Passer au contenu
Début du contenu

STFC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE

SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 mai 1999

• 1310

[Traduction]

Le président suppléant (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Nous reprenons la réunion du Sous-comité des finances sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins que nous accueillons aujourd'hui: Joseph et Rachel Difonzo, Alan Schwartz, Cheryl Stewart et Mel Tuck.

Bienvenue à tous. Comme le temps qui nous est alloué est limité, nous vous invitons à vous en tenir à un exposé de cinq minutes environ, pour que nous puissions tenir une discussion par la suite s'il y a des questions à poser ou des observations à formuler.

Nous procéderons dans l'ordre qui est donné sur la liste. Je demande donc à M. et Mme Difonzo de commencer.

Mme Rachel Difonzo (témoignage à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. Mon mari et moi sommes heureux de pouvoir nous adresser aujourd'hui au sous-comité.

Je ferai un exposé très sommaire. Mon mari aime parler plus que moi.

Des voix: Oh, oh!

Mme Rachel Difonzo: Je m'adresse à vous en tant que ménagère d'une famille où il y deux parents et un seul revenu. Je suis enseignante de formation, mais il y a 14 ans, j'ai pris ma retraite à la naissance de notre premier enfant. Je demeure à la maison depuis ce temps-là.

J'accepte la perte de revenu qui a accompagné cette décision—revenu qui se situerait aujourd'hui autour de 55 000 $ par année. J'admets que la réintégration de mon domaine professionnel, après une si longue absence, exigerait que je me recycle et représenterait un fardeau tant pour moi-même que pour ma famille.

Je n'admets pas le fait que le régime fiscal me pénalise, qu'il pénalise mon mari et ma famille parce que j'ai décidé de demeurer à la maison et d'élever nos enfants. Les enfants d'aujourd'hui sont les citoyens de demain, et nous croyons que la société en profite énormément lorsque les enfants sont élevés par leurs parents, qui le font par amour, plutôt que d'être élevés par des éducateurs, qui le font pour l'argent.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup.

Accueillons maintenant Joseph Difonzo.

M. Joseph Difonzo (témoignage à titre personnel): Le fait de renoncer au revenu de l'un des deux parents représente un sacrifice financier que bien des couples ne peuvent ou ne veulent faire. Le fait de renoncer à ce revenu pour embrasser quelque chose de plus noble—pour prendre soin d'un enfant, pour l'élever, pour l'éduquer afin qu'il devienne un membre responsable de notre société—est un sacrifice que nous avons accepté volontiers en tant que couple. Nous savions que ce choix allait déterminer notre mode de vie. Cela voulait dire, entre autres choses, renoncer à des vacances, échelonner nos paiements hypothécaires sur une plus grande période, élire domicile dans une maison modeste, posséder une garde-robe modeste et exercer une vigilance constante sur les affaires budgétaires. Tout cela, nous l'avons compris et accepté. Ce dont nous n'avons pas pris conscience immédiatement, c'est la façon dont notre régime fiscal allait nous imposer injustement un fardeau ou une pénalité pour avoir fait ce choix.

Cela est devenu un fait notoire, grâce à des organisations comme l'Institut C. D. Howe: les parents qui choisissent de demeurer à la maison sont traités comme des citoyens de seconde zone. À l'heure actuelle, la famille de quatre comptant sur un revenu unique de 50 000 $ versera environ 9 589 $ en impôt au gouvernement fédéral, alors que la famille de quatre à deux revenus qui fait elle aussi 50 000 $ paiera 5 790 $ en impôt au gouvernement fédéral—c'est là un écart de 3 799 $.

La décision d'avoir un parent qui demeure à la maison, tout au moins, ne devrait pas avoir d'incidence sur le revenu du ménage du point de vue fiscal. Notre régime fiscal comporte visiblement une injustice. À l'heure actuelle, il ne semble pas valoriser le travail du parent qui demeure à la maison. Sous sa forme actuelle, non seulement notre régime fiscal encourage les deux parents à chercher du travail rémunéré, mais en plus, s'adonner à un travail rémunéré en dehors du domicile, de sorte que leurs enfants doivent être placés en établissement.

Toutes choses étant égales par ailleurs, la meilleure situation possible pour les jeunes enfants est celle où un parent demeure à la maison pour prendre soin d'eux. Pour la société aussi, la meilleure situation est celle où ce sont les parents qui prennent en charge les tâches parentales. Malheureusement, le régime fiscal que nous avons actuellement ne tient pas compte du bien commun que la société tire des contributions des parents qui demeurent à la maison.

• 1315

Les pressions qui s'exercent sur la famille, cellule au coeur de la société, n'ont jamais été aussi grandes. L'érosion de la famille tient en partie à des politiques gouvernementales et à des lois fiscales qui n'ont pas été mûrement réfléchies. Il faut réformer le régime fiscal fédéral pour mettre fin à la discrimination pratiquée à l'endroit des familles à revenu unique où il y a des enfants. C'est une simple question de justice et d'équité. Du point de vue économique et social, nous vivons dans un des meilleurs pays du monde. Nous souhaitons que le gouvernement fédéral appuie pleinement le travail des familles comme la nôtre, qui font aujourd'hui de nombreux sacrifices pour enrichir la société canadienne de demain.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup de bien vouloir nous éclairer.

Accueillons maintenant M. Alan Schwartz. Monsieur Schwartz, bienvenue.

M. Alan Schwartz (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

J'aimerais articuler mes observations autour de certaines catégories ou de certaines grandes lignes. J'aimerais d'abord donner un aperçu de notre régime fiscal. Ensuite, je traiterai de la question de l'équité. Enfin, j'aborderai quelques questions sociales qui ont trait au dossier de l'équité fiscale pour les familles canadiennes ayant des enfants à charge.

En règle générale, notre régime d'impôt sur le revenu des particuliers prend pour référence le particulier, justement, plutôt que la famille. Toutefois, c'est là une règle générale qui est modifiée de deux façons importantes. Premièrement, il y a une disposition qui prévoit que certains crédits peuvent être transférés entre les conjoints, de sorte que si un conjoint n'a pas des revenus suffisants, l'autre conjoint peut se servir de ses crédits. Cela comprend les crédits établis en raison de l'âge, pour le cas d'une pension et pour le cas d'une personne handicapée. Les règles autorisant la contribution au REER du conjoint représentent une modification semblable du même principe.

Deuxièmement, il existe des règles très rigoureuses et très efficaces qui empêchent le fractionnement du revenu entre les conjoints et les enfants ayant moins de 18 ans. Pour la plus grande part, les possibilités de fractionnement d'un revenu proviennent non pas d'ententes savamment orchestrées, mais plutôt d'une situation bien en règle où les deux conjoints se trouvent sur le marché du travail.

Du point de vue du fardeau fiscal, la distinction entre le ménage où les deux conjoints travaillent et celui où un seul conjoint le fait tient essentiellement à deux facteurs. Le revenu des deux conjoints qui travaillent est fractionné pour qu'une part moindre du revenu soit imposée aux taux supérieurs applicables à la tranche de revenu la plus élevée. Ensuite, le conjoint qui travaille peut se prévaloir d'une modeste déduction pour les frais de garde d'enfants.

Permettez-moi d'aborder maintenant la question de l'équité. L'équité horizontale est généralement reconnue comme étant le trait marquant du régime fiscal équitable que nous nous sommes donné. Par équité horizontale, il faut entendre généralement que les contribuables qui se trouvent dans une situation comparable devraient être traités de manière semblable et devraient payer à peu près le même montant en impôt. Quiconque s'aventure à comparer ou à évaluer les responsabilités et les fardeaux de la mère «qui travaille» par rapport à celle qui reste à la maison et élève les enfants s'engage dans un débat très émotif et très subjectif.

Tout de même, il existe manifestement certaines différences objectivement établies entre les deux situations. La famille où les deux parents travaillent doit assumer des frais de garde des enfants pour avoir la possibilité de toucher un deuxième revenu. Ce deuxième revenu fait engager d'autres dépenses à cette famille, notamment pour le transport entre le lieu de travail et la maison, souvent pour les vêtements et, peut-être, pour certaines tâches ménagères comme la lessive et l'entretien ménager. La famille où la mère demeure à la maison n'a pas à assumer les mêmes frais pour la garde des enfants, et le régime fiscal n'impose pas la valeur imputée du travail fait par la mère qui travaille à la maison quand il s'agit de s'occuper des enfants.

Par conséquent, si on veut traiter les deux situations de la même façon du point de vue fiscal, on a deux choix. Soit qu'on autorise la déduction intégrale des frais de garde d'enfants et de certains autres frais. Cela donnerait une certaine symétrie fiscale, car le revenu gagné par le pourvoyeur du service de garde d'enfants, comme vous le savez, est imposé. Soit, autrement, que l'on impose la valeur imputée du travail fait par la mère au foyer.

La première option supposerait, je crois, une dépense fiscale importante aussi bien qu'une réduction des recettes fiscales. La deuxième poserait des difficultés du point de vue de l'évaluation et, je crois, serait aussi populaire dans l'opinion publique que la taxe d'accise qui a mené à la révolte fiscale américaine connue sous le nom de Boston Tea Party.

• 1320

Outre les questions liées à l'équité, il existe au moins trois questions d'ordre social dont il faut tenir compte. Il faut se rappeler que, dans la plupart des familles, la femme travaille par nécessité économique. Si on veut mettre sur le même pied les deux situations de ces familles du point de vue fiscal, il faut soit réduire les impôts prélevés sur le revenu unique de l'une d'entre elles, soit majorer les impôts que doit payer le ménage à deux revenus. Je crains que la diminution des recettes fiscales inhérente à la première solution ait pour effet de faire augmenter les impôts de la famille à deux revenus. Voilà qui me paraît être une issue très malheureuse pour ceux qui n'ont pas d'autres choix que de voir les deux parents actifs sur le marché du travail.

Pour élaborer la politique fiscale dans ce dossier, il ne faut pas oublier l'argument selon lequel les enfants qui sont élevés par un parent à la maison ont de meilleures chances de succès et imposent un moins grand fardeau social et économique à la société. Malheureusement, il me semble que le grand coupable soit le divorce ou, sinon, la nécessité économique, et non pas le régime fiscal lui-même. Je ne crois pas que le régime fiscal ait une incidence sur la réflexion d'un ménage qui doit décider si un parent entrera sur le marché du travail ou encore demeurera à la maison. En réalité, le fait d'accroître le fardeau fiscal de deux personnes qui travaillent et qui ont des enfants a peut-être pour effet, fait paradoxal, d'encourager la famille traditionnelle: il se peut que de telles personnes évitent le mariage et élèvent leurs enfants en union de fait.

La dernière question sociale dont je veux traiter est la suivante: la déclaration conjointe des revenus a-t-elle préséance sur l'indépendance des deux partenaires d'une union? Il me semble que les couples modernes ayant des carrières distinctes, surtout lorsqu'ils en sont à un deuxième mariage, ont tendance à traiter leurs affaires financières de manière distincte. Ils ont des comptes de banque séparés et ils s'entendent entre eux pour assumer conjointement certains frais. Dans bien des situations, un conjoint ne sait même pas ce que représente l'actif de l'autre ni ce que gagne l'autre. C'est particulièrement le cas des situations où un conjoint a hérité de divers actifs. L'obligation de présenter une déclaration conjointe des revenus supposerait que les deux membres du couple échangent des renseignements qu'ils préféreraient autrement garder pour eux. Toutefois, il faut reconnaître, comme je l'ai dit plus tôt, que la Loi comporte de nombreuses dispositions qui prévoient maintenant le transfert de crédits entre les conjoints, ce qui exige l'échange des renseignements en question ou encore la connaissance du revenu conjoint de la famille.

Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci, monsieur Schwartz.

Cédons maintenant la parole à M. Mel Tuck. Bienvenue, monsieur.

M. Mel Tuck (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs, au moment où on a communiqué avec moi pour m'inviter à témoigner devant le sous-comité, on ne m'a pas dit que l'étude en question allait porter sur l'équité fiscale pour les familles ayant des enfants à charge. Comme vous serez à même de le constater, l'intérêt que je porte personnellement à la question de l'équité fiscale est beaucoup plus vaste que cela, mais cela englobe certainement le cas des familles ayant des enfants à charge. Je suis convaincu d'avoir des observations pertinentes à formuler là- dessus.

Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de participer à ce processus. J'estime que l'exercice auquel nous participons tous en ce moment est très important.

En ce moment, nous avons un régime fiscal à ce point injuste et illogique que cela ne me surprend pas de lire que 55 p. 100 des Canadiens, selon un sondage récent de la société Compas Incorporated, disent avoir l'intention de masquer leur revenu à l'avenir pour éviter de payer des impôts. Je ne crois pas qu'une majorité de Canadiens soit malhonnête, mais cela devient facile, pour celui qui s'estime lésé par un régime qui comporte de graves lacunes, de rationaliser et de prendre des mesures pour se défendre. Au fur et à mesure que les gens viennent à comprendre jusqu'à quel point ils sont les victimes de ce régime, à mon avis, le pourcentage de ceux qui sont prêts à faire de l'évasion fiscale sera encore plus élevé.

Je suis sûr qu'il serait impossible de créer un régime que tous et chacun considérerait comme équitable, mais je crois qu'il est possible d'éliminer certaines des facettes les plus visiblement injustes du régime en place en ce moment. Je parle de la discrimination faite aux familles où le revenu de l'un des conjoints est nettement inférieur à celui de l'autre.

Je vais illustrer en quoi consiste cette discrimination en me reportant à ma propre expérience. Pour la majeure partie de notre union, ma femme est demeurée à la maison avec les enfants ou a travaillé à temps partiel. Même lorsqu'elle travaillait à temps plein, son revenu était nettement moins élevé que le mien. Il y a quelques années, j'ai calculé que nous payions environ 4 200 $ de plus par année qu'un couple qui présente le même revenu global tout à fait, mais dont le total est également partagé entre les deux conjoints. Cette année, j'ai refait le calcul. Nous sommes maintenant à la retraite, de sorte que le revenu est moins élevé. L'écart qui existe maintenant entre l'impôt prélevé sur notre revenu et celui qui est prélevé sur celui d'un couple dont le revenu de pension global est le même que le nôtre, mais dont le partage est parfaitement égal, ne représente qu'environ 2 200 $. Sous le régime fiscal actuel, nous sommes condamnés à être pénalisés tous les ans, d'ici le reste de notre vie, pour avoir eu une famille dont le revenu était surtout gagné par un partenaire.

• 1325

J'imagine que cela ne vous étonnera pas. Présumément, vous faites tous partie du sous-comité parce que vous vous intéressez à la question de l'équité fiscale. Au point où nous en sommes, vous avez sûrement eu droit à de nombreux récits qui ressemblent au mien et à celui de ma femme.

Je ne suis pas venu ici simplement pour me plaindre. Je suis là parce que j'ai une solution constructive à proposer. Le fait d'autoriser simplement les conjoints à combiner leurs revenus et à payer chacun des impôts sur la moitié est un bon début, mais ce n'est pas une solution globale à la question. Cela ferait baisser sensiblement les recettes de l'État, de sorte qu'il faudrait en faire payer davantage à quelqu'un d'autre pour compenser. En outre, ce serait encore une discrimination injuste envers les couples de contribuables qui cohabitent, mais qui ne répondent pas à la définition de «conjoint».

Je propose que tout couple d'adulte canadien qui cohabite devrait avoir le droit d'être traité comme des conjoints aux fins du régime fiscal et pour les prestations de l'État. Il peut s'agir d'un couple marié, d'un couple vivant une union de fait, d'un couple d'homosexuels ou de lesbiennes, d'un frère et d'une soeur qui choisissent de vivre ensemble, d'un fils ou d'une fille qui cohabite avec un parent âgé, voir d'un couple de colocataires. Il n'est pas nécessaire d'établir un lien entre la nature de la relation et l'assujettissement au régime fiscal. Chaque couple pourrait présenter une déclaration conjointe des revenus où ils cocheraient une case déclarant qu'ils cohabitent. Il serait alors imposé au taux équivalent à celui de deux contribuables célibataires dont chacun gagne la moitié du revenu combiné déclaré. Cela servirait certainement à régler la question de l'équité et, en prime, réduirait sensiblement le nombre de déclarations de revenu qu'aurait à traiter Revenu Canada.

Je crois que cette modification aiderait pour une bonne part à convaincre les Canadiens que nous avons des lois fiscales équitables et qu'il faut respecter parce que c'est la chose correcte à faire.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à participer à vos travaux. J'espère que ma contribution vous a été utile.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup.

Accueillons maintenant Mme Cheryl Stewart. Madame Stewart, bienvenue. Je vous prie de commencer.

Mme Cheryl Stewart (témoignage à titre personnel): Merci.

Bonjour. Je tiens à vous remercier moi aussi de l'occasion qui m'est offerte de venir témoigner aujourd'hui.

Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander, au moment où je préparais le mémoire que je vous présente aujourd'hui, pourquoi diable, je revenais à nouveau témoigner devant un comité comme le vôtre. En y pensant, j'ai réalisé que ma raison de venir ici aujourd'hui, c'est de veiller à ce que les choix de mes enfants, pour ce qui touche leur vie et leur famille, ne soient pas soumis à des restrictions, à une mesure injuste ou à une pénalité de la part du gouvernement, comme cela a été le cas pour moi. Je suis encore plus décidée de m'assurer que, si ma fille a jamais des enfants et décide de demeurer à la maison pour les élever, elle ne sera jamais exposée au genre d'humiliation et de dénigrement publics dont ont été victimes récemment les parents qui demeurent à la maison de la part des élus.

Au moment de remplir le formulaire que j'ai reçu pour pouvoir participer aux travaux aujourd'hui, je devais inscrire mon titre. Je suis ici aujourd'hui en ma qualité de mère, et voilà mon titre. Une chose m'a frappée: le point central de tout le fatras fiscal qui a sévi au fil des ans, c'est que les pouvoirs publics ont consulté tous les groupes d'intérêts possibles à propos de la garde des enfants en oubliant totalement les mères et les pères. Voici ce qu'une mère pense de ce qu'il faut faire pour garantir l'équité du régime fiscal pour toutes les familles canadiennes.

• 1330

Voici les faits. Premièrement, les familles à revenu unique paient des impôts considérablement plus élevés que les familles à deux revenus, à revenus égaux. Personne ne l'apprend ici. Depuis des années, des documents s'empilent qui confirment cette discrimination fiscale. Deuxièmement, les sondages s'accumulent et montrent que la plupart des Canadiennes préféreraient demeurer à la maison pour élever leurs enfants à temps plein. Troisièmement, étant donné le fardeau fiscal toujours plus grand, les familles canadiennes ont un revenu disponible de moins en moins important pour nourrir, abriter et vêtir leurs enfants. Quatrièmement, certains des commentaires qui ont été faits—par exemple, que les femmes au foyer font partie d'une «élite blanche», que les femmes au foyer «n'ont pas d'estime de soi», que les femmes au foyer «ont choisi la voie facile» et que «la femme au foyer, c'est de la nostalgie—sont répréhensibles et tout à fait inacceptables aux yeux des Canadiens. Plusieurs de nos élus se sont comportés de manière répréhensible.

Voici ce que l'on pourrait faire:

1) réduire les dépenses gouvernementales et réduire le fardeau fiscal imposé à tous les Canadiens;

2) accroître le montant de la déduction personnelle de base;

3) accroître le montant de la déduction du conjoint pour qu'il soit égal au montant de la déduction personnelle;

4) permettre aux parents qui assument directement des tâches parentales de cotiser au RPC;

5) permettre aux familles de présenter une déclaration conjointe, ce qui éliminera l'injustice et l'iniquité associées à l'option de fractionnement du revenu; et

6) adopter une prestation pour enfants fondés sur le revenu de la famille: soit en combinant la déduction pour frais de garde d'enfants, la prestation fiscale pour enfants et un supplément de 213 $ pour en faire un crédit d'impôt remboursable pour la garde d'enfants, soit en combinant la déduction pour frais de garde d'enfants et le supplément de 213 $ pour en faire une prestation fiscale pour enfants. L'une ou l'autre des mesures serait mise à la disposition de toutes les familles: c'est une façon de reconnaître que le fait d'élever des enfants, quel que soit l'endroit choisi ou la méthode choisie, suppose des coûts.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Madame Stewart, pouvez-vous apporter rapidement un éclaircissement? Vous parlez d'un régime fondé sur le revenu de la famille. Est-ce que ce serait lié au revenu?

Mme Cheryl Stewart: Oui. C'est comme cela que la prestation fiscale pour enfants est actuellement établie.

Poursuivons nos recommandations:

7) assujettir toutes les politiques fiscales et sociales à un facteur de prédiction qui, en tant que mesure instaurant un système de freins et de contrepoids, permet de s'assurer que les mesures adoptées ne favorisent ni ne pénalisent les choix d'une famille particulière concernant la garde des enfants par rapport à ceux d'une autre;

8) les parents qui sont à la maison depuis un certain nombre d'années devraient avoir accès à des programmes de recyclage, être admissibles aux subventions touchant les frais de scolarité et avoir droit à d'autres programmes dont ils ne pourraient actuellement se prévaloir que s'ils était chômeurs ou assistés sociaux.

Le comité devrait insister pour que s'excusent publiquement les élus qui ont formulé des propos défavorables à l'endroit des femmes qui se consacrent à plein temps à l'éducation de leurs enfants.

Le comité devrait insister pour que démissionne la ministre responsable de la situation de la femme. Nombre des observations qu'elle a formulées récemment—y compris que «toute mesure visant seulement les parents qui demeurent à la maison pour élever les enfants ne ferait que renforcer les obstacles à l'emploi en dissuadant les femmes de trouver un travail rémunéré»—sont tout à fait inacceptables de la part d'une personne qui est censée être responsable du dossier des femmes. Son mandat devrait inclure toutes les femmes et tous les choix qui s'offrent à elles. Tout au moins, son titre devrait être changé pour devenir ministre responsable de la situation de certaines femmes.

Le comité devrait aussi recommander que l'on déploie des efforts concertés pour mettre fin à la diffusion et à l'utilisation d'informations erronées concernant les choix des familles en matière de garde d'enfants et les situations et les choix des femmes à l'égard du travail.

Et enfin, le gouvernement devrait suivre les conseils de son propre caucus libéral, comme on peut les lire dans le rapport du groupe d'étude ad hoc chargé de la question d'évaluer le travail des pourvoyeurs de soins, intitulé Investir dans les enfants et valoriser les dispensateurs de soins. Il s'y trouve des recommandations très solides dont le ministre des Finances a choisi de faire fi tout à fait jusqu'à maintenant.

Il m'importe particulièrement de porter à votre attention l'adoption à l'assemblée législative de l'Ontario d'une proposition d'un député:

    Il est résolu que le gouvernement de l'Ontario invitera vivement le gouvernement fédéral du Canada à associer aux programmes de garde d'enfants une option fiscale équitable qui permet aux parents en ayant la possibilité de s'occuper de leurs enfants comme bon leur semble, de sorte qu'il existe des «règles du jeu équitables» où les parents reçoivent des avantages égaux quelle que soit la méthode choisie pour la garde des enfants, et notamment les soins parentaux directs.

• 1335

Cette proposition a été adoptée à 49 voix contre 3 en octobre 1998. J'ai eu l'honneur d'être présente à l'assemblée législative ce jour-là pour entendre mon député, David Tilson, débattre de la proposition et pour la voir adoptée par un vote de confiance sans équivoque.

Durant le débat, on a reconnu que la structure fiscale fédérale en place à l'heure actuelle est biaisée et injuste envers les familles à revenu unique, et que toutes les familles devraient être honorées et respectées pour les choix qu'elles font en matière de garde d'enfants. On a affirmé que le gouvernement fédéral ne reconnaît pas la garde des enfants à la maison comme étant une option honorable et qu'il organise des options fiscales avec les avantages que cela comporte en conséquence.

Cela a été particulièrement intéressant de constater que tous les députés libéraux provinciaux qui étaient là ont voté en faveur de la proposition, même si celle-ci avait été présentée par un député conservateur. Cela m'a rassurée de voir des élus agir de manière honorable et faire ce qui est bon et juste pour les familles.

J'aimerais aussi porter à l'attention du comité les résultats d'un sondage d'opinion publique réalisé en Ontario en 1997 à propos de la question de la garde des enfants, par Compas Incorporated. Premièrement, les Ontariens préfèrent par une grande marge un allégement du fardeau fiscal des familles—72 p. 100 aux investissements faits dans les garderies. Deuxièmement, les sentiments ici exprimés sont associés à une préférence notable pour les soins parentaux—92 p. 100—par rapport aux soins en établissement. La préférence qu'expriment les Ontariens pour la présence d'un parent au foyer est à ce point forte que, parmi les parents qui ne demeuraient pas à la maison avec leurs jeunes enfants, 77 p. 100 étaient d'avis qu'ils devraient le faire. Je tiens pour acquis que le comité gardera à l'esprit la volonté des Ontariens au moment de formuler ses recommandations.

J'aimerais aussi rappeler au comité les mesures progressives adoptées dans le dernier budget de l'Alberta en vue d'instaurer une certaine équité pour les familles et leurs enfants. Il s'agit d'initiatives qui reflètent aussi la volonté des Albertains. Toutefois, les provinces ne devraient pas avoir à instaurer des politiques fiscales pour réduire au minimum le côté inéquitable du régime fiscal fédéral. Malheureusement, nous ne pouvons pas tous vivre en Alberta.

En guise de conclusion, disons que le moment est venu d'agir. Plus de travaux de comité, plus de dépositions, plus de mémoires, plus de débats, plus de rhétorique vide de sens—plus de politiques fiscales et sociales qui font que les familles sont montées les unes contre les autres. Le moment est venu d'instaurer la justice et l'équité pour toutes les familles canadiennes. À vous d'agir.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup de l'exposé que vous nous avez présenté.

Il nous reste, en tout, 15 minutes pour tout le débat qui doit avoir lieu. Le moment est donc probablement mal choisi pour les discours à l'emporte-pièce. Si nous nous en tenons aux questions et réponses, je crois que nous allons tous en apprendre davantage.

Commençons par M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup.

Je m'adresse à Cheryl Stewart. Votre exposé m'a particulièrement impressionné. C'est celui qui concorde probablement le plus avec mon propre point de vue, parmi tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant.

J'aimerais simplement apporter quelques éclaircissements d'ordre technique. Dans la partie 12, vous dites que cette proposition a été adoptée à 49 voix contre 3 en octobre 1998. Vous souvenez-vous du nom des trois députés qui ont voté contre et de quel parti ils provenaient?

Mme Cheryl Stewart: Les trois faisaient partie du NPD, les trois seuls membres du NPD qui étaient présents ce jour-là.

M. Bob Forseth: D'accord.

À la page suivante, vous citez les résultats d'un sondage de la société Compas, et vous dites que la préférence des Ontariens pour la présence d'un parent au foyer est à ce point forte que, parmi les parents qui ne demeureraient pas à la maison avec leurs jeunes enfants—il est sous-entendu qu'ils travaillaient—70 p. 100 disent qu'ils auraient dû le faire ou qu'ils l'auraient fait.

Mme Cheryl Stewart: C'était 77 p. 100.

M. Paul Forseth: De quel sondage s'agit-il? Vous pourriez communiquer à nouveau avec le comité pour donner le nom exact du sondage de Compas.

Mme Cheryl Stewart: Je pourrais vous en informer. C'est un sondage qui a été réalisé par Compas Incorporated pour le compte de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille.

M. Paul Forseth: D'accord.

Mme Cheryl Stewart: Voulez-vous que je vous donne le numéro de téléphone ou une référence?

M. Paul Forseth: Oui, vous pourriez peut-être nous donner des renseignements complémentaires là-dessus.

Mme Cheryl Stewart: Certainement.

M. Paul Forseth: J'ai posé à de nombreux témoins la même question fondamentale à propos de ce que nous disent de nombreux Canadiens, soit que le régime fiscal reconnaît les places achetées en garderie, mais qu'il ne reconnaît pas la valeur de la garde des enfants par les parents, qui n'est pas achetée. Si nous disons que la garde des enfants, c'est la garde des enfants, pourquoi alors avoir un régime fiscal qui favorise une méthode plutôt qu'une autre? Si nous conservons la déduction pour frais de garde d'enfants, inversement, comment reconnaître équitablement la garde d'enfants non achetée?

Peut-être devrais-je m'en tenir à cela et vous laisser à tous la possibilité de renchérir sur cette question particulière si vous le souhaitez.

Mme Cheryl Stewart: Puis-je aborder cette question?

• 1340

J'ai beaucoup réfléchi à cela, et je dois dire qu'il y a un an, peut-être, j'aurais dit que la déduction me semblait devoir profiter à toutes les familles. J'ai aussi pris connaissance de la recommandation du comité ad hoc à la suite de son étude sur la possibilité d'un crédit fiscal pour mères demeurant à la maison, et c'est une option qui me paraissait attrayante au début.

Mais en écrivant ceci, suivant mes propres conseils concernant l'égalité du traitement de toutes les familles, je suis venue à penser que quelle que soit la mesure adoptée, il ne faut pas faire de distinction entre la mère qui travaille et la mère qui est au foyer. Il faut qu'il y ait un avantage qui reconnaît que le fait d'élever des enfants comporte des coûts, quel que soit l'endroit où ils sont élevés.

Cela devrait être une mesure d'application générale, de sorte qu'il n'y aura plus ces familles qui sont montées les unes contre les autres, ou encore, à l'autre bout, peut-être quelques dollars de plus pour une personne plutôt qu'une autre. Cela devrait être une mesure normalisée, et il ne faudrait pas faire de distinction quant à la méthode choisie ou à la personne qui en est responsable.

M. Paul Forseth: L'argument principal en faveur de la déduction de frais de garde d'enfants, c'est que celle-ci n'est pas particulièrement liée à la garde d'enfants en tant que tel; c'est plutôt une dépense d'emploi, le coût qu'il faut engager pour aller travailler—comme, je suppose, le cas du mécanicien spécialisé qui assume certains frais pour ses outils. Sauf que, bien sûr, il ne peut déduire le coût de ses outils.

Les partisans de cette disposition particulière ont parlé de dépenses d'emploi, mais vous, visiblement, vous voyez la chose très différemment.

Mme Cheryl Stewart: Oui. Je dirais que si je devais m'asseoir pour calculer les dépenses que j'ai engagées au fil des ans en demeurant à la maison avec mes enfants, cela serait très près de la valeur de la déduction pour frais de garde d'enfants. Il faut mettre une valeur là-dessus aussi.

M. Paul Forseth: Merci.

Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil-Soulanges, Lib.)): Merci, monsieur Forseth.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Je vous souhaite d'abord la bienvenue et je vous remercie d'être venus témoigner devant ce sous-comité.

Je voudrais m'excuser auprès de M. et Mme Difonzo et de M. Schwartz de ne pas avoir eu l'occasion d'entendre leurs recommandations. Mes questions seront plus précisément adressées à Mme Stewart et à M. Tuck.

Le mandat de notre sous-comité stipulait que nous devions entreprendre une étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes. On sait qu'il y a différents niveaux de revenu et de taux d'imposition qui tiennent compte du fait qu'un ou deux conjoints travaillent. Nos consultations nous portent à croire que cette iniquité n'est pas nécessairement le plus grand problème auquel font face les familles qui ont des enfants.

Monsieur Tuck, vous semblez prôner une approche at large. Vous proposez que toute personne qui cohabite avec une autre ait droit au partage des revenus afin qu'elle puisse bénéficier d'un meilleur taux d'imposition. J'ai de la difficulté à comprendre comment cette formule pourrait être équitable. On sait qu'à toutes fins pratiques, on établit les impôts en fonction des revenus de chaque individu et qu'on tient compte du fait que certaines personnes font partie d'un couple et ont des enfants. Nous sommes conscients qu'il y a vraiment une disproportion à ce niveau et qu'on pourrait adopter des politiques fiscales pour la famille avec enfants afin d'atténuer cette différence et même favoriser les personnes qui désirent rester à la maison.

Je ne sais pas pourquoi vous nous proposez une solution qui me semble pousser le balancier à l'autre extrémité et selon laquelle on ferait la moyenne des revenus ou on fractionnerait le revenu de toute personne qui cohabite avec une autre, quelles que soient les relations entre elles et qu'elles aient ou non un enfant à charge.

[Traduction]

M. Mel Tuck: Bien sûr, mon intérêt personnel dans cela, c'est qu'en tant que partie d'un couple marié, cela me plairait énormément si nous pouvions présenter une déclaration conjointe des revenus et fractionner les revenus. Cela serait très bien pour moi. Mais je sais que cela n'est pas juste pour un grand nombre de couples différemment constitués qui sont aussi des contribuables canadiens. Ceux dont j'ai dressé la liste—les hommes homosexuels, le fils ou la fille qui habite avec un parent âgé—ne devraient-ils pas avoir le droit de combiner leurs revenus et d'être imposés comme deux particuliers? S'ils vivent ensemble, en fait, pourquoi n'auraient-ils pas les mêmes droits que ceux que je propose pour un couple marié?

• 1345

[Français]

M. Serge Cardin: Les droits qui existent pour les couples mariés sont surtout établis en fonction des bénéfices qui découlent du fait que les deux conjoints peuvent assumer l'éducation et la garde des enfants et qu'il est possible qu'un des deux conjoints demeure à la maison avec les enfants.

Madame Stewart, selon certaines analyses, peu importe leur revenu, à peine un tiers des femmes restent à la maison pour garder leurs enfants, tandis que 77 p. 100 des femmes souhaiteraient pouvoir le faire. Comment expliquez-vous cet écart?

[Traduction]

Mme Cheryl Stewart: Je m'excuse, mais je dois vous demander de répéter votre question.

[Français]

M. Serge Cardin: Selon certaines analyses, on estime que, peu importe leur revenu, un tiers des femmes demeurent à la maison pour garder leurs enfants. Vous avez fait allusion à un sondage selon lequel 77 p. 100 des femmes souhaiteraient demeurer à la maison pour prendre soin de leurs enfants. Comment expliquez-vous cet écart?

[Traduction]

Mme Cheryl Stewart: Je soupçonne que la différence principale concernerait le sort de nos enfants. À mesure qu'ils vieillissent et qu'ils voient, peut-être, les problèmes auxquels ils font face avec leurs propres enfants, avec le recul, ils croient qu'ils auraient dû investir ce temps auprès de leurs enfants au moment où ceux-ci étaient très petits. Ce serait ma première hypothèse. Je ne sais pas quelle était la grande question qui faisait partie de ce sondage, et il serait intéressant d'y jeter un coup d'oeil.

Je présumerais que cela tient aussi en partie au fait que des femmes ont dû travailler à un moment particulier de leur vie. J'ai parlé plus tôt de la nécessité de contester certaines des statistiques qui sont utilisées, parfois à mauvais escient, et je crois que c'est là un des mythes les plus courants: que la plupart des femmes qui travaillent le font pour des raisons économiques. Ce n'est pas le cas. Comme vous en avez déjà parlé, il y a une répartition égale de femmes qui travaillent dans toutes les strates de revenus. Cette rationalisation—le fait de dire que les femmes travaillent uniquement pour des raisons économiques—ne concorde pas avec le constat fait.

J'espère que cela répond à votre question. Ma première réponse est la raison, selon moi, pour laquelle les parents souhaiteraient demeurer à la maison.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cardin.

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or-Cap-Breton, NPD): Merci beaucoup d'être venus nous voir ici à Toronto, aujourd'hui.

J'aimerais revenir sur un point soulevé par mon collègue, et je crois que vous y avez fait allusion. Dans votre exposé, vous parlez d'informations erronées concernant les familles, les choix en matière de garde d'enfants, des situations et des choix des femmes à l'égard du travail. Je me demande si vous avez autre chose à dire là-dessus. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces informations erronées?

Mme Cheryl Stewart: Il y a de nombreux exemples. Où dois-je commencer?

• 1350

Je crois que la statistique qui me tracasse le plus, c'est le nombre total de femmes au travail. J'ai vu à ce sujet des estimations qui vont de 62 à 77 p. 100 de l'ensemble des femmes. C'est un chiffre très trompeur, car nombre des femmes en question ne travaillent qu'à temps partiel, et le travail à temps partiel peut représenter de 5 à 30 heures de travail par semaine. Cela englobe aussi le cas de travailleurs comme les chauffeurs d'autobus, qui essaient habituellement de concilier leur travail avec leurs obligations familiales, les femmes dans le domaine agricole et d'autres genres d'emplois temporaires.

Pendant bien des années, c'était le chiffre que l'on donnait toujours des femmes au travail, et cela induisait vraiment en erreur. Ce que j'ai trouvé très malheureux, c'est qu'il y ait tant de gens, tant de groupes d'intérêt qui ont repris ce chiffre pour faire des pressions en faveur d'un nombre toujours plus grand de places en garderie, en disant que 77 p. 100 des femmes avaient besoin des services de garde, des services de garde de l'État, et ce n'était simplement pas le cas. En voilà donc un exemple.

L'autre exemple de mauvais usage de la statistique est celui dont nous venons de discuter, concernant les raisons pour lesquelles les femmes travaillent. Bien sûr, il y a longtemps que circule le mythe selon lequel les femmes travaillent pour des raisons économiques, mais lorsqu'on analyse les statistiques concernant les femmes qui travaillent, on constate que ce n'est pas le cas. C'est le cas pour certaines femmes dans les tranches d'imposition inférieures, mais ce n'est certainement pas une tendance générale. Il existe d'autres raisons pour lesquelles les femmes travaillent et d'autres raisons pour lesquelles les femmes ne travaillent pas.

Mme Michelle Dockrill: Un des chiffres qu'on nous a présentés ce matin en ce qui concerne la province de l'Ontario, c'est que 15 000 enfants dans cette province figurent actuellement sur une liste d'attente pour les places en garderie. On a aussi affirmé qu'il y aurait 34 000 enfants en Ontario qui ont besoin de services de garde.

Un autre chiffre nous a été donné ce matin—et je prie mes collègues de me corriger si je fais erreur, mais c'est ce que j'ai écrit... à Toronto, l'économie souterraine en ce qui concerne la garde des enfants vaudrait autour de 420 millions de dollars.

Vous parlez de choix. Nous avons entendu le témoignage de certaines personnes, de certaines mères qui ont dit très clairement que, dans la situation économique où elles se trouvent, elles n'ont pas le choix d'opter pour telle ou telle forme de garde pour leurs enfants.

Pour revenir à ce que vous dites, à propos de l'écart statistique concernant le nombre de femmes au travail, étant donné l'état de l'économie souterraine au Canada, croyez-vous que cela peut avoir une incidence sur le nombre qui, selon certains, travailleraient, mais qui ne se retrouveraient pas dans les statistiques, pour ce qui est du nombre de personnes qui obtiennent des services de garde «clandestinement» au pays, mais sans que cela ne se retrouve dans les statistiques concernant les femmes qui travaillent? Croyez-vous que cela pourrait avoir trait à ce que vous dites concernant les anomalies statistiques?

Mme Cheryl Stewart: Ah, je vois, les femmes qui s'occupent des enfants d'autres personnes et qui ne le déclarent pas sont, au sens technique du terme, au chômage.

Mme Michelle Dockrill: En ce qui concerne les personnes dont nous savons qu'elles font partie de l'économie souterraine, mais qu'elles ne figurent pas dans les statistiques, est-ce que cela pourrait être la raison pour laquelle il y a cette anomalie, cette information erronée dont vous parliez?

Mme Cheryl Stewart: Je ne crois pas que cela soit assez significatif pour que l'on puisse dire que c'est une grande différence du point de vue statistique.

Mme Michelle Dockrill: Je crois que le coût qui a été donné à cet égard ce matin, c'était 420 millions de dollars.

Mme Cheryl Stewart: Et c'était pour...?

Mme Michelle Dockrill: C'était en particulier pour l'économie souterraine et la garde des enfants.

Mme Cheryl Stewart: Je crois qu'il est très injuste d'essayer de mettre un chiffre là-dessus, comme ça: je connais de nombreuses femmes qui se relaient entre elles pour garder gratuitement les enfants de l'autre et faire des choses du genre. Ce groupe particulier pourra étudier cela et y donner une valeur, même s'il n'y a pas eu d'argent qui a changé de mains. Ce sont des coopératives de gardiennage, des voisins qui gardent l'enfant de l'autre à tour de rôle et ainsi de suite. Je ne crois pas que cela ait un très grand impact.

Mme Michelle Dockrill: Vous avez parlé des enfants et du sort qu'ils auraient dans une société d'où les parents demeurent à la maison. Croyez-vous que, dans le cas où c'est un parent qui s'occupe d'un enfant, cela donne un citoyen plus productif pour le pays?

Mme Cheryl Stewart: Est-ce que vous me posez la question à moi aussi?

Mme Michelle Dockrill: Oui.

• 1355

Mme Cheryl Stewart: D'accord. C'est une question à laquelle j'ai beaucoup de difficulté à répondre devant vous aujourd'hui, car je crois au fait d'avoir le choix. Toutefois, personnellement, je crois que rien ne saurait remplacer la mère qui élève son enfant. On ne pourrait jamais totaliser les avantages financiers que cela procure à la société en économies de divers ordres, que ce soit pour les soins de santé, la justice et encore. Mon opinion personnelle, c'est donc qu'il n'y a rien de mieux que les soins d'une mère.

Mme Michelle Dockrill: Votre réponse est donc «oui»?

Mme Cheryl Stewart: Oui.

Mme Michelle Dockrill: D'accord.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

Nombre d'entre vous avez comparé la famille à revenu unique et la famille à deux revenus, mais avec un même revenu global. Présumons que nous avons affaire à une famille dont le seul travailleur gagne 60 000 $ par année et dont la mère demeure à la maison, dans un cas, et une famille à deux revenus où les deux parents font 40 000 $ et 20 000 $ par année, d'autre part. Le jour où naît leur enfant, la belle-mère vient s'installer chez eux pour s'occuper de l'enfant. La femme au foyer, celle dont le mari fait 60 000 $, intègre donc le marché du travail et obtient un emploi de 20 000 $ par année. Nous avons maintenant affaire à une famille à deux revenus dont le revenu global est de 80 000 $ par année et à une famille à deux revenus dont le revenu global est de 60 000 $ par année. Pourquoi voulez-vous comparer une famille à une autre lorsque, dans les faits, leur situation est complètement différente?

Autrement dit, avant que nous ayons des enfants, ma femme et moi travaillions tous les deux. Je gagnais 30 000 $ par année, et elle, 20 000 $. Son revenu net tournait autour de 14 000 $ par année. Elle s'est retirée de la population active au moment où nous avons eu notre premier enfant. Notre revenu familial brut a chuté pour atteindre 30 000 $ par année. La comparaison faite en ce qui concerne le choix de demeurer à la maison ou de trouver du travail rémunéré ne concerne pas un revenu de 60 000 $ et un autre revenu de 60 000 $. C'est plutôt la comparaison entre un ménage dont le revenu est de 50 000 $ et où les deux conjoints travaillent, d'un côté, et un ménage dont le revenu est de 30 000 $ brut et où une seule personne travaille, de l'autre.

La question n'est cependant pas de savoir si nous sommes dotés d'un régime fiscal dans lequel il se trouve que les revenus supérieurs sont imposés à un taux supérieur. Cela n'a rien à voir avec les enfants. Le véritable enjeu, c'est de savoir si une famille à deux revenus avec un enfant qui paie une tierce personne pour en assurer la garde bénéficie d'un avantage, tandis que la famille dont l'un des parents se charge des soins de l'enfant sans coûts externes directs ne bénéficie pas d'un avantage équivalent.

La plupart d'entre vous avez tenté de comparer deux familles différentes plutôt que les deux choix qui s'offrent à une seule et même famille. Pourquoi?

Mme Rachel Difonzo: Je ne comprends pas votre question. Je suis désolée. Auriez-vous l'obligeance de la reformuler? Je n'ai pas compris ce que vous vouliez dire à propos de la belle-mère.

M. Paul Szabo: Imaginez que votre mari gagne aujourd'hui 60 000 $. Vous voudriez qu'il paie le même impôt que si vous gagniez tous deux 30 000 $. Imaginons maintenant que vous allez travailler et que vous gagnez, disons, 20 000 $. Soudainement, votre revenu familial est non plus de 60 000 $, mais bien plutôt de 80 000 $. On ne peut donc comparer un revenu de 60 000 $ à deux revenus de 30 000 $. Il vaut mieux comparer une famille à revenu unique de 60 000 $ à une famille à deux revenus de 80 000 $. Voilà pour la dimension économique. On ne peut comparer deux familles différentes. Il faut rester à l'intérieur de votre propre famille. Si les deux partenaires travaillent, le revenu familial augmente.

Mme Rachel Difonzo: Je ne crois pas qu'on cherche à comparer des familles. Je pense plutôt qu'on s'efforce de comparer des revenus. C'est l'impression que je garde de l'exposé de mon mari. Il a comparé des revenus familiaux, et non des familles. Dans un cas, on a affaire au revenu d'une famille dans laquelle une seule personne travaille et gagne 60 000 $ et au revenu d'une famille dans laquelle deux personnes travaillent et gagnent au total 60 000 $.

• 1400

M. Paul Szabo: Pourquoi ne diriez-vous pas que les deux maris gagnent 60 000 $ chacun? La véritable différence tient à la présence ou à l'absence d'un revenu. On ne peut comparer 60 000 $ à 60 000 $; il faut comparer 60 000 $ à 60 000 $ et plus.

Mme Rachel Difonzo: Pourquoi le régime fiscal ne peut-il être fondé sur le revenu familial total?

M. Paul Szabo: Pour une raison: environ le tiers des contribuables et des familles gagnent moins de 30 000 $ par année. Ils sont déjà imposés au taux le plus bas possible, si bien que le fractionnement du revenu ne procurerait aucun avantage au tiers environ des familles canadiennes. Pourquoi donc voudriez-vous accorder un avantage aux personnes à revenu supérieur, étant donné que, en réalité, l'essentiel de nos programmes sociaux et le régime fiscal visent à venir en aide aux Canadiens à faible revenu et à revenu moyen?

M. Mel Tuck: M. Szabo, je ne comprends pas pourquoi vous dites qu'on ne peut comparer deux familles différentes dont le revenu total est identique.

M. Paul Szabo: On peut le faire sur le plan mathématique.

M. Mel Tuck: Eh bien, je crois que vous auriez intérêt à le faire dans la mesure où vous préconisez l'équité et souhaitez que les citoyens aient le sentiment que le régime fiscal est équitable. Imaginons que nous avons affaire à deux employés à temps plein, disons...

M. Paul Szabo: Combien gagnent-ils?

• 1405

M. Mel Tuck: D'accord, disons qu'on a affaire à une famille dans laquelle une personne gagne 40 000 $ et un autre employé à temps plein gagne 20 000 $, pour un revenu familial combiné de 60 000 $. Imaginons maintenant le cas d'une autre famille dans laquelle deux personnes travaillent et gagnent chacune 30 000 $. En comparant l'impôt total payé par ces deux familles, vous constaterez que celle dans laquelle une personne gagne 40 000 $ et une autre 20 000 $ paie beaucoup plus d'impôt que celle dans laquelle deux personnes gagnent 30 000 $ chacune.

M. Paul Szabo: Quelle est la différence? Répondez à une question. Quel est le rapport entre ce que vous dites et l'existence des enfants?

M. Mel Tuck: Eh bien, comme je l'ai indiqué en arrivant ici...

M. Paul Szabo: Il n'y en a pas. L'écart observé dans le fardeau fiscal s'explique par la structure de notre régime fiscal, fondé sur un taux d'impôt progressif. Cette question n'a rien à voir avec l'existence des enfants. Par conséquent, elle n'intéresse pas notre comité.

M. Mel Tuck: M. Szabo, on m'a invité à venir témoigner ici, sans préciser que vos travaux concernaient les enfants. J'ai préparé mon mémoire, et je suis venu. Ce que je propose s'applique à tous les contribuables, qu'ils aient des enfants ou non. De mon point de vue particulier, aujourd'hui, il s'applique aux pensionnés.

Cette situation va se poursuivre jusqu'à la fin de mes jours parce que, pendant l'essentiel de notre vie commune, ma femme est demeurée à la maison. Elle a travaillé à temps partiel et n'a pas cotisé au régime de pension. Nous allons maintenant être pénalisés chaque année jusqu'à la fin de nos jours.

M. Paul Szabo: Très bien. Je vous remercie.

Le président: Madame Stewart, je vous en prie.

Mme Cheryl Stewart: Je comprends mal où M. Szabo veut en venir avec sa question. À propos des familles avec enfants, je tiens toutefois à souligner ce que j'ai affirmé dans mon mémoire aujourd'hui. Que la famille compte un ou deux enfants, la situation des parents qui travaillent n'a aucune importance. Les avantages que notre pays croit devoir allouer aux enfants devraient être équitables et égaux à tous égards, quelle que soit la structure de la famille, qu'on ait affaire à une mère qui travaille, à un père qui travaille, à une mère qui travaille à la maison ou à un père qui travaille.

Voilà qui me semble essentiel à l'ensemble de l'argumentation portant sur les prestations aux enfants.

M. Paul Szabo: L'une des recommandations de Mme Stewart était qu'on intègre la déduction pour frais de garde d'enfants dans le supplément versé au titre de l'enfant... Pouvez-vous nous dire à combien se monte la déduction pour frais de garde d'enfants?

Mme Cheryl Stewart: Je ne suis pas fiscaliste, mais je tiens pour acquis qu'on tiendrait compte de la valeur ou encore du revenu gagné ou perdu chaque année par le gouvernement au titre de la déduction pour frais de garde d'enfants et que cet argent serait intégré à la prestation fiscale pour enfants, laquelle serait ensuite répartie entre toutes les familles.

M. Paul Szabo: Elle est de 658 $...

Mme Cheryl Stewart: Par famille.

M. Paul Szabo: ... par famille qui se prévaut de la déduction pour frais de garde d'enfants.

Mme Cheryl Stewart: À mon avis, cette somme devrait être convertie en une seule et même prestation.

Si je puis me permettre d'ajouter quelques mots, je pense que le principal problème que pose la déduction pour frais de garde d'enfants tient au fait qu'elle est plus favorable pour les personnes à revenu supérieur. On dit que les familles sont montées les unes contre les autres. Il s'agit, je crois, du problème qui se pose.

Permettez-moi d'utiliser un exemple personnel. À l'époque où ma famille se débattait pour survivre à l'aide d'un revenu unique, j'avais sous les yeux des amies qui étaient demeurées au sein de la population active, et leur revenu familial était nettement supérieur à 100 000 $. Elles pouvaient utiliser la déduction complète pour leurs enfants. Dans leur cas en particulier, la femme ou l'homme n'était pas tenu de travailler. Ils auraient très bien pu se tirer d'affaire avec l'un ou l'autre de ces revenus.

D'autres amis qui étaient à la maison et moi-même avions sous les yeux ces couples qui étaient en mesure d'utiliser la déduction grâce à leur revenu supérieur, d'effectuer un voyage chaque année, de vivre dans une jolie maison et d'avoir une deuxième voiture. Ceux d'entre nous qui étions à la maison et subsistions à l'aide d'un revenu de 30 000 $ ou moins n'avions pas droit à cette déduction particulière.

À mes yeux, il s'agit donc de l'un des plus importants problèmes auquel le comité doit s'attaquer.

• 1410

Le président: C'est ce que nous sommes en train de faire. Si vous examinez les chiffres, vous constaterez cependant que moins de 50 p. 100 des familles qui pouvaient réclamer la déduction s'en sont prévalues. Même parmi celles qui l'ont fait et qui auraient pu réclamer 7 000 $, la réclamation moyenne n'a été que de 2 600 $ environ. Même les personnes qui ont affirmé que nous devrions introduire plus de mesures ont tenu à indiquer clairement qu'elles ne souhaitent pas que nous introduisions de nouvelles mesures au détriment d'autres personnes.

Si vous mettez en doute la validité de la déduction pour frais de garde d'enfants et que vous proposez de la remplacer par autre chose... Les personnes qui ont proposé son remplacement par, à titre d'exemple, une déduction d'impôt pour enfants ont également indiqué qu'il faut garder la déduction pour frais de garde d'enfants dans la mesure où il s'agit d'une dépense légitime pour les couples qui ont un deuxième revenu. Dans ce contexte, je comprends que le problème, à supposer que vous vouliez utiliser ce mot—qui me déplaît—, qui contribue à l'apparence d'écart ou de discrimination dans le régime fiscal, suivant le traitement que nous réservons à deux modèles différents, tient au fait que l'un de ces groupes a accès à la déduction, l'autre non. On ne peut quantifier ce problème, et nous tentons désespérément de mettre au point une méthode pour le quantifier au profit des personnes qui choisissent de rester à la maison.

L'autre problème, c'est que nous disposons d'un régime fiscal—qui résulte d'une décision stratégique prise il y a des décennies—en vertu duquel l'impôt est établi à titre individuel, et non familial. À moins que vous vouliez que le comité modifie ces deux philosophies, vous allez, comme M. Szabo l'a souligné, dans l'hypothèse où on choisirait d'imposer le revenu familial, par exemple, favoriser les riches et les personnes à revenu élevé, sans nécessairement cibler le segment que vous souhaitez cibler. Si, par exemple, les familles présentaient une seule et même déclaration aux Communes, le ministère des Finances, de son propre aveu, toucherait des recettes additionnelles de plus de 4 milliards de dollars, et je me demande où irait cet argent. Il n'irait ni aux familles à faible revenu ni aux enfants dans le besoin du pays. Voilà le genre de problèmes auxquels nous tentons d'apporter des solutions.

Monsieur Forseth, je vous en prie.

M. Paul Forseth: Pour illustrer ce que les témoins précédents ont voulu dire, une explication additionnelle, je crois, s'impose: imaginons deux amies qui ont chacune un enfant, qu'elles confient à la même garderie et qui dépensent chacune 2 500 $ par année. Or, il se trouve que l'une d'entre elles gagne beaucoup plus que l'autre, de sorte que l'avantage fiscal qui découle de la même garderie et de la même facture est nettement supérieur pour la personne dont le revenu est nettement supérieur, du simple fait qu'elle se retrouve dans une tranche de revenu beaucoup plus élevé.

Le président: L'impôt est un grippe-sou dans la mesure où il va toujours dans le même sens. Nous demandons aux riches de payer davantage. Quant aux avantages, nous ne voulons pas qu'ils soient universels. Percevez-vous le dilemme? Sur le plan fiscal, ils apportent une contribution plus importante. Nous entrons ici dans le vif du débat.

J'invite maintenant les participants à nous faire part de leurs observations finales.

M. Alan Schwartz: Je ne suis pas d'accord avec le commentaire que vous venez de faire, selon lequel, dans un régime fiscal progressif à l'intérieur duquel les revenus sont imposés de façon progressive, les déductions devraient être fonction du flux de revenu. Au sein de notre régime fiscal, nous avons adopté certaines exceptions. Dans de nombreux secteurs, des crédits remplacent les déductions. À mon avis, l'adoption d'une règle pour le revenu et d'une autre pour les déductions est contraire au principe de l'équité verticale.

Le président: À l'heure actuelle, notre régime le fait pourtant. Je suis d'accord avec vous.

D'autres commentaires? Monsieur Tuck.

M. Mel Tuck: J'aimerais savoir où vous voulez en venir avec le présent exercice et le genre de rétroaction auquel nous aurons droit, au fur et à mesure que vos travaux seront intégrés dans le système.

Le président: Notre comité a été créé par un comité plénier de la Chambre des Communes, à savoir le comité des finances. Il s'agit donc d'un sous-comité. Au début de juin, nous allons faire rapport au comité plénier, et nous espérons que notre rapport sera alors intégré aux consultations budgétaires publiques que le comité parlementaire tiendra à l'automne.

M. Mel Tuck: Pourra-t-on accéder au rapport dans votre site Web?

Le président: Oui.

M. Mel Tuck: Avez-vous une idée du moment où le rapport sera prêt?

Le président: En vertu de notre mandat, nous devons produire notre rapport au plus tard le 15 juin. Nous espérons le faire dans la première semaine de juin.

M. Mel Tuck: Je vous remercie.

Le président: Autre chose?

M. Alan Schwartz: Je tiens simplement à souligner que je comprends bon nombre des sentiments que les autres témoins ont exprimés ici aujourd'hui. Étant donné la perte de revenu, je crains que le résultat net de l'exercice ne soit une augmentation de l'impôt payé par les familles à deux revenus, au nom de cette pseudo-équité, sans que les mères qui restent au foyer en bénéficient nécessairement. Un tel résultat, quelles qu'en soient les raisons, serait tout a fait déplorable pour bon nombre de mères qui travaillent.

• 1415

Le président: Je tiens à dissiper vos craintes. À ma connaissance, aucun membre du comité ici présent ne propose quoi que ce soit de ce genre.

Monsieur Difonzo, je vous en prie.

M. Joseph Difonzo: Oui, je tenais à dire un dernier mot ou, tout au moins, à faire part d'une réflexion finale.

Je ne suis pas spécialiste des questions touchant l'impôt, qu'il s'agisse des dispositions législatives, des crédits, des déductions et tout le reste, mais je suis certain que vous pourriez puiser dans votre sagesse collective pour apporter des modifications qui, en dernière analyse, seront à l'avantage de la société tout entière. J'en viens à la société tout entière puisque nous n'avons pas affaire ici qu'à une question de dollars et de cents. Il est plutôt question du bien-être de la famille en tant qu'institution. Dans ses politiques, qu'elles aient trait à l'impôt ou à toute autre chose, le gouvernement devrait, à mon avis, mettre la famille au premier rang.

Quel sera l'effet de tout cela sur la situation de la famille au cours du présent siècle et du prochain millénaire? Au cours des 40 dernières années, nous avons été témoins d'une terrible érosion de la famille. Nous en avons observé les répercussions dans la société. J'ignore s'il est possible de chiffrer le coût de tous les problèmes sociaux auxquels nous sommes confrontés. Aurions-nous pu les réduire en mettant davantage l'accent sur la famille au moment de l'adoption des politiques? Je me plais à croire qu'on aurait certainement pu les réduire. Je pense que vous devez vous concentrer sur la question suivante: quel effet telle ou telle mesure aura-t-elle sur la famille?

Le président: Voilà qui est bien dit et qui clôture à merveille, je crois, la présente discussion. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier tous de votre participation.

Nous accueillons maintenant M. Karl Keilhack, conseiller fiscal de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance. Monsieur Keilhack, j'aimerais que vous nous présentiez un exposé de cinq à dix minutes au maximum et que vous réserviez de 15 à 20 minutes pour la période de questions. Au nom des membres du comité, je vous souhaite la bienvenue.

Parlez-vous en votre nom personnel ou en celui de l'association, monsieur Keilhack?

M. Karl Keilhack (conseiller fiscal, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance): Je représente l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance. L'Association est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de participer aux présentes audiences.

Les 17 500 membres volontaires de l'Association fournissent à leurs clients des conseils relatifs aux besoins financiers totaux des familles, des particuliers et des PME. Parmi nos clients, on retrouve des Canadiens de tous les segments de la société et de toutes les catégories de revenu.

Le communiqué de presse du Comité permanent des finances daté du 20 avril 1999 indique que le sous-comité examinera l'équité des régimes canadiens d'impôt et de transfert dans leurs rapports avec les familles qui ont des enfants à charge. En ce qui concerne les transferts, on doit examiner les difficultés que connaissent les familles à faible revenu. Le meilleur moyen de remédier à ces problèmes consiste probablement à passer par les services sociaux, en marge du régime fiscal. L'Association, qui n'a pas d'expertise dans l'évaluation des services sociaux, remarque, à la lumière de votre listes de témoins, que les besoins dans ce domaine bénéficieront d'une attention soutenue.

• 1420

En ce qui concerne le volet fiscal, les difficultés naissent de l'écart dans le fardeau fiscal de familles dont le revenu est le même. Selon votre communiqué, le sous-comité se penchera sur l'impact de politiques fiscales actuelles sur différents modèles familiaux, à des niveaux de revenu divers. Vous vous intéresserez ainsi aux familles monoparentales, aux familles biparentales à deux revenus et aux familles biparentales à revenu unique.

L'Association a déjà indiqué que tout examen de l'équité du régime fiscal du Canada dans ses rapports avec les familles qui ont des enfants à charge doit être exhaustif. Toute solution se limitant à une disposition fiscale précise, par exemple la déduction pour frais de garde d'enfants, ne suffira pas à remédier au problème de la répartition inéquitable du fardeau fiscal entre les familles qui ont des enfants à charge.

L'un des exemples d'inéquité est la non-reconnaissance des familles aux fins de l'impôt sur le revenu. Les couples qui ont des enfants à charge, quel que soit leur nombre, sont considérés comme ayant la même capacité de payer des impôts que les couples sans enfants. On ne tient aucun compte des dépenses associées à la présence d'enfants, si ce n'est la déduction pour frais de garde d'enfants. Il en va de même pour les parents célibataires. Ils ont droit à l'équivalent d'un crédit pour conjoint pour le premier enfant, mais à rien pour les enfants additionnels. Une mère célibataire avec trois enfants à charge paie le même impôt qu'une mère célibataire avec un enfant.

Dans le mémoire, on cite un autre exemple montrant l'écart entre les fardeaux fiscaux des familles dont le revenu est de 40 000 $. Ces écarts s'appliqueront après l'entrée en vigueur des propositions budgétaires fédérales pour 1999. L'impôt fédéral payé par la famille à revenu unique s'établira à 418 p. 100 de la somme versée par la famille à deux revenus. La somme de 3 364 $ est plus de quatre fois supérieure à la somme de 804 $ versée par l'autre, et les impôts provinciaux s'ajoutent dans les mêmes proportions.

Comme troisième exemple, j'aimerais comparer l'impôt sur le revenu de deux familles presque identiques. Dans les deux cas, il s'agit de familles biparentales à deux revenus dont les frais de garde et les dépenses liées à l'occupation d'un emploi sont identiques et dont le revenu familial annuel correspond à la moyenne nationale de 60 000 $. Les deux couples partagent les obligations domestiques et disposent de la même quantité de temps libres pour eux-mêmes et leur famille. Bref, on pourrait considérer qu'ils bénéficient de la même qualité de vie. La seule différence tient à la répartition des revenus entre les conjoints. Dans un cas, les conjoints gagnent 30 000 $ chacun; dans l'autre, on a affaire à une répartition inégale: un des conjoints gagne 20 000 $, et l'autre, 40 000 $. La famille dans laquelle la répartition des revenus est inégale paie 9 p. 100 ou 900 $ de plus en impôt fédéral sur le revenu sur la tranche de 10 000 $ de revenu imposée à 26 p. 100 plutôt qu'à 17 p. 100. Si on tient compte de l'impôt sur le revenu provincial qui en découle, on aboutit à un fardeau fiscal différentiel d'environ 1 300 $ par année. Il en résulte donc des difficultés pour une famille à revenu moyen qui tente d'élever des enfants. La qualité de vie réelle diffère en raison du fardeau fiscal inégal.

Dans son mémoire, l'Association examine l'insuffisance des motifs invoqués pour justifier ces écarts dans le traitement fiscal. Au nombre de ces motifs, citons les écarts dans les frais de transport, d'autres dépenses liées à l'occupation d'un emploi, comme les vêtements et les frais de garde, de même que la qualité de vie. Notre mémoire fait état de la nature arbitraire de ces supposées différences. Les frais de transport peuvent être plus élevés pour une famille à revenu unique que pour une famille à deux revenus. Une famille à revenu unique paie plus d'impôts qu'un couple à deux revenus sans enfants. Si on entend imposer la qualité de vie, on devra imposer davantage un couple de retraités qu'un couple de travailleurs, même s'ils ont le même revenu. Voilà pourquoi, à notre avis, les raisons invoquées ne sont pas valables.

• 1425

Récemment, on a tenté d'apporter une solution satisfaisante à ce problème qui passerait par la présentation d'une déclaration de revenu commune. Or, cette solution a soulevé quelques objections, notamment des problèmes concernant la protection des renseignements personnels, des problèmes liés aux déductions à la source, les obstacles auxquels pourraient être confrontées les femmes qui réintègrent le marché du travail, la responsabilité commune aux fins de l'impôt et ce qu'on appelle la pénalité pour les personnes mariées. On en fait également état dans le mémoire.

Pour améliorer l'équité fiscale, l'association formule deux recommandations. La première consiste à reconnaître les divers coûts associés à l'éducation des enfants au moyen d'une déduction ou d'un crédit d'impôt. L'autre consiste à autoriser une cotisation fiscale commune facultative. Pour éviter les problèmes associés à un régime axé sur la production d'une déclaration commune, le régime fiscal conserverait essentiellement sa forme actuelle. Au moment de présenter leur déclaration de revenu, chacun des conjoints aurait la possibilité d'opter pour une cotisation fiscale commune. Dans les faits, on procéderait à une répartition théorique des revenus au profit du conjoint dont le revenu est le plus faible, de façon que le couple soit imposé comme si les conjoints avaient des revenus égaux.

Monsieur le président, notre mémoire a pour but de montrer qu'il est possible d'établir un régime d'imposition des familles qui soit plus équitable que le régime actuel, lequel s'assortit de caractéristiques décriées par les critiques d'autres propositions. En outre, un tel système serait facile à administrer. L'association estime que la cotisation fiscale commune facultative proposée répond à ces critères.

Je vous remercie de votre invitation. J'attends vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: En ce qui concerne la déclaration conjointe, vous faites essentiellement allusion à la question du fractionnement du revenu. Comme vous le savez, le fractionnement du revenu, en raison des trois niveaux d'imposition, ne signifie pas nécessairement que les deux partenaires paieront moins d'impôt. Que pensez-vous de l'autre concept qui permettrait de s'attaquer au fond du problème en raison duquel on préconise le fractionnement du revenu, à savoir l'imposition d'un impôt uniforme? Si l'impôt était uniforme, nous n'aurions pas besoin de recourir au fractionnement du revenu.

M. Karl Keilhack: Eh bien, un impôt uniforme aurait pour effet de régler tous les problèmes que j'ai soulignés. Dans le budget provincial de l'Alberta, on a adopté une solution qui fonctionne. En d'autres termes, le crédit d'impôt pour le conjoint serait égal au crédit d'impôt des particuliers. Par conséquent, un couple aurait droit à deux crédits identiques, indépendamment de la façon dont le revenu est réparti puisque l'un ou l'autre des conjoints peut s'en prévaloir. Le reste serait imposé selon le taux uniforme adopté.

L'Association ne s'est pas prononcée sur l'adoption d'un taux d'imposition uniforme. Au sein d'un pays qui n'est pas prêt à l'introduction d'un régime fondé sur un impôt uniforme, nous pensons qu'il convient de privilégier notre option.

M. Paul Forseth: À propos de la recommandation 23, disposez- vous de certaines preuves qui montrent que la déduction concernée n'est pas suffisamment généreuse? Certaines données montrent que la population n'en tire pas tous les avantages possibles.

M. Karl Keilhack: Non. Comme on l'indique, il s'agit d'une préoccupation soulevée par d'autres parties. À en juger par les témoignages entendus plus tôt aujourd'hui, selon lesquels on réclame en moyenne 2 600 $, il n'y a peut-être pas de problème. Nous pensons cependant qu'il conviendrait d'affirmer que la déduction, à supposer qu'on la juge insuffisante, puisse être rajustée. L'absence d'indexation ou l'indexation réduite dans certains volets de la Loi de l'impôt sur le revenu a produit le même effet.

M. Paul Forseth: C'est vrai. Il s'agit donc d'une simple mise en garde contre le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation à ce propos de même que contre les conséquences négatives du même phénomène dans d'autres secteurs.

Je vous remercie beaucoup. J'ai terminé.

• 1430

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît. Je vous accorde cinq minutes.

M. Serge Cardin: Vous semblez être en faveur de la division des revenus d'un couple dans toutes les situations, même quand un couple n'a pas d'enfants à charge.

[Traduction]

M. Karl Keilhack: C'est exact.

[Français]

M. Serge Cardin: À la limite, cette approche ferait en sorte qu'à toutes fins pratiques, deux conjoints s'associeraient de façon semblable aux partenaires qui forment une entreprise. Comme l'indiquait un peu plus tôt un autre témoin qui souhaitait que toute personne qui cohabite avec une autre puisse diviser ses revenus, il pourrait y avoir des avantages à la simple association.

Notre mandat stipulait que nous devions faire une étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge. Différentes entités sont assujetties à l'impôt et, dans un deuxième temps, deux personnes sont imposées. M. Szabo nous disait tout à l'heure qu'on avait souvent tendance à comparer des choses complètement différentes. On semble vouloir qu'un couple qui gagne 60 000 $ par année et dont un seul conjoint travaille paie les mêmes impôts qu'un autre couple qui gagne le même revenu et dont les deux conjoints travaillent. On voudrait égaliser les revenus et les subdiviser. J'ai de la difficulté à comprendre et à accepter que deux personnes qui travaillent et investissent des efforts dans leur travail puissent recevoir en bout de ligne moins qu'un couple dont une seule personne travaille.

Selon cette logique, si on avait le choix, on s'associerait toujours à une personne qui a des revenus substantiels afin de pouvoir jouir de plus de temps libre. J'ai de la difficulté à appuyer une telle approche.

Je me préoccupe davantage du bien-être des enfants et de la famille. Vous avez effleuré cet aspect. Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu d'ajouter des exemptions pour enfants qui refléteraient ce qu'il en coûte réellement pour élever un enfant et qui varieraient en fonction de l'âge des enfants?

[Traduction]

M. Karl Keilhack: Monsieur le président, je vais tenter de me souvenir de toutes les questions qui m'ont été posées. Je compte sur vous au cas où j'en oublierais quelques-unes.

La première avait trait à la définition de la cellule familiale. Il faut vraiment que le Parlement s'attaque à ce problème. À la lumière de l'arrêt de la Cour suprême, je crois qu'on va bientôt faire quelque chose dans le dossier des conjoints de même sexe. J'ai été surpris de ne rien voir à ce propos dans le budget fédéral, mais je tiens pour acquis qu'on adoptera des mesures qui auront une incidence sur l'ensemble des textes de loi fédéraux dans tous les domaines. Le régime que je propose s'appliquerait aux couples de même sexe. S'ils s'engagent dans une cellule familiale, ils seraient, je crois, dans la même situation que les couples hétérosexuels qui décident de vivre en union libre plutôt que de se marier.

• 1435

Quant à savoir si les mesures devraient aussi s'appliquer dans d'autres secteurs—par exemple, l'obligation où on se trouve d'éviter que certaines personnes cumulent des pensions et que d'autres disent être séparées, tandis que l'une d'entre elles touche des prestations d'aide sociale, pour ensuite déclarer avoir vécu en couple pendant les 20 dernières années et exiger des prestations—l'enjeu est tout à fait différent.

La question suivante a trait au parent célibataire. Je m'y suis intéressée dans le mémoire. À l'heure actuelle, un parent célibataire obtient pour un enfant l'équivalent du crédit pour conjoint. Si le nouveau régime que je propose était adopté, le conjoint et l'enfant pourraient être considérés comme une cellule familiale, au même titre que deux conjoints. Le revenu serait alors fractionné avec l'enfant.

La question suivante a trait à un enjeu soulevé plus tôt par M. Szabo, à savoir des exemples concernant une famille donnée. Nous présentons un tel exemple dans notre mémoire. Il a trait à un couple à revenu unique dans lequel le soutien de famille occupe un emploi à temps plein et gagne 60 000 $ par année. Le couple souhaite accroître son revenu familial, et on annonce l'ouverture d'un poste à temps partiel en soirée. Les deux conjoints sont confrontés à un choix: le mari ou la femme peut occuper le travail à temps partiel. Si le soutien de famille unique accepte le poste à temps partiel, il sera imposé au taux de 29 p. 100, avant les surtaxes, aux niveaux fédéral et provincial. Si, en revanche, c'est le conjoint sans revenu qui accepte le poste à temps partiel, il sera imposé, au niveau fédéral, au taux de 17 p. 100, sans compter qu'il sera probablement épargné par les surtaxes.

• 1440

Je pense qu'un tel exemple illustre bien que le régime fiscal n'est pas neutre comme il devrait l'être. Aucun choix ne s'offre aux familles. Si, dans la famille en question, on décide qu'un des parents est mieux en mesure que l'autre de nourrir les enfants le soir et de les mettre au lit, mais que ce choix entraînerait une détérioration de la situation fiscale, ou fait le choix contraire. Ce n'est pas acceptable.

En ce qui concerne les efforts investis dans le travail, je n'ai pas bien compris le sens de la question.

Le président: Auriez-vous l'obligeance de vous expliquer?

[Français]

M. Serge Cardin: J'avais fait des calculs en fonction d'un revenu d'environ 60 000 $ gagné par un salarié et par deux salariés. Si une personne travaille 37 heures et demie par semaine et gagne 60 000 $, ses revenus après impôt équivalent à environ 20 $ l'heure. Quand deux personnes gagnent le même salaire, leurs revenus nets après impôt ne représentent qu'environ 9 $ l'heure. Bien qu'à première vue on puisse croire qu'il y a iniquité envers les familles qui ne comptent qu'un travailleur, il n'en demeure pas moins qu'en termes de temps de travail et de taux horaire, les deux conjoints qui travaillent sont désavantagées.

[Traduction]

M. Karl Keilhack: Il existe des écarts de revenu sur lesquels le régime fiscal n'aura pas d'effet. Si une personne accepte un poste à temps partiel rémunéré au taux de 10 $ l'heure, tandis qu'un autre poste est rémunéré au taux de 20 $ l'heure, on notera à coup sûr un écart dans le total de l'impôt à payer parce que, si l'un gagne le double, l'autre obtient plus d'argent. Le premier a la capacité de payer de l'impôt.

• 1445

En ce qui concerne le travail du couple ou de la famille, il est clair que, à supposer que l'un des conjoints gagne davantage parce qu'il travaille pendant plus d'heures ou occupe un emploi à temps partiel, l'autre devra automatiquement assumer une charge de travail plus grande à la maison. À mes yeux, un couple est un partenariat à l'intérieur duquel les conjoints partagent les responsabilités au meilleur de leurs capacités, de leur potentiel de gains et de leurs talents. En dernière analyse, ils produisent quelque chose qui est récompensé sur le plan du revenu. Un régime fiscal axé sur le revenu fictif serait impossible à administrer.

Prenons par exemple le cas de deux voisins qui doivent corriger un problème de plomberie: le premier recourt à un plombier pour pouvoir aller jouer une partie de golf; l'autre effectue la réparation lui-même et, avec les économies ainsi réalisées, amène la famille au restaurant. Sur le plan différentiel, lequel des deux a le plus contribué à l'amélioration de la qualité de vie? Que devrait-on faire? Le voisin qui a retenu les services d'un plombier devrait-il avoir droit à une déduction, puis payer de l'impôt sur la partie de golf, sur la qualité de vie? Devrait-on imposer le revenu fictif de l'autre? Certaines de ces propositions paraissent sensées en théorie, mais, en pratique, elles ne tiennent tout simplement pas le coup.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Szabo.

M. Paul Szabo: Merci.

Monsieur Keilhack, dans la première phrase de votre résumé, vous affirmez que les incohérences dans l'imposition de modèles de famille différents préoccupent depuis longtemps les contribuables et leurs conseillers. À ma connaissance, la Loi de l'impôt sur le revenu ne compte qu'un aspect qui, de façon directe et exclusive, a rapport aux enfants, et c'est la déduction pour frais de garde d'enfants. Le crédit pour conjoint est accessible à tous—les couples sans enfants, les parents dont les enfants ont quitté le foyer, etc.; il n'est pas réservé exclusivement aux enfants. L'équivalent de l'exemption de marié ne s'applique pas nécessairement à un enfant; elle peut également s'appliquer à une autre personne à charge, etc.

Il ne reste donc que la déduction pour frais de garde d'enfants, dont le gouvernement assume le coût. À la lumière des données de 1996, on constate que la mesure lui coûte 500 millions de dollars. À supposer que nous retirions la déduction pour frais de garde d'enfants du régime d'impôt sur le revenu, de façon absolue et totale, diriez-vous que l'imposition des modèles de famille différents est toujours incohérente puisque notre régime d'impôt sur le revenu est fondé sur l'impôt des particuliers et que chacun serait traité de façon identique?

M. Karl Keilhack: Monsieur le président, on serait toujours confronté à l'incohérence en vertu de laquelle un couple avec enfants paie aujourd'hui le même impôt qu'un couple sans enfants. Si nous croyons que, en vertu du principe de l'équité horizontale, les impôts devraient être perçus en fonction de la capacité de payer—je viens tout juste de voir de nouvelles données produites au Manitoba, et il en coûte 9 000 $ par année pour élever un enfant dans une famille—, la famille qui assume de telles dépenses a une capacité de payer différente de celle d'un couple sans enfants.

M. Paul Szabo: Laissons les enfants de côté. Imaginons que personne n'a d'enfants. Il n'y a que des couples, certains à deux revenus, d'autres à revenu unique. Dans ce cas, les incohérences que vous décrivez dans le contexte de la présence d'enfants n'existe même plus. Les conjoints ont décidé que l'un d'entre eux allait rester à la maison, vaquer aux soins du foyer et assurer leur confort à tous deux, abstraction faite des enfants. L'écart n'a strictement rien à voir avec les enfants.

M. Karl Keilhack: C'est exact. Si leur revenu est réparti selon un ratio de 30:70, ils paient davantage d'impôt que s'il était réparti selon un ratio de 50:50.

M. Paul Szabo: Ou que si on a affaire à un seul revenu plutôt qu'à deux.

M. Karl Keilhack: C'est exact.

M. Paul Szabo: Les écarts s'expliquent par la progressivité de l'impôt des particuliers. Je veux simplement le préciser. La plupart des gens croient l'écart imputable aux enfants, mais c'est faux.

• 1450

Vous laissez entendre que le dépôt d'une déclaration de revenu commune est possible... Avez-vous une idée de ce qu'il en coûterait d'autoriser les couples à fractionner ou à partager leur revenu?

M. Karl Keilhack: Non, je n'ai pas vu les chiffres, et nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour effectuer de tels calculs.

En théorie, on pourrait apporter la modification sans incidence sur les recettes. Les témoins qui m'ont précédé ont affirmé que cette hypothèse n'était tout simplement pas envisageable parce qu'elle aurait l'effet suivant: ceux qui paient moins que leur juste part devraient payer davantage, tandis que ceux qui paient plus que leur juste part auraient droit à une réduction d'impôt.

Maintenant que le gouvernement fédéral a dégagé un surplus budgétaire, on pourrait le faire sans que l'impôt de qui que ce soit augmente. Si les sommes sont importantes au point où on ne peut tout simplement plus les assumer, on devrait y voir le signe que le régime fiscal est inéquitable au point où ses effets se font sentir jusque dans...

M. Paul Szabo: Vous dites que l'impôt des particuliers et la progressivité du taux sont inéquitables parce qu'ils sont à l'origine de l'écart qu'on observe dans les fardeaux fiscaux.

M. Karl Keilhack: Au départ, notre régime fiscal était axé sur les particuliers. Certains aspects, par exemple le prélèvement de l'impôt auprès des particuliers et le calcul de l'impôt payable, demeurent individuels. Si, en revanche, nous examinons les crédits de TPS, divers crédits provinciaux, le Supplément de revenu garanti, d'autres secteurs divers...

M. Paul Szabo: Compte tenu des besoins...

M. Karl Keilhack: ... même les frais médicaux et les dons de charité, on constate que notre régime fiscal n'est plus uniquement axé sur le particulier en tant qu'entité fiscale. De nos jours, on note davantage de dispositions à l'égard desquelles la famille est l'entité fiscale que de dispositions à l'égard desquelles l'entité fiscale est le particulier.

M. Paul Szabo: Dans l'ensemble de votre analyse, vous ne vous êtes penché que sur la Loi de l'impôt sur le revenu. Vous n'avez tenu nul compte de l'existence de la prestation fiscale pour enfants du Canada, qui, en moyenne, est plus élevée pour une famille à revenu unique que pour une famille à deux revenus avec enfants. Pourquoi n'avez-vous pas tenu compte de la valeur de cette prestation non imposable?

M. Karl Keilhack: Prenez par exemple le cas de deux mères célibataires qui réussissent: elles n'ont droit à aucune prestation fiscale pour enfant. Celle qui a trois enfants est imposée au même taux que celle qui n'en a qu'un.

M. Paul Szabo: C'est fonction du régime fiscal.

M. Karl Keilhack: Imaginons que les enfants à charge sont adolescents et qu'ils n'ont plus besoin de services de garde...

M. Paul Szabo: Je vous remercie beaucoup.

M. Karl Keilhack: Je vous en prie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Keilhack, de vos recommandations. Comme vous le constatez, nous sommes confrontés à des défis de taille. En nous faisant profiter de leur expérience et de leurs recommandations, des personnes telles que vous nous facilitent cependant la tâche.

M. Karl Keilhack: Je vous en prie. Je tiens à vous assurer que je ne sous-estime en rien les défis que vous devez relever.

Le président: Merci.

• 1455

J'ai maintenant le plaisir d'accueillir trois personnes qui témoigneront à titre personnel. Nous allons d'abord entendre Mme Shannon Brodie, puis Mme Wendy Racovali, et enfin Mme Deborah Kusturin. Elles témoignent toutes trois à titre personnel, et c'est volontiers que nous les entendrons.

Nous allons débuter par Mme Brodie.

Mme Shannon Brodie (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je vous remercie de l'énergie dont vous faites preuve—je sais que vous avez tous effectué un long déplacement—ainsi que de l'intérêt que vous manifestez en tenant la présente audience et de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole aujourd'hui.

Je m'appelle Shannon Brodie. Diplômée universitaire, je suis mère de deux enfants d'âge préscolaire. À la naissance de mon deuxième enfant, en 1996, mon mari et moi avons décidé que j'allais rester à la maison avec les enfants. En prenant cette décision, nous avons fait le constat que nous allions devoir faire vivre une famille de quatre personnes avec 37 000 $ par année. C'était, croyions-nous, la meilleure solution pour le bien-être de notre famille.

Toutes les familles qui ont des enfants s'occupent d'eux. On ne peut pas choisir de s'en occuper ou pas. Nous nous en occupons. Tous ceux d'entre nous qui ont des enfants s'en occupent tout le temps. Sur le plan physique, affectif et financier au même titre que dans toutes les décisions que nous prenons en leur nom, nous nous occupons d'eux.

Ai-je le sentiment que tous les parents devraient faire les mêmes choix que moi? Pas plus que je ne crois que tous les parents devraient donner à leurs enfants les noms que j'ai choisis pour les miens. Du fait de leur composition et de leurs pratiques, toutes les familles sont uniques et différentes. C'est au gouvernement et à la société dans laquelle ces enfants vivent qu'incombe la responsabilité de reconnaître et de valoriser chaque enfant en tant que personne et chaque famille en tant qu'institution vouée aux soins de l'enfant. En donnant à toutes les familles la possibilité de faire les choix qui leur conviennent le mieux, le gouvernement soutient le meilleur cadre qui soit pour favoriser l'épanouissement et la croissance des familles, qui sont appelées à former les contribuables responsables de demain.

Les programmes gouvernementaux actuels, notamment la déduction pour frais de garde d'enfants, la prestation fiscale pour enfants de même que les congés de maternité et les congés parentaux, visent à soutenir les familles. À mon avis, le gouvernement n'a cependant pas pris une position neutre dans le régime fiscal. En effet, il fait la promotion du retour des deux parents sur le marché du travail en augmentant sans cesse les déductions pour frais de garde. Les critères utilisés aux fins de l'administration de la prestation fiscale pour enfants reposent sur le revenu familial, et non sur le type de famille—à deux revenus ou à revenu unique. La déduction pour frais de garde d'enfants est fondée sur une politique d'exclusion. Seuls les parents qui occupent tous deux un emploi rémunéré en tirent parti.

La garde des enfants devrait occuper une place centrale dans la politique gouvernementale d'imposition de la famille. Pourquoi fait-on de l'emploi rémunéré des deux parents une condition préalable à l'obtention d'une aide financière pour la garde de l'enfant?

Le gouvernement devrait-il subventionner la décision des personnes qui choisissent de se retirer de la main-d'oeuvre rémunérée? Non. Le gouvernement devrait-il subventionner la décision des personnes qui choisissent de demeurer au sein de la main-d'oeuvre rémunérée? Non. L'enfant est l'élément central qui altère ces équations.

À mon avis, la déduction pour frais de garde n'est pas un mécanisme valable pour répondre aux besoins de la population active, qu'elle soit rémunérée ou non. Les personnes qui ont le plus besoin d'une aide financière pour assumer les frais de garde de leurs enfants ne peuvent attendre les remboursements d'impôt du printemps pour payer les personnes qui assurent la garde de leurs enfants. Souvent, elles sont confrontées à des choix limités ou inexistants, à savoir recourir à une garderie non accréditée, qui ne délivre pas de reçus, de sorte qu'elles n'ont pas la possibilité de bénéficier des déductions pour frais de garde d'enfants. Les déductions pour frais de garde d'enfants profitent aux personnes qui disposent d'un revenu disponible suffisant pour assumer entièrement l'ensemble des frais de garde, et à elles seules.

La politique est déficiente, du point de vue de la portée et de la neutralité. Je veux que le gouvernement élimine la déduction pour frais de garde d'enfants et la remplace par une prestation pour enfants accessible à toutes les familles, en fonction de leur revenu. Une telle politique se traduirait par la majoration des prestations auxquelles les familles à deux revenus ont aujourd'hui droit en vertu de la déduction pour frais de garde d'enfants. Elle s'appliquerait aussi aux familles dont l'un des membres choisit de rester à la maison pour s'occuper des enfants. Si on adaptait le programme et qu'on faisait de la déduction une prestation universelle, toutes les personnes qui assument des dépenses pour veiller aux soins de leurs enfants seraient avantagées.

Je ne cherche pas—et personne ne devrait le faire—à polariser le débat en tentant de déterminer qui travaille ou mérite le plus—les parents qui occupent un emploi rémunéré ou ceux qui restent à la maison. Notre gouvernement doit mettre en place un régime fiscal qui valorise les enfants et les familles qui les élèvent.

• 1500

Les familles qui ont des enfants assument incontestablement les coûts additionnels. En tant que nation et société, nous devons soutenir et valoriser tous les enfants, quel que soit l'endroit où leurs parents travaillent. Le gouvernement n'a pas pour rôle d'orienter les choix des parents. Il devrait plutôt soutenir notre rôle de parents dans le cadre d'une famille.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Madame Racovali, je vous en prie.

Mme Wendy Racovali (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Wendy Racovali, et je vis à Whitby, en Ontario. Je suis mère de trois enfants âgés de 4 à 12 ans, et je ne fais plus partie de la main-d'oeuvre rémunérée depuis environ dix ans, période que j'ai consacrée aux soins de nos enfants. Mon mari est notre seul soutien de famille.

Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de certaines des iniquités auxquelles, à mon avis, les familles à revenu unique sont confrontées dans le régime fiscal actuel.

Je suis fermement convaincue que les familles dont l'un des membres choisit de rester à la maison pour s'occuper des enfants sont pénalisées. Entre les familles à revenu unique dans lesquelles l'un des parents reste à la maison pour s'occuper des enfants et les familles à deux revenus dans lesquelles les deux parents travaillent à l'extérieur et paient pour faire garder leurs enfants, le choix n'est pas équitable.

Je suis d'accord pour dire que les familles à deux revenus assument des frais imputables à la garde des enfants, au transport, etc., et je ne dis pas qu'on devrait en faire abstraction. En tant que famille à revenu unique, nous sommes toutefois imposés à un taux supérieur à celui d'une famille à deux revenus comptant le même nombre d'enfants. Parce que nous ne payons pas pour faire garder nos enfants à l'extérieur du foyer, nous ne disposons pas de ces dépenses pour réduire notre revenu imposable et tirer profit des crédits pour frais de garde d'enfants qui sont offerts. Par conséquent, nous sommes imposés aussi lourdement qu'une famille sans enfants. On ne tient aucun compte de ce qu'il en coûte pour élever trois enfants. Aux yeux du gouvernement, ils ont peu de valeur. Une fois le seuil de revenu établi pour le crédit d'impôt pour enfants, le régime fiscal n'accorde aucun soutien aux familles avec enfants.

Avant d'avoir des enfants, j'ai obtenu deux diplômes d'université et travaillé à temps plein. Je payais des impôts sur mon salaire et cotisais à l'assurance-chômage de même qu'au Régime de pensions du Canada, en vertu de déductions à la source. En choisissant de rester à la maison pour élever nos enfants, j'ai perdu le droit de cotiser à ces régimes, en particulier au Régime de pensions du Canada. Je n'ai cependant pas cessé de travailler ni d'occuper un emploi; ma situation a été modifiée, un point c'est tout. Je m'occupe de nos enfants, mais je ne suis pas rémunérée.

Si j'avais choisi de travailler à l'extérieur du foyer une fois mon congé de maternité terminé, j'aurais pu placer mes enfants dans une garderie, et les éducateurs auraient pu cotiser au RPC. En quoi mon travail diffère-t-il du leur? Je veux qu'on donne aux parents qui choisissent de demeurer à la maison le droit de cotiser à ce régime. Je veux qu'on valorise les soins prodigués aux enfants, à l'intérieur ou à l'extérieur du foyer. Si on valorise les enfants, on doit aussi valoriser les soins qu'ils reçoivent.

Le gouvernement canadien doit reconnaître qu'une famille a le droit de choisir le genre de soins qu'elle veut prodiguer aux enfants. Les familles dans lesquelles un des parents choisit de rester à la maison ne devraient pas être pénalisées ni perdre leur droit à des prestations du seul fait de ce choix. On doit reconnaître que le fait de demeurer à la maison pour s'occuper des enfants constitue un choix valide, un choix qui a de la valeur.

J'ai reçu du ministère du Revenu un rapport fournissant de l'information sur les prestations de retraite que je recevrai du Canada à l'âge de 65 ans, à la lumière de sommes que j'ai cotisées jusqu'ici. Cette somme ne reflète en rien la quantité de travail que j'ai abattu tout au long de ma vie. On ne tient nul compte des soins que j'ai prodigués à mes enfants. Pendant tout le temps que j'ai été à la maison, je n'ai pas été en mesure de cotiser au régime, et j'accuse maintenant dix années de retard par rapport aux personnes qui ont choisi de réintégrer le marché du travail après avoir eu des enfants. Je n'aurai droit à aucune prestation en contrepartie du temps que j'ai consacré à mes enfants parce que ce travail n'est pas reconnu.

Nous devons reconnaître la valeur du travail non rémunéré. Si on m'autorisait à cotiser au Régime de pensions du Canada, je pourrais escompter les mêmes prestations qu'une famille à deux revenus. Je suis pénalisée en raison du choix que j'ai fait de rester à la maison. Or, je ne veux pas qu'on me pénalise dans mes vieux jours en raison du choix que j'aurai fait de me consacrer aux soins de ma famille.

La capacité de cotiser au Régime de pensions du Canada devrait être universelle, quel que soit l'endroit où la personne travaille, et qu'elle soit rémunérée ou non. Sur le plan national, on reconnaîtrait ainsi que tous les types de garde d'enfants ont de la valeur, sans dissuader les parents de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants.

• 1505

On ne devrait pas considérer comme un luxe le fait que je reste à la maison pour m'occuper de mes enfants. Ce qui est un luxe, c'est acheter un bateau ou un chalet, ou encore aller en vacances. Il est injuste de ne reconnaître de la valeur qu'au seul travail qui s'effectue sur le marché. Ce faisant, on creuse l'écart entre les femmes qui travaillent à l'extérieur du foyer et celles qui choisissent de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Dans le cadre du programme proposé pour aider les Canadiens à élever leurs enfants, d'une valeur de 2 milliards de dollars, on doit reconnaître l'existence d'une diversité de choix en matière de soins. Sur le plan de l'imposition, on doit traiter les Canadiens de façon égale et équitable.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Madame Kusturin.

Mme Debbie Kusturin: (témoignage à titre personnel): Je tiens à remercier le sous-comité de l'occasion qui m'est donnée d'exprimer mon point de vue à propos de l'équité fiscale pour les familles canadiennes ayant des enfants à charge. Les iniquités du régime fiscal ont été bien documentées, et les politiques actuelles ne reconnaissent pas les coûts associés au fait que l'un des parents demeure à la maison pour s'occuper des enfants. À maintes reprises, on a déclaré que les enfants sont notre avenir et qu'élever un enfant coûte très cher.

Notre régime fiscal est censé être fondé sur la capacité de payer des contribuables. Pourtant, on ne fait aucune différence entre l'impôt que doit payer un célibataire par rapport à un soutien de famille. Les familles à revenu unique n'ont droit à aucun crédit pour soutenir leurs enfants et leur prodiguer des soins, particulièrement lorsque l'un des parents reste à la maison pour s'occuper d'eux. La déduction pour le conjoint est inférieure à l'exemption personnelle de base, et aucune déduction n'est prévue pour les enfants à charge dont s'occupe un parent qui reste à la maison.

On fait abstraction de la formidable contribution non rémunérée qu'un parent qui reste à la maison apporte à la société. Le travail non rémunéré au foyer et dans la collectivité de même que la stabilité de la vie familiale façonnent les structures sociales dont dépendent les économies officielles. La société tire des avantages considérables du soin optimal des enfants et de familles saines et fonctionnelles. Dans le cas contraire, tous les ordres de gouvernement sont contraints de subventionner une diversité de nouvelles initiatives touchant la garde des enfants afin de faire en sorte que ces derniers bénéficient de soins adéquats.

Je tiens à souligner que j'ai déjà présenté deux mémoires au Comité permanent des finances à l'occasion des audiences relatives à l'examen du budget, le 28 octobre 1997 et le 15 octobre 1998. À deux reprises, j'ai demandé au comité de s'attaquer à la question de l'imposition injuste des familles à revenu unique dans laquelle un parent reste à la maison pour s'occuper des enfants. Je me répète, et je vous en demande pardon, mais on n'a pas ici affaire à un enjeu nouveau, et le ministère des Finances est au courant depuis pas mal de temps déjà.

Dans mes deux mémoires, j'ai fait allusion à un document de travail préparé par le ministère des Finances en prévision d'une réunion sur l'imposition tenue avec les provinces en septembre 1996. Dans le rapport, on compare l'écart entre une famille à revenu unique et une famille à deux revenus. Le tableau 1 montre qu'une famille à revenu unique peut payer jusqu'à 85 p. 100 de plus d'impôt qu'une famille à deux revenus dont le niveau de revenu est identique. La plus importante cause de cet écart, en particulier pour les familles dont les revenus sont supérieurs à 30 000 $, est la structure d'imposition progressive des particuliers. La prestation fiscale pour enfants et d'autres crédits d'impôt disparaissent graduellement à un niveau de revenu supérieur. Pourtant, la déduction pour frais de garde d'enfants n'est pas fonction du revenu, et les prestations augmentent sensiblement au fur et à mesure que les revenus augmentent. Ce n'est pas du tout juste.

En outre, je constate que le Comité permanent de la santé a, en avril 1997, publié un rapport intitulé Objectif mieux-être: stratégies pour assurer la santé des enfants. Dans ce rapport, on formule des recommandations visant le réexamen des politiques et dispositions législatives fiscales pour faire en sorte que toutes les familles qui ont des enfants soient traitées de façon juste et équitable. On recommande également que le ministre de la Santé, de concert avec le ministre des Finances, examine des façons d'assurer des avantages fiscaux équivalents aux familles qui choisissent de s'occuper des enfants à la maison et à celles qui font garder leurs enfants.

Je vais me contenter de citer un paragraphe du rapport. Il se lit comme suit:

    Promouvoir des familles fortes pour les enfants

    Dans un rapport récent de Statistique Canada portant sur les enfants, le comité a recueilli des données qui confirment le point de vue selon lequel les familles qui se préoccupent fortement du soin de leurs enfants sont plus susceptibles de produire des enfants remplis de ressources. Ces enfants sont moins susceptibles de devenir dépendants des programmes sociaux, des services de santé et des services correctionnels. Étant donné l'accent qu'il met sur les approches préventives visant les enfants, le comité envisage pour le gouvernement fédéral un rôle dans des politiques et des programmes de promotion qui appuient les parents et renforcent les familles. Dans le cadre de son engagement envers les enfants et leurs familles, le gouvernement fédéral devrait veiller à ce que les dispositions législatives qui régissent l'impôt sur le revenu exercent une discrimination en leur faveur, avec l'assurance que les enfants qui vivent dans des familles unies ne se tirent pas moins bien d'affaires que ceux qui vivent dans des familles désunies.

Il s'agit d'un document du gouvernement.

• 1510

Plus récemment, le Groupe d'étude spécial sur la valorisation des dispensateurs de soins a, en décembre 1998, rendu public un rapport intitulé Investir dans les enfants et valoriser les dispensateurs de soins. On y recommande notamment le remplacement de la déduction pour frais de garde d'enfants par une prestation plus juste et plus équitable, soit une prestation non imposable offerte à toutes les familles et versée directement au parent qui s'occupe des enfants. On y fait également référence à un rapport publié en 1998 par l'Institut canadien de la santé infantile qui s'intitule Les premières années durent toute la vie. Dans ce rapport, on analyse les nouvelles recherches sur le cerveau et l'importance des liens solides d'attachement. J'en cite un bref extrait:

    Des bienfaits à long terme. D'après Clyde Hertzman, M.D., de l'Université de la Colombie-Britannique, on peut décrire la période allant de la préconception jusqu'à l'âge de 5 ans comme étant une phase d'investissement dans le développement de l'enfant. La recherche indique que cette période est encore bien plus importante que nous l'avions d'abord supposé. Lorsqu'on ne crée pas les conditions optimales favorisant le développement d'un enfant au cours de cette période, il en résulte que son cerveau en développement diffère de celui d'un enfant dont on s'est bien occupé, et les différences qui en découlent ont un impact qui peut durer toute la vie.

• 1515

Une fois de plus, j'espère sincèrement que vous allez accorder toute votre attention à cette question et examiner comment on peut traiter de façon équitable toutes les familles canadiennes qui choisissent de confier à un parent au foyer la responsabilité des soins des enfants pendant les premières années de leur vie.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Chers collègues, vous disposez de cinq minutes chacun.

M. Paul Forseth: Je suis très impressionné par ce qu'on pourrait appeler la dimension philosophique des propos que vous tenez, et j'y suis pour ma part très sympathique.

• 1520

Debbie, vous avez déclaré avoir déjà témoigné devant divers comités. Il serait intéressant de vous entendre nous dire si vous avez le sentiment d'avoir véritablement été écoutée et si les résultats ou les recommandations ont jamais rendu compte de votre contribution.

Mme Debbie Kusturin: J'aimerais bien savoir pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Cela me plairait beaucoup.

M. Paul Forseth: Parce que... Voulez-vous terminer la phrase?

Mme Debbie Kusturin: Pardon...?

M. Paul Forseth: Voulez-vous finir la phrase?

Mme Debbie Kusturin: Pourquoi je me pose la question? Parce que nous nous présentons devant des comités permanents année après année. On entend toutes sortes de témoignages, et toutes sortes de rapports sont présentés au fil des ans. Je les vois chaque année, et on y affirme toujours les mêmes choses. Pourtant, nous voici de nouveau réunis pour préparer un autre rapport. J'aimerais savoir à quoi bon. Où allons-nous? Vers où nous dirigeons-nous? L'exercice débouchera-t-il sur des résultats, ou s'agit-il simplement de voeux pieux?

M. Paul Forseth: Je suppose que ces résultats constituent une partie des données de sondage ou d'enquêtes qui ont été citées devant le comité. Bon nombre de Canadiens sont préoccupés et s'interrogent sur le fonctionnement du régime fiscal. Si on a créé le comité, c'est en partie, je crois, pour répondre à cette perception diffuse du public et, de façon plus précise, pour tenter de définir la valeur pécuniaire des soins non rémunérés prodigués aux enfants à la maison. Avez-vous une idée précise de la façon dont on pourrait procéder? Dès lors qu'on reconnaît le bien-fondé du principe, comment, sur le plan technique, devrait-on s'y prendre?

Mme Debbie Kusturin: À mon avis, le gouvernement devrait autoriser un conjoint à rémunérer l'autre conjoint pour le travail qu'il effectue. Ce faisant, on confère de la valeur à ce genre de travail, on donne à la personne qui reste à la maison le sentiment qu'elle accomplit quelque chose et on réduit substantiellement le fardeau fiscal de la famille, par rapport aux revenus conjoints... On pénalise les personnes mariées. Je sais que Paul Martin l'a admis. Une telle situation dissuade les gens de se marier. Les mesures fiscales dissuadent déjà les gens de se marier.

M. Paul Forseth: Si un conjoint pouvait en rémunérer un autre, peut-être ce dernier pourrait-il cotiser à l'assurance-emploi et y être normalement admissible...

Mme Debbie Kusturin: Oui. Les intéressés disposeraient ainsi d'un revenu et auraient le sentiment d'avoir de la valeur.

M. Paul Forseth: D'accord. D'autres personnes ont fait la même suggestion.

Je me demandais si Shannon ou Wendy aimerait faire un bref commentaire sur la façon dont nous pourrions attacher une valeur pécuniaire aux soins non rémunérés des enfants à la maison.

Mme Wendy Racovali: Sur une note discordante, peut-être, je ne suis pas personnellement certaine qu'il faille attacher une valeur pécuniaire à ce travail, et je ne suis pas ici pour vous demander de le faire.

Je pense que la première chose que vous puissiez faire avant d'attacher quelque valeur que ce soit au travail que nous effectuons à la maison consisterait à reconnaître que nous travaillons effectivement à la maison, et je ne crois pas que vous l'ayez fait jusqu'ici. Lorsque, par exemple, je reçois les formulaires de recensement et que j'indique ce que je fais, il n'y a pas de... Je sais que Beverly Smith a fait état de ce problème. Permettez-moi de mentionner que je travaille à la maison et que ce travail consiste à m'occuper de mes enfants. À mes yeux, c'est la première étape. Je vous demande non pas d'évaluer si le travail que j'effectue vaut 50 ou 500 $ par semaine, mais bien plutôt d'affirmer simplement que le travail que j'effectue est bel et bien valable et qu'il s'agit d'un travail non rémunéré. Je ne veux pas d'argent. Je veux simplement qu'on reconnaisse ce que je fais.

M. Paul Forseth: Shannon, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Shannon Brodie: Il est difficile pour quiconque d'évaluer la valeur de son travail. Si je vous demandais d'évaluer la valeur de ce que vous faites aujourd'hui et d'y attacher un montant, opteriez-vous pour une somme supérieure ou inférieure à celle à laquelle vous avez aujourd'hui droit? Il est impossible pour moi d'aller plus bas: de toute évidence, le chiffre serait plus élevé. Je pense que le problème tient en grande partie à la perception qu'a la société de qui nous sommes et de ce que nous faisons. Pour mettre un terme à une conversation, rien de mieux que d'affirmer: «je suis une femme au foyer.»

M. Paul Szabo: Si je puis me permettre une remarque, M. Forseth, je crois, ne vous demande pas d'évaluer tout le travail que vous faites. La question est de savoir comment nous chiffrons l'écart entre les avantages dont bénéficient les familles à deux revenus et ceux auxquels vous n'avez pas droit? À combien se chiffre l'iniquité? Voilà, je crois, ce qu'il veut savoir.

Mme Shannon Brodie: L'option la plus facile consisterait à permettre aux contribuables de déclarer 7 000 $ par enfant de moins de 7 ans: en effet, c'est ce qu'il en coûte pour élever un enfant. Si vous donnez la possibilité aux contribuables de réclamer une telle somme, quelqu'un devra le faire. Quelqu'un devra dire: «C'est moi qui paie, et j'ai le sentiment que la valeur des soins dont bénéficie mon enfant se chiffre à 7 000 $.» Il s'agit d'un montant. L'année dernière, le montant était de 5 000 $.

• 1525

Je ne dis pas que c'est le chiffre qu'on devrait utiliser, mais c'est un chiffre que le gouvernement a avancé pour faire part de son intention de reconnaître—et vous conviendrez peut-être même que les soins coûtent davantage—et nous vous indemniserons en contrepartie des soins que vous fournissez jusqu'à concurrence de 7 000 $ par année—nous reconnaîtrons que c'est là la valeur des soins que vous assurez. Ces soins ne sont donc pas ceux que je fournis, mais bien plutôt les soins assurés à un enfant. C'est vous du gouvernement qui avez accolé ce chiffre aux soins en question.

L'a-t-on défini de façon arbitraire? Je ne sais pas d'où vient ce chiffre.

Le président: C'est le montant des contributions acquittées.

Mme Shannon Brodie: C'est le montant qui...

Le président: Le nombre moyen de personnes qui le réclament est inférieur à 50 p. 100; parmi ceux qui le réclament, la somme réelle qui est réclamée n'est que de 2 600 $.

Mme Shannon Brodie: Je comprends bien, mais où le gouvernement a-t-il été chercher cette somme de 7 000 $? Pourquoi en a-t-il fait la somme pouvant être consacrée à la garde d'un enfant?

Le président: Je suppose que c'est le maximum.

M. Paul Szabo: La somme de 7 000 $... on a fait passer cette somme de 5 000 $ à 7 000 $ pour rendre compte du coût moyen établi de services de garde de qualité.

Mme Shannon Brodie: Il s'agit du reflet fidèle de ce qu'on avance comme coût de services de garde de qualité pour un enfant.

Le président: Deborah a affirmé que nous devrions reconnaître la valeur inhérente au travail des parents qui choisissent de rester à la maison parce qu'ils prodiguent des soins aux enfants qui restent à la maison. Nous sommes bien d'accord? Si, en revanche, vous faites garder vos enfants et que vous obtenez un reçu, peu importe le coût—à titre d'exemple, disons qu'il est de 3 000 $... le conjoint A va au travail et a droit à un reçu de 3 000 $ aux fins du crédit d'impôt pour la garde d'enfants, tandis que la personne qui touche cette somme de 3 000 $ doit déclarer cette somme comme revenu, de sorte qu'elle paye des impôts sur la somme en question, et que l'effet net pour le gouvernement est vraiment...

Si nous reconnaissions le même droit à un conjoint et que nous utilisions un chiffre arbitraire—peu importe lequel—le conjoint A qui travaille devrait techniquement rémunérer le conjoint B qui ne travaille pas au taux de 3 000 $. Dans ce cas, le conjoint B devrait de toute façon déclarer ses revenus de 3 000 $. Dans ce cas, quel serait l'avantage net pour la famille?

Mme Debbie Kusturin: Elle serait malgré tout gagnante.

Le président: De quelle façon?

Mme Debbie Kusturin: Elle serait malgré tout gagnante, de toute évidence, puisque la mesure aurait pour effet de réduire le revenu. Les règles du jeu seraient plus égales.

Le président: Dans ce cas, pourquoi ne pas proposer la production de déclaration de revenus conjointe ou une forme de fractionnement du revenu?

Mme Debbie Kusturin: Eh bien, la production d'une déclaration de revenu conjointe diffère du fractionnement du revenu. Ce sont deux choses tout à fait différentes puisque, si l'on opte pour la production d'une déclaration de revenus, les conjoints seront pénalisés du fait qu'ils sont ensemble: de toute évidence, en effet, leur revenu familial va augmenter. À l'heure actuelle, l'impôt est fonction du revenu des particuliers.

Le président: C'est l'inverse.

Mme Debbie Kusturin: C'est ce dont l'autre monsieur a parlé. Il a fait allusion au revenu commun. Certaines personnes seront pénalisées. Si, à propos du fractionnement du revenu, on prend une personne qui gagne, disons 60 000 $ et qu'on lui permet de rémunérer son conjoint pour rester à la maison et s'occuper des enfants, quel que soit le coût—7 000 $ par enfant—, l'autre personne peut soustraire de cette somme son exemption personnelle de base, sans compter que la première personne a changé de tranche de revenu, tandis que l'autre ne paie qu'au taux qui s'applique à elle. La mesure aurait donc une incidence, en plus d'équilibrer les choses.

M. Paul Szabo: Si vous examinez la façon dont on utilise la déclaration de revenu conjointe aux États-Unis, vous constaterez que les intéressés ne sont pas assujettis aux mêmes barèmes d'imposition que les particuliers. En fait, ils sont visés par...

Mme Debbie Kusturin: Un taux différent.

M. Paul Szabo: C'est plus général, de sorte que ce n'est pas exactement... Je pense que vous avez assez bien expliqué la situation.

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Bonjour, madame. Je vous remercie d'être venue nous rencontrer.

Madame, bien que vous disiez être un peu désabusée face aux autorités, j'aimerais vous dire que puisque vous êtes ici aujourd'hui, j'en déduis que vous avez encore de l'espoir. Vos propos m'ont rappelé ceux que tenait hier un de mes collègues au sujet des entreprises. Lorsqu'un conjoint exploite une entreprise, que ce soit une entreprise libérale ou économique, on lui permet de fractionner ses revenus avec son conjoint. Mais il doit quand même satisfaire à certaines conditions, notamment qu'il y ait vraiment prestation de travail et que le salaire soit jugé raisonnable en fonction du poste occupé. On peut donc parler d'un fractionnement de revenu à ce niveau-là.

• 1530

Je crois qu'en tenant compte des frais de garde, la Loi de l'impôt sur le revenu reconnaît quand même une somme minimum qui est attribuable à un travail raisonnable de garde d'enfants. À mesure que j'entends des propos semblables aux vôtres, je me dis que les critère du fractionnement de revenus dans une entreprise familiale existent aussi dans cette situation-là puisqu'il y a prestation de services par le conjoint qui demeure à la maison pour garder les enfants. On a justement discuté des frais de garde et de la difficulté d'établir un montant juste à cet égard. Je crois toutefois que la déduction de frais de garde sert quand même de base pour l'évaluer.

Dans ce contexte-là, le conjoint qui travaille paie pour recevoir un service qui est vraiment rendu. Cela devrait donner droit au Régime des rentes du Québec ou au Régime de pensions du Canada, ainsi qu'aux prestations d'assurance-emploi.

Il n'y a pas vraiment de contradiction entre le fractionnement du revenu et le fait de rémunérer un conjoint qui reste à la maison pour s'occuper des enfants. C'est peut-être une solution que nous devrions envisager. Bien sûr, il faudrait de plus ajuster l'exemption de base en fonction de la réalité, ainsi que prévoir un revenu qui pourrait être attribué au conjoint à titre de compensation afin qu'il puisse être admissible à la déduction pour ses cotisations à un REER, à l'assurance-emploi et au régime de pensions. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

Mme Debbie Kusturin: Oui, je travaillais pour la région de Peel lorsque, à la maison, je m'occupais de ma fille. J'assurais des services de garde pour le compte de la région. J'étais autorisée à déduire des dépenses de maison, la nourriture, les intérêts hypothécaires et les services publics. On m'autorisait à déduire toutes ces dépenses liées au fonctionnement de mon foyer tandis que j'assurais des services de garde à d'autres personnes. Essentiellement, mon revenu était presque inexistant en raison de toutes les dépenses engagées; pour m'occuper de ces autres enfants, je ne gagnais presque rien. Au fond, je travaillais à peu près pour rien, et c'est foncièrement le problème que pose la déduction pour frais de garde d'enfants. Les soins donnent droit à un reçu, mais la personne qui s'occupe des enfants et donne un reçu est également autorisée à déduire toutes ses dépenses.

Si vous choisissiez d'agir de la sorte, si, en d'autres termes, vous permettiez à un conjoint d'en rémunérer un autre, vous vous retrouveriez dans la même situation. Comme vous l'avez indiqué, ce serait comme exploiter une entreprise. Je connais bon nombre de travailleurs autonomes qui ont recours à leur conjoint ou à une autre personne comme employé ou comme associé, et ils leur versent un salaire, lequel est déduit de leur revenu. Tout cela est légal, et on peut le faire. Cependant, les personnes qui s'occupent de leurs propres enfants se heurtent à une interdiction absolue, et elles ne peuvent vous demander la déduction pour frais de garde d'enfants ni réclamer de dépenses de maison. Si, par conséquent, la situation devait changer, qu'on adoptait une mesure de ce genre et qu'on reconnaissait que les personnes qui s'occupent de leurs enfants assument des coûts...

L'autre conjoint a également la capacité de mieux s'acquitter de son travail. Aujourd'hui, mon mari, parce que je suis à la maison à temps plein—dans son travail, il voyage beaucoup et s'adonne à d'autres activités de ce genre, de sorte qu'il est absent du foyer assez souvent—ma présence au foyer lui donne donc la possibilité de poursuivre sa carrière. Il bénéficie donc de plus de possibilités. Si je travaillais à temps plein, il devrait aller chercher les enfants, faire ceci ou faire cela. Il ne pourrait se déplacer à cause de ses autres responsabilités. Le fait que je sois à la maison l'aide donc dans son travail.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Madame Dockrill, je vous en prie.

• 1535

Mme Michelle Dockrill: D'abord et avant tout, permettez-moi, mesdames, de vous remercier d'être ici aujourd'hui. Je crois que la passion qui vous anime dans vos témoignages saute aux yeux. Il est certain que nous avons entendu un large éventail de personnes des quatre coins du pays.

Je veux simplement soulever deux ou trois points. Dans votre exposé, Debbie, vous dites que la société tire des avantages considérables des soins optimaux dont bénéficient les enfants dans des familles saines et fonctionnelles. Pourriez-vous définir pour moi ce que vous entendez par une famille saine et fonctionnelle?

Mme Debbie Kusturin: Oui, je songe à mes enfants. Non, je pense que les enfants de parents qui restent à la maison ont beaucoup à gagner. Ils sont en sécurité, sûrs d'eux et bien adaptés.

Nous sommes témoins de toutes sortes de problèmes. On publie sans cesse des rapports sur les difficultés des enfants d'âge scolaire qui éprouvent des troubles de comportement. Les parents ne savent pas être parents. Ils ne sont jamais avec leurs enfants. Ils n'ont pas le temps d'apprendre à être des parents ni le goût de le faire. Ils leur consacrent quelques heures par jour, puis s'en vont. Ils confient à d'autres le soin d'élever leurs enfants, et nous commençons, je crois, à être témoins de certains des problèmes qui découlent de cette situation.

Il s'agit d'un fardeau, d'un fardeau social. En l'absence des parents, la société doit combler le vide. Combien sommes-nous prêts à payer? Préférez-vous investir dans des programmes sociaux qui visent à venir en aide aux enfants déjà en difficultés, ou donner de l'argent aux parents en leur disant: «Tenez, soyez de bons parents, occupez-vous de vos enfants, c'est important, vos enfants grandiront dans l'harmonie»?

Le président: Vous avez des commentaires, madame Racovali?

Mme Wendy Racovali: En ce qui me concerne, j'ai été témoin des deux situations—des parents qui travaillent tous deux à l'extérieur et qui sont d'excellents parents, et des parents qui travaillent... il y a un parent à la maison et peut-être l'enfant concerné serait-il mieux à la garderie. Je ne porte pas de jugement, mais je pense qu'on peut trouver des exemples pour tout ce qu'on veut affirmer.

Pour moi, l'essentiel, c'est cependant que mes enfants sont mieux ainsi. Je supervise tous leurs jeux et d'autres activités de ce genre. Sans vouloir entrer dans des considérations personnelles, je pense que c'est la meilleure solution pour moi et notre famille. Les résultats sont là, et notre famille est saine. Je pense que les choix d'autres personnes sont tout aussi valables. Je ne cherche en rien à discréditer le choix qu'elles ont fait, mais je me bats pour la liberté de choix, pour qu'on reconnaisse que la façon dont nous avons organisé notre famille est tout aussi valable que si j'étais retournée au travail. Je ne veux pas qu'on me pénalise en raison de ce choix.

Je crois donc qu'il y a des familles saines des deux côtés. Je crois que le fait que je sois au foyer est préférable pour mes enfants, mais, sinon, je ne peux pas porter de jugement.

Mme Shannon Brodie: À mon avis, le gouvernement ne doit pas faire preuve d'hypocrisie dans ce dossier. Tout ce que nous disons, c'est que la situation est injuste dans la mesure où elle favorise les parents qui réintègrent le marché du travail. Je ne crois pas qu'ils aient pris la mauvaise décision. Ils ont pris la meilleure décision possible pour leur famille. Pour ma part, j'estime avoir pris la meilleure décision possible pour ma famille. Je pense simplement qu'il est plus facile de prendre la décision de réintégrer le marché du travail. Ni le gouvernement ni moi n'avons le droit de porter des jugements moraux sur quiconque d'autre.

Comme Wendy l'a mentionné, je pense qu'il est possible d'avoir une famille heureuse, unie et merveilleuse qui s'en remet complètement à des soins qu'on a recherchés et qui sont fournis par quelqu'un d'autre. La question n'est pas de savoir qui est le mieux en mesure d'élever des enfants, les personnes qui restent au foyer ou celles qui les font garder dans un autre milieu pendant une partie de la journée. La question est de savoir si chacun a la possibilité de prendre la décision qui lui plaît. On ne peut dire à quelqu'un d'élever ses enfants comme bon nous semble. On ne peut dicter aux autres leurs agissements. Cependant, on peut leur donner les moyens de prendre la meilleure décision possible pour eux-mêmes et leur famille.

Le président: Une dernière question, Michelle.

Mme Michelle Dockrill: Sur ce point, je ferais preuve de négligence en ne vous faisant pas part d'une observation personnelle. Dans une vie antérieure, je n'ai pas eu la possibilité de rester à la maison avec ma famille pour veiller à ce qu'elle bénéficie de la vie et du soutien que mon mari et moi croyions qu'elle méritait; j'ai été contrainte de réintégrer le marché du travail.

• 1540

Lorsqu'on évoque en ma présence des hypothèses concernant ce qui constitue une famille, et par voie de conséquence, un bon citoyen productif, je m'inquiète. J'ai l'impression que ma fille deviendra une citoyenne très bonne et très productive au sein de la société et que les choix que mon mari et moi avons faits lui seront bénéfiques.

Je suis d'accord avec ce que dit Wendy. Je connais des parents célibataires qui ont élevé des enfants phénoménaux. Je ne voudrais pas qu'on affirme qu'il s'agit ici de la solution optimale. À mon avis, c'est un peu dangereux. La réalité, c'est que, dans les années 90, la définition de la famille canadienne a changé. Nous devons reconnaître qu'elle a changé et tenter de soutenir les familles dans les choix qu'elles font.

Deuxièmement, et pour en revenir à ce que j'ai dit d'un point de vue personnel, je n'ai pas eu d'autre choix que de réintégrer le marché du travail. Si je n'étais pas rentrée au travail, je n'aurais pas eu à assumer des frais de garde d'enfants. Je suis tout à fait d'accord avec certains des témoins que nous avons entendus au cours des derniers jours. À mes yeux, il s'agit bel et bien d'une déduction pour emploi: si je n'avais pas été contrainte de retourner au travail, je n'aurais pas eu à assumer ces frais. Ce que nous tentons de faire, je crois, c'est de soutenir ou d'adopter des politiques publiques qui appuient les personnes et les choix qu'elles font. Comme Wendy l'a mentionné, je pense que nous devons entre autres en venir à une certaine forme de reconnaissance du travail effectué à la maison.

Je sais que, en Nouvelle-Écosse, on a récemment réalisé une étude à propos de la valeur économique du travail non rémunéré dans la province et qu'on a abouti au chiffre de 8,5 milliards de dollars.

Le président: Madame Racovali.

Mme Wendy Racovali: Récemment, j'ai eu une lueur d'espoir lorsque, pendant la grève des enseignants de l'Ontario, on a statué que, étant donné que nos enfants n'avaient pu fréquenter l'école pendant deux semaines, mon travail valait 400 $. Je n'ai pas eu à payer d'impôt sur cette somme. Les personnes qui travaillaient à l'extérieur du foyer ont obtenu 400 $; j'ai obtenu 400 $. Pour la toute première fois, qu'importe la somme—4 ou 400 $—, on a créé un précédent. On n'a pas dit que le travail de la personne qui devait amener son enfant à la garderie valait une telle somme, contrairement au mien. Mon espoir, c'est que les mentalités sont peut-être en train de changer.

Le président: Avez-vous reçu un chèque du gouvernement de l'Ontario?

Mme Wendy Racovali: Oui, nous en avons tous reçu un. En réalité, on nous a encouragés à remettre la somme au système scolaire, mais chacun était libre de faire ce qu'il voulait. Le chèque était libellé à mon nom.

Le président: Monsieur Szabo, s'il vous plaît.

M. Paul Szabo: Je vous remercie toutes de votre participation. Je tiens à comparer votre réaction à celle d'un autre groupe. Je leur ai présenté certains principes qui devraient peut-être orienter notre réflexion, sans égard à la façon dont ils sont articulés. Il y a de nombreuses façons de fournir une prestation. Les principes que j'ai définis sont que nos politiques devraient être axées sur les enfants, être d'abord et avant tout dans l'intérêt des enfants...

Le président: Pourriez-vous les prendre un à un? Je pense que c'est plus juste.

M. Paul Szabo: Vous préférez qu'on procède ainsi? D'accord.

Le président: Oui, plutôt que de les prendre les cinq à la fois.

M. Paul Szabo: Quelqu'un y voit-il un inconvénient?

Mme Wendy Racovali: Non, c'est pour cela que nous sommes ici.

M. Paul Szabo: Deuxièmement, nous devrions tenir pour acquis que les parents sont les principaux dispensateurs de soins et que ce sont eux qui sont les mieux placés pour déterminer les meilleurs soins possible pour leurs enfants.

Le président: Aux fins du compte rendu, elles hochent la tête.

M. Paul Szabo: Troisièmement, notre politique devrait être aussi souple que possible et fournir le plus grand nombre d'options et de choix possibles, de façon que chaque parent puisse agir comme dispensateur de soins ou occuper un emploi rémunéré.

Le président: D'accord.

M. Paul Szabo: Quatrièmement, notre politique devrait être englobante et adaptée aux réalités sociales, à la situation et aux préférences des parents et de leurs enfants.

Mme Wendy Racovali: Oui.

M. Paul Szabo: Les chefs de famille monoparentale font partie des réalités sociales.

Mme Wendy Racovali: Oui.

M. Paul Szabo: Enfin, la politique devrait être juste et équitable, sans pénaliser ni forcer des choix précis en matière de soins des enfants.

Mme Wendy Racovali: Oui.

Le président: Voilà qui fait le bonheur de M. Szabo.

M. Paul Szabo: Je crois que nous vous comprenons bien. L'un des principaux problèmes auxquels nous soyons confrontés... tout vient de la déduction pour frais de garde d'enfants. Cela ne fait aucun doute.

Mme Shannon Brodie: Vous venez de dire que la politique doit être englobante. Or, la déduction pour frais de garde d'enfants est une politique d'exclusion, et c'est précisément de là que vient le problème.

• 1545

M. Paul Szabo: Oui.

J'ignore si vous le savez, mais seulement le tiers environ des familles à deux revenus se prévalent de cette déduction. Parmi celles qui le font, la réclamation moyenne en 1996 n'a été que de 2 600 $, tandis que le maximum admissible était de 5 000 $—c'est-à-dire un peu plus de la moitié de ce à quoi elles étaient admissibles. En moyenne, le coût assumé par le gouvernement pour les 759 000 familles concernées a été d'environ 600 $ par famille.

Mme Shannon Brodie: Si le gouvernement avait cette information, pourquoi n'a-t-il pas porté le montant de 5 000 $ à 7 000 $?

M. Paul Szabo: Parce que, pour obtenir des services de garde de qualité, il fallait débourser 7 000 $, mais les gens...

Mme Shannon Brodie: Vous a-t-on signalé que vous auriez dû l'augmenter? Y avait-il des groupes qui prônaient une amélioration des services de garde d'enfants? Ou cela était-il fait arbitrairement?

M. Paul Szabo: Non, je pense qu'il s'agissait fondamentalement d'une évaluation. Vous examinez, par exemple, les limites des REER de façon périodique. Auparavant, pour 100 $ par semaine, vous pouviez obtenir des services de garde de qualité. Ce n'est plus le cas; maintenant, il faut payer 150 $ par semaine plutôt que seulement 90 $. Alors, le montant a été augmenté parce qu'il n'avait pas été examiné depuis un certain temps.

• 1550

Comme la déduction est plus importante pour les personnes à revenu élevé que pour les personnes à faible revenu, et comme elle dépend de la somme que vous dépensez et dont vous demandez le remboursement, le montant de la prestation qui se retrouve dans vos poches—la valeur de cette dépense fiscale—peut varier énormément. Pour l'année en cours, si vous dépensez 7 000 $ et que votre conjoint à faible revenu est au taux marginal le plus élevé, cela pourrait vous donner 3 500 $ si vous résidez en Ontario. Si votre taux marginal est au plus faible—si le conjoint qui gagne le moins touche moins de 30 000 $, vous n'aurez que 1 750 $. Mais si vous ne réclamez que 2 600 $, votre prestation pourrait être de 300 $. Le montant moyen des prestations pour toutes les personnes qui les ont réclamées était de moins de 700 $.

Alors, voici ce que nous tentons de faire. Les gens nous ont dit qu'ils voulaient que les choses soient égales pour tout le monde. Ils ont dit: «Si quelqu'un obtient une prestation parce qu'il a des enfants, les personnes qui renoncent à un revenu, à des pensions de retraite, à de l'avancement et qui font des travaux communautaire, du travail scolaire, des visites aux hôpitaux, et ainsi de suite, ne devraient-elles pas avoir un peu de reconnaissance? Ne devrait-il pas y avoir un avantage économique qui soit en quelque sorte équitable lorsqu'on le compare à l'avantage fiscal accordé à ceux qui choisissent de toucher deux salaires?

Nous avons beaucoup de difficulté à mettre un chiffre réel sur la déduction pour frais de garde. Nous savons que si nous établissons un chiffre, la prestation sera moindre pour certaines personnes qui la demandent et supérieur pour d'autres, selon leur situation. Alors, nous savons que nous allons mécontenter quelqu'un.

Selon moi, puisqu'il y a tant de soins de garde qui se donnent de façon parallèle ou informelle, sans qu'un reçu ne soit émis, et dont les avantages et la qualité ne peuvent être établis—je ne veux pas porter de jugement à ce sujet, mais selon moi il y en a de mauvaise qualité comme de bonne qualité—alors, peut-être, et seulement peut-être, la déduction pour frais de garde est une mesure fiscale mal avisée qui ne remplit pas les objectifs qu'elle est censée remplir.

Alors, peut-être devrions-nous simplement l'éliminer et dire: «Vous savez quoi? Les parents sont les mieux placés pour déterminer ce qui convient le plus à leur famille. Pourquoi ne leur remettons- nous pas simplement de l'argent, une somme que nous pouvons nous permettre et que les contribuables sont prêts à verser pour subventionner les parents qui ont des enfants et les laisser faire leur choix?»

Y a-t-il d'autres commentaires?

Mme Debbie Kusturin: Je suis d'accord.

Mme Shannon Brodie: C'est ce que j'aimerais voir mis en place. Une politique d'inclusion. Et comme pour la plupart des répercussions fiscales, il y aurait une récupération pour les personnes dont les revenus sont les plus élevés. Mais il serait cependant bien d'avoir une norme...

M. Paul Szabo: Universelle.

Mme Shannon Brodie: ... c'est impossible.

J'aimerais voir une politique d'inclusion qui reconnaisse les enfants, la valeur des enfants et la valeur des soins qu'on leur donne. Si vous faites garder votre enfant pendant une partie de la journée, vous vous en occupez quand même durant le reste de la journée et tous les autres jours. Ainsi, les gens prennent tous soin de leurs enfants et ça leur coûte quelque chose.

Le président: Le crédit d'impôt pour enfants ne répond-il pas à ce besoin actuellement?

Mme Shannon Brodie: La prestation fiscale pour enfants?

Le président: La prestation, oui.

Mme Shannon Brodie: Eh bien, par rapport à un salaire, elle...

Le président: Elle est établie en fonction du revenu.

Mme Shannon Brodie: Elle est établie en fonction du revenu.

Le président: Elle va directement aux enfants.

• 1555

Mme Shannon Brodie: Les personnes qui sont admissibles aux déductions pour frais de garde le sont aussi à la prestation fiscale pour enfants. Celle-ci est une mesure inclusive. Tout le monde peut la recevoir en fonction de son revenu. Tout le monde y est admissible. Ce n'est pas une mesure mise en place pour les personnes qui demeurent à la maison, alors que la déduction pour frais de garde est une politique mise en place uniquement pour les parents qui travaillent tous les deux. Ainsi donc, il y a une politique d'inclusion à laquelle nous pouvons participer et une politique d'exclusion à laquelle nous ne pouvons participer, alors que ces personnes peuvent participer aux deux.

Le président: Wendy, s'il vous plaît.

Mme Wendy Racovali: Cela m'ennuie que la prestation fiscale pour enfants soit calculée d'après votre revenu une fois qu'on a déduit les contributions au REER et les dépenses pour frais de garde. Par exemple, durant une certaine année, nous avons déménagé. Cette année, nous ne touchons aucune prestation fiscale pour enfants même si nous avons trois enfants, mais l'année où nous avons déménagé, nous avons pu l'avoir. Cela dit, je ne sais pas en quoi le fait d'avoir déménagé avait un lien avec la garde de nos enfants. Je ne sais pas en quoi l'injection de fonds dans un programme de REER peut avoir un lien avec la prestation fiscale pour enfants non plus.

Le président: Nous basons tout sur le revenu net.

Mme Wendy Racovali: Très bien, et je sais que, lorsque nous avons déménagé, nous avons payé et avons pu récupérer une partie de cet argent. Je suis sûre qu'on pourra me contredire, mais cela n'avait aucun sens que le montant que j'allais toucher puisse être déterminé par une chose secondaire, qui n'avait absolument rien à voir avec le revenu et avec ce dont on se sert pour établir le montant de la prestation fiscale pour enfants.

Mme Shannon Brodie: Mon mari et moi avons vécu à l'étranger durant cinq ans; nous avons investi dans des régimes de retraite et nous avions de l'argent à l'étranger. Avec la dévaluation du dollar, nous avons ramené cet argent l'an dernier, et c'était la première année où... nous avons pris l'argent et l'avons investi dans des REER, ce qui a fait baisser notre revenu.

Je suis une citoyenne canadienne et je viens tout juste de revenir, mais durant les trois années précédentes, nous n'avons obtenu aucun remboursement d'impôt et n'avons pu cotiser à quoi que ce soit parce que nous avons consacré tout notre argent aux dépenses familiales. Lorsque nous avons ramené de l'argent que n'avions pas gagné au cours de cette période et l'avons investi dans des REER, cela a fait baisser nos impôts, augmenter notre prestation fiscale pour enfants, nous a donné accès à des REER ainsi qu'à un chèque de remboursement d'impôt, et tout allait comme sur des roulettes.

Le président: Vous étiez heureux.

Mme Shannon Brodie: Mais cela ne se passe pas ainsi pour la plupart des gens; ce n'est pas la réalité. Si vous avez beaucoup d'argent, vous pouvez contribuer à un REER et faire baisser votre revenu. Vous pouvez alors avoir des prestations plus élevées et toutes ces sortes de choses. Mais il vous faut avoir l'argent à mettre dans ces régimes pour pouvoir diminuer votre revenu.

Lorsque nous gagnions 37 000 $ par année, nous ne pouvions rien faire pour faire diminuer notre revenu. Nous n'avions pas d'argent en trop à placer quelque part pour nous permettre de réduire notre revenu et d'augmenter nos prestations. À l'époque, je n'étais pas admissible au supplément pour famille qui travaille. C'est une somme très faible quand on a une maison et qu'on élève des enfants et on ne peut être admissible à quoi que ce soit.

Le président: Merci beaucoup.

J'aimerais vous remercier au nom du comité. Je pense que le message que nous retiendrons, comme vous l'avez si bien exprimé, madame Brodie, est que cela devrait être une décision fondée sur des choix. Nous devons nous assurer que les familles canadiennes font le choix le plus adapté à leurs besoins et à ceux de leur famille immédiate, et nous devons aussi nous assurer que notre régime fiscal n'exerce aucune discrimination envers quiconque. Selon moi, c'est là le message que vous êtes venue nous transmettre. J'aimerais vous remercier de ce message et vous souhaiter bonne chance dans vos activités futures. Merci beaucoup.

Mme Shannon Brodie: Merci.

• 1600

Le président: J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à notre prochaine invitée, de l'Association nationale de la femme et du droit, Mme Kim Brooks, membre du groupe de travail sur les politiques financières, qui est accompagnée de Lisa Philipps, présidente du groupe de travail sur les politiques financières. De l'organisme Real Women, nous avons Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale, ainsi que Lorraine McNamara, secrétaire nationale.

Habituellement, nous accordons de cinq à sept minutes à chaque témoin, ce qui nous laisse beaucoup de temps pour les questions. Je vais faire preuve d'une certaine souplesse, mais je vous inviterais à présenter vos exposés. Nous allons commencer par l'Association nationale de la femme et du droit. Qui voudrait commencer?

Mme Lisa Philipps (présidente, groupe de travail des politiques financières, Association nationale de la femme et du droit): Je suis heureuse d'être ici. Je m'appelle Lisa Philipps, et je représente l'ANFD. Je suis bénévole auprès de l'ANFD. Je suis aussi professeur de fiscalité à l'école de droit Osgoode Hall. Kim Brooks est aussi bénévole à l'ANFD, et elle pratique le droit fiscal dans un cabinet juridique du centre-ville de Toronto, Stikeman Elliott. Nous avons toutes deux un énorme intérêt professionnel et personnel pour les questions dont vous discutez.

Si vous avez un exemplaire de notre mémoire devant vous, j'aimerais que vous passiez à la page 2; comme nous n'avons pas beaucoup de temps, nous allons parler de la discrimination fiscale, qui, selon moi, fait dévier tout le débat. L'ANFD estime que le traitement relatif des familles à un et à deux revenus par le régime fiscal actuel est fondamentalement équitable, au moins pour ce qui touche les couples hétérosexuels. À l'heure actuelle, il n'y a simplement aucun avantage pour les couples qui gagnent deux revenus une fois qu'on tient compte des frais de garde, de toutes les dépenses liées à la présence sur le marché du travail ainsi que des impôts.

Il est vraiment malheureux que tout ce débat ait été présenté sous l'angle de la discrimination fiscale, parce que cela nous empêche de trouver des solutions aux véritables problèmes auxquels font face les familles. Bien sûr, nous sommes tout à fait d'accord pour dire qu'il y aurait vraiment lieu d'améliorer l'image de la femme au foyer et l'accès au marché du travail pour les femmes comme pour les hommes.

Nous espérons que le comité va faire ressortir et louanger la valeur des multiples formes de famille et choix familiaux au Canada. Nous espérons que le comité va rejeter toute proposition qui a pour prémisse le fait qu'une formule familiale est moralement supérieure à une autre.

Sur le plan des recommandations, l'ANFD a établi six objectifs stratégiques dont il faudrait selon lui tenir compte dans toute réforme apportée au régime de transfert et au régime fiscal. Nous avons tenté de respecter le mandat du comité en nous concentrant sur des mesures fiscales, mais l'une des principales affirmations que nous voudrions faire aujourd'hui est que vous ne pouvez réellement distinguer le régime fiscal des autres mesures concernant la politique sociale et la politique économique. Il est très important de parler également de programmes de dépenses directes.

Les propositions qui ont été faites au Parlement jusqu'ici ont, selon nous, quelques défauts. Nous parlons d'un certain nombre de propositions différentes qui, j'en suis sûre, vous seront familières, par exemple l'idée d'étendre la déduction pour dépenses de frais de garde aux familles dont les parents, qui demeurent à la maison, n'ont pas à assumer des dépenses liées aux frais de garde sur le marché. On a parlé de fractionnement du revenu, des déclaration conjointe et de propositions visant à augmenter le crédit du conjoint.

Nous tenons absolument à souligner que nous valorisons le travail des femmes qui restent à la maison. Nous pensons que les familles de ce genre ont besoin de plus de soutien qu'elles n'en obtiennent actuellement. Nous ne pensons pas que ces propositions sont une façon de leur offrir ce soutien. Selon nous, ces propositions ont des défauts, pour un certain nombre de raisons.

Tout d'abord, elles procurent toutes des avantages fiscaux au soutien de famille et non pas directement à la personne qui s'occupe des enfants. C'est donc une très mauvaise façon de valoriser le travail que font les femmes à ce titre ou de promouvoir l'autonomie économique des femmes. Il y a d'autres façons d'y arriver qui seraient beaucoup plus efficaces.

Le deuxième défaut majeur est que ces mesures feraient augmenter le coût fiscal, pour le conjoint qui touche le plus faible salaire, de son entrée sur le marché du travail; n'oublions pas qu'il s'agit le plus souvent d'une femme qui cherche à intégrer ou à réintégrer le marché du travail. Ces mesures font lever des barrières au marché du travail que les femmes ont travaillé très dur à jeter par terre, et les femmes n'ont toujours pas un accès égal au travail rémunéré.

• 1605

Le troisième grand défaut de ces mesures, c'est qu'elles sont réellement conçues pour profiter aux gens qui vivent en couple. Pourquoi ne pas envisager le cas des chefs de famille monoparentale, le fractionnement du revenu et les crédits de conjoints? Ces types de mesures ne profitent pas aux chefs de familles monoparentales, qui sont placés, comme vous le savez sans doute, dans une très difficile situation économique. Le fractionnement du revenu, en particulier, comporte des conséquences très graves qui favorisent les personnes à haut revenu. Ainsi donc, il ne profite qu'aux couples où le soutien de famille touche un salaire substantiel. Il ne profite pas au soutien de famille dont le revenu est faible.

Nous pensons que les objectifs qui sont à l'origine de ces propositions sont très valables. Ils sont importants. Nous pensons qu'il y a de bien meilleures façons de les réaliser.

Nos recommandations sont regroupées sous cinq rubriques. Je vous parlerai brièvement des trois premières, et Kim Brooks vous parlera ensuite des deux autres.

Au sujet de l'expansion de la prestation fiscale pour enfants du Canada, nous sommes d'accord avec les recommandations que nous avons entendues de la part de nombreux analystes de la politique sociale en matière de revenu selon lesquels il s'agit là d'un programme très prometteur qui doit cependant être peaufiné si on veut qu'il réalise ses objectifs. Nous appuyons la volonté exprimée par beaucoup de gens d'augmenter la prestation maximale à environ 4 000 $ par enfant. Je pense que cela contribuerait énormément à réduire quelque peu la pauvreté infantile. Nous appuyons l'extension de la prestation aux personnes qui touchent un revenu plus élevé que celui qui est déjà prévu afin d'aider davantage de familles à revenu moyen. Nous avons entendu l'appel lancé par ces familles, qui souhaitent obtenir un certain soulagement compte tenu de leurs faibles salaires et de leur fardeau fiscal. Nous réalisons que ces familles sont dans une situation difficile. Nous prônons également la pleine indexation de la prestation fiscale pour enfants, pour ce qui touche tant la prestation proprement dite que le seuil d'admissibilité, de façon que sa valeur ne soit pas constamment érodée.

Enfin, nous espérons que le gouvernement fédéral exhortera les provinces à ne pas diminuer les prestations d'aide sociale proportionnellement à la prestation fiscale pour enfants. Elles semblent penser que les familles qui touchent de l'aide sociale sont des pauvres qui ne travaillent pas. Et nous pensons que cela est tout à fait contraire au principe selon lequel les personnes qui demeurent à la maison pour prendre soin des enfants travaillent. Les mères célibataires qui touchent de l'aide sociale travaillent. Elles travaillent à prendre soin de leurs enfants à domicile. Elles ne devraient pas perdre des prestations d'aide sociale.

Notre deuxième recommandation est la suivante: nous devons maintenir dans sa forme actuelle la déduction pour frais de garde, et nous devons en même temps établir un programme national de soins et d'éducation à l'intention des enfants en bas âge.

Les frais de garde sont simplement l'un des coûts que vous devez assumer s'il vous faut entrer sur le marché du travail ou le réintégrer. Une personne qui a un enfant et qui doit travailler n'a aucun revenu net tant qu'elle n'a pas payé ses frais de garde. La déduction pour frais de garde reconnaît cette réalité. Cependant, elle est loin de couvrir l'intégralité des coûts liés à l'obtention d'un emploi.

La réduction de la déduction pour frais de garde aurait des effets inéquitables sur les femmes parce qu'elle aggraverait les obstacles au travail rémunéré des femmes. Même s'il faut maintenir cette déduction, nous ne croyons pas qu'il s'agisse d'une mauvaise façon de procurer l'accès aux services de garde ou au marché du travail rémunéré. C'est tout simplement très inadéquat, et l'ANFD et bien d'autres groupes de femmes le disent depuis longtemps. La seule raison pour laquelle c'est si critique maintenant, c'est que nous avons actuellement des programmes de garderie publique tout à fait inadéquats.

Alors nous aimerions unir notre voix à ce que nous considérons comme un tollé découlant d'études et d'opinions selon lesquelles le Canada doit investir sérieusement dans l'éducation et les soins offerts à la petite enfance. Par rapport à bien d'autres pays, nous tirons réellement de l'arrière. Et nous pensons que tous les enfants devraient y avoir accès, peu importe si leurs parents travaillent ou pas. Il ne s'agit pas tant de permettre à tout le monde d'aller travailler que de veiller à ce que tous les enfants du Canada puissent s'épanouir et avoir des chances égales. Dans le cas des mères célibataires, en particulier, elles n'auront simplement jamais un accès égal au travail rémunéré ni d'autre véritable choix tant et aussi longtemps qu'elles n'auront pas un meilleur accès aux services de garde d'enfants.

Certains ont proposé de convertir la déduction, c'est-à-dire la déduction actuelle pour frais de garde, en un crédit, peut-être même en un crédit remboursable, afin d'aider davantage les personnes à faible revenu, et en particulier les mères célibataires. Nous avons examiné la question très soigneusement, parce que nous sommes préoccupés par la mauvaise distribution des avantages fiscaux que représente une déduction. Selon nous, si l'on adoptait la formule du crédit, on n'aiderait pas vraiment davantage les parents à faible revenu qui tentent d'accéder à des services de garde ou à la main-d'oeuvre rémunérée. Le montant d'un tel crédit est peu susceptible d'équivaloir un tant soit peu à ce qu'il en coûte pour obtenir des services de garde réglementés de grande qualité. C'est donc dire que les parents à faible revenu n'auront toujours pas d'autre choix que de trouver d'autres solutions, c'est-à-dire des services de garde à coût moindre pour lesquels ils ne peuvent bien souvent obtenir des reçus leur permettant de réclamer des avantages fiscaux.

• 1610

Alors, qu'il s'agisse d'une déduction ou d'un crédit, cela ne donne pas les résultats souhaités, c'est-à-dire des places de grande qualité en garderie, accessibles et à coût abordable. Il y a d'autres raisons pour lesquelles nous pensons que la conversion à un crédit n'est pas une bonne stratégie et que nous voudrions que la déduction soit maintenue dans sa forme actuelle.

Le président: Un petit éclaircissement: voulez-vous dire le crédit ou la déduction?

Mme Lisa Philipps: La déduction doit être...

Le président: À certains moments, vous utilisez les deux termes sans distinction. Ce que vous voulez dire, c'est qu'il faut convertir le crédit en une déduction?

Mme Lisa Philipps: Non, c'est actuellement une déduction. Nous disons qu'on ne devrait pas la convertir en un crédit; il faut la maintenir dans sa forme existante, c'est-à-dire une déduction.

Le président: Je fais allusion à votre point trois, le crédit universel pour enfants.

Mme Lisa Philipps: C'est mon prochain point. À vrai dire, je ne suis pas encore arrivée là. C'est une chose différente.

Le président: Je pensais que c'est ce dont vous parliez. Je suis désolé.

Mme Lisa Philipps: Non, pas de problème.

Mon dernier argument au sujet des dépenses pour frais de garde c'est que nous estimons fermement que la déduction devrait être maintenue et s'ajouter à toute autre mesure fiscale touchant les enfants, outre toute forme de reconnaissance ou de crédit universel pour enfants.

Notre troisième recommandation concerne le crédit universel pour enfants. Selon moi, il est important d'établir une distinction entre les services de garde, le coût des services de garde, la garantie que vos enfants reçoivent les soins voulus, et un simple crédit universel quelconque pour enfants, qui viendrait reconnaître les avantages qu'une personne procure à la société en ayant un enfant et en l'élevant. Nous ne sommes bien sûr pas opposés fermement à ce genre de mesure, mais nous pensons qu'elle est moins prioritaire que l'établissement d'un programme de soins et d'éducation à la petite enfance.

Il y a cependant un point que j'aimerais souligner: nous nous opposons fermement à tout crédit universel pour enfants qui aurait pour effet de réduire la déduction des dépenses pour frais de garde, et je fais allusion dans ce cas au mémoire du C.D. Howe Institute. Je sais qu'il recommandait l'établissement d'un crédit universel pour enfants et la réduction d'une certaine partie de la déduction pour dépenses de frais de garde afin de le financer. Nous nous opposons à cela. Je le répète, il est important de maintenir la déduction et de l'ajouter à toute autre forme de crédit.

Je vais maintenant céder la parole à Kim Brooks.

Mme Kim Brooks (membre, groupe de travail des politiques financières, Association nationale des femmes et du droit): Bonjour, je m'appelle Kim Brooks. Mon allocution est peut-être un peu moins structurée, mais je vais vous parler des deux dernières propositions contenues là-dedans.

Je vais d'abord vous parler de certaines propositions qui ont été faites: augmenter les crédits de conjoint, permettre le fractionnement du revenu et introduire une forme quelconque de déclaration conjointe. Chacune de ces trois propositions nous préoccupe, parfois pour les mêmes raisons. Je vais vous donner l'exemple de la déclaration conjointe, parce que c'est celui qui illustre le mieux selon moi les risques dont peuvent s'assortir chacune des trois propositions. Ensuite, s'il y a autre chose que je souhaite ajouter au sujet des deux autres propositions, je le ferai.

En ce qui concerne la neutralité du régime fiscal, je pense que la déclaration conjointe va rendre le régime fiscal moins efficient sur le plan économique. Si un des membres du couple touche un salaire élevé et que l'autre touche un salaire faible, reste à la maison et tente de déterminer si elle—c'est habituellement une femme—réintégrera le marché du travail, s'il y a un système de déclaration conjointe, son taux marginal d'imposition sera très élevé, et équivaudra à celui de son mari ou de son partenaire, ce qui la dissuadera réellement d'entrer sur le marché du travail. Je pense qu'il y a de très bonnes raisons pour lesquelles nous voulons parfois encourager une femme à intégrer le marché du travail et à lui permettre tout au moins d'avoir des chances égales et de ne pas la décourager de le faire, tout en reconnaissant qu'un choix très important demeure: rester à la maison et y travailler.

La déclaration conjointe présente aussi un autre problème, qui est souvent mentionné—l'une des raisons pour laquelle nous devrions adopter la déclaration conjointe, c'est qu'il s'agit d'une question d'équité. Souvent, pour justifier la déclaration conjointe, on présente l'argument suivant: les femmes qui choisissent de travailler à la maison ne reçoivent pas les mêmes avantages que ceux auxquels elles auraient pu avoir droit si elles travaillaient à l'extérieur, de sorte que leur taux marginal d'imposition est beaucoup plus élevé. Elles ne profitent pas autant de ces taux plus faibles qu'elles le pourraient si les deux conjoints gagnaient tous deux 30 000 $. Autrement dit, si vous avez un couple où l'un des conjoint gagne 60 000 $ et ou l'autre travaille à domicile et un autre couple où les deux conjoints travaillent et gagnent chacun 30 000 $, la personne qui touche le revenu élevé sera désavantagée et traitée de façon inéquitable comparativement aux deux personnes qui gagnent 30 000 $.

Ma réaction face à tout cela est que, pour une personne qui travaille à domicile, nous ne l'imposerons pas sur ce qu'on appelle le revenu fictif découlant de son travail à la maison. Le travail que les femmes font à la maison est très précieux. Avec le système que nous avons actuellement, la déclaration individuelle tient compte de ces deux facteurs: le taux d'imposition est plus élevé pour le conjoint qui gagne le revenu élevé, mais il y a aussi cet avantage fiscal, pour ainsi dire, sur le revenu fictif du conjoint qui demeure à la maison.

• 1615

Nous avons une autre préoccupation: le passage à la déclaration conjointe ne tient pas compte du concept fondamental des principes fiscaux, c'est-à-dire que les gens sont imposés en fonction de leur contrôle sur le revenu plutôt que sur les avantages réels qu'ils en tirent, ce qui est la façon dont nous serions imposés si nous adoptions un système de déclaration conjointe.

Notre dernière préoccupation concerne la politique sociale et ses multiples aspects. La déclaration conjointe a un caractère plus intrusif et exige une divulgation complète de la part des deux conjoints, et certains conjoints choisissent de ne pas divulguer intégralement leur revenu. Cette formule ne tient pas compte de l'autonomie des particuliers. À l'heure actuelle, notre régime fiscal, parce qu'il impose chaque particulier, reconnaît chaque personne à ce titre et ne force pas les gens à se ranger dans un certain groupe. Il pourrait même récompenser ou encourager certaines formes de famille, mais pas d'autres, et je pense que, dans une société où les types de famille augmentent sans cesse et qui reconnaît qu'il peut y avoir différentes sortes de familles dans des groupements communautaires, ce pourrait ne pas être une mesure que nous voudrions voir appuyée par le régime fiscal, pour ainsi dire.

En ce qui concerne le fractionnement du revenu, la Loi de l'impôt sur le revenu interdit en général ce genre de chose. Là encore, nous ne savons pas à coup sûr qui contrôle le fractionnement du revenu, de sorte que nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée de le permettre. Cela peut aider seulement un groupe très restreint de familles dont une seule personne touche un revenu très élevé, alors que l'autre conjoint a un revenu bien moindre. Je pense que si vous voulez vraiment aider les enfants, vous chercheriez à augmenter le nombre de familles plutôt qu'à le restreindre en offrant divers genres de subvention par l'entremise du régime fiscal.

Il y a un autre élément de notre mémoire dont je vais vous parler brièvement: les mesures positives qui reconnaissent la valeur du travail du pourvoyeur de soins, que nous jugeons d'une importance fondamentale. En tant que société, nous profitons tous du travail que les femmes font à la maison et des soins qu'elles offrent aux enfants, et il est très important de reconnaître ce travail. Nous suggérons particulièrement d'élargir l'accès des femmes qui travaillent à domicile au régime d'indemnisation des accidentés du travail, aux prestations d'invalidité, aux pensions de retraite, aux programmes de recyclage, aux programmes de recherche d'emploi—toutes des choses auxquelles elles voudraient avoir accès; on pourrait aussi élargir et améliorer les régimes de congé parentaux et établir des lois du travail qui accommodent davantage le travail à temps partiel ou le travail à horaire souple, ce qui aiderait énormément les personnes qui veulent travailler à l'extérieur du domicile tout en passant beaucoup de temps avec leurs enfants.

Nous espérons que le comité pourra voir les avantages généraux que pourraient procurer ces mesures. De bien des façons, le régime fiscal n'est pas le meilleur moyen de fournir le genre de subventions qui sont nécessaires pour qu'on reconnaisse le travail d'une personne qui demeure à la maison pour élever ses enfants, et nous voulions simplement donner au comité des suggestions sur la façon d'aborder le problème.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons vous demander de réserver vos autres commentaires pour la période de questions, parce que nous avons déjà pris plus de 15 minutes.

J'inviterai maintenant notre prochain témoin à présenter son exposé.

Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, Real Women of Canada): Nous sommes très préoccupés par le régime fiscal, qui exerce manifestement une discrimination contre les familles qui touchent un revenu unique. Nous savons que seulement 11 p. 100 des familles profitent de la déduction pour frais de garde, et ce sont celles dont les revenus sont les plus élevés. Les familles à deux revenus sont composées, pour la plupart, d'une mère ou d'un père qui travaille à temps partiel et touche un salaire limité équivalant en moyenne à seulement 10 000 $. La plupart des gens préfèrent confier la garde de leurs enfants aux personnes de leur choix et non pas aux services de garde qui émettent des reçus, de sorte que le gouvernement canadien ne paie actuellement qu'environ 395 millions de dollars par année en déductions pour frais de garde, qui ne rejoignent que 11 p. 100 des familles. La grande majorité des familles, nous dirions au moins 44 p. 100 d'entre elles, ne touchent qu'un salaire.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le Canada avait pour politique d'être neutre face aux familles à un ou à deux revenus. À présent, le Canada exerce évidemment une discrimination contre les familles à revenu unique et c'est là que le bât blesse. Selon nous, chaque enfant du Canada a une valeur égale, chacun est important et le régime fiscal devrait être juste pour tous les enfants. Et les enfants devraient être reconnus. On peut notamment y parvenir par le régime fiscal. Les parents ne nous font pas une fleur; en fait, en élevant des enfants, ils apportent une immense contribution à la société. Ce sont les parents qui choisissent la façon d'élever leurs enfants, ce n'est pas à l'État de le faire.

• 1620

Statistique Canada révèle que seulement 10 p. 100 des couples choisissent de recourir à des services de garde organisés, simplement parce que ce n'est pas le choix que font les autres couples pour leur enfant. L'État doit écouter ce que lui disent les familles et les laisser prendre la décision. Quand on pense que le gouvernement injecte des milliards de dollars dans l'éducation destinée à la petite enfance, qui est inutile pour la plupart des familles... Ce que nous aimerions, c'est que toute distribution fiscale de l'argent serve la famille et que ce soit celle-ci qui décide comment elle va dépenser l'argent réservé au soin des enfants.

Il y a bien des erreurs dans notre système, et je pense que le Canada a du rattrapage à faire. Par exemple, l'Australie et l'Angleterre s'apprêtent à reconnaître la famille où le père travaille et où la mère demeure à la maison. Mais c'est la famille elle-même qui a le droit et le privilège de déterminer comment elle va prendre soin des enfants.

• 1625

L'instauration d'un régime national de services de garde, par exemple, est une insulte au public canadien, parce que les parents seraient acculés au pied du mur et que ce serait pour eux la seule façon de toucher des prestations. Ce genre de programme ne tient pas compte de l'individualité de la famille ou de l'enfant proprement dit.

Hormis le régime fiscal, il y a certains secteurs où le gouvernement peut intervenir. Par exemple, il peut prolonger les congés de maternité. Chaque famille est différente, et la famille doit décider si la mère travaillera ou si elle demeurera à domicile, ou encore si le père travaillera ou s'il demeurera à domicile, mais dans les cas où la mère fait partie de la main-d'oeuvre rémunérée, il est essentiel de lui donner accès à un congé de maternité prolongé, par exemple. À l'heure actuelle, le congé dure au plus seulement 24 semaines, de sorte que la mère touche des prestations d'assurance-chômage durant une période de six mois. Des spécialistes de la garde d'enfants nous ont dit que c'est le pire moment pour séparer la mère de son nourrisson. En France et en Allemagne, le congé de maternité est de deux ans et les prestations sont très substantielles. Pourquoi nous, qui sommes un pays riche, ne pouvons-nous aider les mères qui travaillent?

De même, ce qui serait selon nous la meilleure approche, ce serait d'instaurer un crédit d'impôt universel pour chaque famille. Nous ne voulons pas une déduction d'impôt, parce que cela n'aide pas les familles à faible revenu, parce que si vous ne faites pas de déclaration de revenu, vous ne pouvez en profiter. Pour être juste et équitable, nous voudrions que le crédit d'impôt soit affecté aux enfants, que chaque enfant reçoive le même traitement, peu importe la famille à laquelle il appartient et sans égard aux choix qui y sont faits sur le plan de la garde d'enfants.

Autre point important, nous aimerions énormément qu'on adopte le fractionnement du revenu. C'est essentiel si on veut aider les familles à revenu unique. C'est une façon de résoudre le problème. Je vais vous donner un exemple: si la mère choisit de demeurer à la maison... nous savons tous à quel point la contribution qu'elle fait à la société est valable, puisqu'elle libère l'autre partenaire qui peut aller travailler, peu importe lequel des deux conjoints choisit de demeurer à la maison. Il est essentiel pour la société que le parent puisse choisir ce qui lui convient le mieux et ce qui convient le mieux à ses enfants. Selon nous, le fractionnement du revenu est l'une des meilleures façons de résoudre le problème. Il semble que ce soit la seule approche raisonnable, hormis le crédit d'impôt pour enfant.

La troisième chose que nous aimerions voir serait une augmentation de l'exemption personnelle. Il y aurait une hausse de l'exemption personnelle. Pour l'instant, l'exemption accordée au conjoint est bien plus faible que l'exemption personnelle, et nous aimerions qu'il y ait une certaine égalité à ce chapitre.

Ce sont là les points fondamentaux.

• 1630

Je puis vous dire d'emblée que j'ai choisi de demeurer à la maison pour élever mes enfants. C'est moi qui avait pris cette décision. Je suis la mère de cinq enfants. Lorraine a six enfants. Toutes deux nous avons renoncé à notre carrière. Je suis avocate, mais j'ai décidé que, comme j'avais cinq enfants, j'allais rester à la maison pour les élever. Nous avons donc renoncé à un énorme salaire, mais c'est une question de priorités.

Lorraine et moi avons élevé onze futurs contribuables stables et bien éduqués. C'est cela que vous devez encourager. Les enfants ont une valeur infinie en soi, mais aussi pour l'avenir de notre pays.

Si j'avais travaillé dans la main-d'oeuvre rémunérée, je n'aurais pas eu mes cinq enfants, et Lorraine n'aurait pas eu les six siens. C'est ce que nous avons choisi; c'était notre choix personnel. D'autres personnes feraient un choix différent. Ma fille, par exemple, travaille à temps plein, non pas parce qu'elle le souhaite particulièrement, mais parce qu'elle n'a pas le choix. Elle opte pour la garde d'enfants, mais pas les services de garde qui vous émettent un reçu du gouvernement, parce qu'elle ne veut pas que son enfant soit élevé dans ce milieu. Elle a choisi le milieu à domicile, où l'on n'émet pas de reçu, pour son enfant, et elle verse d'énormes sommes d'argent pour ce service, parce qu'on ne reconnaît pas qu'elle souhaite que son enfant soit élevé dans un milieu particulier. C'est la décision personnelle de chaque parent.

Je pense que Lorraine voudrait maintenant vous parler d'un autre aspect de la question.

Mme Lorraine McNamara (secrétaire nationale, REAL Women of Canada): Je suis effectivement demeurée à la maison durant 23 ans, après quoi je suis revenue sur le marché du travail, non pas par choix encore une fois, mais parce qu'il fallait payer l'éducation postsecondaire de mes enfants. Quand vous avez six enfants et que vous faites tout votre possible pour leur procurer une bonne éducation, cela coûte cher, surtout si vous vivez dans une ville où il n'y a pas d'université, de sorte qu'ils doivent s'installer ailleurs pour étudier.

Je sais que le gouvernement accorde un certain répit pour les frais de scolarité et les dépenses liées à l'éducation, mais croyez-moi, cela est loin d'équivaloir aux coûts, et il n'y a là aucune reconnaissance des sacrifices consentis par les parents. À l'époque, nous n'avions qu'un seul revenu. Mon mari est enseignant, et il fait un bon salaire, mais nous n'avons jamais eu un revenu disponible suffisant pour nous permettre d'investir. Comme l'a mentionné une jeune femme un peu plus tôt, la seule façon de réduire vos impôts était d'acheter des REER. Nous ne l'avons jamais fait. Nous n'avions pas d'investissements dans des entreprises canadiennes, rien qui puisse réduire notre taux d'imposition. Alors, nous avons payé des impôts plutôt élevés, compte tenu du nombre d'enfants que nous élevions.

Je suis fière de ma famille. Nous avons fait du bon travail. Nous avons fait le choix d'avoir des enfants, mais nous avons fait des sacrifices pour eux et, oui, nous avons subi de la discrimination.

Merci.

Le président: Merci.

Nous passerons maintenant à une période de questions de cinq minutes, ce qui comprend évidemment les réponses.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Je pourrais réagir durant longtemps à l'exposé présenté ici par l'Association nationale de la femme et du droit, mais je vais me contenter de quelques commentaires. J'espère qu'ils seront le reflet de ce que pense un membre responsable du Parlement d'une question communautaire, plutôt que le reflet de mes idées personnelles.

Je vais à la page 7, où l'on dit:

    L'ANFD estime qu'il est moins urgent d'instaurer un crédit de ce genre que de fournir le financement direct nécessaire à l'établissement d'un programme national d'éducation et de soins de la petite enfance.

Lorsque je vois cela énoncé sous forme de priorité majeure, je demande simplement pourquoi. Quel sondage a révélé que les parents canadiens souhaitent cela?

Je passe ensuite au numéro 4, à la page 7, où l'on peut lire:

    Les promoteurs de telles mesures disent souvent qu'ils souhaitent accorder une certaine valeur au travail non rémunéré que les femmes font à domicile.

C'est justement ce que l'on entend dire depuis quelques jours.

    Mais le problème, c'est qu'ils veulent procurer des avantages fiscaux non pas au conjoint qui prend soin des enfants, mais bien au soutien de famille. Ils présument simplement que les avantages économiques de l'allégement fiscal seront partagés avec le conjoint qui garde les enfants.

Wow! Ça c'est la loi.

Je passe ensuite à la page 8, où je peux lire la déclaration suivante:

    Les déclarations faites récemment par des députés réformistes au Parlement selon lesquelles le montant inférieur du crédit du conjoint fait en sorte que les conjoints qui sont des personnes à charge sont traitées comme des «citoyens de seconde zone» ou des «moins que rien» sont trompeurs, incendiaires et franchement ridicules.

Ce que je voudrais dire à cet égard, c'est qu'ils étaient le reflet des membres de la collectivité. C'est ce que de nombreux parents—pour la plupart des mères, mais dans certains cas, des pères—nous disaient sentir dans le message propre à cette situation particulière. Peut-être était-ce exagéré, mais c'est exactement ce qu'ils sentaient en raison de la situation.

• 1635

Je passe ensuite à la page 9, où l'on dit au milieu:

    Un soutien de famille qui transfère un revenu à un conjoint à charge à des fins fiscales peut ne le faire que «sur papier» tout en conservant le contrôle pratique du revenu. Il serait inéquitable d'imposer, dans le cas des conjoints à charge, un revenu sur lequel ils n'exercent en réalité aucun contrôle.

Encore une fois, je reviens aux commentaires que j'ai fait précédemment: c'est la loi.

Compte tenu de certaines données de sondage qui nous ont été présentées, je dirais que, bien qu'ils aient une certaine valeur, tous ces arguments ne représentent pas les idées de la majorité des Canadiens. Quant à leur caractère, j'estime qu'ils sont centrés non pas sur l'enfant, mais plutôt sur les parents, et sur certains parents particuliers.

Nous essayons d'établir la valeur sociale que nous attachons aux enfants et à ceux qui en prennent soin. Il semble qu'il y ait dans ce cas beaucoup de promoteurs du statu quo, qui ne sont pas prêts à vraiment prendre du recul et à dire: «Que faisons-nous dans la société et quels messages donnons-nous aux parents qui s'occupent des enfants? Comment pourrions-nous être davantage axés sur les enfants plutôt que sur les parents?»

Ce sont là mes commentaires pour l'instant, et si quelqu'un veut y réagir, je suis prêt à l'écouter.

Le président: Je suis sûr qu'il y aura quelqu'un.

Madame Philipps, je vous en prie.

Mme Lisa Philipps: Oui, j'aimerais réagir à cela.

Je suis sûre que nous ne sommes vraiment pas d'accord sur cette question, mais je suis heureuse d'en discuter avec vous.

Je n'aime vraiment pas que notre mémoire soit perçu comme n'étant pas centré sur l'enfant. Je sais que bien des gens ont parlé de leur situation personnelle. J'ai eu mon premier enfant il y a peu de temps, et je peux vous dire que je suis très concernée par la valeur qu'on attache au travail de garde, à l'avenir des enfants et aux bons soins qu'on leur prodigue.

Vous avez mentionné qu'aucun sondage ne vient confirmer la nécessité d'un programme national de soins à la petite enfance. Vous pouvez être plus à l'aise avec les données de sondage que je le suis, mais cela dépend à qui vous vous adressez. Si vous vous adressez aux femmes de partout au pays, vous saurez que nous demandons cela depuis longtemps et que c'est la raison pour laquelle le gouvernement en place en a fait la promesse dans l'une de ses plates-formes électorales. Il n'a pu y donner suite pour diverses raisons, mais ce type de programme suscite une forte demande. Pour être franche, je pense que bien des femmes ont abandonné.

Nous sommes heureuses de voir que de toutes nouvelles données de recherche confirment la nécessité d'un programme de ce genre. Elles illustrent le retard qu'a pris le Canada par rapport à d'autres pays pour l'élaboration de programmes de services à la petite enfance. Ainsi donc, bien des données viennent étayer la nécessité de ce programme.

Mme Gwendolyn Landolt: Puis-je faire un commentaire là-dessus?

Mme Lisa Philipps: Puis-je simplement finir de réagir aux commentaires de M. Forseth?

Le président: Pour clarifier, M. Forseth fait allusion à un programme de service de garde, et vous parlez d'un programme de soins et d'éducation à la petite enfance. Y a-t-il une différence?

Mme Lisa Philipps: Oui. Cela reflète mon interprétation de la recherche actuelle, qui tente de faire passer l'accent sur autre chose qu'un simple accès au marché du travail. C'était l'ancien discours—que nous avons simplement besoin d'un endroit où placer les enfants tandis que nous allons travailler. Les nouvelles études révèlent qu'il nous faut nous concentrer sur le développement de l'enfant. Il est important pour les enfants d'âge préscolaire de pouvoir accéder à des programmes de grande qualité, peut-être à temps partiel, dans certains cas à temps plein, et dans certains cas encore, une journée par semaine, ou quoi que ce soit. Tous les enfants doivent pouvoir accéder à ce genre de programme bien établi.

Au sein d'un ménage, nous estimons qu'il est erroné de supposer que l'allégement fiscal consenti à un soutien de famille sera nécessairement partagé avec le conjoint qui prend soin des enfants. À l'heure actuelle, la loi n'exige pas que le revenu d'un soutien de famille soit partagé à parts égales avec le conjoint qui prend soin des enfants. La loi ne prévoit tout simplement pas cela. Il y a des lois au sujet de la division du patrimoine familial s'il y a rupture de la famille, et il y a toutes sortes de critiques quant à la façon dont ce partage fonctionne. Il n'y a pas de loi au sujet du partage à l'intérieur d'un couple ou d'un ménage tandis qu'il existe.

Nous avons aussi des études empiriques selon lesquelles le partage est beaucoup moins fréquent qu'on ne le présume généralement. Il semble que ce soit simplement une hypothèse que nous faisons et que la recherche empirique ne confirme absolument pas.

En ce qui concerne les commentaires de la page 8 au sujet des remarques d'un député qui affirmait que le montant inférieur du crédit du conjoint fait en sorte que les conjoints qui sont des personnes à charge sont traités comme des citoyens de seconde zone ou des «moins que rien», vous dites que les gens estiment que c'est le message que leur transmet le système. Je pense que ce qui en ressort, c'est que les gens ne se sentent pas appréciés. Les gens qui prennent soin des enfants à temps plein ne se sentent ni respectés ni valorisés. Leur travail n'est pas rémunéré. Ils n'ont pas accès à toutes sortes d'avantages offerts aux autres. C'est un problème grave.

• 1640

Je ne pense pas que la hausse du crédit du conjoint soit une façon de corriger le problème. Le motif pour lequel le crédit du conjoint est inférieur—et il est inférieur d'environ 20 p. 100 à l'exemption personnelle de base—, c'est que la vie en couple permet de réaliser des économies. Si vous vivez ensemble dans une maison, vous n'avez pas à payer les dépenses personnelles de base que chacun aurait à payer s'il vivait seul. C'est là tout le raisonnement qui sous-tend le programme. Cela n'a rien à voir avec des citoyens de seconde zone ou quoi que ce soit.

Je m'étonne que certaines personnes puissent, dans la chaleur d'un débat au Parlement, attiser le ressentiment des personnes qui ne sont pas valorisées, alors que le crédit du conjoint n'a rien à voir avec ça.

Le président: Merci.

Madame Landolt, je vous prie.

Mme Gwendolyn Landolt: C'est vraiment une insulte pour les femmes que de laisser entendre que nous voulons toutes des programmes d'éducation à l'intention de la petite enfance. Chaque enfant a des besoins propres. Les enfants ne sont pas des machines, ce sont des êtres humains. Ils n'ont pas besoin de prétendus experts professionnels du développement. Ils ont besoin de parents qui les aiment et qui en prennent soin.

Pourquoi les contribuables devraient-ils payer pour un programme spécial destiné à des gens spéciaux qui veulent des choses spéciales pour assurer le développement de leur enfant tandis que leurs propres parents peuvent les aimer et prendre soin d'eux et s'en tirer tout aussi bien?

De plus, dans la grande majorité des familles, les conjoints mettent ensemble leurs deux revenus. La grande majorité des familles le fait. Il s'agit du revenu familial, et nous partageons la tâche d'élever les enfants. Nous dépensons ensemble le revenu familial. En ce qui concerne le contrôle, ce peut être un problème pour un groupe très mineur de maris et d'épouses, mais la grande majorité des couples ne voient rien de plus que le revenu familial. Ce n'est pas une question de contrôle. C'est une question de procurer à la famille ce qu'il y a de mieux.

Je le répète, il faut demander aux familles et les laisser décider de la façon dont elles vont élever leurs enfants. L'État n'a pas à s'en mêler.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Bonjour, mesdames, et merci.

C'est très intéressant. On voit qu'il y a des situations vraiment opposées. Cela reflète la position de plusieurs personnes qui ont dit que ce n'était pas au gouvernement de décider des choix des femmes ou des couples, mais bien aux personnes concernées. Ce n'est pas nécessairement déchirant, mais le gouvernement va devoir choisir là où il va investir l'argent pour que les gens puissent réaliser leur choix, que ce soit de travailler à l'extérieur et de faire garder leurs enfants dans des services de garde de qualité ou de rester à la maison et d'élever eux-mêmes leurs enfants en leur donnant tout l'amour qu'ils doivent avoir. Ceux qui les font garder leur donnent aussi passablement d'amour. Donc, ce n'est pas là qu'est le problème, mais il y a des choix à faire et les gens doivent être en mesure de choisir librement sans avoir de contraintes excessives au niveau financier. Il y a une certaine reconnaissance à faire.

Vous parlez de la division du revenu. Il y en a qui sont contre et d'autres qui sont pour, mais encore là il y a un juste milieu à atteindre. La division complète des revenus d'un couple ayant des enfants a souvent des effets sur les gens qui gagnent le plus. Pour les gens qui gagnent moins, c'est moins évident.

On a dit tout à l'heure qu'il pourrait y avoir une reconnaissance du travail fait à la maison par les femmes au foyer. Un tel montant pourrait représenter un certain partage du revenu. Une personne peut obtenir une déduction pour les frais de garde d'enfants à l'extérieur. Pourquoi un montant ne pourrait-il pas être attribué au conjoint qui est à la maison, somme d'argent qui pourrait aussi servir au calcul au niveau de l'assurance-emploi et au niveau du Régime de pensions du Canada? Ce montant pourrait aussi rendre la personne admissible à une déduction fiscale pour sa contribution à un REER. Cela revaloriserait le travail fait à la maison par les femmes. C'est une idée sur laquelle j'aimerais entendre vos commentaires.

• 1645

[Traduction]

Le président: Madame Landolt, je vous prie.

Mme Gwendolyn Landolt: Bien sûr, nous aimerions qu'une femme qui demeure à la maison puisse contribuer au RPC et aux REER. Elle ne devrait pas risquer une insécurité future parce qu'elle a pris la décision de demeurer à la maison pour élever les enfants. Elle devrait avoir le choix. C'est pourquoi nous aimerions qu'il y ait un crédit d'impôt, pour qu'il y ait un revenu disponible que les parents pourraient dépenser comme bon leur semble.

Je tiens à souligner que chaque parent qui demeure à la maison, que ce soit le père ou la mère, ou même que ce soit un parent seul et qui vit à plein temps à la maison a bel et bien des dépenses fiscales, et tout aspect de l'impôt sur le revenu dont nous traitons avec les familles devrait être examiné sous l'angle des intérêts de l'enfant. Si la famille décide que la mère doit demeurer à la maison, il est très important qu'il y ait un revenu disponible pour qu'elle puisse l'intégrer à son régime de pensions du Canada ou à son REER. Mais là encore, l'argent devrait être remis à la famille, et c'est elle qui devrait décider.

J'ai entendu d'autres personnes dire: «Eh bien, la famille va dépenser cela pour de la bière ou quelque chose comme ça.» En 1944, le Canada a créé les allocations familiales, et durant tout le temps où nous y avons eu accès, c'est-à-dire jusque dans les années 80, les études ont révélé que dans presque tous les cas, les parents utilisaient cet argent pour les enfants.

Les parents sont préoccupés par leurs enfants et ont leur avenir à coeur. Même si ce n'était pas une grosse somme par rapport à la valeur de l'argent aujourd'hui, cet argent était généralement mis de côté pour les enfants. Alors, si vous donnez de l'argent à la famille, remettez-le lui et laissez-la décider de la façon d'en disposer.

Quant à moi, après avoir élevé cinq enfants avec un seul revenu, je sais qu'il n'y avait pas de revenu disponible pour préparer mon avenir et ma réintégration au marché du travail comme avocate. Mais nous avons fait ce sacrifice.

J'aimerais faciliter les choses à mes filles de façon qu'elles aient plus de marge de manoeuvre que j'en ai eu. Je vois les journées difficiles que ma fille traverse, sachant que si elle cesse de travailler, le revenu familial va se tarir et l'avenir apparaîtra bien sombre. J'aimerais que cet argent aille à mes filles, ou à mes fils s'ils choisissent de demeurer à la maison, pour qu'ils aient ce pouvoir discrétionnaire et cette souplesse, que nous n'avons jamais eue dans ma génération, tout comme Lorraine. Toutes deux, nous avons dû renoncer à une énorme somme d'argent.

Il nous faut reconnaître la noblesse du travail qui se fait à la maison. C'est un travail noble que de choisir de demeurer à la maison pour élever vos enfants, et un énorme sacrifice sur les plans tant professionnel que, parfois, personnel. Le gouvernement et l'État en retirent d'énormes avantages. Nous pouvons le reconnaître en prévoyant un peu de souplesse de façon que les parents puissent faire le choix et utiliser l'argent comme bon leur semble.

Je tiens à répéter ceci: ne pensez pas que les parents iront dépenser l'argent à la brasserie, parce que cela n'a jamais été prouvé. Depuis 1944, lorsque Mackenzie King a créé les allocations familiales, cela ne s'est pas passé ainsi.

Le président: Merci.

[Français]

Une dernière question, s'il vous plaît, monsieur Cardin.

M. Serge Cardin: Mme Philipps a-t-elle des commentaires à faire?

Mme Lisa Philipps: Oui, merci.

[Traduction]

C'est une excellente idée que de fournir une certaine allocation aux personnes qui prennent soin des enfants sans être rémunérés. Ce serait une énorme amélioration par rapport à tout régime qui offrait les avantages d'un crédit d'impôt à la personne qui prend soin des enfants par l'entremise du soutien de famille. L'argent devrait être remis directement à la personne qui prend soin des enfants. C'est une excellente suggestion.

Cependant, il faut la combiner à des programmes grâce auxquels les personnes qui prennent soin des enfants pourront avoir un accès au travail rémunéré si elles choisissent de le faire ou qu'elles en ont besoin.

Ainsi donc, je considère qu'il s'agit d'une chose à deux volets. L'allocation versée à la personne qui prend soin des enfants serait une excellente idée, mais seulement si elle est conjuguée à des services et programmes qui ouvrent les portes au marché du travail, comme un programme destiné à la petite enfance et qui pourrait permettre aux parents d'avoir un réel accès au service de garde. Alors seulement ils auraient un véritable choix quant à la façon dont ils veulent faire.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Michelle Dockrill: Merci.

Tout d'abord, Lisa, bon nombre des questions que vous avez soulevées aujourd'hui l'ont déjà été par d'autres conférenciers, et même aussi récemment que ce matin. Ils estiment que les inégalités, pour ainsi dire, ne sauraient être résolues uniquement par le régime fiscal.

C'est un fait d'arme pour votre organisation. Vous avez réussi un magnifique travail grâce à votre exposé.

• 1650

Je ne sais pas si vous connaissez l'étude qui a été réalisée par Shelley Phipps, où l'on compare le Canada à divers pays européens, mais l'une des choses dont on parle, je pense que c'est en Norvège, c'est d'une prolongation des prestations de congé parental et de maternité. Je vais simplement vous donner un aperçu de ce qu'ils ont fait dans ce pays et vous me direz si vous croyez que cela pourrait aider les femmes du Canada.

Ils disposent de 42 semaines de congé pleinement rémunéré, ou de 52 semaines à 80 p. 100. Ce qui est intéressant, du moins je le crois, c'est qu'il y a de la souplesse qui permet à la mère de reprendre le travail si elle le préfère, durant 20 heures par semaine et passer le reste du temps à la maison. Je me demande si quelque chose de semblable—croyez-vous que cela aiderait les femmes canadiennes?

Mme Lisa Philipps: Je pense que c'est une brillante idée, et elle semblait si évidente lorsque j'en ai entendu parler que je ne peux croire que nous n'ayons pas pensé à quelque chose comme ça. Je pense que beaucoup de gens aimeraient combiner le travail rémunéré et le travail non rémunéré selon une formule différente du simple temps plein pour un ou pour l'autre. C'est une décision complexe, et je pense que c'est une magnifique idée.

Je pense aussi que nous avons vraiment besoin d'éliminer la période de carence de deux semaines qui existe actuellement dans le cas d'un congé de maternité. Je pense qu'il nous faut examiner le fait que les femmes qui travaillent à temps partiel n'ont pas accès aux prestations de maternité parce que les réformes du Régime d'assurance-emploi mises en place au cours des dernières années en ont compliqué l'accès pour les gens. Comme ce sont désormais les heures de travail qui comptent et non plus les semaines, bien des gens ont beaucoup plus de difficulté à devenir admissibles à ces prestations. Idéalement, dans mon monde imaginaire et utopique, les prestations de maternité et les prestations parentales seraient accessibles à tous les parents, sans égard à leurs liens avec le marché du travail. Je ne vois pas pourquoi des personnes qui ont un certain lien avec le marché du travail devraient recevoir un soutien pour cette période de soins intensifs tandis que d'autres ne le peuvent pas.

Mme Michelle Dockrill: Je pense que c'est une suggestion qui a été faite ce matin; peut-être que c'était hier, mais je pense que c'était ce matin.

Gwendolyn, dans vos commentaires, vous avez parlé du fait que le service de garde et la décision de demeurer à la maison avec vos enfants était une affaire de priorités. Ma question est la suivante: qu'avez-vous à dire à propos des personnes qui n'ont pas ce choix, qui sont forcées de travailler?

Mme Gwendolyn Landolt: Tout d'abord, j'aimerais dire un mot sur l'étude norvégienne. Cette mesure n'a été mise en place que l'an dernier, et elle vaut à coup sûr la peine d'être envisagée. Nous donnerions certainement notre appui à cette idée. Nous pensions que c'était une très bonne façon pour le gouvernement norvégien d'encourager les femmes à demeurer à la maison, mais aussi de les encourager à reprendre le travail si c'est ce qu'elles voulaient.

Ensuite, je pense que j'ai dit clairement—peut-être que je me trompe—que nous pensons que toute femme devrait avoir le choix... toutes les familles devraient décider si la mère doit retourner travailler ou demeurer à la maison. Comme je l'ai déjà dit, dans ma propre famille, ma fille n'a pas eu le choix et est retournée travailler. Cela dépend de la famille, de son revenu, de son système de valeur—de toutes sortes de choses. Ma valeur personnelle était la pratique du droit. S'il y avait un procès le lendemain, je devais travailler jusqu'à 22 h et je me demandais ce que l'avenir me réservait. Quelle est ma priorité? Ma priorité était que je ne pouvais faire les deux choses. J'ai choisi de demeurer à la maison. D'autres mères auraient pu faire un choix différent. C'est ce qu'ont choisi d'autres femmes et avocates que je connais. Mais la décision revient à la mère, au mari, bref aux parents, et non pas à l'État, parce que les valeurs et la situation financière de chacun diffèrent tellement. Notre argument, c'est qu'on devrait pouvoir reconnaître ce choix et la dignité de ce choix.

Quant aux mères célibataires, nous avons beaucoup de préoccupations. Anciennement, bien sûr, en vertu du régime d'assistance publique du Canada, qui n'existe plus, mais à l'époque... en vertu du transfert social que nous avons actuellement, la mère célibataire est encouragée à retourner travailler. Nous nous demandons pourquoi elle fait l'objet d'un traitement si différent? Pourquoi ne peut-elle avoir la dignité de demeurer à la maison si elle le choisit? Pourquoi, du simple fait d'être célibataire, est-elle censée aller travailler pour gagner sa vie? Peut-être que c'est son choix, si elle a vécu un divorce, une séparation, que les enfants sont dans le besoin, qu'elle-même est dans le besoin—on devrait reconnaître qu'elle fait ce qui est le mieux à ses yeux et ne pas la forcer à réintégrer le marché du travail. Peut-être qu'elle pourrait choisir de le faire, mais ce serait là son affaire.

Globalement, notre argument est le suivant: il faut laisser la famille décider et faire en sorte que chaque enfant soit traité également.

Mme Michelle Dockrill: J'aimerais faire quelques commentaires.

Le président: Très rapidement.

Mme Michelle Dockrill: J'aimerais dire que le fait de compter parmi les personnes qui n'ont pas eu le choix, mais qui ont dû retourner au travail n'a rien à voir avec mon système de valeurs; cela concerne uniquement le fait que je voulais m'assurer que ma fille aurait de quoi manger. Je ne pense pas qu'il y ait une relation entre ces deux choses, et je pense qu'il est très important de le souligner.

• 1655

Vous avez parlé de votre fille, et vous avez parlé de services de garde. Vous avez utilisé l'expression «ce milieu». J'aimerais que vous précisiez. Que voulez-vous dire par «ce milieu»?

Mme Gwendolyn Landolt: J'entendais par là qu'elle avait le choix d'obtenir des services de garde «officiels», mais qu'elle a choisi de ne pas placer son enfant dans ce milieu particulier parce qu'elle ne veut pas qu'il se retrouve dans ce genre de gros groupe. Elle ne voulait pas que son enfant soit dans une pièce avec 15 autres enfants de son âge. Elle préférait le milieu familial. Elle confie son enfant à une voisine qui demeure en face de chez elle, laquelle voisine ne lui remet aucun reçu. C'est un énorme investissement de sa part, mais comme cela correspondait à son système de valeurs, elle ne voulait pas que son enfant soit dans un réseau de garderies gouvernementales ou privées et a choisi un milieu familial, par opposition à une garderie; c'était une décision personnelle.

• 1700

J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit. Les valeurs ont beaucoup à voir avec les choix également. Lorraine en est un exemple. Demeurer à la maison représentait peut-être plus de problèmes financiers pour elle que pour moi. Mais son système de valeur était tel qu'elle était prête à faire le sacrifice. Ainsi donc, c'est une affaire de valeurs, bien qu'elle dépende de la famille. Que voulez-vous pour vos enfants? Que voulez-vous pour votre vie familiale?

Ma fille n'a pas eu le choix, comme vous. Elle devait mettre du pain sur la table. Elle n'avait pas le choix. Mais elle a fait au mieux.

Mme Michelle Dockrill: Je veux revenir sur une chose qui me préoccupe personnellement. Lorsque vous parlez de «ce milieu», en tant que mère qui a confié la garde de ses enfants à des tiers... mes enfants se sont faits garder chez moi. C'est un peu comme des services de garde en milieu institutionnel. Je pense qu'il faut être clair au sujet de la qualité des soins, qu'il s'agisse d'une garderie de 30 enfants ou qu'une personne vienne chez moi s'occuper de mes enfants. Je n'aime pas ce qu'évoque ce démonstratif. Je voulais simplement le préciser.

Mme Gwendolyn Landolt: Je tiens à préciser que si vous avez un programme universel de garde d'enfants, ou si vous voulez, appelez- le développement de la petite enfance, c'est ce que vous allez obtenir, parce que cela coûte 8 milliards de dollars.

Mme Michelle Dockrill: Je ne sais pas si c'est ce que je vais obtenir.

Le président: J'aimerais revenir à M. Szabo, s'il vous plaît, parce que nous avons un avion à prendre.

Je m'excuse, monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): J'ai une question à poser à Lisa. J'ai votre mémoire en main. Savez-vous ce que cela coûterait aux contribuables canadiens si tous les éléments que vous proposez dans votre mémoire étaient mis en oeuvre?

Mme Lisa Philipps: Non. Je dois dire que je n'en ai pas déterminé les coûts. Le Parlement devra certainement les établir, et le gouvernement devra se fixer des priorités. Je comprends cela. Si j'avais à choisir une priorité, j'aimerais que le gouvernement commence par—je me rends compte qu'on ne peut pas tout faire en même temps—j'aimerais qu'il investisse considérablement dans le prochain budget pour un programme d'éducation et de soins des enfants en bas âge.

Le président: Combien d'argent pensez-vous que nous devrions investir?

Mme Lisa Philipps: J'ai pris connaissance de la proposition récente du Conseil national du bien-être, qui contient des estimations de coûts. Le Conseil envisage un coût final d'environ 7 à 8 milliards de dollars qui s'échelonnera sur plusieurs années. Je crois que ce montant sera partagé entre les parents, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Je crois que la part du gouvernement fédéral serait de... je ne saurais dire. Je ne pourrais vous donner qu'une impression.

M. Paul Szabo: Vous devriez être plus précise. Nous ne parlons ici que des enfants âgés de plus de trois ans.

Mme Lisa Philipps: Je ne m'en étais pas rendu compte. D'accord.

M. Paul Szabo: Cela ne comprend pas tous les coûts. Fraser Mustard et l'Université de Toronto ont fait une étude. Le coût total est d'environ 8 milliards de dollars.

Le président: M. Jones, la parole est à vous.

M. Jim Jones: J'ai une autre question. Le fait d'avoir des enfants est-il considéré comme une dépense ou un investissement d'amour?

Le président: En 20 secondes ou moins, s'il vous plaît.

Mme Gwendolyn Landolt: Je crois que la plupart des parents considèrent cela comme un investissement d'amour. À cela s'ajoutent les sacrifices. Mais c'est une question accessoire. Nous considérons qu'avoir des enfants est une joie immense et unique pour la société, qui lui profite beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo, la parole est à vous.

M. Paul Szabo: Si on veut augmenter les prestations fiscales pour enfants à 4 000 $ ou 4 200 $, cela coûtera 12 milliards de dollars. La deuxième recommandation que vous formulez représente près de 8 milliards de dollars. Donc, si on ne tient compte de rien d'autre, nous en sommes déjà à 20 milliards de dollars. Cela représente deux ministères de la Défense.

Réaliste, réalisable, abordable, axé sur les priorités, etc.—tout cela est bien beau, mais je crois que nous devons cibler davantage.

• 1705

Madame Landolt et madame McNamara, j'ai apprécié votre enthousiasme pour la famille... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]

J'aimerais passer à une question écrite, afin que vous puissiez au moins avoir quelque temps pour y penser. La question est la suivante. En gros, prenons une famille où le conjoint qui gagne le moins d'argent est imposé au taux marginal le plus élevé—supérieur à 65 000 $—et une autre famille, où le conjoint qui fait le moins d'argent touche des revenus de 29 000 $. Supposons qu'ils sont voisins. Ils envoient leur enfant à la même garderie ou chez la même tierce partie, et cela leur coûte le même montant—5 000 $.

Si on suppose que l'employeur a déduit tous les impôts qu'il y avait à déduire, le contribuable imposé au taux marginal le plus élevé, de plus de 65 000 $, fera sa déclaration de revenu et obtiendra un remboursement de 2 500 $, soit fondamentalement 50 cents sur le dollar, étant donné que c'est le taux marginal en vigueur. Par ailleurs, le conjoint qui gagne le moins d'argent et qui est imposé au taux marginal le plus bas ne sera remboursé que de 1 250 $, soit fondamentalement 25 cents sur le dollar.

Donc, même si les deux familles paient les mêmes frais de garderie, la personne qui gagne plus d'argent est avantagée et reçoit un remboursement plus élevé, pour la simple raison qu'elle a la chance d'avoir un revenu plus élevé.

D'après vous, cela est-il juste, équitable?

Mme Lisa Philipps: Non, cela n'est pas juste. Surtout parce que cela ne permet à aucune des deux personnes de réellement couvrir les frais de garde.

Qui plus est, même si on convertissait ces prestations en crédits, ce qui constitue la réforme que l'on propose le plus souvent pour régler ce problème, on ne les aiderait pas plus à couvrir les frais de garde. Ce n'est pas encore assez pour couvrir les coûts d'un emploi rémunéré.

Ce qui me préoccupe, c'est que, si on convertissait ces prestations en crédits, elles seraient converties à un montant inférieur. Elles seraient converties, et le montant du crédit serait déterminé en fonction du taux d'imposition marginal le moins élevé, comme pour tous les autres crédits personnels du régime fiscal, à 17 p. 100, plutôt qu'au taux d'imposition marginal maximal de 29 p. 100. Nous assisterions en réalité à une réduction de l'aide financière pour les frais de garde octroyée à beaucoup de familles, plutôt qu'à une distribution plus équitable.

Voilà ce qui me préoccupe.

M. Paul Szabo: Je comprends cela, mais le problème est que la subvention, étant fonction du revenu, est inéquitable. Pour remédier à la situation, on pourrait choisir d'octroyer un crédit. Évidemment, si vous choisissez le crédit, cela profitera également à tous ceux qui ont recours aux services d'un tiers, et puisque ces deux niveaux d'imposition permettent actuellement des remboursements différents, on peut en déduire que l'un baissera et que l'autre montera. Il y aura un gagnant et un perdant; cela ne fait aucun doute.

Quant à la question de savoir à qui octroyer le crédit, on pourrait l'accorder en fonction du taux fédéral de 29 p. 100, et donc les personnes à faible revenu pourraient recevoir un remboursement beaucoup plus élevé qu'à l'heure actuelle. Mais le crédit permettrait au moins d'octroyer à tous les contribuables la même subvention en fonction des mêmes frais de garde.

Mme Lisa Philipps: On pourrait même en faire un crédit remboursable. Ainsi, il serait vraiment universel.

M. Paul Szabo: Absolument.

Mme Lisa Philipps: Le problème, selon moi, c'est que cela ne se concrétisera pas, et le crédit deviendra beaucoup plus vulnérable...

M. Paul Szabo: Le vrai problème est qu'on est aux prises avec une injustice.

Mme Lisa Philipps: Je crois que le problème est que l'on ne peut offrir un accès à la main-d'oeuvre rémunérée par l'entremise de déductions ou de crédits pour les frais de garderie. Cela ne fonctionne pas.

M. Paul Szabo: Je comprends cela. Votre mémoire, que je vous ai entendu lire et que j'ai parcouru, et vos commentaires à ce sujet montrent qu'un élément ne permet pas de leur donner un accès réel aux services de garde.

Le signal que vous m'avez donné est que votre politique ou votre approche est plus axée sur les femmes que sur les enfants, que nous devons faire quelque chose pour les femmes, plutôt que nous demander ce que nous pouvons faire pour offrir le plus d'options possibles aux familles afin qu'elles puissent prendre les dispositions qui répondront le mieux aux besoins de l'enfant. Je crois que c'est la différence des méthodes qu'adopteront les gens pour le faire. Nous en avons déjà parlé.

• 1710

Mme Lisa Philipps: J'ai bien peur que ce soit la façon dont l'AFND est perçue, parce que ce n'est certainement pas mon opinion. Je crois que les enfants peuvent être très bien traités grâce à diverses dispositions différentes. L'un des facteurs importants qu'on doit prendre en considération lorsqu'on veut réformer le régime fiscal et le système de transfert pour que cela se réalise est l'égalité des sexes. Selon moi, on n'y prête pas assez d'attention. Peut-être que cela semble être mon seul intérêt, mais ça ne l'est pas. Il s'agit d'un facteur que je veux être certaine que vous...

M. Paul Szabo: Juste une dernière question rapide. L'éducation, les services de garde, les programmes préscolaires, les pouponnières, etc. sont-ils tous de compétence provinciale?

Mme Lisa Philipps: Oui, j'en conviens.

M. Paul Szabo: Donc, la recommandation destinée au gouvernement fédéral suivant laquelle nous devons faire quelque chose pour la petite enfance serait principalement d'ordre provincial. Vous suggérez que le fédéral devrait s'y intéresser parce que cela pourrait profiter à tous les Canadiens.

Mme Lisa Philipps: Oui. Je dis que le gouvernement fédéral doit montrer la voie pour que cela soit...

M. Paul Szabo: De compétence provinciale?

Mme Lisa Philipps: Oui, on pourrait procéder de la même façon qu'on l'a fait pour la prestation fiscale nationale pour enfants.

M. Paul Szabo: D'accord.

Mme Lisa Philipps: Beaucoup de gens disaient qu'on ne pouvait y arriver, mais on a réussi. Voilà un modèle de la collaboration fédérale-provinciale dans une zone grise.

M. Paul Szabo: Merci.

Le président: [Note de la rédaction: Difficultés techniques]

Mme Yvonne Choquette (témoignage à titre personnel): Merci.

Je m'appelle Yvonne Choquette, et je suis ici à titre personnel et au nom d'un groupe que j'ai appelé «Mères pour les enfants». En règle générale, nous sommes des mères qui ont vécu une séparation ou un divorce. Je veux vous faire comprendre que les lois et la structure fiscale du Canada touchent également les familles dont les parents sont séparés ou divorcés. Vous découvrirez peut-être que l'incidence des lois est plus évidente dans le cas d'une famille dont les parents sont divorcés, étant donné que ces structures y sont pour quelque chose dans le choix de la garde des enfants.

J'ai envoyé une lettre à Jason Kenney et Carolyn Bennett concernant ce problème, et ils m'ont suggéré de présenter mon témoignage.

Je n'ai pas préparé de mémoire, mais j'aimerais vous faire part de mes perceptions. Je suis également comptable et ai travaillé sur les déclarations de revenu, seule et avec d'autres.

Le Parti réformiste a indiqué que la cellule familiale est importante dans notre pays et constitue la pierre angulaire de notre société. J'aimerais que cela se reflète dans nos lois. Selon moi, la loi est telle que nous n'appuyons pas la structure familiale. De fait, une de nos lois est favorable aux familles dont les parents sont séparés ou divorcés. Les lois qui prévoient plus d'incitatifs financiers pour la séparation de la cellule familiale ne peuvent servir les intérêts de la famille ou de l'enfant.

• 1715

C'est pourquoi je propose que, en tant que parlementaires et législateurs, vous commenciez par décider de soutenir ou non la famille. Si la réponse est oui, adoptez des lois qui y seront favorables. Si vous ne voulez pas soutenir la cellule familiale, c'est une autre histoire. J'espère que, en tant que société, nous voulons en tenir compte et élaborer des structures fiscales qui soutiennent la cellule familiale.

Je vais vous présenter plusieurs points de vue sur la structure fiscale et je vous dirai ce qui, selon moi, se répercutera sur la question du divorce et de la séparation. La première question a trait à l'équivalent de l'exemption de marié. Si le mariage est intact, le contribuable réclame l'équivalent de l'exemption de marié. Dans le cas d'un divorce, il peut réclamer cet équivalent pour la garde de l'enfant. D'une façon ou de l'autre, si le conjoint touche des revenus inférieurs à une certaine limite, il peut réclamer un équivalent de l'exemption de marié. Dans le cas d'un divorce, il s'agit clairement d'une réclamation, d'une déduction sur une déclaration de revenu. On réclame un montant pour la garde de l'enfant à titre de déduction en fonction de l'équivalent de l'exemption de marié. Dans le cas d'un mariage intact, il ne s'agit que d'une possibilité. Les lois actuelles sont injustes, parce que dans un cas, il s'agit hors de tout doute d'une déduction; dans l'autre cas, il s'agit d'une possibilité.

La deuxième chose que j'aimerais mentionner, c'est que tous les contribuables divorcés qui ont des enfants peuvent le réclamer. Il est dit sur papier qu'on ne peut déduire ce montant si la réclamation touche un enfant pour lequel on peut déduire une pension alimentaire et pour lequel on doit verser une pension alimentaire non déductible. En d'autres termes, lorsqu'une pension alimentaire est versée pour l'enfant, peut importe le parent, on ne peut utiliser la déduction.

Le cas sur lequel j'aimerais attirer votre attention est le suivant: si aucune des deux parties ne verse de pension alimentaire, la question de la garde pose problème. Plus tard, je vais vous dire que je pense que certaines personnes se servent de ces incitatifs financiers pour divorcer ou se séparer. Cela compte pour beaucoup aux yeux de certains contribuables. Quelle est la conséquence ou l'avantage financier d'un divorce et d'une séparation? Il y a vraiment des avantages financiers. La garde de l'enfant a une certaine importance, parce que si vous avez la garde de votre enfant, vous bénéficiez automatiquement d'une déduction.

La prochaine question qui m'intéresse est la déduction des frais de garde. Si vous êtes un parent seul, la réclamation est...

M. Paul Szabo: Voulez-vous dire un parent séparé ou divorcé, par opposition à un parent qui n'a jamais été marié?

Mme Yvonne Choquette: Non, je termine mon explication. Un parent seul qui réclame une déduction de frais de garde pour une bonne d'enfant ou une garderie a droit a cette déduction. Elle lui est offerte. Dans le cas d'un mariage—mari et femme—intact, le contribuable a le choix de réclamer ses dépenses pour la garde de l'enfant sur sa déclaration de revenu. On peut en conclure que nos lois sont injustes, parce que, dans un cas de divorce, le contribuable a droit à cette déduction. Il peut engager une bonne d'enfant ou acquitter d'autres dépenses liées à la garde de l'enfant et inscrire la totalité du montant sur sa déclaration de revenu.

Le président: Je pensais qu'il ne s'agissait que de gagner un deuxième revenu.

Mme Yvonne Choquette: Non. Je parle d'un parent seul. La personne qui a la garde de l'enfant...

M. Paul Szabo: Un parent séparé ou divorcé a le droit de déduire ses dépenses de garde.

Mme Yvonne Choquette: Un parent qui a la garde de l'enfant paie une bonne, paie les dépenses liées à sa garde et a peut-être même une aide ménagère qui prend rarement soin des enfants. Mais le montant inscrit doit être inférieur à une certaine limite, en fonction du nombre d'enfants qui figure sur la déclaration de revenu. Ainsi, ce montant peut être réclamé. Il n'est pas question de deuxième revenu.

• 1720

La personne est un parent seul. Il s'agit d'une famille monoparentale. Les enfants sont sous la garde du parent. La personne peut inscrire sur sa déclaration de revenu les honoraires demandés par la bonne d'enfant ou par la ménagère à titre de dépenses de garderie. Dans le cas d'un mariage intact où la mère demeure à la maison, les dépenses de garderie sont très minimes, voire inexistantes. Il doit y avoir un deuxième revenu, et il existe certaines restrictions quant à son utilisation.

L'injustice est la suivante: le contribuable divorcé qui a la garde des enfants et qui doit payer pour les faire garder a droit à une déduction. Dans le cas d'une famille intacte, le parent peut ou non y avoir droit. Donc, il existe des lois qui soutiennent, dans une plus grande mesure financière, la famille dont les parents ont divorcé et non la famille intacte.

Le président: Je ne peux qu'être d'accord avec vous.

M. Paul Szabo: Je pourrai sûrement en parler lorsque j'aurai la parole.

Mme Yvonne Choquette: Je ne fais que dire que, en tant que législateurs, vous devriez examiner ce segment de notre société pour déterminer l'impact, parce qu'il n'y a pas de loi distincte pour les familles dont les parents sont divorcés ou séparés—en fait, il y en a une. Je l'ai mentionnée devant ce comité. Quant à la question des pensions alimentaires, la loi a été modifiée afin que la personne qui touche la pension alimentaire ne paie pas d'impôts. Lorsque l'impôt est retenu à la source, cela signifie habituellement que l'impôt est payé au taux supérieur plutôt qu'au taux inférieur. Les différences entre ces taux d'imposition et ce que nous avions auparavant va dans les caisses de Revenu Canada. Cet argent n'est pas mis à la disposition des parents pour leurs enfants. Il y a bel et bien une différence, et les parents divorcés l'ont remarquée. Ils sont préoccupés par le fait que cet argent devient un revenu d'impôt plutôt que d'être affecté aux besoins des enfants.

M. Paul Szabo: Suzanne Thibodeau...

Le président: Vous aurez la parole plus tard.

Mme Yvonne Choquette: L'autre question que j'aimerais soulever est que les femmes qui prennent soin de leurs enfants ne reçoivent aucune reconnaissance financière—on pourrait également parler des pères, étant donné qu'il y a des pères qui restent à la maison pour s'occuper des enfants. Il est malheureux que, dans notre société, nous ayons à offrir une compensation financière à ces parents en guise de reconnaissance.

Mais, en tant que mère, et au nom des autres mères, je peux dire que le manque de reconnaissance des parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants a eu une incidence devant nos tribunaux. Lorsque nous ne les reconnaissons pas financièrement, que ce soit par la structure fiscale ou par d'autres moyens, cette pensée se répercute sur notre société et dans les tribunaux. Après une séparation ou un divorce, beaucoup de mères ne restent pas à la maison pour s'occuper de leurs enfants pour des raisons financières et à cause du manque de reconnaissance dont elles ont été victimes par le passé. J'ajouterais également que cela s'applique aussi aux pères qui sont dans une situation semblable et qui ont la garde des enfants.

Je vais simplement résumer en disant que si nous nous intéressions aux enfants, il faudrait repenser beaucoup d'aspects de notre philosophie et de nos théories, parce qu'ils ont une incidence non seulement sur la structure fiscale, mais également sur l'ensemble du système, notamment les tribunaux et le divorce. J'espère que l'examen de la structure fiscale nous permettra de prendre des mesures pour soutenir les familles plutôt que le divorce.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Sarlo.

M. Chris Sarlo (professeur du Département d'économique de l'Université de Nipissing): Merci.

Pour commencer, je veux juste dire que je ne suis pas un expert en fiscalité. Je suis professeur d'économique. J'ai fait des recherches sur la pauvreté et sur le niveau de vie des Canadiens. Toutefois, dans le cadre de ces recherches, j'ai eu l'occasion d'examiner les répercussions qu'a l'impôt sur le revenu des familles de compositions différentes, et j'ai noté certaines injustices, surtout en ce qui a trait au traitement des familles avec enfants où un seul des conjoints travaille.

• 1725

Comme le ferait tout bon économiste, je vais vous donner quelques exemples. J'ai également apporté un tableau auquel je ferai référence sous peu. Laissez-moi vous donner un bref exemple de l'idée que je viens de vous présenter, suivant laquelle le traitement des familles où un seul des conjoints travaille comporte certaines injustices.

Prenons un homme seul qui gagne 60 000 $ par année. Si l'on se fie aux chiffres de 1998 de la province de l'Ontario, cette personne devrait verser 17 476 $ à l'impôt. Si cet homme est marié et que sa femme n'a pas de travail—donc que la famille gagne un revenu total de 60 000 $—le montant diminue d'environ 1 400 $, pour s'établir à 16 037 $. Mais allons plus loin. Prenons la même famille (l'homme gagne 60 000 $, et la femme n'a pas de travail) avec un enfant. L'impôt est toujours de 16 037 $. Prenons la même famille, avec deux enfants. L'impôt est toujours de 16 037 $.

M. Paul Szabo: Vous oubliez le programme de la prestation fiscale pour enfants du Canada.

M. Chris Sarlo: J'y arrive bientôt. Cette même famille, avec trois enfants, a le même fardeau fiscal.

Comme je l'ai mentionné, et comme M. Szabo l'a signalé, l'histoire ne s'arrête pas là. La famille touche des prestations pour enfants, et nous devons en tenir compte, mais elles ne couvrent véritablement pas les frais supplémentaires pour les enfants.

Ce que je veux dire, c'est que le régime fiscal ne tient pas compte des dépenses qu'on doit engager pour élever des enfants. Le fait de savoir s'il le pourrait ou non est une autre question, mais, actuellement, il ne le fait pas.

J'aimerais que vous portiez attention à ce petit exemple. En ce qui a trait au montant d'impôt versé, le régime fiscal ne tient pas compte du nombre d'enfants. Le système de prestations pour enfants en tient compte dans une certaine mesure en fonction du taux d'imposition.

J'ai essayé de rassembler certains scénarios... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... qui sont énoncés dans le mandat du sous-comité. Essentiellement, j'ai dressé un tableau qui, je l'espère, sera distribué à tous, et j'y ferai référence.

Toutes les familles qui figurent au tableau sont des familles de quatre personnes. Je voulais que la comparaison soit le plus équitable possible. Je vais commencer avec les trois cas qui figurent en haut du tableau, et qui renvoient à des familles à revenu moyen. Je veux comparer d'une façon juste chacune des configurations familiales de cette section. Le premier cas est celui d'une famille composée de deux parents qui travaillent. Ils ont deux enfants en bas âge et paient des faux frais liés à leur garde de 5 000 $ par enfant. Il ne s'agit que d'une hypothèse visant simplement à vous donner des exemples factuels du cas. Le revenu brut de la famille est de 70 000 $. Supposons qu'un des parents gagne 40 000 $ et l'autre, 30 000 $. Donc, une fois acquittés les frais de garde, leur revenu net est de 60 000 $. Dans ce cas, l'impôt versé sera de 12 898 $.

Toutefois, il convient d'aller plus loin. Je connais des gens qui se sont plaints de l'injustice fiscale en s'en tenant à ces éléments. Ils ont dit que l'impôt versé par une famille composée de deux parents qui travaillent est de beaucoup moindre à celui d'une famille où un seul des conjoints travaille. Mais je crois que nous devons nous attarder aux autres aspects du grand régime de transfert fiscal.

C'est pourquoi j'ai examiné le niveau de vie global de la famille en ce qui a trait à ses répercussions sur le régime fiscal, c'est-à-dire, après impôt, après dépenses pour la garde des enfants, avec prestation fiscale pour enfants et tout autre crédit d'impôt. Nous avons tenu compte du crédit pour TPS et, si cela était pertinent, de tout crédit d'impôt provincial. Là encore, mes exemples s'appliquent tous à la province de l'Ontario. Pour revenir à ce cas, c'est-à-dire celui de la famille composée de deux parents qui travaillent, le niveau de vie global s'établit à 47 438 $.

Passons au deuxième cas, celui d'une famille de deux parents où un seul des conjoints travaille. Cette famille gagne un revenu brut de 60 000 $ et, comme un des parents reste à la maison pour s'occuper des enfants, il n'y a pas de frais de garderie. Donc, le revenu net est également de 60 000 $. Cette famille devrait verser des impôts de 16 037 $. Je l'ai déjà mentionné plus tôt.

• 1730

Là encore, l'histoire ne s'arrête pas là. Nous devons tenir compte des autres aspects du système de transfert fiscal, en arrivant à un niveau de vie net de 44 725 $, ce qui donne à la famille dont les deux parents travaillent un avantage de niveau de vie d'environ 2 700 $.

Prenons le troisième cas, qui fait encore partie du mandat du comité. Il s'agit d'une famille monoparentale dont le parent travaille. Il s'agit d'une famille de quatre personnes. Le parent a trois jeunes enfants à sa charge. Disons que, dans tous les cas, les enfants sont jeunes, et donc que le parent doit acquitter des frais de garderie. Le parent doit gagner 75 000 $ pour avoir un revenu net de 60 000 $. Le fardeau fiscal est le même, soit 16 037 $, et le niveau de vie global, lorsqu'on tient compte de la prestation fiscale pour enfant et de toutes les répercussions fiscales... 45 394 $, ce qui donne un avantage fiscal d'environ 2 000 $ à la famille dont les deux parents travaillent.

• 1735

Peut-être cela vous donne-t-il une estimation quantitative pour une famille à revenu moyen. J'ai essayé de trouver un exemple d'une famille moyenne, et je crois qu'il s'agit d'une estimation approximative.

Le portrait change vraiment lorsqu'on prend pour exemple une famille à faible revenu, et j'espère que nous ne nous enfoncerons pas trop dans les détails. Je veux quand même vous brosser très rapidement le tableau de plusieurs familles à faible revenu que j'ai comparées de la même façon. Essentiellement, j'ai supposé que toutes ont le même revenu net et que toutes disposent des mêmes ressources après avoir acquitté les frais de garderie. J'ai également supposé que les frais de garderie de la famille à faible revenu sont un peu moins élevés que ceux de la famille à revenu élevé. Je les ai établis à 2 500 $.

Je crois que ce montant est suffisamment réaliste, car les frais de garde sont habituellement liés au revenu. C'est pourquoi j'ai fait cette hypothèse. Il se pourrait que certaines personnes ne soient pas tout à fait d'accord avec moi, mais, essentiellement, on trouve dans ce tableau, fait étonnant... et j'ai ajouté un cas aux trois autres qui font partie de votre mandat. Le dernier cas serait celui d'une famille monoparentale où la personne ne gagne pas de revenu, étant donné que, comme nous le savons, on commence à trouver au bas de la répartition des revenus de plus en plus de ce genre de famille, une famille où le parent ne travaille pas et touche de l'aide sociale ou une pension alimentaire. Pour cette famille, j'ai laissé en blanc la colonne réservée à l'avantage de la famille dont les deux parents travaillent, parce que les catégories des familles à faible revenu n'ont pas ce genre d'avantage. Je serais porté à penser que ce n'est pas l'apanage des familles qui gagnent 25 000 $. Je pense que quelque part entre 60 000 $ et 25 000 $, il y a une certaine limite où l'avantage de la famille dont les deux parents travaillent disparaît.

Je n'irai pas dans les détails. Je vous ai donné rapidement quelques exemples. Mais, essentiellement, vous pouvez constater que le tableau fait état d'un certain avantage pour la famille dont le parent ne travaille pas. Je dirais que si l'avantage des familles dont les deux parents travaillent pose problème, cela ne concerne que les familles à revenu moyen et à revenu élevé. La question ne se pose pas pour ce qui est des familles à faible revenu.

Vous pourriez avoir d'autres préoccupations concernant ce résultat relativement à vos politiques. De fait, la famille qui n'a aucun revenu est avantagée d'environ 21 p. 100. Cela pourrait poser problème au chapitre de l'incitation au travail—certains éléments de vos politiques, du régime fiscal, du régime de prestations et des autres choses du même genre pourraient dissuader les gens de travailler. Il y a des familles, certaines dont les deux parents travaillent et certaines dont un seul parent travaille, qui gagnent de l'argent, et qui ont donc toutes le même revenu net. Cependant, lorsqu'on regarde bien et qu'on fait la lumière sur le système de transfert fiscal, on constate qu'il y a un avantage. Et un avantage considérable. On parle ici de 5 500 $, ce qui n'est pas négligeable pour une famille à faible revenu.

• 1740

Les économistes et les décideurs seraient fâchés d'apprendre que certaines lois dissuadent les familles de cette catégorie de travailler, et la question de l'avantage de la famille dont les deux parents travaillent ne serait pas en jeu.

J'aimerais résumer en disant que les familles à revenu moyen et à revenu élevé dont les deux parents travaillent jouissent d'un avantage certain, même si cet avantage disparaît une fois que l'on a tenu compte des autres aspects du régime fiscal. Je ne pense pas que vous voulez vraiment n'examiner que le fardeau fiscal; vous voulez sûrement avoir une idée de l'ensemble du régime. Il ne fait aucun doute que les familles à faible revenu dont les deux parents travaillent ne jouissent d'aucun avantage.

Pour ce qui est de modifier le régime fiscal afin que celui-ci tienne compte de l'argent qu'il faut débourser pour élever un enfant et qu'il traite de façon plus équitable les familles où un seul parent travaille, au moins les familles à revenu moyen et à revenu élevé dont un seul parent travaille, je serai très peu utile pour le comité. Je n'ai pas l'expertise nécessaire pour vous faire des suggestions. Je crois que les autres témoins vous ont fait part de leurs suggestions.

Toutefois, je crois que l'une des choses que vous devriez examiner est la proposition Boessenkool-Davies sur la déduction universelle pour enfants qui a été présentée dans un document de travail récent de C.D. Howe. Là encore, je vais vous suggérer... en effet, j'ai entendu, parce que j'étais ici plus tôt, qu'on y a déjà fait référence. Donc, vous savez très bien de quoi je parle. C'est l'un des éléments de la documentation que j'ai examinée. Je vous répète que je ne connais pas très bien cette documentation, et que je ne peux donc rien vous recommander. Je pensais simplement que je pourrais vous donner quelques exemples qui pourraient vous aider un peu dans vos débats.

L'avant-dernière chose que j'aimerais dire est que, selon moi, la façon dont les familles sont composées est une question très personnelle et très privée. En général, je crois que l'État se doit de rester neutre quant à la façon dont les gens s'organisent. Mais il est évident qu'on ne peut demeurer neutre dans tous les cas. Si on s'inquiète des enfants ou que le bien-être de l'enfance pose problème, il faut absolument qu'un organisme intervienne. Cependant, en général, la façon dont les gens s'organisent ne regarde personne, et l'État n'a pas à changer sa façon de voir ni à changer ses politiques, notamment les politiques fiscales, afin qu'elles jouent ou non en faveur de configurations particulières. Et il ne fait aucun doute qu'il ne doit pas y avoir de préjugés envers les familles où un seul des conjoints travaille et où l'autre parent reste à la maison pour s'occuper des enfants. Selon moi, en général, l'État devrait être neutre en ce qui a trait à ces questions.

Enfin, je n'avais pas prévu vous dire ceci mais, après avoir entendu la première personne qui a parlé—je suis d'accord avec bien des choses qu'elle a dites—je crois qu'il ne devrait y avoir en aucun cas de politique qui dissuade les gens de préserver l'unité familiale. Donc, si, au cours de vos délibérations, vous trouvez des preuves qu'il existe des politiques qui semblent aller à l'encontre des familles unies, je crois que celles-ci ne sont pas à l'avantage des enfants. C'est pourquoi je vous exhorte d'y penser.

Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Yvonne, j'ai trouvé que vos commentaires sur le mariage et le divorce étaient très intéressants. Étant l'un des auteurs du rapport spécial du comité conjoint du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde des enfants et l'accès aux services de garde, qui a récemment été descendu en flammes par le ministre de la Justice, je peux vous dire que nous allons nous en occuper. Il a été descendu en flammes d'une façon plutôt fracassante.

Monsieur Sarlo, nous sommes au courant de la différence d'impôt qui doit être versée en fin de compte. Il est intéressant de noter que nous avons mélangé les pommes et les oranges lorsque nous avions à comparer une famille où un seul des conjoints travaille et une famille où les deux conjoints travaillent. Ensuite, il y a la famille où une personne travaille et a deux personnes à sa charge, et on conclut automatiquement que c'est cette personne qui s'occupe des enfants.

• 1745

La vraie différence dans les résultats se trouve entre une famille où un seul des conjoints travaille et une famille où les deux conjoints travaillent, lorsqu'on ne tient pas compte des enfants. Il se pourrait que la deuxième personne qui reste à la maison n'ait pas d'enfants, mais qu'elle désire faire de la peinture, écrire, ou faire autre chose. Elle fait beaucoup de bénévolat pour la collectivité. Mais la vraie différence est là. Donc, la seule façon de réagir à cela serait d'établir un taux d'imposition uniforme, ce qui dépasse largement le mandat de notre comité.

Voilà pourquoi nous essayons de faire table rase et de n'examiner que la partie où la Loi de l'impôt sur le revenu commence à toucher les questions relatives aux enfants—essayer de proposer des avantages et des incitatifs pour que la personne qui a la garde de l'enfant retourne sur le marché du travail et tout le reste. C'est pourquoi la collectivité semble percevoir une certaine injustice. Nous disons donc «D'accord, que faites-vous pour recommander de régler cette partie du problème», car nous constatons qu'au point où on en est rendu, nous ne pourrons régler la première partie, avec les trois taux d'imposition de 17 p. 100, de 26 p. 100 et de 29 p. 100.

Il est évident qu'une famille à deux revenus obtient des résultats totalement différents selon la façon dont ces revenus sont répartis entre les deux conjoints. Mais si nous pouvons mettre cela de côté et ne nous en tenir qu'aux différences liées aux enfants, quelles seraient vos recommandations pour remédier à la disparité que perçoit la collectivité?

M. Chris Sarlo: Je vous le répète: je me trouve dans une position un peu délicate parce que je ne suis pas un expert en fiscalité. Je me suis penché sur le problème de la pauvreté et de l'inégalité des niveaux de vie, et donc je n'y ai pas beaucoup pensé. J'ai parcouru le document de C.D. Howe, et je me suis dit qu'il s'agissait d'une approche raisonnable. En fait, j'ai effectué certains calculs dans le cadre d'un document que j'ai préparé parallèlement à celui de C.D. Howe. Mais je crois que si j'avançais quelque chose, ce ne serait qu'une impression.

M. Paul Forseth: Yvonne, je trouve intéressant que nous ayons eu des exposés dans le cadre desquels un homme a presque cité, dans une langue péjorative, un passage de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite de toute la question de l'équivalent de l'exemption de marié et a ensuite supposé qu'il est accordé aux femmes. Évidemment, celui-ci n'est octroyé qu'aux personnes qui touchent des pensions alimentaires, mais si vous en versez, vous n'y avez pas droit. Ensuite, nous examinons la combinaison de parents qui peuvent tous deux toucher des pensions alimentaires pour une famille et en verser à une autre. Toute la question semble causer un désordre fiscal.

Certaines personnes ont même dit que les gens ne sont vraiment pas à l'aise dans le mariage, ou, en d'autres termes, que la façon dont on joue avec les chiffres est la goutte qui fait déborder le vase, qui mène à l'éclatement de la famille. Je ne dis pas que c'est la cause, mais c'est comme si on pavait la voie pour que les familles aient plus de facilité à se dissoudre, et cela ne sert vraiment pas les intérêts des enfants.

Mme Yvonne Choquette: Je suis entièrement d'accord avec vous. On dirait vraiment que beaucoup de gens sont motivés par des raisons financières, surtout les familles de professionnels qui gagnent des revenus élevés, où la mère reste à la maison pour soutenir la famille pendant que l'autre parent travaille à l'extérieur. Oui, l'impact financier est considérable. Vous avez dit qu'il pave la voie. Quelquefois, il le fait. C'est la réalité. Les gens sont motivés par des raisons financières, et la structure fiscale en fait partie.

Il est important d'examiner le problème dans son ensemble. Nous n'avons pas de déclaration de revenu distincte pour les gens séparés ou divorcés, et beaucoup de familles se trouvent dans cette situation. Quant à la question des pensions alimentaires, certaines personnes se sont mariées pour une deuxième ou une troisième fois, et il y a des considérations liées au revenu et à la garde des enfants. Ces facteurs jouent un rôle dans l'ensemble du tableau.

M. Paul Forseth: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

• 1750

M. Serge Cardin: Permettez-moi d'abord de vous remercier et de vous féliciter pour le travail que vous avez fait chacun de votre côté en termes d'analyse et d'approfondissement de la situation. On a entendu beaucoup de témoins, mais ce n'est pas parce qu'on en a beaucoup entendu qu'on va, à un moment donné, arrêter de faire des remarques. Cependant, vous devez prendre conscience qu'on approfondit de plus en plus notre réflexion et qu'on obtient de plus en plus d'information.

On nous présente des tableaux où on essaie d'identifier les iniquités. J'ai de plus en plus de difficulté face à cela parce qu'il y a passablement d'éléments qui n'y sont pas inclus. Prenons votre première ligne à titre d'exemple: deux parents, deux revenus. Vous prenez l'hypothèse d'un revenu de 70 000 $ et d'un revenu net de 60 000 $, mais on n'a aucune espèce d'idée de ce qui compose ce revenu de 70 000 $. Il y a de nombreuses combinaisons possibles. Il y a aussi des choix qui sous-tendent la décision du deuxième parent de travailler ou de ne pas travailler. Il me semble donc qu'il est devenu terriblement difficile de procéder strictement de cette façon pour identifier des iniquités. Le comité, avec ses attachés de recherche, va devoir examiner de façon beaucoup plus pointue l'ensemble des facteurs qui, selon la perception des gens, créent une iniquité. Nous allons donc devoir approfondir cette question. Il y a une multitude de choix personnels qui ont une incidence sur les sommes qui doivent être payées en impôt et donc sur le revenu net disponible. Par exemple, un parent seul ayant un seul revenu et trois enfants a choisi de dépenser 15 000 $ pour les frais de garde d'enfants, alors qu'un autre parent, qui a un revenu moins élevé, a choisi de dépenser 7 500 $. Il y a différents éléments qui ont fait que cette personne a fait ce choix.

C'est méritoire, car cela identifie un problème potentiel, mais il va falloir approfondir cela par de la recherche et une réflexion encore plus poussée.

Comme vous le voyez, ce sont des commentaires.

Madame Choquette, vous nous faites aussi part d'iniquités. À première vue, on se pose la question, mais là aussi il y a des facteurs importants, comme par exemple le montant d'équivalent de conjoint. La mère ou le père qui est seul avec un enfant a un avantage. On parle d'un avantage, mais cette déduction fiscale aide la personne à entretenir un foyer complet. Ce n'est pas une personne seule, mais une personne vivant avec une autre personne, et cela implique des frais de base.

Là aussi, nous avons une responsabilité importante, celle de définir et d'identifier clairement une iniquité comme telle. Il y a différents facteurs qui ont fait que le législateur, à un moment donné, a pris la décision de mettre en oeuvre la Loi de l'impôt sur le revenu de telle ou telle façon.

Vous dites que les avantages fiscaux peuvent aider à faire des choix familiaux et peut-être même provoquer, à la limite, des séparations ou des divorces. J'ai de la difficulté face à cela. Personnellement, il me semble que dans le cas d'une union entre un homme et une femme ayant des enfants, ce qui manque à cette cellule familiale importante de notre société, ce ne sont pas des avantages fiscaux, mais l'amour, la compassion, l'espoir dans la vie et ainsi de suite. Donc, j'ai de la difficulté face à cela.

Comme je vous le disais, le comité va se pencher sur l'ensemble de ces iniquités qui sont importantes pour beaucoup de gens afin d'en identifier l'ampleur.

Ce sont mes commentaires en cette fin de journée.

• 1755

[Traduction]

Mme Yvonne Choquette: Puis-je réagir à vos commentaires? J'aimerais simplement signaler que, selon moi, de nombreux parents et probablement la plupart d'entre eux sont plus occupés à aimer leurs enfants et à en prendre soin qu'à rechercher les avantages financiers. Mais je dois également dire que certains d'entre eux finissent par courir après les avantages financiers. Les montants ne sont pas négligeables. En ce qui concerne l'équivalent de l'exemption de marié pour les frais de garderie, nous parlons de milliers de dollars, et les gens en tiennent compte. Cela n'arrive pas toujours, mais cela arrive quand même. Notre structure fiscale date de quelques années, et le nombre d'enfants et de familles qui vivent une séparation ou un divorce a augmenté au cours des cinq ou quinze dernières années. Les chiffres ont pris beaucoup d'ampleur.

Lorsque j'étais mariée, je n'ai jamais pensé à l'équivalent de l'exemption de marié. Ce que j'ai avancé au sujet de l'éclatement de la famille et de son incidence, c'est que, non seulement les particuliers, mais également les tribunaux et les juges devraient prendre en considération le manque de reconnaissance du rôle que peut jouer un parent dans la vie de son enfant lorsqu'il s'en occupe, parce qu'il ne reçoit pas d'argent pour le faire. Je ne sais pas ce que nous devrions faire pour régler ce problème. Cela dépasse toutes mes capacités. C'est malheureux, mais il faut l'examiner dans le contexte des lois et de l'équité fiscale.

En terminant, je dirai que si la mère, par exemple, ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour s'occuper de son enfant, un juge—je ne veux pas insinuer que tous les juges... Dans certains cas, la mère accordera la garde des enfants au père parce qu'elle ne dispose pas des ressources financières nécessaires. Elle est prête à aller jusque-là, comme de ne pas s'occuper de ses enfants, parce qu'elle n'a pas suffisamment d'argent, étant donné qu'elle n'a pas travaillé pendant qu'elle était mariée. Merci.

[Français]

M. Serge Cardin: M. Sarlo avait des commentaires à faire.

[Traduction]

Le président: Avez-vous des commentaires, monsieur Sarlo?

M. Chris Sarlo: Non. Je ne vous ai présenté mon tableau qu'à titre d'exemple. Je sais que vous avez beaucoup plus de choses à prendre en considération que ces simples cas de base. Il y a beaucoup plus à faire. Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que les choix que font les gens sont très complexes. Je dirai simplement que lorsque les gens font des choix personnels, l'État ne devrait intervenir d'aucune façon dans ces choix, à moins qu'ils ne soient dommageables. L'État ne devrait sûrement pas être partial dans ses politiques fiscales, ni être pour ou contre une structure familiale particulière.

J'imagine que je penche du même côté que les autres témoins. Il est certain que je ne voudrais pas voir l'État tenter de faciliter l'éclatement des familles, avec les conséquences négatives que cela a sur les enfants. Nous savons que l'éclatement de la famille n'est pas rare aujourd'hui. Il arrive toutes sortes de choses qui, pour les autres, semblent être des raisons très peu convaincantes. C'est pourquoi nous ne voulons pas amener d'eau à ce moulin-là.

Il est évident qu'une famille solide n'éclatera pas pour des raisons financières; mais beaucoup de familles vivent des difficultés, et nous ne voulons pas que l'État élabore des politiques qui penchent dans une direction particulière. C'est tout ce que je voulais ajouter, mais je suis entièrement d'accord avec vous; il s'agit d'une question complexe.

Le président: Madame Dockrill, la parole est à vous.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais tous vous remercier d'assister à la séance. Je crois qu'il importe de noter que toutes les personnes qui se sont exprimées au cours des trois derniers jours, y compris vous-mêmes, ont exposé avec passion leurs engagements envers des questions précises.

Ce n'est pas une tâche facile d'écouter de tels engagements et de décider d'une solution. Je crois que nous nous entendons tous pour dire qu'il n'y aura pas de solution universelle.

• 1800

Yvonne, je tiens à vous dire qu'il y a quelques mois, un journaliste du National Post a fait une remarque concernant les gens qui sont motivés par des questions financières. J'aimerais vous lire ce passage et peut-être vous demander ce que vous en pensez:

    [...] le principal problème auquel font face les parents n'est pas de demeurer ou non à la maison, mais de savoir comment payer des dettes des années 90 avec des salaires qui n'ont guère été augmentés depuis la fin des années 70.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Chris Sarlo: Je suis au courant des problèmes qui ont trait au revenu familial. Au cours des vingt dernières années, les revenus familiaux réels ont été relativement stables, et je suis donc d'accord avec vous sur ce point. Je sais aussi qu'il y a malheureusement beaucoup d'activités économiques au noir et beaucoup de revenus non déclarés. Statistique Canada a fait de son mieux pour estimer l'ampleur de cette activité, et nous parlons de milliards de dollars. Je ne sais pas si nous avons dressé un tableau complet de la question. Si les revenus cachés le sont vraiment, ils échappent aux données statistiques, de sorte que nous ne pouvons avoir une idée complète des ressources réelles dont disposent les gens. Mais il est certain que je suis d'accord avec cette remarque.

J'ai moi-même étudié cette question et je comprends que... il est évident que les familles rapetissent. Voilà un autre aspect dont nous devons tenir compte. Au cours des vingt dernières années, la taille des familles a légèrement diminué. Mais, comme il ne fait aucun doute que les revenus sont stables et que les attentes sont plus élevées, je suis d'accord dans une certaine mesure. Mais je ne suis pas très sympathique à la cause des adultes de familles à revenu moyen qui disent «Nous devons tous les deux travailler, sinon nous n'y arriverons pas». Nous entendons cette plainte de personnes qui touchent un revenu combiné de 50 000 $ à 70 000 $ ou plus. Je ne suis pas très sympathique à leur cause.

Il est certain qu'il n'est pas nécessaire d'avoir deux revenus. En fait, il n'a jamais été plus facile au Canada de s'accommoder d'un seul revenu. Je crois, dans une large mesure, que le problème a trait aux attentes. Mais je serais sûrement d'accord pour dire qu'il est très difficile pour les familles de vivre avec des revenus de 20 000 $ à 30 000 $. Il s'agit de faibles revenus, et je serais plus favorable à cette cause.

Mme Michelle Dockrill: Avant que vous ne répondiez, Yvonne, j'aimerais m'exprimer sur ce point. Certains des intervenants se sont prononcés clairement sur le changement du marché du travail et sur le fait qu'on a assisté à une augmentation considérable de ce que les gens appellent des McEmplois—vous savez, les emplois de 10 000 $. Ainsi, dans certaines familles, les deux adultes doivent travailler pour venir à bout d'avoir des revenus de 20 000 $. On constate une augmentation du nombre d'emplois à temps partiel peu rémunérateurs et une diminution du nombre d'emplois à temps plein.

M. Chris Sarlo: Il ne fait aucun doute qu'il y a eu une augmentation dans le secteur des services. Je travaille dans ce secteur, et c'est pourquoi je peux vous affirmer qu'il y a eu une augmentation du nombre d'enseignants et des restaurants à service rapide. On peut le voir dans toutes les sphères de ce secteur.

Votre question comportait une autre partie.

Mme Yvonne Choquette: Il y a eu une augmentation du nombre d'emplois à temps partiel, mais certaines personnes ont l'impression qu'il y a eu une diminution du nombre d'emplois à temps plein bien rémunérés. Je suis plutôt d'accord avec eux.

M. Chris Sarlo: Je propose que le comité examine cela avec attention et étudie, par exemple, les familles où les deux conjoints travaillent. S'agit-il principalement de familles à faible revenu? S'il y a une justification fondée sur un besoin, on pourrait s'y attendre. S'agit-il principalement de familles à revenu moyen et élevé?

Je ne peux répondre à cela maintenant. C'est le genre de chose à laquelle je m'intéresse. Mais j'aimerais y jeter un coup d'oeil. Je vous presse d'en faire la demande. Vous devriez être capable de le savoir assez rapidement.

Je crains qu'il n'y ait davantage de familles où les deux conjoints travaillent au niveau le plus élevé. Il ne s'agit là que d'une possibilité, donc cela pourrait toucher ce commentaire particulier.

Mme Yvonne Choquette: Je n'ai que deux commentaires à formuler concernant l'article du National Post. Le premier, c'est que ce qu'il dit pourrait bien être vrai. Le fardeau fiscal est considérable, et nous sommes au bon endroit pour en parler. Je dois dire devant un comité chargé de la fiscalité que l'impôt que nous payons est substantiel. Nous travaillons jusqu'au mois de juin, et cela n'a pas changé. Le fardeau fiscal s'est accru, de sorte qu'il produit sans contredit un certain effet.

• 1805

La deuxième chose que je veux dire, au nom des parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants et des parents séparés ou divorcés, c'est que ces chiffres augmentent. Il se peut que le tissu de notre société change tellement qu'il y a plus de familles à deux ménages qui doivent meubler une maison, doivent trouver un endroit où vivre et les enfants ont deux garde-robes, et ainsi de suite. Ces choses coûtent de l'argent, et personne n'a abordé la question du coût de la vie des familles dont les parents sont séparés en ce qui a trait à la situation fiscale. Mais peut-être est-il temps de se rendre compte que le tissu de notre société a changé et qu'il y a beaucoup de familles à deux ménages.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo, la parole est à vous.

• 1810

M. Paul Szabo: Monsieur Sarlo, vos calculs m'ont intéressé, mais j'aurais aimé que vous nous les donniez en mettant de côté l'incidence de la progressivité et le régime d'imposition des particuliers. Cela nous aiderait à nous concentrer sur l'incidence qu'ont les choix des parents en ce qui a trait aux soins qu'ils donnent à leurs enfants, ce qui constitue le mandat du comité.

Yvonne, à ce que j'ai compris, vous n'acceptez pas le fait qu'une personne divorcée obtienne un crédit d'impôt non remboursable équivalant à celui de son ex-conjoint pour un enfant à sa charge. C'est l'un des problèmes que vous aimeriez voir réglée. Qu'en est-il des parents qui ne sont pas mariés? Voyez-vous d'un mauvais oeil les parents non mariés qui obtiennent un crédit équivalant à l'exemption de marié?

Mme Yvonne Choquette: Il y a beaucoup de facteurs à...

M. Paul Szabo: Si c'est une fille-mère qui a commis une erreur et qui a un enfant...

Mme Yvonne Choquette: Certainement.

M. Paul Szabo: Vous êtes d'accord avec le fait qu'elle obtienne un équivalent de l'exemption de marié? Que pensez-vous d'une veuve ou d'un veuf qui obtient l'équivalent de l'exemption de marié pour un enfant?

Mme Yvonne Choquette: Il y a des facteurs à considérer, selon l'âge, et d'autres choses.

M. Paul Szabo: Que pensez-vous d'un parent abandonné qui a un enfant?

Mme Yvonne Choquette: Un parent abandonné?

M. Paul Szabo: Oui. Si l'un des parents prend la clé des champs, laisse son conjoint, êtes-vous d'accord avec le fait que le parent restant qui a la garde de l'enfant obtienne un équivalent de l'exemption de marié?

Mme Yvonne Choquette: Non.

M. Paul Szabo: D'accord. Que pensez-vous d'une personne seule qui s'occupe d'un parent à charge, comme une mère âgée?

Mme Yvonne Choquette: C'est légèrement différent. Dans ce cas, il y a une déduction pour personne à charge.

M. Paul Szabo: Non, la personne obtient l'équivalent de l'exemption de marié. Cela serait correct?

Mme Yvonne Choquette: Absolument.

M. Paul Szabo: Qu'en est-il d'une femme victime de violence conjugale qui s'est séparée ou a divorcé de son conjoint? Pensez- vous qu'elle serait capable de réclamer l'équivalent de l'exemption de marié?

Mme Yvonne Choquette: Nous parlons de la catégorie des personnes divorcées.

M. Paul Szabo: Qu'ils soient divorcés ou non, ils ne sont plus ensemble.

Mme Yvonne Choquette: Pour moi, cela entre dans la catégorie des personnes divorcées. Je crois que tout ce qui se passe dans un tribunal, comme la détermination de la garde des enfants—toute cette question doit être abordée beaucoup plus clairement qu'elle ne l'est actuellement.

Je ne sais pas si j'ai la réponse. Je ne crois pas l'avoir. Il s'agit d'une décision difficile, parce que vous créez une loi pour tous, et peut-être qu'une loi unique ne convient pas à tout le monde. Peut-être voulez-vous créer une catégorie distincte; vous voulez l'éliminer de la question des parents divorcés.

• 1815

M. Paul Szabo: D'accord. En vertu de l'ancienne loi sur le divorce, les raisons pour divorcer étaient l'adultère et la violence conjugale, et vous pouviez divorcer automatiquement. On voit bien que cela ne résultait pas du choix des deux personnes. Il y avait une victime, et cela permettait d'avoir un divorce automatique. Aujourd'hui, nous avons un système dans lequel il n'y a aucune responsabilité de part et d'autre, ce qui, selon moi, vous offusque. Vous n'aimez vraiment pas voir quelqu'un qui était marié et qui a ensuite divorcé obtenir un équivalent de l'exemption de marié pour son enfant.

Mme Yvonne Choquette: C'est exact. Je crois que nous nous servons presque des enfants lorsque nous en avons l'occasion.

M. Paul Szabo: Enfin, tout votre exposé était teinté par l'opinion selon laquelle les gens sont motivés par l'argent et par l'équivalent de l'exemption de marié... Anciennement, il était de 6 456 $. Avec la récente augmentation, il sera de 7 206 $, et il s'agit d'un crédit d'impôt non remboursable. En Ontario, cela vaudra environ 25 cents sur le dollar, ou 1 800 $. Vous avez dit des milliers de dollars, mais en fait, c'est 1 800 $. Croyez-vous vraiment que les gens divorcent pour toucher 1 800 $?

Mme Yvonne Choquette: Nous pouvons aussi y ajouter les dépenses pour la garde de l'enfant. S'il y a un, deux ou trois enfants, nous parlons de milliers de dollars.

M. Paul Szabo: Ils l'obtiennent de toute façon. Ils obtiennent la prestation fiscale pour enfants de toute façon.

Mme Yvonne Choquette: Pas la prestation fiscale pour enfants; la déduction des dépenses pour la garde de l'enfant.

M. Paul Szabo: La déduction des dépenses pour la garde de l'enfant. Si les deux conjoints travaillent, ils y auraient droit, et si un seul d'entre eux travaille, ils y auraient également droit.

Mme Yvonne Choquette: C'est pourquoi il y a certaines...

M. Paul Szabo: La seule différence est l'équivalent de l'exemption de marié...

Mme Yvonne Choquette: ... restrictions qui s'appliquent, mais si le mariage est intact, que le conjoint ne travaille pas, reste à la maison pour s'occuper des enfants, et qu'il n'y a aucuns frais de bonne d'enfant ou de garderie, cela ne s'applique pas.

M. Paul Szabo: D'accord. Merci.

Le président: Êtes-vous préoccupée principalement par le fait que, lorsqu'on doit rendre un jugement final d'indemnité, les enfants, à cause de leur valeur pour un parent ou l'autre, sont utilisés comme des gages, et c'est ce que vous aimeriez éliminer?

Mme Yvonne Choquette: Oui. Essentiellement...

Le président: Est-ce votre conclusion?

Mme Yvonne Choquette: Comme je le disais, les enfants sont trop souvent utilisés pour des raisons financières. Cela se reflète dans notre système de pension alimentaire pour enfant, une bataille au sujet de la règle des 40 p. 100. Si l'enfant passe 40 p. 100 de son temps avec l'autre parent, il n'est pas nécessaire de verser une pension alimentaire pour enfant. C'est malheureux, mais vrai. Lorsque le comité mixte du Sénat s'est penché sur la question, il a reconnu que cette lutte pour la garde des enfants constitue un élément important. Les témoignages déchirants qui ont été présentés à l'époque montrent qu'on joue avec la vie des enfants, et que l'aspect financier y est pour quelque chose. La règle des 40 p. 100 n'est qu'un des nombreux exemples où les gens veulent passer 40 p. 100 du temps avec leur enfant...

Le président: Ils n'ont pas à payer.

Mme Yvonne Choquette: Malheureusement, un parent qui n'a pas la garde de son enfant doit quand même débourser de l'argent pour voir son enfant. Il doit avoir une chambre, de la literie, etc., pour s'occuper de l'enfant, et cela fait partie du jeu. Cela fait partie du jeu.

Le président: Merci beaucoup. J'aimerais vous remercier d'avoir partagé vos opinions et vos idées avec nous, et surtout votre temps. Votre contribution est très précieuse, et nous l'apprécions beaucoup.

Mme Yvonne Choquette: Merci.

Le président: Merci.

La séance est levée et reprendra demain, à 9 h, à Halifax.