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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 novembre 1998

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Avant tout, j'aimerais signaler aux membres du comité qu'à la suite du jugement sur la question du Nunavut, nous nous sommes dit que nous devrions entendre aujourd'hui le Nunavut Wildlife Management Board. Nous souhaitons donc la bienvenue à M. Michael d'Eça.

Nancy, avant de terminer ce rapport, je crois qu'il serait bon d'avoir un exposé sur la situation au Nunavut.

Michael, pourriez-vous limiter votre exposé à 15 ou 20 minutes au maximum? Cela permettra aux membres du comité de poser des questions.

Certains membres ne sont pas venus au Nunavut...

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Moi, j'y suis allé.

Le président: ...alors vous pourriez peut-être nous expliquer très brièvement ce qui se passe là-bas, surtout en ce qui concerne les pêches.

Nous vous souhaitons la bienvenue au comité. D'autres vont se joindre à nous. Nous pouvons consacrer une heure à votre exposé et aux questions qui en découlent.

M. Michael d'Eça (Nunavut Wildlife Management Board): Merci, monsieur le président. Je vais essayer de limiter mon exposé à environ 20 minutes.

Comme vous l'avez mentionné, en avril dernier, de nombreux membres du comité sont venus à Iqaluit, au Nunavut, pour entendre les représentations du Nunavut Wildlife Management Board et celles de plusieurs autres organismes au sujet de divers problèmes concernant les pêches dans le Nord.

Aujourd'hui, je vais commencer par résumer la position du NWMB sur les allocations de turbot dans le détroit de Davis, qui est la région directement adjacente au Nunavut. Je n'ai pas de carte ici mais tout à fait à l'ouest entre le Canada et le Groenland se trouve une région appelée le détroit de Davis. C'est la zone de pêche dont nous parlons.

Je vais tenter de faire le point sur ce qui s'est passé ces sept derniers mois, d'avril jusqu'à maintenant, et en particulier, d'expliquer le récent jugement de la Cour d'appel fédérale concernant une décision prise en avril 1997 par le ministre des Pêches et des Océans.

J'aimerais également traiter brièvement de la décision du ministre concernant l'allocation de turbot pour 1998, car elle est intervenue après les audiences d'Iqaluit. Je vais essayer de vous donner quelques renseignements sur l'historique de la pêche au turbot, sans entrer dans le détail.

Comme vous le savez peut-être déjà, bien avant la disparition des stocks de morue du Sud et la venue des pêcheurs du Sud vers le Nord, les Inuits avaient commencé a exploiter une pêche d'hiver au turbot dans la baie Cumberland, près de l'île de Baffin, soit à peu près au tiers de la longueur de l'île à partir du sud, près de la collectivité de Pangnirtung. Leurs méthodes étaient nécessairement simples et modestes car ils étaient pauvres et avaient difficilement accès au financement, à l'investissement ou à quelque forme d'aide. Cette pêche a cependant été un succès commercial et l'est encore aujourd'hui. Compte tenu de la rigueur de l'hiver arctique et du fait qu'ils sont partis de presque rien, c'est là un hommage aux Inuits—à leur vigueur et à leur ingéniosité—que d'avoir pu maintenir pendant 12 saisons une pêche commerciale d'hiver au turbot qui soit viable.

• 0910

Mais ils ont réalisé dès le début que la pêche d'hiver est grandement limitée par le climat et les méthodes de pêche et qu'ils ne pouvaient pas prendre beaucoup de poissons. Par ailleurs, il se trouve une ressource importante près du Nunavut. Ils savaient qu'ils devaient exploiter une pêche d'été dans les eaux du détroit de Davis. Les défis étaient énormes, mais les Inuits, qui ont survécu depuis si longtemps dans ce climat, sont habitués aux défis. Ils étaient très confiants de réussir.

En 1990, le ministère des Pêches et des Océans a institué un programme de développement appelé programme d'exploitation des ressources sous-utilisées de poisson de fond. Ce programme s'intégrait au Programme d'adaptation des pêches de l'Atlantique de 584 millions de dollars et d'une durée de cinq ans. Les Inuits espéraient beaucoup que ce programme les aiderait à développer la pêche au turbot dans les eaux du détroit de Davis directement adjacentes à l'île de Baffin.

Cependant, il s'est avéré que le programme d'adaptation, même en ce qui concerne les stocks de turbot près du Nunavut, visait principalement à aider les entreprises de pêche du Sud. À l'exception de la participation d'une entreprise inuite à une coentreprise en 1991, le ministre a rejeté à plusieurs reprises les demandes d'entreprises inuites du Nunavut qui souhaitaient participer au programme avant 1993. Après environ trois ans d'application du programme, tout était réglé. Les pêcheurs et les entreprises de pêche ayant leur siège social dans le Sud avaient obtenu la plus grande part des allocations. Les pêcheurs du Nunavut voisin étaient relégués à une pêche marginale.

Depuis cinq ans, le ministère fait de cette marginalisation des Inuits un bouclier très efficace pour protéger le statu quo, en disant que, après tout, ce sont les autres qui ont développé cette pêche et qu'il serait injuste de leur prendre ce qu'ils ont gagné. Ainsi, année après année, le refus passé d'accorder un plus grand accès aux Inuits à la seule pêche de poisson de fond à proximité du Nunavut est utilisé de façon plus convaincante pour s'assurer que les Inuits n'aient pas un plus grand accès à cette pêche à l'avenir.

J'ajouterai simplement que le ministre s'est rendu au Nunavut la semaine dernière. Il a rencontré les représentants du NWMB et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. C'était il y a une semaine, le 10 novembre au matin. Lorsqu'on a expliqué au ministre que ce programme excluait en grande partie ou au moins limitait sévèrement le simple accès des Inuits à leurs propres ressources de turbot dans les eaux adjacentes, il a répondu que de tels programmes visent très probablement à aider les pêcheurs de l'Atlantique Sud touchés par l'effondrement des stocks de morue. C'est effectivement le cas, d'après ce qu'on voit.

Environ un an plus tard, en 1994-1995, le ministère des Pêches et des Océans a institué un programme de transfert des allocations de plusieurs millions de dollars dans le cadre de sa stratégie des pêches autochtones. Ce programme visait à faciliter le départ à la retraite volontaire des détenteurs de permis de pêche commerciale et le transfert de ces permis à des groupes autochtones admissibles.

À nouveau, les Inuits espéraient fortement que ce programme pourrait les aider dans leurs efforts de développement d'une pêche au turbot. Une fois encore, leurs espoirs ont été détruits. Cette fois-ci, ils n'étaient pas admissibles au programme. La stratégie des pêches autochtones ne s'applique pas lorsqu'il y a entente sur le règlement d'une revendication territoriale. On dit que c'est parce que le régime établi dans la revendication territoriale met en place un programme plus efficace et plus complet que celui offert par la stratégie.

J'aimerais revenir quelques instants à l'entente sur le règlement des revendications territoriales du Nunavut. Je ne vais pas répéter aujourd'hui les détails des efforts du Nunavut à utiliser sa revendication territoriale pour aider à développer sa pêche au turbot dans les eaux adjacentes à son territoire. Vous trouverez ce récit détaillé dans les mémoires du NWMB qui vous ont été présentés le 29 avril dernier. Je me bornerai à dire qu'après cinq ans de mise en oeuvre de l'entente sur le règlement des revendications territoriales, les avis et les recommandations du NWMB concernant l'augmentation de la part du Nunavut de la pêche au turbot dans les eaux adjacentes ont presque tous été rejetés. Ses avis et recommandations concernant l'octroi aux pêcheurs du Nunavut de deux permis équivalents à ceux détenus par les pêcheurs du Sud ont été complètement rejetés.

• 0915

De plus, la principale disposition de l'entente de règlement des revendications territoriales traitant de l'accès à la pêche commerciale, l'article 15.3.7, a été interprétée par le ministre comme s'appliquant uniquement aux personnes qui ne détenaient pas précédemment de permis et qui entrent dans la pêche pour la première fois. Dans le cas de la pêche au turbot du détroit de Davis, cette interprétation enlève toute signification à l'article du règlement. Manifestement, pour avoir accès à cette pêche, il faut pratiquement déjà avoir le droit d'y participer.

Les puissantes entreprises nolisées étrangères—ce qu'on appelle aujourd'hui les allocations d'entreprise—sont bien enracinées. Bien que seulement une poignée de pêcheurs considèrent qu'il vaut la peine d'aller pêcher dans le Nord, les milliers d'autres pêcheurs du Sud qui détiennent les permis appropriés font en sorte qu'un nombre inépuisable de pêcheurs peuvent remplacer tout pêcheur qui décide de quitter cette pêche.

Ainsi, nous avons l'article 15.3.7 de l'entente sur le règlement des revendications territoriales protégé par la Constitution, la loi suprême du Canada, et établi en échange de l'abandon de droits autochtones détenus depuis des milliers d'années. Cet article n'est d'aucune utilité pour les Inuits du Nunavut dans leurs efforts pour accroître leur part au-delà du quart—car c'est cela leur part—de la seule ressource de poisson de fond à proximité du Nunavut. Il n'y a pas d'autres ressources de poisson de fond dans le détroit de Davis, contrairement aux régions plus au sud où il existe plusieurs de ces ressources. Les efforts du NWMB ont donné pratiquement les mêmes résultats.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, les Inuits du Nunavut n'ont jamais été en mesure de participer également au programme de développement qui a permis l'exploitation de cette pêche. Ils ont été tenus à l'écart de la stratégie des pêches autochtones parce qu'ils bénéficient de la protection et des avantages d'une entente de règlement des revendications territoriales. Bien sûr, puisque d'autres ont développé cette pêche, il serait injuste de demander le transfert d'une part aux Inuits du Nunavut, ils sont donc dans une impasse de quelque côté qu'ils se tournent.

Quelle est la situation dans le reste des pêches au poisson de fond de l'Atlantique? À nouveau, le Conseil a à maintes reprises, et sûrement devant le comité, énoncé en détail la façon dont il perçoit le rôle que joue la proximité dans le reste des pêches. C'est un fait indiscutable que, généralement, les pêcheurs d'une province adjacente à une zone de pêche se voient attribuer la plus grande part des ressources en poisson de fond. Cette plus grande part dépasse largement, et presque sans exception, 75 p. 100 des ressources, et atteint souvent 80 p. 100, voire 90 p. 100.

C'est également un fait indiscutable que le plan de gestion du poisson de fond de l'Atlantique reconnait explicitement l'importance de la proximité des ressources pour déterminer les allocations.

Enfin, c'est un fait indiscutable que le ministère a, en 1997, publiquement défini le principe de la proximité, et je cite:

    [...] le principe selon lequel ceux qui résident à côté de la ressource ou qui avaient l'habitude de pêcher dans ces eaux devraient y avoir un accès prioritaire. Ce principe est en vigueur dans l'ensemble de l'industrie de la pêche au Canada et est reconnu internationalement.

Malgré tous ces faits, le ministère insiste pour dire qu'il est faux de conclure que la majorité des ressources de poisson de fond adjacentes sont attribuées aux pêcheurs d'une province adjacente à une zone de pêche en vertu de l'application du principe de proximité. Il soutient que de nombreux autres facteurs ont des répercussions importantes sur l'attribution des permis.

Quels que soient les facteurs appliqués, pour la population du Nunavut, le résultat est on ne peut plus clair. Dans toutes les pêches au poisson de fond de l'Atlantique, sauf au Nunavut—et peut-être au Labrador, comme le soulignerait sûrement M. O'Brien s'il était ici, même si le Labrador fait partie de la province de Terre-Neuve—les pêcheurs de la province adjacente ont un accès prioritaire aux ressources de poisson de fond adjacentes.

Les arguments du ministère pour expliquer la relation profonde entre la proximité et l'accès prioritaire n'ont tout simplement aucun sens. C'est comme les arguments d'un employeur qui n'engagerait que les gens vivant directement à côté de chacune de ses usines, à l'exception d'une. Lorsque les gens qui vivent à côté de l'usine soulignent le rapport universel entre la proximité et l'engagement partout ailleurs, l'employeur explique qu'ils se trompent. En fait, il dit que de nombreux autres facteurs ont une incidence profonde sur l'embauche du personnel. Une telle explication peut sembler convaincante pour l'employeur, mais pour lui seul, et sûrement pas pour les travailleurs au chômage.

• 0920

J'aimerais aborder brièvement la question de l'accès aux ressources non adjacentes. Comme pour la pêche au turbot, le Nunavut se voit attribuer de petites quantités disproportionnées des stocks de crevettes adjacents et du total des prises admissibles (TPA) du Canada. Contrairement toutefois à l'absence complète d'accès aux ressources de turbot non adjacentes du Nunavut, les entreprises du Nunavut bénéficient d'un accès partagé aux zones de pêche à la crevette du Sud. L'importance d'un accès à la fois aux stocks de crevettes du Nord et du Sud est énorme. Cela permet aux entreprises de pêche à la crevette du Nunavut et d'autres régions du Canada de travailler durant presque toute l'année. Elles peuvent ainsi concurrencer efficacement les marchés mondiaux et fonctionner dans une autosuffisance économique totale.

Comme je l'ai déjà mentionné, dans le détroit de Davis, les pêcheurs du Nunavut doivent partager les ressources de turbot adjacentes avec les pêcheurs du Sud. En fait, les pêcheurs du Sud prélèvent chaque année les trois quarts des ressources de turbot adjacentes au Nunavut. Comme dans le cas de la pêche à la crevette, ces pêcheurs du Sud bénéficient d'un accès extrêmement important aux stocks du Nord et du Sud, ce qui prolonge énormément leur saison de pêche et les aide à atteindre la viabilité et l'autosuffisance économiques.

Les pêcheurs de turbot du Nunavut, par contre, souffrent du double handicap d'avoir à prendre un faible quota dans une seule zone durant une très courte saison d'environ quatre mois. Ils ont absolument besoin de permis de pêche au poisson de fond pour avoir la possibilité de prendre davantage de poisson et d'équilibrer leur plan de pêche dans les eaux adjacentes et non adjacentes durant toute l'année. Sans ces permis, les entreprises du Nunavut continueront de se débattre et ne seront tout simplement pas en mesure de parvenir à l'autosuffisance économique nécessaire pour concurrencer efficacement les marchés mondiaux.

J'aimerais maintenant prendre quelques instants pour vous parler des allocations de turbot de 1998 pour le détroit de Davis. Le 9 juin dernier, le ministre a annoncé les allocations de 1998. Encore une fois, contrairement à l'avis du NWMB, malgré l'article 15.3.7 de l'entente de règlement des revendications territoriales, malgré l'attitude ferme du gouvernement concernant la proximité et malgré les pratiques du ministère dans tout le reste de la pêche au poisson de fond de l'Atlantique, il a décidé que pas un poisson de plus ne serait attribué au Nunavut en 1998, par rapport à 1996 ou 1997.

De plus, il a décidé que cette disposition demeurerait en place durant cinq ans, jusqu'à la fin de la saison de pêche de 2002. Le ministre a prétendu ceci: «Cette démarche devrait assurer à tous les participants un plus grand degré de certitude pour prendre des décisions commerciales». Comme il l'a toujours fait, il a refusé d'accorder les deux permis de pêche au poisson de fond demandés par le NWMB pour les pêcheurs du Nunavut qui ne sont pas plus restrictifs quant à la zone, aux espèces, à la saison ou à l'année que les 5 275 permis délivrés aux pêcheurs du Sud, qui leur permettent de pêcher autant dans les eaux adjacentes au Nunavut que dans leur propres eaux.

Cependant, du même souffle, le ministre a semblé offrir au Nunavut un espoir de changement. Il a indiqué dans sa décision que le Nunavut recevrait 50 p. 100 de toute augmentation des quotas canadiens actuels pour le détroit de Davis, qui sont de 5 500 tonnes durant cette période de cinq ans. Le problème de cette offre est qu'une augmentation des quotas canadiens de turbot dans le détroit de Davis au cours des cinq prochaines années n'a pratiquement aucune chance de se produire.

Ayant été informé par le ministre le 11 mai dernier, environ un mois avant qu'il ne prenne sa décision, de son intention d'accorder 50 p. 100 de toute augmentation au Nunavut, le NWMB lui a transmis sa réponse en cinq points le 22 mai:

    i) Le Groenland n'a manifesté aucun désir de réduire sa part du TPA. En fait, le matin même, le NWMB a participé aux consultations bilatérales sur les pêches Canada-Groenland à Ottawa et a demandé à la délégation du Groenland s'il y avait quelque possibilité, au cours des cinq prochaines années, que le Groenland réduise sa part de 50 p. 100 du TPA de 11 000 tonnes en faveur du Canada.

    La réponse du chef de la délégation, M. Peter Munk Pedersen, était sans équivoque: le Groenland n'a ni le désir ni l'intention de réduire sa part, qui continue d'être pleinement attribuée par le gouvernement du Groenland.

    ii) Au début de la page 2 de votre lettre [datée du 11 mai 1998], vous [le ministre] confirmez clairement que «le Groenland a manifesté son intention de demander un TPA de 5 500 tonnes [pour 1998] [...]»

• 0925

    iii) Il y a de cela un peu plus d'un an, votre sous-ministre adjoint

—c'était en 1997—

    écrivait à votre prédécesseur: «Les représentants du Groenland nous ont avisés qu'ils avaient l'intention d'établir le quota des divisions 1BCDEF»

—on parle ici du Service des pêches du Groenland—

    à 5 500 tonnes, puisqu'ils ont toujours disposé de 50 p. 100 du TPA par le passé.»

    iv) Les conseils scientifiques émanant du ministère ont toujours été clairs et cohérents, et il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce qu'ils changent:

—on cite ici un scientifique du ministère—

    «En 1997, le TPA pour la sous-zone 0 + et les divisions 1BCDEF ne devrait pas dépasser 11 000 tonnes.»

    v) L'opinion du CRPC était tout aussi claire, quoique plus prudente: «Pour 1998, les quotas de turbot pour les divisions 0B - 1B-F [devraient] être inférieurs à 11 000 tonnes.»

À la fin de cette analyse, le NWMB affirme ce qui suit:

    Selon moi, proposer que le territoire du Nunavut obtienne 50 p. 100 d'une augmentation qui n'a aucune chance raisonnable de se matérialiser équivaut à offrir à quelqu'un la moitié des gains éventuels d'une loterie; tout ce qui reste à faire, c'est de souhaiter que la chance nous sourie et que nous gagnions. On ne peut simplement pas s'y fier ou s'y attendre. Cela relève de l'illusion, de la chimère. Comment cela pourrait-il permettre aux pêcheurs du Nunavut de prendre des décisions commerciales en toute certitude?

Aux prises avec la décision du ministre qui, essentiellement, ne prévoit aucun changement, si minime soit-il, dans les allocations au Nunavut pour les cinq prochaines années—permettant ainsi à ceux qui ont contribué au développement des pêches de continuer de le faire pour la moitié de la prochaine décennie, ce qui permet au ministère de renforcer sa position et de maintenir le statu quo—la Nunavut Tunngavik Incorporated, mieux connue sous l'appellation de NTI, qui représente les Inuits dans leurs revendications territoriales, a dû encore une fois faire appel aux tribunaux. Quelques semaines après que le ministre eut rendu sa décision, les représentants de la NTI ont déposé une demande pour que cette décision soit soumise à une révision judiciaire devant la Cour fédérale. Je m'attends à ce que le tribunal entende cette cause au cours du printemps prochain.

Pourquoi, direz-vous, faire appel aux tribunaux? Je pense qu'il faudrait répondre à cette question par une autre question: avons-nous un autre choix? Le rappel des dispositions de l'accord sur les revendications territoriales n'a donné aucun résultat. L'avis de la NWMB n'a jamais été respecté, à tout le moins en ce qui a trait aux allocations et aux permis de pêche au turbot. Les rencontres, les lettres et les discussions n'ont rien donné.

Pour ce qui est du poids politique, le Nunavut ne dispose que d'un seul siège à la Chambre des communes. Même s'il est occupé par une députée infatigable et très dévouée à ses électeurs, il n'y a pas d'autre solution, selon moi, que de soumettre de telles questions aux tribunaux, malgré les dépenses et l'incertitude que cela entraîne, surtout si l'on tient compte du fait que le temps n'arrange rien pour le Nunavut. En effet, tant qu'il reste en marge avec ses pêcheries adjacentes, il a de moins en moins de chances de faire entendre ses doléances et ainsi en arriver à une plus grande inclusion.

Il y a la question du jugement rendu par la Cour d'appel fédérale relativement à l'appel de la décision du juge Campbell. La première décision a été prise par le ministre Mifflin en avril 1997. En résumé, il a alors augmenté le TPA dans le détroit de Davis, le faisant passer de 5 500 à 6 600 tonnes, allant ainsi à l'encontre des conseils de la NWMB, de ses propres scientifiques et du CRPC. Il l'a augmenté de 1 100 tonnes. De ces 1 100 tonnes, il en a attribué 100 aux pêcheurs du Nunavut, réduisant leur part proportionnelle qui est passée de 27 à 24 p. 100.

La NTI, qui représente les Inuits, a demandé que l'on soumette cette décision à une révision judiciaire en juillet 1997; le juge Campbell a rendu un verdict qui était très favorable au Nunavut et aux Inuits. Le ministère des Pêches et des Océans en a appelé de cette décision. J'aimerais vous parler du jugement rendu en juillet dernier par la Cour d'appel fédérale relativement au verdict de la Division de première instance dans le dossier traitant de la décision qu'a prise le ministre Mifflin en avril 1997.

En juillet 1997, alors qu'il siégeait à la Division de première instance de la Cour fédérale, le juge Campbell en est venu à plusieurs conclusions qui étaient toutes favorables au Nunavut. En juillet dernier, la Cour d'appel fédérale a passé en revue ces conclusions, et a déterminé qu'elles étaient erronées. Elle a cependant confirmé le jugement du juge Campbell d'avril 1997, indiquant ainsi que la décision du ministre des Pêches et des Océans était illégale.

• 0930

Bref, la Cour d'appel fédérale a rejeté les motifs de ce jugement, mais a aussi rejeté le pourvoi du MPO. De ce fait, la NTI a techniquement gagné son appel.

Le tribunal en est venu à des conclusions qui étaient différentes de celles du juge Campbell. Plusieurs d'entre elles avaient trait aux relations qu'avait le ministre avec le NWMB. Je pourrais certainement vous donner plus de détails sur ce sujet si tel est votre désir, mais je crois qu'il s'agit là de considérations accessoires à la question qui nous préoccupe, soit les allocations de turbot.

La décision est essentiellement basée sur l'interprétation de la Cour de l'article 15.3.7 de cette requête, article auquel j'ai déjà fait référence à plusieurs reprises. Il s'agit de la disposition principale de l'accord sur les revendications territoriales qui traite de l'accès des pêcheurs du Nunavut aux pêcheries commerciales adjacentes.

Le tribunal en est venu à plusieurs conclusions connexes, mais j'aimerais me concentrer sur les deux plus importantes.

La première mentionne que les parties impliquées dans les revendications territoriales souhaitaient instaurer un climat d'équité, qui est aussi un climat d'impartialité et non de priorité, dans la répartition des permis de pêche commerciale dans ce qui est communément appelé zones I et II, zones que nous nommerons région du détroit de Davis.

La deuxième conclusion du tribunal a trait à l'absence d'explications ou de justifications de la part du ministre pour sa décision, car il ne l'a jamais expliquée. De cette décision a découlé la répartition finale. En plus de ces carences du ministre, le tribunal a aussi tenu compte des preuves qui lui avaient été présentées pour conclure que le ministre n'avait pas particulièrement prêté attention aux principes relatifs à la dépendance économique des eaux adjacentes, ou qu'il les avait mal interprétés. De toute façon, sa décision était illégale.

Je crois que la différence entre le jugement rendu par la Cour d'appel fédérale et celui du juge Campbell peut se résumer en deux phrases: essentiellement, le juge Campbell a statué que le principe donnant la priorité aux pêcheurs du Nunavut devait être utilisé dans l'attribution des permis de pêche commerciale du turbot dans le détroit de Davis.

De son côté, la Cour d'appel fédérale, elle, a décidé que le principe d'équité s'appliquait dans de tels cas. Et, comme je le mentionnais plus tôt, l'équité, c'est aussi une question d'impartialité.

Il devient alors évident que la Cour d'appel fédérale a abaissé les normes relatives à l'article 15.3.7 mises de l'avant par le juge Campbell. Je sais cependant qu'au cours des douze mois où le jugement du juge Campbell était en application, douze mois au cours desquels le ministre a pris deux décisions et où il y a eu deux saisons de pêche, le ministère des Pêches et des Océans a réussi à empêcher les pêcheurs du Nunavut de capturer ne serait-ce qu'un seul poisson de plus qu'en 1996.

Voilà qui soulève la question suivante: à la suite de la décision de la Cour d'appel fédérale, est-ce que le Nunavut et tous ceux qui ont été de son côté jusqu'à maintenant doivent rajuster leurs attentes relatives au droit de pêche des pêcheurs du Nunavut dans les zones de pêche commerciale du turbot adjacentes au Nunavut?

Tout dépend du principe sur lequel s'appuient les attentes du Nunavut. S'agit-il du principe de priorité ou du principe d'impartialité? Je vous rappelle que les pêcheurs du Nunavut ont essayé d'exploiter une plus grande part des ressources adjacentes au Nunavut depuis que les pêcheurs canadiens ont commencé à pratiquer la pêche hauturière au turbot aux environs de 1990. De plus, depuis sa fondation, le NWMB a continuellement et vigoureusement demandé au ministre d'augmenter la part des prises de turbot effectuées par les pêcheurs du Nunavut dans le détroit de Davis, tout près de l'île de Baffin.

Même si le verdict du juge Campbell relatif aux questions de priorité a été invoqué en 1997 et 1998, mais toujours sans succès, ce nouvel argument en faveur du Nunavut est arrivé un peu tard. Les arguments du Nunavut sont d'ailleurs toujours les mêmes depuis de nombreuses années.

Le 21 juin 1994, par exemple, juste avant les allocations de turbot de 1994, et à nouveau le 6 juillet de la même année, le président de la NTI a écrit au ministre lui demandant d'établir les quotas de pêche au turbot d'une manière juste et équitable en vertu des dispositions de l'Accord du Nunavut et des principes qui y sont énoncés.

Deux ans plus tard, soit le 14 mars 1996, le NWMB a écrit au ministre pour lui dire, entre autres: «Ce n'est qu'en nous assurant qu'une part juste et équitable du TPA sera attribuée aux intervenants du Nunavut que nous pourrons permettre à une industrie des pêches canadienne à part entière de prendre son essor ici.» Dans cette lettre, le NWMB recommandait une allocation de 3 000 tonnes dans le détroit de Davis pour 1996, ce qui représentait environ 54 p. 100 du TPA, avec une allocation supplémentaire de 2 000 tonnes pour les sous-zones II et III. Un an plus tard, au moment même où le juge Campbell rendait son jugement, le NWMB prenait connaissance du document intitulé «Average Provincial Shares of Atlantic Groundfish Resources» qui avait été soumis au comité en avril.

• 0935

Le président: Pourriez-vous résumer en une minute? Je crois que nous vous avions attribué au moins 20 minutes pour votre exposé, et nous sommes en train d'aller au-delà de ce créneau; il ne restera plus de temps pour les questions. Alors peut-être pourriez-vous résumer.

M. Michael d'Eça: Permettez-moi de le faire ainsi, ce qui prendra seulement quelques minutes. Je voudrais poser une question aux membres du comité avant que vous ne m'en posiez.

Pensez à votre propre région et à votre propre province. Imaginez-vous que c'est l'endroit le plus pauvre dans tout le Canada. Imaginez que cette région affiche le taux de chômage le plus élevé au Canada. Imaginez-vous que dans les eaux qui sont adjacentes à cette région, il n'existe qu'une seule ressource de poisson de fond. Imaginez-vous que toutes les autres régions comptent diverses ressources de poisson de fond dans leurs eaux adjacentes et que les pêcheurs de ces régions ont un accès presque exclusif à ces ressources.

Imaginez-vous aussi que les pêcheurs à 2 000 kilomètres de là ont eux aussi un accès presque exclusif à un programme gouvernemental leur permettant d'exploiter votre poisson de fond, alors que presque toute votre pêche ne satisfait pas aux exigences du programme. Imaginez-vous que les trois quarts de votre poisson de fond qui se trouve dans les eaux adjacentes sont ainsi pêchés année après année après année par ces pêcheurs venus de loin.

Imaginez-vous que chaque fois qu'ils en font la demande, les pêcheurs de votre région se font dire par le gouvernement qu'ils ne peuvent pas obtenir une plus grande part de la ressource parce qu'ils ne l'ont pas exploitée et que ce serait injuste de priver ceux qui l'ont fait de cette part. Imaginez-vous également que les pêcheurs de votre région n'ont pas du tout le droit de pêcher dans les régions des autres pêcheurs.

Imaginez-vous que votre région a négocié une entente constitutionnelle avec le gouvernement garantissant que les pêcheurs de votre région recevraient un traitement équitable en ce qui concerne la répartition des permis pour la pêche commerciale dans leurs eaux adjacentes.

Enfin, imaginez-vous que cinq ans après la signature d'une telle entente, en 1998, une entreprise, située elle aussi à plus de 2 000 kilomètres de votre région marine adjacente, se voit toujours accorder 400 tonnes de plus dans vos eaux adjacentes que tous les pêcheurs de votre région réunis.

Voici donc la question que je vous invite à vous poser: le principe de la priorité est-il appliqué ici et au profit de qui? Je vous demande également de vous poser la question suivante: une telle situation est-elle équitable?

Je vous remercie de m'avoir écouté. Je remettrai un exemplaire de mon exposé au greffier et si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'essayer d'y répondre.

Le président: Merci, monsieur d'Eça.

Je vous signale que nous sommes en train de rédiger un rapport sur le Nunavut—et, bien sûr, je rappelle aux membres qu'il n'est pas question de parler de ce rapport tant que nous ne serons pas à huis clos.

Deux éléments ressortent probablement de votre exposé. D'abord, j'aimerais que nous nous entendions pour des rondes de questions de cinq minutes chacun, parce que nous manquons un peu de temps—et Gary, je vais vous laisser y réfléchir pendant une minute. Ensuite, j'aimerais savoir où vous vous situez dans ce conseil de gestion de la faune et je crois que tous les membres aimeraient avoir une idée du nombre de pêcheurs inuits dont vous parlez et de la valeur de la ressource, non pas seulement en ce qui concerne le nombre d'emplois, mais la façon dont le poisson est transformé et les marchés auxquels vous avez accès.

Peut-être pourriez-vous répondre très brièvement. Est-ce qu'on parle de navires qui sont exploités et dirigés par des pêcheurs inuits ou par des groupes de gestion qui ont engagé d'autres personnes pour faire la pêche? Je crois qu'il serait très utile d'expliquer cela à notre comité avant que nous entamions notre ronde de questions.

M. Michael d'Eça: Pour répondre à votre première question concernant mon lien avec le NWMB, si je vous comprends bien, je suis le conseiller juridique du Nunavut Wildlife Management Board depuis plusieurs années.

Le Conseil est un organisme de gestion qui s'occupe de la plupart des questions touchant la faune—établissement de quotas, allocations de pêche, et ainsi de suite. Et ce, dans la région du Nunavut qui s'étend jusqu'à la borne de 12 milles, la balise marine territoriale adjacente au Nunavut. En outre, le NWMB conseille le ministre, et ne fait que le conseiller, sur des questions comme les quotas à établir, les allocations de pêche et ainsi de suite.

En ce qui concerne les Inuits et l'entreprise de pêche comme telle, il y a une usine de transformation du poisson à Pangnirtung, comme je l'ai dit, dans la baie Cumberland où l'on transforme le turbot. Je ne sais pas combien de personnes y travaillent, Nancy le sait peut-être.

• 0940

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): De 50 à 52 personnes.

M. Michael d'Eça: En ce qui concerne la pêche même, le Nunavut est en quelque sorte dans une impasse. Il n'a pas de navires de pêche. Il ne peut se les permettre pour deux raisons. Son allocation de pêche est beaucoup trop petite, alors économiquement parlant, les Inuits ne peuvent tout simplement pas investir dans les navires nécessaires. Deuxièmement, leur saison de pêche est tellement courte parce qu'ils sont confinés au seul détroit de Davis. Ces deux facteurs combinés ne leur permettent pas d'acheter leurs propres navires. Ils en louent, ces dernières années, ils ont loué des navires canadiens. Certains membres de l'équipage qui travaillent sur ces navires sont des Inuits, mais pas tous.

Le président: Vous nous parlez ici d'activité économique, mais je n'ai pas encore entendu parler beaucoup de cette question. Vous venez de dire que 50 personnes travaillent. Combien de personnes travaillent sur ces navires? Est-ce que cette activité est véritablement génératrice d'emplois? C'est ce que nous voulons savoir.

M. Michael d'Eça: Cette activité ne génère pas tellement d'emplois, et c'est exactement ce que dit le NWMB. Nous ne pouvons pas nous présenter devant vous et dire que des centaines de personnes travaillent sur les navires, des centaines de personnes travaillent dans les usines de poisson, que nous sommes en train d'en construire une autre, et que le développement se poursuit parce que ces gens-là sont handicapés par la situation que j'ai décrite. Ils n'ont pas pu participer au développement de la pêche. Ils le voulaient bien. Ils ont présenté des plans détaillés au ministre, mais on les a rejetés.

Le président: Merci, monsieur d'Eça.

John.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Je crois que le président a certainement aiguillé l'interrogatoire sur une bonne piste, mais je vais m'en écarter pour une minute, quelqu'un d'autre pourra peut-être y revenir.

J'aimerais reprendre certains de vos commentaires lors de votre dernière comparution devant le comité en 1996. J'aimerais savoir maintenant où vous en êtes en ce qui concerne l'entente et les droits que prévoit l'entente, et certainement le renvoi au tribunal de cet été.

Lorsque vous avez comparu, vous avez dit:

    L'entente précise clairement qu'en vertu de l'article 5.7.18, tous les Inuits ont un droit général et illimité pour l'exploitation des terres, des eaux et des zones marines qui font partie du territoire du Nunavut.

Vous parlez ensuite de l'article 5.7.18 qui vient restreindre cela. Il ne fait aucun doute que cet élément est protégé par la Constitution, et que nous devons tous nous y conformer.

Qu'est-ce que vous vouliez dire? Pourriez-vous simplement clarifier ce que vous vouliez dire exactement par cette déclaration? Quel lien faites-vous avec la décision de la Cour d'appel de l'été dernier?

M. Michael d'Eça: J'espère avoir fait comprendre davantage que cela, et je vais certainement vous dire ce que j'en pense aujourd'hui. Je crois que c'est très clair et que ça ne suscite aucune controverse.

Les Inuits jouissent de certains droits d'exploitation en vertu des revendications territoriales. Si ces revendications territoriales ne posent aucun problème de conservation—et je ne parle pas ici de l'exploitation de la faune à des fins commerciales—ils peuvent exploiter les ressources pour satisfaire pleinement à leurs besoins économiques, sociaux et culturels. Cependant, l'entente sur les revendications territoriales établit un régime de gestion qui prévoit ce droit global d'accès. Essentiellement, le régime de gestion prévoit que le NWMB, composé d'Inuits et de représentants du gouvernement, examine tous les faits et prend une décision concernant des quotas très précis pour la chasse aux ours polaires, par exemple. Il établit des quotas pour l'exploitation du turbot dans la région du Nunavut, quotas qui doivent être respectés.

Les décisions que prend le NWMB sont alors examinées par le ministre. Par exemple, le NWMB peut décider que dans la région du Nunavut, dix ours polaires pourront être abattus en 1998. Il fait connaître sa décision au ministre—dans ce cas-ci, ce serait le ministre du Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest—qui peut l'accepter, la rejeter ou la modifier. Il y a un peu de va-et-vient ici. Si le ministre la rejette, elle revient au NWMB qui doit examiner ses raisons et prendre une décision finale qui est ensuite soumise à nouveau au ministre qui peut l'accepter, la rejeter ou la modifier.

• 0945

Donc, il faut voir les choses dans une perspective d'ensemble. Les Inuits jouissent de ce droit lorsqu'il n'y a pas de problème de conservation ou de quotas en place, ce qui est relativement rare. Le NWMB est l'organisme qui, là encore, selon l'examen qu'en fait le ministre, prend les décisions qui imposent d'autres restrictions à l'exploitation des ressources, notamment la saison d'exploitation et si ce sont des mâles ou des femelles qui peuvent être abattus, et l'âge des animaux. Toutes ces considérations sont décidées par le NWMB mais soumises à l'examen du ministre.

M. John Cummins: Avant de rendre sa décision, dans le premier procès lorsque l'appel a été entendu l'été dernier, le juge a dit que le ministre devait suivre les recommandations du NWMB. Où en est-on à cet égard actuellement? Est-il tenu de suivre les directives du NWMB?

M. Michael d'Eça: Pour vous dire franchement, bien que le jugement ait été très favorable, je ne crois pas qu'il l'ait été tant que ça. Je ne crois pas que le juge ait véritablement dit que le ministre est tenu de suivre les recommandations du NWMB.

M. John Cummins: Le juge Campbell a vraiment donné l'impression que c'était le cas.

M. Michael d'Eça: C'est peut-être là une interprétation possible, et je crois que la Cour d'appel fédérale est dans l'ensemble d'accord avec vous. Elle a critiqué assez sévèrement le juge et a dit qu'il avait fait preuve d'exubérance quand il s'est emporté au sujet de la situation dans laquelle se trouve le Nunavut.

Cependant, il ne fait absolument aucun doute, et personne ne le conteste, qu'au-delà de la région du Nunavut, pour nos fins, au-delà de la balise marine territoriale de 12 milles, le NWMB peut donner des conseils et faire des recommandations au ministre qui doit les prendre en considération. La question est de savoir ce que l'on entend par prendre en considération, et de façon appropriée, les conseils et les recommandations. Vous pouvez les effleurer ou encore sauter sur tout ce qui fait votre affaire. Ce que le juge a dit, c'est que si le ministre devait rejeter les conseils du NWMB, il devait donner des raisons par écrit à cet organisme.

Et même là, il a clairement laissé entendre que le ministre pourrait ne pas suivre les recommandations du NWMB. Ce qu'il a dit dans le jugement, c'est qu'il n'y avait pas de preuve ou d'indication qu'il avait véritablement tenu compte des conseils du NWMB. Il ne les a examinés que pour la forme. Je crois que l'on dit dans le jugement—et je ne me souviens pas de la citation exacte—que le ministre avait fait la sourde oreille aux recommandations du NWMB.

M. John Cummins: Quelques problèmes se posent ici. Le jugement dit que le ministre n'est pas tenu, en vertu de l'article 15 de l'entente, de motiver ses raisons auprès du NWMB s'il décide de ne pas suivre ses conseils, mais vous me dites le contraire.

M. Michael d'Eça: Non, c'était dans le jugement du juge Campbell. La Cour d'appel fédérale a exprimé une opinion à peu près semblable à la vôtre et a critiqué très sévèrement le juge Campbell. La Cour a d'abord dit que le avait examiné les recommandations du NWMB pour les rejeter ensuite, et que deuxièmement, il n'est pas tenu de motiver ses raisons auprès du NWMB.

M. John Cummins: La Cour d'appel a dit qu'il n'était pas tenu...

M. Michael d'Eça: Ça, c'était la décision de la Cour d'appel, c'est la loi, c'est ce qui s'applique.

M. John Cummins: Vous avez dit au-delà de la région du Nunavut, au-delà de la zone de 12 milles, et dans ce cas-là, il doit tenir compte de l'avis du NWMB. Mais en deçà de la zone de 12 milles, qui est responsable?

M. Michael d'Eça: En deçà de la zone de 12 milles, c'est le NWMB qui est le principal organisme responsable.

Je vais vous dire exactement ce qui se passe. Le NWMB a décidé que 1 000 tonnes métriques constituaient le quota à adopter en deçà de la zone territoriale de 12 milles, la région du Nunavut. Cette décision du Conseil est ensuite soumise au ministre qui l'examine. Il a d'abord le choix de l'accepter ou de la rejeter. S'il la rejette, la décision est renvoyée au Conseil qui prend une décision finale que le ministre peut accepter, rejeter ou modifier.

Dans ce cas, le ministre a toujours accepté la décision du Conseil comme il le fait généralement pour la région du Nunavut. La plupart du temps, je crois qu'à l'exception des intérêts commerciaux de tiers qui ont certaines ramifications politiques et économiques, le ministre accepte les décisions du NWMB et accepte souvent ses conseils.

• 0950

Mais pour résumer, dans la région du Nunavut, jusqu'à la balise de 12 milles, la décision est prise par le NWMB, mais elle doit être examinée par le ministre.

M. John Cummins: Comment en arrivez-vous à cette décision? Nous supposons que le ministère, lorsqu'il prend ce genre de décisions pour l'extérieur de la zone de 12 milles, demande l'avis de ses scientifiques et l'accord de nos concurrents internationaux, ou nos partenaires, peu importe comment vous les appelez, dans la région. Mais dans la zone de 12 milles, lorsque le Conseil prend ses décisions, qui consulte-t-il et comment coordonne-t-il sa vision du monde marin avec celle des autres?

M. Michael d'Eça: Votre question est très intéressante.

Le NWMB est ce que l'on appelle un organisme de cogestion, comme je l'ai dit, il est composé d'Inuits et de personnes nommées par le gouvernement qui travaillent de façon indépendante au sein de cet organisme. C'est un tribunal administratif indépendant, mais qui a une entente de partenariat avec les Inuits, avec la population du Nunavut et son gouvernement et qui travaille en étroite collaboration avec tous ces gens-là. Donc, il y a beaucoup d'interactions avec le gouvernement, les scientifiques du gouvernement, le personnel du MPO au Nunavut et ainsi de suite, et il a accès aux rapports du CRPC, aux rapports des scientifiques du MPO, et ainsi de suite. Comme je l'ai dit, il consulte aussi les Inuits.

Le NWMB examine toute la preuve disponible. Il intègre sa décision à la décision générale parce que le ministre établit le total des prises admissibles. Aujourd'hui, ce total est de 5 500 tonnes. Mais de ce total, il y en a une partie qui est attribuée à la région du Nunavut. Donc, le Conseil examine tous les éléments, y compris le total des prises admissibles de 5 500 tonnes et rend sa décision, la fait parvenir au ministre accompagnée des raisons qui l'ont amené à prendre cette décision, et le ministre, comme je l'ai dit, accepte, rejette ou modifie la décision du NWMB...

Le président: Qui le finance et combien ce conseil coûte-t-il?

M. John Cummins: Pourrais-je poser une question rapidement?

Le président: Qui finance le Conseil? Si j'obtiens une réponse d'un mot, je l'accepte.

M. John Cummins: Qui finance le Conseil et combien coûte-t-il?

M. Michael d'Eça: Le gouvernement.

Le président: Le gouvernement fédéral?

M. Michael d'Eça: Oui. Je ne peux pas véritablement répondre à votre dernière question en un mot, mais je dirais que c'est plusieurs millions de dollars par an. Cependant, je tiens à préciser que le NWMB a compétence sur plus de 2 millions de kilomètres carrés—soit plus de 40 p. 100 de la zone côtière du Canada.

Le président: Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Lors de la tournée du comité le printemps dernier, à laquelle j'ai eu le privilège de participer, deux phénomènes soumis au comité ont frappé mon imagination, et j'aimerais entendre votre réflexion ou votre opinion là-dessus.

Il y a d'abord le fait que, même s'il n'y a aucune activité industrielle ou aucune entreprise polluante dans la belle région du Nunavut, on y trouve des poissons contaminés. La rumeur publique veut que cela découle des activités de la DEW Line, les Américains ayant laissé sur place des barils pleins de matières contaminées, si j'ai bien compris l'interprétation. Au fil des années, les barils se sont percés et les matières contaminées se sont écoulées sur les rives ou peut-être même dans l'eau, là où des barils avaient été laissés sur la glace.

J'aimerais savoir si, selon vous, cette hypothèse est fondée et comment vous la percevez.

Deuxièmement, il y a le phénomène des filets de pêche qui suivent les bateaux. D'immenses filets pêche se détachent accidentellement des bateaux à un moment donné et continuent à pêcher, détruisant ainsi les ressources halieutiques. Aucun moyen technologique n'a encore été inventé, semble-t-il, pour contrer ce phénomène. Je voudrais connaître l'ampleur de ce phénomène pour savoir si cela devrait être une préoccupation d'envergure pour le gouvernement.

[Traduction]

M. Michael d'Eça: Vous avez posé deux questions. La première est de savoir si les gens ont raison de blâmer le réseau DEW pour la pollution qui se fait dans les eaux de l'Arctique. D'abord, je dois dire que ce n'est pas là une région sur laquelle le NWMB a compétence directe, bien qu'il s'en préoccupe parce que ce problème affecte la faune et l'habitat faunique. Il y a d'autres organisations assujetties à l'entente de revendication territoriale qui s'occupent de ces questions, mais ce que je crois comprendre, c'est que oui, le réseau DEW constitue un grave problème. Il se fait beaucoup de travail de dépollution actuellement. Mais le réseau n'est pas le seul pollueur.

• 0955

Je ne comprends pas exactement quelles sont les forces en cause, mais l'Arctique a tendance à être le dépôt d'une bonne partie de la pollution qui se produit ailleurs sur la planète. Et c'est un grave problème non seulement dans les eaux, mais sur les terres. Dans ces régions, les gens dépendent encore très fortement de ce que l'on appelle la «nourriture naturelle», ils mangent du caribou et d'autres animaux sauvages. Dans certaines régions, la pollution qu'accumulent ces animaux est effrayante. Alors oui, le réseau DEW contribue à un problème grave et de taille, mais à ce que je sache, on est en train de dépolluer les sites.

Votre deuxième question concerne la pêche fantôme et les dommages que font les filets qui sont utilisés. C'est là un problème majeur que le NWMB et d'autres signalent au gouvernement depuis de nombreuses années. Je dois vous dire, et c'est avec plaisir que je le fais, que dans sa décision pour 1998, le ministre a fait des efforts véritables pour régler le problème de la pêche fantôme. Il n'est pas allé aussi loin qu'on l'avait demandé. L'une des mesures que préconise le NWMB est d'avoir peut-être des filets biodégradables, des filets qui se désagrègent. On pourrait limiter le nombre de filets sur un navire et avoir des inspecteurs, et ainsi de suite. Le ministre a accepté certaines de nos recommandations et en a refusé d'autres.

Le NWMB est également d'avis que nous devons faire beaucoup plus de recherche pour voir à quel point la situation s'est détériorée. Nous disposons de nombreuses données non scientifiques indiquant que les filets, qui sont énormes, traînent pendant très longtemps, tuant ainsi de nombreux poissons et mammifères marins. Mais il nous faut plus de données scientifiques, et je ne sais pas exactement quelle est la position du ministre à ce sujet, s'il en a pris une. Il semble, plus particulièrement depuis la dernière réunion de la semaine dernière, être véritablement préoccupé par les problèmes de conservation de la ressource et nous espérons que cela se traduira par d'autres mesures visant à régler le problème de la pêche fantôme.

M. Yves Rocheleau: Merci.

Le président: Merci, monsieur Rocheleau.

Pour le Parti libéral, avez-vous des questions à poser, Nancy?

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je voulais simplement faire un commentaire.

Le président: Vous êtes un membre du comité qui travaille fort. Nous avons pris note de vos observations.

Mme Nancy Karetak-Lindell: J'aimerais clarifier un tout petit peu le commentaire que vous avez fait au sujet des niveaux d'emploi. Le ministre s'est rendu dans les zones de pêche de Pangnirtung la semaine dernière et le gestionnaire là-bas nous a dit que comme l'état de la glace n'était pas tellement bon depuis les deux dernières années, entendant par là que l'eau n'avait pas assez gelé au moment opportun, cela a limité les activités de pêche et une fois de plus, amené les pêcheurs au point où ils ont dû s'en remettre encore davantage à la pêche hauturière et ont dû demander aux autres navires de pêche de prendre leurs quotas parce qu'ils n'avaient pas pu aller en mer pour pêcher eux-mêmes leurs propres quotas.

Mais malgré cela, les pêcheurs ont quand même ramené pour un million de dollars de recettes dans la collectivité. C'est beaucoup d'argent pour une petite collectivité. Et ils essaient de trouver des solutions de rechange comme l'expédition de leurs produits congelés par un navire qui amène de la nourriture et qui repartirait vide autrement. Donc, les pêcheurs essaient de profiter de toutes les possibilités différentes, et 50 personnes qui travaillent dans une collectivité d'environ 1 400, celle de Pangnirtung, c'est beaucoup de gens au travail.

Pour revenir à l'exposé de Michael, à votre avis, en quoi la décision de la Cour d'appel fédérale affecte-t-elle notre position pour ce qui est d'obtenir une part équitable des quotas?

• 1000

M. Michael d'Eça: À mon avis, la position du Nunavut est claire: nous voulons être traités de façon équitable. Le juge Campbell a évoqué cette notion de considération prioritaire, et c'était bien. Mais en réalité, ce que le Nunavut a toujours dit, c'est ceci: regardez ce qui se passe chez les autres pêcheurs de poisson de fond; quelles sont les ententes qui ont été conclues pour les pêcheurs des eaux adjacentes à leur ressource?

Eh bien, il s'avère que 75, 80 ou 90 p. 100 de cette ressource sont accordés aux pêcheurs des eaux adjacentes. Le Nunavut demande à être traité de façon équitable, sur le même pied que les autres.

C'est là un volet de son argument. L'autre est ceci: très bien, est-ce que nous pourrions aussi avoir accès aux ressources halieutiques non adjacentes?

Comme je l'ai dit, il y a 5 275 pêcheurs. Nous connaissons de façon assez précise le nombre de pêcheurs qui ont un permis pour la pêche dans le Nord. Seulement quelques-uns y vont, ce qui, je pense, est la réponse à votre première question, monsieur le président. J'avais l'impression que vous vouliez que l'on vous donne des chiffres énormes. Il n'y a pas de chiffres énormes pour la pêche du détroit de Davis. Seuls quelques bateaux s'y aventurent, mais des milliers et des milliers de pêcheurs du sud du Canada ont le droit d'y aller, et le Nunavut dit qu'il faudrait nous donner à tous le même droit. Le Nunavut demande deux permis de pêche au poisson de fond, c'est tout ce que nous demandons, du moins pour l'instant. Nous voulons deux permis pour la pêche au poisson de fond, qui ne sont pas mieux que les autres, qui ne permettent pas un accès prioritaire à quoi que ce soit. Donnez-nous simplement le même permis qu'aux 5 000 autres pêcheurs ou à peu près.

Pour moi, la situation est très claire. Il s'agit d'appliquer le principe d'équité et de justice, comme l'a dit la Cour d'appel fédérale. C'est ce qu'exige le Nunavut.

Le président: Pour le Parti libéral, Wayne.

M. Wayne Easter: D'abord, soyez le bienvenu.

Pour ce qui est de la pêche à Pangnirtung, j'étais aussi du voyage du comité, et je tiens à dire une chose au sujet de l'usine de transformation: je ne crois pas que l'on puisse trouver une usine de meilleure qualité nulle part ailleurs au Canada en ce qui concerne le produit qui y est transformé. Cela tient en partie aux conditions dans lesquelles le poisson est pêché; je crois que l'eau dans laquelle le poisson est amené est en réalité en dessous du point de congélation. Nous avons été très impressionnés par cette usine.

Pour ce qui est des chiffres, dites-moi si ceux-là sont corrects. En vous écoutant, je me demande si le ministère des Pêches ne recule pas en ce qui concerne les allocations de pêche. Mais je crois, d'après ce qu'on m'a dit, qu'il se fait du progrès, et ce, depuis 1992.

Selon ce que je comprends, en 1992, les prises accordées au NWMB étaient de 1 000 tonnes sur un total de 12 500 tonnes, ce qui vous donnait 8 p. 100 du quota. Cela a été changé en 1996 pour 1 500 tonnes sur un quota total de 5 500 tonnes, ce qui a fait passer votre pourcentage à 27,3 p. 100 du quota.

Au début de 1997, le ministre Mifflin a augmenté l'allocation pour la porter à 6 600 tonnes, dont seulement 10 p. 100, je crois, ont été accordés au Nunavut—je ne suis pas certain de ce chiffre. Ensuite, le ministre Anderson est arrivé, il a ramené encore les chiffres à 5 500 tonnes. En outre, je crois que le ministre Anderson vous a accordé l'accès exclusif à la division 0A, soit l'île de Baffin, donc 300 tonnes, pour y faire là-bas de la pêche exploratoire.

Est-ce que ces chiffres-là sont exacts, et n'êtes-vous pas d'accord pour dire que des progrès ont été accomplis? Il y a peut-être encore place pour l'amélioration, mais on constate des progrès.

M. Michael d'Eça: Les chiffres sont tout à fait exacts, sauf que vous avez dit, ou j'ai cru vous entendre dire, que lorsqu'on avait accordé un TPA de 6 600 tonnes, le Nunavut en avait obtenu 10 p. 100. En fait, il a obtenu 10 p. 100 de l'augmentation...

M. Wayne Easter: C'est ce que je voulais dire.

M. Michael d'Eça: ...ce qui a fait diminuer sa part proportionnelle de 27 à 24 p. 100.

Mais vous avez raison, et c'est là une question qui est souvent soulevée. Je pense que le ministère a deux arguments en poche. Et c'est l'un d'eux, à savoir que notre pourcentage du TPA global a augmenté et que des progrès sont en voie de réalisation, et aussi, qu'il faut tenir compte de qui a exploité la pêche.

• 1005

C'est vrai, nous reconnaissons que depuis le début de la pêche jusqu'à aujourd'hui, la part du Nunavut a augmenté. Mais il faut regarder les autres augmentations; par exemple, parlons des allocations pour la pêche commerciale. Je peux vous donner des statistiques qui montrent que ces allocations sont passées de 0 à—qu'est-ce que c'est aujourd'hui?—je pense 1 900 tonnes, 400 tonnes de plus... Je ne suis pas certain des chiffres, mais c'est plus que ce qu'obtient le Nunavut en cinq ans environ. Là encore, c'était au moment où le TPA global a diminué pour passer de 12 500 à 5 500 tonnes. Dans une certaine mesure, nous nous livrons une guerre de statistiques.

M. Wayne Easter: Je voudrais avoir plus de détails à ce sujet. Vous dites que les allocations pour la pêche commerciale au cours de la même période... Je vais trouver les chiffres, ne vous inquiétez pas, Michael. Je veux simplement être certain que je parle de la bonne chose. Vous parlez des allocations de pêche commerciale?

M. Michael d'Eça: C'est exact.

M. Wayne Easter: Oui, je peux trouver les chiffres.

M. Michael d'Eça: Ils ont augmenté de beaucoup, ils sont beaucoup plus élevés.

Mais je pense que cela est aussi important parce que le ministre est revenu en arrière. Il nous dit qu'on a commencé avec 100 tonnes dans les années 1980 et qu'on en est aujourd'hui à 1 500 tonnes, ce qui, selon lui, constitue une augmentation incroyable. Ce que cela veut dire en réalité, c'est que la pêche adjacente au territoire du Nunavut a commencé avec 0,8 p. 100 et 99,2 p. 100 de la ressource sont allés à d'autres. À cette époque, au tout début, il n'y avait aucun pêcheur canadien; c'étaient les Russes et des pêcheurs étrangers qui faisaient la pêche. Le Nunavut a réussi à faire augmenter sa part, juste avant l'entrée en vigueur de l'accord sur les revendications territoriales, pour atteindre 24 p. 100. Cela voulait toujours dire que 76 p. 100 de la ressource adjacente étaient exploités par d'autres—cette fois-ci par d'autres pêcheurs canadiens—et il n'existe aucun précédent dans aucune autre région pour quoi que ce soit d'autre qui ressemble à cela, aussi éloigné soit-il. En fait, c'est le contraire de ce qui se passe partout ailleurs.

Donc, en 1994, 76 p. 100 de la ressource étaient exploités par d'autres pêcheurs canadiens et 24 p. 100 par le Nunavut. En 1995, les chiffres n'ont pas changé. En 1996, avec 100 tonnes de plus, le pourcentage est passé à 27 p. 100. En 1997, pas de changement, même s'il y a eu cette petite augmentation; la décision du ministre a en réalité fait baisser les chiffres. Mais disons que rien n'a changé après la nouvelle décision du ministre Anderson. En 1998, même chose; en 1999, 2000, 2001 et 2002, les chiffres ne bougeront pas. Et pourtant, aujourd'hui, et pour les quatre prochaines années après la période de pêche actuelle, 73 p. 100 de la seule pêche de poisson de fond adjacente au territoire du Nunavut seront exploités par des pêcheurs de l'extérieur.

Le président: Merci, monsieur Easter.

Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Je voudrais poser une question sur les deux permis de pêche au poisson de fond que vous aimeriez obtenir. Est-ce pour vous permettre de pêcher le poisson de fond à l'extérieur de votre propre zone, d'avoir les mêmes droits que ceux qui viennent pêcher chez vous? Est-ce bien ce que je dois comprendre?

M. Michael d'Eça: Pourrais-je vous demander de répéter seulement la première partie de votre question?

M. Bill Matthews: Certainement. Vous demandez d'avoir deux permis de pêche au poisson de fond. Ma question est la suivante: ces deux permis permettront-ils à vos pêcheurs ou à vos entreprises qui les auront de pêcher dans d'autres zones comme ceux qui viennent pêcher chez vous? Est-ce que c'est ce que vous dites?

M. Michael d'Eça: Tout à fait. Ils auraient la possibilité d'aller dans les zones du Sud et de faire concurrence à n'importe qui. Ces deux permis leur permettraient d'avoir accès à leur propre pêche commerciale au Nunavut, ce qu'ils n'ont pas. Mais ça leur donnerait également la possibilité très importante de prolonger leur saison et leurs prises globales en étant capables d'aller dans le Sud, exactement comme les pêcheurs du Sud peuvent pêcher à côté d'eux et venir dans le Nord.

M. Bill Matthews: Donc, je suppose que cela permettrait la viabilité de l'entreprise. Est-ce pour cette raison?

M. Michael d'Eça: Oui, cela leur permettrait—le président a posé la question tout à l'heure—d'acheter leurs propres navires. Privés de cette augmentation, ils ont le droit théorique d'acheter des navires mais en pratique, ils sont incapables de le faire.

M. Bill Matthews: Puis-je savoir pourquoi vous demandez seulement deux permis? Je pose la question parce que je ne le sais pas. Pour moi, il me semble que deux permis pour la pêche au poisson de fond... Combien de gens viennent dans votre zone pour faire la pêche?

• 1010

M. Michael d'Eça: Peut-être 13, 14 ou 15 bateaux vont venir chez nous. Donc, ce sont les prises attribuées à l'entreprise, pour la pêche commerciale. Il y a un peu plus d'une douzaine de bateaux ou à peu près.

M. Bill Matthews: Dites-moi pourquoi vous demandez seulement deux permis, je voudrais bien savoir.

M. Michael d'Eça: Je pense que c'est un exemple de la pensée raisonnable et prudente des Inuits. Ces gens-là ne se disent pas: «Les gars en ont 5 275, alors nous on va demander un pourcentage de permis en proportion de notre population», et ainsi de suite. Et les gens obtiennent des centaines de permis. Ça ne les intéresse pas. Ils veulent demander quelque chose qu'ils sont susceptibles d'obtenir, donc, ils en ont demandé deux.

M. Bill Matthews: Merci.

Le président: Nancy, vous vouliez poser une question? Nous allons conclure après cela, mais allez-y.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Une seule phrase. Habituellement, nous ne demandons que ce dont nous avons besoin et jamais plus. Je pense que c'est la même philosophie qui s'applique ici.

M. Bill Matthews: Vous n'avez pas appris que si vous demandez le double, vous allez peut-être obtenir ce dont vous avez besoin, Nancy.

Mme Nancy Karetak-Lindell: C'est la raison pour laquelle il n'y a plus de morue.

M. Wayne Easter: Les Terre-Neuviens...

[Note de la rédaction: Inaudible]...

M. Bill Matthews: Oh non, c'est l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Wayne Easter: Vous savez qu'ils ont doublement exagéré pour les Terre-Neuviens.

Le président: Monsieur d'Eça, je tiens à vous remercier d'être venu nous rencontrer. Je sais que nous pourrions passer beaucoup plus de temps sur cette question, mais nous avons d'autres points à l'ordre du jour que nous devons examiner.

Simplement pour conclure, en tant que président, j'espère que vous percevez la pêche comme une activité économique qui générera des emplois pour les gens de la région. Sans cela, bien sûr, si elle ne génère pas des emplois et une activité économique, la pêche en soi n'apporte pas vraiment grand-chose à bien des gens. Alors nous espérons que votre groupe réussira à obtenir les navires que vous voulez avoir et à donner au peuple inuit la possibilité d'aller en mer et de faire de la pêche, comme il l'a toujours fait, avec le genre de navires dont il a besoin aujourd'hui.

Je vous remercie d'être là.

M. Michael d'Eça: Je vous en prie. Merci de m'avoir donné l'occasion de vous rencontrer.

Le président: Nous allons prendre une pause de cinq minutes, après quoi nous reviendrons et examinerons le rapport sur le Nunavut. Nous allons essayer de terminer cela ce matin.

[La séance se poursuit à huis clos]