans quelle mesure considérez-vous qu'on peut approfondir la problématique canadienne de façon véritable, sans déborder assez rapidement sur le plan international? Dans quelle mesure les concepts comme ceux de la privatisation, de la modernisation ou de la rationalisation des programmes sont-ils des concepts canadiens? Quels lien devrions-nous établir entre ce qu'on étudie aujourd'hui et les velléités en termes d'accords multilatéraux sur l'investissement? Est-ce que ce sont des dossiers séparés ou si cela se regroupe?

[Traduction]

Le président: Qui aimerait répondre à cette question? Monsieur Campbell?

M. Bruce Campbell: Certainement. Je pense que ces éléments sont liés et que le mouvement effréné vers la déréglementation et la privatisation de l'économie mondiale et des économies nationales depuis 20 ans n'est pas le fruit du hasard. Je pense que cela a été fait volontairement avec l'aval des gouvernements nationaux.

• 1920

Je pense que nous sommes maintenant parvenus à un stade où la déréglementation et la privatisation de tout—le système financier, les systèmes d'investissement, la réglementation environnementale et ainsi de suite—sont arrivées à un stade où la stabilité du système lui-même est menacée. Je pense que cela met en question tout le modèle. Je pense que ce dernier est mis en question de plus en plus dans les sphères dirigeantes, du moins de certains pays, et c'est une bonne chose. J'espère seulement que la raison prévaudra et que des mesures raisonnables seront prises, qu'il s'agisse du côté financier ou du côté de l'économie réelle, avant qu'il soit trop tard et avant que la crise financière ne jette l'économie mondiale dans la récession. Les prévisions du FMI pour l'économie mondiale annoncent une croissance nulle à l'échelle du monde. Certaines parties du monde traversent une dépression majeure. Cela pourrait être contagieux et nous pourrions tous être touchés.

Cela étant dit, les gouvernements nationaux pourraient faire beaucoup de choses même dans le système actuel. Je pense que c'est une erreur de croire que nous sommes impuissants face à tout cela. Il y a toute une série de mesures que les gouvernements peuvent prendre pour se protéger et s'abriter des pires ravages de la tempête internationale.

Le président: Merci, monsieur Rocheleau.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais poser une question à M. Maloney puis à M. Campbell.

Monsieur Maloney, vous avez dit que les fonds AE devraient servir aux prestations AE, et je trouve que c'est un beau slogan qui sonne bien. Mais s'il n'y avait pas de régime AE, s'il n'y avait absolument pas de revenu de rechange, il est probable que les salaires dans la construction devraient augmenter de façon à refléter simplement la réalité économique. Si vous voulez ce service au moment où vous le voulez, de manière sporadique, jouir en quelque sorte d'une main-d'oeuvre en disponibilité, il faut bien rémunérer ces personnes. Ainsi, sur une période donnée, les ouvriers toucheraient un revenu annuel équitable et raisonnable, en rapport avec leur compétence et leurs efforts. Dans ce cas, théoriquement, le secteur de la construction dans son ensemble rechercherait des façons de devenir plus efficient et productif, de façon à ce que le coût de ces salaires accrus ne devienne pas prohibitif.

La question que je vous pose, si vous croyez à ce scénario et puisque nous avons un système AE qui permet de verser des salaires dans le secteur de la construction plus bas que ce qu'ils devraient être autrement, est de savoir comment concilier cela avec votre position que les fonds AE doivent être réservés aux prestations AE, alors que le secteur de la construction dans son ensemble retire d'avantage de l'AE qu'il n'y contribue.

M. Joseph Maloney: Tout d'abord, monsieur Szabo, j'ai dit que l'argent de l'AEI devait servir aux fins de l'AE, et pas seulement des prestations. Les prestations ne sont qu'un élément.

Les derniers chiffres que nous ayons vus, en provenance du gouvernement fédéral, montrent qu'en 1992 ou en 1993, je crois, le secteur de la construction a prélevé davantage qu'il n'a cotisé. Je pense que le rapport était de 3:1 ou 4:1. Nous ne savons pas quel est le rapport en 1998 ou 1999. Nous ne pensons pas qu'il soit aussi élevé. Il y a probablement équilibre. Mais si l'on remonte jusqu'aux années 60 et 70, et même une partie des années 80, lorsque le bâtiment était en plein boum dans tout le pays, les ouvriers du bâtiment ont cotisé beaucoup plus au régime AE qu'ils n'en ont jamais retiré.

• 1925

Si vous ne prenez qu'une seule année, et c'est le dernier bilan disponible, on nous jette toujours ces chiffres au visage. Nous répondons simplement que ces chiffres sont biaisés dans une large mesure, car nul ne peut dire exactement combien de personnes travaillent dans le secteur de la construction. Statistique Canada dénombre environ 850 000 travailleurs. Les données de DRH nous disent qu'il y en a environ 600 000. Dans le secteur syndicalisé, nous savons que nous représentons environ 425 000 travailleurs de la construction. Nous savons qu'il y a des travailleurs non syndiqués, mais nous savons qu'ils ne sont pas aussi nombreux que les syndiqués. Donc, ces chiffres sont de toute façon déformés.

Nous avons même dit, au moment de l'adoption du projet de loi C-12, que si telle est la situation, et que si l'on va amputer de cette façon le programme d'assurance-emploi et nous accuser de prélever davantage d'argent que nous en versons, alors il n'y a qu'à nous exclure du système d'assurance-emploi afin que nous nous occupions de nous-mêmes.

M. Paul Szabo: Nous attendrons de voir ces chiffres l'année prochaine ou au moment où ils sortiront.

Ma dernière question est pour M. Campbell. À propos de toute la question de l'équité de notre régime fiscal, j'ai songé immédiatement à l'exemption à vie pour gains en capital de 100 000 $ qui a existé pendant quelques temps, et dont on peut présumer qu'elle ne profitait qu'aux gros revenus. Vous pouvez imaginer l'économie d'impôt qu'elle représentait, ou le capital accumulé hors impôt. Il serait très difficile pour des personnes à faible revenu de jamais récupérer un tel montant sous forme de réductions d'impôt.

Par ailleurs, les deux principales déductions, celles pour frais de garde d'enfants et les REÉR, rapportent plus aux gros revenus qu'aux petits, même si les personnes ont versé le même montant. C'est très intéressant lorsqu'on fait les calculs et la justice et l'équité fiscale vont devenir un problème réellement important. J'espère qu'à un moment donné votre organisation commencera à recommander une réforme fiscale au sens le plus large. Peut-être est-il temps de se pencher sur les considérations d'équité, et il faut commencer tout de suite parce qu'une telle réforme prend du temps.

La question que je vous adresse porte sur ce tableau dans le texte que vous avez remis, à la page 19, mesures pour réduire la pauvreté. J'ai additionné les chiffres, et je suis arrivé à une somme de 13,21 millions de dollars en mesures de réduction de la pauvreté, dépenses qui semblent toutes être annuelles. Lorsqu'on y ajoute toute une série d'autres programmes—et j'ai fait quelques calculs rapides—il apparaît que même la personne pauvre moyenne arriverait au minimum à un niveau de revenu réel d'environ 20 000 $.

Cela m'amène à ma question: avez-vous jamais songé à un revenu annuel garanti? Et si oui, avez-vous pu calculer le nombre d'emplois qui seraient perdus car cela aboutirait à fermer quantité de services et d'organismes sociaux qui s'occupent de tous ces pauvres ayant besoin de ces services sociaux?

M. Bruce Campbell: Eh bien, cela fait pas mal de temps que l'idée d'un revenu annuel garanti circule et nous y avions nous-mêmes songé pendant quelques temps. D'aucuns pensent qu'il faudrait envisager très sérieusement cette possibilité, à la lumière surtout du fait que nous vivons dans un monde, comme le dirait Jeremy Rifkin, où le travail disparaît, où il existe une pénurie chronique de travail, et dans cette situation il faudrait envisager plus sérieusement de garantir un revenu annuel.

Ce n'est pas une approche que nous avons adoptée ou que nous avons menée très loin. Nos budgets mettent l'accent sur le plein emploi, sur la création d'emplois, sur les mesures visant à réduire systématiquement le taux de chômage d'année en année, et également à renforcer, à recommencer à reconstruire les avantages sociaux, les soutiens du marché du travail, etc. C'est donc la voie que nous avons choisie, et non celle du revenu annuel garanti.

Je voudrais simplement dire un mot sur l'équité fiscale, car cette dernière est l'une des pièces maîtresses de nos budgets alternatifs. La plupart des mesures dans le dernier étaient de nature redistributive. Je pense que la direction dans laquelle nous nous engageons cette année est de maintenir au même niveau le prélèvement fiscal global, mais avec des mesures de redistribution.

• 1930

Dans le dernier budget, il faut lui en donner acte, Paul Martin a introduit des mesures à rendre le régime fiscal plus équitable, avec des allégements ciblés. Ce que je lui reproche, c'est qu'il finançait ces réductions au moyen de coupures dans les programmes. Nous n'aurions pas fait cela; nous les aurions financées au moyen de majorations payées par les catégories qui en ont les moyens. L'impôt sur la fortune en est un exemple.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo. Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Maloney et monsieur Belleville, vous avez soulevé un certain nombre d'aspects intéressants sur lesquels j'aimerais revenir avec vous.

On parle souvent dans notre pays de la nécessité de construire des installations d'envergure mondiale, mais il est difficile de construire ces installations et ces lieux de fabrication en l'absence d'ouvriers du bâtiment qualifiés.

J'ai été très intéressé par votre chiffre concernant les apprentis. Vous avez dit que si l'on rétablissait la couverture qui a été supprimée le 30 avril 1996, cela ne coûterait que 10 millions de dollars par an. Lorsqu'on songe aux sommes que l'on consacre à l'éducation postsecondaire—ce à quoi je ne suis certainement pas opposé—10 millions de dollars ne représentent qu'une goutte d'eau.

J'assiste à un certain nombre de cérémonies de remise de diplômes d'apprentissage chaque année, et j'aimerais savoir si vous avez des statistiques sur l'âge moyen des apprentis en fin de stage, ces temps-ci. Est-il en hausse ou en baisse, ou se maintient-il?

M. Joseph Maloney: Il se maintient à peu près, selon le métier. En moyenne, lorsque la personne termine son programme d'apprentissage, elle a 24 ou 25 ans.

M. Roger Gallaway: Deuxièmement, pour ce qui est de la récupération fiscale, vous avez manifestement étudié cette question. Avez-vous des chiffres sur ce qu'il en coûterait au Trésor fédéral si le plafond était majoré de 39 000 $ à 45 000 $—sachant que la notion de coût est toute relative dans cette enceinte, comme vous le savez.

M. Joseph Maloney: On ne dispose pas de chiffres de coût en ce moment, vu la façon dont cette mesure a pris effet. Le seuil de récupération est tombé à 48 750 $ le 1er juillet 1996. Donc, après 20 semaines, vous êtes déjà en 1997. Cette récupération ne devient apparente que lorsque vous remplissez la déclaration d'impôt pour 1997, ce que vous faites en 1998. Peu de gens se sont donc déjà retrouvés pris dans ce piège, mais tous ceux qui travaillent en 1998 et rempliront leur déclaration en 1999, vont se faire essorer et il en sera de même chaque année par la suite.

M. Roger Gallaway: Le fait que le seuil a été ramené à 39 000 $ me semble—et j'en entends beaucoup parler dans ma circonscription car les effets commencent à se faire sentir—à bien des égards... Je ne qualifierais pas cela de désincitation; c'est plus que cela. Les gens ne s'inscrivent plus au chômage simplement parce qu'ils considèrent maintenant les prestations comme un prêt, et non plus comme une assurance. Quels autres effets cela a-t-il sur l'économie lorsque les gens refusent de participer aux programmes parce qu'ils n'en ont plus les moyens?

M. Joseph Maloney: Le vrai problème, nous le verrons lorsque ces récupérations fiscales commenceront vraiment à intervenir. La moitié du problème est qu'ils vont refuser des travaux pour ne pas gagner plus de 39 000 $, de façon à ne pas avoir à rembourser de prestations AE. L'autre problème est l'économie souterraine. La personne va simplement dire: «Bon, monsieur l'employeur, je suis à 38 000 $ de revenu. Licenciez-moi, puis réembauchez-moi au noir et je toucherai deux fois. Je toucherai l'assurance-chômage et je toucherai un salaire comptant chaque semaine, et je viderai les caisses d'un système et je ne contribuerai à aucun autre». C'est un problème très réel. C'est pourquoi nous nous sommes attaqués à l'économie souterraine avec cinq ministères fédéraux. Nous avons mis notre âme à nu dans le secteur de la construction pour tenter d'y mettre fin. Nous avons les recommandations ici.

Tout ce que fait cette loi, c'est réduire à néant tous nos efforts pour mettre de l'ordre. Vous verrez que dans très peu d'années, surtout dans les métiers de la plomberie et les métiers civils, où ils peuvent travailler comme entrepreneurs indépendants, ils vont dire à la fin de la semaine: «Donnez-moi juste un chèque comptant et je m'occupe du reste», surtout dans les métiers de la charpenterie. Mais ils ne payent pas leurs impôts. Vous verrez les gens toucher deux fois, l'économie souterraine grandir, et alors le système sera dans un pire état que celui que l'on cherche à réparer.

• 1935

M. Roger Gallaway: Je n'étais pas membre du comité lorsque cela a été décidé, mais pouvez-vous me dire comment on est arrivé au chiffre magique de 39 000 $? Il me semble que si l'on fait partie de ce groupe mythique appelé la famille canadienne moyenne, lorsqu'on arrive à 39 000 $ et que l'on est obligé de rembourser... De nos jours, 39 000 $, cela n'est pas un gros revenu, surtout si l'on a une personne ou deux à charge. Comment est-on arrivé à ce plafond de 39 000 $?

M. Joseph Maloney: Je ne sais pas d'où l'on a tiré les 39 000 $, mais le seuil était auparavant de 63 000 $. Si vous avez suivi le débat lorsque le projet de loi C-12 était en délibération à la Chambre, le ministre Axworthy à l'époque avait une grosse bagarre avec l'industrie automobile. Je ne veux jeter la pierre à personne, mais les ouvriers de l'automobile se voyaient licenciés chaque été pendant huit ou dix semaines d'affilée pendant que l'on réoutillait les usines pour monter les nouveaux modèles, et ils touchaient l'assurance-chômage. Ils gagnaient de très bons salaires toute l'année et ne remboursaient pas grand-chose—seulement 30 p. 100. Le ministre voulait mettre fin à cela, mais il ne pouvait s'en prendre aux seuls travailleurs de l'automobile. Il a donc fait passer le seuil de 48 750 $ à 39 000 $.

Je ne sais pas d'où ils ont pris ces chiffres. Mais la récupération visait un secteur en particulier, celui de l'automobile. Celui-ci fait l'objet d'un litige majeur, et nous en payons tous les frais.

M. Roger Gallaway: J'ai également été intéressé par votre recommandation concernant le projet pilote des travailleurs âgés de l'île du Cap-Breton. L'un des aléas des métiers de la construction est que... Par exemple, dans ma circonscription, il y a 3 500 ouvriers qualifiés du bâtiment, et leur âge moyen aujourd'hui est de 48 ans, je crois. Il y a donc ce problème pressant, d'une certaine façon, d'une main-d'oeuvre vieillissante. Dans le temps je ne trouvais pas que 48 ans était un âge avancé, mais maintenant j'ai dépassé celui-ci.

Quoi qu'il en soit, nous sommes confrontés à ce problème d'une main-d'oeuvre vieillissante, mais lorsqu'il y a du travail... Par exemple, j'ai reçu des gens dans mon bureau qui ont 66 ans et qui retournent au travail parce qu'il n'y a personne d'autre pour le faire et ces gars-là sont encore tout disposés à retourner au boulot.

Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur ce projet de transition vers la retraite? C'est la première fois que j'en entends parler.

M. Joseph Maloney: J'ai ici un résumé que je peux vous remettre.

Les travailleurs âgés de l'île du Cap-Breton ont constitué un groupe qu'ils appellent le Third Force Volunteer Corps. Près de 300 ouvriers de la construction d'âge mûr se sont inscrits comme bénévoles à ce programme s'il est réalisé. Sur une période de dix ans, ils feront don d'environ un million d'heures-homme. Ils offriront leurs talents et leurs connaissances aux propriétaires de maison et aux hôpitaux, etc., qu'ils soient plombiers ou charpentiers ou maçons, peu importe, et ils prendront avec eux un apprenti pour lui enseigner le métier. Pour sa part, le gouvernement leur verserait un revenu transitoire entre l'âge de 55 ans et celui où ils toucheront leur pension RPC ou autre.

Ainsi, ils se retireraient de la main-d'oeuvre active, ouvrant ainsi des postes que les plus jeunes pourraient occuper. Voilà le principe de ce projet.

M. Roger Gallaway: D'accord.

Je m'intéresse également à vos recommandations concernant les déplacements, à l'intention de ceux qui se déplacent souvent d'un bout du pays à l'autre pour travailler. Je réalise tout à fait qu'il y a des successions de vaches grasses et de vaches maigres dans les métiers du bâtiment.

Par exemple, NOVA a un chantier de 2 millions de dollars en cours à Joffre, en Alberta. Joffre n'est pas l'endroit le plus accessible du monde. C'est à 40 ou 50 kilomètres de Red Deer et il n'est pas facile pour les gens de s'y rendre.

• 1940

Avez-vous eu des contacts avec DRH au sujet de quelques programmes provisoires ou d'un financement intérimaire pour les gens? M. Belleville nous a parlé des soudeurs d'acier inoxydable, qui sont en nombre limité, mais qui viennent de traverser une mauvaise période où ils ne trouvaient guère de travail, ce qui semble être en train de changer.

M. Joseph Maloney: À l'heure actuelle, il y sur les carnets de commande pour 40 milliards de dollars de travaux de construction sur les champs pétrolifères de l'Alberta au cours des trois à quatre prochaines années. Nous avons pris contact avec DRH par le biais d'un comité mixte d'entreprises de construction, de propriétaires et de syndicats, pour demander un projet pilote pour une période d'un ou deux ans tel que les ouvriers de la construction auraient temporairement accès à un fonds qui couvrirait leurs frais de transport pour occuper ces emplois. Apparemment, le ministère a étudié la question et l'on nous a répondu verbalement que ce n'est pas possible, que cela ne se fera pas. Pourquoi? Nous ne le savons pas encore. Nous n'avons pas encore reçu de réponse écrite donnant les raisons du refus. Nous attendons encore.

Nous pensons que ce serait une très bonne incitation à accepter un travail. Si vous pouvez prouver que vous avez une offre d'emploi, d'une durée allant de huit semaines à un an, selon les cas, et s'il n'en coûte que de 400 $ à 500 $ pour vous payer un billet d'avion et vous rayer des listes de l'assurance-chômage et vous mettre au travail, cela me paraît tout à fait fondé.

Nous ne demandons pas un programme de type carte blanche auquel l'accès serait illimité. Nous demandons simplement un projet pilote, de façon à pouvoir déterminer quelques paramètres et voir comment cela fonctionnerait.

M. Roger Gallaway: Ma dernière question concerne votre dernière recommandation, au sujet des dispositions relatives aux ouvriers de la construction étrangers.

J'ai récemment organisé une réunion, à laquelle j'ai assisté avec un membre du Congrès américain de l'État du Michigan, juste de l'autre côté de la rivière en face de chez moi, et l'agent syndical local de la FIOE.

Il y a actuellement dans l'État du Michigan une forte demande d'électriciens, mais il semble exister un mur impénétrable empêchant les électriciens canadiens de simplement franchir le pont pour travailler sur un chantier de l'autre côté de la frontière. Il me semble, d'après de ce que j'entends dire dans ma circonscription, que les choses sont un peu plus faciles dans l'autre sens.

Les Américains ne laissent tout simplement passer personne. Or, nous semblons avoir une interprétation différente à l'égard de ce que je pensais être un accord réciproque concernant l'entrée de travailleurs au Canada.

Un exemple particulier est un chantier de Magna Corporation ou d'une de ses filiales, à St. Thomas, en Ontario. On m'a rapporté qu'il y avait là environ 45 «consultants» américains, qui ont fait irruption au magasin Canadian Tire local et acheté quantité d'outils. On m'a rapporté qu'ils travaillaient, et pourtant nous ne semblons pas pouvoir ou vouloir réagir en offrant ce type de protection aux travailleurs canadiens pour les emplois canadiens.

C'est davantage une remarque, mais où en sont les choses à cet égard? Quelle est votre expérience de la réciprocité en matière d'échange de travailleurs? Êtes-vous renseigné à ce sujet?

M. Joseph Maloney: Tout d'abord, selon les règles actuelles, si un Canadien est pris à travailler illégalement sur un chantier américain, il est immédiatement expulsé du pays et l'entrepreneur qui l'a embauché doit payer de lourdes amendes.

Ici, au Canada, si nous attrapons un ouvrier américain sur un chantier, tout ce que nous pouvons faire, c'est lui dire de rentrer chez lui à la fin de ce chantier et de ne pas revenir.

C'est pathétique. On ne peut rien faire. La loi ne permet pas leur expulsion une fois qu'ils sont passés par le processus de validation.

Ils franchissent la frontière, sous prétexte de visiter des parents ou quelque chose du genre ou d'assister à un match de hockey, et ils restent. Ils vont s'acheter leurs outils et, dans bien des cas, l'entrepreneur les leur fournit.

C'est donc un problème. Nous aimerions que DRH renforce la législation ou la politique d'immigration afin que, lorsqu'on prend des clandestins, on puisse les expulser. Nous ne sommes pas opposés à la réciprocité avec les États-Unis s'agissant d'une circulation de travailleurs Nord-Sud. Si nous avons besoin d'ouvriers et qu'on ne les trouve pas au Canada, alors oui, tout à fait. Nous sommes des syndicats internationaux. Nous avons des camarades syndiqués américains et nous serions ravis de les accueillir ici pour travailler, mais à nos conditions, et pas de façon clandestine et en prenant les emplois des chômeurs canadiens. Nous aimerions avoir un accord de ce genre.

• 1945

M. Axworthy était censé inscrire quelque chose de ce genre dans le projet de loi C-12, mais cela ne s'est jamais fait. Un accord de réciprocité nous conviendrait tout à fait, mais il faut d'abord resserrer les dispositions de l'ALÉNA.

Le président: Nous allons passer à quelqu'un d'autre, mais je voudrais revenir sur la question de M. Gallaway concernant les 39 000 $ et l'origine de ce chiffre.

Il faut considérer le salaire industriel moyen et relier les prestations AE au salaire industriel moyen, ne serait-ce que si les prestations de chômage sont nettement supérieures au salaire industriel moyen, vous créez une situation sur le marché telle que les employeurs sont en concurrence avec l'assurance-emploi. Ce n'est certainement pas une situation favorable à l'économie. Vous ne pouvez simplement pas mettre les employeurs en concurrence avec l'assurance-emploi.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, de même que les intervenants. J'ai une question pour M. Campbell et plusieurs pour M. Goldblatt, mais j'aimerais d'abord revenir sur un sujet abordé par M. Gallaway, M. Maloney et M. Belleville.

Nous nous éloignons peut-être là du budget, mais j'aimerais savoir quels progrès ont été réalisés sur le plan du démantèlement des barrières au commerce interne des services, particulièrement entre l'Ontario et le Québec dans le secteur de la construction? Je sais que cela a été un problème. J'imagine que ça l'est toujours. Pouvez-vous nous faire le point des progrès ou nous dire quel est le statu quo à cet égard?

M. Joseph Maloney: On a mis sur pied un comité de la construction Ontario-Québec pour régler ces problèmes. Il est parvenu à un accord. Les ouvriers de la construction du Québec ont une politique toute simple consistant à donner la préférence aux travailleurs du Québec avant d'embaucher des Ontariens. C'est donc en place.

La particularité du Québec est qu'il possède probablement le système de relations de travail le plus perfectionné dans le monde entier, qui oblige à être syndiqué pour travailler dans le bâtiment. Les choses seront un peu plus faciles lorsque le restant des provinces adopteront ce genre de politique visionnaire. Des ouvriers ontariens non syndiqués essaient de travailler au Québec et cela cause de petites frictions.

À ma connaissance, après en avoir parlé aux représentants de l'Ontario et du Québec, un accord a été conclu et certaines des tensions s'atténuent.

M. Roy Cullen: Vous voyez donc une lumière au bout du tunnel. Peut-être nos collègues du Québec pourront-ils nous en dire un peu plus. Je vous remercie.

Monsieur Campbell, une chose est venue à mon attention et vous pouvez peut-être nous faire bénéficier de vos connaissances et de votre expérience à ce sujet. Lorsque le gouvernement fédéral a accru les transferts sociaux aux particuliers dans le cadre de sa politique sociale—et je songe en particulier à la prestation pour enfants, pour laquelle nous avons de 1,7 à 1,8 milliard de dollars—je crois savoir qu'en Ontario, par exemple, un assisté social qui reçoit soudainement cette majoration, voit ses versements d'aide sociale réduits d'autant par le gouvernement ontarien. En est-il ainsi? Est-ce que les gens comme vous et d'autres ONG protestent contre cela auprès du gouvernement ontarien?

M. Bruce Campbell: Je pense que vous avez raison, mais je ne sais rien de plus.

L'une des préoccupations que nous avions à l'égard du crédit d'impôt pour enfants est qu'il est discriminatoire à l'égard des enfants des familles assistées. C'est une iniquité que nous ne voulions pas voir perpétuer. Mais je préfère laisser traiter de cela les groupes d'action en matière de politique sociale qui ont comparu devant vous et qui connaissent mieux le sujet que moi.

M. Roy Cullen: J'ai laissé passer l'occasion lorsqu'ils étaient là, mais nous pourrions peut-être les recontacter pour leur poser cette question, monsieur le président.

Monsieur Goldblatt, votre exposé m'a beaucoup intéressé. J'ai travaillé à une initiative visant à inciter notre gouvernement à introduire des politiques fiscales d'encouragement aux employeurs qui mettent en place des RADE, des régimes d'actionnariat des employés. Comme vous le signalez avec raison, le Canada, à l'exception du Québec, est le seul pays membre de l'OCDE à ne pas encourager l'actionnariat des employés.

• 1950

Lors d'une conférence aux États-Unis, j'ai été extrêmement surpris d'apprendre à quel point ce mouvement est fort là-bas, avec des mesures d'encouragement fiscales. Les chiffres concernant les gains de productivité et la création d'emplois sont très éloquents. Je peux vous dire que cette idée a été chaudement accueillie par mes collègues et peut-être cette initiative prendra-t-elle de l'ampleur.

Vous avez parlé surtout des coopératives de travailleurs canadiennes. Peut-être pourriez-vous nous préciser la différence entre une coopérative de travailleurs et un RADE et comment ce dernier s'articule avec ce que vous proposez ici.

M. Mark Goldblatt: Le système de coopératives de travailleurs que nous préconisons implique une manière de structurer une entreprise de telle façon que chaque employé ait une voix si bien que l'affaire est contrôlée par son personnel. C'est le modèle que nous prônons.

Le programme RADE est principalement un système d'incitation tant des compagnies que des particuliers à investir dans leurs entreprises. Mais seule une minorité de RADE combine l'encouragement à investir dans l'entreprise et le contrôle de l'entreprise. Notre proposition combine les deux volets, alors que le programme RADE représente surtout une incitation à l'actionnariat, et seul dans un petit nombre de cas les travailleurs actionnaires ont-ils la propriété et le contrôle de l'entreprise.

Néanmoins, comme vous dites, il est fascinant d'étudier le programme RADE aux États-Unis, car celui-ci couvre maintenant littéralement des millions de travailleurs américains. Il a très bien réussi à stimuler l'activité et à améliorer la productivité, en donnant aux salariés un intérêt plus direct dans les résultats financiers et la réussite de l'entreprise qui les emploie. Les résultats sont impressionnants. Les études montrent qu'en combinant cette incitation à investir avec l'information et la participation à la gestion pratique de l'entreprise, la productivité grimpe encore plus, les employés s'intéressant de façon plus active et non seulement passive aux résultats de leur entreprise. Donc, oui, c'est très intéressant.

M. Roy Cullen: On appelle cela aussi la méthode des livres ouverts. Je pense qu'il y a là un énorme potentiel. Des employés qui sont partie prenante à ce niveau deviennent plus engagés et plus heureux dans leur travail. Je pense qu'il y a là un potentiel réel.

Monsieur Goldblatt, vous avez fait allusion au débat en cours au Canada sur les fusions bancaires. Je pense que c'est à cela que vous faisiez allusion.

M. Mark Goldblatt: Oui.

M. Roy Cullen: Il me semble que l'un des problèmes et l'un des défis, même si les fusions ne se font pas—et si elles se font, cela devient encore plus important—consiste à créer une sorte de marché secondaire et davantage de concurrence dans les services financiers. Quel rôle voyez-vous pour les coopératives de travailleurs canadiennes lorsqu'il s'agit de combler ce vide, en quelque sorte, ou de susciter davantage de concurrence.

M. Mark Goldblatt: J'ai fait allusion au secteur des services financiers et au rôle que les coopératives financières y jouent. Je signale le succès énorme rencontré au Canada, à cet égard, par le modèle coopératif.

Si je puis faire une courte digression, parce que je sais que votre comité se penche sur ce sujet, nous allons célébrer l'année prochaine le centième anniversaire de la création de la première caisse populaire au Canada, par Alfonse Desjardins, en l'an 1900 à Lévis, au Québec. L'histoire dit que 80 personnes environ ont assisté à cette réunion à Lévis en 1900 et qu'ils ont, à eux tous, déposé environ 25 $. Aujourd'hui, le réseau des Caisses populaires Desjardins au Québec affiche un actif supérieur à 80 milliards de dollars et une part de marché dans certaines parties du secteur des services financiers se situe entre 30 p. 100 et 35 p. 100.

Nous, dans notre fédération, citons cela comme un exemple parmi d'autres où des Canadiens se sont emparés du modèle coopératif avec un succès spectaculaire. D'autres exemples sont les coopératives agricoles, laitières, céréalières, etc. La part du marché dans ces cas-là peut atteindre 60 p. 100. Cela nous encourage, nous qui prônons l'approche de la coopérative appartenant aux employés. C'est une idée relativement neuve au Canada comparée à d'autres modèles coopératifs.

• 1955

En un sens, nous considérons les autres secteurs et disons que si eux ont pu le faire, nous pouvons le faire aussi. C'est dans ce contexte que j'ai fait allusion aux coopératives financières. Votre comité va se pencher sur le rôle des caisses populaires et des caisses de crédit et leur potentiel futur pour ce qui est de la fourniture de services financiers aux Canadiens.

M. Roy Cullen: On tend à considérer que les RADE, les régimes d'actionnariat des employés, représentent une option dans les cas de faillite. On pourrait citer des exemples dans la sidérurgie et ailleurs. Mais, à mon sens, cet instrument pourrait favoriser réellement aussi les entreprises en expansion, et pas seulement dans les cas de faillite où tout le monde se résout à mettre de l'eau dans son vin. Il me semble que c'est un moyen de créer un bon environnement pour les sociétés en expansion, de les stimuler et de les aider à croître.

M. Mark Goldblatt: Ce qui est intéressant dans le modèle des coopératives appartenant aux travailleurs est qu'il est si flexible. On peut y recourir dans une variété de situations, comme celle d'Algoma, qui était une opération de sauvetage massive. Mais aussi, comme je l'ai dit, le Québec est la seule juridiction canadienne à s'être dotée d'un programme d'investissement dans les coopératives de travailleurs il y a une dizaine d'années. J'ai même les chiffres. Depuis 1989, Investissement-Québec, un organe du gouvernement provincial du Québec, a investi 55 millions de dollars dans les coopératives de travailleurs au Québec.

Oui, l'instrument est extrêmement souple. La formule qui connaît l'expansion la plus rapide au Québec est ce que l'on appelle la coopérative d'actionnariat des travailleurs, où les employés forment une coopérative pour acheter directement des actions de la société qui les emploie. Au fil du temps, leur part des actions totales de l'entreprise augmente, des retenues étant opérées sur les salaires pour acheter de nouvelles actions. Donc, effectivement, cet outil est utilisé dans la province pas seulement dans les situations de sauvetage, mais aussi dans les cas d'entreprises saines.

M. Roy Cullen: Si je puis me permettre, je travaille avec la sénatrice Hervieux-Payette du Québec et, certes, il faut reconnaître que le Québec est très en avance sur ce front. Je pense que nous pourrions tous nous inspirer de son exemple.

M. Mark Goldblatt: Les chiffres d'emploi sont là pour illustrer l'investissement consenti par le gouvernement.

M. Roy Cullen: Bien. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Goldblatt.

Monsieur Martin, la dernière question.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Nous avons entendu trois exposés tout à fait excellents. Bien entendu, j'ai un préjugé favorable à l'égard des problèmes et situations que vous décrivez.

J'aimerais commencer par M. Goldblatt. Je suis évidemment très encouragé par tout ce que vous avez ici et toute cette perspective. Je m'intéresse de près au mouvement coopératif. J'ai relevé que vous mentionnez Mondragon ici. J'ai vu quelques films et d'autres choses là-dessus et c'est passionnant.

Pour ce qui est du rachat par les employés, il y a un gros problème à Winnipeg au niveau des entreprises familiales du secteur vestimentaire. Le père et la mère ont pu travailler très fort pour établir l'atelier, embauchant de 20 à 30 employés, mais les enfants ne sont pas réellement intéressés à travailler aussi dur pour gagner leur vie. Franchement, la nouvelle génération a peut-être été trop gâtée. De ce fait, nombre de ces entreprises, qui me paraissent de parfaits candidats pour votre type de reprise par les employés, bien qu'elles soient actuellement profitables... simplement il n'y a pas d'héritiers, il n'y a personne pour reprendre l'entreprise. Plutôt que de les voir fermer leurs portes, ce type d'initiative serait très salutaire.

La Pine Falls Paper Company est un autre exemple au Manitoba. Abitibi-Price voulait la fermer, et les employés l'ont rachetée, l'ont exploitée pendant trois ou quatre ans et l'ont maintenant vendue à Tembec, je crois, à un profit énorme. Les employés actionnaires ont touché environ 80 000 $ chacun et ils ont toujours leur emploi parce que cette nouvelle société exploite l'usine.

Quantité de compagnies ferment des usines pour toutes sortes de raisons, parce qu'elles ne sont pas assez profitables ou n'entrent pas dans leur plan d'ensemble, et l'intervention des employés est réellement prometteuse.

Vous avez mentionné l'actionnariat des travailleurs. Nombre de gros syndicats américains commencent activement à utiliser les fonds de leur régime de prestations aux employés pour acquérir des parts dans des sociétés à la poursuite d'autres objectifs. C'est plutôt intéressant. C'est comme si les travailleurs pouvaient détenir les moyens de production. Ce serait la réalisation du marxisme, et nous paierions comptant. C'est un concept séduisant.

• 2000

Quoi qu'il en soit, je suis très encouragé. Je n'ai pas réellement de question, je voulais simplement vous dire combien le sujet me tient à coeur.

M. Mark Goldblatt: J'aimerais ajouter un mot ou deux à vos propos.

Comme vous le signalez, les propriétaires prenant leur retraite et n'ayant personne dans leur famille pour leur succéder, les propriétaires d'entreprises familiales, lesquelles peuvent parfois être de grande taille, sont souvent très dévoués à leur personnel et à leur communauté. C'est un élément de la contribution de ces entrepreneurs au milieu de travail, au marché du travail. Par conséquent, si l'on pouvait résoudre le problème de la capitalisation des coopératives de travailleurs, on pourrait faciliter le transfert de ces entreprises à leurs employés. C'est le but de notre proposition, régler le facteur capitalisation de l'équation.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les syndicats et les coopératives de travailleurs, nous sommes fiers que le Congrès du Travail du Canada soit membre associé de notre fédération. Il y a certes quelques tensions entre divers syndicats au sujet des coopératives de travailleurs. Mais des syndicats comme les Métallurgistes unis, soit celui qui représentait les employés d'Algoma Steel à Sault Ste. Marie—et ce n'est pas surprenant—ont maintenant appuyé un peu partout aux États-Unis toute une série de rachat par les employés d'entreprises défaillantes. Il y a donc là certainement un lien.

Nous avons même eu des entretiens avec l'Alliance de la fonction publique du Canada au sujet de situations où le gouvernement est déterminé à privatiser des services. Le maintien dans la fonction publique étant exclu, le syndicat, cherchant toujours à défendre les membres touchés, peut envisager le rachat par les syndiqués comme option de privatisation. C'est une autre situation où nous avons cherché à nouer des liens directs avec les syndicats canadiens.

Voilà donc deux commentaires sur votre intervention.

M. Pat Martin: Oui, excellent. De fait, puisque vous avez mentionné les métallurgistes, je travaille actuellement avec eux sur la fermeture de l'usine Dominion Bridge à Winnipeg. Nous nous sommes adressés au Crocus Fund pour trouver un peu d'argent et faire exactement ce que vous recommandez.

M. Bruce Campbell: J'aimerais intervenir et faire une remarque générale dans cette discussion.

Nous sommes partisans du concept des coopératives de travailleurs et, de manière générale, de structures de propriété et d'instruments de placement susceptibles de canaliser le capital vers les activités créatrices d'emplois et les collectivités locales.

Il serait encourageant de voir un rapport du Comité des finances recommander quelques changements majeurs, par exemple à la structure des fonds de pension et au pouvoir de décision des travailleurs sur les fonds de pension. Il serait merveilleux de voir un rapport du Comité des finances préconisant ce genre de changements. De fait, un de mes collègues rédige actuellement un ouvrage que nous allons publier au printemps prochain. Son titre sera quelque chose comme Turning Money into Jobs. Il se penche sur l'incapacité de l'économie de papier à réellement fournir des investissements créateurs d'emplois.

Je voudrais dire un dernier mot sur les capitaux flottants. Je l'ai déjà dit mais je pense que cela vaut d'être répété. L'un des rares moyens de contrôle sur les capitaux que le gouvernement possède aujourd'hui est le plafond de 20 p. 100 imposé aux placements étrangers des fonds de pension; j'entends les fonds de pension exonérés d'impôt; pas les autres capitaux. Je vous exhorte à recommander dans votre rapport, à tout le moins, que ces moyens de contrôle soient préservés et, si vous voulez réellement devenir ambitieux, d'établir un calendrier de réduction graduelle de ce plafond.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Joe et Bob, je sais que vous êtes probablement parmi les meilleurs experts pour tout ce qui concerne l'AE. Je ne connais personne qui en sache autant que vous et j'ai vu certains d'entre vous battre les campagnes pour sensibiliser des gens au problème, déjà à l'époque du projet de loi C-12.

Je pense que tout le monde commence à réaliser deux choses. Premièrement, le système est complètement défectueux si seulement 37 p. 100, ou quel que soit le chiffre, des cotisants sont admissibles aux prestations. Le système est en panne, il est fichu.

Mais le problème plus important et plus actuel est celui de l'excédent. Votre argumentation, si j'ai bien suivi, est que l'excédent a été payé exclusivement par les employeurs et les employés et qu'il devrait servir aux prestations ou aux usages traditionnels de l'AE, sans même songer à réduire les cotisations. C'est le débat qui se déroule actuellement à la Chambre, sur la question de savoir s'il faut réduire les cotisations, assouplir les critères d'admissibilité ou augmenter les prestations. Vous pourriez peut-être nous en parler dans un instant.

• 2005

L'autre chose sur laquelle j'aimerais des précisions, car ce n'était pas tout à fait clair, est la règle du diviseur, qui fait que les semaines inactives sont englobées dans le calcul, ce qui fait baisser les prestations des chômeurs. Nous en avons vu un exemple. Angela Vautour, l'une de mes collègues néo-démocrates, a reçu une femme dans son bureau qui montrait son chèque d'AC de l'année précédente. Il y a un an, elle touchait 350 $ par semaine. Aujourd'hui, cette femme, avec le même emploi saisonnier, est inscrite au chômage et touche 38 $ par semaine. Voilà l'ampleur des dégâts. Rien n'a changé dans sa vie personnelle, même pas le nombre de semaines qu'elle travaille, mais ces semaines sont réparties de telle façon qu'avec la règle du diviseur... Vous pourriez peut-être nous expliquer mieux cela, Joe.

M. Joseph Maloney: Certainement. À la page 6 de notre mémoire, nous appelons la règle du diviseur le problème des petites semaines. De la façon dont les choses fonctionnent aujourd'hui, une personne a 52 semaines pour devenir admissible à l'assurance-emploi. Mais lorsque la personne dépose une demande, le CEC considère uniquement les gains des 26 semaines précédentes, car maintenant on se base sur un chiffre en dollars et un nombre d'heures, par opposition à un nombre de semaines. Donc, lorsque vous déposez une demande, ils prennent les 26 semaines précédentes et appliquent une formule pour déterminer le taux de vos prestations. Notre tableau montre une personne ayant gagné son revenu sur 15 semaines, ce qui fait que son revenu est étalé sur 15 semaines. L'autre personne a gagné son revenu sur 19 semaines, et son revenu a été étalé sur 19 semaines.

Il est très fréquent dans le secteur de la construction d'avoir des semaines de seulement huit ou quatre ou douze heures. Vous pouvez commencer un travail le vendredi, pour décharger des outils ou autre chose de façon à être prêt pour la semaine suivante, ou bien on achève un travail le lundi matin. Il faut bien que quelqu'un le fasse. Donc, pour cette semaine, vous n'avez que peu d'heures. La formule de calcul actuelle punit les gens pour cela. Cela amène les gens à dire: «Je ne veux pas travailler dix ou douze heures par semaine. Ne m'appelez pas, car je ne vais pas travailler». De ce fait, les gens ne prennent pas toutes les heures de travail qu'ils pourraient avoir.

C'est un problème majeur. Le tableau montre qu'une personne vivant dans la même ville, ayant effectué 28 heures de travail de plus que l'autre, touche des prestations moindres. Où dont est l'incitation à recommencer cela la prochaine fois? Si la personne va perdre ce genre de somme, près de 48 $ par semaine pendant toute la durée du chômage, la fois suivante elle refusera ce travail de courte durée. C'est aussi simple que cela.

Le point d'inversion est à environ 15 heures par semaine. Notre recommandation est très claire: ne tenez pas compte des petites semaines de 15 heures dans le calcul des prestations, à moins qu'elles soient nécessaires pour établir l'admissibilité. Si une personne a suffisamment d'heures pour être admissible et a aussi quelques petites semaines, ne comptez pas ces dernières, car la personne a déjà suffisamment d'heures. Mais si vous en avez besoin pour l'admissibilité, alors oui, comptez-les.

Pour ce qui est de l'excédent AE et toute cette sorte de choses, nous en avons discuté lors du débat sur le projet de loi C-12. Quelqu'un a fait valoir que lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, il y avait un déficit de 42 milliards de dollars. Le compte AE était en déficit de 6 milliards, et il a dû être financé par le gouvernement fédéral. C'est vrai. Ces 6 milliards ont été remboursés avec intérêt, comme l'exige la loi.

Nous, dans le secteur de la construction, sommes tout à fait en faveur de ce que nous appelons un fonds de prévoyance. Nous étions d'accord avec le ministre Axworthy à l'époque. Nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer le ministre Young parce qu'il a refusé de nous voir, mais cela est une autre histoire. Mais nous avions admis qu'il fallait un fonds de prévoyance et accumuler une réserve pour les récessions suivantes. Je ne sais pas de combien devrait être cet excédent. Je ne pense pas qu'il devrait totaliser 20 milliards de dollars ou plus, mais il devrait être réservé aux fins de l'AE. Il faudrait fixer un plafond annuel tel que, lorsqu'il est atteint, l'argent serve à réduire les cotisations, majorer les prestations ou quelque chose du genre. C'est ce que nous préconisons. L'argent ne devrait pas simplement être prélevé pour réduire le déficit ou rembourser la dette.

• 2010

Le président: Monsieur Maloney, en guise de clarification, tout cela est intervenu lors de l'examen de la sécurité sociale. Il faut peut-être signaler que la réforme était également motivée par le fait que le coût de l'AC était passé de 8 ou 10 milliards de dollars à 20 milliards de dollars en dix ans. Je pense que quiconque regardait les livres devait conclure qu'à ce rythme le régime n'était plus viable et qu'une réforme s'imposait.

Je me souviens avoir discuté de cela avec vous et l'opinion dans le pays était que quelques modifications s'imposaient. N'est-ce pas exact?

M. Joseph Maloney: Vous avez tout à fait raison et nous, dans le secteur de la construction, étions fervents partisans du passage d'un système hebdomadaire à un système horaire et nous avons pris part à l'examen.

Le président: Je m'en souviens très bien et je tiens à préciser que l'ancien système, tel qu'il était, n'était pas plus favorable à la vieille économie que l'actuel.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin: L'une des choses qu'une bonne partie du mouvement syndical réclame est que le fonds d'assurance-emploi soit totalement séparé, ne soit pas seulement comptabilisé séparément mais devienne un fonds réellement distinct, avec peut-être un conseil d'administration formé de représentants des syndicats, du patronat et du gouvernement. Est-ce que le secteur de la construction partage cet avis?

M. Joseph Maloney: Oui, tout à fait. Nous pensons que les syndicats et le patronat devraient contrôler et définir la politique d'assurance-emploi.

Si vous vous en souvenez—je pense que c'était dans les années 80—trois parties contribuaient au compte AE: les employeurs, les employés et le gouvernement fédéral. Puis, sous le premier ministre Mulroney, je crois, la contribution fédérale au compte AE a été supprimée.

Nous disons que, puisque les employeurs et employés alimentent ce compte, ils devraient avoir plus de poids concernant sa gestion, et les fonds AE devraient être comptabilisés séparément au lieu d'être simplement amalgamés avec les revenus du gouvernement central.

M. Pat Martin: Enfin, monsieur Campbell, vous dites que le problème réel de la dette et le ratio dette-PIB—et je sais que le BFA—le budget fédéral alternatif—a toujours préconisé comme moyen de réduire ce ratio... Il y a deux façons de s'y prendre. L'une consiste à rembourser la dette, l'autre à augmenter le PIB. Vous prônez la deuxième façon, du moins dans la conjoncture actuelle. Je serais intéressé à en savoir plus.

Une chose que vous n'avez pas évoquée, mais dont vous avez parlé par le passé, et ce que je considère être un concept très cruel est le TCNI, le taux de chômage non inflationniste, dont on nous rebat les oreilles ici. Nous considérons qu'il continue à influencer la politique économique et j'aimerais que vous nous en parliez un peu.

M. Bruce Campbell: Certainement. C'est la raison pour laquelle dans mon exposé j'ai expressément mentionné la question de l'inflation et le fait que la Banque du Canada, avec l'appui du gouvernement, se montre obsédé—ce n'est pas seulement le gouvernement actuel, son prédécesseur était pareil. Cette obsession a atteint un niveau d'hystérie à la fin des années 80 et au début des années 90, avec John Crow.

Les objectifs d'inflation poursuivis au cours de la décennie étaient, comme vous le savez, de 1 p. 100 à 3 p. 100, ce qui est très faible. Même ainsi, le gouvernement ou la banque n'ont pas une seule fois dépassé l'objectif, et sont même restés en deçà de la fourchette inférieure 40 p. 100 des mois pendant lesquels les objectifs étaient en vigueur.

Je pense donc que la préoccupation au sujet de l'inflation est déraisonnable. Elle repose sur l'idée qu'une fois que le taux de chômage tombe à un certain niveau—et ce niveau est quelque peu mystérieux. On entend divers chiffres, selon que l'on parle aux économistes de la Banque du Canada ou à ceux du ministère des Finances, allant de 9 p. 100 à 8,5 p. 100 à 7,5 p. 100. Quoi qu'il en soit, une fois que l'on se rapproche de ce niveau de chômage, on prend des mesures monétaires radicales pour ralentir l'économie et jeter littéralement—pas littéralement, mais contraindre l'économie à licencier des centaines de milliers de travailleurs.

• 2015

On peut citer toutes sortes d'exemples empiriques contredisant cette relation de cause à effet, notamment celui des États-Unis où le taux de chômage est tombé à moins de 5 p. 100 sans que le taux d'inflation y soit nettement supérieur au nôtre. Je pense donc que cette préoccupation avec l'inflation, aux dépens d'un chômage massif, n'a que trop duré et doit prendre fin.

Enfin, les responsables politiques doivent dépasser cette orthodoxie voulant qu'il y ait ce lien et qu'il faille toujours privilégier l'inflation ou l'inflation zéro ou proche de zéro.

Le président: C'est tout?

Eh bien, au nom du comité, je tiens à vous remercier chaleureusement. Cela a été une séance très intéressante.

Monsieur Campbell, merci de nous avoir remis le budget alternatif.

Merci, monsieur Maloney et particulièrement monsieur Belleville, de vos explications sur l'assurance-emploi. C'était très intéressant.

Et monsieur Goldblatt, nous recherchons toujours des façons originales de renforcer notre économie et vous nous avez certainement donné quelques idées. Je suis heureux que M. Cullen travaille déjà sur certaines innovations, la création de nouvelles coopératives, afin que nous puissions concrètement stimuler la croissance de notre économie.

Au nom du comité, merci à tous d'avoir passé avec nous ce lundi soir. Nous travaillerons encore pendant beaucoup de soirées d'ici décembre. Merci encore.

La séance est levée jusqu'à demain matin.