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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 mars 1999

• 1535

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Ouvrons la séance, même si ce n'est que pour quelques minutes. Une sonnerie nous appelle au vote qui aura lieu dans une trentaine de minutes.

Nous accueillons aujourd'hui M. Richard Zubrycki, du ministère du Solliciteur général; Pierre Couturier, de la Commission nationale des délibérations conditionnelles; Robert Terris, de la GRC, tout comme Gessie Clément.

Habituellement, chacun des témoins qui le souhaite peut faire un exposé d'une dizaine de minutes, puis nous poserons des questions. Voyons ce que nous pouvons faire, avant de partir. Nous espérons ne pas nous absenter trop longtemps et nous vous demandons de nous attendre avec indulgence. Nous aimerions terminer cette étude aujourd'hui, si possible.

Monsieur Zubrycki.

M. Richard Zubrycki (directeur général, Direction des affaires correctionnelles, ministère du Solliciteur général du Canada): Merci, monsieur le président.

Nous vous sommes reconnaissants de cette possibilité d'aider le comité dans son examen du projet de loi C-284. Nous ferons certainement de notre mieux pour répondre à vos questions.

Nous vous avons fourni des documents à l'avance. J'espère que vous les avez tous reçus et que vous avez eu le temps de les examiner.

À nous tous, nous essayerons de répondre aux questions au sujet du régime de réhabilitation, du Centre d'information de la police canadienne et du système des casiers judiciaires canadiens, de l'examen des candidatures pour des postes de confiance et, même si je sais que votre comité l'examinera en temps opportun, du projet de loi C-69, dans la mesure où votre comité s'intéresse aux détails de ce projet de loi du gouvernement. Je présenterai un exposé aussi bref que possible, pour qu'il y ait amplement de temps pour les questions.

Il va sans dire que tous les parlementaires de même que tous les Canadiens ont pour but de protéger de leur mieux les enfants, et les adultes vulnérables aussi, d'ailleurs. Il ne reste qu'à trouver la meilleure façon de le faire.

D'après le ministère, le projet de loi C-284 ne serait pas particulièrement efficace pour atteindre cet objectif, même si nous ne doutons pas que l'objectif de la communauté d'intérêts que j'ai mentionné soit inscrit dans le projet de loi C-284.

Si j'ai bien compris, ce projet de loi ferait principalement une chose. Il y a diverses facettes au projet de loi, mais principalement, il obligerait le solliciteur général à divulguer le dossier des condamnations pour des délits de nature sexuelle contre des enfants. Pour le ministère, il s'agirait d'une restriction imposée inutilement au pouvoir discrétionnaire du ministre. Le projet de loi ne s'appliquerait qu'à un nombre très limité d'infractions et d'ex-délinquants. On n'y trouve pas non plus suffisamment de garanties contre la divulgation non autorisée des casiers judiciaires à des tiers.

À notre avis, le solliciteur général a suffisamment de pouvoir pour divulguer les casiers judiciaires faisant l'objet d'une réhabilitation en vertu de la Loi sur le casier judiciaire. Cette loi prévoit que pour les besoins de l'administration de la justice et de la sécurité nationale, le ministre a le pouvoir d'autoriser la communication du dossier judiciaire, quand on la demande. Ce sera certainement le cas pour les vérifications des antécédents de candidats à des postes de confiance.

Que nous sachions, il n'y a pas eu de problème avec l'exercice de ce pouvoir. D'après nos consultations auprès du public et auprès de nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux, personne n'a jamais soulevé de questions à ce sujet. Pendant ces consultations, personne n'a proposé de modifier les pouvoirs du ministre ni la façon dont il les exerce.

Actuellement, le ministre reçoit des demandes de communication de dossiers de délinquants réhabilités pour diverses raisons, et dans environ 60 p. 100 des cas, les scellés sont levés.

• 1540

On reçoit des demandes pour diverses raisons, comme la nomination à un poste névralgique, ou d'application de la loi, à une commission fédérale et dans le cadre de procès ou de détermination d'une peine. Nous avons revu rapidement les cas des trois dernières années, pour constater que les scellés sont levés dans 60 p. 100 des cas, environ.

Mais parmi les demandes reçues par le ministre, guère plus de 8 ou 20 par année, il n'y en a pratiquement pas pour l'évaluation de candidats à des postes de confiance. À notre avis, ce n'est pas le pouvoir du solliciteur général qui pose problème, mais le fait que personne ne connaît l'existence du dossier de réhabilitation à obtenir. Nos consultations l'ont confirmé, particulièrement celles que nous avons menées auprès de nos collègues provinciaux et territoriaux; nous nous sommes adressés aux principaux responsables des bureaux de procureurs. Partout, on reconnaissait que c'était là le problème à régler.

Comme vous le savez sans doute, quand une réhabilitation est accordée, le dossier est transféré de la base de données du Centre d'information de la police canadienne à une base de données scellée. La condamnation n'est pas effacée et le dossier n'est pas détruit; il est scellé et gardé dans une base de données distincte, dont l'accès est limité au personnel de la GRC qui la gère.

On ne peut avoir accès à ce dossier sans l'autorisation du solliciteur général. Cela signifie que lors d'une vérification de routine dans la base de données automatisée, effectuée par exemple par un policier au poste de police, on obtient un affichage vide. Tout comme s'il n'y avait pas de dossier. Par conséquent, ni le policier ni l'organisation pour laquelle il faut la vérification ne saura qu'il y a un dossier de réhabilitation. Même s'il est bien connu qu'un dossier de réhabilitation peut être divulgué, la demande ne sera pas faite quand on n'en connaît pas l'existence.

Mais si une telle demande est reçue, le solliciteur général a suffisamment de pouvoir pour permettre que soient levés les scellés et que le dossier soit communiqué. Étant donné les critères dont doit tenir compte le ministre, il est assez certain que dans la plupart des cas, la communication aurait lieu.

Le projet de loi C-69, du gouvernement, essaie de remédier à ce problème. Comme je le disais, c'est un problème qui a été soulevé pendant les consultations et confirmé par les divers ministres, qui ont consenti à ce que le problème soit réglé par le marquage des dossiers de réhabilitation pendant la recherche pour fins de vérification.

Cela signifie que dans certaines circonstances, on connaîtrait l'existence du dossier de réhabilitation. Il s'agit des cas où la recherche se fait pour la vérification des antécédents des candidats à des postes de confiance, non seulement auprès des enfants mais aussi auprès d'autres groupes vulnérables. Il devrait toujours y avoir consentement éclairé du candidat au sujet duquel on fait la recherche. Le dossier de cette personne porterait sur un délit de nature sexuelle désigné dans une annexe à la loi ou, dans ce cas-ci, dans le règlement connexe.

Cette liste de délits de nature sexuelle serait plus longue que celle prévue au projet de loi C-284. Si j'ai bien compris, ce dernier précise que le dossier portera sur un délit de nature sexuelle contre un enfant. Si on recense les infractions de ce genre dans le Code criminel, on en trouve 14 ou 15. La liste des infractions contenue dans le règlement afférent au projet de loi C-69 comprendrait une trentaine d'infractions. Il ne s'agirait pas seulement de délits de nature sexuelle contre des enfants. En effet, à partir du dossier, il n'est pas toujours possible de déterminer si la victime était ou non un enfant.

Certaines infractions sont désignées comme étant des infractions commises contre des enfants, mais pour d'autres, comme l'agression sexuelle grave, la victime peut être de n'importe quel âge et on ne saurait pas, à partir du dossier de condamnation, si la victime était ou non un enfant. Il y a donc bon nombre d'infractions de nature sexuelle qui seraient pertinentes.

• 1545

Certains prétendront d'ailleurs que l'âge de la victime n'est pas toujours important. Si quelqu'un est prêt à agresser sexuellement une jeune femme de 20 ans, ne représenterait-il pas aussi un risque pour une jeune fille de 16 ans? Voilà pourquoi la liste des infractions sera plus exhaustive.

Quand les scellés sont levés pour un dossier de réhabilitation, tout le dossier est fourni. En vertu du projet de loi C-284, seul le dossier relatif à l'infraction de nature sexuelle contre un enfant serait fourni. En vertu du projet de loi C-69, tout le dossier serait communiqué, afin que l'organisme qui demande la vérification puisse évaluer les tendances et la gravité du comportement criminel.

Étant donné le champ d'application, nous reconnaissons qu'il faut faire preuve de prudence en restreignant les effets de la Loi sur le casier judiciaire et les conséquences de la réhabilitation. Les réhabilitations sont accordées pour de bonnes raisons. Pour commencer, les réhabilitations sont accordées pour reconnaître une période continue de comportement honnête et ensuite, pour contribuer à la stabilisation du réhabilité, de manière qu'il continue de respecter la loi. En fait, de ce point de vue, le système de la réhabilitation est un franc succès. Au cours des 28 dernières années, près de 250 000 réhabilitations ont été accordées, avec à peine plus de 6 000 révocations à cause d'une nouvelle infraction. Si l'on peut appeler cela un taux d'échec, il se situe à 2,6 p. 100. Je dirais que pour un système conçu et mis en oeuvre par des humains, c'est un taux d'échec qu'il serait très difficile de réduire davantage.

Il est également intéressant de noter que, d'après nos calculs, fondés sur un échantillon, huit années s'écoulent depuis la dernière infraction avant qu'une réhabilitation soit accordée. On peut donc dire qu'avant même que la réhabilitation ait été octroyée, les personnes visées ont acquis une feuille de route généralement crédible quant au respect de la loi. Nous ne voulons certainement pas nuire à la réforme de comportement et à la stabilité qu'affichent ces milliers de personnes en respectant la loi, précisément comme le veut le système de la réhabilitation.

Chose intéressante, les délinquants sexuels qui font l'objet d'une réhabilitation ont le même taux de succès, ou d'échec, quelle que soit votre perspective. J'ai dit que, dans l'ensemble sur près de 250 000 réhabilitations accordées, le taux d'échec est d'environ 2,6 p. 100. Pour ce qui est des délinquants sexuels réhabilités qui commettent une nouvelle infraction sexuelle, le pourcentage est presque exactement le même, soit 2,6 p. 100. Pour les délinquants sexuels dont la réhabilitation est révoquée du fait d'une nouvelle infraction, le taux d'échec est légèrement supérieur, soit environ 5,1 p. 100. Je rappelle que ces chiffres doivent être envisagés avec circonspection parce qu'ils se fondent sur un échantillon de cas examinés. Il n'en demeure pas moins que c'est un taux d'échec qui, pour l'ensemble, est relativement faible et que le taux d'échec des délinquants sexuels est, comme je l'ai dit, semblable à celui des autres contrevenants.

Cela étant dit—et je ne veux certainement pas prétendre que le problème soit négligeable—, nous reconnaissons que lorsqu'une personne reconnue coupable d'une infraction sexuelle postule un emploi de confiance auprès d'un groupe de gens relativement vulnérables, le risque auquel ces gens sont assujettis est accru. C'est une situation pour laquelle nous voulons certainement faire preuve de vigilance. Des précautions spéciales sont nécessaires dans ces cas.

Le gouvernement a reconnu cela il y a quelques années, lorsqu'il a établi, en 1994, le système national de vérification. Ce système permet déjà aux organismes qui traitent avec des personnes vulnérables de demander à la police d'effectuer une vérification sur les antécédents du candidat. Si la police trouve un casier judiciaire, qu'il contienne ou non une infraction sexuelle, ce casier est mis à la disposition de l'organisme recruteur, par l'entremise du postulant. Cela révèle donc l'ensemble du casier judiciaire. C'est toujours fait avec le consentement du postulant. Bien sûr, lorsqu'on lui demande son consentement, le postulant a l'option de refuser que son casier judiciaire soit communiqué et d'expliquer à l'organisme pourquoi il refuse de donner son consentement. Dans la plupart des cas, les postulants retirent simplement leur candidature, ce qui signifie que ce système de vérification amène ces personnes à décider d'elles-mêmes de ne pas postuler le poste. Jusqu'à ce jour, plus de 700 000 de ces vérifications des antécédents ont été effectuées avec la collaboration des services de police locaux, des organismes de bénévolat, du Centre d'information de la police canadienne et du ministère du Solliciteur général.

• 1550

Le président: Pouvons-nous vous demander de terminer bientôt, afin que nous puissions poser quelques questions?

M. Richard Zubrycki: Oui.

Le président: Merci.

M. Richard Zubrycki: Comme je l'ai dit, lorsqu'une réhabilitation a été accordée, ce système national de vérification ne fonctionne pas parce que rien n'indique après une réhabilitation qu'il existe un casier judiciaire. Le projet de loi C-69 vise à combler cette lacune du système national de vérification en prévoyant qu'une note ou une indication soit inscrite dans le casier judiciaire, de sorte que, lorsqu'une recherche pour fins d'emploi est effectuée, l'indication apparaît. À ce moment-là, le service de recherche se rendra compte qu'il doit demander des empreintes digitales et les présenter au CIPC, pour qu'il les examine. Si cet examen est effectué, on trouvera le casier judiciaire du réhabilité.

Il sera automatiquement porté à l'attention du ministre, qui devra l'examiner pour voir s'il y a lieu de lever les scellés. Dans ce cas, c'est l'ensemble du casier judiciaire qui serait communiqué. Cela s'appliquera non seulement à des cas futurs, mais ce sera également rétroactif et s'appliquera à tous les casiers de délinquants sexuels réhabilités qui figurent au système actuellement. Nous inscrirons dans les règlements afférents à la loi les critères que le ministre prend en ligne de compte lorsqu'il envisage de lever les scellés, afin que les exigences soient transparentes. La réglementation définira ce qui constitue un groupe vulnérable; cela inclura également les enfants et, probablement, toute personne de moins de 18 ans.

Cette procédure va être expliquée, sinon dans la loi, du moins dans le règlement. Il sera clairement indiqué que le système repose toujours sur le consentement éclairé et que les empreintes digitales servent à confirmer l'identité et à prévenir toute erreur.

Comme je l'ai dit, cette proposition a été soumise à l'étude d'un groupe de travail fédéral-provincial. Elle faisait partie des dix recommandations présentées aux ministres fédéral, provinciaux et territoriaux, qui les ont approuvées en octobre dernier. Cette procédure de marquage des dossiers a été élaborée en collaboration avec la Commission des libérations conditionnelles et le Centre d'information de la police canadienne; elle a reçu l'appui de toutes les autorités judiciaires. On a jugé que c'était la formule la mieux adaptée pour régler ce problème.

Là-dessus, je peux accéder à votre demande et mettre un terme à mon exposé. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Zubrycki. Je crois que vous êtes le seul à présenter un exposé, et que les autres sont là seulement pour répondre aux questions.

M. Richard Zubrycki: Oui.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. J'ai quelques questions à vous poser. Lorsque le projet de loi C-284 a été déposé à la Chambre, j'ai reçu un document qui disait: «Le solliciteur général n'approuve pas ce projet de loi pour les raisons suivantes», et le document énumérait un certain nombre de motifs. Monsieur Zubrycki, est-ce que votre ministère a participé à la rédaction de ce document?

M. Richard Zubrycki: Oui, je crois. Je ne pense pas que ce soit nous qui l'ayons rédigé, mais je suis sûr que nous avons participé à sa rédaction.

M. Eric Lowther: On y lisait notamment que le projet de loi—je parle du projet de loi C-284—«va donner une fausse impression de sécurité au lieu d'améliorer la sécurité publique». On donnait ensuite des explications. On lisait également ceci: «Malgré les sanctions énoncées dans le projet de loi, il serait difficile, sinon impossible, de contrôler ou de surveiller l'utilisation de l'information contenue dans le dossier du réhabilité une fois qu'il est divulgué». On trouvait un certain nombre d'autres commentaires invitant à la prudence.

• 1555

Pourtant, nous avons maintenant le projet de loi C-69. Pourquoi a-t-on présenté ce projet de loi et ne risque-t-il pas de donner aux Canadiens une fausse impression de sécurité? Ne présente-t-il pas les mêmes risques? Si je comprends bien votre intervention d'aujourd'hui, vous acceptez le projet de loi C-69, mais pas le projet de loi C-284. Pourquoi?

M. Richard Zubrycki: Il y a des différences importantes entre les deux propositions. Si je comprends bien cette déclaration, elle indique qu'à notre avis, le projet de loi C-284 n'aura guère d'effet, car comme je l'ai dit, le solliciteur général ne reçoit pratiquement pas de demandes de divulgation du dossier d'un réhabilité à des fins de sélection des candidats à un poste de confiance. Donc, le fait que le solliciteur général soit ou non contraint de divulguer des dossiers dans de telles circonstances n'y change rien. Pour certains, cela peut donner une fausse impression de sécurité, car les Canadiens vont être portés à croire que la divulgation de renseignements est plus courante.

Grâce au système de marquage et à l'indication du casier judiciaire, le projet de loi C-69 permet de signaler à l'attention des responsables de la sélection la présence du dossier d'un réhabilité. Dans la mesure où ces responsables procèdent à une telle vérification, comme on le voit de plus en plus dans le cas des organismes du secteur bénévole, ils pourront être certains que la recherche va permettre d'obtenir l'ensemble du dossier.

M. Eric Lowther: Ce qui vous préoccupe avant tout, ce sont les modalités d'application du système. Vous dites que le projet de loi C-69 prévoit une indication sur certains dossiers 6.3(1), mais qu'il n'en est pas question dans le projet de loi C-284; comment le système va-t-il donc s'appliquer? Y a-t-il un problème du côté opérationnel? Il me semble...

M. Richard Zubrycki: Ce qui m'intéresse, ce sont les résultats.

M. Eric Lowther: Oui.

M. Richard Zubrycki: Je crois qu'en optant pour une indication sur certains dossiers, méthode qui exerce effectivement une certaine restriction sur les droits des réhabilités... La marche à suivre doit être énoncée dans la loi et comporter les garanties et les limites appropriées. C'est pourquoi tout cela figure dans la loi. C'est plutôt une question de résultats que de modalités.

M. Eric Lowther: Si le projet de loi C-284 permettait le marquage des dossiers, vous seriez plus à l'aise.

M. Richard Zubrycki: Je crois que la méthode du marquage des dossiers doit faire partie d'une solution efficace. Qu'elle figure dans un projet de loi ou dans l'autre, je crois qu'elle a ses avantages, notamment si elle se combine à d'autres éléments comme le consentement. À notre avis, il est essentiel d'exiger le consentement.

Lorsque j'ai parlé des dangers d'une divulgation non justifiée, je pensais moins à une divulgation ultérieure de la part de l'organisme de sélection qui reçoit cette information qu'à la communication initiale du dossier à cet organisme, car si la personne concernée décide de retirer sa candidature pour éviter la divulgation de son dossier, le résultat sera le même, et cette personne sera éliminée du concours.

Si la personne n'a pas l'occasion de se retirer volontairement, l'information sera communiquée avant même qu'elle puisse intervenir, sans doute même à son insu.

M. Eric Lowther: Mais n'est-ce pas là une question de contenu des règlements? Le projet de loi C-69 ne fait pas référence à la nature de l'acte criminel. Il indique que les règlements doivent préciser les actes criminels pour lesquels le dossier du réhabilité pourra être consulté. Quant au projet de loi C-284, il ne contient aucune disposition décrivant l'indication à porter au dossier ni les conditions à réunir, mais il permet au ministre de recevoir un engagement par écrit sous une forme qu'il prescrit lui-même. Il permet donc la mise en place de différentes mesures de contrôle, il prévoit l'exigence du consentement—même si vous voulez que tout cela figure dans le règlement. Je pense donc que c'est une question de contenu des règlements par rapport au contenu de la loi.

À mon avis, le projet de loi C-284 accorde une certaine latitude au solliciteur général pour déterminer les modalités d'accès au dossier pour les organismes en question, car il indique simplement que le ministre peut recevoir un engagement par écrit, en la forme prescrite par lui. Il n'empêche pas le recours au CIPC, si le solliciteur général et le ministère en décident ainsi.

• 1600

N'oublions pas qu'il n'y a que 12 000 délinquants sexuels qui aient été réhabilités depuis 28 ans. À Calgary, dans ma circonscription, on trouve 700 000 noms dans l'annuaire. Ce n'est donc qu'un petit groupe à surveiller. Et que ce soit le CIPC ou un registre tenu sous clé, voilà autant de décisions qui peuvent être prises par le ministère. Peut-être n'y a-t-il pas lieu de préciser tout cela dans les règlements, dans la mesure où le projet de loi C-284 confère une certaine latitude au ministre.

M. Richard Zubrycki: Je voudrais vous répondre par quelques points. Évidemment, le projet de loi C-284 ne prévoit aucun pouvoir de réglementation particulier, mais on peut néanmoins prétendre que des règlements pourront être pris. Selon mon interprétation, le projet de loi C-284 ne fait nullement référence au marquage des dossiers, et j'estime qu'il serait difficile de le mettre en place par la voie réglementaire. Le marquage nécessite une base légale, car il risque d'avoir un effet préjudiciable pour des milliers d'autres délinquants.

En ce qui concerne la nature des actes criminels en cause, le projet de loi C-284 ne me semble pas très précis quant aux actes visés ni quant aux critères d'inclusion ou d'exclusion des différentes catégories d'acte criminel. Doit-il s'agir d'infractions concernant spécifiquement les enfants? S'agit-il d'infractions qui ne concernent pas des enfants, mais pour lesquelles on trouve au dossier une référence à un enfant qui en a été victime? Tout cela manque de précision. Je dois dire que je ne suis ni avocat, ni légiste, mais je doute sérieusement que tout cela puisse être précisé dans les règlements.

Nous avons essayé, au moyen du projet de loi C-69, d'établir un cadre législatif pouvant ultérieurement être modifié au moyen de règlements, afin de pouvoir apporter les rajustements nécessaires en fonction de l'évolution des besoins tout en fournissant un cadre législatif solide. Le marquage des dossiers est un élément clé de cette loi. Je ne crois pas que le projet de loi C-284 contienne ou puisse prévoir de telles dispositions.

Le président: Une dernière question.

M. Eric Lowther: Êtes-vous d'accord pour que l'on en informe un organisme d'aide à l'enfance lorsqu'un postulant à un de ses postes a eu droit à une réhabilitation après avoir commis une infraction sexuelle contre un enfant?

M. Richard Zubrycki: Oui.

M. Eric Lowther: Merci.

Le président: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

QQuand devons-nous faire rapport à la Chambre?

Le président: Il ne s'agit que d'appels pour le quorum.

M. John McKay: D'accord.

Je sais que vous suivez nos délibérations, et à certains égards c'est comme une audience préalable sur le projet de loi C-69. Des questions pertinentes ont été posées concernant le sens de la réhabilitation. Quand une réhabilitation en est-elle vraiment une? Je me demande si le ministère a une opinion au sujet de l'octroi d'une réhabilitation à l'égard de ces 15 infractions—je crois comprendre qu'il y a maintenant 15 infractions.

M. Richard Zubrycki: En fait, nous en comptons 14.

M. John McKay: On m'avait dit qu'il y en avait 26, et il y en a maintenant 30 dans votre projet de loi. On semble jouer avec les chiffres.

M. Richard Zubrycki: Nous en avions oublié quelques-unes.

M. John McKay: Est-ce que le ministère est d'avis que, à l'égard de ces 15 ou 14 infractions, selon le cas, il devrait y avoir une liste d'infractions pour lesquelles aucune réhabilitation ne devrait être accordée? La situation est quelque peu irrégulière. Si on me condamne à une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre, je n'ai pas droit à la réhabilitation. Pourtant, la possibilité que je puisse réussir à me réinsérer dans la société est probablement beaucoup plus grande que si je suis reconnu coupable d'une de ces 14 ou 15 infractions. Les différents témoins semblaient s'entendre pour dire qu'on ne peut pas guérir de ce genre de maladie.

Est-ce que le ministère est d'avis qu'il ne faut pas accorder de réhabilitation aux personnes reconnues coupables de ce genre d'infractions et qu'il faut retirer cet élément de l'équation?

• 1605

M. Richard Zubrycki: Quelques éléments entrent en ligne de compte. Bien sûr, les condamnés à perpétuité ne sont pas admissibles à la réhabilitation parce que leur peine ne se termine jamais. Il faut qu'au terme de la peine, une certaine période s'écoule pendant laquelle aucun crime n'est commis.

Vous savez sans doute que nous avons créé dans le projet de loi C-55 une nouvelle catégorie de délinquants à contrôler à long terme, sur une période pouvant aller jusqu'à 10 ans après qu'ils ont purgé leur peine d'emprisonnement. Nous avons donc prolongé considérablement la période—et je dois dire que les dispositions relatives aux délinquants à contrôler visent précisément les délinquants sexuels. En fait, nous avons porté jusqu'à 10 ans après la fin de la peine le début de la période pendant laquelle la personne doit afficher un casier vierge. Nous l'avons prolongée considérablement, non pas dans le cadre du projet de loi C-69, mais par l'entremise de lois antérieures.

Je dois cependant dire, et j'espère ne pas lancer un débat de fond sur cette question, que le taux de récidive n'est pas très élevé dans le cas des délinquants sexuels. Vous dites que les condamnés à perpétuité ont de bonnes chances de réussir à se réinsérer dans la société. C'est exact. Leur taux de récidives est l'un des plus faibles.

Viennent ensuite les délinquants sexuels, je dirais. Les délinquants sexuels et les personnes condamnées pour une infraction liée aux drogues constituent sans doute les deuxième et troisième groupes qui affichent le plus faible taux de récidive. Ce ne signifie pas que le taux est négligeable. Les conséquences de ces infractions sont graves, mais il faut savoir que de nombreux délinquants sexuels ne récidivent pas. Certains vont dire qu'ils le font et qu'on ne le sait tout simplement pas. Mais les chiffres sont très éloquents.

M. John McKay: Je crois que c'est l'objet du projet de loi de M. Lowther. On ne se chicane pas pour savoir si ces individus se retrouvent à nouveau devant le système pénal. Nous parlons plutôt d'une indication, si vous voulez, d'un mode vie, et ces personnes pourraient bien ne pas commettre d'infraction au sens propre du terme, mais elles pourraient postuler le genre d'emploi qui préoccupe M. Lowther, et travailler auprès d'enfants. Dans le système actuel, un agent de police ne peut pas communiquer cette information.

M. Richard Zubrycki: Non, mais le projet de loi C-69 l'autoriserait à le faire. Voilà le but visé par le projet de loi. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'un petit groupe de délinquants, ceux qui sont à risque, mais lorsqu'il s'agit de situations d'autorité ou de confiance, le risque est accru. Même si, comme je l'ai dit, les risques sur le plan statistique sont assez faibles chez cet important groupe de délinquants, le risque est accru dans cette situation et nous devrions prendre des précautions spéciales. Il est justifié de limiter dans une certaine mesure la portée de la réhabilitation.

M. John McKay: Vous êtes donc d'avis que la personne qui commet ce genre d'infraction devrait éventuellement être admissible à la réhabilitation.

M. Richard Zubrycki: Certainement. Selon nos estimations—et je suis désolé si elles sont légèrement différentes des données que vous avez peut-être vues par le passé—, parmi les 250 000 délinquants qui ont reçu une réhabilitation, on compte environ 4 250 délinquants sexuels, des gens qui ont une infraction sexuelle à leur casier judiciaire. De ce nombre, soit plus de 4 000 délinquants sexuels, environ 114—et je précise qu'il s'agit d'une estimation—pourraient commettre une nouvelle infraction sexuelle. En fait, la proposition présentée priverait d'une réhabilitation ce groupe de 4 000 personnes dans le seul but d'éviter que 114 délinquants puissent profiter d'une réhabilitation.

M. John McKay: Là, vous forcez la note un peu. Nous savons que ces 114 délinquants ont commis une infraction. Cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas réintégré la population générale, et cela ne signifie pas qu'ils ne postulent pas des emplois comme ceux qui intéressent M. Lowther et dans lesquels ils représenteraient un «risque» pour la communauté.

M. Richard Zubrycki: Mais tout comme le projet de loi C-284, le projet de loi C-69 limiterait, à cause de ce risque, l'admissibilité à la réhabilitation de ce groupe de plus de 4 000 personnes. Si l'une d'elle postulait un emploi de confiance, l'employeur éventuel serait informé qu'une réhabilitation a été accordée à ce candidat, et ce dernier aurait à décider de retirer ou non sa candidature, mais en bout de ligne, l'information, tout le casier, serait divulgué.

M. John McKay: Êtes-vous prêts à déposer votre règlement et votre annexe d'infractions avec le projet de loi C-69?

M. Richard Zubrycki: C'est notre intention. Nous n'avons pas fini de rédiger le règlement, mais nous y travaillons d'arrache- pied afin de le terminer à temps.

• 1610

M. John McKay: Vraiment, le projet de loi C-69 est en train de devenir un exercice de bonne foi, à l'égard duquel M. Lowther manifeste un certain cynisme—et à juste titre je crois. Je suggère fortement au ministère et au ministre de ne pas se donner la peine de se présenter devant le comité sans avoir au préalable préparé tous ces documents, car à mon avis il s'agit d'un tout.

M. Richard Zubrycki: Est-ce que le comité peut me donner un échéancier?

M. John McKay: Je m'en remets pour cela à notre estimé président.

Le dernier point porte sur l'exercice de pouvoir discrétionnaire. Je suppose que vous estimez que ce pouvoir discrétionnaire, qu'il soit restreint ou vaste, devrait être exercé par le ministre.

M. Richard Zubrycki: Oui.

M. John McKay: Cela serait conforme à votre position? D'accord. Merci.

Le président: Nous commençons le deuxième tour de questions.

Monsieur Lowther et M. Cadman.

M. Eric Lowther: Je voudrais faire suite aux commentaires de M. McKay, et je lui en suis reconnaissant.

Je ne comprends pas très bien. J'ai entendu dire que le règlement énumérait 15 infractions. M. McKay pensait qu'il y en avait 15 et M. Zubrycki, 14. Hier, M. Saada me disait qu'il y en avait 26. Je n'ai pas vu la liste en question, et je vous serais reconnaissant de la déposer. Si nous voulons débattre du bien-fondé des deux projets de loi, il me serait très utile, à moi et probablement au comité, de connaître exactement en quoi consiste cette liste, pour comparer les deux projets de loi.

Je tiens à préciser qu'en tant que comité, nous discutons de la possibilité pour les organismes d'aide à l'enfance de consulter les casiers judiciaires des pédophiles, et nous voulons tous y arriver. Que ce soit par l'entremise du projet de loi C-69 ou celle du projet de loi C-284, je suis disposé à apporter ma contribution, mais cela est difficile à faire lorsque les enjeux, et les règlements, ne sont pas clairement définis.

Monsieur Zubrycki, au sujet des commentaires que vous avez faits sur l'efficacité du système actuel, j'essaie de déterminer quelle est votre position. Tout d'abord, le solliciteur général communique les renseignements, lorsqu'on lui en fait la demande, souvent, mais la plupart des gens ignorent qu'ils peuvent demander d'avoir accès à cette information. Je crois que vous y avez fait allusion.

Par ailleurs, pour ce qui est du taux d'échec, du taux de récidive, de nombreux témoins, dont l'association de la police, nous ont dit qu'il pouvait se produire de nombreux cas d'abus avant que quelqu'un soit finalement arrêté. Vous affirmez que seulement 2,6 p. 100 de ces gens récidivent, mais en fait ce que vous dites, c'est que seulement 2,6 p. 100 de ces gens se font prendre. Nous ignorons combien d'entre eux récidivent, mais ceux qui sont sur la ligne de front ont tendance à dire que les récidivistes sont beaucoup plus nombreux.

J'aimerais avoir des précisions sur les chiffres, car je me réfère au groupe de travail fédéral-provincial-territorial, auquel vous avez fait allusion, et ce rapport nous dit que 12 000 délinquants sexuels ont été réhabilités depuis que la réhabilitation est accordée automatiquement dès que les critères sont satisfaits.

De plus, selon les travaux de recherche en matière correctionnelle qui ont été réalisés—et je peux donner au comité le numéro de volume et de référence—et je cite:

    Le plus fort taux de récidive (77 p. 100) a été enregistré chez les délinquants sexuels, qui commettent des agressions extrafamiliales sur des garçons et qui n'ont jamais été mariés.

Cela, après une période de suivi de 15 à 30 ans. Pourtant, je crois vous avoir entendu dire que le taux de récidive n'était pas plus élevé pour ce genre de crime. Les études du ministère tendent à prouver le contraire. Il semble donc y avoir contradiction.

M. Richard Zubrycki: Il y a plusieurs points, que je vais essayer d'aborder.

Pour ce qui est du règlement, je suis désolé si j'ai laissé planer le doute quant aux chiffres. Ce que je voulais dire, et j'espère que c'est bien ce que j'ai dit, c'est qu'en ce qui concerne le projet de loi C-284, si nous comprenons bien quelles infractions seraient visées par cette définition, nous en comptons 14 dans le Code criminel—des infractions sexuelles contre les enfants. Le projet de loi C-69 vise un ensemble plus large d'infractions; je crois que la liste en compte actuellement 26, mais je sais que nous voulons y ajouter quelques infractions qui devraient y figurer, et par conséquent la liste comptera presque 30 infractions.

M. Eric Lowther: Pouvez-vous déposer la liste aujourd'hui, monsieur Zubrycki?

• 1615

M. Richard Zubrycki: Je ne suis pas en mesure de le faire, mais je vais demander au ministère si c'est possible. Nous sommes en train de rédiger le règlement aussi rapidement que nous le pouvons, et lorsque nous aurons intégré le règlement, le comité pourra les voir. Mais si nous pouvons distribuer la liste plus tôt, nous le ferons.

M. Eric Lowther: Bien, nous commencerons l'examen article par article du projet de loi C-284 demain, et il est très difficile de prendre des décisions sans cette liste.

M. Richard Zubrycki: Je m'excuse. Il n'est pas dans mon pouvoir de prendre un tel engagement envers le comité, mais nous allons certainement tenter de le faire avant la préparation du règlement. Je ne puis m'engager à rien de plus à ce stade.

Pour ce qui est de savoir combien de ces délinquants échappent à la justice, je suppose qu'on peut en dire autant de toutes les catégories d'infractions. Certains diraient que ce sont là de vrais filous et que certains d'entre eux réussissent à commettre un assez grand nombre de délits avant de se faire prendre. Je ne suis certainement pas en mesure de dire le contraire. Je peux cependant dire que lorsque l'on compare les taux de récidive sur une longue période pour diverses catégories d'infractions, on constate que les délinquants sexuels ont des taux de récidive comparativement faibles. De plus, parmi les délinquants sexuels ce sont les pédophiles et les auteurs d'inceste qui ont les taux les plus bas. Ce sont là les résultats de la recherche. Quelle importance leur accorder? Je ne saurais trop le dire.

Nous avons formulé nos estimations—celles que vous citez—parce que nous devions respecter une échéance plutôt serrée. Nous n'avions pas les chiffres, et nous avons dû effectuer des estimations. Nous l'avons fait en examinant un échantillon de cas de réhabilitation et en extrapolant sur un quart de million de cas. Et voilà d'où nous sont venus ces chiffres. Depuis lors, nous avons eu un peu plus de temps. L'échantillon combiné sur lequel nous nous sommes penchés, à l'époque, ne comptait que 285 dossiers. Depuis lors, nous avons étudié un échantillon de plus de 1 100 dossiers et les pourcentages ont baissé, comme nous le prévoyions.

Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas au juste quelle importance il faut attribuer à ces résultats. Je crois que nous sommes d'accord pour dire que, par rapport à un nombre assez considérable de délinquants, il y en a un petit nombre qui nous inquiète et pour lequel nous devons trouver un mécanisme. Cela me semble incontestable. Cependant, nous avons affaire ici à 12 000 dossiers et nos estimations sont fondées sur notre échantillonnage actuel de 4 225. Pour ce qui est des délinquants sexuels qui récidivent, le chiffre est de 114. Voilà quelles sont nos estimations au moment où je vous parle.

M. Eric Lowther: Puis-je vous demander d'où proviennent ces chiffres? Je m'intéresse...

Le président: Monsieur Lowther, nous pourrons y revenir. Nous avons déjà largement dépassé le temps prévu.

M. Richard Zubrycki: Puis-je finir de répondre à M. Lowther?

Le président: Allez-y, monsieur.

M. Richard Zubrycki: Pour ce qui est du taux de 77 p. 100 que vous citez, permettez-moi de souligner que, selon l'étude, l'échantillon est tiré de délinquants sexuels libérés d'une prison à sécurité maximale. Ce pourcentage s'applique au groupe de l'échantillon auquel correspond le plus haut risque. C'était un échantillon de 191 contrevenants, et le 77 p. 100 s'applique à 11 d'entre eux seulement. En poursuivant la lecture du résumé, vous constaterez que le groupe pour qui le risque est le plus faible parmi ce groupe plus vaste a récidivé à un taux de 20 p. 100, ce qui correspond à 40 cas.

Encore ici, un débat au sujet des chiffres et de la recherche n'aboutira pas à grand-chose. Cependant, il faut noter qu'il s'agit d'un échantillon de contrevenants qui présentent de très forts risques. On s'attend normalement à trouver ce genre de résultat, et il s'agit de contrevenants qui n'ont pas été réhabilités. Je me demande bien, sans vouloir être impertinent, combien d'entre eux bénéficiaient d'une réhabilitation au moment de la récidive, étant donné que les délinquants réhabilités sont généralement ceux qui comportent les risques les moins élevés.

M. Eric Lowther: Eh bien, je suis dans l'incertitude, autrement je répondrais à votre question.

Le président: Monsieur Zubrycki, merci.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Dans leurs présentations, de nombreux témoins nous ont proposé différents paliers de discrétion.

[Traduction]

Évidemment, le projet de loi C-69 concerne le maintien du pouvoir discrétionnaire à l'échelon du solliciteur général. Or, l'Association canadienne des policiers a demandé que le pouvoir discrétionnaire soit exercé à l'échelon des services policiers. Certains témoins ce matin ont demandé que ce pouvoir discrétionnaire soit confié à l'organisme, aux employeurs en puissance, si vous me permettez l'expression. Selon vous, quels sont les meilleurs arguments que l'on peut invoquer pour qu'il soit maintenu à l'échelon du solliciteur général?

• 1620

M. Richard Zubrycki: Permettez-moi quelques commentaires à ce sujet. Tout d'abord, il est important que le pouvoir discrétionnaire soit exercé à un échelon très élevé du système. Il s'agit là en effet d'une protection importante. Lorsque nous nous mettons à limiter les droits de personnes qui bénéficient de certaines protections, non pas simplement aux termes de cette loi, mais également aux termes de la Charte, de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous devons bien veiller à ce que la limitation de tels droits se fasse avec une grande prudence et soit très bien justifiée. Il s'agit là de l'un des principaux moyens de protéger les libertés des citoyens, de veiller à ce que les limitations de cette nature soient appliquées pour des motifs valables.

Comment assurer la meilleure protection possible? Je dirais pour ma part qu'il faut pour cela qu'elle relève du plus haut échelon possible du système. Il s'agit en l'occurrence de l'échelon ministériel. Je ne crois pas qu'en règle générale, les ministres aient beaucoup de temps à consacrer à ce genre de décisions au cas par cas. Néanmoins, il a toujours été important que cette protection se situe à ce niveau et il s'agit donc là vraisemblablement de la raison la plus importante.

Il y a aussi l'argument de l'uniformité. Je ne vois pas comment divers services policiers ou organisations policières un peu partout au pays pourraient appliquer ce genre de pouvoir discrétionnaire de façon uniforme et comparable. Ainsi, en confiant ce pouvoir discrétionnaire à un seul responsable, on assure sa visibilité et sa cohérence. Évidemment, cela correspond tout à fait à la notion de responsabilité ministérielle. Si le pouvoir discrétionnaire n'est pas appliqué de façon raisonnable, le ministre devra rendre des comptes au Parlement.

M. Jacques Saada: On envisage un certain processus dans le cadre du projet de loi C-69. Je sais que nous étudions le C-284. Cependant, je crois que nous visons tous le même objectif, de sorte qu'il me semble opportun d'examiner les deux projets simultanément. Le processus prévu dans le projet de loi C-69 englobe la discrétion ministérielle, le marquage des dossiers, et prévoit également un rôle pour le demandeur, bien entendu, ce qui n'est pas le cas du projet de loi C-284. Ainsi, jusqu'à quel point êtes-vous assuré que de telles dispositions vont faire en sorte que le projet de loi C- 69 pourra résister à toute contestation aux termes de la Charte, de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur les droits de la personne?

M. Richard Zubrycki: Dans les trois cas, nous avons évalué très attentivement les risques, nous avons bénéficié des conseils du ministère de la Justice, et nous avons consulté le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée. Cela dit, nous pouvons affirmer avec une certitude raisonnable, puisque la certitude a failli n'être jamais possible en ces matières, qu'il ne surviendra pas une situation comportant des risques élevés et la possibilité de perdre une cause. On nous donne de bonnes assurances que le risque est faible à tous ces égards et que nous pourrions résister à une contestation, compte tenu des protections que nous avons intégrées à la mesure. Justement, il faut dire que ces protections ont été intégrées en fonction des conseils que nous avons reçus des sources que j'ai mentionnées.

M. Jacques Saada: Vous connaissez ma position à ce sujet. Elle est fort claire. Êtes-vous en train de dire que la meilleure façon d'atteindre l'objectif de M. Lowther, soit de protéger les enfants contre tous sévices, serait de choisir le projet de loi C-69, du fait qu'il pourra mieux être à l'abri de toute contestation que le projet de loi C-284?

M. Richard Zubrycki: C'est là, à mon avis, l'un des points forts du projet de loi C-69, mais ce n'est certainement pas le seul. Nous nous sommes penchés attentivement sur ces questions et nous avons conçu la mesure en fonction de contestations éventuelles...

M. Jacques Saada: Les projets de loi C-284 et C-69 ont-ils des points communs?

M. Richard Zubrycki: J'ai étudié attentivement les points de comparaison entre les deux mesures. En toute franchise, mis à part l'objectif louable qu'elles ont en commun, je ne vois aucune compatibilité entre ces deux projets de loi.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

• 1625

J'aurais deux ou trois questions. Les 14 infractions sexuelles contre les enfants énumérées pour le projet de loi C-284 font-elles partie de la liste des 26 que vous prévoyez pour le projet de loi C-69?

M. Richard Zubrycki: Oui, en effet.

M. Eric Lowther: Donc il y a là un élément commun, n'est-ce pas?

N'est-il pas possible que si je refuse d'embaucher quelqu'un après avoir appris du ministère que cette personne a été condamnée pour une infraction d'ordre sexuel contre un enfant et qu'elle s'est vue attribuer une réhabilitation, comme institution employeur, je risque d'être accusée d'infraction à la Loi canadienne sur les droits de la personne? Il me faudrait alors encourir des honoraires d'avocat pour me défendre aux termes du projet de loi C-69.

M. Richard Zubrycki: Rien ne peut vous protéger de poursuites si quelqu'un vous intente un procès. Toutefois, la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit, à l'article 15, une vérification de ce qui est raisonnable. Nous sommes persuadés avoir respecté cette exigence puisque les dispositions visent expressément un ensemble d'infractions et de contrevenants ayant directement rapport aux genres de postes qui font l'objet d'une vérification. Le genre de restrictions auxquelles ces personnes sont assujetties, les sauvegardes quant au consentement et à la discrétion ministérielle constituent, dans leur ensemble, des circonstances qui réunissent les conditions permettant de défendre ce qui est raisonnable.

M. Eric Lowther: Si vous me permettez de vous interrompre, vu le manque de temps, pourriez-vous nous dire, monsieur, si j'étais dans la situation de gérer cet organisme d'aide à l'enfance et que je décide de ne pas embaucher quelqu'un qui a obtenu une réhabilitation après l'entrée en vigueur du projet de loi C-69, n'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter que si je n'embauche pas la personne, je vais me retrouver devant les tribunaux, alors qu'aux termes du projet de loi C-284, il n'y a pas lieu de s'inquiéter puisqu'il est clairement prévu que je peux prendre cette décision sans le moindre préjudice?

M. Richard Zubrycki: Je le répète, je ne suis pas avocat. Je ne suis pas spécialisé dans ce domaine de droit, mais je ne suis pas persuadé que le projet de loi C-284 réponde à ce critère. Je ne saurais dire de quelles considérations on a tenu compte en le rédigeant, mais à mon avis, ce projet de loi court probablement un risque élevé de problème à cause du manque de mécanismes de protection et de la nature plutôt arbitraire des règles de divulgation.

Comme je l'ai dit, je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine. Il vous faudrait consulter les fonctionnaires du ministère de la Justice si vous voulez vraiment une réponse précise.

Je me dois également de souligner que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne vise que les organismes fédéraux, et la plupart des employeurs relèvent de compétence provinciale. C'est peut-être un peu trop malin, car évidement, on espère et on veut que tous respectent et appuient les lois. Toutefois, à vrai dire, la plupart de ces organismes ne sont pas assujettis à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

M. Eric Lowther: Un aspect plus avantageux du projet de loi C- 69 comparativement au projet de loi C-284 a été mentionné dans un communiqué du Bureau du solliciteur général. En effet, la réglementation découlant du projet de loi C-69 est censé préciser les facteurs dont doit tenir compte le solliciteur général pour décider de communiquer un dossier de réhabilitation. Je n'ai rien vu de tel dans le projet de loi C-69 ni dans les amendements. Pouvez-vous nous aider à comprendre quels sont les facteurs dont tiendra compte le solliciteur général pour décider de communiquer ou non un dossier de réhabilitation?

M. Richard Zubrycki: De façon générale, ce sont les mêmes facteurs qu'à l'heure actuelle. Il s'agit de la politique que nous suivons actuellement et nous allons inclure cette politique, ou du moins son esprit dans la réglementation de façon à rendre le tout plus transparent. De fait, le solliciteur général tiendra compte de facteurs tels que la période de temps écoulée depuis la dernière infraction; le dossier complet, c'est-à-dire la gravité des infractions et leur cycle; la vulnérabilité du poste sollicité; et tout autre facteur pertinent. Tout particulièrement, le ministre doit établir quels sont les liens entre le poste sollicité et le dossier.

En fait, si l'on recevait une demande de dossier que l'on peut catégoriser comme une demande en vue d'une vérification, mais qu'il n'existe manifestement aucun lien entre le poste sollicité et la nature du dossier, le ministre déciderait peut-être de ne pas communiquer le dossier. Toutefois, si ces facteurs révèlent qu'il y a clairement un lien, un risque, ces facteurs le porteraient à décider de communiquer le dossier.

• 1630

Le président: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: J'ai une question à l'intention de Mme Clément, si vous le permettez. Si j'ai bien compris, vous êtes au CIPC et vous êtes responsable des dossiers scellés du CIPC.

Mme Gessie Clément (officier responsable des Services d'information sur les casiers judiciaires canadiens, Gendarmerie royale du Canada): Je suis l'officier responsable des Services d'information sur les casiers judiciaires canadiens. Le CIPC est en fait la base de données qui contient l'information.

[Français]

M. Jacques Saada: Je ne sais pas à qui poser ma question, mais je vais la poser quand même.

Concrètement et physiquement parlant, comment cela se passe-t-il lorsqu'arrive une demande pour laquelle le solliciteur général a autorisé la divulgation du dossier?

Mme Gessie Clément: Normalement, puisque nous saurions qu'il s'agit du dossier d'une personne à qui la réhabilitation a été accordée, nous demanderions nous-mêmes au ministre l'autorisation de divulguer les renseignements. On fournirait au ministre le casier judiciaire de la personne qui a reçu un pardon, lequel contiendrait toute l'information nécessaire, y compris les raisons pour lesquelles nous croyons que la divulgation est dans l'intérêt du public. Le ministre nous demanderait de transmettre sa réponse.

M. Jacques Saada: Lorsqu'on divulgue le dossier d'une personne qui a reçu un pardon, on le fait dans un but très précis, dans le cadre d'une demande très précise. Dans ce cas-ci, nous prenons l'exemple d'une demande d'emploi très précise. Est-ce que je comprends bien?

Mme Gessie Clément: C'est bien cela, monsieur.

M. Jacques Saada: Quelle est la responsabilité de l'organisme qui reçoit ces renseignements à l'égard de sa non-divulgation à d'autres organismes?

Mme Gessie Clément: C'est une excellente question. Normalement, le dossier d'une personne réhabilitée n'est pas divulgué à une tierce partie, mais plutôt à la personne même, qui décidera si elle veut ou non présenter son dossier lorsqu'elle sollicite un emploi.

M. Jacques Saada: D'accord, je comprends bien, mais il y a peut-être un autre problème sur lequel il faut se pencher.

Par exemple, si mon dossier indique que j'ai reçu le pardon pour une infraction antérieure et que je décide, pour décrocher un emploi, d'autoriser la divulgation ce dossier-là à un éventuel employeur A, qu'est-ce qui empêchera cet employeur A, qui a mon dossier entre les mains parce que je le lui ai transmis, de le transmettre à l'organisation B? Est-ce que la loi prévoit une certaine garantie à cet égard pour empêcher que cela se fasse?

Mme Gessie Clément: La Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur le casier judiciaire défendent la divulgation du dossier d'une personne à qui on a accordé la réhabilitation.

M. Jacques Saada: Donc, que l'on invoque le projet de loi C-284 ou le projet de loi C-69, d'un côté ou de l'autre, cette garantie existe pour nous couvrir. Est-ce que je comprends bien?

Mme Gessie Clément: Oui, d'après la Loi sur la protection des renseignements personnels...

M. Jacques Saada: Lorsqu'un dossier est divulgué, les gens auxquels il est divulgué sont assujettis à des lois qui les empêchent de le divulguer à d'autres personnes.

Mme Gessie Clément: Oui, c'est ce qui est inscrit dans la Loi sur le casier judiciaire et la Loi sur la protection des renseignements personnels.

M. Jacques Saada: D'accord.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: J'ai encore une question, monsieur le président. M. Zubrycki connaît-il le rapport sur—je présume que oui et j'ai ici ce rapport—le rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes qui a été publié au mois d'octobre 1998. Connaissez-vous ce rapport?

Comme on nous a donné de nombreux chiffres ici au comité, j'aimerais préciser que selon ce rapport-là, avance que 12 039 réhabilitations ont été accordées à des délinquants sexuels au cours, je pense, des 28 dernières années. On y lit également que 704 de ces délinquants sexuels réhabilités ont récidivé. J'en conclus qu'environ 7 p. 100 du nombre total de délinquants sexuels réhabilités se sont fait prendre une deuxième fois, après la réhabilitation. Nous ne savons pas combien d'entre eux ne se sont pas fait prendre.

• 1635

J'aimerais donc d'abord vous demander si vous acceptez ces chiffres. Deuxièmement, si l'on respecte les conditions et que ces personnes sont chargées du soin d'enfants, pourquoi refuserait-on de remettre le dossier à l'organisme?

M. Richard Zubrycki: Évidemment, le seul chiffre acceptable serait zéro. Manifestement, il nous faut faire tout en notre pouvoir pour réduire ce nombre. Je dois dire, et je m'en suis déjà excusé, que les chiffres dans ce rapport sont estimatifs. Nous étions assujettis à une échéance serrée et comme nous n'avions aucun système informatisé pour générer les chiffres, nous avons utilisé un échantillonnage de cas de réhabilitation qui existaient déjà et nous les avons examinés. L'échantillon total comprenait 285 dossiers.

M. Eric Lowther: C'est une extrapolation.

M. Richard Zubrycki: Exactement. Nous avons refait le travail tout récemment à partir d'un échantillon plus vaste de plus de 1 100 dossiers. À titre de comparaison, les 12 000 deviennent 4 225 et le nombre estimatif de délinquants dont la réhabilitation a été révoquée à cause d'une nouvelle infraction sexuelle est de 114, soit 2,6 p. 100.

Le travail n'est pas encore terminé. Nous allons publier les chiffres dans un mois à peu près. En dernière analyse toutefois, votre première question est la question essentielle. Je ne trouve pas que 2,6 p. 100 soit plus acceptable que 7 p. 100 et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour que le taux baisse encore. Je pense que le projet de loi C-69 tente d'atteindre cet objectif en offrant un régime qui prévoit que l'information essentielle sera fournie dans toute la mesure du possible aux organismes employeurs. C'est là l'intention et l'objet du projet de loi C-69.

Le président: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur John McKay.

M. John McKay: J'ai sous les yeux le paragraphe 2(2) du projet de loi C-69, où il est dit: «Si elle se propose de refuser la réhabilitation,»; j'essaie de voir comment cela fonctionnerait. Il y a une liste d'infractions—une trentaine, 26, que sais-je—et quelqu'un demande une réhabilitation à la suite d'une des infractions prévues de la liste. J'ai l'impression que la responsabilité relève de la commission qui doit décider s'il y a lieu de refuser la réhabilitation.

L'inverse doit donc être vrai. À savoir que dans certains cas, la commission accordera automatiquement la réhabilitation, quelle que soit l'infraction contenue dans cette liste de 30. Peut-on supposer cela?

M. Richard Zubrycki: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Il pourrait y avoir des cas où le passage d'un certain nombre d'années sans crime serait la seule condition pour accorder cette réhabilitation...

M. John McKay: Même pour ces 30 grosses infractions.

M. Richard Zubrycki: Oui. Si l'infraction était punissable par procédure sommaire—il y a des infractions sexuelles qui sont punissables par procédure sommaire—, elle serait traitée comme toute autre infraction punissable par procédure sommaire.

M. John McKay: Si les 14 ou 15 infractions recensées par M. Lowther se trouvaient parmi ce groupe de 30 et si la personne avait été condamnée par procédure sommaire et que suffisamment de temps s'était écoulé, théoriquement, la réhabilitation lui serait accordée quasi automatiquement.

M. Richard Zubrycki: C'est exact, et si cette personne se portait candidate à un poste de confiance, aux termes du projet de loi C-69, on ne ferait pas de différence, qu'il s'agisse d'un acte criminel ou non.

M. John McKay: Si à titre de membre des Scouts je présentais une demande, je n'aurais aucun moyen de savoir cela.

• 1640

M. Richard Zubrycki: Non, sauf si vous procédiez à une vérification.

M. John McKay: Je suis un peu perdu.

M. Richard Zubrycki: Est-ce vous qui effectuez la vérification ou vous qui en faites l'objet?

M. John McKay: Des jours, je ne sais plus. Je pense qu'il est très important de clarifier les choses parce que nous avons eu plusieurs journées de témoignages et qu'il y a peut-être un certain nombre de choses que nous ne comprenons pas.

Aidez-moi encore une fois. Je suis quelqu'un qui a été condamné par procédure sommaire pour une des infractions faisant partie de votre groupe de 30. Il s'est écoulé suffisamment de temps et je veux maintenant aller travailler chez les Scouts. Les Scouts présentent donc une demande et j'y consens. Que vais-je trouver aux termes des dispositions du projet de loi C-69 que je ne trouve pas déjà maintenant?

M. Richard Zubrycki: Normalement, la façon dont cela fonctionnerait, lorsque vous présentez votre candidature à une telle organisation, elle vous demandera d'obtenir votre dossier et de le lui présenter. Vous signez donc un formulaire de consentement soit auprès de cet organisme soit au bureau de police. Ceux-ci peuvent ainsi interroger leur terminal du CIPC et utiliseront probablement deux pièces d'identité avec photographie, en indiquant votre nom et votre date de naissance. Ils obtiendront alors un écran blanc, comme si vous n'aviez pas de dossier.

Dans le cadre de ce processus, ils devraient entrer un code qui indiquerait que cette recherche est faite à des fins de vérification. S'il y a un dossier de réhabilitation, une indication ou une note apparaîtrait à l'écran indiquant quelque chose comme: «Aux fins de vérification, veuillez soumettre les empreintes digitales». Cela leur signalerait qu'il y a un dossier plus important que ce qu'ils voient à l'écran et ils demanderaient à la personne de consentir à donner ses empreintes digitales et à les fournir au service d'information qui pourrait alors faire une recherche et trouver le dossier de réhabilitation. Ils le présenteraient au ministre pour qu'il rompe les scellés. Ils demanderaient alors l'autorisation au ministre de le décacheter. Si le ministre approuve...

M. John McKay: Attendez un peu. Je consens à donner mes empreintes digitales. Il y a eu une indication ou une note. On peut supposer que c'est vous qui levez les scellés. Certains de ces renseignements sont-ils mis à la disposition de qui que ce soit à ce moment-là?

M. Richard Zubrycki: Non. Si le dossier a été décacheté, il retourne au service de police qui effectue la vérification. Celui- ci le remet à l'intéressé qui doit normalement le présenter à l'organisation et en discuter avec elle, à moins qu'il décide qu'il ne veut pas poursuivre et qu'il retire sa candidature.

M. John McKay: Cela met la police hors circuit.

M. Richard Zubrycki: Non, la police est l'élément central.

M. John McKay: Mais elle est hors du circuit pour ce qui est des décisions discrétionnaires.

M. Richard Zubrycki: Elle est certainement chargée de gérer tout ce processus, mais pour ce qui est de décider de communiquer ou non ce renseignement à qui que ce soit, à part l'intéressé, elle n'a pas son mot à dire.

M. John McKay: Merci.

M. Richard Zubrycki: Certains organismes peuvent s'entendre avec la police locale pour que ces renseignements leur soient communiqués directement. Mais là encore, c'est seulement avec le consentement de l'intéressé. Ce n'est pas vraiment fréquent.

M. John McKay: Il faut que le consentement soit formulé de façon à autoriser non seulement une recherche, mais aussi la communication de renseignements à l'égard desquels il y avait une note ou une indication.

M. Richard Zubrycki: C'est exact.

Le président: En sommes-nous... une brève question?

M. Eric Lowther: Je tiens autant à en finir que vous, monsieur le président.

Pour que ce soit bien clair, à la suite de ce qu'a dit M. McKay, qu'arrive-t-il si la personne qui a obtenu une réhabilitation retourne voir les Scouts et s'abstient de leur parler du dossier de réhabilitation qu'elle a entre les mains?

M. Richard Zubrycki: Si cette personne n'a pas de casier judiciaire, elle obtiendra un certificat disant qu'elle n'en a pas.

M. Eric Lowther: Non, je parle d'une personne qui a obtenu une réhabilitation et qui a suivi cette procédure.

M. Richard Zubrycki: Lorsque l'intéressé reçoit un certificat de réhabilitation, il y ait mentionné qu'il n'a pas de casier judiciaire ou qu'il en a un, et le but de la recherche sera indiqué. Quelqu'un pourrait donc demander son casier judiciaire pour une demande de visa, par exemple. Bien entendu, comme la recherche ne serait pas une vérification en vue de combler un poste de confiance, il ne serait pas précisé que la personne a fait l'objet d'une réhabilitation. Cette personne pourrait donc frauduleusement présenter à l'organisme intéressé un casier judiciaire vierge ou acceptable. Mais le formulaire préciserait le but de la recherche. Les choses devraient donc être bien claires. S'il est indiqué qu'une recherche a été faite à telle date, pour telle personne, pour une demande de visa, l'organisme qui demande la vérification saurait qu'on a voulu la tromper.

• 1645

M. Eric Lowther: Vous avez dit, je crois, que le ministre ne disposait pas de beaucoup de temps pour examiner un dossier afin d'établir s'il y avait lieu de divulguer des renseignements sur la réhabilitation. La clause de discrétion semble donc inutile. Pourquoi ne pas se contenter de communiquer automatiquement ces renseignements si vos critères sont remplis?

M. Richard Zubrycki: Les circonstances sont tellement variables d'une personne ou d'un dossier à l'autre qu'il est très difficile de toutes les prévoir. Prenons un exemple non pas hypothétique, mais réel. Lorsque le débat public a commencé sur ce projet de loi, nous avons reçu un appel téléphonique d'une personne qui disait occuper actuellement un haut poste dans un organisme qui s'occupe d'enfants. L'homme en question disait avoir commis, il y a 35 ans, ce qu'il appelait une «indiscrétion» et craignait que ce projet de loi ne fasse ressortir ses antécédents. J'ai dû lui dire qu'effectivement, ce serait le cas, si son dossier existe toujours et si son employeur décidait de soumettre tous les employés à une vérification ou encore s'il présentait sa candidature ailleurs.

Je ne dis pas que son dossier doit être ou non divulgué. Mais cela montre que chaque cas doit être examiné individuellement. Si nous ne pouvons plus le faire, nous risquons de causer plus de mal que de bien et également de porter atteinte aux libertés civiles, ce que nous tenons à éviter.

Le président: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Saada, une dernière question.

M. Jacques Saada: Je voudrais en revenir à la question que M. Lowther a posée il y a quelques instants au sujet de la personne qui se voit refuser un emploi à cause de son casier judiciaire. Vu qu'elle joue un rôle dans tout ce processus en donnant son consentement, a-t-elle moins de chances, selon vous, d'intenter des poursuites avec succès contre un employeur potentiel que si la procédure est automatique?

M. Richard Zubrycki: Absolument. L'un des objectifs de la mise en place de ces mesures de protection est de réduire le risque de succès d'une contestation éventuelle.

M. Jacques Saada: En respectant l'article 15 de la Loi sur les droits de la personne dont vous avez fait mention?

M. Richard Zubrycki: Oui. Les experts nous ont garanti que c'était conforme à cette disposition.

Le président: J'ai une question à poser à M. Terris. Selon certains témoignages, le CIPC est un vieux système qui présente des lacunes et qui n'inspire pas la plus grande confiance à certains corps policiers. Pouvez-vous nous en parler? S'il y a des lacunes, quelles sont-elles et que peut-on faire pour y remédier?

M. Robert Terris (officier responsable, Centre d'information de la police canadienne (CIPC), Gendarmerie royale du Canada): Merci, monsieur le président. Pour vous présenter très rapidement le contexte, le CIPC est entré en service en 1972 et dessert, depuis cette date, les forces policières et le milieu de la justice pénale. Au cours des années, nous avons bien entendu, élargi nos bases de données; nous avons développé notre réseau afin de pouvoir communiquer entre tous les services et nous avons établi un partenariat avec un grand nombre d'organismes fédéraux et provinciaux. L'utilisation du système a donc augmenté.

Il y a quelques années, les spécialistes de la direction de l'informatique qui sont chargés de l'entretien du système du CIPC, ont constaté la nécessité de mettre le système à jour, de le restructurer et de le moderniser.

Depuis trois ans environ, nous avons entamé ce que nous appelons le projet CIPC 2001. Nous avons recensé la plupart des changements et des améliorations à apporter au système pour mieux servir notre clientèle. Nous attendons de recevoir des fonds du gouvernement fédéral pour apporter ces améliorations.

• 1650

Personnellement, je crois que le système donne de bons résultats dans les circonstances. Il offre un service fiable. Si l'on tient compte de l'ensemble du matériel et du logiciel qui composent le système, il va sans doute rester viable encore quatre ou cinq ans. Ensuite, il ne sera plus satisfaisant d'après ce que nous disent les techniciens. Voilà pourquoi il est tellement important que nous commencions sa restructuration ou sa révision.

Le président: Quel est le budget nécessaire pour atteindre des normes satisfaisantes? Vous dites que vous attendez des fonds du gouvernement fédéral. Avez-vous un chiffre?

M. Robert Terris: Je ne l'ai pas personnellement.

Le président: D'accord.

Mes questions vous inspirent-elles d'autres questions? Comme il n'y en a pas, je vous remercie pour vos témoignages d'aujourd'hui. Merci beaucoup d'être venus.

Je rappelle aux membres du comité que nous procéderons à l'étude article par article, demain à 16 h 30, dans cette même salle.

Ce sera d'abord M. McKay, et ensuite M. Lowther. Allez-y, monsieur McKay.

M. John McKay: Monsieur le président, je ne suis pas certain que nous devrions passer à l'étude article par article du projet de loi C-284 demain après-midi. Jusqu'à présent, nous avons surtout comparé le projet de loi C-69 et le projet de loi C-284 et, sans en avoir discuté avec M. Lowther, je crois que nous devrions, avant d'aller plus loin, établir une juste comparaison entre l'idéologie à la base de ces deux projets de loi. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans les aspects stratégiques, techniques et politiques de la question, mais comme nous devrions faire une juste analyse de l'objectif de ces deux mesures, il me paraît tout à fait prématuré de passer à l'étude article par article.

Le président: A-t-on des commentaires à faire sur ce qu'a dit M. McKay?

M. Eric Lowther: Je serais très certainement d'accord.

Le président: Je pensais que M. Lowther et M. Saada allaient en discuter. Ces discussions ont-elles eu lieu?

M. Jacques Saada: Je voudrais seulement dire une chose. M. Lowther s'est montré ouvert quant à l'objectif visé et aux façons de l'atteindre. Nous coopérons à ce sujet et j'espère pouvoir en discuter davantage avec lui pour voir si nous pouvons résoudre la question et agir le plus rapidement possible. Je m'attends à ce que le règlement soit déposé bientôt, d'ici deux jours. La proposition de M. McKay pourrait donc être tout à fait logique.

Le président: Monsieur Lowther, êtes-vous d'accord jusqu'ici?

M. Eric Lowther: Si j'ai bien suivi la discussion, nous parlons de retarder l'étude article par article du projet de loi C-284 jusqu'à ce que le comité ait la possibilité d'examiner le règlement. Cela nous aidera à décider de ce que nous ferons du projet de loi C-284 et du projet de loi C-69. Cela me paraît être une excellente idée.

Le président: N'avez-vous pas peur que cela retarde les choses? Vous ne voulez sans doute pas que cela traîne indéfiniment.

M. Eric Lowther: Si nous pouvons profiter du travail déjà accompli en ce qui concerne le projet de loi C-284 et faire les choses comme il faut, par exemple en fusionnant les deux projets de loi, il vaut sans doute mieux retarder les choses d'un jour ou deux que de voir tout cela tomber à l'eau.

Le président: Ce sera peut-être plus long qu'un jour ou deux. Mais nous ne voulons certainement pas attendre encore six mois, c'est certain.

M. Eric Lowther: En effet.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Pour ce qui est de l'aspect logistique plutôt que politique... Même si nous recevons le règlement d'ici quelques jours, la Chambre va s'ajourner. Nous reviendrons ici le 11 avril. Je ne peux pas honnêtement m'engager à ce que nous examinions ce règlement avant qu'il ne soit rédigé et avant que nous ne partions. Si nous acceptons cette proposition, nous pourrons examiner tout cela le plus rapidement possible dans les jours qui suivront notre retour.

• 1655

Le président: Je crois que chacun doit faire sa part afin de concilier les deux mesures.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Je dirais seulement que si nous procédons à l'étude article par article et que, pour une raison quelconque, nous n'adoptons pas le projet de loi de M. Lowther, nous en reviendrons à la case départ en ce qui concerne le projet de loi C-69. Je ne vois aucune raison de ne pas attendre que nous ayons fait une comparaison point par point. Cela nous conduira sans doute à quelque chose, sans doute la moitié de l'un et la moitié de l'autre.

Le président: Je suggère que nous remettions cela à la première réunion que nous tiendrons après notre retour. Nous verrons alors où nous en sommes et nous pourrons peut-être décider d'examiner le projet de loi article par article ou un projet de loi modifié.

M. Eric Lowther: Je l'apprécie infiniment. J'en remercie le comité. J'aurais seulement une demande à formuler. La semaine du 18 avril, lorsque nous reviendrons—je crois que c'est le 18...

Le président: C'est le 12 avril, monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Désolé, le 12 avril. Je serai pris cette semaine-là. D'autres obligations m'éloigneront de la Colline. Si nous pouvons attendre la semaine d'après, celle du 18 avril, pour faire cet examen plus approfondi, cela me permettrait d'y participer. Autrement, je suis vraiment coincé.

Le président: La semaine du 19 avril, notre sous-comité doit voyager. Ses membres ont participé à ces délibérations. Pourrais-je suggérer la semaine du 26 avril, la semaine qui suit?

M. Eric Lowther: Si c'est possible, ce serait parfait en ce qui me concerne. Je pourrais participer à cet examen. Je l'apprécierais.

M. John McKay: Cela donne au ministère un mois pour se préparer.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: Vous vouliez une date et maintenant vous en avez une, monsieur le président.

Le président: Très bien, et nous sommes donc d'accord pour attendre jusqu'au 26 avril qu'on fasse le point sur la situation. Si des progrès sont réalisés entre temps, nous pourrions... Monsieur Saada, peut-être pourriez-vous en informer le comité deux semaines avant cette date.

M. John McKay: Ce qu'il y a également d'intéressant c'est que si le projet de loi C-69 nous est renvoyé et que nous sommes saisis en même temps du règlement et des infractions, cela entraînera sans doute d'autres témoignages. Je ne tiens pas à réinventer la roue étant donné que nous avons déjà entendu de nombreux témoignages et qu'il serait injuste de convoquer de nouveau les témoins, mais si nous pouvions avoir sous les yeux le projet de loi C-69, le règlement et tout le reste, ainsi qu'une liste de témoins adéquate, nous pourrions étudier les deux mesures article par article, simultanément ou l'une après l'autre.

M. Jacques Saada: Tout dépend des conclusions que nous tirerons après avoir vu le règlement et le reste et de l'avenir qui sera réservé à ces projets de loi. Mais je suggérerais, monsieur le président, que dès que le règlement sera prêt, il soit envoyé à tous les membres du comité afin que nous n'ayons pas à attendre jusqu'au 26 avril pour en prendre connaissance. Nous aurons ainsi l'occasion de l'examiner à l'avance et de nous préparer.

M. Eric Lowther: Je suis d'accord sur ce point, monsieur le président, mais pour répondre à M. McKay—et je crois avoir compris ses intentions—, il n'est pas nécessaire de recommencer le même processus et nous pouvons tirer parti du travail déjà accompli. Peu m'importe que nous atteignions notre objectif dans le cadre du projet de loi C-69 ou C-284. Je crois qu'il faut faire progresser les choses au lieu de recommencer le même travail. Je suis bien d'accord.

Le président: Très bien.

M. John McKay: Qu'allons-nous faire demain, alors, monsieur le président?

Le président: À 16 h 30, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi de Mme Guarnieri. D'autre part, selon le temps que nous consacrerons à cet examen, nous pourrons peut- être examiner à huis clos les instructions concernant la conduite avec facultés affaiblies.

M. John McKay: Je pensais que nous aurions la journée de congé.

Le président: Merci encore d'être venus. La séance est levée.