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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 février 1999

• 0914

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Mesdames et messieurs, chers collègues, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la situation des dons d'organes et de tissus au Canada. Nous en sommes à notre sixième séance sur le sujet.

• 0915

Nous accueillons aujourd'hui, chers collègues, plusieurs représentants de divers organismes, dont le Dr David Rootman, directeur de la Banque d'yeux du Canada; le Dr Hans Messner, directeur du Registre canadien de la moelle osseuse; et M. John Akabutu de l'Université de l'Alberta, directeur médical de l'Alberta Cord Blood Bank.

J'aimerais maintenant faire un petit ajustement. Le Dr Michael Gross, directeur médical du Queen Elizabeth II Tissue Bank Health Sciences Centre, a participé à notre deuxième séance. J'aimerais tout d'abord lui donner la parole, car il a un avion à prendre. Si, au cours de la période de questions, vous avez des questions à poser au Dr Gross, j'aimerais vous demander de commencer par celles-là, pour que nous puissions ainsi lui donner l'occasion de partir.

Messieurs, je vous remercie infiniment d'être là. Je vous ai décrit brièvement comment les choses se passent ici. Nous pouvons pratiquement commencer tout de suite.

Docteur Gross, vous êtes le premier.

Dr Michael Gross (directeur médical, Queen Elizabeth II Tissue Bank Health Sciences Centre): Merci.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant votre comité. J'aimerais vous dire que j'assume aujourd'hui trois fonctions. Premièrement, je suis ici à titre de directeur de la banque de tissus du QE II Health Sciences Centre, une banque de tissus qui s'occupe, entre autres, de transplantations osseuses, de greffes de la peau, de transplantations oculaires, de greffes de la moelle osseuse et de greffes de valvules cardiaques. Je suis aussi président du Bureau canadien d'accréditation en technologies de transplantations d'organes et de tissus, et je préside le sous-comité sur la transplantation de tissus qui a élaboré les normes canadiennes en la matière. J'assure aussi la présidence du sous-comité sur la xénotransplantation, dont vous avez certainement beaucoup entendu parler dernièrement. Avec Margaret Somerville, j'ai aussi été coprésident du forum national qui s'est penché sur la question de la xénotransplantation et qui a formulé plusieurs recommandations. Ces recommandations ont d'ailleurs récemment été publiées sur le site Web du Bureau de biologie. Je vais maintenant vous entretenir de ces trois questions.

Tous s'entendent pour dire, je crois, que nous avons besoin de plus en plus d'organes et qu'il en est probablement de même pour les tissus destinés à la transplantation. Il est de plus en plus évident que nous devons mettre en place un système éthique, rigoureux et transparent pour que les patients en attente d'un don d'organes ou de tissus aient tous les mêmes chances de recevoir ces organes ou ces tissus.

Je suis certain que vous trouverez plusieurs dénominateurs communs aux témoignages que vous entendrez aujourd'hui; plusieurs parleront de normes, de responsabilités et d'accessibilité. Personnellement, je crois qu'un bon nombre de ces questions doivent être abordées d'un point de vue national. La première question d'ordre national a trait à l'instauration et au financement d'un système qui permettrait le partage des organes et des tissus. La seconde a trait à la mondialisation galopante de ce partage qui permet aux autres pays d'avoir accès à nos banques d'organes et de tissus. Nous devons aussi nous pencher sur les répercussions des échanges transfrontaliers et de la possibilité qu'ont les gens de se déplacer d'une région à l'autre pour subir des transplantations.

En tant qu'intervenant d'une banque de tissus régionale, j'aimerais maintenant vous parler de ce qui se passe sur le terrain. Nous éprouvons beaucoup de difficultés à respecter les normes à cause de la diminution du financement provenant des hôpitaux qui, traditionnellement, parrainaient des programmes externes.

Je dois vous dire qu'il y a de cela plus d'un an, j'ai dû fermer notre banque de tissus. C'était le seul moyen dont je disposais pour attirer l'attention des administrateurs de l'hôpital sur le fait que nous faisions face à un problème de financement et que nous ne disposions pas d'assez de capitaux. Je crois qu'il s'agit là d'un problème qui doit être abordé aux niveaux fédéral et provincial, car les transplantations et les greffes ne sont pas seulement l'affaire des hôpitaux qui les pratiquent.

L'organisation et le soutien des campagnes de financement constituent, selon nous, un autre problème. Le financement passe par l'information du grand public. Le problème ne se situe pas tant au niveau de l'information du grand public sur les besoins en matière de greffes de tissus; il se situe surtout au niveau de l'information relative aux besoins en matière de transplantations d'organes. Ce problème doit cependant être abordé à l'aide d'initiatives qui débordent du cadre des hôpitaux.

• 0920

Le troisième problème a trait au fait qu'il n'existe aucun mandat clair, ni au niveau provincial, ni au niveau fédéral, visant à coordonner et à soutenir toutes les activités relatives aux dons d'organes et de tissus. Je vais vous faire part d'un problème auquel nous faisons face dans notre coin de pays. Des sociétés américaines viennent au Canada pour offrir des tissus aux Canadiens qui ont besoin de greffes. En contrepartie, elles prennent des tissus donnés par des Canadiens pour aller les revendre aux États- Unis. Elles tablent sur le fait que, présentement, nous utilisons moins de tissus au Canada et que, dans certaines régions, nous avons un plus grand nombre de donneurs. De plus, elles peuvent faire de l'argent en vendant ces tissus aux États-Unis. Cela est très alléchant pour les hôpitaux locaux, parce qu'ils sont avantagés par un système qui leur permet d'obtenir ces tissus gratuitement. Cependant, il s'agit d'un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur et qui n'est vraiment pas avantageux au niveau national, parce que nous, qui sommes aux premières lignes, ne sommes pas subventionnés.

Je vais maintenant mettre ce sujet de côté pour vous parler du sous-comité sur les normes relatives aux greffes de tissus. Il n'y a pas grand-chose à dire. Nous nous sommes réunis, et nous avons élaboré un ensemble de normes. Nous avons fait appel à l'Association canadienne de normalisation pour documenter ces normes, mais nous devons accélérer le processus. Partout au pays, on reconnaît la nécessité d'élaborer des normes nationales relatives aux greffes de tissus; on reconnaît également que ces normes doivent être dynamiques et révisées en fonction des nouvelles données rendues disponibles. Pour ce faire, nous devons constituer un comité d'experts qui sera chargé de surveiller constamment l'application de ces normes. Malheureusement, les choses n'ont pas progressé aussi rapidement que nous l'aurions souhaité au chapitre de l'instauration d'un système qui aurait permis aux établissements qui administrent une banque de tissus de s'en remettre à ces normes. Ils ne sont présentement pas tenus de le faire, lacune qui doit être corrigée grâce, évidemment, à votre diligence.

Le dernier point, et probablement le plus emballant, concerne la xénotransplantation. La xénotransplantation constitue une solution très prometteuse pour répondre aux besoins des patients qui risquent actuellement la mort à cause de la pénurie d'organes humains destinés à la transplantation. Pourtant, cette solution est probablement celle qui leur fait courir les plus grands risques. Je suis chirurgien orthopédiste. De ce fait, je n'ai aucune expertise spécifique. Mais je suis président, et en tant que président, je touche à tout. Je rencontre des éthiciens et des experts en la matière, et je m'occupe aussi des patients. Nous avons d'ailleurs fait une démarche très intéressante.

Ce que je dois vous faire comprendre, c'est que les Canadiens doivent être consultés. Ils doivent être informés. Nous devons mettre en place un système qui permette à l'information et à la recherche de progresser au même rythme. Ce domaine est en pleine expansion. Nous ne pouvons nous permettre de nous asseoir sur nos lauriers et de laisser les autres pays prendre les devants, car cela aura des conséquences sur nos concitoyens. Ces derniers se déplaceront pour subir une xénotransplantation s'il est possible d'en obtenir une ailleurs. Nous devons évaluer les risques, cerner les facteurs de risque pour les éventuels receveurs, informer les Canadiens des problèmes, des solutions et des avantages inhérents et entamer un dialogue constructif avec tous les intervenants, des activistes pour la défense des animaux aux éventuels receveurs, pour ainsi s'assurer que toutes les questions ont été abordées.

Le Canada a l'occasion de prendre les devants, car il est le seul pays où des démarches de consultation semblables à notre forum national ont été entreprises. Si nous poursuivons notre démarche conjointe avec le public, nous avons de meilleures chances de faire accepter ce genre de traitement pour les patients qui ont besoin de ces organes. Si nous nous mettons à dos les divers intervenants, si nous les mettons à l'index ou si nous omettons de les consulter, nous devrons alors faire face au même genre de situation dont nous avons été témoins en Europe, où la xénotransplantation est actuellement frappée d'un moratoire.

J'estime que notre démarche est différente. Elle doit être encouragée. Elle doit être financée. Elle a aussi besoin qu'un groupe national d'experts continue de se réunir pour suivre l'évolution de la situation et pour en informer les hôpitaux où des chercheurs isolés sont peut-être en train de se battre pour faire de la xénotransplantation une réalité. Les commissions d'éthique et les comités d'examen par les pairs des hôpitaux ne doivent pas prendre ces décisions unilatéralement. Les décisions qui nous permettront d'aller de l'avant doivent être prises au niveau national. Encore une fois, je crois qu'il s'agit là d'un domaine où les intervenants des niveaux fédéral et provincial doivent s'entendre pour donner leur soutien à cette démarche emballante, mais potentiellement dangereuse.

• 0925

J'aimerais terminer là-dessus.

Le président: Merci, docteur Gross.

J'aimerais maintenant donner la parole au directeur médical de l'Alberta Cord Blood Bank, le Dr John Akabutu.

Dr John Akabutu (directeur médical, Alberta Cord Blood Bank, Université de l'Alberta): Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître ici aujourd'hui.

À bien des égards, nous sommes des nouveaux venus dans le domaine des transplantations d'organes et de greffes de tissus. Avant 1989, aucun d'entre nous ne savait qu'après la naissance d'un enfant, le sang que contiennent le placenta et le cordon ombilical pouvait constituer une source importante de cellules souches permettant le traitement de certaines maladies. Aujourd'hui, il existe un peu partout dans le monde des banques qui se spécialisent dans le traitement et l'entreposage du sang cordonal.

À l'origine, on se servait de ces cellules souches pour les greffes de la moelle osseuse dans le traitement de maladies comme la leucémie infantile. De nos jours, on utilise les grandes cellules de la moelle osseuse provenant de membres de la famille ou du public pour les greffes de la moelle osseuse. Malheureusement, plusieurs adultes et enfants ne trouvent pas les cellules souches dont ils ont besoin pour leur traitement et risquent ainsi de mourir de la maladie qui les afflige. Cela s'applique particulièrement aux patients autochtones et à ceux des autres minorités.

La découverte d'une autre source de cellules souches dans le sang cordonal—du sang qui serait normalement jeté—constitue une solution de rechange qui arrive à point pour les greffes de cellules souches hématopoïétiques. Aujourd'hui, les cellules souches du sang cordonal ne peuvent remplacer les cellules souches issues de la moelle osseuse pour les greffes de la moelle osseuse. Cependant, elles ajoutent une dimension nouvelle à la science de la greffe des cellules souches chez les humains.

Il existe des raisons irréfutables pour que nous continuions à nous intéresser aux cellules souches du sang cordonal, mis à part le fait qu'il s'agit d'une ressource intarissable. À moins que les Canadiens ne cessent d'avoir des enfants, nous pourrons toujours compter sur cette source de cellules souches. L'absence de maladies infectieuses en est une autre, car ces cellules proviennent d'une source vierge. Généralement, les bébés ne souffrent d'aucune maladie infectieuse à leur naissance.

Il existe un curieux phénomène de tolérance immunologique très intéressant entre le donneur et le receveur, phénomène qui se manifeste avant et après la greffe. De plus, les cellules prélevées peuvent être utilisées immédiatement, contrairement aux difficultés que l'on éprouve lors de greffes de la moelle osseuse provenant d'un donneur qui n'a pas de lien de parenté avec le receveur. Dans ces cas-là, il faut du temps pour trouver la source des cellules souches.

J'ose espérer que si nous pouvons parfaire nos connaissances et manipuler ces cellules en laboratoire, les cellules souches provenant du sang cordonal prendront de l'importance et seront privilégiées pour les transfusions sanguines et les transplantations d'organes hématopoïétiques.

Il est vrai que les cellules souches du sang cordonal ont le désavantage de n'être disponibles qu'en volumes très limités, parce qu'elles proviennent de bébés et parce que nous ne disposons que d'un seul échantillon. Mais il existe des laboratoires un peu partout dans le monde qui travaillent à éliminer ces contraintes. Je ne serais pas du tout surpris si, au cours des cinq prochaines années, nous avions fait suffisamment de progrès pour que cet unique échantillon puisse servir à plusieurs transplantations, autant chez les enfants que chez les adultes.

• 0930

Plus de 1 000 transplantations ont été réalisées partout dans le monde, surtout chez les enfants souffrant de cancer ou de maladies des autres organes hématopoïétiques. Malheureusement, nous accusons un sérieux retard ici au Canada, au chapitre des cellules souches du sang cordonal comme à celui de la mise en place de banques destinées à la conservation de telles cellules. Notre banque d'Edmonton est la seule banque publique canadienne qui conserve les cellules souches du sang cordonal destinées au traitement des Canadiens qui pourraient en avoir besoin. Nous sommes très encouragés par l'enthousiasme des Canadiens partout au pays qui ont volontairement donné des échantillons à notre banque. De plus, des médecins, des infirmières et des sages-femmes de tout le pays procèdent bénévolement au prélèvement de ces échantillons.

Depuis que nous avons inauguré cette banque il y a de cela deux ans, nous n'avons disposé que de bien peu de ressources. Les dons des particuliers ont constitué notre principale source de financement. Présentement, le gouvernement de notre province—et, par ricochet, le gouvernement fédéral—est en train d'étudier une proposition que nous leur avons soumise pour notre financement. Nous espérons que notre banque deviendra la banque nationale du Canada: nous aurons donc besoin de financement afin d'atteindre cet objectif. Au début, étant donné que nous nous étions donné un mandat d'envergure nationale, nous éprouvions des difficultés parce qu'il n'existait aucune agence de financement nationale à qui nous pouvions soumettre notre demande.

Les données que nous avons cumulées lors de l'étude des cellules souches du sang cordonal sont conservées dans une banque de données que nous appelons le Registre canadien du sang cordonal. En ce moment, cette banque ne contient que 50 échantillons, bien que nous en ayons prélevé 850. Autrement dit, 800 de ces échantillons n'ont pas encore été catégorisés et ne peuvent pas être utilisés à des fins de transplantation au Canada. Nous espérons avoir prélevé d'autres échantillons avant la fin de 1999, et nous pensons avoir catégorisé les 800 échantillons que nous avons présentement en banque à la fin de l'année.

Une bonne banque publique doit se conformer aux normes de qualité les plus strictes dictées par de bons procédés de fabrication. Il s'agit là d'une démarche qui est aussi onéreuse que difficile. Bien qu'il s'agisse d'un défi de taille, nous espérons être capables de satisfaire aux exigences d'assurance de la qualité avant deux ans. C'est le temps qu'il nous faudra pour mettre de l'ordre dans nos affaires et analyser ensuite nos cellules souches de sang cordonal afin de pouvoir en accréditer la qualité. Grâce à ce contrôle de la qualité, nous espérons devenir l'une des meilleures banques au monde.

Pour terminer, j'aimerais vous dire que seule notre imagination peut limiter le nombre d'usages que nous pouvons trouver aux cellules souches du sang cordonal. Les propriétés de ces cellules font qu'elles sont très appropriées pour être utilisées dans d'autres domaines, comme la thérapie génique. Il est valorisant de penser qu'un événement aussi extraordinaire que la naissance d'un enfant peut aussi aider une autre mère et une autre famille à sauver la vie d'un être cher.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, docteur Akabutu.

Nous donnons maintenant la parole au Dr Hans Messner, du Registre canadien de la moelle osseuse.

Dr Hans Messner (directeur, Registre canadien de la moelle osseuse): Merci, monsieur le président.

J'assume aujourd'hui deux fonctions. J'agis tout d'abord à titre de président du Canadian Bone Marrow Transplant Group. À ce titre, je parle au nom des spécialistes des greffes, je suis aussi vice-président du comité consultatif du Registre canadien de la moelle osseuse, un organisme indépendant qui assure le suivi des donneurs. De ce fait, je dois m'organiser pour trouver des donneurs.

J'aimerais revenir sur ce que le Dr Akabutu vous a dit, question de vous donner un supplément d'information. Dans son ensemble, la moelle osseuse est différente des organes entiers. Elle constitue une ressource renouvelable. Nous pouvons la transporter, en perdre une partie et la reconstituer dans des délais très courts. De plus, un donneur n'est pas obligé de mourir pour aider un receveur à survivre. La moelle osseuse produit des milliards de cellules à chaque jour. Vous comprendrez que si cette production se fait de façon désordonnée, des maladies mortelles peuvent en découler, comme l'anémie aplastique qui interrompt la production sanguine, la leucémie et la combinaison de déficiences immunitaires graves qui entraîne des troubles immunitaires. Ces maladies sont toutes liées à la moelle osseuse.

• 0935

La moelle malade peut être remplacée par de la moelle saine ou, si vous préférez, par les cellules souches dont le Dr Akabutu vous a parlé. Ces cellules souches, vous l'aurez compris, se trouvent dans la moelle osseuse. Elles se trouvent aussi dans le flux sanguin périphérique et dans le sang cordonal—des tissus que nous pouvons aussi utiliser aux mêmes fins et qui peuvent donc aider à corriger des anomalies fatales de la moelle osseuse.

Quand on analyse les prérequis nécessaires à une greffe, on constate qu'un certain niveau de compatibilité doit être défini, et que l'information dont on a besoin pour ce faire se trouve dans notre code génétique. La moitié de cette information nous vient du père, l'autre moitié de la mère. Au sein d'une famille, nous avons une chance sur quatre de trouver un donneur. En tenant compte de la taille actuelle des familles canadiennes, nous serions à même d'aider entre 30 et 35 p. 100 des patients dans le besoin à partir de cette réserve. Cela signifie qu'une majorité de patients ne pourra compter sur un donneur apparenté, ce qui nous a amenés à étudier de plus près la possibilité de faire appel à des donneurs non apparentés. Au cours des dix dernières années, non seulement nous avons élaboré un programme national, mais il nous a aussi fallu établir des liens internationaux.

Au cours de cette période, nous avons sensiblement fait augmenter le nombre de donneurs non apparentés, ce nombre ayant passé de 5 000 à 180 000 bénévoles canadiens. Nous éprouvons encore des problèmes. Malgré le fait que nous puissions compter sur 180 000 donneurs, nous ne pouvons toujours pas répondre aux besoins à l'échelle nationale à cause de problèmes de compatibilité. Cela découle du fait que nous sommes tous uniques, de certains problèmes culturels et de la variété d'ethnies qui composent la population canadienne, diversité qui entraîne un métissage des origines ethniques. Voilà pourquoi il était très important que nous trouvions d'autres sources d'approvisionnement. Présentement, si l'on ne compte que sur les dons d'organes faits au Canada, nous ne pouvons répondre qu'à 45 p. 100 des besoins d'organes destinés à des greffes entre donneurs et receveurs non apparentés. Il nous a fallu nous ouvrir sur le monde et mettre en place un réseau qui nous permette de faire le commerce de la moelle avec d'autres pays, si vous me permettez l'expression.

À l'échelle internationale, il y a présentement cinq millions de donneurs. Ainsi, nous pouvons répondre aux besoins de 65 à 70 p. 100 des patients de race blanche. À l'échelle mondiale, les autres races, comme les Orientaux et les Africains, sont très peu représentées. De ce fait, nous devons chercher d'autres solutions—le sang cordonal, par exemple, constituant un élément très important—pour répondre à nos problèmes d'approvisionnement. Afin de mettre sur pied un registre fonctionnel, nous devons appliquer certaines normes. Ces normes ne doivent pas faire partie d'un cadre de travail national; elles doivent plutôt dépendre d'un organisme international pour que les échanges d'organes, comme la moelle osseuse, puissent se faire sans égard aux limites frontalières.

Un autre élément essentiel d'une banque efficace est la rapidité à laquelle les donneurs peuvent être trouvés. Évidemment, il y a des patients qui ont besoin d'une intervention cruciale très rapidement. Les patients qui souffrent de leucémie aiguë ne vivent pas très longtemps. Ces patients, ainsi que ceux qui souffrent d'autres genres de maladies hématopoïétiques, ont absolument besoin d'être traités aussi rapidement que possible. La catégorisation complète effectuée à l'aide d'équipement à la fine pointe de la technologie doit devenir une réalité afin de pouvoir rejoindre les donneurs facilement. Les systèmes informatiques doivent être mis à niveau et les procédures de recrutement améliorées. En tant que Canadiens, je crois que nous devons vraiment analyser nos besoins en tenant compte des injustices raciales qui prévalent encore de nos jours.

• 0940

Nous sommes secondés par un certain nombre de groupes profanes qui ont pris l'initiative de nous aider à faire face à ce problème. Enfin, nous avons réussi avec le ministre Rock à franchir une nouvelle étape que nous jugions nécessaire, soit l'organisation d'un forum national pour discuter, entre autres questions, de la façon d'améliorer les chances de fournir de la moelle appropriée et des différentes technologies sur le marché. Je crois que ce forum aura lieu à l'automne prochain. Nous avons déjà pu nous assurer la participation d'un certain nombre de conférenciers qui jouissent d'une réputation internationale dans le domaine et qui nous aideront à travailler à notre système de prestation des soins médicaux pour traiter les maladies hématopoïétiques.

Il est vrai qu'il existe des technologies complémentaires que nous nous devons d'envisager, et celle du sang cordonal semble très prometteuse. L'éventuelle culture de cellules souches en grande quantité et l'éventuelle correction de certaines déficiences par l'insertion de gènes représentent deux avenues que nous nous devons d'explorer.

Le dernier élément qui nous permettra de progresser dans ce domaine est lié à d'autres possibilités. Cela nous permettra de faire face à des problèmes encore plus marqués d'incompatibilité biologique entre le donneur et le receveur en utilisant les technologies d'avant-garde. Si tout cela était rendu possible, nous serions alors à même de répondre aux besoins de la majorité des patients en attente d'une greffe de moelle osseuse.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, docteur Messner.

J'aimerais maintenant donner la parole au Dr David Rootman, de la Banque d'yeux du Canada.

Dr David Rootman (directeur médical, Banque d'yeux du Canada): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous remercier, vous et les membres de votre comité, de me permettre de vous parler de ce sujet très important que constituent les banques d'yeux au Canada. Je crois que nous sommes certainement à la croisée des chemins dans le domaine des banques d'yeux.

J'aimerais tout d'abord me présenter. Je viens ici en tant que représentant de la Banque d'yeux du Canada. Établie en 1955, elle est la plus grande et la plus ancienne banque d'yeux au Canada. Je suis spécialiste en chirurgie de la cornée, ce qui m'amène à pratiquer plusieurs greffes de la cornée chaque année, greffes qui permettent à des enfants et à des nourrissons du Hospital for Sick Children et à des adultes du Toronto Hospital de recouvrer la vue. Je suis aussi professeur agrégé en ophtalmologie à l'Université de Toronto. De plus, je consacre du temps chaque semaine à l'administration de la Banque d'yeux du Canada à titre de directeur médical.

Comme je l'ai déjà dit, la division ontarienne de la Banque d'yeux du Canada existe depuis plus de 40 ans. Cette banque est née d'une idée du colonel E.A. Baker de l'Institut national canadien pour les aveugles qui souhaitait mettre en place un réseau de banques d'yeux partout au pays. Voilà pourquoi nous nous appelons la Division Ontario de la Banque d'yeux du Canada. Cependant, bien qu'il y ait eu de nombreuses autres banques fondées partout au pays, le projet de banques d'yeux fédérales et provinciales interreliées ne s'est pas matérialisé.

Question de vous faire savoir ce qu'est une greffe de la cornée, j'aimerais vous dire que la cornée se situe juste à l'avant de l'oeil. Elle constitue, en fait, la principale lentille de focalisation de l'oeil. Si elle est endommagée à la suite d'une malformation congénitale, d'une infection, d'un traumatisme ou du vieillissement, elle devient trouble et entraîne une cécité qui ne peut être corrigée que par le remplacement du tissu endommagé. On ne remplace pas l'oeil au complet, on ne fait que greffer une nouvelle cornée.

En Ontario seulement, le nombre de greffes pratiquées chaque année est passé de deux à plus de 1 200 entre 1955, année de fondation de la Banque à Toronto, et 1998. Cela s'explique par de nombreux facteurs. Les techniques chirurgicales et la science ont énormément progressé, ce qui a rendu les opérations plus sûres et plus efficaces. Comme nous le savons tous, la population augmente et vieillit à un rythme accéléré. Par le passé, peu de gens vivaient assez longtemps pour avoir des problèmes cornéens requérant des soins chirurgicaux, mais la petite proportion de gens ayant besoin de cornées a sans cesse augmenté au fil des ans.

Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation actuelle et se préparer à faire face à l'évolution et aux problèmes à venir? J'ai résumé la réponse à cette question en cinq points. Il s'agit évidemment d'une liste incomplète, mais je ferai mon possible pour mettre l'accent sur les points importants.

Nous devons tout d'abord tenter d'améliorer les communications intraprovinciales et interprovinciales en solidifiant les liens qui unissent les banques d'yeux canadiennes. Cela exigera la mise en place de meilleurs systèmes de communication et, comme l'ont souligné les autres personnes qui ont comparu ici aujourd'hui, des normes unifiées permettant l'accréditation des banques d'yeux.

• 0945

Ainsi, en Ontario, nous disposons souvent d'un surplus de tissus lorsque, par exemple, des chirurgiens sont absents, et comme nous sommes assujettis à des normes différentes, ou que nous ne sommes pas accrédités par la même banque d'yeux qu'en Colombie- Britannique, celle-ci n'acceptera pas les cornées qui viennent d'ici, même s'il y a dans cette province une liste d'attente très longue, de près de deux ans dans la plupart des cas.

Autrement dit, pour faciliter les choses, nous devons tous avoir les mêmes normes. Je suis conscient du travail que font la Direction générale de la protection de la santé et les comités dont a parlé le Dr Gross pour établir des normes canadiennes régissant les banques d'yeux. Jusqu'à présent, nous n'avons pas réussi à établir de telles normes à l'échelle nationale. Cependant, la Eye Banking Association of America est probablement l'organisation la mieux connue et la plus ancienne dans ce domaine. Elle a publié des normes très précises et dispose d'un processus d'accréditation auquel se soumettent bon nombre des banques d'yeux canadiennes. Nous tentons actuellement d'harmoniser nos normes avec les siennes, et nous avons rencontré des difficultés parce que la création de notre banque remonte à il y a 40 ans et que nous traînons tout le bagage d'une vieille institution.

Essentiellement, les normes canadiennes ressemblent aux normes américaines. Il n'est peut-être pas nécessaire de réinventer la roue, mais bien plutôt de travailler en collaboration avec les banques d'yeux des États-Unis.

Deuxièmement, toutes les banques d'yeux doivent s'assurer d'avoir le financement nécessaire pour payer les frais de ce processus d'accréditation. Notre financement provient principalement de trois sources. Nous obtenons une subvention provinciale pour administrer et exploiter notre banque. Nous recevons une somme importante de l'Institut national canadien pour les aveugles, somme sans laquelle nous ne pourrions fonctionner puisqu'elle sert à payer la majorité de nos frais de transport. L'Université de Toronto, elle, nous fournit les locaux et l'infrastructure nécessaires pour effectuer notre travail.

Cependant, nous ne touchons aucun financement régulier, de quelque source que ce soit, pour l'achat et le renouvellement de l'équipement. Ainsi, nous exploitons actuellement la quatrième banque d'yeux en importance au monde—la plus importante au Canada, bien sûr—et nous comptons pour ce faire sur cinq employés à temps plein—soit beaucoup moins que ce qui est nécessaire pour effectuer tout le travail administratif et celui qui a trait à l'accréditation. Il est donc essentiel de trouver un mécanisme quelconque pour nous assurer que notre financement est lié à notre production et qu'il soit adéquat. Nous avons actuellement de la difficulté à garder le personnel à long terme à cause du stress qu'impose le travail dans des circonstances difficiles.

Troisièmement, nous devons nous assurer d'obtenir tous les yeux destinés à un don et non seulement ceux qui seront utilisés, à coup sûr, pour une transplantation. C'est ce qui se passe en Ontario. Les médecins qui, dans des circonstances difficiles, se chargent d'aller récupérer des yeux pour la banque reçoivent une prime. Cependant, dans d'autres provinces, en Colombie-Britannique notamment, la banque d'yeux ne reçoit aucun financement à moins que les cornées récupérées soient effectivement utilisées pour des greffes chez des humains, ce qui diminue considérablement le nombre de donneurs et a allongé la liste d'attente dans cette province. De notre côté, nous récupérons tous les tissus qui sont donnés; en fait, pour être efficace, je crois que l'on a besoin au moins du double de la quantité d'yeux récupérés afin de disposer de suffisamment de cornées de bonne qualité pour assurer une greffe sans difficultés.

Par contre, les yeux qui ne peuvent être utilisés pour des greffes peuvent l'être pour la formation de chirurgiens ophtalmologistes, moyennant le consentement des intéressés. En fait, si vous examinez la situation très attentivement, vous vous rendrez probablement compte qu'on sauve plus d'yeux grâce aux yeux donnés qui ont servi à la formation que grâce à ceux qui ont été utilisés pour la greffe.

Quatrièmement, il y a la question de la promotion de la banque d'yeux. Nous sommes en général très discrets, car nous ne nous distinguons pas par le prestige ou par la possibilité de sauver des vies comme il arrive dans le cas des greffes du coeur ou du rein. En outre, nos 40 ans de service ne nous permettent pas de faire parler de nous très souvent en première page des journaux. Mais croyez-moi, nous changeons des vies de façon concrète, et nous devons avoir les moyens de faire connaître notre travail et d'encourager le don d'yeux. Nous avons besoin des fonds nécessaires à la consolidation et au maintien des réseaux en place, dont font partie les médecins, les infirmières, les sections locales de l'INCA, les clubs de services, les forces policières locales et provinciales et les bénévoles des localités.

• 0950

Enfin, nous avons besoin de lois dont l'objectif serait de faire connaître les besoins. Les familles doivent savoir combien il est facile de faire un don et jusqu'à quel point ce don peut changer les choses. Par exemple, pour ce qui est des donneurs d'organes entiers, il existe de très nombreux critères rigoureux concernant l'utilisation que l'on peut faire des tissus pour le coeur, les reins ou les poumons, alors que pour les yeux, dans la plupart des cas, l'âge, l'ordonnance et la maladie qui a emporté le donneur n'ont aucune importance, car la plupart des patients peuvent devenir des donneurs d'yeux. Il est très important de trouver une façon d'encourager ce genre de don et d'appliquer les lois qui sont déjà en vigueur dans de nombreuses régions du pays.

Peut-on y arriver? Oui, je le crois. Nous avons probablement accompli 80 p. 100, voire 90 p. 100 du travail. Pour pouvoir dire mission accomplie, il nous faut compter sur le soutien des deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial. Nous avons un réseau qui fonctionne déjà assez bien, mais nous devons pouvoir le peaufiner et nous procurer suffisamment de cornées pour pouvoir redonner la vue par une chirurgie à toutes les personnes qui en ont besoin au Canada, et ailleurs dans le monde.

Je vous remercie de m'avoir accordé la parole.

Le président: Merci, docteur Rootman.

J'aimerais maintenant passer à la période des questions. Nous allons commencer par M. Elley du Parti réformiste.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Messieurs, je vous remercie beaucoup d'avoir témoigné devant notre comité ce matin. Il est très important que nous entendions votre point de vue.

J'aimerais poser une ou deux questions au Dr Gross. Les autres témoins voudront peut-être intervenir à un moment donné eux aussi.

Vous avez parlé de banques de tissus à l'échelle régionale, et de la diminution des crédits accordés à ces banques par les hôpitaux. À un moment donné, vous avez fermé votre banque pour mettre le problème en évidence. Croyez-vous qu'il faudrait trouver d'autres sources de financement stable, particulièrement auprès des gouvernements provinciaux, tiré des budgets de la santé?

Dr Michael Gross: Rapidement, je vous dirai oui. Pour préciser, je peux vous dire que cela varie d'une province à l'autre. Dans l'Atlantique, il serait bon que nous ayons une approche qui nous est propre, un organisme de l'Atlantique qui coordonnerait l'approvisionnement et la distribution de tous les tissus et organes, grâce à un financement stable, et qui fournirait des résultats mesurables concernant la santé de la population, le nombre de transplantations effectuées et le nombre de rejets.

Il n'est pas très difficile d'envisager la création d'une organisation qui satisferait à toutes les exigences des différents intervenants réunis autour de cette table. En outre, il faut aborder le problème du point de vue fédéral afin que les provinces veuillent et puissent se parler, si bien que lorsqu'on a une cornée à Toronto, on puisse la transplanter à Halifax ou à Vancouver. Cela aussi exige une certaine coordination à l'échelle fédérale.

Je suis d'accord avec vous, il s'agit là d'un type de service de santé qu'on offre dans de meilleures conditions à l'extérieur d'un hôpital et qui est coordonné au mieux au niveau provincial ou interprovincial.

M. Reed Elley: Merci. J'aimerais vous poser une autre question, et j'aimerais que le Dr Messner y réponde aussi. Cela concerne les aspects éthiques et politiques, peut-être, qui découlent de l'approvisionnement transfrontalier en organes et en tissus, notamment.

Nous savons tous que de nombreux Canadiens se remettent à peine des résultats des transfusions sanguines transfrontalières effectuées dans les années 1980. Pour ce qui est des transplantations transfrontalières d'organes malades, ce genre de choses, peut-on être sûr que cela ne se reproduira pas?

• 0955

On entend dire parfois que des gens aux États-Unis vendent leurs organes pour de l'argent. Jusqu'où cela va-t-il, on ne le sait pas. Vous avez parlé des sociétés américaines qui viennent au Canada acheter des tissus, et je ne pense pas que vous étiez très content de cela. Le Dr Messner a parlé du commerce transfrontalier de moelle osseuse, qui semble accepté. Pourriez-vous nous parler un peu plus de toute cette question et peut-être essayer de nous rassurer quant aux problèmes potentiels dans ce secteur.

Dr Michael Gross: Les problèmes surgissent lorsqu'il y a un vide attribuable à l'absence de normes ou d'ententes, à la non- accessibilité aux tissus ou aux organes.

Comme je l'ai dit dans mon préambule—si je peux aborder les différentes questions—pour ce qui est des tissus, il y avait un problème concernant le commerce transfrontalier des tissus en Europe. On prélevait des tissus chez des donneurs de l'Europe de l'Est, lesquels étaient traités en Europe de l'Ouest et exportés aux États-Unis. Les tissus étaient de piètre qualité, et c'est la raison pour laquelle la FDA a mis un terme à ce commerce.

Donc, s'il n'y a pas de normes canadiennes, nous ne pouvons empêcher ce commerce transfrontalier, ni l'encourager, ni même simplement l'observer. Nous devons disposer des normes nécessaires et les enchâsser dans une mesure législative quelconque à laquelle on pourra se reporter.

Une deuxième chose concernant les organes. Si une personne se rend en Inde pour se faire greffer un rein, que cette personne est citoyenne canadienne et qu'elle revienne ici pour recevoir les soins postopératoires, que fait-on? Nous n'avons pas abordé la question, mais il faut le faire. Il n'y a pas de réponse facile.

Troisième chose, s'il est possible d'obtenir dans un autre pays une technologie qui n'existe pas au Canada, il faut aussi en tenir compte. Par exemple, des neurotransplantations à partir d'organes de porc sont effectuées ailleurs qu'au Canada. Cette technologie progresse, et c'est pourquoi je dis qu'il nous faut une tribune où discuter de ces questions et où les experts en cause élaboreraient les normes appropriées. Mais en ce qui concerne la xénotransplantation, le public doit participer aux discussions.

M. Reed Elley: Monsieur Messner.

Dr Hans Messner: Dans le domaine de la greffe de moelle osseuse, bien sûr, la situation est légèrement différente parce que nous disposons d'un donneur vivant à qui on peut faire des tests et encore des tests. À ce moment-là, manifestement, qu'il s'agisse d'un membre de la famille du patient ou non, nous prendrions la décision après avoir suivi une liste établie de paramètres à respecter avant de dire que l'on va effectuer une greffe chez ce patient à partir d'un donneur admissible. Fondamentalement, les normes peuvent être établies par le centre qui reçoit l'organe. Donc, si j'ai un patient ici à Toronto et que le donneur est en Allemagne, je peux prescrire ce que je veux avoir, et je peux alors accepter ou rejeter le donneur.

Il y a cependant des situations qui vous donneront sans doute à réfléchir. Par exemple, si vous avez un patient atteint de leucémie aiguë et que le seul donneur dans le monde entier souffre d'hépatite C, est-ce que vous allez accepter le donneur ou pas? Dans certains cas, les services sanguins vont carrément refuser, alors que dans une intervention directe entre le patient et le médecin qui effectuera la greffe, après avoir fait l'analyse complète des risques, on peut en venir à la conclusion que le patient accepte, qu'il comprend que le donneur a l'hépatite C, mais que la greffe peut ajouter cinq, dix ou quinze ans à sa vie.

Ce sont là les situations les plus difficiles que nous devons affronter. Mais je pense que la question essentielle ici est que nous devons essayer d'élaborer des normes revêtant un caractère véritablement international.

En Amérique du Nord, il existe une fondation d'accréditation pour la thérapie des cellules hématopoïétiques qui a été créée par deux groupes professionnels: l'un d'eux a établi la norme de laboratoire, c'est-à-dire comment préparer les échantillons; l'autre groupe provient de l'American Society of Marrow Transplanters et a élaboré les normes professionnelles régissant les mesures à respecter pour être un centre de transplantation. Les deux groupes se sont réunis et ont mis au point une norme nord- américaine.

Le Dr Gross et moi-même siégions au même groupe consultatif d'experts auprès de Santé Canada et vous comprendrez probablement qu'à la norme canadienne, qui est le document général, se greffent d'autres normes concernant des organes ou des tissus en particulier. Nous avons été autorisés à accepter la norme nord- américaine appliquée dans les faits comme étant la norme régissant la greffe de moelle osseuse. Je sais effectivement que des efforts sont déployés pour harmoniser cette norme avec celle de la Communauté européenne et pour voir si l'on ne pourrait pas l'adopter de l'autre côté de l'Atlantique, à tout le moins.

• 1000

M. Reed Elley: Merci.

Le président: J'aimerais maintenant céder la parole au Dr Patry, représentant du parti gouvernemental.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

Ma question s'adresse au Dr Gross. Dans votre exposé, vous avez dit que l'information du public était l'un des nombreux problèmes à l'origine de la pénurie de donneurs de tissus et d'organes; vous avez dit aussi que cela s'explique entre autres par le fait que le public a l'impression que la greffe en est toujours au stade expérimental. Mais j'ai été surpris, voire presque étonné d'entendre—chose que je ne savais pas—que certains hôpitaux obtiennent des tissus gratuitement et les vendent aux États-Unis. À mon avis, c'est tout un problème d'éthique. Est-ce ainsi en général dans tout le pays, ou si ce n'est le cas que de quelques hôpitaux ou de quelques provinces? De quels tissus est-il question? À votre avis, quelle serait la réaction du public, celle de nos futurs donneurs et des donneurs apparentés aux patients, s'ils savaient que les hôpitaux vendent des tissus aux États-Unis?

Dr Michael Gross: C'est une excellente question, parce que tout le problème des dons est qu'il s'agit d'une question très émotive. Le don se fait toujours à un très mauvais moment, et tout événement qui vient perturber le processus ou entraver un volet du don affecte tout l'ensemble du système de don. C'est pourquoi j'ai utilisé cet exemple du vide qui existe; parce que nous n'avons pas suffisamment de financement, par exemple, pour constituer une banque de moelle, il est très intéressant pour un hôpital isolé de conclure une entente avec un organisme d'approvisionnement en tissus des États-Unis. Pour moi, ça ne se fait pas. C'est la raison pour laquelle je soulève ce problème et j'utilise cet exemple pour demander l'établissement et la mise à jour de normes canadiennes qui feront en sorte que le phénomène ne se reproduise pas.

Là encore, toute la question de l'information du public est cruciale, qu'il s'agisse de dons de tissus et d'organes ou de xénotransplantation. Le public doit être de notre côté, il doit se sentir à l'aise avec le processus que nous appliquons de même qu'avec les normes qui le régissent. Il doit être certain que nous faisons affaire avec des scientifiques bien informés, qui ne défendent pas leurs intérêts personnels. Il est très facile pour les médias d'aborder la question de façon biaisée et de dire que certains chercheurs détiennent des actions dans l'entreprise qui travaille dans ce domaine, et ainsi détruire toute la confiance du public.

C'est pourquoi je pense que dans ce domaine, nous avons besoin d'un leadership fort, et les comités nationaux auxquels nous participons sont capables d'assurer ce leadership. Mais nous avons besoin d'aide pour nous ouvrir au public. Le public doit comprendre qu'il a accès à l'information et que nous jugeons de façon réaliste le risque associé aux différentes transplantations. Si nous disons au public quels sont les risques, si nous les quantifions et que nous essayons de même de quantifier les avantages possibles, je crois alors que nous allons dans la bonne direction.

M. Bernard Patry: Monsieur le président, j'aimerais poser une autre question au Dr Gross.

Vous avez parlé de xénotransplantation. Nous avons entendu un témoin il y a quelques semaines qui nous a entretenu des avantages et des inconvénients de ces opérations. Or, vous nous dites que l'Europe a imposé un moratoire sur les xénotransplantations. Pouvez-vous nous dire pourquoi? Est-ce une question de financement, d'éthique ou d'information du public? Qu'en savez-vous?

Dr Michael Gross: C'est une combinaison de facteurs liés à l'information, à l'éthique, et à la peur qui existe au sujet de la possibilité qu'un virus ou que des particules virales présents chez les animaux se transforment et deviennent un problème chez les humains. Il y a là un risque potentiel, cela ne fait aucun doute.

Pour répondre à ces préoccupations, il faut quantifier ce risque et disposer d'un système qui permette de surveiller attentivement la situation. Autrement dit, on ne peut pas dire qu'on va stopper le virus, parce que si cela ne se produit pas en Europe, cela va se produire ailleurs. Mais ce que nous devons faire, c'est de dire oui, la peur est réelle et vos inquiétudes sont légitimes, mais nous croyons que le système mis en place pour surveiller la situation est adéquat, et nous aimerions que vous en fassiez partie. Par exemple, nous avons invité les défenseurs des droits des animaux aux travaux de notre comité. Nous voulions nous assurer que les gens peuvent dire: oui, nous avons un système qui nous permet d'aller de l'avant. Et c'est là, à mon avis, une occasion rêvée pour le Canada parce que s'il met ce système en place, nous pouvons jouer un rôle de chef de file.

M. Bernard Patry: Merci.

Le président: Merci, docteur Patry.

Je cède maintenant la parole à Mme Wasylycia-Leis du Nouveau Parti démocratique.

• 1005

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

Je vais adresser mes questions au Dr Gross, mais les autres témoins peuvent aussi y répondre s'ils le désirent. J'aimerais poursuivre la discussion sur les xénotransplantations. Comme l'a dit le Dr Gross, voilà un domaine qui offre des possibilités, mais qui pose aussi de nombreux défis. Je crois que vous avez dit qu'il y a un immense vide en ce qui a trait aux règlements et aux normes. Il me semble qu'il y a aussi un vide en ce qui concerne l'information sur la situation exacte des xénotransplantations au Canada. Beaucoup d'entre nous ont reçu de la correspondance de l'Alliance animale du Canada, avec qui vous êtes en contact.

Est-ce que l'on sait exactement ce qui se passe aujourd'hui au Canada en ce qui concerne l'utilisation de produits non humains dérivés des animaux? Je ne suis spécialiste d'aucun de ces domaines, donc je ne sais pas s'il s'agit là d'un domaine qui est restreint aux organes provenant des porcs. Quels sont les produits non humains utilisés actuellement? Y a-t-il eu tellement de progrès au Canada dans ce domaine qu'il pourrait être difficile de stopper le cours des choses, de fermer la porte de la ferme après que tant d'animaux l'ont déjà quittée? Devrait-il y avoir un moratoire sur toute cette question jusqu'à ce que nous maîtrisions très bien la situation? Se fait-il beaucoup de xénotransplantations au Canada? C'est un marché lucratif, et les grandes entreprises s'y intéressent et espèrent tirer profit de ce vide.

Le président: Voulez-vous poser une autre question, madame Wasylycia-Leis?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Peut-être, mais je vais m'arrêter ici.

Le président: Très bien.

Dr Michael Gross: Commençons d'abord par la première question. Ce qui suscite tout ce débat, c'est que des personnes meurent parce qu'on n'a pas les organes dont on a besoin. Le médecin qui s'occupe de ces patients dit: «Y a-t-il un moyen qui me permette d'accroître les chances de sauver plus de personnes?» C'est ça le point de départ. C'est un processus qui est très axé sur l'éthique.

De toute évidence, certaines grosses sociétés s'intéressent à la question tout comme les sociétés pharmaceutiques. Le système actuel nous permet de vendre des médicaments à la population en général, d'évaluer les risques associés à ces médicaments et de faire un suivi.

Tout ce que je dis, c'est que nous devrions avoir le même système qui nous permette d'explorer ce nouveau domaine qu'est la xénotransplantation. Nous n'avons pas besoin de moratoire.

Nous devons continuer le travail avec les groupes d'experts qui sont réunis. Le Bureau de la biologie a déjà comparu devant le comité au sujet de la sécurité des organes et des tissus. Ce sous- comité a rédigé certaines normes provisoires, actuellement distribuées à tous les intervenants, qui vont nous faire part de leurs commentaires et nous proposerons alors d'adopter ces normes pour l'instant. Mais il nous faut aussi un comité de surveillance de l'application des normes afin que, au fur et à mesure que changent les données, les normes reflètent les connaissances actuelles, et non pas celles d'hier.

L'utilisation de porcs en est au stade expérimental. Les obstacles qui empêchent de réussir une greffe de foie de porc, par exemple, sont encore très nombreux. Et nous réussirons à éliminer ces obstacles grâce à des expériences appropriées, respectueuses des principes d'éthique, et semblables à celles qui se font tous les jours dans diverses institutions canadiennes. Ce que nous attendons du gouvernement fédéral, c'est un appui à cet égard afin que le processus déjà enclenché puisse se poursuivre.

Le président: Docteur Messner.

Dr Hans Messner: Je crois qu'il y a un autre élément d'information important, à savoir un système de communication qui nous permette d'interagir avec les divers intervenants. Chaque fois que l'on soulève la question quelque part, on nous dit qu'on a les dossiers de santé. Mais les dossiers ne font pas réellement part de toutes les subtilités d'un domaine à la fine pointe de la technologie. Je crois que l'une des composantes les plus importantes que nous pouvons vous demander d'appuyer, c'est la capacité de mettre au point les registres appropriés afin que nous sachions non seulement combien de greffes nous faisons, ce qui est bien, mais également quels en sont les résultats. Nous pourrions établir des liens entre les sources d'information et nous assurer ainsi de disposer de l'information nécessaire pour atténuer l'impact des problèmes que nous risquons d'avoir et que si des problèmes surgissent effectivement, ils soient détectés rapidement et réglés de façon appropriée par les experts.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

• 1010

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais poser deux questions rapides.

Pour donner suite à ce qu'a dit le Dr Messner, est-ce que le mécanisme proposé dans le budget concernant l'information en matière de santé est approprié? À votre avis, est-ce là un outil qui nous permettrait d'aller de l'avant?

Dr Hans Messner: Je crois que c'est précisément ce dont nous avons besoin. Oui, il faut que l'on reconnaisse que cette information médicale très précise doit être recueillie dans le but d'établir un système d'information unique et uniforme, qui donne une idée véritable de la situation dans tout le pays, non pas seulement à l'hôpital de Toronto ou celui d'Halifax, etc. On a véritablement besoin de cette présence nationale.

Le président: Le secrétaire parlementaire, au nom du ministre de la Santé, vous remercie de cette réponse.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Je pense qu'il est important de préciser que l'expérimentation faite sur les porcs n'est pas une expérimentation humaine. Pourriez-vous le préciser, s'il vous plaît?

Dr Hans Messner: Non, ce n'est pas une expérimentation humaine.

Dr Michael Gross: C'est exact.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): J'aimerais revenir à certaines choses qui ont été discutées ce matin, ainsi qu'à des éléments soulevés dans des mémoires que nous avons déjà reçus. Hier, certains témoins ont parlé d'une organisation nationale qui serait réglementée par le gouvernement fédéral et régie par des normes nationales. Mais les témoins demandaient également une loi très rigoureuse—certains d'entre eux, de toute façon—qui obligerait à rediriger les dons et qui prévoirait des sanctions si on ne le faisait pas dans certains cas, que ce soit le fait des hôpitaux ou de quelqu'un d'autre.

Ma question comporte plusieurs volets. Premièrement, est-ce que vous seriez d'accord pour que cette organisation puisse appliquer de telles sanctions rigoureuses et imposer l'obligation de rediriger les dons? Deuxièmement, est-ce qu'une organisation nationale dans ce domaine serait suffisante, ou si l'on voudrait avoir une organisation nationale spécifique pour la moelle osseuse, par exemple, et ainsi répartir l'association nationale en plusieurs organisations spécialisées?

Ce que je veux dire, c'est que si nous devions avoir un registre national ou une organisation nationale sur les transplantations, assujettie à des normes et responsable à plusieurs égards, notamment en matière de coordination, est-ce qu'une organisation serait suffisante pour s'occuper des tissus, de la cornée, de la moelle osseuse et des organes, ou si, à votre avis, c'est trop demander à une seule organisation? J'ai l'impression qu'il faut aujourd'hui se demander, bien sûr, quel poids cette loi devrait avoir. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que l'on doit adopter des sanctions et imposer l'obligation de rediriger les dons?

Dr Hans Messner: D'après notre expérience avec le groupe de travail d'experts auprès de Santé Canada, nous comprenons très bien que l'on puisse établir une norme générale. Cependant, je crois également qu'à la norme générale, il faut ajouter des normes spécifiques concernant les tissus et les organes, et que nous aurons besoin de ce deuxième palier de comité ou d'organisme gouvernemental, peu importe ce que c'est, pour vraiment examiner les problèmes très spécifiques, propres aux tissus qui sont greffés. C'est pourquoi les progrès réalisés dans un domaine sont complètement distincts de ceux enregistrés dans un autre.

Par exemple, la xénotransplantation concerne les greffes d'organes entiers. Pour nous, qui travaillons dans le domaine de la greffe de la moelle osseuse, c'est la possibilité d'isoler les cellules souches pour les manipuler génétiquement et véritablement reconstruire tout le système de moelle osseuse à partir d'une seule cellule si on le veut. Vous comprendrez que nous n'avons pas besoin de recourir à la xénotransplantation pour cela; nous pouvons le faire en nous limitant à l'espèce humaine. Donc pour nous, il y a la question du transfert génétique, des facteurs que l'on peut amener de l'extérieur dans l'environnement de la cellule pour essayer d'en tirer le maximum. Je pense donc que ce sont là des considérations très différentes, qui nécessitent les connaissances précises des experts dans ce domaine en particulier.

Dr Michael Gross: Pour continuer dans cette veine, si vous permettez, je pense que nous avons un système efficace. Nous établissons les normes canadiennes, nous avons ensuite des sous- comités portant sur les différentes spécialités. Chaque sous-comité subit des pressions particulières et examine les différentes questions qui font l'objet de préoccupations. De toute évidence, le sous-comité des xénotransplantations a des préoccupations très différentes. Mais chacun de ces sous-comités doit être appuyé. À mesure que nous y travaillerons et que nous préciserons et adopterons les normes, cela fonctionnera très bien, je crois. La question est de savoir si nous avons l'appui nécessaire pour recueillir les données là où nous en avons besoin.

• 1015

Je ne crois pas que nous devions réunir beaucoup de données sur la transplantation de tissus, mais il nous faut savoir tout ce qui se passe en xénotransplantation à cause du risque potentiel qu'elle présente. Donc, l'évaluation du risque nous permet de concentrer nos ressources sur des questions précises, et je crois que c'est le modèle qui fonctionnerait le mieux.

Je n'ai pas entendu les témoignages d'hier, mais je m'inquiète un peu au sujet des sanctions prévues pour la non-publication de rapports. Je pense que la coercition délicate a toujours mieux fonctionné, le Canada n'est pas un pays si grand que cela et la communication fonctionne bien. De toute évidence, s'il y a négligence, la loi est là pour y voir; je ne crois que nous devions nous engager dans cette voie. Mais en ce qui concerne la sécurité des greffes, la plupart des intervenants ont dit ce qu'ils pensaient, ils ont été consultés, et croient fermement qu'il faut adopter et faire respecter ces normes.

Le président: Monsieur Rootman.

Dr David Rootman: Tous les témoins aujourd'hui, je pense, font état de la nécessité d'adopter des normes afin que nous puissions nous transmettre l'information de façon plus efficace. Mais on ne peut pas édicter des normes sans en payer le coût non plus. Et je ne pense pas qu'on a vraiment clairement établi qui allait payer le prix de tout ça. Ce qui nous laisse, nous qui sommes responsables de fournir les tissus et les organes, dans une position très précaire.

Ce que je souhaite donc le plus ardemment, c'est que les intervenants se concertent pour donner le feu vert. Et je pense qu'un seul organisme-cadre pourrait faire ce travail, bien sûr, parce que les intervenants de chacun des domaines respectent suffisamment les compétences des autres, et je sais que cela a été signalé à maintes reprises. Donc je pense que cela est possible.

En ce qui concerne les sanctions, je suis également d'accord pour dire qu'elles fonctionnent rarement, tout comme le fait d'avoir recours à la coercition, parce que dès qu'on impose une sanction, il faut trouver quelqu'un pour surveiller la situation. Je sais, d'après ce qui se passe en Ontario, que certains de nos petits hôpitaux sont ceux qui contribuent le plus aux banques de tissus, et selon un pourcentage qui dépasse largement leur taille proportionnelle, pour ce qui est des yeux. Il s'agit simplement d'un engagement individuel. Même s'il l'on dispose de lois qui exigent la création de comités sur l'approvisionnement en tissus et de toutes sortes d'autres comités pour faciliter les dons d'yeux, de tissus et d'organes, le don ne se fait pas nécessairement à moins que quelqu'un ne s'y implique et ne s'y intéresse. Donc, je pense que l'on doit établir des mécanismes qui encourageraient fortement le don d'organes, mais je ne sais pas quel genre de sanctions imposées pourraient être efficaces.

Le président: Monsieur Akabutu—ou docteur Akabutu.

Dr John Akabutu: J'allais vous faire remarquer, monsieur le président, que je suis le seul ici dont le nom ne soit pas précédé de la mention docteur. Je suis effectivement médecin.

Le président: Je m'excuse de ne pas vous avoir donné tout le respect que je vous dois au tout début.

Dr John Akabutu: Dans le domaine des banques de sang cordonal, nous sommes très chanceux, parce que nous en sommes à nos premiers balbutiements, et nous examinons toutes les expériences que les autres ont vécues au chapitre des tissus et des banques de tissus. Au départ, il sera très important pour nous de respecter les règlements pour nous assurer que le produit qui est fabriqué est de la plus haute qualité pouvant être utilisée chez des humains. Comme l'a fait remarquer le Dr Messner, il existe aujourd'hui des organisations auxquelles on peut s'adresser pour obtenir une accréditation.

Le processus est très laborieux et extrêmement coûteux. Je suis d'accord avec le Dr Rootman: outre respecter nos obligations, nous devons avoir le financement nécessaire pour préserver notre qualité. C'est très important.

En ce qui concerne le deuxième domaine, je ne peux que répéter ce qu'ont dit mes collègues au sujet d'un cadre réglementaire comprenant des mesures punitives pour les personnes qui ne respecteraient pas les normes. Je pense que ce genre de choses n'augure pas bien pour l'innovation et les améliorations dans le domaine, donc j'aurais tendance à déconseiller cette approche. L'idée devrait être, en fait, de formuler des règlements, mais les secteurs individuels devraient disposer de la latitude nécessaire pour pouvoir traiter leurs problèmes particuliers.

Si vous prenez le domaine des cellules souches de moelle osseuse et le sang cordonal, par exemple, comparativement aux organes entiers comme le coeur, vous savez exactement où le placer. Le rein, vous savez exactement où il va. Mais lorsqu'on transplante des cellules souches, tout ce que l'on fait, c'est de les injecter dans le sang et elles vont elles-mêmes aller se placer quelque part dans la moelle osseuse et commencer à y faire leur travail. Nos processus de réflexion dans ce genre de transplantation sont très différents de ceux qu'implique la transplantation d'organes entiers chez des individus.

• 1020

Le président: Je me demande si vous pourriez m'expliquer quelque chose, docteur Akabutu. Il s'agit de la question de l'accréditation. Au début de votre exposé, vous avez dit qu'il y a certains problèmes dans ce domaine. Qui s'occupe de l'accréditation pour les dons de sang cordonal?

Dr John Akabutu: Actuellement, il n'y a pas d'organisme au Canada, pour ainsi dire, qui accréditera une banque comme la nôtre. Nous comptons sur l'organisation dont le Dr Messner a parlé, ainsi que sur l'American Blood Banking Association, qui peuvent toutes deux nous fournir des suggestions sur l'actualisation de bons processus de fabrication. On nous permet de continuer notre travail indépendamment du développement de notre banque parce que nous sommes associés à un hôpital universitaire et à une université, et que nous devons avoir de bonnes pratiques de laboratoire dans ce domaine.

Il est vrai qu'ultérieurement, dans environ deux ans, nous devrons respecter certains critères rigoureux, qui sont toujours en voie d'élaboration. Je crois que cela fait partie du travail du groupe du Dr Messner, dont les résultats seront publiés bientôt. La difficulté que nous éprouvons au Canada actuellement, c'est qu'il existe des banques privées de sang cordonal où les gens font don d'échantillons de sang qui peuvent être utilisés ultérieurement par leurs enfants. Le problème, c'est que ces banques ne sont pas réglementées. Je crois que ce genre de problème devra être abordé ultérieurement.

Le président: Avant de passer à un autre sujet, est-il vrai qu'aujourd'hui il n'y a pas d'agence qui établisse des normes et que vous suivez simplement les normes de laboratoire établies par l'hôpital universitaire?

Dr John Akabutu: À l'Université de l'Alberta, oui. De plus, nous respectons les normes d'accréditation de l'American Blood Banking Association et de la Fondation...

Dr Hans Messner: La Foundation for Hematopoietic Cell Therapy.

Dr John Akabutu: Je pense qu'on a fait la même chose partout dans le monde en attendant l'élaboration de tout le processus. En fait, j'étais le seul Canadien à assister à une conférence organisée par la FDA il y a deux ans pour examiner toute la question de l'accréditation des banques de sang cordonal. Ce qui se passe maintenant, c'est que la FDA a fait des suggestions sur l'accréditation des banques de sang cordonal. Rien n'a été finalisé, et ceux qui comme nous travaillent dans le domaine respectent ces lignes directrices à la lettre. Comme vous pouvez l'imaginer, les lignes directrices changent avec le temps au fur et à mesure que nos connaissances s'élargissent. Nous sommes en contact avec Santé Canada qui sait ce que nous faisons. Les représentants du Ministère sont déjà même venus nous rendre visite. Mais non, il n'y a pas encore d'organisme de réglementation.

Le président: Mais l'organisation qui établit ou qui conçoit les normes, c'est votre groupe, docteur Messner, et il est à espérer qu'elles s'appliqueraient à...

Dr Hans Messner: C'est exact. Le principe fondamental était que nous avons le document sur les normes canadiennes qui sert de document de base. Pour tout ce qui concerne les transplantations de moelle osseuse, incluant le sang périphérique, le sang cordonal, etc., nous avons ce document qui a été rédigé par la Foundation for Accreditation for Hematopoietic Cell Therapy.

Le groupe de travail d'experts a accepté ce document comme document de référence qui devrait être le document principal sur lequel fonder un éventuel processus d'accréditation. La difficulté pour l'instant, c'est de trouver l'organisme d'accréditation qui serait capable de faire ce travail. Par exemple, est-ce que la FAHCT pourrait voir son statut reconnu au Canada de manière à devenir l'organisation officielle dans ce domaine? Il faut comprendre qu'il y a des Canadiens, comme le président de la FAHCT, qui ont contribué—qui jouent le rôle de responsables de l'accréditation et qui peuvent faire ce travail aux États-Unis ou ici au Canada.

• 1025

Le processus, au moment où on se parle, se passe entre Santé Canada et l'Association canadienne de normalisation. Nous avons une réunion vendredi prochain pour faire le point sur la question. J'espère qu'au cours de la prochaine période, on prendra une bonne décision quant à savoir qui peut demander la reconnaissance d'un statut de responsable de l'accréditation.

Le président: Merci, docteur Messner.

J'aimerais encore poser quelques questions que je vais réserver pour un peu plus tard, mais avant de céder la parole à M. Grewal du Parti réformiste, permettez-moi de souhaiter la bienvenue dans notre auditoire à la First Nations Elementary School du centre-ville de Toronto.

Des voix: Bravo, bravo.

Le président: Ce sont des élèves de la circonscription de M. Mills.

M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme vous le savez, ces jeunes enfants des Premières nations sont tous de la ville de Toronto. Ils fréquentent la seule école, au centre-ville de Toronto, ouverte aux élèves des Premières nations et qui s'appelle First Nations Elementary School. Ils sont ici pour voir le comité au travail, et je vous remercie d'avoir signalé leur présence.

Le président: Monsieur Mills, j'espère que vous leur donnerez des détails sur le fonctionnement du comité et du processus parlementaire. Ils sont les bienvenus.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey Central, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

D'après ce que je comprends, beaucoup de facteurs restreignent les greffes, notamment la pénurie de sang et la pénurie de lits dans les hôpitaux. Qu'est-ce que les témoins recommanderaient au gouvernement, ou attendent-ils de lui, pour s'assurer que le système de soins de santé soit davantage en mesure d'effectuer des greffes? Quelqu'un peut-il répondre à la question?

Le président: Voulez-vous vous essayer d'abord, docteur Messner?

Dr Hans Messner: Très bien.

Je pense que les greffes, dans l'ensemble, ne sont plus l'affaire d'une seule institution. De plus en plus, elles deviennent l'outil que doivent utiliser les systèmes de soins de santé. Elles pourraient même être considérées comme une entité provinciale, si vous voulez.

Par exemple, en Ontario, nous avons mis au point, en collaboration avec le ministre de la Santé, un mécanisme concernant la greffe de moelle osseuse qui nous permet d'amorcer le dialogue et l'interaction avec les intéressés. En 1993, nous avons créé un comité directeur au sein duquel étaient représentés le ministre de la Santé et les spécialistes des greffes, de même que les organisations.

On nous a demandé de concevoir un document d'orientation et un mécanisme sur la façon de gérer les listes d'attente, ainsi qu'un document financier portant sur les coûts des greffes, ce qui nous permettrait de voir, dans l'ensemble, combien il en coûte par individu, si les ressources sont disponibles, de même que de voir si les transferts des patients peuvent se faire lorsque les ressources dans une région précise ne sont pas disponibles. Nous avons presque tout mis en pratique.

Chaque centre de greffe fournit, tous les trimestres, des renseignements à jour au Ministère de manière à ce qu'il puisse faire une projection des sommes additionnelles dont on aura besoin en santé. Nous avons réussi à combler le manque à gagner deux fois de suite. L'an dernier, nous manquions un peu d'argent et c'était difficile, mais au moins, nous avons pu faire connaître nos besoins directement aux représentants du Ministère et ainsi les informer de la situation le plus rapidement possible. Parfois, on peut faire face aux problèmes, si bien qu'on n'a pas besoin d'allonger la liste d'attente. Mais on peut obtenir ce financement supplémentaire et mettre en place les mécanismes appropriés pour affronter la situation.

Mais il faut vraiment que l'ensemble des intervenants qui examinent les projets ou les programmes spécifiques s'adressent au Ministre comme groupe et lui transmettent un message unique, plutôt que de se fragmenter en plusieurs groupes. J'imagine que cela s'applique également aux banques d'yeux et aux greffes d'organes.

Il faut prendre conscience que la question des budgets est de plus en plus difficile. Nous ne considérons pas seulement ici le coût au sein de l'établissement, mais les coûts associés aux soins à domicile et à la prestation de soins intensifs assez importants, non pas dans les centres de renvois tertiaires, mais dans les hôpitaux locaux, etc. Éventuellement, il faudra aussi prévoir pouvoir fournir ces soins.

M. Gurmant Grewal: Docteur Rootman, est-ce que vous voulez faire un bref commentaire? J'aimerais poser une question sur l'approvisionnement en sang au Dr Akabutu après.

• 1030

Dr David Rootman: La greffe de la cornée est une opération chirurgicale qui, dans l'ensemble, est effectuée uniquement dans les hôpitaux au Canada. À cette fin, nous devons nous assurer que les ressources sont là en bout de ligne et que la cornée peut être utilisée.

M. Gurmant Grewal: De quel genre de ressources parlez-vous?

Dr David Rootman: Je parle principalement de salles d'opération, parce que la plupart de nos patients sont maintenant traités à l'externe. Dans notre seul hôpital, nous avons subi une réduction de 20 p. 100 des ressources allouées aux salles d'opération il y a deux ou trois ans, et au cours des six derniers mois, nous avons subi une autre diminution de 15 p. 100 de ces ressources. Cela restreint notre capacité d'offrir les services. Et même si nous avons tous les tissus dont nous avons besoin, sans endroit où les installer, nous ne serons pas capables de réparer l'oeil.

M. Gurmant Grewal: Après le fiasco de la Croix-Rouge, monsieur Akabutu, quelles sont les nouvelles mesures qui visent à accroître l'approvisionnement en sang sur le marché ou à combler la pénurie de sang? Je vais vous donner seulement un exemple ou une idée, et vous me direz ce que vous en pensez.

Si j'ai le droit de donner du sang et que l'on réserve ce sang pour moi pendant un certain temps, est-ce que nous sommes motivés à donner du sang plus souvent parce que ce sang nous sera personnellement réservé pendant un certain temps, après quoi il pourrait être utilisé par quiconque en a besoin? C'est une idée nouvelle. Croyez-vous qu'il y ait place pour un tel système dans le marché du sang? Est-ce que cela augmentera l'approvisionnement en sang pour le marché?

Dr John Akabutu: Monsieur Grewal, je ne travaille pas dans une banque de sang, j'exploite une banque de sang cordonal—c'est un tout petit peu différent. Mais il se trouve que j'ai récemment siégé à un comité pour le compte du gouvernement provincial, comité où l'on examinait d'autres méthodes de transfusion sanguine, si bien que je serai peut-être capable de me servir de cette expérience pour répondre à votre question, mais en partie.

D'après ce que j'ai compris de mes collègues du comité, le problème avec le sang provenant de dons autologues, que l'on remet ensuite dans le système central pour qu'il soit utilisé, c'est que les tests qu'il subit sont très restreints, comparativement à celui provenant de dons anonymes. Donc, on ne peut pas transférer le sang provenant de dons autologues à un système où le sang est donné de façon anonyme parce que les mêmes normes ne s'appliquent pas. Par conséquent, les dons de sang autologues auront tendance à diminuer le nombre total de donneurs disponibles pour la réserve de sang provenant de donneurs anonymes.

M. Gurmant Grewal: Mais si les normes sont compatibles ou si des mesures sont prises pour les rendre compatibles, croyez-vous que cela augmenterait la réserve de sang sur le marché?

Dr John Akabutu: Je ne sais pas, mais l'effet pourrait être neutre. Le sang des donneurs autologues pourrait être utilisé dans le système de donneurs anonymes, mais je ne pense pas que cela ajouterait grand-chose.

M. Gurmant Grewal: Les transplantations sont affectées par certains facteurs comme l'alcoolisme, la toxicomanie, le VIH, le cancer primitif, etc. Quels sont les critères importants à considérer avant de prendre une décision au sujet de receveurs potentiels? Existe-t-il des critères normalisés? Sont-ils en voie d'élaboration ou d'actualisation?

Dr John Akabutu: Est-ce que vous parlez du sang cordonal?

M. Gurmant Grewal: Oui, je parle du sang et des organes.

Dr John Akabutu: Je vais parler du sang cordonal, et ensuite mes collègues pourront aborder l'autre question.

Les critères d'acceptation d'une unité de sang cordonal dans notre banque sont très stricts. Ce sont les mêmes critères que nous utilisons pour accepter les dons de sang anonymes dans le système sanguin. Les tests de sérologie virale doivent être complètement négatifs, chez la mère en particulier, et le sang cordonal ne doit contenir aucun élément de maladies infectieuses.

Nous obtenons également les antécédents familiaux pour nous assurer de pouvoir éliminer les maladies génétiques des échantillons de sang cordonal que nous avons. De plus—nous ne l'avons pas encore fait parce que nous n'avons pas le financement pour le faire—nous prévoyons vérifier la santé du poupon à six mois pour nous assurer qu'il va toujours bien. À ce moment-là, l'échantillon de sang cordonal peut être utilisé. Ce sont là les critères que nous avons.

• 1035

Bien sûr, nous ne pouvons faire que ce que les connaissances médicales actuelles nous permettent de faire. Il y a peut-être des maladies génétiques que nous ne pouvons diagnostiquer en ce moment. Comme le Dr Messner l'a signalé, je pense qu'il y a des risques, et il faut soupeser ces risques. Si vous vous inquiétez d'une maladie génétique qui pourrait être diagnostiquée dans 2 000 ans et que vous allez mourir au cours des trois prochaines semaines si vous ne recevez pas l'échantillon de sang, vous devez payer le prix et faire votre choix.

Le système n'est pas parfait, il ne le sera jamais. Il y aura toujours des risques, mais nous les réduisons au minimum.

Le président: Docteur Akabutu, lorsque nous avons parlé de dons de sang cordonal, à mon avis cela implique un certain consentement. En fait, est-ce que l'on demande ou exige le consentement avant de prélever l'échantillon de sang?

Dr John Akabutu: Absolument. La mère, et après, les familles, sont tenues de s'inscrire auprès de notre banque de sang cordonal et sur le formulaire, il est indiqué que ce don sera envoyé dans une banque publique. Donc, ce don ne sera pas réservé à la famille donatrice. En outre, les gens signent également leur propre formulaire de consentement à l'hôpital indiquant qu'ils consentent à donner l'échantillon de sang cordonal. Même s'il s'agit de déchets biomédicaux, nous estimons prudent d'obtenir ce consentement des donneurs.

Petit à-côté, la seule transplantation que nous avons faite à partir de notre banque s'est produite de la façon suivante. Une famille d'Edmonton avait fait un don anonyme à notre banque, don que n'importe qui pouvait utiliser. La famille est allée s'installer à Toronto—ce doit être l'air de Toronto. Les gens avaient un garçon de deux ans qui a développé une leucémie. La mère s'est souvenue qu'elle avait fait un don de sang cordonal à notre banque et en a informé son médecin. Le médecin m'a téléphoné et m'a dit: «Pouvez-vous trouver cet échantillon?» Je lui ai répondu que je ne pouvais le retracer par le nom, mais que je pouvais peut-être le retrouver avec les éléments génétiques du groupage HLA. Nous sommes allés dans notre banque et l'avons trouvé. Nous l'avons envoyé à Toronto, et il a été transplanté; l'enfant a subi la greffe il y a onze mois et se porte très bien.

C'est le genre de récit qui vous réchauffe le coeur. Le sang qui aurait pu être jeté à la poubelle a maintenant sauvé la vie du jeune frère de deux ans. Je pense que c'est merveilleux d'en arriver là.

M. Gurmant Grewal: Je crois que le Dr Rootman veut faire un commentaire sur les critères régissant la greffe d'organes.

Le président: Vous lisez dans ses pensées, monsieur Grewal?

Allez-y.

Dr David Rootman: Sur les critères d'acceptation d'un donneur pour fins de greffe, n'est-ce pas?

Je me sentirais plus à l'aise de parler de cornées et de tissus oculaires que d'organes entiers, mais nous avons effectivement certains points en commun. Nous sélectionnons tous les donneurs en nous fiant à un formulaire d'antécédents médicaux rigoureux. Les donneurs font l'objet de tests pour nous assurer qu'ils ne présentent pas de facteurs à risque élevé de transmission de maladies comme le VIH ou l'hépatite B ou C. Nous n'utilisons pas une cornée à moins d'obtenir un échantillon de sang adéquat et de tester pour l'hépatite B et C ainsi que le VIH. Bien sûr, les cornées ne seront pas utilisées à moins que ces trois tests ne soient négatifs.

Une fois qu'on a reçu la cornée, on inspecte l'oeil et on s'assure qu'il est le plus en santé possible, qu'il n'y a pas de cicatrices ou de problèmes quelconques pouvant faire échouer la greffe. Ensuite, la cornée est remisée dans un contenant spécial qui permet de la conserver de dix à 14 jours, et après, on la distribue aux divers hôpitaux.

Ce sont toutes là des normes établies par l'Association canadienne de normalisation qui ressemblent essentiellement à celles qu'a formulées la Eye Banking Association of America.

Le président: Docteur Rootman, dans votre réponse précédente, vous avez dit—et j'espère que je vous ai mal compris—que les normes ne sont pas particulièrement élevées.

Dr David Rootman: Je suis désolé de vous avoir donné cette impression.

• 1040

Le président: J'ai noté que vos normes sont peu élevées comparativement à celles de la Colombie-Britannique.

Dr David Rootman: Je ne dirais pas qu'elles sont peu élevées. Nous sommes actuellement en voie d'obtenir l'accréditation auprès de la Eye Banking Association of America. Même si la banque d'yeux de Vancouver est une banque relativement jeune, elle a pu s'appuyer sur ces normes. Le processus d'accréditation de cette association était déjà en place. Nous sommes en voie d'obtenir cette accréditation.

Le président: Dans le seul but de rassurer ceux qui ne s'y connaissent pas, comme moi-même, lorsque vous avez parlé de normes peu élevées, en réalité, vous parliez d'une norme relative.

Dr David Rootman: Nous parlons ici de reconnaissance officielle. Nous respectons les normes du mieux que nous le pouvons depuis plusieurs années, mais nous n'avons pas suivi le processus officiel d'accréditation que certaines petites banques ont été capables de suivre. Ces banques d'yeux ont peut-être seulement dix ou 15 ans alors que la nôtre, comme je l'ai dit, a d'abord commencé comme une petite entreprise familiale qui, depuis dix ans, est devenue une très grande organisation. Donc oui, nous respectons les normes, mais je pense qu'il est important d'avoir l'approbation d'un organisme d'accréditation. Nous avons déjà été soumis à une préinspection, et nous sommes en voie d'obtenir l'accréditation totale.

Là encore, je n'aime pas répéter toujours la même chose, mais notre organisation a besoin de l'appui financier des gens qui disent que nous avons besoin de normes. Nous sommes d'accord, mais nous ne pouvons le faire sans l'argent nécessaire.

Le président: Merci, docteur Rootman.

Madame Redman, du parti gouvernemental.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Docteur Rootman, vous me facilitez vraiment la transition vers ce dont je veux discuter, car vous avez parlé tout à l'heure de l'organisme qui devrait fournir le chèque. Moi je vous demande, de quel ordre devrait être ce chèque? Est-ce que quelqu'un a calculé les coûts? Si nous devions aller de l'avant avec cette initiative, combien d'argent faudrait-il y consacrer? De toute évidence, les lois et les règlements constituent un volet de la question, mais il semble y avoir également un thème récurrent, et c'est la question d'argent.

Dr David Rootman: Je peux vous dire approximativement ce qu'il nous en coûte pour obtenir, traiter et distribuer un oeil. Cela se situe entre 400 à 500 dollars par oeil destiné à une greffe. C'est très peu comparativement à ce qu'il en coûte dans la plupart des banques d'yeux des États-Unis qui demandent des frais de traitement des tissus pouvant se situer entre 1 200 et 1 800 dollars US. Donc, notre organisation est très rentable. Je pense que pour faire les choses correctement et de façon efficace, nous devrions probablement doubler notre personnel. Actuellement, avec toute la paperasse supplémentaire qu'on nous impose, la situation est très difficile.

Le président: Je ne veux pas voler de temps à Mme Redman, mais lorsque vous parlez de frais de 400 dollars, c'est pour le prélèvement, l'entreposage et la greffe?

Dr David Rootman: Non, ce n'est pas pour la greffe, simplement pour le traitement du tissu. Si vous prenez tous nos coûts et que vous les divisez par le nombre de cornées que nous sommes capables de fournir chaque année, on en arrive à 300 à 400 dollars par oeil. Bien sûr, il y a tous les autres coûts—frais d'hospitalisation, frais des salles d'opération, honoraires du chirurgien, coûts des soins postopératoires—qui ne sont pas pris en compte. Nous sauverions certainement la vue d'une centaine de personnes pour le coût d'une seule greffe d'organe entier.

Mme Karen Redman: Est-ce que l'un ou l'autre des autres médecins aimerait répondre à ma question?

Dr John Akabutu: J'aimerais le faire moi aussi.

Chez nous, pour recueillir le sang cordonal, le faire transporter de n'importe où au Canada, le traiter et le congeler dans notre banque, cela coûte entre 700 et 1 000 dollars canadiens. Aux États-Unis, c'est encore plus cher; cela coûte environ 1 500 dollars US.

Plus nous faisons d'échantillonnages, plus nos coûts devraient diminuer si on fait des économies d'échelle. Si vous comparez la prise d'échantillons de sang cordonal à l'obtention d'autres sources de cellules souches, l'échantillon de sang cordonal devient pas mal moins cher. Le problème, c'est que la création de la banque coûte extrêmement cher, et on n'en tient pas compte dans le calcul des coûts de 1 000 dollars. On la considère simplement comme un développement d'infrastructure, mais il en coûte 1 000 dollars pour traiter l'échantillon.

• 1045

Dr Hans Messner: Le registre de moelle osseuse est une question que nous devons aborder avec les autres pays. Certains frais sont établis. Si on prend le cas d'un Canadien qui fait un don à un Canadien, on ne tient compte que du traitement dans la salle d'opération et du transfert. Dans ce cas, on parle d'environ 5 000 dollars. Mais si je dois obtenir une moelle de l'Allemagne, cela m'en coûte 20 000 dollars. Des États-Unis, 30 000 dollars. Si une moelle canadienne est envoyée aux États-Unis, ces derniers redonnent 30 000 dollars au registre canadien et vice versa. Donc, les pays fonctionnent sur une base de partage de coûts selon laquelle l'autre pays verse au pays donateur la somme qu'il demanderait lui-même.

Dans ce contexte, nous avons réussi à augmenter le nombre de moelles expédiées à l'extérieur du pays. Par exemple, l'an dernier, nous en avons envoyé 45 comparativement à aucune, deux ou cinq il y a dix ans. Donc, nous sommes présents sur la scène internationale à cet égard, et cela tient en partie au fait que nous nous sommes forgé une assez bonne réputation internationale. Cependant, cela n'a rien à voir avec la greffe, nous ne parlons ici que de la moelle.

Bien sûr, le transfert facilite l'infrastructure dont on a besoin pour tenir le registre national à jour, ou encore cette infrastructure subit une influence négative si on doit importer trop de moelles de l'extérieur. Donc, une certaine indépendance au Canada serait un gros atout et serait rentable.

Mme Karen Redman: D'autres témoins ont dit que le modèle espagnol fonctionnerait peut-être très bien au Canada parce qu'il utilise une approche à plusieurs niveaux; on a parlé également du fait qu'il y a compétence partagée avec les provinces ainsi que de la nécessité d'avoir de bonnes équipes pour informer les donneurs potentiels dans les hôpitaux et ce, de façon très délicate. Je me demandais si l'un de vous avait examiné ce modèle.

Dr Hans Messner: Eh bien, pour les donneurs de moelle osseuse pour fins de greffe qui n'ont aucun lien de parenté, ce qui s'est produit, c'est que cela relevait auparavant de la Croix-Rouge canadienne et que c'est maintenant la responsabilité de l'Agence canadienne du sang; en gros, nous respectons la stratégie de recrutement qui nous permet d'avoir des recruteurs à l'échelle régionale. Pour l'instant, on n'a même pas encore suffisamment de personnel pour répondre aux demandes.

Nous avons également éprouvé des difficultés particulières et en voici un exemple... L'un des ateliers qui aura lieu au forum national portera sur la question suivante: si on ne trouve aucun donneur, qu'est-ce que l'on fait? On a ici le cas d'une famille en détresse qui tente de trouver quelqu'un de toute urgence. À ce moment-là, on lance une campagne de sollicitation de donneurs, etc. démarche qui peut être faite de façon très professionnelle ou d'une façon nuisible à l'objectif. Malheureusement, nombre de ces campagnes se soldent par un échec; elles sont très coûteuses et les personnes que l'on a testées et classifiées par la suite ne consentent à faire un don qu'à la personne particulière pour laquelle on a mené la campagne et on les perd ensuite.

Je crois que l'organisation doit élaborer une stratégie lui permettant de contrôler ces campagnes visant à répondre à des besoins précis. Je crois qu'à cet égard, les consultations avec les intervenants, le public, sont très importantes parce que c'est une question tellement émotive.

Par contre, certains font valoir que les campagnes de recrutement sont habituellement associées à des collectes de fonds permettant de faire les tests en temps opportun. Je pense que tout ce que nous devons faire, c'est de mener ces campagnes de façon professionnelle pour qu'elles aient les résultats adéquats.

Le président: Docteur Akabutu, vouliez-vous faire un commentaire?

Dr John Akabutu: Oui.

L'un des mandats que nous nous sommes donné est de recueillir des échantillons de sang cordonal qui reflètent la diversité génétique des Canadiens, c'est-à-dire que nous devons recueillir des échantillons d'à peu près toutes les régions possibles.

Les groupes mal représentés dans le registre de donneurs non apparentés sont les membres des Premières nations et des minorités. Ces gens-là sont très difficiles à convaincre. Nous avons les mêmes problèmes dans le recrutement de donneurs de sang cordonal.

• 1050

Ce que nous avons commencé à faire, c'est de pressentir les groupes avec beaucoup de doigté et leur donner beaucoup d'information afin de leur faire connaître les avantages que représente la collecte de ce sang. Par exemple, nous nous sommes adressés au Comité des sages autochtones, qui est en Alberta et qui recouvre l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest. Nous lui avons présenté l'idée de nous aider à obtenir plus d'échantillons de sang cordonal afin que les Premières nations soient représentées dans notre banque. L'expérience a été très enrichissante, pour moi en tout cas, en ce sens qu'il y a plusieurs cérémonies associées au cordon ombilical et au placenta, et que ces cérémonies doivent être tenues avant que l'on puisse procéder à la collecte. Nous avons laissé la question entre les mains des sages qui nous conseilleront sur la meilleure façon de procéder.

Je dois vous dire que nous n'avons pas entrepris l'information du grand public pour une simple raison, c'est que nous n'avons pas suffisamment d'argent. Si nous récoltions trop d'échantillons, nous ne serions pas capables de nous en occuper. Heureusement, lorsque nous obtiendrons les fonds, nous pourrons aller de l'avant et informer tout le monde. Ce qui est encourageant, c'est que les Canadiens sont encore des altruistes. La plupart d'entre eux veulent donner leurs échantillons de sang cordonal à notre banque publique plutôt que de les réserver pour eux-mêmes. J'ai souvent des appels de médecins qui ne connaissent pas le programme et je leur répète sans cesse ceci: je ne peux pas les en informer parce que je n'ai pas l'argent pour le faire et dès que je l'aurai, je les informerai. Donc, le financement devient ici un problème majeur.

Le président: Merci, docteur Akabutu.

Je crois que vous vouliez passer votre tour, docteur Rootman.

Désolé, vous aviez terminé?

Mme Karen Redman: Oui.

Le président: Docteur Patry, vous vouliez poser une autre question.

M. Bernard Patry: Oui, ma question s'adresse toujours au Dr Akabutu. Votre travail de pédiatre semble très intéressant.

Quand j'ai lu votre mémoire, j'ai remarqué qu'il y a deux banques privées, une à Toronto, l'autre à Vancouver. Qui dirige ces banques? Le système public pourrait s'en occuper. Vous avez parlé d'un cas heureux, celui de cet enfant qui a maintenant dix mois et pour lequel on a utilisé le système HLA pour trouver ses caractéristiques génétiques et des choses comme celles-là. Mais qui assure le financement de ces banques, et quelle est l'implication des hôpitaux? Les donneurs privés paient-ils également l'hôpital pour la collecte du sang cordonal? Cela me semble incompatible avec notre système canadien d'assurance-santé, avec le système public.

Dr John Akabutu: Je ne sais pas comment les banques privées fonctionnent. Ce n'est pas que je ne veux pas le savoir, mais j'ai assez de pain sur la planche. Il y a beaucoup de banques privées aux États-Unis.

Nous recevons souvent des demandes de futurs parents qui veulent savoir s'ils peuvent stocker le sang pour eux-mêmes. Je pense que la raison derrière leur demande de procéder à un don autologue est que le sang leur sera disponible s'ils en ont besoin ultérieurement, et que si on utilise ses propres échantillons, manifestement, il n'y aura pas de problème de rejet, etc.

Sur le plan scientifique, cela n'est pas très sensé. Premièrement, la technologie d'aujourd'hui nous permet de stocker des échantillons de sang cordonal pendant cinq ans seulement. Deuxièmement, si vous avez besoin de votre sang cordonal à l'âge de 40 ans ou à peu près, il y en aura tellement peu de toute façon qu'il n'aura aucune valeur à ce moment-là. Troisièmement, nous pensons que si un enfant risque d'avoir besoin de son sang cordonal dans les six mois qui suivent sa naissance ou à peu près, le problème particulier qu'il éprouvera était déjà là dès sa naissance. Donc, pour toutes ces raisons, nous ne croyons pas qu'il soit sensé d'emmagasiner son propre sang. Mais nous sommes dans un pays libre, les gens sont libres de faire ce qu'ils veulent.

M. Bernard Patry: Je pense qu'on ne fait que jouer sur les émotions des gens. C'est à peu près cela.

Dr Hans Messner: Les banques privées comportent deux volets. L'un a trait à ce que le don dirigé existe déjà, c'est-à- dire que si, par exemple, un enfant développe une leucémie aiguë, la mère devient enceinte une deuxième fois, et on recueille immédiatement le sang cordonal pour faire une transplantation de moelle osseuse dirigée. Dans ces conditions, parfois une grossesse planifiée... Et encore là, le sang cordonal doit être bien emmagasiné et on doit être certain de sa qualité, après quoi on peut procéder à la transplantation. Donc, on a déjà un don dirigé fondé sur un besoin existant.

• 1055

Le deuxième volet correspond davantage à ce que, à mon avis, vous pensez. Il s'agit bien sûr de cette mentalité d'assurance, et cela pourrait se produire. J'ai 1 000 dollars en trop, donc je vais m'assurer.

À vrai dire, je crois que c'est le problème auquel nous faisons face. Nous avons toujours voulu l'examiner sous l'angle du domaine public et utiliser ces ressources dans le domaine public.

Je suppose que la difficulté provient en partie du fait qu'il n'y avait pas de fonds publics disponibles parce qu'il n'y a pas de politique en place, et pourtant, des gens bien informés nous ont dit vouloir obtenir ce genre d'assurance. Donc on s'adapte à un besoin qui est ressenti dans le public.

Là encore, à mon avis, le problème est de savoir à qui appartient l'échantillon, de quelle transparence on doit faire preuve, qui paie, etc. Est-ce qu'on crée un système médical à deux paliers si cela se produit? Je crois que ce sont les choses les plus importantes qu'il faut examiner et dont il faut être conscient. Et je crois que si l'on a un système davantage financé à même les fonds publics, fort probablement, on n'aurait pas besoin de banques privées.

M. Bernard Patry: Merci.

Dr John Akabutu: Nous nous occupons également des dons dirigés lorsque nous emmagasinons des échantillons pour des familles qui ont des maladies bien définies comme le cancer, l'anémie aplastique ou des troubles de la moelle osseuse. Donc nous faisons là la même chose également.

M. Bernard Patry: Merci.

Le président: Je crois que cette réponse suscite une autre question que nos attachés de recherche ont habilement proposée et qui concerne l'Institut canadien d'information sur la santé.

Comme beaucoup de choses ont été faites essentiellement de façon bénévole, maintenant qu'il y a un peu d'argent dans le budget—et il est probablement injuste pour moi de vous en parler parce que je suis sûr que vous n'avez pas eu la chance d'examiner tous les éléments du budget—l'ICIS devrait-il être tenu de recueillir, d'abord, l'information concernant les dons et les greffes de tissus pour...

Dr Hans Messner: Je crois que c'est exactement ce que nous avons demandé auparavant, la création d'un bon réseau d'information nous permettant de prendre le pouls de la situation de façon continue. Si vous pensez à cette question en ce moment, vous n'allez pas vous rendre à la bibliothèque ou chercher un article sur le sujet. Vous allez vous rendre à votre ordinateur et faire une recherche sur Internet dans la base de données MEDLINE et dans quelques secondes, vous pourrez trouver 25 articles datant des cinq dernières années, que vous pourrez parcourir, et vous aurez alors accès à de l'information à jour. Pourtant, si on regarde le système qui existe actuellement, sur lequel on base nos décisions politiques, etc., on n'est pas véritablement à la fine pointe de l'actualité. Je pense que c'est l'élément d'information le plus essentiel que nous devons obtenir—le développement.

Durant les travaux de la Commission Krever, on a dit que la sécurité est primordiale, et c'est tout à fait vrai, mais quel genre de programme de sûreté pouvons-nous offrir? Nous pouvons faire une analyse et une évaluation des risques, assurer la sécurité selon ce que nous savons aujourd'hui, mais nous ne savons pas de quels renseignements nous disposerons dans dix ans.

Donc pour l'instant, le développement dans tout le domaine de l'informatique médicale est tel que l'on peut se communiquer des renseignements, mais ce à quoi nous voulons avoir accès et que nous proposons coûte très cher.

Je pense que si l'on examine la question de la prestation de soins de santé qui coûtent cher, et les greffes entrent toutes là- dedans, nous devons examiner non seulement la façon d'avoir un système minimal, mais également un moyen de l'évaluer. Nous devons pouvoir mesurer les résultats.

Le président: Docteur Akabutu.

Dr John Akabutu: Premièrement, je pense que tous les scientifiques se réjouissent de la nouvelle initiative et des nouveaux fonds qui l'accompagnent. Il aurait été extrêmement utile qu'une telle organisation ait existé lorsque nous avons entrepris notre programme, que nous voulions de portée nationale, parce que nous ne savions pas à qui nous adresser pour réaliser un projet national.

Je veux simplement vous donner un exemple de ce qui se produit aux États-Unis quant à la question du sang cordonal et des transplantations de sang cordonal; ils en sont à la deuxième année d'une étude quinquennale de 30 millions de dollars consacrée strictement au sang cordonal et à ses utilisateurs. Cette étude est menée à l'échelle nationale. Environ cinq banques de sang cordonal et huit centres de transplantation aux États-Unis participent à l'étude de manière à ce que l'on puisse faire des comparaisons directes entre des greffes de moelle osseuse provenant de donneurs non apparentés et des transplantations de sang cordonal provenant du même type de donneurs. Nous espérons avoir des réponses dans quelques années.

• 1100

L'avantage qu'ils ont eu, c'est qu'ils avaient une organisation nationale à laquelle ils pouvaient demander des fonds, ce que nous n'avons pas ici.

Le président: Docteur Rootman.

Dr David Rootman: Je pense qu'un système unifié de dossiers médicaux serait certainement très utile dans notre domaine également; cela nous permettrait de voir les secteurs où il y a des besoins et de nous assurer que les tissus sont distribués et non pas gaspillés parce que, par exemple, il y a des périodes de l'année où tous les hôpitaux sont fermés, du moins dans notre province, entre Noël et le Nouvel An, ou souvent parce que nous avons un surplus de tissus. Actuellement, nous avons un réseau très lâche qui fait que nous devons faire un appel interurbain à Halifax, Calgary ou Saskatchewan pour voir si quelqu'un a besoin d'un tissu, mais si nous étions en ligne, cela nous faciliterait certainement les choses.

Le président: Je vous remercie tous. Je crois que c'est tout pour les questions du comité.

Vous vouliez faire un dernier commentaire, madame Caplan?

Mme Elinor Caplan: Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'autres questions. Je ne veux pas monopoliser les débats, mais j'aimerais poser à nos témoins la même question que j'ai posée aux autres.

Vous avez parlé de la nécessité d'avoir des résultats et des normes. Je crois que tout cela fait partie de la question de la responsabilité en général. Mais il y a une chose dont je n'ai entendu personne parler, soit la nécessité de faire rapport, d'informer le public non seulement sur les normes mais sur les résultats.

Seriez-vous d'accord pour assumer ce genre de responsabilité publique, pour rendre l'information disponible afin d'encourager plus de dons peut-être, pour sensibiliser davantage le public et peut-être également soulever des problèmes dans des domaines où il y aurait place pour l'amélioration?

Dr Hans Messner: Je crois que c'est là un élément très important, mais qui nécessite une part d'information qui n'existe pas encore. Je veux dire par là que la personne qui a un besoin ne sait peut-être pas nécessairement où s'adresser, donc elle va aller sur Internet et obtenir toute cette information, laquelle peut être plus ou moins bonne. Mais aussi les gens doivent avoir cette possibilité d'avoir recours à un expert pour lui poser certaines questions. Ils ne disent pas nécessairement qu'ils ne font pas confiance à leur médecin, mais ils veulent avoir une deuxième opinion.

Ce que nous essayons de faire actuellement, par exemple, c'est de tenter d'obtenir un numéro sans frais pour le registre de greffe de moelle osseuse afin qu'une demande puisse être adressée immédiatement et envoyée à l'expert compétent. Je pense que nous devons recourir aux services des professionnels qui sont ici, et ailleurs, pour établir également un réseau d'information qui renseigne le public. Ainsi, nous accroîtrions considérablement la transparence et la confiance dans tout le système.

Le président: Docteur Rootman.

Dr David Rootman: Je suis moi aussi d'accord avec vous.

Le respect des normes implique également un suivi auprès des patients qui ont subi une greffe. Nous disposons d'une structure de rapport pour les réactions négatives et, à divers intervalles, les chirurgiens sont invités à faire le suivi des patients qu'ils ont opérés et vus au cours des six derniers mois.

Le président: Docteur Akabutu.

Dr John Akabutu: Au Canada, en raison de notre population, je crois qu'il est sensé d'établir des réseaux et de faire preuve de collaboration. Bien que la concurrence soit une très bonne chose parce qu'elle mène à l'innovation, je pense que dans ce domaine en particulier, il y va de notre intérêt de vraiment coopérer les uns avec les autres de manière à élaborer des systèmes qui satisferont aux normes les plus rigoureuses possible.

Mme Elinor Caplan: Est-ce que vous croyez que l'un des éléments qui inciteraient les médecins à faire preuve de cette coopération serait de rendre l'information publique?

Dr John Akabutu: Absolument. Si le public ne comprend pas la portée de son geste, je pense qu'il ne sera pas disposé à faire des dons. La seule récompense, pour ainsi dire, que les donneurs à des banques de sang cordonal peuvent obtenir dans l'avenir, c'est de savoir que la vie d'un enfant a été sauvée par leur geste. Je crois que cela est extrêmement important.

Le président: Docteur Messner.

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Dr Hans Messner: L'un des problèmes que nous avons, c'est certainement aussi le financement de l'acte médical. Nombre de ces greffes sont à la fine pointe de la technique médicale. La question est de savoir si elles sont encore au stade expérimental ou si elles font partie de notre mandat? La nuance est très ténue: ce qui est expérimental aujourd'hui pourrait faire partie de la médecine courante demain.

Je crois qu'il faut aussi reconnaître que nous avons besoin d'un mécanisme pour évaluer ces choses dès le départ. Donc, si une technologie nouvelle apparaît, on devrait reconnaître que oui, il s'agit d'une nouvelle technologie, qu'il faut évaluer adéquatement en fonction de conditions standard, pour ensuite l'inclure au nombre des actes non pas expérimentaux mais désormais considérés comme faisant vraiment partie de la médecine courante.

Je crois aussi que si l'on applique cette façon de faire à l'échelle nationale, tout le monde ne peut pas mener la même recherche. Donc, si un groupe de Vancouver veut faire l'essai d'une technologie, celle-ci devrait être acceptée dans les Maritimes en tant que stratégie très semblable et devrait ensuite se voir intégrée au réseau provincial et à l'enveloppe provinciale.

Le président: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Si vous permettez, j'ai entendu deux choses et j'aimerais simplement vous faire part de l'information que je tiens.

Je crois que nous avons l'occasion... Il faut espérer que le nouvel Institut canadien d'information sur la santé en voie de naître correspondra exactement au genre de réseau national qui permettra le type de recherche dont vous parlez. Je sais que les responsables s'intéresseraient grandement à la discussion que nous avons aujourd'hui. C'est nouveau et déjà en marche; je pense que les possibilités sont donc réelles.

Deuxième chose, cela concerne l'information du public. Parfois les initiatives budgétaires sont passées sous silence. Je tenais à parler du Réseau canadien d'information sur la santé qui va être créé et opérationnel très bientôt. Le but de ce réseau est de permettre l'accès à de l'information valide et utile, comme vous l'avez mentionné, pour les personnes qui naviguent sur Internet. Est-ce que vous connaissez cette initiative et est-ce que vous avez des commentaires à faire?

Dr Hans Messner: Je crois que c'est probablement un très bon point de départ. Par exemple, dans notre propre institution, nous avons installé un terminal d'ordinateur avec accès à Internet dans la salle d'attente. Les gens peuvent s'en servir et imprimer des renseignements pertinents avant même de nous consulter.

Mais je pense simplement que le fait de savoir que les patients sont beaucoup plus informés maintenant qu'ils ne l'étaient il y a dix ans devra amener ce genre de transparence.

Mme Elinor Caplan: Le Réseau canadien d'information sur la santé a pour but de transmettre à la population des informations exactes pour mieux la renseigner. Pour ceux d'entre nous qui explorons Internet, le volume d'information et les renseignements contradictoires peuvent parfois être très dérangeants. Est-ce que quelqu'un voudrait faire un commentaire?

Dr John Akabutu: Il y a du bon et du mauvais sur Internet. On y trouve beaucoup d'information dangereuse. En tant que médecin traitant, j'ai souvent des demandes de patients qui veulent se lancer dans tel ou tel traitement d'après ce qu'ils ont vu sur l'Internet, et parfois il peut être extrêmement difficile de persuader les gens que l'information n'est peut-être pas exacte.

Je suis d'accord avec le Dr Messner qu'il faut faire tous les efforts requis pour transmettre l'information la plus exacte possible à la population parce que les gens en veulent.

Le président: Très bien, merci beaucoup, docteurs Akabutu, Rootman et Messner. Notre rencontre a été des plus intéressantes. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup de votre franchise et de l'étendue de vos réponses. Merci beaucoup.

Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes, après quoi nous reprendrons nos travaux à huis clos.

[La séance se poursuit à huis clos]