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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 février 1999

• 1103

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte. Nous étudions aujourd'hui une demande reçue conformément à l'article 106(3) du Règlement, et elle traite des rapports de comités qui font l'objet de fuites avant leur dépôt à la Chambre.

Aujourd'hui, nous entendrons deux témoins, que je m'empresse d'accueillir officiellement: Jules Richer, président de la Tribune de la presse parlementaire canadienne, et Doug Fisher, ancien député et journaliste de renom.

M. Richer m'a prévenu—et il pourra vous donner plus de détails—qu'il doit se rendre à un rendez-vous important. Par conséquent, je propose que même en l'absence de quorum, quoique ce soit tout à fait légitime en vertu de nos règles concernant l'audition de témoins, M. Richer fasse son exposé immédiatement pour que nous ayons le loisir de lui poser des questions tout à l'heure. J'en ai parlé à Doug Fisher, à qui cela convient tout à fait.

Chers collègues, êtes-vous d'accord? D'accord.

Jules, nous vous souhaitons la bienvenue. C'est très aimable à vous d'être venu ici. Pourriez-vous nous donner une brève explication, et ensuite faire votre exposé?

[Français]

M. Jules Richer (président, Tribune de la presse parlementaire canadienne): Je vais d'abord vous expliquer brièvement que je devrai vous quitter dès 11 h 25 parce que la Presse canadienne doit tenir une entrevue avec le ministre des Finances, Paul Martin. Comme vous le savez, il est important de faire le point après la présentation du budget. Veuillez me permettre de commencer ma présentation sans plus tarder.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à donner le point de vue de la Tribune de la presse parlementaire canadienne à l'occasion des travaux de votre comité.

• 1105

[Traduction]

Laissez-moi d'abord vous présenter brièvement la Tribune. Fondée en 1867, la Tribune représente 400 journalistes et techniciens qui travaillent régulièrement sur la Colline du Parlement. Il ne s'agit pas d'une association professionnelle et encore moins d'une sorte de syndicat. Sa mission est strictement de veiller aux intérêts de ses membres dans le cadre de leurs fonctions.

Je ne vous ferai pas un long historique de la liberté de la presse ni une analyse étoffée du fonctionnement des médias. Je laisse cela à d'autres.

J'irai droit au but. En fait, je ne surprendrai personne ici, dans cette salle de comité, en affirmant que les journalistes sont presque toujours preneurs pour des fuites. D'ailleurs, si vous en avez à me communiquer après la réunion, je vous en assurerai une bonne diffusion. Confidentialité assurée.

[Français]

Je ne ferai pas davantage de détours et je vous dirai également que ce n'est pas le rôle et encore moins la mission de la tribune que de vous conseiller sur les moyens de réduire les fuites. Si j'ai accepté de témoigner devant votre comité, c'est pour une seule et unique raison: je veux faire une mise en garde. Toute tentative pour mettre en place un système de sanctions contre les journalistes qui acceptent les fuites provenant de comités parlementaires se solderait par un échec retentissant et minerait gravement la crédibilité du Parlement.

S'il advenait qu'un journaliste soit menacé de sanctions parce qu'il refuse de révéler ses sources à la suite d'une fuite d'un rapport de comité, la controverse serait immense et le tort à l'institution tout aussi grand.

Il n'existe pas de serment d'office pour les journalistes. Le secret professionnel n'a donc pas de base juridique dans notre métier, mais laissez-moi vous dire que la protection des sources est précieuse pour les journalistes. Elle constitue la pierre d'assise de leur métier.

Contraindre un journaliste à révéler ses sources constitue un exercice périlleux auquel même les tribunaux de droit commun évitent de recourir. Les juges font rarement témoigner les journalistes dans les procès, parce qu'ils comprennent que, dans nos sociétés, la protection des sources est un instrument crucial, garant de la liberté de presse.

[Traduction]

J'ose espérer que le président de la Chambre des communes, Gilbert Parent, a prononcé des paroles qui ont dépassé sa pensée quand il a évoqué la possibilité, au mois de décembre dernier, d'imposer un contrôle sur les journalistes. À la lecture du hansard on constate que ses commentaires ont sans doute été faits dans le feu de l'action et qu'il ne faisait que penser à voix haute. Du moins c'est ce que j'en comprends. Cependant, lundi dernier, l'hebdomadaire The Hill Times rapportait les propos de députés qui semblent pencher vers l'idée d'imposer des sanctions. Cela inquiète beaucoup la Tribune, et j'espère que mon exposé permettra de tirer les choses au clair.

Comme je vous le disais au début de mon exposé, la Tribune n'a pas l'intention de vous donner des conseils sur les fuites. Toutefois, je prends la liberté de vous faire part d'une expérience personnelle qui, à mon avis, est révélatrice des raisons qui poussent les députés à divulguer des documents aux médias.

[Français]

Avant d'être courriériste parlementaire, j'ai travaillé pendant plusieurs années comme journaliste au quotidien Le Droit ici, dans la région de la Capitale nationale. Je couvrais l'actualité provinciale et municipale. Mon travail m'amenait à avoir des contacts fréquents avec des députés provinciaux. Ceux-ci constituaient souvent mes meilleures sources. Ils m'informaient avec beaucoup de justesse de ce qui se passait à Québec et à Toronto. Leur connaissance approfondie des dossiers locaux m'a également aidé à plus d'une occasion.

Quand, il y a quatre ans, Le Droit m'a affecté à la couverture de l'actualité parlementaire fédérale, j'ai tenté de reproduire ce que j'avais fait à l'échelle provinciale, c'est-à-dire tisser un solide réseau de contacts parmi les députés. Après y avoir consacré des efforts, j'en suis bien vite arrivé à la conclusion que je faisais fausse route. Les élus fédéraux, ai-je pu constater, sont peu au fait de la mécanique des dossiers de l'heure à Ottawa. Ils en sont peu informés parce que, sans doute, ils n'y prennent pas une part active.

Bien souvent, leur contribution la plus importante à la vie politique se limite à leur participation aux comités parlementaires. Sans faire une critique très poussée de la dynamique fédérale, on constate que les travaux des comités et leurs résultats passent souvent inaperçus. Pourtant, nombreux sont les députés qui consacrent du temps et des efforts sincères à cette activité.

• 1110

Aussi, la tentation doit être forte chez certains d'entre eux d'obtenir plus de reconnaissance pour leur travail. Les fuites aux journalistes constituent un bon moyen d'y arriver.

Donc, et c'est ma conclusion, plutôt que de songer à tirer sur le messager, votre comité devrait amorcer une réflexion un peu plus vaste sur la valorisation du travail des députés fédéraux. Vous y trouverez sans doute réponse à toutes vos interrogations.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Le président: Jules, merci beaucoup.

À l'intention des collègues qui viennent d'entrer dans la salle, je signale que nous avons commencé un peu plus tôt parce que M. Richer a un rendez-vous très important.

Stéphane Bergeron.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le président, je remercie beaucoup le président de la Tribune de la presse parlementaire canadienne d'avoir accepté de comparaître devant ce comité pour nous faire part de sa position. Il serait presque inutile de dire que nous savions d'emblée que vous alliez nous dire que vous n'étiez pas contre les fuites et que vous alliez nous mettre en garde contre l'idée d'imposer des sanctions à la Tribune de la presse.

À la lumière de votre présentation, je tiens à vous préciser que, d'après ce que j'ai pu entendre ici, il n'y a pas une tendance, à ce stade préliminaire des travaux de ce comité, chez les membres du comité à vouloir éventuellement en arriver à un processus de sanctions des médias dans l'éventualité de fuites Il faut tenter de responsabiliser les gens qui commettent les fuites, si je puis dire, et non pas, comme vous l'exprimiez si bien, tirer sur le messager.

Si nous vous avons convoqué ici aujourd'hui, c'était simplement en vue de permettre un échange très ouvert sur les implications pour la presse et votre perception des implications, pour le Parlement, de règlements sur les fuites qui seraient peut-être éventuellement plus restrictifs, compte tenu du fait qu'il a été établi que, d'après la tradition parlementaire, une fuite constitue un outrage à la Chambre et que, conséquemment, cet outrage devrait théoriquement être sanctionné.

Comme l'ont bien établi Mme Davidson, M. Walsh et M. Marleau lors de leur comparution devant notre comité, le problème, c'est qu'il n'y a pas de mécanisme d'enquête nous permettant d'identifier la source de la fuite. D'autre part, il n'y a pas véritablement de jurisprudence quant aux sanctions à imposer dans un tel cas. C'est un peu cela qu'on est en train d'examiner.

Dans l'éventail des possibilités, il y celle d'ouvrir complètement les discussions des comités et de faire en sorte qu'il n'y ait plus de séances à huis clos. Nous sommes toutefois forcés de tenir compte du fait que, malgré tout, quoi qu'il arrive, des comités devront tenir certaines séances à huis clos.

Je voudrais savoir quelle est votre perception d'un éventuel resserrement du règlement de telle sorte que nous soyons conséquents avec la jurisprudence parlementaire, qui dit que dans un cas de fuite, il y a outrage à la Chambre.

[Traduction]

Le président: Jules, nous nous en remettons à vous. Je souhaiterais donner la parole à d'autres députés, à qui je demanderai d'être aussi brefs que possible.

[Français]

M. Jules Richer: Je voudrais vous dire d'abord, monsieur Bergeron, que ma présentation était évidente, mais nécessaire pour établir la position de la tribune. Quant aux moyens d'arriver à un contrôle, comme je vous l'ai dit dans ma présentation, la tribune n'est pas là pour vous en suggérer, parce que le travail de journaliste dépend jusqu'à un certain point de ces fuites-là. On ne vous dira pas quoi faire pour les éviter.

M. Stéphane Bergeron: [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Jules Richer: Mais je vais quand même vous donner les raisons qui font en sorte qu'il semble y avoir une recrudescence de fuites. Selon moi, l'une de ces raisons est une concurrence accrue dans les médias de la Colline du Parlement. À la suite de l'arrivée du National Post, il y a eu une poussée pour obtenir davantage de ce qu'on appelle «les exclusivités». C'est probablement ce qui est arrivé et c'est peut-être ponctuel. Cela ne se reproduira peut-être pas. Cependant, comme je le disais dans ma présentation, cela a quand même touché un nerf sensible chez les députés, qui ont vu là un moyen de valoriser leur travail.

• 1115

Devrait-on ouvrir tous les travaux des comités? Je ne peux pas être contre cette idée-là. Je suis absolument d'accord. Je comprends aussi que, lorsque vous discuterez de certaines questions, vous aurez toujours besoin de siéger à huis clos. Il pourrait s'agir de questions relatives à la sécurité nationale. Donc, où tracer la ligne? Que faire? Je ne vous ferai pas de suggestions. La seule chose que je veux vous dire, c'est que si vous avez des fuites à me donner, eh bien, je les prends, c'est tout.

[Traduction]

Le président: Merci.

Ce sera à Roy Bailey, ensuite au président, et ensuite à Randy White.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Tout d'abord, monsieur le président, merci, et merci à vous, monsieur Richer, de votre exposé. Tout ce que vous avez dit ne m'étonne pas. Je tiens à vous féliciter d'avoir été bref et direct. Je vous en suis particulièrement reconnaissant, car parfois on fait des exposés vides de sens, mais dans votre cas vous avez dit les choses telles qu'elles sont.

Vous avez dit que la Tribune n'était pas une association professionnelle. Autrement dit, vous ne fonctionnez pas en vertu de statuts qui pourraient être ceux d'une association professionnelle. Est-ce ce que vous avez voulu dire? En effet, avec les autres courriéristes, vous vous comportez comme si vous apparteniez à une profession.

Vous avez également dit que, par principe, vous ne divulguez pas vos sources d'information. Je comprends cela. Convenez-vous—je n'accuse pas ici la presse, encore moins vous personnellement, monsieur Richer—que vu la concurrence qu'on se fait pour obtenir les nouvelles, ce serait agir de façon tout à fait non professionnelle si un journaliste offrait une récompense à sa source d'information? Voici pourquoi je pose cette question. À tort ou à raison, de plus en plus les gens pensent que si quelqu'un fournit tel ou tel renseignement, il s'en trouve récompensé, pour qu'il soit conservé comme source de renseignement. Je voudrais que vous répondiez à cette question pour tirer cela au clair.

M. Jules Richer: D'accord. Tout d'abord, quand je dis que nous ne sommes pas une association professionnelle, c'est parce que nous n'avons pas de code de déontologie, contrairement aux autres associations.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Le Conseil des ministres n'en a pas non plus.

M. Jules Richer: Je sais.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Le Parti réformiste non plus.

M. Jules Richer: Toute organisation qui adhère à la Tribune a son propre code de déontologie. Radio-Canada en a un. Je sais que l'association des journalistes québécois en a un également.

La Tribune existe pour s'occuper des affaires de la Chambre.

Au sujet des récompenses, je voudrais que vous me disiez quelque chose. À quel genre de récompenses songiez-vous?

M. Roy Bailey: Reconnaissez que les politiques adorent que la presse parle d'eux.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Quand on leur donne bonne presse.

M. Roy Bailey: En effet. Que se passe-t-il quand les politiciens sont contents de ce que dit la presse? Ils se disent qu'ils ont affaire à un bon journaliste. Si par contre il y a un article qu'ils n'aiment pas... Voici où je veux en venir: les politiciens sont à tel point désireux qu'on parle d'eux dans les journaux, surtout ceux qui ont un tirage provincial, voire mieux, un tirage national, qu'ils se disent, au moment où ils sont l'auteur d'une fuite, qu'à l'occasion de la fuite suivante on parlera de nouveau d'eux, en grand. C'est cet aspect-là qui m'inquiète.

M. Jules Richer: Je vois, mais... comment dire? C'est la même chose, qu'il s'agisse de la Colline ou de la ronde quotidienne d'un policier. Peu importe l'endroit, cela fait partie du commerce entre les sources d'information et les journalistes. Ce n'est pas spécifique au Parlement

Bien entendu, on entretient des rapports personnels avec ceux qui sont les auteurs de fuites, mais il appartient à chaque journaliste de faire ce qu'il peut, ce qu'il veut. Je vais m'abstenir d'ajouter quoi que ce soit, car les choses varient selon que le journaliste travaille pour un organisme... Je pense que même les grandes organisations comme Radio-Canada ont des lignes directrices là-dessus.

Le président: Merci, Roy.

Jules, je m'attendais plus ou moins à entendre ce que vous avez dit dans votre exposé, et je pense que mes collègues seront d'accord. Parlez-nous de votre expérience au palier provincial par exemple. Est-il usuel là-bas que les comités se réunissent à huis clos?

M. Jules Richer: Bien sûr.

Le président: Lorsqu'il s'agit en particulier de préparer un rapport?

• 1120

M. Jules Richer: Oui. Je conviens très bien qu'il faut des réunions à huis clos, comme je vous le disais, pour les questions de sécurité nationale... et pour d'autres encore. S'il s'agit d'une affaire criminelle, de mineurs...

Le président: Oui, mais je songe en particulier au dernier stade de la préparation d'un rapport, dans le cas qui nous occupe. Il peut s'agir d'un rapport à l'étape de l'ébauche... Vous, personnellement, vous en tant que journaliste, voyez-vous un inconvénient à ce qu'on invoque cette raison pour que la réunion se déroule à huis clos, pour que les membres du comité puissent discuter entre eux du rapport à l'étape finale?

M. Jules Richer: Selon moi, quand il s'agit de préparer un rapport, il est avantageux, en démocratie, que tout soit fait au grand jour autant que possible. Toutefois, je ne vais pas me prononcer de façon générale.

Le président: La Tribune de la presse se réunit-elle parfois à huis clos?

M. Jules Richer: Oui, quand il s'agit de questions juridiques.

Le président: Merci.

Randy White, et ensuite Joe Fontana.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur Richer, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'il y a des fuites à cause de la concurrence qui existe sur la Colline. Je ne suis pas d'accord. À mon avis, c'est une méthode boiteuse qui pose le problème. En effet, de nos jours, beaucoup trop de questions sont étudiées à huis clos, et les députés estiment qu'il ne devrait tout simplement pas en être ainsi. Voilà pourquoi il y a des fuites.

La concurrence a toujours existé sur la Colline. Ce n'est pas parce qu'on ajoute un ou plusieurs journaux que l'on va constater une telle différence.

Par exemple, nous avons repris les articles qui sont parus récemment sur le budget, et dans le Globe and Mail, pour une raison quelconque, une semaine avant le dépôt du budget de M. Martin, on trouvait la description précise de cinq points particuliers de ce budget. Nous en concluons donc qu'il y a eu une fuite. Il aurait été impossible à quelqu'un de deviner autant de choses.

Le président: Mais s'agissait-il de fuites concernant les comités?

M. Randy White: Eh bien, je vous dirais qu'une fuite est une fuite, monsieur le président. Ainsi, dans le cas particulier de M. Martin, il ne s'agit pas... Selon Beauchesne, c'est un outrage à la Chambre des communes, car le portefeuille d'un ministre est en cause. Je comprends bien cela.

Je soutiens que si nous n'avions que quelques réunions à huis clos, il n'y aurait pas de fuites. En d'autres termes, il suffirait que le plus grand nombre de choses possible soient diffusées dans le grand public, qu'on ne se soucie pas de tout faire à huis clos.

Je sais qu'on a déjà essayé ici de vous pousser à énoncer des critères, les questions que vous verriez traitées à huis clos, mais vous hésitez à le faire.

Ainsi, je vais faire la suggestion suivante. Pour les questions autres que les questions juridiques ou personnelles, qui de toute façon sont traitées par le Bureau de régie interne ou encore par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, pourquoi la préparation des rapports de comités ne se ferait-elle pas en public? Le problème des fuites serait alors réglé.

Le président: Monsieur Richer.

M. Jules Richer: C'est une possibilité. Si j'hésite à énoncer des critères, c'est à cause de la façon dont les journalistes procèdent de façon générale. Les limites que nous nous imposons sont très précises quand il s'agit de gens de moins de 18 ans dans les affaires criminelles, comme je vous le disais. Parfois, nous avons nos propres lignes directrices, qui ne sont pas écrites, qui ne forment pas un cadre juridique. Par exemple, nous n'identifions pas la victime d'une agression sexuelle quand l'affaire est portée devant les tribunaux. C'est notre propre code de conduite. Autrement, il n'y a pas de contraintes pour le reste. Bien sûr, nous voudrions qu'il y ait plus de séances publiques. Ce n'est pas nous qui nous opposerons à cela, mais je ne peux pas vous en dire davantage.

Le président: D'accord. Je donne la parole à Joe Fontana, et ce sera ensuite à Madeleine Dalphond-Guiral. Nous devons respecter les contraintes de temps de M. Richer. Dépêchez-vous, Joe.

• 1125

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je pense que Randy a en partie raison, car il y a un peu des deux. D'une manière générale, les choses devraient être plus ouvertes, et on devrait tenir moins de réunions à huis clos, pour commencer. Je conviens toutefois que dans certains cas il faut le secret du huis clos pour des raisons de sécurité nationale—pour les questions budgétaires ou autres.

Jules, vous m'avez intrigué quand vous avez dit que vous avez constaté qu'ici au Parlement les députés ne savaient pas grand-chose et qu'ils n'étaient donc pas d'une grande utilité. D'après votre expérience, à l'échelle municipale et au niveau provincial... vous dites que les députés ne s'occupent que du travail en comité. Il n'y a pas beaucoup de gens au Canada qui savent ce que les comités accomplissent de toute façon, et voilà pourquoi nous essayons de restructurer les choses de ce côté-là. J'ai trouvé assez intrigant que vous pensiez que les députés fédéraux ne sont pas au courant de ce qui se passe.

M. Jules Richer: Non, mais je dois avouer que j'ai été déçu—très déçu—parce qu'en étant en contact avec des députés provinciaux à Québec, je pouvais savoir ce qui se passait au Conseil des ministres.

M. Joe Fontana: Je crois que c'est simplement que vous ne parlez pas aux bonnes personnes, Jules. Je peux vous donner une liste des gens à qui vous voudriez peut-être parler en ce qui a trait aux choses qui se passent à Ottawa.

Le président: Au Conseil des ministres cependant... est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

M. Jules Richer: Non. Je pensais cependant que les députés fédéraux avaient un rôle moins important. Je me souviens qu'à l'occasion certains députés ont dit publiquement qu'ils avaient l'impression qu'on ne reconnaissait pas vraiment le rôle du député.

M. Joe Fontana: Peut-être pouvez-nous nous éclairer. C'est justement ce à quoi je voulais en venir. Qu'est-ce qui vous fait croire qu'aux niveaux provincial et municipal les représentants élus sont plus branchés et ont en fait plus voix au chapitre? J'entends sans cesse des gens dire de telles choses...

M. Jules Richer: Parce qu'à mon avis le pouvoir est vraiment centralisé ici à Ottawa.

M. Joe Fontana: Eh bien, vous savez, un des...

[Français]

Le président: Madeleine Dalphond-Guiral.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur Richer, je n'ai pas de difficulté à comprendre votre point de vue et à reconnaître que, bien sûr, des fuites, c'est très sexy et très intéressant. Dans l'hypothèse où les séances à huis clos deviendraient l'exception, est-ce que, d'après votre expérience et votre sens prévisionnel, le contenu des travaux des comités deviendrait nettement moins sexy et moins intéressant pour la presse?

M. Jules Richer: En fait, on a parlé de donner une plus grande ouverture aux travaux des comités et de réduire les délibérations à huis clos, ce qui serait une façon d'augmenter l'intérêt. Mais il y a peut-être aussi un problème de fond dans le cas des comités: les rapports des comités restent souvent sur les tablettes. C'est là une raison qui fait en sorte qu'il y a moins de couverture de ce qui se passe en comité.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Alors, vous souhaitez qu'on garde nos séances à huis clos. Cela vous donnerait un peu plus de jus parce qu'il y aurait plus de fuites.

M. Jules Richer: Je ne suis pas ici pour vous dire de maintenir ou non les séances à huis clos.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Non, non.

M. Jules Richer: C'est votre décision, et nous nous y adapterons, c'est tout.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, à la demande de Jules, nous devons mettre fin à cette discussion.

Nous vous remercions sincèrement d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer; il se peut fort bien, Jules, que nous vous invitions à revenir. Je sais que cette entrevue est très importante pour vous, et nous vous remercions quand même d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Vous avez clairement constaté que les députés auraient voulu discuter plus longuement de la question; nous verrons comment les choses se dérouleront.

[Français]

Je vous remercie beaucoup.

M. Jules Richer: Merci beaucoup, monsieur.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, je vais interrompre nos travaux pour quelques minutes pendant que M. Fisher prend place à la table des témoins. Pour ceux qui sont arrivés en retard, j'aimerais signaler que Jules a sous peu une entrevue, et c'est pourquoi j'ai commencé un peu plus tôt que prévu. Même si les députés n'étaient pas tous là, il y avait des représentants de quelques partis.

• 1128




• 1131

Le président: Au nom du comité, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Doug Fisher. Doug, nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être venu nous rencontrer.

Doug a été député; il a en fait été élu à quatre reprises, ce qui est un bon exemple pour nombre d'entre nous. Comme nous le savons tous, il a eu une longue et brillante carrière, et il est actuellement le chroniqueur des journaux Sun à Ottawa—je ne sais pas vraiment comment le dire, Doug—et nous sommes très heureux de l'accueillir.

Je crois que vous avez suivi les délibérations de notre comité. Nous avons essayé de vous faire parvenir les transcriptions des réunions. Nous aimerions savoir ce que vous pensez de la question que nous étudions actuellement.

M. Douglas Fisher (témoigne à titre personnel): J'aimerais tout d'abord faire deux commentaires généraux.

Premièrement, je n'ai jamais vraiment été journaliste comme tel, car je n'ai jamais travaillé dans une salle des dépêches. Avant que je n'arrive, on parlait de la Tribune de la presse parlementaire, des gens qui s'y trouvent et de la concurrence qui y existe. Je ne peux pas en parler plus que vous, tout compte fait, parce que nous n'y sommes pas, nous ne voyons ces choses que de l'extérieur; alors ne comptez pas sur moi pour venir vous parler de journalisme et de la façon dont les réseaux et les journaux pratiquent le journalisme.

De plus, j'aurais pu écrire un petit topo, mais j'écris des choses sur les comités parlementaires depuis déjà plus de 40 ans. Je suis allé en Norvège, au Danemark, en Suède, en Finlande, en France, et en Allemagne; je suis allé une demi-douzaine de fois en Angleterre, et à plusieurs reprise à Sacramento, en Californie, à Salem, en Oregon, à Albany, dans l'État de New York, et à Washington. Je me suis rendu à ces endroits pour m'acquitter de diverses tâches, comme lorsque Dalton Camp et moi faisions partie de la commission qui étudiait l'Assemblée législative de l'Ontario au début des années 70. Dalton s'occupait de ce que vous pourriez appeler les questions de partisanerie, et je m'occupais des belles choses nobles, cherchant à améliorer l'Assemblée législative et cherchant à donner vraiment une mission aux comités parlementaires.

Sur les 14 législatures que j'ai étudiées au Canada, et j'ai fait partie de quatre d'entre elles, huit étaient formées de gouvernements majoritaires et six de gouvernements minoritaires. J'aurais souhaité qu'un plus grand nombre d'entre vous connaissent vraiment ce qu'est un gouvernement minoritaire, parce que c'est lorsqu'il y a un gouvernement minoritaire que les comités s'activent vraiment. Ils deviennent alors vraiment importants.

Lorsqu'il y a un gouvernement majoritaire, la prise change vraiment, comme on l'a constaté au cours des 15 ou 20 dernières années, car de plus en plus l'attention se tourne vers les chefs de parti—pas simplement le premier ministre, mais les chefs de partis. L'évolution, comme elle s'est produite pour le NPD, a vu le jour lorsque Ed Broadbent était le chef du parti. Avant cette période, il y avait beaucoup de liberté, et les députés faisaient un peu comme ils voulaient aux comités et en général. Puis cela a progressivement changé. Dans une large mesure cela a été attribuable à la mise en commun des ressources en personnel.

Je suis un spécialiste; j'étais archiviste et bibliothécaire, un bibliothécaire spécialiste des références et de la recherche, ce qui est assez rare de nos jours; ma spécialité était les publications gouvernementales. J'avais réorganisé la plus importante collection de publications gouvernementales à l'extérieur d'Ottawa, à l'Université Queen's, avant de venir à Ottawa. Ainsi, lorsque je suis arrivé ici, je peux vous assurer qu'une des premières choses que j'ai essayé de faire, ce fut d'améliorer la bibliothèque.

À l'époque, il n'y avait que deux bibliothécaires spécialistes des références, et un d'entre eux était le bibliothécaire adjoint. Je crois qu'il y a plus de 70 spécialistes aujourd'hui, la majorité d'entre eux titulaires d'un doctorat. Il y a donc beaucoup plus de gens qui oeuvrent dans ce domaine.

• 1135

La même chose s'est produite lorsque Tommy Douglas est venu à Ottawa pour devenir le chef des néo-démocrates. Il comptait trois employés et demi. Quand Ed Broadbent a quitté le même poste, il avait, comme chef du parti et grâce au caucus, plus de 25 employés. Les ressources se sont multipliées pour les chefs.

J'ai été absolument renversé quand j'ai vu la même chose se produire si rapidement pour le Parti réformiste; j'ai constaté à quel point le bureau du chef du parti et ses conseillers sont devenus très importants. Je peux vous assurer qu'il y a 25 ou 30 ans les Rick Anderson, Elly Alboim, Bill Fox, Pelletier et Eddie Goldenberg n'avaient pas le pouvoir ou l'influence qu'ils ont maintenant.

S'agit-il là de commentaires pertinents? Oui, parce que cela veut dire que la discipline du parti est de plus en plus appliquée, et Dieu seul sait que, lorsque vous avez quatre partis dans l'opposition, deux d'entre eux qui se démènent ne serait-ce que pour survivre, cela devient de plus en plus important. C'est une des raisons pour lesquelles ce qu'on pourrait appeler «la mainmise de la partisanerie» doit entrer en ligne de compte dans le cadre de votre étude.

Mon conseil serait bien simple: ne vous donnez même pas la peine de modifier quoi que ce soit; défaites-vous de cette disposition du Règlement qui dit que tant qu'un rapport n'a pas été déposé à la Chambre par un comité... C'est de la foutaise. Ce n'est qu'un commentaire en passant.

Je veux vous faire part de trois cas, dont deux ont eu lieu dans cette salle.

J'adorais les comités lorsque j'étais député, et j'avais beaucoup plus de plaisir à participer aux comités qu'à d'autres activités, certainement plus qu'aux travaux de la Chambre. Mais ça c'était l'époque où le Parlement n'était pas presque exclusivement la Période des questions, l'époque où les débats, tout particulièrement en soirée, étaient très importants. À l'époque il y avait peut-être une centaine de députés qui suivaient les discussions. C'était fantastique. Cela ne se produit plus aujourd'hui.

Voici mes exemples. Le premier touche probablement le type le plus brillant que j'ai rencontré sur la Colline, probablement à l'exception de Stanley Knowles, soit Jack Pickersgill.

Si vous lisez le livre de Jack, The Road Back, il y explique comment il a ranimé le Parti libéral après qu'il eut connu cette terrible défaite aux mains de John Diefenbaker, qui s'est retrouvé à l'époque avec 207 sièges.

En passant, avant ces élections, les comités faisaient très peu. Il n'y avait que quatre ou cinq comités qui siégeaient pendant l'année, et je suppose que le seul qui était important et qui faisait les manchettes à intervalles réguliers, c'était le Comité des transports, parce que chaque année il étudiait Air Canada et le CN. L'autre comité était le Comité de la radiodiffusion, qui étudiait la SRC.

Voici une autre chose dont vous devriez vous rappeler. Les grosses sociétés de la Couronne ne sont plus les questions importantes étudiées par les comités.

Lorsque le gouvernement Diefenbaker est arrivé au pouvoir, il avait l'intention de changer le système de radiodiffusion. La SRC n'était pas simplement responsable de la SRC; elle s'occupait en fait de la radiodiffusion. Le gouvernement Diefenbaker a décidé de mettre sur pied un nouveau régime. Il l'a fait. On l'appelait le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion. Les Libéraux s'y sont opposés, et notre parti, qu'on appelait alors le CCF, s'y opposait également. De toute façon, cela allait se produire, et cela s'est en fait produit. La Loi sur la radiodiffusion a été modifiée, et on a créé ce bureau, le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion, qui est en fait l'ancêtre du CRTC.

Cela c'était après l'élection d'un important gouvernement majoritaire en 1958. En 1959, ces mesures ont été adoptées, et les choses allaient bon train. Puis un mouvement a vu le jour au sein du Parti conservateur, sous la direction, dans l'Ouest, d'un député qui savait vraiment très bien parler—son père avait été député—Art Smith, de Calgary. Tous ceux qui viennent de l'Ouest savent qui est Art. Il avait vraiment la parole facile. Il a su convaincre les gens et un autre type—un homme aigri de Swift Current, un député conservateur, Jack McIntosh—qui, lui, avait la poigne, si je peux m'exprimer ainsi, et tous deux ont décidé qu'ils allaient vraiment intervenir au sujet de la SRC et de ses coûts.

• 1140

Ils étaient d'avis que la télévision de la SRC devait faire des recettes publicitaires. Ils ont proposé cette solution au Comité de la radiodiffusion, et ils tenaient mordicus à avoir une recommandation en ce sens. Lorsque vous vous lassez d'entendre les annonces pendant la Soirée du Hockey, pensez à cette proposition. À l'époque, les annonces n'existaient pas. La SRC ne faisait pratiquement pas d'argent avec la publicité à la télé.

M. Joe Fontana: Cela n'a pas vraiment changé.

M. Douglas Fisher: Non, elle fait quand même des sous maintenant.

Voici ce qui s'est passé: cette proposition a été formulée au comité, on en a longuement discuté, et on a étudié en détail le budget de la SRC. J'offrais toujours de rédiger le rapport pour le président et le greffier du comité. À l'époque, je ne crois pas qu'un seul greffier pouvait rédiger un rapport. Les choses ont beaucoup changé...

Le président: Les choses n'ont pas beaucoup changé.

Des voix: Oh, oh!

M. Douglas Fisher: À mon avis, la qualité s'est améliorée.

De toute façon, j'ai rédigé le rapport.

Les deux personnes avec qui j'étais en contact au sein du comité étaient des conservateurs qui manifestaient un peu moins d'ardeur. Le principal intervenant était Dick Bell—en fait Bell's Corners a été nommé en l'honneur de sa famille—et l'autre était Marcel Lambert, qui deviendrait plus tard porte-parole de l'opposition en matière de finances.

En collaboration avec eux, j'ai rédigé de façon très attentive ce document pour cerner le problème, et le rapport ne proposait aucunement que la SRC cherche à faire de l'argent. Je l'ai présenté à M. Pickersgill. Il était le seul autre député de l'opposition au sein du comité. L'opposition ne comptait pas beaucoup de représentants à l'époque. M. Pickersgill semblait être d'accord avec le rapport. Alors j'ai dit: «Jack, nous allons avoir une réunion à huis clos, et c'est ce dont nous allons parler. J'espère que cela vous convient.» Il a fait signe que oui. J'ai dit: «Vous voyez ce qu'on propose. Cela nous permet de contourner les exigences de Smith et McIntosh, qui veulent que la SRC fasse de l'argent.» Jack a fait signe que oui, et personnellement je croyais que c'était réglé, qu'il approuvait le rapport.

Nous nous sommes rendus à la réunion à huis clos, et la réunion était à peine commencée que Jack a pris la parole et a dit quelque chose de vraiment insultant à McIntosh, qui commençait à se mettre en colère. Puis Bell, qui présidait la réunion, m'a demandé de commencer à lire cette ébauche de rapport. Je croyais que Smith et McIntosh commençaient à se choquer, et Smith a dit quelque chose. Pickersgill s'en est immédiatement pris à lui. En l'espace de 30 secondes, le tumulte régnait dans cette réunion à huis clos. Les gens engueulaient Jack, qui les engueulait à son tour. Jack s'est tourné vers moi et a dit: «Je ne sais pas si tu peux rester ici, mais moi je ne resterai pas à entendre ces imbéciles torpiller un des plus grands atouts de notre nation. Ce qu'ils essaient de faire, c'est de détruire la SRC, et de détruire également les radiodiffuseurs privés.» Puis il s'est dirigé vers la porte. Il n'y avait absolument rien dans mon rapport qui aurait entraîné de telles choses, mais il a simplement quitté la salle.

On s'est automatiquement défait de mon rapport et on a rédigé un rapport beaucoup plus sévère. C'est en raison de cette affaire, tout au moins en partie, que la SRC a changé sa politique et a ensuite cherché à tirer des revenus de la publicité.

Évidemment, après la réunion, et après avoir essayé en vain de calmer les conservateurs, qui ne s'étaient pas encore remis des insultes de ce bâtard de Pickersgill, je suis allé au bureau de Jack, au quatrième étage, et je lui ai dit: «Jack, pourquoi as-tu fait cela? Je pensais qu'on s'était entendu.» Il a dit: «Je ne sais pas ce à quoi tu veux en venir.» J'ai dit: «Je pourrais te frapper.» Il a dit: «Écoute, Fisher, il faut que tu comprennes quelque chose. La politique, c'est une forme de guerre, tout particulièrement les politiques électorales, et personnellement je crois qu'il s'agit ici d'une guerre. Il faut absolument renverser ces bâtards et s'en débarrasser avant qu'ils ne ruinent le pays et des organisations comme la SRC. Tu peux continuer à jouer avec ces compromis et penser que tu peux jouer... laisser ces bâtards faire ces choses, et puis on pourra les renverser justement à cause de leurs actions.»

C'est là un exemple de ce qui peut se passer à huis clos et des répercussions que cela peut avoir.

J'aimerais vous donner un autre exemple qui à certains égards est encore plus intéressant. Permettez-moi d'ajouter qu'une des raisons pour lesquelles Bell et Lambert ne voulaient pas avoir de problèmes avec la SRC, c'était que Diefenbaker ne s'était pas encore remis de ce qu'on avait appelé la grève des réalisateurs. Les réalisateurs de la radio avaient fait la grève un peu moins d'un an après que Diefenbaker fut devenu premier ministre. Ils avaient fait beaucoup de grabuge, et Diefenbaker ne voulait pas être à nouveau gêné de cette façon.

• 1145

Comme député, j'ai été mis au courant d'une fuite par un cadre du port de Montréal qui me suggérait d'étudier les livres portant sur le pont Jacques-Cartier. Il s'agit d'un pont à péage qui surplombe le fleuve à Montréal. Je me suis penché sur la question, je me suis rendu là-bas, et le directeur de la Société du port de Montréal m'a rencontré et m'a expliqué le pourquoi de la situation.

Tout semblait indiquer qu'il y avait beaucoup de circulation et que les droits étaient payés, mais il ne semblait jamais y avoir d'argent accumulé pour défrayer les coûts d'exploitation et, en particulier, le coût de la construction. Ce type m'a montré l'entente originale dans laquelle le gouvernement du Québec s'engageait à payer environ, disons, 15 millions de dollars au gouvernement fédéral, qui avait financé la construction du pont; le gouvernement du Québec n'avait jamais payé ce montant.

J'ai donc commencé à m'intéresser à ce dossier. J'ai commencé à me renseigner, j'ai parlé à des journalistes de la Montreal Gazette, et un d'entre eux a en fait rédigé un article sur la question. Soudainement, le scandale du pont Jacques-Cartier a fait les manchettes. Évidemment, le scandale était que ceux qui s'occupaient des péages, les surveillants et ceux qui regardaient les gens payer, avaient découvert comment exploiter le système. On ne sait pas combien d'argent ils ont soutiré au système, mais on a supposé qu'ils conservaient habituellement quelque 80 p. 100 des recettes. Évidemment, cela a suscité bien des protestations, comme vous pouvez facilement vous l'imaginer, des automobilistes de Montréal et de la rive sud, etc., et on a exigé une enquête.

À la Chambre, j'ai demandé à George Hees, qui était alors ministre des Transports, de procéder à une enquête. Il a dit: «Nous allons demander à un comité parlementaire d'étudier la question». Le Comité des transports a été chargé de la question et a sommé à comparaître ceux qui travaillaient au port de Montréal.

La presse à Montréal avait déjà entendu parler de tous ceux qui étaient devenus riches en occupant ces postes au port de Montréal, tout particulièrement les surveillants, et il y avait des photos dans les journaux de certaines de ces magnifiques maisons qu'on avait pu se construire en obtenant cet argent. Évidemment, ce genre de chose devait arrêter.

Le directeur général du pont Jacques-Cartier a dit pour sa défense qu'il avait embauché les gens et leur avait donné des promotions conformément à la consigne des représentants élus. Alors j'ai dit: «Prouvez-le nous». Immédiatement, il y a eu tout un tollé de protestations, et on nous disait: «Oh non, vous ne pouvez détruire les vies et les carrières des gens de cette façon.»

On a alors décidé qu'un sous-comité du comité composé, de trois personnes, étudierait ces lettres, puis recommanderait au comité de les rendre publiques, ou pas.

J'étais un des députés de l'opposition. L'autre député de l'opposition était l'ancien ministre des Transports qui avait négocié l'entente originale, Lionel Chevrier, et le troisième était un conservateur, Louis-Joseph Pigeon. Je me souviens que nous nous sommes rencontrés tous les trois dans une salle à un étage supérieur et que nous avons étudié le dossier. C'était renversant. Quelques personnes—dont Pierre Sévigny était entre autres, et Alan MacNaughton, qui par la suite a été nommé président de la Chambre, avaient écrit des lettres absolument imprudentes concernant la nomination et la promotion de personnes, etc. En d'autres termes, ces lettres indiquaient qu'il s'agissait là d'un nid incroyable de favoritisme. Il y avait eu toute une lutte entre les libéraux et les conservateurs de Montréal et des ministres pour savoir qui en fait s'occuperait de cette administration.

Je me souviens d'avoir regardé ces lettres et d'avoir dit: «Tu sais, Lionel, la presse va adorer ces documents.» Il a dit: «Doug, on ne peut pas divulguer ces renseignements à la presse.» Pigeon a ajouté: «Non, on ne peut montrer cela à la presse.» J'ai dit: «Mais voyons!» Et Lionel a dit: «Je tiens à te rappeler, Douglas, que nous sommes réunis à huis clos. C'est confidentiel. Les choses n'iront pas plus loin. Nous dirons au comité qu'il existe un système de recommandations faites par des politiciens qui existe et fonctionne de façon continue et qu'il faut y mettre fin.»

• 1150

Et voilà. J'avais une nouvelle fantastique, mais j'ai dû respecter le secret. Je crois que ce n'est que plusieurs années plus tard que quelqu'un a pu mettre la main sur ces lettres. Mais il s'agit là de deux exemples—Pickersgill et la SRC, et le pont Jacques-Cartier—qui démontrent bien l'impact de la confidentialité et la façon dont cette dernière cache des choses importantes à certains égards. Si Pickersgill avait fait en public ce qu'il avait fait lors d'une réunion à huis clos, eh bien...

Le troisième exemple que je veux donner...

Le président: Si nous voulons avoir le temps de poser des questions, puisque tous les whips de partis font partie du comité...

M. Douglas Fisher: Très bien.

Le président: Il nous reste du temps, mais je tiens simplement à vous rappeler que nous voudrons poser également des questions.

M. Douglas Fisher: Très bien.

Le point culminant que j'ai connu au sein de ce comité s'est produit lorsque j'ai vu Gilles Grégoire, du Crédit social, s'en prendre à Donald Gordon, le président du CN, parce qu'aucun des 17 vice-présidents de la société ferroviaire n'était un Canadien français bilingue...

Une voix: Ou un Canadien français unilingue.

M. Douglas Fisher: ...ou même un Canadien français unilingue. Cela s'est produit ici. Lorsque Grégoire a fait son commentaire il était assis ici, et Gordon était assis là. L'adjoint de Gordon, Ralph Bonn, l'a retenu, parce que Gordon était un gros homme, qui avait un très mauvais caractère et rugissait pratiquement. N'importe quel vice-président du CN devait être compétent, et jusqu'alors il n'avait pas trouvé un seul Canadien français compétent. Eh bien, vous pouvez vous imaginer... Ce soir-là les étudiants de l'Université d'Ottawa se soulevaient dans les rues d'Ottawa et brûlaient Gordon en effigie. Soudainement le gouvernement se retrouvait en pleine crise.

Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'il s'agit là d'une chose qui s'est produite au comité avant même que le comité ait l'occasion de formuler des recommandations sur le choix des vice-présidents. Ce qui est ironique, c'est qu'un an et demi plus tôt Gordon s'était adressé au même comité, et j'avais alors posé la même question. Je lui ai dit—et ça c'était avant que des représentants du Crédit social ne soient de la partie—«Cela me semble un peu étrange qu'à votre siège social, à Montréal, où je me suis rendu, où, je le sais, il y a des Canadiens français qui travaillent pour le CN au sein de l'administration, aucun de vos cadres ne soit Canadien français.» Il a dit: «Nous recruterons des Canadiens français lorsque nous trouverons des gens de talent.» Il ne s'est rien passé; aucun journal n'a mentionné la question.

Environ un an et demi plus tard, avec l'arrivée du Crédit social—et ils étaient vraiment une très grande surprise, tout particulièrement pour les Libéraux—laissez-moi vous dire que les choses ont changé. Il y a trois leçons que l'on peut tirer de ces histoires.

M. Joe Fontana: C'est un peu comme le Bloc.

M. Stéphane Bergeron: S'il vous plaît, ne nous comparez surtout pas au Crédit social.

Le président: Chers collègues... c'est bien, vous pouvez poursuivre.

M. Douglas Fisher: Si vous voulez poser des questions, je serai très heureux d'essayer d'y répondre.

Le président: Doug, nous vous en sommes reconnaissants, car nous avons une bonne liste d'intervenants. Nous allons essayer, comme je l'ai fait plus tôt, d'assurer de bons échanges, de bonnes questions et de bonnes réponses. Nous allons commencer par Chuck Strahl, puis nous passerons à George Baker, à Randy White, au président et à Joe Fontana.

M. Chuck Strahl: Merci, monsieur Fisher. Je me demande simplement si vous êtes à l'occasion invité comme conférencier pour présenter un discours en fin de banquet, parce que j'aimerais entendre d'autres anecdotes. C'est absolument fascinant. Je m'intéresse tout particulièrement à la discipline que le Parti réformiste a su imposer. À titre de whip de ce parti, je ne savais même pas que nous avions à assurer une certaine discipline. Nous pourrons en reparler plus tard. Je ne savais pas que je faisais toutes ces choses. De toute façon, c'est ce à quoi vous voulez en venir.

M. Douglas Fisher: Il n'y a simplement pas trop de francs- tireurs.

M. Chuck Strahl: Je ne le regrette certainement pas.

Nous discutons de la position de M. White, qui dit qu'il faudrait tout simplement juger que toutes les séances de comité sont des séances publiques, et d'après les exemples que vous nous avez donnés, peut-être que ce n'est pas une mauvaise idée de simplement relater tout ce qui se passe en comité.

M. Douglas Fisher: Évidemment.

M. Chuck Strahl: De plus, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, nous croyons qu'une des façons d'assurer cette transparence, c'est de permettre la télédiffusion des réunions de comité. En d'autres termes, selon l'intérêt manifesté, les réunions seraient non seulement publiques, mais également diffusées pour que tout le monde puisse les suivre. Même à ce comité, à moins que quelqu'un... Il y a plusieurs personnes dans la salle aujourd'hui, mais c'est parce que la question dont nous discutons touche la presse; mais il faut reconnaître que dans l'ensemble il n'y a pas suffisamment de personne pour suivre 15 ou 20 comités; et ce n'est que rarement que les travaux de comités sont télédiffusés. À moins qu'on ne s'en prenne à un ministre, les débats d'un comité ne sont pas diffusés.

• 1155

Le président: Monsieur Fisher.

M. Douglas Fisher: J'ai travaillé très fort pour que la télévision s'installe ici et à Queen's Park. En fait nous l'avons eue en 1977, je crois, et Queen's Park l'a eue avant nous, en 1973 ou 1974. Je crois que la façon dont les choses fonctionnent à Queen's Park est peut-être préférable à ce que vous avez ici avec la Chaîne parlementaire. Je ne m'en prends pas à cette chaîne, mais tout cela est très officiel.

Ce que nous avons fait, ou plutôt ce que nous avons recommandé et ce qui a été retenu à Queen's Park, c'est qu'il y aurait des stations à la Chambre et dans les salles de comité, où les cameramen ou les journalistes de la télévision pourraient aller s'installer, tout comme ils s'installeraient à la tribune de la presse. Ils pourraient filmer ou ne pas filmer, comme bon leur semblerait.

À Ottawa, évidemment, on s'inquiète de ce que pourraient faire ces gens de la télé avec ce qu'ils filment ou quels clips ils présenteraient à la télé. C'est pourquoi Ottawa veut exercer le contrôle. C'est pourquoi les députés font encore tout ce cinéma, où quelqu'un se lève pour prendre la parole et où une demi-douzaine de députés se précipitent à la Chambre pour être à ses côtés. Vous avez également insisté pour avoir ces gros plans. Cela fait partie de toute cette comédie, comme John Turner l'a décrit lorsqu'il est revenu au Parlement et a découvert ce qui s'était passé pendant son absence.

M. Chuck Strahl: J'aimerais également vous poser une autre question qui a en fait été soulevée par le dernier témoin; vous êtes la bonne personne à qui la poser, parce que vous n'êtes pas touché par cette mentalité de salle des dépêches. Cependant—et je ne crois pas que cela vous vise—ce qui s'est produit pendant notre étude à huis clos du rapport sur l'avenir du secteur nucléaire au Canada, c'est que le Comité des affaires étrangères s'est penché sur la question, puis le rapport a fait l'objet d'une fuite au National Post; puis le Parti réformiste s'est fait engueuler royalement pendant à peu près une semaine en se faisant accuser une branche de mauviettes parce qu'on n'avait rien à dire sur la question. Évidemment, nous agissions comme s'il s'agissait d'un rapport secret; donc nous ne faisions aucun commentaire, et cela faisait de nous évidemment des cibles idéales.

Pendant ce temps, lorsque le comité a fait une pause, notre porte-parole en matière d'affaires étrangères a reçu un appel d'un journaliste qui lui a dit: «Écoutez, je peux vous avoir deux articles de premier cahier d'une colonne d'au moins 12 pouces dans lesquels vous serez bien en évidence si vous me donnez un aperçu du contenu du rapporté» Voici ma question: devrions-nous tout simplement accepter cet état de choses, ou n'est-ce pas un peu contraire à l'éthique? Bob a refusé de révéler quoi que ce soit, mais...

M. Douglas Fisher: Le député qu'on a ainsi appelé aurait certainement pu mettre dans l'embarras le journaliste en question et le journal qu'il représente. Mais non, on se renvoie l'ascenseur constamment. Lorsqu'il était directeur de la rédaction du Globe and Mail, Clark Davey insistait pour que ses correspondants ne restent pas sur la Colline, à la Tribune de la presse parlementaire, plus de quatre ou cinq ans, afin d'éviter qu'ils n'abusent de cet échange de faveurs.

Quiconque travaille à la tribune—je ne le ferai pas pour vous, mais je l'ai déjà fait à une rencontre de l'Association canadienne des éditeurs de journaux—à la télévision ou à la radio, pour plus de cinq ou six ans, et quiconque suit leur travail connaît leur contact. Il sait à qui des faveurs ont été rendues. Il y a quelques jours, pendant un huis clos sur le budget, j'ai vu huit personnes qui étaient auparavant journalistes à la Tribune de la presse parlementaire et qui aident maintenant le gouvernement et Paul Martin à s'occuper du budget.

• 1200

Il y a quelques mois, j'étais au bureau de M. Martin. Après notre rencontre, il a eu la gentillesse de m'accompagner jusqu'à la sortie. Nous avons rencontré un type dans le couloir, et j'ai demandé ce qu'il faisait là. M. Martin m'a répondu: «Il travaille à ma politique de communication.» Bien sûr, pendant des années, ce type était un des gourous de la presse et le meilleur faiseur d'image. Il avait d'ailleurs dit qu'il incombait aux journalistes de la télévision d'établir le programme politique, et non pas aux politiciens.

Le président: Monsieur Baker. Soit dit en passant, voici la liste des intervenants suivants, qui est plutôt longue. Randy White, le président, Joe Fontana, John Solomon et Lynn Myers.

Monsieur Baker.

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, je dirai d'abord que ce témoin est probablement le meilleur témoin que nous ayons pu trouver pour nous entretenir de ce sujet, car, pendant qu'il siégeait à la Chambre des communes comme député, j'imagine qu'il a pris la parole plus que tout autre et a fait les manchettes plus que tout autre député...

M. Douglas Fisher: J'en ai maintenant honte.

M. George Baker: ...et qu'il a su défendre la gauche dans bien des dossiers. Je crois qu'il est allé plus loin que tout autre témoin dans ses recommandations à notre comité.

M. White a proposé qu'il n'y ait plus de séances de comité à huis clos, et M. Fisher est d'accord.

M. Douglas Fisher: Non. J'espère plutôt qu'il recommande que rien d'officiel ne figure à ce sujet dans le Règlement.

M. George Baker: Mais vous avez dit à notre comité qu'il allait un peu plus loin.

Le greffier de la Chambre a comparu devant notre comité et a recommandé l'adoption d'un règlement. Le Règlement, dans le régime parlementaire britannique du monde entier tel que nous le connaissons, dit deux choses: il est interdit de divulguer et il est interdit de publier.

M. Fisher, dans son témoignage, nous dit que le Règlement, ou plutôt la coutume, stipule qu'il est contraire à la procédure de la Chambre et aux droits des parlementaires de laisser transpirer le contenu d'un rapport. M. Fisher propose que nous éliminions cette règle.

M. Douglas Fisher: C'est exact.

M. George Baker: J'ai donc bien compris. Vous recommandez donc que cette règle, qui est en fait une coutume... Vous recommandez que la fuite du contenu d'un rapport ne soit pas considérée comme un outrage au Parlement.

M. Douglas Fisher: C'est une coutume. Vous avez des modèles. De gros bonnets au cabinet du premier ministre, du ministre des Finances et du chef de l'opposition, eux, jouent le jeu. Que tentez-vous de protéger? Il ne faudrait pas sous-estimer la valeur des comités et de leur travail.

Prenons l'exemple des deux lobbyistes les plus influents et les plus efficaces à Ottawa depuis quelques années, Cliff Chadderton et Tom d'Aquino. Je connais Tom depuis l'époque où il était...

M. George Baker: Avec le premier ministre.

M. Douglas Fisher: ...un Trudeaucrate, oui, lui et Dennis Mills, il y a longtemps. Ce sont des joueurs très importants maintenant. Tom et Cliff témoignent régulièrement devant les comités des anciens combattants, des affaires commerciales, des finances, etc., mais ce n'est pas là ce qu'ils font le plus. Ce n'est pas non plus ce qui intéresse la plupart des journalistes, notamment ceux du Globe and Mail, tels que Eddie Greenspon et Jeffrey Simpson, qui bien sûr se prennent très au sérieux, car ils travaillent pour un journal national. Ils ne déjeunent pas avec les députés ni les comités. Plutôt, ils s'intéressent à un groupe dont on n'a pas du tout parlé ici—je n'ai entendu personne en parler et je ne les ai pas vus mentionnés dans les documents que j'ai lus—à savoir les bureaucrates.

Vous qui traitez de pêche savez que les faiseurs d'image les plus experts sur la Colline du Parlement, auprès des comités, sont les hauts fonctionnaires. J'ai même entendu dire que nous avons un nouveau greffier du Conseil privé parce qu'on voulait quelqu'un qui soit un peu plus talentueux à ce chapitre.

• 1205

Le président: Poursuivez, George.

M. George Baker: J'ai une dernière question à poser, monsieur Fisher, et vous avez abordé le sujet dans vos remarques liminaires.

Les choses ont changé de façon radicale depuis l'époque où vous étiez député.

Si on pense à l'influence que peut exercer un simple député, l'époque où un député pouvait faire seul de l'obstruction à la Chambre est bien révolue. L'époque où on s'occupait du budget des dépenses ou des crédits à la Chambre est aussi révolue; ce sont des pouvoirs qui sont maintenant délégués.

M. Douglas Fisher: Cela a été l'un des changements les plus essentiels qui ont grandement miné le rôle du simple député.

M. George Baker: Les députés à la Chambre des communes n'ont donc plus qu'une influence réduite. Comme vous l'avez dit, lorsque vous étiez député, vous pouviez contribuer à apporter des changements à deux endroits. Vous pouviez intervenir et faire obstacle à quelque chose à la Chambre des communes...

M. Douglas Fisher: Oui.

M. George Baker: ...et vous avez dit que le travail en comité vous plaisait aussi. Aujourd'hui, il ne nous reste plus que le travail en comité. Mais nos comités ne fonctionnent pas comme ceux de la Grande-Bretagne ou de l'Australie ou d'ailleurs, où le Règlement prévoit, comme l'a dit le greffier, qu'ils peuvent établir leur propre mandat.

M. Douglas Fisher: C'est exact. En 1982, j'ai rédigé pour l'Association du Barreau canadien un document qui a été remis au Comité McGrath. J'ai écrit ce document avec Yves Fortier, Bob Stanfield et Angus MacLean. Vous pouvez encore le lire aujourd'hui. Nous y avons notamment recommandé que le gouvernement soit tenu de répondre officiellement aux rapports des comités. Il faut absolument une réponse officielle, et, si un des membres du comité le souhaite, ce rapport peut faire l'objet d'un débat à la Chambre. Et ce n'est qu'un début.

Je vous ai peut-être donné l'impression que, à mon avis, le travail en comité est... Cela ne sert pas qu'à occuper les députés; cela fait partie du processus d'apprentissage et permet aux députés d'en apprendre beaucoup en peu de temps. Toutefois, c'est mal vu de le dire... même si, je suppose, il y a des exceptions. Charles Caccia fait un peu exception. Mais en général très peu de députés sont identifiés à leur travail en comité, à une étude d'importance faite par leur comité. Je pense par exemple à feu Stanley Knowles ou à Ged Baldwin—l'accès à l'information pour Baldwin, les pensions pour Knowles, etc.

Le pire dans tout ça, si vous êtes un député qui estime que les sénateurs ne devraient pas être nommés, c'est que le Sénat et les sénateurs, de Roebuck jusqu'à Croll en passant par l'excellent travail de Jack Marshall au nom des anciens combattants, s'en tirent bien mieux à cet égard.

Bien sûr, une des raisons qui expliquent leur succès... Kenny, par exemple, a fait bien plus en matière de tabac que je ne l'aurais cru possible. Il n'aurait pu faire cela à la Chambre. Les sénateurs peuvent échapper à la discipline du chef plus facilement que les députés.

M. George Baker: En effet.

Le président: Randy White, suivi de Joe Fontana. Le président se retrouve au bas de la liste.

Randy.

M. Randy White: Merci. Doug, vous êtes un peu vous-même une institution ici, et c'est un plaisir de vous accueillir.

M. Chuck Strahl: Voilà où vous en êtes.

M. Randy White: Oui, vous êtes devenu une institution.

M. Douglas Fisher: Jerry Grafstein m'a dit il n'y a pas longtemps: «Vous êtes parfois si en colère, mais il n'y a plus de mémoire institutionnelle ici.» Lorsque vous rencontrez Jerry Yanover, Joyce Fairbairn ou quelqu'un d'autre qui est ici depuis plus de 20 ans, vous retrouvez votre mémoire institutionnelle.

Mais, voyez-vous, il y a eu deux raz de marée: le premier lorsque Mulroney est arrivé avec plus de 200 députés, et le deuxième lorsque les conservateurs sont presque disparus et que le NPD a été réduit en miettes. On se retrouve donc avec la dernière législature et la présente, où il y a très peu de vétérans.

Le président: C'est une bonne réponse à votre question, Randy. Est-ce tout?

M. Randy White: Je n'ai même pas posé ma question.

Doug, ces travaux-ci m'apparaissent comme une petite partie d'une grande occasion qui s'offre à la Chambre des communes. À ce comité-ci, nous avons traité des affaires émanant des députés, nous traitons maintenant des fuites de rapports, nous traitons de toutes sortes de choses, notamment de la télédiffusion des séances des comités. Mais, à mon avis, c'est toute l'institution qu'il faut réformer.

• 1210

Si vous regardez les débats à la Chambre, si vous lisez le compte rendu, vous verrez qu'il n'y a pas de véritables débats aux Communes. La période des questions n'est qu'un spectacle pour les médias. Les comités sont beaucoup trop partisans. Et les rapports unanimes—même ceux de ce comité-ci—restent lettre morte. On vient juste de recevoir un rapport d'un comité dont les séances ont été télévisées, et ce rapport est sur une tablette, quelque part. Nous devons maintenant lutter pour susciter un peu d'intérêt pour ce rapport. Même les voyages des comités permettent aux députés de voir du pays gratuitement plutôt que de contribuer à leur apprentissage.

En ce qui concerne ces fuites de rapports, j'estime que ces fuites se font à la discrétion de ceux qui les jugent utiles. Je ne dirais pas qu'on divulguera tout, mais je suis certain qu'on laissera transpirer une bonne partie des informations provenant de ces comités. Je suis fermement convaincu que cela s'inscrit dans le jeu d'ascension politique. Toutes les autres questions que j'ai abordées ne sont que source de frustration pour les députés. C'est une façon pour quelqu'un de marquer des points au détriment de 300 autres personnes.

Vous dites que la politique, c'est la guerre. Je suis d'accord, mais lorsqu'il y a une fuite, quelqu'un ou un parti en profite. Dans ce jeu d'ascension politique, il est certain que l'on considère la politique comme une guerre où tout est permis pour avoir le dessus. Souvent, on laisse fuir le contenu de ces rapports parce qu'on juge que ce sont des informations inutiles. Du moins au niveau national, ce ne sont pas des renseignements qui sont précieux pour le Cabinet.

Ce n'est que mon humble avis, mais moi je préconise le changement. J'aime bien changer les choses pour le mieux.

J'aimerais savoir où diable s'en va la Chambre des communes sur toutes ces questions, d'après vous. Jusqu'où pourra-t-on aller sans que nous, les députés, intervenions et disions: «Je suis ici pour représenter mes commettants? Et je ne suis rien qu'un petit rouage de l'énorme machine du gouvernement menée par le Cabinet où les simples députés, ministériels ou de l'opposition, n'ont pas voix au chapitre».

Le président: Monsieur Fisher.

M. Douglas Fisher: Je vais vous raconter une autre histoire sur Jack Pickersgill.

Un jour, M. Pearson a remanié légèrement son Cabinet de façon à y inclure un député du Québec, qui s'est donc vu accorder un ministère, de moindre importance, mais un ministère néanmoins. Je l'ai su parce que son bureau était tout près du mien et que tout le monde s'y était précipité pour le féliciter et célébrer. J'ai appelé Jack pour lui demander comment diable ce type avait pu se retrouver au Conseil des ministres. Je lui ai demandé pourquoi Pearson avait agi ainsi.

À l'époque, il y avait eu deux grands apports de ce que je considère comme de véritables talents—je vous parle maintenant à titre de dépisteur de talents—au Parti libéral, en 1963 et en 1965. Je pourrais vous en nommer plusieurs, de Joe Greene à Trudeau, en passant par Marchand, etc. Plus tard, lorsque Mulroney a balayé le pays, il a amené avec lui de nombreux députés talentueux aussi.

Pickersgill m'a demandé ce qui ne me plaisait pas chez le nouveau ministre. Je lui ai répondu: «Il est bien charmant, mais il n'est pas très futé ni instruit, et il n'a pas d'intérêt particulier. Je sais qu'il est loyal, mais je doute qu'il puisse apporter une contribution quelconque aux discussions du Cabinet.» Jack m'a alors dit: «Voilà précisément pourquoi il a été choisi. Vous devez comprendre que si les 20 ministres du Cabinet sont brillants et compétents, il y aura des problèmes. Il faut qu'il y ait plusieurs ânes.»

Le président: Rapidement, Randy, car votre temps est presque écoulé.

M. Stéphane Bergeron: Alors, qui sont les ânes?

M. Randy White: Ma question était de savoir où s'en va la Chambre des communes. Que peuvent faire les simples députés?

• 1215

M. Douglas Fisher: Où sont les députés qui sont prêts à dire que, malgré ses défauts, le système présidentiel des États-Unis confère davantage de pouvoirs aux simples représentants? Ce pouvoir, c'est celui de déposer des motions et projets de loi de finances. J'ignore toutefois si on peut permettre cela sans séparer l'exécutif de la Chambre des représentants, comme l'ont fait les Américains.

Ce qui est fondamental... je vous renvoie à The English Constitution the Walter Bagehot et à The Government of Canada de Robert McGregor Dawson. L'essence même du système parlementaire, c'est le secret et la protection du gouvernement. On voulait s'assurer que le gouvernement serait stable, et on a choisi pour ce faire, entre autres façons, de le protéger. Il est interdit de toucher à la bureaucratie. Autrement dit, les élus, et même les ministres de deuxième importance, ne peuvent toucher aux cerveaux d'Ottawa, si j'ose dire, à ceux qui dressent les plans.

Comment peut-on changer la situation? Pour qu'il y ait des changements, il faut revoir le système dans son ensemble. Depuis l'étude de Baldwin, on a exercé des pressions. Il y a maintenant des commissaires à l'information, ainsi que des commissaires à la protection de la vie privée. Il y a même maintenant, au sein de la GRC, deux commissaires qui jouent plus ou moins le rôle d'ombudsman. Il y a des ombudsmans partout, mais ils exercent des pouvoirs qui ont été retirés au Parlement.

Le président: Joe Fontana et John Solomon, puis ce sera le tour du président.

M. Joe Fontana: Je ne veux pas revenir aux ânes. J'éviterai ce sujet.

Ayant siégé comme député de l'opposition et comme ministériel, j'ai pu faire l'expérience des deux dynamiques différentes. Vous y avez fait allusion, Doug. Lorsque j'étais dans l'opposition, je faisais face aux mêmes frustrations que Randy maintenant, car, soyons honnêtes, dans l'opposition, on n'est pas en mesure de... Mais l'opposition peut être très utile. Nous avons été efficaces comme opposition. D'ailleurs, nous avons été à la source de nombreuses fuites de documents grâce auxquelles nous avons pu mettre le gouvernement dans l'embarras. Je trouve incroyable que le Parti réformiste prétende que c'est le gouvernement qui fait transpirer ses rapports afin de bien paraître. Il est rare qu'on soit très flatteur à l'égard du gouvernement dans ces rapports.

Je n'essaie pas d'excuser le cabinet du ministre pour la fuite. Randy a expliqué que le système ne fonctionne pas parce que personne, pas une personne ou deux personnes ou tout le groupe, ne respecte le système et qu'on peut donc ne pas en tenir compte.

Comme George, je suis d'accord pour dire qu'il faut décider si l'on doit appliquer des sanctions pour la divulgation, c'est-à-dire à la personne d'où vient la fuite, et s'il faudrait aussi des sanctions du côté de la publication, comme on le fait ailleurs et comme Jules et vous, je pense, l'avez dit. À mon avis, on ne peut rien faire du côté de la publication à moins de vouloir invoquer toute la force de la loi et imposer...

M. Douglas Fisher: Vous ne feriez que créer des martyrs parmi les journalistes.

M. Joe Fontana: En effet. Il faut donc s'en tenir à la divulgation. À mon avis, plus un système est ouvert, mieux c'est pour le public et mieux c'est pour ceux qui veulent influer sur la politique de l'État.

Les comités font de l'excellent travail. J'ai bien aimé mon travail au sein des comités quand j'étais du côté de l'opposition, surtout aux comités des transports, des finances et d'autres, au cours des dix dernières années. Je sais que la plupart des députés adorent le travail en comité parce que, croyez-le ou non, c'est là qu'ils peuvent vraiment faire adopter des changements. Le public ne s'en rend pas compte, mais c'est ce que nous essayons de faire.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): On peut se servir de son cerveau.

M. Joe Fontana: Je pense que nous devons modifier le système.

Du côté de la divulgation, il faudrait effectivement plus d'ouverture. Cependant, Doug, comme vous le savez vous-même, il faut toujours prévoir des exceptions. Je suis certain qu'il y en a, surtout pour les questions reliées à la sécurité nationale, et peut-être même certaines questions budgétaires importantes, même si le processus budgétaire commence à être plus visible.

Cela pourrait aussi s'appliquer aux témoins. Hier ou avant- hier, Bill Graham nous a dit que son comité voulait parler à l'ambassadeur d'un pays particulier relativement à certaines questions délicates dans le domaine des affaires étrangères. L'ambassadeur a insisté pour que cela se passe à huis clos parce que le sujet est très délicat, mais le comité voulait que la séance ait lieu en public. L'ambassadeur a refusé, et cela nous a donc privés de bons renseignements.

Si nous voulons une structure qui aura le respect de tout le monde, Randy, quel article du Règlement pourrait s'appliquer aux renseignements privilégiés? Nous pourrions définir en quoi cela consiste et nous assurer que c'est respecté par tout le monde sans que quiconque ait d'avantages politiques, sauf exception. Comment pourrait-on rédiger un tel règlement pour prévoir les cas exceptionnels afin de s'assurer que...

• 1220

M. Douglas Fisher: Pourquoi ne pas laisser le président du comité présenter la motion à la Chambre quand le besoin s'en fait sentir?

M. Joe Fontana: Je suis d'accord. Derek Lee, qui témoignera devant le comité la semaine prochaine, nous a dit aussi que les présidents de comité ont d'énormes pouvoirs à cause du Règlement de la Chambre ou de la convention, mais qu'ils ne savent pas vraiment en quoi consistent ces pouvoirs. Comme vous l'avez dit, il y a bien des choses que les nouveaux députés ne peuvent pas savoir quand ils essaient de comprendre ce qui fonctionne dans le système parlementaire et ce qui ne fonctionne pas.

Vous proposez donc que le président du comité et le comité lui-même—et cela permettrait de donner un peu plus de pouvoir au comité—puissent eux-mêmes déclarer dès le départ que tel sujet sera confidentiel, que ce sera discuté à huis clos, qu'il s'agit d'une question d'importance nationale et que quelqu'un doit signer quelque chose, peut-être au début de la réunion, pour dire que la consigne va être respectée parce que le sujet est tellement délicat...

M. Douglas Fisher: Pourquoi pas? Nous le faisons pour l'interdiction de sortie de la salle de presse au moment du budget. Tous les journalistes savent comment cela se passe.

Il y a essentiellement trois genres de comités. Il y a les comités d'examen, dont le principal est sans doute le Comité des comptes publics, qui reçoit l'aide du vérificateur général, ce qui veut dire, d'après moi, que c'est le plus efficace de tous les comités. Du moins, c'est le plus efficace des comités pour ce qui est de faire part de ses conclusions au public.

Il y a ensuite les comités législatifs. J'avais recommandé à cet égard le système britannique, même si l'on n'a pas donné suite à ma suggestion entièrement. Au Parlement britannique, on choisit un membre de l'opposition et un ministériel pour proposer les projets de loi et y répondre. Autrement dit, ce ne sont pas tous les membres du comité qui participent. Il y a plutôt ce qu'on pourrait appeler des «gestionnaires de la Chambre» de chaque côté du projet de loi, autrement dit pour le projet de loi lui-même et pour les amendements qui y sont proposés, et il y a une espèce de routine. Il n'y a aucune raison de vouloir des séances à huis clos ou quoi que ce soit de ce genre pour étudier des projets de loi.

Ensuite, bien sûr, il y a le troisième genre de comités, qui a eu ses origines avec Léon Balcer quand il était ministre des Transports sous Diefenbaker. Il parrainait une mesure importante pour modifier la Loi sur les chemins de fer, ou sur les transports. Il considérait que c'était beaucoup trop complexe pour tout examiner parce qu'il y aurait beaucoup de changements à apporter, et il a donc eu l'idée de renvoyer le sujet de ce changement important à un comité, et, plus tard, on a ajouté une autre idée, qui est devenue tout à fait à la mode pendant les premières années du gouvernement Trudeau, c'est-à-dire l'idée du groupe d'étude.

Il devait y avoir des comités de groupes d'étude. Comme vous le savez, bien sûr, chaque parti en a fait à sa guise. L'autre jour, un représentant du NPD a publié un rapport sur l'assurance- chômage, et il y a eu ensuite le plus célèbre de tous les groupes d'étude récemment, l'excursion ou l'odyssée de Tony dans le domaine des banques, qui a voyagé partout dans le pays et que, soit dit en passant, j'ai bien aimé, parce qu'il a vraiment mis les présidents des banques sur la sellette, eux qui n'avaient pas l'habitude de faire affaire avec de simples députés.

Il y a donc trois genres de comités: les comités d'examen, les comités législatifs et les comités qui s'occupent de projets spéciaux. Je pense qu'il faudrait probablement des règles différentes pour chacun, ou aucune règle pour au moins deux d'entre eux.

Le président: Merci, Doug et Joe.

John Solomon.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Fisher, de cet exposé fort instructif.

Je suis d'accord avec certaines choses que vous avez dites quant au fait qu'il semble y avoir plus de concurrence non seulement entre les journalistes, mais aussi entre les partis. Vous avez expliqué qu'il y a deux partis qui se battent pour former le prochain gouvernement et deux ou trois qui se battent pour survivre. J'ai l'impression que cette réalité, en même temps que la nécessité d'obtenir plus de publicité et de se faire connaître, va nous empêcher d'adopter une règle ou un article du Règlement qui pourrait nuire à cette concurrence.

Il y a certaines choses que je voudrais ajouter aux propos de M. Fontana. Il a parlé de toutes les commissions secrètes qui sont établies. À titre de représentant élu du public, j'ai vu moi aussi un bon nombre de ces commissions devenir secrètes, mais cela veut dire ultimement que le gouvernement est moins comptable de ses décisions. Selon moi, le gouvernement se cache derrière des articles spéciaux du Règlement qui imposeraient des sanctions pour les fuites qui nuiraient au gouvernement alors que le gouvernement doit être comptable de ses décisions et doit se comporter en conséquence.

• 1225

C'est une tendance qui se voit de plus en plus, tant dans les provinces qu'au gouvernement fédéral, puisque j'ai aussi été député provincial. Je trouve que c'est mauvais parce que cela réduit le rôle des députés fédéraux ou provinciaux.

M. Joe Fontana: Je pense que c'est Doug qui l'a dit, John. Je ne veux pas m'arroger le mérite de cette bonne idée.

M. John Solomon: C'est exact. Je pense que c'est une chose dont bien des gens sur la scène publique, et même les journalistes, ne font pas rapport convenablement, ou du moins pas assez.

L'autre question dont je veux parler a trait aux fuites de documents. J'ignore combien des documents qui ont fait l'objet d'une fuite contenaient un rapport minoritaire, mais cela nous ramène encore une fois à l'idée de la concurrence et au fait que les rapports minoritaires ont d'habitude quelque chose qui les distingue des rapports du gouvernement.

M. Douglas Fisher: C'est une chose que j'aurais dû dire. Quand j'étais député il n'y avait pas de rapports minoritaires, et on devait donc travailler plus fort pour essayer de faire passer ses idées dans le rapport publié. Depuis la venue du rapport minoritaire, je pense qu'on a vu la disparition... Pourquoi iriez- vous vous plaindre de ce que le ministériel a fait des renseignements fournis au comité si vous devez donner votre point de vue de toute façon dans un rapport minoritaire? Si vous êtes en colère, vous pouvez vous arranger pour qu'il y ait une fuite de votre rapport presque en même temps que la fuite de son rapport, surtout si vous connaissez les journalistes qui ont suivi le comité, s'il y en a. Vous pouvez communiquer avec eux. Ils font office de passoire aussi bien que vous.

M. John Solomon: Pas moi personnellement, monsieur Fisher.

M. Douglas Fisher: Certainement pas, mais George n'est pas dans le même cas.

M. John Solomon: Je comprends, mais je voulais le préciser pour que cela figure au compte rendu. La dernière chose que j'ai à dire a trait au genre de fuites. D'après moi, il y en a deux. Il y a les fuites du gouvernement, c'est-à-dire les fuites budgétaires pour lesquelles il existe un processus spécial. S'il y a une fuite du budget, comme on l'a vu récemment, le processus est clair. Le ministre doit démissionner pour avoir éventé certaines décisions de politique qui vont toucher ou qui pourraient toucher les marchés et permettre à quelqu'un de réaliser un profit avant la publication du budget si le gouvernement décide de prélever ou de réduire des impôts. Le processus est donc clair dans ce cas-là.

Le processus que nous ne comprenons pas vraiment a trait aux fuites des rapports de comités. Nous ne faisons que formuler des recommandations. Le facteur temps n'est pas très important. Il s'agit simplement de recommandations de politique sur les solutions que le gouvernement devrait envisager pour l'avenir pendant le prochain millénaire, ou peut-être la semaine prochaine. Nous aurions voulu que cela se fasse l'année dernière, mais c'est impossible à obtenir.

Je voudrais que vous commentiez les deux genres de processus, c'est-à-dire ceux qui portent sur les fuites du gouvernement et ceux qui portent sur les fuites de comités, et que vous nous disiez si la fuite d'un rapport de comité peut avoir une importance quelconque.

M. Douglas Fisher: Il y a un troisième genre de fuites, les fuites bureaucratiques. La plupart des fuites les plus graves sont des fuites bureaucratiques. C'est arrivé dans le domaine des pêches. Les experts de l'environnement sont arrivés sur la Colline il y a 15 ou 20 ans, et ils étaient très compétents. Un de leurs principaux agents avait même travaillé pour le président de la Chambre pendant quelque temps. Ils savaient très bien ce qui se passait et laissaient certaines choses leur échapper.

Ensuite, bien sûr, il y a les fuites des lobbyistes, c'est-à- dire des groupes spéciaux, des groupes très puissants et des associations, qui laissent sortir certains renseignements après avoir fait affaire avec le ministère ou le gouvernement. À peu près chaque ministère et chaque sous-ministre attirent un certain nombre de groupes spéciaux. Ceux-ci s'intéressent à ce qui se passe au gouvernement et essaient de promouvoir quelque chose, ou bien, si c'est quelque chose qu'ils n'aiment pas, font en sorte qu'un projet soit annulé avant même d'être annoncé.

La question des fuites est donc très vaste.

Je me rappellerai toujours Dick Jackson, un journaliste de l'Ottawa Journal. Il est mort maintenant; je pense qu'il est mort heureux et riche. L'un des meilleurs paris qu'il ait fait de sa vie—et il aimait prendre de l'argent de ses collègues—remonte à l'époque où Pearson était premier ministre. Le secret que tous les partis considèrent comme le plus précieux est celui qui touche les réunions de caucus hebdomadaires, et Dick avait parié qu'il pourrait révéler quatre semaines de suite, au plus tard le mercredi soir, quels étaient les principaux sujets et les principaux orateurs au caucus libéral.

• 1230

M. Joe Fontana: Son fantôme doit encore nous hanter.

M. John Solomon: C'est la même chose au groupe parlementaire néo-démocrate.

M. Douglas Fisher: Il y a quelques jours, on a ouvert les archives de l'époque et on peut y lire que Pearson se plaignait des fuites. Je sais qu'à une occasion George Bain, Peter Newman et moi-même avons été le sujet d'une discussion au conseil des ministres. Ne parlons pas des fuites car Newman était branché sur bien des gens. Quant à Bain et moi-même, ce n'est pas à propos des fuites qu'on a parlé de nous mais parce que nous étions systématiquement hostiles au gouvernement libéral. On constate donc que même au plus haut niveau, on s'inquiète de la presse.

Le président: D'accord, John?

M. John Solomon: Merci.

Le président: Dans le Règlement, outre la permission de tenir des réunions à huis clos dans certains cas, les comités peuvent le faire aussi:

    a) pour les questions de salaires et autres avantages aux employés;

    b) pour les négociations contractuelles;

    c) pour d'autres relations de travail;

    d) pour d'autres questions personnelles

...et, également, pour les questions d'intérêt national, ce qui n'est pas mentionné. Dans ces cas-là, il s'agit de circonstance particulière, et il faut protéger la vie privée des gens. Ensuite, on poursuit, et on en arrive au cas qui nous occupe. Je cite:

    e) l'étude d'une ébauche d'ordre du jour; et/ou

    f) l'étude d'une ébauche de rapport de comité.

Cette question d'ébauche est à mon avis une question à part.

Permettez-moi de vous exposer les arguments des deux bords. On prétend d'une part qu'il vaut peut-être mieux que les membres du comité s'affrontent en privé aux étapes finales de la production d'un rapport. Ainsi, la possibilité d'en arriver à un consensus existe mais, comme cela se fait de nos jours, et vous l'avez expliqué, les membres du comité peuvent décider en privé qu'il y aura deux rapports, un majoritaire et un minoritaire.

On prétend que cette situation est avantageuse pour le comité—et je songe ici exclusivement aux membres du comité—car cela leur donne l'occasion de produire un ou deux rapports qui en valent la peine. On a soutenu aussi que cette méthode donnait plus de pouvoir aux membres du parti ministériel, plutôt qu'à l'ensemble des membres du comité.

Voici maintenant un tout autre point de vue. Tout serait complètement public, et supposons qu'il apparaît clairement qu'il y aura deux rapports. Vous pouvez imaginer qu'à la dernière réunion, les membres du parti ministériel vont présenter un rapport, l'opposition, ou chacun des partis d'opposition, présentant un rapport minoritaire. Et il y aurait une mise aux voix. Ne trouvez-vous pas que dans ce cas-là, le gouvernement acquiert peu de pouvoir que dans le premier?

M. Douglas Fisher: À mon avis, oui.

Le président: En terminant, vous avez dit tout à l'heure que deux partis d'opposition luttaient pour leur survie. Lesquels?

M. Joe Fontana: Après ce qui s'est passé ce week-end, il n'y en aura plus qu'un.

M. Douglas Fisher: Je me bornerai à vous dire qu'il ne faut jamais considérer un parti politique comme anéanti.

M. Joe Fontana: Je suis d'accord avec vous.

M. Douglas Fisher: Je ne serais pas étonné de voir même les créditistes refaire apparition au Québec un de ces jours. On ne sait jamais. Les partis politiques vont et viennent.

Le président: Je sais.

M. Douglas Fisher: Je me souviens du temps où les libéraux n'avaient que 49 députés, leur situation semblait désespérée. On les disait anéantis. Et ils se sont retrouvés à ce point-là encore une fois. Un de mes collègues, Richard Gwyn, avait alors prédit que le Parti libéral disparaîtrait sans doute avant dix ans.

Le président: Doug, je me rends compte que nous avons beaucoup appris, de façon très agréable, en vous écoutant. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner, surtout au pied levé, et nous allons veiller à ce que vous soyez informé, en vous envoyant le compte rendu...

M. George Baker: Bravo!

M. Chuck Strahl: Et tout autre document que vous voudrez que nous vous divulguions.

Le président: Je suis la marionnette, et mon ventriloque ici, comme il l'a dit, sera une source de fuites pour vous.

Joe Fontana.

M. Joe Fontana: Une remarque pour mémoire, et peut-être pourrai-je en discuter avec vous. À titre de président du caucus national depuis je ne sais combien d'années, je n'ai jamais reçu d'appel du chef du Cabinet pour me dire ce que le caucus devrait faire. Il voudrait peut-être dire aux ministres et aux sous- ministres, et ainsi de suite, ce qu'ils doivent faire...et je ne sais pas comment cela marche dans d'autres partis.

Mais j'aimerais dire publiquement que peut-être un jour, Doug, nous pourrions discuter des groupes parlementaires. Il s'agit de l'institution la moins bien connue du Parlement. Même les Canadiens ne comprennent pas en quoi ils consistent, et c'est là où parfois le meilleur travail est effectué, en plus du travail réalisé en comités.

• 1235

Le président: Merci, Joe.

Doug, encore une fois, merci.

Collègues, il y a encore un point à l'ordre du jour, si vous me le permettez, et qui n'a rien à voir avec le sujet actuel. Je vais vous lire l'ordre de renvoi que nous avons reçu.

Il s'agit d'un ordre de renvoi des Journaux de la Chambre des communes, datés du mercredi 17 février 1999:

    Une question de privilège ayant été soulevée par M. Pankiw (Saskatoon—Humboldt), le Président décide que la question de privilège est fondée sur des présomptions suffisantes.

    Sur ce, M. Pankiw (Saskatoon—Humboldt), appuyé par M. Breitkreuz (Yorkton—Melville), propose—Que, l'honorable député de Saskatoon—Humboldt ayant été malmené plus tôt aujourd'hui, l'affaire soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

    La motion, mise aux voix, est agréée.

Comme vous savez tous, il y a trois questions pour lesquelles le président doit rendre sa décision. Collègues, au lieu de continuer à parler de la question des fuites concernant nos rapports lors de notre retour, je suggère que la réunion du comité directeur le premier mardi soit consacrée à discuter de cette question, de cet ordre de renvoi.

M. Joe Fontana: En public ou à huis clos?

Le président: Ensuite, collègues, nous poursuivrons avec nos audiences le jeudi. J'ai obtenu l'assentiment de Stéphane Bergeron. Nous ne voulions pas convoquer deux témoins en même temps, mais ce jeudi-là nous aurons environ 45 minutes avec Joseph Maingot et ensuite, environ 45 minutes avec Derek Lee, qui a comparu devant notre comité la dernière fois.

Donc le comité directeur se réunira le mardi, et le jeudi nous continuerons cette étude avec deux témoins, mais nous les entendrons séparément.

John.

M. John Solomon: Je n'ai pas de problème si vous voulez organiser une réunion du comité directeur mardi. Je ne serai pas là, donc avisez-moi de ce que vous décidez. Avisez mon bureau.

Le président: Merci beaucoup. J'en suis reconnaissant.

Collègues, la séance est levée.

Monsieur Fisher, merci beaucoup encore une fois.