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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 novembre 1998

• 1542

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Soyez les bienvenus. Cet après-midi, nous poursuivons notre examen du projet de loi C-57, loi portant modification de la Loi sur le Nunavut relativement à la Cour de justice du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence.

Nous accueillons cet après-midi Sydney Garrioch, chef intérimaire. Chef Garrioch, auriez-vous l'obligeance de vous présenter, ainsi que l'organisation que vous représentez et ceux qui vous accompagnent.

Le grand chef intérimaire Sydney Garrioch (Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.): Certainement, madame la présidente. Je suis accompagné de la chef Ila Bussidor, de la Nation dénée Sayisi et de M. Michael Anderson, du secrétariat, attaché de recherche et conseiller technique pour MKO. Malheureusement, nous regrettons que certains n'aient pu se joindre à nous. Le chef Jerome Denechezhe, des Dénés Northlands, devait nous accompagner, mais il n'a pas pu le faire.

La présidente: Si vous me permettez de vous interrompre brièvement, monsieur, je vois qu'un de nos anciens collègues vient d'entrer dans la pièce, Elijah Harper, l'ancien député de Churchill. Nous sommes heureux de vous revoir. Je vois aussi Ovide Mercredi, et je tiens aussi à signaler sa présence.

Merci. Je suis désolée de vous avoir interrompu. Poursuivez, je vous prie.

Excusez-moi, il y a aussi deux autres groupes de témoins. De l'Association des femmes inuites, nous accueillons Veronica Dewar, la présidente, ainsi que Mme Okalik Eegeesiak, présidente d'Inuit Tapirisat du Canada.

Votre délégation compte-t-elle d'autres membres, madame Eegeesiak?

Mme Okalik Eegeesiak (présidente, Inuit Tapirisat du Canada): Je suis accompagnée de mon adjointe exécutive, Mme Violet Ford, qui est assise à l'arrière.

La présidente: Bonjour.

Merci. Je tenais à vous souhaiter la bienvenue à tous.

Chef Garrioch, nous allons commencer par vous, puis nous céderons la parole aux autres groupes. Nous entendrons d'abord vos remarques liminaires à tous, puis nous passerons aux questions.

Le grand chef intérimaire Sydney Garrioch: Merci, madame la présidente. Bon après-midi, mesdames et messieurs les membres du comité et tous ici présents.

Aujourd'hui, au nom de MKO et de la Nation dénée, nous témoignons devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous avons des documents à distribuer, mais nous nous excusons de ne pas les avoir fait traduire en français. Ai-je votre permission pour distribuer ces documents qui sont en anglais seulement?

La présidente: Ai-je le consentement unanime du comité?

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Non.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Le comité en a déjà discuté, et il a décidé que, dans de tels cas, il permettrait que les documents dans une seule langue soient mis à la disposition de tous par le témoin, mais qu'ils ne seraient pas distribués par le greffier.

Si vous voulez mettre des documents à notre disposition, vous pourrez les laisser sur la table et les députés qui voudront les avoir n'auront qu'à se servir.

• 1545

La présidente: Très bien. Merci.

Si vous voulez bien laisser le mémoire sur la table, les députés qui en veulent un exemplaire iront en prendre un. Merci.

Vous avez la parole.

Le grand chef intérimaire Sydney Garrioch: Merci. Nous sommes très heureux d'être ici cet après-midi.

En considération de la relation solennelle établie entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et les Premières nations du nord du Manitoba lors de la signature de traités, nous, de la Nation Sayisi, de la Première nation Northlands des Denesulines du Manitoba et de Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc., témoignons devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes qui est saisi du projet de loi C-57, loi portant modification de la Loi sur le Nunavut relativement à la Cour de justice du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence.

Les amendements demandés sont nécessaires pour assurer l'exercice des droits ancestraux et issus de traités des Denesulines du Manitoba, droits qui sont reconnus au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, sur le territoire du Nunavut. Ces droits seront aussi reconnus et confirmés par la Cour de justice du Nunavut.

Ces amendements sont aussi nécessaires pour permettre à la Couronne d'honorer ses engagements et sont dans l'intérêt de la justice et des droits de la personne de la Nation dénée du Manitoba.

La position des ministres successifs des Affaires indiennes et du Nord concernant le processus qui a mené à l'entente sur les revendications territoriales intervenue entre les Inuits de la région du Nunavut et Sa Majesté du chef du Canada le 23 mai 1993, et les dispositions de cette entente, constituent le fondement des amendements demandés.

Je cède maintenant la parole à la chef Ila Bussidor. Après son exposé, M. Mike Anderson vous décrira les amendements du point de vue technique.

Chef Bussidor.

Le chef Ila Bussidor (Nation dénée Sayisi): Merci.

Je témoigne ici aujourd'hui pour vous parler d'une question qui touche la Nation dénée du nord du Manitoba et dont le gouvernement fédéral continue de faire fi: la création du Nunavut, qui se fait à l'exclusion délibérée des Dénés, et le vol délibéré de notre territoire traditionnel.

Il est urgent d'agir, car la région du Nunavut naîtra le 1er avril 1999. Chaque minute compte, et le moment que nous avons choisi pour venir vous voir est crucial pour nos efforts en vue d'obtenir un règlement de ces questions litigieuses qui traînent depuis trop longtemps.

En 1910, nous, des Premières nations dénées Sayisi, avons adhéré au Traité no 5, aussi signé par le Canada, qui stipule que nous avons droit à nos terres traditionnelles. Nous avons signé ce traité en toute bonne foi, croyant alors que les promesses qui nous avaient été faites seraient respectées aussi longtemps que le soleil brillera, que l'herbe poussera et que la rivière coulera. Toutefois, nous constatons aujourd'hui que le Canada a cédé nos terres traditionnelles se trouvant au nord du 60e parallèle sans tenir compte de nos droits à l'égard de ces terres.

L'Accord du Nunavut, qui a été élaboré par le Canada et les Inuits des Territoires du Nord-Ouest, nous enlèvera nos droits souverains relativement à nos terres traditionnelles.

Nous en sommes à la onzième heure. Dans quelques mois, nos terres ancestrales seront cédées à des étrangers, encore une fois. Il est essentiel que votre comité règle cette question immédiatement. Nous en avons parlé aux quatre derniers ministres fédéraux des Affaires indiennes, au moins, et à d'autres représentants politiques, et nous sommes scandalisés et dégoûtés par la façon dont on a reçu nos présentations.

Si nous, les dirigeants des Premières nations, voulons conserver notre crédibilité et si nous sommes sincères dans notre quête de l'autonomie gouvernementale, nous devons, comme peuple national, exiger une enquête exhaustive sur l'exclusion de nos droits issus de traités dans la création du Nunavut.

Nous sommes les victimes de l'État providence. Nous n'avons d'autres ressources financières que le strict minimum qui nous est accordé pour nous permettre de gouverner notre petite réserve. Nous avons dû utiliser des fonds de la banque pour poursuivre notre quête de justice.

• 1550

Jadis, nous étions un peuple fier et indépendant qui avait choisi de demeurer loin, sur la toundra nordique et près du caribou. Pendant des milliers d'années, nous n'avons eu besoin que du caribou pour survivre.

En six générations, on nous a graduellement amenés à dépendre d'une autre race. Le commerce de la fourrure et les traités ont contribué à détruire ce que nous étions auparavant.

Nous dépendons trop du gouvernement. Certains aimeraient que nous lui jetions ce document à la figure et que nous lui disions que nous voulons récupérer nos terres, nos 100 000 milles carrés de terres, y compris les 50 000 qui ont été données à nos voisins inuits.

Le gouvernement nous a fait assez souffrir. Nous nous sommes très bien débrouillés pendant des milliers d'années. Regardez ce qu'il est advenu de nous au cours des 80 années qui se sont écoulées depuis la signature des traités.

Nous croyons savoir que, depuis environ 1976, le gouvernement fédéral aide les Inuits à planifier la création de nouveaux territoires pour eux. Nous, nous demandons reconnaissance depuis 1976 et avons clairement indiqué où se situent les frontières de notre territoire.

La réalité, et c'est une véritable insulte, c'est qu'on n'a tenu aucun compte de nous et qu'on fait encore fi de nous aujourd'hui. À maintes reprises, nous avons demandé au gouvernement fédéral de reconnaître notre situation précaire et de prendre des mesures correctives. Nous continuons d'attendre. Mais notre patience s'effrite et fait place au désespoir quand nous voyons comment nos droits issus de traités sont bafoués.

Nous devrions tous être fiers des habitants du Nord qui ont réussi à assurer leur avenir, mais pourquoi cela se fait-il à nos dépens? Nous avons déjà trop sacrifié. Les zones de mise bas du caribou se trouvent au nord du 60e parallèle et c'est là qu'est notre voie, notre avenir.

Chaque lac, du lac Yathyed jusqu'au lac Tadoule en passant par le lac Knife-Nord, contient une partie de notre histoire. Lorsque les cartes et la toponymie du Canada changeront pour de bon le 1er avril 1999, une part énorme de notre patrimoine et de notre histoire sera perdue.

Denendeh, qui était auparavant un vaste territoire, n'est plus que quelques acres où mon peuple vit dans la pauvreté et le désespoir. Mon peuple a désespérément besoin d'aide, il veut guérir. Pour ce faire, il faut que la question du Nunavut soit réglée de façon satisfaisante. Si nous ne pouvons régler nos propres problèmes, nous ne pouvons prétendre donner l'exemple aux autres Premières nations du monde.

Par conséquent, je vous exhorte à appuyer le peuple déné du nord du Manitoba. Nous, qui représentons un organe gouvernemental, avons l'obligation de demander au gouvernement fédéral qu'il rende compte de cet acte injuste qu'il a commis à notre égard.

Nos dirigeants nationaux sont essentiellement les seuls qui peuvent persuader le gouvernement du Canada d'agir en notre nom, comme il a promis de le faire il y a si longtemps, et lui faire comprendre que les terres qu'il a si généreusement données aux Inuits sont des terres à l'égard desquelles nous avons des droits inhérents à titre de Première nation.

Nous voulons léguer à nos enfants un héritage qui comprend nos terres ancestrales, les terres où retentit encore l'écho des voix de nos ancêtres. Nous vous demandons de nous prendre au sérieux et d'agir immédiatement.

La présidente: Merci. Merci, chef Garrioch.

Monsieur Anderson.

M. Michael Anderson (directeur de la recherche, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.): Madame la présidente, je me servirai du rétroprojecteur. Je remercie le greffier et les employés qui m'ont aidé à installer l'équipement.

La présidente: Ils sont exemplaires; ils font beaucoup pour nous aussi.

M. Michael Anderson: Je les remercie. Ils ont été très serviables.

Pour illustrer les remarques du grand chef Garrioch et de la chef Bussidor et pour vous permettre de visualiser vos préoccupations, nous avons apporté avec nous quelques images. Elles comprennent une carte du Nunavut, de la région du Nunavut et ce qui sera bientôt le territoire du Nunavut, carte qui a été publiée dans le magazine Canadian Geographic il a quelque temps. Dans cet article, on trouve aussi une illustration du territoire dont ont parlé le grand chef intérimaire Garrioch et la chef Bussidor.

Une de ces images nous montre Denesuline NeNe, le territoire actuellement utilisé et occupé par les Dénés du Manitoba. Même le Canadian Geographic indique que ce territoire fait l'objet d'un litige.

• 1555

Le Nunavut ne couvre que 5 p. 100 de ce territoire, mais c'est un territoire que les Dénés du Manitoba habitent, occupent et utilisent depuis au moins 2 600 ans. Ce territoire a déjà été beaucoup plus vaste, mais c'est cette partie-ci qui encore utilisée aujourd'hui. Les recherches que nous avons menées sur l'utilisation des terres auprès des collectivités des Dénés Northlands et du lac Tadoule nous donne un territoire dont les limites sont un peu différentes.

La frontière en vert représente la frontière du territoire du Nunavut, de la région du Nunavut. Voici la côte de la baie d'Hudson, et voici la Saskatchewan et le Manitoba. La ligne bleue représente la frontière externe du territoire occupé et utilisé actuellement par la Nation dénée Northlands et la Nation dénée Sayisi. Cette image montre que plus de la moitié du Denesuline NeNe se trouve au nord du 60e parallèle, au sein de la région du Nunavut. Avant même que nous menions notre étude sur l'utilisation du territoire, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, il y a déjà un certain temps, a reconnu l'existence de ce territoire utilisé par les Denesulines.

Cette zone grise représente ce que l'ordonnance sur le gibier des Territoires du Nord-Ouest appelle la zone de licence délimitée par la frontière A. Cette région a été établie explicitement par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en guise de reconnaissance de l'utilisation faite par les Denesulines de la Saskatchewan et du Manitoba des terres au nord du 60e parallèle. On voit ici la frontière de la Saskatchewan. Si on combine les cartes d'utilisation des terres de la Saskatchewan et du Manitoba et celles de la zone de licence délimitée par la frontière A, on constate que ces zones coïncident de façon remarquable. La zone de licence délimitée par la frontière A est la zone en jaune où les cartes d'utilisation des terres ont été combinées. Il importe de noter que cette zone a été délimitée par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avant que nous n'ayons terminé notre étude sur l'utilisation des terres. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest actuel a explicitement reconnu les Denesulines du sud du 60e parallèle.

Ce qui importe dans tout ça, c'est que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a créé un programme de délivrance de permis de chasse au caribou au nord du 60e parallèle, mais que la position officielle du gouvernement du Canada, qui est l'instance suprême dans les Territoires du Nord-Ouest, veut que les Denesulines ne jouissent d'aucun droit issu de traité au nord du 60e parallèle. Le gouvernement du Canada l'a déclaré officiellement dans le cadre de ses représentations.

Comme vous le savez sans doute, il y a quelques années, en 1993, le ministre des Affaires indiennes de l'époque, Tom Siddon, a invité les Denesulines du Manitoba le 10 mars 1993 à demander aux tribunaux de préciser les droits des Denesulines au nord du 60e parallèle. Il a fait ces remarques devant le Comité permanent des affaires indiennes de la Chambre des communes en réponse à des questions très détaillées des membres du comité et après notre témoignage du 4 février 1993. On a demandé au ministre si cette question ferait l'objet d'un renvoi à la Cour suprême, ce à quoi il a répondu que non. On lui a demandé s'il prendrait des mesures pour que soient précisés les droits issus de traités dont jouissent les Denesulines au nord du 60e parallèle; il a répondu qu'il ne prendrait aucune mesure en ce sens et a invité les Dénés à s'adresser aux tribunaux, ce qu'ils ont fait.

La Cour fédérale est actuellement saisie d'une cause à ce sujet. Dans le mémoire de la défense, le Canada a indiqué que les plaignants, les Denesulines du Manitoba, qui utilisent ou occupent des terres au nord du 60e parallèle aux fins de chasse, de piégeage ou de pêche le font non pas conformément à un droit, mais bien aux termes d'un permis, explicite ou implicite, accordé par la Couronne. Par conséquent, tout droit de chasse, de piégeage et de pêche n'existe que selon le bon vouloir de la Couronne.

Cela va clairement à l'encontre des promesses faites dans les traités qu'ont signé la Nation dénée Northlands et la Nation dénée Sayisi. Je répète que le gouvernement du Canada et, implicitement, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest actuel ont adopté en droit la position selon laquelle les Denesulines qui franchissent le 60e parallèle deviennent alors des Canadiens ordinaires et ne jouissent plus des droits issus de traités des premières nations.

Cette image illustre bien l'argument invoqué par le gouvernement du Canada. Le gouvernement prétend que les droits issus de traités de la première nation Northlands ne s'appliquent qu'à l'intérieur des bornes et limites établies par le traité. Dans le cas de la Nation dénée Northlands, ce sont les bornes et limites de la Saskatchewan prévues au Traité no 10 qui s'appliquent. On voit en bleu les terres d'usage traditionnel de la Nation dénée Northlands. Si vous tenez compte de la position présentée par le ministre devant le comité permanent en 1993, ainsi que de celle présentée par le sous-procureur général du Canada en juillet 1993, les droits issus de traités de la Nation dénée Northlands ne s'appliquent qu'à cette mince bande de terre en Saskatchewan. La Nation dénée Northlands aurait donc cédé tous ses intérêts dans les terres, les ressources, les aires de migration du caribou, les campements et les cimetières de ce vaste territoire du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest.

• 1600

C'est ce que vous a expliqué la chef Bussidor. C'est la position qu'a adoptée le gouvernement du Canada concernant les droits des Denesulines. Le gouvernement du Canada estime que les Denesulines de la Nation dénée Northlands ne jouissent d'aucun droit dans cette région. Par la suite, il a jugé qu'ils avaient des droits au sud du 60e parallèle au Manitoba, mais, encore une fois, il affirme vigoureusement que les Denesulines n'ont aucun droit dans la partie du Denesuline NeNe au nord de la frontière.

Outre les droits de prédation, le traité prévoit, en échange de la cession de ces vastes territoires, l'octroi de terres faisant l'objet de droits issus de traités pour l'établissement de réserves. La création du territoire du Nunavut et l'Accord du Nunavut ajoutent une autre dimension aux questions concernant les Denesulines.

Ces points rouges représentent les terres désignées pour des réserves aux termes du traité, selon l'interprétation des Denesulines. Les zones en bleu représentent des terres en fief simple en vertu de l'Accord sur le Nunavut et, comme nous pouvons le voir, il y a au moins deux points où les terres pour les réserves et les terres en fief simple des Inuits se chevauchent. En outre, les terres en fief simple se trouvent au sein du territoire traditionnel tel qu'il est défini en fonction de l'usage et de l'occupation qu'en font les Denesulines.

Nous estimons donc qu'il est dans l'intérêt des Denesulines que cette question soit réglée avant que ne soit créée la Cour de justice du Nunavut, et ce, en raison de la position officielle du Canada concernant les droits de Dénés au nord du 60e parallèle.

À l'heure actuelle, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n'applique pas le règlement concernant la zone de licence délimitée par la frontière A. Autrement dit, aucun Déné ne fait l'objet d'accusation parce qu'il n'a pu produire de licence pour la région délimitée par la frontière A. L'Accord sur le Nunavut confère des pouvoirs considérables au Conseil consultatif de gestion de la faune du Nunavut et au gouvernement du Nunavut dans son ensemble. L'Accord d'établissement du Nunavut fait du Conseil consultatif de gestion de la faune du Nunavut un organe du gouvernement ne représentant pas toutefois Sa Majesté.

Nous avons suivi avec grand intérêt la cause Nunavut Tunngavik Inc. contre le Canada, le ministre des Pêches et Océans, qu'a entendue la Cour fédérale. En exerçant le pouvoir que lui conférait l'Accord sur le Nunavut, NTI a réussi à faire renverser une décision du ministre fédéral des Pêches concernant les contingents de flétan noir dans les zones au large de la masse continentale du Nunavut. Nous avons été très impressionnés.

Nous savons qu'en voulant mettre en oeuvre cet accord, on vise le même objectif que les Dénés qui veulent que leur traité soit précisé et appliqué, mais on s'inquiète car, contrairement à ce qui se passe actuellement aux Territoires du Nord-Ouest, où l'on ne poursuit pas les Denesulines qui poursuivent leur pratique traditionnelle de chasse, les Inuits du Nunavut ont l'intention de mettre en oeuvre l'accord. Les Inuits se sont adressés à la Cour fédérale et la Cour fédérale d'appel a confirmé cette décision; nous comprenons leur intention. Ils veulent s'assurer de pouvoir mettre en oeuvre leur accord en toute légalité.

Nous appuyons les Inuits dans leur recherche de l'autonomie gouvernementale sur leurs propres terres. Mais il reste une question en suspens, la question cruciale de l'application et de l'étendue des droits au nord du 60e parallèle, et il faut que cette question soit réglée avant que ne soit créée la Cour de justice du Nunavut. Nos recommandations de modification de la version actuelle du projet de loi C-57 vise donc la résolution de cette affaire—autrement dit, nous recommandons que le Canada renvoie à la Cour suprême du Canada l'affaire de la revendication qui a été faite au nom de la Nation dénée Sayisi et de la Première nation Northlands à la Cour fédérale du Canada, division de première instance, dans la déclaration modifiée en date du 9 mars 1993, introduisant l'instance T-70393 contre le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le procureur général du Canada. Il faut régler cette question une fois pour toutes.

• 1605

Cette cause a été présentée au départ à l'invitation du ministre, en 1993, et en est encore aux diverses étapes préparatoires. En outre, pendant que cette affaire fait l'objet d'un renvoi à la Cour suprême, toute procédure à la Cour de justice du Nunavut sera suspendue en attendant la décision de la Cour suprême dans le cadre de ce renvoi, si elle se rapporte à des Denesulines du Manitoba présentant comme défense toute partie de la revendication actuellement présentée au nom de la Première nation dénée Sayisi et de la Première nation Northlands, devant la Cour fédérale du Canada.

En outre, signalons l'existence de dispositions, à la partie 11 des dispositions générales de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut qui prévoient que si une décision de la Cour suprême au sujet du renvoi comporte une constatation ou une déclaration selon laquelle une partie de cette loi, la Loi sur les revendications territoriales du Nunavut, ou de l'Accord, est rendue invalide ou non conforme pour toute cession présentée dans la revendication faite devant la Cour fédérale, le Canada s'assurera que toutes les parties ainsi touchées de la loi et de l'Accord sont modifiées afin de remédier à l'invalidité ou de remplacer la disposition invalide, ou pour remédier à ce qui n'est pas conforme.

À notre avis, il n'est vraiment pas dans l'intérêt de la justice et encore moins dans celui des droits de la personne et des Denesulines, pour ce qui est de leurs intérêts dans le territoire, pour leurs traditions et leur culture, de ne pas régler ce problème criant alors même qu'on établit le nouveau gouvernement du Nunavut et la Cour de justice du Nunavut. Nous demandons au comité d'examiner soigneusement ces recommandations pour trouver une solution définitive à ce problème, afin que les droits des Dénés soient pris en compte et que la Cour de justice du Nunavut puisse fonctionner sans l'obstacle des dispositions administratives découlant de l'Accord, avec une certaine clarté quant aux droits des Denesulines.

Nous ne contestons en rien l'impartialité de la Cour de justice du Nunavut, mais il faut reconnaître que les questions qui sont présentées tiennent compte des politiques, lois et règlements du gouvernement. Tous ces règlements devront certainement être revus si la Cour détermine de manière certaine que les Denesulines du Manitoba ont des droits issus de traités pour toutes leurs terres traditionnelles, jusque dans le Nunavut.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Anderson.

Chef, est-ce que cela termine l'exposé de votre groupe, avant que nous passions aux questions?

Le grand chef intérimaire Sydney Garrioch: Oui, nous avons terminé notre exposé.

La présidente: Merci.

Passons maintenant à l'Association des femmes inuites, représentée par Veronica Dewar.

Mme Veronica Dewar (présidente, Pauktuutit, Association des femmes inuites): Merci pour l'invitation. Voici Tracy O'Hearn, coordinatrice des projets spéciaux à nos bureaux d'Ottawa.

J'ai un exposé de 10 pages que je vais m'efforcer de lire. L'anglais est ma langue seconde, et je vous prie d'être patients.

Je vous remercie de me donner l'occasion de parler des préoccupations des femmes inuites. L'administration de la justice est une priorité pour nos membres depuis la création de notre organisme et nous avons fait beaucoup de travail au niveau des politiques.

Je vais commencer par vous donner quelques renseignements sur l'Association des femmes inuites Pauktuutit et sur les femmes que je représente. Je tiens vraiment à dire que les femmes inuites doivent être entendues. Malgré ce qui se passe au sein d'autres organisations, malgré l'opposition que nous avons subie, nous continuerons de nous tenir debout et de représenter les femmes inuites.

L'organisme Pauktuutit a été incorporé en 1984, afin d'agir comme représentant officiel de toutes les femmes inuites du Canada. Notre mandat est de promouvoir une plus grande sensibilisation aux besoins des femmes inuites et d'encourager leur participation aux niveaux communautaire, régional et national pour les questions d'ordre social, culturel et économique. L'égalité des femmes autochtones, tant dans notre société que dans la société canadienne au sens large, a guidé nos efforts.

• 1610

Je veux simplement vous donner quelques renseignements sur Pauktuutit. Vers la fin de mon exposé, je vous présenterai des recommandations.

Pauktuutit s'est bâti une réputation d'organisme national ayant de bonnes bases communautaires et un bon appui de la communauté, pour une raison importante. Nous tenons notre mandat, nos instructions et nos orientations des femmes autochtones et des collectivités du nord de tout le Canada. Elles ont exprimé leurs points de vue et des réformes aux politiques ont été réclamées à partir des points de vue fournis et des réformes proposées par les femmes de ces collectivités. Dans nos efforts, nous nous assurons de renseigner les femmes inuites des collectivités et de les faire participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de nos initiatives.

Depuis notre incorporation en 1984, nous nous sommes penchées sur bon nombre de questions graves touchant l'aspect social et l'aspect santé de nos collectivités. Nous avons mené des projets globaux sur la violence familiale, l'abus sexuel des enfants, les traditions inuites pour les sages femmes et pour les pratiques d'accouchement et nous nous sommes occupées d'une vaste gamme de questions de santé.

Nous nous sommes aussi penchées sur la question de l'accès à la justice dans les localités isolées. Nos collectivités sont encore desservies par le système des cours de circuit, qui continuent de causer de graves problèmes pour ceux qui sont aux prises avec le système de justice pénale. On nous a parlé de cas où un suicide était associé à l'angoisse causée par les délais trop longs et les incertitudes découlant des visites périodiques des cours de circuit.

Au début des années 90, nous avons reçu de l'argent dans le cadre de l'initiative en matière de justice applicable aux Autochtones, du ministère de la Justice, pour étudier de nombreux aspects de l'administration de la justice et de son incidence sur les femmes inuites. Nous avons examiné des formules de rechange aux systèmes judiciaires actuels, comme les conseils de détermination de la peine, ainsi que les aspects de la vie dans une collectivité sans service de police permanent. Nous avons mis sur pied un projet pilote visant à créer un programme pour les hommes qui ont commis des actes de violence contre les femmes, afin que notre communauté soit prête à offrir des programmes dans le cadre des peines à purger dans la communauté. Notre association n'est pas en mesure de présenter un mémoire sur les aspects techniques d'un tribunal unifié.

Pauktuutit a été très occupé, même surchargé de travail, au cours des dernières années, simplement pour s'occuper des diverses questions se rapportant aux femmes inuites, à leurs familles et à leurs communautés. Parmi les nombreux problèmes sociaux que nous connaissons, la violence familiale, c'est-à-dire toute forme de violence contre les femmes et les enfants, est le sujet dont on parle le plus fréquemment à nos ateliers et rencontres. La violence familiale est reliée à presque tous les autres problèmes sur lesquels nous nous penchons. Elle a une incidence sur la santé physique et mentale. La sécurité des femmes est d'autant plus compromise que nous vivons dans nos collectivités une crise du logement. Nos enfants ne peuvent pas bien se débrouiller à l'école lorsqu'il y a de la violence chez eux ou dans leur famille.

Pauktuutit joue un rôle très important pour les femmes inuites dans les petites collectivités isolées. Beaucoup de femmes vivent des conséquences très graves et très concrètes lorsqu'elles essayent de s'exprimer contre la violence à l'égard des femmes et des enfants dans leur communauté. Je ne dis pas que tous les leaders de nos collectivités sont des hommes violents, mais il y a beaucoup d'hommes dans des postes influents, au niveau communautaire, qui sont des agresseurs notoires. Ils ont un intérêt personnel à étouffer les discussions visant à mettre en lumière le fait que toutes les formes de violence sont des actes criminels et ils tiennent à protéger leurs pouvoirs et leurs privilèges. Ils ne veulent certainement pas être tenus responsables de leur propre violence.

Au Canada, les Inuits ont mieux réussi que tout autre peuple autochtone à obtenir l'autodétermination. En 1999 naîtra le Nunavut, ce qui signifie «notre terre» dans notre langue, l'inuktitut. Le Canada va redessiner sa carte pour y intégrer un troisième territoire. Des Autochtones et non-Autochtones vivent au Nunavut, mais les Inuits constituent, de loin, la majorité de ses habitants. Nous avons adopté le régime de gouvernement public, mais pour les Inuits, le Nunavut signifie qu'enfin, nous aurons l'autonomie gouvernementale.

• 1615

Souvent, on considère les femmes comme un groupe d'intérêts particulier. Nous ne sommes pas un groupe d'intérêts, mais bien la moitié de la population du globe. Les femmes se trouvent dans tous les secteurs de notre société, chez les personnes âgées, chez les jeunes, chez les personnes handicapées et au sein d'autres groupes de notre société qui ont en commun des préoccupations et des besoins.

Même si la plupart de nos dirigeants comprennent enfin qu'il faut faire semblant de croire publiquement à l'égalité des femmes, je ne pense pas que les femmes inuites soient également consultées, et je ne crois non plus que l'on tienne compte ou que l'on cherche à remédier à nos problèmes. Ce sont encore surtout des hommes qui prennent les décisions.

Même si bon nombre de gens considèrent que le travail de la Pauktuutit est une oeuvre d'avant-garde, tant au Canada que dans le reste du monde, nous n'avons ni la reconnaissance ni les ressources nécessaires pour nous acquitter de notre mandat et contribuer au façonnement des nombreuses politiques et des nombreux processus qui ont un effet direct sur notre vie et sur l'égalité au Canada. Nous recevons à l'occasion un soutien financier limité des autres organisations inuites, mais il nous faut lutter tous les jours rien que pour survivre.

Même si les hommes et les femmes partagent bon nombre d'objectifs, nos priorités peuvent être tout à fait différentes. Je vais vous donner quelques exemples qui illustrent mon propos. Trop souvent, les problèmes qui constituent des priorités pour les femmes, par exemple la violence, la pauvreté, la toxicomanie et le traitement des victimes et des survivants du système de justice pénale sont aggravés, isolés ou écartés par les législateurs, les décideurs et tous ceux qui ont en main le levier du pouvoir et de l'influence.

Tout comme les problèmes qui préoccupent particulièrement les femmes sont les problèmes de tout le monde, nous croyons que tous les problèmes touchent les femmes. S'il y avait davantage de femmes dans les postes décisionnels, nous aurions plus d'influence sur bon nombre de dossiers qui nous touchent au niveau personnel quotidiennement.

Le système de justice actuel est fondé sur des valeurs qui placent trop souvent les intérêts des hommes devant ceux des femmes, et ce système omet de reconnaître que les femmes ont une expérience différente de la justice. Ce système de justice est fondé sur des valeurs européennes qui entrent souvent en conflit avec les valeurs inuites; par exemple, l'idée que nous nous faisons de la propriété ou de l'éducation des enfants, et le fait d'encourager les gens à assumer la responsabilité de leurs actes.

Les femmes inuites n'ont pas été bien servies par le système de justice actuel. Les femmes inuites entrent trop souvent en contact avec le système de justice en tant que victimes de la violence masculine, et le système de justice lui-même est souvent une cause nouvelle de douleur et d'oppression. Les femmes inuites veulent des changements et ont commencé à exprimer leurs préoccupations, leurs interrogations et leurs opinions sur la mise en oeuvre de la justice dans leurs localités. Les femmes inuites veulent davantage d'information sur le système de justice et leurs droits, et elles veulent participer pleinement aux décisions relatives au système de justice dans le Nord.

Nous voyons que le système actuel dessert les Inuits, et nous disons qu'il faut examiner sérieusement les solutions que l'on propose pour nous assurer que celles-ci n'aggravent pas les torts et les souffrances que cause déjà le système existant.

• 1620

Même si le système de justice actuel veut protéger la société, il comporte néanmoins un certain nombre d'obstacles à la réalisation d'une justice authentique du fait qu'il donne un sens hypothétique à l'égalité entre les individus. Par exemple, tous les individus sont censés être égaux devant la loi et avoir un accès égal à la justice, mais comment un enfant victime d'une agression sexuelle peut-il avoir un accès égal à la justice lorsque le système juridique en place exige de tous les témoins qu'ils sachent bien parler et qu'ils puissent discuter d'expériences douloureuses et humiliantes avec des étrangers sans ressentir d'inhibition ou de contrainte?

Certains pensent que c'est une institution remplie d'experts juridiques comme des juges et des avocats, d'où sont exclus ceux qui n'ont pas de formation juridique. La Pauktuutit veut éliminer les obstacles à la justice et à l'égalité qui entravent les femmes inuites en donnant aux femmes au niveau local les outils dont elles ont besoin pour réclamer et opérer des changements dans le système de justice et dans la société inuite.

Le système de justice dans l'Arctique, dans tous ses aspects, se compose aujourd'hui de tribunaux, de juges de paix, de comités de la justice et d'autres processus chargés d'administrer le droit pénal, le droit de la famille, les lois relatives à la protection de l'enfance et à bien d'autres domaines. La plupart des structures, valeurs et processus qui composent le système de justice aujourd'hui ont été déterminés par des non-Inuits et des hommes. Il est temps que les femmes inuites fassent entendre leur voix en matière de justice à tous les niveaux.

Les Inuits ont pour défi de bâtir un nouveau gouvernement territorial dans le Nunavut qui répondra mieux à leurs intérêts et qui donnera à tous une justice mieux adaptée et plus efficace. Les décideurs du Nunavut doivent faire appel au savoir des femmes inuites s'ils veulent créer un système de justice qui servira authentiquement les intérêts des enfants et de l'ensemble de la communauté inuite.

La création du Nunavut nous permettra de mettre à l'essai diverses approches juridiques, et de le faire avec la participation pleine et entière des femmes inuites. Je vais maintenant vous expliquer quelques principes directeurs d'administration de la justice qui s'inspireraient de la perspective des femmes inuites.

Dans la conception de ce futur système de justice, nous devons nous assurer que les questions que l'on considère habituellement comme des questions propres aux femmes inuites, par exemple le droit de la famille, la prévention de la violence, la nécessité de venir en aide aux victimes et de mettre au point des programmes pour les auteurs de sévices, soient intégrées dans les grandes questions du jour et les actions des décideurs.

Il faut que les besoins et les expériences des femmes soient pleinement pris en compte dans la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation de tous les aspects de ce futur système de justice. Il faut s'assurer que les modèles de justice communautaire pour les localités inuites sont authentiquement fondés sur la culture inuite, et mis au point avec la participation pleine et entière des femmes inuites; qu'il y ait des lignes directrices et des normes régissant la mise en oeuvre de tous ces programmes; qu'ils assurent la sécurité des femmes, des enfants et de tous les Inuits et qu'ils soient fondés sur le principe que la gestion des ressources s'accompagne d'une responsabilité.

Il y a deux ans, à notre assemblée générale annuelle, nous avons tenu des discussions avec des délégués de toutes les régions de l'Arctique sur l'administration de la justice. Je vais vous faire part maintenant des conclusions de notre atelier.

Le système actuel de justice pénal ne fonctionne pas, et en particulier, ne sert pas les intérêts des femmes inuites. Il est surtout axé sur la protection des délinquants et ne fournit pas assez d'aide aux victimes.

Notre système de justice accusatoire ne permet pas de déterminer les faits relatifs à un crime. La Loi sur les jeunes contrevenants ne fonctionne pas non plus. Il faut que les aînés et les représentants communautaires préparent des programmes propres aux jeunes contrevenants qui les initieront au mode de vie inuite. Nous ne sommes pas favorables non plus à la mise en liberté des délinquants dans des localités où ils n'ont pas de racines. Il faut aviser les localités, et leur demander leur avis, avant d'y réinsérer des personnes.

• 1625

Il faut qu'il y ait davantage de postes éloignés pour la détention et le traitement des délinquants, où l'on ferait appel à des aînés qui parleraient avec les délinquants. Les délinquants et les victimes devraient recevoir des conseils adaptés à leurs besoins individuels.

On se préoccupe aussi des initiatives qui aboutissent à l'établissement de comités de la justice ou autres instances qui agissent de manière ponctuelle, à savoir sans lignes directrices, ou qui sont établies sans que l'on forme les représentants communautaires qui siègent à de telles instances.

Les comités de la justice pourraient être habilités à rendre justice lorsqu'il s'agit de délits mineurs, mais non de crimes de violence frappant des femmes ou des enfants. Ces comités devraient être composés de personnes respectées au sein des localités visées.

Les gouvernements et les organisations inuits devraient s'employer à mettre au point des politiques et des programmes de mise en liberté qui auraient pour priorités d'assurer la sécurité des victimes dans les localités.

De manière générale, on a besoin de plus de services d'aide juridique, plus de travailleurs judiciaires et plus de sensibilisation publique pour expliquer le processus juridique aux délinquants et aux familles.

Il faudrait obliger les employés non inuits du système de justice à se prêter à une formation inter-culturelle dispensée par des Inuits et à d'autres types de formation qui traitent des préjugés.

Il faut mettre sur pied des programmes qui encourageront les femmes inuites à recevoir une formation juridique et pour recruter des avocates et des magistrates inuites.

Il faut mettre sur pied des opérations de sensibilisation publique et des programmes s'adressant aux mères célibataires afin que celles-ci comprennent leurs droits et qu'elles reçoivent l'aide voulue pour obtenir de leur conjoint une aide alimentaire pour leurs enfants. Ne pas nous dire quels sont nos droits, c'est nous les nier.

En notre qualité de femmes inuites, nous préconisons une approche globale de la justice, où la nécessité d'offrir aux délinquants un traitement efficace est tout aussi importante que la nécessité de fournir les services voulus aux victimes. Même s'il est évident dans notre esprit que les crimes de violence à l'endroit des femmes et des enfants ne sauraient être tolérés dans notre société, nous nous préoccupons vivement aussi des effets de l'incarcération sur les délinquants dans le système pénal actuel.

À l'heure actuelle, on se contente d'enfermer les Inuits purgeant des peines fédérales jusqu'au terme de leur peine, et on leur offre peu de services de traitement, sinon aucun, au cours de leur incarcération. Il existe peu de services juridico-communautaires permanents dans nos localités, et nous ne sommes pas en mesure d'offrir de services de réinsertion adéquats avant la mise en liberté des délinquants. Ils retournent donc dans leur famille plus irrités et plus affaiblis que lorsqu'ils ont été incarcérés.

Le système correctionnel revictimise également les Inuits. Nous espérons entreprendre une concertation avec divers ministères pour discuter de la manière dont nous pourrions collaborer afin de mieux répondre aux besoins des délinquants inuits.

Tout en veillant à la sécurité des femmes, des enfants et des localités, Pauktuutit a mis sur pied un projet pilote de concert avec des localités et des partenaires cliniques qui mettra au point et offrira des services de counselling aux hommes inuits qui commettent des actes de violence à l'égard des femmes.

Il faut également qu'il y ait des services de maintien de l'ordre permanents dans toutes les localités. Dans l'attente de ces services, il devrait y avoir des programmes ou des services qui viendraient en aide aux simples citoyens à qui l'on demande d'assurer la loi et l'ordre en l'absence de la police.

• 1630

En conclusion, le travail que nous avons accompli jusqu'à présent a permis aux femmes inuites de faire entendre leur voix. Ce travail nous a permis de donner des outils à des femmes qui ont été historiquement oubliées dans les discussions sur les réformes juridiques. Nous avons cerné bon nombre d'obstacles systémiques auxquels nous faisons face lorsque nous demandons justice. Nous avons sensibilisé bon nombre de fonctionnaires, des magistrats ainsi que les autres organisations inuites au rôle que les femmes inuites ont le droit de jouer dans ce domaine, mais notre travail ne fait que commencer.

Si nous voulons vraiment être efficaces, nous devons donner aux femmes au niveau communautaire la compétence nécessaire pour trouver des solutions aux problèmes que nous avons soulevés. Nous devons négocier la mise en oeuvre de ces solutions avec ceux qui sont habilités à opérer des changements. Nous sommes d'avis que si le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les provinces sont vraiment décidés à écouter les vues des femmes inuites, ils devront eux aussi entendre la voix de ces femmes.

Cela ne peut se faire que si nous avons les ressources voulues pour nous préparer à prendre la place qui nous revient dans les négociations visant à réformer l'administration de la justice dans les localités inuites. Ce n'est qu'à partir de ce moment que la réforme de l'administration de la justice dans les localités inuites pourra être équitable. Merci.

La présidente: Merci, madame Dewar.

Nous allons maintenant entendre Mme Eegeesiak de l'Inuit Tapirisat.

Mme Okalik Eegeesiak: Merci beaucoup, madame la présidente. Bon après-midi.

[Note de la rédaction: Le témoin parle en inuktitut]

Je tiens à profiter de l'occasion pour remercier le comité permanent d'avoir accepté d'écouter les Inuits du Canada. Qu'on me pardonne si je n'ai pas de texte français non plus, mais ceux qui le désirent peuvent en obtenir la version française.

L'ITC est une organisation nationale qui représente les plus de 41 000 Inuits qui vivent dans les 55 localités de l'Arctique occidental, du Nunavut, du Nunavik dans le nord du Québec et du Labrador, ainsi que ceux qui vivent dans le sud du Canada.

En réponse à l'évolution des besoins régionaux, l'ITC a été restructuré il y a un an et demi. Au conseil d'administration de l'ITC siègent les présidents de l'Association des Inuits du Labrador, de la société Makivik, de la Nunavut Tunngavik Inc. et de la Société régionale inuvialuit. Le président du Bureau canadien de la Conférence circumpolaire inuite, la CCI, en est le vice-président. Les présidents de la Pauktuutit et du Conseil national de la jeunesse inuite sont membres d'office du conseil d'administration de l'ITC.

Je vous ai apporté des exemplaires de notre brochure sur les Inuits du Canada, pour ceux qui en veulent. C'est en anglais, en français et en inuktitut. Vous y trouverez des statistiques sur les populations dans les diverses régions, le mandat de l'ITC et d'autres informations. J'ai également apporté des épinglettes de l'ITC pour les membres du comité qui font collection d'épinglettes.

L'ITC a témoigné devant votre comité lorsqu'on a apporté les premières modifications à la Loi sur le Nunavut, et nous sommes heureux de nous prononcer sur ces nouvelles modifications. Depuis sa fondation en 1971, l'ITC milite pour la création du Nunavut. Le projet de loi C-57 est une autre étape nécessaire dans le long processus qui vise à installer dans le Nunavut un gouvernement efficace et capable de rendre des comptes, et pour cette raison, l'ITC accorde tout son soutien à ce projet de loi.

Le projet de loi C-57 revêt un intérêt particulier pour l'ITC pour deux raisons précises que je tâcherai de vous expliquer. J'aimerais parler de l'établissement du système de tribunaux unifiés que prévoit le projet de loi, et du processus qui a conduit à l'élaboration du projet de loi.

• 1635

Si vous êtes saisis aujourd'hui du projet de loi C-57, c'est en résumé parce que les Inuits du Nunavut, et ceux qui sont chargés de la justice dans le Nunavut, qu'il s'agisse de la GRC ou des juges, sont tous d'accord pour dire que le système actuel ne répond pas aux besoins particuliers des Inuits du Nunavut. Tout le monde admet que, dans la conception d'un système de justice pour le Nunavut, il faut prendre en compte des faits comme l'isolement géographique des localités inuites, la culture et la langue inuite, la force des familles inuites et l'attachement des Inuits à leurs territoires.

Même si le projet de loi C-57 ne constitue pas un système idéal d'administration de la justice pour les Inuits, il a tout de même été conçu en tenant compte du fait que le Nunavut a besoin d'un système de justice qui lui soit propre, qui soit fonctionnel et qui réponde aux besoins des gens qu'il servira. Le conseil d'administration de l'ITC a adopté un plan d'action propre aux Inuits qui exige du gouvernement du Canada d'adopter et de mettre en oeuvre des politiques et des programmes adaptés aux besoins et aux préoccupations des Inuits. Il est évident que le projet de loi C-57 représente pour le moment un pas dans cette direction, étant donné que les habitants du Nunavut sont Inuits à 85 p. 100 aujourd'hui et que le Nunavut regroupe approximativement la moitié des Inuits du Canada.

Comme d'autres témoins l'ont dit, le processus qui a abouti au projet de loi C-57 s'est appuyé sur des consultations exhaustives auprès des Inuits du Nunavut. Le Nunavut Tunngavik, qui représente les Inuits du Nunavut, a pris part à l'articulation du projet de loi dès le début, et ce, jusqu'à l'examen du projet de loi ligne par ligne. L'ITC félicite le Nunavut Tunngavik pour l'excellent travail qu'il a accompli étant donné qu'il a su défendre les intérêts des Inuits du Nunavut dans la conception de ce projet de loi.

En résumé, l'ITC accorde tout son soutien au projet de loi C-57, premièrement parce qu'il a été conçu en réponse aux besoins particuliers du Nunavut, et deuxièmement, parce que la conception de ce projet de loi s'est appuyée sur des consultations exhaustives et réelles auprès des Inuits. Pour ces raisons, j'invite tous les membres du comité à donner leur aval à ce projet de loi.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. Jusqu'à présent, seul M. Lee a indiqué qu'il...

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Ça va, madame la présidente.

La présidente: Vous n'avez pas de questions?

M. Chuck Cadman: Non, je tiens seulement à remercier les témoins de leurs exposés. Ils ont très bien travaillé. Je n'ai aucune question.

La présidente: Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je n'ai pas de questions à poser, madame la présidente, mais plutôt un commentaire à faire. Par la suite, si les gens ont quelque chose à ajouter, ils pourront le faire.

Premièrement, j'aimerais vous féliciter pour vos présentations. C'était fort intéressant. Je ne suis pas membre permanent du Comité de la justice, mais ça m'a permis d'en apprendre un peu plus. Quand vous parlez, madame Dewar, du rôle des femmes dans votre communauté, ça nous fait penser à nous. On a fait un bout de chemin, mais on a encore beaucoup de chemin à faire dans tous les milieux et dans tous les domaines. Les femmes ne sont pas encore reconnues à 100 p. 100 pour leurs capacités dans bien des secteurs. Il faut savoir se battre. Il faut continuer la lutte et continuer à travailler. Vous pouvez compter sur nous pour vous donner notre appui dans ce domaine, car il est très important de continuer ce travail.

Concernant vos propos sur les enfants et sur la violence familiale, j'étais moi aussi à Yellowknife et à Iqaluit avec le Comité de l'environnement. Je discutais avec des femmes inuits là-bas. Même si elles avaient beaucoup de difficulté à en parler, car c'est très tabou et très caché, elles disaient qu'il y avait beaucoup de violence familiale et qu'elles la vivaient intensément. C'est un problème qu'il faut continuer à essayer d'éliminer.

Quand vous parlez de territoires, monsieur Anderson, j'ai un petit peu de difficulté à comprendre ce que vous voulez dire. Vous voulez qu'il y ait une partie de la Saskatchewan qui soit incluse dans le Nunavut ou... Expliquez-moi ça, parce que je n'ai pas bien compris.

• 1640

[Traduction]

M. Michael Anderson: Ce serait plus clair si j'utilisais une de mes diapositives. Le fait est qu'il y a des terres dans ce qui constitue aujourd'hui le sud-ouest du district de Keewatin dans les Territoires du Nord-Ouest, des terres qui font partie ou qui sont sur le point de faire partie du Nunavut, au nord du 60e parallèle, qui étaient traditionnellement exploitées par les Denesulines du Manitoba.

Cette question intéresse la Saskatchewan, et c'est exactement pourquoi cette précision s'impose. La première nation Northlands, qui se trouve en ce moment au Lac Brochet, au Manitoba, a signé le traité à Brochet, au Manitoba, mais le territoire mentionné dans le traité se trouvait en Saskatchewan—dans le nord-est de cette province. Donc, au moment où le traité a été signé, la commission qui en était chargée savait que les ancêtres de la Première nation Northlands utilisaient essentiellement les terres qui se trouvent maintenant au Nunavut.

Le fait est que le ministre et le sous-procureur général ont indiqué que les droits issus des traités ne s'appliquent qu'à l'intérieur des frontières définies par le texte du traité; cela veut dire bien sûr, d'après l'image que je vous ai montrée, que pour le gouvernement canadien, les droits issus de traités ne s'appliquent qu'à une toute petite partie des territoires mentionnés par le traité. Donc, ou bien les Dénés se seraient suicidés culturellement en signant sciemment un document qui leur aurait interdit l'accès à leur territoire, ou alors le gouvernement a délibérément mal agi dans la négociation en ôtant des terres aux Dénés et en ne leur donnant presque rien en retour. Il est évident qu'aucune de des hypothèses ne nous plaît.

Les deux seuls arguments qui restent, c'est que les droits s'appliquent intégralement dans tous les territoires cédés en vue de ce traité, étant donné qu'il y a deux dispositions de cession. La première fait état des frontières actuelles, et la seconde est ce qu'on appelle une disposition générale d'extinction. Toutes les autres terres, où qu'elles soient au Canada, sont rendues à Sa Majesté la reine du chef du Canada. Autrement dit, les droits doivent s'appliquer dans tous ces anciens territoires.

Quatrième possibilité, si la ministre et le procureur général peuvent maintenir que les droits ne s'appliquent qu'à l'intérieur des frontières définies par le traité, les Denesulines se retrouvent alors avec une revendication territoriale pendante à l'intérieur du Nunavut. Ce qui est en fait l'objet de notre poursuite.

[Français]

Mme Monique Guay: Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente: Merci. Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je sais que vous en avez parlé dans votre exposé, monsieur Anderson, mais pouvez-vous nous expliquer un peu plus longuement comment la non-reconnaissance des droits ancestraux issus de traités au nord du 60e parallèle a déjà ou pourrait faire du tort aux Dénés si cette mesure prend force de loi? Comment, à votre avis, doit-on garantir ces droits en vertu de la Loi sur le Nunavut?

Le chef Ila Bussidor: Je pense qu'il faut reconnaître nos droits comme peuple autochtone, et qu'on a porté atteinte à nos droits. Selon nos aînés, depuis que nous occupons nos terres, notre peuple—le peuple Sayisi Déné—a toujours le droit de chasser, de cueillir et de se déplacer librement sur son territoire. À l'aube du siècle, nos droits nous ont été arrachés, même si nous avions signé un traité, qui était conforme au Traité no 5, qui stipule que nos droits sont protégés.

• 1645

Nous voulons être reconnus comme peuple ayant signé un traité avec la Couronne, et nos droits doivent être reconnus en vertu de nos traités. Nous devrions pouvoir choisir nos terres sur notre territoire traditionnel.

Mme Bev Desjarlais: Puis-je poser une autre petite question?

La présidente: Oui, allez-y.

Mme Bev Desjarlais: Corrigez-moi si j'ai tort, je veux seulement une précision. Ce que vous demandez donc, c'est que l'on reporte à plus tard toute poursuite qui pourrait être engagée tant que la Cour suprême ne se sera pas prononcée sur la cause qui est devant nous. Est-ce exact?

M. Michael Anderson: Les liens que nous avons présentement... La question n'a pas été réglée. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a fait aucun effort sérieux pour la régler, laissant les droits et les intérêts du peuple déné dans les limbes juridiques en attendant l'établissement d'un nouveau gouvernement territorial et d'un système judiciaire. Il s'agit donc de régler la question définitivement devant la Cour suprême. Chose certaine, dans l'attente d'une décision de ce tribunal, il faudrait suspendre toute procédure que l'on pourrait intenter contre les Denesulines à la Cour de justice du Nunavut, ou l'on pourrait par exemple invoquer un droit issu de traité pour faire valoir une revendication territoriale.

La présidente: Bienvenue au comité. Je ne vous avais pas vue entrer.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Entre autres choses, je tiens d'abord à vous faire savoir que j'habite la région même qui fait l'objet de ce contentieux. J'habite dans cette localité qui est la plus au sud, juste au nord de Churchill, au Manitoba.

Nous sommes des gens raisonnables. J'ignore si l'on a pris des mesures pour négocier l'utilisation commune de cette région. Si j'en crois cet exposé, nous n'avons jamais exploité traditionnellement cette région. Je pense aux gens d'Arviat qui ont vécu dans ces régions. Il y a donc deux groupes de personnes qui ont vécu dans ces régions, surtout autour du lac Heninga et d'Ennadai.

Je voulais donc simplement affirmer qu'il y a eu utilisation commune. En lisant ce texte, j'ai comme l'impression qu'il n'y a qu'un seul groupe de personnes qui utilisé traditionnellement ce territoire. J'ai également remarqué qu'à la page 8 du plaidoyer, paragraphe 32, le ministre et le Canada ont délibérément exclu les plaignants de toute participation au processus de détermination de la frontière sud.

Je me rappelle les rencontres qui ont eu lieu avec le président de l'Association inuite régionale, la KIA, qui avait emmené un groupe de gens à Churchill—quelques anciens de ma localité y sont allés—pour en venir à une entente. Je me demande seulement ce qu'il est advenu de ces discussions. S'il n'y a pas eu d'entente, comme le dit le paragraphe 32, est-ce qu'on ne peut pas parler de participation? Tout récemment, je sais qu'il y a eu d'autres réunions au lac Tadoule ou à Churchill. Je me demande seulement qu'elle a été l'issue de ces discussions et si l'on est parvenu à une entente.

De même, je pensais que les gens de chez nous avaient le droit de chasser au sud du 60e parallèle, donc je me demande pourquoi on ne donnerait pas le même droit à ces chasseurs?

Je sais que ça fait à peu près six questions, mais pourriez-vous y répondre brièvement?

Le chef Ila Bussidor: Une rencontre a eu lieu entre les anciens des Dénés et des Inuits, mais on ne prévoit pas de nouvelle rencontre. Je sais qu'ils y ont mis un terme. Quelle que soit la raison, je ne la connais pas. Peut-être que Michael peut vous en parler un peu.

• 1650

Je tiens seulement à rappeler que, si j'en crois nos anciens, les Dénés et les Inuits se livraient des combats il a 200 ou 300 ans, et peut-être même plus. Mais quand nous avons parlé aux anciens, ils nous ont dit que ce conflit ne mettait pas aux prises les Inuits et les Dénés. C'est ce qui a été entendu entre nos anciens. C'est donc le gouvernement qui doit créer ce problème.

M. Michael Anderson: Je suis heureux que vous ayez soulevé certaines questions au sujet des frontières, de l'utilisation commune du territoire et des droits de chasse réciproques. Ce sont les choses dont on parle le plus souvent, en utilisant des mots qui ont des sens différents pour des personnes différentes, tout dépend de la personne qui écoute, c'est le cas du mot «droits».

Des tentatives ont été faites. Au sujet de ce que vous avez dit à propos du paragraphe 32 de la revendication concernant la frontière, quelques activités ont eu lieu. Vous vous rappelez peut-être le rapport de Magnus Gunther au ministre des Affaires indiennes et du Développement du nord, à l'époque où les négociations entre les Dénés et les Métis étaient en cours dans le cadre de l'accord d'Iqaluit sur le tracé de la frontière.

Par la suite, après que les négociations entre les Dénés et les Métis se sont rompues, ou au moment où le ministre Siddon s'apprêtait à y mettre un terme, l'ancien sous-commissaire des Territoires du Nord-Ouest, John Parker, a reçu pour mission d'examiner le tracé de la frontière entre ce qui aurait été le Denendeh et le Nunavut, et c'est le mandat qu'il a reçu. Les Denesulines de la Saskatchewan jusqu'au Manitoba ont été explicitement exclus de son mandat. Nous avons écrit au ministre Siddon—c'est-à-dire, les chefs de toutes les communautés denesulines de la Saskatchewan et du Manitoba—pour lui demander de réviser son mandat afin de permettre à M. Parker d'examiner le tracé de cette frontière. Le ministre a refusé. Les dirigeants et les communautés n'ont pas accepté cette fin de non-recevoir.

Nous avons pris le soin de réunir des informations préliminaires sur l'utilisation primaire du territoire afin de les communiquer à M. Parker à Yellowknife, au moment où l'on étudiait la configuration du territoire. Dans son rapport, après avoir recommandé le tracé actuel du Nunavut, il a dit:

    Il est une autre question en marge de mon mandat qui concerne les revendications du peuple Chipewyan du nord de la Saskatchewan et du Manitoba. Ces bandes ont traditionnellement exploité, et continuent d'exploiter des régions dans les Territoires du Nord-Ouest qui sont situées immédiatement au nord du 60e parallèle, adjacentes aux frontières nord des provinces pour la chasse, la pêche et le piégeage. D'ailleurs, ils considèrent que ces terres font partie de leur territoire ancestral même si elles ne sont pas incluses dans les régions mentionnées par leur traité.

Encore là, je compte faire d'autres observations sur ces questions. Essentiellement, pour ce qui concerne le tracé actuel du territoire qu'il était chargé de délimiter, aucune de ses conclusions ou recommandations ne fait état du tracé qui est en litige en ce moment. En fait, le ministre lui avait explicitement interdit de le mentionner. C'est ce que dit le paragraphe 32: nous avons été expressément exclus des processus qui ont été mis en marche pour établir la frontière entre ce qui aurait été le Denendeh et le Nunavut.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Pas le Manitoba et...

M. Michael Anderson: Non, mais ce sont les processus décisionnels. Vous vous souvenez peut-être que, en février et mars 1993—je fais allusion à cette époque—le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord a tenu une série d'audiences sur les revendications contradictoires concernant les limites territoriales. Je sais que les Inuits du Nord québécois ont également comparu à l'époque, ainsi que les Denesulines. Le président de la Commission des revendications des Indiens a comparu parce qu'il y avait une audience. La Commission a examiné les revendications des Dénés de la Saskatchewan, et elle a approuvé notre position fondamentale selon laquelle les droits s'appliquent au nord du 60e parallèle. C'était l'une des conclusions de la Commission des revendications des Indiens.

• 1655

À l'époque, en mars ou avril 1993, le Canada a déposé des plaintes et des objections officielles auprès de la Commission des revendications des Indiens dans le but de l'empêcher d'examiner la question de l'application des droits au nord du 60e. Le Canada a fait des pieds et des mains pour s'assurer que les Denesulines ne peuvent pas présenter publiquement leurs doléances, même si le comité permanent a entendu clairement notre témoignage et demandé au ministre de ne pas signer l'Accord sur le Nunavut tant que les Premières nations denesulines, à l'époque, et le ministre n'avaient pas comparu devant le comité.

S'agissant des droits de chasse réciproque, dont le ministre a longuement parlé lors de son exposé du 10 mars 1993 et qui ont en partie calmé les inquiétudes du comité avant la signature de l'accord, le chapitre 40 de ce dernier a été élaboré sans notre participation directe, en fait. Lorsqu'il a comparu devant le comité permanent, le ministre y a fait allusion et il en est question aussi dans le mémoire de MKO. Comme on pensait que l'accord ne serait jamais conclu, on y a ajouté le chapitre 40.

Le problème, c'est que même si le ministre a parlé de protéger les droits de chasse des Denesulines au nord du 60e lors de sa comparution devant le comité permanent, il est stipulé ceci au chapitre 40: «L'Accord n'a pas pour effet de reconnaître ou de conférer à d'autres peuples autochtones que les Inuits des droits au sein de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ni de porter atteinte à de tels droits». C'est très important, car lorsqu'on considère les dispositions portant... L'accord portant règlement ne confère aucun droit aux Denesulines du Nunavut; il stipule clairement le contraire.

Lorsqu'on en arrive à la partie où il est question des bandes indiennes denesulines au Manitoba, il est dit ceci à la partie 4 du chapitre 40: «Par dérogation aux dispositions du chapitre 5»—lequel, évidemment, porte sur les contingents, les permis, les conditions et autres choses du même genre—«les membres des bandes peuvent récolter des ressources fauniques pour fins de consommation personnelle, familiale ou collective, et ils peuvent piéger des animaux sauvages», etc.

L'article suivant, toutefois, est source de confusion dans l'esprit de presque tout le monde. «Pour l'exercice des droits prévus à l'article 40.4.2»—cet accord ne prévoit aucun droit garanti dans la Constitution. Le terme «droits», à mon avis, est utilisé à mauvais escient. En fait, il existe peut-être des avantages ou des privilèges applicables, mais ce ne sont pas des droits dans le sens où les Denesulines, en tant que signataires du traité, l'entendraient. Ce n'est pas du tout la même chose.

C'est à ce sujet que la confusion a régné dans l'esprit de tous en 1993, à l'époque où on souhaitait véritablement résoudre le problème de l'application des droits de chasse et de piégeage au nord du 60e parallèle garantis par la Constitution. Les dispositions du chapitre 40 sont rédigées en des termes qui étaient censés accorder ces droits. Toutefois, nous savons depuis, preuves à l'appui, à entendre les déclarations du sous-procureur général du Canada, qu'en fait il n'est prévu dans cet accord aucun droit garanti dans la Constitution au nord du 60e. C'est à ce sujet que l'on a tourné en rond.

Autrement dit, en droit, selon l'organisation de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la position du gouvernement du Canada, les Denesulines sont lésés de leurs droits dès qu'ils franchissent le 60e parallèle. S'ils franchissent les 60 degrés latitude au nord, ils ne sont plus considérés comme des membres des Premières nations visés par les traités; ils deviennent de simples Canadiens qui chassent au Nunavut et sont donc pleinement assujettis à la compétence du gouvernement de ce territoire. La différence, c'est que les décisions de la Cour suprême comme celles rendues dans l'affaire Sparrow, Horseman et Badger, qui prévoient toutes des limites très strictes aux pouvoirs de réglementation des gouvernements provinciaux et territoriaux, ne s'appliqueront plus au Nunavut. Voilà le fond du problème.

Les modifications demandées au projet de loi C-57 visent à préciser cette question, pour que la Cour de justice du Nunavut reconnaisse également et confirme les droits des Denesulines du Nunavut conformément au paragraphe 35(1).

Mme Nancy Karetak-Lindell: C'était ma question suivante: quel rapport y a-t-il avec le projet de loi C-57, concernant un système judiciaire unifié? Vous venez d'y répondre.

M. Michael Anderson: Oui, il s'agit alors de déclarer un sursis d'instance en attendant que la question soit réglée. Il est impressionnant de voir comment la Commission consultative de gestion de la faune de Nunavut a mis en oeuvre l'accord. Il y a plusieurs accords de cogestion relatifs aux dispositions de compensation pour les inondations dues au projet hydro-électrique au nord du Manitoba, et le gouvernement partage avec les Inuits du Nunavut un nombre impressionnant d'ententes et de pouvoirs. Il y a vraiment de quoi être impressionné. Le désir de mettre cet accord en vigueur et d'obliger le ministre des Pêches et des Océans à faire de même est également... Il est donc crucial de tirer au clair les droits des Denesulines au moment où on met en place cette nouvelle structure gouvernementale.

• 1700

La présidente: Merci, Nancy.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee: Merci.

Vous avez abordé certaines questions que je voulais poser, mais je dois admettre que tout cela a sur le projet de loi C-57 des répercussions générales et profondes. Certains témoins déclarent, je suppose, que le projet de loi C-57 devrait renfermer une disposition visant à suspendre tout procès en cours si ce dernier est en rapport avec les privilèges ou les droits de chasse ou de cueillette des gens dont vous parlez. Toutes les autres poursuites peuvent aller de l'avant, mais celles qui concernent la chasse ou la cueillette devront être mises en veilleuse. Est-ce bien ce que vous nous dites?

M. Michael Anderson: Oui, en partie. Le libellé des amendements porte sur toutes les questions précisées dans la poursuite intentée devant la Cour fédérale, et c'est pourquoi nous les avons joints à notre témoignage, de façon à ce que chacun comprenne bien les mesures de recours que nous attendons de la cour. Il est exact que cela n'aura aucun effet sur la création de la Cour de justice du Nunavut. Il s'agit de suspendre l'instance dans les secteurs toujours en litige, chose que font couramment les tribunaux lorsque d'importantes questions de fond sont à l'étude.

M. Derek Lee: À votre avis, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut empêche-t-il d'en arriver à une entente comme celle que vous recherchez?

M. Michael Anderson: C'est une excellente question.

M. Derek Lee: J'aimerais une réponse aussi brève que possible.

M. Michael Anderson: Je vais essayer. L'accord permet certaines choses, selon la façon dont l'entente est conclue. Comme je l'ai déjà dit, la partie 11 porte sur l'invalidité du tribunal d'une juridiction compétente—c'est prévu.

M. Derek Lee: Je comprends que vous souhaitez donner une réponse aussi complète que possible, mais c'est oui...

M. Michael Anderson: Ou non?

M. Derek Lee: Je veux que vous nous disiez si, à votre avis, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut empêche d'en arriver à une entente avec les personnes que vous représentez.

M. Michael Anderson: Faute de préciser les droits des Denesulines, les mécanismes de conclusion des ententes sont restreints ou inexistants. C'est le pivot sur lequel tout le reste repose.

M. Derek Lee: Très bien. Sur la carte que vous nous avez montrée se trouvent des parties hachurées en bleu qui correspondent aux concessions en fief simple. S'agit-il des terres qui appartiennent désormais à des intérêts privés, ou ces terres font-elles partie de la concession foncière de 350 000 kilomètres carrés prévue dans le règlement des revendications territoriales du Nunavut—ou les deux?

M. Michael Anderson: Les deux millions de kilomètres carrés correspondent à la région du Nunavut sur le point de devenir le nouveau territoire du Nunavut. Il y a deux régions. L'une continue de relever de la compétence de la Couronne et fait l'objet d'accords, mais les terres que j'ai indiquées sur la carte sont en fait les concessions en fief simple prévues aux termes de l'accord de règlement.

M. Derek Lee: Dans l'accord de règlement, elles appartiendraient à...

M. Michael Anderson: Ces terres appartiennent aux Inuits.

M. Derek Lee: Très bien, ça va. Aux termes de ce règlement, ces terres seront-elles interdites aux activités de chasse traditionnelles des Denesulines et d'autres?

M. Michael Anderson: Selon le chapitre 40...

M. Derek Lee: Elles ne sont pas interdites.

M. Michael Anderson: ...elles ne sont pas interdites, mais elles sont assujetties à la réglementation. L'objet même de l'amendement que nous essayons d'obtenir est le niveau de réglementation de cette activité.

M. Derek Lee: Très bien. Il est donc possible à l'une des personnes que vous représentez de se rendre dans cette région et d'y chasser, mais elle risque de tomber sur quelqu'un qui lui dira qu'elle n'a rien à faire à cet endroit. Il reste à savoir si cette disposition sera ou non appliquée strictement, et les feuilles de papier risquent de commencer à voler dans tous les sens, par opposition à des balles ou à autre chose.

• 1705

M. Michael Anderson: C'est tout à fait vrai. Nous allons sans doute faire opposition aux décisions du conseil de gestion qui touchent les Denesulines en attendant que cette question soit tirée au clair.

M. Derek Lee: Je suis peut-être mal renseigné quant au nom, mais il y a un processus de négociation de revendications territoriales auquel participent plusieurs premières nations qui ont déjà été décrites ici dans le cadre de traités négociés au cours des 200 dernières années. Ces négociations se poursuivent et les deux groupes de premières nations dont vous avez parlé aujourd'hui font partie de ce processus de négociation, si je ne m'abuse?

M. Michael Anderson: Pour ce qui est des terres dues en vertu de traités dont les revendications sont encore en suspens, la question fondamentale est la suivante: en échange des vastes territoires cédés à Sa Majesté la Reine ou Sa Majesté le Roi, selon l'époque où les traités ont été signés, les terres de réserves, soit une superficie précise par famille ou par personne, ont été accordées aux premières nations. Au Manitoba, 19 des 62 premières nations n'avaient pas encore reçu toutes les terres auxquelles elles avaient droit. L'entente cadre sur les terres dues en vertu de traités a été signée entre Sa Majesté la Reine du droit du Canada, le Manitoba et les 18 nations ayant droit.

M. Derek Lee: À quelle époque?

M. Michael Anderson: Le 29 mai 1997. Ce qui est important dans cette affaire, et c'est pourquoi j'établis un lien avec ce genre de revendication particulière, c'est que l'affaire n'est pas encore réglée. Un processus de trois ans est en cours pour choisir des terres, avec deux prolongations possibles d'un an—soit cinq ans en tout. Même si l'entente a été signée quant au processus et au principe, les sélections se poursuivent.

Dans les dispositions générales concernant la cession, cette question a suscité bien des controverses. Le Canada a insisté pour que les Denesulines retirent leur plainte devant la Cour fédérale en échange de leur signature sur ce document.

M. Derek Lee: Mais ils ne l'ont pas fait.

M. Michael Anderson: Ils ont fini par laisser aux Denesulines le droit de poursuivre cette cause. Si la cour tranche en faveur des Denesulines, elle affirmera leur droit issu de traité de choisir des terres au Nunavut. Le Canada a même admis l'existence du problème.

M. Derek Lee: Bien, cela m'amène à ma question suivante. J'en conclus que, même si cette entente sur les terres dues en vertu de traités au Manitoba est en vigueur, et il faut espérer que c'est un bon processus qui produira de bons résultats, cela ne s'applique pas au Nunavut. C'est également un problème.

M. Michael Anderson: C'est exact.

M. Derek Lee: Si ce processus aboutit et qu'il ne faut pas attendre encore 100 ans, à votre avis, il faudra qu'un jour ou l'autre le Nunavut participe aux négociations pour finaliser le processus d'attribution des terres dues en vertu de traités pour les deux premières nations qui revendiquent des droits de chasse et de prédation au nord du 60e.

M. Michael Anderson: C'est exact.

M. Derek Lee: Je comprends tout cela. Nous pourrions sans doute tout résumer en deux pages et les soumettre à la plupart des juges qui seront occupés dans cette région du nord. Pourquoi faut-il, à votre avis, modifier le projet de loi pour atteindre cet objectif? Tout cela me paraît plutôt logique, même s'il faut concocter quelque chose.

Les parties qui seront chargées d'administrer le Nunavut...et ce sera pour la plupart, sinon en totalité, des Inuits. Les gens de la région sont tout simplement les habitants du Nunavut. Pourquoi ne pourraient-ils pas en tant que Canadiens tenir compte de cette divergence, de ce conflit possible, du différend en cours, et régler tous les problèmes dans chacun des tribunaux, qui sont des tribunaux canadiens, au cas par cas. Si je vous ai bien compris, vous dites qu'il vous faudra être présents dans tous les tribunaux, pour vérifier tous les différends et vous assurer que la question n'est pas soulevée.

La présidente: Il peut poser les questions et y répondre, et à ce moment-là vous n'aurez plus de problème.

• 1710

M. Michael Anderson: La logique est très importante. Si vous me permettez d'ajouter mon grain de sel, vous nous décrivez un processus semblable à la clause dérogatoire classique qui est incluse dans tous les accords: «l'Accord n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits ancestraux des Autochtones...», etc. C'est très important.

C'est l'une des dispositions qui n'a pas besoin de se trouver dans tous les accords signés dans le pays, car tous les accords signés avec la Couronne sont assujettis à la Loi constitutionnelle. La clause dérogatoire est donc implicite dans tous les accords.

Toutefois, cela signifie que la disposition n'est valable que si les Premières nations touchées par ces droits font preuve de vigilance, intente des poursuites, etc. En amont, la disposition ne vaut quelque chose que si l'on a les ressources financières voulues pour intenter des poursuites devant les tribunaux pour faire exactement ce que vous avez décrit, c'est-à-dire passer au peigne fin et contester toutes les décisions de la Commission consultative de gestion de la faune du Nunavut tant qu'une politique ne sera pas établie.

Notre façon d'aborder la question a toujours été de faire établir au préalable les bases juridiques pour que tout le monde connaisse bien les règles de droit. Ensuite, toutes les politiques et lois ou tous les règlements qui sont élaborés en tiennent compte. Ainsi, au lieu d'adopter de nouveaux règlements concernant la gestion de la faune qui ne tiennent pas compte des droits ancestraux des Denesuline, grâce à cette reconnaissance, ce sera indispensable car il s'agira de droits garantis par la Constitution au Nunavut.

M. Derek Lee: S'il existe une façon logique de résoudre le problème, nous l'envisagerons sans nul doute, mais dans le cas contraire, je vous félicite de votre témoignage. Vous avez éclairé notre lanterne et saisi le gouvernement du problème, par l'entremise du Parlement; du moins, nous l'espérons.

Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur Lee.

Voulez-vous ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Lee, madame Desjarlais?

Mme Bev Desjarlais: Oui. Si les droits ancestraux ne sont pas reconnus au nord du 60e, j'aimerais savoir comment les choses vont se passer. Lorsque nous constatons que la question de l'octroi des permis est laissée aux soins du groupe qui s'en occupera au Nunavut, il ne devrait pas, à première vue, y avoir de problème. Même si une personne est accusée, on pourra contester.

Que se passera-t-il si les droits ancestraux ne sont pas reconnus et que certains Autochtones sont armés? Cela ne changera-t-il pas la situation si leurs droits ancestraux ne sont pas reconnus?

Je ne sais pas si c'est un problème ou non. Je voyage dans le Nord et souvent les gens chassent dans des endroits où bien des habitants de Toronto ne s'attendraient pas à les voir chasser, mais ils sont là et j'admets que c'est normal.

Je devine déjà ce qui va arriver; cela risque de devenir un problème plus grave si l'affaire prend des proportions trop grandes. S'inquiète-t-on que cela ne pose un véritable problème par rapport aux chasseurs qui se trouvent dans la région et qui auront l'impression qu'on les empêche de jouir de leurs droits ancestraux?

Le grand chef suppléant Sydney Garrioch: Le chef Bussidor a expliqué les questions issues des traités: l'utilisation traditionnelle, la chasse et les ressources, et la limite au nord du 60e. Les anciens se sont réunis pour examiner ce problème lié à l'Accord. Nous essayons de déterminer à qui appartient la terre. La Nation dénée du Manitoba se sent exclue du processus car elle a l'impression qu'on ne répond pas à ses problèmes dans la loi. Un processus est prévu dans le projet de loi C-57.

Nous voulons que le Comité permanent tienne compte de nos arguments dans le processus de modification de telle sorte qu'on puisse donner le suivi voulu à ces questions, qu'il n'y ait aucun conflit ou affrontement au sujet de la frontière entre ces deux régions du Canada que l'on crée. Voilà pourquoi nous voulons étendre ce processus et parer également à ces circonstances, de telle sorte que rien ne nous divisera à l'avenir. Voilà pourquoi nous avons fait valoir ces arguments devant le Comité permanent.

La présidente: Merci.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, madame la présidente.

Vous ne serez pas du tout surpris si je m'écarte un peu du sujet, mais je crois que c'est important. Je suis de plus en plus préoccupé par le nombre de documents que le comité accepte dans une seule langue officielle. Je crois qu'il appartient au greffier d'informer les délégations que les documents doivent être soumis dans les deux langues officielles, et je crois que le gouvernement en facilitera la traduction, n'est-ce pas?

• 1715

Mais on semble loin du compte. Et je vais vous dire—et j'emploie le terme en connaissance de cause—qu'à titre de Canadien unilingue, je commence à me sentir offensé du fait qu'on emploie qu'une seule langue, et quelle qu'elle soit, ceux qui ne la parlent pas sont obligés d'accepter cet état de chose. Et je pense que c'est mal. Je vais vous dire franchement qu'à compter de maintenant, à chaque comité où je siégerai, si l'on présente un texte dans une seule langue officielle, je quitterai ce comité.

La présidente: Merci, monsieur Grose.

Nos autres collègues ont-ils des questions? Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Pardonnez-moi, madame la présidente, si cette question a été posée en mon absence parce que j'ai dû aller faire quelques appels téléphoniques.

Ma question s'adresse à Mme Dewar. Elle a fait un excellent exposé sur l'état des droits de la femme dans tout ce processus. Et comme je l'ai dit, pardonnez-moi si vous avez déjà répondu à cette question.

Ne croyez-vous pas qu'il y a eu des consultations suffisantes et que le point de vue des femmes... comme vous l'avez dit à la fin de votre exposé, vous ne croyez pas que c'est un point de vue strictement féminin parce que les questions féminines sont également des questions familiales. Ce n'est pas une question féminine; c'est une question familiale. Ne croyez-vous pas qu'on a procédé à des consultations suffisantes pour prendre en compte ce point de vue lorsque le projet de loi était rédigé? C'est ce que j'ai retenu de votre exposé, je dois l'admettre.

Mme Veronica Dewar: Oui, c'est exact. Souvent, lorsqu'on entreprend d'élaborer des politiques et de prendre des décisions, les femmes inuites sont oubliées...

Mme Eleni Bakopanos: Si l'on me permet de clarifier ma pensée, si l'on établit un système de justice qui est censé être plus sensible et être façonné par les gens eux-mêmes, les femmes ne finiront-elles pas par contribuer au façonnement du système de justice étant donné qu'il aura un caractère communautaire, et étant donné le fait, ne serait-ce que pour ça, que la majorité de la population est féminine? C'est l'essentiel de ce que nous essayons de faire pour le gouvernement.

Mme Veronica Dewar: C'est peut-être ce qu'il vous semble. Mais du point de vue des localités, si vous examinez surtout les organisations, les conseils de hameau et les autres organisations, ce sont surtout des hommes qui sont aux commandes. Et les femmes sont souvent exclues dans les localités. Pour cette raison, j'étais très heureuse de pouvoir vous signaler cet état de chose. Il faut que les femmes soient incluses dans les consultations à tous les niveaux.

Mme Eleni Bakopanos: J'aimerais aussi vous faire une suggestion. Excusez-moi, la sonnerie...

La présidente: On nous dit qu'il ne nous reste plus que 10 minutes.

Mme Eleni Bakopanos: Étant donné qu'on aura besoin d'un plus grand nombre de juges de paix pour administrer ce genre de système, je vous recommande fortement d'exercer des pressions pour faire nommer plus de femmes aux postes de juge de paix, si vous croyez que c'est à ce niveau qu'il y aura plus de lacunes dans l'établissement dans ce système. Et vous devriez encourager les jeunes femmes à s'initier aux questions relatives à la loi et à l'ordre afin qu'elles puissent faire partie du système un jour.

Quoi qu'il en soit, je vais m'arrêter là. Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, madame Bakopanos.

La sonnerie signifie que nous devons nous rendre à la Chambre pour voter sur certains projets de loi.

Je tiens à vous remercier tous d'être venus. Je sais que vous avez été regroupés d'une façon un peu étrange, peut-être, de votre perspective. Mais en ce qui nous concerne, cela a été fort utile et fort intéressant. Je vous remercie.

La séance est levée.