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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 octobre 1998

• 1059

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tout le monde ce matin à Calgary.

• 1100

Comme vous le savez, conformément à son mandat que lui confère l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, plus connu dans notre milieu sous le nom de rapport MacKay.

Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous les représentants de l'Alberta Women's Enterprise Initiative Association, d'Amherst Consultants Limited, de Bolt Supply House Limited, de Hi-Alta Capital Inc., de la Peace Hills General Insurance Company et de World Sceptre Challenger.

Vous avez entre cinq et dix minutes pour présenter votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions. Nous allons commencer par la représentante de l'Alberta Women's Enterprise Initiative Association, Mme Corinne Tessier, sa directrice générale. Soyez la bienvenue.

Mme Corinne Tessier (directrice générale, Alberta Women's Enterprise Initiative Association): Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de m'avoir donné l'occasion de présenter cet exposé.

L'Alberta Women's Enterprise Initiative Association est une organisation à but non lucratif dirigée par un conseil d'entrepreneurs et de gens d'affaires indépendants de notre province. Nous avons pour mandat d'aider les femmes albertaines à réussir à lancer et à développer des entreprises. Nous mettons à la disposition de nos clientes des informations financières et commerciales, des conseils d'entreprise individualisés, des contacts avec les professionnels, des ateliers de planification d'entreprise et des groupes de coordination.

Ces trois dernières années, nous avons donné des facilités en matière d'entreprise à plus de 10 000 femmes. Dans l'ensemble, les clientes qui bénéficient de nos services ont moins de cinq employés, et nombre d'entre elles travaillent à domicile. Elles représentent un secteur d'entreprise en pleine croissance sur le marché. Au départ, ces femmes disposent de moins de ressources pour payer les compétences nécessaires et développer leur entreprise. Elles n'ont aussi généralement qu'une compétence limitée en matière de gestion et ne disposent pas des réseaux de soutien des activités de leur entreprise. Elles sont donc moins au courant de ce qui se passe lorsqu'elles arrivent sur le marché. Elles se tournent vers des organisations comme la nôtre ou vers le réseau bancaire canadien pour qu'on les aide à faire prospérer leur entreprise.

Les femmes qui sont à la tête de petites entreprises sont préoccupées par la fusion éventuelle et je vais tout à l'heure exposer leurs craintes. Il est intéressant de signaler que la Banque Royale et la Banque de Montréal s'efforcent précisément d'apaiser ces craintes en faisant des promesses et en précisant certains faits, même si peu de petits entrepreneurs en sont conscients ou ne semblent le croire.

Ce que l'on nous dit, c'est que la fusion va améliorer le seuil de rentabilité des banques mais non pas celui des petites entreprises. Les banques qui proposent la fusion ont promis de diminuer en fait les frais facturés à la clientèle. Si elles parviennent véritablement à réaliser les économies d'échelle en mettant en commun leurs investissements en matière de technologie et d'innovation au niveau des services, les banques peuvent à juste titre affirmer qu'elles seront en mesure de réduire leurs frais.

Il y a aussi la crainte d'une réduction de la concurrence et du fait qu'il y aura moins de banques entre lesquelles il sera possible de choisir. En réalité, avec les nouveaux changements devant être apportés à la réglementation dans le secteur financier, nous allons assister à l'arrivée de nombreuses banques étrangères sur le marché canadien et la population aura une plus grande possibilité de choix qu'avant pour ce qui est des services financiers.

Les femmes qui ont des entreprises craignent que les banques ne réduisent leur personnel et qu'elles aient moins d'interlocuteurs auxquels elles peuvent s'adresser personnellement et davantage de numéros à appeler. Les finances représentant une part importante de leur exploitation, ces femmes ont besoin de parler à des personnes véritables. La Banque Royale et la Banque de Montréal ont fait savoir qu'elles allaient pratiquer des réductions de personnel en plus des départs enregistrés normalement. Je propose que les banques qui fusionnent s'engagent fermement à maintenir les services dispensés par l'intermédiaire de leur personnel si elles veulent répondre aux besoins des petites entreprises.

On craint aussi que des succursales, notamment dans les petites villes, soient fermées. La Banque Royale et la Banque de Montréal ont promis qu'aucune petite ville, aucune région rurale et aucune localité éloignée ne perdront leurs services à la suite de la fusion et qu'il n'y aura aucune réduction du service fourni.

Ces craintes sont si fortes que certaines femmes d'affaires sont disposées à déménager leur entreprise ailleurs si les banques canadiennes fusionnent. Je pense que ces craintes et ces préoccupations s'expliquent entre autres par le fait qu'en dépit des indications données et des engagements pris par les banques, ces banques ainsi que les médias ne communiquent pas efficacement avec les petits entrepreneurs. Les petits entrepreneurs ont besoin de savoir exactement ce qui les attend en ce qui a trait aux fusions prévues afin de pouvoir prendre des décisions en toute connaissance de cause. Les banques ont l'obligation de communiquer sans détour avec les petits entrepreneurs.

• 1105

En me fondant sur la connaissance qu'a notre organisation des besoins des petites entreprises, j'ai bien peur personnellement que ces craintes, en l'absence d'information précise, n'influent indûment sur la décision prise par le gouvernement au sujet de la fusion et ne donnent naissance à une situation préjudiciable aux milieux d'affaires et à la population canadienne. D'ailleurs, ce que craint la population risque effectivement d'arriver si l'on ne procède pas à la fusion.

Les statistiques nous révèlent que le secteur des petites entreprises est en pleine croissance et que ces dernières ont de plus en plus besoin de financement et de services de soutien aux entreprises. Le secteur des petites entreprises a suffisamment de potentiel pour être le principal pilier de l'économie canadienne, mais il a besoin d'un appui bancaire résolu. Pour cela, il nous faut des banques solides qui s'engagent à faire fructifier l'économie canadienne.

Lorsque les banques étrangères arriveront sur les marchés canadiens, elles chercheront à l'écrémer et à faire rapidement des bénéfices. En s'appuyant sur leur énorme clientèle à domicile et sur leur énorme capacité d'investissement en technologie, elles peuvent dispenser des services spécialisés à très faible coût. On a l'exemple de Fidelity, Wells Fargo et Countrywide Credit Industries.

Si l'on empêche les banques canadiennes de développer leurs forces et leur compétitivité, elles risquent d'être écartées de certaines lignes de produits lucratives qui compensent le manque de rentabilité dans d'autres. Dans la pratique, elles ne pourront plus dispenser une gamme complète de services, notamment les services très importants mais moins rentables dont bénéficient les petites entreprises. Le financement et les services offerts aux petites entreprises ne représentent pas la crème du secteur financier.

Les banques canadiennes ont pris des engagements envers le Canada et représentent une part significative des recettes fiscales de notre pays. Les Canadiens s'empressent trop souvent de placer leurs bénéfices chez nos voisins du Sud, comme dans le cas de la prise de contrôle de Canadian Airlines par American Airlines. Une fusion pourrait d'ailleurs aider nos banques canadiennes à acquérir une plus grande envergure au plan international, leur permettant ainsi de rapatrier de nouvelles recettes pour améliorer notre fiscalité.

Si nous décidons d'ouvrir notre marché financier aux entreprises étrangères au nom du grand principe commercial qui consiste à renforcer la concurrence, il faut au moins que nous évitions d'empêcher nos banques d'exercer librement leur concurrence. Un solide secteur bancaire canadien ayant pris des engagements vis-à-vis de l'économie canadienne aura à coeur les intérêts des petites entreprises au Canada.

Il n'y a aucune raison de craindre une fusion, le législateur ayant le pouvoir de s'assurer que les banques canadiennes respectent leurs promesses d'après fusion. Une façon de s'assurer que les banques canadiennes continuent à répondre aux besoins des petites entreprises est de faire en sorte que ces banques s'allient avec des organisations comme la nôtre pour garantir les services de soutien globaux aux entreprises qui démarrent.

Notre organisation renvoie de nombreux clients vers les banques en aidant les petites entreprises qui sont ses clientes à préparer leurs dossiers de financement bancaire. De leur côté, les banques nous renvoient les clients qui ne répondent pas à leurs critères de prêts. C'est excellent pour les clients, qui bénéficient alors de l'aide globale et des possibilités de recours dont ils ont besoin.

Je ne pense pas que nous puissions instaurer le même genre de relations avec les banques étrangères, qui ne cherchent pas à assurer la croissance de notre économie et ne s'intéressent pas aux faibles marges de profit qui découlent des services offerts aux petites entreprises.

La Banque Royale et la Banque de Montréal ont promis de limiter les frais facturés à la clientèle, de maintenir les services dans les régions rurales et de dispenser une gamme complète de services et d'aides aux petites entreprises. Je pense qu'il nous faut les appuyer et faire en sorte qu'elles respectent leurs promesses plutôt que de les dénoncer a priori. Nous avons davantage à gagner en faisant confiance à ceux qui ont toujours servi le Canada plutôt que de nous en remettre aux banques étrangères qui ne s'intéressent pas véritablement à la croissance de l'économie canadienne et n'ont aucune allégeance vis-à-vis de la population canadienne.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Tessier.

Nous allons maintenant entendre la représentante d'Amherst Consultants Ltd., Mme Lois Mitchell, sa présidente. Vous êtes la bienvenue.

Mme Lois Mitchell (présidente, Amherst Consultants Ltd.): Merci.

Je ne consacrerai que quelques minutes—ce que je vais dire ne figure pas en fait dans le mémoire—à l'exposé de quelques autres faits.

Si à mon avis la fusion revêt une telle importance, c'est principalement en raison de ses effets sur les relations communautaires. La Banque de Montréal et le groupe financier de la Banque Royale ont déjà montré qu'ils s'étaient engagés à instaurer des relations plus étroites avec les membres de la collectivité, notamment les clients, les parties prenantes de la collectivité, les employés et les actionnaires. Le groupe financier de la Banque Royale a d'ores et déjà montré la voie en y consacrant plus de 76 millions de dollars au cours des cinq dernières années. Les chiffres sont un peu moins élevés pour la Banque de Montréal. Si la fusion proposée devient effective, ces deux banques se sont publiquement engagées à y consacrer 250 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Cela signifie une plus grande participation au sein de la collectivité.

• 1110

Quels en sont les différents effets? Tout d'abord, les clients et les actionnaires se sentent en phase avec la collectivité et sont fiers d'en renforcer les liens, notamment lorsque la banque s'implique dans les domaines de l'enseignement, de la santé et de la recherche. Quel est l'effet sur les employés? Cela entraîne d'énormes répercussions sur le moral des employés, l'esprit d'initiative et la volonté de prendre des engagements étant renforcés.

Enfin, j'aimerais bien faire comprendre à votre groupe que toutes les activités communautaires ont lieu sur un marché international très concurrentiel et en pleine expansion. La fusion proposée, qui doublera l'argent disponible, fera en sorte que nos collectivités seront plus florissantes et plus accueillantes.

Merci.

Le président: Merci, madame Mitchell.

Nous allons maintenant donner la parole à M. John McCann, le président de Bolt Supply House Ltd. Soyez le bienvenu.

M. John McCann (président, Bolt Supply House Ltd.): Merci.

Monsieur le président et honorables membres du comité, en tant que petit entrepreneur, je tiens à vous dire que je suis fermement convaincu qu'il faut autoriser les banques à fusionner. Notre marché est mondialisé et nous devons tenir compte du fait que la concurrence est désormais mondiale. Même si nos banques canadiennes nous apparaissent comme de grosses entreprises, elles font face au plan international à des concurrents comparativement bien plus gros. Je pense qu'il est dans l'intérêt des petites entreprises de jouer le jeu de la libre entreprise et d'autoriser nos banques à se renforcer et à acquérir une nouvelle envergure qui leur donnera la possibilité de s'intéresser aux petites entreprises.

Ces deux dernières années, mes deux principaux concurrents canadiens ont été achetés par de grosses entreprises des États-Unis, appuyées par les grandes banques américaines. J'ai été contacté à la fois par des concurrents des États-Unis et de l'Allemagne, qui m'ont demandé de leur vendre mon entreprise. Ce que je veux montrer par là, c'est que les petites entreprises font face à une concurrence internationale et que plus les banques canadiennes deviendront fortes, plus je pourrai être compétitif localement face à la concurrence internationale qui vient désormais s'exercer dans ma propre cour.

On peut souvent avec raison accuser les Canadiens de trop compter sur notre protection sociale et de trop demander à nos grandes institutions. Il nous faut élargir notre point de vue et éviter que notre protection sociale ne devienne une béquille et qu'une politique à courte vue ne nous mène à la catastrophe.

Nos concurrents internationaux ne vont pas disparaître et, comme les Canadiens, ils cherchent à l'emporter. Je vous demande de ne pas handicaper nos banques en leur interdisant de fusionner. Permettez-leur d'acquérir une taille suffisante pour exercer leur concurrence sans être désavantagé sur le plan international. Jouez le jeu de la libre entreprise afin que les entreprises canadiennes puissent prospérer chez elles et sur les marchés mondiaux.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur McCann.

Je donne maintenant la parole à M. Scott Tannas, président-directeur général de Hi-Alta Capital Inc., ainsi qu'à M. Ken Hughes, son directeur et agent des finances en chef. Soyez les bienvenus. Nous sommes heureux de vous avoir à nouveau parmi nous.

M. Ken Hughes (directeur et agent des finances en chef, Hi-Alta Capital Inc.): Merci, monsieur le président.

Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais commencer et je passerai ensuite la parole à mon collègue, M. Tannas, qui fera quelques observations et se chargera de conclure.

Pour vous donner une idée de ce que fait notre entreprise, Hi-Alta Capital est un réseau de courtiers d'assurances disséminé dans toutes les régions rurales de l'ouest du Canada. Nous enregistrons une croissance rapide. Nous sommes actuellement implantés dans 21 localités de l'Alberta et de la Colombie-Britannique et nous envisageons de nous établir dans tout l'Ouest. Notre entreprise est cotée à la bourse de Toronto. La stratégie de notre entreprise vise en fait à instaurer cette relation de confiance si importante entre notre chef de file au sein de la collectivité, soit le courtier d'assurances, et les clients de cette collectivité. Notre entreprise est donc profondément axée sur le consommateur.

L'un des avantages de la nouvelle situation qui se profile réside dans la possibilité de dispenser d'autres services à notre clientèle et de mettre à sa disposition d'autres services financiers bancaires par l'intermédiaire de ces réseaux de courtage.

• 1115

De manière générale, tout en restant prudents, nous sommes favorables à l'orientation et aux grandes lignes du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.

Nous évoquerons davantage aujourd'hui les questions plus générales qui sont soulevées dans le rapport plutôt que de nous en tenir au seul problème des fusions qui semble préoccuper bien d'autres intervenants. Nous nous attendons à ce qu'il y ait des fusions dans tout le secteur. C'est une évolution naturelle dans le monde des entreprises.

Nous nous félicitons bien évidemment de pouvoir concurrencer les banques dans le cadre de la fourniture de services financiers pleinement intégrés, mais nous voulons en fait nous assurer que les directives, les lois et les règlements nécessaires sont mis en place pour faire en sorte que le jeu de la concurrence ne soit pas faussé.

Dans le cadre du renforcement de la concurrence, nous sommes tout à fait d'accord avec l'objectif fixé, qui est de faciliter l'accès de nouveaux arrivants sur le marché. Nous sommes d'ailleurs l'un de ces nouveaux arrivants sur le marché appelé à dispenser ses services financiers dans le marché que nous nous sommes fixés. Notre marché, monsieur le président, est le marché secondaire. Il s'agit par là des localités plus petites ou de celles dans lesquelles les plus grands établissements financiers ont plus de difficultés à s'installer. Nous sommes déjà présents, et ces localités constituent en fait notre clientèle.

Nous souscrivons aux recommandations du rapport du groupe de travail qui visent à s'assurer que la réglementation et le fardeau administratif touchant les nouveaux établissements financiers tiennent compte de la taille et de la nature des activités commerciales de ces nouveaux arrivants. Il serait évidemment illogique de demander aux nouveaux arrivants dans le secteur des services financiers de passer par les mêmes fourches caudines que la Banque Royale. Ce serait les condamner dès le départ.

Nous souscrivons aussi aux recommandations touchant la rationalisation et la limitation dans le temps du mécanisme d'agrément dans le cadre du mandat du BSIF.

À titre de remarque, on en a fait l'une des recommandations du rapport: nous considérons de toute évidence qu'il faut que la politique publique tienne compte des réalités. L'impôt sur le capital n'est pas un outil efficace d'imposition; il est préférable d'appliquer un impôt sur les bénéfices. Je me rends compte qu'il y a là des enjeux politiques, mais nous devons nous efforcer de rendre notre économie aussi efficace que possible.

Donc, si le gouvernement du Canada et le secteur des services financiers canadien sont décidés à faire en sorte que les établissements de dépôt puissent offrir de l'assurance au grand public, nous considérons pour notre part que l'on doit se doter le plus vite possible du cadre législatif et réglementaire pour permettre aux petits établissements de procéder immédiatement à la vente d'assurance au grand public par l'intermédiaire de leurs succursales. Bien sûr, il est indispensable au départ de s'assurer que l'on dispose aussi d'une législation touchant la protection de la vie privée et interdisant les ventes liées. L'une des façons de s'assurer que les règles du jeu sont plus ou moins les mêmes pour tous une fois que chacun va pouvoir concurrencer les autres est de donner un temps d'avance aux plus petits opérateurs.

Cela étant dit, monsieur le président, je vais passer le micro à mon collègue Scott Tannas, le président-directeur général de Hi-Alta, qui se chargera de conclure notre intervention.

Le président: Merci, monsieur Hughes.

Monsieur Tannas.

M. Scott Tannas (président-directeur général, Hi-Alta Capital Inc.): Merci.

J'aimerais aussi donner mon point de vue non seulement en tant que directeur général d'un réseau que nous considérons comme étant le meilleur et le plus brillant des entreprises rurales d'assurances dans l'ouest du Canada, mais aussi en tant qu'homme d'affaires d'une petite ville qui est appelé à faire concurrence aux banques dans le secteur de l'assurance. Par ailleurs, grâce à la force de notre réseau et à ses capitaux, nous pouvons aussi envisager la possibilité de concurrencer les banques dans le secteur bancaire.

Bien évidemment, nous nous inquiétons entre autres de la force des banques et nous voudrions qu'au départ les règles du jeu soient les mêmes pour tous, mais j'ai aussi bien hâte de pouvoir concurrencer le gérant de banque local. J'habite dans la localité qui m'a vu naître et dans laquelle j'ai été élevé. Dans cette petite localité, mon gérant de banque et sa femme attendent avec impatience une prochaine promotion à l'extérieur, dans un plus gros centre urbain. Je pense être en mesure de faire un excellent travail de service à la clientèle locale à condition que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.

• 1120

J'aimerais vous communiquer deux observations.

Imaginons par exemple que les banques décident de ne desservir que les secteurs les plus rentables du marché de l'assurance et, plus précisément, «d'écrémer le marché» comme on dit dans le secteur de l'assurance. Moi qui suis implanté dans une petite localité, dévoué à sa clientèle et au service de tous les membres de la collectivité—j'y habite et je côtoie les gens tous les jours—je n'ai pas ce luxe et il ne faut pas non plus que les banques puissent l'avoir.

Ce qui caractérise aussi les banques dans nos localités, c'est qu'elles disposent de succursales qui se présentent sous la forme de bâtiments comportant une chambre forte, des comptoirs, etc. Si jamais il y a une fusion, certaines succursales bancaires vont fait double emploi dans nos petites localités. Il vous faut bien voir—et je suis sûr que vous êtes nombreux à le comprendre—que dans une localité rurale il n'y a pas beaucoup d'immeubles qui deviennent vacants au centre-ville et qui peuvent être mis à la disposition de nouvelles entreprises. Nous voulons être sûrs que les banques mettront à la disposition des nouveaux arrivants éventuels tous les immeubles correspondant aux succursales bancaires susceptibles de faire double emploi et qu'elles ne vont pas intimer à leurs agents immobiliers l'ordre de ne louer ou de vendre leurs succursales qu'à des entreprises qui ne leur font pas concurrence.

Voilà effectivement deux des enjeux. Nous vous laissons le soin de décider s'il convient que le gouvernement du Canada donne suite aux recommandations du rapport du groupe de travail MacKay. Nous sommes prêts pour notre part à faire face comme avant à la concurrence, quelle qu'elle soit, mais nous voulons nous assurer qu'elle est juste.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Tannas.

Nous allons maintenant entendre la représentante de Peace Hills General Insurance Company. Diane Strashok en est la présidente-directrice générale. Soyez la bienvenue.

Mme Diane M. Strashok (présidente-directrice générale, Peace Hills General Insurance Company): Merci.

Je suis très heureuse d'être ici parmi vous ce matin. Je m'en tiendrai aujourd'hui aux recommandations faites par le groupe de travail, selon lesquelles il convient d'autoriser les banques à vendre de l'assurance par l'intermédiaire de leurs succursales et à se servir des fichiers bancaires des clients pour commercialiser de l'assurance.

Je sais que le rapport fait état de 124 recommandations, dont bon nombre méritent que nous nous y arrêtions. Toutefois, cette proposition, qui vise à augmenter les pouvoirs des banques en matière d'assurance, va entraîner une véritable catastrophe dans le secteur de l'assurance des biens et risques divers, et c'est pourquoi j'ai tenu à venir comparaître devant vous aujourd'hui.

Avant de commencer, je voudrais vous dire quelques mots de notre entreprise. La Peace Hills General Insurance Company a été constituée en 1982. Elle est la propriété exclusive de la Bande indienne de Samson, qui se trouve à Hobbema, en Alberta. C'est la première société d'assurances possédée par des Autochtones au Canada. Elle est habilitée à vendre des assurances de biens et risques divers dans tout l'ouest du Canada ainsi que dans les Territoires du Nord-Ouest, l'Alberta et le Manitoba étant nos principaux marchés.

L'année dernière, nos primes se sont élevées à plus de 50 millions de dollars. Nous employons directement une centaine de personnes en Alberta et au Manitoba. Nous avons trois bureaux, à Edmonton, à Calgary et à Winnipeg. Nous sommes représentés par environ 150 courtiers indépendants dans tout l'ouest du Canada. Ces courtiers sont essentiellement implantés dans les régions rurales.

Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas venue ici représenter l'un des grands établissements financiers. Je suis plutôt une porte-parole de la masse des petites sociétés d'assurance de biens et risques divers au Canada.

Il y a quelques grosses sociétés d'assurance de biens et risques divers au Canada, mais ces dernières ne dominent absolument pas notre secteur. Nous avons par contre 230 assureurs de biens et risques divers qui exercent une concurrence active au Canada. La plupart de ces entreprises recueillent moins de 1 p. 100 du total des primes versées dans le secteur. Nombre d'entre elles sont de petites entreprises qui desservent une région bien précise ou un marché spécialisé. Nous avons eu du succès parce que nous sommes en contact très étroit avec nos clients.

La plupart des entreprises de notre secteur distribuent leurs produits par l'entremise de courtiers d'assurances indépendants, qui sont de petits entrepreneurs travaillant pour leur compte et établis au sein des collectivités rurales.

La question de la vente par les banques, par l'entremise de leurs succursales, de polices d'assurance destinées au grand public, a déjà été réglée par le Parlement en 1992 puis en 1997. Chaque fois, les députés de tous les partis à la Chambre des communes ont voté en faveur du maintien des règles en vigueur en disant que dans le secteur de l'assurance les banques doivent exercer leur concurrence sur le même pied que les sociétés d'assurances.

Moins de deux ans après le dernier vote du Parlement, voici que la question revient sur le tapis sous la forme d'une recommandation du groupe de travail accordant aux banques tout ce qu'elles ont toujours voulu obtenir en matière d'assurance. Pourtant, aucun élément nouveau relevé par le groupe ne vient s'ajouter au débat, qui a cours depuis plus de 10 ans.

• 1125

La raison pour laquelle les banques n'ont pas été autorisées à vendre de l'assurance à ma liste de clients et par l'intermédiaire de leur succursale est bien simple. Elles n'ont pas réussi à faire valoir leur cause sur quatre points clés: la menace d'une domination des grandes banques dans le secteur du service financier, l'incidence des ventes liées, l'abus de renseignements personnels et la perte d'emplois.

Voulons-nous que les grandes banques dominent le seul secteur des services financiers qu'elles ne contrôlent pas encore? Je n'ai certainement pas besoin de vous rappeler qu'il ne reste au Canada qu'une seule grande société de fiducie indépendante et qu'une seule maison de courtage nationale qui ne soient pas possédées par une banque. Je ne veux pas que la même chose se produise dans notre secteur, et pourtant c'est exactement ce qui se passe chaque fois que l'on accorde aux banques une possibilité d'accès illimitée à un secteur financier donné. Pourquoi conférer aux banques la possibilité de contrôler un secteur comme celui de l'assurance de biens et risques divers, qui est très concurrentiel et dans lequel les clients sont bien servis? Toute la question de l'abus de position dominante a été entièrement occultée par le rapport MacKay.

Cela m'amène à la question des pertes d'emplois. Il y a 100 000 personnes qui travaillent dans le secteur de l'assurance de biens et risques divers au Canada. Plus de 10 000 se trouvent en Alberta. Plus de la moitié des emplois de notre secteur se trouvent chez les courtiers d'assurances indépendants. On les retrouve pratiquement dans toutes les localités du Canada et ils font partie du tissu social de nos petites villes. C'est l'une des raisons pour lesquelles il y a une telle concurrence à l'heure actuelle dans le secteur des biens et risques divers. Ainsi, une entreprise qui veut se lancer par exemple dans le secteur de l'assurance automobile ou domiciliaire, n'a pas à encourir les frais énormes que représente la mise sur pied d'une force de vente. Il lui suffit de signer un contrat avec les courtiers et le temps de le dire elle vend son produit dans tout le Canada ou sur le marché spécialisé qu'elle souhaite desservir. Les clients bénéficient ainsi d'un excellent service, les courtiers se chargeant de trouver la meilleure police d'assurance pour le compte de leurs clients en choisissant entre les différents assureurs qu'ils représentent. C'est pourtant le secteur du courtage en assurance qui souffrira le plus aux cas où les propositions du groupe de travail MacKay seraient acceptées par le gouvernement.

Le Bureau d'assurance du Canada a effectué une étude ayant révélé que le seul secteur de l'assurance des biens et risques divers perdrait 20 000 emplois si l'on conférait plus de pouvoirs aux banques, les plus touchés étant les courtiers indépendants. Les banques créeraient un certain nombre d'emplois dans le secteur de l'assurance, mais cela ne compenserait absolument pas les pertes enregistrées ailleurs. Si l'on en croit notre expérience, les emplois créés par les banques dans le secteur de l'assurance seraient regroupés dans des centres d'appels situés dans les grandes villes et non pas dans les petites localités, qui perdraient de nombreux emplois. Le groupe de travail a totalement négligé de tenir compte de ce facteur.

Enfin, monsieur le président, le groupe de travail MacKay ne s'est aucunement penché sur la possibilité actuelle des banques de vendre de l'assurance au grand public. Depuis 1992, les banques sont autorisées à vendre de l'assurance par l'entremise d'une société distincte. Elles n'ont pas été autorisées, à bon droit, à le faire sans restriction par l'intermédiaire de leurs succursales ou à se servir de tout ou partie de leurs listes de clients. Toute cette question a été examinée 1992, puis à nouveau en 1997, et le rapport du groupe MacKay n'apporte aucun élément nouveau.

J'invite votre comité à prendre acte des omissions flagrantes du rapport et à ne pas y donner suite. Le secteur de l'assurance des biens et risques divers marche bien et nous vous demandons de lui permettre de poursuivre dans cette voie.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Strashok.

Nous allons maintenant donner la parole au représentant de World Sceptre Challenger, M. David Peddle. Soyez le bienvenu.

M. David Peddle (fondateur, World Sceptre Challenger): Je suis Dave Peddle et je représente World Sceptre Challenger. Je suis le fondateur de cette organisation qui regroupe, en toute indépendance, des centaines de chercheurs ayant les mêmes intérêts et qui se penchent sur les failles et les lacunes des banques en Amérique du Nord et dans le monde entier.

C'est véritablement vous discréditer, et discréditer bien entendu mes membres, que de ne nous accorder que 10 minutes de votre temps pour exposer des recherches compilées pendant les 50 ou 60 dernières années. On ne peut pas tout exposer dans un si court délai.

Le président: Votre mémoire est assez complet, n'est-ce pas?

M. David Peddle: Oui, en effet.

Le président: Nous allons le lire.

M. David Peddle: J'espère bien que vous le lirez et que vous aurez ensuite des questions à me poser.

Je n'ai été avisé que vendredi que j'assisterais à cette séance. On nous a alors communiqué une mauvaise adresse. On ne m'a pas informé de l'identité des personnes qui siégeraient au sein du groupe en face de nous et qu'il faut entendre un certain nombre d'exposés sans que l'on ait vraiment le temps de le faire.

• 1130

Mais en fin de compte, lorsqu'on se penche sur le rapport du groupe de travail MacKay concernant les banques, il convient de ne prendre aucune de ses recommandations vraiment au sérieux. Toute cette question a été manipulée et orchestrée de façon à atteindre les objectifs que souhaitent les banquiers.

J'ai demandé à Information Canada quelle était la charte des banques. On m'a renvoyé une lettre m'indiquant que les banques n'avaient jamais eu de charte, qu'elles avaient été constituées en vertu de la législation. Cela signifie qu'une charte ne peut être conférée que par un pays qui possède une souveraineté, qui est une nation et qui possède des terres. Notre recherche nous a appris que le Canada n'avait jamais été légalement constitué, qu'il n'y avait jamais eu de Confédération. Nous avons d'ailleurs des documents que nous ont fournis les députés. Nous avons un document fourni par Walter Kuhl, député de Jasper—Edson en 1945, qui nous le confirme. Des recherches ont été faites personnellement par Elmer Knutson, qui a été en Angleterre effectuer des recherches sur la Loi de l'ANB, et tout va dans le même sens et prouve la même chose.

Nous avons d'autres études qui remontent à 1935, à l'expérience albertaine en matière de banque et d'économie. Nous avons une autre brochure intitulée Alberta Has the Sovereign Right to Issue and Use Its Own Credit, dont l'auteur est R. Rogers Smith, l'auteur d'un ouvrage sur le Statut de Westminster. Le Statut de Westminster a conféré la souveraineté à chacune des provinces du Canada—la souveraineté, la propriété du territoire—ce qui signifie que chacune des provinces de notre pays est en soi une nation. Nous ne nous sommes jamais confédérés parce qu'il n'y a jamais eu d'assemblée constituante visant à séparer les pouvoirs des provinces et du gouvernement central. Ce n'est qu'au nom de la population, des provinces qui possèdent le territoire, que le gouvernement central possède la souveraineté et peut passer des lois et signer des traités et des accords internationaux valides. Je le répète, il ne peut tirer cette souveraineté que de la province, même s'il ne s'agit que d'avoir juste la place pour planter un drapeau.

C'est ce qui rend la législation conforme au droit, par opposition à la simple légalité. La légalité de la législation c'est la même chose à mon niveau que le fait de pouvoir personnellement fixer les règles qui vont s'appliquer à mes enfants, à ma femme ou à moi-même. Si toutefois j'essaie d'imposer ces règles à mon voisin, à la collectivité, elles deviennent contraires au droit, même si dans la pratique il est légal que je les applique dans mon propre foyer.

Nous avons aussi effectué des recherches tirées de l'ouvrage Billions for the Bankers, qui doit en être à sa troisième édition au cours des 40 dernières années. Du côté des États-Unis, sans aucune association entre les deux, il y a l'ouvrage The Money Trick, sur les fraudes et les tromperies bancaires. Nous avons Social Dynamics, qui a été rédigé en Australie. Nous avons le rapport de Guernesey, qui est une étude économique portant sur les 181 dernières années de l'histoire de ce pays n'abritant que 60 000 personnes pour veiller sur l'ensemble de l'infrastructure de ce petit pays actuel, qui n'a rien que l'on puisse qualifier de ressources minières naturelles, qui est axé uniquement sur le tourisme et sur l'industrie bancaire et qui a réussi à se doter de toute son infrastructure sans s'endetter et sans payer des intérêts. Nous avons une étude tirée d'un auteur réputé, Tim Madden, qui est économiste, intitulée Banking on Crime. Nous avons, tiré de Michael Journal, «A New Conception of Economics.» C'est publié à Montréal. Nous avons, rédigé là encore par Tim Madden, Interest, Courts and the Law.

Ce sont des études parfaitement crédibles qui appuient tout ce que j'indique dans mon rapport, c'est pourquoi je les cite ici. Je n'ai pas rédigé ce rapport au petit bonheur, je m'appuie sur des recherches précises.

• 1135

L'important est surtout de comprendre le secteur bancaire et la façon dont il opère. Lorsqu'on consulte la Loi sur les banques, qu'à mon avis il nous faut bien comprendre, on voit que l'article 561 de la Loi sur les banques prévoit les sanctions suivantes:

    Commet une infraction quiconque contrevient sans motif valable à la présente loi ou à ses règlements

L'article 566 dispose:

    L'auteur de l'une des infractions définies aux articles 561 à 565 est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

      a) s'il s'agit d'une personne physique,

      d'une amende maximale de 100 000 $ et d'un emprisonnement maximal d'un an, ou de l'une de ces peines.

On y fixe les règles que doivent suivre les banquiers, mais les banquiers ne les appliquent pas. Si l'on se réfère à la partie II de la loi et aux pouvoirs prévus par la Loi sur les banques, à l'article 15, on voit que la banque a les pouvoirs d'une personne physique. On ne peut pas conférer à un organisme, à un organisme non vivant, les droits d'une personne vivante, mais c'est pourtant ce qu'on fait. En tant qu'individus, nous l'ignorons bien entendu. On nous dit que sous réserve des autres dispositions de cette loi, une banque a la capacité d'une personne physique. On nous dit ensuite:

    (2) La banque ne peut exercer ses pouvoirs ou son activité commerciale en violation de la présente loi.

Toutefois, messieurs, si nous allons à l'article 16:

    Les faits de la banque, notamment en matière de transfert de biens, ne sont pas nuls du seul motif qu'ils sont contraires à son acte constitutif ou à la présente loi.

Il y a donc une contradiction dans la loi actuelle qui se perpétue depuis les 50 dernières années et davantage. Cela signifie que la banque n'a pas à obéir aux règles fixées par le Parlement, mesdames et messieurs.

Nous avons l'interprétation de la législation qui est faite par Driedger, qui affirme que le sens de la loi découle inévitablement, non seulement de ce qui est précisément écrit mais aussi du contexte, ce qui englobe l'objet de la loi et ses relations par rapport aux faits pertinents.

Si nous poursuivons notre lecture de la Loi sur les banques, nous voyons que l'élément le plus important est la divulgation pour que nous tous, en tant qu'individus, sachions ce qui est exigé de nous, mais aussi ce qui est exigé des banques. C'est l'objet de la Loi sur les banques, pour que l'on ne profite pas de ses clients.

Si nous avons des difficultés avec la banque en matière de divulgation, nous ne pouvons pas régler la question, nous sommes censés devoir contacter le surintendant des institutions financières. Il est censé défendre nos intérêts. J'ai fait cette demande au surintendant et je n'ai pas reçu de réponse en trois ans.

Une banque doit, selon les modalités prescrites, divulguer à ses clients qui ont à se plaindre d'un dépôt, d'un paiement ou d'une carte de crédit ou de débit, de quelle façon est calculé le coût de l'emprunt en précisant les moyens de contacter le surintendant des institutions financières. Vous pouvez voir que ce genre d'information ne figure pas dans les contrats de cartes de débit.

L'avis d'enquête doit être public et doit être signifié aux parties. L'avis renvoie à la question visée et mentionne la date, l'heure et le lieu de l'enquête, le but de l'enquête, le nom de l'agent qui préside à l'enquête et toute autre information que le surintendant juge utile.

Le plus important, dans la divulgation, c'est probablement la façon dont on calcule les intérêts. Les intérêts sont calculés par les établissements financiers du Canada et des États-Unis en fonction de ce qu'ils appellent un taux nominal, ce qui signifie qu'il est approximatif et que, sinon du point de vue mathématique, il est inexact d'un point de vue actuariel. Pour ce qui est du calcul des intérêts, les banquiers devraient s'en tenir aux règles, qu'ils devraient connaître en vertu du guide de l'Institut canadien des comptables agréés.

Le calcul de l'intérêt nominal revient à diviser le taux annuel par 365 pour obtenir un taux quotidien. Pour trouver un taux mensuel, on divise bien entendu par 12. Cette formule, lorsqu'on fait plusieurs remboursements par an, revient à appliquer des taux d'intérêt supérieurs au taux annuel alors que pourtant il est dit dans la Loi sur les banques que c'est le taux annuel qui doit être indiqué et que c'est celui que l'on doit payer.

• 1140

Ainsi, un taux annuel de 5 p. 100 qui est perçu chaque mois doit s'élever selon mes calculs à 4,89 p. 100. La Loi sur les banques dispose qu'un banquier peut commettre une erreur de 1/8 de 1 p. 100. Étant donné que les mathématiques sont une science exacte, on peut alors calculer le montant exact des intérêts qui sont dus à un moment donné. Si vous faites la différence entre 5 p. 100 et 4,89, vous constaterez bien entendu qu'elle est supérieure à 1/8 de 1 p. 100. C'est une différence qui va dans les poches du banquier et non pas dans celles de ses clients.

Il y a eu des poursuites contre les banques. Si votre comité veut se pencher sur toutes les fraudes bancaires, c'est indiqué à la Cour du Banc de la Reine—vous pouvez sortir le dossier 9301-01147. Je ne peux pas vous divulguer le nom de la partie en cause ou de la banque qui a été poursuivie, mais ce sont des documents publics et vous pouvez certainement les consulter si vous le souhaitez.

Pour ce qui est de la délivrance des cartes de crédit, on nous dit que l'on ne peut pas facturer des frais de transaction aux clients ni des frais d'utilisation annuels, si l'on excepte les frais d'utilisation annuels correspondant aux cartes privilégiées. Qu'est-ce qu'une carte privilégiée? On ne nous le dit pas.

Si vous avez une carte de crédit et que l'on vous autorise à l'avance la possibilité d'utiliser le crédit d'un montant maximum donné, vous avez la possibilité d'utiliser votre carte en payant des intérêts composés de 16, 18 ou 20 p. 100. Toutefois, le contrat qui précise les conditions d'utilisation de cette carte de crédit ne précise pas en quoi consistent les taux d'intérêt simples et composés et dans quelle mesure ils se répercutent sur le client.

Dans l'offre spéciale faite par la poste à des milliers de Canadiens par la Banque Royale, il est dit que le possesseur de cette carte devra payer des frais annuels de 120 $. En prime, si vous signez et si vous divulguez tous les renseignements confidentiels vous concernant avant qu'on vous envoie les clauses précises de l'accord qui va vous lier à cette banque, vous obtenez 10 000 milles aériens. C'est quelque chose. Ça revient à payer 1,5c. le point. Vous payez 120 $ pour recevoir 10 000 milles aériens qui valent 150 $. Cela revient à acheter vous-mêmes les milles aériens. Voilà le genre de tromperie et de fraude à laquelle nous avons affaire.

Nous avons ici certaines études. La Banque du Canada a été constituée en 1934 par le gouvernement fédéral pour réglementer le crédit et l'argent au mieux des intérêts de l'économie du pays. Vingt-sept millions de Canadiens s'opposent à la politique monétaire menée par la Banque du Canada, qui devrait être, et est en réalité, la Banque des Canadiens. À elle seule, la Banque du Canada a le pouvoir de réglementer le crédit et l'argent au mieux des intérêts de l'économie du pays, mais elle ne le fait pas et ne l'a jamais fait depuis 1934.

Le président: Je pense que vous nous avez fourni suffisamment de données. Je suis sûr que les membres du comité vont vouloir vous interroger sur toutes ces questions.

M. David Peddle: Je n'en ai pas encore terminé. J'aimerais épuiser tout mon temps et celui que les autres témoins n'ont pas utilisé, si vous me le permettez. La question est importante. J'ai passé de nombreuses années à compiler cette information avec d'autres gens, et si elle n'est pas portée aujourd'hui à la connaissance de votre comité, elle ne le sera jamais. Elle va être jetée au fond d'un tiroir.

Le président: Mais monsieur Peddle, vous m'avez dit tout à l'heure que tous ces renseignements figuraient déjà dans votre mémoire.

M. David Peddle: Pas tous. Je veux simplement m'assurer que les recherches valident ces renseignements.

Le président: Ne pourriez-vous pas déposer les autres éléments d'information qui ne figurent pas dans ce mémoire pour que le comité puisse en prendre connaissance? Vous savez, nous avons de nombreux témoins qui ont eux aussi présenté leurs dossiers et je suis sûr que les membres du comité souhaitent leur poser à eux aussi des questions.

M. David Peddle: Vous aurez tout le temps de le faire.

Le président: Bon, monsieur Peddle...

M. David Peddle: Si collectivement nous n'avons pas connaissance des problèmes, comment allons-nous pouvoir trouver des solutions?

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le président, je ne voudrais pas que la présentation de M. Peddle pénalise les autres témoins. Je pense qu'on lui a donné suffisamment de temps pour s'exprimer. Il nous a remis un mémoire. Il serait temps que nous passions aux questions parce qu'il y a d'autres intervenants. On est actuellement en train de pénaliser les autres témoins.

• 1145

Le président: D'accord.

[Traduction]

Je vais vous donner une minute pour conclure et nous passerons ensuite aux questions.

M. David Peddle: C'est un mauvais service que vous rendez aux députés et bien certainement à moi-même étant donné l'importance de ce dossier.

Comme je le disais, le Canada n'a pas été légalement constitué. En vertu de l'article 91, paragraphes 14, 15, 16, 18, 19 et 20, le gouvernement du Canada a pleinement le contrôle de la monnaie. Il n'a pas le droit de constituer des banques privées dans ce qui est censé être notre Constitution, et je pense que c'est le plus important.

J'aimerais beaucoup rencontrer les représentants qui ont orienté les recommandations du groupe de travail avant que quelque chose soit fait. Je pourrais fournir cette documentation, mais si elle n'est pas exposée aux députés, il y a en fait beaucoup d'éléments qui se perdent parce que nous avons relevé tellement de choses qui sont préjudiciables à l'économie et à la population canadiennes.

Le système bancaire a été conçu contre les intérêts du pays dans son ensemble pour voler et dépouiller les gens qui ont bâti ce pays. Ce n'est pas simplement au Canada, messieurs, c'est à l'échelle mondiale. Il n'y a qu'un pays qui est souverain, et ce pays ne peut exercer cette souveraineté que s'il a le contrôle de son système monétaire. Aucun banquier ne s'adresse à l'étranger pour trouver de l'argent. Ils ne se procurent pas l'argent auprès de la Banque du Canada ou d'intérêts étrangers; ils créent cet argent à partir de rien, à partir du néant. L'intérêt est un paiement correspondant à l'usage ou à la location de la propriété d'autrui. L'argent n'est pas une propriété.

Le président: Merci, monsieur Peddle.

M. David Peddle: Merci.

Le président: Monsieur Kenney.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier tous les témoins de la qualité de leurs recherches et des exposés qu'ils nous ont présentés aujourd'hui.

Ma première question s'adresse à M. McCann. Vous êtes un petit entrepreneur, et le fait que vous soyez en faveur d'une autorisation des fusions bancaires m'intéresse. Nombre d'autres entrepreneurs indépendants nous ont fait savoir qu'ils craignaient que les fusions ne diminuent la concurrence, ne réduisent l'accès aux capitaux et n'entraînent une plus grande centralisation des décisions concernant des projets financiers tels que les vôtres. J'aimerais donc que vous nous disiez pourquoi vous ne partagez pas ces préoccupations qui semblent être généralisées chez les entreprises indépendantes.

M. John McCann: Je pense que ces craintes sont fondées en fait sur des spéculations et je suis convaincu que lorsqu'on améliore l'efficacité d'une entreprise, elle est mieux équipée pour servir ses clients. Si nos banques canadiennes ne le font pas, d'autres banques viendront le faire. Je peux voir qu'il est dans leur intérêt de continuer à le faire. Elles n'ont pas l'intention de perdre leur clientèle.

M. Jason Kenney: Je vous remercie.

J'aimerais passer à la question de l'assurance. Nous avons entendu quelques exposés à ce sujet. J'ai été assez étonné d'entendre M. Tannas et M. Hughes nous dire qu'ils étaient favorables aux recommandations visant à conférer aux banques la possibilité pleine et entière d'entrer un jour sur le marché de l'assurance destiné au grand public. Cela m'a surpris, parce que ce n'est pas un point de vue largement partagé par les représentants des petits assureurs indépendants s'adressant au grand public, notamment dans les régions rurales.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi selon vous tellement de membres de votre secteur sont si fermement opposés à ces recommandations. Qu'est-ce qui fait que vous êtes davantage confiants de pouvoir être concurrentiels? C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur l'observation faite par M. Tannas, qui souhaite s'assurer que les règles du jeu sont les mêmes pour tous s'il doit faire concurrence aux banques, afin que ces dernières ne se contentent pas d'écrémer le marché et d'en exploiter les secteurs les plus rentables. Qu'entendez-vous par là? Quel cadre de réglementation voulez-vous que l'on mette en place pour garantir que les banques s'investissent dans tous les secteurs de l'assurance?

J'invite aussi les autres membres du groupe à me répondre sur ce point s'ils le désirent.

• 1150

M. Scott Tannas: Nous comprenons bien que les arguments que nous faisons valoir en comparaissant aussi devant vous contredisent ceux de nos collègues. Bien sûr, nous aimerions mieux que vous n'autorisiez pas les banques à vendre de l'assurance au grand public par l'intermédiaire de leurs succursales. Par contre, si dans la pratique le gouvernement décide d'emprunter cette voie, nous avons alors des choses à dire.

Nous appuyons les efforts de notre association professionnelle et nous partageons véritablement ses préoccupations. La question a été posée à maintes reprises, et chaque fois qu'une question revient comme cela sur le tapis, l'autre camp finit par avoir le dernier mot. C'est donc en fait ce qui a motivé la création de Hi-Alta Capital, selon un modèle nous permettant d'unir fortement les courtiers d'assurances indépendants afin qu'ils puissent faire face à cette éventualité en ayant une taille, une envergure et un accès aux capitaux suffisants, de manière à pouvoir se positionner sur les marchés ruraux, non seulement pour protéger leurs emplois et mieux servir leurs clients, mais aussi pour faire face à ce que nous considérons comme étant inévitable et en tirer finalement le meilleur parti.

M. Jason Kenney: J'aimerais que vous nous donniez une précision. Vous nous avez dit dans votre mémoire que vous vous félicitiez de pouvoir concurrencer les banques dans la fourniture de services financiers pleinement intégrés, chose que vous avez plus ou moins répétée dans votre exposé. Mais si j'ai bien compris, vous venez juste de nous dire que vous n'étiez pas favorable à l'entrée des banques sur ce marché mais que, si cela produit, vous voulez simplement qu'il y ait une certaine réglementation. Lorsque l'attaché de recherche va faire la liste de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre, il aura besoin que les positions soient claires.

M. Scott Tannas: L'un dans l'autre, si l'on fait en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, nous sommes confiants de pouvoir réussir. Donc, dans cette mesure, nous sommes favorables au rapport MacKay. Nous ne voulons pas fixer ces règles du jeu. Nous faisons état de nos préoccupations et nous vous demandons d'en tenir compte.

Est-ce que vous comprenez mieux notre position?

M. Jason Kenney: Oui, c'est une précision utile.

Mme Diane Strashok: Je ne suis pas tout à fait aussi optimiste que Scott au sujet des règles du jeu parce que sur le plan de l'assurance, je ne vois pas comment les règles du jeu pourraient être les mêmes pour tous. Les banques disposent de données financières sur leurs clients que nous ne pourrons tout simplement jamais nous procurer. Ainsi—et c'est juste pour vous donner un exemple au hasard—si une banque recevait une déclaration d'incendie d'une entreprise en sachant que les finances de cette dernière vont mal et qu'elle ne sera plus en exploitation l'année suivante, ne va-t-elle pas être tentée de laisser traîner cette demande de remboursement pendant une année? Pourquoi paierait-elle si elle sait que cette entreprise va de toute façon cesser ses activités? Pour quelle raison assurerait-elle une automobile si elle sait que son propriétaire a une mauvaise cote de crédit?

Nous n'avons pas cette chance. J'accorde des assurances à toutes sortes de gens et nous leur permettons de nous faire un ou deux chèques sans provision avant de leur envoyer une lettre pour leur dire que nous allons annuler leur assurance. Toutefois, nous n'avons pas la possibilité dans notre secteur de consulter leurs états financiers, de savoir combien d'argent ils ont dans leur compte et s'ils ne présentent aucun risque du point de vue financier. Un client dont la situation financière est saine présente moins de risques pour l'assurance. Les clients qui n'ont pas d'hypothèque présentent moins de risques pour l'assurance. Ceux qui sont en difficultés financières présentent bien souvent davantage de risques du point de vue de l'assurance. Nous devons toutefois leur consentir à tous des assurances et nous ne disposons pas de ces renseignements. Je ne vois donc pas comment les règles du jeu pourraient être les mêmes pour tous.

Scott a parlé d'un écrémage du marché. Les banques auront la possibilité d'écrémer le marché et de n'assurer que les personnes dont la situation financière est la plus saine. Nous n'aurons pas cette possibilité. Nous n'aurons que les laissés pour compte, ce qui signifie que nos tarifs vont devoir augmenter si nous voulons pouvoir assurer les membres les plus pauvres de la collectivité.

Ce sera donc inégal à moins qu'on nous permette de prendre connaissance d'une façon ou d'une autre de toutes les données financières pertinentes, et je ne sais pas comment nous pourrions le faire.

Le président: Monsieur Harris, vous voulez poser une question?

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Oui, j'ai une question à poser, monsieur le président.

Merci, mesdames et messieurs, pour les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui.

• 1155

Ma question s'adresse à Mme Tessier. Elle a trait à l'arrivée des banques étrangères sur le marché. C'est la question des succursales bancaires étrangères. Il a été recommandé dans le rapport du groupe de travail MacKay que cette possibilité soit accordée. Dans votre mémoire, vous nous dites que si nous ouvrons notre marché financier aux sociétés étrangères, au nom de la libre entreprise et du renforcement de la concurrence, il faut au minimum que nous évitions d'empêcher nos banques d'exercer librement leur concurrence. Bien entendu, tout le monde est d'accord avec cela.

Voici quelle est ma question. La plupart des gens préconisent que l'on adopte en premier lieu la loi autorisant les banques étrangères à ouvrir des succursales. Ce serait avant que l'on se penche sur l'intérêt des fusions bancaires proposées. La plupart des intervenants nous disent que les deux choses ne doivent pas être faites en même temps parce que l'ouverture de succursales par les banques étrangères peut se faire très rapidement. Il convient de procéder ainsi pour être sûr que la concurrence sera renforcée avant même que l'on étudie la possibilité d'autoriser les fusions. Si l'on procédait d'abord aux fusions ou si l'on faisait les deux en même temps, il pourrait y avoir une diminution de la concurrence sans contrepartie.

Pensez-vous que c'est ainsi qu'il faut faire? Doit-on autoriser d'abord l'ouverture de succursales par les banques étrangères et ensuite étudier les fusions? Doit-on faire les deux en même temps, ou est-ce que cela n'a pas d'importance pour vous?

Mme Corinne Tessier: Je pense que nombre de banques étrangères ont beaucoup de moyens et peuvent intervenir très rapidement lorsqu'elles l'ont décidé. Nombre d'entre elles sont déjà prêtes à intervenir. Elles savent bien quelle est la gamme de produits qu'elles vont employer et quelle est la structure des prix.

Je pense que si on ouvre d'abord le marché aux banques étrangères, on ne donnera pas aux banques canadiennes le temps d'avance dont elles ont besoin pour véritablement exercer leur concurrence. Étant donné sa complexité, il faudra un certain temps pour que toute cette question des fusions soit finalement réglée. Il pourra se passer plusieurs années avant que les banques canadiennes puissent effectivement orchestrer une fusion et se positionner sur le marché face aux banques étrangères. Pendant ce temps, les banques étrangères disposeront de quelques années d'avance et seront en mesure d'offrir tous ces services unidimensionnels et spécialisés à très bas prix, et nos banques seront véritablement désavantagées lorsqu'elles s'efforceront de les concurrencer.

Je ne vois donc pas pourquoi on leur donnerait un temps d'avance en n'autorisant pas en même temps les fusions.

M. Dick Harris: Très bien, je vous remercie. Ai-je le temps de poser une autre question?

[Français]

M. Odina Desrochers: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de vous être présentés ici aujourd'hui pour nous faire part de vos commentaires, de vos suggestions et de vos craintes face à l'éventualité des fusions bancaires.

Ma première question s'adresse à Mme Tessier. Vous représentez une association de femmes, et on sait que le secteur banquier et celui des assurances embauchent énormément de femmes. Quelles recommandations devrait-on faire pour protéger ce secteur très, très fragile face à l'éventualité de la fusion et de la disparition de certaines succursales?

[Traduction]

Mme Corinne Tessier: Je pense que l'une des choses qui aiderait véritablement les petites entreprises, notamment les femmes qui arrivent sur le marché de l'entreprise et qui ont bien besoin de capitaux et d'une aide globale, c'est que l'on mette en place une réglementation pour faire en sorte que les banques tiennent leurs promesses de ne pas augmenter les frais à la clientèle et continuent de dispenser une gamme de services complète aux petites entreprises.

• 1200

Personnellement, je pense qu'il serait très utile que les banques s'allient, pas seulement avec nous, mais avec des organisations comme la nôtre, qui sont avant tout au service des petites entreprises, pour bien s'assurer que tous les mécanismes de soutien sont en place pour les aider au moment de leur démarrage. Ces personnes ont toutes les capacités voulues pour réussir dans leur entreprise, mais en l'absence d'une bonne politique de soutien et de financement, elles ne peuvent tout simplement pas décoller. Elles sont les premières à être mises à l'écart lorsqu'on ne recherche que le profit.

Je pense donc qu'il faut mettre en place une réglementation pour s'assurer que les frais facturés à la clientèle restent bas, qu'une gamme complète de services est mise à la disposition des petites entreprises, et éventuellement que l'on étudie la possibilité pour les banques de s'allier à des organisations susceptibles d'apporter une aide sur le terrain, non pas en procédant d'une manière dictatoriale, mais simplement en encourageant cette coopération.

[Français]

M. Odina Desrochers: Êtes-vous actuellement satisfaites des services qui sont offerts par les banques pour répondre à vos besoins?

[Traduction]

Mme Corinne Tessier: Nous oeuvrons auprès de nombreuses femmes qui n'arrivent pas en ce moment à obtenir un financement bancaire parce que leurs entreprises débutent. Elles travaillent souvent dans le secteur des services et de l'information, secteur dans lequel le montant des immobilisations pouvant servir de garantie n'est pas très élevé. Elles n'ont souvent pas une cote de crédit suffisamment établie pour respecter le seuil de tolérance au risque qui a cours dans les banques. C'est ce qui justifie l'existence d'organisations comme la nôtre.

Ce qui nous est apparu particulièrement efficace, c'est notre collaboration avec les banques. Nous nous complétons finalement et nous aidons certaines personnes à préparer leur dossier pour bénéficier d'un financement bancaire afin de pouvoir se lancer. De leur côté, les banques offrent aux gens une solution de rechange si elles ne peuvent pas répondre immédiatement à leurs besoins.

Je ne pense pas que l'on puisse exiger tout des banques pour ce qui est de l'aide apportée aux petites entreprises. Il faut consacrer beaucoup de temps et d'efforts pour aider les gens à acquérir une compétence suffisante en gestion afin qu'ils puissent rembourser leurs prêts. Je ne pense donc pas que le secteur bancaire soit la panacée. Dans notre économie, je ne pense pas que l'on puisse contenter tout le monde et son père et il est donc préférable de coordonner ses efforts avec ceux qui dispensent des services bien déterminés.

Donc, est-ce que nous sommes satisfaits de l'action des banques? Si nous sommes là, c'est parce que les banques ne peuvent pas tout faire et nous estimons qu'il est préférable pour tout le monde qu'il y ait une collaboration.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai une autre question et je l'adresse cette fois-ci à M. Mitchell.

Monsieur Mitchell, vous semblez craindre que la fusion des banques et la disparition de succursales ne mette le milieu communautaire en danger. Que pensez-vous de la loi qui prévaut actuellement aux États-Unis, qui précise que lorsqu'il y a fusion bancaire, on doit s'engager à faire du réinvestissement communautaire?

[Traduction]

M. Scott Tannas: Je ne sais vraiment pas. Comme je viens d'une petite localité, j'imagine que j'ai toujours une petite dose supplémentaire de cynisme face à ce genre de choses. À partir du moment où les banques ont décidé de quitter la localité, nous devrions leur dire de faire leurs valises et de s'en aller au plus vite, et je ne pense pas que ce genre de choses soit utile.

Nous avons en fait besoin d'intervenants à long terme qui aient des engagements envers la collectivité. Je ne pense pas que des cadeaux de départ comme celui-là aient une grande utilité.

[Français]

M. Odina Desrochers: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je dois dire que l'on vient de nous présenter un ensemble d'exposés particulièrement intéressants. Je tiens tout particulièrement à souhaiter la bienvenue à Ken Hughes, qui il y a bien des années se serait assis de l'autre côté de la table en sa qualité de parlementaire particulièrement dévoué. Je suis heureux de vous voir ici, Ken.

Les banques ont indiqué que si elles souhaitaient fusionner, c'est pour pouvoir mieux exercer leur concurrence au plan international. La Banque Royale a déclaré qu'elle envisageait par exemple d'exercer 40 p. 100 de ses activités à l'étranger. Donc, si elle s'engage dans cette voie, c'est pour être plus compétitive dans le secteur des finances internationales. De ce fait—je m'adresse à Mme Tessier et à M. McCann—je suis très intrigué lorsque j'entends les banques nous exposer ainsi leur intention.

• 1205

J'imagine, monsieur McCann, que vous soutenez que plus la taille de la banque augmente, plus celle-ci est efficace. Cet argument qui veut que plus on soit gros, plus on soit efficace, est bien intéressant.

Ensuite, à l'intention de Mme Tessier, lorsqu'on parle des femmes à la tête d'entreprises, en disant que les banques actuelles n'offrent pas nécessairement des possibilités de crédit aux femmes qui entreprennent et que...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

Mme Corinne Tessier:

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]... certains de leurs produits seront particulièrement rentables, ce qui leur permettra d'offrir aux petites entreprises d'autres produits sur lesquels les marges sont plus faibles. Je pense donc qu'étant donné que les banques canadiennes s'engagent à promouvoir la croissance de l'économie canadienne, elles vont s'intéresser à ce secteur, qui sera le plus rentable par la suite pour elles. Je pense donc que leur intérêt bien compris est d'encourager les petites entreprises.

Nous constatons plus particulièrement en ce qui a trait aux femmes à la tête de petites entreprises que les banques, contrairement à ce que nous disent les médias, se sont montrées très coopératives en s'efforçant de les servir. Il peut bien sûr y avoir le cas d'une femme qui a des difficultés à se présenter devant la banque parce qu'elle n'est pas familiarisée avec la langue traditionnelle des affaires. Elle est probablement chez elle...

M. Nelson Riis: Je comprends bien votre argument, madame Tessier, mais comment expliquez-vous ce qui suit? La plus grande organisation regroupant les petites entreprises au Canada est la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Elle représente des dizaines de milliers d'entreprises. Elle s'oppose résolument à ce projet alors qu'au nom des entreprises que vous représentez, vous l'acceptez avec un grand enthousiasme. J'aimerais simplement savoir comment ces deux types de perceptions peuvent coexister. Savez-vous quelque chose qu'ignore la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante au sujet des services fournis par les banques à leurs clients?

Mme Corinne Tessier: Je pense qu'en réalité nombre des craintes des petites entreprises ne sont pas justifiées par les faits.

M. Nelson Riis: La perception de la FCEI est donc probablement erronée?

Mme Corinne Tessier: Je ne pense pas qu'elle ait tort lorsqu'elle perçoit les craintes et les préoccupations de ses membres, parce qu'il en est de même pour nos membres. Il est clair qu'ils ont eu aussi les mêmes craintes et les mêmes préoccupations. Ce que je constate, cependant, c'est que lorsqu'on examine chacune de ces craintes et lorsqu'on les analyse, on se rend compte que les engagements pris par les banques contredisent absolument ces craintes. Je pense que c'est une question de prise de conscience.

Je sais que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a contacté notre organisation pour nous demander d'en devenir membre et d'appuyer sa position. Nous sommes convaincus que sa politique, qui vise à limiter la marge de manoeuvre des banques et à les obliger à investir une certaine quantité d'argent dans le développement économique communautaire et dans d'autres secteurs est contraire à l'esprit de coopération que nous avons enregistré avec les banques. Nous avons une relation complémentaire qui est profitable à nos clients et je ne vois aucune raison de la transformer en affrontement.

M. John McCann: Monsieur Riis, je considère que les économies d'échelle nous permettront de nous spécialiser davantage. Les banques se sont engagées à s'intéresser davantage aux petites entreprises grâce à ces économies d'échelle. Je les crois. Je considère que s'il leur faut acquérir une envergure internationale pour être plus rentables et plus compétitives, elles seront d'autant plus fortes chez elles, j'en suis convaincu.

Je suis d'accord avec un grand nombre de choses que dit la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, mais pas avec tout. De plus, elle ne recueille pas l'avis de toutes les entreprises au Canada, seulement des membres qui répondent au questionnaire.

• 1210

Je ne pense donc pas que nos points de vue soient totalement antinomiques. Les banques sont selon moi en mesure d'établir leurs priorités. Dans ce cadre, elles ont dit qu'elles voulaient véritablement privilégier la petite entreprise. Nous considérons qu'il s'agit là du moteur de l'économie canadienne. D'un simple point de vue pragmatique et commercial, le secteur des petites entreprises est intéressant pour les banques à long terme et ces dernières ne veulent pas le perdre.

M. Nelson Riis: Si je vous comprends bien, vous avez confiance dans le fait que les banques vont pratiquer un mode d'interfinancement et que si elles font de bonnes affaires au plan international, elles seront moins tentées de tirer de gros profits—je pense que c'est le terme que vous avez employé—ou disons plus simplement qu'elles se préoccuperont moins des bénéfices réalisés localement si elles réalisent de bons profits au plan international.

Ma deuxième question s'adresse à M. Hughes. Supposons que vous n'obteniez pas ce que vous souhaitez. Supposons que l'on autorise les banques à offrir des services d'assurance, que l'on n'apporte pas à la réglementation les changements majeurs que vous préconisez aujourd'hui et que vous soyez placé directement en concurrence avec les banques. Quelle sera alors la différence évidente entre un client qui entre dans le bureau d'un de vos membres pour souscrire une assurance et celui qui s'adresse à la succursale bancaire locale pour obtenir des renseignements et un service en matière d'assurance? Les banques soutiennent, bien entendu, qu'elles sont pratiques—on les trouve partout—et qu'elles peuvent dispenser la même gamme de services que tout le monde. Pourtant, les courtiers en assurance indépendants nous disent qu'ils offrent quelque chose de très différent. Pouvez-vous aider notre comité en nous expliquant en quoi la situation serait nettement différente selon que notre président s'adresse à l'un de vos bureaux plutôt que d'aller au comptoir d'assurance de la Banque Royale?

M. Ken Hughes: Je vais commencer, et je passerai ensuite la parole à Scott Tannas qui, je le sais, a certaines réponses à vous faire compte tenu de son expérience personnelle.

Tout d'abord, Hi-Alta est une entreprise qui a quelque trois ans d'âge. Elle a été constituée pour faire face aux possibilités offertes et à l'évolution que nous entrevoyons dans le secteur des services financiers et de l'assurance. C'était une façon d'apporter une aide aux courtiers en assurance indépendants pour s'assurer qu'ils puissent concurrencer les banques, que celles-ci arrivent ou non sur le marché.

Vous avez donc ici un échantillon de responsables de petites entreprises provenant de petites localités des régions rurales de l'ouest du Canada qui ont assisté à cette évolution. Ils se rendent compte que la situation va être mouvante au cours des 10 prochaines années dans les petites localités du Canada pour ce qui est du secteur des services financiers. Nous avons vu venir les changements, nous avons préféré considérer que le verre était à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, et nous nous sommes donnés les moyens de collaborer afin de concurrencer directement les banques au cas où elles arriveraient sur le marché.

Donc, le groupe que vous avez devant vous ici ne sous-estime certainement pas et partage un grand nombre des craintes du secteur de l'assurance en général face aux changements qui se profilent. Nous réagissons en disant qu'il y a là une chance et que nous avons la possibilité d'offrir un meilleur service à nos clients.

La différence, c'est que dans les petites localités on aura affaire à un moins grand nombre de banques. Elles ont là des bâtiments qu'elles ne vont plus vouloir exploiter. C'est une réalité.

Pour notre part, nous sommes appelés à rester encore longtemps dans ces localités, parce que les gens qui nous représentent y vivent. Scott Tannas en est un bon exemple. Sa famille fait affaire avec les organismes de Hi-Alta à High River depuis trois générations.

M. Nelson Riis: Ken, je vais être plus précis. Vous savez que je viens de Kamloops et là-bas, les gens qui travaillent dans les succursales bancaires y sont installés depuis longtemps. Certains d'entre eux ont toujours vécu à Kamloops.

M. Ken Hughes: Mais pas tous les gérants.

M. Nelson Riis: Je parle de la personne à laquelle je vais m'adresser pour souscrire une assurance automobile. Bon, on ne peut pas faire ça en Colombie-Britannique, mais je vais souscrire mon assurance contre le vol, mon assurance-vie, etc., auprès de ces gens. Ils habitent la localité. Ils l'ont toujours habitée. On se parle dans la rue et à l'heure du café. Ce sont eux que je vais aller voir. Ils vont désormais être en mesure de m'offrir de l'assurance si ce projet est adopté. Je pourrai aussi aller voir mon ami qui travaille à la société d'assurances.

J'essaie de comprendre où sera la différence. On peut imaginer que vous considérez qu'il est préférable que l'on s'adresse aux sociétés d'assurances. Il me semble que vous nous dites que s'il n'en tenait qu'à vous, les banques n'auraient pas le droit de vendre de l'assurance, et c'est ce que disent vos collègues. J'essaie de comprendre quel serait l'intérêt pour notre président, en tant que client, de s'adresser à un bureau plutôt qu'à un autre.

M. Scott Tannas: Tout d'abord, la différence tient en fait à la façon dont chacun choisit de mener ses affaires. Préférez-vous vous adresser à une boutique ou à un grand magasin? C'est la première chose. L'autre chose, c'est que les banques vont offrir un seul produit, qui sera contrôlé par elles et, pour augmenter sa rentabilité, j'imagine qu'elles auront les mêmes mécanismes de décision et de contrôle que pour les opérations bancaires—les prêts, etc.

• 1215

L'une des choses qu'est en mesure de faire un courtier, c'est d'exercer un bon contrôle local sur les transactions et conférer au client un certain pouvoir de négociation face aux gros établissements en mettant en concurrence différents fournisseurs du produit. C'est quelque chose que les banques ne pourront pas offrir. C'est pourquoi j'imagine, en tant qu'habitant d'une zone rurale, je ne crains pas vraiment que les banques envahissent à long terme le secteur de l'assurance, à condition que les règles soient équitables et qu'on ne les bourre pas de stéroïdes face à la concurrence et qu'elles puissent faire jouer leurs muscles et nous éliminer purement et simplement. Toutefois, à long terme, j'ai bien hâte de voir un client en pyjama dans la rue en attendant de pouvoir déclarer un sinistre alors que sa maison vient de brûler être obligé de s'en remettre au gérant de banque parce qu'il y a une petite anicroche dans la procédure de demande de remboursement, ou quelque chose du même genre. La rumeur va se propager comme un véritable incendie dans notre collectivité.

Nous pensons donc qu'à long terme les banques seront aussi populaires dans le secteur de l'assurance qu'elles le sont dans celui de la banque dans nos collectivités. En attendant, c'est la grande différence. Le service n'est pas personnalisé.

En matière d'assurance commerciale, nous estimons de même être en mesure d'exercer un meilleur contrôle local et avoir une plus grande expérience à ce niveau pour pouvoir mieux répondre aux besoins du client grâce à la possibilité de disposer de toute une gamme de produits concurrents, par opposition à un seul produit.

M. Nelson Riis: Laissez-moi simplement faire une simple observation. Je comprends votre explication concernant cette différence et, je vous le répète, je n'ai pas l'impression qu'elle soit majeure. Si vous nous dites qu'en raison de la nature de l'activité de courtage et de la diversité des produits que vous vendez... J'imagine que vous laissez supposer par là que vous serez en mesure d'offrir de meilleurs contrats que les banques, parce qu'elles seront limitées dans leur...

M. Ken Hughes: Ou un produit mieux adapté au client, mieux adapté que celui qu'il pourrait se procurer au comptoir de la banque.

M. Nelson Riis: Je vous remercie. Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Tannas, je sais que de toute évidence vous vous préoccupez beaucoup des clients parce que vous affirmez leur fournir des services spécialisés et prendre véritablement leurs intérêts à coeur. Pourquoi donc ne voulez-vous pas accorder à un client comme moi la possibilité de choisir et de m'adresser à une banque pour souscrire une assurance...? Si vous vous préoccupez du sort des clients, la première chose à faire serait de leur donner une possibilité de choix. Laissez-les choisir.

M. Scott Tannas: Je suis pleinement d'accord. Je le répète, nous sommes favorables aux changements. Hi-Alta Agencies, l'entreprise que je présidais avant de constituer Hi-Alta Capital, est entrée en activité en 1905 et je suis un client de la quatrième génération de cette entreprise. Nous prenons effectivement à coeur les intérêts de nos clients et nous sommes convaincus qu'il faut qu'ils aient une possibilité de choix. La question est de savoir si les banques vont pouvoir être en mesure d'utiliser leur puissance, cette puissance qu'elles ont acquise grâce à des années de protection, pour nous sortir de force du marché.

Il y a un certain nombre d'enjeux qu'il est logique, à mon avis, de vous demander de considérer. L'un d'entre eux, dont on n'a pas parlé ici, et qui m'a frappé, est celui des ventes liées. Le rapport MacKay parle précisément des ventes liées coercitives. Il y a aussi celui des ventes liées non coercitives, qui renvoie à l'interfinancement. Si l'on fait des banques des fournisseurs de services financiers intégrés dans nos localités et si les concurrents en sont réduits à ne plus dispenser que certains services financiers spécialisés, l'un des moyens les plus simples et des plus efficaces de nous mettre en faillite, si on laisse aux consommateurs le choix—parce que le consommateur choisira finalement en fonction des prix si le matraquage publicitaire dure suffisamment longtemps—sera de pratiquer un interfinancement, le gérant de banque décrétant qu'en présence d'un montant donné de dollars dont il peut jouer pour pratiquer des rabais sur l'hypothèque et sur l'assurance, il est peut-être préférable de se contenter d'appliquer des réductions dans le secteur de l'assurance et d'appliquer d'un autre côté les taux hypothécaires les plus élevés possible—parce qu'il y a moins de concurrence dans ce secteur—obligeant ainsi l'assureur spécialisé à cesser ses activités.

Voilà donc quelques-uns des enjeux...

• 1220

Le président: Il y a interfinancement lorsqu'on réduit le montant de l'assurance automobile du client s'il assure par ailleurs son domicile auprès de la même entreprise. C'est ce que vous faites, n'est-ce pas?

M. Scott Tannas: Oui.

Le président: Où est la différence?

M. Scott Tannas: Eh bien, la différence, c'est qu'à l'heure actuelle on ne vend pas de produits bancaires.

Le président: Je sais, mais vous faites de l'interfinancement lorsque vous vendez des produits d'assurance.

M. Scott Tannas: Effectivement. Par conséquent, s'il s'agit d'un secteur d'activités accessoire ou nouveau pour les banques, nous avons peur qu'elles tirent parti là encore de la force de leur bilan pour subventionner leurs opérations d'assurance...

Le président: Et offrir aux clients des taux plus bas...

M. Scott Tannas: ... et offrir aux clients des taux plus bas à court terme et, une fois que les concurrents seront tous disparus, nous verrons alors... La vérité des chiffres s'impose dans l'assurance; il en coûte ce qu'il en coûte et, par conséquent, les prix devront finir par revenir à leur niveau actuel.

M. Ken Hughes: Nous voulons simplement éviter qu'elles puissent se servir de l'assurance comme produit d'appel.

M. Scott Tannas: Oui, surtout lorsque la grande majorité de leurs concurrents dispensent des services spécialisés.

Le président: Vous nous dites donc que les banques vont avant tout se servir de leurs capitaux pour pénétrer sur votre marché, vous écraser et augmenter ensuite les prix.

M. Scott Tannas: Effectivement.

Le président: Voyons si je comprends bien comment ça marche. Si vous décidez alors de baisser vos prix, si la question du prix et de la qualité du service sont si importantes, on peut penser que les gens s'en rendront compte.

M. Scott Tannas: Supposons que vous alliez voir la banque alors que vous avez assuré votre maison chez nous et que ça vous coûte 300 $ par an. C'est probablement ce qu'il en coûte en moyenne—Diane pourra éventuellement me le confirmer—pour assurer une maison ici en Alberta. Vous allez négocier une hypothèque de 75 000 $ et la banque a toujours la possibilité de faire des ajustements au niveau des hypothèques. Que va-t-il se passer si elle vous offre d'assurer votre maison pour 100 $? Que se passera-t-il si elle vous assure gratuitement plutôt que de baisser d'un demi-point votre hypothèque? Je n'ai pas les moyens de suivre. Je ne peux pas vous enlever actuellement un demi-point sur votre hypothèque parce que je ne suis qu'un petit assureur d'une petite ville. Je perds donc mon client. Les coûts restent les mêmes. La réalité financière de l'opération d'assurance est toujours là. Elle a simplement été cachée aux consommateurs.

Il ne s'agit donc pas là d'une vente liée coercitive, mais ça reste une vente liée. C'est là aussi pour nous un sujet de préoccupation et nous aimerions que vous y pensiez.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame Tessier, j'aimerais savoir une chose. Vous représentez 8 000 particuliers et entreprises?

Mme Corinne Tessier: C'est 10 000...

M. Roger Gallaway: Excusez-moi, 10 000.

Votre exposé d'aujourd'hui a-t-il approuvé par votre conseil d'administration, avez-vous fait un sondage auprès de vos membres ou est-ce le reflet de votre propre opinion?

Mme Corinne Tessier: C'est un peu tout cela. J'ai fait une enquête auprès de certains de nos clientes—nous parlons de clientes et non pas de membres—qui exploitent des entreprises et je leur ai demandé quelles étaient leurs préoccupations. J'ai aussi demandé à tous les membres du personnel qui traitent directement avec les clientes ce qu'ils avaient entendu dire à ce sujet. J'ai aussi demandé aux membres du conseil d'administration quels étaient leurs commentaires au sujet de la fusion. J'ai aussi personnellement entrepris de prendre connaissance des réalités en cas de fusion. Je considère personnellement que c'est dans l'hypothèse où la fusion ne se ferait pas que les pires craintes des clientes seraient réalisées. On craint la fusion, mais je pense que ces craintes se matérialiseront davantage si la fusion ne se fait pas. C'est donc tout un ensemble.

M. Roger Gallaway: Il y a une chose que vous avez dite—et je ne veux pas m'y attarder trop longtemps—c'est que votre groupe est largement en faveur de la fusion et vous considérez que lorsqu'on connaît les faits il n'y a pas de raison de s'en inquiéter. L'un des faits que vous mentionnez, je pense—et j'espère que je n'interprète pas mal votre pensée—c'est que les banques étrangères vont affluer. C'est bien ça?

Mme Corinne Tessier: Oui, la réglementation du secteur financier va ouvrir davantage le marché aux banques étrangères, qui vont pouvoir dispenser leurs services au Canada.

M. Roger Gallaway: Pensez-vous donc que nous avons dès maintenant un marché bancaire suffisamment ouvert pour que les banques étrangères s'y installent, indépendamment du rapport qui nous est présenté?

Mme Corinne Tessier: Excusez-moi, pouvez-vous répéter la question?

• 1225

M. Roger Gallaway: Pensez-vous que les banques étrangères sont effectivement et véritablement déjà sur le marché canadien?

Mme Corinne Tessier: Dans une faible mesure, mais pas autant qu'avec la nouvelle réglementation.

M. Roger Gallaway: Très bien. Et du fait de cet afflux de banques étrangères que vous prévoyez, pensez-vous qu'elles vont ouvrir des succursales ou est-ce que tout va se faire par des moyens électroniques?

Mme Corinne Tessier: Je ne suis pas bien au courant de toutes leurs stratégies, mais je pense qu'une grande partie va se faire par des moyens électroniques. Wells Fargo offre déjà des services spécialisés. Je ne sais pas si elle envisage d'ouvrir des succursales.

M. Roger Gallaway: Vous avez affaire à 10 000 responsables d'entreprises. Estimez-vous que Wells Fargo dispense des services parce qu'elle veut simplement être présente sur le marché canadien, ou pensez-vous qu'elle répond à un besoin spécialisé qu'ont négligé les banques canadiennes?

Mme Corinne Tessier: Je pense qu'elles s'appuient sur une très forte assise nationale pour commercialiser leurs produits et que, comme nombre d'entreprises qui se développent à l'échelle internationale, elles sont en mesure d'offrir à un coût moindre une petite partie de leur gamme de produits pour véritablement pénétrer sur le marché et rentabiliser leurs produits en raison des quantités offertes. Cela n'a absolument aucune incidence sur leur marché national, mais elles sont en mesure de s'approprier toute une gamme de services à un coût très faible.

Je pense que cela empêchera ici nos banques de dispenser une gamme complète de services, parce qu'elles gagnent beaucoup d'argent sur certains de ces services. Pour ce qui est de l'appui apporté aux petites entreprises, notamment lorsqu'il s'agit de consentir des prêts au démarrage ou autres choses de ce genre, il n'y a pas beaucoup d'argent à gagner et je considère que si l'on ne permet pas aux banques de conserver ces secteurs rentables, elles ne pourront plus vraiment financer ceux qui le sont moins.

M. Roger Gallaway: Avez-vous travaillé dans une banque, madame Tessier?

Mme Corinne Tessier: Effectivement, j'ai travaillé dans une banque il y a bien des années, lorsque j'avais entre 18 et 23 ans, mais pas dans un service de prêts.

M. Roger Gallaway: Bien, je m'abstiendrai alors de poursuivre dans cette voie avec mes questions.

Monsieur Hughes et monsieur Tannas, j'ai trouvé que vos exposés présentaient un intérêt considérable. Vous avez évoqué une ou deux questions que j'aimerais approfondir rapidement avec vous.

Sur la question de la confidentialité des ventes liées, vous avez évoqué les dispositions du rapport MacKay dont j'ai parlées, je crois, en disant qu'elles renforçaient les pouvoirs des consommateurs. Le principe selon lequel elles pourraient être mises en place et, à certains égards, faire en sorte finalement que la situation soit plus juste pour les banques... Je ne parle pas ici des fusions, mais simplement d'étendre la concurrence dans deux directions, à partir du secteur de l'assurance et de celui de la banque, pour en venir à un certain type de convergence.

Sur la question de la confidentialité, tout d'abord, la Banque Toronto-Dominion a déjà communiqué toutes ses informations à ses associés ou à ses filiales. Comment revenir en arrière? Comment concurrencer la Banque Toronto-Dominion si elle a déjà procédé ainsi?

M. Scott Tannas: C'est une question difficile et qui le deviendra encore plus à mesure que les banques se lanceront de plus en plus dans l'assurance, comme Diane l'a indiqué par son exemple, les intérêts de la banque pouvant passer avant ceux du consommateur dans une transaction. Ce sont des questions d'une très grande difficulté qui nous inquiètent beaucoup, pour lesquelles nous n'avons pas vraiment de réponse et, bien évidemment, pour lesquelles le rapport du groupe de travail MacKay... Nous en sommes au même point que lui; nous relevons les sujets de préoccupation et nous n'avons aucune idée de la façon de les résoudre.

M. Roger Gallaway: Vous savez peut-être qu'en ce moment il y a une interdiction très limitée qui empêche les banques de communiquer leurs informations à leurs filiales. Dans la pratique, on a entendu dire qu'une autre des cinq grandes banques s'apprête à agir de la même manière que la Banque TD. Il est certain qu'avec l'informatique actuelle, tous ces renseignements peuvent être instantanément déversés dans les ordinateurs des sociétés associées. Bien évidemment, le recueil de renseignements commerciaux représente une grande part des frais généraux des entreprises. Voilà simplement pourquoi je soulève la question de la confidentialité.

• 1230

Vous avez aussi évoqué la question des ventes liées et de la distinction que l'on peut faire entre les ventes liées coercitives et ce que les banques appellent le groupement des services. Où doit-on fixer la limite dans ce domaine? Si je m'adresse à la banque pour souscrire une hypothèque, on me présente toute une gamme de services et, comme vous l'avez fait remarquer, une assurance contre l'incendie qui vaut 300 $—elle est obligatoire—se transforme en une assurance de 100 $ parce que l'on fait un rabais. Ces institutions ont beaucoup d'argent. Où va-t-on s'arrêter? Le problème est-il celui des ventes liées coercitives ou celui des ventes liées tout simplement?

M. Scott Tannas: Je pense que c'est les deux. Le rapport MacKay parle de ventes liées coercitives. Nous savons quels en sont les inconvénients et je pense que nous pouvons trouver les moyens d'y remédier. Il ne s'est pas arrêté spécialement sur les notions de groupement des services et d'interfinancement.

Au bout du compte, l'assurance a un coût. Il convient peut-être de s'assurer, tant à court terme qu'à long terme, que les activités d'assurance sont rentables indépendamment du reste sans que les autres activités viennent interférer avec l'opération d'assurance. S'il y a des moyens de procéder à une vérification indépendante, et nous les avons, ce serait pour nous une façon de mieux comprendre en quoi consiste les subventions.

M. Roger Gallaway: Vous avez soulevé aussi une question intéressante au sujet de ce que certaines personnes appellent la cueillette des cerises—je n'aime pas beaucoup l'expression—et qui consiste à écrémer le marché. Comme vous le savez, il y a dans le secteur de l'assurance des produits que l'on vend de temps en temps et qui sont peu connus. Je pense par exemple à une garantie sur un patrimoine ou à une garantie sur le privilège d'un constructeur, et je ne me vois pas aller demander ça à une banque. Je me trompe peut-être, mais je n'imagine pas que les banques puissent offrir un jour ce genre de spécialisation.

Il me semble qu'une banque pourra facilement vendre des assurances automobiles, par exemple, aux Canadiens qui sont censés faire partie de la classe moyenne. Préconisez-vous par conséquent qu'à partir du moment où les banques sont autorisées à vendre de l'assurance, il faut qu'elles le fassent pour toute la gamme, de A à Z? Comment se protéger contre ce genre de choses?

M. Scott Tannas: Je préconise que les filiales bancaires qui cherchent à vendre de l'assurance aux consommateurs mettent leurs produits à la disposition de tous les consommateurs et non simplement de certains groupes déterminés qui leur apparaissent comme ne représentant absolument aucun risque compte tenu des renseignements qu'elles possèdent ou grâce à d'autres moyens qu'elles peuvent mettre en oeuvre. Il ne faut pas qu'elles puissent prendre ce qu'il y a de mieux dans l'assurance en marginalisant encore plus ceux qui le sont déjà.

Le président: Monsieur Gallaway.

Mme Diane Strashok: Il y a un point que je voudrais préciser dans le cadre de cette discussion. Je ne veux pas que le comité oublie que les banques sont déjà bien présentes sur notre marché. Elles nous concurrencent d'ores et déjà très fortement et, à l'heure actuelle, dans des conditions assez équitables. Nous n'avons aucune objection à ce que les banques nous concurrencent dans les règles comme cela se fait actuellement dans notre secteur. Ce qui nous inquiète fortement, et ce qui ne manque pas de m'inquiéter personnellement, ce sont les règles du jeu faussées et le manque d'accès à l'information en ce qui nous concerne.

Vous pouvez aujourd'hui vous adresser à votre banque pour souscrire une assurance; vous ne pouvez simplement pas le faire par l'entremise de votre succursale bancaire. Vous pouvez acheter de l'assurance Scotia et toutes autres sortes de produits offerts par des sociétés qui sont la propriété des banques. C'est la concurrence faussée et inégale—elles disposent de renseignements auxquels nous n'avons pas accès.

Le président: Merci.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci à tous de vos excellents exposés.

J'ai une question à poser à Diane Strashok. J'ai appris avec un grand intérêt que vous étiez la première société d'assurances autochtone. Félicitations, c'est magnifique. De toute évidence, vous avez réalisé de grandes choses en trois ans.

• 1235

Vous avez fait état de vos préoccupations concernant les pertes d'emploi et la concurrence déloyale. Je pense que mon collègue a déjà posé de nombreuses questions à ce sujet. Si la fusion avait lieu, comment pourrait-on éviter cette concurrence qualifiée de déloyale?

Mme Diane Strashok: Je ne veux pas commenter la fusion des banques. Ce n'est pas une question que je suis en mesure de commenter aujourd'hui. La seule question que je peux traiter est celle de la concurrence déloyale exercée par les banques si l'on peut souscrire des assurances par l'entremise de leurs succursales. Je n'ai aucune mesure législative à recommander au comité pour remédier à la chose et je lui demande simplement de ne rien changer à la situation actuelle. Tout est très bien comme ça. Les banques sont sur notre marché. Elles vendent de l'assurance, mais elles le font de façon loyale, les règles du jeu étant les mêmes pour tous.

Je considère donc que l'on devrait laisser les choses en l'état et ne pas conférer aux banques la possibilité de développer encore leurs activités et de vendre par l'intermédiaire de leurs succursales. La concurrence est assez juste à l'heure actuelle. Les banques doivent appliquer exactement les mêmes normes et les mêmes règlements que nous, ce qui est juste. La concurrence est une bonne chose, mais si l'on accorde à l'un des participants un avantage indu, je considère que c'est injuste.

Mme Sophia Leung: Quels sont principalement vos clients?

Mme Diane Strashok: Tout le monde. Nous accordons surtout des assurances personnelles, 75 p. 100 de notre chiffre d'affaires se faisant dans le secteur de l'assurance des automobiles et des domiciles particuliers et 25 p. 100 dans celui de l'assurance commerciale. Nous nous adressons à toutes les catégories d'Albertains et de Canadiens de l'Ouest et nous ne privilégions aucune catégorie en particulier.

Mme Sophia Leung: Monsieur Hughes et monsieur Tannas, j'ai relevé avec un grand intérêt que vous desserviez bon nombre de collectivités rurales. Il m'apparaît évident que vous répondez à leurs besoins. Pour cette raison, êtes-vous en mesure de faire comprendre aux consommateurs que de bien des manières vous êtes en mesure de concurrencer les banques?

M. Scott Tannas: Je pense que nous avons un certain avantage étant donné que dans les localités que nous desservons les gens qui sont à la tête de nos entreprises sont des chefs d'entreprise bien connus et bien implantés dans leur collectivité et qui ont de bonnes relations avec leurs clients. Ils connaissent la plupart de leurs clients et la plupart de ces derniers les connaissent. Nous sommes très crédibles lorsque nous présentons des produits entrant en concurrence avec ceux des banques—qu'il s'agisse d'assurance ou de produits bancaires pour lesquels les fournisseurs n'ont pas actuellement, et n'auront pas à l'avenir, un réseau de succursales au sein de nos collectivités.

Hi-Alta Capital a été constituée de façon à ce que nous puissions capitaliser notre propre établissement financier et faire en sorte qu'il soit concurrentiel. Donc, dans la mesure où on nous autorise à concurrencer les autres sur un pied d'égalité et où on nous en donne les moyens, tout va bien se passer. J'ai bien hâte d'entrer en concurrence avec le gérant de banque local au niveau des ventes, dans la mesure où il ne dispose pas d'une matraque comme ce pourrait être le cas si on ne règle pas un certain nombre de questions que nous venons d'évoquer.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je viens de Peace River. Dans votre exposé, vous partez du principe que l'information va être communiquée et j'ai l'impression que MacKay souhaite que les questions de confidentialité et autres fassent l'objet d'un traitement progressif un peu comme ce qui est prévu actuellement au Québec avec la proposition 188, si je ne me trompe.

Est-ce que vous estimez tout simplement que ça ne se produira pas et qu'à partir du moment où cette information est disponible, même si elle est censée être disséminée entre différentes personnes, par exemple, il sera en fait impossible de réglementer la communication de l'information?

Mme Diane Strashok: Je le crois sincèrement. Je suis dans les affaires et je considère qu'il est logique que lorsqu'ils vendent de l'assurance à leurs clients, nos courtiers leur offrent tout un éventail de produits. C'est la même chose quand vous allez au restaurant, le serveur vous demande si vous prenez du dessert. Cela fait partie intégrante d'un tout. Lorsque vous souscrivez une hypothèque, on vous demande si vous voulez une assurance-vie. Lorsque vous vous adressez à une banque pour lui demander de l'argent afin de pouvoir acheter une maison, vous êtes dans une position très délicate et, si elle vous offre d'autres services, vous serez tenté très souvent de lui faire plaisir parce que vous avez besoin du prêt. Je ne crois simplement pas que l'on puisse séparer les deux, et je ne vois pas comment on pourrait exercer un contrôle.

• 1240

Mon rapport—et veuillez m'excuser si vos copies ne sont pas encore arrivées—fait état d'une enquête au cours de laquelle les consommateurs ont d'ores et déjà indiqué que les banques avaient déjà fait de la vente liée, mais personne ne s'est plaint. Il suffit, je pense, que six personnes déposent une plainte devant la commission pour que cette dernière fasse enquête. Il n'y a pas six personnes qui se sont plaintes. Je pense qu'il y aura constamment des ventes liées et que personne n'en parlera.

Mme Carolyn Bennett: Toutefois, ceux qui ont fait l'enquête se sont aperçus que bien des gens avaient ressenti de manière subtile ce déséquilibre au niveau des pouvoirs.

Mme Diane Strashok: Effectivement.

Mme Carolyn Bennett: Il semble qu'une des préoccupations vienne du fait que le rapport MacKay réunit dans une même phrase l'assurance-vie et l'assurance de biens et risques divers, et que cela agace d'une certaine manière les entreprises de votre secteur. Est-ce que les deux représentants du secteur de l'assurance peuvent m'en donner les raisons?

Mme Diane Strashok: C'est parce que ce sont deux domaines tout à fait distincts. Les entreprises qui assurent les biens et les risques divers ont une exploitation totalement distincte de celle des sociétés d'assurance-vie. Nous sommes des sociétés distinctes et nous n'avons pas les mêmes propriétaires. Nous sommes différents.

Les courtiers ont certes la possibilité de vendre à la fois de l'assurance-vie et des assurances sur les biens. Mais pour ce qui est du véritable assureur, Great-West Life ne possède pas de sociétés d'assurance de biens et risques divers et il est indéniable qu'il y a très peu d'assureurs de biens et de risques divers qui possèdent des sociétés d'assurance-vie. Il y en a certainement quelques-uns, mais les deux choses restent très distinctes.

Mme Carolyn Bennett: Je pense que l'exposé que vous avez fait de votre situation personnelle à High River a été pour nous plein d'enseignements car il nous montre que le fait d'être bien intégré au sein d'une collectivité est un avantage concurrentiel. Si le projet voit le jour, vous nous dites que vous voulez que les règles soient les mêmes pour tous. Les gouvernements aiment mieux choisir entre différentes solutions plutôt que de régler les problèmes eux-mêmes, et il nous serait donc utile que vous nous indiquiez la voie à suivre pour que tout le monde soit placé sur un pied d'égalité en tenant compte, par exemple, de l'avantage que vous procure le fait d'habiter la localité, contrairement au gérant de banque qui doit repartir alors qu'il vient juste d'être admis au Rotary Club. Comment vous y prendriez-vous?

La réponse que vous avez donnée à l'autre question nous aide pour ce qui est de la vérification indépendante car ce qui va se passer c'est que tous les produits d'assurance vont servir de produit d'appel pour vendre les autres produits. C'est bien ça?

M. Scott Tannas: Oui.

Simplement pour vous donner un échéancier, car je crois tout d'abord que les délais sont importants en la matière, et les recommandations du groupe de travail MacKay sont judicieuses de ce point de vue, il convient d'accorder un temps d'adaptation et d'encourager les petits établissements financiers. Je considère qu'à l'origine de tout cela, il y a le fait que les consommateurs ont indiqué qu'ils voyaient un certain intérêt à traiter avec des fournisseurs de services financiers intégrés, et c'est vers cela que nous nous dirigeons. Si l'on excepte les caisses populaires, il n'y a pas de petites banques ou de petites sociétés de fiducie qui sont installées dans nos localités et le plus important, à mon avis, est de donner à de petits établissements financiers comme le nôtre le temps de se doter d'une gamme de services financiers intégrés.

Ce qui m'inquiète au sujet du rapport MacKay, c'est qu'il fixe une date à partir de laquelle les banques vont être autorisées à faire le saut et invite alors les responsables à se dépêcher et à adopter des textes de loi qui encouragent nos concurrents. Je préfère que l'on dise qu'une fois que la législation encourageant et favorisant les petits établissements financiers sera en place, on attendra x d'années avant d'accorder aux banques la possibilité de développer leurs propres succursales. Une mesure de ce type serait excellente.

• 1245

Il faut ensuite régler toute la question de l'interfinancement en partant du principe que chaque gamme de produits doit être autosuffisante, notamment au départ lorsque tous les petits opérateurs fournissent uniquement des services spécialisés. Ce serait trop facile autrement.

Il faut aussi qu'il y ait des pénalités assez élevées. Il n'est pas juste de dire simplement au contrevenant d'arrêter ses agissements. Il faut que des pénalités assez lourdes soient imposées afin qu'il sache que s'il applique une politique de prix déloyale pour écarter la concurrence, la sanction sera très sévère.

Sur un troisième point je reviens à la situation des petites localités. Lorsque des fusions impliquent des changements d'affectation des locaux, par exemple, il ne faut pas que les banques tirent parti de leur capital immobilier pour démolir les concurrents.

Mme Carolyn Bennett: Parfait. Ma dernière question s'adresse à Mme Tessier et à M. McCann s'il veut y répondre.

Comme c'est le cas pour les collègues qui vous ont interrogé avant moi, il y a des choses qui me préoccupent. L'Alberta est-il si différent que les petites entreprises s'excusent presque du fait que les banques ne prennent pas de risque? Les banques font de gros profits. Les petites entreprises s'inquiètent de voir qu'elles ne prennent aucun risque. Il faut des garanties. Il faut être en activité depuis 20 ans. Je ne sais pas très bien encore si vous comprenez que les banques cherchent à entrer dans vos bonnes grâces depuis une année. Soudainement, leur politique a changé, se sont-elles rendu compte que pour obtenir le droit de fusionner, il leur faut être gentil avec vous?

Les banques promettent à notre comité beaucoup de choses: des emplois et des lieux d'installation. Elles disent qu'elles vont bien se comporter avec les petites entreprises et que les marges de crédit resteront les mêmes. Je voudrais que vous sachiez une chose. La FCEI a l'habitude de bien sonder ses membres pour savoir ce qu'il en est en réalité et j'ai bien peur que votre intervention ne soit pas véritablement représentative de l'opinion de ces 10 000 personnes parce qu'elle est trop différente de ce qui se dit dans le reste du pays.

Pensez aussi aux réinvestissements et aux devoirs de rendre des comptes dans les petites localités. Le rapport MacKay dit très clairement qu'il faut que l'on rende davantage de compte aux petites localités, en adoptant par exemple une loi s'apparentant à la CRA Act des États-Unis. Vous nous dites en somme qu'il n'est pas bon de procéder ainsi car ce serait aller à la confrontation. Je suis quelque peu abasourdie de voir à quel point vous excusez les banques.

Mme Corinne Tessier: Eh bien je vous remercie de me donner la possibilité de reprendre la parole.

C'est parce que j'avais déclaré que les craintes n'étaient pas fondées que Roger Gallaway a fait son commentaire et m'a demandé qui j'avais sondé à ce sujet. Je me sens en droit d'affirmer que lorsque j'ai effectivement sondé certaines personnes, les craintes exprimées n'étaient pas toutes au sujet des banques; il y avait une diversité d'opinions en provenance de différentes personnes.

Je pense que notre marché est celui des très petites entreprises. Ce sont des personnes qui bien souvent ne sont même pas encore classées parmi les petites entreprises dans l'économie canadienne. Bon nombre de ces entreprises sont exploitées à domicile. Le plus souvent, il n'y a qu'une seule personne qui y travaille. C'est donc un marché qui vient seulement de faire son apparition.

Considérez l'ensemble des prêts bancaires. Les banques se situent à une extrémité. Elles ne font que des prêts peu risqués. C'est leur place traditionnelle sur le marché. Elles ont tendance à éviter les entreprises qui démarrent.

Mme Carolyn Bennett: Vos membres ont accepté cela?

Mme Corinne Tessier: Disons que nos membres s'aperçoivent qu'il n'y a pas que le fait que les banques ne veulent pas traiter avec elles. Ils ont par ailleurs grandement besoin de services spécialisés répondant à leurs besoins sur le marché.

Les banques n'ont pas l'habitude de passer des mois à former un gestionnaire et à améliorer les mécanismes de planification d'une entreprise pour que celle-ci puisse réussir sur son marché. Nous constatons donc que nos clientes, à bien des égards, ne sont même pas prêtes à bénéficier de l'appui résolu des milieux bancaires. Toutefois, une fois que nous leur avons fait faire un bout de chemin, lorsque nous transmettons leurs dossiers aux banques, nous les faisons passer à un autre niveau afin qu'elles puissent bénéficier de ce type de financement. Elles ont bien besoin de s'appuyer sur la structure bancaire et de pouvoir recourir aux comptes bancaires et à d'autres services dont bénéficient leur entreprise.

Donc, lorsque je dis...

Mme Carolyn Bennett: Je n'ai peut-être pas entendu le mot «association». Est-ce qu'elles vous paient des honoraires en contrepartie de ce service?

• 1250

Mme Corinne Tessier: Nos services sont gratuits ou sont offerts à un coût très minime. Nous sommes financés en fait par le ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest, un ministère du gouvernement fédéral. Nous sommes au service des femmes qui montent une entreprise et qui n'ont pas les moyens de se payer les services professionnels spécialisés et toute la formation nécessaire.

Nous nous adressons donc à des personnes qui en fait n'entrent même pas dans la définition de bien des petites entreprises au Canada. Au point où elles en sont, elles ne peuvent pas avoir accès—elles ne sont en fait pas prêtes—à toute la gamme des services bancaires disponibles.

Toutefois, lorsque nous les aidons dans cette phase de démarrage, elles ont ensuite bien besoin que les banques interviennent et apportent l'aide dont a besoin la masse des petites entreprises qui font partie par exemple de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Je pense donc que l'on parle ici de deux marchés différents. Nous constatons que le problème des banques n'est pas celui qui préoccupe le plus bien des femmes avec lesquelles nous traitons. Elles ne s'en inquiètent qu'à partir du moment où leur entreprise a démarré et où elles sont véritablement sur le marché.

Mme Carolyn Bennett: Où trouvez-vous donc actuellement les crédits pour financer ces personnes?

Mme Corinne Tessier: Nous leur prêtons de l'argent. Nous leur prêtons effectivement de l'argent. Nous prêtons de l'argent lorsque les banques ne veulent même pas s'en mêler. Cela vient du fait que nombre de ces personnes n'ont pas de biens à mettre en garantie, n'ont pas véritablement d'antécédents en matière de crédit et opèrent dans les secteurs de la vente au détail et des restaurants, que les banques trouvent très risqués.

Vous voyez donc que pour nous une collaboration avec les banques nous permet de passer à un niveau supérieur pour le compte de nos clients. Lorsque je dis...

Mme Carolyn Bennett: Si les banques faisaient cela, vous n'auriez pas à exister.

Mme Corinne Tessier: Là encore, je ne pense pas que les banques puissent offrir ce genre de services personnalisés à long terme et n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire. Ce n'est absolument pas rentable. Dans bien des cas, même la catégorie de petites entreprises auxquelles elles s'adressent ne constitue pas leur secteur d'activité le plus rentable.

Mme Carolyn Bennett: Quel est le pourcentage de réussite de vos clientes? Est-ce que vous perdez beaucoup d'argent prêté à vos clientes?

Mme Corinne Tessier: Notre taux de pertes sur prêts est en fait de 3 p. 100 à l'heure actuelle. Nous nous débrouillons très bien. Nos vérificateurs nous ont dit récemment que c'était à leur avis grâce à la solidité du réseau que nous mettions à leur disposition. Toutefois, on ne peut pas fournir un aussi bon réseau de soutien et gagner de l'argent. C'est pourquoi nous sommes financés par le gouvernement fédéral. On ne peut pas gagner de l'argent en apportant à ces entreprises qui démarrent à peine le type de soutien dont elles ont besoin.

Donc, lorsque je dis que je ne cherche pas la confrontation, c'est j'imagine parce que je ne veux pas partir du principe que les banques sont l'ennemi et qu'il faut limiter leur action. J'ai pu constater par expérience que nous travaillons auprès de clientes qui sont très satisfaites des banques. Nous oeuvrons constamment auprès des clientes et des banques. Je préférerais qu'on les encourage à s'allier à des organisations comme la nôtre pour que les personnes qui lancent une entreprise bénéficient toujours d'un soutien à la base, sur le terrain. Elles seraient donc ainsi plus étroitement liées aux milieux bancaires et pourraient s'y insérer au moment voulu.

Mme Carolyn Bennett: Quelles sont vos relations avec la Banque de développement du Canada?

Mme Corinne Tessier: Oh, excellentes. Oui, nous nous renvoyons un grand nombre de clientes, de même qu'avec l'AOC.

Dans nos bases de données, nous avons des centaines d'adresses d'établissements que nous qualifions de «banques amies». Nous pouvons aussi vous raconter nombre d'histoires à faire se dresser les cheveux sur la tête dans lesquelles des femmes vous diront qu'un banquier les a très mal traitées. Nous prenons souvent sur nous le temps d'aller parler à la banque pour lui dire ce qui s'est passé. Nous lui rappelons qu'elle n'a pas donné les motifs de son refus de prêt et qu'elle ne peut pas se contenter de renvoyer les gens comme ça. Nous essayons de leur faire comprendre les réalités.

M. John McCann: Nous avons peur que l'on entrave les banques lorsqu'elles voudront réaliser leur projet. On nous dit qu'elles vont à l'avenir réaliser 40 p. 100 de leurs bénéfices à l'étranger, par exemple. Quels seront nos moyens de recours si nous ne leur accordons pas cette possibilité et si elles s'affaiblissent ainsi au plan national? Est-ce que nous nous berçons d'illusions au point de penser que nous allons ainsi renforcer les petites entreprises et qu'il y aura alors des crédits pour ces dernières?

Je suis convaincu qu'en les renforçant on les rendra aussi plus fortes au plan national.

Mme Carolyn Bennett: J'imagine que l'opinion publique canadienne n'est pas tout à fait convaincue qu'elles sont «entravées» dans leur entreprise. Je pense que c'est ce que nous cherchons à voir ici.

Le président: Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

J'ai une question à poser à M. McCann. J'ai écouté votre intervention et j'ai l'impression que vous êtes favorable à ce que les forces du marché fixent le jeu de la concurrence dans le secteur bancaire. Je vais vous parler seulement des succursales bancaires étrangères et des recommandations du groupe de travail MacKay à ce sujet.

• 1255

En tant qu'homme d'affaires, considérez-vous qu'il y a un avantage particulier à ouvrir les portes aux banques étrangères en leur permettant de se doter de succursales au Canada? Je pense que c'est là la première question.

M. John McCann: Eh bien, je considère qu'une intensification de la concurrence oblige tous les participants à faire mieux; lorsque les clients sont davantage sollicités, chacun fait davantage d'efforts pour garder ses propres clients. Je pense que c'est un avantage.

M. Dick Harris: J'aimerais aussi connaître votre avis en ce qui a trait à l'assurance. Je sais que ce n'est pas votre secteur, mais j'imagine que vous êtes assez familiarisé avec son fonctionnement.

La grande crainte, c'est que les banques se servent de leurs énormes bases de données pour obtenir un avantage indu par rapport aux courtiers d'assurances indépendants et aux gens qui opèrent dans ce secteur à l'heure actuelle. M. Tannas et M. Hughes nous ont exposé la nécessité de faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Comment pensez-vous que l'on pourra y parvenir étant donné l'importance des bases de données dont disposent les banques et de leur possibilité d'accès au marché, comparativement aux possibilités d'accès des sociétés d'assurances, que l'on peut considérer comme étant bien plus limitées?

Comment, selon vous, parvenir à un juste équilibre? M. Hughes ou M. Tannas pourront éventuellement répondre à cette question.

M. John McCann: Tout d'abord, je considère que lorsqu'on parle de ventes liées ou de groupement des services, il faudra préciser très clairement les différents services qui sont facturés et non pas tout regrouper ensemble. Ce doit être un mécanisme bien plus élaboré que je ne peux le faire ici, mais je n'en considère pas moins qu'une réglementation très contraignante devra être mise en place pour éviter les abus au sein du système—mais je n'en connais pas assez pour vous donner une réponse intelligente.

M. Dick Harris: Je vous remercie.

Monsieur Tannas, monsieur Hughes et aussi madame Strashok, étant donné que ces énormes bases de données sont déjà la propriété des banques, comment faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous?

M. Ken Hughes: Je pense qu'il ne nous faut pas oublier que nous sommes dans une situation qui évolue. Il va falloir assumer cette évolution. Il faudrait peut-être résumer cette situation en quelques phrases pour essayer de bien comprendre de quoi nous parlons.

Nous en sommes là aujourd'hui, et cette évolution va donner naissance à une toute nouvelle situation dans laquelle, probablement, des services financiers intégrés seront dispensés par tout un éventail de fournisseurs. Hi-Alta offrira peut-être les mêmes services que les banques à Kamloops ou dans d'autres petites localités des régions rurales de la Colombie-Britannique.

Si c'est vers cela que l'on va, il faut passer par une période de transition, au cours de laquelle les banques sont susceptibles de démolir Hi-Alta ou d'autres courtiers dans les régions rurales de l'ouest du Canada si on leur accorde un trop grand avantage par rapport à la concurrence en leur permettant d'utiliser l'information dont elles disposent.

Je pense donc qu'il convient d'adopter un certain nombre de mesures restrictives pour empêcher qu'elles aient recours à cette information pendant cette période de transition au bout de laquelle nous serons disposés à les concurrencer directement parce que nous estimons être mieux placés qu'elles sur les marchés ruraux, qu'elles ne connaissent pas aussi bien que nous.

M. Dick Harris: Je ne pense pas cependant qu'il y a un moyen quelconque d'imposer une réglementation aux banques pour qu'elles n'utilisent pas leurs bases de données actuelles.

M. Ken Hughes: Nous le faisons à l'heure actuelle.

M. Dick Harris: Excusez-moi?

M. Ken Hughes: Nous le faisons d'une certaine façon, peut-être pas très bien. TD nous montre que tout n'est pas possible.

Nous avons érigé au Canada un ensemble de barrières artificielles compartimentant le secteur des services financiers, et ces barrières artificielles nous causent des difficultés lorsqu'on cherche à les enlever. C'est la même chose pour les barrières commerciales qui sont érigées entre les différents pays. Ces barrières artificielles créent des intérêts économiques qui bénéficient d'une rente de situation et, par conséquent, il faut prendre des précautions lorsqu'on veut les démanteler.

M. Dick Harris: Bon, à l'heure actuelle, la réglementation interdit aux banques de communiquer de l'information à l'une de leurs filiales sans le consentement exprès de leur client bancaire. Donc, dans la mesure où les activités d'assurance se font à l'extérieur des succursales, on peut éventuellement imposer une réglementation, mais à partir du moment où tout se fait dans les succursales, auprès de la clientèle des succursales, on n'a aucun moyen de se protéger contre l'utilisation de cette information.

Mme Diane Strashok: Je ne vois pas comment on pourrait se protéger contre l'utilisation de cette information si les activités se déroulent à l'intérieur d'une même succursale. Je sais que les ventes liées ne sont pas non plus autorisées dans le secteur de l'assurance. Si nous disons à un client que nous ne pouvons pas assurer son automobile s'il ne consent pas à nous faire assurer son domicile, le surintendant peut certainement intervenir pour nous taper sur les doigts. Toutefois, c'est une chose qui arrive. Je serai honnête avec vous. Ça se passe de manière très subtile.

• 1300

M. Dick Harris: La limite entre la vente liée et l'interfinancement est très difficile à définir, nous nous en rendons tous bien compte.

Mme Diane Strashok: En effet. Vous avez raison.

M. Dick Harris: Il m'apparaît qu'un règlement qui voudrait interdire à une banque ayant un service d'assurance interne s'adressant au grand public de recourir à sa base de données serait tout simplement impossible à mettre en oeuvre.

M. Scott Tannas: Il y a aussi deux autres choses à dire à mon avis au sujet de la confidentialité. Il y a tout d'abord toute la question de l'utilisation de l'information privilégiée pour segmenter le marché dont les banques tireraient un avantage. Je pense qu'il y aurait des solutions sur ce point. L'une d'entre elles pourrait consister à obliger les banques à offrir de l'assurance à tous ceux qui le demandent. C'est une question qui a fait quelques vagues en Ontario, et il est probable que Diane sursaute à la simple idée que je puisse évoquer la question. Voilà sur le premier point.

Il y a aussi la possibilité de recourir à des renseignements financiers privés pour évaluer les risques d'assurance et en tirer un certain avantage. Dans les marchés ruraux, nous sommes avantagés par rapport aux courtiers des villes parce que nous pouvons voir comment telle ou telle personne entretient sa maison, nous savons si elle fréquente les bars, etc. Je pense que l'on peut finir par être obsédé par ce genre de petits renseignements et, au bout du compte, je ne pense pas qu'ils soient aussi important que la possibilité pour les banques de se servir de l'information dont elles disposent pour aller chercher les tout meilleurs clients. Il serait plus simple de chercher à les obliger à traiter avec tous les clients dans chacune des localités dans lesquelles elles souhaitent exercer leurs activités.

Le président: Je vous remercie.

D'autres questions, monsieur Harris?

M. Dick Harris: Non.

Le président: Très bien. Je vais prolonger cette séance parce que nous avons deux autres députés qui veulent poser des questions, M. Riis et M. Valeri.

Je rappelle simplement aux députés que s'ils veulent poser une question, ils n'ont qu'à le signaler à la présidence.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président. J'ai trois petites questions à poser à M. McCann.

Dans son exposé, il a indiqué qu'il était évidemment un très fervent partisan de la libre entreprise. Ce qui m'intéresse dans toute cette question des banques, c'est que nous avons affaire ici à un secteur de l'économie qui a bénéficié d'un environnement protégé pendant presque toute son existence. C'est l'un des seuls secteurs dans lequel on a déclaré que l'on allait prendre des mesures pour écarter toute concurrence de l'étranger. On a donc empêché les autres banques de s'installer sur notre marché et les quelques rares qui y sont parvenues se heurtent aujourd'hui à des restrictions sévères.

Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. Y a-t-il un autre secteur de l'économie qui a été si bien protégé par le gouvernement? Après des dizaines et des dizaines d'années de cette protection, ne sommes-nous pas en droit d'attendre davantage des banques que de nos autres entreprises? Elles sont très rentables et nous nous en félicitons. Elles sont très stables, très grosses et elles font un excellent travail, mais c'est parce qu'elles ont pu se développer dans un cadre non concurrentiel comparativement à ce qui se passe dans tous les autres secteurs de l'économie canadienne. Par conséquent, n'ont-elles pas en quelque sorte l'obligation aujourd'hui d'être au service des Canadiens? J'imagine que c'est ça tout simplement le respect des règles du jeu dans un monde caractérisé par la concurrence.

M. McCann: Je pense que les banques sont la propriété des Canadiens et d'autres investisseurs. J'ai le sentiment qu'elles se sont montrées responsables. Elles se sont comportées comme de bons citoyens au sein de la collectivité. Elles ont énormément apporté au Canada.

Pour ma part, je n'aurais pas ma propre entreprise si les banques n'avaient pas pris des risques en ce qui me concerne. Je ne viens pas d'un milieu privilégié et les banques ont pris le risque de me financer. Je suis parti de deux employés et j'en ai maintenant 80.

Je pense qu'elles ont beaucoup donné et qu'elles continuent à le faire. Elles jouent un grand rôle au sein de notre collectivité. Elles ont effectivement fait progresser notre société. Je peux citer toutes sortes d'exemples qui prouvent que dans nos différentes localités les banques ont été d'un grand apport pour la société.

M. Nelson Riis: Mais c'est la même chose pour les sociétés forestières, pour les sociétés pétrolières et gazières. On pourrait en dire autant de presque tous les grands acteurs de l'économie à Calgary. Ces entreprises sont d'excellents citoyens. Elles sont utiles. Elles ont bâti notre pays. Les banques, toutefois, ont pu le faire en étant protégées contre la concurrence. N'êtes-vous pas prêt à en convenir?

• 1305

M. John McCann: Je ne connais pas vraiment l'historique des banques et je ne me sens pas en fait compétent pour en parler. Toutefois, je considère qu'au moment où nous nous parlons, lorsqu'on envisage l'avenir, on s'aperçoit que ce protectionnisme est en train de disparaître. Le Canada a fait du protectionnisme. Il y a des responsables qui ont lutté en faveur du libre-échange. Nous en avons vu les résultats, à quel point les entreprises canadiennes étaient devenues inefficaces en se protégeant contre la concurrence. Je pense que l'ère du protectionnisme est révolue et que l'on sauvera la concurrence.

Par conséquent, M. Riis, je regarde vers l'avenir. Je ne me sens pas qualifié pour faire un commentaire historique.

M. Nelson Riis: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Riis.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je tiens à remercier tout d'abord le président d'avoir prolongé la séance. Je m'efforcerai d'être aussi bref que possible.

Je voudrais revenir sur deux points précis du rapport MacKay. Pour l'essentiel, le rapport MacKay est tourné vers l'avenir, comme vous venez de le faire remarquer, M. McCann. Je voudrais que l'on parle de l'ombudsman en matière bancaire qui figure dans le rapport MacKay. Il est recommandé dans le rapport qu'il y ait un ombudsman dans les établissements financiers dans le domaine de l'assurance et dans les autres secteurs clés, et je me demande ce que vous en pensez. Le rapport parle d'un recours obligatoire à un bureau de l'ombudsman établi par le gouvernement, et à l'heure actuelle nous avons essentiellement une autoréglementation ou un service facultatif.

Lorsqu'il a témoigné devant le comité, le président de l'Association des banquiers canadiens, M. Protti, a déclaré pour l'essentiel que ce système donnait de bons résultats et qu'il n'était pas vraiment nécessaire de le changer. Je me demande ce que vous pensez du système existant et si vous êtes d'accord avec la recommandation selon laquelle il convient d'établir obligatoirement un service d'ombudsman recouvrant l'ensemble du secteur des services financiers pour que les sociétés d'assurance de biens et de risques divers, les sociétés d'assurance-vie et tous les établissements de ce type relèvent du bureau de l'ombudsman.

Monsieur Hughes pourra peut-être me répondre.

M. Ken Hughes: Je vais me lancer.

Je pense que l'ombudsman peut avoir pour rôle de protéger l'intérêt public, il est le point de convergence et le centre de cette protection et il peut être utile de s'en remettre à lui. Lorsqu'on examine la façon dont ça se passe au niveau provincial ou à d'autres paliers de gouvernement, le risque, c'est que l'ombudsman soit le mur des lamentations et l'aboutissement de toutes les doléances que peuvent avoir les gens au sujet de tout ce qui a trait à l'ensemble de ce secteur.

Ce sera une tâche considérable pour celui qui voudra l'entreprendre. L'inconvénient, éventuellement, c'est que cela enlève... Comme le savent tous les députés qui sont ici présents, un parlementaire a entre autres pour rôle de servir d'ombudsman pour le compte des électeurs de sa circonscription sur tout un éventail de questions. Il faut donc à mon avis que les parlementaires s'interrogent pour savoir s'ils veulent que les gens s'adressent à une autre instance pour exprimer leurs doléances au sujet du secteur des services financiers.

Éventuellement, d'autres personnes ici présentes qui sont mieux implantées dans le secteur de l'assurance et qui ont davantage d'expérience dans le domaine pourront nous parler des répercussions sur le secteur de l'assurance en particulier, mais en tant qu'ancien parlementaire ayant l'expérience de la politique publique, je peux vous dire qu'il faut être prudent lorsqu'on crée une institution, parce qu'elle se substituera en partie à d'autres institutions qui existent déjà au sein de la société.

Il est probable que ce n'est pas une mauvaise idée dans certains cas. Il est clair que l'on a besoin de veiller constamment à l'intérêt du public et de savoir ce qui se passe dans ce secteur. Je ne suis pas du tout certain qu'un ombudsman soit effectivement la bonne réponse, mais il est indéniable qu'il faut pouvoir disposer d'un mécanisme pour garder à l'oeil tous ces gens.

M. Tony Valeri: Vous n'iriez pas au-delà du bureau existant, qui est en quelque sorte facultatif et autoréglementé par le secteur des banques.

M. Ken Hughes: Il s'agit de garder à l'oeil ce secteur. Je pense que l'on a besoin de quelque chose qui veille à l'intérêt public au sein du secteur.

M. Tony Valeri: Vous êtes donc dans ce cas favorable à la recommandation.

M. Ken Hughes: Oui. Sans avoir approfondi la question, je pense effectivement que l'on a probablement besoin, notamment dans une situation comme celle-là qui évolue, d'une certaine surveillance permanente, qu'elle soit exercée par un ombudsman ou par le comité des finances durant toute cette étape.

• 1310

M. Tony Valeri: Très bien. Quelqu'un d'autre a des commentaires à faire?

Ce que je voulais dire aussi très rapidement, c'est que nous ne nous penchons pas sur les fusions actuelles. Nous examinons essentiellement le rapport MacKay, qui énonce entre autres la façon dont on doit considérer les fusions susceptibles de se présenter. L'une des choses que recommande le rapport MacKay, c'est une procédure d'examen de l'intérêt public concernant les grosses fusions, ceux qui préconisent la fusion étant tenus de déposer, pour qu'elle soit examinée et commentée, une déclaration ou une évaluation des répercussions sur le plan de l'intérêt public des coûts et des avantages de la fusion prévue. Puis-je avoir votre opinion? Comment devrions-nous à votre avis considérer les fusions à l'avenir, compte tenu de ce qu'en dit le rapport MacKay?

Le président: Monsieur Peddle.

M. David Peddle: Je pourrais peut-être faire quelques commentaires.

Lorsque le groupe de travail MacKay a été créé, il n'avait pas pour mandat d'examiner les fusions bancaires. Étant donné que le problème des fusions bancaires ne s'est posé que l'année dernière, je pense qu'il conviendrait de mettre sur pied un groupe de travail tout à fait distinct. J'ai signalé au ministre des Finances que chacun des membres du groupe de travail MacKay, à une seule exception près, était en conflit d'intérêt lorsqu'il s'agissait de prendre des décisions sur les banques. Les membres de ce comité sont en conflit d'intérêt.

M. Tony Valeri: Je vous remercie.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il apporter des commentaires? Pas d'autres commentaires. Est-ce que d'autres députés veulent poser des questions?

Au nom du comité, je remercie votre groupe pour cette intéressante discussion. Les points de vue sont évidemment très différents, mais c'est ce qui fait l'essence de ce débat. Nous voulons entendre des opinions et des points de vue différents sur cette question bien particulière. Merci encore.

Nous allons faire une petite pause de deux minutes et nous reviendrons aux consultations prébudgétaires.

• 1312




• 1318

Le président: La séance est ouverte, bonjour tout le monde. Comme vous le savez, nous procédons à la consultation prébudgétaire et nous nous préparons à faire des recommandations au ministre des Finances concernant les priorités à envisager lors du prochain budget.

Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous, pour représenter l'Alberta School Boards Association, M. Roy Wilson, son président, et l'honorable David Anderson, son directeur exécutif. Soyez les bienvenus.

M. David Anderson (directeur exécutif, Alberta School Boards Association): Merci. Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas le ministre des Pêches et je n'ai pas le titre d'honorable. Je vous remercie toutefois pour cette promotion instantanée.

Une voix:

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. David Anderson: Certains d'entre vous voudront peut-être l'expédier là-bas.

Le président: Donc, monsieur Anderson, vous nous dites que vous n'êtes pas honorable? Nous ne l'oublierons pas lorsque vous nous ferez votre exposé.

Nous avons aussi deux représentantes de Kids First, Cathy Perri, sa présidente, et Cathy Buchanan, sa secrétaire nationale. À titre personnel, nous entendrons aussi Beverley Smith et Heather Gore-Hickman. C'est bien ça? Tout le monde est là. Parfait.

Nous allons commencer par M. Wilson et M. Anderson.

M. L.J. Roy Wilson (président, Alberta School Boards Association): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, étant donné que je suis aussi enseignant, je dois préciser que je devrai vous quitter un peu avant la fin de la séance parce que mes étudiants n'acceptent pas qu'une réunion, même aussi importante que celle-ci, puisse empiéter sur leurs horaires.

Ce que nous avons à dire—et nous avons effectivement un mémoire—correspond pour nombre d'entre vous à l'information que vous pouvez lire tous les jours dans la presse. Il n'y a donc ici rien d'absolument nouveau qui viendrait bouleverser ce que vous savez des préoccupations de nos conseils scolaires.

• 1320

Je parle aujourd'hui au nom de l'Alberta School Boards Association, qui représente tous les conseils scolaires de notre province. Cela englobe nos conseils publics, nos conseils séparés et nos conseils francophones, qui tous sont membres de l'association.

Lorsque vous allez vous déplacer dans tout le Canada, vous constaterez que dans d'autres provinces aussi, les conseils scolaires vont venir vous parler d'une question qui apparaît urgente à tous ceux d'entre nous qui s'occupent des enfants dans les écoles. Il s'agit bien évidemment des effets de la pauvreté. La Chambre des communes s'était donnée malheureusement il y a quelques années la tâche très ambitieuse de s'attaquer à la pauvreté, de remédier à la pauvreté et éventuellement de la supprimer avant l'an 2000. Nous espérons que c'est toujours la mission de la Chambre des communes ou des dirigeants de ce pays.

Nous sommes venus ici vous rappeler, et vous l'entendrez dire dans tout le pays, que les responsables scolaires comme nous, ceux qui travaillent auprès des enfants, sont tous les jours aux prises avec ce problème, qui nous empêche de faire un travail de qualité.

Il y a des statistiques—vous connaissez certainement toutes ces statistiques—qui nous montrent à l'heure actuelle que le nombre d'enfants pauvres augmente. Dans notre province de l'Alberta, nous estimons, sur la foi de statistiques récentes, qu'ils sont quelque 156 000 à vivre dans la pauvreté. Lorsqu'on les examine de près, on se rend compte avec horreur qu'en fait certaines de ces statistiques se rapportent à la pauvreté chez de très jeunes enfants—la partie de notre population la plus vulnérable.

Nous estimons qu'éventuellement 35 p. 100 de nos enfants de moins de sept ans vivent ici dans la pauvreté. C'est pour nous un très grand sujet de préoccupation et nous nous inquiétons par ailleurs de voir que ce chiffre augmente. Nous savons aussi, comme vous avez pu le voir de votre côté en consultant les études effectuées, que ces enfants présentent certaines caractéristiques. Ils ont tendance à venir de familles monoparentales. Ce n'est pas toujours le cas, bien entendu. Il y a de nombreuses familles qui ont été plongées dans la pauvreté du fait de certaines situations et pour toutes sortes de raisons.

Nous savons aussi, grâce à nos travaux et pour avoir fréquenté quotidiennement les enfants dans nos salles de classe, à quel point la pauvreté a des conséquences catastrophiques pour ces enfants. En travaillant auprès d'eux, nous voyons tous les jours à quel point ils sont la proie des maladies, des mauvais comportements psychologiques et sociaux, des blessures, de la drogue, ainsi que des mauvais traitements et de l'abandon.

Cela n'arrive pas qu'aux enfants pauvres, bien entendu, mais il est notable qu'un grand nombre de ces enfants souffrent de problèmes graves de ce type qui leur permet difficilement d'apprendre à l'école. Nombre de ces enfants n'ont pas de bons résultats à l'école. Leur fréquentation scolaire n'est pas aussi bonne. Ils ne semblent pas aussi bien s'entendre avec leurs enseignants et leurs pairs. Ce sont bien souvent ces enfants-là qui nous inquiètent sur le plan de la violence.

Quand on examine les incidences globales de la pauvreté, on peut voir—et nous les avons consignés à votre intention à la deuxième page de notre mémoire—une liste de facteurs qui doivent apparaître évidents à tous ceux qui sont ici dans cette salle et qui expliquent les situations dont nous pouvons témoigner. Laissez-moi simplement vous en mentionner un ou deux qui figurent dans la liste de la page deux. Il y a la mauvaise nutrition. C'est pourquoi dans nombre d'écoles de notre province nous avons des programmes de distribution de nourriture à l'école. Nous avons mis en place dans notre province un excellent programme d'intervention précoce visant à aider un certain nombre de ces enfants qui viennent d'arriver à l'école et qui sont encore incapables de bien lire. Là encore, nous voyons les interactions entre certains de ces enfants et leurs enseignants ainsi que leurs pairs. Au sein des conseils scolaires, nous avons essayé d'instituer ce que nous appelons des écoles sécuritaires et de prise en charge pour aider les enfants à acquérir un certain équilibre psychologique à ce stade de leur vie.

Sur le plan économique, lorsqu'on cherche à évaluer le nombre d'enfants qui vont probablement abandonner leurs études, je pense que l'on peut aussi attribuer cette situation, dans bien des cas, à la pauvreté. Il faut ajouter les effets de l'abandon scolaire en termes de perte de revenu, d'incapacité à gagner de l'argent, etc. Je pense qu'il s'agit là d'une statistique bien triste.

• 1325

La pauvreté nous coûte donc à tous de l'argent, sous la forme de pertes de recettes pour le gouvernement, d'augmentation des dépenses gouvernementales au titre des programmes sociaux, de réduction de notre compétitivité sur le marché mondial et d'une moindre capacité à dispenser suffisamment de programmes sociaux et de santé. Tout cela, vous le savez. Si nous sommes ici, monsieur le président, c'est simplement pour vous le rappeler afin que nous ne parlions pas dans le vide. Je sais que vous entendez de nombreuses voix s'élever pour vous conseiller telle ou telle orientation budgétaire. Nous venons vous dire que si vous n'écoutez pas la voix des enfants et de ceux qui se font l'avocat des enfants, je pense alors que vous passerez à côté de quelque chose de très, très important.

Nous ne sommes pas venus ici apporter des solutions. Nous ne nous occupons pas des solutions. Nous nous occupons des enfants de ce pays. Nous nous adressons à vous pour que vous recommandiez des solutions. Bien entendu, vous en avez déjà certaines devant vous, telles que le programme national de prestations pour enfants. Nous nous félicitons de voir ce programme fonctionner. En Alberta, les accords de transfert ont permis à notre gouvernement de dispenser des soins de santé à des enfants qui autrement n'auraient pu bénéficier de ces prestations. Je considère que les modalités de fonctionnement de ce programme ont procuré d'énormes avantages aux enfants de l'Alberta.

Ce n'est pas suffisant. Bien entendu, les éducateurs vous disent toujours la même chose, n'est-ce pas? Rien n'est jamais suffisant. C'est insuffisant, mais c'est quelque chose d'utile. Je suis déçu de voir que les sommes qui y sont consacrées ne vont peut-être pas augmenter, parce que de notre point de vue, des dépenses consacrées à une mesure aussi utile devraient être augmentées. Ce serait un investissement véritablement utile.

Nous aimons aussi le fait que la mise en oeuvre de ce programme instaure une telle collaboration entre les différents paliers de gouvernement. Je pense que c'est réellement très positif pour le pays.

Nous voulons aussi mentionner l'intérêt que nous n'ignorons pas que vous portez, vous et vos homologues provinciaux, à la politique nationale des enfants dans notre pays. C'est une vision que partagent, je pense, tous les Canadiens à tous les niveaux, qui cherchent à améliorer le bien-être des enfants de notre pays. Je dois dire une fois de plus que nous avons fait des progrès considérables dans notre province pour améliorer la coordination des services à l'enfance. Il nous reste beaucoup de chemin à faire, mais tout ne se fait pas en un jour. Nous vous incitons à faire tout votre possible pour faire avancer les choses au niveau fédéral.

Le gouvernement fédéral peut influer sur la vie des enfants en favorisant une intervention précoce et une éducation des enfants et des parents, en créant des emplois pour les familles—bien entendu, c'est une chose que nous appuyons résolument—en instituant des programmes de garderie pour que les parents puissent retourner à l'école ou aller travailler, en versant des prestations convenables aux parents malades ou mis à pied, et en collaborant avec les provinces pour faire respecter et percevoir les pensions alimentaires, de manière à permettre à nos enfants de se développer harmonieusement. Ce ne sont pas là de nouvelles formules; ce sont d'anciennes formules. Nous vous signalons cependant qu'il y a une très lourde tâche à accomplir pour le plus grand bien des enfants de notre province et de l'ensemble du pays. Vous l'entendrez partout où vous passerez.

J'aimerais aussi dire un mot de la caisse d'assurance-emploi dont vous avez tant entendu parler. Vous avez reçu toutes sortes d'excellents conseils pour ce qui est du sort devant être réservé à cette énorme caisse qui ne fait que grossir à mesure que les intérêts viennent s'accumuler. Nous voulons une fois de plus vous rappeler quelque chose que vous savez déjà. Les conseils scolaires de notre pays sont de très gros employeurs. Nous sommes par ailleurs des employeurs qui ne font pas usage de l'assurance-emploi. Les enseignants ne sont pas très souvent mis à pied. Notre secteur est très stable et nous sommes de gros cotisants à cette caisse.

Nous proposons donc, quelles que soient les modalités que l'on trouve pour cela, que l'on abaisse les cotisations, ce qui serait un énorme avantage pour les conseils scolaires. Si l'on abaissait ces cotisations, les conseils scolaires bénéficieraient d'un peu plus de marge de manoeuvre dans le cadre de budgets restreints pour éventuellement faire profiter de cet argent les enfants à risque et ceux qui sont pauvres.

La pauvreté des enfants est devenue une question prioritaire pour bien des gens de notre pays, non seulement pour ceux d'entre nous qui travaillent dans les écoles, mais aussi pour les travailleurs sociaux, que vous allez entendre. Il est encourageant d'entendre les politiciens et les gouvernements s'engager à améliorer la vie des enfants. Il est maintenant important de s'assurer que ces paroles seront suivies d'actions, que ces déclarations d'intention feront place à la collaboration et que ce désir d'aider nos enfants se traduira en programme qui transformeront la vie de nos enfants.

Notre mémoire est plus complet que cela. Je n'ai fait qu'en souligner les points importants. Je suis prêt à engager la discussion sur toutes ces choses, monsieur le président. Voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Merci, monsieur Wilson.

• 1330

Nous allons maintenant entendre Mme Perri et Mme Buchanan, qui représentent Kids First.

Mme Cathy Buchanan (secrétaire nationale, Kids First Parent Association of Canada): Merci.

    Madame, Monsieur,

    J'ai été absolument outrée par un commentaire paru en première page [du Lethbridge Herald du 13 juillet 1995] dans un article intitulé «L'exploitant d'une garderie répond aux critiques.» Au sujet des mères qui restent à la maison, la question suivante a été posée: «Est-il préférable qu'une mère reste toute la journée chez elle à regarder des feuilletons télévisés plutôt que de contribuer utilement à la société?» Ce sont des commentaires comme celui-ci qui contribuent à perpétuer les préjugés et l'image de la «maman» qui reste assise toute la journée à manger des sucreries et à regarder des feuilletons. Pourquoi s'étonner alors que ce travail soit tenu en si piètre estime!

    Il n'est pas dans mon intention d'attaquer les garderies, car je suis bien placée pour savoir qu'il y a des travailleuses de garderie qui sont dévouées et qui aiment les enfants. Je considère d'ailleurs que dans cette profession, les employées ne sont pas suffisamment payées compte tenu des responsabilités qu'elles assument. Je demande cependant que dans notre société, lorsque j'ai choisi de rester chez moi pour élever moi-même mes enfants en bas âge (avec les sacrifices que cela suppose) que ma décision soit considérée comme étant aussi viable et aussi honorable que n'importe quel choix de carrière. Je demande que mon travail de maîtresse de maison soit tenu dans l'estime qu'il mérite et non pas considéré comme un travail idiot qui n'apporte rien à la société. Élever nos enfants pour en faire à l'avenir de bons citoyens, n'est-ce pas là la tâche la plus précieuse, quel que soit celui qui l'accomplit? Il ne semble pas que notre gouvernement en juge ainsi étant donné la façon dont il applique sa fiscalité.

    Je précise en passant que je déteste les feuilletons télévisés et que j'ai ni le temps, ni l'envie d'y passer mes journées. Je préfère me consacrer à mes enfants, aux multiples tâches ménagères, aux relations avec les autres parents ou au bénévolat. Mais pourquoi une mère ne pourrait-elle pas regarder un feuilleton télévisé—c'est peut-être l'un de ses rares moments dans sa journée de 12 à 14 heures par jour où elle trouve le temps de relaxer et de se laisser aller!

Cette lettre nous vient de Lethbridge, en Alberta.

Une autre lettre envoyée au rédacteur en chef, en provenance de Vancouver, Colombie-Britannique, a été imprimée dans notre bulletin de l'été 1997:

    Merci pour l'information que vous m'avez envoyée. J'ai appris avec un immense plaisir l'existence d'une organisation comme la vôtre! Nous avons deux jolies petites filles âgées de quatre ans et de quatre mois. Nous sommes stupéfaits de voir l'injustice de la fiscalité actuelle. Lorsque j'ai choisi de rester à la maison, non seulement nous avons renoncé à ce que je gagne de l'argent, mais en outre nous nous sommes retrouvés pénalisés par une imposition injuste. Nous nous démenons pour payer l'école maternelle de ma fille. Elle a autant le droit d'y être que les enfants de parents qui travaillent.

Toujours dans le même bulletin, cette lettre en provenance de Shearwater, en Nouvelle-Écosse:

    Après avoir passé quelque 17 ans dans un emploi non traditionnel (administration et finances au sein des Forces canadiennes), j'ai quitté mon travail afin de pouvoir rester chez moi pour m'occuper de ma petite fille de deux ans et demi. Je voulais à l'époque non pas tant être en soi une mère de famille à la maison, mais pouvoir faire quelque chose de différent et bénéficier d'une plus grande souplesse. Très vite, cependant, je suis devenue une mère au foyer. J'ai été bien étonnée et je reste encore stupéfaite de voir le manque de respect et de soutien dont souffrent les parents qui restent au foyer ainsi que leur famille. Il m'est apparu très clairement que c'est là une question qui mérite que l'on s'y attarde et dont on doit prendre publiquement conscience.

Cette lettre en provenance de Windsor, en Ontario, a été publiée dans notre bulletin du printemps 1998:

    Je suis membre de Kids First et j'ai reçu récemment votre bulletin. J'ai été scandalisée d'apprendre que le gouvernement canadien envisageait d'aider les personnes qui restent chez elles pour s'occuper de parents malades ou handicapés, mais pas ceux qui restent au foyer pour s'occuper de leurs propres enfants. De plus, je ne m'étais pas rendu compte à quel point les familles qui n'ont qu'un seul revenu sont désavantagées par notre fiscalité. Merci d'avoir éclairé ma lanterne; j'ai entrepris de parler de ce problème à d'autres personnes.

    Même si avec mon mari il nous faut économiser chaque sou, le plus difficile pour moi, qui est mère au foyer, c'est de résister aux pressions sociales qui m'incitent à retourner travailler. J'ai deux diplômes universitaires et un certificat d'enseignante; j'entends constamment dire: «Pourquoi avoir fait tant d'études si c'est pour rester à la maison et élever des enfants? Quel gâchis.» Ou encore: «Quand allez-vous retourner travailler?» ou «Quand allez-vous le sevrer?» J'ai envie de demander: «Pourquoi serait-il normal dans notre société que les mères se lancent dans un sevrage précoce et retournent au travail?»

    Dans vos prochains bulletins, pourriez-vous donner des conseils et offrir une aide aux mères qui, comme moi, ont des parents qui découpent à leur intention les offres d'emplois dans les journaux? Que pouvons-nous faire pour changer la mentalité des gens et leur faire comprendre l'importance d'un lien étroit entre les parents et les enfants ainsi que la valeur des soins parentaux dont on fait une carrière? Vous pourriez peut-être dans chaque bulletin citer les études qui ont apporté la preuve des avantages à long terme procurés par un parent qui reste au foyer pour s'occuper de jeunes enfants.

• 1335

Enfin, cette lettre en provenance de Dieppe, au Nouveau-Brunswick:

    Je suis une mère au foyer de 37 ans qui a trois enfants jeunes (5, 3 et 1 ans). Je suis fermement convaincue qu'il faut qu'un des parents s'occupe de façon prioritaire de ses propres enfants. Je suis une femme mariée diplômée de l'université (licence en travail social, MBA) qui a abandonné un poste de cadre supérieur de gestion mieux rémunéré que l'emploi de mon mari pour m'occuper de nos enfants. Une fois que l'on a décidé, comme nous l'avons fait, d'avoir des enfants, il faut que tout notre amour, notre temps et notre attention soient accordés aux enfants et non pas à une carrière et à des biens matériels.

    Je garde une petite fille de deux ans d'une amie, qui passe plus de 10 heures par jour, six jours par semaine avec nous, m'appelle maman et préfère rester chez nous plutôt que de rentrer tous les soirs à la maison, et j'ai le coeur brisé en voyant cela. Elle ne devrait pas être placée dans cette situation. J'essaie d'être pour elle la meilleure mère possible.

    J'espère que vous me communiquerez très bientôt d'autres nouvelles de votre organisation.

Mme Cathy Perri (présidente, Kids First Parent Association of Canada): Ce sont là des exemples de lettres que nous recevons constamment. Les classeurs que vous avez devant vous contiennent des coupures de journaux s'étalant sur plus de 10 ans sur cette seule question. Cette compilation a été faite entièrement par des bénévoles, par des parents au foyer.

Voilà des années que Kids First Parent Association of Canada travaille sur la question de la discrimination fiscale et des familles à un seul revenu. Il suffit d'interroger nos enfants. Ma fille m'a posé la question hier: Va-t-on nous écouter un jour? Cette discrimination a été prouvée et reconnue par les comptables agréés, les gouvernements provinciaux, la Cour canadienne de l'impôt et le ministère fédéral des Finances lui-même—qui, je le dis en passant, a fait publier un document de travail sur la question en 1996 à la demande de plusieurs gouvernements provinciaux. Ce document de travail illustre clairement la discrimination flagrante qui touche les familles dont un des parents reste au foyer.

Il est triste de constater que le gouvernement libéral poursuit cette politique discriminatoire éhontée avec l'adoption dans le dernier budget du crédit d'impôt pour la garde des enfants, un geste symbolique qui prétend reconnaître la valeur du travail non rémunérée de gardiennage qu'accomplissent les familles canadiennes—tous les types de garde, à l'exception des soins donnés aux bébés et aux enfants d'âge préscolaire. De plus, la déduction pour frais de garde d'enfants a été augmentée de 40 p. 100, passant de 5 000 $ à 7 000 $ pour les enfants de moins de sept ans, et de 33 p. 100, passant de 3 000 $ à 4 000 $, pour les enfants de 7 à 16 ans.

Pourquoi donc le gouvernement fédéral continue-t-il à défendre sa politique fiscale tout en reconnaissant par la même occasion sa nature discriminatoire? M. Martin a bien fait savoir qu'il fallait remettre en cause le statu quo, que le gouvernement fédéral devait faire respecter l'égalité et l'équité, et que la politique de rigueur ne devait pas service d'excuse pour refuser aux gens un traitement équitable. Pourtant, on s'est servi de cette politique de rigueur pour justifier le refus de remédier aux politiques discriminatoires. Aujourd'hui, alors que le gouvernement fédéral est parvenu à équilibrer son budget, Kids First s'attend à ce que l'on prenne des mesures: une politique de communication et une collaboration entre les différents ministères du gouvernement et l'abrogation des politiques fiscales destructrices qui ont des répercussions si graves sur les familles selon le choix qu'elles ont fait pour élever leurs enfants.

Au Canada, nous appuyons les efforts que font les étudiants pour acquérir une formation, sous la forme de prêts pour étudiants et de dispenses spéciales reconnaissant que même si leur valeur sur le marché est faible, il s'agit là d'un bon investissement pour l'avenir du pays. Nous appuyons les personnes âgées qui touchent des pensions et des prestations de vieillesse parce qu'elles ont utilement contribué à la société par le passé. C'est une véritable tragédie de ne pas étendre ce principe aux parents qui s'engagent à s'occuper à plein temps de leurs enfants pendant les années critiques du développement de ceux-ci, de la naissance à l'âge de six ans.

Une famille qui a deux ou trois enfants espacés de deux ou trois ans est obligée de les prendre en charge pendant 10 ou 12 ans au maximum. Il devrait bien être possible de faire une planification correspondant à cette courte période à l'échelle de la vie, inférieure au nombre d'années pendant lesquelles la plupart des personnes en bonne santé sont à la retraite, pour laquelle des dispositions de plus en plus généreuses sont prises. Il faut qu'une partie des énergies, de la planification et du financement qui sont consacrés à l'heure actuelle à l'établissement de mécanismes de pension et aux prêts pour étudiants soit réaffectée à une nouvelle conception des politiques fiscales venant aider les parents au moment de leur vie où leur charge est la plus lourde.

Nous devons en revenir au principe traditionnel de la capacité de paiement, qui s'appuie sur le fait que l'imposition ne doit pas tenir compte uniquement du niveau de revenu, mais aussi du nombre de personnes à charge. Sinon, la fiscalité est source de pauvreté. La majorité des familles à un seul revenu sont dans les catégories de revenus les plus basses, la moyenne étant inférieure de 26 000 $ à celle des familles à deux revenus.

• 1340

D'après le rapport du Conseil canadien du développement social, intitulé Le progrès des enfants au Canada, les parents font souvent d'énormes sacrifices pour élever eux-mêmes leurs enfants à la maison, même si cela veut dire pour eux vivre en dessous du seuil de la pauvreté. Nous connaissons le nombre des jeunes familles qui ont quitté le pays, des jeunes professionnels qui ne peuvent améliorer leur niveau de vie, parce que l'un d'entre eux est resté à la maison pendant quelques années pour élever leurs enfants. Ils ont pensé qu'il n'y avait pas d'autre solution.

Le revenu des familles à un seul revenu a chuté de 10 p. 100 entre 1989 et 1994, alors que celui des familles à deux revenus n'a baissé que de 2,5 p. 100. De plus, seules les personnes qui utilisent des garderies et qui peuvent obtenir un reçu ont droit à la déduction pour frais de garde d'enfants. Cette déduction est en rapport inverse avec les besoins de la famille et avantage injustement les riches. En 1996, les libéraux ont eu l'audace de faire passer à 16 ans l'âge limite applicable à cette déduction. Lorsque l'on sait qu'aucune garderie n'accepte les jeunes de 16 ans, on peut se demander combien de stages de hockey et d'activités artistiques nous subventionnons?

Les politiques fiscales ne sont pas neutres; on les utilise pour influencer les comportements et inciter les contribuables à effectuer certains choix. C'est pourquoi on aurait tendance à penser que si le gouvernement voulait encourager les comportements qui sont avantageux pour la société canadienne, ses politiques dans ce domaine seraient cohérentes. Ce n'est pas toutefois le cas. On nous a répété constamment que l'unité d'imposition devrait être l'individu. Autoriser le fractionnement du revenu? Bien sûr que non. La prestation fiscale pour enfants est calculée à partir du revenu familial. Calculer l'impôt sur le revenu familial? Saugrenu. Réformer la Loi de l'impôt sur le revenu? Silence.

Santé Canada fait la promotion de l'allaitement. Il souligne que cette pratique est d'une grande valeur pour l'enfant parce qu'elle lui permet d'établir des liens étroits avec sa mère et il conseille aux femmes stressées de réévaluer leur façon de vivre et il leur recommande de la modifier, notamment en changeant de travail ou la répartition des tâches familiales. Dans le rapport du comité de 1997 intitulé, Objectif: mieux-être, Santé Canada a demandé au ministère des Finances de fournir aux familles dont un des parents décide de rester à la maison pour s'occuper des enfants les mêmes avantages fiscaux que pour celles qui font garder leurs enfants. Développement des ressources humaines, avec son enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, souligne toute l'importance de donner aux enfants une sécurité psychologique, et que cette sécurité découle principalement de l'existence de relations positives avec les parents, faisant ressortir ainsi toute l'importance de la protection que constitue pour les enfants l'existence de relations étroites avec leurs parents.

L'étude de Ressources humaines en a surpris beaucoup parce qu'elle a démontré que 35 p. 100 seulement des enfants entre un et onze ans avaient deux parents qui travaillaient à temps plein, alors que les politiques fiscales ont été conçues pour avantager ce groupe particulier. Le ministère de la Justice reconnaît qu'il existe un lien entre un faible taux de criminalité et la création de liens étroits avec les parents au cours des premières années. Il insiste sur l'importance pour les parents de fournir un environnement harmonieux à leurs enfants.

L'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice, écrit dans une lettre adressée à Kids First cette année: «Les questions économiques et notamment les politiques fiscales, sont des sujets qui touchent la prévention de la criminalité». Dans ses déclarations, Condition féminine du Canada s'est engagé à ce que l'on valorise le travail non rémunéré qui s'effectue à la maison. Cet organisme signale les tensions extrêmement vives que subissent les mères d'enfants d'âge préscolaire qui travaillent à temps plein puisqu'elles doivent mener de front toutes leurs activités, tout comme l'a fait l'Institut Vanier de la famille, et il s'inquiète vivement du fait que les femmes qui choisissent d'élever elles-mêmes leurs jeunes enfants sont pénalisées sur le plan économique. Une fiscalité qui s'inspire du principe que les femmes à la maison sont des personnes à charge soumises et improductives et qu'elles devraient subir l'épuisement, les tensions, les conflits, les pressions et le surcroît de travail, excusez-moi, je voulais dire la libération, qu'apporte un emploi à l'extérieur alors que leurs bébés ont besoin d'être allaités et leurs enfants de soins maternels ne tient pas compte des besoins des enfants en matière de développement, ni des conséquences préjudiciables qu'ont les politiques fiscales actuelles sur les enfants et les familles dans lesquelles ils vivent.

L'idée que l'économie ne peut pas fonctionner à pleine capacité si les femmes élèvent leurs enfants au lieu de travailler ne tient pas compte du fait que ce sont ces enfants qui produiront plus tard la richesse du pays et que leur productivité dépend des efforts considérables qu'ont déployés leurs parents pour les élever. En outre, si un adulte peut se recycler ou se perfectionner, bien souvent, le développement d'un enfant, une fois compromis, peut rarement être rétabli.

Le Dr Paul Steinhauer, de Voices for Children et de l'Hôpital des enfants malades de Toronto, sera à Calgary dans quinze jours pour prononcer une conférence sur le rapport entre les liens parents-enfants et le développement intellectuel des enfants au cours de leur première année et parlera avec les parents d'accueil de notre collectivité de la façon d'agir avec les enfants qui souffrent de troubles dans ce domaine. Le Dr Steinhauer a déclaré que: «Après l'hérédité, le principal facteur qui influence le développement de l'enfant est la qualité des soins parentaux qu'il reçoit, en particulier de la naissance à trois ans.»

• 1345

Le Dr Margaret Clarke du Alberta Children's Hospital travaille à l'initiative Bon départ dans la vie. C'est un programme qui s'appuie sur l'idée que les parents jouent un rôle clé dans le développement harmonieux des enfants. Le Conseil national de la prévention du crime a reconnu l'importance cruciale que jouent les premières expériences des enfants pour la prévention ultérieure des comportements déviants. Il est tout à fait contradictoire de souligner l'importance des soins parentaux, d'en faire connaître les avantages et l'importance et de pénaliser ensuite, par des politiques fiscales défavorables, les parents qui décident de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants.

Kids First accorde actuellement un appui à Beverley Smith, une femme au foyer de Calgary, qui a déposé une plainte officielle pour violation des droits de la personne auprès des Nations Unies en invoquant le fait que le Canada traite de façon inéquitable les femmes au foyer, qui pour la plupart y restent pour s'occuper de leurs enfants. Les Nations Unies se sont engagées à procéder à une enquête approfondie. Il est très triste de voir qu'une Canadienne a été obligée de s'adresser à la communauté internationale pour lutter contre la discrimination exercée contre les parents au foyer.

Depuis les années 70, année où le gouvernement a commencé à utiliser la fiscalité pour éviter qu'un des parents reste à la maison pour élever les enfants, les Canadiens demandent que l'on introduise plus d'équité dans ce domaine. Des comités sénatoriaux, des députés fédéraux, des assemblées législatives provinciales et des spécialistes des soins aux enfants ont signalé le préjudice causé aux familles canadiennes par ces politiques fiscales à courte vue.

Le Dr John Millar, chef des Services de santé de la Colombie-Britannique, a été jusqu'à exiger que l'on accorde des allégements fiscaux aux parents qui restent au foyer pour élever leurs enfants. Il ne suffit pas de décréter une baisse générale des impôts. Kids First Parent Association of Canada vous demande une fois de plus de ne pas chercher à justifier la discrimination fiscale qui touche actuellement les familles à un seul revenu mais d'examiner plutôt comment l'on pourrait traiter de façon équitable les familles canadiennes qui choisissent de faire ce qui est le mieux pour les enfants, comme l'indiquent les recherches, à savoir que le père ou la mère reste à la maison pour s'occuper personnellement de leurs jeunes enfants.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, Mme Perri et Mme Buchanan.

Nous allons maintenant entendre Mme Smith.

[Français]

Mme Beverley Smith (témoigne à titre personnel): Merci. Comme nous vivons dans un pays bilingue, j'ai préparé un discours en français et en anglais, mais j'ai constaté que personne ici n'avait besoin que je parle français. Je vais donc parler en anglais si vous le voulez bien.

[Traduction]

J'enseigne au secondaire ici à Calgary mais je suis venue vous parler aujourd'hui au nom d'un groupe dont je fais partie depuis 20 ans: les mères de famille qui travaillent à la maison. Je soutiens que les politiques fiscales actuelles ne tiennent aucun compte de la contribution qu'apportent plus de trois millions de femmes au foyer et qu'il faudrait changer ces politiques. Il est reconnu depuis longtemps qu'il est inéquitable que les familles à un et deux revenus soient imposées sur le revenu familial et que les parents qui utilisent les services de garderie puissent déduire ces frais de garderie alors que les mères qui s'arrangent autrement ne peuvent le faire.

Il est impossible de nier que ces inégalités existent. Il faut par contre se demander pourquoi elles existent. Je pense que ces inégalités devraient être éliminées pour trois raisons.

Premièrement, lorsque l'on parle d'enfants, il ne faut pas faire de différence entre eux. Il n'y a aucune raison de favoriser certains enfants. Une politique fiscale qui subventionne les enfants qui fréquentent les garderies jusqu'à un maximum de 7 000 $ par année et qui n'accorde aucune aide aux enfants élevés par une grand-mère ou par un des parents est discriminatoire. Cela est injuste. En 1970, la Commission royale sur le statut de la femme recommandait que toute personne élevant un enfant puisse déduire des frais, sans être obligée de produire des reçus, pour la raison que les enfants sont égaux et qu'élever un enfant est utile pour la société, quel que soit le lieu choisi pour le faire. J'appuie cette recommandation mais le gouvernement du Canada n'en tient pas compte.

Deuxièmement, si notre société veut vraiment valoriser le travail des femmes, il ne faudrait pas qu'elle reconnaisse uniquement le travail rémunéré. Les femmes qui travaillent à l'extérieur ont accompli de grands progrès; elles travaillent dans les entreprises, au gouvernement, et dans des professions aussi diverses que la médecine, le droit et l'exploration de l'espace mais tant que nous ne reconnaîtrons pas la valeur du rôle traditionnel des femmes, nous ne reconnaîtrons pas vraiment tous les types d'activités qu'exercent les femmes. Tant que notre pays ne reconnaîtra pas la valeur des soins que les femmes donnent gratuitement depuis des siècles, on ne pourra dire qu'il reconnaît la valeur du travail des femmes. Le Dr Isabella Bakker de l'Université York a effectué une étude qui indique que les budgets fédéraux sous-évaluent depuis des années ce troisième secteur de l'économie, alors que la société l'utilise comme une source inépuisable de services.

Le fait d'exclure ce secteur nous coûte cher. Si nous obligeons toutes les femmes à quitter leur foyer, il faudra quand même accomplir ce travail et l'État sera obligé de payer pour les soins donnés aux malades et aux personnes âgées, aux enfants après l'école et pour le travail social communautaire, ce qui représente une dépense considérable. Mais surtout, avec des budgets qui accordent un traitement discriminatoire aux personnes, hommes ou femmes, qui décident d'élever leurs enfants à la maison, nous créons un régime fiscal qui prive la population d'un droit fondamental, le droit démocratique de choisir sa carrière.

• 1350

Lorsque nous incitons la population à renoncer à une carrière, nous privons ceux qui l'embrassent de la dignité qu'accompagne le sentiment de faire partie de la société en tant que travailleur. Nous les empêchons de participer pleinement à la société, comme les autres adultes, et nous leur refusons le droit d'avoir accès au crédit, de figurer dans les documents de Statistique Canada, d'acheter de l'assurance-vie, de cotiser au Régime de pensions du Canada, d'être consulté au sujet des lois qui les concernent.

En d'autres termes, lorsque nous disons que l'homme ou la femme qui élève ses enfants à la maison ne travaille pas, et que les documents du gouvernement reprennent tous cette idée, ce choix de mots est un affront pour trois millions de personnes. Nous insultons les parents qui travaillent à temps partiel, et qui préfèrent ne pas travailler à temps plein, pour pouvoir s'occuper de leurs enfants. Nous refusons aussi de reconnaître le travail des parents qui travaillent tous deux à l'extérieur et qui se relaient à la maison pour que l'enfant ait toujours un parent à ses côtés mais à qui les lois fiscales actuelles refusent tout allégement pour garde d'enfants.

Nos lois sont désuètes. Elles ne sont plus considérées comme étant équitables. Elles empêchent les familles canadiennes de choisir librement comment élever leurs enfants. Nous obligeons les parents à utiliser les services de garderies s'ils veulent obtenir des déductions, à travailler à l'extérieur pour être considérés comme des parents qui travaillent, et nous limitons ainsi le nombre des solutions qui s'offrent aux familles canadiennes, alors que dans une véritable démocratie, les familles devraient pouvoir disposer d'une large gamme de solutions.

Je suis en faveur de la diversité. C'est à chacun d'entre nous de décider ce qui convient le mieux à nos enfants, à notre carrière, à notre horaire et à notre personnalité. Ces priorités évoluent, les enfants grandissent, le travail se déplace et la maladie nous frappe. Ce n'est pas au gouvernement du Canada ni, Dieu merci, à nous, parce que nous n'avons pas le temps et l'argent nécessaires, d'essayer de faire garder tous les enfants 24 heures par jour, sept jours par semaine, pour répondre à des besoins changeants.

Il faut laisser les gens choisir le style de vie qui leur convient le mieux. Le gouvernement devrait uniquement veiller à ce que le régime fiscal favorise également toutes les solutions. Nous vivons dans un pays libre.

Pour les parents, la décision de travailler à l'extérieur est un choix personnel. La plupart des gens modifient leur choix avec le temps. Les femmes veulent être libres de choisir entre travailler à l'extérieur et s'occuper de leur foyer, en fonction de leur situation personnelle. Le gouvernement Canada ne devrait pas utiliser les lois fiscales ou les lois relatives aux pensions pour pénaliser ces décisions.

Les femmes au foyer sont fières de ce qu'elles font. Ces femmes luttent depuis des années contre le mépris subtil des fonctionnaires, contre les formulaires fiscaux qui laissent entendre qu'elles ne travaillent pas et contre la pauvreté, tout cela pour le bien de leurs enfants. J'ai moi aussi subi ce stigmate social et j'ai dû faire des sacrifices financiers considérables. Si cette loi change, je n'en retirerai personnellement aucun bénéfice parce que tous mes enfants sont maintenant élevés mais je suis passionnément convaincue qu'il faut changer cette loi pour qu'à l'avenir, les familles puissent élever elles-mêmes leurs enfants.

C'est pourquoi je suis venue ici et c'est pour cette raison que j'ai déposé une plainte officiellement devant les Nations Unies. Ma plainte a déjà reçu un appui international. Lorsqu'une femme est opprimée, toutes le sont.

Le président: Merci, madame Smith.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Nous allons commencer par M. Kenney.

M. Jason Kenney: Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins qui nous ont présenté ce matin des exposés créatifs et bien sentis. Il est rafraîchissant d'entendre des opinions qui sortent de l'ordinaire. J'aurais seulement aimé réunir Kids First et l'Association canadienne de la femme et du droit que nous avons entendue hier à Vancouver. Je crois que cela aurait fait des étincelles.

J'aimerais poser ma première question à M. Wilson de l'Alberta School Boards Association. Vous êtes le président de cette association. Êtes-vous membre du conseil scolaire?

M. Roy Wilson: Oui.

M. Jason Kenney: De quel conseil?

M. Roy Wilson: Medicine Hat.

M. Jason Kenney: Je vois. Vous êtes venu de Medicine Hat, c'est tout un voyage. Bienvenue.

Vous dites dans votre exposé que 150 000 enfants vivent dans la pauvreté en Alberta. Comment définissez-vous la pauvreté? S'agit-il des enfants qui vivent dans des familles qui sont sous le seuil de faible revenu de Statistique Canada, le SFR?

M. David Anderson: Si vous me permettez de répondre à cette question, M. Kenney, nous avons utilisé les chiffres du Conseil canadien du développement social. Nous savons qu'il existe toutes sortes de données statistiques mais nous ne tenons pas à débattre du nombre exact des enfants qui vivent dans la pauvreté, parce que cela nous paraît futile. Notre système scolaire nous indique qu'ils sont nombreux.

• 1355

M. Jason Kenney: Il me paraît tout de même important d'essayer d'évaluer l'ampleur du problème auquel nous faisons face. Il existe plusieurs définitions et j'essayais simplement de savoir laquelle vous aviez utilisée.

Nous sommes tous d'accord, comme tous les Canadiens d'ailleurs, pour dire que la pauvreté chez les enfants ne devrait pas exister et que le gouvernement doit faire quelque chose. Notre mission consiste toutefois à découvrir des remèdes et à présenter des recommandations. Vous avez signalé que l'aspect clé était l'éducation et je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est un domaine qui est, bien sûr, de compétence provinciale. Vous avez dit que le gouvernement fédéral pouvait influencer la vie des enfants en accordant un appui financier aux services d'intervention immédiate et à l'éducation des enfants et des parents. Je me demandais ce que vous vouliez dire exactement par là et dans quelle mesure vous pensiez que le gouvernement fédéral devrait intervenir directement dans un domaine de compétence provinciale, l'éducation.

Deuxièmement, vous avez parlé d'offrir des programmes de garderie pour que les parents puissent étudier ou travailler. Il est évident que de tels programmes de garderie coûteraient très cher au gouvernement fédéral. D'après votre évaluation, ce coût se situerait entre 1 et 5 milliards de dollars. Cet argent proviendrait des impôts et serait versé par les familles comme celles qui sont représentées ici, qui ont choisi d'élever leurs enfants à la maison. Une bonne partie de ces familles vivent en fait sous le seuil de faible revenu.

J'ai deux questions. Premièrement, comment conciliez-vous une intervention fédérale dans le domaine de l'éducation et le fait qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale? Ma deuxième question est la suivante, ne pensez-vous pas qu'au lieu de financer les garderies, il serait préférable de prendre des mesures pour qu'il soit plus facile pour les parents qui le souhaitent de s'occuper de leurs enfants chez eux? Il y a beaucoup de familles à faible revenu qui paient des impôts actuellement mais nous avons un régime fiscal régressif. Je me demande si vous pourriez aborder ces deux points.

M. Roy Wilson: Je vais peut-être commencer par répondre à votre deuxième question et je demanderai ensuite à M. Anderson de répondre à la première.

Nous ne nous opposons absolument pas à ce que propose les autres témoins.

Ce qui nous préoccupe, c'est que, lorsque ces enfants arrivent à l'école, quel que soit leur nombre, quelle que soit la définition utilisée, et nous n'avons utilisé qu'une seule définition, nous regardons leur visage et nous y voyons les problèmes qu'ils vivent et leurs difficultés d'apprentissage. Pour ce qui est du régime fiscal, je crois que c'est un aspect qui vous devez régler. On vous a vivement invité aujourd'hui à tenir compte du rôle de la famille dans ce contexte. C'est pourquoi nous ne nous intéressons pas beaucoup aux moyens qui pourront être pris, si ce n'est que les enfants auront davantage de chances, parce que les enfants dont je parle ici commencent leur vie avec un lourd handicap. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que ces deux aspects se chevauchent pour ce qui est des mesures à prendre.

M. Anderson pourrait peut-être vous répondre au sujet de notre demande d'intervention ou de la façon dont elle pourrait s'exercer.

M. David Anderson: Ce serait très mal nous comprendre que croire que nous demandons au gouvernement fédéral d'intervenir dans les responsabilités provinciales en matière d'éducation. Nous n'adopterions jamais une telle position.

Nous pensons que le gouvernement fédéral peut faire beaucoup pour lutter contre la pauvreté chez les enfants. Cela pourrait se faire de plusieurs façons. La principale consisterait à développer l'économie pour qu'il y ait du travail pour tous. C'est un élément absolument essentiel. Il faudrait également alléger les impôts, en particulier pour les personnes à faible revenu. Il y a aujourd'hui trop de ces personnes qui paient des impôts. Nous pensons qu'il faut tout faire pour ne pas prendre l'argent qui se trouve dans les poches des personnes démunies.

Nous estimons néanmoins que ces deux mesures ne pourraient régler à elles seules tous les aspects du problème de la pauvreté chez les enfants ni nous permettre de réaliser l'objectif que s'est donnée en 1989 la Chambre des communes, par une résolution unanime, de supprimer la pauvreté chez les jeunes d'ici l'an 2000. Ces deux genres de mesures ne pourront à elles seules donner ce résultat. Nous avons déjà eu une économie très dynamique et la pauvreté chez les enfants demeure.

Il faut prévoir des dépenses ciblées. Les provinces n'ont pas les moyens d'effectuer ces dépenses. Elles sont par contre les mieux placées pour déterminer comment dépenser ces fonds. La réforme de la politique sociale et les discussions sur le cadre de l'action du gouvernement qui sont en cours à l'heure actuelle vont dans la bonne direction; elles tendent à laisser aux provinces le soin de déterminer, en consultation avec les collectivités locales, le genre d'initiatives qui méritent d'être subventionnées. Mais il est évident que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle dans le financement de ces initiatives.

• 1400

M. Jason Kenney: Voilà qui répond à une question que j'allais poser, à savoir que, si le gouvernement décide d'alléger les impôts, vous pensez qu'il faudrait cibler en priorité les personnes à faible revenu, probablement en augmentant l'exemption de base; on a suggéré d'autres moyens de le faire.

J'aimerais faire une remarque au sujet des définitions. J'ai demandé comment vous définissez la pauvreté chez les enfants parce qu'avec la définition habituelle basée sur le seuil de faible revenu, qu'utilise Statistique Canada et que l'on appelle couramment le seuil de la pauvreté, nous n'arriverons jamais à éliminer la pauvreté chez les enfants parce qu'il s'agit d'une mesure relative; il y aura donc toujours des gens qui vivront en dessous de ce seuil.

J'ai une question pour la représentante de Kids First. Vous avez très bien décrit les inégalités qu'entraîne le régime fiscal, les frustrations permanentes que vous vivez à cause d'elles et les raisons pour lesquelles le gouvernement devrait les supprimer. Toutefois, vous ne nous avez pas présenté de politiques précises qui permettraient d'obtenir ce résultat.

Il y a en fait deux méthodes. La première est le fractionnement du revenu, qui représenterait un changement radical dans nos politiques fiscales. L'autre méthode consisterait à examiner les divers crédits d'impôt et déductions pour tenter d'en uniformiser les effets en transformant la déduction pour frais de garde d'enfants que le gouvernement a récemment augmentée en un crédit remboursable auquel auraient droit tous les parents, quelle que soit la façon dont leurs enfants sont gardés. Cela ne réglerait pas toutefois le problème qui vient du fait que les familles à deux revenus peuvent contribuer davantage aux REER et bénéficient de déductions plus importantes et qu'elles paient donc, en fin de compte, moins d'impôt qu'une famille équivalente ayant un seul revenu. Entre ces deux grandes options, le fractionnement du revenu et la modification du code des impôts, laquelle préférez-vous ou en recommandez-vous une troisième?

Mme Cathy Perri: Nous avons toujours proposé l'étalement du revenu ou le calcul de l'impôt sur une base familiale. Nous avons proposé ces deux solutions parce que notre position a toujours été que ce n'est pas à nous de vous indiquer les moyens à prendre pour réaliser cet objectif; nous voulons simplement qu'il soit atteint.

Le gouvernement a les spécialistes, les fonds, l'argent et le temps pour le faire. Nous sommes des parents qui restons à la maison et notre priorité, c'est notre famille. Effectivement, nous avons déjà recommandé ces mesures. Nous avons proposé de transformer la déduction en un crédit d'impôt. Nous avons examiné la question des pensions des ménagères, l'augmentation de l'exemption personnelle et du droit à la déduction pour conjoint parce que les règles actuelles sont insuffisantes et inéquitables. L'exemption personnelle est plus élevée que l'exemption accordée pour le conjoint à charge. Nous n'aimons même pas l'expression «conjoint à charge» parce qu'elle donne l'impression que, d'une certaine façon, nous sommes opprimées et soumises et que ce que nous faisons n'a aucune valeur.

C'est le fait que l'unité d'imposition soit le particulier qui est à l'origine de la plupart des problèmes et des inégalités qui existent dans le régime fiscal. Vous pouvez transformer la déduction en crédit, par exemple, mais il y aura toujours...

M. Jason Kenney: Veuillez m'excuser. Vous avez mentionné un point auquel je n'avais pas pensé, même si je m'intéresse à cette question. La prestation fiscale pour enfants est calculée en fonction du revenu familial, de sorte que les fonctionnaires du ministère des Finances qui ont élaboré cette politique ont créé un précédent de taille.

Mme Cathy Perri: Ils cherchent à maximiser les recettes, c'est pourquoi ils se basent sur le revenu familial. Ils se sont dits que dans ce cas, cela leur coûterait moins cher s'ils fondaient ces prestations sur le revenu familial mais dans ce cas-ci s'ils se basent sur le particulier, ils vont percevoir davantage de recettes. Je crois que cela dépend. Ils choisissent simplement la méthode qui les avantage le plus.

Le président: Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

J'aimerais poursuivre sur la question des familles à deux revenus par opposition aux familles à un seul revenu et aux problèmes sociaux qui en sont découlés. Vous pourriez peut-être m'aider tous les deux à réfléchir à cette question. Je pense personnellement que notre régime fiscal a commencé, il y a quelques années déjà, à inciter le deuxième parent à travailler à l'extérieur pour pouvoir répondre aux besoins essentiels de la famille. Je pense également que cela a contribué de façon très importante à créer les problèmes sociaux que nous connaissons aujourd'hui, en particulier chez les jeunes.

Il y a également le mythe que ce n'est que dans les familles très riches qu'un des parents peut rester à la maison. Nous savons qu'en fait il y a des dizaines de milliers de familles qui font de lourds sacrifices pour qu'un des parents puisse rester à la maison. Il y en a même qui vivent près du seuil de la pauvreté pour le faire.

• 1405

La question que j'aimerais poser au groupe Kids First est la suivante. Il est difficile de comprendre pourquoi les gouvernements ont refusé jusqu'ici de faire face à cette situation et de mettre sur pied un régime fiscal équitable qui viendrait atténuer les difficultés découlant du fait qu'un des parents s'occupe des enfants. Pourquoi pensez-vous que cela n'a pas été fait? On a fait certainement suffisamment d'études qui indiquent que les soins parentaux que reçoivent les enfants au cours de leurs premières années jouent un rôle essentiel dans leur vie. Pourquoi n'a-t-on pas tenu compte de cet aspect jusqu'ici?

Mme Cathy Buchanan: Je crois que je vais répondre à cette question, parce que je l'ai toujours fait.

J'ai un jeune enfant et je travaille à plein temps, chose que, avec ce que je sais aujourd'hui et les études que j'ai lues, je ne referais pas... Je suis retournée travailler lorsque mon premier enfant a eu deux mois. Cependant j'ai eu la chance d'avoir une femme extraordinaire qui dirigeait une garderie, non déclarée, je peux le mentionner ici, parce qu'elle trouvait cela moins compliqué que de faire partie du système officiel des garderies.

J'ai également travaillé à temps partiel à l'extérieur, et je suis restée à la maison à plusieurs reprises. Cela ressemble sans doute à ce qui se passe dans beaucoup de familles. Je crois que cela dépend principalement du réseau d'aide auquel vous avez accès.

Dans mon cas personnel, nous avons émigré de l'Ontario. Nous n'avions pas de famille ici. Si ma mère avait habité près de chez moi, je crois qu'elle m'aurait très bien remplacée.

Les études indiquent qu'il devrait y avoir au moins une personne, peut-être deux mais au moins une, qui s'occupe principalement d'un enfant, qui se dévoue à lui et avec qui l'enfant peut créer des liens.

Nous savons que la première année de l'existence d'un enfant est critique. Nous n'en avons pas parlé aujourd'hui parce que nous avons principalement traité des aspects financiers, mais c'est une chose que nous avons demandée.

S'occuper chez soi d'un enfant à plein temps comporte un désavantage, à savoir qu'il n'y a pas de système de soutien intégré pour les parents qui choisissent de le faire, et que cela est un choix de carrière très difficile à faire. Les femmes constatent souvent, après quelques mois, qu'elles supportent mal la solitude et elles ont très envie de retourner dans un environnement familier, qui est parfois leur milieu de travail. C'est peut-être parce qu'on ne les a pas sensibilisées aux besoins des enfants et à l'importance de l'allaitement.

Les services de soutien sont très inégaux au Canada. Le problème vient du fait que les politiques fiscales du gouvernement ne favorisent qu'une seule forme de soins aux enfants alors que, d'après nous, cela devrait être une décision familiale; ce sont les familles qui sont le mieux placées pour décider si les services de garderie sont suffisants pour que les deux parents puissent travailler à l'extérieur ou si elles préfèrent que le père ou la mère reste à la maison, parce qu'elles pensent que cela est préférable pour leurs enfants.

Les parents célibataires n'ont pas ce choix en Alberta parce que le travail de parents est très dévalorisé; nous savons pourtant que les enfants qui viennent de ce type de familles ont beaucoup plus de problèmes que les autres par la suite. Nous ne pensons pas qu'il soit important qu'une mère célibataire, par exemple, s'occupe de son enfant la première année.

Nous essayons en fait de dire que nos politiques fiscales ne tiennent pas compte de ce que disent les autres ministères du gouvernement. Elles sont plutôt conformes à l'idée que les parents doivent travailler tous les deux pour que les femmes, en particulier, ne soient pas désavantagées sur le plan économique par la suite, en cas d'échec du mariage ou au cas où l'autre parent décéderait.

Nous savons que la pauvreté est grande chez les aînées parce qu'elles sont restées à la maison pendant des années et qu'elles n'ont pas accès à un régime de retraite pour les personnes au foyer. Ce sont pour nous des victimes de notre régime fiscal.

M. Dick Harris: Vous savez, j'en suis sûr, que la situation des familles monoparentales est très préoccupante mais je pensais plutôt au cas des familles où les deux parents travaillent à cause de l'iniquité du régime fiscal qui n'accorde pas les allégements fiscaux qui permettraient à un des parents de rester à la maison.

• 1410

Pourquoi pensez-vous que le gouvernement n'a pas jugé bon de mettre sur pied un système fiscal qui permettrait à un des parents de rester à la maison pour s'occuper des enfants? Il est tout à fait disposé à financer différents types de garderie lorsque les deux parents travaillent, mais lorsque l'un d'entre eux décide de rester à la maison, une décision familiale, le traitement fiscal est vraiment inéquitable.

Mme Beverley Smith: J'aimerais présenter Heather Gore-Hickman, comptable agréée et mère au foyer. Elle connaît très bien la situation canadienne et peut faire des comparaisons avec la situation américaine.

Mme Heather Gore-Hickman (témoignage individuel): Merci.

Le gouvernement est au courant de la différence de traitement, qui est l'expression utilisée. Le document qu'a mentionné Kids First, qui a été préparé par le ministère des Finances en 1996, s'intitule L'imposition du revenu familial: Résumé de la question. Il est mentionné dans ce document que, d'après les chiffres de 1993, 17 p. 100 seulement des familles canadiennes utilisent les déductions pour frais de garde d'enfants.

D'après les données du recensement qui vient d'être publié en 1998, ce pourcentage est actuellement de 10 p. 100. Huit cent douze mille familles sur 7,8 millions de familles canadiennes, ce qui comprend les familles monoparentales, ont demandé une déduction pour frais de garde d'enfants. Dans 55 p. 100 de ces familles, les deux parents travaillent, mais il n'y a que 10 p. 100 des familles qui demandent cette déduction, ce qui veut dire qu'une bonne partie de ces 55 p. 100 de familles où les deux parents travaillent refusent d'utiliser les garderies officielles. Ils ont recours à toutes sortes de solutions, ils se relaient auprès des enfants, ont recours à des entreprises familiales, travaillent à distance, ou confie l'enfant à la grand-mère, et tous ces choix entraînent un traitement discriminatoire. Ces familles sont pénalisées, tout comme le sont les familles à un seul revenu.

M. Dick Harris: Merci beaucoup.

Ma dernière question s'adresse à MM. Wilson et Anderson.

J'aimerais parler des difficultés auxquelles font face les enfants, qu'ils viennent d'une famille monoparentale ou d'une famille où les deux parents travaillent par opposition à la situation où un des parents reste à la maison pour s'occuper des enfants. Y a-t-il des études qui examinent les attitudes des enfants qui ont un parent à la maison et de ceux qui n'en ont pas? Avez-vous des résultats ou des conclusions à nous communiquer sur cette question?

M. Roy Wilson: Monsieur Harris, je ne crois pas qu'il existe d'étude de ce genre. Cela serait pourtant intéressant. Je ne sais pas jusqu'à quel point on peut être objectif dans ce genre d'études.

Les études récentes qui portent sur cette question indiquent une chose intéressante, à savoir que l'élément essentiel n'est pas la personne qui s'occupe de l'enfant, c'est la qualité des soins que cette personne lui donne. Si les études concordaient toutes sur ce point, il vous serait plus facile, en tant que député, de proposer des mesures, mais ce n'est pas le cas.

Je suis très heureux que ces personnes aient soulevé la question de l'impôt. Il est essentiel que vous l'abordiez. Mais les problèmes que connaissent ces enfants sont beaucoup plus complexes que celui-là. Ils ne pourront être réglés en touchant uniquement cet aspect-là. Il faut bien sûr le régler, mais la situation est beaucoup plus complexe. Notre société reflète certaines valeurs. Quel que soit le régime fiscal, il y aura toujours des gens qui vont adopter des comportements inacceptables pour ce qui est du bien-être des enfants.

Nous avons de graves problèmes à régler dans ce domaine. Il est peut-être bon de commencer par ceux que l'on peut régler, mais ce n'est qu'un début. Il ne faudrait surtout pas penser que cela va résoudre nos difficultés... Je dirais que c'est un début. Ce n'est qu'un début.

Mais je ne connais pas d'étude de ce genre. Je ne sais pas si vous en avez déjà vu, David.

M. David Anderson: Non.

M. Dick Harris: Très bien.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.

Je n'ai qu'une seule question à poser, mais je vais la faire précéder d'un petit préambule.

Monsieur Wilson, vous avez parlé de la motion qu'avait adoptée le Parlement en 1989, et en fait c'est moi qui l'avais appuyée, en vue de supprimer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Il est inutile que je rappelle aux gens qui sont ici que nous sommes loin d'y être parvenus. En réalité, la situation s'est même aggravée, et je crois qu'elle s'aggrave encore, malgré les initiatives qu'ont prises les différents paliers de gouvernement.

• 1415

Toutes les personnes qui ont témoigné aujourd'hui ont décrit une situation tragique qui perdure ou signalé des inégalités ou des déséquilibres très graves dans la façon dont nous concevons et appuyons financièrement les soins donnés aux enfants. Je ne pense pas qu'il y ait une personne assise à cette table qui nierait que les premiers jours, mois ou années d'un enfant sont absolument cruciaux, non seulement pour cet individu, mais pour l'ensemble de la société.

Lorsque nous avons présenté cette motion au Parlement, c'est un gouvernement conservateur qui était au pouvoir. Il n'a pas fait grand-chose. Nous avons maintenant un gouvernement libéral; il n'a pas fait grand-chose. Je ne vais pas proposer de remplacer le gouvernement pour que ça change, parce que si l'on regarde ce que font les gouvernements provinciaux, on constate que les problèmes demeurent.

La question que j'aimerais vous poser, puisque manifestement vous vous intéressez vivement à cette question, au point où vous nous avez remis des documents extrêmement intéressants et que vous avez saisi les Nations Unies du problème pour en accélérer la solution, en y consacrant votre temps, est la suivante: pourquoi pensez-vous que nous, en tant que nation...? Soyons réalistes: les personnes qui se trouvent autour de cette table, les représentants élus, ne font que refléter les idées de la population. Nos opinions ne diffèrent pas de celles du reste de la population, parce qu'autrement, on nous remplacerait. Je parle donc de nous en tant que pays.

D'autres pays se sont attaqués à ce problème beaucoup plus vigoureusement que nous et ils ont réussi à supprimer la pauvreté chez les enfants, parce qu'ils l'ont fait chez les adultes. Il n'y a pas de pauvres dans certains pays mais notre pays est tellement vaste. Il y a d'autres pays qui ont pris toutes sortes d'initiatives audacieuses pour s'occuper des jeunes enfants et fournir un appui aux parents. Nous n'avons pas été aussi actifs.

Sans critiquer les politiciens et les gouvernements, pourquoi pensez-vous que notre société n'a pas choisi de s'attaquer sérieusement à ce problème, qui est manifestement un problème essentiel pour l'avenir de notre pays? Pourquoi avons-nous été aussi négligents, insensibles et aussi durs, choisissez le mot que vous voulez? Expliquez-nous pourquoi nous n'avons pas encore fait ce que nous aurions dû faire il y a longtemps.

Ce n'est pas une question facile.

Mme Beverley Smith: Eh bien, c'est la grande question. Vous me demandez d'expliquer une politique gouvernementale?

M. Nelson Riis: Non.

Mme Beverley Smith: Très bien.

M. Nelson Riis: Manifestement, vous vous préoccupez...

Mme Beverley Smith: Oh, la société, très bien.

M. Nelson Riis: Oui, parce que nous représentons la société. La population élit les politiciens qui représentent ses intérêts. C'est ce que nous faisons.

Mme Beverley Smith: Très bien, voilà comment je vois les choses.

Historiquement, nous avons été emportés par un mouvement de masse. Il y a eu la première vague du féminisme, qui a permis aux femmes d'entrer au Sénat. C'était dans les années 20. Et nous avons ensuite obtenu le droit de vote, ce qui représentait un grand pas. Cela a été un progrès très important.

Il y a eu ensuite la deuxième vague du féminisme dans les années 60, cela a été un mouvement extraordinaire qui a amené les femmes à se tailler une place dans toutes les professions, le droit, la médecine, l'ingénierie, etc. Il a fallu briser les barrières invisibles, obtenir l'équité salariale, etc., autant d'efforts que nous appuyons tous.

Les femmes qui se trouvent à l'heure actuelle à la tête du mouvement féministe sont de la deuxième vague; elles ont été très actives au cours des années 60 et 70 et elles ont accompli de grandes choses. Elles ont toutefois perdu le contact avec la génération suivante, celle des femmes qui sont maintenant dans la vingtaine et qui ont parfois été élevées dans les garderies. Ces femmes disent: «Un instant. Vous voulez que nos activités, quelles qu'elles soient, soient valorisées mais pourquoi n'acceptez-vous pas que nous restions à la maison? Pourquoi excluez-vous cette possibilité?» Cela a été un choc pour les féministes de la deuxième vague parce qu'elles craignent maintenant que nous décidions de rester à la maison.

On assiste aujourd'hui à l'apparition d'une troisième vague de féministes, celles des jeunes femmes. Personnellement, je pense que la société ressent encore les effets de la deuxième vague du mouvement féministe, qui est un excellent mouvement, mais il faut progresser. Il nous faut reconnaître que le travail des femmes a une valeur, quel que soit le lieu où il s'effectue.

Les femmes qui font du lobbying sont des femmes dynamiques, mais elles sont de la deuxième vague et elles ont perdu un peu le contact avec la troisième vague.

Mme Heather Gore-Hickman: Puis-je ajouter quelque chose à ce à quoi Bev vient de faire allusion à la fin de ses remarques?

Pour ce qui est de notre échec en tant que société, il faut dire que le lobby des garderies est un lobby bien structuré et bien financé. La plupart des parents au nom de qui nous parlons sont très occupés à élever leur famille. Ils ne disposent pas de ressources illimitées et ils n'ont pas l'appui des entreprises; ils ont donc du mal à se faire entendre des politiciens et à présenter des arguments pour contrer les justifications que le gouvernement met de l'avant pour maintenir ses politiques discriminatoires.

• 1420

Le gouvernement affirme, par exemple, que le travail non rémunéré effectué à la maison n'est pas imposable, de sorte que les personnes qui l'effectuent bénéficient d'un avantage fiscal. On dit également que les parents qui restent à la maison ont plus de loisir. Ce sont des justifications qui ont été avancées pour préserver un système qui a des effets tout à fait disproportionnés.

Le lobby des garderies défend les intérêts des 10 p. 100 de familles qui ont accès à la déduction pour frais de garde d'enfants. On a parlé tout à l'heure de la qualité des services de garderie mais cette notion, sur le plan politique, est examinée habituellement sous l'angle du rapport entre le nombre d'enfants par éducateur, des permis de garderie, etc. Pour les spécialistes du développement, la qualité des soins dépend de la continuité de la présence de la personne qui s'occupe de l'enfant, du temps qu'elle passe à lui parler et à lui donner de l'affection, ce qui est impossible avec le système des garderies actuel, à cause des ratios enfants, éducatrices, autorisés par les permis.

Tout comme Bev, j'appuie la liberté de choix. Ce n'est pas moi qui vais obliger les femmes à rester au foyer. J'ai beaucoup travaillé pour devenir comptable agréée. Je travaille à temps partiel. Comme nous l'avons tous fait, j'ai pris toutes sortes de dispositions pour pouvoir m'occuper de mes enfants. Nous ne voulons pas être pénalisées par le gouvernement pour la façon dont nous avons choisi d'élever notre famille.

Mme Cathy Perri: Je partage l'opinion de Bev et Heather.

Nous avons constaté, avec Kids First et avec le mouvement d'appui aux parents, pas nécessairement les femmes au foyer mais les parents au foyer, que dès que nous abordons cette question avec les médias, nous nous heurtons à un mur. Nous n'arrivons pas à nous faire entendre. Il nous est très difficile de nous faire entendre parce que personne ne veut parler de cela. Dès que l'on commence à parler d'accorder un soutien aux parents qui restent à la maison, en particulier aux femmes, nous sommes immédiatement étiquetées. Nous sommes étiquetées et bâillonnées. On nous considère comme étant anti-femmes, anti-égalité, anti-garderies, et nous sommes réduites au silence.

Il est donc difficile de nous faire entendre, de sensibiliser les gens à l'importance des soins donnés aux enfants et des liens parentaux. Il est très difficile de se faire entendre, de faire connaître toutes ces opinions et de les faire respecter. C'est le genre de réaction que nous avons rencontrée avec Kids First.

Nous avons également constaté que la résistance vient principalement du mouvement féministe, ce qui est regrettable et très triste. Il est très triste de voir que le choix que nous avons fait de rester à la maison pour s'occuper de nos enfants, quelle que soit la façon dont nous le faisons, que ce soit à temps partiel ou à temps plein ou en nous relayant avec l'autre parent, est grandement dévalorisé.

On ne nous invite pas à participer à quoi que ce soit. Nous sommes même exclues des discussions sur les garderies. Nous sommes exclues des discussions sur les problèmes des femmes, parce qu'on pense que nous voulons obliger toutes les femmes à rester derrière leurs fourneaux. Nous n'arrivons pas à retirer cette étiquette, et ce n'est pas faute d'efforts. Je peux vous dire que nous avons essayé de le faire, de nous faire entendre et d'appuyer les hommes et les femmes qui restent au foyer pour s'occuper de leurs enfants. Nous n'y arrivons pas.

Mme Cathy Buchanan: J'aimerais ajouter qu'une étude américaine qui remonte à quelques années a signalé que l'un des groupes sociaux qui avait le moins de pouvoir était celui des parents au foyer, des jeunes parents qui s'occupent de leurs enfants. Je suis certaine que ceux d'entre vous qui ont des enfants à la maison ou qui s'en occupent actuellement savent que lorsque l'on a un bébé, la priorité est de satisfaire ses besoins et non pas de rédiger un mémoire sur les questions prébudgétaires pour le comité des finances.

Nous avons parlé de cet aspect ces derniers jours. J'ai un enfant malade à la maison. Je ne devais pas pouvoir venir aujourd'hui mais quelqu'un est venu à la dernière minute pour s'en occuper, ce qui explique ma présence ici aujourd'hui. Voilà le problème auquel nous faisons face actuellement.

Il y a également le fait que les enfants ne votent pas.

Ce groupe de personnes est complètement réduit au silence à cause des priorités qu'elles se sont données. Mon plus jeune enfant a maintenant six ans et je vais peut-être avoir un peu plus de temps et j'aimerais reprendre ma carrière, que ce soit à temps partiel ou à temps plein, pour gagner un salaire, après des années de travail non rémunéré.

Voilà ce dont il s'agit, un groupe de jeunes mères que nous rencontrons fréquemment. Lorsque vous avez trois ou quatre enfants d'âge préscolaire, pensez-vous vraiment que notre priorité soit de faire du lobby auprès du gouvernement pour lui demander de changer les lois qui nous compliquent la vie?

Nous recevons des appels du genre: «Je viens de m'apercevoir que mon enfant mange à la cantine à l'école. Je ne peux pas demander de déduction mais mon voisin le fait. Comment cela se fait-il?» C'est de ce genre de choses qu'il s'agit. Le gouvernement ne voit pas combien ces mesures touchent les gens et leur famille. Pendant six ans, ma soeur a eu droit à toutes ces déductions. Nous n'y avons pas droit. Si notre revenu est à peu près le même...

Je reçois des cartes postales de gens qui m'écrivent pendant qu'ils sont en vacances dans des contrées exotiques. Je n'essaie pas de déformer la réalité ici; c'est simplement une question d'équité et cela crée des tensions au sein des familles et dans les quartiers. Si nous parlions davantage de nos finances avec nos voisins, cela créerait sans doute davantage de problèmes, mais c'est un peu comme la religion. Il est rare que l'on parle de ses impôts, de sorte que les gens ne le savent pas. C'est lorsqu'ils s'en aperçoivent. Et il est difficile, comme Cathy l'a mentionné, de se faire entendre.

• 1425

Le président: J'aimerais vous poser une question au sujet d'un commentaire que vous avez fait, si M. Riis le permet.

Vous avez dit que les enfants ne votaient pas. Ne pensez-vous pas que les membres du comité en tiennent compte? Vous ne pensez pas que la santé des enfants, la pauvreté des enfants sont des sujets qui nous préoccupent beaucoup?

Mme Cathy Buchanan: J'en suis convaincue mais il y a peut-être aussi un manque de sensibilisation. La plupart des députés ne savent pas ce que veulent dire concrètement les politiques fiscales pour les familles. Nous vivons dans une collectivité où le revenu moyen est de 40 000 $ et il y a beaucoup de parents au foyer. Comment y parviennent-ils?

Le président: Pour en revenir à un commentaire qu'a fait M. Riis, vous pensez donc que les représentants élus ne reflètent pas le sentiment de la population. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Cathy Buchanan: Ils représentent peut-être davantage les personnes qui les sollicitent le plus. Lorsque 20 propriétaires d'entreprises vous écrivent pour vous parler d'une question, vous êtes au courant de la question et vous y prêtez attention. Croyez-vous qu'une mère au foyer qui a dormi deux heures par nuit depuis quatre jours va vous écrire pour vous parler du régime fiscal?

Le président: Seriez-vous rassurée si je vous disais que j'ai deux enfants?

Mme Cathy Buchanan: Oui. Est-ce qu'un des parents s'en est occupé à la maison?

Le président: Oui, nous l'avons fait.

Mme Cathy Buchanan: Très bien, vous savez donc ce qui arrive lorsque l'on passe de deux à un seul revenu dans une famille et quelles sont les répercussions fiscales.

Cela dépend également de votre revenu. Si vous gagnez suffisamment, vous ne vous en apercevez pas vraiment, ce n'est pas un problème ou vous vous dites que vous pouvez vous le permettre. Vous n'allez pas vous joindre aux parents pour qui cela est très difficile.

Mme Cathy Perri: Nous disons que le gouvernement ne s'intéresse pas à cet aspect, mais nous constatons toutefois que les autres ministères s'en soucient. Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, Santé Canada, Justice, Ressources humaines, et d'autres ministères parlent de l'importance du rôle des parents, de la qualité des soins donnés aux enfants, et cela est très bien. C'est exactement ce que nous disons et de plus en plus d'études le confirment.

Voilà quel est notre problème. Il y a certains ministères qui prônent l'allaitement, qui s'occupent du stress chez les femmes et de leur santé mais il y a, de l'autre côté, le ministère des Finances qui vous pénalise lorsque vous faites ce que les autres ministères vous recommandent ou vous suggèrent.

Je crois que les intentions du gouvernement sont excellentes. Je suis convaincue qu'il ne cherche pas à détruire la vie de ces enfants et qu'il ne veut pas en faire des jeunes asociaux et délinquants. Bien sûr que non. Il y a d'un côté plusieurs ministères du gouvernement qui disent les mêmes choses que nous au sujet du rôle des parents, au sujet de l'importance de donner aux enfants un bon départ dans la vie. Et il y a de l'autre côté, le ministère des Finances qui dit: «Eh bien, si vous faites cela, nous allons vous coincer. Vous allez être pénalisés à cause de vos choix.»

C'est de là que vient le problème. Nous sommes tout à fait d'accord avec Santé Canada et avec le ministère de la Justice. Nous avons du mal à obtenir la collaboration du ministère des Finances pour qu'il appuie, par ses politiques fiscales, ce que préconisent les autres ministères.

M. Roy Wilson: J'aimerais répondre également à la question de M. Riis du point de vue de l'éducation publique.

Monsieur Riis, vous n'auriez peut-être pas dû appuyer la motion comme vous l'avez fait, parce que je ne pense pas que les valeurs canadiennes vont nous permettre de réaliser ce que vous souhaitez. C'est peut-être tout de même une bonne chose de s'être fixé un but auquel nous pouvons tous travailler.

Je crois que, dans certains pays, les conflits sont davantage axés sur les collectivités qu'ici. Au Canada à l'heure actuelle, et c'est ce que j'entends souvent dire à mes collègues qui sont assis à cette table, il y a un conflit entre les choix individuels et la collectivité. Ceux qui sont en faveur d'un système d'éducation publique pour les enfants, pour leur donner des possibilités d'avenir, entendent d'autres qui disent: «Mais nous voulons pouvoir choisir». Tant que nous fournissons ce service et que nous disons qu'il est important de pouvoir choisir, nous donnons aux gens la possibilité de faire des choix, de faire des erreurs et de construire leur propre collectivité.

• 1430

Avec un tissu social aussi lâche, il est difficile d'avoir le genre de réussite qu'ont connu certains autres pays, qui ont réussi à dépasser la fragmentation des intérêts. Nous sommes une société très fragmentée.

Tout ce que je peux vous demander est de régler les problèmes qui vous ont été présentés ici et pour lesquels vous avez des solutions. Nous pourrons ensuite travailler à renforcer le sens de la collectivité. Tant qu'il y aura des gens qui pensent que la pauvreté est parfois méritée, nous ne pourrons jamais régler ce problème, parce que nous pensons qu'il y a des gens qui méritent d'être pauvres et que c'est une bonne chose pour eux.

M. Nelson Riis: Je constate que les positions qu'ont adoptées les témoins ici sont par nature conflictuelle. Il y a des gens qui privilégient les choix individuels et d'autres, qui préfèrent une approche collective. Ce sont des questions fondamentales qui méritent d'être examinées.

J'aurais une dernière question pour Mme Smith.

Vous avez remis un mémoire très complet et nous allons bien sûr l'examiner en détail mais pouvez-vous nous dire si, d'après vous, il existe un pays qui ait réussi à régler plus efficacement que nous l'avons fait le genre de questions que vous avez soulevées?

Mme Beverley Smith: Je ne suis pas vraiment convaincue par les solutions qui ont été adoptées ailleurs. La Norvège donne de l'argent aux femmes pour qu'elles s'occupent de leurs enfants à la maison. Il y a d'autres pays scandinaves qui examinent cette question. L'Italie accorde une pension aux ménagères, c'est une bonne chose. Les États-Unis et plusieurs autres pays permettent le fractionnement du revenu; cela est également une bonne chose. Nous allons devoir trouver nos propres solutions. Je cherche principalement à vous amener à vous pencher sur ce problème.

Je crains beaucoup de vous avoir blessé, M. Bevilacqua, parce que je ne voulais pas du tout vous critiquer parce que vous avez fait des choix qui ne sont pas les miens. Quelles que soient les décisions personnelles que vous avez prises, je sais que tous les parents aiment leurs enfants et qu'ils font de leur mieux pour s'en occuper. Je ne voulais pas vous insulter, ni critiquer vos choix. Nous essayons simplement d'introduire plus d'ouverture dans ce domaine.

Quelqu'un m'a demandé s'il y avait eu une étude de faite. Le Sénat a effectué une étude intitulée L'enfant en péril. Lorsqu'il s'agit d'élever un enfant, l'élément essentiel est que ce soit la même personne qui s'en occupe pendant trois ans et que cette personne aime l'enfant. Il n'est pas nécessaire que ce soit un des parents. Cela peut être un grand-parent, un voisin, ou tout simplement une personne que l'enfant connaît. Il faut simplement éviter que ce soit une succession d'étrangers qui s'en occupent. Si vous avez trouvé un service de garderie, ou une personne qui s'occupe de votre enfant à la maison, qui vous offre ces choses-là, cela est très bien.

Mme Heather Gore-Hickman: Pour enchaîner sur le commentaire de Bev, c'est un des éléments que les services de garderie ne sont pas en mesure de fournir. Le taux de roulement du personnel est de près de 40 p. 100. Même si les locaux semblent accueillants, il y a souvent un taux de roulement élevé chez les éducateurs et les enfants s'attachent à quelqu'un qui ensuite quitte la garderie.

Je suis sûre qu'il y a de bons services de garderie qui assurent une continuité dans ce domaine mais je m'oppose à ce que l'on pénalise les familles qui déploient autant d'efforts pour mettre sur pied des arrangements complexes pour avoir deux revenus, tout en ayant un parent à la maison ou en se transformant en familles à revenu unique.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

J'ai bien aimé tous vos exposés. Ma première question s'adresse à MM. Wilson et Anderson.

Je dois mentionner que je connais M. Anderson. Je viens de la Colombie-Britannique. Je sais que vous êtes différent.

Quoi qu'il en soit, vous avez parlé de la pauvreté chez les enfants. Le Vancouver School Board a élaboré un plan très détaillé pour lutter contre la pauvreté chez les enfants, qu'il a appelé Windows of Opportunity. En fait, je participe à cette initiative pour voir comment nous pouvons aborder ce problème.

J'aimerais faire quelques commentaires auxquels vous pourriez peut-être répondre. Nous sommes venus de villes et de provinces différentes pour écouter vos idées et vos préoccupations et pour pouvoir ensuite les ramener à Ottawa. Notre but est de recevoir vos suggestions et vos idées.

Je ne suis pas tout à fait d'accord pour que le gouvernement fournisse toutes les solutions. Cela ressemblerait à une dictature. Nous sommes dans un régime démocratique. Nous sommes venus vous consulter, vous, la population. Nous respectons vos suggestions et vos idées; c'est pour cela que nous sommes ici. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus? Voulez-vous que nous nous chargions de tout?

• 1435

M. Roy Wilson: Merci. Je vous félicite d'avoir mentionné le programme de Vancouver. Notre conseil scolaire a publié un document qui décrit les pratiques particulièrement intéressantes qui ont été adoptées dans diverses provinces, il y avait des choses extrêmement novatrices, pour répondre à ce besoin. C'est un projet qui est lancé.

Lorsque nous avons préparé notre comparution devant votre comité, nous savions qu'il s'agissait de consultations prébudgétaires et nous avons principalement réfléchi à l'aspect financier de la question. C'est pourquoi nous avons principalement parlé des prestations pour enfants. Nous ne sommes pas venus vous apporter des solutions parce que là encore, nous pensions que votre rôle est tout à fait limité. Nous serions très heureux de le faire et nous continuons à défendre, à l'échelle nationale, les intérêts des jeunes d'une façon plus large, qu'il s'agisse des jeunes contrevenants, par exemple. Nous n'avons aucune objection à vous fournir tout cela. Là encore, nous pensions qu'il s'agissait là d'un aspect limité de votre mandat, c'est pourquoi nous ne vous avons pas présenté de solutions.

Nous vous disons «Les provinces ont besoin d'un appui financier pour faire ces choses. C'est votre rôle. Travaillons ensemble dans ce domaine.» Je suis très heureux de voir que nous pouvons vous être utiles pour examiner les solutions que l'on pourrait retenir et nous sommes tout à fait disposés à le faire.

Mme Sophia Leung: Nous serions très heureux de travailler avec vous. En particulier, en tant que nouvelle présidente du caucus pour le nord-ouest du Canada, j'aimerais encourager les gens de l'Ouest à faire connaître leurs idées et ne pas attendre que la grosse machine trouve toutes les solutions. D'accord?

Des voix: Oh, oh!

M. David Anderson: Il ne viendrait jamais à l'idée d'un Albertain de demander à Ottawa de trouver toutes les solutions.

Des voix: Oh, oh!

M. David Anderson: Ce n'est certainement pas ce que nous souhaitons faire. Nous avons examiné beaucoup de solutions dans nos écoles et dans nos systèmes scolaires au niveau local. Il y en a beaucoup qui obtiennent des résultats vraiment surprenants avec des ressources très réduites.

Nous connaissons certains éléments qu'il faudrait mettre en place au niveau local. Nous attendons du gouvernement fédéral qu'il nous donne un appui pour le programme national de prestations pour enfants. Nous voulons que l'engagement sur lequel les premiers ministres se sont entendus, soit 2,5 milliards de dollars d'investissement d'ici l'an 2000, soit respecté et nous aimerions beaucoup que le budget contienne des mesures qui appuieraient ces initiatives locales.

Mme Sophia Leung: Merci. Très bien.

Le président: C'est votre priorité, n'est-ce pas?

M. David Anderson: Exact.

Mme Sophia Leung: J'aimerais m'adresser aux dames ici, à Mmes Smith et Perri.

Vous êtes très bien informées et il nous a été très utile d'entendre votre exposé. J'aimerais faire quelques commentaires et vous poser une question.

Vous avez dit que les femmes au foyer avaient un sentiment d'aliénation et qu'elles se sentaient dévalorisées. J'ai beaucoup de mal à accepter cette analyse. C'est une perception sociale que vous interprétez. Dans certaines cultures, c'est le contraire: c'est la mère qui travaille qui est mal perçue. C'est ce que j'ai vécu. La situation était très simple: la femme ne travaille pas parce que son rôle est de rester à la maison. Elle est plus valorisée et plus respectée si elle reste à la maison, parce que c'est là son rôle traditionnel. C'est pourquoi j'ai du mal à vous suivre.

Bien entendu, les situations varient énormément. Il peut arriver qu'une femme se sente dévalorisée pour de nombreuses raisons et il me paraît difficile de dire que cela vise toutes les femmes qui restent au foyer, qu'on les considère comme des inadaptées.

Mme Cathy Perri: Nous parlons au nom de milliers et de milliers de parents au foyer. Nous recevons des lettres et des coups de téléphone tous les jours.

Sur la question de l'estime de soi, personnellement, je ne me sens pas dévalorisée. Je suis très fière de ce que je fais. Ce que je fais est bon pour moi, bon pour ma famille et bon pour mes enfants. Je n'ai aucun problème avec cela.

Mais il y a d'autres femmes qui nous disent qu'elles se sentent dévalorisées, parce que c'est la perception générale. Cela ressort de la façon dont les médias décrivent ces femmes, chaque fois qu'il y a un article sur une mère au foyer, ils la montrent devant la télévision en train de manger des douceurs. Ou vous recevez le message lorsque vous travaillez pour une école et que l'on s'attend à ce que vous soyez toujours prête à faire du travail de bénévole lorsque vous êtes à la maison et donc près de votre téléphone. C'est une image qui est très répandue.

Nous le voyons constamment dans la publicité. Nous avons mis sur pied un groupe de surveillance des médias qui examine ce qui paraît dans les médias et cela ne vient pas seulement du Canada. C'est la même chose aux États-Unis. Heather Gore-Hickman faisait partie de Mothers At Home aux États-Unis et parle au nom de milliers de mères au foyer de ce pays.

• 1440

Ce stigma social existe dans notre culture et dans notre société; lorsque vous restez à la maison, vous n'êtes pas productive. On vous demande tous les jours des questions du genre: «Comment se fait-il qu'une femme aussi intelligente que vous reste à la maison?» ou «Pourquoi avez-vous étudié si c'est pour rester à la maison et s'occuper des enfants?» On nous pose constamment ce genre de questions.

Mme Sophia Leung: C'est vrai mais si vous croyez que ce que vous faites est important pour votre famille, et nous en revenons à la liberté du choix et à la liberté des familles, peu importe ce que disent les autres. Si vous voulez être professeure, doctoresse ou travailleuse sociale, c'est votre choix. Je ne vais pas continuer sur ce sujet, cela pourrait nous entraîner dans un long débat.

Je suis une mère célibataire et je vois mal... La plupart des femmes arrivent à combiner leur carrière et leur vie familiale. Nous savons que cela est très difficile. Les gens choisissent le plus souvent la voie de la facilité, et ce, pour beaucoup de raisons. Je ne vais pas généraliser. Je dis que cela est connu. Chacun doit décider ce qui lui convient. Si l'on veut combiner les deux, très bien ou alors, ne tenez pas compte des critiques. Cela est très important.

Je vous ai toutes entendu dire que le gouvernement pénalisait les femmes qui restent à la maison. Ce n'est pas ma perception. C'est plutôt le contraire. Si je suis devenue députée, c'est en partie parce que je me suis donné comme mission d'améliorer la vie des Canadiens, en particulier celle des femmes démunies et des enfants pauvres. Ma perception est tout à fait contraire. Pourriez-vous m'expliquer davantage pourquoi vous pensez que le gouvernement vous pénalise? Nous essayons de vous appuyer, de tenir compte des souffrances des femmes et des enfants et de vous aider.

Mme Cathy Buchanan: Ma mère s'occupait de nous à plein temps lorsque nous étions tout petits et par la suite, elle a travaillé à temps partiel et puis à temps plein. Pour les femmes de sa génération, il était normal de rester à la maison et on regardait de travers les femmes qui allaient travailler à l'extérieur et cela était très dur pour elles.

À la suite des pressions exercées par la société, le gouvernement a adopté des politiques, comme le montre le régime fiscal et les modifications qui lui ont été apportées depuis le milieu des années 70, qui visaient à encourager les femmes surtout à continuer à travailler à l'extérieur. Il faut le dire, ce sont les femmes, parce que c'est en général les femmes qui ont des enfants, qui les allaitent et qui s'en occupent.

Lorsque j'ai décidé de rester à la maison à la fin des années 80, il y avait un courant très fort qui m'incitait à ne pas le faire. Les choses ont légèrement changé depuis. Je crois que l'on respecte davantage les choix des gens. Mais lorsque je parle à des jeunes mères dans la vingtaine, je ne suis pas sûre que nous ayons fait autant de progrès que ça. Vous dites que ce devrait être un choix personnel, c'est vrai. On devrait respecter les choix que font les gens, parce que chaque situation est différente et ils peuvent choisir les solutions qui leur conviennent. Les gens n'ont pas tous besoin d'autant de sommeil, par exemple.

Nous avons parlé des mères célibataires parce que le traitement qui leur est réservé varie beaucoup dans ce pays; cela dépend de la province où l'on réside. En Alberta, lorsque votre enfant a six mois, vous n'avez pas le choix: vous devez chercher du travail et placer votre enfant dans une garderie. Cela veut dire en général que l'on subventionne certains types de services de garde. Les mères célibataires n'ont donc pas le choix.

Nous disons à ce sujet que si nous accordions vraiment une valeur au travail de parents et au fait qu'un parent célibataire souhaite s'occuper de son enfant, en particulier pendant la première année, ils devraient pouvoir faire ce choix. C'est toute la société qui en profitera plus tard, cela ne veut pas dire que la société devrait aider cette personne indéfiniment, si l'on se place du point de vue des besoins des jeunes enfants en matière de développement. Il y a des mères célibataires qui préfèrent s'occuper de leur enfant pendant la première année. D'autres qui préfèrent travailler à temps partiel et combiner les deux. D'autres encore qui préfèrent travailler parce qu'elles ont accès à des services de garde satisfaisants. Nous disons simplement qu'elles devraient toutes pouvoir choisir la solution qui leur convient.

Nous avons réuni depuis 12 ans toutes sortes d'éléments qui démontrent que les femmes qui choisissent de rester à la maison sont pénalisées. Je ne pense pas que cela soit quelque chose de personnel. Je ne pense pas que cela soit un problème personnel pour les personnes qui sont ici mais c'est le cas pour de nombreuses femmes et c'est le message que leur transmet la société et les politiques du gouvernement. Si les politiques du gouvernement étaient neutres, quel serait le message qui serait envoyé aux femmes?

• 1445

Mme Sophia Leung: Madame Smith, vous vouliez intervenir?

Mme Beverley Smith: Je suis très heureuse que vous soyez ici. Vous exprimez des opinions qui me font bondir et je trouve que c'est bon de les entendre pour pouvoir en parler.

C'est un sujet qui nous touche tellement. La plupart des femmes sont obligées de prendre cette décision et ensuite, elles sont très sensibles. Les femmes qui travaillent à l'extérieur et qui ont été critiquées pour cette raison, je ne parle pas de vous, je parle des femmes en général, pensent parfois que nous leur disons «Vous êtes de mauvaises mères. Vous ne vous occupez pas de votre enfant.» Elles se hérissent facilement. Elles adoptent une attitude très défensive. Il y a des femmes qui ressentent les choses de cette façon. Ce n'est pas votre cas personnellement, je l'espère, mais il y a des femmes qui se sentent critiquées lorsqu'elles choisissent ce rôle.

Nous disons simplement que nous faisons face à la réaction contraire. On nous reproche d'autres choses «Vous êtes inutiles. Vous ne faites rien.» Vous venez même de dire «Vous ne travaillez pas.» Vous nous avez dit cela. C'est exactement pour cela que je suis ici. Je travaille, je travaille beaucoup. Cela me fait de la peine lorsque vous dites que je ne travaille pas.

Mme Sophia Leung: Je ne pense pas avoir laissé entendre que vous ne travaillez pas. J'ai simplement dit que vous ne travaillez pas nécessairement en étant sur le marché du travail.

Mme Beverley Smith: Je travaille sur le marché du travail. La différence est que je ne suis pas rémunérée. C'est la seule.

Excusez-moi. Je suis désolée, cette question nous touche tellement.

Vous avez également dit que les femmes choisissaient la facilité lorsqu'elles ne combinaient pas leur carrière et leurs enfants. Il y a des femmes qui diraient que la facilité serait de laisser ses enfants aux soins d'un étranger pour pouvoir profiter de vos pauses-café, de vos vacances et de vos congés payés.

Nous sommes en train de nous disputer et cela m'attriste beaucoup. J'essaie de dire que nous devrions arrêter de nous faire du mal. Les femmes sont le pire ennemi des femmes. Je respecte tout à fait la façon dont vous avez mené votre carrière. Je ne vous connais pas personnellement mais je n'ai rien contre vos choix. Nous voulons simplement être traitées de la même façon. Nous sommes aussi bonnes que les autres, excusez-moi.

Mme Heather Gore-Hickman: Puis-je ajouter quelque chose? Vous avez parlé des mères célibataires et nous avons mentionné le fait qu'elles sont obligées de travailler dès que leurs enfants atteignent l'âge de six mois. Selon notre code des impôts actuels, les mères célibataires qui décident de faire garder leur enfant par leur mère ou de démarrer une entreprise chez elles n'ont droit à aucun allégement fiscal. C'est pourquoi je vous comprends mal lorsque vous dites que vous ne pensez pas que cela est discriminatoire, parce que la discrimination sur le plan financier me paraît une forme de discrimination très grave.

Nous avons également parlé de la question de l'estime de soi. Lorsqu'on refuse à une femme l'accès à une pension, à un REER, à l'assurance-vie et au crédit, cela me paraît relié à la question de l'estime de soi chez les femmes.

Mme Sophia Leung: Monsieur le président, j'aimerais conclure en parlant de la question des pensions. Le Parlement a créé un sous-comité composé de femmes, dont ma collègue et moi faisons partie, qui est chargé de présenter notre position au ministre des Finances. Le ministre des Finances nous a écoutés mais il n'a pas changé les choses. Je voulais que vous le sachiez. Nous savons que vous essayez de changer les choses de façon positive.

Encore une fois, je vous remercie de vos commentaires et de nous avoir permis de mieux comprendre la situation dans laquelle vous et de nombreuses autres femmes vous vous trouvez. Nous apprécions votre participation. Merci beaucoup.

Le président: Merci. Nous allons maintenant entendre Mme Bennett et ensuite M. Lowther.

Mme Carolyn Bennett: Certains d'entre nous ont beaucoup travaillé pour faire adopter le crédit d'impôt pour garde d'enfants l'année dernière, et c'est la première fois que le gouvernement reconnaît que les femmes effectuent un travail non rémunéré, et j'ai du mal à comprendre que vous puissiez parler de «petit geste symbolique», alors qu'il s'agit d'une première. Nous pouvions le faire de notre côté mais le moment n'était pas le bon d'après vous. Pourquoi n'êtes-vous pas prête à applaudir le fait que le gouvernement reconnaît pour la première fois que les femmes effectuent un travail rémunéré, alors que l'on sait qu'une femme sur cinq s'occupe d'une personne handicapée ou âgée? Je crois que l'ironie et les jugements de valeur ne peuvent que nuire aux résultats.

J'ai un peu de mal à comprendre cette réaction parce que les femmes qui gagnent 20 000 $ par an et dont les maris gagnent également 20 000 $ par an et qui n'ont pas dormi depuis trois nuits parce que leur enfant est malade n'ont pas été, elles non plus, en mesure de présenter un mémoire. Les femmes qui luttent contre la pauvreté chez les enfants dans les ONG et qui essaient simplement de faire leur travail, n'ont pas non plus présenté de mémoire. Je crois que cette division entre les femmes ne peut qu'être nuisible.

Il y a des femmes qui ont décidé qu'elles ne voulaient pas élever leur enfant en appartement et qu'elles voulaient une maison. La seule façon d'y parvenir est d'aller travailler. Je sais que cela suscite de nombreux jugements de valeur mais votre point de vue de femmes blanches qui font partie de l'élite ne nous aide pas beaucoup. Elle ne nous aide guère à trouver les bonnes solutions.

• 1450

Je dois dire que lorsque je vois les femmes faire certains choix... Une des raisons pour lesquelles il n'y a que 10 p. 100 de Canadiennes qui utilisent ces déductions est qu'elles n'obtiennent pas toujours des reçus d'impôt de la part des gens qu'elles rémunèrent. Si des professionnels ou des femmes partageaient les services d'une bonne d'enfants, ce qui serait conforme à l'objectif de faire fournir ces services aux enfants par une seule personne, et d'obtenir un reçu et de déduire ces frais, ce serait excellent pour ces enfants. Si vous demandiez des congés de maternité d'un an pour les femmes qui veulent rester à la maison et allaiter... Il y a beaucoup de choses qui créent des emplois dans notre économie, avec tous ces diplômés en éducation des enfants.

J'ai un peu de mal à comprendre tout cela. Il y a beaucoup d'entre vous qui travaillent sur les questions de la pauvreté chez les enfants et les petits déjeuners servis à l'école et ce genre de choses et je ne crois pas qu'il soit profitable pour vous de ne pas célébrer la première mesure gouvernementale qui tient compte du travail non rémunéré qu'effectuent les femmes.

Je crois que les féministes que vous appelez de la deuxième vague ont fait face à beaucoup de discrimination. Par exemple, dans mon école d'infirmières, lorsque j'étais en train de faire un accouchement, je n'avais pas le droit d'envoyer ma bonne d'enfants me remplacer, à cause des rôles qui étaient établis par les mères qui restaient à la maison.

On a fait beaucoup de critiques et il y a une guerre larvée entre les femmes. Dans mon métier, il y avait beaucoup de femmes qui auraient bien aimé pouvoir rester chez elles mais qui ne pouvaient le faire et personne n'a reconnu les sacrifices qu'elles avaient faits parce qu'elles ont dû renoncer à ce choix.

Pourquoi n'invitez-vous pas les féministes de la deuxième vague à vous aider au lieu d'aller en guerre contre elles?

Le président: Je crois que cette remarque va susciter des commentaires.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Madame Smith et nous passerons ensuite à Mme Perri.

Mme Beverley Smith: Si vous étiez en train de mourir de faim et que quelqu'un vous jette une miette, est-ce que vous applaudiriez ce geste? Ce genre de geste symbolique est insultant. S'ils refusent aux femmes qui élèvent leurs enfants...

Mme Carolyn Bennett: Non, un instant. C'est un geste de 120 millions de dollars par an. Voulez-vous qu'on le supprime?

Mme Beverley Smith: Pourquoi prenez-vous cette position? Pourquoi choisir une position aussi extrême? Je dis que cela ne suffit pas.

Mme Carolyn Bennett: Je dis que mon rôle en tant que députée est de ne pas laisser le souci de la perfection empêcher que l'on prenne de bonnes décisions. Si les choses évoluent dans la bonne direction, mon rôle en tant que médecin et députée est de dire qu'il faut applaudir les mini-mesures, pourvu qu'elles aillent dans la bonne direction.

Mme Beverley Smith: J'ai écrit une lettre de remerciement à tous les députés lorsque nous avons reçu ce petit geste de 20 $ par an, pour les remercier personnellement parce que j'étais contente. Mais on ne peut pas vivre avec 200 $.

Mme Carolyn Bennett: Vous avez parlé de petit geste de façon ironique n'est-ce pas?

Mme Beverley Smith: Ce n'est pas de l'ironie, c'est un fait.

Mme Cathy Buchanan: Puis-je dire quelque chose? Kids First présente son point de vue au Sénat et aux comités parlementaires depuis 1987. Depuis quelques années, nous avons constaté...

Oh, et en passant, nous avons fait beaucoup d'efforts pour travailler avec ce que Mme Smith appelle les féministes de la deuxième vague. Nous avons été rejetées, on a refusé de nous entendre et on nous a exclus. Nous avons essayé très souvent et nous essayons encore. Au sein du groupe, Mothers At Home, il y a un groupe très actif d'Ottawa qui essaie de travailler avec le mouvement féministe. Malheureusement...

Mme Carolyn Bennett: Et les organismes multiculturels? Y a-t-il...?

Mme Cathy Buchanan: Un instant. Je n'aime pas du tout que vous utilisiez de façon sarcastique l'expression élite blanche de la classe moyenne.

Mme Carolyn Bennett: J'ai utilisé cette expression...

Mme Cathy Buchanan: Je viens d'une famille d'ouvriers, des immigrants, et c'est parce que mes parents ont beaucoup travaillé que je n'ai pas vécu dans la pauvreté lorsque j'ai terminé mes études postsecondaires, et voilà que l'on rejette du revers de la main le rêve des immigrants.

Toute ma jeunesse on m'a dit «Quel drôle de nom que le tien?» Mais comme je suis blanche, ça passe. Je dis simplement que c'est un terme général qui n'est guère productif. Cela ne sert à rien.

Mme Carolyn Bennett: Je dis simplement qu'il y a une perception...

Mme Cathy Buchanan: Laissez-moi terminer.

Mme Carolyn Bennett: Les gouvernements aiment les coalitions et ils aiment les solutions parce qu'ils veulent obtenir des résultats.

• 1455

Mme Cathy Buchanan: Pour ce qui est du crédit d'impôt pour garde d'enfants auquel vous avez fait allusion, et oui, nous savons que nous avons parlé dans le mémoire de Kids First de «petit geste symbolique», nous connaissons bien le processus qui a été utilisé pour adopter cette mesure. Un député libéral a présenté la motion. Nous sommes au courant du vote de cette motion, qui visait les familles souhaitant avoir une personne à la maison pour s'occuper des bébés et des enfants d'âge préscolaire. Elle visait ce groupe. C'est le seul groupe de personnes non rémunérées qui ne donne pas droit au crédit d'impôt pour garde d'enfants qui a été accordé par la suite. C'est pourquoi de notre point de vue, oui, nous pensons que c'est un premier pas, mais il est intéressant de signaler le groupe qu'on a choisi d'exclure de cette mesure.

Nous savons quels sont les députés qui ont voté cette motion et nous savons que tous les ministres avaient reçu comme directive de votre contre elle. Cela est très éclairant. Nous avons trouvé toutefois positif que le vote combiné des simples députés des divers partis ait permis de faire adopter cette motion. Lorsque le Parti libéral a mis en oeuvre cette motion dans son budget, il a décidé d'exclure le groupe mentionné plus haut.

De notre point de vue, fallait-il applaudir cette mesure ou y voir un affront? Nous y avons vu un affront, à cause des groupes choisis. Si l'on avait également exclu les personnes qui s'occupent des handicapés et des personnes âgées, qui étaient mentionnées dans la motion, nous nous serions sentis moins visées.

Nous nous sommes toujours efforcées d'applaudir les mesures de ce genre et de travailler avec les autres femmes. Les membres de Kids First regrettent tous que malgré tous les efforts déployés, les femmes et les groupes féministes demeurent leur pire ennemi. Ils sont parfois d'accord avec vous sur un point mais lorsque vous dites autre chose, ils vous font grise mine. Nous avons essayé très souvent pendant des années. Nous avons toujours été exclus des réunions de Condition féminine, même si l'ancien ministre nous avait promis que nous serions invitées.

Nous avons envisagé toutes les possibilités. Nous avons même saisi les tribunaux à nos propres frais. Pourquoi? Parce que le FILJ a refusé de nous accorder des fonds. Nous avions au départ communiqué avec Condition féminine en vue d'obtenir une subvention, à la fin des années 80, et on nous a dit que nous allions à contre-courant.

Vous venez nous dire aujourd'hui: «Pourquoi ne travaillez-vous pas avec les autres groupes?» Eh bien nous avons essayé de le faire. «Pourquoi ne vous occupez-vous des femmes ethniques?» Eh bien, notre membre originaire d'Asie qui vit à Calgary et qui était notre représentante pendant des années, n'a pu venir parce qu'elle est retournée travailler à temps plein pour sa propre entreprise. Nous ne demandons pas à nos membres quelles sont leurs origines ethniques, religieuses ou politiques. S'ils sont d'accord avec ce que nous faisons, ils peuvent se joindre à notre organisation. Voilà comment nous fonctionnons.

Mme Cathy Perri: Je tiens également à signaler que les membres de Kids First viennent de groupes très divers. Nous avons des femmes qui viennent de familles très riches. Nous avons des femmes très pauvres et qui vivent près du seuil de la pauvreté. De nombreux parents célibataires font partie de Kids First; notre ancienne présidente était une mère célibataire et notre personne contact à Edmonton était un parent célibataire. Les éducateurs et les responsables de garderie sont également membres de Kids First et ils nous écrivent pour nous dire qu'ils appuieront toute mesure qui permettra aux parents de choisir et de consacrer davantage de temps à leurs enfants.

En 1993, nous avons contesté l'article 63 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite de la déduction pour frais de garde d'enfants. Nous avons invoqué l'article 15 de la Charte des droits et libertés et nous avons perdu cette cause sur un point mineur. On a reconnu qu'effectivement ces dispositions étaient discriminatoires mais on a jugé que nous ne formions pas une minorité discrète et isolée, ce qui veut dire que nos membres étaient d'origines trop diverses. La seule chose que nous avons en commun, c'est que nous sommes tous des parents qui restent à la maison.

Mme Cathy Buchanan: Nous avons dépensé des milliers de dollars de notre propre argent.

Mme Carolyn Bennett: Je crois que ma frustration vient du fait que vos remarques sont très générales; lorsqu'il s'agit de consultations prébudgétaires, il serait utile qu'on nous présente ce que tout le monde veut avoir: des solutions.

Mme Beverley Smith: Il y a des solutions dans mon mémoire.

Mme Carolyn Bennett: Quel est l'objet de dépenses que vous aimeriez voir dans le budget? Cela ne figure pas dans notre mémoire.

Mme Beverley Smith: Eh bien, continuez à le lire. Mon mémoire contient 12 solutions détachables, à la dernière page. Elles ne se trouvent pas dans le document que je vous ai lu, parce que l'on ne m'a donné que cinq minutes, mais dans le mémoire plus détaillé.

Veuillez m'excuser, je dois partir. J'ai un cours à donner. Merci.

Mme Heather Gore-Hickman: J'aimerais faire quelques commentaires. Vous n'avez pas accordé beaucoup d'importance au chiffre de 10 p. 100. Il y a beaucoup de points communs entre ce 55 p. 100 de familles à faible revenu et les familles à revenu unique, auxquelles on a préféré les 10 p. 100 de familles qui demandent la déduction pour frais de garde d'enfants.

• 1500

Mme Carolyn Bennett: Je dis simplement qu'il y a beaucoup de femmes qui travaillent, qui font garder leurs enfants par d'autres personnes, souvent en les payant, mais au noir.

Mme Heather Gore-Hickman: Eh bien, nous n'avons pas ces chiffres et ces personnes agissent de façon illégale. Je ne pense pas qu'il y ait une majorité de Canadiens qui agissent de cette façon et en fin de compte, ces personnes subventionnent les 10 p. 100 de familles qui peuvent bénéficier de la déduction pour frais de garde d'enfants.

Pourquoi pénaliser les parents pour la façon dont ils décident de s'occuper de leurs enfants? Je félicite les femmes qui réussissent à s'organiser avec des membres de leur famille ou avec des personnes qui s'intéressent à leur enfant mais le gouvernement ne récompense que celles qui ont recours aux services commerciaux. Cela va à l'encontre de la liberté de choix que l'on privilégie dans un pays libre.

Le président: Merci, Mme Gore-Hickman.

Mme Bennett, nous allons poursuivre.

Madame Perri, vous vouliez présenter un commentaire et nous donnerons ensuite la parole à M. Lowther.

Mme Cathy Perri: Je voulais également mentionner que Kids First a toujours été en faveur d'une augmentation des congés de maternité et des congés parentaux. C'est là une des principales recommandations qu'a formulées Kids First. Nous avons également envisagé la possibilité de créer des fonds enregistrés d'épargne-maternité pour que les familles puissent mettre de l'argent de côté et qu'ainsi des parents puissent rester à la maison pour s'occuper des enfants en bas âge. Cela a toujours été un élément important de nos recommandations.

Mme Carolyn Bennett: Avec la situation actuelle de l'AE, ce serait le moment de faire figurer cela dans votre mémoire.

Je voulais demander à M. Anderson ce qu'il pensait du RAPC. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire mais nous pensons qu'il serait facile pour le gouvernement d'utiliser ce moyen pour faire quelque chose dans ce domaine.

M. David Anderson:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Carolyn Bennett: Très bien, merci.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary Centre, Réf.): Merci, monsieur le président, et je remercie les membres du comité de me permettre de poser une question. Je viens d'arriver et je ne pourrai pas rester longtemps ici mais je voulais saisir l'occasion de poser quelques questions.

Merci aux témoins. J'ai apprécié les commentaires de Mme Smith et ceux des autres témoins aussi ainsi que ceux des représentants du domaine de l'éducation. Tout le monde sait que nous tenons à respecter le droit des parents à faire les choix qui conviennent à leurs besoins personnels.

Je vais vous faire part de mes propres préjugés et je peux les appuyer sur certaines données. Personnellement, je crois qu'il est bon pour les enfants que les parents s'en occupent le plus possible. Je peux citer des statistiques de Statistique Canada qui démontrent que les enfants d'un parent célibataire, par exemple, risquent deux fois moins de terminer leurs études secondaires et deux fois plus d'avoir des problèmes de comportement.

En venant ici aujourd'hui, je lisais un article qui parlait de l'enseignement à domicile. On pourrait dire que les parents sont très actifs lorsque l'enseignement se fait à domicile. On disait dans cet article que ces études indiquaient que ces enfants obtenaient de meilleurs résultats que les autres.

Si l'on part du principe qu'il faut favoriser le plus possible la participation des parents à l'éducation des enfants, j'aimerais poser aux témoins la question suivante. J'aimerais savoir si notre régime fiscal actuel, les programmes du gouvernement, etc., favorisent la participation des parents. Quel est l'effet de l'action du gouvernement? Je crois qu'il serait facile de démontrer avec les études et les données que nous avons, et j'en ai quelques-unes avec moi ici, qu'il faut favoriser le plus possible, pour le bien des enfants, la participation des parents dans l'éducation de ces derniers.

Il y a un mantra que l'on répète à la Chambre des communes et au gouvernement de nos jours: il faut agir dans l'intérêt des enfants. S'il est dans l'intérêt des enfants que les parents s'en occupent davantage, peut-on dire que les politiques actuelles favorisent cette décision?

Je m'arrête.

Mme Cathy Buchanan: Je vais vous répondre rapidement parce que nous sommes obligées de partir.

Les familles ne disposent pas toutes des mêmes ressources. Nous l'avons mentionné. Il y a de nombreuses familles à deux revenus qui consacrent beaucoup de temps à leurs enfants et qui s'en occupent activement. Cela dépend de leur situation et des circonstances.

• 1505

Je suis d'accord, il est bon pour les enfants que ce soit leurs parents qui les élèvent. À Kids First, nous ne disons pas qu'il est impossible de le faire ou que c'est la seule façon d'agir. Nous disons simplement que les familles devraient pouvoir prendre ce genre de décision en fonction de leurs propres besoins et que les politiques fiscales et sociales du gouvernement ne devraient pas influencer indûment leur choix.

M. Eric Lowther: Mais est-ce que ces politiques le font?

Mme Cathy Buchanan: Elles leur indiquent qu'il leur sera plus facile de faire tel choix dans une situation donnée... Les familles le savent bien et c'est une question distincte de la question financière, parce qu'en fait, nous parlons ici de mesures qui devraient relever de Santé Canada, d'initiatives de nature éducative qui visent à informer les parents.

Je sais que les conseils scolaires informent très bien les parents; je suis sûre que ceux qui ont un enfant à l'école reçoivent tous les ans une petite brochure qui leur explique qu'ils peuvent améliorer les résultats scolaires de leur enfant. Cela se fait mais finalement la façon d'élever ses enfants est une décision familiale ou personnelle et cela est normal.

Mme Heather Gore-Hickman: J'aimerais faire un bref commentaire. Il y a deux lois immuables en politique sociale: les activités subventionnées augmentent et celles qui sont taxées diminuent. Les statistiques relatives au recensement de 1994 indiquent que 17 p. 100 des familles ont choisi de se prévaloir de la déduction pour frais de garde d'enfants et que ce chiffre est passé de 17 à 10 p. 100 d'après le dernier recensement, ce qui est tout à fait à l'honneur des familles canadiennes.

Ces familles ne tiennent pas compte de la pénalité fiscale qu'on leur impose et elles font ce qui leur paraît préférable pour leur famille. Qu'elles aient un ou deux revenus, elles prennent leur décision en fonction de ce qui correspond le mieux aux besoins de leurs enfants.

Le président: Avez-vous d'autres questions?

M. Eric Lowther: M. Anderson veut-il faire un commentaire?

M. David Anderson: Je ne vais pas parler de l'influence de la fiscalité mais vous avez tout à fait raison: lorsque les parents ou la même personne s'occupent davantage des enfants, cela améliore leurs résultats scolaires. Cela est incontestable.

Le président: Merci, Monsieur Lowther.

Madame Bennett, vous voulez faire un dernier commentaire?

Mme Carolyn Bennett: Je pensais à la thèse de Marilyn Waring, selon laquelle notre économie est entièrement basée sur le PIB et ne tient aucun compte de tout le travail non rémunéré qui s'effectue et qui assure la cohésion de notre société.

Je me demande s'il n'y aurait pas une autre façon d'envisager cette question parce que nous perdons de vue l'idée essentielle de cette étude lorsque l'on pense en termes de prendre aux uns pour donner aux autres. Avant de proposer quoi que ce soit, notre comité va devoir se demander si la mesure envisagée aura pour effet de supprimer quelque chose? Ou s'agit-il plutôt d'un changement complet de paradigme et dans trois, cinq ou dix ans, nous allons être obligés de nous intéresser davantage à ce que dit Marilyn Waring au sujet de la façon dont on peut valoriser la vie communautaire?

Mme Cathy Buchanan: Le livre de Marilyn Waring se trouve dans notre bibliothèque et...

Mme Carolyn Bennett: Pourrait-on préparer quelque chose pour le comité, à partir de l'étude de Marilyn Waring ou existe-t-il un document que vous pourriez nous envoyer et qui montrerait la valeur de tout ce qui ne figure pas dans le PIB?

Mme Cathy Buchanan: Avez-vous entendu Mothers are Women au cours de vos audiences? Ce groupe a beaucoup étudié le travail non rémunéré des femmes.

Kids First n'a jamais demandé que l'on prive les autres de quoi que ce soit. Nous demandons uniquement d'être traités équitablement, nous ne demandons pas un traitement préférentiel, simplement équitable.

Mme Carolyn Bennett: C'est pourtant comme ça, n'est-ce pas?

Mme Heather Gore-Hickman: Vous avez raison. Il est presque impossible d'imaginer une politique fiscale neutre mais l'on pourrait prendre des mini-mesures pour adopter des règles qui seraient plus équitables pour 90 p. 100 des familles canadiennes.

L'étude du ministère des Finances indique que le fractionnement du revenu coûterait 4 milliards de dollars. Un fractionnement partiel, sur une base 80:20, représente 3 milliards de dollars. D'après les renseignements provenant du dernier recensement, la déduction pour frais de garde d'enfants coûte 2,1 milliards de dollars. Il s'agit donc d'une différence de 2 milliards de dollars pour un gouvernement qui enregistre un surplus de plusieurs milliards de dollars et qui augmente constamment. Le fractionnement intégral du revenu coûterait 4 milliards de dollars, mais cette mesure permettrait d'instaurer une certaine égalité dans ce domaine.

Il est vrai que cette étude a été préparée en 1996 et il est donc possible que les chiffres aient changé; les autres chiffres n'ont pas changé sensiblement et l'on peut donc espérer que ce chiffre-là non plus n'ait guère changé.

• 1510

Une autre solution consisterait à accorder un crédit d'impôt pour enfant qui ne tiendrait pas compte des activités des parents et qui serait uniquement relié à l'enfant. Le système actuel est discriminatoire parce qu'il favorise certains enfants et je ne pense pas qu'un gouvernement puisse décider délibérément de le faire.

L'avantage qu'offre le crédit d'impôt pour enfants par rapport à la déduction, telle qu'elle est actuellement, est que le crédit n'avantage pas indûment les personnes à revenu élevé par rapport à celles dont les revenus sont faibles. Avec l'arrangement actuel, 60 p. 100 du 10 p. 100 des familles qui utilisent la déduction pour frais de garde d'enfants gagnent plus de 50 000 $. C'est donc de l'aide sociale pour les riches. Le revenu médian des femmes est d'environ 18 000 $. Combien de ces femmes vont pouvoir déduire 7 000 $ de frais de garde d'enfants?

Il y a beaucoup d'éléments communs dans nos positions respectives. Je suis désolée d'être la dernière ici. Cela a dégénéré en attaques personnelles.

Des voix: Oh, oh!

Le président: L'honorable David Anderson est ici.

Des voix: Oh, oh!

M. David Anderson: Voulez-vous parler de poisson?

Des voix: Oh, oh!

Mme Heather Gore-Hickman: Je crois que nous sommes très proches d'en arriver à une position commune.

La troisième mesure que le gouvernement devrait prendre, vous avez demandé des choses précises, est d'augmenter les prestations fiscales pour enfants. Elles sont insuffisantes.

Le président: Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

Madame Gore-Hickman, je veux m'assurer que vous comprenez bien de quel surplus il s'agit. Je sais que si l'on se fiait aux articles de journaux et au reste, les Canadiens penseraient que nous avons un surplus énorme.

Je tiens également à vous signaler que si, au cours de notre tournée, nous essayions de répondre, sur le plan financier, aux préoccupations de toutes les personnes qui comparaissent devant le comité, nous aurions déjà dépensé près de 30 milliards de dollars. Je doute fort que le surplus atteigne une telle somme.

Nous allons présenter des recommandations au ministre et nous devons faire preuve de bon sens et de réalisme pour savoir ce que l'on peut obtenir. Il y a des gens qui voudraient que l'on consacre 5 milliards de dollars à réduire les cotisations de l'AE et à augmenter les prestations, il y a des gens qui veulent que l'on utilise 6 milliards de dollars pour la santé, et la liste est interminable. Il nous faut donc essayer d'être précis et réalistes.

Mme Heather Gore-Hickman: Je le sais, les demandes sont toujours supérieures aux ressources. Il me semble toutefois qu'il y aurait tant de familles qui pourraient bénéficier d'une dépense de 4 milliards de dollars, 7 millions de familles, d'après vos chiffres, alors qu'à l'heure actuelle, il y a 812 000 familles qui profitent d'une dépense de 2 milliards de dollars. On pourrait satisfaire beaucoup plus de contribuables en adoptant des mesures fiscales équitables.

Je sais que les personnes qui ont de gros revenus vont voter. Je suis sûre que les législateurs sont très sensibles à la façon dont leurs mesures touchent les membres des diverses catégories socio-économiques. Je vous pose la question. Combien de gens voulez-vous avantager en adoptant des politiques sociales et fiscales? D'après moi, ce serait une façon peu coûteuse d'introduire une certaine équité.

Le président: Ma réponse est le plus possible.

Mme Heather Gore-Hickman: Bien sûr.

Les inégalités ne font que s'accroître. Vous devez avoir l'impression d'entendre un disque rayé lorsque je vous cite tous ces chiffres mais ils sont là. Il existe des intérêts communs aux familles à deux revenus et aux familles à revenu unique. C'est une question de choix.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Nous avons eu des interventions très intéressantes.

La séance est levée jusqu'à 14 h 05.

• 1513




• 1614

Le président: J'aimerais déclarer la séance ouverte et souhaiter la bienvenue aux témoins qui sont ici cet après-midi.

Comme vous le savez, le comité des finances se rend dans les différentes régions du Canada pour connaître l'opinion des Canadiens dans le but de nous aider premièrement à préciser les priorités et deuxièmement à formuler des recommandations destinées au ministre des Finances.

Nous avons le plaisir d'avoir avec nous cet après-midi M. Garry Benoit. Est-ce bien cela? Et vous représentez la Canadian Dehydrators Association. Est-ce bien cela?

Nous avons également M. Ken Myers, trésorier de Fording Coal Ltd., président du comité de l'économie et de la fiscalité de l'Association charbonnière canadienne.

Il y a enfin M. Mark Anielski, attaché supérieur de recherches de Redifining Progress, qui va témoigner à titre personnel. Bienvenue.

Nous allons commencer. Un mot sur la façon dont nous procédons, vous avez de cinq à sept minutes pour présenter votre exposé. Étant donné qu'il n'y a que trois témoins, vous pouvez prendre 10 minutes si vous voulez et nous passerons ensuite à une période de questions.

Nous allons commencer par M. Benoit.

• 1615

M. Garry F. Benoit (directeur exécutif, Canadian Dehydrators Association): Merci, monsieur le président.

Je crois que vous avez tous mon mémoire. Celui que nous vous avons envoyé au mois d'août est plus détaillé. Les notes que je vais utiliser sont plus récentes et j'ai apporté des transparents au cas où il y aurait un projecteur ici. Elles sont jointes au document et j'ai un résumé de moins d'une page. J'ai également joint un document daté du 8 octobre qui traite des subventions européennes qui nuisent gravement à notre secteur à l'heure actuelle. Cela dit, je vais vous lire mon exposé et je serais heureux de répondre à vos questions ensuite.

C'est la troisième année que la Canadian Dehydrators Association participe aux consultations prébudgétaires. La possibilité qui s'offre à nous aujourd'hui de vous présenter notre point de vue vient à un moment critique pour l'industrie de la luzerne au Canada. Nous regroupons 29 usines de traitement implantées dans les zones rurales qui créent plus de 1 000 emplois représentant un montant de plus de 13 millions de dollars en salaires directs. Les retombées économiques indirectes s'élèvent à 67 millions de dollars par an pour les collectivités rurales.

Dans certaines parties de cette province, entre la Peace River et le sud de l'Alberta ou dans la région nord-est de la Saskatchewan, nos membres contribuent de façon importante à l'économie régionale. Bien souvent, dans des petites villes comme Falher, nous sommes le principal employeur.

Les membres de notre association produisent 90 p. 100 des granules et des cubes de luzerne produits au Canada; 85 p. 100 de cette production est exportée, vous pouvez donc constater que notre secteur est très dépendant des exportations. Les exportations annuelles sont d'environ 700 000 tonnes, et leur valeur se situe entre 100 et 130 millions de dollars. C'est du moins la situation que nous connaissions avant que notre secteur ne subisse le dur contrecoup des subventions européennes auxquelles est venue s'ajouter la crise asiatique.

Les gouvernements parlent souvent de nous comme d'un modèle de secteur à valeur ajoutée dans l'ouest du Canada. Monsieur le président, au moment où je vous parle, cette réussite économique de l'Ouest est en péril. Il n'est pas exagéré de dire qu'il y a des emplois dans les collectivités rurales qui risquent de disparaître. Les produits lourdement subventionnés venant de l'Union européenne pourraient réduire à néant tous les efforts que nous avons faits pour développer nos marchés. Le prix mondial de la luzerne transformée est maintenant sensiblement inférieur au coût de production au Canada. Les subventions européennes qui sont de plus de 100 $ la tonne, elles ont même atteint 180 $, sont bien souvent supérieures au prix canadien. Le surplus causé par ces subventions a fait chuter les prix et est en train d'évincer nos produits au Japon et dans d'autres pays. Bien sûr, il y aussi les subventions américaines qui sont supérieures aux nôtres dans le cas des ingrédients des aliments pour bétail et des cultures comme les nôtres, ce qui nuit à notre compétitivité, même si notre industrie arrive au premier rang pour ce qui est de la compétitivité, lorsque les mêmes règles s'appliquent à tous.

Nous faisons face à cette concurrence déloyale au moment où le coût du transport ferroviaire a doublé et où ce service est loin d'être toujours fiable. L'année dernière, nous avons insisté dans le mémoire remis à votre comité sur la nécessité de prendre des mesures pour améliorer le transport ferroviaire. C'est encore une de nos principales priorités. Nous voulons un système qui soit véritablement concurrentiel de façon à inciter les sociétés de transport à régler ces problèmes. Avec le système actuel, l'absence de concurrence n'incite pas les sociétés de transport à améliorer leurs services.

La crise économique qui sévit en Asie a bien sûr eu pour effet de réduire le pouvoir d'achat de nos clients. Comme je l'ai mentionné, monsieur le président, c'est nous, de tous les pays, qui produisons au meilleur coût. Nous pourrions résister à la grippe asiatique s'il n'y avait pas cette menace permanente que représentent les produits européens subventionnés.

• 1620

Le gouvernement fédéral a fait part de nos préoccupations aux Européens à plusieurs reprises mais rien n'indique que ces efforts vont déboucher sur des solutions dans un avenir proche. Les gouvernements et notre industrie se préparent pour la prochaine ronde de négociations commerciales organisée sous les auspices de l'OMC. Nous savons tous que ces négociations prennent des années. Même s'il devait en découler une autre réduction des subventions, notre industrie aura disparu d'ici 2004, ou d'ici à ce que le système soit modifié, si les activités qui ont un effet dévastateur sur notre marché se poursuivent.

Nous avons été invités à participer aux consultations prébudgétaires et à transmettre au gouvernement le point de vue et les conseils de notre industrie compte tenu de la situation financière actuelle. Le premier ministre et le ministre des Finances ont récemment déclaré que la nouvelle orientation donnée à notre politique financière consisterait à renforcer la performance économique du Canada et à améliorer notre standard de vie. J'ai lu que le gouvernement examinerait uniquement les demandes de fonds qui auraient pour effet de renforcer la compétitivité internationale du Canada. Si les règles du jeu étaient uniformisées, notre industrie pourrait être la plus compétitive au monde.

Monsieur le président, nous demandons que l'on apporte une solution canadienne à notre problème. Nous demandons au gouvernement de prévoir une phase de transition qui permette à nos usines de survivre en attendant le nouvel environnement commercial qui devrait voir le jour vers 2004. Nous n'avons pas d'idée arrêtée sur les éléments que pourrait comporter la solution retenue mais nous voulons que l'on règle cette situation. Nous estimons avoir fait notre part pour équilibrer le budget. L'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest décidée pour éliminer le déficit a eu pour effet de supprimer toutes les subventions dont bénéficiait notre industrie et de la rendre très vulnérable à la concurrence que nous font les produits européens subventionnés.

Nous demandons dans notre mémoire de faibles taux d'intérêt qui restent stables, une réduction des cotisations de l'assurance-emploi, une réduction des impôts et l'amélioration du transport ferroviaire. Ces mesures sont importantes et pourraient stimuler l'économie. Nous vous demandons de travailler à l'adoption de ces mesures, parce que notre secteur a besoin d'exporter pour survivre et nous sommes directement touchés par les problèmes financiers internationaux actuels.

On a beaucoup parlé du surplus des cotisations de l'AE et de l'usage que l'on pourrait en faire. Une diminution des cotisations d'AE serait bienvenue à l'heure actuelle, ce qui est important. S'il faut choisir, nous accorderions probablement la priorité à des taux d'intérêt faibles et stables. Nous pensons vraiment qu'il est possible de réduire les cotisations de l'AE et de stabiliser les taux d'intérêt à un niveau peu élevé et que cela devrait constituer notre objectif immédiat.

Monsieur le président, nous appuyons la priorité que s'est donnée le gouvernement de rendre le Canada plus compétitif. Nous demandons que l'industrie du traitement de la luzerne soit intégrée à cette priorité et nous invitons le comité à demander, dans les recommandations qu'il présentera au gouvernement, que l'on apporte une solution équitable au problème créé par les subventions de l'Union européenne.

Nous ne sommes pas le seul secteur de l'agriculture de l'Ouest qui soit touché par les subventions de l'UE mais c'est peut-être nous qui en ressentons le plus durement les effets. Si l'on calculait les subventions accordées au secteur de la transformation, on constaterait que cette subvention n'est pas seulement égale au prix que nous payons à l'usine de traitement mais qu'elle lui est bien supérieure. Si l'on répartissait cette subvention au niveau des exploitations en fonction de la superficie, on constaterait qu'elle est de loin très supérieure aux autres.

Notre situation est donc particulièrement difficile et les gouvernements font devoir prendre des décisions: Veulent-ils conserver des industries qui méritent leur place et qui pourraient survivre et figurer parmi les secteurs les plus compétitifs à l'échelle internationale ou vont-ils les laisser disparaître après les avoir laissées se développer pendant des années, en attendant que l'on apporte les correctifs nécessaires?

Merci.

Le président: Merci beaucoup, M. Benoit.

Nous allons maintenant entendre M. Ken Myers, qui représente l'Association charbonnière du Canada. Bienvenue.

M. Ken Myers (trésorier, Fording Coal Ltd.; président du comité d'organisation professionnelle et de l'impôt, Association charbonnière canadienne): Merci, monsieur le président et les membres du comité. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler au nom de l'Association charbonnière.

Je vais vous dire quelques mots de la contribution qu'apporte le secteur charbonnier au Canada, parce que c'est une contribution qui est parfois oubliée et je parlerai ensuite de certaines mesures fiscales qui, d'après l'Association charbonnière, devraient être prises pour que l'industrie canadienne, et le secteur du charbon en particulier, soient compétitifs sur le plan international.

• 1625

L'industrie charbonnière apporte une contribution importante, tant directe qu'indirecte, à l'économie du Canada. Soixante-treize mille personnes travaillent dans le secteur du charbon. Ce secteur représente environ 6 milliards de dollars du PIB du Canada. Les exportations de charbon métallurgique et thermique sont évaluées à 1,5 milliard de dollars par an. Elles représentent un cinquième du tonnage total chargé dans les ports maritimes du Canada, en vue de l'exportation. En fait, le charbon est à l'heure actuelle la principale denrée expédiée par chemin de fer au Canada, dépassant le fer, le blé, le fret conteneurisé et le bois. C'est donc dire que nos systèmes de transport ferroviaire et maritime dépendent, dans une proportion considérable, du charbon.

En outre, les centrales thermiques alimentées au charbon produisent l'électricité consommée en Alberta, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse. Dans ces provinces, cette électricité représente 88, 72 et 73 p. 100, respectivement, de l'électricité produite. À l'échelle nationale, le charbon fournit environ 15 p. 100 de l'électricité produite au Canada, et vient immédiatement après l'énergie hydraulique.

Aujourd'hui, l'exploitation charbonnière est, en général, une exploitation à ciel ouvert à grande échelle qui emploie une main-d'oeuvre compétente formée en vue de faire fonctionner et d'entretenir une nouvelle génération de matériel d'exploitation des mines et d'installations de traitement très perfectionnés. La plus grande partie de l'emploi direct et une part importante de l'emploi indirect se trouvent dans les collectivités rurales où les autres possibilités d'emploi sont rares. Cependant, si ces emplois se trouvent dans des collectivités rurales, les employés touchent présentement un revenu annuel et des avantages sociaux qui s'élèvent à plus de 73 000 $ en moyenne. Il ne s'agit pas d'emplois non spécialisés et peu rémunérés; il s'agit d'emplois bien rémunérés.

L'association charbonnière et ses sociétés membres croient fermement que les priorités accordées à la santé et à l'éducation par les Canadiens au cours des consultations prébudgétaires de 1998 peuvent être atteintes et préservées à long terme. Pour réaliser et préserver ces objectifs sociaux, le gouvernement fédéral doit mettre en oeuvre des politiques financières rationnelles visant à assurer des avantages économiques à long terme et à créer des emplois spécialisés. Le budget de 1999 devrait se concentrer sur des politiques financières ayant pour objet d'améliorer la compétitivité internationale du Canada, ce qui en retour produira de nouveaux investissements et de nouvelles possibilités d'emploi, tout en protégeant les emplois actuels.

Lorsqu'on examine l'origine des recettes de Revenu Canada, on constate que la plus grande partie de ces recettes provient des citoyens, des impôts payés par les particuliers, ceux qui travaillent et qui ont de bons revenus. Pour répondre aux questions posées par le comité, une fois le budget équilibré, quel est le message que nous aimerions transmettre au gouvernement pour ce qui est des priorités qu'il faudrait se fixer pour l'excédent financier? Notre message est clair et simple: réduisez la dette et les impôts.

Les dépenses des programmes prioritaires devraient être couvertes en réaffectant les engagements de financement des programmes de l'année précédente. Le gouvernement doit élaborer des politiques à long terme qui viseraient systématiquement à rembourser la dette publique, à établir un régime d'imposition des sociétés qui soit compétitif à l'échelle internationale et à créer un environnement propice à garder au Canada les personnes très compétentes et très instruites. La réduction de la dette réduirait les frais de service de la dette. Ceci permettra, en retour, au gouvernement de réduire les impôts et de donner aux sociétés et aux particuliers la possibilité de faire croître l'économie.

Le gouvernement fédéral a effectivement réduit ses dépenses depuis quelques années mais cette réduction vient principalement d'une diminution des paiements de transfert versés aux provinces. L'association charbonnière estime que, pour mettre en oeuvre les priorités dans le domaine de la santé et de l'éducation, ce qui est une obligation, il y aurait lieu d'examiner de près les dépenses de programmes dans les autres secteurs de façon à découvrir d'autres possibilités d'épargne.

Deuxièmement, quels sont les nouveaux investissements stratégiques et les changements au régime fiscal qui permettraient au gouvernement de mieux atteindre ses priorités? En avril 1998, le Comité technique de la fiscalité des entreprises a publié le rapport Mintz. Ce rapport examinait la structure générale de la fiscalité canadienne. Dans quel sens cette structure devrait-elle évoluer?

• 1630

Certaines recommandations qui figurent dans ce rapport n'ont pas l'appui de tous les membres de l'association charbonnière mais nous estimons que le Canada ne pourra concurrencer les autres pays tant que la fiscalité des entreprises ne sera pas compétitive. C'est ce qui est affirmé dans le rapport Mintz. Le gouvernement devrait, en collaboration avec les entreprises, évaluer les changements proposés et adopter les recommandations qui rendraient l'industrie canadienne plus compétitive à l'échelle internationale. L'introduction de changements qui renforceraient la compétitivité internationale des entreprises canadiennes inciterait les investisseurs canadiens et étrangers à investir dans les sociétés canadiennes.

Le rapport Mintz contenait des commentaires sur les taxes écologiques. L'adoption arbitraire d'une taxe sur les hydrocarbures ou d'une autre taxe écologique nuirait considérablement à la compétitivité internationale des sociétés canadiennes. Cela nous préoccupe gravement. Le changement climatique et les autres questions environnementales doivent être résolues à l'échelle mondiale; le gouvernement ne devrait pas envisager d'imposer une taxe aux sociétés canadiennes sans avoir effectué au préalable une analyse générale de la situation économique et consulté l'industrie.

Comment pouvons-nous aider les Canadiens à se préparer à profiter des possibilités offertes par la nouvelle ère qui s'annonce? Dans le secteur du charbon, nous voyons la nouvelle ère comme un monde où la circulation des biens, des capitaux et des cerveaux sera dictée par les forces du marché international. Les biens seront achetés dans le pays qui offre les prix les plus compétitifs. Les capitaux iront dans les pays où le rendement après impôt sera le plus élevé, compte tenu des risques. Les personnes les plus instruites et les plus qualifiées choisiront les pays qui leur offrent les meilleurs modes de vie ou niveaux de vie.

Le gouvernement peut aider les sociétés exploitantes de ressources en veillant à ce que la fiscalité des sociétés soit compétitive par rapport à celle des États-Unis et des autres pays dont l'économie est axée sur les ressources. Il doit adopter des politiques fiscales compétitives qui tiennent compte de la fiscalité applicable aux salaires, aux biens, au capital et aux ventes. Il devra consulter les provinces à ce sujet et les inviter à participer à l'élaboration de ces politiques. Une dette réduite et un régime fiscal compétitif créeront un environnement dans lequel les sociétés existantes pourront être compétitives sur le plan international et attireront de nouveaux capitaux qui créeront davantage d'emplois.

Les Nations Unies ont placé le Canada au premier rang des pays pour ce qui est de la qualité de vie mais nos jeunes quittent le pays. La raison est principalement une raison fiscale. Le gouvernement devrait réduire le taux d'impôt marginal et le taux d'imposition des gains en capital de façon à alléger le fardeau fiscal et retenir les Canadiens instruits et compétents.

Sur la question du programme de revenu d'emploi, le gouvernement ne devrait pas considérer les cotisations d'AE comme un impôt général. Ces cotisations sont versées par les employeurs et les employés pour financer les prestations pendant les périodes de chômage. Tout surplus éventuel devrait être réduit en diminuant les cotisations des employeurs et des employés.

La dernière question était quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de veiller à ce que la nouvelle économie offre un large éventail de possibilités d'emploi à tous les Canadiens. Une fois contrôlée sa dette et renforcée la compétitivité de sa fiscalité, le Canada pourra attirer de nouveaux investissements de la part des entreprises et des particuliers. Le Canada profitera ainsi de la création d'emploi exigeant de nouvelles compétences, ce qui offrira de nouvelles possibilités à tous les Canadiens.

L'Association charbonnière du Canada vous remercie de lui avoir offert la possibilité de vous faire connaître son point de vue. Le comité doit maintenant faire comprendre au gouvernement qu'une fiscalité trop lourde nuit à l'industrie et au gouvernement. Une telle fiscalité, conjuguée à des frais de service de la dette élevés, nuisent à la compétitivité nationale et internationale de l'industrie canadienne. Il appartient au gouvernement et à l'industrie de travailler en collaboration pour résoudre les problèmes du Canada et d'assurer à notre pays un avenir prospère.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, M. Myers.

Nous allons maintenant entendre M. Anielski.

M. Mark Anielski (témoignage individuel): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.

Disons pour commencer que je suis venu témoigner ici à titre individuel au sujet des nouvelles méthodes permettant de mesurer l'état de la société canadienne, au moyen de l'indicateur de progrès réel que je recommande.

Pour ce qui est de mes antécédents, je suis économiste de formation. J'étais auparavant conseiller principal auprès du Trésor de l'Alberta dans le secteur de la mesure de la performance du gouvernement et de la planification commerciale. Je suis actuellement chercheur auprès de Redefining Progress, un groupe de réflexion économique, à San Francisco et à Washington et je travaille en ce moment sur la mise au point d'un indice de progrès réel pour les États-Unis.

• 1635

Barry Marquardson, mon collègue de Lethbridge, n'a pu venir aujourd'hui, mais il s'est fait dernièrement le champion de cet indice dans les médias.

    Le produit intérieur brut englobe la pollution de l'air, la publicité pour les cigarettes et les ambulances qui débarrassent nos routes des restes des accidents. Il compte les serrures de sécurité que nous posons sur nos portes et les prisons destinées aux personnes qui les font sauter. Le PIB tient compte de la destruction des séquoias et de la mort du lac Supérieur. Il se développe avec la production de napalm, de missiles et de têtes nucléaires... Si le PIB comprend tout ceci, il y a beaucoup de choses qu'il n'englobe pas. Il ne s'intéresse pas à la santé de nos familles, à la qualité de notre éducation ou à la joie des enfants. Il ne s'intéresse pas aux conditions de travail des ouvriers ni à la sécurité des citoyens. Il ne comprend pas la beauté de nos poèmes, la solidité de nos mariages ou la vivacité de nos débats publics ni l'intégrité de nos fonctionnaires... Le PIB ne mesure pas notre intelligence ni notre courage, pas plus notre sagesse que nos connaissances, notre compassion que notre dévouement à notre pays. En bref, il mesure à peu près tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue.

J'aimerais pouvoir vous dire que ce passage est de moi, mais c'est Robert Kennedy qui a prononcé ces paroles il y a des années. Elles sont encore tout aussi vraies aujourd'hui.

Avec un monde soumis à la terreur financière et économique, de nombreuses voix s'élèvent pour dire qu'il est temps de réévaluer et même de réformer nos systèmes financiers et économiques qui existent depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous pourrions en fait nous interroger sur l'indicateur clé de notre croissance et de notre prospérité économique, le PIB, ou le produit intérieur brut.

Le PIB est peut-être un bon outil pour mesurer la prospérité économique d'un pays, pour mesurer les échanges de biens et de services dans l'économie, mais il mesure mal le véritable développement ou la situation d'une société. Pour le PIB, le capital social, humain et environnemental n'est pas un actif, et il ne tient pas compte de sa dépréciation. Ne pas tenir compte des éléments d'actifs sur lesquels porte la dépréciation, de la vitesse et de l'ampleur de celle-ci, serait un peu comme si Bombardier ne tenait pas compte de la dépréciation de ses usines, de son équipement et de ses machines.

Le PIB ne s'intéresse pas aux inégalités de revenu, à la pollution, aux atteintes à la santé de la population, aux investissements dans l'éducation, notre capital intellectuel, à l'épuisement des ressources naturelles ou à l'impact de la criminalité. Selon cet indice, le crime, le divorce et les autres aspects des échecs de notre société sont des gains économiques. Chaque fois qu'une femme est traitée pour le cancer du sein, le PIB augmente. Chaque fois qu'il y a un désastre environnemental, le PIB augmente. Chaque fois qu'un couple divorce, le PIB augmente. En fait, selon le PIB, l'économie nationale ressemble à une personne qui va mourir du cancer et qui est en train de subir le coût du divorce. Avec ce modèle du «progrès», nous trompons les autres pays et les générations qui vont suivre.

Il faut redéfinir ce qu'est le progrès et concevoir une méthode de mesure plus globale qui reflète la situation et le développement réels de notre pays. Il nous faut mettre au point de nouveaux systèmes de comptabilité publique qui mesurent à quel point nos politiques gouvernementales assurent une meilleure qualité de vie à tous les citoyens et une performance réelle à nos investissements publics. Il nous faut des indicateurs de rendement et des systèmes de comptabilité de la richesse totale qui tiennent compte de la qualité de l'activité économique et non pas uniquement de sa quantité.

On est en train d'élaborer de nouvelles méthodes de mesure et des systèmes de comptabilité qui mesurent la situation de la société, dont le plus perfectionné est l'indicateur de progrès réel, IPR, et l'indice qui l'a précédé, celui de développement économique durable. L'IPR est un outil qui permet de mesurer la situation d'un pays en fonction de paramètres économiques. Il a été mis au point initialement aux États-Unis par le groupe de réflexion économique, Redefining Progress, pour lequel je travaille.

L'IPR tient compte de la valeur des activités commerciales et non commerciales dans un cadre d'analyse globale et s'intéresse au long terme, ce que le PIB ne fait pas. Alors que le PIB examine uniquement le flux des dépenses dans l'économie, l'IPR tient compte de l'épuisement du capital naturel et social. Il permet ainsi de déterminer si les modes actuels d'activité économique peuvent être préservés à long terme.

Tout comme le PIB, l'IPR part de la consommation personnelle de la population, introduit des ajustements pour la répartition du revenu et ajoute ou soustrait tout une série d'éléments qui représentent les coûts ou les avantages sociaux et écologiques. Les activités nuisibles à l'environnement, celles qui épuisent les ressources naturelles et influencent la santé et la qualité de vie sont intégrées à titre de coût ou de dépréciation pour ajuster le PIB. Le PIB est également ajusté pour tenir compte des inégalités de revenu, de l'épuisement des ressources naturelles, de la disparition des terres agricoles et des coûts de la criminalité. Des activités comme le travail des bénévoles, le travail ménager non rémunéré, les soins donnés aux enfants et aux personnes âgées sont intégrées à titre d'éléments positifs et s'ajoutent au PIB. Sur ce plan, l'IPR se rapproche davantage d'un système de comptabilité familial axé sur le bon sens.

• 1640

Les chiffres de l'IPR pour les États-Unis sont révélateurs. Comme l'indique le graphique, entre 1950 et le milieu des années 70, le PIB et l'IPR par habitant ont augmenté parallèlement. Cependant, depuis le milieu des années 70, l'IPR par habitant est inférieur au PIB, puisqu'il est en fait retombé à un niveau inférieur à celui de 1950. On a également calculé l'IPR de l'Australie, qui reflète les mêmes tendances.

Il n'existe pas officiellement d'IPR pour le Canada, même si un nouveau groupe appelé Atlantic GPI, dirigé par le professeur Ron Colman, en congé de l'Université St. Mary, a constitué une équipe chargée de développer une méthodologie de l'IPR pour l'appliquer à la région de l'Atlantique dans l'espoir de concevoir un IPR pour le Canada avec l'aide de Statistique Canada.

De son côté, Statistique Canada est en train de mettre au point un projet de comptabilité pilote du capital naturel pour nos ressources forestières et d'hydrocarbures, mais jusqu'ici cette comptabilité ne tient pas compte du capital social et humain.

L'IPR n'est pas parfait mais il donne la possibilité de mettre en place progressivement un nouveau système de comptes publics décrivant l'état de la nation et qui mesure le développement réel et durable de notre société, de notre économie et de notre environnement. Une comptabilité nationale honnête améliorerait la transparence du processus budgétaire, de l'élaboration des politiques et du processus politique. Avec de meilleures méthodes de comptabilité, les politiques ne seraient peut-être pas meilleures, mais il est difficile d'imaginer que nous puissions avoir de meilleures politiques sans une telle comptabilité.

Lorsque l'on mesure un élément, qu'on le compte et qu'on lui assigne une valeur, on peut alors signaler les changements que cet élément subi, il devient susceptible de faire l'objet de politiques qui peuvent déboucher sur des mesures concrètes. Il est temps d'envisager sérieusement de mettre au point de nouveaux systèmes de comptabilité du capital économique, social et environnemental, qui ne se contentent pas d'additionner les échanges économiques.

J'aimerais présenter au gouvernement du Canada quatre recommandations qui portent sur la mise en place de nouveaux systèmes de comptabilité:

(1) Le gouvernement du Canada devrait élaborer un système de comptabilité global à partir de l'IPR ou d'un IPR modifié. Cette comptabilité sensibiliserait davantage la population à l'état de notre richesse économique, financière, sociale, humaine et environnementale.

(2) Le gouvernement du Canada devrait utiliser les données qui figureraient dans ces nouveaux comptes publics sociaux dans le processus budgétaire, la planification des activités commerciales, l'examen des programmes et l'élaboration de politiques publiques.

(3) Les données contenues dans les nouveaux comptes sociaux seraient publiées régulièrement sur une base annuelle.

(4) À titre de mesure initiale visant à réformer le système de comptabilité publique, le gouvernement du Canada devrait s'engager à élaborer un IPR pilote pour le Canada qui permettrait d'effectuer l'inventaire complet du capital environnemental, social, humain, financier et économique, ses flux et sa valeur, dont l'importance est essentielle aux Canadiens, et à présenter les résultats à la Chambre des communes au cours de l'an 2000.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, M. Anielski.

Nous avons entendu des exposés très intéressants qui suscitent des commentaires et des questions. Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président, et merci aux invités. J'aimerais poser quelques questions à chacun d'entre vous et je vais essayer d'être aussi bref que possible.

Je vais d'abord m'adresser à M. Benoit. Je ne prétends pas connaître grand-chose en agriculture mais je veux vous poser quelques questions générales. Vous avez déclaré qu'à l'heure actuelle le coût de production de la luzerne était beaucoup plus élevé que le prix de vente et que par conséquent cette industrie n'était pas rentable à l'heure actuelle. S'agit-il d'un secteur de nature très cyclique, où les prix évoluent très rapidement sur une brève période ou est-ce que les hausses et les baisses sont plus durables? Quel est le principal facteur qui influe sur le rendement dans ce secteur?

M. Garry Benoit: Il est vrai que l'agriculture est un domaine où il y a des cycles et nous sommes touchés par la saturation générale du marché des grains et la faiblesse des prix des aliments pour bétail. Mais notre industrie est touchée par un facteur tout nouveau, le programme radical mis en place en Europe qui vise l'autosuffisance.

• 1645

Les Américains ont refusé de leur vendre la farine de soya. En fait, je me trouvais à l'ambassade à Washington, D.C., lorsque cela s'est produit dans les années 70, lorsque je m'occupais des affaires agricoles. Les Européens ont délibérément décidé de viser l'autosuffisance pour les protéines céréalières et ils ont été dépassés par le succès de leur programme.

Notre industrie se développait rapidement et tout à coup, pour la première fois, nous suivons la situation de près, ils nous ont fermé leur marché et ensuite, nous ont évincé des marchés d'Afrique du Nord. Ils prétendent qu'ils ne sont pas vraiment intéressés à exporter leurs produits mais ils se trouvent maintenant devant un surplus énorme créé par un programme de subventions trop généreuses. Ils vendent leurs produits à rabais au Japon, qui absorbe 70 p. 100 de notre production.

Leur surplus est égal à la production canadienne et ils vendent leur surplus dans un marché où nous détenions une part de 98 p. 100. Je vous donne ces chiffres pour vous donner une idée de l'effet de ce programme. C'est un facteur nouveau qui nous touche gravement et qui vient s'ajouter aux effets des cycles et des surplus agricoles.

Nous connaissons bien les fluctuations, parce que tout ce qui touche l'agriculture nous touche aussi, mais il faut tenir compte de l'ampleur des problèmes que posent ces subventions. Ces problèmes sont tellement graves que je suis venu ici aujourd'hui pour vous en parler. Les gouvernements doivent faire quelque chose par le biais de négociations commerciales ou autrement.

M. Dick Harris: Très bien. Rapidement, dans un monde parfait, il n'y aurait pas de subventions?

M. Garry Benoit: Absolument, c'est ce que je crois. Notre industrie préférerait faire la concurrence à... Nous savons que nous sommes les plus compétitifs pour ce qui est des coûts et c'est exactement ce que nous aimerions voir. En résumé, tout ce que nous demandons, c'est que l'on déploie davantage d'efforts pour régler ce problème à la table des négociations.

M. Dick Harris: Très bien.

M. Garry Benoit: En attendant, le gouvernement va devoir décider s'il souhaite conserver une industrie compétitive en attendant que les effets de ce programme radical cessent de se faire sentir.

M. Dick Harris: Très bien. Merci.

Monsieur Myers, je ne connais pas non plus le secteur du charbon, mais j'aimerais vous poser quelques questions générales au sujet de la fiscalité. J'aimerais que vous me communiquiez certains éléments. Nous allons nous en tenir à la comparaison Canada-États-Unis. Comment se compare la fiscalité applicable aux producteurs de charbon canadiens et à leurs homologues américains? Notre régime fiscal représente-t-il un avantage ou un désavantage sur le plan de la concurrence? Comment cela se compare-t-il?

M. Ken Myers: Je peux faire quelques remarques générales. Il y a une différence, en plus, de 10 p. 100 entre le taux général de l'impôt des sociétés au Canada et celui qui est applicable aux États-Unis.

Une autre différence importante vient de l'amortissement des biens d'équipement, en particulier pour le matériel ferroviaire. Pour le charbon d'exportation, le transport ferroviaire représente la moitié de nos coûts. Au Canada, il est possible d'amortir près de 80 p. 100 de la valeur d'un wagon sur une période de 20 ans alors qu'aux États-Unis, on peut amortir 100 p. 100 de sa valeur sur une période de huit ans.

M. Dick Harris: Si l'on comparait une société canadienne et une société américaine qui aurait à peu près la même taille, quelle serait la différence sur le plan des coûts de production entre notre société et une société américaine de taille comparable?

M. Ken Myers: Cela dépend de la société considérée, mais les sociétés charbonnières canadiennes sont très efficaces.

M. Dick Harris: Je voulais savoir en fait ceci: si l'on pouvait comparer des choses comparables et des sociétés utilisant les mêmes technologies de production, dans quelle mesure les salaires et les impôts influenceraient respectivement les coûts de production?

• 1650

M. Ken Myers: Je ne suis pas sûr de bien répondre à votre question mais, au Canada, la production du charbon est très efficace. Nous savons que nous pouvons faire concurrence aux Américains et aux Australiens mais lorsque l'on tient compte de l'ensemble de la fiscalité, cela veut dire les impôts fonciers, les charges salariales, les taxes sur les ventes et l'impôt sur le revenu, le fardeau fiscal canadien est plus lourd que celui de ses concurrents.

M. Dick Harris: Très bien. Le transport de votre produit joue un rôle très important dans votre rentabilité.

M. Ken Myers: Un rôle très important. Pour les Canadiens, ce sont les Australiens qui sont notre principal concurrent. Nous nous trouvons en moyenne à 1 600 kilomètres de la mer alors que les mines en Australie sont à 100 ou 200 kilomètres de la mer. Si l'on tient compte du fait que le transport par rail représente la moitié de notre coût, vous voyez que nous sommes fortement désavantagés par rapport à eux, avant même de tenir compte de la fiscalité; nous arrivons à compenser l'élément transport par la productivité que nous obtenons ici par rapport à celle de l'Australie.

M. Dick Harris: J'ai entendu dire que s'il y avait une société charbonnière canadienne située à 500 mètres de la frontière américaine, disons exactement au milieu du continent, et que vous aviez la possibilité d'utiliser une ligne de chemin de fer américaine pour exporter votre produit d'un port américain ou de passer par le Canada pour atteindre un port, il vous reviendrait beaucoup moins cher de passer par le côté américain que de traverser le Canada. Est-ce bien exact?

M. Ken Myers: Cela est tout à fait vrai. Je vais vous donner un exemple. La société pour laquelle je travaille exporte près de 15 millions de tonnes de charbon par an et en vend quelque 500 000 tonnes au Canada. D'une façon générale, nous ne vendons pas de charbon aux entreprises canadiennes. Nous n'en vendons pas non plus aux entreprises américaines. Nos marchés se trouvent en Asie, en Europe et en Amérique du Sud. Nous sommes concurrentiels lorsque notre produit est arrivé sur la côte mais pas lorsqu'il s'agit de traverser le Canada.

M. Dick Harris: Merci, M. Myers.

J'aurais une dernière question pour M. Anielski, monsieur le président.

Je ne serai sans doute pas le seul à reprendre les paroles de Robert Kennedy. C'est la première fois que je les entends et elles sont très justes. Je ne prétends pas bien comprendre tout ce dont vous avez parlé mais je peux vous dire que je vais prendre le temps de lire votre mémoire.

Je n'ai qu'une question. Nous serions sans doute tous d'accord pour dire que le PIB est un outil qui donne une image assez grossière de notre pays. Lorsque les divers gouvernements prennent des décisions qui sont fondées, dans l'ensemble, sur les aspects financiers, et il est vrai que ces décisions s'appuient sur le PIB du pays, lorsque nous dépensons des fonds, n'essayons-nous pas de faire ce qui nous paraît être le mieux pour notre pays? Je sais à quoi vous faites référence lorsque vous parlez de l'IPR, même si nous n'utilisons pas cet indice, n'essayons-nous pas de toute façon d'en tenir compte lorsque nous prenons nos décisions, notamment sur la façon de dépenser nos ressources?

M. Mark Anielski: C'est une remarque très juste. En fait le PIB, notre système des comptes nationaux, a été mis sur pied dans la meilleure des intentions après la Deuxième Guerre mondiale pour suivre la reconstruction de nos économies. C'est pourquoi ce système s'intéresse principalement aux emplois et à la production. Il était d'ailleurs à l'époque tout à fait justifié d'élaborer ce système de cette façon. Il en est toutefois découlé, dans un certain sens, une certaine inertie et une préoccupation presque exclusive pour la croissance économique, puisque cet indice enregistre uniquement les échanges commerciaux de biens et de services.

• 1655

Nous sommes arrivés aujourd'hui à un point critique où nous voyons s'effriter notre capital naturel, ce qui pour le Canada est très grave. Les signes de cet effritement sont nombreux. C'est pourquoi nous devons concevoir un système de comptabilité plus global. Le PIB demeure un outil utile pour mesurer la prospérité économique mais nous devons également reconnaître qu'il ne s'agit pas uniquement de gérer notre capital financier et économique mais que le capital humain et environnemental, qui est en fait à l'origine de notre prospérité, est aussi important que les deux autres lorsqu'il s'agit de la santé de l'économie. C'est là que se trouve la principale lacune de notre système.

J'ai travaillé au gouvernement pendant des années et au Conseil du Trésor en particulier; il serait injuste de dire que les élus utilisent uniquement le PIB, parce que ce n'est pas le cas. Comme vous l'avez laissé entendre, ce n'est qu'un indicateur parmi d'autres. Par contre, ce que j'ai vu au Conseil du Trésor me permet d'affirmer que les économistes traditionnels accordent beaucoup d'importance à cet outil et qu'ils lui accordent davantage d'attention qu'aux autres actifs dont je viens de parler.

M. Dick Harris: Peut-on dire alors que même en perfectionnant l'IPR, cet outil de mesure serait tout aussi imparfait que le PIB mais qu'il serait peut-être souhaitable de combiner ces deux instruments pour mieux savoir où nous en sommes?

M. Mark Anielski: Absolument. L'expérience que j'ai acquise ici en Alberta dans le domaine des indicateurs de rendement me donne à penser qu'il n'existe pas de système parfait. Nous devons en fait reconnaître avec une certaine humilité que nous parvenons tout au plus à améliorer progressivement notre système de comptabilité, parce que nous recherchons en fait le moyen d'avoir accès à de meilleures données qui nous permettrons de prendre de meilleures décisions.

M. Dick Harris: Merci beaucoup. Je vais certainement lire cela.

M. Mark Anielski: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers: Mes premiers mots seront pour vous remercier des efforts que vous avez faits pour faire connaître votre point de vue au cours de cette tournée prébudgétaire. Il est toujours intéressant d'entendre le point de vue de différents organismes lorsqu'on est sur le point de connaître la position du ministre des Finances, M. Martin, en ce qui concerne les orientations budgétaires pour l'année 1998-1999.

J'ai quelques questions à poser à N. Myers. Vous semblez un peu mal à l'aise lorsqu'on parle de l'éventualité d'imposer des taxes liées à l'écologie ou à la protection de l'environnement. J'aimerais donc connaître votre position sur les ententes qui ont été signées à Kyoto. Ensuite, comme vous le savez sans doute, on demande à tout le monde, et en particulier à ceux dont l'action peut parfois causer la pollution de l'atmosphère, de fournir des efforts particuliers. Qui, selon vous, doit payer pour cela? Êtes-vous en faveur du principe du pollueur-payeur, d'une taxe qui pourrait être imposée à un autre secteur? En effet, il faut quand même penser à des efforts collectifs pour solutionner et corriger ce problème.

• 1700

[Traduction]

M. Ken Myers: Pour revenir aux taxes écologiques dont on a parlé à Kyoto, l'industrie lourde canadienne est d'accord sur le principe du contrôle des émissions. Le problème que cela nous pose est que l'on prend des décisions de façon arbitraire et que ces décisions vont toucher certains secteurs de l'économie et certains pays de façon inégale, ce qui va fausser le jeu de la concurrence à l'échelle internationale.

Les grands pays n'ont pas participé au processus qui a débouché sur les décisions prises à Kyoto. Si les pays qui sont nos concurrents devaient à un moment donné bénéficier d'un avantage économique important qui touche l'industrie canadienne, il n'y aurait pas qu'une seule société qui serait touchée. Comme je l'ai indiqué dans le cas du secteur charbonnier, lorsqu'une mesure touche ce secteur, elle touche également le système ferroviaire et les ports canadiens.

Pour ce qui est de la pollution, l'Alberta a joué un rôle de leader dans la lutte contre la pollution, notamment avec l'usine de Swan Hills, projet pour lequel l'industrie et le gouvernement ont collaboré pour découvrir des solutions permettant de résoudre ces problèmes. Le coût des mesures antipollution doit être assumé par les utilisateurs du produit, notamment dans le cas de l'électricité, puisque toutes les industries utilisent l'électricité. Si c'est une entreprise charbonnière qui produit de l'acier, ces coûts doivent venir s'ajouter aux coûts du produit fini, l'acier.

Mais il faut lutter contre les émissions polluantes. Cela est clair.

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous dites, monsieur Myers, que tout le monde devrait payer. À ce moment-là, une taxe relative à la protection de l'environnement ne serait-elle pas équitable? Vous dites, d'une part, que tous les utilisateurs de vos produits devraient payer. D'autre part, à entendre vos arguments, on croirait que tout le monde devrait payer. À ce moment-là, est-ce qu'une taxe liée à l'environnement ne serait pas une solution équitable?

[Traduction]

M. Ken Myers: Le problème que pose la taxe écologique est celle de sa mise en oeuvre. Si elle s'applique à tous les concurrents internationaux, alors une telle taxe peut être juste. Si elle ne s'applique qu'à certains pays, elle n'est pas juste.

En outre, les économistes doivent examiner l'impact qu'une telle taxe pourrait avoir sur des pays comme le Canada, situé dans l'hémisphère nord. Nous fonctionnons dans un climat froid et donc dans un environnement difficile et nous devons utiliser plus d'énergie pour arriver au même résultat que des entreprises qui fonctionnent dans des régions du globe plus chaudes. Il faut donc tenir compte de ces questions. Nous élaborons des solutions avant d'avoir analysé la situation et les détails et déterminé comment ce genre de décision peut toucher le Canada.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai une autre question au sujet de l'environnement, toujours à l'intention de M. Myers. Vous dites que si on imposait ce genre de taxe et adoptait certaines mesures pour contrecarrer la pollution, vous auriez de la difficulté à être concurrentiels en comparaison d'autres pays. J'aimerais savoir de quels pays il s'agit et dans quelle mesure vous seriez perdants si on adoptait des mesures proactives pour sauvegarder l'environnement.

[Traduction]

M. Ken Myers: Si cela ne s'appliquait qu'au Canada, cela aurait un effet catastrophique. Depuis neuf mois en particulier, la concurrence s'est intensifiée à l'échelle internationale. La production d'acier a baissé. Si l'on nous imposait cette taxe sans l'imposer également à des pays comme l'Australie ou la Russie, nous serions gravement désavantagés.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je suis d'accord sur la position exprimée dans votre réponse, monsieur Myers, mais celle-ci manque de précision. Je vous ai demandé de me nommer les pays auxquels vous pensiez. Vous m'avez parlé de l'Australie et d'un autre pays. Quand vous parlez de catastrophe, est-ce que vous pensez à un certain pourcentage? Seriez-vous en mesure d'établir une projection sur deux ou trois ans, par exemple?

• 1705

[Traduction]

M. Ken Myers: Monsieur Desrochers, vous demandez des renseignements qui ne sont pas immédiatement disponibles. Nous pourrions vous les fournir si vous êtes prêts à consacrer du temps à cette question pour l'analyser, si vous êtes sérieux à ce sujet.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je fais mon travail très sérieusement, monsieur Myers. Vous savez que notre formation politique ainsi que d'autres partis ont travaillé fort pour que les ententes de Kyoto soient signées. Lorsque je me trouve devant des personnes qui, peut-être, ne partagent pas mon opinion, j'aime pouvoir approfondir la leur.

Là-dessus, je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, M. Desrochers.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Mark, j'ai apprécié votre exposé. Vous avez parlé d'une nouvelle série de valeurs qui permettent d'évaluer l'état de notre société, de notre pays, de notre gouvernement et de notre Parlement. Je me réjouis de cette initiative. Je souhaiterais qu'elle débouche, à titre de projet du millénaire peut-être, vers l'an 2000 comme vous le mentionnez. Je vous félicite de nous avoir présenté un exposé original et novateur.

J'aurais une question qui s'adresse à MM. Benoit et Myers. Vous dépendez tous deux beaucoup du marché asiatique et vous exportez également en Amérique centrale. Nous sommes, je crois, réduits à faire des conjectures sur ce qui va se produire prochainement dans ces deux régions: la situation ne paraît pas très encourageante pour ce qui est du marché. D'autres pays vont sans doute chercher à s'introduire dans ces régions, ce qui va encore rendre la concurrence plus intense.

J'ai deux questions. Pourriez-vous nous dire comment vous pensez que la situation va évoluer au cours des six ou douze prochains mois, en ce qui touche vos deux secteurs, en vous basant sur ce que vous savez des facteurs qui influent sur la situation? Et deuxièmement, quel est le rôle que joue notre devise pour ce qui est de votre rentabilité? Aucun de vous n'a parlé de la valeur du dollar canadien mais je crois que le dollar doit certainement jouer un rôle sur l'évolution de la situation dans votre secteur.

M. Ken Myers: Pour répondre d'abord à la dernière question sur la valeur du dollar canadien, je crois qu'à court terme la faible valeur de notre devise constitue, en théorie, un avantage pour l'industrie. Le problème est qu'une grande partie de l'industrie a probablement fait protéger ses taux de change, de manière qu'elle ne profite pas vraiment de toutes les retombées des plus faibles taux. À plus long terme, je ne crois pas qu'un dollar canadien faible soit une bonne chose pour le Canada ni pour l'industrie dans son ensemble.

La crise asiatique a eu des répercussions considérables sur notre industrie au cours des six derniers mois. L'Asie, un gros producteur d'acier, enregistre une diminution des volumes et aussi une réduction importante de l'utilisation interne d'acier puisque les aciéries qui approvisionnent habituellement le marché intérieur exportent maintenant leur production. La production est également perturbée en Amérique du Sud, particulièrement dans les aciéries brésiliennes. Le démarrage d'exploitations dans des pays comme la Bulgarie et la Roumanie pose des difficultés majeures parce que la technologie n'est pas nécessairement à jour. Au départ, ces exploitations doivent concurrencer les quantités énormes de produits qui sont mis en marché. Par conséquent, ces installations souffrent.

Les problèmes asiatiques ne se limitent pas à l'Asie; ils ont des ramifications à l'échelle mondiale. De fait, au cours des dernières semaines, une aciérie des États-Unis, Acme Steel, s'est prévalue des dispositions du chapitre 11. Les répercussions se font sentir sur notre propre continent.

M. Nelson Riis: Merci.

Monsieur Benoit.

• 1710

M. Garry Benoit: Il est sûr que la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain nous aide et je n'aimerais sûrement pas qu'il y ait un mouvement rapide dans une direction ou dans l'autre. Par contre, le yen japonais a perdu une valeur équivalente, de telle sorte que le pouvoir d'achat du client s'en est trouvé affaibli. En quelque sorte, il y a un équilibre. Comme je le dis dans mon exposé, je crois que nous pouvons faire face à la crise asiatique si on n'y ajoute pas le subside européen, auquel cas, la situation devient plutôt lourde à porter.

J'estime qu'à plus long terme, les Japonais continueront d'exiger nos types de produits pour nourrir leurs vaches laitières. Actuellement, ils sont capables d'attendre que nos prix baissent. Ils savent que les Européens disposent de quantités importantes, et ils se contentent d'importer un lot par-ci, par-là. Ils obtiendront le plus de produits possible du Canada, mais ils nous ont placés dans la situation où ils voulaient que nous soyons, ils ont obtenu le levier nécessaire pour nous obliger à baisser nos prix, et ils y sont parvenus de façon très efficace. Ils vont venir des chargements occasionnels d'Europe uniquement pour nous montrer qu'ils veulent que nous baissions nos prix. C'est ainsi que nous continuerons d'approvisionner la plus grande partie du marché japonais, par exemple, à des prix réduits et que les Japonais chercheront à obtenir le maximum de ce qu'ils peuvent de notre industrie. Reste à savoir quelle part de notre industrie survivra. Déjà, la production a été réduite faute d'activités sur le marché, mais il est possible de couper jusqu'à un certain point, au-delà duquel vous risquez de perdre votre usine.

En Corée, qui représente qui représente notre second marché en importance, les conséquences ont été plutôt graves puisque nos ventes ont été coupées de moitié ou presque à la suite des problèmes de devise du pays. De plus, la Corée pourrait se tourner vers d'autres marchés pour obtenir leurs produits.

Les États-Unis ont assurément obtenu de meilleurs résultats plus rapidement avec leurs programmes de financement des exportations. Comme les programmes n'étaient tout simplement pas concurrentiels, les Américains ont pu obtenir des parts de marché parce que leurs programmes étaient beaucoup plus solides et mieux compris par les Coréens, et plus efficaces. Et les Américains nous prennent des parts de marché à cause de leurs programmes d'exportation, de sorte que la situation intéresse aussi votre comité. Les programmes de financement des exportations ne sont pas aussi rentables ni aussi efficaces que ce que les Américains ont à concurrencer.

J'ai assisté à l'exposé majeur sur la situation du Japon et il semble qu'un redressement soit en cours. Toutefois, il faudra du temps, plusieurs années même avant que le Japon retrouve son pouvoir d'achat d'il y a quelques années.

M. Nelson Riis: Actuellement, ces subsides nous font concurrence dans un marché déprimé, mais un marché néanmoins. Mon ami, M. Harris, s'est interrogé sur cette partie de votre exposé où vous dites que les prix du marché international sont maintenant bien en dessous des coûts de production. Cela signifie-t-il que les coûts de vos producteurs sont plus élevés que les prix qu'ils touchent? Si tel est le cas, combien de temps pourront-ils tenir? Nous avons entendu dire la même chose au sujet d'autres secteurs, mais vous pouvez assurément tenir pendant quelques années?

M. Garry Benoit: Plusieurs membres de notre industrie nous disent que non, qu'il faut que quelque chose cède éventuellement... le plus tôt sera le mieux.

M. Nelson Riis: Qu'est-ce qui pourrait bien céder, monsieur Benoit? Je n'arrive pas à imaginer que les Européens se retirent en disant qu'ils sont préoccupés par le secteur canadien. Les États-Unis ne feront certainement pas marche arrière en pleine année d'élections, et ainsi de suite. La situation au Japon et en Corée ne changera pas avant un certain temps. Pouvez-vous bien me dire ce qui pourrait changer à ce point que la situation s'en trouve modifiée l'an prochain ou dans deux ans?

• 1715

M. Garry Benoit: Nous sommes en liaison directe avec nos homologues d'Europe pour leur laisser savoir combien cette situation nous semble injuste. Je sais qu'ils comptent sur leur industrie pour ne pas exporter sur nos marchés, parce qu'ils sont conscients que cela exercera davantage de pressions sur leur programme à long terme. C'est ce qui me préoccupe. Il n'est alors pas possible de parvenir à une solution rapide dans le cadre de négociations commerciales.

Les Européens avaient un programme si poussé que même quand ils ont apporté les réductions exigées lors des dernières négociations commerciales, leur programme était toujours acceptable du point de vue du GATT. Les discussions commerciales doivent être beaucoup plus précises. La dernière fois, on a beaucoup insisté sur les subventions à l'exportation, et si nous devons abandonner tous nos atouts... Par exemple, l'entente du GATT exigeait une réduction de 36 p. 100 et, pour ce qui est des subventions à l'exportation, nous avons donné 100 p. 100, comme cela, tout d'un bloc.

En tant que transformateurs, il s'agit d'une subvention sur chaque tonne de produits transformés. Cela ne faisait pas partie de la catégorie à laquelle il était nécessaire de porter attention, mais cela a le même effet qu'une subvention à l'exportation dès qu'il y a un surplus. Cette approche est très dommageable et crée une distorsion commerciale très forte. Il faut être beaucoup plus précis dès l'entrée de jeu de ces négociations afin d'être capables de mesurer les répercussions de ce type de subvention et d'avancer un peu.

À court terme, notre gouvernement formule des protestations officielles sur la question. On soupçonne qu'en Europe il y ait des tractations visant à rendre le programme moins dommageable, parce que là aussi il y a des problèmes. On est en train de créer des surplus, ce qui torpille les prix des Européens.

Pendant combien de temps? Nous perdrons sûrement quelques usines à cause de cela. Combien? Notre production a certes été réduite. Des usines viennent tout juste de vendre du matériel qu'elles auraient normalement transformé. Si elles doivent perdre de l'argent en faisant cette transformation, elles préfèrent réduire leurs pertes en fermant leurs portes tout simplement, comme elles l'ont fait pendant certaines périodes cet été. Les inventaires sont élevés, les entrepôts sont pleins parce que le marché est pourri.

La situation est très difficile et il ne fait aucun doute que nous perdrons quelques usines. Le plus tôt on pourrait faire quelque chose, le mieux ce sera.

Si on nous donnait disons 20 p. 100 du soutien dont bénéficient les Européens, cela nous permettrait probablement de résister pendant trois ou quatre ans. Si nous n'avions pas cédé de terrain, tout d'un coup, nous aurions probablement pu maintenir un pourcentage élevé de nos industries en activité au lieu de les laisser aller.

Le président: Je vous remercie, monsieur Benoit. Nous passons à monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

Je demanderai à MM. Myers et Benoit de laisser de côté leurs préjugés favorables à leur secteur pour quelques instants et d'amorcer une discussion plus large. Vous avez commenté la crise asiatique—qui a certainement eu des répercussions pour vos secteurs en particulier, et aussi pour d'autres secteurs en général—et la situation en Russie et en Amérique latine. Hier encore, M. Greenspan disait que les perspectives pour l'économie américaine en 1999 se sont grandement affaiblies, ce qui est source de préoccupations.

Nous venons d'équilibrer les comptes. Nous avons pris l'engagement de maintenir cet équilibre. Nous nous sommes aussi engagés à réduire la dette. Le surplus que nous avons est relativement petit, et les analystes du secteur privé réduisent constamment ces chiffres. Les derniers chiffres que j'ai vus varient de cinq à sept milliards de dollars, y compris un fonds de réserve de trois milliards de dollars. C'est à peu près le montant dont il est question.

Que faisons-nous? C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, afin d'entendre ce que des personnes comme vous avez à nous dire et à nous communiquer. Compte tenu du contexte global dans lequel nous nous trouvons, et compte tenu de notre situation intérieure et des chiffres qui nous sont fournis, quelles sont les priorités?

• 1720

Je remarque qu'un certain nombre de vos mémoires disent de réduire les impôts, de réduire la dette, de s'occuper de l'assurance-emploi, de s'occuper de l'impôt des sociétés et de s'occuper aussi de l'impôt des particuliers. Malheureusement, nous les parlementaires devons penser en terme de compromis. Je vous demande donc d'insister davantage sur ce que les priorités devraient être quand notre comité soumettra son rapport au ministre des Finances.

Le président: Monsieur Myers.

M. Ken Myers: De façon générale, vous vous préoccupez de ce que le surplus généré ne disparaisse si l'économie ne se détériore.

M. Tony Valeri: Non, je pense que nous aurons ce surplus. Je dis simplement que le surplus est de l'ordre de trois milliards de dollars. Ma question est la suivante: Sur quoi devons-nous nous concentrer?

M. Ken Myers: Je pense que le point de vue de l'industrie est qu'un plus faible taux d'imposition ne signifie pas nécessairement moins de recettes. Si nous pouvons compter sur une structure compétitive, il y aura davantage de possibilités d'emploi au Canada. Une telle situation nous permet d'être concurrentiels. Revenu Canada pourrait alors augmenter ses revenus d'impôt.

Songez à ce qui s'est passé au cours des dernières années. Bien que nous ayons eu une augmentation des cotisations à l'assurance-emploi avec l'évolution de l'économie, le programme a généré des surplus parce qu'on y cotisait davantage. C'est pourquoi je pense qu'une structure fiscale pourrait permettre à l'industrie d'être compétitive et de se maintenir.

Aujourd'hui, nous constatons que plusieurs de nos jeunes diplômés quittent le pays. Nous consacrons des sommes importantes pour l'éducation de ces jeunes. Un de mes fils vient de profiter de ce programme, et il entreprend des études de maîtrise tout en envisageant les possibilités d'emploi. Il est dans le domaine de l'informatique. Les salaires sont plus élevés aux États-Unis et les impôts moins élevés, mais le mode de vie est meilleur au Canada.

Un grand nombre de ces jeunes gens vont à Los Angeles. Disney verse des salaires phénoménaux pour attirer les jeunes. La qualité de vie là-bas n'est pas ce qu'elle était. Les jeunes préféreraient rester au Canada, mais compte tenu de leurs dettes d'études et du taux d'imposition plus faible aux États-Unis, ils doivent gagner de l'argent pour rembourser leurs prêts. Je pense donc que leur cheminement est d'aller aux États-Unis pendant cinq ans, de se faire un peu d'argent, puis de revenir au Canada.

Le problème...

M. Tony Valeri: Puis-je commenter ce que vous venez de dire?

M. Ken Myers: Bien sûr.

M. Tony Valeri: Vous avez parlé de la possibilité que Revenu Canada augmente ses recettes si le taux d'impôt était abaissé. Je reviens aux trois milliards de dollars, parce que c'est un sujet dont nous devons discuter. Supposons qu'il y ait trois milliards de dollars à utiliser, trois milliards de dollars sur six milliards—je dis qu'il s'agit de six milliards de dollars pour les fins de la discussion—soit pour équilibrer le budget, soit pour réduire la dette, s'il n'est pas nécessaire de les utiliser pour équilibrer le budget. C'est une de vos recommandations, de sorte que nous pouvons la mettre de côté. Nous disposons donc de trois milliards de dollars.

Vous dites que si nous réduisons l'impôt des sociétés, Revenu Canada pourrait accroître ses recettes. La difficulté est que dès que vous commencez à réduire les impôts, vous devez le faire dans les limites des sommes disponibles. Nous ne pouvons dire que nous réduirons les impôts de dix milliards de dollars alors que nous avons une marge de trois milliards de dollars et espérer augmenter les revenus. C'est le type de situation dans laquelle nous nous trouvons.

Donc, s'il s'agit de trois milliards de dollars. Vous avez parlé d'impôt des sociétés et d'impôt des particuliers, n'est-ce pas? Les jeunes gens regardent ailleurs et les impôts sont moins élevés aux États-Unis. Lequel des impôts des sociétés, des impôts personnels ou de la réduction de l'assurance-emploi donnerait les meilleurs résultats, compte tenu du montant dont il est question et de l'économie globale à laquelle il faut faire face?

M. Ken Myers: Votre question n'est guère facile. Je pense qu'à court terme, si vous laissez plus d'argent entre les mains des particuliers, vous donnerez un coup de pouce immédiat à l'économie. Si vous mettez en place une structure fiscale moins lourde pour les entreprises, vous générerez davantage d'emplois à long terme.

• 1725

M. Tony Valeri: J'ai tendance à être d'accord avec cela.

Je compare donc les impôts personnels à une réduction de l'assurance-emploi, par exemple. Une réduction des impôts personnels toucherait environ 14 millions de Canadiens, tandis qu'une réduction de l'assurance-emploi toucherait environ huit millions de Canadiens. Si on applique cette logique—je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire—vous seriez en train de me dire qu'une réduction des impôts personnels remettrait davantage d'argent en circulation dans l'économie qu'une réduction de l'assurance-emploi, c'est cela?

M. Ken Myers: Je crois qu'il s'agit de deux questions distinctes. Si vous parlez du surplus de la caisse d'assurance-emploi que vous utilisez à des fins générales, les gens finiront par croire qu'ils paient des frais d'utilisation. Ces frais devraient être à des fins particulières.

M. Tony Valeri: D'accord, pouvons-nous passer quelques minutes sur le sujet?

M. Ken Myers: Bien sûr.

M. Tony Valeri: En 1986, le vérificateur général a demandé au gouvernement de consolider les cotisations à l'assurance-emploi dans le Trésor parce qu'à ce moment-là, le programme souffrait d'un sous-financement. Quand le gouvernement parlait de sa situation déficitaire de l'époque, il se trompait d'environ six milliards de dollars. Donc, on se disait que si le gouvernement appuyait un programme—mettons qu'il prenne de l'argent dans le Trésor pour couvrir les dépenses d'un programme—il faudrait alors inclure ce programme dans le calcul global.

Je ne suis pas en désaccord avec vous au sujet du programme qui existe, mais le défi se pose quand on décide de faire quelque chose. Quand je parle de somme d'environ trois milliards de dollars, je parle aussi du soi-disant surplus ou revenu qui, selon le public, se trouve dans la caisse d'assurance-emploi. Quoi que vous décidiez de faire, il y aura toujours un compromis. Quand je parle des impôts personnels par rapport à l'assurance-emploi, le compromis existe toujours, bien que je sois sensible à l'argument que vous utilisez.

M. Ken Myers: Vous dites qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour régler tous les problèmes en même temps.

M. Tony Valeri: Absolument.

M. Ken Myers: Mais vous devez mettre en place une structure et des politiques pour aborder ces problèmes à plus long terme.

M. Tony Valeri: Absolument. La première étape était manifestement de tenter d'équilibrer les comptes. Il y a un plan pour traiter de la dette, il y a une stratégie à long terme, et cette stratégie consiste à maintenir l'équilibre. Ce dont il est question présentement, ce sont les priorités d'aujourd'hui face aux prochaines années, relativement au surplus qui paraît tout petit en perspective quand on le compare à ce que les analystes du secteur privé croyaient qu'il pourrait être il y a environ six mois, est-ce bien cela?

M. Ken Myers: J'imagine que si vous pouviez créer davantage d'emplois, nous pourrions augmenter le surplus.

M. Tony Valeri: C'est un principe de base pour tout gouvernement. Bien sûr, nous voulons créer davantage d'emplois, mais comment le faire? Qu'il s'agisse d'une réduction des impôts personnels, d'une réduction de l'assurance-emploi ou de subventions aux divers secteurs qui se sentent lésés à cause de la situation économique globale, ce sont des questions auxquelles il faut trouver réponse. Par conséquent, je vous demande ce que les priorités devraient être, selon vous.

M. Ken Myers: Selon moi, il faudrait que ce soit une structure fiscale moins lourde pour les sociétés.

M. Tony Valeri: Une réduction de l'impôt des sociétés. D'accord. Monsieur Benoit?

M. Garry Benoit: Je crois que j'aimerais que tous les impôts baissent...

M. Tony Valeri: Moi aussi.

M. Garry Benoit: ...l'impôt des sociétés, l'assurance-emploi et les impôts personnels. Comment faire pour équilibrer tout cela, je n'en suis pas sûr. Je n'ai pas les compétences voulues pour vous le dire.

Je crois qu'il faudrait tenter de tout réduire. Mes notes sur le transparent montrent que les dépenses fédérales pour l'agriculture devraient être équitables par rapport à l'importance de l'industrie. À l'heure actuelle, je crois qu'elles sont très faibles. Je ne sais pas s'il s'agit de 2 p. 100 ou de quelque chose du genre.

• 1730

Quand il est question de dépenser, nous préférerions que ce ne soit pas pour des programmes de soutien. Quand je pense que du jour au lendemain on nous a enlevé tout ce que nous avions, alors que le GATT ne l'exigeait pas... Le dernier point que j'avais sur ce transparent est le programme visant à compenser des subventions de l'Union européenne. Je parle simplement d'un programme à court terme qui permettrait aux transformateurs de luzerne de créer des emplois dans les collectivités rurales et de contribuer aux recettes fiscales. Vous devez prendre des décisions. Voulez-vous un programme à court terme visant à compenser les subventions de l'Union européenne, à la fois pour vous donner la main haute lors de la prochaine négociation commerciale et pour garder un certain nombre d'emplois, ou laisser les industries de transformation à valeur ajoutée, qui sont une priorité du gouvernement, disparaître injustement?

Nous ne devrions pas être ici. Mais abordons le problème et réglons-le. Mais quand vous savez que vous devez être là, peut-être devez-vous dépenser un peu. Vous avez mis le paquet avec la Loi sur le transport des grains de l'Ouest. La question du transport est très importante pour notre industrie, et vous avez tout enlevé, rapidement, au-delà de ce qui était exigé, parce qu'il y avait un déficit budgétaire.

Je vous félicite d'avoir commencé à vous intéresser au problème du déficit et de la dette. Je pense qu'il faut couper beaucoup de choses au gouvernement et dans les dépenses, mais soyons équitables à ce sujet aussi.

M. Tony Valeri: Je suis fermement convaincu que le gouvernement doit affecter des ressources de manière efficace, mais quand vous examinez les budgets. Il semble y avoir un problème. Il y a trois catégories de dépenses qui représentent près de la moitié des sommes disponibles, et ce sont les transferts aux provinces, les transferts aux personnes et les intérêts sur la dette. Si vous parlez des dépenses gouvernementales, des dépenses ministérielles, vous n'arriverez pas à des économies importantes si vous éliminez des agrafeuses, des ciseaux et des agrafes et ces réductions seront sans doute insuffisantes pour financer un programme compensatoire. C'est un défi auquel nous sommes toujours confrontés.

J'ai une autre question à poser. Je ne sais pas si vous voulez commenter la première partie, monsieur Anielski, parce qu'il s'agit d'une question à choix multiples.

M. Mark Anielski: De fait, les choix multiples limitent la réponse.

En tant qu'économiste qui a travaillé pour le Trésor de l'Alberta et qui connaît la question de savoir ce qu'il faut faire avec ce soi-disant surplus ou excédent fiscal, il me semble logique de procéder à une analyse de rentabilité des options disponibles et de déterminer quels sont les plus grands avantages financiers qui en résulteront. Peut-être s'agira-t-il d'une réduction des impôts personnels. Peut-être s'agira-t-il aussi d'économies sur le paiement des intérêts de la dette en remboursant les titulaires étrangers d'obligations de manière à créer un plus grand surplus, qui pourrait ensuite être redistribué sous forme d'une réduction de l'impôt des sociétés et de l'impôt des particuliers. D'un point de vue pragmatique, c'est ce que je recommanderais.

M. Tony Valeri: D'accord. J'ai une deuxième question pour vous. C'est une question plutôt hypothétique mais je tiens à connaître votre réponse.

Si on se servait de l'indice du progrès réel dans le contexte d'aujourd'hui, que ferions-nous de différent si nous pouvions mettre ce type d'indice en place? Y a-t-il quelque chose qui vous vient à l'esprit, compte tenu de votre expérience et de vos travaux de recherche jusqu'à maintenant?

M. Mark Anielski: Je crois que nous procéderions différemment pour l'élaboration de politiques et aussi pour la préparation du budget. Nous aurions un ensemble de comptes pour les divers types de capitaux disponibles. Nous aurions une façon de connaître la santé financière, la santé économique, de même que la santé environnementale et sociale. Pour ce qui est des ressources naturelles, nous examinerions les réserves et le rythme d'utilisation. C'est-à-dire, quelle quantité produisons-nous sur une base annuelle? Est-ce un rythme soutenable dans le cas de ressources renouvelables comme les forêts ou l'agriculture? Dans le cas des ressources non renouvelables, comme le charbon, le pétrole et le gaz, quelles sont les réserves?

• 1735

Je crois que cela serait similaire à un bilan ou à un état des résultats d'une entreprise. Actuellement, les comptes de revenu national sont biaisés en faveur de l'information économique financière, de telle sorte que nous discutons ici de la nécessité d'un jeu supplémentaire de comptes, que l'on pourrait appeler comptes satellites. D'ailleurs, c'est ce qu'utilisent les Nations Unies—et la Banque mondiale fait un travail similaire—pour le capital environnemental et le capital social humain. Ce pourrait être trois comptes nets ou comptes de bilan. Bien entendu, ces renseignements feraient partie du débat dans le cadre de la préparation du budget et de l'élaboration de politiques. Je ne sais pas si cela se tient.

J'ai déjà fait de la vérification pour un cabinet d'experts-comptables et le travail m'amenait à visiter les aciéries pour y compter les barres d'armature. Ensuite, il fallait déterminer si la compagnie avait procédé de manière équitable pour fixer la valeur marchande de ces barres d'armature. La même démarche s'applique à notre nation. Pour faire de bonnes affaires, il vous faut un inventaire de toutes les formes de l'avoir qui nous donne lieu à notre prospérité et il faut aussi, si la chose est possible, y attacher une valeur marchande. C'est ce que nous soutenons.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Vous recommandez que cela soit prêt pour la Chambre des communes d'ici l'an 2000. Combien cela coûterait-il?

M. Mark Anielski: Je ne vous dirai pas combien je touche des États-Unis—mais c'est en dollars US en plus, ce qui est bien. Pour ce qui est d'un projet, j'ai mentionné le nom de Ron Colman, et je lui ferai de la publicité, parce qu'il y travaille aussi. Il travaille à l'université et il a pris une année sabbatique. Au plan politique, cela montre bien l'attrait de la proposition pour les non-initiés. Mon ami Barry, de Lethbridge, est un promoteur-constructeur commercial. Il a eu vent de cette affaire et il croit que c'est formidable. Par conséquent, il attire l'attention de non-initiés.

Quelques économistes de la région Pacifique du Canada travaillent à des projets comme celui-là, comme des comptes de capital environnemental naturel—Econnections. Il y a donc des éléments de ce projet qui sont en cours.

Pour ce qui est de la réalisation du projet de M. Ron Colman pour la région Atlantique du Canada, il faudrait prévoir environ un an. Il nous a fallu un an pour faire la même chose aux États-Unis, et les comptes remontent jusqu'à 1950. La même chose est en cours pour l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et l'Australie. Pour ce qui est des coûts, il faudrait environ une année de travail et un peu d'aide du gouvernement pour constituer l'inventaire.

Chose merveilleuse, il existe déjà un inventaire. Il s'agit simplement de le rappeler dans ce contexte afin de l'examiner. La météo est une analogie. Nous disposons d'un ensemble solide d'indicateurs qui nous renseignent sur ce qui se passe à l'extérieur.

Mme Carolyn Bennett: De toute évidence, nous ne disposons pas des chiffres voulus pour faire les mesures dont nous parlons pour les soins de santé ou la responsabilité du régime de soins de santé. Le simple fait de commencer à mesurer ces réalités constituera un projet considérable. Le projet est très attrayant.

Le groupe Kids First est venu nous rencontrer et nous a dit qu'il fait appel à l'autorité de Mme Marilyn Waring dans son défi aux Nations Unis. Les économistes examinent ce type de capital humain et le fait que le PIB-PNB ne représente pas une bonne mesure de ce qui se passe réellement dans notre société. Quel genre d'aide ou de coopération obtenez-vous de groupes comme le secteur du bénévolat ou la table ronde volontaire sur le travail domestique, la garde d'enfants et le soin des personnes plus âgées non rémunérés? Tous ces groupes profiteraient grandement de l'existence de ce type de comptes dont vous parlez.

• 1740

M. Mark Anielski: Je suis content que vous mentionniez l'apport d'autres intervenants. Qu'il s'agisse de l'Association charbonnière canadienne ou du secteur du bénévolat ou du secteur indépendant aux États-Unis, une foule de groupes surveillent des éléments du compte IPR de sorte qu'il est possible de tirer parti rapidement de ces ressources, y compris de nos organismes statistiques qui recueillent ces données depuis longtemps. Nous voulons aussi déléguer des responsabilités à ces gens pour les encourager, parce que tout cela s'insère très bien dans l'inventaire que nous cherchons à établir.

Il y a beaucoup de données disponibles par l'entremise de ces secteurs et organisations, et il nous faudrait en tirer parti. De fait, c'est ce que nous faisons dans le cas des États-Unis. Nous nous adressons aux divers groupes sectoriels ou associations pour nos ensembles de données.

Mme Carolyn Bennett: Par conséquent, vous auriez besoin que le gouvernement canadien vous dise qu'il s'agit d'une bonne chose à faire, et c'est ce que vous recommandez.

M. Mark Anielski: Oui. La recommandation est que l'on considère le projet pilote IPR. Les pays hésitent à adopter ce nouveau système de comptabilité parce qu'ils ne veulent pas être les premiers à le faire. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas le considérer comme un projet pilote, comme un élément d'intérêt. C'est ce que nous voulons dire. Comme je l'ai dit plus tôt, il ne s'agit pas d'un exercice onéreux.

Mme Carolyn Bennett: Pouvez-vous m'expliquer un peu ce qu'il en est de votre exemple de pauvreté chez les enfants? Pourriez-vous expliquer comment on mesurerait la pauvreté chez les enfants à l'aide de l'indice du progrès réel, par exemple en terme de travail non rémunéré des femmes?

M. Mark Anielski: Selon moi, la pauvreté chez les enfants est une question très complexe. Dans le cas du projet IPR de l'Atlantique, on a déjà examiné la valeur du travail domestique, par exemple le temps que consacrent aux tâches ménagères les femmes qui ont choisi de rester à la maison, le nombre d'heures de travail et la valeur de ce travail. C'est une approche à l'examen de la pauvreté chez les enfants.

La pauvreté chez les enfants du point de vue de la matrice est une notion plutôt complexe, de sorte qu'il est difficile d'y attribuer une valeur. Ce qui me semble être une des meilleures approches est d'abord de s'arrêter à ce que l'on pourrait appeler l'inventaire de l'incidence de la pauvreté chez les enfants et de ce qu'il nous en coûte du point de vue d'études longitudinales. Est-ce que la pauvreté chez les enfants risque d'entraîner des coûts futurs en terme de criminalité, de santé et ainsi de suite? Ce sont des questions très complexes qui exigent des études longitudinales. Certaines ont déjà été faites au Canada et aux États-Unis sur la question de la faible qualité de vie pendant les premières années de développement.

Dans le cas qui nous intéresse, il faudrait examiner la perte de capital humain chez les gens ou les enfants qui vivent dans ces conditions, et déterminer si cela entraîne bel et bien d'autres coûts sociaux.

Mme Carolyn Bennett: Quand les pays qui le font déjà en arrivent au processus budgétaire, finissent-ils par considérer tous les comptes et non seulement le PIB?

M. Mark Anielski: Le pays le plus avancé à ce chapitre est sans doute les Pays-Bas. Une bonne partie du travail est exécuté par des travailleurs indépendants, des professeurs d'université ou des groupes de recherche indépendants comme Redefining Progress. Certains pays comme les Pays-Bas et la Norvège ont établi divers types de comptes pour les ressources naturelles et le capital humain, et ils en tiennent compte dans le processus de prise de décisions de politique, d'une manière que je ne comprends pas pour le moment. Néanmoins, on peut imaginer que des indicateurs de cette nature puissent être utilisés lors de discussions sur l'établissement de politiques.

Le président: Merci, madame Bennett.

• 1745

J'ai une question très directe en rapport avec le budget. En tant que Canadien et représentant de votre organisation, accepteriez-vous un discours du budget qui contiendrait essentiellement deux lignes? Le texte dirait que trois milliards de dollars seraient consacrés à la dette parce qu'il y a un engagement à cet effet dans le cadre du fonds de réserve et un montant de l'ordre de trois à cinq milliards de dollars, selon l'ampleur du surplus, servirait à réduire les cotisations à l'assurance-emploi ou à augmenter les prestations. Accepteriez-vous cela? Croyez-vous que les Canadiens se rallieraient à un budget qui ne comporterait que ces deux éléments?

M. Ken Myers: Pouvez-vous répéter la dernière partie?

Le président: Supposons que le ministre des Finances dise, le jour de la présentation du budget, qu'il entend utiliser trois milliards de dollars provenant du fonds de réserve pour réduire la dette nationale et qu'en plus, pour répondre aux souhaits de plusieurs personnes, y compris les partis de l'opposition, il entend consacrer de trois à cinq milliards de dollars pour réduire les cotisations à l'assurance-emploi ou augmenter les prestations d'assurance-emploi. Seriez-vous d'accord avec un tel budget et pensez-vous que les Canadiens se rallieraient à un tel budget?

M. Ken Myers: C'est encore la situation des choix multiples.

Le président: La question est assez claire, je crois. Vous pourriez répondre par vrai ou faux.

M. Ken Myers: Je crois qu'ils aimeraient que le discours soit un peu plus élaboré.

Le président: Soyons sérieux. On met beaucoup de pression sur le gouvernement fédéral à cause des surplus de la caisse d'assurance-emploi et je suis sûr que vous êtes au courant du débat. Au fond, les gens limitent les choix. Si nous devions suivre le conseil de ceux qui favorisent cette proposition, il n'y aurait pas de débat sur les questions d'impôt personnel ou d'impôt des sociétés et tout le reste.

M. Ken Myers: Le budget est préparé sur une base annuelle et je crois qu'il faut une perspective de plus d'un an à la fois. Il faut établir des politiques qui diraient, par exemple, «Voilà où nous voulons aller et voilà comment nous y arriverons. Voici nos objectifs. Dès que nous les aurons atteints, voici ce que nous mettrons en oeuvre.»

Je crois que les gens sont assez réalistes pour savoir qu'on ne peut pas tout faire du jour au lendemain. Si seulement il n'y avait pas la dette. Par exemple, quand vous finissez de payer votre hypothèque, vous disposez tout à coup d'argent supplémentaire pour les choses que vous aimez vraiment faire. Quand on est jeune et nouvellement marié, les paiements hypothécaires sont élevés, et ils reviennent à chaque mois. Mais une fois que ces paiements sont terminés, vous pouvez faire autre chose dans la vie.

Le Canada a accumulé une dette considérable. M. Valeri vient tout juste de dire que c'est un des principaux versements que nous avons à faire. Il nous faut donc un plan à long terme pour réduire cette dette et réduire le fardeau fiscal, afin que les Canadiens aient plus d'argent dans leurs poches.

Le président: Je suis d'accord avec cela. Il importe de fixer des objectifs, mais il faut également préparer un discours du budget pour 1999. Je vous pose donc la question de nouveau. Croyez-vous que les Canadiens accepteraient un discours du budget qui contiendrait deux lignes et qui dirait que trois milliards de dollars iront au remboursement de la dette et que de trois à cinq milliards de dollars iront à l'assurance-emploi. Les Canadiens, c'est pour vous. Pensez-vous qu'ils se rallieraient à un tel budget?

M. Ken Myers: Il est possible que cette approche ne les excite pas tellement, mais c'est la réalité.

Le président: Ainsi, vous n'auriez rien contre le fait qu'aucune mesure ne serait prise pour réduire les impôts personnels ou pour investir dans les soins de santé ou pour tout ce qu'il y a d'autres sur la liste?

M. Ken Myers: Pour les Canadiens, certaines des priorités sont les soins de santé et l'éducation, de telle sorte qu'un discours de deux lignes seulement ne constitue pas un problème facile.

Le président: Mais d'un point de vue fiscal, et je parle ici de dollars réels, serions-nous capables de faire ces deux choses—trois milliards de dollars et de trois à cinq milliards de dollars pour réduire les cotisations à l'assurance-emploi ou pour en augmenter les prestations. Je fais référence au débat qui a cours sur l'assurance-emploi.

M. Ken Myers: Mais vous avez exclu une réallocation de fonds à partir des programmes existants.

• 1750

Le président: Vous dites donc qu'il devrait y avoir d'autres coupures dans les programmes afin de réduire davantage les impôts?

M. Ken Myers: Non. Je pense qu'il faut mettre plus d'argent dans le système de santé et dans l'éducation.

Le président: Alors vous laisseriez tomber la réduction des cotisations pour ce type d'investissement dans l'assurance-emploi?

M. Ken Myers: J'aurais un peu de difficulté à reporter une réduction des cotisations à l'assurance-emploi parce que le but de l'augmentation, au départ, était d'offrir un programme d'assurance aux travailleurs. C'est un peu comme si on venait chercher les fonds parce qu'on n'en a pas besoin. Vous payez un impôt pour l'emploi en sus des impôts réguliers et les gens considèrent cela comme une augmentation des taux d'imposition.

Le président: Qu'en est-il de ceux qui disent qu'il faut rendre tout l'argent aux employeurs et aux employés? Où étaient ces gens quand nous avions une dette et que le gouvernement la finançait? À cette époque, ils étaient actifs dans le débat. De fait, si je me souviens bien, ils critiquaient le gouvernement parce que nous étions en situation de déficit.

M. Ken Myers: Je ne connais pas les détails du programme, mais il faut se demander pourquoi il était déficitaire. C'est comme le programme des pensions. Il faut adopter une approche à long terme à ces programmes. Si on ne les prépare pas de manière appropriée, il y aura éventuellement un déficit.

Le président: Qu'attendez-vous d'un programme d'assurance-emploi?

M. Ken Myers: Essentiellement, un tel programme constitue une assurance pour permettre à ceux qui ont un emploi à long terme de faire face à des situations difficiles. Le programme est un coussin. Il ne s'adresse pas nécessairement aux gens qui quittent ou qui obtiennent un emploi à tous les six mois.

Le président: Si les prestations étaient garanties, il n'y aurait donc pas de problème?

M. Ken Myers: Le rapport Mintz traite de la question du revenu d'emploi. Dans une certaine mesure, les auteurs l'envisagent comme s'ils représentaient la Commission des accidents du travail. Si vous êtes dans une industrie qui fait peu de mises à pied, les cotisations sont faibles. Par contre, si vous êtes dans une industrie où les mises en disponibilité sont fréquentes, les cotisations sont élevées.

Le président: Fixation de taux particulier?

M. Ken Myers: C'est ça, fixation de taux particulier. C'est tout à fait logique.

Le président: Ainsi, vous seriez satisfaits d'un discours du budget qui ne compterait que deux lignes? C'est ce que vous me dites?

M. Ken Myers: Non, je ne crois pas que cela me satisferait, mais je pourrais comprendre.

Le président: Vous pourriez comprendre? Ce serait la chose la plus facile au monde que de préparer un discours de deux lignes seulement.

Merci, monsieur Myers.

Monsieur Anielski.

M. Mark Anielski: En tant que propriétaire d'un logement privé, je serais certainement d'accord avec un tel discours parce que j'agirais sans doute de la même manière si j'étais endetté. J'ai une dette, bien sûr, mon hypothèque, mais c'est la seule. Si j'avais le luxe d'un surplus, je ferais la même chose pour ma maison.

Toutefois, en tant qu'économiste—et aussi en tant que conseiller politique—je suggérerais que ce discours soit plus articulé et qu'il justifie le choix. Le discours devrait également examiner les types d'objectifs et de buts à plus long terme que le ministre et le gouvernement ont relativement aux économies qui découlent de la réduction de la dette. Selon moi, c'est un aspect qui n'a pas été abordé dans le projet de discours à deux éléments. L'excédent qui découlerait d'une réduction des paiements de la dette fait alors l'objet de la prochaine position de principe.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Garry Benoit: Le problème est que le document doit avoir plus de deux lignes. Ce qui m'intéresserait certainement est que nous avons une dette considérable et que nous sommes lourdement taxés. Examinons la situation d'ensemble et agissons comme il se doit pour commencer à régler le problème de la dette. Le peu que vous avez constitue un départ, mais il faut examiner aussi des programmes sur lesquels nous'avons plus de contrôle ou qui sont plus coûteux que jamais. La taille de notre gouvernement convient-elle? Je crois qu'il est trop gros et que nous ne pouvons plus nous le permettre. Il faut que le discours du budget contienne des mesures qui nous permettrons de réduire la dette plus rapidement que nous ne le faisons actuellement.

• 1755

Le président: Merci, monsieur Benoit.

M. Riis sera suivi de M. Valeri.

M. Nelson Riis: J'ai une question, mais permettez-moi d'abord de dire que j'apprécie votre participation à nos travaux aujourd'hui.

À plusieurs égards, elle est presque complémentaire, mais si vous aviez été ici à d'autres moments, vous auriez entendu des intervenants nous rappeler que le pays compte 1,4 million d'enfants vivant dans la pauvreté. Plus tôt, on nous a dit qu'il y avait des dizaines de milliers d'enfants qui vivaient dans la pauvreté dans la province de l'Alberta. Il y a des dizaines de milliers de personnes qui vivent dans certaines grandes villes et qui n'ont pas d'abri pour l'hiver. Et je pourrais continuer sur cette lancée.

Mark, j'aimerais vous demander quelque chose. Vous dites qu'un gouvernement est un peu comme vous, et je suis d'accord sur ce point. Nous avons une hypothèque et par conséquent, nous voulons la payer, mais nos enfants n'ont pas les vêtements d'hiver appropriés ou ils ont des problèmes d'apprentissage graves avec lesquels il faut traiter en tant que parents. Vous ne direz pas «Merde, il me faut payer l'hypothèque, c'est dommage». Je ne pense pas que c'est ce que vous vous disiez, alors dites-nous que tel est le cas.

M. Mark Anielski: Si je pouvais dire ce que je pense vraiment...

M. Nelson Riis: Toujours.

M. Mark Anielski: ...je ferai un commentaire.

Nous perdons de vue dans le débat le fait qu'une partie de la solution à notre problème se trouve dans notre politique monétaire, dans le rôle de la Banque du Canada, et que cela a un rapport avec la façon dont l'argent est créé en premier lieu.

Vous avez raison, le gouvernement—les gens—n'est pas comme une maison. Le gouvernement a le pouvoir de créer de l'argent à partir de rien. Les banques privées ont le même pouvoir. Je crois qu'il est tragique que nous devions consacrer 33c de chaque dollar au remboursement d'une dette créée à partir d'un système de monnaie fiduciaire mis en place en grande partie lors de l'établissement du Système de la réserve fédérale aux États-Unis et manifestement à la suite de la Conférence de Bretton Woods après la Seconde Guerre mondiale.

Le fait que nous ne jugions pas approprié d'exercer le mandat législatif de la Banque du Canada—qui doit rendre des comptes au ministre des Finances—pour traiter de la question de la pauvreté des enfants, voilà la véritable tragédie selon moi. J'ai plutôt tendance à croire que dans le cas d'une mère qui élève seule ses deux enfants sans en avoir les moyens et qui doit se rendre dans une banque alimentaire, le paiement d'une hypothèque, même si elle en avait une, ne constitue pas une priorité. C'est peut-être une priorité pour moi, parce que je suis un Canadien mieux nanti.

Le président: Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Je veux juste poursuivre sur cette réponse. Je ne suis pas économiste ni rien de tout cela, mais quelles seraient les conséquences pour le Canada de poursuivre ce type de politique monétaire compte tenu de la façon dont l'économie globale est maintenant structurée?

M. Mark Anielski: Puis-je dire que nous ne pouvons adopter ce type de politique? D'une certaine façon, nous y sommes forcés par la Banque des règlements internationaux, qui est en Suisse. Je reviens tout juste de Washington où j'ai assisté à une réunion avec la Banque mondiale et le FMI, et je connais un peu les règles du jeu du G-7 et de l'OCDE. Je m'étonne vraiment que la plupart d'entre nous ne sachions pas ce qu'elles sont, y compris nos élus.

La plupart des gens ne savent pas comment l'argent est créé. Le problème du monde aujourd'hui est que nous avons un système monétaire fiduciaire qui ne s'appuie sur aucune valeur, ni sur aucun bien. Par conséquent, c'est un système de confiance et ce système de confiance commence à être ébranlé. C'est ce que nous constatons.

Il y a pourtant une solution. Je semble pessimiste, mais nous avons échafaudé un concept mathématique dont nous avons profité et qui doit mourir d'une mort naturelle, d'une certaine façon. Il faudra ensuite le recréer afin de rétablir une certaine logique dans le système et aussi pour remettre en vigueur certains principes de base de la politique monétaire qui avaient été mis en place pour offrir une plus grande sécurité au système. Cela comprend une augmentation des exigences de réserve des banques privées auprès du gouvernement fédéral. Comme certains d'entre vous le savent, elles sont moins de 1 p. 100, ce qui rend tout le système vulnérable.

• 1800

Il faudrait certains changements réglementaires de base, mais je crains que nous n'assistions à une implosion du système actuel.

M. Tony Valeri: C'est intéressant. Vous étiez à Washington, et il y a certainement une espèce de mouvement pour revoir les choses. À l'heure actuelle, le mot «réglementation» n'est pas un mot tabou. Il n'est pas si répréhensible d'envisager certains contrôles sur les mouvements de capitaux comme ce l'était il y a quelques années, de sorte qu'on peut se demander ce qui se produira pour l'ensemble du système.

Je tiens à faire un commentaire général sur ce que le président cherchait à nous faire comprendre. À la fin du mois, la plupart des Canadiens examineront leur chèque de paie et se diront peut-être qu'on leur a prélevé trop d'impôts, et qu'ils veulent avoir une plus grande valeur pour ce qu'ils paient. Ils ne disent pas qu'ils paient trop d'assurance-emploi ou qu'ils paient trop d'impôts personnels, ils disent qu'ils sont trop taxés—impôt foncier et tous les autres types d'impôts.

Si l'objectif du gouvernement est de réduire le fardeau fiscal, de fonctionner dans le cadre de ses moyens fiscaux et de continuer à apporter des réductions, devrions-nous être limités par cet argument de l'assurance-emploi? Est-ce que les Canadiens se contentent de dire que l'assurance-emploi c'est l'assurance-emploi et qu'il faut trouver l'argent ailleurs? Le fait est que tout cet argent passe au Trésor. C'est le cas depuis 1986. Quoi que nous fassions, quelque décision que nous prenions, il y a des compromis à faire. Si c'est l'assurance-emploi, ce n'est pas les impôts personnels, si c'est l'emploi, ce ne sont pas les soins de santé. Si ce sont les impôts personnels, ce n'est pas l'assurance-emploi. Ou faut-il que nous ayons un peu de tout? N'est-ce pas là l'approche la plus équilibrée?

M. Mark Anielski: En tant qu'économiste qui a étudié la politique fiscale, je crois qu'il faut envisager l'enveloppe fiscale dans son ensemble. Il faut chercher à savoir à quoi sert un dollar de mes impôts. De ce dollar, 33c servent à payer l'intérêt sur la dette à des obligataires étrangers. C'est un montant important et c'est ce qui me préoccupe.

Mais il faut prendre garde de ne pas fractionner l'argument. Il faut envisager le fait que les impôts servent à payer des services, à investir dans des choses acceptables, dans un bon gouvernement et dans une bonne société et aussi pour payer les cotisations d'assurance qui me seront utiles le jour où j'aurai des difficultés. Je suis tout disposé à payer pour ces choses. Par contre, je m'énerve quand notre gouvernement, comme je l'ai dit, n'aborde pas la question la plus onéreuse, la question de la politique monétaire et de la dette qui s'est accumulée à cause de cette politique monétaire.

Le président: Merci, monsieur Anielski et monsieur Valeri.

Je remercie tous les intervenants. Ce fut une discussion plutôt intéressante. Comme toujours, vous nous avez fourni des perspectives très intéressantes.

Nous faisons une pause de deux ou trois minutes, puis nous revenons avec un autre groupe.

Merci.

• 1803




• 1813

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Je souhaite la bienvenue à tous et à toutes. Cet après-midi, nous accueillons des panelistes très intéressants.

Pour commencer, nous accueillons Mme Lorraine Way, Association des infirmiers et infirmières de l'Alberta; M. Rod Adachi, Association des travailleurs sociaux de l'Alberta; M. Audrey M. Cormack, président, Conseil exécutif, Alberta Federation of Labour; M. Gordon M. Christie, secrétaire exécutif/organisateur, Calgary and District Labour Council; M. Peter Rollason, président, Comité des affaires gouvernementales, Institut des dirigeants financiers du Canada; et Mme Ginny Bennerman, présidente, M. Mike Saunders, président sortant, M. Harold Baker, directeur exécutif, et M. Steve Evanson, président élu, Independent Insurance Brokers Association of Alberta.

En passant, Steve, je vous offre mes félicitations.

Nous commençons avec la représentante de l'Association des infirmiers et infirmières de l'Alberta, Mme Lorraine Way.

Mme Lorraine Way (présidente, Association des infirmiers et infirmières de l'Alberta): Bon après-midi. L'Association des infirmiers et infirmières de l'Alberta—je ferai référence à l'occasion à l'AIIA, qui est un peu difficile à prononcer aussi—est heureuse de l'occasion qui lui est offerte de présenter son mémoire prébudgétaire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes.

Nous sommes l'organisme réglementaire et professionnel pour plus de 23 000 infirmiers et infirmières de la province de l'Alberta. L'AIIA existe pour défendre les intérêts et assurer la protection du public. Nous ne nous occupons pas de négocier des conventions collectives ni de protéger des emplois. Nous nous occupons d'assurer des soins infirmiers sûrs, compétents et éthiques au public.

• 1815

Je veux bien sûr vous entretenir de recommandations ou de suggestions en matière de santé. Il est impossible de faire un examen de la santé financière, des diverses formules de financement pour la santé ou des allocations budgétaires à long terme pour la santé sans tenir compte des soins de santé. C'est la vision qui devrait déterminer la décision de financement. La vision qu'a l'association du régime de soins de santé met l'accent sur les principes contenus dans la Loi canadienne sur la santé et sur les principes de soins primaires où toute la gamme de services sont offerts, y compris la promotion de la santé et la prévention des maladies, et non seulement l'insistance sur les soins aux malades.

Le but principal de notre mémoire est d'attirer l'attention du gouvernement sur un problème sérieux dans le système de santé du Canada. Toutes les études montrent que d'ici 2011, c'est-à-dire dans 12 ans, le Canada connaîtra une pénurie grave d'infirmiers et d'infirmières ayant les connaissances et les compétences pour répondre aux besoins futurs des Canadiens.

Les premiers signes de cette pénurie qui nous attend sont manifestes dans certains domaines spécialisés de soins de malades aigus, comme l'urgence, les soins intensifs et le bloc opératoire. Il semble presque paradoxal de penser qu'il y a trois ou quatre ans on assistait à la mise à pied d'un nombre sans précédent d'infirmières et qu'aujourd'hui on parle d'une pénurie imminente.

Le système de soins de santé canadien est actuellement dans une période de restructuration sans précédent, motivée par des impératifs fiscaux. L'AIIA reconnaît que le gouvernement doit faire preuve de responsabilité et de discipline en matière fiscale, et fait bon accueil à plusieurs des changements qui surviennent actuellement dans le système des soins de santé. Le personnel infirmier de tout le pays accueille favorablement le fait que l'on s'éloigne progressivement des soins médicaux de base dispensés par un établissement et qui visent à traiter la maladie en faveur d'un service communautaire offert par des équipes pluridisciplinaires mettant l'accent sur la prévention de la maladie et la promotion de la santé.

Toutefois, l'ampleur et la rapidité du changement ont eu des répercussions négatives sur la profession infirmière. Les choix de carrière sont influencés par une offre régulière d'emplois permanents, de bons salaires et de bonnes conditions de travail, ainsi que la mobilité et la souplesse professionnelles. Le ministre fédéral de la Santé, l'honorable Allan Rock, a reconnu dans l'allocution prononcée à la réunion de l'Association des infirmiers et infirmières du Canada, en juin dernier, que le personnel infirmier avait souffert, plus que d'autres professionnels du domaine, de la restructuration des soins de santé.

Plusieurs infirmiers et infirmières d'expérience ont déjà abandonné la profession. En Alberta uniquement, nous avons enregistré une réduction de 17 p. 100 du personnel infirmier entre 1993 et 1995. La province a perdu 3 100 infirmiers et infirmières. Comme je l'ai dit, plusieurs ont quitté la profession et certains quittent à cause des frustrations liées aux critères de pratique. Nous sommes également conscients du nombre de nouveaux diplômés en soins infirmiers qui cherchent un emploi à l'extérieur du Canada.

Plusieurs facteurs accroissent la pénurie d'infirmiers et d'infirmières. La diminution du nombre d'inscriptions dans les écoles de soins infirmiers signifie que de moins en moins de diplômés se joignent au marché du travail chaque année. Le nombre d'inscriptions diminue à l'échelle du pays et il ne s'agit pas uniquement du nombre de places disponibles. Ainsi, il n'y a pas eu suffisamment de candidats pour remplir toutes les places disponibles.

De même, le vieillissement de la main-d'oeuvre dans ces secteurs signifie que plusieurs infirmiers et infirmières approchent de l'âge de la retraite. L'âge moyen des infirmiers et infirmières au pays est de 45 ans. Au cours des 12 prochaines années, le nombre de ceux et celles qui prendront leur retraite sera supérieur au nombre des nouveaux diplômés. Nous savons déjà que le nombre de diplômés ne correspondra pas au nombre de ceux qui prendront leur retraite. La relève n'est pas suffisante pour maintenir l'effectif actuel.

Ce problème est aussi lié au vieillissement de la population en général. La demande de soins de santé et de services infirmiers augmentera avec l'âge moyen de la population. Nous sommes tous conscient, j'en suis sûre, que le vieillissement de la population signifie aussi que les gens ont tendance à utiliser davantage les services de santé.

• 1820

On estime que la demande de services offerts par des infirmiers et infirmières augmentera de 46 p. 100 d'ici l'an 2011. À ce moment, il pourrait manquer entre 59 0000—et cela uniquement si nous ajustons l'augmentation à celle de la population du Canada—et 113 000 infirmiers et infirmières si la demande de personnel augmente pour tenir compte du vieillissement de la population et des besoins supplémentaires qui y sont associés.

Les deux tiers de tous les professionnels de la santé sont des infirmiers et infirmières. Ceux-ci jouent un rôle critique dans la prestation des soins de santé. Ils sont présents dans littéralement tous les aspects du continuum des soins de santé, que ce soit auprès des personnes gravement malades dans les unités de soins intensifs ou des personnes qui sont en très bonne santé et auprès desquelles les infirmiers et infirmières de santé communautaire interviennent. Ces gens sont présents de la conception jusqu'à la vieillesse. Une pénurie de l'ampleur de celle qui est prévue pourrait avoir des effets dévastateurs sur l'accès des Canadiens ont à des soins de santé de haute qualité.

L'AIIA reconnaît que la responsabilité en matière de réglementation et d'éducation des professionnels des soins de santé incombe principalement aux provinces. Toutefois, le gouvernement fédéral s'intéresse beaucoup à cette question. D'abord et avant tout, le gouvernement fédéral s'intéresse—il a d'ailleurs une certaine responsabilité—aux soins de santé des Canadiens en raison des dispositions de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de la Loi canadienne sur la santé.

La qualité des soins ne peut être assurée que s'il y a un nombre approprié de professionnels des soins de santé, particulièrement des infirmiers et des infirmières, pour assurer les soins. De plus, il ne serait pas possible pour le gouvernement de lancer de nouveaux programmes de soins institutionnels ou communautaires s'il ne pouvait compter sur des professionnels pour les exécuter, comme en font foi les discussions récentes concernant le programme national de soins à domicile.

Troisièmement, la priorité du gouvernement fédéral concernant la santé de la population et sa responsabilité en matière de santé des Autochtones ne peut se réaliser sans la prestation de soins primaires que les infirmiers et infirmières sont si aptes à assurer.

Le gouvernement fédéral est fier que les soins de santé soient contrôlés. Les infirmiers et les infirmières ont un rôle essentiel à jouer dans la prestation de soins de santé avantageux du point de vue des coûts. Si on peut compter sur un nombre suffisant d'infirmiers et d'infirmières, on fait en sorte que les soins sont appropriés et que tous reçoivent la formation nécessaire au règlement de problèmes de santé.

De manière plus large, le gouvernement fédéral s'est toujours chargé de la gestion de l'économie de la nation, y compris la création d'emplois. Par conséquent, une intervention du gouvernement fédéral sur cette question, c'est-à-dire la pénurie de personnel infirmier, contribuerait à améliorer l'économie canadienne en général. Les stratégies mises en place aujourd'hui pour éviter une crise de l'offre de professionnels des soins infirmiers pourraient permettre de créer environ 100 000 emplois pour des Canadiens. Ces stratégies pourraient mettre un terme à l'exode des cerveaux, qui est fréquemment mentionnée, en offrant aux jeunes Canadiens des perspectives de carrière au Canada.

Le gouvernement fédéral doit accepter une certaine part de responsabilité des conséquences des réductions apportées dans les transferts de santé aux provinces et aux territoires. Les coupures pouvaient être nécessaires à l'époque, mais le gouvernement fédéral est maintenant en mesure d'aborder certaines des conséquences imprévues de la restructuration.

L'Association des infirmiers et infirmières du Canada dont fait partie l'Association des infirmiers et infirmières de l'Alberta, a fait les recommandations suivantes dans le mémoire prébudgétaire remis à votre comité de la Chambre des communes. Nous appuyons ces recommandations.

Premièrement, que les sommes suivantes soient prévues dans le budget fédéral: 10 millions de dollars pour des stratégies de recrutement et de maintien de l'effectif, pour faire en sorte qu'il y ait suffisamment d'infirmiers et d'infirmières dans le futur. Plus particulièrement, il faut envisager des stratégies de recrutement afin d'attirer davantage d'hommes à la profession. Moins de 4 p. 100 du personnel infirmier du pays sont des hommes. Il faut aussi des stratégies pour recruter des Autochtones—il y a très peu d'Autochtones dans la profession—et des personnes d'autres groupes multiculturels.

Nous suggérons qu'une somme de 20 millions de dollars soit consacrée à la recherche sur les soins infirmiers, afin d'améliorer les soins aux patients, la prestation des services de santé et la qualité des soins. Il faut des travaux de recherche pour illustrer les différents types de soins et ce que cela signifie pour les patients.

Nous suggérons également qu'une somme de 10 millions de dollars serve à l'application des résultats des travaux de recherches. Cela signifie la diffusion des résultats des travaux de recherche et une aide pour concrétiser ces résultats dans la pratique.

• 1825

Nous estimons que ce fonds pourrait être administré par Santé Canada, pour le compte du gouvernement du Canada, en consultation avec l'Association des infirmiers et infirmières du Canada, au nom des infirmiers et infirmières du Canada.

Je vous remercie de votre attention. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Way. Je vous remercie aussi d'avoir été aussi précise dans vos demandes. J'apprécie beaucoup.

Monsieur Christie, vous êtes le suivant et vous représentez le Calgary and District Labour Council. Bienvenue.

M. Gordon M. Christie (secrétaire exécutif/organisateur, Calgary and District Labour Council): Merci.

Je crois que c'est une de ces journées où je ne sais plus très bien si j'ai été invité au bon endroit. Vous le constaterez en entendant mes observations.

J'aimerais vous préciser les raisons pour lesquelles je suis ici. En mars, j'ai écrit au ministre des Finances peu après l'annonce de la première fusion bancaire. Je lui ai envoyé une petite lettre au nom de tous nos membres. Il m'a répondu pour me dire que votre comité consulterait les Canadiens sur le projet de fusion des banques. Je lui ai écrit de nouveau pour lui demander de me prévenir la prochaine fois qu'il serait de passage pour consulter les Canadiens sur la fusion des banques, afin que nous puissions le rencontrer.

Nous voilà donc ici, aujourd'hui. Nous avons été invités à participer à vos travaux. J'ai reçu l'appel il y a deux jours, jeudi à 9 h 20 pour être exact, m'invitant à me présenter ici aujourd'hui.

Je ne sais pas si j'ai raison d'être sur la liste de vos intervenants, mais c'est comme ça que j'ai reçu l'invitation, il y a 53 heures.

Le président: Vous êtes au bon endroit.

M. Gordon Christie: D'accord.

J'ai quelques commentaires à formuler et j'aimerais le faire non seulement au nom du Calgary and District Labour Council, pour lequel je suis fier de travailler, mais aussi au nom des citoyens de Calgary, particulièrement de la région de Bridgeland, une des collectivités de la ville de Calgary où je suis vice-président de l'association communautaire. Je veux parler de ce que j'aimerais réellement voir dans un budget fédéral. Mes observations concernent la fusion des banques également, parce que je croyais que c'était la raison de ma présence ici.

Nous ne devrions jamais perdre de vue l'intérêt du public en tant que citoyens et dirigeants élus. Il m'est arrivé souvent dans mon existence de constater que des dirigeants élus oubliaient l'intérêt du public. J'ai également vu cela dans le budget, à plusieurs reprises.

J'étais triste et honteux l'an dernier quand des députés de la Chambre des communes se montraient si fiers et si heureux d'avoir si peu dépensé pour les programmes publics depuis 1952, je crois. Ce fut là un moment fort triste pour le Canada. Selon moi, il faut toujours garder l'intérêt du public au centre de nos préoccupations.

Je trouve très ironique qu'au cours de la dernière année on ait tant parlé de la fusion de banques alors que rien n'a été écrit sur la nationalisation de l'une de ces banques ou sur le démantèlement d'une de ces banques, des choses du genre, initiatives qui pourraient vraiment être profitables pour les travailleurs du Canada, et non seulement aux gens de Bay Street et aux gens qui ont des parts dans ces banques. Le ministre des Finances ferait alors quelque chose qui profiterait aux travailleurs de Calgary et aux travailleurs du Canada. Ce serait là une décision très progressiste en prévision des budgets futurs.

Je crois qu'il faudrait forcer ces banques à agir. Que pensez-vous que les travailleurs que je représente ou que les citoyens de ma collectivité me disent au sujet des banques? Il est question de profits records, de frais exorbitants, de taux très élevés, de taux pour les cartes de crédit qui sont totalement obscènes et de frais de service mensuels—à moins bien sûr de laisser quelques milliers de dollars dans son compte, auquel cas il n'y a pas de frais à payer. Mais la plupart des travailleurs que je représente n'ont pas cet argent.

Aujourd'hui, je parle surtout des priorités du gouvernement. Je crois que c'est le but d'un budget, qui doit être une vision des priorités et de la direction que nous empruntons. Je ne crois pas que les impôts soient justes dans ce pays. J'ai constaté un déplacement du fardeau fiscal, et de façon plus marquée à Calgary qu'ailleurs au pays. Nous avons ce que certains appellent «l'avantage de l'Alberta» et ce que plusieurs autres appellent l'«inconvénient de l'Alberta».

À Calgary, nous avons vu, des riches s'enrichir davantage. Nous avons vu aussi le nombre de sans-abri et de pauvres augmenter. Actuellement, un travailleur adulte sur cinq dans la province vit dans la pauvreté. Un enfant sur six vit dans la pauvreté dans notre province.

C'est criminel et c'est mauvais que cela se passe dans une des villes les plus riches de l'une des provinces les plus riches. Selon moi, il s'agit d'un crime contre les gens du pays.

• 1830

Notre gouvernement provincial n'a aucune priorité pour ce qui est des enfants. Le gouvernement ne veut absolument pas ratifier la déclaration des Nations Unies sur les enfants, encore moins prendre quelque mesure que ce soit.

Nous avons vu le niveau de pauvreté croître sans cesse. Vous entendez dire que l'économie est en pleine croissance et que tout va très bien. C'est peut-être le cas pour certaines personnes, mais la pauvreté gagne du terrain à chaque jour. Nos enfants vont à l'école l'estomac vide, et le nombre d'enfants dans les classes augmente considérablement.

Quand je suis arrivé, quelqu'un parlait de ceux qui éprouvent des difficultés. Laissez-moi vous dire que les failles du système à Calgary sont très importantes pour plusieurs personnes. C'est triste et c'est mauvais que cela se passe dans notre société, qui offre assurément de tout pour tous.

Une bonne partie de cette situation est attribuable au gouvernement fédéral parce que nos politiciens locaux, nos commissions scolaires répètent à qui mieux-mieux, «Oh c'est le gouvernement provincial». Puis, c'est au tour du gouvernement provincial de dire, «Oh, c'est le gouvernement fédéral». Comme nous n'obtenons pas les paiements de transfert, il est impossible de financer nos hôpitaux, de financer les soins de santé et de financer l'éducation postsecondaire. Cela est absolument incorrect.

Je vous mentionnerai certains de ces effets et je vous parlerai des retombées, pour moi, ma famille, ma collectivité et les travailleurs que je représente. Dimanche dernier, on a fermé notre hôpital. Il avait été établi dans notre collectivité il y a 108 ans, à deux pâtés de maison de chez moi. On l'a fermé parce qu'on ne peut plus payer pour les soins de santé. Le gouvernement provincial dit qu'il n'obtient plus d'argent d'Ottawa. Par contre, deux jours plus tôt, des membres du College of Physicians and Surgeons étaient en ville pour débattre de l'ouverture d'un hôpital privé, ici à Calgary.

C'est à la fois triste et tout à fait incorrect. Nous avons pu constater à maintes reprises qu'au Canada les soins de santé publics sont de loin supérieurs à ce qu'offrent les régimes privés aux États-Unis et ailleurs.

Qu'a-t-on fait d'autre à ma collectivité? On a fermé l'hôpital, qui représentait 3 000 emplois merveilleux dans un environnement propre. On a fermé la bibliothèque publique. Le maire soutient que la ville n'a pas assez d'argent pour une bibliothèque, alors il l'a fermée.

Il y aura une semaine ce soir, j'ai assisté à une assemblée publique qui mettait en présence des candidats à l'élection de conseillers, le 19 octobre. Deux des trois candidats avaient comme plate-forme électorale la fermeture de toutes les écoles du centre de la zone urbaine. L'assemblée avait lieu à l'extrémité est de la ville, et ces gens ne savaient pas que je venais d'un quartier du centre de la zone urbaine. Ils débattaient de leur projet comme si la fermeture de toutes les écoles était la chose la plus merveilleuse pour notre ville.

Vous devez comprendre qui nous sommes. Quand notre ministre des Finances se lève en Chambre et dit que «c'est tout à fait merveilleux, c'est le plus petit budget de dépenses que nous sommes parvenus à produire», il devrait penser à ceux qu'il représente. Qui représentez-vous? Les travailleurs qui se demandent d'où viendra leur prochain chèque de paie, où ils seront dans deux semaines, ou le ministre des Finances et ses 300 millions de dollars? Je crois qu'il y a des priorités à respecter.

Le prochain budget devrait contenir des objectifs d'emploi. Nous devrions avoir un programme de création d'emplois. Il devrait aussi y avoir des programmes pour réduire le chômage. Il ne faut absolument pas puiser dans le fonds de l'assurance-emploi. C'est du vol, car cet argent appartient aux travailleurs qui l'ont versé. Ces sommes devraient servir à augmenter les prestations.

Je me souviens quand votre gouvernement et celui d'avant, c'est-à-dire avant ces accords sur le libre-échange, nous ont dit pendant les années 80 et même en 1989-1990 que malgré la TPS et le libre-échange, l'assurance-emploi ne changerait pas. Ce devait être différent du système américain, puisque 80 p. 100 de nos chômeurs seraient toujours admissibles à des prestations après avoir contribué à la caisse d'assurance-emploi pendant des années.

Où en est-il maintenant? Si je comprends bien, 35 ou 36 p. 100 des chômeurs canadiens touchent des prestations. Les autres 65 p. 100 ne touchent absolument rien, malgré qu'ils aient versé des cotisations pendant des années. Pourquoi n'utilisons-nous pas cet argent pour ceux et celles qui ont contribué au fonds?

Il y a autre chose que j'aimerais mentionner, les taux d'intérêt. Un intervenant à la séance précédente parlait des taux d'intérêt et de la Banque du Canada. Nous devrions absolument prendre le contrôle de la Banque du Canada. Cela aurait dû être la première priorité du gouvernement—et il a été élu en 1993—afin de l'utiliser à l'avantage des Canadiens. Il y a aussi la dette dont nous aimons parler. Cette dette est un héritage du gouvernement Mulroney et de nos merveilleuses banques du Canada.

J'aimerais faire quelques autres suggestions pour le prochain budget. Il est possible qu'il faille apporter quelques correctifs au Régime de pensions du Canada, mais il n'est certainement pas nécessaire de faire ce que plusieurs politiciens de l'Alberta proposent. Vous devez être conscients que plusieurs travailleurs ne peuvent même pas s'offrir un REÉR, et qu'ils souhaitent se débarrasser de ce régime et créer plutôt un super REÉR, ou ceci et cela.

Je vous soumets que la vaste majorité des travailleurs de la ville de Calgary ne peuvent se permettre un seul REÉR. L'intervenant auquel je fais référence parlait d'une hypothèque. Je vous dis que la plupart des travailleurs à Calgary ne peuvent même pas se permettre une hypothèque. Oubliez cela. Ils cherchent à louer un logement. C'est pourquoi le taux de vacances est presque nul chez nous.

• 1835

J'aimerais aussi vous parler d'un impôt sur les combustibles fossiles. Ce n'est pas une idée très populaire en Alberta, mais l'environnement nous tient à coeur, et il faut placer les gens et l'environnement au premier plan.

Nous devrions mettre en vigueur immédiatement un taux d'impôt minimum pour les sociétés. Je crois comprendre que les compagnies de Calgary doivent plus d'impôts que celles de toute autre ville au Canada. Je trouve dommage qu'il y ait des gens affamés sur les rues et des sans-abri alors qu'on doit tant d'argent aux citoyens du Canada.

Je n'ai jamais été un admirateur de Ronald Reagan, mais même lui favorisait un impôt minimum pour les sociétés. Voilà qui en dit long.

Je crois que l'indécision du gouvernement face à des programmes d'action positive constitue un crime. La décision rendue il y a quelques semaines par le tribunal des droits de la personne au sujet de l'équité salariale est absolument incorrecte. Je crois qu'il s'agit d'un crime contre les travailleurs du Canada, dont une vaste majorité sont des femmes. Je crois qu'il faut renverser cette décision immédiatement et qu'il faut aller de l'avant avec un plus grand nombre de programmes d'action positive. Le simple fait d'avoir autorisé cette discrimination pendant les 130 premières années du Canada ne signifie pas que nous devons laisser la situation se perpétuer. Il nous faut une législation sur l'équité salariale et il nous faut aussi d'autres programmes.

Je suis horrifié par les actions du gouvernement de l'Alberta. Je sais que cela ne vous concerne pas directement, mais cela vous concerne de plusieurs façons parce que tout cela exerce des pressions vers le bas. Il y a huit jours encore, nous avions le plus faible salaire minimum au Canada. Nous y voilà encore. Nous sommes dans l'une des villes les plus riches et les travailleurs touchent cinq dollars de l'heure. Le gouvernement a également fermé les yeux à plusieurs reprises pour permettre à des employeurs d'embaucher des gens dans cette province, des milliers de travailleurs, à un salaire inférieur au salaire minimum. Chaque semaine, à Calgary, 49 000 travailleurs sont obligés de faire du temps supplémentaire non rémunéré. Voilà notre «avantage de l'Alberta»—les lois de l'Alberta sur le travail.

On peut aussi parler des MAL. Ils vont s'accorder une hausse de traitement. Ils en ont décidé ainsi il y a quelques jours. Cette décision m'a vraiment impressionné. Ce sont ces mêmes députés qui fixent le salaire minimum.

Revenons à 1977 et comparons le salaire minimum et le traitement des députés à l'Assemblée législative en Alberta. Si les travailleurs qui touchent un salaire minimum avaient obtenu une augmentation comparable, le salaire minimum en Alberta serait de plus de neuf dollars l'heure. Qu'il soit fixé à 5,40 $ constitue un crime.

Ma préoccupation principale ces jours-ci concerne les jeunes travailleurs. Nous sommes en présence de la main-d'oeuvre la mieux éduquées et la plus compétente de l'histoire du Canada et pourtant, le taux de chômage chez nos jeunes est de 16 p. 100. Il y a quelque chose de complètement tordu à cela.

J'aimerais prendre quelques moments pour parler des banques de manière plus particulière. J'estime qu'il y a place pour la concurrence entre les banques. Pourquoi ne diviserions-nous pas certaines de ces banques et ne rationaliserions-nous pas certaines autres. Pendant des années, il était très correct de privatiser et nous avons vu quel échec cela a été. Pourquoi ne ferions-nous pas quelque chose de positif pour une fois. Mettons un terme à la détérioration des services et mettons en place certains contrôles sur les taux pour les cartes de crédit, sur les frais et sur les frais de service. Protégeons les travailleurs, qui sont au service des banques.

Je crois comprendre que les fusions pourraient toucher jusqu'à 30 000 travailleurs. À la lumière de l'expérience passée et des résultats des fusions, l'autorisation des deux fusions bancaires pourrait entraîner 30 000 pertes d'emploi. Même si les banques disent qu'elles auront recours à l'attrition, cela est faux. Ce n'est pas parce que quelqu'un prend sa retraite et que quelqu'un quitte un emploi que tout d'un coup notre collectivité et notre ville et même nos voisins n'ont plus besoin de services. C'est absolument faux.

Les banques n'ont jamais été mon employeur favori. Elles font preuve de beaucoup de discrimination à l'endroit des femmes. Les chiffres datent un peu, mais 95 p. 100 des employés sont des femmes et environ 95 p. 100 des cadres sont des hommes. Je suis sûr qu'il doit y avoir une justification à tout cela quelque part, mais je ne la connais pas.

Il devrait y avoir des audiences publiques dans chacune des collectivités du pays au sujet des banques. Je ne pense pas que leur projet soit correct. Je sais que le rapport a été publié il y a quelques semaines et qu'il accorde au ministre des Finances des pouvoirs supplémentaires et d'autres choses de même nature, mais en réalité ce sont les Canadiens qui ont de l'importance. Il faut tenir des audiences dans chacune des collectivités, particulièrement les collectivités qui risquent de perdre leurs succursales bancaires.

J'ai dit qu'on avait fermé notre hôpital et que l'on menaçait de fermer nos écoles. Non seulement l'hôpital a-t-il fermé ses portes, mais la coopérative de crédit qui était située en face a fermé ses portes et la banque qui est située un peu plus loin sur la rue a fermé ses portes. Nous assistons déjà à cela, avant même qu'il y ait une fusion.

En terminant, j'aimerais dire que la responsabilité principale des banques est d'aider les Canadiens, les consommateurs, les collectivités—et non les actionnaires. Cela est triste et mauvais, et il faut réglementer les banques parce que leur feuille de route est très vilaine.

• 1840

Année après année, elles peuvent afficher des profits records. Mais revenons dix ans en arrière. À cette époque, elles sont venues nous voir, nous, les contribuables, pour que nous les tirions d'un mauvais pas. Malheureusement, l'inverse ne s'est pas produit.

On connaît mal le fait que pendant des années et des années—et les choses ont changé légèrement cette année—l'Alberta a enregistré le plus grand nombre de faillites au Canada. Tout cela a beaucoup à voir avec les tendances de nos gouvernements ici aussi.

Je me sens un peu triste pour ces travailleurs des banques et aussi pour les travailleurs de nos collectivités qui sont soumis aux structures actuelles. Il y a des choses beaucoup plus importantes pour les Canadiens que d'avoir un ministre des Finances qui se vante des faibles montants qu'il consacre aux programmes publics.

Merci de votre temps.

Le président: Merci beaucoup monsieur Christie.

Le prochain intervenant est M. Peter Rollason, Institut des dirigeants financiers du Canada. Bienvenue.

M. Peter Rollason (président, Comité des affaires gouvernementales, Institut des dirigeants financiers du Canada): Merci beaucoup monsieur le président.

L'Institut des dirigeants financiers du Canada regroupe des agents financiers de diverses compagnies du pays. Nous avons déjà comparu devant votre comité par le passé et nous aimerions vous faire part de nos commentaires cette année aussi.

Je crois comprendre que notre mémoire, qui a été déposé, n'a pas été distribué à chacun d'entre vous. Je vous prie de m'en excuser. Je ne le savais pas et, par conséquent, je n'ai pas apporté de copies supplémentaires. Je vais tenter de faire ressortir les faits saillants de ce document.

Vous avez des exemplaires? D'accord.

Premièrement, je crois qu'il est approprié de dire qu'il a fallu un certain temps pour corriger le déficit, mais que c'est chose faite. Nous sommes maintenant en mesure de nous attaquer à la dette et à d'autres problèmes auxquels le gouvernement est confronté. Il y a aussi certaines questions essentielles, de sorte que nous ne pouvons nous reposer sur nos lauriers, bien évidemment.

De notre point de vue, nous ne croyons pas qu'il faille accroître les dépenses globales. Il y a un ensemble de dépenses et il y a quelques initiatives importantes qui ont été soumises au gouvernement. Nous croyons qu'il faudrait y donner suite, mais au détriment d'autres initiatives. Cela ne veut pas dire que nous serions prêts à sacrifier des services précieux. Le temps est peut-être venu de nous débarrasser de certains services qui ne sont plus nécessaires ou qui n'ont plus besoin d'être financés comme ils l'ont été par le passé. Il faut donc faire preuve d'un peu d'imagination.

Il ne faut pas confondre le fait que nous n'avons plus de déficit et le fait que nous nous sommes sortis d'affaire. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Notre dette dépasse les 600 milliards de dollars et le service annuel de cette dette coûte aux environs de 40 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent qui vient de la poche de tous les contribuables et qui sert au service de la dette mais qui pourrait servir à bien d'autres fins dont je parlerai plus tard.

Nous faisons donc la promotion d'un programme très vigoureux de réduction de la dette qui fasse en sorte que les fonds puissent être disponibles en temps pour le type de services dont les Canadiens ont besoin.

Un tel programme est nécessaire parce que nous avons constaté ces derniers jours ou même ces derniers mois que la devise canadienne a été malmenée et que nous sommes, en tant que pays, vulnérable au plan concurrentiel et dans la façon dont nous sommes structurés.

Si nous voulons maintenir notre niveau de vie, il importe d'être compétitifs par rapport à nos partenaires du monde. Il n'y a pas de proportion magique, mais nous devrions viser quelque chose de l'ordre de 40 à 45 p. 100 pour ce qui est du ratio dette-PIB.

Les impôts: personne n'aime les impôts. Les impôts sont un fardeau pour tous les contribuables. En soi, cela est déjà négatif, mais de penser que nous sommes, de façon générale, l'une des nations les plus lourdement taxées au monde n'est pas très réjouissant, surtout pas quand vous cherchez à faire plusieurs choses en même temps. Éventuellement, les taxes élevées freinent toute initiative et toute croissance.

Nous ne pouvons nous permettre un système fiscal qui ne soit pas concurrentiel par rapport à nos partenaires économiques clés. Par conséquent, nous devons envisager d'abaisser le taux d'imposition et nous devons chercher à le faire en réduisant les dépenses de programme, selon les circonstances, et le service de la dette. Cela nous permettrait de profiter, espérons-le, d'une augmentation des recettes fiscales uniquement grâce à un développement de l'économie et des retombées potentielles.

Nous devions donc envisager une indexation des tranches d'imposition. Nous devrions envisager l'élimination des surtaxes. Nous devrions aussi envisager une réduction des taux d'imposition à plus long terme.

Voilà un sujet complexe qui ne saurait être traité de façon cavalière, mais ce sont des choses dont il faut être conscient.

• 1845

Je crois que nous sommes tous familiers avec ce que rapportent les journaux au sujet des intentions du gouvernement de verser au Trésor l'excédent des contributions à la caisse d'assurance-emploi. Je crois bien que nous savons tous que l'assurance-emploi est un impôt que doivent payer les travailleurs et les employeurs et je crois aussi que nous sommes tous sous l'impression que l'on doit rendre des comptes au gouvernement. Essentiellement, l'assurance-emploi est quasiment un fonds et ce fonds doit être disponible pour les besoins futurs.

Puisqu'il semble que nous ayons atteint un niveau de contribution excédentaire, c'est-à-dire le niveau nécessaire pour faire face à la prochaine récession, nous estimons que le gouvernement devrait commencer à réduire les cotisations à l'assurance-emploi. Cela est équitable. Je crois que cela est honnête. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'autres choix en l'occurrence.

Toutefois, il faut se rendre à l'évidence: il n'y a pas vraiment de caisse. C'est ce que j'appellerais une soi-disant réserve nationale maximale. Le fait est que la caisse de l'assurance-emploi fait partie des activités du gouvernement et qu'elle fait aussi partie des calculs annuels concernant le déficit ou le surplus.

Nous n'avons pas encore commencé à réfléchir à la possibilité qu'il pourrait y avoir une autre récession. Qu'adviendra-t-il quand cela se produira? En cas de récession, les résultats financiers du gouvernement pourraient fort bien indiquer un déficit parce qu'il devra alors financer les prestations d'assurance-emploi qui dépasseront les contributions encaissées. Nous avons mauvaise mémoire. Cela s'est produit dans le passé et se reproduira à un moment donné. Il n'est pas impensable qu'une telle situation se reproduise. Il doit bien y avoir une meilleure façon et je crois que les Canadiens doivent réfléchir davantage à toute cette question de surplus de la caisse d'assurance-emploi.

Nous vous avons déjà parlé de la limite pour le REÉR. Cette limite est fixée au même point depuis un bon bout de temps. C'est une façon d'encourager les Canadiens qui peuvent se le permettre de prévoir leur retraite et de ne pas compter sur le gouvernement.

En résumé, nous aimerions faire des choses qui vont améliorer la compétitivité du Canada par rapport à ses voisins. Si nous pouvons devenir plus compétitifs, nous assisterons à un relèvement de notre niveau de vie et nous aurons une économie plus saine. Il est assez facile de savoir que cela entraînera éventuellement des recettes fiscales plus élevées provenant d'une économie plus forte et que le gouvernement aura alors une meilleure marge de manoeuvre pour les programmes nécessaires.

Monsieur le président, merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup monsieur Rollason.

Nous entendrons maintenant madame Bannerman.

Mme Ginny Bannerman (présidente, Independent Insurance Brokers Association of Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président et merci beaucoup de l'opportunité qui m'est offerte de m'adresser à votre comité aujourd'hui.

J'ai le privilège de vous parler aujourd'hui à titre de présidente de la Independent Insurance Brokers Association of Alberta, qui représente 4 000 membres. Je suis accompagnée de notre président élu, M. Steve Evanson, de notre directeur exécutif, M. Harold Baker et de notre président sortant, M. Mike Saunders.

Je suis Ginny Bannerman et je suis propriétaire exploitante d'une société indépendante de courtage d'assurances dans la ville de Calgary.

Nous sommes très heureux que votre comité ait décidé de s'arrêter ici et je tiens à vous souhaiter la bienvenue dans une ville qui, selon moi, est très belle. Bienvenue.

Depuis notre arrivée cet après-midi, Mike et moi avons consulté nos notes, et vous serez très heureux d'apprendre que nous avons réduit de moitié notre exposé initial. J'espère que vous verrez cela d'un oeil favorable quand vous rendrez vos décisions.

Le président: C'est une bonne stratégie.

Mme Ginny Bannerman: De fait, nous pourrions nous arrêter dès maintenant si cela devait avoir une si grande importance pour vous.

Des voix: Oh, oh.

Mme Ginny Bannerman: Nous sommes ici aujourd'hui pour demander au gouvernement du Canada de maintenir son engagement vis-à-vis la petite entreprise en s'assurant qu'il existe un marché équitable pour l'industrie de l'assurance au Canada.

[Français]

M. Mike Saunders (président sortant, Independent Insurance Brokers Association of Alberta): On m'a demandé de donner du travail aux traducteurs aujourd'hui. Je vais donc parler en français.

Les courtiers d'assurances travaillent pour leurs clients, les consommateurs. Nous sommes des hommes d'affaires indépendants. Nous ne sommes pas des employés des compagnies d'assurances. Un des rôles importants que nous assumons est d'acheter de l'assurance pour nos clients. Nous évaluons aussi le risque que présente un client et vérifions les garanties qu'il nous présente. Nous lui offrons un choix sur le marché de l'assurance, facilitons le règlement des sinistres, offrons un certain service de prévention des pertes et agissons comme défenseurs du consommateur, surtout en ce qui concerne le développement de nouveaux produits. Nous renseignons aussi le consommateur en matière d'assurances.

• 1850

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman: Le groupe de travail MacKay avait pour mandat de fournir au gouvernement fédéral un plan visant à améliorer la création d'emplois et la croissance économique pour le secteur des services financiers. En tant que courtiers d'assurances, nous estimons que le rapport passe sous silence le rôle important que nous avons à jouer et la contribution que nous apportons à l'économie. Par conséquent, nous croyons que les conclusions du rapport favorisent les banques.

Les courtiers indépendants font bon accueil à des changements avantageux dans le secteur des services financiers. Il est normal qu'il y ait de la concurrence et cela fait partie de notre façon de faire des affaires. Nous ne craignons pas la concurrence. De fait, l'industrie des assurances de biens et risques divers est de loin le secteur le plus concurrentiel de l'industrie des services financiers du Canada. Les Albertains et les Canadiens bénéficient de l'un des marchés les plus solides, les plus concurrentiels et les plus rentables au monde dans le domaine des assurances.

[Français]

M. Mike Saunders: Le consommateur a beaucoup de choix. Il peut contracter ses assurances résidentielle et automobile de façons très variées: en personne, par téléphone, par la poste, par télécopieur et par Internet. Il peut choisir un courtier indépendant, comme nous, ou un agent captif d'une compagnie d'assurances. Ici, en Alberta, le consommateur a le choix entre plus de 200 compagnies d'assurances.

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman: Qu'arrivera-t-il si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance directement dans leurs succursales? Et pourquoi cela nous préoccupe-t-il tant? Pour nous, cela signifie que nous devrons concurrencer directement chacune des institutions qui nous offrent des services financiers dont nous dépendons pour notre survie. Étant donné que nous sommes obligés de fournir aux banques des copies des ententes relatives aux titulaires de privilège et aux créanciers hypothécaires des polices d'assurance de nos clients, nous leur donnons tous les renseignements dont ils ont besoin pour nous éliminer. Ces banques commercialiseront leurs produits d'assurance auprès de clients sur lesquels nous comptons pour notre subsistance.

En tant que petites entreprises, nous devons partager tous nos renseignements financiers privés et commerciaux avec nos banques—et cela comprend nos plans d'activité—afin d'obtenir un prêt ou une marge de crédit. Nous ne connaissons pas d'autres industries qui soient confrontées à des pratiques commerciales aussi injustes.

[Français]

M. Mike Saunders: Récemment, un de nos membres cherchait du financement auprès d'une banque qui était la sienne depuis longtemps. Le prêt lui a été refusé sous prétexte qu'il serait bientôt en concurrence avec cette banque puisqu'il viserait la même clientèle qu'elle. La banque se sentait mal à l'aise de lui prêter alors que cette concurrence allait affecter négativement ses propres revenus. Ceci n'est pas un incident isolé; il en arrive partout au pays. Une telle situation n'a pas été prévue dans le rapport MacKay.

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman: Toutefois, le rapport suggère de mettre en place des règles pour éviter les ventes liées et le recours à des techniques de vente coercitives. Nous avons des réserves quant à la possibilité d'appliquer ces règles et à l'utilité de toute sanction qui pourrait être imposée. Par exemple, une amende de 1 000 $ a plus de conséquences pour une petite entreprise comme la mienne que pour une grande société.

La Independent Insurance Brokers Association of Alberta estime que le véritable problème est la domination exercée sur le marché par les banques au détriment des petites entreprises et au détriment des consommateurs d'assurance.

En conclusion, notre association s'oppose aux prises de position du rapport, puisque les banques bénéficieraient d'un avantage concurrentiel déloyal qui menacera l'avenir de centaines de petites entreprises et, éventuellement, des milliers d'emplois.

[Français]

M. Mike Saunders: En terminant, notre association est opposée aux positions contenues dans le rapport du groupe de travail, lequel mettra les banques en position de concurrence déloyale et mettra en péril l'avenir de centaines de PME et, ultimement, de milliers d'employés.

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman: Nous luttons pour notre survie.

[Français]

M. Mike Saunders: Nous luttons pour notre survie.

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman: La politique du gouvernement a toujours été d'appuyer les petites entreprises.

[Français]

M. Mike Saunders: La politique du gouvernement a toujours été d'appuyer les PME.

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman: Nous vous demandons de renfoncer cette politique et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les répercussions dommageables et importantes que les banques centralisées pourraient avoir sur les consommateurs, les petites compagnies d'assurances et les économies locales.

• 1855

[Français]

M. Mike Saunders: Nous vous demandons de la renforcer et d'empêcher l'impact désastreux que les grandes banques centralisées pourraient avoir sur les consommateurs, les compagnies d'assurances et l'économie locale.

Mme Ginny Bannerman: Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous exposer nos inquiétudes.

[Traduction]

M. Mike Saunders: Merci de nous avoir permis d'exprimer nos préoccupations.

Le président: Vos interventions en alternance étaient fort bien à la fin.

Nous passons maintenant à la période de questions et réponses et nous commençons avec M. Harris, qui sera suivi de M. Desrochers, puis de M. Riis.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Je remercie les personnes qui ont fait des exposés que j'ai trouvés intéressants. J'ai certaines questions pour les quatre organismes.

Monsieur Christie, je veux revenir sur certaines des observations que vous avez faites plus tôt. Dans votre exposé, vous demandez au gouvernement d'accroître le financement des programmes, d'adopter un changement d'attitude radical vis-à-vis des programmes destinés aux personnes qui comptaient sur le filet de sécurité sociale et sur les programmes du gouvernement pour leur survie.

Vous savez que je suis de la province de Colombie-Britannique et que nous avons tant de programmes dans la province qu'il y a même des programmes pour appuyer des programmes. Depuis 1991 je crois ou 1992, le gouvernement provincial fait à peu près tout ce dont vous avez parlé aujourd'hui.

Il y a une petite différence, toutefois, entre la province de l'Alberta et la province de Colombie-Britannique, où j'habite. Alors l'Alberta dispose d'un budget assez bien équilibré et qu'elle fait des progrès considérables dans le remboursement de sa dette, la Colombie-Britannique s'est engagée dans toute cette série de programmes dont vous avez parlé aujourd'hui et elle a une dette considérable, qui est presque incontrôlée. Cette année, nous nous attendons à un déficit d'environ un milliard de dollars. En plus, notre province enregistre un taux de chômage élevé.

De fait, je suis de Prince George, une ville fière d'avoir toujours eu beaucoup d'emplois et d'avoir compté sur une collectivité très active. À l'heure actuelle, le taux de chômage y est d'environ 17 p. 100.

Notre province est aux prises avec une récession profonde et prolongée. Nous perdons tous nos gens de métier compétents au profit de l'Alberta, qui offre beaucoup d'emplois.

Bref, j'ai du mal à comprendre les motifs pour lesquels vous demandez à l'Alberta et au gouvernement fédéral de bonifier tous ces programmes dont vous parlez alors que votre voisin, la Colombie-Britannique, les a depuis longtemps et que sa situation économique est désastreuse. Je ne sais donc pas comment vous êtes parvenu à justifier ce que vous vous proposez de faire pour tout régler.

Soit dit en passant, la Colombie-Britannique compte un grand nombre de personnes, probablement autant que chez vous, sinon plus, vivant actuellement dans la pauvreté. Nous comptons sur quelques programmes sociaux incroyables malgré tout l'argent qui a été consacré à des programmes dans le cadre du filet de sécurité sociale.

M. Gordon Christie: J'aimerais faire suite à ces observations.

Bienvenue dans le monde des frais d'utilisation.

M. Dick Harris: Nous aussi avons la notion de ticket modérateur en Colombie-Britannique.

M. Gordon Christie: D'accord, mais permettez-moi de finir.

Nous avons ce qu'il est convenu d'appeler des primes de soins de santé et nous avons aussi la plus longue liste d'attente au Canada pour les personnes qui ont besoin de chirurgie majeure ou mineure ou de toute autre forme de traitements spécialisés offerts au pays.

Il y a aussi la taille de nos classes. Pour vous donner un exemple, je vous dirai qu'à l'Institut de technologie du sud de l'Alberta, ici même à Calgary, la taille d'une classe est passée d'une moyenne de 12 élèves par administrateur à plus de 20 au cours des quatre dernières années. Voilà qui représente une augmentation majeure.

Si vous prenez maintenant les écoles secondaires de premier et de deuxième cycles, vous verrez que la taille des classes augmente de façon marquée.

J'estime qu'il s'agit d'un crime. L'Alberta consacre moins à l'éducation, en termes de dollars de 1990, que toute autre province au Canada. Et cela est mauvais.

Revenons aux coupures apportées aux soins de santé. Avant 1992, Don Getty avait apporté toutes sortes de coupures aux soins de santé, bien avant que M. Klein ne se fasse une réputation à ce chapitre. En 1992, la seule province au Canada qui a consacré moins d'argent par personne aux soins de santé est Terre-Neuve. Alors vous nous prenez 25 p. 100 de notre budget? C'est un crime, c'est triste et c'est mauvais, et c'est pourquoi nos gens meurent. C'est la raison pour laquelle nos gens sont en mauvaise santé, et cela est mauvais, très mauvais.

• 1900

C'est pour cela que nous avons des gouvernements. Ils ne sont pas là pour s'occuper des banques et des sociétés multinationales. Nous avons des gouvernements pour s'occuper des gens.

M. Dick Harris: Ce que je veux dire, monsieur Christie, c'est que le gouvernement Clark de Colombie-Britannique fait depuis six ou sept ans, depuis son arrivée au pouvoir, tout ce dont vous avez parlé aujourd'hui.

M. Gordon Christie: Nous avons deux voisins, vous savez.

M. Dick Harris: Malgré cela...

M. Gordon Christie: De fait, nous avons trois voisins.

M. Dick Harris: Nous avons beaucoup de chômage, de pauvreté, de sans-abri, et cela malgré tout l'argent investi jusqu'à maintenant.

M. Gordon Christie: Les gens y vont pour se réchauffer quand ils gèlent à l'extérieur, parce qu'ils ne peuvent se trouver un logis à Calgary.

Vous vous souvenez de la marche sur Ottawa de 1935?

M. Dick Harris: Je n'étais pas encore là à ce moment.

Merci, monsieur Christie.

M. Gordon Christie: Merci.

M. Dick Harris: Je m'adresse maintenant à monsieur Rollason, de l'Institut des dirigeants financiers du Canada.

J'ai bien aimé vos observations sur le surplus de la caisse d'assurance-emploi ou sur le soi-disant surplus. Je crois qu'il est important que nous, du comité des finances, entendions dire d'une source extérieure au gouvernement qu'il n'y a pas de sac contenant 20 milliards de dollars dans un sous-sol d'Ottawa, mais simplement une reconnaissance de dette parce que cet argent, comme nous le savons, a été encaissé par le Trésor.

Le gouvernement a suivi des lignes directrices qui ont été établies par la commission d'assurance-emploi, je crois, et qui font en sorte qu'il est possible de retenir un certain montant en prévision des mauvais jours, pour assurer la viabilité du fonds. Tout ce qui dépasse ces prévisions doit être retourné aux employés et aux employeurs sous forme de réduction des cotisations.

Bien sûr, la presse dit par les temps qui courent que le gouvernement cherche à déposer un projet de loi qui modifiera cette décision, afin de faire main basse sur les six milliards de dollars supplémentaires qui sont inutilisés à l'heure actuelle. Peut-être aussi que le gouvernement prévoit le faire ou qu'il entend le faire. À mesure que les Canadiens apprendront ce qui se passe, ils se formeront une opinion, comme celle que vous avez soumise aujourd'hui. Vous aviez raison quand vous parliez de charges sociales imposées à l'employeur et à l'employé, parce que tel est le cas.

Si vous aviez un message à livrer à notre comité—je vous demande en fait de répéter ce message—sur la façon dont le gouvernement devrait traiter le surplus au-delà des réserves prévues, que serait-il? Pourriez-vous nous répéter ce message afin que nous tous ici puissions bien le comprendre et nous assurer qu'il paraîtra dans notre rapport?

M. Peter Rollason: Premièrement, je crois que le problème est très complexe et qu'il dépasse la question de la caisse d'assurance-emploi. Selon moi, les Canadiens s'attendent à ce que leurs impôts diminuent d'une manière quelconque, à un moment donné. Les impôts augmentent au fil des ans et cela a des répercussions sur tous les Canadiens, peu importe leur niveau de revenus.

L'impôt qui sert à l'assurance-emploi est unique d'une certaine façon parce qu'il s'applique aux travailleurs et à leurs employeurs. Je sais qu'il est difficile de dire que nous voulons une réduction des impôts et que, en passant, nous voulons aussi une réduction des cotisations à l'assurance-emploi. Je crois qu'il est difficile de mesurer cela. Par contre, nous devrions d'abord nous intéresser à la notion d'assurance-chômage et au fait qu'il s'agit d'un fonds distinct. J'y contribue depuis des années et, sous réserve de limites quant aux prestations, je m'attends à ce que l'argent soit là. Si nous pouvions prendre le risque que l'argent ne soit pas là en périodes difficiles, que ferions-nous?

Je crois qu'une partie du problème—en tant que comptable, je fais fi des pratiques comptables généralement acceptées pour ce qui est de la présentation des états financiers—est que ces dernières années le gouvernement a été obligé d'inclure le surplus ou le déficit dans ses revenus de fonctionnement. En soi, cela pose un petit problème, parce qu'il ne s'agit pas d'un fonds.

Ma question est plutôt d'ordre rhétorique, mais je me demande s'il faudrait que ce fonds soit distinct—et je vous laisserai répondre—parce que quand on gère un fonds, on le fait sur la base des exigences actuarielles en prévision des besoins. Les cotisations pourraient fluctuer à la hausse et à la baisse, selon les circonstances, et seraient versées par les personnes qui éventuellement toucheraient des prestations. Mais je ne pense pas que l'on puisse le faire sans tenir compte des niveaux d'impôt généraux.

• 1905

Je comprends ce que veut faire le gouvernement. Je crois pourtant qu'il fait appel à la mauvaise solution dans ce cas particulier et qu'il risque d'offenser un grand nombre de personnes qui pensent avoir un intérêt acquis dans ce fonds.

M. Dick Harris: D'accord. Merci.

Madame Bannerman, vos observations m'ont plutôt intéressé. Soit dit en passant, je suis personnellement favorable à votre position sur les banques et les compagnies d'assurances.

Une chose intéressante est arrivée ce matin. Deux représentants de Hi-Alta Capital étaient ici, et il semble que les membres de leur organisation soient aussi des courtiers indépendants ou des courtiers d'assurances indépendants. De fait, ils nous ont amenés à penser que leur groupe, même s'il a des réserves, ne s'opposerait pas à l'entrée des banques sur le marché de la vente d'assurance, dans les succursales bancaires.

Il y a manifestement divergence d'opinions dans la province. Avez-vous des observations sur la question?

Mme Ginny Bannerman: Voulez-vous commenter, Harold?

Nous avons payé le voyage en avion de Harold à partir d'Edmonton, alors nous ferons appel à lui.

M. Dick Harris: Merci.

M. Harold Baker (directeur exécutif, Independent Insurance Brokers Association of Alberta): Voilà un bon point. Dans tous les marchés, il y aura toujours des divergences d'opinion et il y aura aussi des gens disposés à croire qu'ils peuvent réussir dans un marché en évolution.

Je ne dis pas que nous avons fait l'unanimité à 100 p. 100 chez nos membres. De toute évidence, certains courtiers estiment qu'ils peuvent concurrencer.

Lors de nos conversations avec Hi-Alta aujourd'hui, j'ai eu l'impression que pour eux la question est un fait accompli et que la décision a été prise. Déjà, ils envisagent la prochaine étape. Ils veulent commencer à déterminer la façon de concurrencer dans un marché où les banques s'occupent de commerce de détail.

Nous disons que nous ne croyons pas que la bataille soit terminée. Selon nous, la question est toujours à l'étude et nous estimons que le marché serait mieux servi s'il demeurait tel qu'il est aujourd'hui, tel qu'il a été élaboré en 1992.

M. Dick Harris: Merci beaucoup.

Monsieur le président, il me reste une toute petite question si vous me le permettez et elle s'adresse de nouveau à M. Christie.

Vous savez monsieur Christie, je reconnais qu'il y a de nombreuses personnes à se prévaloir du filet de sécurité sociale et que les circonstances peuvent faire en sorte qu'elles le feront toujours. Nous avons une responsabilité sociale de nous assurer que ces personnes ont accès aux nécessités de la vie—aliments, abri, soins de santé, etc. Personne ne le conteste. Le filet de sécurité sociale compte également un certain nombre de gens qui, s'ils en avaient la possibilité, s'en extrairaient pour retourner sur le marché du travail.

J'ai une question à vous poser. Je vous la pose parce que pour venir au travail je passe tous les matins devant un bureau de services sociaux et il s'y trouve toujours entre 20 et 30 personnes à la porte. Fait intéressant, toutes ces personnes semblent être âgées de moins de 35 ans et en relativement bonne santé. La plupart me sembleraient en mesure de travailler si on leur en donnait la chance.

Je sais—ou je suis capable de le dire—que vous n'appuieriez sûrement pas une forme de travail obligatoire. La chose a été tentée avec des succès mitigés. Par contre, seriez-vous favorable à un programme obligatoire d'éducation et de formation pour quelqu'un qui vit d'aide sociale comme condition pour continuer de toucher des prestations d'aide sociale? On leur donnerait une éducation et une formation sur une période donnée pour leur permettre d'être mieux préparés à occuper un emploi bien rémunéré.

Seriez-vous favorable à un tel programme?

M. Gordon Christie: Permettez-moi de faire quelques observations sur le sujet. L'organisation que je représente est toujours favorable à une augmentation des programmes publics en matière d'éducation pour nos travailleurs. Par contre, je trouve vos observations quelque peu ironiques. Vous avez parlé de programmes de travail obligatoire. Disons que ce type de programmes a un taux de succès de 2 p. 100, et un taux d'échec de 98 p. 100, mais nous ne parlerons pas de cela.

Cela remonte au programme original, il y a fort longtemps, à New York...

M. Dick Harris: Non, je le reconnais...

M. Gordon Christie: Jetons-y un coup d'oeil. S'il est question du programme d'assurance-emploi et que vous parlez aussi d'autres programmes comme les programmes de bien-être, le taux d'abus est de deux à 3 p. 100, tandis que le taux de succès est de 97 p. 100. Je trouve un peu ironique que vous parliez d'un taux d'échec de deux ou 3 p. 100 sans mentionner le succès que connaît notre programme social.

• 1910

Oui, il y a probablement environ 2 p. 100 de prestataires qui sont capables de travailler et qui ne devraient pas toucher de prestations d'aide sociale. Les autres 98 p. 100 ont des difficultés non seulement parce que le salaire minimum est faible ici, mais parce que les taux sont basés sur le salaire minimum. Il ne faut pas être bien malin pour calculer cela.

M. Dick Harris: Ma question visait à savoir si vous appuieriez un programme, destiné aux personnes capables d'y participer, qui les obligerait à suivre un programme d'éducation et de formation obligatoire pour mieux se préparer à occuper un emploi, et que cela soit une condition pour continuer à toucher des prestations d'aide sociale. Seriez-vous favorable à cela?

M. Gordon Christie: Je crois que les mots «obligatoire» et «exigé» me posent un problème.

M. Dick Harris: Bien, en d'autres mots, si vous...

M. Gordon Christie: Je crois qu'il faut tenir compte de chaque personne et des conditions dans lesquelles chacune évolue.

M. Dick Harris: À moins qu'il y ait des conditions qui vous empêchent d'y être—quelles que soient ces circonstances—vous devriez...

M. Gordon Christie: Permettez-moi de commenter.

Tant et aussi longtemps que ces services sont financés à même les revenus généraux et non à même la caisse d'assurance-emploi... Vous souvenez-vous de la façon dont nous avons pris les cinq milliards de dollars il y a des années dans la caisse d'assurance-chômage pour financer ce programme de formation et ce petit office des travailleurs—perfectionnement des travailleurs—auquel l'Alberta refusait de participer? Nous n'avons pas cela en Alberta. On prend l'argent, mais nous ne participons pas. En tant qu'organisme représentant les travailleurs, nous n'avons pas droit d'y participer, personne n'a le droit de le faire.

Si vous prenez des fonds à même la caisse d'assurance-emploi à cette fin, je crois que vous avez tort. J'estime que la formation et l'éducation des travailleurs canadiens devraient être financées à même les recettes générales, payées par tous les contribuables, sur la base de la capacité de payer.

M. Dick Harris: Par conséquent, vous n'appuieriez pas un programme obligatoire?

M. Gordon Christie: Pas dans les conditions que vous posez, non.

M. Dick Harris: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers: Mes premiers mots seront pour vous remercier de vous être présentés ici aujourd'hui pour nous faire part de vos commentaires et remarques. Nous sommes choyés. Grâce à la souplesse de notre président, nous pouvons aborder deux sujets à la fois, soit les consultations prébudgétaires et, évidemment, tout ce qui entoure l'avenir des services financiers canadiens.

Ma première intervention est à l'intention de M. Christie. Vous avez dressé une longue liste de choses qui ne vont pas à votre goût ici, en Alberta, et des manques à gagner dans divers secteurs. Que pensez-vous du récent contrat social qu'ont signé les premiers ministres de chacune des provinces ici, à Saskatoon? Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait remettre aux provinces les sommes qu'il leur a enlevées lorsqu'il a réduit les paiements de transfert? Souhaitez-vous plutôt que le gouvernement fédéral instaure un nouveau programme en vue de pallier la situation qui prévaut présentement dans les secteurs que vous défendez?

[Traduction]

M. Gordon Christie: Je dois admettre que je ne suis pas tout à fait au courant du contrat social qui a été signé. Par contre, je puis faire une observation générale.

Ce que j'ai pu constater en tant que résident de l'Alberta me rend très nerveux, surtout en l'absence de contrôles fédéraux et avec des paiements de transfert conditionnels. Permettez-moi de revenir à la situation qui prévalait en Alberta il y a quelques années. Nous sommes les champions des soins de santé privés. Je vous dirais qu'il y a plus de soins de santé privés à Calgary que partout ailleurs au Canada. Et vous savez, le gouvernement fédéral a dû imposer des sanctions—je me trompe peut-être, mais je crois qu'il s'agissait de 400 000 $ par semaine—au gouvernement de l'Alberta parce qu'il refusait d'exécuter les programmes requis pour nos citoyens et ainsi de suite.

Mes chiffres sont sans doute inexacts, mais je dois dire en toute honnêteté que les objectifs et les buts du gouvernement de l'Alberta ne sont pas de fournir des soins de santé et des services d'éducation. Ce ne sont pas les priorités de la province. C'est dommage, et je n'aime pas dire ces choses au sujet d'une province que je suis fier d'habiter. Je suis né et j'ai été élevé en Nouvelle-Écosse, mais ma vie d'adulte s'est déroulée en Alberta. C'est triste, les programmes d'ici.

Quand je suis arrivé en Alberta, la province offrait le salaire minimum le plus élevé. Actuellement, il est le plus faible, ou presque.

Au travail, nous avions les normes de santé et de sécurité les plus élevées. Quand je suis devenu représentant des travailleurs, j'ai constaté les normes—normes de travail et toutes les différentes normes des gouvernements provinciaux—de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique étaient les plus élevées de toutes les provinces au cours des années 70 et 80. Actuellement, l'Alberta se situe au huitième, neuvième ou même dixième rang dans la plupart des catégories. Comme je l'ai dit, étant donné que c'est l'une des provinces les plus riches, c'est une honte. C'est véritablement honteux.

• 1915

[Français]

M. Odina Desrochers: À la lumière de votre intervention, dois-je comprendre que vous croyez que les coupures budgétaires qui ont été faites sont toutes attribuables au gouvernement de l'Alberta, qui a créé cette situation? N'y a-t-il pas une part de responsabilité qui devrait être attribuée au gouvernement fédéral du fait que, comme dans chacune des provinces canadiennes, il y a eu, à un moment donné, un sérieux manque à gagner dans les domaines de la santé et de l'éducation et dans le domaine social?

[Traduction]

M. Gordon Christie: Je vous prie de m'excuser, je ne parle pas français, mais j'apprendrai.

Non, on ne peut attribuer toute la responsabilité à un seul gouvernement. En toute franchise, je crois que les priorités du gouvernement de l'Alberta ne visaient pas les personnes, mais une bonne part de responsabilité doit être imputée au gouvernement d'Ottawa, à cause des paiements de transfert. Il suffit de regarder le bilan législatif du gouvernement Mulroney pour constater que les coupures décrétées par Michael Wilson il y a dix ans ont toujours des effets aujourd'hui. Il n'est donc pas tout à exact de dire que tout cela est attribuable à Ralph Klein.

Prenons par exemple le financement des soins de santé. Je crois que la proportion était de l'ordre de 50-50, et que la part du fédéral est maintenant d'environ 25 p. 100 ou de cet ordre. Je sais qu'elle a diminué de façon marquée, malgré que je puisse me tromper un peu dans mes chiffres.

Non, on ne peut attribuer à Ralph Klein toute la responsabilité pour la pauvreté et les mauvais traitements infligés aux êtres humains d'ici. Une bonne partie de cette responsabilité est attribuable aux paiements de transfert du gouvernement fédéral.

Bon nombre de ces décisions échappent aux gouvernements provinciaux. Les gouvernements n'ont pas la capacité de faire certaines des choses que fait le gouvernement fédéral. Par exemple, les provinces ne peuvent contrôler la Banque du Canada. Elles ne peuvent contrôler les taux d'intérêt. Comme je le dis depuis le début, la première chose à faire pendant les années 70 et 80 et aussi pendant le premier mandat de Chrétien, était de prendre le contrôle de la Banque du Canada, de reprendre le contrôle du Canada et de le redonner aux citoyens du Canada. Je ne vois rien de cela aujourd'hui. Par contre, il a toujours la possibilité de le faire.

[Français]

M. Odina Desrochers: Madame Way, vous disiez que le gouvernement fédéral devait maintenant rétablir les transferts tels qu'ils étaient auparavant. Est-ce que vous voulez qu'on restaure complètement les montants qui ont été coupés ou si vous préférez qu'on débute cette année avec une nouvelle entente entre le Canada et les provinces?

[Traduction]

Mme Lorraine Way: Premièrement, je ne crois pas avoir dit qu'ils devaient être réétablis aux niveaux antérieurs. J'ai parlé de la rapidité avec laquelle les changements—les réductions et la restructuration—se sont produits et comment les infirmiers et les infirmières ont dû en supporter le fardeau. Nous étions favorables aux impératifs derrière ces changements nécessaires. Oui, nous reconnaissons qu'il y a des problèmes fiscaux, et nous étions d'accord pour qu'il y ait progression. Les raisons fiscales nous ont aussi aidés à accepter le passage à un système de soins de santé axé sur les services communautaires.

Par conséquent, je ne suis pas sûre qu'il faille les rétablir au niveau précédent. Je crois que HEAL a fait certaines recommandations, notamment en ce qui concerne le niveau de base—le minimum. Malheureusement, ce minimum est devenu la cible plutôt que le niveau de base.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je vais revenir au rapport MacKay. À la lecture du mémoire que vous avez soumis, il me semble que vous opposez généralement à ce que le rapport propose. Vous dites entre autres que les banques n'ont pas d'affaire à vendre de l'assurance et vous vous opposez à la fusion des banques.

Que diriez-vous si on changeait la réglementation et qu'on permettait à des courtiers d'offrir tous les services financiers, leur accordant des privilèges qui sont actuellement conférés exclusivement aux banques? Autrement dit, que diriez-vous si on établissait une règle d'équité pour tous ceux qui oeuvrent dans le secteur financier? Est-ce que cela pourrait vous aider à passer à travers?

[Traduction]

M. Harold Baker: Il serait très bien que nous ayons les ressources financières des banques pour établir une institution financière et offrir des produits financiers. Nous supposons que dans ces circonstances, les banques nous aideraient, bien qu'avec beaucoup de réticence.

Nous accepterions de relever le défi, parce que nous n'avons pas peur des défis. Vous pouvez abattre les barrières. Il s'agit de savoir si nous avons la capacité, en tant que gens d'affaires et que gens d'affaires indépendants, d'offrir ces services. De qui les obtenons-nous? Comment pouvons-nous les offrir? Où allons-nous pour trouver le financement qui nous permettra de mettre en place les ressources nécessaires à la création d'une banque? Pouvons-nous acheter une banque? Pouvons-nous acheter une coopérative de crédit? On me dit que la direction du Trésor est à vendre en Alberta. Je ne suis pas sûr que nous puissions concurrencer. Je ne crois pas que ce soient des options viables pour nous.

• 1920

M. Mike Saunders: Pour ajouter à ce que vous venez de dire, je ne crois pas que si vous preniez les actifs nets de l'ensemble du milieu des assurances au Canada et que vous les réunissiez vous puissiez vous rapprocher des actifs de la plus petite des banques du Canada. Je ne pense pas que vous puissiez le faire même avec tous les actifs des compagnies d'assurances.

Nous sommes des hommes d'affaires indépendants qui ont de petites entreprises. Nous sommes cinq au bureau, y compris mon associé Steve. Je ne suis pas capable de concurrencer les géants qui résulteraient de fusions comme celle de CIBC et TD ou de la Banque Royale du Canada et de la Banque de Montréal. Je n'ai tout simplement pas les capitaux nécessaires pour me lancer sur ce terrain.

[Français]

M. Odina Desrochers: Alors, qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour protéger vos activités si jamais on autorisait les fusions bancaires et surtout si on permettait aux banques d'offrir de l'assurance?

M. Mike Saunders: J'ai participé à la rédaction des règlements de 1992 et je croyais alors qu'ils stipulaient clairement que les banques n'étaient pas autorisées à vendre de l'assurance. On donne maintenant une interprétation très différente de ces règlements.

[Traduction]

Je ne pense pas qu'il soit possible d'établir une réglementation ou d'adopter des lois que les banques ne chercheront pas à pousser à la limite pour leur propre bénéfice. J'ai vu de telles choses se produire. J'ai assisté à toutes les audiences du comité et j'ai entendu tous les témoignages de 1990 à 1992—cela a duré jusqu'en 1996—et j'ai constaté combien on pouvait tordre les règlements, si vous voulez, au profit des banques.

À l'époque de leur adoption, j'estimais que les règlements étaient très clairs puisqu'ils interdisaient certaines choses. Malheureusement, ces interdits sont comme une passoire, rien n'y résiste.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur Saunders, vous savez certainement qu'au Québec, la Loi 188 corrige un peu la situation et permet au Mouvement des caisses Desjardins d'offrir de l'assurance. Est-ce que cela vous convient ou si vous préféreriez que le gouvernement fédéral aille plus loin et adopte une loi similaire?

[Traduction]

M. Mike Saunders: Je laisserai à notre président actuel le soins de commenter.

M. Harold Baker: Quand on regarde ce qui s'est passé au Québec, du point de vue d'un courtier—c'est la façon d'envisager les choses—, on constate qu'il y a eu en dix ans une réduction de plus de 75 p. 100 du réseau des courtiers indépendants lorsque les Caisses populaires ont été autorisées à vendre de l'assurance. Il y a eu perte de plus de 6 000 ou 7 000 emplois au Québec lorsque le gouvernement a autorisé les Caisses à vendre de l'assurance au grand public.

M. Mike Saunders: À ma connaissance et chose étrange, le groupe Desjardins est la seule compagnie d'assurances au Canada qui ait sa propre association de victimes du groupe Desjardins. Aucune autre compagnie d'assurances au Canada n'a ce privilège. Cela montre bien que tel n'est pas la façon de procéder.

M. Harold Baker: Le cas du Québec nous montre bien que le fait d'autoriser les banques à vendre de l'assurance ne donnera pas les résultats que le rapport du groupe de travail MacKay prévoit en terme de création d'emplois ou de petites entreprises. De fait, c'est plutôt le contraire. Les preuves sont là. On en a eu la preuve au cours des dix dernières années.

Mme Ginny Bannerman: Je pourrais ajouter à cela. Vers la fin des années 80, je crois, le groupe Desjardins est arrivé sur le marché avec des taux beaucoup plus bas que ceux des autres compagnies déjà en place et ces taux ont été maintenus artificiellement bas pendant un certain temps, jusqu'à ce que les petites entreprises en souffrent, comme l'a dit Harold.

Ces petites entreprises ne sont pas revenues dans les collectivités. Une fois parties, c'était terminé.

Les taux sont maintenant au-dessus de la moyenne. Si ce sont là les ressources du groupe Desjardins, je suis porté à croire que les grandes banques en ont davantage.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Riis.

• 1925

[Traduction]

M. Nelson Riis: Je suis tenté de répondre à certaines des observations faites par mon ami, M. Harris. Qu'il suffise de dire qu'à la suite d'une réduction importante des transferts du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux, peu de gouvernements provinciaux ont pu combler la différence pour assurer le maintien du financement des soins de santé et de l'éducation aux niveaux antérieurs. La Colombie-Britannique est l'une de ces provinces et je crois que le Québec aussi, mais cela n'a pas été le cas pour les autres provinces. Cette situation a entraîné l'érosion du système de santé et de l'éducation postsecondaire. Toutefois, je n'entrerai pas dans ce débat.

Je dirais tout simplement ceci à M. Christie. Quand vous faites référence au salaire minimum dans cette province et aux travailleurs que vous représentez, quel pourcentage de la main-d'oeuvre compte sur un revenu de cinq dollars l'heure, selon vous?

M. Gordon Christie: Le nombre réel de personnes qui travaillent au salaire minimum n'est pas si élevé. Je crois que les chiffres les plus récents faisaient état d'environ 20 000 personnes, mais il y a des gens dans la province qui travaillent pour moins que le salaire minimum. Le gouvernement aime bien permettre aux employeurs de faire des écarts dans ce domaine.

Le plus gros problème, toutefois, est que notre salaire minimum est établi pour éviter que les gens ne vivent et ne travaillent dans la pauvreté. Malheureusement, il semble qu'il en soit autrement. Jusqu'au 1er octobre, notre salaire minimum de cinq dollars, qui était le plus faible, exerçait des pressions à la baisse sur les autres salaires. Ainsi, les employeurs ont l'impression de rendre service au monde entier en versant des salaires de 5,25 $ ou de 5,50 $. Ils sont très fiers de dire qu'ils paient 10 p. 100 de plus que le salaire minimum quand, en réalité, ce salaire devrait être de 7,60 $, 7,70 $ ou 7,80 $ l'heure, qui était la limite à Calgary. Du moins en 1997, il était de 7,62 $, et je crois qu'il sera de 7,80 $ cette année, pour une personne qui travaille 44 heures par semaine.

L'autre problème des gens qui travaillent au salaire minimum est qu'ils occupent pour la plupart des emplois à temps partiel ne comportant aucun avantages sociaux d'aucune espèce. Ils n'ont pas droit aux régimes de soins de santé ou de pension ni aux contributions versées par l'employeur. De fait, ces travailleurs occupent un emploi à temps partiel de six ou sept heures ici, puis peut-être de 15 heures ailleurs, puis enfin ils s'arrêtent à la banque alimentaire sur le chemin du retour à la maison. Le nombre de personnes qui utilisent les banques alimentaires en Alberta est phénoménal.

Si vous additionnez tout cela, vous constaterez que les deux parents travaillent de très nombreuses heures. Je vous dis que plusieurs travailleurs en Alberta travaillent un plus grand nombre d'heures qu'ils ne le devraient.

M. Nelson Riis: Il est difficile d'imaginer que des parents qui comptent sur un revenu de cinq ou six dollars de l'heure puissent élever une famille ou avoir une vie quelconque.

Cela m'amène à ma prochaine question, qui s'adresse à Peter et qui concerne ses observations sur le système d'assurance-emploi. Pouvez-vous me dire si j'ai tort? Vous êtes dans ce domaine depuis longtemps. Je sais que si vous avez de l'assurance-incendie et que votre maison passe au feu ou qu'elle est endommagée par un incendie, vous présentez une demande de règlement et vous êtes remboursé, présumément.

Je suis conscient que le fonds d'assurance-emploi est établi de manière différente, mais essentiellement il s'agit d'un fonds. Je suis sûr que les gens le voient ainsi. M. Christie nous dit que quelque 60 p. 100 des gens qui versent des cotisations à la caisse d'assurance-emploi ne sont pas admissibles aux prestations quand ils perdent leur emploi, à cause des dispositions de la loi. Y a-t-il une différence entre ces deux scénarios?

M. Peter Rollason: Je crois que si. Je crois que nous parlons de pommes et d'oranges. La capacité de toucher des prestations du fonds par le passé n'était pas liée à l'encaisse, mais plutôt aux règles du jeu.

M. Nelson Riis: Selon moi, c'est principalement pour les personnes qui versent des cotisations. Supposons que vous payez une cotisation pour un service. En l'occurrence, c'est une assurance en cas de perte d'emploi. Pourtant, la grande majorité des gens qui perdent leur emploi n'ont pas droit aux prestations malgré qu'ils y aient contribué.

M. Peter Rollason: Je n'en sais rien. Je sais par contre que dans plusieurs cas, le travailleur avait la possibilité de toucher des prestations mais qu'en cours de route, les règles ont changé et que cette admissibilité a été limitée jusqu'à un certain degré, de sorte qu'il n'est plus possible de toucher des prestations pendant aussi longtemps qu'auparavant.

Habituellement, dans le cas d'un titulaire de police d'assurance dont la maison est détruite par le feu, la valeur prescrite de la maison a déjà été déterminée. Si cela n'a pas été fait, il y a un problème.

Je ne crois pas que les mêmes règles s'appliquent dans le cas de l'assurance-emploi. C'est beaucoup plus difficile à comprendre.

• 1930

M. Nelson Riis: Madame Way, nous apprécions vos observations très succinctes sur la situation de la profession des soins infirmiers et les chiffres plutôt alarmants concernant la pénurie qui nous guette. Je crois que voilà des incitatifs pour une foule de personnes d'envisager de nouveau l'entrée dans cette profession et pour nous d'étudier la demande très modeste que vous avez présentée au comité. Je m'en tiendrai à cela. C'était un excellent exposé.

Quant aux représentants du domaine de l'assurance qui sont parmi nous, vous venez confirmer ce que d'autres membres de votre profession nous disent. Comme mon ami l'a précisé, il y a quelques exceptions ici à Calgary, et elles sont plutôt difficiles à comprendre. Je crois que ces personnes ont supposé que c'était un fait accompli et qu'elles se sont dit qu'il valait mieux en prendre leur parti. Mais au contraire, ce n'est pas un fait accompli, votre mémoire le laisse entendre—et ce mémoire est très bien fait.

Je n'ai rien d'autre à dire sauf que j'appuie ce que vous avancez. Je ne saurais vous contredire quand il est question des privilèges particuliers dont disposeraient les banques pour vous livrer concurrence, une concurrence qui serait injuste. J'aimerais par contre que vous nous disiez où tout cela nous mènera. Comme nous le savons, aujourd'hui les banques font très peu de transactions bancaires. La plus grande partie de ce qu'elles font n'a rien de traditionnel selon notre point de vue. Elles vendent déjà divers types d'assurance, comme vous le savez, et elles veulent maintenant vendre de l'assurance directement dans les succursales, s'occuper de location automobile, ce qui pourrait signifier le financement de parcs de véhicules loués, et ainsi de suite.

Jusqu'où cela nous mènera-t-il? Cela incitera-t-il les banques à exploiter des salons funéraires ou des pizzerias ou des clubs vidéo? Cela a-t-il une importance? Déjà, les banques sont allées bien au-delà de leur domaine propre. Elles se lancent maintenant dans le domaine du commerce, et bientôt elles feront de la location d'automobiles si on les autorise. Cela pourrait-il aller jusqu'à l'éducation? Pourquoi les banques ne s'occuperaient-elles pas de formation des cadres? Pourquoi les banques ne seraient-elles pas présentes dans toutes sortes d'activités se rapportant à une bonne partie du travail qu'elles font déjà?

M. Mike Saunders: Elles en sont rendues à l'idée qu'elles devraient être propriétaires de marchés d'alimentaire; elles en sont là, vous savez. Le fait que quatre des cinq grandes institutions—il n'y en aura plus que trois si les projets de fusion vont de l'avant—contrôlent actuellement plus de 80 p. 100 des actions financières au pays nous préoccupe en tant que gens d'affaires indépendants. En télescopant le quatrième pilier, c'est-à-dire le domaine de l'assurance, et en permettant aux banques de nous éliminer de la concurrence, nous leur donnons l'autre 20 p. 100. Cela est inquiétant quand vous savez que trois institutions majeures contrôlent toute cette part du secteur des services financiers d'un pays. Je ne crois pas que la concentration soit aussi forte ailleurs dans le monde.

M. Nelson Riis: Merci.

Le président: Cela est vrai aussi quand on considère la concentration de compagnies d'assurance-vie. Le rapport MacKay précise que les cinq plus grandes compagnies d'assurance-vie représentent 51,9 p. 100 et que les banques se situent à 58,1 p. 100, ou aux environs. Néanmoins, ce sont des industries passablement concentrées. Êtes-vous d'avis que notre comité des finances doive examiner le cas de toutes les industries du secteur des services financiers afin de déterminer où se trouve la plus forte concentration? Une fois que nous aurons obtenu ces renseignements, que nous suggérez-vous de faire à ce sujet?

M. Harold Baker: Je ne pense pas que vous soyez intéressé à examiner la concentration du point de vue de la domination. Toutes les entreprises veulent occuper une place dominante sur le marché. Elles veulent toutes leur juste part. Je crois plutôt qu'il faut s'arrêter à tout ce qui est en aval. Si on suppose une domination des banques, qu'arrive-t-il en aval? Considérons ce qu'il adviendra de l'assurance de biens et risques divers—qui est notre domaine—si les banques vont dans la direction où elles ont affirmé publiquement vouloir aller. La Banque Canadienne Impériale de Commerce a dit publiquement qu'elle voulait occuper 30 p. 100 du marché de l'assurance de biens et de risques divers. Si vous accordez 30 p. 100 à la CIBC et 30 p. 100 à la Banque Royale, et que vous donnez 30 p. 100 à quelqu'un d'autre, il faudra alors parler de domination sur le marché.

La question posée plus tôt était de savoir ce que nous devons faire pour survivre si tout cela se produit. C'est ce qu'il faut examiner. Il faut étudier cette question à partir du début. Il faut vous arrêter à la base ou au début de la chaîne alimentaire—et c'est vraiment là où nous nous situons dans plusieurs cas, parce que nous sommes les distributeurs du produit—afin de savoir ce qui nous arrivera, ce que nous pouvons faire pour consolider notre marché, nos entreprises, et pour savoir qui nous sommes. Nous sommes propriétaires de petites entreprises et nous représentons des gens d'affaires. C'est là où il devrait y avoir une concentration et c'est là où vos efforts devraient porter.

Le président: Certaines personnes ont avancé que vous pourriez perdre jusqu'à 20 000 emplois, est-ce exact?

• 1935

M. Harold Baker: L'étude préparé par le Bureau d'assurance du Canada a fait état d'une possibilité de 20 000 emplois perdus chez les courtiers à l'échelle du pays. À la lumière de ce qui s'est produit au Québec, nous pensons qu'il est fort possible que ce chiffre soit beaucoup plus élevé.

Le président: Si vous ne le faites pas, qui s'occuperait de ce secteur des affaires?

M. Harold Baker: Les banques vous diront qu'elles devraient s'occuper de ce commerce.

Le président: Êtes-vous en train de me dire qu'elles devront continuer de faire affaires avec des clients, parce qu'elles doivent avoir des clients, n'est-ce pas? Manifestement, si vous voulez faire des affaires, il vous faut un client.

M. Harold Baker: Exact.

Le président: Certains pensent que les banques pourraient avoir un système de distribution plus efficace.

M. Mike Saunders: Il suffit de regarder le cas de Desjardins au Québec pour comprendre que ce n'est pas tout à fait le cas. Après une période pendant laquelle les tarifs ont été beaucoup plus bas que ceux du marché, afin de s'accaparer une bonne part du marché, les taux se situent maintenant un peu au-dessus de la médiane.

Les assurances ne se comportent pas toujours de la même façon que les autres produits parce que vous devez estimer le montant des pertes ou des règlements dans une année quelconque. Vos pertes sont basées sur des données démographiques applicables à vos clients. Il est douteux que les banques puissent avoir un système plus efficace et plus avantageux du point de vue des coûts.

Le seul résultat est une concentration des emplois dans les zones régionales. L'Alberta subirait d'importantes pertes d'emploi si elle devenait un service téléphonique exploité à partir d'une autre province, possiblement.

Le président: Si tel était le cas, certains pourraient soutenir que s'ils ne sont pas efficaces et rentables, ils ne resteraient pas en affaires très longtemps.

M. Mike Saunders: Votre point est valide. Toutefois, les banques peuvent tenir le coup pendant la période intérimaire, c'est-à-dire entre le moment où elles arrivent sur le marché, où elles pratiquent des taux artificiellement faibles et le moment où elles parviennent à évincer la plupart de leurs concurrents. Une fois que nous aurons tous disparu, est-ce que l'efficacité aura une importance? Vous avez obtenu 30 p. 100 du marché. Et il n'y a plus que trois grands intervenants. C'est simple, vous avez éliminé la plus grande partie de vos concurrents dans le monde de la petite entreprise. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres, mais je ne puis me permettre de perdre de l'argent cinq années de suite et de rester en affaires.

Le président: La CIBC est maintenant dans le domaine de l'assurance, n'est-ce pas?

Mme Ginny Bannerman: Vous avez mentionné la CIBC. Récemment, M. Dwight Lacey a annoncé que les dépenses d'exploitation du secteur des assurances de la CIBC étaient de 37 p. 100, je crois. La moyenne pour l'industrie est inférieure à 30 p. 100. Par conséquent, ce cas de centralisation n'a pas entraîné des coûts moindres pour la CIBC. Comme l'a dit Mike, leurs ressources sont plus importantes que les nôtres. Nous ne pourrions nous permettre d'augmenter nos dépenses de huit ou neuf points ou de retrancher huit ou neuf points à nos résultats nets et espérer survivre. À plus long terme, leur portefeuille est bien mieux garni que le nôtre.

Par conséquent, leur service de télémarketing a été déplacé aux États-Unis et confié à une société américaine.

Le président: Cela se fait par l'entremise de filiales, n'est-ce pas?

M. David Anderson: CIBC General.

Le président: Je cherche à comprendre. Pourquoi la CIBC n'abaisse-t-elle pas ses prix maintenant qu'elle traite avec une filiale? Pourquoi ne cherche-t-elle pas à baisser les prix au maximum, du moins si ce que vous dites est exact?

Une partie de la stratégie globale des banques serait la suivante: nous éliminerons les courtiers indépendants et, par la suite, nous contrôlerons tout le marché. Si tel est le cas, pourquoi ne le font-elles pas par l'entremise de filiales? Le font-elles?

M. Harold Baker: C'est ce qu'elles ont fait dès leur arrivée en Ontario, puis en Alberta. Aujourd'hui, la Banque de Nouvelle-Écosse est installée en Alberta. Les banques se sont installées en proposant des prix très concurrentiels et elles se sont appropriées une bonne part du marché, sans toutefois comprendre le fonctionnement du marché de l'assurance. En assurance, vous couvrez quelqu'un aujourd'hui pour un événement qui se produira plus tard et vous devez maintenir votre accès à vos profits pour le jour où ces éventualités se produiront, afin que de couvrir vos frais.

Sans crier gare, les banques se sont mises à examiner leurs résultats nets, puis elles ont déterminé qu'elles cassaient le marché. Elles ne comprenaient pas le marché et elles ne comprenaient pas les risques qu'elles prenaient, de telle sorte qu'elles ont demandé au gouvernement une augmentation supplémentaire de taux. La Banque Canadienne Impériale de Commerce a fait une demande semblable à trois reprises et elle vient tout juste de déposer une quatrième demande d'augmentation de taux parce qu'elle ne comprend pas du tout le marché de l'assurance. Elle croyait que tout était fondé sur le prix de base.

Le marché de l'assurance est beaucoup plus compliqué et le produit d'assurance est beaucoup plus complexe qu'une simple question de prix. Nous ajoutons bien plus de valeur au produit que la simple dimension d'un prix.

• 1940

Le président: Cela ne vous donne-t-il pas un avantage concurrentiel sur les banques? Vous maîtrisez bien le produit, si je comprends bien.

M. Harold Baker: Comme nous l'avons dit dans nos observations préliminaires, nous pensons qu'il est possible de contrôler le prix. Si toutes les banques entrent sur ce marché et si elles cherchent toutes à contrôler les prix, nous ne pourrons les concurrencer et éventuellement, ce sera leur choix.

En Alberta, par exemple, vous devez être en mesure de justifier les taux pour l'assurance-automobile et de justifier vos augmentations de taux de même que tous les rabais que vous consentez pour tenter d'établir un marché raisonnable, avec des prix raisonnables. Les banques sont-elles disposées à le faire? Elles n'ont même pas voulu se présenter devant la Commission de tarification pour les automobiles en Alberta parce que lors de leur entrée sur le marché, elles disaient «Nous sommes une institution fédérale».

Le président: Laissez-moi comprendre. J'entends beaucoup d'arguments dont plusieurs sont valides. Le premier concerne la concentration des sociétés, le fait qu'il y a trop de pouvoirs entre les mains de quelques sociétés. C'est la clé, n'est-ce pas? Puis il y a l'argument des emplois. Mais pour ce qui est de l'argument concernant les emplois, je ne veux pas avoir l'air dur, mais s'il y a eu réduction des effectifs, il y a eu une restructuration dans tous les secteurs de l'économie. L'argument de la concentration des entreprises et du pouvoir des sociétés est, selon moi, l'argument à retenir parce que vous ne voulez pas que cette entité ait tant de pouvoir. Pour ce qui est de la question des emplois, supposons que je me rende à ma succursale bancaire locale et que j'aie besoin d'assurance-automobile ou d'assurance sur la maison et qu'il s'agisse d'une démarche toute simple et assez directe—malgré que je ne sois pas sûr que vous pensiez que ce soit simple à cause de tous les aspects avec lesquels vous devez composer. Supposons qu'il s'agisse d'un formulaire standard. J'entre, un peu comme si j'allais chez mon courtier, je signe et je paie ce qu'il faut et c'est tout ce qu'il y a à faire, pourvu que la personne qui me vend cette police soit qualifiée, n'est-ce pas? Il y a un organisme auquel vous devez rendre des comptes, n'est-ce pas?

M. Mike Saunders: Il y a, en Alberta, un conseil de l'assurance qui réglemente la délivrance de permis aux courtiers et aux agents. S'ils sont à l'emploi d'une compagnie, ils n'ont pas à obtenir de permis selon les dispositions actuellement en vigueur dans la province.

Le président: Voilà qui est intéressant.

M. Mike Saunders: Ultimement, la compagnie est responsable de la conduite de ses employés, c'est elle qui est l'assureur. Voilà qui pose de toutes nouvelles règles du jeu.

Vous avez parlé aussi de création d'emplois et je suis d'accord avec vous. Il y aurait concentration d'emplois dans une région particulière. Comme je viens d'une collectivité de 7 000 habitants, pour obtenir un prêt de la Banque de Montréal, je devrais parcourir une distance de 35 milles pour me rendre dans la ville où se trouve la succursale. Si on ferme mon entreprise et si on ferme celle du courtier suivant dans ma collectivité, où mes clients iront-ils pour acheter de l'assurance? Il leur est déjà impossible d'obtenir un prêt bancaire sans parcourir une distance de 35 milles. Je ne suis pas sûr qu'il y ait quelqu'un pour vendre de l'assurance à cet endroit, parce que les banques vont concentrer ces emplois dans d'autres régions. Nous craignons les retombées que cela pourrait avoir dans les petites collectivités du pays. C'est là que les pertes d'emploi se feront sentir.

Le président: Pourrais-je vous poser une question en rapport avec les succursales? D'un point de vue économique et financier, croyez-vous qu'une succursale ait de meilleures chances de survivre si elle a davantage de produits à vendre? Nous nous préoccupons tous de la possibilité que des succursales ferment.

M. Mike Saunders: Comme je ne suis pas économiste, je ne puis répondre à cette question. Peut-être Harold a-t-il quelque chose à dire.

M. Harold Baker: Pourquoi ferme-t-on des succursales maintenant? Prenons le cas des régions rurales de l'Alberta—et je prendrai comme exemple le sud de l'Alberta, dans la région de Drumheller, qui a été victime de la fermeture de trois succursales. Que leur reste-t-il? Avaient-elles plus de produits financiers à vendre? Non. Selon moi, elles pensaient pouvoir vendre leurs produits sur Internet, par l'intermédiaire de guichets automatiques bancaires et par l'intermédiaire de centres téléphoniques 1-800. Actuellement, les produits d'assurance se vendent par l'entremise de centres téléphoniques 1-800. Pour les banques, je ne crois pas que se soit une question de rester dans la collectivité et d'assurer une présence dans la collectivité en fonction du nombre de produits à vendre.

• 1945

C'est toujours les résultats qui comptent. Telle succursale pourra-t-elle être efficace au plan opérationnel et pourra-t-elle être rentable? De toute évidence, si vous pouvez fermer une succursale et continuer de faire des affaires par d'autres intermédiaires et d'autres façons, vous fermerez. Et c'est ce que font les grandes banques.

De notre point de vue, les banques occupent maintenant notre champ d'activités. Elles commercialisent des produits d'assurance. Nous n'aimerions pas nécessairement que le gouvernement prenne les devants et aborde le commerce de détail, mais nous lui demandons de laisser la poussière retomber, puis d'examiner les conséquences. Nous continuerons de concurrencer, nous tentons de le faire, mais c'est très difficile dans certaines situations.

L'Alberta est une province un peu différente des autres. Il n'y a pas de produit d'assurance offert par le gouvernement. Notre système est la libre entreprise. Les volumes ne sont pas très élevés et l'assurance n'est pas obligatoire. Il a des exigences très minimales pour ce qui est des assurances obligatoires, par conséquent, les règles sont différentes et la concurrence est très forte. Laissez la concurrence agir comme c'est le cas maintenant. Attendez quatre, cinq ou six ans pour voir ce qui se produira.

Le président: En tant que comité, nous avons à coeur l'intérêt public des Canadiens, bien sûr. C'est ce que nous cherchons à évaluer. Il doit y avoir une raison pour laquelle le rapport MacKay dit que d'ici 2002 les banques devront être autorisées à vendre de l'assurance au grand public et à louer des véhicules légers. Quels sont les avantages pour les banques d'être dans ce domaine?

M. Mike Saunders: Je crois que pour les banques c'est une question d'avoir davantage de produits, comme vous dites.

Le président: Je parle des gens. Quels sont les avantages pour les Canadiens?

M. Mike Saunders: Je ne suis pas sûr pour le moment qu'il y en ait à long terme. À court terme, il peut y avoir une réduction des taux, mais à long terme, je ne crois pas que les retombées seront importantes.

Je ne dis pas que l'une ou l'autre de ces régions est mal desservie, bien que je ne crois pas qu'il y ait un manque de capacité au sein de l'industrie de l'assurance de bien et risques divers pour répondre aux besoins des Canadiens à l'heure actuelle. En quoi cela profite-t-il aux Canadiens? Je ne le sais pas.

M. Harold Baker: Nous avons eu l'opportunité d'entendre le discours de M. MacKay, et nous lui avons demandé en quoi cela aiderait les consommateurs éventuellement, selon son point de vue et selon le point de vue des autres membres du groupe de travail. Selon lui, les consommateurs profiteront d'un guichet unique et d'un plus grand choix. Notre rapport contient des observations sur ce que nous croyons être le choix. Nous estimons que le choix est grand. Que les banques disent ce qu'elles veulent faire et comment elles veulent offrir leurs produits au grand public ne donne pas de nouveaux choix et ne constitue pas nécessairement un guichet unique, parce qu'un tel guichet voudrait dire que je pourrais aller dans une collectivité et acheter dans une succursale. Certaines banques se retirent du milieu rural, non seulement dans cette province, mais partout au Canada. Je ne sais pas comment il peut faire une telle affirmation et je ne puis répondre à cela. Quand nous lui avons posé la question, ce sont les deux réponses qu'il nous a fournies.

Le président: Supposons que quelqu'un veuille acheter de l'assurance-vie... ou faites-vous uniquement dans le domaine des assurances de biens et risques divers?

M. Mike Saunders: Nous sommes dans les assurances de biens et risques divers.

Le président: Soit dit en passant, voilà un autre débat—celui de l'assurance-vie et de l'assurance de biens et de risques divers. Le rapport MacKay porte surtout sur l'assurance-vie, ce qui est un peu injuste à certains égards envers ceux qui vendent de l'assurance de biens et risques divers. Si j'entrais dans une banque et que j'étais confronté à ces affiches et à toute la mise en marché du produit d'assurance-vie, par exemple, je songerais assurément à en acheter. Pendant toutes ces années, M. Valeri n'est pas parvenu à m'en vendre.

Une mise en marché aussi directe pourrait contribuer à augmenter le nombre de polices vendues ou le montant d'assurance-vie souscrit. Vous voyez ce que je veux dire? Vous entrez dans une succursale et vous êtes bombardé par toutes sortes de publicités. Si on vous offre de l'assurance-vie ou de l'assurance de biens et risques divers, il est possible que ces efforts contribuent à augmenter la part de marché, parce qu'il y aurait davantage d'acheteurs. Vous êtes d'accord avec cela?

• 1950

Mme Ginny Bannerman: Ce pourrait être vrai dans le cas de l'industrie de l'assurance-vie, mais pour ce qui est de notre industrie, le gouvernement a créé le marché de l'assurance-automobile pour nous. Il a décrété que pour conduire un véhicule et pour l'immatriculer, il fallait une couverture minimale prescrite par la loi.

Si vous avez un prêt ou une hypothèque pour votre maison ou votre entreprise, les banques, en tant qu'institution prêteuse, exigeront que ces biens soient assurés. Voilà qui est très différent. Si le système fonctionne comme il le devrait, la totalité des véhicules sont déjà assurés. Qu'il y ait deux endroits de plus où acheter de l'assurance ne changera pas le nombre de véhicules assurés.

Le président: Qu'en est-il de la location? Mettez-vous à la place d'un consommateur canadien pendant un instant. Vous entrez dans une banque et vous concluez un contrat de location. N'est-ce pas pratique?

M. Mike Saunders: Non, pas particulièrement.

Le président: Et pourquoi donc?

M. Mike Saunders: Le concessionnaire où j'achète mon véhicule m'offre déjà cette possibilité. Le type qui est installé à trois portes de chez moi m'offre cette possibilité. Peut-être que cela conviendrait à certaines personnes.

Nous sommes passés à côté d'un problème qui me touche beaucoup, c'est-à-dire le fait que notre clientèle se rende à la banque pour y renouveler des prêts hypothécaires. Je vous donnerai l'exemple de ma propre succursale bancaire. J'y suis allé pour renouveler mon hypothèque et pendant que l'on remplissait le formulaire, la représentante m'a dit «J'imagine que vous n'avez pas besoin d'assurance-vie». Je lui ai répondu «Je ne sais pas. Pouvez-vous me donner plus de détails?» «Eh bien, a-t-elle ajouté, si vous décédiez, votre prêt hypothécaire serait couvert». Je lui ai répondu «Voilà qui est bien. Qui est le bénéficiaire inscrit sur ma police?» «Un instant», m'a-t-elle dit. Puis, elle s'est précipitée dans le bureau du directeur adjoint, ils ont consulté un livre pendant dix minutes et quand elle est revenue elle m'a dit «Nous n'en sommes pas sûrs, mais nous vous le confirmerons par téléphone». Je lui ai répondu, «Permettez-moi de vous éclairer. La banque est le bénéficiaire de ma police d'assurance si je meurs».

Les gens qui commercialisent ces produits n'ont aucune expertise. La représentante était prête à mettre un X dans la case, à m'extorquer sept dollars par mois de plus pour mon assurance hypothécaire, et elle ne savait rien du produit qu'elle vendait.

Si je veux acheter une automobile, et que je me rende à ma banque pour obtenir du financement et que ces gens sont autorisés à vendre directement par l'entremise de la succursale, est-ce que je bénéficie de la même expertise? Si véritablement j'ai besoin du prêt, est-ce que je quitterai la succursale sans acheter de l'assurance-automobile? Il est presque impossible de réglementer des techniques de vente subtilement coercitives. Si par exemple je veux acheter une voiture toute neuve et que j'ai vraiment besoin du prêt, j'achèterai l'assurance de la banque si cela me permet d'obtenir le prêt, et si les représentants m'incitent fortement à le faire. À qui pourrais-je me plaindre? Je ne veux pas perdre mon prêt.

C'est ce qui nous préoccupe tant, nous les courtiers. De plus, chaque fois qu'un de nos clients obtient un prêt pour son automobile ou une hypothèque pour sa maison, nous sommes tenus de fournir à la banque une copie de la police d'assurance qui contient l'adresse de la maison, le montant de la police d'assurance et la date d'échéance de la police. Point n'a besoin d'être un grand génie pour me mettre en faillite six mois plus tard en coupant les prix partout, parce qu'il est facile d'acheter un livre qui contient tous les prix. C'est ce qui me préoccupe. Voilà une menace réelle qui pèse sur nous et une menace que la réglementation ne saurait atténuer. Il y a de ces choses qui n'ont rien à voir avec une succursale bancaire, pour la protection du consommateur et de la petite entreprise en général.

Le président: Apparemment, vous ne portez pas les banques dans votre coeur.

M. Mike Saunders: Pas particulièrement. J'ai perdu beaucoup de temps à faire du lobbying contre elles.

Le président: Comment se fait-il que personne n'aime les banques? C'est un phénomène assez intéressant. Où que nous soyons dans notre pays, nous constatons que personne n'aime les banques; pourtant, lorsque celles-ci ferment leurs succursales, tout le monde proteste vigoureusement. Ne serions-nous pas un peu masochistes?

M. Mike Saunders: C'est parce que les banques sont un mal nécessaire.

Le président: Elles sont un mal nécessaire.

M. Mike Saunders: Vous êtes bien obligé de passer par les banques. Vous ne pouvez pas garder éternellement votre argent dans votre bas de laine.

Le président: Depuis combien de temps êtes-vous en affaires?

M. Mike Saunders: Depuis 22 ans.

Le président: Vous avez toujours utilisé une banque?

M. Mike Saunders: Au cours des dix dernières années, mon associé Steve et moi-même, avons racheté l'affaire de mon père. Nous avons été obligés de faire appel à la banque pour régler les questions de financement. C'est indispensable. J'ai beau ne pas les aimer, je suis parfois obligé de traiter avec elles.

Le président: Pourquoi ne pas vous adresser à une caisse de crédit ou à une caisse populaire?

M. Mike Saunders: En Alberta, les caisses de crédit essayent, elles aussi, de s'immiscer dans notre secteur. Il n'y a pas de caisse populaire. Il y a l'Alberta Treasury Branch. Toutes les banques veulent m'éliminer et je trouve cela difficile à accepter.

Le président: Je crois que j'ai déjà posé plus que ma part de questions.

• 1955

Mme Ginny Bannerman: N'oublions pas que les clients peuvent maintenant choisir entre CIBC Insurance et Scotia Insurance s'ils veulent vraiment traiter avec une succursale bancaire. Nous considérons que les activités bancaires et les assurances sont deux fonctions qui ne devraient pas être regroupées sous un même toit car cela crée la possibilité de recours à des techniques de vente coercitives, comme Mike l'a dit.

Le président: Bien, merci.

M. Peter Rollason: Je voudrais simplement exprimer l'avis d'une personne qui traite avec ce genre d'établissements. Je ne voudrais pas qu'on en arrive au point où je n'aurais plus aucune possibilité de choix. Le prix devient un facteur très important dans le choix et je ne voudrais donc pas que l'on ait recours à des méthodes subversives d'établissement des prix.

À titre personnel, je ne tiens pas non plus à mettre tous mes oeufs dans le même panier. Je ne suis donc pas partisan de la formule du guichet unique. Certains la trouvent peut-être commode, mais j'aime bien magasiner un peu afin de trouver le meilleur service, le meilleur prix, la meilleure affaire. Le rapport MacKay élimine les ventes liées, mais il est difficile de prouver l'existence de tactiques coercitives.

Pour le consommateur, de sérieuses questions se posent. Personnellement, je ne voudrais pas que tout soit contrôlé par un groupe limité d'intervenants. Peu m'importe que ce soient les banques ou les compagnies d'assurances. Tout ce que je demande, c'est que la concurrence existe et la liberté de choix aussi.

Le président: Vous êtes donc d'accord pour que les banques se transforment en agents d'assurances.

M. Peter Rollason: Oui, si cela favorise la concurrence.

C'est comme dans le secteur du courtage des actions que tout le monde croyait condamné lorsque les banques s'en sont emparé. Mais en fait, cela a eu pour effet de créer un grand nombre de petits courtiers spécialisés. Dans tous ces domaines, d'autres possibilités s'offrent sans doute encore. Ces gens-là en savent certainement beaucoup plus que moi et je ne peux pas me permettre de juger ce qu'ils en pensent, mais en tant que consommateur, je veux pouvoir faire des choix appropriés. S'il faut, pour cela, que les banques interviennent dans le secteur, très bien, mais ce que je veux, c'est être certain que les prix seront équitables.

M. Mike Saunders: Les services qui vous sont actuellement offerts sur le marché vous paraissent-ils insuffisants?

M. Peter Rollason: Non, plusieurs choix s'offrent maintenant à moi.

Le président: Il est intéressant que vous disiez cela, monsieur Saunders. La plupart des personnes à qui je parle utilisent l'expression, «Le statu quo n'est pas une option», mais en fait, c'est bien de cela qu'il s'agit. Je crois que les gens sont parfaitement satisfaits de laisser les choses comme elles sont.

Mme Ginny Bannerman: La situation qui règne actuellement sur le marché est en fait si nouvelle que nous n'avons pas encore fini de nous adapter aux changements de 1992. Je crois qu'il faudrait attendre de voir les effets de ces changements avant d'en apporter d'autres. En ce moment, le statu quo est une cible on ne peut plus mouvante.

Le président: À force d'étudier la question, on apprend à la connaître de mieux en mieux. Si l'on considère la structure des quatre piliers, par exemple, et les services financiers d'il y a cinq ou dix ans, on constate que les choses ont bien changé. Lorsque l'on considère la croissance des fonds mutuels et la diminution des dépôts bancaires, on voit aussi que tout change autour de nous; pourtant, beaucoup de ceux qui comparaissent devant nous, s'ils reconnaissent le changement, s'en accommodent fort bien. Chacun a droit à son opinion, mais je me demande combien de temps encore le statu quo pourra durer étant donné les circonstances.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Dans tout cela, on semble prendre pour hypothèse que ce changement est non seulement inévitable mais qu'il est nécessaire. Lorsque vous vous mariez, vous ne prenez pas pour acquis que les choses devront changer; il y a des choses qui sont parfaites telles qu'elles sont. Si je comprends bien ce que me disent les gens c'est que, «si ça fonctionne, mieux vaut ne pas y toucher». Tout le monde est content et les choses tournent rond; pourtant, dans notre travail, nous nous croyons souvent obligés de tout changer parce que tout ira mieux après, alors qu'en fait, ce n'est pas vrai.

M. Mike Saunders: Voilà qui est très bien dit.

M. Harold Baker: C'est en fait excellent. Vous avez demandé pourquoi les Canadiens n'aiment pas les banques. Eh bien, si vous considérez leur passé, vous constatez qu'elles n'ont jamais aidé que les créditeurs qui ne présentaient pas beaucoup de risques. Tout un marché subsidiaire a été établi par des sociétés telles que Avco Financial Services, Beneficial Canada, sans oublier les artistes de la batte de base-ball que sont certains usuriers.

• 2000

Les banques ne sont pas intervenues lorsque la situation économique empêchait la croissance dans une province. C'est ainsi qu'ont été créées les caisses de crédit et la Treasury Branch en Alberta. C'est parce que les banques n'ont pas fait leur travail; elles ne tenaient d'ailleurs pas à le faire.

Les gouvernements ont donc été obligés d'intervenir; c'est ainsi qu'en Alberta, on a créé l'Alberta Opportunity Company. Nous avons été obligés de créer la Banque fédérale de développement. Nous avons été obligés de créer les services que les banques ne voulaient pas fournir. Et voilà tout d'un coup qu'elles veulent envahir un autre marché. Que se passera-t-il lorsqu'elles décideront qu'il ne les intéresse plus, que les gens voudront avoir accès à certains services et qu'il n'y aura plus personne pour les fournir?

Les banques ont obtenu ce qu'elles voulaient. Il faut maintenant que les Canadiens trouvent d'autres moyens si ce que font les banques ne leur plaît pas.

Prenez la Banque de la Nouvelle-Écosse en Alberta—j'ai parlé à des employés qui l'ont quittée—c'est très clair. Le mandat de la banque est simple: elle veut la crème de la crème; elle ne veut pas de mauvais payeurs; elle ne veut pas de clients qui présentent des risques élevés. Vers qui ces gens-là pourront-ils donc se tourner?

Ils vont se tourner vers nous, mais nous ne pourrons pas leur offrir de prêts hypothécaires. On en arrivera au point où il n'y aura plus de marché pour eux. Et c'est là le problème. Nous nous trouvons tout d'un coup obligés de créer un marché artificiel parce que les banques se refusent à fournir les services requis.

C'est une véritable tradition. Si vous considérez notre passé, vous constaterez que chaque fois que l'on crée quelque chose c'est parce que cela n'intéresse plus les banques ou qu'elles veulent se réserver la meilleure part du gâteau. Je suis un petit homme d'affaires et lorsque j'entre dans une banque, je sens qu'on me jauge, qu'on évalue ma capacité de rembourser, et si je veux obtenir un prêt, je dois littéralement gager jusqu'à ma dernière chemise.

Il arrive donc un moment où l'on se dit que l'on ne peut plus faire affaires avec cette banque. C'est ainsi qu'une société telle que l'Alberta Opportunity Company est créée. Et c'est là le problème. Je crois que c'est la raison pour laquelle les Canadiens considèrent les banques d'un oeil soupçonneux. Celles-ci réclament un tas de choses et vous disent qu'elles vont créer des emplois.

J'ai observé le président de la Banque de Montréal lorsqu'il s'adressait au comité de la Chambre des communes. Il a déclaré: «Lorsque je vous dis qu'il n'y aura pas de pertes d'emploi, il faut me faire confiance.» Je regrette, mais je n'ai pas beaucoup foi en ce genre de déclaration, car je n'ai qu'à considérer le passé de cette banque pour savoir que ce serait une erreur de lui faire confiance, ainsi d'ailleurs qu'aux autres banques.

Le président: Madame Bennett ou M. Valeri.

Mme Carolyn Bennett: Nous allons garder le meilleur pour la fin.

Des voix: Oh, oh!

M. Tony Valeri: Inscrivez-moi pour 15 h, demain.

Mme Carolyn Bennett: Je voulais poser une question à l'Association des infirmiers et infirmières de l'Alberta.

Il y a deux phénomènes qui se passent en même temps. Le premier est que tous les infirmiers et infirmières ont été licenciés dans les hôpitaux. Tout le monde croit que nous voulons que les hôpitaux puissent recruter plus d'infirmières. Effectivement, nous voulons plus de personnel infirmier dans la communauté pour pouvoir assurer des soins à domicile. Alors même que tous ces infirmiers et infirmières ont été licenciés, nous continuons à dire qu'ils ne sont pas suffisamment nombreux. Ce dont nous ne parlons pas c'est du fait que beaucoup d'entre eux sont sans travail.

C'est très difficile à expliquer lorsqu'on veut essayer d'établir une stratégie d'emploi des jeunes. Vous nous dites que le nombre des inscriptions diminue à l'école de sciences infirmières. Qu'est-ce qui se passe?

Mme Lorraine Way: Historiquement, notre secteur infirmier a connu des fluctuations de l'offre et des problèmes de demande.

Au début des années 90, l'Association canadienne des soins de santé a fait une étude sur les besoins futurs dans le domaine infirmier. À cause du vieillissement de la population, à cause aussi du vieillissement du personnel infirmier autorisé, nous prévoyons une pénurie de personnel d'ici la fin du siècle.

En 1997, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada a commandité une nouvelle étude sur la situation future, et c'est cette étude qui permet de dire qu'il y aura une pénurie de personnel.

Il y a eu énormément de licenciements en Alberta en 1993-1995. Comme je l'ai déjà dit, le nombre de membres du personnel infirmier autorisé a diminué de 17 p. 100. Ceux d'entre eux qui avaient conservé leur statut ont modifié leur régime d'emploi à temps complet pour adopter celui de travail occasionnel à temps partiel. Au cours de ces années-là, on a fait beaucoup de publicité sur la question en Alberta, puis dans d'autres provinces, et plus récemment, en Ontario. Le battage fait autour des licenciements a détourné les jeunes de la carrière infirmière. Et voilà ensuite que dans les diverses provinces, des mesures ont été imposées au sujet du recrutement: «Réduisez vos effectifs. Vous avez trop d'infirmiers et d'infirmières».

• 2005

Il faut quatre ans pour former un infirmier ou une infirmière autorisé. Et maintenant, nous ressentons les effets d'une situation dans laquelle d'une part, les gens ne choisissent plus la carrière infirmière et d'autre part, on réduit les effectifs. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons perdu 17 p. 100 de notre personnel autorisé. Selon nos estimations, nous en avons perdu 10 000 au Canada, qui ont soit quitté le pays pour aller travailler ailleurs, ou qui ont totalement changé de carrière.

Ce que nous essayons de faire comprendre, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'attendre jusqu'à l'an 2011 pour nous retrouver face à une grave pénurie de personnel. Il faut que l'on prenne dès maintenant un certain nombre de mesures pour éviter cette pénurie car si elle se produisait, ce serait désastreux pour le régime de santé de notre pays.

Mme Carolyn Bennett: Je pense à un budget. Pensez-vous que cela va coûter 10 millions de dollars pour expliquer aux jeunes des deux sexes de notre pays qu'ils trouveront du travail s'ils choisissent la carrière infirmière?

Mme Lorraine Way: C'est beaucoup plus compliqué que de dire simplement aux jeunes, «Choisissez la carrière infirmière». Il y a de sérieux problèmes de recrutement. Moins de 4 p. 100 du personnel autorisé sont des hommes. Tout le reste sont des femmes. N'oublions pas le rôle de la femme; c'est elle qui porte l'enfant; c'est elle qui doit élever les tout-petits. Cela oblige parfois les infirmières à quitter leur emploi pendant un certain temps.

Puisque l'on parle de cette problématique, d'autres facultés telles que celles de médecine, d'ingénierie et de droit, ont beaucoup mieux réussi à maintenir un certain équilibre entre les sexes. Elles ont, par exemple, accordé des bourses aux femmes pour qu'elles puissent suivre ces programmes. N'oublions pas non plus les Autochtones chez qui nous recrutons très peu d'infirmiers et d'infirmières; pourtant, les Autochtones représentent un pourcentage important des bénéficiaires des soins de santé. Il faudrait étudier de quelle manière il serait possible d'obtenir des bourses. Ces 10 millions de dollars ne sont pas uniquement là pour que l'on fasse de la publicité auprès des jeunes sur les avantages de la carrière infirmière. Il faut que cet argent serve à établir des stratégies et à créer des bourses pour les étudiants.

Il va également falloir étudier le problème du maintien de l'effectif. C'est au recrutement et au maintien de l'effectif que ces 10 millions de dollars devraient être destinés. Pourquoi les infirmiers et infirmières s'en vont-ils? Beaucoup d'entre eux m'ont dit qu'ils aimaient beaucoup leur métier mais qu'ils avaient horreur des conditions de travail. Je crois qu'il serait bon d'examiner certaines des raisons pour lesquelles les infirmiers et infirmières jettent l'éponge et s'en vont.

Mme Carolyn Bennett: Cet été, nous nous sommes rendus dans le Nord, au Nunavut. Il est manifestement extrêmement difficile de trouver des infirmiers et infirmières, qu'il s'agisse de personnel de première ligne ou de personnel autorisé. Il y en a tellement peu que la moindre augmentation de leur nombre serait déjà un succès.

Lorsque vous parlez de stratégies, parlez-vous d'éducation permanente et de possibilités de repos, d'avoir quelqu'un pour vous remplacer? Il paraît impossible d'exiger que quelqu'un travaille 50 semaines d'affilée.

Parlons maintenant de ce que coûtent les soins de santé. Il suffirait de deux infirmières à Grise Fiord pour qu'on puisse y soigner un malade atteint de pneumonie pendant les trois ou quatre jours nécessaires au lieu de devoir le transporter ailleurs, ce qui coûte horriblement cher. Leur budget global de soins de santé s'en trouverait nettement réduit.

Est-ce de cela que vous parlez, lorsque vous mentionnez ces 10 millions de dollars?

Mme Lorraine Way: Nous parlons de conservation de l'effectif, de la manière de conserver nos infirmiers et infirmières, et une partie du problème...

Mme Carolyn Bennett: Eh bien, ce dont je parlais, c'était de les attirer.

Mme Lorraine Way: C'est exact. Ce dont nous parlons également c'est d'offrir des possibilités d'éducation permanente, de manière à ce qu'un plus grand nombre d'infirmiers et d'infirmières de première ligne soient capables d'assumer certaines des responsabilités que vous venez de décrire. C'est de cela que nous parlons. Ce qui nous intéresse, ce sont des stratégies de recrutement et de conservation de l'effectif. Il faut que nous comprenions clairement la raison de tous ces départs. Ce n'est pas uniquement une question d'argent. Comme nous le savons tous, l'argent n'est pas le principal facteur de motivation. Il y a d'autres facteurs: ne pas pouvoir obtenir de congé quand on en veut un; le sentiment de frustration au travail; la charge de travail écrasante; le sentiment de ne pas pouvoir fournir le genre de soins de qualité souhaités aux malades à cause du stress auquel le personnel est soumis.

C'est de cela que nous parlons.

Mme Carolyn Bennett: Dans le document de recherche et dans les recherches que vous avez utilisées, avez-vous vu la proposition du Dr Friesen concernant les instituts de santé? Pensez-vous que le modèle proposé par lui permettrait suffisamment de recherche multidisciplinaire dans le domaine infirmier?

Mme Lorraine Way: Je suis plus au courant de ce que l'Association des infirmiers et infirmières a proposé au sujet de l'information virtuelle, de la bibliothèque virtuelle. Je crois qu'il faut se montrer vraiment prudent. Le travail interdisciplinaire est une bonne chose, mais étant donné les services fournis par le personnel infirmier, des recherches spécifiques à la discipline s'imposent également. Il faut que nous en sachions plus au sujet des services vraiment utiles et de ceux qui ne le sont pas; il faut aussi que nous sachions comment communiquer cette information aux praticiens.

• 2010

Bon nombre de recherches sont en cours, mais il est bien difficile de se rendre à Inuvik pour aider les infirmiers et infirmières à appliquer certaines des conclusions de ces recherches. C'est ce que le dernier...

Mme Carolyn Bennett: Puisque nous parlons de recherche multidisciplinaire, j'espère qu'on en fera sur la prestation des soins de santé, sur les moyens d'utiliser la meilleure personne possible au prix le plus bas possible. Il faudrait qu'on fasse des recherches là-dessus.

Mme Lorraine Way: Vous et moi avons une conception différente de la recherche multidisciplinaire. Nous sommes certainement favorables à...

Mme Carolyn Bennett: Je parle de la recherche sur la prestation des soins de santé. C'est bien cela?

Mme Lorraine Way: D'accord; vous parlez de la manière d'offrir le meilleur service possible et du rôle que joue chacun des prestataires de soins là-dedans. Absolument, cela en fait partie.

Mme Carolyn Bennett: D'accord.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

Le président: Vous avez droit à une question.

M. Tony Valeri: Vous avez bien dit «une question», n'est-ce pas? Je ne voulais pas poursuivre la discussion sur les banques car il me semble qu'il y a déjà un moment que le sujet est épuisé.

Je souhaiterais revenir à une question de caractère plus général qui a trait à la consultation prébudgétaire. Je voudrais tout d'abord établir le contexte et avoir ensuite vos commentaires.

Vous avez certainement lu récemment des articles de journaux sur la situation mondiale—l'économie mondiale, la crise en Asie, en Russie, en Amérique latine. Hier, Greenspan a dit qu'il semble qu'en 1999 la croissance sera plus lente aux États-Unis que prévu. Vous avez donc là un ralentissement modéré de l'économie.

Notre gouvernement vient d'équilibrer les comptes et il a pris l'engagement de maintenir cet équilibre. Toutes les prévisions concernant ce que serait cet excédent étaient inexactes.

Selon les chiffres les plus récents qui circulent, l'excédent réel serait de cinq à sept milliards, y compris un fonds de réserve de trois milliards de dollars, ce qui laisse un excédent réel d'environ deux à quatre milliards de dollars.

Nous sillonnons le pays pour entendre les Canadiens et nous faire une idée de leurs priorités. À votre avis, compte tenu de cet excédent, quelles sont les priorités?

Monsieur Rollason, peut-être voudriez-vous répondre le premier.

M. Peter Rollason: C'est une question très difficile. Deux à quatre milliards de dollars pour répondre aux besoins existants n'est qu'une goutte d'eau dans la mer.

M. Tony Valeri: Je suis d'accord avec vous.

M. Peter Rollason: Mon point de vue est probablement un peu différent de celui des autres car, à mon avis, nous devrions réduire la dette. Je me rends compte que c'est par cela qu'il faut commencer si nous voulons nous donner une marge suffisante de manoeuvre. En soi, quatre ou dix milliards de dollars ne changeront pas grand-chose en une année. Mais je crois qu'il faut commencer par cela.

Nos récents problèmes sont en partie dus au fait que l'on considère qu'il est préférable de parier sur les États-Unis que sur nous. C'est ce qui explique la fuite devant le dollar. Je crois qu'il faut que nous nous demandions comment notre pays, dans son ensemble, pourrait être plus compétitif sur les marchés mondiaux. Il faut donc que nous prenions quelques mesures qui montreront que le Canada s'engage dans cette voie. L'une de ces mesures consiste à s'attaquer au déficit. Je crois que nous l'avons prise.

Il est difficile de faire bénéficier tout le monde de cette somme d'argent relativement modeste, mais je crois qu'il faut que nous attaquions le problème de l'assurance-emploi. Il faut que nous nous attaquions à l'augmentation constante des impôts. Je ne pense pas qu'une telle augmentation soit acceptable, étant donné les circonstances. Il faut également que nous réglions certains des problèmes qui se sont manifestés, car dans certains cas, nous avons agi brutalement et sans discrimination.

Il ne faut pas céder à la complaisance en disant que nous avons réduit tous les coûts possibles et qu'il ne reste plus rien à faire. Mon expérience des affaires m'a appris que l'on n'en a jamais fini de compresser les coûts car les choses changent avec le temps, les initiatives changent, et tous les programmes sont assujettis à une clause d'extinction.

Je pense donc qu'il faut étudier de quelle manière nous fournissons nos services, de quelle manière le gouvernement fournit ses propres services, et il faut que nous trouvions de meilleures façons de le faire. Quant à cet excédent de quatre milliards de dollars, peut-être pourrait-on également réduire les coûts ailleurs en fournissant de meilleurs services, de manière à libérer un peu d'argent. Cet argent pourrait être consacré aux choses auxquelles les Canadiens s'intéressent.

M. Tony Valeri: Lorsque vous considérez les comptes et les dépenses, il y a essentiellement trois domaines de dépenses importantes. Le premier est celui des transferts aux provinces. Le second, celui des transferts aux particuliers, et le troisième, est celui de l'intérêt de la dette. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour que l'on mette en place un système de remboursement de la dette, et c'est à cela que pourrait servir le fonds de réserve de trois milliards de dollars. Lorsqu'on n'en a pas besoin pour équilibrer les comptes, on devrait automatiquement l'utiliser pour rembourser la dette. Nous avons un ratio dette-PIB qui diminue régulièrement.

• 2015

Mais dans ce monde de compromis, que devrions-nous faire de cet excédent? Devrions-nous l'utiliser pour réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, les cotisations à l'assurance-emploi, ou serait-il préférable de l'investir dans les soins de santé? C'est une question difficile, mais essentiellement, c'est celle qui se pose.

M. Peter Rollason: Je crois que les Canadiens méritent qu'on leur dise que la ponction fiscale va diminuer au lieu de continuer à augmenter. Même si les taux d'imposition n'ont pas changé, c'est comme s'ils l'avaient fait à cause de l'inflation.

Que l'on réduise les impôts ou les cotisations à l'assurance-emploi, on pourrait soutenir que sur le plan économique cela donnera le même résultat car les gens se retrouveront avec plus d'argent en poche. À mon avis, la question de l'assurance-emploi est un peu différente, car changer les règles créerait un problème de crédibilité. C'est une question dont vous allez peut-être devoir vous occuper. Vous obtenez beaucoup de réactions à ce sujet.

Je le répète, les Canadiens méritent qu'on leur laisse espérer une réduction de leurs impôts, qu'il leur restera plus d'argent, car cela a des répercussions sur une foule de domaines. Les Canadiens ne s'attendent pas à ce que les taux d'imposition tombent d'un seul coup de 50 p. 100 à 20 p. 100, mais si le gouvernement s'engageait à les réduire progressivement, je crois que les Canadiens l'accepteraient fort bien.

M. Tony Valeri: Bien. Quelqu'un d'autre a-t-il une remarque à faire?

M. Mike Saunders: Je voudrais faire une observation de caractère général. C'est une question bien complexe à laquelle s'attaquer et je ne voudrais pas être à votre place.

Vous avez évoqué la possibilité de réduire les impôts. Je crois qu'une telle mesure encouragerait les employeurs à accroître leurs activités et à créer des emplois. Cela me paraît plus logique que de gaspiller de l'argent dans un autre programme qui ne créera pas de nouveaux emplois ni de nouvelles recettes fiscales. À court terme, ce n'est peut-être pas joli de le dire, mais en fin de compte, si vous créez plus d'emplois et de recettes fiscales, vous aurez gagné la partie. La question c'est de savoir comment procéder.

M. Tony Valeri: Y a-t-il d'autres remarques? Monsieur Christie.

M. Gordon Christie: Je voudrais faire une observation sur ce qu'on vient de dire. Nous paraissons effectivement concentrer nos efforts sur le déficit financier. Mais après tout, les gouvernements représentent la population, et j'estime que nous devrions vraiment revenir au problème du déficit humain. Vous avez dit que nous sommes toujours obligés d'affronter la concurrence des États-Unis. C'est quelque chose dont j'ai horreur, car c'est chez les Américains que l'on trouve le plus grand écart entre les riches et les pauvres et les taux de pauvreté les plus élevés.

Quant à savoir ce que nous devrions faire de cet argent, la réponse est simple. Si vous regardez ce qui se passe ailleurs, vous verrez que les gouvernements consacrent la plus grande partie de leurs dépenses à la santé, à l'éducation et aux services sociaux, et c'est pour cela que cet argent devrait être utilisé.

J'ai entendu évoquer cet après-midi cet effet de retombées, comme en parlait aussi mon employeur lorsque je travaillais pour le gouvernement albertain. Peter Lougheed en parlait et tout le monde le fait depuis. Les travailleurs de cette province attendent les retombées depuis plus de 25 ans et ils attendent toujours. Au cours des 15 années qui se sont écoulées de 1983 à 1998, ils ont vu leurs gains diminuer de 15 p. 100, compte tenu de l'inflation. Nous avons toujours été perdants, que ce soit lorsque tout marchait bien, lorsque tout marchait mal, ou lorsque l'on allait simplement cahin-caha. Chaque année, nous avons été perdants. Nous attendons donc toujours les effets de ces retombées. Que ce soit comme employé du gouvernement ou employé du secteur privé, je continue moi aussi à attendre.

Ce que je peux vous dire, c'est que les gens réclament désespérément qu'on les aide sur le plan des soins de santé, de l'éducation et des services sociaux.

M. Tony Valeri: J'aimerais connaître vos réactions. Voilà ce que j'entends dire partout au Canada. Je me demandais si la solution n'était pas simplement de rechercher un meilleur équilibre. Seriez-vous d'accord pour que l'on réduise un peu l'impôt sur le revenu des particuliers tout en continuant à réduire le ratio dette-PIB et en faisant un effort du côté des soins de santé? Est-ce là la solution? Si l'on inscrivait cela dans le budget, quelle serait votre réaction?

M. Mike Saunders: Nous parlons d'une dette de quatre milliards de dollars.

M. Tony Valeri: Manifestement, ces investissements ne seraient pas très importants. Ils ne sauraient l'être. La première année, on pourrait très légèrement réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, pour demeurer dans la ligne du dernier budget. On pourrait investir un peu, sous une forme ou sous une autre, dans les soins de santé. Ces investissements ne seraient pas importants car nous ne parlons pas ici d'une somme d'argent vraiment considérable. Il ne faut jamais perdre de vue le principe fondamental du maintien de l'équilibre, car il est hors de question de replonger dans le déficit.

• 2020

M. Peter Rollason: Je crois que cet équilibre est l'élément critique. Nous ne sommes pas uniquement un pays de gens d'affaires, un pays de travailleurs, nous sommes aussi un pays de retraités, de jeunes; nous représentons une foule de choses, une foule de personnes aux intérêts différents. Pourtant, à bien considérer la situation, on constate une dichotomie dans ce que veulent les gens. Nous avons besoin de plus de programmes de soins de santé, nous avons besoin qu'on en fasse plus dans tous les domaines. Pourtant, ces mêmes personnes, pour la plupart, disent «Mes impôts sont trop élevés». C'est littéralement contradictoire. Je ne pense donc pas que ce soit la bonne solution, mais il faudrait quand même engager un effort sur les deux plans.

Le gouvernement est un peu comme une orange qui a déjà beaucoup été pressée et qui ne contient plus beaucoup de jus, si bien que cela ne lui laisse plus beaucoup d'options. Pour rester dans le domaine des métaphores, au lieu d'essayer de réaligner les chaises longues sur le pont du Titanic, on pourrait peut-être essayer de rendre un peu de son jus à l'orange; cela augmenterait nos options.

Quoi que nous fassions, il faut que nous nous efforcions de maintenir la croissance de notre économie. Si le niveau de vie des Canadiens augmente, cela signifie pour moi qu'une foule de choses se sont produites non seulement... Après tout, si le niveau de vie augmente, cela signifie probablement que le chômage diminue et que beaucoup d'autres questions commencent probablement à se régler. Il y a une chose que tout le monde est capable de comprendre: le niveau de vie des Canadiens a commencé à diminuer dans les années 80 et continue à le faire à cause de l'inflation et de tas d'autres facteurs. Je crois qu'il est temps de corriger cela.

M. Nelson Riis: Je crois que cela vient s'ajouter à la question de M. Valeri.

Tony.

M. Tony Valeri: Eh bien, je crois qu'il y avait un autre...

Mme Lorraine Way: Je n'ai pas de solutions à vous proposer, mais je crois que nous sommes très attachés au principe de l'égalité dans notre pays; autrement dit, les gens sont considérés comme égaux. En ce qui concerne les soins de santé, une des plus graves inquiétudes des infirmiers et infirmières de notre pays, en particulier en Alberta, berceau de la privatisation, est de voir le fondement même de la Loi canadienne sur la santé—le principe selon lequel l'accès aux soins de santé est fondé sur le besoin et non sur la capacité de payer—s'effondrer sous l'effet de certaines des initiatives en faveur de la privatisation. C'est une question qui préoccupe beaucoup le personnel infirmier de ce pays. Une des façons d'encourager la privatisation est indiscutablement de sous-financer le système subventionné par l'État. Il est certain que des pressions s'exercent dans ce sens.

Dans un système subventionné par l'État, on ne pourra jamais fournir à tous les soins de santé qu'ils désirent. C'est bien évident. Je crois cependant qu'il est indispensable que nous maintenions les principes de la Loi canadienne sur la santé, selon lesquels chacun doit pouvoir avoir accès à des soins de santé en fonction de ses besoins, qu'il s'agisse d'une mère et d'un enfant dans l'île de Baffin ou d'un homme d'affaires du centre-ville de Toronto. Voilà un des points essentiels.

Je ne connais pas très bien les facteurs économiques qui entrent en jeu, mais j'estime que la qualité de vie est basée sur l'éducation, sur la possibilité de trouver un emploi valable et d'avoir un accès raisonnable aux soins de santé. Je tenais à le souligner.

Le président: Merci.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Si l'on suppose que ce que dit M. Valeri va se produire, que notre excédent est de l'ordre de cinq à sept milliards de dollars, avec un fonds de réserve de trois milliards de dollars... Si l'on laisse de côté la question de l'assurance-emploi et qu'on décide de faire quelque chose avec cet argent, il s'agit tout au plus d'une somme de deux à trois milliards de dollars. Si nous l'utilisions pour effectuer une réduction globale de l'impôt sur le revenu, cette réduction atteindrait tout au plus 75 $ par mois. Il y a beaucoup de gens qui ne paient pas du tout d'impôt sur le revenu parce qu'ils ne gagnent pas suffisamment d'argent. Cela signifie donc que les personnes qui en ont le plus besoin ne bénéficieront pas du tout de cette disposition, ou en tout cas très peu. Pourtant, personne n'a mentionné la taxe que tous, tant que nous sommes, payons tous les jours, depuis les enfants jusqu'aux personnes âgées. C'est la TPS. Si ce qui vous intéresse est de stimuler l'économie, autrement dit, de permettre aux gens d'avoir un peu plus d'argent en poche, et cela pas plus tard que demain, vous pourrez le faire en vous attaquant à cette taxe. Cela représenterait sans doute au moins 175 $ par mois pour ceux qui paient l'impôt sur le revenu. Pourquoi ne parle-t-on jamais de réduire graduellement la TPS? Ce serait une prise de position bien claire sur le plan fiscal et une façon de stimuler tous les secteurs de notre économie.

• 2025

Le président: Qui pense que la réduction de la TPS est une option viable?

M. Mike Saunders: Si c'est une mesure logique, oui, moi.

M. Peter Rollason: Il faudrait que quelqu'un d'autre nous donne les chiffres exacts, mais je crois que si on réduisait la TPS de 1 p. 100, ces deux milliards de dollars seraient loin d'être suffisants.

M. Nelson Riis: Cela coûterait sans doute 2,5 milliards de dollars.

M. Tony Valeri: Je crois qu'il convient aussi de noter, monsieur Riis, que ce montant de cinq à sept milliards de dollars est un chiffre avancé par le secteur privé. C'est celui que McCallum utilise aujourd'hui.

Lorsque vous parlez de ce que l'on doit faire, étant donné que vous croyez au phénomène de la mondialisation et à la nécessité pour un pays d'être compétitif—pas seulement par rapport aux États-Unis, mais de manière à pouvoir continuer à améliorer la qualité de vie chez lui—vous constaterez que la plupart des pays utilisent la formule de la taxe à la valeur ajoutée.

Les charges sociales au Canada soutiennent très bien la comparaison avec celles de nos partenaires du G-7. Ce n'est pas le cas de notre impôt sur le revenu des particuliers. Il est le plus élevé de tous les pays du G-7. Devant une telle combinaison d'éléments, il faut se demander par quoi commencer. Je ne veux pas dire par là que vous ne devriez pas intervenir dans d'autres domaines lorsque l'occasion s'en présente, mais pour commencer, il faut s'attaquer aux secteurs dans lesquels vous n'êtes pas compétitifs. C'est la raison pour laquelle j'essaie d'attirer votre attention sur ce point afin que vous me disiez si je suis, ou non, sur la bonne voie. Si je fais fausse route, je tiens à ce que vous me le disiez.

M. Peter Rollason: Je crois que vous êtes sur la bonne voie, car les impôts seront toujours des impôts et nous serions heureux qu'ils soient réduits d'une façon ou d'une autre. L'avantage de réduction du taux d'imposition sur le revenu est que cela nous permettrait de lutter contre la fuite des cerveaux dont, selon certains, ce taux est responsable. Ce serait une façon d'aborder le problème.

Quelles que soient les méthodes que vous adopterez, tant que les impôts diminuent, les gens se retrouvent avec plus d'argent en poche. À mon avis, à cause de la reptation des impôts sur le revenu d'année en année, c'est par cela qu'il faut commencer. Je ne prétends pas que cela devrait être notre seule préoccupation, mais j'estime que votre gouvernement devrait s'attaquer au problème.

Je crois que le gouvernement devrait également réduire les cotisations à l'assurance-emploi, car cela a des répercussions sur les travailleurs et sur les entreprises. D'une façon générale, comme tous les travailleurs paient des impôts, une telle réduction est avantageuse pour eux à plusieurs égards.

Le président: Monsieur Christie.

M. Gordon Christie: Une brève remarque. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que tous les impôts frappent également les gens. La TPS est extrêmement agressive car, que vous gagniez un million de dollars ou 10 000 $ par an, vous êtes obligé de la payer. Si vous sortez ce soir pour acheter une pizza, vous payez la même taxe qui que vous soyez. Je trouve cela totalement injuste. Certes, notre régime d'impôt sur le revenu a besoin d'être revu, et les taxes et impôts devraient être plus équitables, c'est indiscutable. Mais les taxes les plus régressives, les taxes uniformes, les frais d'utilisation, les primes payées en Alberta pour les soins de santé, et autres choses du même genre, sont des mesures fiscales qui pénalisent surtout les pauvres qui travaillent et les travailleurs en général. C'est à cela qu'il faut avant tout que nous nous attaquions.

M. Tony Valeri: Il y a aussi une remise de la TPS au-dessous d'un seuil de revenu déterminé, et il faut en tenir compte. Lorsqu'on a mis en place cette remise, on a tenu compte du caractère régressif de la taxe.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Harris, avez-vous une dernière remarque à faire?

M. Dick Harris: Oui. Merci monsieur le président de me laisser conclure.

C'est moi qui l'ai mis là.

Le président: Je traiterai cela comme un projet, mais je m'abstiendrai.

Des voix: Oh, oh!

M. Dick Harris: Je voudrais faire une dernière remarque et je suis prêt à entendre vos commentaires, si vous en avez. Lorsque nous réfléchissons à la manière d'établir notre budget, il est absolument indispensable de ne jamais oublier le passé. Je crois que nous devons tous reconnaître que depuis le milieu des années 60, à l'époque où nos gouvernements déclaraient au public qu'il pouvait avoir tout ce qu'il voulait, à condition de voter pour eux, et que ces candidats vous déclaraient qu'en leur accordant vos voix, ils se garantissaient des lendemains qui chantent... Après 35 années de manipulations, nous nous retrouvons avec une dette de 500 milliards de dollars et un intérêt annuel de 43 milliards de dollars à payer. Imaginez-vous ce que l'on pourrait faire avec 43 milliards de dollars pour les soins de santé, l'éducation, les programmes sociaux et aussi pour réduire notre taux d'imposition qui est le plus élevé des pays du G-7...

• 2030

Je crois qu'il ne faut jamais oublier le passé lorsqu'on prépare un nouveau budget. Certes, il faudra faire des sacrifices et établir très clairement nos priorités en matière de dépenses. Le moment est venu de nous arrêter de dépenser de l'argent dans les secteurs où les besoins sont limités et de commencer à le faire dans ceux où les besoins sont plus importants.

Une dernière remarque; je ne vais pas m'en prendre à vous, M. Christie, mais vous portez un t-shirt portant l'inscription «L'équité salariale tout de suite».

M. Gordon Christie: Oui, le problème remonte à dix ans. On parlait déjà d'équité salariale il y a une décennie. Pour tout vous dire, on m'a offert ce t-shirt à un congrès du syndicat, il y a dix ans. C'est bien là le problème.

M. Dick Harris: Maintenant que le gouvernement est confronté à une demande de cinq milliards de dollars à la suite d'une décision prise par un organisme quasi judiciaire non élu, non tenu de rendre des comptes—cinq milliards de dollars! Imaginez-vous ce que cela représenterait comme soins de santé. Imaginez-vous ce que cela représenterait pour l'éducation et le subventionnement de certains de nos programmes sociaux.

Il y a vraiment de quoi se poser des questions lorsque l'on voit certaines des choses que l'on exige de nos gouvernements. C'est très simple, nous n'avons plus l'argent nécessaire pour cela. Il faut revenir à l'essentiel et remettre notre pays sur la bonne voie.

M. Gordon Christie: Je tiens à répondre à cette remarque. Vous avez dû lire mon message de la Fête du travail car de la part du tribunal canadien des droits de la personne qu'il exige du gouvernement fédéral qu'il rectifie la situation scandaleuse que représentent 14 années de discrimination fondée sur le sexe à l'égard de 200 000 fonctionnaires. L'appel de la décision concernant l'équité salariale par Chrétien constitue un refus de respecter les droits de la personne, un refus de défendre l'égalité des femmes, et aussi un refus de respecter la loi. Tout cela mine la confiance des habitants de Calgary à l'égard du gouvernement fédéral qui a pour responsabilité de lutter contre la discrimination et de soutenir l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Vous auriez dû lire mon message de la Fête du travail.

M. Dick Harris: Une dernière observation. Depuis des siècles, c'est le marché qui détermine la valeur des emplois dans ce pays, comme dans presque tous les autres, d'ailleurs. Le marché continuera probablement à être le facteur déterminant dans ce domaine. À mon avis, c'est faire un grand pas en arrière que d'enlever ce rôle aux marchés et de le confier à des personnes qui n'ont, dans la pratique, aucun compte à rendre à celui-ci et à notre pays.

M. Gordon Christie: Vous êtes donc d'accord avec 130 années de discrimination? Les bras m'en tombent?

Le président: Merci, monsieur Christie, et tous les autres, bien sûr. Merci beaucoup.

M. Gordon Christie: J'ai une réunion de notre conseil d'administration à 19 heures. J'ai d'autres priorités.

Le président: Merci d'avoir bien voulu rester. Je vous en sais gré.

Comme vous l'avez certainement constaté, cette réunion a été très intéressante. Je crois que la combinaison entre le rapport MacKay et la consultation prébudgétaire a été fort utile. J'essayerai peut-être encore cette formule.

Je vous remercie sincèrement. D'après les questions que nous vous avons posées et les réponses que vous nous avez données, il est clair qu'il ne sera pas facile de faire un choix entre les nombreuses options qui existent et les compromis possibles lorsque nous présenterons nos recommandations au ministre des Finances au sujet du budget. Quoi qu'il en soit, votre contribution a été précieuse et je suis certain qu'elle nous aidera à définir notre position tant en ce qui concerne le rapport MacKay que la consultation prébudgétaire.

La séance est levée.