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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 avril 1999

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Avant qu'on ne passe au sujet à l'étude aujourd'hui, nous devons régler une question de procédure, soit adopter ce qu'on appelle le budget opérationnel du comité. Notre greffier a déjà distribué le document. S'il y avait une motion en ce sens, je pourrais demain présenter ce budget au comité pertinent pour qu'il soit adopté.

• 0910

M. Knutson, appuyé par M. Lunn, présente la motion.

(La motion est adoptée)

Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité entreprend une étude des phoques et de la chasse aux phoques qui devrait durer quelques jours.

J'aimerais signaler aux députés que les travaux d'aujourd'hui seront enregistrés par CPAC. Nous savons qu'en raison des travaux à la Chambre hier nombre de députés sont restés debout une bonne partie de la nuit et que pour nombre d'entre vous la journée sera très longue. Nos premiers témoins représentent le ministère des Pêches et des Océans.

Monsieur Chamut, j'aimerais vous demander de présenter ceux qui vous accompagnent.

Avant de vous donner la parole, j'aimerais cependant rappeler à tout le monde que la première partie de la réunion s'étend de 9 heures à 10 h 15; puis nous entendrons M. Lavigne. Nous disposons donc d'une heure et 15 minutes, monsieur Chamut; je sais qu'il y aura beaucoup de questions et je vous encourage donc à limiter vos commentaires liminaires à 15 minutes. Je crois que ce sera la meilleure façon de procéder. Je veux m'assurer que tout le monde comprend bien avant qu'on ne commence nos travaux.

M. Chamut est le sous-ministre responsable de la gestion des pêches; il a une longue expérience des pêches et de la chasse aux phoques. Bienvenue, monsieur Chamut. Je vous demanderais de nous présenter ceux qui vous accompagnent ce matin et de nous dire quel poste ils occupent au ministère. Merci, Patrick.

M. Patrick Chamut (sous-ministre adjoint, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux d'être des vôtres ce matin et de présenter le premier exposé qu'entendra le comité au cours des trois prochains jours sur une question très intéressante et en fait souvent enlevante.

J'aimerais d'abord vous présenter mes collègues du ministère des Pêches et des Océans qui m'accompagnent aujourd'hui. Voici M. Garry Stenson, scientifique expert des mammifères marins qui vient de la région de Terre-Neuve et qui est responsable de l'évaluation des populations de phoques dans la région atlantique.

M. Ken Jones travaille à la Direction de la gestion des ressources à Ottawa et est responsable du programme de chasse aux phoques.

Je suis également accompagné de David Bevan, directeur général de la conservation et de la protection du programme de gestion des pêches à Ottawa.

Monsieur le président, je vous présenterai ce matin un bref exposé sur le plan de gestion de la chasse aux phoques du MPO. Si cela vous convient, je suivrai le texte anglais des diapositives. Une version française de ce texte est disponible pour les députés qui préféreraient avoir le texte en français.

Le président: Je crois que nous sommes prêts.

M. Patrick Chamut: Merci, monsieur le président.

J'aimerais d'abord vous décrire nos objectifs de gestion actuelle face aux phoques de l'Atlantique. Nous avons adopté quatre objectifs de base qui sous-tendent ce programme. Ces objectifs ont été établis à la suite de deux discussions publiques qui ont eu lieu à St. John's de Terre-Neuve en 1995, immédiatement après le dernier dénombrement des phoques du Groenland en 1994.

• 0915

Je crois que les objectifs que nous vous présentons sont généralement acceptés par les représentants des gouvernements provinciaux, des groupes autochtones, et des secteurs de la pêche et de la chasse aux phoques. Je crois qu'ils sont également reconnus par les groupes de défense des droits des animaux ainsi que par les groupes communautaires locaux.

Notre premier objectif de gestion est d'assurer une utilisation durable des ressources en phoques à long terme. Nous voulons à long terme nous assurer que la chasse ne met pas en péril le bien-être de la population.

Nous reconnaissons également que les phoques représentent une ressource naturelle précieuse qui peut et doit être exploitée de façon judicieuse afin d'assurer des avantages économiques aux communautés côtières de la région atlantique. En fait, dans la seule région de Terre-Neuve ces avantages économiques s'élèvent à environ 12 millions de dollars par année.

Troisièmement, nous voulons nous assurer que l'on utilise des méthodes de chasse sans cruauté. Nous savons que la chasse aux phoques est suivie de très près et nous reconnaissons qu'elle doit se dérouler de façon appropriée et de la façon la moins cruelle possible. C'est pourquoi il existe des règlements visant à assurer une chasse sans cruauté, et nous nous assurons que ces règlements sont observés.

Enfin, notre quatrième objectif est l'utilisation optimale de chaque bête capturée. Nous jugeons que l'utilisation de l'animal entier est nécessaire si nous voulons que le public accepte la chasse aux phoques. Actuellement il existe de bons marchés pour la peau et l'huile de phoque, mais les marchés pour la viande demeurent relativement faibles.

J'aimerais maintenant passer à l'historique de la chasse aux phoques dans les eaux canadiennes de 1946 à 1999. Comme vous le voyez sur cette diapositive, les barres verticales reflètent les prises depuis 1946 et le pointillé représente le total autorisé des captures pendant la même période. En raison d'une chasse importante depuis la Seconde Guerre mondiale, la population de phoques du Groenland et de l'Atlantique Nord-Ouest a chuté pour atteindre le plus bas niveau jamais enregistré, un peu moins de 2 millions d'animaux. Pendant cette période 250 000 à 300 000 animaux étaient abattus chaque année.

Depuis 1987, la chasse commerciale du blanchon et du dos bleu est interdite, et il n'y a pas eu de chasse effectuée à partir de gros bateaux. De 1983 à 1995, le nombre total de phoques abattus était de beaucoup inférieur au TAC, ou total autorisé, ou admissible, des captures, qui avait été établi à 186 000 phoques. Pendant cette période, un minimum de 20 000 et un maximum de 100 000 ont été abattus. En fait, pendant cette période, ce sont les marchés qui ont dicté le nombre de phoques abattus.

En 1995, le marché des peaux de phoque s'est amélioré, et en 1996, à la lumière de nouvelles données scientifiques, le total autorisé des captures pour le phoque du Groenland est passé à 250 000 animaux. Il y a eu une autre augmentation, et le TAC est passé à 275 000 phoques en 1997. Les Autochtones manifestent un regain d'intérêt pour la chasse aux phoques en raison des meilleurs prix offerts pour les peaux de phoque. En fait, aujourd'hui, les chasseurs de phoques se livrent une vive concurrence pour les allocations. C'est évidemment quelque chose de nouveau, parce que par le passé, comme vous pouvez le voir d'après ce graphique, un grand nombre d'animaux qui auraient pu être abattus ne l'étaient pas, car le TAC établi n'était pas atteint.

En 1998, les conditions pour la chasse du phoque du Groenland étaient excellentes, et un peu plus de 282 000 phoques ont été abattus cette année-là. En fait, en moyenne 260 000 phoques ont été abattus au cours des trois dernières années. On n'avait pas enregistré de tels taux d'exploitation depuis les années 60. Les niveaux d'exploitation que vous voyez sur ce tableau n'incluent pas la chasse au Groenland.

Cette nouvelle diapositive fait état des tendances des populations de phoques du Groenland dans le nord-ouest de l'Atlantique. La ligne du haut sur ce graphique représente la production totale de phoques du Groenland et la ligne du bas fait état des nouveau-nés dans la population de phoques du Groenland du nord-ouest de l'Atlantique.

• 0920

En étudiant ce graphique vous pouvez constater que la population de phoques du Groenland a plus que doublé depuis le début des années 70. En fait, on comptait moins de 2 millions de phoques en 1970, et cette population compte aujourd'hui environ 5 millions d'animaux. La population totale compte probablement 5 millions d'animaux; cette population est donc importante et saine.

Les estimations les plus récentes indiquent que la population s'est stabilisée. Comme vous pouvez le voir dans le coin supérieur droit du graphique, la croissance de la population qui s'était produite dans les années 80 et au début des années 90 ne s'est pas poursuivie. Nous croyons en fait que cette stabilité est attribuable aux niveaux actuels de chasse au Groenland et au Canada et nous croyons que la population se maintient donc à un niveau stable.

Nous avons adopté les mesures de gestion suivantes pour 1999. Le TAC pour le phoque du Groenland sera maintenu à 275 000 phoques. Plusieurs commentaires ont été faits sur les niveaux d'exploitation. D'aucuns ont dit que les niveaux établis étaient trop élevés et d'autres ont dit qu'ils étaient trop faibles. Nous jugeons cependant que tant que nous ne disposerons pas de nouveaux renseignements sur la population de phoques du Groenland, le TAC sera maintenu à son niveau actuel. Le TAC pour les phoques à capuchon est maintenu à 10 000 phoques.

J'aimerais également dire quelques mots sur les mesures de gestion de 1999, qui, comme par le passé, visent à assurer que la chasse est dûment réglementée. Nous avons près de 100 agents des pêches qui observent la chasse, à partir de bateaux et d'avions, ainsi que des inspecteurs au quai et dans les usines de transformation. De plus nous avons des observateurs à bord de certains des bateaux, et les chasseurs doivent tenir des livres de bord et nous fournir tous les jours des données sur leur chasse. Depuis 1996, près de 200 accusations ont été portées dans le cadre de la chasse aux phoques, et nous continuons à assurer une stricte réglementation de la chasse.

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur la stratégie de l'avenir. Cette stratégie comporte quatre grands éléments. Tout d'abord, nous voulons assurer que nous disposons d'une évaluation à jour des stocks. Deuxièmement, nous cherchons à améliorer notre connaissance de la consommation de poissons par les phoques. Troisièmement, nous procédons à un examen de la réglementation et, enfin, nous terminons un examen de notre politique de gestion des phoques. J'aimerais passer en revue chacun de ces volets.

Tout d'abord, pour ce qui est de l'évaluation des stocks de phoques, nous jugeons qu'il y a actuellement 5 millions de phoques du Groenland et qu'il y a stabilisation de la population. En février 1999, le Comité national d'examen par les pairs des mammifères marins a convenu, en fonction de relevés effectués en 1994, qu'il était raisonnable de juger qu'il y avait environ 5 millions de phoques du Groenland. Le comité a également étudié les méthodes employées pour en arriver à une estimation de la population et les a jugées acceptables, quoiqu'il ait proposé quelques légères améliorations. Le comité était composé de chasseurs de phoques d'expérience, d'universitaires, ainsi que de scientifiques indépendants et de scientifiques qui travaillent au MPO.

Cette année, en 1999, nous procédons à un dénombrement de la population afin d'avoir des chiffres plus récents sur la population totale de phoques du Groenland. Ces données seront utilisées pour fournir de nouvelles estimations de la population; elles devraient être disponibles au plus tard en avril de l'an 2000. Ces estimations de la population tiendront compte de la chasse au Groenland, des prises accidentelles de phoques par les pêcheurs, ainsi que des phoques qui sont frappés, mais qu'on ne peut sortir de l'eau. En 1999 nous cherchons à recueillir des données pour avoir une meilleure idée du nombre de phoques qui sont frappés, mais qu'on ne peut sortir de l'eau, soit le nombre de phoques perdus.

• 0925

Nous essayons de préparer ces nouvelles estimations le plus tôt possible, mais nous sommes conscients du fait qu'il s'agit là d'un travail à forte intensité de main-d'oeuvre et que cela prend du temps.

Quant aux autres populations de phoques, nous avons estimé, nous inspirant d'un dénombrement effectué en 1996, qu'il y a environ 600 000 phoques à capuchon. Il y a 1,3 million de phoques annelés dans l'est de l'Arctique. Enfin, il y a environ 190 000 phoques gris, espèce qui pourrait être visée par une petite chasse.

J'aimerais maintenant passer à une question plutôt controversée, soit l'alimentation des phoques. Cette question suscite une vive controverse, et il est très difficile du point de vue scientifique d'en arriver à des estimations de la quantité de poissons que consomment les phoques, et de l'impact de ce régime sur les ressources halieutiques. Nous savons que les phoques mangent du poisson, mais nous savons également qu'ils ciblent principalement le poisson fourrage comme le capelan. Les phoques mangent également de la morue de l'Atlantique, mais nous savons que cette espèce ne représente qu'une faible partie du régime alimentaire du phoque du Groenland. Nous nous inquiétons cependant de l'impact de l'alimentation des phoques, car elle pourrait être une cause importante de mortalité chez la morue de l'Atlantique.

En mars 1999, dans le cadre du processus d'évaluation zonale des stocks de morue, nous avons étudié l'impact de la prédation par les phoques dans les principales zones de pêche de la région atlantique. Des experts du ministère, des experts indépendants et des représentants de l'industrie des pêches ont participé à ce processus. Des estimations modifiées de la consommation par les phoques ont été déposées à la réunion, et elles étaient en fait plus faibles pour certains stocks qu'on ne l'avait pensé auparavant. Ces modifications des estimations sont chose normale au fur et à mesure que de meilleures données scientifiques sont intégrées dans nos estimations.

J'ai signalé un peu plus tôt qu'il s'agissait là d'une question complexe au point de vue scientifique. Comme nous l'avons signalé sur les diapositives, les phoques ne nous disent pas ce qu'ils mangent. Lorsqu'on évalue les modèles d'alimentation des phoques, nous essayons habituellement de déterminer la prédation des phoques sur les parties tendres de leurs proies, mais ce n'est pas chose facile, parce qu'il est impossible de déterminer ce type de prédation simplement en analysant les contenus stomacaux des phoques, puisque ces parties tendres sont métabolisées assez rapidement.

Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques convoquera des consultations publiques officielles pour discuter des résultats de cette évaluation en avril 1999. Il sera peut-être difficile de déterminer l'impact de la prédation par les phoques sur les stocks de ressources halieutiques, et il faudra certainement procéder à des recherches plus poussées au cours des prochaines années, car il existe beaucoup de facteurs incertains dans cette affaire.

Passons maintenant à l'examen de la réglementation. Des changements à la réglementation ont été demandés par l'industrie et par les groupes d'intérêts; nous procédons donc actuellement à un examen de la réglementation régissant la chasse aux phoques afin de l'adapter aux conditions actuelles de chasse. Nous avons déjà entamé des consultations sur 13 questions clés. Nous avons consulté à cet égard plus de 80 intervenants qui s'intéressent à la chasse aux phoques, comme les groupes autochtones, l'industrie de la chasse commerciale aux phoques, les groupes axés sur la conservation, les groupes de défense des droits des animaux ainsi que les gouvernements provinciaux.

Nous étudions actuellement diverses questions, comme la réglementation actuelle régissant la chasse des dos bleus, et nous nous demandons en fait s'il devrait y avoir un programme de formation obligatoire pour les chasseurs de phoques. Nous étudions également les permis d'observation pour la chasse aux phoques, et le prélèvement du poil de phoque sans tuer la bête, la possibilité de modifier ou de normaliser le matériel utilisé pour abattre les phoques, la capture des phoques au filet et le traitement des phoques qui présentent une menace.

• 0930

Nous étudions actuellement un grand nombre de questions, et nous procéderons à des consultations générales afin de bien respecter les paramètres du processus réglementaire fédéral. Nous organiserons un atelier à St. John's de Terre-Neuve au mois de mai afin de mettre en commun les réponses reçues par tous les groupes qui désiraient être consultés sur les nouveaux règlements régissant la chasse aux phoques. Après cet atelier du mois de mai, des propositions seront formulées et publiées dans la partie I de la Gazette du Canada, conformément aux procédures normales, avant d'être adoptées.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur l'examen de la politique de gestion. Nous jugeons que cet examen est nécessaire pour aborder les conditions changeantes de la chasse aux phoques. Puisque nous disposons de nouvelles estimations de la population de phoques du Groenland et que nous comprenons mieux l'impact de la prédation par les phoques sur les stocks de poisson de fond, nous jugeons que le temps est venu de revoir les objectifs de gestion qui existent au ministère depuis 1996.

Nous étudierons donc tout un éventail d'options de gestion. Par exemple, nous nous demanderons si nous devons chercher à atteindre un niveau de population de phoques donné. Nous savons pertinemment que cette question suscite une vive controverse et qu'il n'existe pas en fait de niveau de population idéal, mais nous pouvons tout de même étudier dans le cadre de cet examen de la politique de gestion l'impact des divers niveaux d'exploitation et les niveaux d'exploitation qui nous permettraient d'atteindre certains niveaux de population.

Nous sommes conscients du fait que, comme toute autre question entourant la chasse aux phoques, cet examen de la politique de gestion suscitera une certaine controverse et qu'il nous faudra, par nécessité, tenir compte d'un certain nombre de facteurs comme l'interaction entre les phoques et les autres espèces, l'évolution du marché pour les produits du phoque, l'impact de toute modification de la politique ou de la réglementation sur les barrières commerciales imposées par les États-Unis pour les produits provenant du phoque, les impacts sur la commercialisation des produits du phoque, et d'autres aspects, comme l'inclusion du Groenland dans une stratégie globale sur la chasse aux phoques. Cet examen nécessitera de longues consultations dans le but de produire un plan pluriannuel régissant la chasse aux phoques de l'Atlantique. Nous espérons pouvoir entamer ces consultations l'automne prochain.

Nous désirons mettre en oeuvre un plan quinquennal de chasse aux phoques basé sur les derniers recensements de la population, sur la consommation de poisson et sur les conditions actuelles. Nous espérons également, avant la prochaine saison de chasse, avoir procédé à la mise à jour des règlements.

C'était là la dernière diapositive, monsieur le président. J'aimerais prendre quelques minutes pour vous donner les données les plus récentes sur la saison de chasse 1999.

Comme je l'ai signalé plus tôt, le TAC a été établi à 275 000 phoques; ce total est réparti entre les diverses flottilles pêchant dans le golfe et le long de la zone du «front». Dans le golfe, la chasse à partir de gros bateaux a pris fin le 31 mars, et 54 000 phoques ont été abattus. La chasse est toujours en cours dans le golfe pour la flottille de petits bateaux. L'allocation pour ce secteur est de 27 000 phoques, et selon les données de ce matin 10 500 phoques ont été abattus. La chasse se poursuivra jusqu'à ce que le quota ait été atteint.

De plus, la chasse dans la zone du «front», qui se déroule au large du sud du Labrador et le long de la péninsule Northern, a été fermée du 20 mars au 7 avril à la demande de l'industrie; la chasse a repris le 7 avril. D'après les statistiques dont on disposait ce matin, 105 000 phoques ont été capturés par la flottille de palangriers, sur un quota de 120 000 phoques. La chasse se déroule de façon fort efficace, et nous pensons donc que la chasse à partir de palangriers dans la zone du «front» devrait se terminer sous peu.

• 0935

La chasse à partir de petits bateaux se poursuit également au large de St. Anthony. La chasse se déroule beaucoup plus lentement que ce n'est le cas pour la chasse effectuée à partir de gros bateaux. La flottille de petits bateaux n'a toujours pas atteint son quota de 64 000 phoques. La flottille n'a abattu qu'environ 15 500 phoques et doit poursuivre la chasse jusqu'à ce qu'elle ait atteint le quota accordé. Nous surveillons la chasse afin d'assurer que les paramètres politiques et réglementaires établis sont respectés.

Monsieur le président, cela met fin à mes commentaires. Merci.

Le président: Merci, monsieur Chamut.

Comme le veut la pratique, nous commencerons par 10 minutes pour le Parti réformiste, suivi du Bloc québécois et du Parti libéral. Je demanderais aux députés de poser des questions le plus concises possible et j'espère que les témoins seront brefs, eux aussi, parce que chaque député dispose d'une période bien limitée pour les questions.

Gary Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais poser quelques questions. En fait je les poserai une à la suite de l'autre, car elles ne nécessitent que de très brèves réponses.

Monsieur Stenson, si j'ai bien compris, vous êtes le scientifique de Terre-Neuve—je vous parlais un peu plus tôt—qui est responsable de la chasse aux phoques. J'aimerais savoir quelles sont vos estimations de la population. Vos scientifiques ont procédé au dénombrement sur les banquises. Vous avez constaté ce qui se passait, et vous devez donc être en mesure de nous donner une idée de ce que seront d'après vous les résultats de ce dénombrement. J'ai cru comprendre que vous ne pensez avoir les résultats qu'au début de l'an 2000, car vous avez signalé à quel point le relevé est une activité à fort coefficient de main-d'oeuvre.

Je m'inquiète quelque peu des commentaires de M. Chamut sur l'alimentation des phoques. Il a dit: «...la morue de l'Atlantique ne constitue qu'une faible partie du régime alimentaire du phoque du Groenland». Encore une fois, j'aimerais savoir si vous connaissez—et je suis convaincu que c'est le cas—ce rapport sur la côte Est, dans lequel nous avons consacré toute une page à la population de phoques et à son alimentation. Si j'ai bien compris, vous nous dites que lorsque les scientifiques étudient les contenus stomacaux des phoques, ils cherchent des arêtes ou des os de poisson ou quelque chose qui puisse démontrer que les phoques ont mangé de la morue. Ai-je bien compris?

M. Garry Stenson (chef de division, Secteur des mammifères marins, ministère des Pêches et des Océans): C'est ce qui se produit dans la plupart des cas.

M. Gary Lunn: Cependant, après avoir parlé à des centaines de pêcheurs et de scientifiques indépendants—et encore une fois cela figure dans notre rapport—nous avons appris que la morue représente le principal élément du régime du phoque. Les phoques mangent les parties tendres de la morue, et non pas les parties dures. Comme vous le savez, et comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, des pêcheurs nous ont apporté des morues pour nous montrer que le phoque mange le ventre du poisson—le foie, les organes et les tissus tendres—où il n'y a pas d'arêtes ou d'os. Donc l'hypothèse que vous nous avez présentée ne tient pas debout. Qu'en pensez-vous?

En fait, si vous avez lu notre rapport, vous avez constaté que certains scientifiques ont laissé entendre que des goélands mangeaient les ventres des morues, ce qui est à mes yeux tout à fait farfelu. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de mes commentaires. Si les phoques ne mangent que les parties tendres, évidemment on ne retrouvera pas beaucoup de morue dans l'estomac des phoques, puisque les scientifiques cherchent la partie dure, soit des arêtes de la morue.

Je vais poser ma dernière question dès maintenant pour laisser plus de temps aux autres députés: que faudrait-il faire avant que vous ne reconnaissiez que la population...? D'aucuns disent qu'il y a entre 6 et 8 millions de phoques, mais supposons aux fins de cette discussion qu'il y a entre 5 et 6 millions de phoques. Il suffit de le reconnaître. En fait, c'est ce que vous avez dit. Pouvez-vous me dire—et je ferai les petits calculs par la suite—combien de poissons, d'après les chiffres du MPO, les phoques mangent chaque année? Combien de livres?

D'aucuns m'ont dit que les chiffres du MPO indiqueraient que chaque phoque mange jusqu'à une tonne de poisson par année. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord. Dans la négative, combien de poisson mangerait un phoque—en excluant évidemment les otolithes.

Merci.

• 0940

Le président: Merci, monsieur Lunn.

M. Garry Stenson: Je répondrai à vos questions dans l'ordre dans lequel vous les avez posées. Pour ce qui est des estimations de 1999, comme je l'ai dit, nous allons procéder à un dénombrement des nouveau-nés. Malheureusement, la zone de distribution est très vaste. Nous avons eu environ quatre aires de mise bas entre le sud du Labrador et le golfe du Saint-Laurent. Compte tenu de ces facteurs et de la vaste distribution des phoques, je ne peux pas vous donner une estimation ou même une idée générale du nombre de phoques dans l'Atlantique cette année.

En février nous avons procédé à un examen et étudié les tendances de la population, en utilisant les estimations de 1994 pour la productivité de la population ainsi que des renseignements sur les prises et le taux de reproduction jusqu'en 1998. Nous nous sommes inspirés de ces données et avons estimé que la population en 1999 serait d'un peu plus de 5 millions de phoques. Cependant nous ne pourrons confirmer ce chiffre que lorsque nous aurons procédé au dénombrement des nouveau-nés à partir des photos.

Pour ce qui est de votre deuxième question, nous reconnaissons que le fait que les phoques mangent les parties tendres des poissons pose un problème quand le temps vient de déterminer l'alimentation du phoque. Dans l'ensemble nous recherchons des parties dures lorsque nous étudions les contenus stomacaux des phoques. Cependant, la qualité de ces contenus varie énormément.

Nombre de nos échantillons proviennent de chasseurs de phoques, qui abattent l'animal lorsqu'il se nourrit et qui prélèvent immédiatement les estomacs, les conservant jusqu'à ce que nous puissions les recevoir. Ainsi un bon nombre des estomacs de phoques que nous recevons sont en très bon état. Nous avons identifié des tissus tendres ainsi que des poissons entiers dans ces estomacs. On aurait tort de dire qu'on ne peut identifier les proies qu'à partir de parties dures. Nous identifions toutes sortes de proies, de celles qui sont très fraîches à celles qui sont en état de décomposition avancée.

Il y a déjà plusieurs années que nous recevons des rapports sur les contenus stomacaux des phoques. On y retrouve diverses espèces autres que la morue—la lompe et d'autres poissons. Cela cause des problèmes. En effet cela peut fausser l'échantillonnage. Nous sommes conscients du problème et nous essayons d'en tenir compte lorsque nous préparons nos estimations.

Dans l'ensemble, les rapports que nous avons reçus sont de nature plutôt régionale—une petite baie ici, une petite baie là; une période de ralentissement ici, une période de ralentissement là-bas, et l'on procède à un échantillonnage. Ce que nous essayons de faire, évidemment, c'est couvrir toutes les zones où l'on retrouve des phoques.

Par exemple certains ont dit qu'ils avaient vu des phoques manger des morues entières qui mesuraient jusqu'à 50 centimètres. La gamme de tailles de poissons que l'on retrouve dans les contenus stomacaux indique également que les phoques mangent les têtes d'un certain nombre de ces petits poissons.

Nous sommes parfaitement conscients des distorsions qui existent lorsque nous essayons de déterminer l'alimentation des phoques, mais tout cela va dans les deux sens. Dans certains cas, si l'on tient compte des parties tendres de la morue, on pourrait sous-estimer la quantité de morue mangée par les phoques. Dans d'autres cas, si nous tenons compte du fait que la morue est assez grosse et qu'elle est plus facile à identifier que d'autres proies, cela pourrait nous pousser à surestimer la quantité de morue mangée par les phoques.

Nous avons songé à d'autres possibilités, par exemple l'utilisation d'isotopes lourds ou d'acides gras pour évaluer les régimes des phoques et pour compléter nos études traditionnelles.

Vous voulez également savoir combien de poissons mangent les phoques du Groenland. Vous avez raison de dire que l'on estime la consommation totale d'un phoque du Groenland moyen à 1,4 tonne de poissons par année. Cependant, cette alimentation est composée dans l'ensemble de poisson fourrage et inclut également ce que les phoques mangent lorsqu'ils sont dans l'Arctique, parce que n'oubliez pas que les phoques sont une espèce migratoire. Ainsi, si vous étudiez ce qui est vraiment consommé dans les eaux canadiennes où il y a pêche commerciale, cela ne représente qu'environ 40 p. 100 de la consommation totale. Puis si vous procédez à une ventilation pour déterminer combien d'espèces commerciales, tout particulièrement la morue de l'Atlantique, sont consommées, ces chiffres chutent de 1 à 2 p. 100, selon la zone.

Au cours des dernières années, nous avons identifié plus de morue dans l'alimentation du phoque lorsqu'il se trouve près des côtes. En fait, dans certaines baies de certaines zones, cela représente environ 10 p. 100.

• 0945

Le président: Il vous reste une minute.

M. Gary Lunn: Très bien. Je vais passer en revue vos chiffres très rapidement: 1,4 tonne de poissons par année, s'il y a 5 millions de phoques, cela représente 7 millions de tonnes de poissons. Prenons 40 p. 100 de cette quantité, qui est dans les eaux canadiennes. Ce sont les chiffres que vous m'avez donnés, et je crois que ce sont des chiffres très optimistes, mais je vais quand même m'en servir. Cela représente donc plus de 3 millions de tonnes de poissons par année qui sont mangés par les phoques. Toujours en me servant de vos chiffres. Je pourrais dire que d'après moi les chiffres devraient être plus élevés, mais même si on accepte vos chiffres, cela représente plus de 3 millions de tonnes de poissons. N'oubliez pas que la plus grosse exploitation de l'histoire du Canada dans les eaux atlantiques s'élevait à 1,7 million de tonnes de poissons.

Toujours d'après vos chiffres, les phoques mangent deux fois plus de poissons par année que les pêcheurs n'en ont pêché, même pendant les meilleures années; vous avez déjà reconnu dans votre document que ces estimations sont fondées sur les parties dures retrouvées dans les contenus stomacaux. Le Comité des pêches a vu directement, et non pas sur des bandes vidéo, des morues dont le ventre avait été arraché.

Alors, d'après vos chiffres, si les phoques mangent deux fois plus de poissons que nos pêcheurs en ont pêchés dans les meilleures années de l'histoire de la pêche au Canada, ne serait-il pas judicieux d'abattre peut-être quelques phoques de plus et d'essayer de vraiment s'attaquer au problème plutôt que d'attendre tout simplement qu'il n'y ait plus de poisson?

M. Garry Stenson: Je reconnais que ces chiffres sont frappants. La population de phoques est importante. Comme nous l'avons dit, nous jugeons qu'il y a environ 5 millions de phoques. Ils sont répartis sur un vaste territoire. En fait, ils se trouvent sur un territoire qui couvre quelque 1,5 à 2 millions de kilomètres carrés. Ainsi, l'impact de leur régime alimentaire est donc moins marqué.

Il ne faut pas oublier non plus, comme je l'ai dit, que les proies des phoques ne sont habituellement pas des espèces commerciales. Ces dernières ne représentent qu'une faible proportion du régime des phoques. De plus, le phoque ne mange pas simplement du poisson, il mange également un bon nombre d'invertébrés.

Le président: Merci, monsieur Lunn.

[Français]

Yves, s'il vous plaît.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Si on regarde votre deuxième tableau qui porte sur l'évolution des prises, on voit qu'à partir de 1996, il y a une hausse très marquée, les prises passant d'environ 50 000 en 1995 à environ 250 000 en 1996, 1997 et 1998. À quoi attribuez-vous cette hausse assez importante des prises effectuées?

[Traduction]

M. Patrick Chamut: L'augmentation du nombre de phoques abattus est attribuable à un renouveau d'intérêt pour la chasse, compte tenu des débouchés associés aux produits du phoque. Il y a également eu un nouvel intérêt pour les phoques. Les marchés sont beaucoup plus sains. En fait il y avait un marché pour l'huile et d'autres produits provenant du phoque, et je crois que l'on a démontré qu'il existait dans ce secteur des débouchés économiques utiles dont les gens ont cherché à bénéficier.

Je crois que l'augmentation est en fait attribuée à une évolution du marché et à la valeur accrue de la ressource aux yeux de ceux qui vivaient dans des communautés côtières à une époque où les débouchés dans le secteur de la pêche ou le revenu associé à l'exploitation des ressources halieutiques avaient grandement diminué. Je crois donc que cette augmentation du nombre de phoques abattus est attribuable aux nouveaux débouchés économiques offerts aux chasseurs.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Est-ce qu'il faut comprendre que les campagnes de dénigrement—je pense qu'on peut les appeler ainsi—présidées par Mme Brigitte Bardot ou encore par Greenpeace et tous les environnementalistes sont choses du passé, ou si autre chose dans le marché a fait que les gens s'intéressent davantage à la fourrure, notamment?

[Traduction]

M. Ken Jones (agent, Gestion des ressources, Loups marins, anadromes et catadromes, Direction de la gestion des ressources—Atlantique, ministère des Pêches et des Océans): Le marché a pris de l'expansion en 1995, mais, en raison de la condition de la glace, la chasse n'a pas été bonne cette année-là. Tout cela est principalement attribuable aux marchés de l'Asie, et les campagnes contre la chasse au phoque lancée par le Fonds international pour la protection des animaux (FIPA) ont principalement ciblé l'Europe et les États-Unis. Les campagnes du FIPA se poursuivent toujours en Europe et aux États-Unis, et nous devons composer avec ce type de publicité, tout particulièrement si nous cherchons à faire disparaître les barrières commerciales américaines. C'est une question d'ailleurs que nous ne pouvons pas oublier lorsque nous songeons au Royaume-Uni, qui a menacé de boycotter le saumon et d'autres produits canadiens.

• 0950

Donc le FIPA est toujours présent. Il dispose toujours d'un budget très important. Sa campagne a peut-être moins d'impact sur le marché des produits du phoque au Canada. Beaucoup de ceux qui communiquent avec nous en fait semblent de plus en plus appuyer la chasse au phoque. Cependant le FIPA est quand même présent et dépense des montants très importants pour ses campagnes; il s'agit d'une voix qui se fera toujours entendre pour exercer des pressions dans un sens ou dans l'autre, principalement à l'étranger.

M. Patrick Chamut: Monsieur le président, j'aimerais également ajouter que dans une large mesure l'opposition à la chasse au phoque a vu le jour à la suite de la chasse aux blanchons. En 1987, on a interdit la chasse aux blanchons, et la chasse vise simplement aujourd'hui les phoques plus matures qui ne dépendent plus de leur mère. Je crois que ce changement a su calmer certaines des préoccupations et préserver certains débouchés pour les produits du phoque—j'ajoute cela à ce qu'a dit M. Jones sur la création d'un marché pour ces produits en Asie.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Est-ce qu'on peut aussi penser qu'au niveau des pratiques de chasse—dans le cas des blanchons, notamment, certaines choses vues à la télévision pouvaient exciter la sensibilité de bien des gens—, on a tenté d'améliorer les choses pour rendre la chasse le moins cruelle possible pour l'animal, comme vous le dites dans votre dépliant?

[Traduction]

M. Patrick Chamut: Monsieur le président, je reconnais que dans une certaine mesure ces animaux sont traités avec moins de cruauté. Les méthodes de chasse ont été normalisées—j'entends par là l'équipement et les procédures—et nous ne relâchons pas nos efforts afin d'assurer que les règlements sont respectés et que les animaux sont traités sans cruauté.

Je crois qu'il y a divers facteurs qui entrent en ligne de compte. Nous avons parlé des marchés, du changement d'attitude attribuable au traitement sans cruauté des animaux, de la pleine utilisation de l'animal, ce qui est un nouvel objectif du ministère; de plus, peut-être qu'un changement d'attitude chez le public a permis d'élargir les débouchés offerts aux chasseurs de phoques au cours des dernières années.

Je crois en fait que la meilleure réponse à donner à vos questions, c'est de dire que divers facteurs entrent en ligne de compte et expliquent les nouveaux débouchés qui existent pour les produits du phoque.

Le président: Merci, Yves.

Du côté ministériel, nous avons deux députés dont la circonscription est touchée par la chasse au phoque. Monsieur Easter, me permettez-vous de laisser d'abord la parole à M. O'Brien, puis à Nancy si le temps le permet? Nous voudrions laisser la députée du Nunavut intervenir le plus tôt possible.

Lawrence, ne prenez pas toute la période de 10 minutes. M. O'Brien vient du Labrador.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de constater que vous avez pu revenir du Labrador.

Le président: C'est un magnifique endroit où vivre et un très bel endroit à visiter.

M. Lawrence O'Brien: Le gros défi qu'il me faudra relever ce matin, c'est de dire tout ce que j'ai à dire dans le peu de temps dont je dispose.

Tout d'abord je dois signaler aux représentants du MPO que je ne suis pas d'accord avec leurs chiffres sur la chasse au phoque du Groenland entre 1946 et 1999, parce que je crois qu'en fait ils n'étudient que certains volets de la chasse pendant cette période, et non pas l'ensemble de la chasse. Je le sais parce que mon père a acheté du phoque pendant toute ma jeunesse, et en fait même avant que je ne sois né, et à l'époque il a acheté la moitié des phoques qui figurent dans vos calculs. Je crois donc que le nombre de phoques abattus était de loin supérieur à celui dont vous faites état dans vos tableaux.

Si vous étudiez l'ouvrage The Ice-Floes, du capitaine Abraham Kean, et Death on the Ice et tous ces livres, ils reflètent beaucoup mieux que les chiffres du MPO ce qui s'est passé à cette période. Je crois que les chiffres du MPO ne sont pas du tout réalistes et devraient être révisés.

Je crois donc qu'il faut tenir compte des faits, et ne pas simplement nous présenter des données qui en fait les faussent.

• 0955

Pour ce qui est de la population de phoques du Groenland, lorsque j'étais petit—et j'ai été élevé dans la région du détroit de Belle Isle—, dans la petite collectivité de L'Anse-au-Loup—les phoques faisaient leur migration du Nord vers le Sud à la fin de décembre et au début de janvier. Nous les attrapions de façon traditionnelle, soit avec un filet. Les phoques venaient directement dans le filet. Il suffisait de lancer le filet, d'attraper le phoque, puis de le sortir de l'eau. C'était un aspect très important de notre vie. Les phoques venaient en décembre et en janvier. Puis ils retournaient par les détroits en mai et au début de juin. Puis, une fois que les phoques étaient partis, la morue revenait, et nous pouvions commencer à pêcher ce poisson pour gagner notre vie au début de juin, en juillet, en août, en septembre et en octobre. En novembre nous pouvions toujours pêcher quelques poissons pour nous préparer pour l'hiver, et c'était fini.

Mais laissez-moi vous assurer, monsieur le président, chers collègues, que dès que le phoque... Les phoques arrivent désormais en septembre dans le détroit de Belle Isle, et dès qu'ils arrivent la pêche à la morue prend fin parce que la morue s'en va. La morue s'en va tout simplement. Pas besoin d'être scientifique pour reconnaître que ce sont là les faits. C'est ce qui se produit. Et la même chose se produit au printemps. Les phoques, au lieu de partir en mai et en juin, comme c'était jadis le cas, ne partent du détroit de Belle-Isle qu'à la mi-juillet. C'est pourquoi il n'y a pas de morue dans le golfe tant que les phoques ne sont pas repartis vers le Nord.

Et voilà le problème, messieurs, parce que la période où peut se dérouler la pêche à la morue est très, très limitée. Et cette présence des phoques m'en dit très long. Je crois que vous voyez tout cela sous un angle très théorique—ce n'est pas surprenant, vous êtes des universitaires; j'entends par là des scientifiques—et mon message aux députés et aux témoins, c'est que le MPO doit étudier la question sous un angle pratique avant, je crois... de toute façon le problème nous échappe complètement. Je crois qu'il faut essayer de concilier les aspects théoriques et les aspects pratiques.

Je suis d'accord avec le ministre, M. Efford, et les autres. Je ne crois pas qu'il soit pratique d'abattre moins de 300 000 phoques par année si la population est de plus de six millions d'animaux. Je crois que si vous faites la part des choses, vous constaterez que la population croît à un taux plus rapide que nous ne pouvons l'exploiter. Il faut donc étudier des systèmes qui nous permettront d'abattre plus de phoques afin de réduire la population.

Je ne propose pas d'éliminer les phoques, parce qu'à mon avis ils jouent un rôle très important dans l'Atlantique Nord. Cependant je crois qu'il faut établir un certain équilibre; il faut ramener la population de phoques du Groenland à quelque deux millions d'animaux. À mon avis, monsieur le président, c'est là le défi qu'il nous faut relever. Peu importe ce qu'il faut faire pour y parvenir, il faut quand même viser cet objectif.

Pour ce qui est des foutaises du FIPA, le Fonds international pour la protection des animaux, je crois, et je ne mâcherai pas mes mots, qu'ils sont tous des trous du cul.

Le président: Monsieur O'Brien...

M. Lawrence O'Brien: Eh bien, j'ai dit que je ne mâcherais pas mes mots. Je vous assure, monsieur le président, que j'en ai ras le bol de voir des gens qui au Canada et dans notre propre province essaient de recueillir des montants importants et qui quémandent pratiquement... Ils sont allés chez mon adjointe ici à Ottawa tout récemment et l'ont forcée, littéralement forcée, à leur donner 20 $. J'ai beaucoup de mal à accepter ce genre de choses et à mon avis ces gens font de bons revenus en exploitant les petites gens, les défenseurs de la veuve et de l'orphelin, et c'est nous, dans notre province, dans la région atlantique, qui sommes les victimes du désastre créé par cette bande d'hypocrites. C'est ce que je pense du FIPA.

L'autre question—et j'ai un point de vue un peu plus passif à ce sujet—monsieur, concerne les dos bleus. Pourquoi ont-ils le droit de prendre des dos bleus pour la vente dans le nord du Québec et à la baie James tandis qu'ils se trouvent en fait au large de la côte du Labrador et dans la région de Nancy, du côté du Labrador et le long de la côte arctique, alors qu'ils n'ont pas le droit de chasser ces phoques? J'aimerais que vous m'expliquiez cela également.

Il y a donc deux questions: d'abord la pratique par rapport à la théorie; ensuite, la question des dos bleus. Merci.

• 1000

M. Patrick Chamut: Merci, monsieur O'Brien. J'aimerais faire quelques observations en réponse aux questions que vous avez soulevées.

Tout d'abord, la question de la pratique par rapport à la théorie. Je ne prétends certainement pas être un universitaire. J'aime bien penser que l'approche que nous adoptons est effectivement une approche à la fois scientifique et pratique, car, combinés, ces deux aspects nous permettent d'avoir une approche qui peut se défendre sur le plan scientifique tout en répondant à un certain nombre d'objectifs qui se contredisent souvent.

Pour ce qui est de votre observation initiale concernant le nombre de prises, la seule chose que je dirais, c'est que ces prises sont essentiellement pour la période de 1946 à 1970. Ces barres reflètent les prises moyennes pour cette période. Ce sont des moyennes cumulatives sur une période de cinq ans, car le diagramme n'était pas assez grand pour que nous puissions y présenter une évaluation pour chaque année.

Je reconnais qu'avant 1946, en fait avant la guerre, les prises étaient effectivement beaucoup plus élevées que ce que l'on peut voir sur ce diagramme. Les prises atteignaient 800 000 avant cette époque, et les circonstances dont vous avez parlé reflètent peut-être effectivement cette période précédente. Je reconnais qu'avant la guerre le nombre de prises était beaucoup plus élevé.

M. Lawrence O'Brien: Après la guerre également, monsieur, dans les années 50.

M. Patrick Chamut: L'autre observation que je voudrais faire concerne la question que vous avez soulevée lorsque vous demandiez si le taux de capture était ou non souhaitable. Nous avons expliqué que notre approche jusqu'à présent se fondait sur des objectifs liés à une chasse durable. En d'autres termes, nous voulons nous assurer que la population en général n'est pas menacée par la chasse. C'est l'une des approches qui ont été à notre avis importantes pour obtenir l'appui du public pour une question qui est parfois très controversée.

Nous avons indiqué également que nous sommes en train de faire un examen de la politique. Nous voulons nous assurer que notre politique actuelle reflète bien la situation actuelle en ce qui concerne la taille de la population, l'impact des phoques sur les autres stocks, les conditions du marché et certaines des attitudes publiques sur une question très controversée. Nous sommes donc en train d'étudier la question pour voir si on a un niveau de population souhaitable.

Vous nous avez donné votre point de vue. Il y en a d'autres, je suis certain, dont il faudrait tenir compte, mais notre intention, comme je l'ai dit à la fin de mon exposé, était de faire un examen de la politique afin d'évaluer toute cette question en particulier, et de déterminer s'il est ou non nécessaire de changer notre approche à l'égard des phoques.

Pour ce qui est de votre dernière question, c'est-à-dire pourquoi on permet à certains groupes d'abattre des dos bleus pour la vente, ma réponse est très courte. En fait, il y a un règlement qui interdit la vente des dos bleus, et je crois comprendre que la vente des dos bleus n'est pas prévue.

Le président: Les 10 minutes sont écoulées. Peter, si...

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): C'est une question importante.

Le président: Je reviendrai à ce côté-ci de la table plus tard. Ils auront leur tour.

Le néo-démocrate, M. Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, monsieur le président.

Eh bien, Lawrence, c'est toujours bien de savoir ce que vous pensez réellement de quelque chose.

M. Lawrence O'Brien: Vous savez ce que je pense vraiment.

M. Peter Stoffer: Je me rappelle que dans notre tout premier comité, c'était la même chose. Ça fait plaisir de constater que vous vous sentez bien.

Tout d'abord, merci, messieurs, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

• 1005

Je suis troublé par le fait que vous ne nous ayez donné aucun chiffre sur les prises qui ne sont pas signalées. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que vous dites que vous avez une centaine d'observateurs ou de membres du personnel qui surveillent les banquises, et pourtant vous ne nous dites nulle part dans votre mémoire combien de prises ne sont pas signalées. J'ai le chiffre dans ce livre qui a été présenté par quelqu'un d'autre, mais pas par le ministère des Pêches et des Océans.

Le professeur Stenson semblait contredire ce que M. Chamut a dit au sujet des parties dures et des contenus stomacaux, bien qu'on dise ici que vous semblez avoir contredit cela à la suite d'une question d'un député réformiste.

Une autre question que j'aimerais vous poser est la suivante: avez-vous l'appui des associations de chasseurs de phoque de Terre- Neuve et du Labrador et de l'Île-du-Prince-Édouard et des Îles-de- la-Madeleine? Je le dis toujours de façon ironique. Vous avez des plans grandioses quand le MPO tente de mettre en place un plan de gestion pour une espèce en particulier, mais pouvez-vous nous assurer que le MPO aura le personnel et les ressources nécessaires pour mener à bien ce plan? C'est très bien de mettre cela sur papier et de nous dire ce que vous allez faire, mais allez-vous engager les ressources en personnel et autres pour le faire? Et avez-vous tenu compte des quantités de phoques qui sont pris au Groenland et dans d'autres pays également?

J'ai d'autres questions, mais elles seront courtes. Merci, monsieur.

M. Garry Stenson: D'abord à titre d'éclaircissement, je ne voulais pas contredire quiconque au sujet des parties dures dans l'estomac. En fait, la plupart de nos études du régime alimentaire se fondent sur les parties dures. C'est qu'il y a toute une gamme de parties où dans certains cas nous trouvons des choses fraîches. Cela varie donc d'un seul morceau d'otolithe jusqu'au poisson au complet. J'espère que cela a clarifié la question.

Pour ce qui est des prises non signalées, nous avons des données et nous avons examiné la question de ces prises. Au Comité national d'examen par les pairs des mammifères marins en février, nous avons spécifiquement abordé cette question, identifié des études qui ont été effectuées au sujet des animaux qui ont été touchés et perdus, c'est-à-dire tués, mais qu'on n'a pas pu sortir de l'eau, et en fait nous poursuivons ces études cette année. Certaines des personnes qui travaillent avec moi sont là-bas à l'heure actuelle.

Je dirais que les niveaux que nous avons pu déterminer sont au mieux des estimations, et on estime que ce niveau pourrait atteindre 50 p. 100 en ce qui concerne les animaux touchés et perdus dans l'eau, particulièrement dans l'Arctique au cours de l'été. Pour la majeure partie de la chasse qui se fait à l'heure actuelle, qui est surtout ce qu'ils appellent la «chasse au brasseur», où on prend de jeunes animaux qui ont mué, les pourcentages d'animaux qui ont été touchés, mais qu'on n'a pu sortir de l'eau, sont très bas. Ils se situent entre un et trois p. 100.

Nous avons établi un certain nombre de modèles de population incorporant ces chiffres estimatifs, pour voir ce qui arrive selon qu'on les inclut ou non dans le calcul de la population. On s'aperçoit que cette différence n'est pas considérable.

Par exemple, nous avons examiné le pourcentage le plus élevé qui ait été signalé ou supposé, un pourcentage en fait que nous a fourni M. Lavigne, et on l'a comparé à un pourcentage où on suppose qu'il n'y en a absolument aucun. Les chiffres varient, pour une population totale, de 5,2 millions jusqu'à cinq millions. Or, étant donné que ces estimations sont tout à fait incertaines, ce n'est pas une différence considérable.

La dernière question à laquelle j'aimerais répondre concerne les prises au Groenland. Oui, en fait, nous tenons compte des prises au Groenland. Elles sont incluses explicitement dans nos modèles de population, et nous les avons surveillées avec l'aide des scientifiques du Groenland. Les prises au Groenland sont de plus en plus stables depuis 1975. En fait, je devrais mentionner qu'ils ont révisé leurs estimations il y a environ un an au sujet de leurs prises. Les dernières prises signalées pour le Groenland se situaient autour de 75 000, je pense. La dernière fois que nous avons établi un modèle de population, nous avons extrapolé jusqu'en 1998, ce qui donne une prise approximative au Groenland de 85 000 à l'heure actuelle. On peut sans doute ajouter à cela 5 000 autres prises dans l'Arctique canadien.

• 1010

M. Patrick Chamut: Vous avez demandé si nous avions les ressources voulues pour faire le travail. Eh bien, je pense qu'il est juste de dire que si nous avions davantage de ressources nous pourrions certainement faire plus, mais je crois que dans ce cas-ci nous avons mobilisé les ressources nécessaires pour faire le travail et pour nous assurer que la chasse est adéquatement surveillée et que nous avons de bonnes données concernant les taux de capture. C'est possible grâce à la surveillance qu'exercent nos agents en mer, dans les airs et dans les ports.

Je suis donc convaincu que nous avons les gens et les plates- formes—en d'autres termes, les navires—qui nous permettent d'avoir une approche raisonnable et responsable en vue de s'assurer que la chasse se fait de façon conforme aux règlements à cet égard.

M. Peter Stoffer: Avez-vous l'appui des associations de chasseurs de phoque à Terre-Neuve et au Labrador pour vos statistiques, les observateurs et pour tout ce que fait le MPO? La raison pour laquelle je pose la question, c'est que M. Efford a fait certaines observations à l'assemblée législative; il a dit que si vous les empilez et les brûlez, plus vous les tuez, plus il les aime, et l'association de chasseurs de phoque à Terre-Neuve s'est prononcée tout à fait contre cela, en disant que non, ils n'étaient pas d'accord avec cela. D'autres membres de l'association de chasseurs de phoque ont dit qu'ils aimaient bien ce qui se passait. Je ne sais vraiment plus ce qu'ils pensent.

Puisque le gouvernement du Canada est responsable de ce dossier, avez-vous l'appui des principales associations de chasseurs de phoque à Terre-Neuve et au Labrador?

M. Patrick Chamut: Je crois que l'association de chasseurs de phoque viendra témoigner devant votre comité, et je pense que vous devriez lui poser cette question.

Je crois comprendre que nous avons effectivement son appui pour bon nombre des éléments du programme de gestion que nous avons adopté. Je ne voudrais pas laisser entendre que tout ce que nous faisons est nécessairement approuvé par cette association, mais je pense qu'en général l'approche que nous adoptons en est une qu'elle approuve de façon générale.

Le président: Merci, Patrick.

Nancy, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Mes questions ont été en quelque sorte posées par Lawrence, mais l'une des questions que je voulais poser était la suivante: jusqu'à quel point avez- vous incorporé les connaissances traditionnelles et celles des pêcheurs dans les détails que vous nous avez donnés ce matin concernant l'impact sur le poisson?

L'autre question concerne le fait que le public n'obtient pas suffisamment d'information. Si la chasse aux bébés phoques est interdite depuis 1987, et cela fait plus de 10 ans, pourquoi y a-t- il encore des gens qui viennent me dire: «Pourquoi appuyez-vous la chasse aux phoques s'ils tuent les petits bébés phoques?» Et on m'a posé cette question en novembre 1998. On me demande encore ce que je pense de la chasse aux bébés phoques, et je leur réponds: «Savez-vous que la loi interdit de chasser les bébés phoques?» Pourtant, comme on peut le constater, on utilise constamment dans la publicité qu'on fait dans les journaux, dans les revues et à la télévision, des photos de bébés phoques pour essayer d'influencer l'opinion publique.

Y a-t-il quoi que ce soit que le MPO puisse faire à cet égard? Pour moi, c'est une présentation erronée d'une situation pour influencer l'opinion publique, et j'estime que le gouvernement devrait prendre des mesures pour s'assurer que les gens sont informés des faits réels, de façon à ce qu'ils puissent se faire une opinion au sujet de la chasse au phoque en ayant les faits devant eux. Les chasseurs de phoque de ma circonscription n'ont pas les moyens de contrer cette désinformation du public. Je ne sais pas qui exactement doit le faire, mais si le gouvernement a les faits, je ne comprends pas pourquoi il ne transmet pas ces faits au public, car cette désinformation nuit considérablement à un mode de vie. J'estime que si les gens doivent se faire une opinion, ils doivent le faire en ayant les faits devant eux.

Merci.

M. Patrick Chamut: Merci. Je voudrais répondre aux deux questions que vous avez posées.

Tout d'abord en ce qui concerne les connaissances traditionnelles, je voudrais dire que nous en tenons compte dans notre étude des populations de phoques et de leur consommation. Une bonne partie de la documentation de notre programme vient d'un forum sur le phoque qui s'est tenu en 1995 et auquel ont participé des représentants de l'industrie du phoque ainsi que des personnes appartenant à divers groupes qui s'intéressent à la chasse au phoque. Des pêcheurs sont intervenus dans notre travail d'évaluation des stocks. Ainsi, les évaluations par zone qui ont été effectuées cette année à Rimouski, au cours desquelles on a étudié la consommation des phoques, ont bénéficié de la participation de pêcheurs des différentes provinces de l'Atlantique.

• 1015

Nous les consultons activement et nous prenons en considération l'information dont ils disposent.

L'autre question porte sur l'information du public. Au ministère, nous nous efforçons de fournir une information factuelle sur la chasse au phoque. Il s'agit d'une petite brochure, mais c'est un bon exemple de l'information que nous publions. Je me ferais un plaisir de vous en fournir un exemplaire.

Cette brochure vise tout simplement à fournir de l'information factuelle sur la chasse au phoque, car on diffuse beaucoup d'informations fausses, provenant de sources diverses, sur la façon dont cette chasse se pratique. À notre avis, il nous appartient de fournir une explication factuelle sur la chasse au phoque, sur la façon dont nous gérons et atteignons nos différents objectifs. Nous diffusons les faits dans de petites brochures de ce genre. Nous avons aussi des communiqués, des circulaires et toutes sortes de documents d'information qui sont disponibles et qu'on peut également consulter sur le site Web du ministère à partir de toutes les régions du monde.

Nous considérons que nous n'avons pas pour autant à faire l'apologie de la chasse au phoque. Notre rôle est de fournir une explication factuelle sur la façon dont elle se pratique, et nous considérons que c'est aux représentants de l'Association canadienne des chasseurs de phoques qu'il appartient de défendre les intérêts de cette chasse. Je sais qu'ils publient beaucoup d'information pour faire valoir leur point de vue sur la question.

Je suis d'accord avec vous. Souvent, l'information diffusée sur cette chasse est déformée.

M. Garry Stenson: Je voudrais ajouter quelque chose.

Vous nous avez interrogés sur la participation des chasseurs de phoque et sur les connaissances traditionnelles. En ce qui concerne la façon dont nous recueillons les données, celles que nous recueillons depuis 20 ans sont fondées sur des échantillons recueillis pour nous par des chasseurs de phoque—par des chasseurs que nous avons spécialement formés à la prise d'échantillons. Ils participent donc activement à la collecte des données dont nous nous servons à des fins scientifiques, pour étudier notamment la consommation des phoques.

Nous avons aussi des agents sur le terrain qui s'adressent régulièrement aux chasseurs. Les gens qui travaillent avec moi sont sur le terrain depuis trois mois et sont constamment en contact avec les chasseurs de phoque. Nous essayons de tenir compte de leurs avis, que nous plaçons dans un contexte qui nous permet de les utiliser.

Le président: Nancy, êtes-vous satisfaite, ou voulez-vous poser une autre question? Vous n'êtes peut-être pas satisfaite, mais vous avez peut-être une autre question à poser.

M. Matthews, de Terre-Neuve.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Merci beaucoup, monsieur le président. À cette étape du débat, il est difficile d'éviter les répétitions, mais je voudrais néanmoins faire quelques remarques.

J'ai déjà dit devant ce comité que je trouve sidérant qu'à la veille du nouveau millénaire nous ne sachions toujours pas ce que mangent les phoques. Malgré toutes les nouvelles technologies, notamment celle de l'ADN, nous ne savons toujours pas ce que les phoques consomment.

Je crois que l'on sait ce que les phoques consomment. Et je voudrais dire ce matin aux représentants du ministère des Pêches et des Océans que vous m'avez confirmé différentes choses, sans doute à votre insu.

Monsieur Chamut, vous avez dit, je crois, que les phoques mangeaient la chair molle du ventre de la morue, qui est plus facile à métaboliser. Je crois que c'est ce que vous avez dit. C'est une information très importante, car les pêcheurs nous disent constamment que c'est précisément ce qui se passe: le phoque mange le ventre de la morue, qui est digéré ou métabolisé très rapidement, si bien qu'on a très peu de preuves de la consommation de morue par les phoques. Je pense donc que vous nous avez dit ce matin quelque chose d'important, peut-être à votre insu.

• 1020

Monsieur Stenson, vous avez dit, je crois, qu'il y avait davantage de morues dans le régime des phoques qui vivent près des côtes. C'est parce qu'il y a davantage de morues près des côtes. Vos propres scientifiques nous disent aujourd'hui que les stocks de la baie sont en augmentation, et nous en sommes bien contents. Il y a davantage de morues dans les estomacs des phoques de la côte parce qu'ils sont là pour chasser la morue. Donc vous aussi, vous nous avez dit quelque chose d'important ce matin.

Monsieur le président, j'ai deux préoccupations concernant les phoques. Leurs effectifs dépassent six millions d'individus, et si vous multipliez ce chiffre par celui de M. Lunn, vous obtiendrez une consommation encore plus importante de morues par les phoques. Et je crois que M. Stenson a dit que les phoques consomment du poisson fourrage. Il me semble que la morue en consomme également.

Les phoques posent donc deux problèmes. Tout d'abord, ils mangent de la morue et, deuxièmement, ils mangent les espèces dont la morue a elle aussi besoin pour survivre. Voilà le double impact des phoques sur nos ressources de morues.

J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi nous assistons à une augmentation des populations de phoques dans nos zones méridionales. Je représente la région la plus méridionale de Terre- Neuve et du Labrador, et nous avons ici certains de mes collègues provinciaux qui représentent la même région au niveau provincial. On assiste à une véritable explosion des populations de phoques dans les eaux méridionales.

À mon avis, il y a trois possibilités. Soit qu'il s'agisse d'une augmentation naturelle de la population, soit que les phoques émigrent de régions plus septentrionales pour venir s'alimenter ici. Je signale une fois de plus, au passage, que dans les zones méridionales, on constate une régénération importante de nos stocks de morues, ce qui est tout à fait positif. La pêche a repris dans ce secteur depuis deux ans. Est-ce pour cela qu'il y a maintenant des phoques dans des secteurs où il n'y en a jamais eu avant? Est- ce qu'ils y viennent pour se nourrir des stocks de morues qui se régénèrent? Ou s'agit-il d'une augmentation naturelle de population, parce que les jeunes générations parviennent à la maturité sexuelle? De quoi s'agit-il? Les pêcheurs me disent qu'ils voient maintenant des phoques là où il n'y en a jamais eu avant.

Ce qu'ils me disent également, du reste—comme ils l'ont fait il y a tout juste deux semaines dans le petit village de La Poile—c'est qu'ils voient des phoques manger du sébaste et de la lompe. Ces pêcheurs n'inventent rien. Ils sont sincères.

Comment expliquez-vous tout cela? À mon avis, nous sommes à un point tournant à Terre-Neuve et au Labrador. Nos collectivités rurales sont en train de mourir à cause de l'émigration, puisqu'il n'y a plus de poisson. Comme nous sommes les êtres les plus intelligents sur la terre, nous intervenons généralement lorsqu'il y a une crise. Hier, nous avons débattu à la Chambre des communes de la crise du Kosovo. Nous intervenons lorsqu'il y a des crises, et nous prenons certaines mesures. Et maintenant, nous étudions l'avenir de notre province, en particulier celui de nos collectivités rurales, à cause de l'expansion massive des populations de phoques. Ce n'est pas le seul facteur, mais c'est néanmoins un facteur très important.

Je voudrais vous dire, ainsi qu'aux membres du comité, que les gens de Terre-Neuve en arrivent à considérer qu'ils vont bientôt prendre les choses en main si notre gestion ne s'améliore pas et si nous ne réglons pas cette question essentielle.

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à mes préoccupations. Je crois que les phoques mangent autant de morues que le disent les pêcheurs. Nous avons ici ce matin des collègues du comité multipartite de l'Assemblée de Terre-Neuve qui, dans une ou deux baies différentes, ont vu le fond de la mer couvert de morues dont le ventre avait été arraché par des phoques. C'est ce qu'ils ont vu. Ils sont assis ici. Ils n'ont rien inventé. C'est ce qu'ils ont vu sur place. Et pourtant, certains d'entre vous continuent à le nier.

Je crains de ne pas pouvoir indiquer toute l'urgence de la situation; c'est un problème extrêmement grave pour nous et nous n'attendrons certainement pas encore quatre ou cinq ans pour vous laisser déterminer si les phoques mangent de la morue. Nous savons qu'ils en mangent. Nous savons aussi qu'ils mangent d'autres espèces dont les morues se nourrissent. Par conséquent, les phoques nuisent à la régénération des stocks de morues dont notre survie dépend. Il faut faire quelque chose.

Le président: Merci, monsieur Matthews.

Nous n'avons plus de temps pour la réponse, car nous...

M. Bill Matthews: Vous pouvez certainement permettre une réponse, monsieur le président. Vous faites toujours preuve de souplesse. Laissez-les au moins répondre.

Le président: Patrick, est-ce que vous voulez répondre brièvement?

• 1025

M. Garry Stenson: En deux mots, je suis au courant de ce que vous avez dit. Je tiens tout d'abord à indiquer clairement que nous n'avons jamais nié que les phoques mangent le ventre des morues. Je ne sais pas d'où vient votre information. Les gens avec qui je travaille ne l'ont jamais nié et n'ont jamais dit que les phoques ne mangent pas de morues. Mes propres collaborateurs l'ont constaté eux-mêmes. Je suis en contact avec des pêcheurs, et j'ai vu leurs enregistrements vidéo.

En ce qui concerne la consommation de sébastes et de lompes, nous en sommes également informés. Nous savons aussi que les phoques arrachent l'estomac de la lompe, et c'est un autre élément dont nous devons tenir compte dans nos estimations. Si la question vous intéresse, je peux vous montrer la liste des espèces consommées par le phoque. Il y en a environ 70.

Pourquoi y a-t-il des phoques dans les eaux méridionales où on n'en trouvait pas avant? Nous ne savons pas exactement pourquoi ils sont là. Vous avez proposé deux possibilités intéressantes. La première, c'est une simple expansion de l'habitat due à une augmentation d'effectif et l'autre, ce serait que le phoque suit les espèces dont il se nourrit. Je m'entretiens depuis un mois avec un scientifique du Groenland qui me dit que les phoques du Groenland sont plus nombreux dans les eaux du nord du pays, et que là-bas aussi, on avance les deux mêmes possibilités.

Après avoir commencé à utiliser la télémétrie par satellite pour observer les phoques, nous constatons qu'ils se rendent désormais dans des endroits où on n'en trouvait jamais autrefois, d'après l'information traditionnelle découlant des observations et des marquages, qui permettaient de localiser les phoques et de mesurer leurs déplacements.

M. Patrick Chamut: Monsieur le président, si vous me permettez de faire un bref commentaire, je voudrais surtout dire qu'actuellement, il n'y a pas de consensus parmi les scientifiques quant aux conséquences de la prédation des phoques sur la réalisation de nos objectifs de régénération des stocks de morues. Nous considérons qu'en l'absence d'un tel consensus, il serait très difficile de procéder, comme certains l'ont proposé, à un abattage destiné à réduire la population de phoques. Tant que nous n'aurons pas de meilleure analyse scientifique, il sera très difficile de justifier un abattage, compte tenu du faible niveau actuel de consensus sur la question.

Le président: Nous passons maintenant à Claude pour cinq minutes.

[Français]

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Je voudrais continuer dans le sens des propos de M. Chamut.

La nouvelle étude confirmera peut-être les prédictions de M. Stenson, à savoir qu'il y a au-delà de cinq millions de phoques. Il est assez difficile d'évaluer la quantité de morues mangées parce que les phoques en préfèrent les tissus mous. Comme on a un moratoire sur la pêche à la morue depuis cinq ans et que les chiffres du ministère semblent indiquer qu'il n'y a pas eu d'évolution, avez-vous prévu d'augmenter les... M. Chamut mentionne qu'il est trop tôt.

Aujourd'hui, on a appris des choses intéressantes dont le fait qu'on a déjà atteint un niveau de 800 000 phoques tués avant ou pendant la guerre. Quel était le nombre de phoques à cette époque pour qu'on puisse se permettre de tuer 800 000 phoques? On est conscient qu'il y a de plus en plus de gens qui mangent du poisson aujourd'hui et qu'on a plus de phoques. Est-ce qu'on ne devrait pas faire des prédictions en vue d'augmenter les quotas de chasse au phoque? On a été capable de faire une prédiction au sujet du nombre de phoques.

[Traduction]

M. Patrick Chamut: Je voudrais attirer votre attention sur l'un de nos graphiques qui indique l'évolution des populations de phoques du Groenland dans l'Atlantique. Je crois que c'est le troisième ou le quatrième acétate que nous avons distribué. Il indique les niveaux de population de cette espèce dans les années 60. À l'époque, on comptait de 2 millions à 2,5 millions de phoques du Groenland. Je ne sais pas combien on en chassait, ni combien il y en avait avant cette époque, mais M. Stenson pourrait peut-être nous en parler. Je pense qu'avant les années 60, cette population était inférieure au niveau actuel d'environ 5 millions d'individus.

• 1030

M. Garry Stenson: Nous n'avons pas de chiffres précis sur les stocks de phoques avant les années 50. Ce que nous savons, c'est que tout indique qu'à cause des prises réalisées constamment depuis la fin du XIXe siècle, la population de phoques était en diminution constante. D'après certains travaux, il semblerait qu'entre les années 50 et les années 70, cette population a diminué de moitié. On a consacré un certain nombre d'études à ce que nous appelons les niveaux virginaux, et M. Lavigne a peut-être d'autres renseignements à ce sujet qu'il pourra vous fournir plus tard. Si je me souviens bien, plusieurs estimations situent cette population entre 5 et 10 millions d'individus au milieu du XIXe siècle et elle aurait décliné pour atteindre environ 3 millions d'individus pendant les années 60.

[Français]

M. Claude Drouin: D'accord. Étant donné ce nombre croissant et ce que je vous ai mentionné plus tôt, avez-vous prévu de regarder cet aspect? M. Chamut mentionnait qu'il y avait tellement de divergences qu'il était difficile d'évaluer les meilleurs quotas. On voit que le nombre augmente graduellement, que les six millions seront peut-être atteints, que de plus en plus de gens mangent du poisson, mais notre moratoire de cinq ans existe toujours. Si on n'a pas plus de poissons et que le phoques en mangent plus, est-ce qu'on ne devrait pas augmenter les quotas? Il y a des personnes qui vivent de la pêche et qui ont besoin de ces revenus-là. Il est peut-être trop tôt pour donner des chiffres, mais avez-vous étudié les choses dans cette perspective et comment les voyez-vous?

[Traduction]

M. Patrick Chamut: Je voudrais faire deux commentaires. Tout d'abord, l'augmentation de la population des phoques du Groenland est due au fait qu'au début et au milieu des années 80, les niveaux de prise de cette espèce étaient très bas. Je pense que l'augmentation de la population résulte de la diminution des prises au cours de cette période.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur l'acétate que vous avez devant vous, qui indique que le niveau de population s'est stabilisé vers 1995 ou 1996. Nous pensons que cette stabilisation est due à l'augmentation des prises effectuées pendant cette période au Canada et au Groenland. Le niveau combiné de prise a mis un terme à l'augmentation de la population, qui semble se stabiliser.

J'aimerais également répondre sur la question de l'augmentation des prises, qui suscite des points de vue divergents. Je sais que dans certains secteurs de l'industrie, on craint qu'une forte augmentation des prises du phoque du Groenland n'ait un effet néfaste sur le marché. Autrement dit, le marché ne peut accepter qu'un nombre limité de fourrures. Si les prises augmentent, le prix des fourrures de phoque risque de baisser. C'est un facteur dont l'Association canadienne des chasseurs de phoques se dit préoccupée, et que nous voulons prendre en compte. Si l'on envisage d'augmenter les quotas, il faudrait s'inquiéter des réactions du marché.

• 1035

[Français]

M. Claude Drouin: Vous soulevez un très bon point. On voit que la population totale est stable, mais si vous regardez la population naissante dans la ligne du bas, vous verrez qu'elle est croissante et qu'on se dirige graduellement vers le million de phoques. Il faut aussi tenir compte de cela. La ligne du haut est importante, mais celle du bas est révélatrice. Si on a de plus en plus de jeunes et qu'on conserve les mêmes quotas, on va peut-être avoir un problème plus tard.

[Traduction]

Le président: Merci.

Vu l'heure qu'il est, je pense que nous allons devoir conclure. Nous avons abordé la plupart des sujets, et nous attendons d'autres groupes. Il semble que l'on s'apprête à recourir aux théories malthusiennes. Je ne sais pas si le ministère a recueilli les interventions de groupes qui se diraient prêts à intervenir pour nourrir ces millions de phoques qui prolifèrent sur nos côtes, mais il semble bien qu'à défaut de les nourrir d'une façon ou d'une autre dans un très proche avenir, leur progression géométrique va anéantir toutes les pêches sur la côte Est.

Nous allons entendre d'autres points de vue, mais pour l'instant, il nous reste à remercier M. Chamut et ses collaborateurs du ministère.

Monsieur Chamut, nous avons entendu votre témoignage, et vous reconnaîtrez, j'espère, que nos pêches sont dans une situation très difficile. Quelles que soient les solutions qui pourraient résulter de nos audiences, nous espérons pouvoir les soumettre au ministère et faire des recommandations sur l'avenir de cette industrie.

Il est révoltant d'entendre dire que nous avons une population de phoques qui mangent 3 millions de livres de poissons canadiens chaque année, que l'on tue environ 300 000 phoques chaque année mais qu'il en naît entre 500 000 et 1 million. Notre comité tient à étudier ce problème et espère lui trouver des solutions satisfaisantes.

Je vous remercie d'être venu. Je vois que vous voulez répondre à ce que je viens de dire, mais je vous demanderais d'être très bref.

M. Patrick Chamut: Monsieur le président, certainement, je serai bref. Je tiens à dire à quel point pour le ministère, et d'ailleurs pour le gouvernement du Canada, cela constitue une question difficile et controversée.

En effet, vous devez comprendre que c'est très complexe sur le plan technique, qu'il faut tenir compte d'un grand nombre de facteurs différents. Je ne parle pas seulement de la complexité scientifique du régime alimentaire des phoques; un grand nombre d'autres facteurs doivent être étudiés attentivement.

Cela dit, je vous assure que les recommandations et les opinions du comité intéressent le ministère au plus haut point. En effet, pour nous, ces recommandations seront une indication précieuse car c'est une question très controversée dans notre société. Nous attendons donc avec impatience le rapport de votre groupe et nous souhaitons que l'étude que vous allez faire au cours des trois prochains jours soit couronnée de succès.

Merci.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant lever la séance pendant dix minutes avant d'entendre M. Lavigne.

• 1039




• 1057

Le président: Avant de passer au témoin suivant, j'aimerais accorder un instant à notre secrétaire parlementaire qui aimerait attirer l'attention des députés sur une question particulière.

M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le président, deux observations très vite.

À titre d'information, nous avions prévu d'étudier le projet de loi C-27 demain, mais cela a été repoussé à vendredi à cause de problèmes d'horaire à la Chambre. Je sais que plusieurs personnes voudront prendre la parole, par conséquent, nous nous en occuperons vendredi et non pas demain. Je sais que les gens avaient déjà prévu d'en parler demain, mais je n'y peux vraiment rien. Disons que le problème vient des leaders à la Chambre.

Deuxièmement, monsieur le président, j'ai envoyé une note aux députés au sujet du Centre de recherche sur le homard (Lobster Health Research Centre) de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. J'espère que nous pourrons faire venir les représentants du Centre—je crois que c'est prévu pour la semaine prochaine—toujours pour parler de ces questions. Évidemment, le homard est la plus grosse source de revenu du secteur des pêches dans l'Atlantique. Les recherches à ce sujet sont limitées et c'est un centre qui est très actif dans ce domaine. Il devrait donc être possible de les faire venir pour discuter de cette question. C'est une possibilité pour la semaine prochaine, si toutefois le comité est d'accord.

Merci, monsieur le président.

Le président: Qu'en pense le comité?

M. Bill Matthews: [Note de la rédaction: Inaudible]... du homard.

Le président: Monsieur Matthews, vous dites qu'il faudrait que nous en goûtions?

M. Bill Matthews: Nous pourrions avoir une dégustation de homards en même temps.

Une voix: Bonne idée!

Le président: Si le secrétaire parlementaire pouvait organiser cela, peut-être...

M. Wayne Easter: Vous n'avez qu'à venir à l'Île-du-Prince- Édouard, et nous vous ferons goûter les excellents homards pêchés sur les côtes de l'île.

M. Bill Matthews: Formidable.

• 1100

Le président: Peter.

M. Peter Stoffer: Je suis d'accord pour que ces gens-là viennent la semaine prochaine. Je trouve que c'est une bonne idée. Mais en ce qui concerne la discussion sur le projet de loi C-27 pour vendredi, sans vouloir vous offenser, qu'est-ce qui se passe? Nous étions censés en parler demain. Qu'est-ce qui est tellement important demain, à l'exception du Kosovo, que cela nous empêche de parler du projet de loi C-27?

M. Wayne Easter: Je ne sais pas. C'est simplement, Peter, que les leaders des différents partis ont pris cette décision. Moi aussi, j'avais autre chose de prévu pour vendredi.

M. Peter Stoffer: Attendons lundi.

M. Wayne Easter: Cela pose un problème, mais c'est prévu pour vendredi. Si vous voulez que nous le repoussions à lundi, je peux voir si c'est possible.

M. Peter Stoffer: Oui, merci. J'apprécierais beaucoup, car nous sommes nombreux à partir jeudi soir.

M. Wayne Easter: Je vais voir si on peut changer la date, mais je ne sais pas si c'est possible car ce sont les leaders à la Chambre qui décident. Je vous préviendrai demain matin.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Donc, le comité préférerait que cette séance soit repoussée à lundi. Le secrétaire parlementaire et moi-même allons poser la question à notre leader à la Chambre.

Deuxièmement, en ce qui concerne le groupe de l'Île-du-Prince- Édouard, nous nous sommes mis d'accord pour les inviter à comparaître le 20 avril, c'est-à-dire mardi prochain. Nous sommes d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Lawrence O'Brien: Encore une chose, monsieur le président.

Au printemps dernier, au sujet de l'hépatite C, le comité a fait tout son possible pour organiser une visite dans le nord du Labrador. Depuis la reprise de la Chambre en septembre, nous continuons à essayer d'organiser cette visite. Mon collègue, M. Lunn, a peut-être contribué à notre échec.

Monsieur Lunn, ce sont des collectivités autochtones qui sont concernées, et le comité avait pris un engagement. Il nous reste environ un mois et demi, et je pense que, pour donner suite à la demande qui nous est parvenue, nous devrions aller là-bas.

M. Gary Lunn: Lawrence, j'aimerais répondre.

Le président: Un instant, monsieur Lunn. Je suis désolé, nous avons été trop vite, nous avons des témoins et je pense que nous ne devrions pas nous lancer dans...

M. Gary Lunn: Je pense que nous devrions le faire.

Le président: Si vous voulez contester ma décision...

M. Gary Lunn: Je tiens à répondre. Ce n'est pas M. Lunn qui empêche le comité de faire le voyage, point.

Le président: Monsieur Lunn, cela suffit.

M. Gary Lunn: Lawrence le sait très bien. Je lui ai dit que c'était de la foutaise.

Le président: Notre témoin suivant est M. Lavigne.

M. Gary Lunn: C'est le président, et j'ai été vraiment très raisonnable. Vous tenez à ce que je m'énerve pour que ce comité n'aille nulle part.

M. Lawrence O'Brien: Tout ce que je veux, c'est que vous alliez au Labrador.

M. Gary Lunn: J'ai fait tout mon possible pour coopérer avec le comité et avec le président. M. Easter le sait et vous le savez vous-même, Lawrence. Je le sais également, et ce n'est pas à cause de moi que nous ne voyageons pas.

Le président: Quoi qu'il en soit, nous allons passer au sujet suivant.

Nancy, nous reviendrons sur ce sujet plus tard, je ne veux pas me lancer dans toutes sortes de détails administratifs. J'avais cru que le projet de loi était plus urgent.

Monsieur Lavigne, vous voulez vous installer au bout de la table?

M. David Lavigne (président, International Marine Mammal Association): En fait, monsieur le président, je pourrais plus facilement commenter mes diapositives si je m'assois ici.

Le président: Si vous pensez que c'est plus facile, nous n'y voyons pas d'inconvénients. Je pensais que cette place-là serait plus confortable.

M. David Lavigne: Non, c'est exprès que je me suis assis ici.

Le président: Très bien. Je vous remercie, et je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Encore une fois, si vous pouviez limiter votre exposé à une quinzaine de minutes, nous pourrons ensuite vous poser des questions. Merci.

M. David Lavigne: Merci, monsieur le président, membres du Comité des pêches.

Je vous ai apporté un exemplaire de mon mémoire en anglais et en français. Si vous n'en avez pas un exemplaire, il y en a plusieurs qui circulent. Au lieu de lire le mémoire, j'aimerais commenter les diapositives.

Mais auparavant, j'aimerais m'associer à ce qu'ont dit mes collègues plus tôt, et répéter que les rapports entre les phoques et les pêches sont une question d'une grande complexité scientifique où il reste encore beaucoup d'incertitude. Or, c'est cette incertitude qui est à l'origine d'une grande partie de la controverse.

J'aimerais dire également, et cela sera confirmé par mon exposé, que les scientifiques s'entendent davantage sur la question que ne le portent à croire les journaux canadiens. Nous ne sommes pas d'accord sur tous les points, mais nous sommes d'accord sur beaucoup de choses. J'espère que mon exposé fera comprendre cela.

Maintenant, je vais commenter ces diapositives et essayer d'être le plus bref possible.

• 1105

J'ai apporté une carte qui montre la répartition des phoques du Groenland car je pensais que cela pourrait vous être utile. Si vous pouvez suivre cette flèche rouge, la population de phoques du Groenland qui nous intéresse se trouve dans le nord-ouest de l'Atlantique, le long de la côte est du Canada. Dans l'Arctique, ces phoques vivent entre la côte ouest du Groenland et l'est de la région arctique canadienne. Cette carte est assez récente; nous venons de la réviser. Elle aura son utilité pour notre discussion de ce matin. Vous y voyez que les phoques du Groenland atteignent maintenant le nord-est des États-Unis.

En effet, depuis quelques années, la répartition des phoques du Groenland a changé. Depuis 10 ans, les phoques du Groenland, et d'autres espèces de phoques, y compris les phoques à capuchon et les phoques annelés, et plusieurs autres organismes marins, descendent beaucoup plus au sud que par le passé. Ce changement dans la répartition des espèces peut se produire sans que l'importance des populations ne change. C'est une troisième hypothèse qui vient s'ajouter à la discussion que vous avez eue ce matin.

Quelles sortes de facteurs peuvent provoquer un tel changement dans la répartition des espèces? Les chercheurs ont suggéré que des changements des courants marins et des températures marines pouvaient en être responsables.

Les phoques du Groenland passent les mois d'été au nord, au large du Groenland et dans l'archipel canadien à l'est de l'Arctique. À l'automne, il y a une migration vers le sud le long de la côte du Labrador et de Terre-Neuve. Évidemment, c'est là que les petits naissent plus tard, dans le golfe du Saint-Laurent près des Îles-de-la-Madeleine et au large des côtes de Terre-Neuve et du Labrador.

Évidemment, c'est à ce moment-là de l'année que les populations de phoques et de morues occupent le même territoire. Je parle bien sûr de la morue de l'Atlantique qui vit dans ces eaux méridionales. Bien entendu, c'est ce qui provoque la controverse dont nous avons déjà beaucoup entendu parler ce matin, cette concurrence potentielle.

Comme vous le savez, c'est en mars et en avril qu'on chasse les phoques du Groenland dans le golfe du Saint-Laurent au large des côtes de Terre-Neuve et du Labrador. Comme on vous l'a déjà dit, la chasse est permanente, mais lorsque les phoques remontent vers le nord, on continue à les chasser pendant l'été dans les eaux à l'ouest du Groenland. C'est de cette chasse-là que M. Stenson vous parlait, vous disant qu'elle avait beaucoup augmenté depuis quelques années. Les Autochtones canadiens chassent également le phoque dans la région est de l'Arctique. C'est donc une espèce qui est chassée virtuellement d'un bout à l'autre de l'année.

J'aimerais parler de deux aspects scientifiques particulièrement importants. En fait, on a déjà abordé ces questions ce matin. Premièrement, est-ce que la chasse au phoque du Groenland pratiquée au Canada est une chasse durable, conforme à la démarche de gestion prudente prévue par la Loi sur les océans du Canada? Deuxièmement, est-ce que les données scientifiques justifient qu'on élimine des phoques de façon contrôlée pour favoriser les pêcheries?

Avant d'aborder ces deux questions, je signale qu'on peut chercher les réponses à ces questions dans toutes sortes de données scientifiques. Je vous donne ici une liste de cinq sources de données qui vont de données scientifiques confirmées par des pairs—il s'agit des articles scientifiques, en fait—à ce qu'on appelle «la documentation parallèle», qui comprend un certain nombre de publications du gouvernement et d'organismes non gouvernementaux, des documents qui, parfois, ont été révisés par des collègues, mais qui n'ont pas été soumis à un examen indépendant des pairs et n'ont pas non plus été publiés dans les principaux journaux scientifiques. Évidemment, il y a également les rapports de réunions scientifiques qui, d'ordinaire, exposent l'opinion d'un petit nombre de chercheurs qui étaient présents à ces réunions. Quatrièmement, il y a les rapports non publiés qui n'ont pas été examinés par des pairs et enfin, cinquièmement, les données anecdotiques.

Les rapports non publiés et les données anecdotiques ne font pas vraiment partie de la littérature scientifique. La source la plus importante d'information, ce sont les articles révisés par des pairs. À titre d'exemple, je signale que le relevé de la population de phoques du Groenland effectué par le gouvernement en 1990 a été publié dans les journaux révisés par des pairs. Mon article dont il a été question ici ce matin, et qui a provoqué une certaine controverse tout à l'heure, a été publié dans un journal scientifique.

• 1110

Parmi la «documentation parallèle», il y a les résultats du relevé sur les phoques du Groenland effectué en 1994, et c'est d'ailleurs le modèle de gestion, ou modèle de population, qu'on utilise depuis quelques années pour le phoque du Groenland.

Il y a un rapport de réunion important qui pourrait vous intéresser; il s'agit d'une réunion qui a eu lieu à Terre-Neuve en février 1997. Il s'agissait spécifiquement des interactions entre le phoque du Groenland et les pêches. Parmi les rapports non publiés, vous avez par exemple le rapport de M. Winters, dont la presse a également beaucoup parlé au cours des dernières semaines.

Lorsque les chercheurs se penchent sur ces diverses sources d'information, ils sont de plus en plus sceptiques lorsqu'ils avancent de la première à la quatrième catégorie. Les données anecdotiques n'ont pas vraiment leur place dans la recherche scientifique, mais elles peuvent parfois donner naissance à de nouvelles hypothèses qui peuvent être ensuite étudiées par les chercheurs.

Ayant brossé cette toile de fond, je vais maintenant m'intéresser à la question de savoir si la chasse au phoque au Canada est bien conforme à la politique du gouvernement, par exemple à la démarche de la prudence, et me demander si le plan de gestion donne vraiment les résultats recherchés, c'est-à-dire une population stable.

D'après le modèle qui sert à la gestion depuis quelques années, et on vous en a déjà parlé ce matin, la population de phoques devait être d'environ 4,8 millions d'individus en 1994. Évidemment, cette évaluation était loin d'être certaine, et dans la réalité, elle pouvait aller de 3,4 millions à quelque chose comme 5 millions d'individus.

À l'époque, on pensait que la population augmentait au rythme de 5 p. 100 par année. Sur cette base, le gouvernement avait calculé que le rendement de remplacement—le nombre de phoques qu'on pouvait supprimer sans faire baisser la population totale—était de l'ordre de 286 700. Évidemment, cette évaluation n'est pas sûre non plus. D'après l'étude effectuée à l'époque, c'était de l'ordre de 170 000 à 300 000 bêtes. C'est sur la base de ce modèle qu'il y a deux ans on a fixé le total admissible des captures (TAC) à 275 000, c'est-à-dire en dessous du rendement de remplacement. Évidemment, c'est toujours le TPA aujourd'hui.

Vous avez vu cette diapositive tout à l'heure; ce sont les mêmes données. Il s'agit des débarquements, les prises déclarées au Canada pour chacune de ces années. Mon graphique commence en 1971, la première année de gestion des quotas, et il va jusqu'en 1999.

La première chose à noter, bien sûr, et on l'a signalé tout à l'heure, c'est que depuis trois ans les prises sont considérables comparées à ce qu'elles étaient au cours des 10 années précédentes. Ce matin, nous avons entendu plusieurs hypothèses expliquant cette augmentation, mais à mon avis, il y en a une qui a été oubliée. En 1995, M. Tobin, qui était alors ministre des Pêches, avait annoncé de nouvelles subventions pour la chasse au phoque. Il y a également une troisième, ou plutôt quatrième hypothèse qui pourrait expliquer l'augmentation des prises, c'est le fait que depuis quelques années la chasse est lourdement subventionnée.

Autre chose à noter, le fait est que le total admissible des captures de 275 000 est le total admissible le plus élevé qu'on ait vu depuis l'introduction de la gestion des quotas en 1971. Il faut noter également, et on l'a déjà dit plus tôt, que l'année dernière les prises ont dépassé le total admissible.

Les données sur ce graphique représentent les prises au Canada. En fait, il s'agit des prises au large de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent. Bien sûr, on pratique également la chasse au phoque au Groenland. Dans ce graphique, je résume le total des débarquements au Canada et au Groenland. Comme M. Stenson l'a fait tout à l'heure, j'ai dû évaluer les débarquements au Groenland pour 1997 et 1998 car nous n'avons pas reçu ces données- là. Mes évaluations sont un peu en dessous de celles que M. Stenson vous a données tout à l'heure.

• 1115

Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que si vous ajoutez aux débarquements du Canada les débarquements du Groenland, au total, les débarquements au cours de ces trois dernières années dépassent le rendement de remplacement de 286 700. En fait, ils dépassent la limite la plus élevée du remplacement, qui est de 300 000.

Par conséquent, si le modèle de gestion du gouvernement était juste et si l'estimation du rendement de remplacement était correcte, ces chiffres nous forceraient à conclure que la population devrait être en train de diminuer, à la suite des chasses des trois dernières années. En fait, si vous regardez de près le graphique de M. Stenson, que je vous ai montré plus tôt, vous constaterez que la population a diminué légèrement au cours des trois dernières années.

Toutefois, les prises ne représentent pas le nombre total d'animaux tués. À la suite d'un atelier qui s'est tenu à St. John's en 1997, j'ai voulu évaluer le nombre total d'animaux tués lors de la chasse au phoque au Canada et au Groenland, et c'est ce que ce tableau-ci vous montre. Ce sont les mêmes chiffres que vous avez pu voir dans le graphique précédent. Les chiffres bleu-vert du haut représentent le chiffre estimatif le plus faible et le plus élevé du nombre supplémentaire d'animaux tués afin de pouvoir débarquer le nombre signalé de phoques qui paraît dans les statistiques de prises. Ce sont là les chiffres estimatifs que vous trouvez dans mon document.

Dans ce document, j'ai signalé que ce qui sautait aux yeux, c'est que nous avions besoin de préciser nos chiffres sur le nombre de phoques atteints et perdus, et d'ailleurs M. Stenson a signalé qu'il existait maintenant de nouvelles données. Il se trouve que certaines de ces nouvelles données pourraient avoir pour conséquence de faire fléchir légèrement certains de ces chiffres, mais sans pour autant faire changer la conclusion qui se trouve sur cette diapositive-ci.

La diapositive précédente expliquait que le nombre de captures dépassait le rendement de remplacement, et j'en avais donc conclu que la population diminuait. En réalité, nous n'avons pas fait de calculs au Canada nous permettant de faire la comparaison avec le nombre total des prélèvements d'une population et de déterminer quelle incidence ce prélèvement total pourrait avoir sur l'ensemble de la population. Je me suis donc tourné vers un document récent publié par le gouvernement américain, dans lequel on calcule le nombre d'animaux qui pourraient être prélevés dans la population de façon à ce que sa taille soit maintenue à la moitié de sa taille originale ou plus. Aux États-Unis, cette façon de faire est entérinée par la loi, et le nombre calculé s'appelle le prélèvement biologique potentiel.

Pour la population actuelle de phoques du Groenland, le prélèvement biologique potentiel est évalué à 288 000 bêtes. Or, ce graphique démontre que les débarquements au Canada, qui sont représentés par la barre du bas, ont dépassé le nombre de phoques que la loi vous aurait permis de chasser aux États-Unis, et ce, en dépit du fait que l'objectif de gestion des Américains est moins prudent que l'objectif que s'est fixé officiellement le Canada pour maintenir sa population de phoques du Groenland. Si vous y ajoutez les animaux qui sont atteints et perdus, ces chiffres laissent entendre que nous tuons de 1,3 à 1,9 fois plus de phoques que ne le permettrait un modèle de gestion véritablement prudente, tel que celui que suivraient les Américains s'ils devaient gérer la chasse au phoque.

J'ajoute que, dans la foulée de cette étude, nous avons fait des calculs plus détaillés sur le prélèvement biologique potentiel, mais je ne vous en donnerai pas les résultats puisqu'ils sont actuellement soumis à l'étude d'une revue scientifique. Mais le document sera rendu public lorsque nos résultats auront été approuvés.

Si vous croyez que je suis pessimiste lorsque j'affirme que nous tuons de 1,3 à 1,9 fois plus d'animaux que nous le devrions, vous verrez que les calculs qui suivent brossent un tableau encore plus noir de la situation.

On peut donc conclure que les deux méthodes d'évaluation différentes, celle des débarquements et celle du total des prélèvements, en arrivent toutes deux à la même conclusion générale, à savoir que nous prélevons plus de phoques du Groenland que sa population actuelle peut en soutenir.

• 1120

On me demande souvent quelles seraient les conséquences si on devait calculer au Canada un total admissible des captures en se fondant sur le prélèvement biologique potentiel. Voici une façon de faire le calcul. Le PBP est de 288 000. J'ai estimé à 75 000 environ les débarquements actuellement non réglementés au Groenland, mais je crois que M. Stenson les a fixés pour sa part à 80 000. Soustrayons de ce chiffre le nombre d'animaux atteints et perdus lors de la chasse au Groenland, en sachant que pour chaque animal débarqué, on peut en compter généralement un qui est atteint et perdu: vous devez donc soustraire 75 000 phoques de plus.

On nous dit que l'on pêche accidentellement des phoques du Groenland lors de la pêche à la lompe, et que le ministre des Pêches de Terre-Neuve estime ce nombre à environ 25 000 au minimum. On estime à environ 325 000 le nombre de phoques du Groenland pris accidentellement dans les eaux américaines. Nous ne connaissons pas le nombre de prises accidentelles de phoques du Groenland dans les autres pêches, et nous ne savons pas non plus combien d'animaux font l'objet d'écrémage, même si le ministère des Pêches et des Océans a admis qu'il se fait un certain rejet sélectif, c'est-à-dire de la prise sélective de phoques.

Une fois que vous avez soustrait toutes ces prises non contrôlables du PBP, cela laisse au Canada 112 000 phoques. Mais le Canada ne récupère pas non plus tous les phoques, puisque certains sont atteints et perdus. Si vous incorporez toutes ces données au calcul du total admissible des captures, en suivant cette méthode, vous pourriez obtenir un chiffre se situant entre 80 000 et 101 000 animaux, ce qui est bien en deçà du TAC de 275 000 actuellement fixé.

Que puis-je donc conclure de cette première partie? Je conclus que les chasses aux phoques du Groenland menées au cours des trois dernières années n'atteignent pas l'objectif de gestion du gouvernement, c'est-à-dire le maintien d'une population stable. Par conséquent, la population de phoques du Groenland est vraisemblablement en déclin. J'aimerais également rajouter que l'approche du gouvernement en matière de gestion du phoque du Groenland n'est pas conforme à sa politique officielle préconisant une approche prudente, comme le prévoit d'ailleurs la Loi sur les océans. Par conséquent, j'irais jusqu'à affirmer que notre gestion des phoques du Groenland est risquée.

En second lieu, j'aimerais ce matin...

Le président: Un petit avertissement: le temps qui vous était imparti est presque écoulé. J'espérais que vous puissiez conclure dans les cinq prochaines minutes.

M. David Lavigne: D'accord. Les preuves scientifiques supportent-elles les revendications selon lesquelles les phoques du Groenland doivent être éliminés de façon sélective, soi-disant au profit des stocks de morues et donc de l'industrie de la pêche à la morue? On s'est beaucoup interrogé sur ce que mangeaient les phoques du Groenland. Je pense qu'on sait très bien ce qu'ils mangent. Au moins 23 études ont été effectuées sur la question entre 1941 et 1997. On a examiné le contenu stomacal de plus de 12 000 phoques. Dans ces estomacs, on a compté 67 espèces de poissons et 70 espèces d'invertébrés. Nous avons déjà signalé que la diète du phoque varie selon son âge, selon la saison, selon l'année et selon le lieu où il se trouve. On a également signalé ce matin que la proie privilégiée du phoque était le capelan et la morue arctique. Et je précise, de plus, que les phoques du Groenland aiment la morue franche, même si elle représente moins de 5 p. 100 en poids de sa diète annuelle. On nous a parlé plus tôt d'un pourcentage encore plus faible.

Dans le cadre de la discussion de ce matin, mais au risque de gâcher votre déjeuner, j'aimerais vous donner un exemple du contenu stomacal d'un phoque du Groenland. Comme le signalait M. Stenson, les estomacs des phoques du Groenland ne sont pas tous vides. Si vous examinez l'estomac d'un phoque du Groenland peu après son repas, vous y trouverez du poisson et des invertébrés. Je ne connais pas d'étude publiée qui ait signalé la présence de foies dans le contenu stomacal des 12 000 phoques qui ont été étudiés. D'ailleurs, les études qui se sont penchées de façon spécifique sur la morue ont signalé que les estomacs des animaux étaient remplis de morues de taille relativement petite, empilées côte-à-côte comme des sardines dans une boîte. N'oubliez pas que les phoques ont tendance à avaler d'un seul morceau leur proie.

• 1125

Quant à savoir si les phoques du Groenland sont à l'origine de l'effondrement des stocks de morues, nous trouvons une réponse dans la littérature scientifique et chez deux anciens scientifiques du ministère des Pêches et des Océans qui enseignent maintenant à l'université Dalhousie. Ils concluent en effet que l'effondrement des stocks de morue du Nord est dû uniquement à la surpêche.

Les phoques du Groenland empêchent-ils le rétablissement des stocks de morues? Toutes les recherches scientifiques destinées à établir un lien entre la prédation par les phoques et la diminution des stocks de poisson de fond au Canada ont échoué. C'est d'ailleurs ce que concluaient 97 scientifiques qui ont signé une pétition en 1995. À ce jour, aucune étude scientifique ne conclut que les phoques du Groenland empêchent le rétablissement des stocks de morue du Nord ou le rétablissement de quelque autre stock de morue.

Très brièvement, pour expliquer pourquoi c'est à mon avis une idée fausse, ceux qui pensent de façon simpliste que les phoques mangent de la morue et que par conséquent, moins de phoques signifie davantage de morues pour les pêcheurs recourent implicitement à ce modèle: les phoques mangent de la morue; moins de phoques, plus de morues pour les pêcheurs. Il faut toutefois augmenter d'un cran la complexité de ce modèle. Si les phoques mangent les prédateurs d'une espèce commerciale importante et qu'on réduit la population de phoques, celle des autres prédateurs augmentera et celle de l'espèce ciblée diminuera.

Il manque un élément d'information important à ce moment-ci: nous n'en savons pas suffisamment sur les autres prédateurs de la morue, mis à part les phoques, comme les pieuvres, les raies, etc. Nous devons en savoir davantage sur les autres prédateurs de la morue et je suis ravi de constater que le gouvernement l'a reconnu dans son plan de gestion de 1999.

Depuis des années, on demande aux scientifiques quels seraient les effets d'un abattage sélectif des phoques sur les stocks de poisson, ou quel serait l'effet d'une augmentation de la population de phoques sur les stocks de poissons. Je vais rapidement vous présenter trois réponses. La première date de 1981:

    Les effets [d'une augmentation ou d'une diminution de la population de phoques du Groenland dans le nord-ouest de l'Atlantique [...] sur les poissons et les stocks d'invertébrés exploités et leur rendement] sont inconnus.

Le scientifique W.D. Bowen, du gouvernement canadien, a déclaré dix ans plus tard: «En vérité, nous ne savons pas quelles seraient les conséquences d'un changement dans le nombre de phoques pour la pêche commerciale».

À une rencontre internationale à St. John's, en 1997, on concluait:

    Il n'est pas possible pour l'instant de prédire les effets d'une augmentation ou d'une diminution de la taille de la population des phoques du Groenland sur les autres composantes de l'écosystème, y compris sur les populations de poissons exploités commercialement ou sur le rendement.

C'est la conclusion du milieu scientifique. S'il est frustrant pour les politiciens que ce soit là le mieux que nous puissions faire, il est aussi frustrant pour les scientifiques de ne pas pouvoir faire mieux. Mais j'ai une explication toute simple au sujet de la difficulté que nous avons à répondre à cette question. Il s'agit du tableau que j'ai annexé sur la chaîne alimentaire simplifiée du nord-ouest de l'Atlantique.

Quand on demande un abattage sélectif des phoques du Groenland, on semble croire qu'on peut supprimer un petit élément, le faire disparaître et pouvoir présumer du résultat sur les autres éléments de ce tableau. Le monde est tout simplement beaucoup plus compliqué que cela. Comme le disait feu mon collègue le professeur Deane Renouf de l'université Memorial, en mars 1992:

    Comprenons bien ceci: nous n'en savons pas assez pour procéder à un abattage sélectif [...] je suis convaincu qu'une telle entreprise, sans l'information juste, serait mortelle.

On pourrait dire la même chose aujourd'hui, et je crois même que quelqu'un est venu près de le dire plus tôt aujourd'hui.

Je suis aussi venu vous dire, vous les membres du Comité des pêches, qu'on ne cessera jamais de demander un abattage sélectif des phoques. J'ai aussi travaillé sur les phoques moines de la Méditerranée. Actuellement, il reste 500 phoques moines de la Méditerranée dans le monde, dont 350 dans la Méditerranée. Les pêcheurs de la Méditerranée tuent les phoques moines parce qu'ils croient qu'ils mangent tous leurs poissons. On ne cessera pas de sitôt de réclamer un abattage sélectif des phoques et c'est pourquoi il serait avisé de suivre la voie de la science pour essayer de connaître la vraie réponse à la question.

Pour citer un autre de mes collègues, de l'université Memorial à Terre-Neuve, M. Bill Montevecchi, qui a été rédacteur de cette publication du gouvernement canadien:

    Il n'existe aucune preuve scientifique démontrant que l'élimination de grands prédateurs marins ait jamais profité à la pêche commerciale [...]

• 1130

En terminant, les chasses aux phoques des trois dernières années ont certainement réduit la population de phoques du Groenland. La dernière fois que les débarquements ont été, en moyenne, aussi élevés qu'au cours des trois dernières années—soit entre 1950 et 1970—la population de phoques a diminué de 50 p. 100 ou plus, comme vous l'a dit plus tôt M. Stenson. Dans ce contexte, la chasse au phoque du Groenland comme on la mène actuellement pourrait déjà, et c'est le cas, être considérée par certains scientifiques comme un abattage sélectif.

Enfin, rien ne prouve scientifiquement qu'une élimination sélective soit avantageuse pour la pêche commerciale. En fait, elle pourrait même lui nuire.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Lavigne.

Pour commencer, nos excuses. Je ne vous ai pas bien présenté au début; nous avions quelques préoccupations d'ordre administratif. Mais vous êtes président de la International Marine Mammal Association. Vous pourriez peut-être nous expliquer de quoi il s'agit.

M. David Lavigne: Certainement. La International Marine Mammal Association est un organisme à but non lucratif créé au Nouveau- Brunswick en 1974. Elle a ouvert un bureau à Guelph en 1990 et depuis deux ou trois ans, j'en suis le directeur exécutif à temps plein. Pendant les 23 années précédentes, j'ai enseigné à l'Université de Guelph. J'ai quitté ce poste en 1996, mais je suis toujours professeur associé à l'Université de Guelph.

Le président: Cet organisme est-il financé par les universités?

M. David Lavigne: Non, il n'a rien à voir avec l'Université de Guelph. Comme on le dit dans les documents que je vous ai présentés, notre association est surtout financée par le Fonds international pour la protection des animaux, dont nous sommes toutefois indépendants.

Le président: Monsieur Lunn, du Parti réformiste.

M. Gary Lunn: Avant de commencer, puisque nous en sommes aux présentations, j'aimerais signaler la présence d'une personne très honorable, de retour au comité. Souhaitons la bienvenue à M. Baker, un heureux ajout. On ne l'a pas présenté et je suis convaincu que tous mes collègues diront comme moi que nous sommes ravis que George soit de retour.

Cela étant dit—et je suis censé m'adresser à la Chambre sous peu—je vais partager mon temps avec M. Baker, un député de Terre- Neuve. Pourriez-vous me signaler que mes cinq minutes sont écoulées; je m'interromprai alors. Accordez mes cinq minutes restantes et les autres cinq minutes du Parti réformiste à M. Baker.

Le président: Je ne sais pas si cela est conforme aux règles de fonctionnement du comité, mais si les autres membres sont d'accord, je n'ai pas d'objection. Je ne voudrais toutefois pas qu'on croie que M. Baker va passer aux réformistes.

M. Gary Lunn: Ce n'est pas du tout ce que je veux laisser entendre. Puisque M. Baker est de Terre-Neuve, il a beaucoup à contribuer par sa participation à la discussion. C'est là ma seule intention. Je ne veux rien laisser entendre d'autre.

Je vais terminer en posant une question, mais j'aimerais d'abord faire une déclaration à M. Lavigne. Ni le Parti réformiste ni moi-même—ni non plus personne à cette table, je crois—n'avons jamais proposé un abattage sélectif des phoques. Dans votre exposé, vous utilisez ce mot constamment. Je n'y crois pas, pas plus que bien du monde, à mon avis.

J'estime qu'il doit y avoir une population durable. Dans le Canada atlantique, au cours des cinq ou six dernières années, nous avons donné deux milliards de dollars des contribuables aux pêcheurs, pour qu'ils restent à la maison, à regarder les phoques manger leur poisson. Des données scientifiques abondantes démontrent que cette population connaît une explosion incontrôlée—laissez-moi terminer, vous aurez une minute pour répondre. Nous disons, et c'est ce que je propose aussi, qu'il doit y avoir un plan sur trois ou quatre ans pour atteindre une population durable. Je sais que vous pensez qu'il nous faut la réduire de moitié pour que ce soit durable. Il nous faut aussi supprimer les barrières commerciales à l'exportation de produits dérivés du phoque. C'est tout ce que nous disons. Nous ne faisons rien d'autre.

Mais ma question pour vous est toute simple. Je ne vais pas m'étendre trop longtemps puisque je veux laisser du temps à M. Baker. Je considère que votre exposé est très biaisé et du point de vue scientifique, je n'en reviens pas. Que faudrait-il pour que vous donniez vraiment votre appui au prélèvement actuel des phoques? Y a-t-il quoi que ce soit qui pourrait vous convaincre que cette population est incontrôlée et qu'il nous faut augmenter le nombre de phoques que nous prélevons pour garantir un niveau durable?

• 1135

M. David Lavigne: Si des données scientifiques prouvent que cette population est hors de contrôle, elles ne vous ont pas été fournies par le MPO ce matin, ni par moi. Si vous avez ces données, je serais ravi de les examiner. Mais ce n'est pas ce que disent les recherches, je suis désolé.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Monsieur Baker.

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Monsieur le président, pour commencer...

Le président: Monsieur Lavigne, vous ne connaissez peut-être pas M. Baker. À titre de président de notre comité, il a dirigé une étude très exhaustive sur la pêche, presque partout au Canada. Et comme il est de Terre-Neuve, il a bien entendu beaucoup d'expérience dans tous les domaines qui se rapportent aux pêches.

Monsieur Baker.

M. George Baker: Merci, monsieur le président. Bien entendu, j'ai lu beaucoup des publications de M. Lavigne.

Pour commencer, monsieur le président, je veux apporter une correction. Le ministère, qui était ici ce matin, a fourni des renseignements erronés à M. O'Brien. M. O'Brien a tout à fait raison, monsieur le président. Pour ce qui est des dos bleus, les règlements sur les mammifères marins comportent une exception, pour la vente, le commerce et l'échange de dos bleus. Cette exception se rapporte aux bénéficiaires de la loi, d'après les règlements. Les bénéficiaires sont définis comme les personnes visées par la Convention de la baie James et du Nord québécois, comme le signalait M. O'Brien. On trouve cela dans les règlements, monsieur O'Brien. Vous avez tout à fait raison. Et vous avez aussi raison quand vous dites que les Autochtones de votre circonscription font l'objet de discrimination à ce sujet, et qu'il faut modifier les règlements.

Maintenant, monsieur Lavigne, pour ce qui est des conclusions scientifiques, pour commencer, je me demande si vous avez lu le livre The Christmas Seal, de Skipper Peter Troake, de Twillingate, où il décrit des banquises couvertes d'arêtes et de têtes de morue, s'étendant sur des milles. Bien entendu, il s'agit de l'époque de l'année où les glaces descendent.

Par conséquent, quand vous montrez une diapositive en disant qu'il s'agit du contenu de l'estomac d'une morue autant que de celui d'un phoque... Vous voyez les choses assez différemment, il est vrai. Vous dites que c'est ce qu'on trouve dans l'estomac des phoques, puis vous dites que c'est exactement ce que mangent les morues. Eh bien, c'est justement cela qu'ils voulaient dire. Si le phoque mange l'estomac de la morue, c'est exactement ce qu'on devrait voir.

Ce n'est donc pas toujours ce qu'on constate. C'est pourquoi notre comité a recommandé une séance publique avec des scientifiques et des pêcheurs, pour savoir qui dit la vérité. Bien entendu, nous croyons que ce sont les pêcheurs qui disent la vérité.

Je vais vous poser une question. Pour commencer, monsieur Lavigne, êtes-vous en faveur d'une chasse au phoque durable?

M. David Lavigne: Si je suis en faveur? Le gouvernement fixe l'objectif et je dois évaluer si, à mon avis, les propres données du gouvernement montrent qu'on a atteint l'objectif.

M. George Baker: Je vous pose une question simple, monsieur. Êtes-vous en faveur?

M. David Lavigne: Est-ce que vous me demandez: s'il doit y avoir une chasse au phoque, doit-elle être durable? Oui.

M. George Baker: Non. Êtes-vous en faveur d'une chasse au phoque durable, si vous avez toute l'information?

M. David Lavigne: S'il doit y avoir une chasse, elle doit être durable, mais il faut encore définir ce qu'on entend par durable.

M. George Baker: Vous êtes donc en faveur d'une chasse durable. Vous êtes d'accord avec la World Wildlife Federation, l'organisation de conservation des Nations Unies, et avec l'Union mondiale pour la nature.

M. David Lavigne: Oui, je suis d'ailleurs membre du groupe de spécialistes des phoques de l'Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources. Je suis membre du Comité consultatif scientifique du PNUE.

M. George Baker: Et vous êtes en faveur de la stratégie—la stratégie mondiale.

M. David Lavigne: La Stratégie mondiale de la conservation? Elle a évidemment été réécrite quelques années après. J'ai de graves réserves face à la promotion de la chasse commerciale de la faune, parce que nous avons appris il y a 100 ans dans ce pays que l'exploitation commerciale pose souvent des problèmes pour la faune. Je suis donc en effet d'accord, mais avec cette réserve.

• 1140

M. George Baker: Vous n'êtes donc pas d'accord à cet égard avec le Fonds international pour la protection des animaux (FIPA)?

M. David Lavigne: Dans quel sens?

M. George Baker: Pour ce qui est d'accepter une chasse durable.

M. David Lavigne: Je ne suis pas certain de la façon dont on répondrait à cette question, mais si l'on doit permettre la chasse, il faudrait en effet que ce soit une chasse durable.

M. George Baker: Bien. Permettez-moi de vous poser la question suivante. C'est la principale question que je voulais poser, monsieur le président. Si j'ai bien compris la plupart de vos documents, un phoque du Groenland est jaune lorsqu'il naît et le reste pendant environ trois jours, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il pleuve ou que le soleil le blanchisse.

M. David Lavigne: En effet.

M. George Baker: Ensuite, il y a une période pendant laquelle le phoque est gris. Autrement dit, on peut voir les tâches noires sur fond gris. Après être devenu gris, il devient un guenillou. Après être devenu un guenillou, il devient un brasseur.

M. David Lavigne: C'est exact.

M. George Baker: Il devient ensuite un bedlamer, après environ 14 mois.

M. David Lavigne: En effet.

M. George Baker: Permettez-moi de vous poser encore une question. Êtes-vous d'accord pour qu'on permette une chasse durable des brasseurs et des bedlamers?

M. David Lavigne: Oui. Je n'ai pas apporté de précision dans ma réponse. De fait, sur les animaux abattus actuellement pendant la chasse, de 75 p. 100 à 80 p. 100 sont des jeunes de moins d'un an.

M. George Baker: Vous êtes donc d'accord pour qu'on permette la chasse au brasseur et au bedlamer. Bien. Si vous êtes d'accord pour qu'on permette la chasse au brasseur, je vous demanderais—et c'est là ma principale question, qui explique mes questions précédentes—si vous seriez par conséquent d'accord pour qu'on abatte des dos bleus, après le 10 avril, disons? D'après vos documents, les dos bleus naissent tous en même temps, à peu près—soit pendant une période de deux à trois semaines allant jusqu'au 17 ou au 18 mars. Vers le 8 avril—la saison commençait cette année le 10 avril—convenez-vous que si le ministère des Pêches et des Océans faisait preuve de logique, il permettrait l'abattage des dos bleus après le 10 avril ou le 15 avril, par exemple?

M. David Lavigne: Cette question n'est pas vraiment de nature scientifique, mais je peux y répondre. Comme la Commission royale l'a signalé en 1986 ou en 1987, le problème vient du fait qu'au Canada les gens ne voulaient pas que les chasseurs tuent des blanchons et des dos bleus, des phoques du Groenland nouveau-nés et des phoques à capuchon. Et c'est la Commission royale qui a recommandé qu'on mette fin à la chasse aux blanchons et aux dos bleus. La décision était fondée sur... Je veux dire qu'il faut reconnaître que toutes les décisions ne sont pas...

De fait, les données scientifiques ont vraiment très peu d'importance dans les décisions que des gens comme vous prennent. Les valeurs et les attitudes de la société ont une bien plus grande importance. Du point de vue biologique, l'abattage des nouveau-nés pourrait avoir du bon sens, mais du point de vue des relations publiques, cela n'a pas de bon sens du tout, d'après la Commission royale.

M. George Baker: Mais vous conviendriez cependant qu'après le 10 avril ou le 15 avril, il serait raisonnable de pouvoir abattre un dos bleu, étant donné qu'on a le droit d'abattre un bedlamer—je suis désolé, on a plutôt le droit d'abattre un brasseur...

M. David Lavigne: Un brasseur, en effet.

M. George Baker: ...de l'espèce des phoques du Groenland. Nous parlons maintenant des phoques à capuchon.

M. David Lavigne: Oui, je sais.

M. George Baker: Vous comprenez donc le sens de ma question. Êtes-vous d'accord, oui ou non?

M. David Lavigne: Non, parce qu'il y a un problème avec les dos bleus.

M. George Baker: Pourquoi?

M. David Lavigne: Voyez-vous, on peut essentiellement dire quand un phoque du Groenland est sevré. Tout cela ressort de la recommandation de la Commission royale. On ne peut pas faire la différence entre un dos bleu encore en période d'allaitement, et un autre qui est sevré. Il y a donc beaucoup de...

M. George Baker: La période d'allaitement dure seulement quatre jours environ.

M. David Lavigne: C'est exact.

M. George Baker: Eh bien, je parle d'une période d'environ trois semaines.

Le président: Je suis désolé, mais votre temps est écoulé et je dois maintenant donner la parole...

M. George Baker: J'ai une autre question à poser.

Le président: Non, nous devons suivre la procédure établie. Si un député réformiste veut lui accorder son deuxième tour, je le permettrai, mais je dois maintenant donner la parole à un député du Bloc.

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Je ne poserai qu'une seule question pour donner plus de temps à mes collègues des Maritimes.

Docteur Lavigne, vous dites deux choses. À la page 11 de votre document en français, vous dites que «la population des phoques est vraisemblablement en déclin» et plus loin, dans vos vos conclusions, vous dites:

    Dans ce sens, la chasse aux phoques du Groenland au Canada correspond peut-être déjà à la définition d'une élimination massive.

• 1145

Comment pouvez-vous prétendre cela alors que le tableau présenté ce matin par Pêches et Océans, quant à la tendance des populations de phoques du Groenland, du nord-ouest de l'Atlantique, montre qu'on est passé d'environ 1,75 million de phoques en 1972 à un peu plus de 5 millions de phoques en 1997, 25 ans plus tard? Comment pouvez-vous dire que la population est en déclin alors que le tableau montre que leur nombre a triplé en 25 ans?

[Traduction]

M. David Lavigne: Oui. Je pense que nous voyons cela en fonction de périodes différentes. Si vous regardez à la fin du graphique du ministère des Pêches et des Océans—je ne l'ai pas sous les yeux—il montre, je pense, qu'au cours des trois dernières années la population se serait stabilisée; je pense qu'il montre en réalité une très faible diminution au cours des trois dernières années. Je veux dire que les chasses effectuées au cours des trois dernières années ont entraîné cette diminution. D'après ce que je peux voir dans l'ébauche de rapport du Comité national d'examen par les pairs des mammifères marins, la population a diminué de 0,5 p. 100 à 2 p. 100 par année au cours des dernières années. C'est ce que les données révèlent pour les trois dernières années. Votre interprétation d'une période précédente est exacte d'après ce graphique, mais je parle des résultats, des effets des chasses effectuées au cours des trois dernières années.

La question est maintenant de savoir si le niveau actuel de captures pourra permettre de conserver la population existante. C'était l'objectif de gestion du gouvernement. Je réponds non, car il semble maintenant que nous ayons dépassé quelque peu le niveau désiré et que la population soit en train de diminuer. J'ai dit qu'on pouvait parler d'élimination sélective, parce que l'objectif d'une telle élimination est de réduire la population, et c'est ce que nous sommes en train de faire, semble-t-il.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Est-ce qu'on ne devrait pas parler de diminution plutôt que de déclin? Est-ce qu'on n'exagère pas beaucoup quand on parle d'élimination massive dans un tel contexte? On voit qu'il y a une baisse sur le graphique, mais parler de déclin et d'élimination massive me semble imprudent sur le plan de la statistique.

[Traduction]

M. David Lavigne: Pour ce qui est du mot «massive»—je ne me souviens pas de ce mot dans la version française, mais il ne figure pas dans la version anglaise originale. On dit que la chasse au phoque du Groenland effectuée au Canada répond déjà peut-être à la définition d'une élimination sélective. Une telle élimination vise à réduire la taille d'une population. Si l'on fixe le total admissible des captures à un niveau qui entraînera l'abattage d'un nombre dépassant le rendement de remplacement, on tente en réalité de réduire la taille d'une population. Dans ce sens, cela devient par conséquent une élimination sélective.

Le président: Merci.

Paul.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je vous remercie de comparaître ce matin, monsieur Lavigne.

Avant de céder mon temps pour poser des questions à mon honorable collègue de Terre-Neuve, qui a trouvé le temps d'être parmi nous ce matin, je tiens à faire une observation. Si le sujet dont nous sommes saisis ce matin n'était pas aussi grave, ce serait probablement amusant. Je trouve que c'est presque un oxymoron que vous soyez appuyé par une organisation indépendante. Vous pourrez peut-être faire un commentaire à ce sujet.

Je cède cependant mon temps de parole à M. Baker. Je pense qu'il a d'autres questions à vous poser.

M. David Lavigne: Il faut des fonds pour pouvoir effectuer des recherches scientifiques. Vous pouvez le comprendre. Et en fin de compte, les recherches scientifiques sont jugées en fonction de la nature des données scientifiques produites, et non en fonction de la provenance du financement. Mais lorsque je me retrouve dans une situation comme celle-ci, cela me rappelle une période au cours des années 70, quand la plus grande partie de mes fonds provenaient du ministère des Pêches et des Océans. J'entendais exactement les mêmes observations. Si mes conclusions ne plaisaient pas à une organisation opposée à la chasse au phoque, ses représentants disaient que j'en étais arrivé à ces conclusions parce que mon financement provenait du ministère. Maintenant, si j'obtiens de l'argent du Fonds international pour la protection des animaux et si certains de mes résultats ne plaisent pas à quelqu'un, on dit que c'est parce que l'argent vient du FIPA.

Il y a cependant quelques mécanismes de vérification quand on fait de la recherche scientifique. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai énuméré les sources d'information. Quand on prépare un document scientifique, si l'on veut que les gens le prennent au sérieux, il faut le soumettre à un examen par les pairs en le publiant dans un journal scientifique. C'est ce que je fais. Je l'ai fait pendant toute ma carrière. Et j'arrive encore à faire publier mes textes.

• 1150

Cela peut vous surprendre, mais le Fonds international pour la protection des animaux a appuyé un certain nombre de scientifiques de calibre international dans le monde et qui ont vu leurs textes publiés dans certaines des revues les plus prestigieuses du monde. Le Fonds a appuyé des travaux de recherche faits par des scientifiques du ministère des Pêches et des Océans. À mon avis, c'est une situation idéale, quand une revue reconnaît l'appui financier du Fonds international pour la protection des animaux et du ministère des Pêches et des Océans. Quand les textes d'une personne sont publiés dans ce genre de revue, de telles critiques semblent disparaître.

En fin de compte, mes travaux scientifiques doivent être jugés par mes pairs, et si les résultats sont publiés dans les grandes revues scientifiques, je suppose que je continue de réussir le test.

Le président: Monsieur Baker, vous allez prendre le tour suivant?

M. George Baker: Merci, monsieur le président.

Monsieur Lavigne, vous avez étudié les chiffres dans tous les sens. Je me souviens d'avoir lu une affirmation dans l'une de vos publications—je pense que c'était vous—selon laquelle on avait abattu environ 18,1 millions de phoques pendant une période relativement brève au XIXe siècle. Vous en souvenez-vous? C'était jusque vers 1860?

M. David Lavigne: Il est certain que la période allant de 1820 à 1860 a été ce que j'ai appelé l'âge d'or de la chasse au phoque, car on pouvait abattre certaines années de 500 000 à 700 000 animaux.

M. George Baker: Chaque année?

M. David Lavigne: Pas chaque année. Certaines années.

M. George Baker: Eh bien, prenons l'année 1832. Terre-Neuve a eu son premier gouvernement en 1832.

M. David Lavigne: Oui.

M. George Baker: Cette année-là, on a abattu 720 000 phoques; en 1833, on en a abattu 650 000; en 1834, on en a abattu 700 000, et ainsi de suite. Et de tels chiffres continuent d'une année à l'autre. On trouve également des chiffres assez semblables pour des périodes du XXe siècle, après la guerre—des périodes où les captures étaient relativement élevées.

M. David Lavigne: C'est exact.

M. George Baker: Comment expliquez-vous qu'un nombre aussi incroyable de captures n'ait pratiquement pas eu d'effet sur les populations de phoques, étant donné bien sûr que nous n'avions aucun moyen de les compter à cette époque, et vous savez qu'on n'a pas dénombré les populations de phoques et qu'on n'a pas fixé de quotas pour la chasse sur la côte avant 1974, environ?

M. David Lavigne: Le total admissible des captures est entré en vigueur en 1971 dans le cas des phoques du Groenland, en 1974 dans le cas...

M. George Baker: Comment expliquez-vous alors ces quantités incroyables de phoques capturés pendant ces années-là?

M. David Lavigne: Bien. Commençons par les années d'après- guerre, parce que c'est plus facile et parce qu'on en a parlé en partie tout à l'heure.

Après la guerre, vous avez raison de le dire, les prises approchaient probablement 500 000 au début des années 50. Entre 1950 et 1970, les captures moyennes étaient très semblables à celles que nous avons connues au cours des trois dernières années. Quelle a été l'incidence sur la population? Eh bien, M. Stenson a répondu à cela tantôt et j'ai moi-même essayé de donner une réponse également, à savoir que la population a baissé de 50 p. 100 ou plus.

Si nous remontons à la période entre 1820 et 1860, alors que les captures dépassaient souvent 500 000 et, si ma mémoire est bonne, je crois même qu'à deux reprises elles dépassaient 700 000, la population a presque certainement diminué. Je pense que c'est très intéressant, parce que comme vous le savez certainement, étant féru d'histoire, l'industrie de la chasse au phoque a connu des changements technologiques énormes vers 1862.

M. George Baker: En effet.

M. David Lavigne: Et avec cette nouvelle technologie, ou en dépit de cette nouvelle technologie, la chasse au phoque n'a jamais pu revenir au niveau des captures faites entre 1820 et 1860.

M. George Baker: Mais, monsieur Lavigne, vous avez dit dans votre document...

M. David Lavigne: Oui.

M. George Baker: ...qu'en étudiant cette période de 44 ans, vous aviez obtenu un total de 18,1 millions de phoques. Vous avez établi la moyenne à plus de 400 000 phoques par année.

M. David Lavigne: En effet.

M. George Baker: Pendant 44 ans.

M. David Lavigne: Et la population a diminué.

M. George Baker: Après 44 ans.

M. David Lavigne: Non, la population a diminué pendant toute cette période.

M. George Baker: Encore une question.

Le président: Je me sens un peu perdu au milieu de tous ces chiffres, monsieur Baker.

M. George Baker: Oui.

Le président: Ça devient de plus en plus confus.

M. George Baker: Oui.

Le président: Il faudrait peut-être être un petit peu plus clair.

M. George Baker: Ce n'est pas nécessaire, monsieur le président. C'est M. Lavigne qui, dans les textes historiques qu'il cite et dans le texte qu'il a lui-même écrit, indique que sur une période de 44 ans la moyenne de phoques chassés commercialement est de 400 000 et cela n'inclut pas tous les phoques chassés au pays. C'est la moyenne au large de Terre-Neuve et dans le Golfe... enfin, pas tant dans le golfe; au large de Terre-Neuve et c'est un chiffre incroyable.

• 1155

La question que je voulais vous poser est la suivante. Ne croyez-vous pas que le gouvernement du Canada, ce gouvernement fédéral, est en première ligne pour la conservation des phoques? Ne convenez-vous pas que nous avons été les premiers à interdire la chasse au phoque dans les aires de reproduction? C'est nous qui avons dit aux Norvégiens et aux Danois, qui possèdent le Groenland: vous devriez faire la même chose. Deux ans plus tard, nous avons imposé un règlement interdisant de tuer des phoques, des phoques adultes, dans des aires de mise bas.

À Terre-Neuve, nous étions en première ligne... Il n'y a que deux choses que les phoques faisaient, ils s'accouplaient et mettaient bas, puis ils disparaissaient. C'est nous qui avons imposé cette loi, le gouvernement canadien, alors que les autres pays n'avaient rien fait. Ne convenez-vous pas que ce gouvernement fédéral a tout fait pour satisfaire les scientifiques qui réclamaient qu'on mette fin à la chasse ou qu'on réduise les nombres autorisés? C'est le gouvernement canadien qui a pris l'initiative en 1964, en 1966, en 1987, avant tous les autres pays.

M. David Lavigne: Si vous me demandez si je considère que le Canada est à l'avant-garde en matière de gestion des mammifères marins, absolument pas. Dans ce pays, les mammifères marins sont considérés comme des poissons. Les mammifères marins ne sont pas des poissons, monsieur, ce sont des mammifères.

M. George Baker: Vous en connaissez pourtant la raison. Vous avez formulé des hypothèses. Dites-le au comité.

M. David Lavigne: Il y a un certain nombre de raisons.

Le président: Nous sommes tenus par le temps et je dois donner maintenant la parole au NPD.

Peter.

M. Peter Stoffer: Merci.

Je remercie M. Lavigne d'être venu. Nous nous sommes rencontrés il y a deux semaines à l'Île-du-Prince-Édouard.

J'aimerais élargir un peu le débat. Quel est le prédateur naturel du phoque mis à part l'homme, très rapidement?

M. David Lavigne: Le requin, l'ours polaire.

M. Peter Stoffer: Et?

M. David Lavigne: L'épaulard.

M. Peter Stoffer: Il y a aussi les espadons et les requins qui gênent beaucoup, eux, bien entendu, la pêche à la traîne.

J'aimerais que vous notiez sur vos tablettes scientifiques que pour les membres du comité, il est de plus en plus difficile de savoir qui croire... Je n'en sais toujours pas plus que quand j'ai commencé à étudier cette question. Mais pour ce qui est des autres prédateurs qui attaquent les phoques—par exemple, les requins, les baleines, les autres espèces qui attaquent les phoques—elles sont aussi en déclin. Est-ce ou non exact? Autre question, quelles sont les autres espèces qui attaquent la morue, mis à part les phoques?

M. David Lavigne: Il est très difficile de répondre à ces deux questions par manque d'information.

Il est très rare d'observer des prédateurs en train de manger des phoques du Groenland. Il faudrait peut-être aussi avoir des vidéos, mais nous n'en avons pas et il est donc très difficile de déterminer combien de phoques du Groenland sont mangés par des ours polaires, combien sont mangés par des requins, combien sont mangés par n'importe quoi, et le taux de mortalité dans cette population, comme c'est un gros mammifère, est relativement faible. Il y a donc clairement une certaine prédation, mais nous ne savons pas ce qu'elle représente et la situation est analogue en fait pour la morue.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes loin d'en savoir assez, et un des facteurs qui nous empêchent d'évaluer avec précision les interactions entre les phoques du Groenland et la morue est que nous n'en savons pas plus sur les autres prédateurs de la morue. Nous savons qu'il y a les calamars et les raies, et encore d'autres espèces, mais nous n'en savons pas assez et d'ailleurs le Comité national d'examen par les pairs des mammifères marins a fait une recommandation spécifique sur ce point et le gouvernement l'a inclus dans son plan de gestion de 1999.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Une chose que j'ai remarquée, c'est que tous les scientifiques du monde, du moins ceux qui ont comparu devant notre comité et ceux que j'ai rencontrés, sont tous d'accord pour dire, essentiellement, que—je ne peux même pas dire ce mot, le numéro cinq dans votre document, ces rapports...

M. David Lavigne: Les rapports anecdotiques.

M. Peter Stoffer: Oui, les rapports anecdotiques. Mon collègue du Nunavut me comprendra quand je dis que les scientifiques ont l'habitude d'accueillir avec scepticisme les renseignements d'origine traditionnelle. MM. Baker et Matthews l'ont aussi dit. J'ai vécu au Yukon pendant neuf ans et lorsque les gouvernements du Yukon et de Colombie-Britannique de concert avec le gouvernement fédéral ont décidé d'éliminer une partie de la population des loups, les Autochtones ont protesté en disant qu'on ne consultait jamais ceux qui connaissent le mieux les espèces visées par de telles décisions.

• 1200

Je sais que la science est très structurée, mais je me souviens des paroles de Stephen Hawking, le physicien: même si la science a peut-être tous les faits et tous les chiffres, nous ne connaissons pas l'origine de ces faits et de ces chiffres. Je crois que la connaissance traditionnelle de ceux qui côtoient ces ressources, de ceux qui les voient tous les jours et qui ont des liens historiques avec ces ressources, peuvent livrer énormément d'information non seulement au gouvernement mais aussi à la science. Est-ce que j'ai raison ou est-ce que j'ai tort?

M. David Lavigne: Jusqu'à un certain point. Le problème des scientifiques est que nous devons travailler sur la base d'informations, et certains types de connaissances traditionnelles livrent des informations qui peuvent être incorporées dans des analyses scientifiques. J'ai aussi travaillé avec les Autochtones de l'île de Baffin et j'ai fait, entre autres, un échantillonnage de leurs prises avec eux.

Il y a d'autres sortes de connaissances traditionnelles dont les scientifiques n'ont pas encore compris comment les incorporer dans leurs modèles scientifiques. Pour le moment, d'un côté il y a la science comme source d'information et, de l'autre, la connaissance traditionnelle comme autre source d'information auxquelles s'ajoutent les études économiques.

C'est à ce niveau que le gestionnaire intervient car les gestionnaires doivent puiser leur information auprès de la science, de la connaissance traditionnelle, de l'économie, de la sociologie, de la politique et l'incorporer dans leur plan de gestion. Vous conviendrez, je crois, qu'il y a certaines formes de connaissance traditionnelle de plus en plus documentées d'ailleurs que, tout simplement, nous ne savons pas encore comment incorporer dans nos données scientifiques. C'est simplement une source différente d'information.

Le président: Merci, monsieur Lavigne.

Je vais encore donner la parole à deux intervenants, brièvement, et il nous faudra conclure. Wayne, pour commencer, pour le parti ministériel et ensuite, Bill, vous serez le dernier.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Ce qui importe à propos de ces phoques, c'est de savoir sur quelle information se fondent ceux qui doivent fixer le total des prises autorisées et de connaître la précision de cette information. Je suis un peu comme Peter, plus j'écoute, moins je comprends.

Quand j'étais au collège, on m'a fait croire que la science était pure et qu'on pouvait croire tout ce qu'elle nous disait. J'ai entendu aujourd'hui deux opinions scientifiques très divergentes, celle du ministère et la vôtre, monsieur Lavigne. Ma question est toute simple: quelles preuves—je sais que vous nous avez montré toutes vos diapositives—pouvez-vous nous fournir qui nous incitent à croire que vos informations sont plus correctes que celles du ministère?

Ces dernières années, nous avons résolu au MPO et au sein du gouvernement, car nous sommes convaincus que c'est la voie à suivre, de mettre à profit les connaissances scientifiques, les connaissances traditionnelles et l'expérience pratique des pêcheurs, notamment dans le cadre du programme de pêches indicatrices. Depuis que nous avons adopté cette approche, j'estime que le gouvernement a pris des décisions plus judicieuses.

Essentiellement, ma question est la suivante: sur quels faits vous fondez-vous pour affirmer que votre opinion scientifique est plus juste que celles exprimées par d'autres témoins.

M. David Lavigne: Je suis très étonné que selon vous, les avis divergent beaucoup en ce qui concerne, par exemple, la population, la taille et les tendances du phoque du Groenland. Je me suis servi du modèle de gestion du MPO, qui a prédit une population de 4,8 millions en 1994. M. Stenson a dernièrement estimé cette population à environ 5 millions, ce qui est dans les mêmes eaux. D'après son graphique, la courbe de la population a basculé ces trois dernières années. Ils disent qu'elle s'est stabilisée; j'estime plutôt qu'elle décroît, et c'est ce que montrent mes données. J'ai lu dans un document du Comité d'examen des pairs des mammifères marins que la population décroissait de 0,5 à 2 p. 100 par année depuis quelques années.

J'estime qu'il n'y a pas de grand désaccord et qu'il n'y en avait pas, en ce qui concerne le phoque du Groenland et la morue. Je crois que nous en sommes venus à exactement à la même conclusion pour les mêmes raisons. Je ne vois pas quelle est la controverse. Mais si vous pouvez me donner un exemple précis, je serai ravi de l'étudier.

• 1205

M. Wayne Easter: Puis-je poser une brève question complémentaire?

Le président: Oui.

M. Wayne Easter: La difficulté, c'est que le TAC devait créer un niveau soutenable pour ce qui est du phoque du Groenland. Voilà ce sur quoi il y a désaccord. Pourquoi 5 millions? Pourquoi pas trois? Lorsque le TAC a été instauré, n'a-t-il pas été établi en fonction d'un troupeau estimé à plus de 2 millions? Cette population a considérablement augmenté. Si l'on examine les graphiques du MPO, je conviens avec vous que la population de phoques du Groenland diminue légèrement, mais si vous examinez la taille du troupeau de blanchons, elle est à la hausse.

M. David Lavigne: Les naissances semblent être à la hausse, et nous espérons le confirmer à la suite de l'enquête.

Le total admissible des prises, qui est actuellement de 250 000, a été établi à partir du modèle de 1994 fondé sur une population de 4,8 millions, un taux de croissance de 5 p. 100 par année et une production de remplacement de 286 700. Il a été porté à 275 000 en vertu du même modèle de gestion. Il s'agit du total admissible le plus élevé du toute l'histoire de la gestion par des quotas de phoques du Groenland au Canada. Je ne vois donc pas où se trouve la contradiction.

Le président: Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews: Merci, monsieur le président.

J'ai simplement quelques brefs commentaires, car presque tout a déjà été dit. J'y vois toutefois un peu plus clair que d'autres.

La population de phoques a doublé au cours de 15 dernières années, passant de 2,5 millions à environ 5 millions. Il faut donc se demander qu'est-ce qui est durable? Si je ne me trompe, je crois que vous n'étiez pas satisfait même lorsque la population augmentait. On se posait encore des questions sur ce qui était durable et on craignait que le nombre de prises était trop élevé même lorsque la population est passée de 2,5 à 5 millions.

Je m'inquiète du niveau durable de la population de phoques. Je me préoccupe également beaucoup de la viabilité de la pêche à la morue et du niveau durable de la population humaine dans ma province. Il faut donc peser tous ces facteurs.

Si j'ai bien compris le cheminement que vous avez parcouru depuis quelques années, vous êtes très préoccupé en ce moment parce qu'au cours des trois dernières années vous avez observé ce que vous estimez être une baisse de la population de phoques—ce avec quoi la plupart des gens dans cette pièce, du moins la plupart de ceux qui viennent de Terre-Neuve et du Labrador, sont en désaccord. Mais que voulez-vous, que nous laissions ces populations croître jusqu'à 10 millions au cours des 10 ou 15 prochaines années? Selon moi, il existe une contradiction, car vous estimez que la population est durable tant qu'elle croît, mais lorsqu'elle plafonne ou recule légèrement pendant un an ou deux, alors il existe tout un problème.

M. David Lavigne: Non. Il me semble que la définition du terme durable que nous employons tous dernièrement, du moins de ce côté- ci de la table, est celle établie par le ministère des Pêches et des Océans et par le ministre des Pêches. Ce n'est pas ma propre définition de la durabilité. Il s'agit du nombre d'animaux que l'on peut prendre...

M. Bill Matthews: Quelle est votre définition?

M. David Lavigne: ...sans réduire la taille de la population. Voilà leur définition de la durabilité.

Je vous demande donc si c'est durable à la lumière de leur définition. Les analyses du MPO, auxquelles vous venez de faire allusion, et les miennes ainsi que celles du groupe de travail CIEM-OPANO sur le phoque de Groenland et le phoque à crête laissent toutes entendre que les prises des trois dernières années dépassaient la production de remplacement. C'est tout ce que disent les chiffres.

Vous devez aussi reconnaître que les individus de cette population ne sont pas en très bonne santé. Ils sont relativement maigres.

M. Bill Matthews: Contrairement aux gens.

M. David Lavigne: Ils affichent un retard de maturation et probablement le plus faible taux de reproduction jamais enregistré. C'est ce que révèle la science.

M. Bill Matthews: Comment pouvez-vous affirmer qu'ils ne se reproduisent pas alors que la population a doublé en 15 ans?

M. David Lavigne: Ils se reproduisent, mais...

M. Bill Matthews: Mais pas assez rapidement, car vous en voulez 7, 8 ou 10 millions.

• 1210

M. David Lavigne: À la fin des années 70, je crois que 94 p. 100 des femelles adultes avaient des petits. Aujourd'hui, et M. Stenson peut me corriger, cette proportion se rapproche davantage de 70 p. 100. C'est ce que révèlent les données biologiques.

Le président: J'aimerais avoir quelques réponses avant de conclure. Pourrais-je avoir des données précises? À combien estimez-vous la taille du troupeau en ce moment? Vous dites dans le document qu'elle est d'environ 4,8 millions ou de 5 millions. Pouvez-vous me donner une réponse brève? En d'autres termes, dites- moi à combien vous estimez la taille du troupeau de phoques.

M. David Lavigne: Nous travaillons tous à partir d'une population estimée à environ 5 millions.

Le président: Cinq millions de phoques. Et combien compte-t-on de femelles adultes qui mettent bas tous les ans?

M. David Lavigne: C'est de la compétence de M. Stenson.

Le président: Non, vous êtes un spécialiste. Vous êtes venu témoigner en tant que spécialiste, et j'aimerais donc que vous me disiez combien de ces femelles ont des petits chaque année.

M. David Lavigne: Si l'enquête révèle que 700 000 blanchons ont été produits en 1994—et c'est la plus récente estimation dont nous disposons—, cela signifie que 700 000 femelles ont mis bas.

Le président: Je veux simplement obtenir des chiffres clairs. Sur une population de 5 millions d'individus, vous estimez qu'il n'y a que 700 000 femelles adultes qui ont des petits, est-ce exact?

M. David Lavigne: Oui.

Le président: Cela laisse donc plus de quatre millions de phoques mâles. On compte 700 000 naissances. On nous dit que les prises annuelles sont d'environ 275 000, et qu'environ 50 000 autres phoques sont tués et non récupérés. Si la production est de 700 000, que 325 000 sont tués, qu'arrive-t-il aux 350 000 restants? Le taux de mortalité est-il si élevé au sein du troupeau?

M. David Lavigne: Vous devez savoir que compte tenu de la façon dont cette chasse s'effectue...

Le président: Non, je veux savoir ce qui arrive aux 350 000 individus restants.

M. David Lavigne: La mortalité naturelle. Chez les jeunes qui survivent à la chasse—puisque c'est ce que vous prétendez: que beaucoup de jeunes survivent—, très peu atteignent la maturité sexuelle. Vous devez savoir qu'il leur faut cinq, six ou sept ans pour parvenir à maturité. Il existe une courbe de mortalité naturelle sur ces cinq premières années. On ne peut se contenter de transférer les survivants de la première année. La mortalité naturelle se poursuit peu importe si la chasse est autorisée.

Le président: Est-ce que vous estimez qu'une population de 5 millions constitue le chiffre optimal, ou préféreriez-vous que le troupeau augmente davantage?

M. David Lavigne: Ces questions font appel à des jugements de valeur.

Le président: Non, il n'est pas question de jugements de valeur.

M. David Lavigne: Si.

Le président: Nous parlons d'un environnement, dans lequel évolue une espèce biologique que nous avons le droit, en tant qu'écologistes, de protéger. Je vous pose une question sur le nombre de phoques pouvant vivre dans cet environnement. Vous dites qu'ils sont maigres, qu'ils meurent de faim. Cet hiver, je les ai vus 50 milles en amont de la rivière Miramichi à la recherche de poissons. Existe-t-il un grave problème écologique pouvant expliquer que ces phoques n'ont pas suffisamment à manger? Si c'est le cas, la situation est alors très grave.

Deuxièmement, si vous pouvez nous donner un chiffre aujourd'hui, nous pourrons faire rapport au ministère et affirmer que nous devrions avoir une population de phoques de 5 millions d'individus dans le golfe. Combien de phoques devrait-il y avoir? Voilà ce que je vous demande.

M. David Lavigne: Eh bien, vous m'avez posé cette question plus tôt, et je vous donnerai la même réponse que je crois vous avoir donnée la dernière fois. Il n'y a pas de réponse magique. Mes collègues ont dit exactement la même chose plus tôt.

Le président: Les phoques sont-ils trop nombreux?

M. David Lavigne: Trop nombreux pour quelle raison?

Le président: Eh bien, en tant qu'êtres humains, nous essayons de déterminer une population durable de phoques pour nous assurer que cette espèce n'est pas menacée. Combien de phoques selon vous devrait-il y avoir? Vous êtes un spécialiste. Vous y avez consacré 25 ans, c'est pourquoi nous vous demandons une réponse.

M. David Lavigne: À titre indicatif, j'utiliserais l'approche adoptée aux États-Unis, par exemple. Pour être durable, on estime aux États-Unis que la population doit se situer entre 50 p. 100 de sa taille maximale et sa taille maximale. Il y a beaucoup de jeu. Il faut toutefois éviter de réduire la taille de la population sous les 50 p. 100 de sa taille originale.

Le président: Quelle était la taille originale?

M. David Lavigne: De quoi? Du phoque de Groenland?

Le président: Oui, du phoque du Groenland. Nous parlons des phoques ce matin.

M. David Lavigne: Oui, mais vous avez aussi parlé d'autres espèces de phoques. Quelle était la population originale? Je n'en ai aucune idée.

Le président: À combien estimez-vous la taille optimale du troupeau? Vous conseillez le comité. Souhaitez-vous qu'elle augmente?

M. David Lavigne: En termes absolus?

Le président: Oui.

• 1215

M. David Lavigne: Je dirais qu'il serait imprudent de réduire cette population, de prendre beaucoup plus que leur retraite biologique possible indiquée sur ce graphique, soit environ 288 000 individus.

Le président: Ainsi, vous dites que le groupe que vous représentez, la International Marine Mammal Association, conseille au comité de maintenir la population de phoques à environ 5 millions sur la côte est du Canada.

M. David Lavigne: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le président: Qu'avez-vous dit, monsieur Lavigne?

M. David Lavigne: J'ai dit qu'il ne fallait pas prendre plus... Je ne crois pas qu'un organisme de gestion responsable voudrait réduire la population en deçà de ce qu'on appelle le taux net maximum de productivité.

Le président: Pouvez-vous nous dire quel est ce chiffre en employant des nombres arithmétiques ou mathématiques?

M. David Lavigne: C'est ce qu'il y a de formidable dans la formule américaine. On n'a pas besoin d'y accoler un chiffre absolu.

Le problème est que nous avons affaire à des modèles très complexes dans lesquels nous croyons avoir besoin de chiffres absolus. En fait, l'expérience en gestion de la faune nous montre qu'il est préférable d'utiliser des chiffres relatifs. Par conséquent, je ne peux pas vous donner de chiffre absolu, et je crois que tout chiffre absolu que vous pourriez adopter constituerait un jugement de valeur ayant très peu à voir avec la science. Il n'y a pas de chiffre scientifique magique.

Le président: Merci, monsieur Lavigne.

M. David Lavigne: Il n'y a pas d'équilibre de la nature.

Le président: Je vous serais reconnaissant de nous remettre un exemplaire de l'étude américaine qui semble si importante. Je n'en ai pas. Peut-être pourriez-vous nous le laisser.

Vous êtes spécialiste, j'espérais que vous pourriez nous donner des données plus précises. Je vous remercie de votre participation. Nous vous savons gré de l'intérêt que vous portez à cette question.

Merci, la séance est levée.