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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er décembre 1998

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): La séance est ouverte, et conformément à son mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité entreprend une étude concernant les frais de déglaçage et les frais d'autres services maritimes.

Nous accueillons ce matin d'importantes délégations, et j'aimerais vous rappeler à tous, d'entrée de jeu, que nous avons deux heures à notre disposition. Nous voulons entendre vos points de vue, et comme il y a certaines choses que nous voulons préciser de notre côté, nous prévoyons une période de questions et de réponses.

Comme je compte m'occuper de ceux qui sont de ce côté-ci de la table, puis-je demander à M. Dufresne de s'occuper de son coin de table et de tenir compte du facteur temps? Bienvenu à tous. Je ne sais pas qui prendra la parole. J'imagine que vous essayez de vous organiser entre vous, et vous pouvez utiliser votre temps de parole comme bon vous semble.

Je répète que nous avons deux heures devant nous, mais veiller nous réserver du temps pour la période de questions.

M. Guy Dufresne (président, Québec Cartier Mining; président, Coalition maritime industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Merci, monsieur le président. Si cela convient à tous, nous ferons comme suit: je vais d'abord brosser un tableau général en guise d'introduction. Puis, M. Smith vous expliquera plus en détail la nature du problème. Ensuite, nous demanderons à chacun des transporteurs de vous exposer leurs problèmes spécifiques en cinq minutes, et nous demanderons la même chose aux expéditeurs.

Puis-je d'abord vous présenter notre groupe? Il s'agit de M. Guy Genois, expéditeur, de la Canadian Salt; de M. Bryan Wilson, transporteur, de la Lower St. Lawrence Ocean Agencies; de Paul Gourdeau, transporteur de la Fednav; de moi-même, qui suis également expéditeur, de la Quebec Cartier Mining; de Doug Smith, président de la Chambre de commerce maritime, qui appartient également à diverses autres associations.

Don Morrison représente l'Association des armateurs canadiens. Vous voyez que plusieurs associations sont représentées ici ce matin. Frank Nichols représente quant à la lui la fédération; Marc Gagnon, de la SODES, représente beaucoup de gens; Wayne Smith est un transporteur et représente la Seaway Self Unloaders; Jack Ross représente Algoma Steel et Michel Desbiens la Donohue.

• 0910

Laissez-moi d'abord vous expliquer le problème. Lorsqu'un navire arrive au Canada, en naviguant le long du Saint-Laurent et de la voie maritime et aboutit à Toronto ou à Windsor, il doit payer 10 fois plus en frais, au cours des mois d'hiver, que s'il allait sur la côte Ouest. Si le même navire naviguait le long de la voie maritime du Saint-Laurent jusqu'à un port américain, il n'aurait rien à payer.

Dans ce cas, comment rester compétitif? Le problème en est un effectivement de compétitivité pour les entreprises canadiennes. Lorsque j'ai rencontré les représentants du gouvernement et les ministres, ils m'ont dit que l'introduction des frais d'utilisation devait servir à deux choses: d'abord, à permettre à l'industrie de rester compétitive; et ensuite, à permettre au gouvernement de réduire ses coûts.

La proposition visant à imposer des frais de déglaçage ne permet pas à notre industrie de rester compétitive. Nous allons vous donner des exemples à l'échelle internationale. Il est très difficile pour les entreprises canadiennes de rester compétitives, lorsque les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous.

Que je sache, c'est la première fois—et je suis depuis 30 ans dans le métier—que toutes les entreprises canadiennes de Terre-Neuve à Vancouver sont unanimes à dire au gouvernement que l'imposition de frais d'utilisation devrait se faire différemment. Lorsqu'on a commencé par imposer les aides à la navigation, le tout a été réglé sans qu'il y ait inter-financement, et nous avons réussi à tenir le coup. Ce n'est pas ce que nous aurions préféré, mais les niveaux imposés étaient au moins acceptables.

Mais lorsque l'on a voulu nous imposer en plus des frais de déglaçage, on a refusé de suivre le même principe—à savoir, pas d'inter-financement—ni voulu appliquer une autre méthode qui serait plus facile à amortir par notre industrie. Imaginez un peu: 10 p. 100 de tous les navires qui livrent la marchandise au Canada pendant les mois d'hiver devront assumer 45 p. 100 de tous les frais. C'est inadmissible! Je vous expliquerai un peu plus tard mon cas personnel, et je vous parlerai d'un port toute saison comme celui de Vancouver et de l'une des 5 000 bouées dont nous n'avons pas besoin. Pourtant, j'ai la facture la plus élevée qui soit au Canada. Un port privé...

Comment, dans ce cas, rester compétitif? Voilà la question. Comment faire, face à d'autres pays qui n'ont pas les mêmes coûts à absorber? La Finlande a bien essayé d'imposer des frais de déglaçage, mais a dû faire marche arrière.

Comment réussir à maintenir la concurrence quand on fait face au départ à des désavantages naturels. Dans mon cas, ce désavantage naturel est le suivant: pour le minerai, deux tonnes d'ici en valent une tonne du Brésil, ou d'Australie... Autrement dit, je dois creuser deux fois plus. Les salaires au Brésil sont le tiers des nôtres. Cela aussi, c'est toute une concurrence. En plus, il existe un prix mondial. En plus, je vais désormais payer 10 fois plus que celui qui décharge ces produits sur la côte Ouest.

Voilà certains des facteurs qui nous rendent non concurrentiels. C'est cela qui importe. Nous y reviendrons.

Autre chose, maintenant. En ce qui me concerne, la Garde côtière n'a pas consulté l'industrie comme il se doit.

• 0915

Bien sûr, on nous a peut-être appelés, la Garde côtière a peut-être organisé des séances publiques d'information, mais on ne peut pas vraiment parler de partenariat avec le gouvernement actuel du genre de celui que l'on a vu se développer pour d'autres projets dans d'autres domaines. Nous avons déjà formé des alliances fructueuses avec le gouvernement, mais ce n'est certainement pas le cas aujourd'hui.

Cela dit, je cède maintenant la parole à Doug Smith.

M. Doug Smith (président, Chambre de commerce maritime; représentant, Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Merci, monsieur Dufresne.

Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, vous avez entendu M. Dufresne vous expliquer avec passion ce que pense notre industrie du système de recouvrement des coûts de la Garde côtière et, particulièrement des frais de déglaçage. Et pourtant, cette même Garde côtière est venue vous expliquer qu'elle avait amplement consulté l'industrie et que sa proposition reflétait bien notre point de vue. Vous devez vous demander pourquoi nous sommes aussi préoccupés et frustrés aujourd'hui, alors que, à entendre la Garde côtière, tout baigne, qu'elle a eu toutes sortes de pourparlers avec nous et qu'elle met en oeuvre ce que nous lui aurions demandé.

J'essaierai de vous démontrer aujourd'hui à quel point la Garde côtière est sélective dans l'information qu'elle choisit et dans l'information qu'elle transmet au conseil des ministres et peut-être au ministre lui-même, pour ce qui est de ce que nous lui aurions dit comme industrie et ce qu'elle aurait choisi comme solution. Il ne s'agit pas de jouer toute la journée à qui a dit quoi, mais j'ai quelques exemples à vous fournir qui démontrent clairement que la version de la Garde côtière diffère amplement de notre version à nous.

Comme vous le signalait M. Dufresne, je préside la Chambre de commerce maritime. Il vous a présenté certains de mes associés qui nous accompagnent aujourd'hui. Je vous parle ce matin au nom de toutes ces diverses associations.

Dans un souci d'instaurer un régime de recouvrement des coûts, la Garde côtière a rencontré notre industrie pendant ces quatre dernières années pour discuter des grands enjeux. Ces rencontres ont eu lieu principalement sous l'égide du Conseil consultatif du transport maritime, à l'échelle nationale, et, à l'échelle régionale, sous l'égide des conseils consultatifs régionaux. Toutes les associations qui nous accompagnent aujourd'hui étaient représentées à ces divers conseils consultatifs pendant ces trois ou quatre dernières années.

Nous nous intéressons peut-être aujourd'hui aux Grands Lacs et au Saint-Laurent, mais certains de nos collègues de la Colombie-Britannique, des Maritimes et de Terre-Neuve on également pris part aux consultations. Il est intéressant de noter qu'il y a un an, presque jour pour jour, nous avons tous signé à l'unanimité un rapport destiné au commissaire de la Garde côtière et au ministre, rapport, qui portait sur le régime de recouvrement des coûts et qui énonçait nos propositions. La Garde côtière a choisi de ne pas en tenir compte.

Or, à notre avis, le Conseil consultatif du transport maritime était censé se pencher sur les niveaux de service, la façon dont le service serait dispensé, les services nécessaires, de quelle façon il était possible d'améliorer les procédés de la Garde côtière et la façon d'utiliser de nouvelles techniques au Canada pour que nous soyons plus concurrentiels.

Malheureusement, ce même conseil consultatif s'est presque entièrement attardé à la question de recouvrement des coûts. Nous nous demandions comment cela se ferait et combien la Garde côtière espérait recueillir; dans le régime proposé, il n'y a jamais eu correspondance entre le coût du service et les frais imposés, c'est-à-dire aucune correspondance directe entre le service fourni et les frais exigés.

À notre avis, la Garde côtière, obnubilée par cet objectif de recettes, peu importe le montant, n'a jamais tenu compte de nos propositions qui auraient pu lui faire modifier ces objectifs et elle a utilisé de façon sélective nos propositions, de façon à atteindre l'objectif de recettes. Peut-être que le gouvernement ne lui a laissé aucune marge de manoeuvre, qu'il a fixé l'objectif et que la Garde côtière est coincée, mais peu importe la raison, le résultat est le même: nous nous sentons obligés de présenter nos doléances à votre comité et au conseil des ministres. Nous n'avons pas réussi à faire comprendre quoi que ce soit à la Garde côtière, ni à lui faire comprendre que l'argent qu'elle essaie de percevoir ainsi nous enlève toute possibilité de rester concurrentiels.

Voilà les obstacles majeurs auxquels nous continuons toujours à nous heurter. Permettez-moi de vous rappeler que notre secteur a déjà comparu devant votre comité il y a de cela deux ans et demi, dans le cadre d'une série prolongée d'audiences sur le recouvrement des coûts. Le comité avait à l'époque fait des recommandations sur le recouvrement des coûts et la Garde côtière. Or, la grande majorité de ces recommandations n'ont jamais été appliquées.

• 0920

Nous avions recommandé notamment que notre industrie et la Garde côtière vous fassent rapport sur les progrès effectués sur le recouvrement des coûts. Nous voilà à nouveau devant vous, deux ans et demi plus tard. Il aurait fallu que nous venions beaucoup plus tôt.

Ce que vos prédécesseurs ont recommandé n'a pas été pris en considération. On continue à se demander quels services sont nécessaires et lesquels sont fournis, combien ils coûtent et combien ils devraient coûter, et quel est l'effet qu'aura l'imposition de ces frais. Les frais devraient-ils être fondés sur le prix de revient intégral ou sur le coût direct de la fourniture du service? Quelle devrait être la tarification du déglaçage? La Garde côtière fait-elle vraiment un effort pour réduire ses coûts?

Nous reprenons en détail la plupart de ces grandes questions dans la lettre que nous avons adressée au ministre et dont vous avez copie, mais je voudrais vous expliquer le contexte dans lequel nous plaçons trois ou quatre de ces grands enjeux.

En premier lieu, j'aimerais vous parler un peu plus de l'opposition entre les coûts directs et le prix de revient intégral. La méthode du coût intégral du service a posé problème pour notre industrie, dès le début du programme de recouvrement des coûts. Pourquoi? Parce que les coûts incluent les frais généraux du ministère des Pêches et Océans situé à Ottawa, les frais généraux des bureaux de la Garde côtière à Ottawa, de même que le coût habituel de l'amortissement et des intérêts versés pour des actifs acquis il y a plusieurs années à des prix parfois exorbitants, et je pense à la réfection controversée du brise-glace Louis Saint-Laurent qui a coûté 150 millions de dollars. Ces coûts sont inclus aux frais que nous devons assumer.

Nous nous inquiétons de ce que la Garde côtière a trop de marins à bord, et offre ses services non seulement aux navires commerciaux mais aussi aux pêcheurs ou aux bateaux de plaisance, et qu'elle effectue toutes sortes de tâches pour le bien public, ce qui a pour conséquence qu'elle doit répartir ses frais, et notre industrie n'a jamais été satisfaite de la façon dont elle les répartissait.

Nous nous sommes donc entendus au cours des derniers 18 mois, à savoir que la méthode du coût direct conviendrait beaucoup mieux au calcul des coûts de la Garde côtière. D'ailleurs, la Garde côtière était d'accord avec nous là-dessus. Nous avons donc mis sur pied un Sous-comité du Conseil consultatif du transport maritime qui devait se pencher sur la méthode d'établissement du coût direct.

Or, l'établissement du coût direct devrait, aux yeux du gouvernement et de la Garde côtière, permettre aux usagers de réfléchir à la façon dont ils utilisent ce service et les inciter à être raisonnables. Si la méthode utilisée n'est pas celle du coût direct et si nous décidons de ne pas utiliser tel ou tel service, cela ne donne rien; en effet, le seul coût que puisse défalquer la Garde côtière, c'est le coût direct, et c'est pour cela qu'il doit y avoir concordance entre les deux.

Quoi qu'il en soit, un Comité du CCTM recommandait que le calcul des coûts se fasse en fonction des coûts directs. Mais la Garde côtière, rejetant cette recommandation, a décidé de revenir à la méthode du coût intégral. Nous craignons que cela l'incite à tenter de nous soutirer plus d'argent.

L'enjeu le plus important—et sur lequel la Garde côtière et notre industrie ne s'entendent pas—ce sont les frais de déglaçage. D'après ce que la Garde côtière vous aurait dit, à vous, au ministre et au cabinet, la méthode d'imposition de frais de déglaçage qu'elle met en oeuvre—et qui définit une région et des frais de transit—est celle que notre industrie a recommandée. C'est faux! Nous n'avons jamais recommandé cela et cela illustre bien le choix sélectif qu'a fait la Garde côtière de l'information que nous lui avons donnée.

Deux grands rapports sur le déglaçage ont été soumis à la Garde côtière et au gouvernement. Le premier était celui du Sous-comité du conseil consultatif sur le transport maritime, Sous-comité que nous avons appelé le Comité de tarification de l'assistance aux voies navigables glacées. Je cite ce rapport:

    Bon nombre des membres du Comité de tarification de l'assistance aux voies navigables glacées représentent des associations qui sont farouchement opposés à l'imposition de quelque forme de frais de déglaçage que ce soit au Canada. Leur participation au comité et à l'élaboration d'une tarification à recommander ne doit pas être considérée comme un appui à l'imposition de frais de déglaçage; au contraire, cela doit être considéré comme un souci de conseiller la Garde côtière canadienne. En effet, si, après avoir étudié à fond les conséquences que pourrait avoir l'imposition éventuelle de frais de déglaçage facturés au service, la Garde côtière décidait de les mettre en vigueur, elle devrait le faire en tenant compte des recommandations proposées dans ce rapport.

Plus loin, on explique que le rapport

    ne se demande pas si le régime de recouvrement des coûts devrait s'appliquer au déglaçage, ni quel pourcentage des coûts devrait être recouvré, ni même quand le recouvrement des coûts devrait entrer en vigueur.

Le sous-comité explique ensuite que le rapport ne cherchait pas à déterminer quel effet pourrait avoir sur le transport maritime un système de recouvrement des coûts de déglaçage, s'il était mis en vigueur. Le sous-comité recommande de plus que la tarification soit fondée sur les coûts directs.

• 0925

Plus loin, on met en lumière de façon spécifique une considération, et je cite:

    Le rapport signale que la prestation des services de déglaçage dans les Grands Lacs par les Gardes côtières canadienne et américaine s'accompagne de circonstances spéciales dont la Garde côtière doit tenir compte lors de la mise en oeuvre de sa tarification.

Or, rien de tout cela n'a été pris en considération. Vous-même n'avez pas été informés. Ce que nous disons, c'est que la recommandation que notre industrie a présentée au sujet des droits de passage a été considérée comme le moindre de deux maux. Autrement dit, nous étions contre, mais nous finirons bien par accepter les droits de passage.

Vous savez sans doute qu'il a déjà existé une coalition nationale de tous les groupes maritimes du Canada. Cette coalition a publié son rapport il y a un an, comme je l'ai déjà mentionné. Or, la Garde côtière affirme que le rapport recommandait de définir une région de déglaçage.

Voilà plutôt ce que nous avons dit. Nous avons recommandé de reconnaître au moins deux régions de déglaçage: l'Ouest et l'Est. Pour l'est du Canada, notre industrie et la Garde côtière devrait collaborer pour élaborer une définition des régions ainsi qu'une méthode de tarification qui conviendra à tous. Aucun frais de déglaçage ne serait imposé pendant que cet accord s'appliquerait, soit de 1998 à 2001. Enfin, la région de l'Ouest ne serait pas assujettie aux frais de déglaçage.

Le rapport poursuit ainsi:

    Les discussions se poursuivront entre les usagers du service de l'Est du Canada et la Garde côtière pour décider si l'Est du Canada doit continuer à être considéré comme une seule région ou être divisé en plusieurs sous-régions. Dans l'affirmative, il faudra des définitions précises.

Je continue ma lecture du rapport:

    Le recouvrement des coûts de déglaçage est une question extrêmement complexe à cause de l'incidence qu'il peut avoir sur les régions à faible volume et parce que certaines régions, certaines zones, certains ports et certains navires seraient exemptés. Cette situation est cause de conflits et, parfois, de difficultés insurmontables. Certaines conséquences pourraient être catastrophiques et rendre le système de recouvrement des coûts impossible à gérer.

À nos yeux, ni l'un ni l'autre de ces rapports ne constituent une acceptation des frais de déglaçage que propose la Garde côtière, et on ne peut certainement pas dire que notre industrie ait jamais recommandé d'entériner la tarification proposée par la Garde côtière.

Notre lettre au ministre expliquait que l'une des difficultés, c'était notamment de s'entendre sur le nombre de services qui seraient fournis et sur ce qui était nécessaire.

Un comité du Conseil consultatif du transport maritime s'est justement penché sur les services qui étaient fournis. Nous avons identifié des services de déglaçage dont avait besoin notre industrie et nous les avons chiffrés, en utilisant la méthode de la Garde côtière. Notre chiffre a été établi à 46 millions de dollars. Nous avons également expliqué que si la méthode se fondait sur le coût direct, le montant serait bien moindre que 46 millions de dollars. Or, la Garde côtière vous a dit, pour sa part, qu'elle chiffrait à 76 millions de dollars le coût des services qu'elle dispensait aux navires commerciaux et que c'était la raison pour laquelle elle ne tentait de percevoir que 13 millions de dollars, quitte à laisser le contribuable assumer le reste de la note.

Nous, nous avons calculé que les coûts seraient bien moindres que ce qu'affirme la Garde côtière. Nous n'acceptons pas la façon dont elle répartit les services qu'elle prétend nous rendre, et nous n'acceptons pas non plus les coûts qu'elle estime appropriés.

Nous n'arrêtons pas d'expliquer à la Garde côtière que toute tarification doit tenir compte de tous les effets d'ordre économique que peuvent avoir des frais imposés. Dans notre lettre au ministre, nous mentionnons que, de l'avis même de la Garde côtière, les frais de déglaçage entraîneront une chute de 10 p. 100 du trafic maritime. Nous avons chiffré cette baisse de trafic à 20 millions de dollars perdus pour l'économie canadienne. Cette perte pour l'économie dépasse de loin les frais que la Garde côtière est censée recouvrer. Voilà le critère fondamental en regard duquel il faut juger les frais.

En dernier lieu, j'aimerais aborder rapidement l'incidence que pourront avoir les frais. Nos membres voudront sans doute vous en parler.

Nous n'avons cessé de répéter à la Garde côtière que ces frais nuiront énormément à notre compétitivité. La Garde côtière nous a expliqué pour sa part, qu'elle a effectué une étude approfondie des conséquences, connue chez nous sous le nom d'étude Hickling. D'après l'étude, les conséquences ne seraient pas trop graves. Toutefois, l'étude Hickling ne s'est pas demandé ce qu'il adviendrait lorsque 10 p. 100 des marchandises transportées devraient assumer 45 p. 100 de tous les frais. L'étude a réparti les frais sur la totalité des cargaisons et a donc conclu que les répercussions ne se feraient pas trop sentir.

Depuis, en dépit des objections réitérées par notre industrie, la Garde côtière ne cessait de répéter que la seule façon de mesurer véritablement les répercussions de ces frais, serait de se demander si certaines entreprises seraient obligées de fermer. Nous considérons, pour notre part, que ce n'est pas là une façon de raisonner, puisque c'est le pire des scénarios. Ce qui compte, c'est de se demander si l'imposition des frais nuira à la compétitivité de notre industrie, à notre marge de profit et au nombre d'emplois que nous assurons. Or, ces facteurs n'ont pas été mesurés.

• 0930

Vous savez que le Conseil du Trésor entend mener une étude triennale de l'incidence globale que pourront avoir non seulement les frais imposés par la Garde côtière mais tous les autres frais que nous devons assumer dans le transport maritime. Nous avons évalué, quant à nous, la totalité de ces frais à quelque 400 millions de dollars. Ce montant inclut les frais de la Garde côtière, mais cela va bien au-delà: et c'est justement ce que nous essayons de faire comprendre au gouvernement, à savoir que tout doit être pris en considération.

Il y aura donc une étude qui déterminera l'effet qu'auront conjointement tous ces frais. Malheureusement, il faudra trois ans pour en attendre les résultats. C'est une bien maigre consolation pour une industrie qui devra réduire ses activités et qui perdra des contrats au profit de ses concurrents américains, ou du rail. Si l'étude d'impact devait conclure que ce serait effectivement l'un des effets pervers de l'imposition de ces frais, que cela n'est pas souhaitable...

Si nous avons proposé au gouvernement de réduire ses frais, de les imposer progressivement et de travailler en partenariat avec nous, c'est pour permettre à cette étude d'impact d'évaluer toute la portée de la mesure et nous permettre de voir comment le Canada pourra s'adapter du point de vue de sa compétitivité.

Je vous remercie de votre attention. Nous avons fait au gouvernement ce qui nous semble être une proposition constructive, et je crois que M. Dufresne y reviendra en détail à la fin de nos interventions respectives.

Merci.

M. Guy Dufresne: Je remercie Doug Smith.

Je demanderai maintenant à Wayne Smith, qui est un transporteur, de nous donner des exemples précis.

M. Wayne Smith (vice-président et directeur général, Seaway Self Unloaders; représentant, Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Merci beaucoup.

Nous exploitons commercialement une flotte de 21 navires auto-déchargeurs qui naviguent sur les Grands Lacs et sur le fleuve Saint-Laurent. Nous sommes entre les mains de deux associés, la Société Algoma Central et le groupe maritime Upper Lakes, les deux plus grands transporteurs battant pavillon canadien.

L'année dernière, nous avons transporté plus de 30 millions de tonnes de denrées en vrac et desservi toute une gamme d'industries importantes, telles que les aciéries, les salines, les fabricants de produits agglomérés de pierre, et les houillères desservant les services publics d'électricité. Nous avons transporté d'autres denrées, agricoles par exemple.

Je voudrais aujourd'hui cerner trois de nos grandes préoccupations. En premier lieu, j'aimerais vous expliquer à quel point l'imposition de frais de déglaçage aura de très graves conséquences économiques pour notre marché et pour notre entreprise. En second lieu, j'aimerais vous expliquer pourquoi l'imposition des frais sera discriminatoire à l'égard des expéditeurs des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Enfin, j'aimerais discuter de façon spécifique de l'application des frais.

Peu importe la façon dont on envisage la question, l'imposition des frais de déglaçage aura des répercussions majeures.

Les frais de services maritimes imposés en 1996 dépassent actuellement légèrement les 26 millions de dollars. Les frais de déglaçage feront augmenter ce montant de la moitié. Le fait que les frais de déglaçage ne concerneront que 10 p. 100 à 15 p. 100 de notre secteur ne fait qu'exacerber ce problème. Nous avons essayé de traduire tous ces facteurs en chiffres, et nous avons évalué l'impact à 50 cents par tonne, pour les entreprises de notre secteur et pour les vraquiers des Grands Lacs. Or, 50 cents de plus par tonne, cela fait 10 fois les frais de services maritimes imposés jusqu'à maintenant.

C'est énorme! Laissez-moi vous expliquer ce que représentent 50 cents par tonne. Nous perdons ou gagnons souvent des contrats sur une différence de quelques sous à peine par tonne. La Garde côtière elle-même, dans l'étude de Hickling, faisait un calcul global, et expliquait que d'ajouter 5 cents la tonne au coût pouvait signifier une perte commerciale, et c'est pourquoi elle imposait un plafond. Nous croyons que les répercussions sur les coûts que pourrait avoir une augmentation de 50 cents la tonne n'a jamais été suffisamment évaluée, alors qu'elle pourrait être catastrophique.

Pour avoir parlé à chacun des expéditeurs qui ont toujours fait affaire avec le service de transport maritime au cours de la saison que l'on considère comme la saison des glaces, nous avons constaté que chacun d'entre eux envisage désormais de nouvelles façons de faire pour éviter ces coûts. Or, certains ne pourront les éviter à cause du facteur temps. Ceux qui pourront les éviter cesseront d'expédier leurs marchandises à ce moment-là ou choisiront d'autres modes de transport. Ceux qui n'ont pas le choix auront à assumer un fardeau financier énorme, ce qui pose le problème de l'équité.

Pour vous donner une idée de l'importance de ce secteur d'activités, l'année dernière, à cette saison-ci, la flotte de la Seaway Self Unloaders de la voie maritime a exploité ses navires pour un total de 540 jours, ce qui représente près de 15 p. 100 de nos activités.

• 0935

Maintenant, si ce secteur est perdu au complet, c'est l'équivalent d'une perte de volume correspondant à deux navires et demie. C'est beaucoup.

Ces dernières années, nous avons vu l'économie croître et se renforcer, surtout du côté des producteurs de sel, de graviers et d'acier. Ils ont réussi à prendre de l'expansion. Notre capacité de fournir un moyen de transport bon marché, efficace, respectueux de l'environnement à ces clients a été absolument essentielle à cette croissance. Depuis trois ans, nous avons transformé nos navires anciens en les dotant de dispositifs modernes d'auto-déchargement. Nous avons aussi ajouté quatre navires. Si les frais de brise-glace ont pour résultat de nous faire perdre l'équivalent de deux navires, c'est comme si l'on nous imposait une taxe de 50 p. 100.

Je veux maintenant aborder la question de la discrimination contre les expéditeurs des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Je suppose que l'on peut envisager la question sous plusieurs angles et je suis certain que les autres témoins auront leurs propres points de vue là-dessus.

Nous avons fait nos calculs pour ce qui est de la disponibilité de brise-glaces canadiens dans la région des Grands Lacs. Nous avons pris en compte le chiffre annoncé par la garde côtière comme étant l'objectif de recouvrement des coûts. Si cet objectif était bel et bien un objectif et était appliqué équitablement à nos activités dans les Grands Lacs, les frais qu'on nous ferait payer seraient moins de la moitié de ce que l'on prévoit nous faire payer—dans le cas de ma compagnie, c'est plus d'un million de dollars. Il est évident qu'il y a ici un problème: les expéditeurs de certaines régions sont pénalisés tandis que d'autres sont avantagés.

Il est très important, dans le cas des Grands Lacs, de tenir compte d'un traité conclu entre le Canada et les États-Unis au sujet des brise-glaces. Aux termes de ce traité, les gardes côtières canadienne et américaine travaillent ensemble pour optimiser le déploiement de leurs navires. Habituellement, la garde côtière canadienne stationne un brise-glace dans la région des Grands Lacs en hiver, parfois deux, au début et à la fin de la saison. La garde côtière des États-Unis en déploie cinq ou six.

Ces brise-glaces répondent ensuite aux besoins commerciaux en fonction de ce plan optimal. En fait, ce qui se passe, c'est que les bateaux canadiens ou les expéditeurs canadiens sont très souvent servis par la garde côtière des États-Unis et je pense que c'est évident: ils ont quatre ou cinq fois plus de navires dans la région que la garde côtière canadienne. Et la garde côtière canadienne sert très souvent des navires américains.

Selon les termes du régime proposé, nous pourrions désormais avoir un brise-glace canadien qui vient en aide à un navire américain transportant des marchandises américaines vers une aciérie américaine, ou bien du sel produit aux États-Unis vers des marchés américains, et ce service serait assuré gratuitement. De même, la garde côtière des États-Unis pourrait venir en aide à un navire canadien et à un expéditeur canadien. Ou bien, comme c'est très souvent le cas, il pourrait n'y avoir aucun service et le transporteur ou expéditeur canadien devrait alors payer des frais de déglaçage.

Il est évident qu'il est très frustrant pour nous que la politique canadienne puisse déboucher sur un tel résultat. Nous verrons tout à l'heure des exemples précis de pertes qui peuvent être subies. Je ne veux pas anticiper, mais il est tout à fait possible que des expéditeurs américains transportant du minerai de fer vers des aciéries américaines reçoivent le service gratuitement, alors que des compagnies canadiennes concurrentes, des transporteurs canadiens concurrents, devront payer des droits.

Je pense qu'il est particulièrement important que le comité et le gouvernement tiennent compte du fait que le gouvernement des États-Unis a également longuement réfléchi à cette question, qui est parfois très controversée aux États-Unis. Le gouvernement américain a décidé de ne pas facturer de droits de service à la navigation semblables aux nôtres, et a légiféré en ce sens, de sorte qu'il n'y aura aucun frais de brise-glace avant le 30 septembre 2001. Nous trouvons que c'est très important. Cela établit clairement les règles du jeu pour la concurrence et cela donne un très net avantage aux compagnies américaines. Si nous appliquons nos droits de déglaçage, ce sera un bouleversement majeur.

Le dernier point que je veux aborder est celui de la mise en application des droits. Il nous paraît clair que la période choisie, soit du 21 décembre au 14 avril, a été établie de manière à encaisser la recette escomptée. Cela n'a rien à voir avec la présence ou l'absence de glace sur les plans d'eau.

• 0940

L'année dernière, il y a eu plus de 500 jours navigués en l'absence de glace parce que l'hiver a été doux. Quand l'hiver est rigoureux, l'activité commerciale et maritime décline rapidement à cause de la présence de glace.

Dans mon esprit, ces dates ont été fixées uniquement pour obtenir la recette visée. D'habitude, la navigation sur les Grands Lacs est fonction de la saison de la voie maritime, qui va à peu près de la fin mars, ou début avril, jusqu'à Noël. En fixant une saison théorique allant du 15 avril au 21 décembre, la garde côtière ébranle toute l'infrastructure qui a été mise en place—la capacité de transport maritime, les docks, la capacité de production des mines de sel et de minerai de fer, les compagnies sidérurgiques—à cause de cette énorme taxe qui vient s'ajouter à tout ce qui a été établi.

Nous sommes convaincus que cette proposition de droits de déglaçage comporte de sérieuses lacunes et aura d'importantes répercussions, non seulement sur les compagnies maritimes, mais aussi sur les expéditeurs. Le régime proposé perturbera énormément les affaires, l'économie canadienne et le commerce et nous croyons que le gouvernement devrait revoir son projet.

Merci.

M. Guy Dufresne: Merci Wayne.

Nous entendrons maintenant Paul Gourdeau de Fednav.

M. Paul Gourdeau (vice-président, Fednav Limitée; représentant, Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

Un peu à l'instar de mon collègue M. Smith, je m'occupe aussi de l'exploitation d'une importante flotte de vraquiers, mais contrairement à la sienne, qui fait seulement du commerce intérieur, la nôtre a des activités exclusivement dans le domaine du commerce international.

Je voudrais revenir avec insistance sur un point soulevé tout à l'heure par M. Dufresne, à savoir que notre sphère d'activités est hautement compétitive. Elle est compétitive parce que la concurrence est féroce dans les domaines d'activités de nos clients. Ceux-ci doivent être compétitifs. Les pressions qu'ils subissent se répercutent sur nous. Pour vous donner un exemple, ces trois dernières années, les tarifs de transport maritime internationaux ont baissé d'environ 48 p. 100. Notre domaine d'activités est régi exclusivement par l'offre et la demande. C'est la concurrence qui dicte la loi. Quiconque n'est pas compétitif est voué à disparaître. C'est aussi simple que cela.

Voici maintenant un autre exemple. Le tarif maritime pour transporter le minerai de fer de M. Dufresne de Port-Cartier en Europe du Nord se situe actuellement à moins de 3 $ la tonne. Quand on parle d'imposer des droits qui représentent peut-être 50c., 40c. ou 75c. de plus par tonne, chacun pense «eh bien, 75c... J'ai trois fois 25 sous dans ma poche; une tonne à côté, c'est très lourd, alors de quoi se plaignent-ils». Mais si l'on ajoute 55c, à 3 $, on se rend vite compte qu'en termes de pourcentage, c'est énorme, surtout quand le volume est très important. Ce n'est pas négligeable.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les marchandises emprunteront toujours le chemin qui offre le moins de résistance. Autrement dit, le fret emprunte toujours l'itinéraire le meilleur marché. On peut en donner comme exemple le transport des céréales depuis les Grands Lacs ou le Saint-Laurent jusqu'au marché outre-mer. On peut faire passer ces céréales par la voie maritime ou les transporter par train, on peut les amener sur la côte Est ou sur la côte Ouest, on peut les garder chez nous et ne pas les vendre, ou bien on peut les expédier par le Mississipi, itinéraire qui fait vraiment concurrence au réseau du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Et c'est pour une question de quelques sous seulement que les céréales emprunteront un itinéraire ou l'autre. C'est extrêmement important.

En fait, vos collègues du ministère des Transports ont donné au juge Estey le mandat de faire une étude du transport des céréales et des exportations de céréales au Canada, d'examiner tout le réseau de transport des céréales au Canada. Et la Commission canadienne du blé, qui est un organisme gouvernemental et que l'on ne peut donc pas accuser de se livrer aux récriminations habituelles de l'industrie, a dit clairement dans son mémoire au juge Estey que l'imposition de ces droits aura pour résultat de détourner les marchandises, pour manutention et transport maritime, vers la côte Ouest, le Mississipi, le système américain et le rail, au détriment du Saint-Laurent et de la voie maritime. Ce n'est pas l'industrie qui l'affirme: c'est un organisme gouvernemental. Pourtant, personne ne semble s'en inquiéter. C'est extrêmement important.

• 0945

Je serai très bref, puisque mes collègues ont pris un peu plus de temps que prévu.

Des voix: Oh, oh.

M. Paul Gourdeau: Si vous permettez, je parlerai non comme représentant de Fednav, mais comme représentant du conseil consultatif sur la Garde côtière du Saint-Laurent. J'aurais quelques commentaires à faire sur la question d'inter-financement avant de conclure.

Le comité doit reconnaître qu'un système comportant deux poids deux mesures est très injuste pour les gens comme moi, qui dépendent du marché d'une région. Quand cette notion de recouvrement des coûts a été introduite il y a trois ans et demi ou quatre ans, au début de ce processus de consultation, tous ceux du système du Saint-Laurent et des Grands Lacs estimaient qu'il devrait y avoir un droit unique, pour tous les services de tout le pays. Le gouvernement n'aurait donc pas à intervenir, et ne pourrait pas privilégier une région au détriment de l'autre.

Ces recommandations n'ont pas été prises en compte. On a décidé de diviser les droits d'après les catégories de services utilisés—une série de droits pour les aides à la navigation, et une série de droits pour le déglaçage. À l'époque, on a prévenu la Garde côtière. Tel système lui causerait de graves problèmes au moment où il serait appliqué. Elle n'en a pas tenu compte.

Maintenant, nous avons donc un système de droits pour les aides à la navigation, qui doit calculer le coût exact par région. Ces coûts sont calculés de façon exacte pour qu'on nous facture 15,2c. la tonne, et non 15,3c. la tonne, pour qu'on soit exactement à un niveau de recouvrement de coûts de 29,4 p. 100. Mais quand on parle des droits de déglaçage, les régions disparaissent d'un coup.

Il y a deux sortes de régions: avec et sans glace. Que celui qui n'a pas de glace ne paye rien, on peut le comprendre; pourquoi devrait-il payer pour le déglaçage? Ce ne serait pas logique. Mais prenons le cas de celui qui a plus de glace, moins de trafic et plus de coûts—pourquoi paye-t-il les mêmes droits que celui qui a peu de glace? Quelle différence y a-t-il entre pas de glace et peu de glace, et entre peu de glace et beaucoup de glace? Ce système est tout à fait absurde.

Les représentants de la Garde côtière vous disent qu'ils ne peuvent pas connaître la répartition des coûts parce que la glace se déplace, les bateaux se déplacent et tout est très difficile. Ils disent toutes sortes de choses. Moi, j'ai quinze personnes dans mon service, et nous avons 82 bateaux qui opèrent aux quatre coins du monde. Mais à n'importe quel moment de n'importe quelle journée, je peux vous dire où se trouve chacun de ces bateaux, ce qu'il fait, le propriétaire de la cargaison, la valeur de celle-ci, sa destination, et ce qu'on planifie pour son prochain voyage.

Donc, si les gens vous disent qu'il est impossible de répartir les coûts parce que la glace et les bateaux se déplacent, il faut se demander si c'est une réponse franche.

Je n'ai rien d'autre à dire.

M. Guy Dufresne: Merci, Paul.

J'aimerais demander à Brian Wilson...

Le président: Bryan, avant que vous ne commenciez, permettez-moi de vous dire que nous avons un service d'interprétation. Si un témoin veut parler dans l'une ou l'autre langue officielle, il n'y a aucun problème. Le système fonctionne très bien.

Allez-y, Brian.

M. Bryan Wilson (vice-président, Lower St. Lawrence Ocean Agencies Ltd.; représentant, Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Merci beaucoup. J'essaierai d'utiliser les deux langues dans ma présentation. Il est vrai que je suis bilingue, mais ma langue maternelle est l'anglais. J'essaierai de parler en anglais et en français.

Monsieur le président, honorables députés, merci de nous avoir reçus aujourd'hui. J'aimerais souligner que je suis tout à fait d'accord avec les propos de mes collègues. J'essaierai de ne pas répéter ce qu'ils ont déjà dit.

Je représente la Lower St. Lawrence Ocean Agencies Limited, une agence maritime. Nous représentons des transporteurs et expéditeurs internationaux. Nous organisons à peu près 500 mouvements de navires différents par an, dont des transporteurs de 2 000 à 150 000 tonnes, des transporteurs de vrac, des transporteurs de vrac sec et liquide, et des bateaux de voyageurs. Nous représentons donc presque toute la gamme des navires de transport opérant dans la voie maritime du Saint-Laurent. Nous avons aussi des navires dans l'est du Canada, mais la plupart de nos navires sont dans la voie du Saint-Laurent.

Bien que nous soyons ici aujourd'hui pour parler des tarifs des brise-glaces, nous croyons ne pas pouvoir en discuter sans parler aussi de tous les autres tarifs qui rendent la vie difficile aux armateurs et aux expéditeurs. C'est tout le recouvrement des coûts des différents ministères du gouvernement qui a eu un impact très négatif sur l'industrie, l'élément brise-glace étant le plus onéreux en ce moment.

• 0950

Nous avons maintenant le recouvrement des coûts à Transports Canada pour la sécurité des navires, les gardiens de port, l'inspection des navires et l'inspection des ports. Depuis un certain temps, Agriculture Canada a aussi un plan de recouvrement des coûts à des niveaux raisonnables, mais ces niveaux ont été relevés. Maintenant pour Pêches et Océans, il y a trois niveaux de recouvrement des coûts. Nous avons de dragage du Saint-Laurent, les tarifs en matière des services de navigation et le nouveau tarif des brise-glaces.

[Français]

Avec la privatisation des ports canadiens, pour que ces ports deviennent viables, on sera obligé d'imposer des taxes municipales et de défrayer des coûts, et les frais portuaires seront sans doute augmentés dans ces ports d'un montant qu'on n'est pas en mesure d'évaluer en ce moment.

On parle aussi de coûts pour les organismes de réponse en cas de pollution par les vraquiers qui transportent des produits pétroliers. Ce sont des coûts énormes qui, dans certains cas, dépassent 1 $ la tonne de produit.

[Traduction]

Revenu Canada—Douanes et Accise envisage ou envisagera très bientôt de convertir Revenu Canada en agence et à ce moment-là ils pratiqueront le recouvrement intégral des coûts, cependant nous ne savons pas jusqu'à quel niveau. Pour une cargaison à partir de Trois-Rivières, le recouvrement des coûts était récemment de 51 cents de plus la tonne qu'il y a trois ans, pour le même volume de cargaison.

La facture de Transports Canada pour environ 16 heures de travail sur ce navire était de 4 500 $ par personne. Nous avons subi une inspection d'Agriculture Canada pour 800 $, un tarif qui a augmenté de 100 p. 100 au cours des trois dernières années. Pour revenir à l'inspection de Transports Canada, l'augmentation a été de plus de 300 p. 100 au cours des trois dernières années, depuis que ces inspections ne sont plus la responsabilité de la Garde côtière. Auparavant, c'était du ressort de la Garde côtière. Il y avait d'autres frais aussi. Les frais de services de navigation, soit de 15,2 cents, n'existaient pas auparavant. Il y a les frais de l'organisme sollicité.

Si on fait le total de tous ces frais, cela fait 51 cents de plus par tonne qu'il y a trois ans. Ceci ne tient pas compte de l'augmentation des frais de pilotage, tarifs portuaires, et autres choses. Il s'agit ici strictement de frais de recouvrement des coûts.

Contrairement à ce que nous pouvons entendre, il semble que les ports de Halifax et Saint-Jean arguent toujours de ce qu'il n'y a pas de glace dans les Maritimes. Je suis sûr que vous êtes parfaitement au courant et que nous n'avons pas à vous le redire ici, mais je crois qu'il faut quand même rappeler qu'il y a vraiment de la glace dans les Maritimes et dans les ports du Nouveau-Brunswick en particulier.

Entre parenthèses, on a posé une question concernant la Garde côtière de Halifax. Certaines personnes ne sont pas d'accord avec le fait que nous allons payer, et que l'impact économique positif ira à des régions où il n'y a pas de glace. Il y a des questions qui ont été posées depuis plusieurs années, comme vous le savez sans doute, sur le déménagement de ces bases. Peut-être devraient-elles être déménagées dans une région où elles pourraient mieux desservir les zones où il y a bel et bien de la glace. À ce moment-là, tous ces droits versés et perçus profiteraient à la région, et à ceux qui payent.

Il y a un exemple, très récent, de l'impact possible de tous ces tarifs. La semaine dernière, on nous a appelés pour un contrat de transport de farine de poisson, d'Islande à la côte est des États-Unis. On voudrait que ça passe par le fleuve Saint-Laurent. À l'heure actuelle, nous sommes très concurrentiels, bien que ce soit très serré, les marges sont à quelques cents de différence. Si on ajoute les frais de brise-glaces à cela, nous perdons le contrat, on ne pourra tout simplement pas l'obtenir. Il ne s'agit là que d'un exemple parmi d'autres. Je suis convaincu qu'on pourrait trouver des exemples semblables partout, dans à peu près n'importe quel port du Saint-Laurent.

• 0955

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous devons payer 51 cents de plus qu'il y a trois ans en matière de recouvrement de coûts. Si nous tenons compte du coût du brise-glace qui, pour nos transporteurs, représente en moyenne à peu près 40 cents par tonne, ça nous fait un total de 91 cents par tonne en frais de recouvrement de coûts. Selon l'étude Hickling dont nous avons parlé tout à l'heure, un coût de 35 cents la tonne nuit au commerce canadien. Nous dépassons largement ce niveau et, jusqu'à présent, personne ne semble y trouver de problème sauf l'industrie.

Le tarif proposé en matière de brise-glace tient compte de transits multiples, et non du trajet global. Ils veulent imposer des frais chaque fois qu'un navire entre dans un port situé à l'intérieur de la zone. Pour ce qui est du commerce dans les petits ports le long du fleuve et dans le golfe du Saint-Laurent, ils ont essayé de regrouper les livraisons et d'employer le même transporteur pour de petites cargaisons. Les transporteurs qui desservent les petits ports sont très bien équipés pour les glaces. En vertu du tarif proposé, ils pourraient payer jusqu'à 20 000 $ par voyage pour le service de brise-glace.

Ça ne coûte pas plus cher en service de bise-glace si vous faites escale au port de Baie-Comeau à destination de Montréal, car le port de Baie-Comeau n'est pas pris par la glace. Le port de Pointe-au-Pic non plus. Donc, si vous y faites escale, ça ne coûte pas plus cher, mais la Garde côtière veut imposer un tarif supplémentaire à chaque fois que votre bateau jette l'ancre, quel que soit le type de navire que vous utilisez. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, il s'agit simplement d'un moyen pour parvenir à une fin. Cela ne dépend pas de l'utilisation réelle et cela aura un effet négatif.

C'est à peu près tout ce que je voulais vous dire. Je vais vous laisser le temps de poser des questions.

M. Guy Dufresne: Merci Bryan.

Je vais demander à Michel Desbiens, PDG de Donohue, de nous dire quelques mots.

[Français]

M. Michel Desbiens (président, Donohue, Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Je ne suis pas ici pour représenter l'industrie, mais plutôt Donohue et, par le fait même, les actionnaires de Donohue.

En 1997, l'industrie des pâtes et papiers a expédié durant la saison de déglaçage 1,2 million de tonnes à partir de l'est du Canada. Cela exclut le bois d'oeuvre et certains produits connexes à l'industrie. De ces 1,2 million de tonnes, 20 p. 100 venaient de Donohue, de trois ports, surtout du Saint-Laurent.

L'accès compétitif aux marchés outre-mer est crucial pour notre industrie, tout particulièrement pour certains endroits comme Baie-Comeau, Matane et Clermont. Ce sont des usines, comme vous le savez, qui ont un accès très limité au marché nord-américain.

J'aimerais parler tout particulièrement de Baie-Comeau. Comme Bryan l'a mentionné, c'est une usine qui supporte l'économie de la ville de Baie-Comeau et de la région. Baie-Comeau n'a pas la possibilité d'expédier ses produits autrement que par l'eau. On est trop éloignés pour le camionnage. Donc, on a deux modes de transport, mais tous les deux passent par l'eau. On a le rail, et il faut traverser par le traversier, et on a aussi l'océan.

On a développé un marché outre-mer. On est un des plus gros exportateurs de papier journal dans l'est du Canada pour les marchés outre-mer, tout particulièrement l'Europe. Pour cette raison, on a été capables de négocier des frais de transport maritime concurrentiels avec certains autres pays.

Baie-Comeau, Clermont et Matane ne peuvent pas se permettre de s'éloigner des marchés outre-mer, parce qu'ils sont trop éloignés des autres à cause du transport.

Les coûts additionnels, en 1997, variaient entre 3 $ et 7,50 $ la tonne pour nous pendant la période de déglaçage.

• 1000

On a fait l'exercice expédition par expédition. En 1997, cela représentait 430 000 $. En 1998, on a fait le même exercice et, pour les frais de déglaçage seulement, on arrivait à 3 000 $ près, soit 427 000 $.

À la fin de 1995 et au début de 1996, Donohue a investi 1,2 milliard de dollars pour acquérir des usines destinées à faire de l'exportation. On s'attendait à avoir cette installation, mais ça nous crée des problèmes présentement. On parle toujours du déglaçage, mais je crois que c'est plus important que ça. Pour vous donner un exemple, on a eu le quota sur le bois d'oeuvre, ce qui limite nos exportations aux États-Unis. On doit payer des frais de douane pour les tonnes de papier journal qu'on expédie en Europe.

Personne ne l'a mentionné, mais on va faire face à des coûts extraordinaires pour les installations portuaires, et on ajoute à cela le déglaçage.

Nous croyons que c'est inacceptable. L'industrie du papier, qui est l'un des plus gros exportateurs et qui fait des expéditions du Canada à l'extérieur du pays, n'est pas capable de fonctionner dans de telles conditions. Bryan l'a mentionné et j'ai ici des exemples que je peux vous laisser si vous êtes intéressés. On n'expédie presque jamais à partir d'une seule destination. Les bateaux s'arrêtent à Baie-Comeau, ils s'en vont à Clermont et ils arrêtent souvent à Matane pour d'autres chargements. Dans tous les cas, ils prennent du papier; ils prennent parfois du papier et de la pâte, et parfois du papier, de la pâte et du bois d'oeuvre. Nous avons donc des surcharges qui varient de 5 700 $ à 22 800 $ le bateau quand on passe par trois endroits.

On a parlé de certains impacts, mais il y en a d'autres dont on n'a pas encore parlé. Il y a par exemple le traversier de Baie-Comeau. Il y a 5 500 wagons de chemin de fer qui traversent le Saint-Laurent durant la période de déglaçage. Quels seront les frais associés à ça? On n'en a pas encore parlé.

De plus, il y a le transport des conteneurs, qui sont transportés par chemin de fer jusqu'au port de Montréal. On n'a pas dit quels seraient les frais de cela. On ne l'a pas inclus dans nos 430 000 $.

On a, dans certains cas, des choix à faire. On vient d'acheter des opérations au Texas. En moyenne, au Texas, on a des frais d'expédition inférieurs de 35 $ US la tonne aux frais de nos opérations canadiennes. On parle maintenant d'ajouter de 3 $ à 7 $, ce qui va rendre nos installations canadiennes beaucoup moins compétitives.

Dans ces conditions—ce n'est pas une menace, mais simplement un état de fait—il y a certainement des changements qui seront apportés à nos modes de transport. C'est sûr que les produits à destination de l'Amérique du Sud, durant la période de déglaçage, ne partiront pas de Baie-Comeau; ils vont partir du Texas. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais graduellement.

La question qu'il faut se poser est: est-ce que l'usine de Baie-Comeau va demeurer compétitive à long terme? On investit des sommes énormes, mais on va continuer à investir dans les endroits où on pourra être concurrentiels.

J'aimerais répéter ceci pour ceux qui ne sont pas au courant: Baie-Comeau a la plus grosse usine de papier journal au Canada. L'usine produit 500 000 tonnes de papier par année, dont 350 000 sont acheminées directement par bateau, ce qui représente 68 p. 100 de sa capacité, mais les autres 150 000 tonnes partent par chemin de fer et prennent le traversier. Donc, 100 p. 100 de tout le papier passe par l'eau.

Dans le cas de l'usine de Clermont, une usine qui produit au-delà de 300 000 tonnes, 62 p. 100 de la production passe par la mer. Dans le cas de Matane, c'est 61 p. 100. C'est un peu un secret de polichinelle qu'on travaille présentement avec le gouvernement du Québec à envisager des solutions de rechange pour l'usine de Matane. On parle de construire une usine de papier.

• 1005

Donc, 75 p. 100 de la production irait outre-mer. Je me vois très mal faire des investissements en de telles circonstances, étant donné les coûts additionnels que cela va entraîner. Je ne dis pas qu'on le fera, d'une manière ou d'une autre, mais cela met certainement de la pression sur Matane.

Regardons les autres problèmes. On ne croit pas que les MRC ou les municipalités seront capables d'entretenir les installations portuaires. C'est un problème qui ne sera peut-être même pas de mise lorsqu'on parlera du déglaçage. Je dois vous dire que, pour Donohue, le transport maritime est crucial. La distribution et les coûts deviendront très importants dans nos décisions futures.

M. Guy Dufresne: Merci, monsieur Desbiens.

[Traduction]

Le président: Pardon, monsieur Dufresne. J'ai l'impression que nous avons un gros problème en ce qui concerne nos deux heures.

Les témoins savent que, après leurs exposés, nous donnons la parole à chaque parti politique pour des questions afin de vous permettre d'expliquer vos préoccupations et de nous aider à développer certaines de nos conclusions. Cela veut dire que nous commençons par le Parti réformiste, qui a droit à 10 minutes. Ensuite, le Bloc, 5 minutes, les Libéraux, 10 minutes, et ainsi de suite.

Mais vu la façon dont nous procédons maintenant, je crains que certaines personnes n'aient pas la possibilité de vous poser des questions.

M. Guy Dufresne: Dix minutes?

Le président: Je ne suis pas sûr que... Si je comprends bien, vous vous opposez à quelques frais que ce soit, vous dites que le montant de 13 millions ou de 15 millions n'est pas acceptable, et que, à long terme, tout tarif supplémentaire vous causerait énormément de problèmes pour vos activités commerciales et pour l'économie du Canada.

Peter, d'ici à ce que votre tour arrive, je ne sais pas s'il nous restera du temps pour vous et pour Bill.

Donc, si vous avez quelque chose à ajouter, vous pourriez peut-être le faite maintenant. Sinon, vous avez à peu près cinq minutes pour conclure et essayer ensuite...

M. Guy Dufresne: Très bien. On va essayer, mais c'est tellement important pour notre secteur... C'est vital.

Monsieur Genois.

M. Guy Genois (directeur, Transport maritime, Canadian Salt Company Ltd.; représentant, Coalition industrielle et maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Je suis directeur du transport marin pour l'Amérique du Nord, à la Canadian Salt Company. Nous avons trois mines de sel au Canada, une dans les Îles-de-la-Madeleine, une à Pugwash, en Nouvelle-Écosse, et une à Windsor, en Ontario. Au cours d'une année, nous transportons à peu près 4 millions de tonnes de sel par voie maritime.

Pendant les glaces, nous transportons quelque 500 000 tonnes de sel. Je vais vous donner une idée de l'ampleur du problème qui se pose aux Îles-de-la-Madeleine: pour pouvoir transporter le sel pendant la saison des glaces, il faudra envoyer un bateau aux îles auquel on imposera un frais de déglaçage. Or, pour que ce navire puisse pénétrer dans le chenal de 10 kilomètres des Îles-de-la-Madeleine, nous devons affréter un remorqueur.

Le remorqueur ne fait que briser la glace dans le chenal. Il ne pousse pas notre navire et ne le tire pas non plus par câble; je répète qu'il ne fait que casser la glace pour permettre au navire d'aller et venir dans le canal. On imposera au remorqueur des frais de 11 400 $ par voyage, et comme il fait l'aller-retour, ça fera deux fois plus; de plus, comme il s'agit de deux navires, cela nous coûtera deux fois plus cher. Étant donné que le remorqueur ne fait que casser la glace, je ne vois pas pourquoi on nous imposerait des frais de déglaçage. Si nous voulons continuer à nous rendre à la mine Pugwash au cours de la saison des glaces, la même chose se produira.

Dans la région des Grands Lacs, à la mine Ojibway de Windsor, en Ontario, nous déplaçons quelque 250 000 tonnes de sel pendant la saison des glaces. Le même phénomène se produit ici aussi, non pas avec des remorqueurs mais avec le passage...

• 1010

Dans la région des Grands Lacs, nous déplaçons pendant les mois d'hiver une unité spéciale composée d'un remorqueur et d'une barge, et cette unité se déplace de Windsor, en Ontario, jusqu'à Detroit, en transportant 1 300 tonnes de sel par voyage. Le propriétaire de la barge et du remorqueur peut alors compter sur des revenus d'environ 2 000 $. Mais comme on lui imposera désormais des frais de 11 400 $ par voyage, il devra fermer boutique.

Pour nous, ces coûts représentent l'un dans l'autre 65 cents par tonne de plus. Nous devrons sans aucun doute nous mettre à la recherche d'un autre mode de transport, car ce coût supplémentaire nous empêche d'être concurrentiels.

M. Guy Dufresne: Merci. Merci de ce bon exemple qui sera suivi d'un autre bon exemple, celui de M. Jack Ross, d'Algoma Steel.

M. Jack Ross (directeur des opérations, Algoma Steel Inc.; représentant, Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent): Merci. J'ai grand plaisir aujourd'hui à prendre la parole devant le comité. Je n'aurai besoin que de cinq minutes. J'ai fait tenir au greffier copie de mon exposé, qui pourra vous être distribué. Dans le document que je lui ai fait parvenir, il trouvera des cartes et un tableau qui vous aideront à mieux comprendre ce dont je veux parler.

Algoma Steel est une société appartenant aux employés, située à Sault Ste. Marie, en Ontario. Nous sommes une aciérie pleinement intégrée. Nous fabriquons des feuilles d'acier fini, des plaques d'acier fini, des produits tubulaires et des produits destinés au bâtiment, surtout les marchés du Canada et des États-Unis. Algoma est un des grands employeurs de Sault Ste. Marie, puisqu'elle comptait 4 997 employés au début de novembre 1998. À titre de comparaison, comme nous sommes situés dans une ville de 79 000 personnes, nous sommes en quelque sorte la General Motors de Sault Ste. Marie. Nous sommes situés à 340 milles de Detroit, notre marché américain le plus proche, et à 430 milles de Toronto, notre marché canadien le plus proche.

Vous pouvez constater que nous souffrons d'un énorme désavantage par rapport à nos gros concurrents, Stelco et Dofasco, puisque nous avons à assumer d'énormes coûts de transport pour nos produits, alors que la Stelco et la Dofasco sont situées quant à elles en plein coeur de ces marchés. En 1997, Algoma produisait 2 millions de tonnes de produits d'acier fini. Le tableau numéro un vous indique quelles sont les matières premières que nous faisons venir dans notre usine pour pouvoir produire l'acier. Chaque année, Algoma fait transporter ces matières brutes par voie fluviale exclusivement, entre la fin mars et la première semaine de janvier. C'est le transport du minerai qui dure le plus longtemps dans l'année—soit entre mars et janvier—puisque nous essayons de nous approvisionner le plus possible avant le gel hivernal.

L'imposition de frais de déglaçage se fera sentir chez nous aux deux extrêmes de la période de transport, soit en avril et en décembre-janvier. Nous nous attendons à ce que le service de déglaçage qui ne nous a jamais encore été fourni par la Garde côtière canadienne et qui ne nous le sera sans doute pas non plus à l'avenir, nous coûte au bas mot 322 000 $ de plus par année.

La matière brute dont a besoin Algoma passe surtout par les voies navigables américaines, là où la garde côtière américaine déglace les chenaux que les cargos américains et nous-mêmes utilisons. Vous verrez sur une des cartes que nous avons fournies où nous nous trouvons par rapport au chenal américain. Vous verrez que l'ensemble de nos voies d'accès pour notre minerai de fer ne représentent que 9 100 pieds de chenal situés dans les eaux canadiennes.

Pendant la saison des glaces, la garde côtière américaine déglace les chenaux en aval et en amont des écluses américaines jusqu'au lac Supérieur, et cela inclut les points d'expédition du minerai de Marquette, au Michigan, et Duluth, au Minnesota. Veuillez vous reporter à la carte pour tout le trafic maritime en eaux américaines. Autrement dit, c'est la garde côtière américaine qui ouvre le chenal pour les aciéries américaines et pour nous. Les 9 100 pieds de voies d'accès dans les eaux canadiennes qui nous intéressent aujourd'hui et qui permettent d'avoir accès à nos installations sont déglacées par un exploitant de remorqueur local, Purvis Marine. Nous payons ce service en fonction de nos besoins.

La distance qui sépare Algoma des marchés consommateurs d'acier est énorme, et nous devons absorber quotidiennement ce fret substantiel pour pouvoir concurrencer les producteurs qui sont situés au coeur de ces marchés. Ce désavantage compétitif oblige Algoma à ne payer que ce dont a besoin l'entreprise et que ce qu'elle utilise, afin qu'elle puisse rester rentable et continuer à assurer des emplois.

• 1015

Comme on l'aura remarqué, Algoma devra payer des frais de déglaçage, alors qu'elle n'utilisera jamais ce service—qui est de toute façon prohibitif pour elle. Comme Algoma doit continuer à réduire ses coûts, afin de pouvoir survivre, elle envisage de faire transporter son minerai de Marquette, au Michigan, par rail plutôt que par les voies maritimes, et cela pendant toute l'année. Une compagnie américaine, la Wisconsin Central Limited, a récemment acheté les lignes de chemin de fer dans l'ouest de la partie supérieure de la péninsule du Michigan, et permettra à ces chemins de fer de livrer le minerai jusqu'à notre usine, puisqu'ils sont propriétaires d'Algoma Central Railway.

Dès janvier 1999, nous avons l'intention de transporter 300 000 tonnes brutes de minerai au cours des mois d'hiver, pour mettre à l'essai la rentabilité de cette option ferroviaire, à des coûts comparables à ceux de l'option maritime avant l'imposition des frais de déglaçage. Ces 30 000 tonnes brutes représentent ce que les navires transporteraient en temps normal.

Comme le démontre cet argument, le transport maritime jusqu'à Algoma pourrait ne plus être un facteur de compétitivité, si nous optons pour le transport par chemin de fer du minerai, au cas où l'on impose d'autres frais supplémentaires au transport maritime.

Au tableau 1, vous voyez que le volume total de minerai provenant de Marquette, au Michigan, atteint 3,3 millions de tonnes. Voilà le volume que pourraient se disputer les chemins de fer et les transports maritimes.

Bref, la distance qui sépare Algoma des marchés consommateurs d'acier et le coût de fret supplémentaire qui nous désavantage par rapport aux producteurs situés au coeur de ces marchés, font que toute charge supplémentaire qu'on nous imposerait sans que l'on évalue avec soin ses conséquences sur notre coût de revient, nuira encore plus à notre compétitivité et nous forcera à envisager d'autres modes de transport pour notre minerai.

Pour vous donner une petite idée de ce que cela peut représenter pendant les cinq semaines de transport pendant lesquels nous avons besoin de déglaçage, les frais de déglaçage feraient grimper nos frais de transport de 58c par tonne, soit de 21 p. 100, ce qui est énorme.

Merci.

M. Guy Dufresne: Monsieur le président, ce ne sont là que quelques exemples. Nous pourrions vous en donner beaucoup plus. Nous n'avons pas proposé au ministre, M. Anderson, de supprimer complètement les frais; nous avons plutôt proposé une solution à mi-chemin, pendant que l'étude se poursuit, et nous avons proposé un partenariat qui permettrait au gouvernement de réduire les coûts tout en maintenant la compétitivité de l'industrie. Le Canada est le premier exportateur, en pourcentage de la production, des pays industrialisés du monde, mais avec l'imposition de frais de déglaçage, nous mettons en danger notre supériorité mondiale.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Si je vous ai bien compris, vous pourriez vous permettre d'assumer la moitié des frais?

M. Guy Dufresne: Ce que nous proposons n'est pas l'idéal pour nous, mais nous sommes prêts à accepter un compromis et à aller jusqu'à mi-chemin, pendant que nous trouverions, avec le gouvernement, une façon de réduire les coûts. Voilà ce que nous avons proposé.

Le président: Monsieur Lunn, du Parti réformiste.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Étant donné le peu de temps mis à notre disposition, et puisque tous les témoins représentent le Québec, je donnerai les 10 minutes du Parti réformiste au...

M. Guy Dufresne: Non, ce n'est pas vrai.

M. Gary Lunn: Je m'en excuse.

M. Guy Dufresne: Il y a des gens des Maritimes, quelques Ontariens...

Une voix: Ça représente les Grands Lacs et le Saint-Laurent.

M. Gary Lunn: Veuillez accepter mes excuses.

De toute façon, je vais céder les 10 premières minutes au Bloc qui connaît bien le problème. Je me contenterai des cinq minutes qui lui seraient imparties, et je céderai mon deuxième tour de questions pour que les conservateurs et les néo-démocrates puissent avoir l'occasion de participer à la discussion.

Une voix: Comme il est gentil!

Le président: Je suppose que c'est M. Rocheleau qui commencera?

Monsieur Rocheleau, allez-y.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Je voudrais remercier mon collègue du Parti réformiste pour son esprit de collaboration et sa courtoisie.

Deuxièmement, je voudrais faire un petit rappel de l'action du Bloc québécois, qui a été déterminante jusqu'à maintenant, qui est très importante pour nous et qui est en harmonie avec les gens de l'industrie.

Depuis presque trois semaines, nous talonnons le gouvernement tous les jours quant à sa position, qui nous apparaît indéfendable. Nous avons formé, dans cet esprit-là, le Rassemblement des députés riverains. Les députés du Bloc québécois représentent 26 des 29 comtés que l'on retrouve le long du Saint-Laurent. Nous demandons un moratoire quant aux agissements du gouvernement. La réponse est venue un peu arbitrairement, la semaine dernière. Je veux le mentionner, parce que c'est très désagréable quand le ministre nous dit qu'on colporte des faussetés alors que nous travaillons en collaboration avec l'industrie, avec les premiers intervenants.

• 1020

Je fonde beaucoup d'espoir sur la réunion d'aujourd'hui, que nous souhaitions depuis longtemps, en espérant qu'elle n'a pas lieu trop tard. On sait que, dans l'échéancier, il y a une date qui s'appelle le 5 décembre, qui est déterminante quant au processus administratif. Pour moi, ce qui est en jeu, c'est le rôle des parlementaires et celui des comités, et leur importance face à l'administration. J'espère qu'on va réussir, en tant que parlementaires, à influencer l'exécutif pour faire en sorte que la raison et la légitimité comptent davantage dans ce dossier.

Monsieur le président, j'ai trois questions à poser aux témoins, et je pense que M. Dufresne, étant donné son mandat, est bien placé pour y répondre.

Quand le ministre nous répond à répétition, pour légitimer sa position, qu'il ne fait que se baser sur les recommandations, notamment de l'industrie, qui lui ont été faites à la suite des consultations qui ont été menées, que devons-nous répondre, nous de l'opposition, à la suite de ce qu'on va entendre ici aujourd'hui? Que répond-on au ministre? On sent qu'il y a un fossé entre ce que vous dites et ce que le ministre pense. Le lien qui est censé se faire entre les deux s'appelle les recommandations provenant du milieu.

Deuxièmement, j'aimerais entendre vos commentaires sur ce que je vais dire. Si jamais le gouvernement fédéral maintenait sa décision d'imposer des droits, tel qu'il l'a fait jusqu'à maintenant, quels seraient les impacts, à moyen et à long terme, pour l'industrie du corridor Saint-Laurent—Grands Lacs? Je vais vous donner des exemples pratiques. Où s'en va-t-on en ce qui a trait à la compétitivité? On l'a fait souvent valoir. On dit que la game ne se joue pas entre Montréal et Halifax, mais bien par rapport aux ports de la côte est américaine ou du Mississippi. J'aimerais qu'on le dise encore une fois parce que c'est la clé de la situation.

Enfin, devons-nous faire notre deuil de la thèse qui a circulé au début du débat, voilà deux ou trois ans, quant à l'application d'un tarif uniforme pour le déglaçage from coast to coast? Est-ce que nous devons faire notre deuil de ça ou si nous ne devrions pas revenir à la charge afin de trouver une éventuelle solution?

M. Guy Dufresne: Je vais répondre à ces trois questions de façon rapide et directe.

Pour ce qui est du ministre, je crois qu'il a été mal informé. La réponse de l'industrie, on l'a dans la lettre que j'ai envoyée au ministre Anderson. Ce n'est pas ce que nous aimerions avoir, alors que les États-Unis, le Brésil et l'Australie n'ont aucuns frais, mais c'est une chose avec laquelle on est capables de vivre. De plus, c'est une chose qui va nous permettre de travailler dans un partenariat à long terme pour aider le gouvernement à réduire ses coûts et à nous garder concurrentiels.

On a la réponse de l'industrie dans notre lettre. Il est très rare qu'on voie toutes les industries du Canada s'assembler et dire unanimement au gouvernement ce qu'elles pensent. Avec la coalition, on a réussi à le faire et on va continuer. On veut travailler positivement avec le gouvernement. Je vais aller à votre deuxième question, qui portait sur l'impact à long terme.

À long terme, on pourra avoir des répercussions significatives. Vous avez entendu des gens dire que dans l'industrie du sel, ils ne peuvent pas continuer, car ils ne sont pas compétitifs. Vous avez aussi entendu dire qu'ils n'étaient pas compétitifs dans l'industrie du papier. Mes clients européens m'ont dit qu'ils n'expédieraient pas chez nous en hiver et qu'ils ne demanderaient pas d'expéditions chez eux. Cela représente des dizaines de millions de dollars pour bâtir de l'inventaire et des capitaux. On ne sera plus compétitifs avec ça. Ça veut dire qu'à long terme, on affectera de façon sérieuse la compétitivité de nombreuses industries.

Est-ce qu'on va fermer demain matin? J'espère que non. Par contre, on va sûrement être affectés et, comme le dit M. Desbiens, on va certainement y penser avant d'investir à long terme. On met en danger la compétitivité, qui est déjà très difficile au niveau mondial. C'est ça qu'on fait. Le Conseil du Trésor va faire, au cours des prochaines années, une étude d'impact à laquelle on va participer. On pourra clairement démontrer que cela a un impact. Comme le disait M. Smith, est-ce qu'on va attendre de voir un impact négatif avant de réagir? Nous vous le disons avant. On le dit au gouvernement avant qu'il impose cela. Nous vous le disons de façon unanime à travers le Canada.

• 1025

Troisièmement, est-ce qu'un tarif uniforme va résoudre la question? La réponse est non, parce que le tarif uniforme sera déjà trop élevé. Cela ne résoudra donc pas la question, et ce n'est pas la solution qu'on apporte.

M. Yves Rocheleau: Vous donnez un exemple dans votre document—et j'aimerais que vous élaboriez davantage—concernant le transport de Sept-Îles à Hamilton, qui va faire augmenter considérablement les coûts. Je ne me souviens plus du pourcentage que cela représente, mais cela m'avait frappé à l'époque.

M. Guy Dufresne: De façon significative, quand on regarde les tarifs, monsieur Rocheleau, on s'aperçoit que 10 p. 100 des bateaux vont payer 45 p. 100 des tarifs. Cela vaut pour nous, mais aussi pour tout le monde, c'est-à-dire les représentants qui sont ici et tous les autres qui expédient des marchandises. En ce qui concerne ceux qui expédient des marchandises, il ne faut pas oublier que le Canada, en pourcentage, expédie beaucoup plus que les États-Unis, beaucoup plus que le Japon et beaucoup plus que tous les pays du monde. Cela nous affecte grandement. On expédie 100 p. 100 de notre production par bateau, ce qui est la même chose que Donohue et plusieurs autres. On n'a pas de chemin de fer. On n'a pas d'autre choix. Il faut aussi penser que l'expédition par bateau est celle qui est le plus écologique.

D'un côté, le gouvernement dit à Kyoto qu'il faut baisser la quantité de CO2 qu'on produit au Canada. D'un autre côté, le gouvernement, dans sa politique, ne favorise pas l'industrie maritime. Non seulement il ne la favorise pas, mais il la pénalise en lui imposant les tarifs. Cela entre en contradiction avec la politique du gouvernement.

M. Yves Rocheleau: Est-ce qu'il est possible que du côté américain, on regarde aller cela avec un sourire, que l'on cache probablement actuellement, et qu'on passe bientôt à l'attaque en faisant aux armateurs ou autres des offres pour les attirer de façon encore plus systématique? Est-ce que cela risque de se produire?

M. Guy Dufresne: Je ne le sais pas, mais vous savez que dans le monde des affaires, l'économie est le principal moteur. Quand on change les tarifs, l'industrie s'ajuste à ces changements. Si on est désavantagés ici, c'est certain, comme le dit M. Gourdeau, que le blé sera acheminé par des routes autres que celles du Saint-Laurent et des Grands Lacs. C'est évident.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Rocheleau.

Je sais que M. Provenzano frétille d'impatience de pouvoir parler d'acier.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Je n'ai que deux questions.

Le président: Allez-vous partager votre temps avec...

M. Carmen Provenzano: Oui, avec M. Easter.

En premier lieu, vous avez mentionné une étude triennale: a-t-elle déjà démarré?

M. Guy Dufresne: M. Massé nous a affirmé qu'il allait faire démarrer l'étude, mais qu'il faudrait trois ans avant d'obtenir les résultats. Mais je ne sais pas si elle a déjà démarré.

M. Doug Smith: Nous effectuons en ce moment une étude sur la portée de la mesure. Nous avons expliqué très clairement à M. Massé et à ses représentants que notre industrie devrait être partie prenante dès le début de l'étude. Nous avons critiqué maintes fois l'étude Hickling, car nous n'avions pas fait partie du comité directeur et que nous n'en avions pas décidé le mandat. De plus, lorsque nous avons pris part à l'étude, ce que nous avons dit a été filtré. Nous avons donc, dès le début, exhorté M. Massé à inclure notre industrie dans la définition du mandat de l'étude, pour nous assurer que M. Massé irait chercher les bons renseignements.

Nous avons même dit à M. Massé que si nous n'étions pas partie prenante dès le début, comme nous en avions assez d'être obligés de réparer les pots cassés et que nous en avions assez de parler en vain, il ne tirerait probablement rien de bon de nous.

• 1030

Il ne s'agissait pas de le menacer; mais si un économiste doit mesurer l'incidence d'une mesure en vous demandant si vous allez devoir fermer boutique faute de pouvoir absorber les frais, c'est parfaitement stupide comme question. Il devrait demander quelle sera l'incidence de la mesure sur votre compétitivité, si cela va nuire à vos profits, si cela va vous obliger à réduire dans 10 ans le nombre de vos employés, si cela va nuire à vos affaires, ou si vous allez perdre votre part de marché.

Voilà la difficulté... Ce n'est pas la première fois que nous essayons. D'ailleurs, les saumeries ont essayé de faire comprendre au gouvernement qu'il ne s'agissait pas pour elles de mettre la clé sous la porte, mais qu'elles allaient quand même perdre une part de leur marché à des concurrents américains, si le gouvernement imposait ces frais. C'est cela qui compte.

Nous avons donc parlé au ministre Massé, et nous l'avons exhorté à raccourcir l'étude, car il ne faudrait pas avoir à attendre trois ans avant de connaître l'importance des conséquences pour nous. Il a d'ailleurs accepté de tenter d'accélérer les choses, dans la mesure où c'est possible.

M. Guy Dufresne: Il nous a dit comprendre notre point de vue, et il semble même favorable à notre participation dès le début. Cela nous encourage, et c'est pourquoi nous avons proposé de diminuer les frais de moitié, pendant que l'étude se fait, ce qui nous permettrait de trouver une solution dans trois ans.

M. Carmen Provenzano: À ce sujet, le gouvernement s'est-il engagé réellement à entreprendre cette étude?

M. Doug Smith: Oui.

M. Carmen Provenzano: S'agit-il d'un engagement?

M. Guy Dufresne: Oui, d'un engagement. Mais si le patient meurt entre-temps...

Des voix: Oh, oh!

M. Guy Dufresne: ...à quoi sert l'étude?

M. Carmen Provenzano: Tout à fait.

Monsieur Smith, pourriez-vous nous expliquer combien de navires représente votre compagnie, la Seaway Self Unloaders?

M. Wayne Smith: Nous comptions 21 autodéchargeurs, c'est-à-dire que nous représentions la flotte la plus grande de bateaux à autodéchargement au Canada et aux États-Unis. L'an dernier, nous avons transporté quelque 30 millions de tonnes en vrac.

Le président: Monsieur Easter, vous avez des questions?

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais apporter une précision, eu égard à la question de M. Rocheleau. Le ministre n'a pas accusé le Bloc d'avoir menti. Au contraire, il n'a cessé de répéter qu'il avait consulté l'industrie.

Monsieur Dufresne, vous semblez dire que le ministre a peut-être été mal informé. Pourriez-vous nous donner des exemples, car cela va au coeur de la question. Puisque l'on parle de recouvrement des coûts, il faut vraiment se demander comment nous pourrions faire meilleure figure en matière d'économie, que ce soit en exploitant nos ressources naturelles ou en les expédiant par voie fluviale, par exemple? Il faut également se demander ce que ces nouvelles initiatives de recouvrement des coûts pourront avoir comme incidence sur notre capacité à concurrencer et de réussir. Voilà ce qu'il faut se demander.

Les consultations de l'industrie et de la Garde côtière devaient permettre d'étudier le problème et de trouver une solution acceptable à toutes les parties. Pourriez-vous nous donner des détails? Les consultations ont-elles eu lieu? Vous ont-elles satisfaites? Dans la négative, pourquoi?

M. Guy Dufresne: Laissez-moi vous poser une question: Pensez-vous vraiment que toutes les industries canadiennes consacreraient autant de temps sur cette question si cela ne représentait que 6 millions de dollars de plus ou de moins? Pourquoi sommes-nous tous venus ici, d'après vous, et pourquoi toutes les associations de toutes les entreprises du Canada prendraient-elles le temps de signer un rapport si elles ne le jugeaient pas important?

C'est une question qui touche toutes les industries. En effet, il y a eu certaines consultations, mais ce n'est pas le type de consultation qu'avait déjà entreprises le gouvernement dans plusieurs autres cas. La Garde côtière a fait le tri dans les informations et a choisi de sortir certains renseignements de leur contexte.

Je répète que les consultations ne ressemblaient pas à celles auxquelles nous sommes habitués de la part du gouvernement. Dans le cas qui nous occupe, les consultations n'ont pas été fructueuses et n'ont pas abouti aux mêmes résultats que lors des consultations sur la voie maritime, notamment, et c'est ça que nous tenons à signaler.

On peut consulter de bien des façons. On peut choisir de poser une question en passant ou de demander qu'on rédige un rapport, quitte à choisir ce qui vous convient dans le rapport ou à le citer hors contexte.

• 1035

Doug Smith vous a donné quelques exemples, mais il pourrait vous parler avec plus de précision des rapports... Je tenais, pour ma part, à vous faire part de la frustration que nous ressentons, car il faut bien comprendre que si nous avons pris le temps de nous rassembler et de signer un document, c'est que nous considérons qu'il y a un problème au Canada. Comment espérer concurrencer le reste du monde s'il est impossible de former un partenariat entre le gouvernement et l'industrie?

M. Wayne Easter: Vous avez dit «toutes les industries». Voulez-vous dire toutes les industries des Grands Lacs et du Saint-Laurent ou aussi celles des côtes?

M. Guy Dufresne: Je parle de la coalition. Nous avons plusieurs coalitions ainsi qu'une coalition nationale.

M. Wayne Easter: Écoutez, nous recevons des plaintes des gens de Halifax, par exemple, qui disent que leur port n'est pas concurrentiel en raison des avantages que reçoit la Voie maritime du Saint-Laurent. Voilà le genre de dilemme auquel nous devons faire face. Donc, ce que j'aimerais savoir c'est si vous représentez cette région également? Je crois comprendre que oui, mais est-ce que j'ai raison?

M. Guy Dufresne: Oui, nous représentons tout le Canada.

Permettez-moi de faire une observation. Avons-nous des catégories différentes de citoyens au Canada? Autrement dit, nous devons être concurrentiels, nous cherchons à établir un partenariat avec le gouvernement du Canada pour faire en sorte que toutes les entreprises canadiennes puissent soutenir la concurrence sur le plan international. Nous ne vous demandons pas d'imposer des frais supérieurs dans une région du pays pour favoriser une autre région. Nous vous demandons de mettre un régime en place au Canada qui nous permettra de faire concurrence au Brésil, à l'Australie et aux États-Unis. Voilà l'enjeu.

M. Wayne Easter: Je vais manquer de temps, monsieur le président, ce qui m'amène à ma prochaine question.

Pourriez-vous nous fournir une réponse d'une autre façon. Je crains que nous n'ayons pas le temps pour la réponse en ce moment.

Mais à mon avis, c'est ça qui compte. Avez-vous déjà soumis au gouvernement, à la Garde côtière ou à toute autre instance des documents indiquant quels sont les coûts au Brésil au Chili—notamment sur le plan de la fiscalité—dans ces autres pays, pour démontrer que ces frais nuisent à la compétitivité de notre industrie? Réfléchissez-y pendant un moment, car j'ai une question précise pour M. Genois.

Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les remorqueurs aux Îles-de-la-Madeleine? Avez-vous dit que vous vous servez de remorqueurs pour briser la glace dans cette bande de six milles? Vous dites que la Garde côtière ne vous fournit pas de service de brise-glace, mais en vertu de ce barème de frais, la Garde côtière va imposer des frais de déglaçage aux remorqueurs alors que ce sont les remorqueurs qui brisent eux-mêmes la glace?

M. Guy Genois: C'est exact.

M. Wayne Easter: D'accord. Merci.

M. Guy Dufresne: Je voudrais tout simplement revenir à vos questions. Cela fait partie des études économiques. Nous avons les chiffres, mais c'est ce que M. Massé veut faire. Il veut démontrer les répercussions. Toutefois, je voudrais...

M. Wayne Easter: Il sera trop tard. C'est un des problèmes. Je ne comprends pas pourquoi...

M. Guy Dufresne: Voilà le message que nous avons essayé de faire comprendre au gouvernement dès le début. Nous avons ces études. Paul Gourdeau vient de rentrer du Brésil.

Paul, dites-nous en 30 secondes ce que vous avez vu au Brésil.

M. Paul Gourdeau: J'en parlais avec Guy l'autre jour. J'ai visité une localité qui s'appelle Sepetiba Bay. Le gouvernement du Brésil est en train d'investir 250 millions de dollars, je crois, dans la construction d'un terminal flambant neuf pour conteneurs et minerai de fer pour les mines de cette région. Le terminal aura 10 kilomètres de bandes transporteuses et des installations d'exportation nec plus ultra. Le gouvernement du Brésil a financé le tout, et il ne demande pas un sou. Il n'exige que les frais portuaires habituels. Il n'impose pas de frais d'utilisation. Et Guy doit leur faire concurrence.

M. Wayne Easter: Mais nous avons fait la même chose il y a 20 ans.

Le président: Monsieur Easter, je dois vous interrompre. Si vous cherchez d'autres informations, peut-être pourrez-vous les obtenir de façon privée, mais après la réunion de Washington, j'ai des doutes au sujet du Brésil.

La parole est maintenant à M. Lunn du Parti réformiste.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

D'abord, je voudrais vous remercier d'être venus aujourd'hui. Vos exposés étaient excellents. J'avais quelques questions, mais on y a répondu au fur et à mesure que mes collègues ont posé des questions.

• 1040

Ce que je dis, c'est que le temps est précieux. C'est ce qui nous attend ce mois-ci. Il faut agir immédiatement, pas demain ni après-demain. Il faut que l'on fasse quelque chose dès maintenant. Je le reconnais.

Je vais donc demander l'indulgence du comité—je sais que nous l'avons fait par le passé—et lui demander de recommander immédiatement au ministre qu'il accepte la proposition présentée par Guy Dufresne, président de la Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent, afin qu'on établisse pour la prochaine saison un droit de passage équivalant à 50 p. 100 de ce que propose la Garde côtière. En d'autres mots, je demande que votre recommandation soit présentée au ministre dès aujourd'hui, au nom du comité.

Par ailleurs, j'estime qu'il est primordial de conclure un véritable partenariat, car vous avez soulevé des questions très importantes et pertinentes. Il est impossible de les régler avant la nouvelle saison, et j'estime donc que c'est un excellent compromis de votre part. Nous pourrons ensuite prendre les mesures qui s'imposent.

Monsieur le président, si nous pouvions rédiger immédiatement cette lettre destinée au ministre... Je ne sais pas si j'ai l'appui du comité ou non, mais comme l'échéance est fixée au 23 décembre, j'estime qu'il est essentiel d'agir maintenant. Il n'y a pas de temps à perdre, comme ces messieurs le savent. Ils ont établi des plans exhaustifs, comme l'un de ces messieurs l'a signalé. Les aviser le 22 décembre ne suffira pas. Ils avaient besoin de ces renseignements hier ou même il y a un mois ou deux. Leurs marchés, leurs soumissions, reposent sur cette information. Je crois qu'il nous incombe d'agir aujourd'hui et de présenter cette recommandation au ministre.

Merci.

Le président: Et maintenant...

M. Gary Lunn: Monsieur le président, est-ce que j'ai l'appui du comité pour présenter cette motion et nous dispenser de l'avis de 48 heures—je sais que nous l'avons fait par le passé—étant donné que nous sommes pressés par le temps?

Le président: Monsieur Lunn, je crois que vous devriez coucher cela sur papier à l'intention du greffier. Nous voulons savoir exactement ce dont il est question.

M. Gary Lunn: Je pourrais le faire pendant que vous donnez la parole à un autre député et vous le remettre dans quelques minutes. Je serais ravi de le faire.

Le président: Je cède maintenant la parole à M. Stoffer, de Nouvelle-Écosse.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Oui, monsieur le président, je devrais probablement transmettre à M. Bourdeau les salutations de ma femme.

Des voix: Oh, oh.

M. Peter Stoffer: Elle a travaillé chez Fednav, à Montréal, pendant de nombreuses années.

M. Paul Gourdeau: Elle est partie. Je peux la comprendre.

Des voix: Oh, oh.

M. Peter Stoffer: Elle m'a suivi au Yukon.

Une voix: C'est une excuse.

M. Peter Stoffer: Je me rends compte que votre situation est critique. J'ai toujours cru qu'en tant que gouvernement ou qu'en tant que pays, nous devrions fournir une infrastructure dont notre industrie a besoin pour collaborer avec les syndicats, les provinces et les municipalités afin d'exporter nos produits—parce que nous sommes un pays commerçant—de façon aussi économique que possible compte tenu du milieu extrêmement concurrentiel dans lequel vous évoluez—comme disait ma femme lorsqu'elle travaillait pour Fednav. Même si vous ne payez que la moitié, comme vous êtes disposé à le faire, cela vous désavantage par rapport à de nombreux pays.

M. Guy Dufresne: Oui.

M. Peter Stoffer: Je peux le comprendre.

Mais ce qui m'inquiète, c'est que beaucoup de gens... le problème sous-jacent—vous n'en avez pas parlé encore, quoi que vous l'avez mentionné une fois, monsieur Smith—c'est que si c'est accepté, nous risquons de perdre de nombreux emplois. Et je pense à mes frères et soeurs d'Algoma Steel, des travailleurs de l'acier, et je pense à mes frères et soeurs dans l'industrie du bois et dans l'industrie de la marine marchande, et à ce genre de chose.

D'abord, êtes-vous accompagné par des représentants syndicaux et, sinon, pourquoi pas?

Deuxièmement, j'ai ici une lettre de M. Hargrove, qui représente 550 membres d'équipage non brevetés à bord de navires et qui expriment certaines inquiétudes au sujet de l'avenir de ces 550 membres d'équipage si les frais sont appliqués. J'imagine qu'il pourrait y avoir encore beaucoup plus de pertes d'emploi.

Troisièmement, si les États-Unis peuvent imposer un moratoire sur les frais jusqu'en l'an 2001, pourquoi le Canada ne peut-il pas faire la même chose d'après vous?

M. Guy Dufresne: Relativement à la première question, nous avons l'appui des syndicats. Les syndicats ont déjà envoyé des lettres et continueront de le faire parce qu'ils appuient pleinement la position de la coalition.

M. Peter Stoffer: Et les maires des municipalités de Sault Ste. Marie...

M. Guy Dufresne: Les maires des municipalités aussi.

Quant à votre deuxième question relativement à la moitié du tarif, cela... Nous ne sommes pas maintenant en position d'égalité. Nous serons relativement défavorisés, mais nous essayons de trouver une solution de compromis et, grâce à cette étude avec le gouvernement, nous essayons de voir quelles seront les conséquences et de nous y adapter.

• 1045

Troisièmement, en réponse à votre question sur le moratoire aux États-Unis, nous serions certainement d'accord si le gouvernement décidait d'imposer un moratoire pendant trois ans au lieu d'opter pour notre solution. Ce serait encore mieux parce que nous pourrions rester concurrentiels en attendant de connaître les résultats de l'étude. Si le gouvernement optait pour cette solution, nous continuerions certainement d'aider à réduire les coûts.

M. Peter Stoffer: Finalement, vous avez dit que toutes les industries ont signé une lettre qui a été remise au ministre.

M. Guy Dufresne: Il s'agit de la lettre de la coalition.

M. Peter Stoffer: C'est juste.

M. Guy Dufresne: ...que vous avez déjà.

M. Peter Stoffer: Très bien. Merci.

M. Doug Smith: Monsieur Stoffer, si je peux ajouter quelques mots à cette réponse, l'ensemble de l'industrie, autrement dit la coalition nationale des industries d'un bout à l'autre du pays, c'est-à-dire de la Colombie-Britannique, de Halifax et de Terre-Neuve, avaient recommandé à l'unanimité, et j'en cite un passage dans mon mémoire, que l'on ne fasse pas payer les frais de déglaçage pour trois ans. La Garde côtière et le ministre ont rejeté cette demande et décidé de faire payer 13 millions de dollars comme prévu.

Nous avons parlé à bien des gens et on nous a dit à maintes reprises que nous pouvions bien parler de compétitivité et d'incidence sur l'industrie, mais que notre refus de ne payer quoi que ce soit donnait l'impression que c'était pour nous uniquement une question d'argent.

Parce que nous voulions être constructifs, nous avons donc proposé qu'on réduise les frais et qu'on élimine une partie des problèmes pendant que nous collaborions avec le gouvernement. Cependant, la proposition que nous avions formulée il y a un an avait été signée par tous les représentants de l'industrie du Canada, y compris ceux de la Colombie-Britannique, qui ne paiera jamais de frais de déglaçage. Tous les membres de la coalition à l'unanimité, avaient dit qu'il ne fallait pas faire payer les frais de déglaçage, mais parce que nous voulions être constructifs et que nous voulions aider le gouvernement à obtenir des recettes, notamment pour résoudre les problèmes de la Garde côtière, et pour travailler en partenariat, nous avons proposé que l'industrie paie la moitié des frais.

Si je ne m'abuse, vous allez entendre les témoins de Terre-Neuve et des Maritimes plus tard cette semaine. Ils sont d'accord avec cette proposition.

Merci.

Le président: Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je trouve ce que je viens d'entendre très intéressant. Cela m'inquiète beaucoup de savoir que le gouvernement a décidé d'opter pour une certaine politique. Cette décision aurait dû se fonder sur certaines choses, notamment, bien sûr, sur la rentabilité et la compétitivité des industries visées par ces décisions.

Avez-vous l'impression que les SMA, le ministre en second et le ministre lui-même aient compris votre message? Si vous avez présenté votre argument uniquement à des subalternes, ont-ils été communiqués au ministre lui-même? Le ministre comprend-il clairement la gravité des conséquences d'une politique qui pourrait ultimement mener l'industrie à la ruine?

M. Guy Dufresne: J'ai rencontré plusieurs ministres la semaine dernière. Notre groupe a rencontré plusieurs ministres qui s'occupent de l'économie au sein du cabinet. Nous leur avons donné exactement le même message qu'à vous aujourd'hui, c'est-à-dire le même message que nous leur avons donné il y a quelques mois, mais jusqu'ici, le gouvernement n'a pas modifié sa politique.

C'est pourquoi nous allons nous servir de tous les moyens à notre disposition parce que cette question touche la compétitivité même de l'industrie. Au lieu d'attendre que cette politique fasse des victimes, nous sommes venus vous dire immédiatement ce qui risque d'arriver. Nous allons continuer à le dire de plus en plus fort jusqu'à ce que nous obtenions une chose que nous pourrons trouver acceptable, c'est-à-dire un système qui nous permette d'être concurrentiels.

M. Paul Steckle: Vu que les ministres veulent à tout prix respecter leurs objectifs budgétaires ou de recouvrement des coûts, que vous répondent-ils quand vous leur dites que le fait d'aller de l'avant va vous mener à la faillite?

M. Guy Dufresne: On nous a répondu que le principe des frais pour les utilisateurs devait être appliqué et notamment dans ce domaine-ci. C'est une chose que nous comprenons. C'est pourquoi nous avons fait une contre-proposition même si nous avions dit, il y a un an, que nous ne devrions pas payer de frais pour le déglaçage. Nous essayons de trouver un compromis.

• 1050

J'éprouve cependant beaucoup de difficultés. Nous avons proposé des moyens d'économiser des centaines de millions de dollars, par exemple en utilisant le GPS que nous utilisons nous-mêmes pour nos opérations minières et qu'on utilise à bord des avions. On se sert de ce système pour localiser les objets. La Garde côtière nous a dit que ce n'était pas assez sûr. Pourtant, on s'en sert à bord de tous les avions. D'après les experts, cela nous aurait permis d'économiser des centaines de millions de dollars. Et le gouvernement veut percevoir 40 millions de dollars en frais de déglaçage? Nous pourrions économiser 100 millions de dollars grâce au GPS. Il y a bien d'autres exemples que je pourrais vous donner.

Comment se fait-il qu'une bouée coûte 10 fois plus cher au gouvernement qu'au secteur privé? Comment se fait-il qu'il y a une personne qui suit un navire dans le Saint-Laurent alors qu'il n'y a qu'un contrôleur aérien pour plusieurs avions? Est-ce plus dangereux? Il y a bien d'autres choses que je pourrais vous dire à ce sujet.

M. Paul Steckle: Je suis heureux que vous ayez parlé du GPS, c'est-à-dire du système de positionnement global. Les Américains se servent-ils de ce système?

M. Paul Gourdeau: Oui.

M. Paul Steckle: Oui? Pourquoi pas nous?

M. Guy Dufresne: Je l'ignore. Nous avons nous-mêmes posé cette question.

M. Paul Steckle: Vous avez soulevé une question très importante. Deuxièmement, savez-vous où les Américains pensent que ce système de frais pourrait les mener s'ils instauraient un système de recouvrement des coûts dans trois ans?

M. Guy Dufresne: Je vais vous dire une chose. La Finlande a essayé d'imposer un tel système il y a quelques années et a dû ensuite réduire les frais à presque rien parce que sa propre flottille n'était pas concurrentielle.

Le Canada opte maintenant pour la même solution. C'est une chose très dangereuse pour un pays qui a le plus haut pourcentage d'exportations du monde.

M. Paul Steckle: Oui.

M. Guy Dufresne: C'est pourquoi toutes les industries canadiennes sont très inquiètes.

M. Paul Steckle: Merci.

Le président: Paul, dans la même veine, la question qu'il faudrait poser est peut-être ceci: si l'on a un navire qui quitte Port-Cartier pour remonter vers les lacs chargé de fer... Vous nous avez donné un chiffre pour le déglaçage. Vous, monsieur Dufresne, vous avez mentionné le pilotage. Peut-on comparer les deux coûts? Que coûte le pilotage de Port-Cartier à Hamilton? Que coûte le déglaçage? Pourrait-on faire la comparaison entre les deux coûts?

M. Guy Dufresne: Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je pourrai fournir au comité...

Le président: Je suis certain que quelqu'un dans votre groupe peut nous donner les chiffres.

M. Guy Dufresne: Le coût de pilotage...

Le président: Oui.

M. Paul Gourdeau: De Port-Cartier à Hamilton? Pour une flottille canadienne, comme celle de M. Smith, cela représente probablement quelque chose comme 3 000 $ à 4 000 $ et ce serait sans doute le double pour un navire étranger, vu qu'il faut dans ce cas un pilote à bord pour tout le voyage et non pas seulement jusqu'à l'écluse de Saint-Lambert.

Le président: Cela fait environ 8 000 $. Quels seraient les frais de déglaçage?

M. Paul Gourdeau: J'imagine que cela représenterait 5 700 $ pour le mouvement d'un seul navire. Il faut ensuite arriver dans le port, ce qui fait 10 000 $ pour le déglaçage.

M. Guy Dufresne: Monsieur Hubbard, relativement au pilotage, on pourrait demander pourquoi il faut deux pilotes à bord du navire.

Le président: Maintenant, monsieur Dufresne...

M. Guy Dufresne: C'est un véritable guêpier. C'est une autre question dont les armateurs voudraient s'occuper, mais il est préférable de s'attaquer à un seul problème à la fois.

Le président: Mais c'est vous qui nous avez entraînés dans ce guêpier il y a un instant.

Je passe maintenant à un représentant de Terre-Neuve et je donne la parole à M. Matthews, du Parti progressiste-conservateur.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Merci, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Il ne reste plus tellement de questions à poser. Je voudrais simplement dire à nos témoins que je comprends certainement un peu mieux la question qu'auparavant après avoir entendu leurs témoignages et que j'admire leur détermination. Je vous en félicite.

Depuis plusieurs semaines, le ministre a régulièrement essayé de nous faire croire à la Chambre qu'il avait l'appui de l'industrie. Je vous remercie d'avoir fait cette mise au point ce matin. Je voudrais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Lunn. À mon avis, le comité doit formuler une recommandation au ministre.

Cependant, comme vous nous avez dit, vous avez déjà rencontré des ministres relativement importants, je ne sais pas au juste quels résultats le comité obtiendra s'il formule une recommandation. Cependant, vu que vous avez fait tout cela... Il me semble qu'il se passe ici la même chose que ce qui est arrivé dans le cas de l'industrie de la pêche sur nos deux côtes. Dans le cas de la pêche, le ministère a fait semblant de tenir des consultations, mais n'a pas tenu compte de ce qu'on lui a dit.

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Je trouve qu'il y a beaucoup de ressemblances avec la crise des stocks de poisson sur la côte Est. Le ministère a consulté les pêcheurs, mais n'a pas tenu compte de ce que l'industrie lui a dit et, à cause de cela, c'est la catastrophe.

Je n'ai pas vraiment d'autres questions à vous poser. Je me contenterai de dire que le ministre a répété constamment à la Chambre que le gouvernement assumera encore 83 p. 100 des coûts, je pense, et qu'il voudrait que l'industrie en assume 17 p. 100. Ces chiffres sont-ils exacts, en passant? Est-ce vraiment cela? D'après le ministre, les contribuables paieront encore 83 p. 100 des coûts et il voudrait que l'industrie en paie 17 p. 100. Vous nous avez dit ce matin que vous avez offert de payer la moitié de ces 17 p. 100. Est-ce exact? Reprenez-moi si je me trompe.

M. Doug Smith: Nous avons offert de payer la moitié de l'argent que le gouvernement veut obtenir, ce qui représente environ 6,5 millions de dollars au lieu de 13,5 millions de dollars. Quant au chiffre de 17,5 p. 100 des coûts, je peux vous fournir toutes sortes de renseignements pour vous prouver qu'il s'agit simplement d'une diversion. Ce chiffre se fonde sur le calcul du gouvernement selon lequel les coûts s'élèvent à 76 millions de dollars.

Nous ne sommes pas d'accord sur ce chiffre. Nous pensons que les coûts sont plutôt de 46 millions de dollars. Selon nous, la part pour les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent pourrait être de 23 millions de dollars mais, à cause de la structure des droits, les navires dans les Grands Lacs et sur le Saint-Laurent vont payer plus de 11 millions sur les 13 millions de dollars. Notre part du recouvrement des coûts serait donc de 50 p. 100, soit près du double du pourcentage de recouvrement des coûts pour les frais du service maritime. Ce sont donc des chiffres...

Nous ne sommes pas d'accord sur le chiffre de 76 millions de dollars. Nous nous inquiétons de ce que la garde côtière ne cesse de banaliser la question en utilisant des chiffres avec lesquels personne au sein de l'industrie n'est d'accord pour montrer que nous ne payons qu'un petit pourcentage des coûts.

Le président: Monsieur Easter, très brièvement, et ensuite monsieur Stoffer.

Je suis désolé, mais il ne nous reste que trois minutes.

Une voix: Cinq minutes...

M. Wayne Easter: Juste un mot sur les difficultés...

M. Bill Matthews: Non...

Le président: Vous avez eu cinq minutes. Il ne nous reste qu'environ trois minutes en tout, et on nous pousse à...

M. Bill Matthews: J'aimerais mieux entendre les commentaires du témoin que les nôtres, monsieur le président.

M. Wayne Easter: J'aimerais faire valoir un point, monsieur le président. On a parlé des économies énormes à réaliser avec le GPS, et je crois qu'il est important que vous compreniez que ce dont nous parlons...

Le président: Wayne, encore une fois, je ne veux pas qu'on aborde cela. Nous parlons...

M. Wayne Easter: Mais c'est très pertinent, monsieur le président.

Le président: Je suis désolé.

M. Wayne Easter: Monsieur le président, c'est directement relié à cette discussion, car le comité n'a pas voulu que seul un système GPS soit mis en place pour protéger les pêcheurs. Maintenant, si nous nous mettons d'accord avec ce groupe aujourd'hui pour dire qu'on peut éliminer le GPS, que fait-on à propos de la...

Le président: Nous avons une entente, monsieur Easter.

M. Wayne Easter: ...la recommandation du comité?

Le président: Cela suffit.

M. Wayne Easter: Il faut qu'il y ait des concessions.

Le président: Cela suffit.

Monsieur Stoffer, une minute.

M. Peter Stoffer: Monsieur Dufresne, vous avez dit que le ton avait monté.

Des voix: Oh, oh!

M. Peter Stoffer: Je vous encourage à faire intervenir le syndicat immédiatement, parce qu'il peut faire monter le ton aussi, et vous aider avec votre cause.

M. Guy Dufresne: Ils sont déjà de notre côté.

M. Peter Stoffer: Mais ils ne sont pas là.

M. Guy Dufresne: Ils ne sont pas là.

Le président: J'aimerais remercier les témoins. Je me dépêche parce qu'un autre comité siège ici à partir de 11 heures. Tout le monde est à la porte en train de dire au greffier que nous devons quitter la salle avant 11 heures. Je m'en excuse. Je ne veux pas vous presser, mais le comité se réunira de nouveau jeudi pour entendre d'autres témoignages.

M. Gary Lunn: Monsieur le président, est-ce que je pourrais juste dire un mot? Pourrions-nous tenir un vote sur la motion...

Le président: Donnez-moi un instant, j'ai l'intention de passer à votre motion si on ne nous expulse pas de la salle avant.

M. Gary Lunn: Merci.

Le président: En tout cas, monsieur, cette question est très complexe et nous apprécions beaucoup vos efforts.

De plus, je ne peux pas m'empêcher de conclure que peut-être le système du gouvernement n'est pas le plus efficace au niveau du déglaçage et que si vous voulez devenir des partenaires, vous auriez peut-être intérêt à examiner des moyens de réduire les coûts et à déterminer comment rendre nos brises-glace plus rentables.

Cela dit, je vais passer aux deux motions dont nous sommes saisis ce matin. J'accepterai les deux, Gary, à titre d'avis de motion, et donc d'ici jeudi, lors de notre prochaine réunion...

M. Gary Lunn: Non, monsieur le président. Je vous demande de renoncer à l'avis de 48 heures en raison des contraintes de temps.

Le président: Je suis désolé, Gary, mais je dois vous signaler que nous avons une procédure à suivre. Il faut donner 48 heures de préavis.

M. Gary Lunn: Mais, monsieur le président, si vous le permettez, lors de la dernière réunion du comité... Nous l'avons déjà fait par le passé; si tous les membres du comité sont d'accord, nous pouvons renoncer au préavis de 48 heures. Nous pouvons contourner cette exigence. Comme le temps presse, je suis d'avis qu'il faut agir maintenant. Je vous demande de renoncer au préavis de 48 heures pour que nous puissions tenir un vote sur la motion aujourd'hui.

Le président: À titre de président, j'ai pris ma décision. Nous devons respecter nos règles, et...

M. Gary Lunn: Mais ce n'était pas le cas...

Le président: ...deuxièmement, Gary, comme nous allons terminer ces audiences jeudi, nous avons largement le temps.

• 1100

Je ne suis pas opposé à l'idée d'informer le Ministre de vos préoccupations et de lui dire que le Parti réformiste s'oppose à ce genre de recouvrement des coûts, mais pour ce qui est de notre façon de procéder, nous avons toujours exigé un avis de 48 heures. Je vrais prendre votre motion en délibéré: Que notre comité écrive au Ministre pour lui demander d'accepter la proposition soumise par M. Guy Dufresne, président de la Coalition maritime et industrielle des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Nous voterons sur cette motion jeudi.

Nous avons un autre avis de motion de la part de M. Easter: Que le comité entame son examen du rapport sur l'Île-du-Prince-Edouard jeudi le 8 décembre, dans l'espoir de le terminer ce jour-là et de le déposer à la Chambre avant le congé de Noël.

Voilà les deux avis de motion. Nous examinerons les deux jeudis. Nous avons des règles à suivre. En tant que président, j'essaie de les suivre la plupart du temps, monsieur Matthews.

Encore une fois, merci d'être venus aujourd'hui. Vous avez fait un excellent exposé. Retournez le dire à vos membres. Nous sommes nous aussi préoccupés par ce que nous avons entendu.