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STFC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE

SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 mai 1999

• 0905

[Traduction]

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): La séance est ouverte.

Comme je le disais, si vous pouviez limiter votre exposé à cinq ou dix minutes, cela donnerait aux députés amplement de temps pour poser leurs questions et engager le dialogue.

Au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue.

Mme Maureen MacDonald (témoignage à titre personnel): Merci. Bonjour et bienvenue à Halifax encore une fois.

J'ai été très heureuse d'avoir été pressentie la semaine dernière pour comparaître devant vous.

Premièrement, je souhaite saisir cette occasion pour vous préciser les diverses perspectives dont je m'inspirerai pour faire mes observations aujourd'hui.

Je ne suis députée à l'Assemblée législative que depuis un an seulement et j'ai eu une vie antérieure, comme nous tous, avant de me lancer en politique. Je m'intéresse vivement à la politique sociale et aux enjeux sociaux. En effet, j'enseigne à la Maritime School of Social Work à l'université Dalhousie. J'ai un doctorat de l'université Warwick et mon champ d'étude a été le marché du travail, particulièrement les femmes et le travail.

Avant d'enseigner, j'ai pratiqué à titre de travailleuse sociale dans le nord d'Halifax pendant un certain nombre d'années, dans le cadre d'un centre de santé communautaire. J'y travaillais activement en collaboration avec des parents, surtout des parents à très faibles revenus, des parents qui touchaient l'aide sociale, des parents petits salariés, des parents chefs de familles monoparentales, mais aussi des parents où deux conjoints faisaient vivre le ménage. Depuis mon élection à l'Assemblée législative, je représente la circonscription où j'oeuvrais en tant que travailleuse sociale.

Je ne suis pas le porte-parole des services communautaires de l'opposition officielle, mais celui de la santé. Cela dit, je préside à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse le Comité permanent des services communautaires. Je ne prends pas la parole ici aujourd'hui au nom de ce comité, mais il y a certains commentaires que j'aimerais faire, fondés sur mon expérience au sein de ce comité l'an dernier. En effet, nous avons organisé des audiences publiques dans toute la province au sujet de la réforme de l'aide sociale. Nous voulions mieux comprendre les problèmes auxquels se heurtent les parents à faibles revenus et les collectivités aux prises avec des questions d'équité, de pauvreté infantile et d'autres enjeux qui nous préoccupent tous. Voilà donc le contexte dans lequel s'inscrivent mes propos.

Brièvement, je tiens à signaler qu'au Comité permanent des services communautaires, nous avons entendu un exposé d'un groupe d'universitaires de l'université Dalhousie participant à un échange international de professeurs, d'étudiants et d'intervenants dans le domaine de l'aide à l'enfance provenant de quatre pays: le Canada, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.

L'une des choses qui m'a frappée dans leur exposé a été l'expérience très différente qu'ils ont vécue lorsqu'ils se sont rendus en Suède pour travailler avec des familles avec enfants à risque. En effet, les participants nous ont rapporté qu'étant donné qu'il y a là-bas un système de sécurité sociale différent, qui assure un revenu aux familles, les travailleurs sociaux de ce pays qui oeuvrent dans le cadre du système de l'aide à l'enfance peuvent s'attacher aux problèmes des parents. En effet, ils n'ont pas à se soucier de questions de revenu, contrairement à ce qui se passe ici, la sécurité du revenu étant généralement un gros problème pour les pauvres en question.

• 0910

Un certain nombre de choses m'inquiètent en Nouvelle-Écosse—et je ne suis pas la seule—, soit le système de transferts à l'égard des parents et des familles, et particulièrement des enfants dans ces familles. Depuis cinq ans, l'infrastructure sociale a connu des changements considérables, les plus remarquables étant l'introduction du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et la prestation fiscale pour enfants, la Prestation nationale pour enfants.

L'une des choses qui s'est produite en Nouvelle-Écosse, notre province étant de celles qui affiche un taux de pauvreté infantile parmi les plus élevés, c'est que les familles les plus pauvres n'ont pas bénéficié de ce programme puisque cette somme est déduite, dollar pour dollar, de leurs prestations d'aide sociale. D'un bout à l'autre de la province, les témoins qui ont comparu devant le Comité permanent des services communautaires ont durement condamné cette pratique, faisant remarquer qu'elle allait à l'encontre de l'intention visée par un programme national de prestation fiscale pour enfants. Je pense qu'il est très important que le sous-comité se penche sur les tenants et les aboutissants de ce programme en particulier.

Il existe de nombreuses études qui indiquent que ce n'est pas tellement la composition de la famille qui importe sur le plan de la politique gouvernementale. Ce qui est vraiment important, c'est que notre régime fiscal fonctionne et évolue de façon équitable et que les dépenses liées aux services de garde, par exemple, soient considérées comme des frais déductibles si le ou les parents travaillent. Il faut que notre régime fiscal comporte une équité horizontale pour que les personnes chargées d'enfants soient traitées sur un pied d'égalité. En fait, il convient d'incorporer à notre régime fiscal les coûts de l'éducation des enfants.

Au bout du compte, la meilleure solution pour s'attaquer à la pauvreté infantile et à l'inégalité des revenus entre les familles est une prestation universelle quelconque qui serait versée directement au parent qui est le principal dispensateur de soins, ce qui donnerait à ce parent davantage d'autonomie. Nous devons égaliser les taux d'imposition marginaux entre les familles avec ou sans enfants.

Il y a une chose qui est claire. Il faut réexaminer les changements apportés au programme d'assurance-emploi qui, à mon avis, ont fait chuter radicalement le nombre de personnes admissibles au programme. Les femmes en particulier et les parents seuls dont les liens avec le marché du travail sont plus précaires, ont vraiment été désavantagés par ces changements.

Il y a des tas d'autres choses dont je pourrais parler, mais je vais m'en tenir là.

En terminant, j'aimerais attirer votre attention sur les travaux de Shelley Phipps, que peut-être bon nombre d'entre vous connaissez déjà. Mme Phipps est économiste à l'université Dalhousie. Elle y fait depuis de nombreuses années des recherches comparatives sur le régime fiscal et les options de transfert pour le Canada et les enfants canadiens. Elle compare le Canada à d'autres pays de l'OCDE. Ses travaux de recherche sont fort intéressants. Peut-être pourrions-nous parler davantage de certaines de ses propositions.

• 0915

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons passer aux observations, aux questions et aux réponses avec des interventions de six minutes. Monsieur Paul Szabo, je vous prie.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

Je vous remercie de vos observations. Le sujet est tellement vaste qu'il est difficile de s'attacher à un thème en particulier, mais une ou deux observations que vous avez faites m'ont particulièrement intéressé.

Premièrement, pensez-vous qu'il existe des iniquités—d'aucuns diraient de la discrimination—dans les systèmes actuels d'imposition et de transferts, des iniquités entre les familles chargées d'enfants à deux revenus et à revenu unique où un parent reste à la maison pour dispenser directement des soins?

Mme Maureen MacDonald: Oui. Premièrement, je ne pense pas que notre système fiscal soit parfait. Je pense qu'il existe des inégalités. Notre régime ne comporte pas d'équité horizontale.

Ainsi, notre régime fiscal renferme des caractéristiques qui permettent aux personnes qui travaillent de déduire certaines dépenses. Manifestement, les personnes qui ne travaillent pas, les parents seuls sans emploi par exemple, ne peuvent faire la même chose. Ces dernières n'ont peut-être pas à assumer ces dépenses, mais il se peut qu'en fait, elles aient des dépenses liées aux soins des enfants qui sont sans rapport avec le fait de détenir un emploi et elles ne peuvent les déduire. Voilà donc une iniquité qui se traduit par des différences de revenu assez considérables. Cela a une incidence profonde sur la famille et partant, sur les enfants au sein de la famille. Il faut procéder à une réforme du régime fiscal à tous les niveaux, et non seulement en ce qui a trait aux enfants. Mais je sais que c'est le champ de votre étude.

M. Paul Szabo: D'accord. Vous avez dit que nous devrions chercher à faire en sorte que le taux d'imposition marginal des familles avec et sans enfants soit égal. Pourriez-vous m'en dire davantage?

Mme Maureen MacDonald: Je ne suis pas fiscaliste, mais j'ai essayé de me documenter sur diverses façons de s'attaquer au problème du revenu et de l'équité. De toute évidence, le régime fiscal est un des véhicules disponibles. Il y a au moins deux personnes qui ont effectué des recherches dans ce domaine. Il semble qu'une caractéristique de notre régime fiscal pourrait faire une grande différence. Je ne peux vous expliquer de quelle façon en détail. Je me fie aux experts en la matière.

M. Paul Szabo: D'accord. J'ai une autre question.

Il y a un domaine particulier qui a semblé soulever l'intérêt de nombreux témoins, soit la déduction pour frais de garde d'enfants, jusqu'à un maximum de 7 000 $ pour les enfants d'âge préscolaire et de 4 000 $ pour les enfants d'âge scolaire. Cette déduction est disponible lorsque les deux conjoints travaillent. D'aucuns soutiennent qu'un avantage équivalent devrait être versé aux parents lorsque l'un deux assure des soins parentaux directs et qu'il n'y a qu'un salarié dans la famille. Nous avons du mal à déterminer quelle forme pourrait prendre cet avantage, que l'on passe par la loi de l'impôt ou un autre mécanisme. Il est également difficile de quantifier. Avez-vous des suggestions à nous faire?

Mme Maureen MacDonald: Non.

M. Paul Szabo: Très bien. Il est préférable de ne pas échafauder d'hypothèses sur la façon dont cela pourrait se faire, tant que cela ne se concrétisera pas vraiment. Mais à votre avis, c'est une iniquité qu'il faut corriger.

Mme Maureen MacDonald: Oui, je pense qu'il existe une iniquité qu'il faut corriger.

M. Paul Szabo: D'accord. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Szabo.

[Français]

Monsieur Cardin, la parole est à vous. Vous avez six minutes à votre disposition.

• 0920

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Bonjour madame, et merci d'être là. J'aimerais d'abord avoir une précision.

Plusieurs personnes nous ont parlé de la prestation fiscale pour enfants, qui affecte les familles qui reçoivent des prestations de bien-être social dans différentes provinces. La prestation peut, dans certains cas, diminuer leur revenu. Pour ma part, je n'ai pas beaucoup d'information là-dessus. On va probablement devoir approfondir ce sujet pour voir si, d'une province à l'autre, il y a des iniquités en termes de revenu pour les familles qui ont besoin de l'aide de l'État.

Pouvez-vous me donner plus de détails sur les écarts qui peuvent exister entre une famille qui a besoin de l'État pour survivre et une autre famille? Quelle comparaison peut-on faire en termes de revenus en bout de ligne? Prenons l'exemple d'une famille composée de deux parents et de deux enfants qui se trouve dans une province où la prestation fiscale est donnée directement et celui d'une famille qui habite une autre province où la même prestation affecte le calcul des revenus de base.

[Traduction]

Mme Maureen MacDonald: Je pense que le régime fiscal et son fonctionnement sont extrêmement compliqués et souvent, cela sème la confusion dans l'esprit de bien des gens, moi compris. Il y a tellement de règles complexes, selon la configuration de la famille et les divers programmes auxquels elle peut avoir accès sur le plan provincial ou fédéral. Par conséquent, il est difficile pour la plupart des Canadiens de s'y retrouver parmi les diverses caractéristiques, parfois inéquitables, du régime fiscal ou du système de transferts.

• 0925

Mon champ d'action professionnel s'articule surtout autour des transferts, de sorte que c'est dans ce domaine que je suis le plus au fait des iniquités, et non dans le domaine fiscal. Je peux vous expliquer l'incidence de la Prestation nationale pour enfants. Des familles où les conjoints participent déjà à la population active reçoivent cette prestation qui s'ajoute à leurs salaires, mais les familles qui touchent des prestations familiales ou une aide au revenu voient cette prestation déduite dollar pour dollar. Ils reçoivent le transfert fédéral, mais le montant est déduit du paiement de la province. Il y a trois provinces au Canada qui ont choisi de ne pas récupérer la prestation fiscale pour enfant auprès des assistés sociaux. Les autres la récupèrent.

En théorie, la province a l'intention—et c'est une intention avouée—de réinvestir l'argent ainsi récupéré dans des domaines comme les interventions dès la petite enfance, et ainsi de suite, ce qui est très important. Mais j'estime que ce montant ne devrait pas être prélevé auprès des familles qui en ont besoin. De nouveaux investissements, une meilleure allocation des ressources sont nécessaires pour financer ce genre de programmes. À mon avis, c'est une façon détournée pour les provinces d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral pour financer le développement de programmes. À vrai dire, il faut que cet argent se retrouve entre les mains des familles à faible revenu, peu importe d'où elles tirent ce revenu. En outre, il nous faut investir dans d'autres programmes plus d'argent et de meilleurs ressources.

Le président: Avez-vous des suggestions sur les moyens à prendre pour empêcher les provinces d'agir ainsi? Devrions-nous intervenir?

Mme Maureen MacDonald: Le gouvernement fédéral a participé à l'instauration de ce programme. En fait, le gouvernement fédéral voulait acheminer cet argent aux travailleurs à faible revenu, aux membres de la population active. C'est une faiblesse du programme. Il importe que tous les enfants tirent parti d'une prestation nationale pour enfants, qu'on ne fasse pas de distinction entre les parents et partant, entre les enfants. Je pense que c'est une responsabilité qui incombe au gouvernement fédéral et aux autorités provinciales. Manifestement, trois provinces seulement ont affiché ce que j'appellerais des principes et n'ont pas adhéré à la notion voulant que seuls les parents qui travaillent ont besoin de ce supplément de revenu que représente la prestation nationale pour enfant. C'est un problème pour les habitants de la province.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Vous avez étudié ce problème. Avez-vous envisagé un changement de nature législative ou administrative qui pourrait mettre un terme à cette pratique?

Mme Maureen MacDonald: Je ne veux pas préjuger de l'issue des travaux du Comité permanent des services communautaires; nous sommes à l'étape de la rédaction de notre rapport. Mais je peux vous dire que les membres de notre comité, qui est composé de trois députés de chaque parti représenté à la Chambre—sont engagés dans un débat vigoureux pour déterminer s'il est nécessaire de recommander fermement une telle initiative au gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse.

• 0930

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: C'est encore à mon tour, monsieur le président?

Le président: Oui, il y a encore du temps qui vous est alloué.

M. Serge Cardin: On a identifié une iniquité entre une famille à faible revenu dont les personnes travaillent et une famille qui a besoin de l'aide sociale. On voit qu'il manque des sommes d'argent aux personnes qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Existe-t-il, d'une province à l'autre, des iniquités pour les familles qui reçoivent des prestations d'aide sociale à cause du traitement que l'on fait de la prestation fiscale pour enfants? Je vous pose cette question parce que ces iniquités existent d'une famille à l'autre et d'une province à l'autre.

[Traduction]

Mme Maureen MacDonald: D'après les recherches effectuées par le Conseil national du bien-être social, le Conseil canadien du développement social et Statistique Canada, il est acquis qu'en pourcentage de la population globale, le nombre de familles et d'enfants vivant dans la pauvreté est plus élevé dans la région de l'Atlantique. Viennent ensuite probablement le Manitoba et la Saskatchewan, suivies du Québec.

En ce qui concerne le système de bien-être social et le système de transferts, la région de l'Atlantique a toujours été au bas de l'échelle pour ce qui est des transferts financiers disponibles pour les familles. À cela s'ajoute le fait que d'après certaines recherches—qui ne sont pas très poussées, mais qui existent—, les programmes communautaires et autres accessibles aux familles à faible revenu sont plus faibles dans la région de l'Atlantique que dans d'autres régions du pays.

À l'occasion des audiences publiques du comité permanent, les témoins nous ont parlé à maintes reprises du PACE, qui, comme vous le savez, est un programme fédéral visant à améliorer l'avenir des enfants. Ce programme était très important dans de nombreuses communautés de la Nouvelle-Écosse, particulièrement les communautés côtières et rurales. Cependant, son élaboration et son financement sur une base annuelle fait en sorte qu'il est dans une position incertaine et précaire. Par conséquent, on tente de mettre sur pied des centres de ressources familiales et des démarches d'intervention à un stade précoce sans savoir quel sera l'avenir de ce programme.

Il faut pouvoir compter sur une planification à long terme et sur des engagements qui permettraient à ces programmes d'atteindre de leurs objectifs de façon plus sûre. Les évaluations des résultats de ces programmes sont très intéressantes. En effet, certains font état de réels progrès chez les enfants auprès desquels on peut intervenir tôt et offrir un soutien aux parents. Ce sont des programmes importants et il faut s'engager fermement à les maintenir.

[Français]

M. Serge Cardin: Je veux seulement préciser ma question. Existe-t-il beaucoup d'iniquités pour les familles qui reçoivent de l'aide sociale dans une province par rapport à celles qui en reçoivent dans une autre province, à cause de la récupération du transfert des prestations?

[Traduction]

Mme Maureen MacDonald: Oui. Absolument.

Le président: Madame Dockrill, je vous prie.

• 0935

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Merci, monsieur le président.

Maureen, je vous remercie beaucoup d'être venue. Il est très agréable d'être presque chez soi. Comme vous le comprendrez fort bien, nous avons entendu quantité de témoins depuis les quatre derniers jours. L'une des intervenantes—à Calgary, je crois—a dit qu'à son avis, il était futile de cibler l'activité parentale et qu'il faudrait que le régime fiscal et le système de transferts reconnaissent les soins dispensés aux enfants. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec cette opinion.

Une autre question semble revenir constamment sur le tapis. Certains groupes et particuliers estiment que nous devrions envisager de conférer une valeur économique au travail non rémunéré. D'après certains témoins, cela contribuerait à atténuer certaines des iniquités entre les familles à deux revenus et les familles à revenu unique. Pourriez-vous commenter ces deux choses.

Mme Maureen MacDonald: Je conviens qu'il faut s'écarter des programmes fondés sur l'activité parentale. À de nombreux égards, cela peut stigmatiser les bénéficiaires. Il nous faut plutôt penser à tous les enfants, qu'ils aient deux parents ou un seul, homme ou femme, ou d'autres paramètres familiaux.

Il faut élaborer une politique gouvernementale valable fondée sur les besoins immédiats et à long terme des enfants et sur nos aspirations en tant que société quant à l'avenir que nous voulons bâtir pour nous-mêmes et nos enfants. Après tout, ces enfants seront, espérons-le, des membres productifs de notre société lorsque nous serons âgés.

C'est la démarche qu'il convient d'adopter, et c'est pourquoi des gens qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi, qui ont fait des recherches et rédigé des travaux, préconisent une forme quelconque d'allocation universelle pour enfants dès le départ. Sur le plan administratif, cela est beaucoup moins coûteux que tout le rafistolage que l'on essaie de faire autour du régime fiscal et d'autres instruments. On peut peut-être y songer pour les personnes à revenu élevé. Le montant pourrait être imposé, non pas de façon spéciale, mais dans le cadre régulier d'un régime fiscal équitable.

Cela apporte beaucoup plus d'équité dans le système. En effet, cela instaure dans notre société un ensemble de relations sociales plus harmonieuses en ce sens que nous n'opposons pas constamment un groupe contre un autre et que les gens ne font pas valoir qu'ils méritent d'être traités différemment selon leur interprétation de la famille. C'est un chemin très destructeur que nous ne voulons pas emprunter pour élaborer notre politique sociale. Cela repose sur la mesquinerie et je ne pense pas que ce soit de cette façon que les Canadiens souhaitent que nous procédions pour élaborer la politique gouvernementale.

Quant à votre deuxième question, sur la valeur économique du travail non rémunéré, elle est très intéressante. Cela rappelle l'argument féministe de la fin des années 60 et du début des années 70 sur le salaire pour le travail ménager. Il existe énormément de documentation sur la façon d'intégrer au PIB le travail à la maison non payé.

• 0940

Il va de soi que le travail non rémunéré a une valeur économique dans notre société. Marilyn Waring, l'ex-députée du Parti travailliste de la Nouvelle-Zélande, a fait beaucoup avancer ce dossier avec son ouvrage If Women Counted. Mais il me semble que cette question risque d'être controversée. Il serait difficile de l'intégrer dans notre politique publique. Avant de faire le saut, cela exigerait énormément de réflexion, des recherches considérables et un débat public approfondi.

Mme Michelle Dockrill: Merci.

Le président: Merci, Michelle.

Je vais maintenant céder la parole à M. Scott Brison, pour cinq minutes.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Je suis ravi de vous voir, Maureen.

Pour ce qui est des désincitatifs concernant les parents uniques, je vois de nombreux cas dans ma circonscription où un parent unique qui reçoit...

Mme Maureen MacDonald: Parent seul.

M. Scott Brison: Je suis désolé—parent seul. On ne parle pas de parent unique, mais bien de parent seul.

Je constate cela dans ma circonscription. Il existe des désincitatifs pour les parents seuls qui touchent l'aide sociale qui, avec beaucoup d'ingéniosité veulent travailler et dénichent un travail, dans la plupart des cas, pour un petit salaire. On les dissuade directement de le faire en leur retirant leurs prestations provinciales. À cela s'ajoute le coût pour se rendre au travail et les autres coûts connexes, plus les frais de garde d'enfants.

J'aimerais avoir votre réaction à ce sujet. À votre avis, comment pourrions-nous, de façon concertée, trouver un moyen d'éliminer ces désincitatifs qui existent entre le palier fédéral et provincial, par le biais du système de transferts ou du régime fiscal. Voilà la première question.

Deuxièmement, pour ce qui est de la prestation fiscale pour enfants, vous avez dit que sept provinces sur dix la récupèrent auprès des personnes qui touchent des prestations sociales du gouvernement provincial. Je pensais que c'était huit sur dix. Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick ne le font pas. Quelle est la troisième province qui ne le fait pas?

Mme Maureen MacDonald: Je ne suis pas sûre. Je pensais que c'était la Colombie-Britannique.

M. Scott Brison: D'accord. Les provinces qui récupèrent cette somme ont déclaré qu'elles l'utilisaient pour financer des programmes provinciaux destinés aux enfants. Je voudrais savoir ce que la Nouvelle-Écosse fait avec cet argent car c'est une des choses...

Mme Maureen MacDonald: J'aimerais moi aussi le savoir.

M. Scott Brison: Deuxième question, j'aimerais savoir si les fonds passent simplement d'une bureaucratie fédérale à une bureaucratie provinciale, alors qu'ils sont prévus pour les enfants.

Troisièmement, vous avez indiqué que le régime fiscal est très compliqué et je suis d'accord avec vous sur ce point. En fait, il est bon de voir que les Néo-Démocrates et les Progressistes Conservateurs sont d'accord pour dire qu'il faut simplifier le régime fiscal. Se sert-on du régime fiscal pour tenter de régler trop de fonctions sociales et faudrait-il essayer d'envisager les programmes de transfert ainsi que des programmes plus novateurs?

Par exemple, M. Fraser Mustard, a récemment pris la parole devant le Comité des finances de la Chambre des communes au sujet de l'intervention auprès de la petite enfance et des programmes Bon départ, tout en soulignant l'importance—au plan social—du rendement du capital investi dans ces domaines. Peut-être essayons-nous d'en faire trop avec le régime fiscal et peut-être devrions-nous envisager un investissement social plus novateur. Ce sont quelques-unes de mes questions et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Maureen MacDonald: Tout d'abord, en ce qui concerne les facteurs de dissuasion relatifs aux parents seuls et au marché du travail, la situation est complexe. À mon avis, l'un des plus grands facteurs de dissuasion, c'est que le marché du travail lui-même présente quelques problèmes. Ainsi, le marché du travail n'a pas été en mesure d'assurer le plein emploi. Ensuite, le genre de travail que l'on retrouve de plus en plus sur le marché, c'est le travail à temps partiel ou le travail non standard.

• 0945

Cette province n'est pas différente des autres, vu qu'on y assiste à une croissance extrêmement rapide des possibilités d'emplois offertes par les agences d'emplois temporaires. Il s'agit probablement du secteur des possibilités d'emplois à la croissance la plus rapide, puisque dans notre pays aujourd'hui, 30 p. 100 probablement du travail offert est non standard. À mon avis donc, la réalité du marché du travail est un énorme facteur de dissuasion, les gens ne pouvant pas faire partie de la population active.

Les possibilités de formation et d'éducation qui s'adaptent à l'évolution du marché du travail de manière que les chômeurs puissent y avoir accès posent un autre problème. Il faut faire de gros investissements pour aider les gens à constamment améliorer leurs compétences et leurs capacités afin qu'ils puissent entrer sur le marché du travail. Le fait de ne pas avoir ces compétences sera un facteur de dissuasion.

Passons maintenant au point plus précis du système de bien-être social; il faut dire que notre système d'assistance sociale a été conçu dans les années 40 et 50 et peut-être au début des années 60, alors que les conditions du marché ainsi que les valeurs sociales étaient complètement différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. Par exemple, à cette époque, le nombre des femmes sur le marché du travail n'était pas aussi important qu'aujourd'hui.

Les genres de mesures incitatives ou de soutien disponibles ont été offertes dans le cadre du système de bien-être social dans les années 50 et 60, lorsque nous avions le plein emploi au Canada. Il n'était pas utile d'aider les gens par l'entremise de programmes de bien-être social pour qu'ils puissent entrer sur le marché du travail dans les années 50 et 60, car ils pouvaient obtenir un emploi s'ils étaient en mesure de travailler.

Les femmes n'entraient même pas en ligne de compte, car elles n'étaient pas arrivées sur le marché du travail comme ces 25 dernières années. Toute la question de la garde des enfants ne se posait pas, ni non plus celle de la formation et de l'éducation, parce que notre économie était toujours essentiellement axée sur les ressources et que les gens pouvaient obtenir un emploi même avec un niveau relativement peu élevé d'études. Tout cela a changé, mais notre système de bien-être social ne s'est pas adapté à cette nouvelle réalité.

Si nous voulons véritablement aider les gens à passer de la pauvreté et du bien-être social au marché du travail, nous devons alors absolument nous rendre compte que beaucoup des emplois offerts sont temporaires et que certaines personnes travailleront sporadiquement. Il faut se rendre parfaitement compte qu'il est nécessaire de beaucoup investir dans la formation et l'éducation pour aider les gens. Il faut tenir compte de la problématique des femmes qui sont confrontées au problème de la garde d'enfants. On ne peut pas contourner ce problème.

Le président: Merci, monsieur Brison. Dernière question.

M. Scott Brison: Nous avons eu cinq minutes pour les questions et maintenant nous avons besoin d'au moins vingt minutes pour les réponses.

Le président: Vous en êtes à huit minutes, monsieur Brison...

M. Scott Brison: Oh, je croyais...

Le président: ...vous avez déjà eu cinq minutes de plus.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci.

Nous examinons la question d'un genre de programme universel, la prestation payée pour les enfants et tout le problème de la soi-disant disposition de récupération sociale. Vous avez tenu des audiences et j'imagine que vous allez probablement finir par demander au gouvernement de mettre un terme à ces pratiques localement dans cette province, mais sur une base volontaire.

Je me demande si quelqu'un au gouvernement a déjà émis quelques idées à ce sujet, vu que cela vient d'Ottawa et que l'on y conçoit les programmes; peut-on apporter des changements d'ordre juridique, en dehors des rencontres fédérales-provinciales qui se tiennent chaque année et au cours desquelles on s'entend à ce sujet—et dire tout simplement que telles sont les nouvelles règles et que l'on ne peut s'y soustraire? Savez-vous comment cela pourrait se faire?

• 0950

Mme Maureen MacDonald: Non. Il y a au moins deux avocats dans cette province qui ont acquis une certaine expertise dans le domaine des programmes de transfert fédéraux-provinciaux. Ils examinent la question. Je ne connais pas les conclusions auxquelles ils sont arrivés pour l'instant. L'un d'eux a pris la parole à nos audiences. Je sais qu'ils ont émis l'idée d'éventuelles contestations juridiques et qu'ils étudient la question.

M. Paul Forseth: De qui s'agit-il? Nous pourrions peut-être lui demander de nous envoyer une lettre, ou autre chose du genre.

Mme Maureen MacDonald: Je peux parler d'un avocat de Nouvelle-Écosse qui s'appelle Vince Calderhead et qui travaille à l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse.

M. Paul Forseth: J'aimerais poser une dernière question. Au début de votre exposé, vous avez parlé de la Suède et de la façon dont ce pays s'est organisé en matière de soutien du revenu et de bien-être social, ce qui permet peut-être d'assurer une certaine stabilité en matière de logement, etc. On peut ensuite passer aux pathologies sociales légères. Je me demande si, à votre connaissance, il existe des taux comparatifs internationaux de pathologies comme les taux nationaux d'alcoolisme, les problèmes de drogue, etc. qui montrent que la Suède se porte effectivement mieux que certains des autres pays?

J'imagine que maintenant qu'il est davantage possible de faire ces genres d'études comparatives au sein de l'Union européenne, beaucoup de pays vont déclarer qu'ils font mieux que les autres et qu'il vaut mieux y vivre, etc. On pourrait imaginer un tel cas de figure, mais je me demande si vous pouvez citer une étude ou des statistiques susceptibles de le démontrer.

Mme Maureen MacDonald: Non, je ne connais pas d'études comparatives excepté celles relatives à la répartition du revenu, au pourcentage de la population qui se situe bien en dessous de la médiane, etc. Ces analyses ne sont pas très qualitatives; elles sont par contre essentiellement quantitatives.

M. Paul Forseth: Si je pose cette question, c'est parce que bien sûr la Suède suit une certaine voie depuis très longtemps et que si cela présentait des avantages, cela se verrait. Or, autant que je sache, les taux d'alcoolisme en Suède sont très élevés. On commence donc à se poser des questions au sujet des gains obtenus, puisque souvent, ces genres de taux sont des indicateurs des conditions socio-économiques.

J'ai terminé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Forseth.

J'aimerais vous remercier, madame MacDonald. Lorsqu'il s'agit d'offrir des choix aux familles, notamment dans le cas des enfants, il n'y a pas de sectarisme politique et tous les partis tombent d'accord, si bien que nous allons essayer de trouver une solution commune que nous pouvons nous permettre en tant que Canadiens. Sur ce, j'aimerais vous remercier pour votre contribution. Merci beaucoup.

Mme Maureen MacDonald: Merci beaucoup.

Le président: Mme Jennifer Auld-Cameron est notre prochaine invitée, à titre individuel également. Mme Cameron doit partir avant 10 h 30. Par conséquent, je vais demander aux membres du comité de préparer leurs questions afin qu'elle puisse y répondre avant de partir.

Nous avons également M. Harris qui va nous présenter un exposé. Par conséquent, pour gagner du temps, je vais demander à Mme Auld-Cameron de faire son exposé.

Essayez de parler de cinq à dix minutes au maximum pour que nous ayons le temps de vous poser des questions. Bienvenue. Vous pouvez commencer.

• 1000

Mme Jennifer Auld-Cameron (témoignage à titre personnel): Merci.

Bonjour, mesdames et messieurs et merci beaucoup de me permettre de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis heureuse de voir que votre sous-comité donne aux Canadiens la possibilité de vous faire part de nos préoccupations au sujet du régime fiscal tel qu'il existe actuellement.

Je suis ici à titre individuel. Je suis mère au foyer, j'ai mis de côté une carrière intéressante en 1992 et j'ai maintenant deux enfants. L'année dernière, j'ai commencé à me rendre compte que les familles à revenu unique sont durement touchées au point de vue fiscal. J'ai commencé à faire quelques recherches l'année dernière et je suis tombée sur des faits qui m'ont tout à fait étonnée. Je viens juste de vous distribuer—j'espère en avoir gardé une copie pour moi—un scénario qui montre la différence qui existe entre une famille à deux revenus et une famille à revenu unique dont le revenu net est équivalent.

Au départ, j'aimerais vous dire que selon moi, toutes les familles devraient avoir le droit de choisir le mode de garde d'enfants qui leur convient le mieux. Je n'essaye pas de privilégier une formule par rapport à une autre; je veux simplement faire une comparaison. À mon avis, l'équité fiscale suppose qu'indépendamment du choix fait par les parents à cet égard, le régime fiscal ne devrait ni les pénaliser ni les privilégier.

Comme je l'ai dit, le régime fiscal actuel du Canada introduit une discrimination contre les familles à revenu unique avec des enfants à charge et cela va à l'encontre de trois hypothèses fondamentales relatives à l'équité fiscale: les impôts devraient être neutres, progressifs et calculés en fonction de la capacité contributive; ils devraient également tenir compte du nombre de personnes à charge.

Je vais maintenant passer à la feuille, au tableau que j'ai préparé. J'ai pris un revenu total de 70 000 $ que vous pouvez décomposer de diverses façons, par exemple 30 000 $ et 40 000 $—les deux parents travaillant à plein temps à l'extérieur—et j'ai pris également une autre situation où il n'y a qu'un seul soutien de famille. J'ai prévu une déduction pour frais de garde d'enfants de 10 000 $—je suppose que les deux familles ont deux enfants d'âge préscolaire qui doivent se faire garder—ce qui donne un revenu net total de 60 000 $.

Je ne vais pas analyser chaque ligne. J'ai résumé le formulaire d'impôt. Si par contre on prend compte de toutes les déductions—et je n'ai même pas indiqué la déduction du conjoint ainsi que d'autres, mais elles sont toutes comprises ici—vous remarquerez qu'il y a une différence nette entre les deux familles de près de 2 500 $ par année, la famille à revenu unique payant ce montant supplémentaire. J'aimerais également souligner qu'il existe des dépenses que les deux familles supportent, mais pour lesquelles la famille à revenu unique ne peut pas demander de déductions.

Par conséquent, je crois que le régime est clairement inéquitable. Il n'est pas neutre, il n'est pas fondé sur la capacité contributive et, dans le cas des familles à revenu unique, il ne tient pas compte du nombre d'enfants à charge.

Il y a deux ans, dans le discours du budget, M. Martin a déclaré que les enfants étaient notre avenir et que les familles étaient importantes, si bien que le gouvernement libéral se proposait d'augmenter considérablement la déduction pour frais de garde d'enfants. Malheureusement, cela a été conçu pour aider les familles à double revenu, si bien que seul un petit nombre de familles et d'enfants ont pu en bénéficier.

D'après les statistiques que j'ai récemment reçues, seulement près de 15,8 p. 100 des familles avec jeunes enfants ont recours à ce crédit. Par conséquent, même la population visée n'en profite pas, car je crois que d'après les estimations, dans 30 à 40 p. 100 des familles, les deux parents travaillent.

La prestation fiscale pour enfants est l'autre incitatif fiscal conçu pour aider les familles. Il s'agissait d'alléger le fardeau fiscal des familles à faible revenu et je crois que cela a réussi dans une certaine mesure. Cette prestation aide effectivement les familles à très faible revenu—qu'il s'agisse de familles à deux revenus ou à revenu unique—et elle est progressive jusqu'à un certain point limite. L'allégement varie, et à un certain point, n'existe plus.

• 1005

À titre d'exemple, une famille à revenu unique qui gagnerait 30 000 $ par année pourrait recevoir près de 2 262 $, si elle compte deux enfants de moins de sept ans. Une famille à revenu unique de 60 000 $ obtiendrait 762 $. Une famille à double revenu gagnant 60 000 $ obtiendrait 336 $. Vous voyez donc comment l'échelle varie.

Je suis fière de vivre au Canada qui est un pays sûr, stable, dont l'économie est viable. En tant que Canadiens, je pense que nous apprécions les familles qui représentent pour nous le tissu de notre société; pourtant, notre régime fiscal introduit une discrimination contre les familles à revenu moyen qui choisissent de renoncer à un deuxième revenu pour que leurs enfants restent à la maison à plein temps.

D'après Statistique Canada, ce groupe à revenu moyen est parmi les plus fortement imposés dans notre pays. Beaucoup de rapports ont été écrits et beaucoup d'études ont été faites sur le sujet, mais il ne semble pas que l'on y prête attention. En 1970, par exemple, la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme a déclaré que toutes les mères devraient pouvoir déduire les dépenses d'éducation des enfants, qu'elles choisissent d'avoir recours à des services de garde d'enfants ou non.

En 1997, le Fraser Institute a indiqué que dans certains cas, les familles à revenu unique paient un impôt correspondant à 150 p. 100 de celui que paient les familles à deux revenus; il a recommandé une subvention universelle par enfant pour les familles. Également en 1997, le Forum national sur la santé a signalé que le milieu dans lequel grandit un enfant au cours de ses premières années est crucial pour sa santé sociale et mentale tout au long de sa vie; il a déclaré que la Loi de l'impôt sur le revenu établit une discrimination contre les familles à simple revenu avec enfants et a recommandé une plus grande équité horizontale à cet égard.

Je crois aussi qu'il est intéressant de voir que le ministère de la Santé recommande l'allaitement des bébés au cours de leur première année de vie tandis que d'autres ministères recommandent un système national de garde d'enfants accessible à nos enfants le plus tôt possible.

Je pense qu'il faut également examiner ce qui se passe dans d'autres pays. J'ai appris que le Canada est le seul pays occidental qui ne prenne pas en compte le coût de l'éducation des enfants au foyer, lorsqu'il calcule l'impôt des familles avec enfants. Je sais que la Norvège paie—du fait, j'imagine, que les centres de garde d'enfants sont débordés—570 $ par mois aux familles où un parent s'occupe des enfants à la maison. Je sais que les États-Unis sont en train... En fait, j'ai lu dans U.S.A. Today que ce pays essaie d'apporter quelques changements. Un projet de loi bipartite vient d'être présenté pour tenter de relever le crédit d'impôt versé aux parents qui travaillent et à ceux qui ne travaillent pas et qui restent à la maison dans des situations familiales comme celle-ci.

Je sais que l'Alberta a fait de grands progrès en matière de concessions équitables et que l'Île-du-Prince-Édouard se penche également sérieusement sur la question. Toutefois, je crois que ces provinces attendent que le gouvernement fédéral montre l'exemple.

Je ne suis pas fiscaliste et je ne prétends pas l'être, mais je crois que si l'on me demandait mon avis sur la façon de rendre le régime équitable, je ferais trois propositions. Premièrement, je donnerais aux familles l'option d'être imposées comme une seule unité. Je crois que cela permettrait d'uniformiser les règles du jeu.

Une autre option consisterait à accorder un allégement fiscal uniforme. Je crois que le C.D. Howe Institute a recommandé un taux uniforme de 2 000 $ par enfant, indépendamment du mode de garde choisi.

Je crois également qu'il serait bon d'augmenter la déduction pour le conjoint. Il est intéressant de poser la question suivante: un parent à la maison ne vaut-il que juste un peu plus de 5 000 $ pour ce qu'il contribue à la vie des enfants et à la collectivité?

En conclusion, j'aimerais dire que la situation actuelle de notre régime fiscal montre bien qu'il faut apporter des changements importants afin d'en assurer l'équité selon toutes les configurations de revenu familial. Il faut que les ministères du gouvernement puissent travailler ensemble et il faut recueillir les conseils des spécialistes et ne pas laisser ces études coûteuses à l'abandon.

• 1010

Je vous demande, en tant que sous-comité, de faire des recommandations pour mettre un terme à la discrimination et à la disparité actuelles et pour créer un régime fiscal équitable pour toutes les familles canadiennes, indépendamment du choix qu'elles font en matière de garde d'enfants.

Le président: Merci beaucoup.

Je vais maintenant demander à M. Harris de faire son exposé.

M. Ed Harris (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Je ne parle qu'en mon nom personnel et ne représente aucun organisme particulier.

J'enseigne le droit fiscal et je suis fiscaliste depuis près de 40 ans. J'ai lu beaucoup de rapports et beaucoup de propositions visant à améliorer le droit fiscal. La plupart des observateurs pensent que le droit fiscal mérite d'être grandement amélioré; ce sera probablement toujours le cas. J'ai distribué des notes au cas où les membres de ce comité voudraient s'y reporter. Compte tenu du temps dont nous disposons, je n'ai pas cherché à traiter de tous les domaines qui relèvent de votre compétence, mais je me suis concentré essentiellement sur l'impôt et sur le soutien prévu à l'égard des enfants à charge.

Le traitement fiscal de la famille est une question éternelle qui ne va pas disparaître du jour au lendemain. Il suffit de remonter aux années 60 et au rapport de la Commission Carter, qui recommandait, entre autres choses, que la famille devrait être l'unité d'imposition de base et que le revenu des conjoints avec enfants à charge devrait être regroupé et imposé comme unité. Il y aurait bien sûr eu des gagnants et des perdants suite à un tel changement radical au régime fiscal existant et le gouvernement de l'époque a jugé que cela était trop sujet à controverse. Si j'ai bien compris, Mme Cameron propose de peut-être envisager de nouveau la question.

Depuis, toutefois, beaucoup de changements sont intervenus dans notre droit fiscal, notamment des changements visant à alléger le fardeau fiscal des contribuables à bas revenu; certains de ces changements exigent un regroupement du revenu familial, dans une plus ou moins grande mesure. Ces changements comprennent à la fois les prestations fiscales pour enfants et les crédits pour TPS actuels qui sont essentiellement des crédits d'impôt remboursables même s'ils ne sont pas nécessairement directement reliés à l'impôt à payer.

Jusqu'à la fin des années 80, notre régime fiscal prévoyait un allégement fiscal pour les enfants à charge—de la même façon que l'exemption personnelle—cela permettant de soustraire de l'impôt un montant minimum requis pour élever une famille; on supposait ainsi que le coût d'une famille avec enfants à charge était plus élevé que celui d'une famille sans enfants à charge. Ce montant du revenu n'était pas considéré comme discrétionnaire et, par conséquent, n'était pas imposé, indépendamment du niveau de revenu du contribuable. Le principe était clair, bien que les montants autorisés n'aient jamais été suffisants. Même si l'indexation a facilité les choses, elle a été introduite trop tard pour véritablement résoudre le problème.

À la fin des années 80, le gouvernement a remplacé les déductions personnelles par les crédits d'impôt. Cette mesure devait améliorer le caractère progressif du régime fiscal en imposant des taux effectifs plus élevés aux contribuables à moyen revenu et à revenu élevé ayant des enfants. Je crois toutefois qu'on a perdu de vue l'objet des déductions qui existaient avant que les crédits ne les remplacent. Selon de nombreux observateurs, ce changement a été une erreur, les obligations des contribuables à moyen revenu et à revenu élevé pour subvenir aux besoins de leurs enfants devant être prises en compte de la même façon que celles des contribuables à faible revenu.

Si le gouvernement estimait que le régime fiscal n'était pas suffisamment progressif, il aurait dû régler cette question en modifiant la structure des taux plutôt qu'en mettant les familles ayant des enfants sur le même pied que celles qui n'en ont pas. Je m'empresse d'ajouter que je ne préconise pas des taux marginaux d'imposition supérieurs, quel que soit le revenu—au contraire, une baisse des taux marginaux, entre autres, atténuera certains des problèmes sur lesquels doit se pencher votre sous-comité. Le seul point sur lequel j'insiste, c'est qu'il faudrait rajuster le degré de progressivité de la structure des taux comme tel, plutôt que d'abolir des crédits fiscaux, d'imposer des surtaxes et de prendre d'autres moyens indirects.

L'élimination graduelle ou la récupération des crédits auxquels donnent droit les enfants à charge en fonction de niveaux croissants du revenu familial peut devenir un puissant désincitatif à améliorer sa situation économique. Vous avez déjà entendu des témoignages à ce sujet. Le taux marginal d'imposition de chaque dollar additionnel de revenu d'une famille à revenu moyen peut être très élevé, ce qui élimine dans une certaine mesure l'avantage, pour l'époux qui ne travaille pas et qui envisage de se trouver un emploi ou de retourner sur le marché du travail, d'être assujetti au plus faible taux marginal d'impôt.

• 1015

Les recommandations de la Commission Carter concernant l'unité familiale d'imposition ont été rejetées, entre autres, parce qu'elles se seraient traduites par un taux d'imposition trop élevé sur le premier dollar de revenu que gagnerait l'époux qui ne travaille pas, s'il retournait au travail. L'idée était de lui faire payer, s'il retournait au travail, l'impôt au taux marginal le plus bas, ce qui l'aurait encouragé à réintégrer le marché du travail. Toutefois, en réalité, quand il y a des enfants à charge et qu'on récupère les prestations fiscales pour enfants, les crédits pour TPS et ainsi de suite, on est moins enclin à retourner au travail.

Les frais de garde d'enfants ont déjà été mentionnés. Leur déductibilité peut avoir une influence importante. Cependant, en bout de ligne, en supposant que cette personne retourne au travail pour des raisons essentiellement économiques, plutôt que de simplement vouloir se changer les idées, quel que soit le revenu gagné, il faut que ce travail rapporte, après taxes, suffisamment pour que cela en vaille la peine. Les taux marginaux d'imposition élevés appliqués au premier dollar gagné supérieur aux frais de garde d'enfants découragent ce qui serait autrement une activité économique productive.

Je ne vous ai pas donné beaucoup de réponses faciles à ces questions difficiles. Il me semble qu'il faudra faire une analyse technique plutôt poussée pour savoir, par exemple, si les dispositions de récupération peuvent être rajustées de manière à ne pas décourager, au moyen de taux marginaux d'imposition élevés, les contribuables à revenu relativement faible.

Voilà les points que je souhaitais faire valoir dans mon exposé formel. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions.

Le président: Je vous remercie.

Je tiens à remercier M. Forseth d'avoir cédé son tour à Mme Dockrill.

Madame Dockrill, vous disposez de cinq minutes.

Mme Michelle Dockrill: Je vous remercie, monsieur le président, et surtout vous, monsieur Forseth.

J'ai une question à laquelle j'aimerais que vous répondiez tous les deux.

Je me demande si vous pouvez me dire si le débat d'aujourd'hui concernant les iniquités fiscales à l'égard des familles a un rapport avec les enfants ou avec l'activité des parents.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Voilà une question fort intéressante. Tout d'abord, comme il s'agit d'une question pécuniaire, elle a un certain rapport avec les parents. Toutefois, les choix que font les parents ont un impact sur les enfants. Si nous offrons aux parents les stimulants d'ordre pécuniaire voulus, nous les aidons à faire les meilleurs choix pour leurs enfants.

M. Ed Harris: Je n'ai pas grand chose à ajouter à cela. La famille contemporaine a deux choix, selon moi. L'un est de savoir au départ si elle aura des enfants et la seconde, combien de temps elle consacrera à les élever et à les instruire. Le régime fiscal peut avoir une grande influence sur ces deux décisions. Il est donc difficile, en réalité, de distinguer les parents des enfants lorsque vous examinez cette question, si j'en ai bien compris le sens.

Mme Michelle Dockrill: La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est que, lorsqu'il est question de politique gouvernementale, du régime fiscal, faudrait-il l'examiner sous l'angle des enfants ou sous l'angle de l'activité parentale au sein de la famille?

Mme Jennifer Auld-Cameron: J'estime qu'il faut l'examiner par le prisme de l'enfant; j'en suis vraiment convaincue. C'est toutefois difficile à faire, parce que c'est le parent qui est le contribuable. Vous avez soulevé un point très important, car nous consentons parfois des allégements fiscaux qui conviennent aux parents sans nous interroger sur l'impact qu'ils auront sur les enfants.

Mme Michelle Dockrill: À nouveau, la raison pour laquelle je vous pose la question, c'est que je crains que nous soyons en train d'opposer la famille dont un parent a décidé de demeurer à la maison contre celle dont les deux parents, pour des raisons économiques peut-être, ont décidé de travailler. Si nous nous concentrons sur les enfants et faisons en sorte que tous les programmes fiscaux soutiennent l'enfant, on se trouve en fait à soutenir la famille.

• 1020

J'aimerais que nous parlions de la déduction des frais de garde d'enfants. De nombreux témoins ont clairement dit qu'étant donné que, pour des raisons strictement économiques, certains ne peuvent demeurer à la maison et qu'ils n'engageraient pas de frais de garde d'enfants autrement, ces frais sont liés à l'emploi. Je me demande si vous avez des réflexions à nous communiquer à ce sujet.

M. Ed Harris: Vous connaissez probablement l'affaire Thibault, naturellement, dans laquelle il en fut question.

Toutefois, je suis d'accord pour dire que les frais de garde d'enfants, lorsqu'ils peuvent être réclamés, sont des frais engagés pour gagner un revenu et que c'est pourquoi ils sont admissibles. La seule question à se poser est de savoir si les règles actuelles sont trop restrictives sur le plan de l'admissibilité à la déduction, en ce sens que les seuils sont trop bas, même s'ils ont été relevés récemment.

Non, je crois qu'il s'agit-là d'un élément fort souhaitable de notre régime fiscal, sur le plan social, et je serais certes en sa faveur.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Je me fais l'écho de ce qu'il vient de dire. Je n'aimerais certes pas voir les familles dont les deux parents ont choisi de travailler être pénalisées. Je demande simplement qu'on nivelle le terrain de jeu parce qu'actuellement, les parents qui choisissent de demeurer à la maison sont pénalisés simplement à cause de la conception de l'unité économique familiale dans la structure fiscale.

Mme Michelle Dockrill: C'était hier, je crois, que nous avons accueilli des mères. L'une d'entre elles a fait un commentaire intéressant que j'ai retenu. Je me demandais si vous aviez des commentaires à faire à ce sujet. Elle a dit qu'elle ignorait comment mettre fin aux iniquités, mais qu'elle espérait que la solution serait juste et équitable. Dans ce contexte, seriez-vous en faveur d'un retour en arrière, d'offrir à nouveau les allocations familiales et la déduction pour enfant à charge à tous?

Mme Jennifer Auld-Cameron: Oui, je le serais. Il faut faire quelque chose pour rendre le système équitable. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas une experte du domaine fiscal, de sorte que je ne connais pas les détours du sérail. Cependant, si l'on offrait à tous une déduction uniforme, je crois que le système serait équitable.

M. Ed Harris: C'est aussi ce que je tentais de dire.

Le président: Toutefois, vous vous rendez compte qu'en rendant le système équitable, vous n'éliminerez pas certaines iniquités.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Absolument. Je suis convaincue que ceux qui gagnent ce revenu ont dû faire ces frais. Donc, effectivement, le système ne traitera pas tout le monde sur un pied d'égalité, mais à l'autre égard dont il était question, il apportera un certain équilibre.

Le président: Monsieur Brison, vous avez cinq minutes.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

Je trouve vos observations vraiment utiles. Madame Auld-Cameron, je vous sais gré d'avoir dit qu'il faudrait que tout gravite autour des choix, qu'il n'appartient pas forcément au gouvernement d'encourager les parents à rester à la maison ou de les en décourager, parce que chaque famille et parent peut probablement faire ces choix mieux que l'État.

Quant à la question du choix relatif, j'aimerais vous décrire une situation que je connais bien. En fait, il s'agit de la famille de mon frère. Ma belle-soeur est aux études. Elle étudie la médecine dentaire à Dalhousie. Le couple a deux enfants. Il s'agit donc d'une famille monoactive. Elle doit payer des frais de garde. Il y a donc une difficulté en ce sens. Une déduction uniforme l'avantagerait et l'aiderait à faire les choix parce que, souvent, ce n'est pas seulement le parent qui demeure à la maison. L'un d'entre eux pourrait choisir par exemple de faire des études plus poussées. La déduction uniforme serait-elle la meilleure approche? La verriez-vous comme une solution? Souvent, étant donné particulièrement la flexibilité du marché du travail, il importe de permettre à un des époux de suivre de la formation ou de se recycler tout au long de sa carrière.

M. Ed Harris: En règle générale, ils ont droit à la déduction des frais de garde d'enfants...

M. Scott Brison: En tant qu'étudiants

M. Ed Harris: ...quand l'époux étudie à temps plein.

M. Scott Brison: Elle n'étudie pas à temps plein, mais bien à temps partiel.

M. Ed Harris: Elle a aussi droit de déduire les frais de scolarité et de réclamer un crédit d'impôt pour études, naturellement, ce qui aiderait dans cette situation.

• 1025

M. Scott Brison: Le fait de déclarer—cela nous ramène aux recommandations de la Commission Carter et à ce que vous disiez au sujet de la déclaration unique du revenu familial—le revenu conjointement ou le revenu familial nuit-il à l'indépendance des deux époux? Si vous avez deux conjoints ou époux faisant carrière—selon mon expérience, nombre d'entre eux, dans une pareille situation, gèrent leurs finances séparément—, y a-t-il moyen, en faisant cette déclaration unique, de subordonner l'un à l'autre, sur le plan financier?

M. Ed Harris: Il faut reconnaître que la famille typique a vécu de nombreux bouleversements depuis le milieu des années 60, quand la Commission Carter a siégé, et que, dans de nombreuses familles contemporaines, chaque époux est beaucoup plus indépendant de l'autre, sur le plan financier notamment, au point où, au sein de nombreuses familles, l'un n'est pas au courant de la situation financière de l'autre.

Le rapport Carter a effectivement offert une alternative grâce à laquelle les familles pouvaient opter de ne pas être considérées comme une unité familiale aux fins de l'imposition et chaque membre être imposé comme un célibataire. Cependant, ce choix comporterait un certain prix, sur le plan fiscal.

Le président: Monsieur Harris, durant les années 60, nous n'avions pas les ordinateurs dont nous disposons aujourd'hui. Chacun pourrait faire sa déclaration sans communiquer de renseignements à l'autre. Les ordinateurs de Revenu Canada feraient aisément le reste. Il n'y a donc pas lieu de s'en préoccuper.

M. Ed Harris: N'empêche que si cela se produisait et que vous comptiez sur Revenu Canada pour le faire, qu'ensuite vous vouliez contester les calculs du ministère, il faudrait communiquer les renseignements. Certains problèmes administratifs persistent, bien que je reconnaisse qu'il existe peut-être des moyens de les contourner.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci. Monsieur le président, vous venez de m'enlever une minute.

Pour ce qui est de la progressivité du régime fiscal, bien des gens soutiennent que, selon les faits et les connaissances accumulés, il vaudrait mieux taxer la consommation plutôt que le revenu. Cette forme d'imposition donne toutefois lieu à des préoccupations concernant la progressivité. Existe-t-il un moyen de rendre plus progressive la taxation de la consommation, particulièrement pour ceux qui engagent des frais de garde d'enfants? J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

Une voix: Recommandez-vous que nous proposions une augmentation de la TPS?

M. Scott Brison: La dernière fois que notre parti a proposé la TPS, il n'a pas eu beaucoup d'appui sur le plan politique. Cependant, votre parti semble en avoir bien profité. Ne venez donc pas vous plaindre.

M. Ed Harris: Oui, je serai certes en faveur d'une mesure en ce sens, bien que j'en comprenne les difficultés politiques. J'ai participé, durant les années 80, à une étude effectuée par le Conseil économique du Canada qui a abouti à cette même recommandation.

Il est vrai qu'il faut régler la question de la progressivité. Qu'on décide d'élargir le crédit pour la TPS ou de prendre un autre moyen, d'exempter certains biens et services devenus des nécessités de la vie et ainsi de suite, il faut réfléchir à ces moyens. Toutefois, on ne veut pas—je le répète—avoir des dispositions de récupération qui découragent l'augmentation du revenu.

Pour en revenir à mon exposé de ce matin, je crois que, si nous avions des taux marginaux d'imposition bien inférieurs aux taux actuels, le problème de la récupération serait beaucoup moins aigu.

Le président: Je vous remercie.

Madame Auld-Cameron, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Jennifer Auld-Cameron: Oui. J'aimerais faire une dernière observation en rapport avec ce qu'a dit tout à l'heure Mme Dockrill au sujet des enfants.

Je suis consciente que, malheureusement, nous sommes à court d'argent. Il faut donc être réaliste dans toute réforme fiscale, et il est vrai que les modèles de famille et de travail varient énormément. Cependant, comme je l'ai dit dans mon exposé, il importe d'examiner toute la gamme et de consulter les divers experts, car les décisions que nous prenons en vue d'encourager les familles à faire une chose ou une autre auront peut-être un prix plus tard dans le domaine de la santé ou dans le domaine social. Il faut donc, selon moi, faire des choix vraiment éclairés au sujet de notre structure fiscale afin d'éviter des problèmes plus tard.

• 1030

Le président: Je vous remercie.

Je fais appel à l'indulgence des membres du comité. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais que ceux qui ont des questions à poser à Mme Auld-Cameron le fassent tout de suite, après quoi elle y répondra avant de nous quitter.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Je vous remercie.

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Monsieur, madame, je vous souhaite la bienvenue.

Qu'elles aient des enfants ou non, il y aura toujours des différences entre les familles ayant un revenu et les familles ayant deux revenus.

Le président: Je vous demande de poser seulement une question à Mme Auld-Cameron parce qu'elle doit quitter.

M. Serge Cardin: D'accord.

Le président: Je vous demande de poser votre question directement à Mme Auld-Cameron. Je vais demander à M. Szabo de faire de même et ensuite madame pourra répondre. Si vous avez une question précise pour Mme Auld-Cameron, j'apprécierais que vous la posiez.

M. Serge Cardin: Au lieu de penser à une déclaration unique ou au fractionnement du revenu, ne serait-il pas préférable d'orienter les choses directement vers l'enfant? Le système ne devrait-il pas prendre en considération les coûts relatifs à son éducation ainsi que la reconnaissance du travail du conjoint qui reste à la maison dans le calcul de la déduction potentielle?

[Traduction]

Le président: Il faudrait que les questions soient brèves.

Monsieur Szabo, je vous prie.

M. Paul Szabo: Mme Auld-Cameron a fait trois recommandations. L'une concernait l'imposition de la famille. Je crains qu'un sixième de toutes les familles—les familles monoparentales—ne soit exclu des avantages découlant de cette recommandation.

La deuxième recommandation était la déduction de 2 000 $, qui avantage ceux qui ont un revenu élevé par rapport à ceux qui ont un faible revenu. Il faut avoir un revenu, et les chefs de famille monoparentale pourraient se retrouver dans des situations où ils n'ont aucun revenu et ne peuvent utiliser la déduction. L'augmentation de la prestation de conjoint irait également à ceux qui n'ont pas d'enfants et aux couples sans enfants dont un des conjoints demeure à la maison. Nous ratons donc le coche. Toutefois, même si nous décidions d'aller de l'avant, les économies ne seraient que de 134 $. Je ne vois donc pas là une mesure importante.

Enfin, si vous excluez tout à fait les enfants de votre analyse, vous constaterez qu'un écart important subsiste, écart qui a davantage rapport à la progressivité qu'aux enfants à charge. Je ne crois donc pas qu'il faille attribuer l'écart au fait que vous avez des enfants. Je vous demande en réalité si vous êtes disposée à remettre en question l'approche.

Le président: Madame Auld-Cameron, soyez aussi brève que possible.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Monsieur Cardin, vous venez de faire des commentaires fort intéressants. Je conviens qu'il faudrait peut-être examiner le coût d'élever des enfants. Cela aurait aussi un rapport avec ce qu'a dit M. Szabo, que si nous pouvons nous concentrer sur les enfants, par opposition aux contribuables, nous pourrons contourner certains de ces problèmes.

Monsieur Szabo, je sympathise avec les chefs de famille monoparentale, parce que j'estime qu'il faudrait aussi en tenir compte dans l'équation. J'ignore tout simplement comment le faire. Une déduction uniforme par enfant pour chaque chef de famille monoparentale serait-elle utile?

M. Paul Szabo: Si ce parent a un revenu, effectivement, mais à nouveau, n'oubliez pas que la déduction de 2 000 $ rapportera 1 000 $ à celui qui a un revenu élevé, mais seulement 250 $ à celui qui a un faible revenu.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Je vois.

M. Paul Szabo: C'est une mesure régressive.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Effectivement.

• 1035

Le président: Nous aurons à faire des choix très difficiles.

Je tiens à vous remercier au nom du comité. Par ailleurs, je remercie également les membres du comité d'avoir respecté votre désir de nous quitter à 10 h 30.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Oui, je leur en sais gré. Je vous remercie beaucoup.

Le président: C'est nous qui vous remercions.

Mme Jennifer Auld-Cameron: Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'entendre.

Le président: Nous poursuivons maintenant en cédant la parole à M. Cardin.

[Français]

Je peux vous allouer quatre minutes pour poser les dernières questions.

M. Serge Cardin: Eh bien, disons que j'en ai passablement posé.

Je disais que peu importe qu'il y ait des enfants ou non, il y a une différence entre un couple ayant un revenu et un couple ayant deux revenus. Certains appellent cela une iniquité; moi je dis qu'il y a une différence. Pourquoi ne conserverait-on pas un système basé sur la personne tout en procédant à un minimum de réductions? On pourrait reconnaître le travail fait par le conjoint qui reste à la maison au moyen du fractionnement du revenu, de la même façon qu'on reconnaît que deux personnes qui travaillent ont droit à une déduction des frais de garde d'enfants. Pourquoi ne pas le faire? S'il n'y a qu'une personne qui travaille, l'autre pourrait être reconnue comme ayant contribué au revenu.

Comme je le disais plus tôt, il s'agit plutôt de s'orienter vers l'enfant. Disons que cela représente un coût. On doit prendre en considération ce qu'il en coûte pour élever des enfants ainsi que l'âge des enfants, car les coûts sont différents selon l'âge. Il faut donc prendre en considération l'ensemble de la problématique, c'est-à-dire les coûts différents, les âges différents et les revenus différents. On sait qu'il y a des parents à faible revenu; il y en a d'autres qui gagnent passablement d'argent et cela ne les touche pas, peu importe les déductions.

Il pourrait y avoir un système qui prendrait en considération le coût de l'éducation des enfants et des soins qu'on doit leur donner, un système qui assurerait un remboursement direct aux familles à faible revenu. Ce serait une implication directe, par le biais de déductions ou de crédits, qui pourrait être transformée à mesure que les revenus des parents augmenteraient. C'est peut-être difficile à appliquer, mais un système semblable répondrait à tous les besoins, à ceux des personnes à revenus faibles ou moyens et à ceux des personnes à revenus très élevés. À un moment donné, on n'est pas nécessairement obligé de contribuer.

M. Ed Harris: Monsieur Cardin, je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

Ces points sont très importants. La question d'offrir des allégements fiscaux aux contribuables selon leurs circonstances, qu'ils aient un revenu élevé, un revenu faible, qu'il y ait deux revenus dans la famille ou un seul, est très difficile. Il n'existe pas de solution parfaite.

Dans mon mémoire, je dis qu'il faudrait reconnaître dans le régime fiscal ce qu'il en coûte d'élever des enfants. Le moyen de le faire est par contre plus difficile. Selon moi, il faudrait prévoir un montant particulier, en dollars, pour chaque enfant. Vous pouvez toujours en débattre pour savoir s'il faut traiter les enfants en bas âge et les enfants plus vieux sur un même pied ou pas, mais il faudra s'efforcer de calculer le coût raisonnable minimal d'élever un enfant. Que vous soyez une famille monoparentale, une famille biparentale, un travailleur à revenu élevé, un travailleur à revenu faible, il me semble que ces coûts devraient être reconnus.

Vous pouvez débattre de la question de la progressivité, parce que tout dépend d'où vous appliquez l'allégement fiscal. Est-ce dans le calcul des revenus de base, à la première tranche de revenu ou au revenu imposable? Dans mon mémoire, je précise qu'il vaut mieux l'appliquer au calcul des revenus de base, parce qu'il s'agit d'une dépense obligatoire. Ce qu'il faut taxer, c'est le revenu discrétionnaire, plutôt que la partie du revenu consacrée forcément à payer le coût de la vie.

• 1040

L'actuel régime fiscal est trop compliqué pour que les gens le comprennent bien. Toutefois, ceux qui le comprennent sont nettement découragés de travailler ou de demeurer membre de la population active. Un des principes sur lesquels s'appuie tout le monde est de rendre le régime fiscal neutre en ce qui concerne le choix de travailler ou pas. Il n'y a pas de réponse facile. Vous allez obtenir autant d'opinions différentes, je crois, que vous entendrez de témoins.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cardin, la parole est à vous.

M. Serge Cardin: On pourrait essayer d'atteindre une certaine neutralité au niveau du système fiscal, mais il y a tellement de choix possibles ou de combinaisons de toutes sortes au sein de la population que toute mesure aurait un impact différent d'une situation à l'autre. Les gens percevront toujours cette différence comme une iniquité s'ils n'ont pas d'avantages. Dans ce sens-là, il y aura toujours des iniquités.

[Traduction]

M. Ed Harris: Oui, j'en conviens.

[Français]

Le président: Le système fiscal a créé deux grosses industries: l'industrie des comptables et celle des avocats. On est bien servis.

Monsieur Szabo, vous avez quatre minutes.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Ce n'est pas souvent que nous accueillons des témoins qui connaissent bien la loi de l'impôt. Il faudrait peut-être demander une opinion.

Une grande partie du débat initial sur cette question portait sur la comparaison entre une famille gagnant 60 000 $ et deux familles gagnant 30 000 $. Bien sûr, il s'avère qu'il y a une différence et elle a été attribuée au fait que nous imposons les familles à un seul revenu différemment. Estimez-vous qu'il s'agit-là d'une analyse valable sur laquelle fonder notre étude?

M. Ed Harris: C'est certes un fait. Tout dépend de la façon dont vous vous y prenez pour examiner le fait. L'écart entre la famille à deux revenus et la famille à un seul revenu existe, qu'il y ait des enfants ou pas. Je ne crois pas qu'il y ait de doute à ce sujet.

M. Paul Szabo: Eurêka!

M. Ed Harris: Nous avons vu comment Carter souhaitait régler la question. Cependant, si vous adoptez le moyen qu'il préconisait, il faut reconnaître qu'il y aura un véritable problème quand, dans la famille à un seul revenu, le deuxième parent envisage de retourner au travail et qu'il devra payer l'impôt au taux très élevé sur les premiers dollars de revenu imposable.

M. Paul Szabo: Vous pouvez peut-être nous aider un peu ici. Pour moi, il n'a jamais été question de comparer une famille à l'autre. J'ai toujours cru que la comparaison était valable au sein de la même famille. Habituellement, il y a un couple dont les deux membres font partie de la population active. Ils terminent leurs études et vont travailler. Dans mon cas, je faisais 50 000 $ par année, et mon épouse en gagnait 30 000 $. Puis, nous avons eu un enfant...

Le président: Vous avez été élu au même moment.

M. Paul Szabo: ...et nous avions deux choix. Soit que nous engagions quelqu'un pour prendre soin de notre enfant et que nous réclamions la déduction pour frais de garde d'enfants, soit que l'un d'entre nous arrêtait de travailler pour un certain temps et demeurait à la maison pour s'en occuper.

Quand on se met à calculer, tout à coup, on se met à comparer un revenu familial brut de 80 000 $ à une décision de 50 000 $. La déduction des frais de garde d'enfant, même si j'engageais des frais de 4 000 $ et que j'utilisais le taux le plus élevé, n'abaisse le fardeau fiscal de la famille que de 2 000 $. Toutefois, la perte d'un gain économique de 30 000 $ (en quittant un emploi qui rapportait, net, environ 22 000 $) représentait au moins dix fois la valeur de la déduction des frais de garde d'enfants.

Il me semble que les gens ne font pas ces choix pour économiser quelques dollars. Il faut qu'il y ait beaucoup plus de facteurs qui entrent en jeu. Je me suis donc mis à réfléchir. Je me suis rendu compte qu'en se retirant temporairement du marché du travail pour élever soi-même son enfant, on renonce à un revenu, à accumuler un fonds de retraite, à des possibilités d'avancement et de formation, et on contribue probablement plus à la collectivité qu'on ne l'aurait fait autrement—bénévolat à l'école, à l'église, à l'hôpital et ainsi de suite. On semble donc prendre une décision terrible qui a un énorme impact sur l'unité familiale.

• 1045

Je suppose que la question à se poser est de savoir si nous apprécions à sa juste valeur ou reconnaissons le sacrifice et la contribution que fait le parent qui reste à la maison, par opposition à ce qu'il aurait eu s'il était demeuré sur le marché du travail et avait utilisé des services de garde.

M. Ed Harris: La réponse est probablement non, je suppose, mais comment cela traduire cela en termes concrets? On ne peut pas s'attendre que l'État comblera l'écart de 20 000 $. Ce sont des décisions que doit prendre le parent. Il existe bien sûr une foule d'éléments n'ayant rien à voir avec la situation financière qui entrent en jeu dans les décisions, y compris le désir d'être près de son jeune enfant.

Il n'y a pas de réponse facile à cette question. Le régime fiscal n'est certes pas un moyen utile de régler les problèmes auxquels font face les familles.

M. Paul Szabo: Ce que je dis, c'est que l'enjeu est beaucoup plus grand que la simple valeur de la déduction.

M. Ed Harris: Oh, évidemment! Vous avez raison.

M. Paul Szabo: La reconnaissance sociale a autant d'importance que la valeur de la contribution, car nous savons que nous ne pourrons pas récupérer le revenu net auquel nous avons renoncé.

M. Ed Harris: Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on souhaite que le régime fiscal pénalise le moins possible celui qui fait d'autres choix, pour d'autres raisons.

M. Paul Szabo: C'est juste.

[Français]

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

[Traduction]

Monsieur Harris, vous avez mentionné que le régime fiscal actuel ne reconnaît pas le coût d'élever des enfants. Je pense vous avoir bien cité. J'aimerais donc vous demander ceci: la prestation fiscale pour enfants ne le fait-elle pas?

M. Ed Harris: Oh, oui, elle le fait, monsieur le président. Dans mon exposé, j'ai précisé que c'était le cas, mais seulement pour certaines familles.

Le président: Parce qu'elle est liée au revenu.

M. Ed Harris: Oui, parce qu'elle est liée au revenu—et, même dans ces circonstances, reconnaît-elle le véritable coût minimal d'élever un enfant...

Le président: Elle est fonction de votre revenu.

M. Paul Szabo: La prestation fiscale pour enfants est un crédit fiscal remboursable qui n'a rien à voir avec l'impôt...

M. Ed Harris: Non, mais elle est récupérée si votre revenu dépasse un certain seuil, soit 23 000 $...

M. Paul Szabo: Vous avez toutefois dit que la Loi de l'impôt sur le revenu ne reconnaît pas les frais de garde d'enfants. Il vous a donc demandé si la prestation fiscale pour enfants ne le faisait pas?

M. Ed Harris: Pas directement.

M. Paul Szabo: La prestation fiscale pour enfants ne fait pas partie du régime d'impôt sur le revenu.

M. Ed Harris: En réalité, elle fait partie de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais vous ne la touchez pas en remplissant votre déclaration de revenu.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier énormément. Ce fut très agréable.

M. Ed Harris: Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me faire entendre.

Le président: Merci, monsieur Harris.

Nos prochains témoins sont les porte-parole du Annapolis Valley—Hants Community Action Program for Children. C'est avec plaisir que nous accueillons la coordinatrice régionale de l'organisme, Mme Pauline Raven. Je souhaite également la bienvenue à Mme Joanna LaTulippe-Rochon du Cape Breton Family Resources Centre.

Au nom du comité, mesdames, je vous souhaite la bienvenue. Je vous demanderais de limiter vos exposés à cinq ou sept minutes, pour que nous ayons à peu près 20 minutes pour la période de questions. Que la première qui veut bien commencer prenne la parole!

Mme Pauline Raven (coordonnatrice régionale, Annapolis Valley—Hants Community Action Program for Children): Pour respecter la limite de temps qui nous est imposée, nous devrons sauter certains éléments décrits dans le mémoire. Je le précise simplement pour que vous n'ayez pas de difficulté à me suivre.

Le président: Fort bien.

Mme Pauline Raven: Combien de fois avez-vous entendu ces idées reçues: «Les enfants sont notre ressource la plus précieuse», «Les dépenses sociales engagées pour les enfants sont un investissement pour l'avenir» et «Le prix à payer pour avoir laissé les enfants grandir dans la pauvreté est lourd»?

• 1050

Au fond, nous savons tous que le revenu familial est un facteur déterminant très important de la santé et du bien-être de l'enfant. C'est le revenu qui détermine ce que mange la famille, ce qu'elle porte et où elle habite. Dans notre société, quand les services de garde d'enfants se font rares, le revenu familial déterminera probablement si l'enfant bénéficie de services convenables pendant que les parents travaillent; quant aux adolescents, il peut déterminer s'ils finiront leurs études secondaires ou pas; enfin, le revenu familial détermine en grande partie si les jeunes adultes qui envisagent de faire des études supérieures fréquenteront l'université.

De toute évidence, la clé de l'investissement du Canada dans l'enfance est l'élaboration d'une politique fiscale et sociale susceptible d'avoir une influence favorable sur la situation économique des familles, surtout de celles à court de moyens. Malheureusement, de nombreuses décisions prises par les gouvernements depuis quelques années vont à l'encontre d'une politique fiscale axée sur la famille. Le Canada perçoit actuellement une plus grande part de ses impôts des familles à revenu faible et moyen et moins des familles riches et des entreprises rentables qu'au cours des décennies précédentes.

Sans une politique fiscale et sociale juste et équitable, les Canadiens moyens, les parents et les enfants de nos quartiers, sont livrés à eux-mêmes. Dans notre mémoire, nous soutenons que, sur le marché du travail actuellement, tout joue contre les parents parce que la politique actuelle a créé un contexte de plus en plus hostile aux familles canadiennes.

Notre principal message, issu de l'expérience que nous vivons quotidiennement auprès de familles à revenu faible et moyen, de familles monoparentales et de familles biparentales qui utilisent nos services, est qu'il faut réorienter la politique fiscale et sociale en vue d'assurer la sécurité économique des parents et des enfants canadiens. Il faudrait commencer par prévoir d'utiliser la politique fiscale en vue de relever le revenu de référence des familles à faible revenu et à revenu moyen. Il faudrait pour cela inverser certaines tendances clés et bonifier les prestations fiscales pour enfants.

Les faibles niveaux des salaires sont au coeur de l'insécurité économique des familles. Pour un nombre de plus en plus grand de parents, surtout de parents peu instruits, la participation à la population active du Canada ne permet pas d'avoir un revenu familial décent. Dans les provinces de l'Atlantique, une mère chef de famille monoparentale ayant un enfant doit travailler 67 heures par semaine au salaire minimum pour voir aux besoins essentiels de sa famille.

En fait, le marché a fixé le niveau des salaires à un niveau si faible que les parents qui travaillent ont souvent moins d'argent que ceux qui vivent de l'assistance sociale. Tous les ordres de gouvernement reconnaissent que cela dénote une mauvaise politique sociale. Un élément clé du programme national de prestations pour enfants cherche à renforcer l'intégration au marché du travail.

Dans l'ensemble, les dernières décennies ont été marquées par des bouleversements qui n'ont pas avantagé la famille. Schellengerg et Ross font remarquer que, d'après les données statistiques, une plus forte proportion de familles dont les parents travaillent sont désavantagées par les tendances sur le marché.

Yalnizan analyse la croissance inquiétante des écarts de revenu entre les familles les plus pauvres et les plus riches du Canada de 1994 à 1996. La concentration des revenus parmi une élite de plus en plus restreinte de familles canadiennes entraîne une polarisation entre riches et pauvres et une répartition inéquitable des possibilités pour nos enfants.

Votre sous-comité a été formé en vue d'étudier le régime fiscal et le système de transfert tels qu'appliqués aux familles ayant des enfants à charge. Toutefois, avant d'examiner la politique actuelle, il faut décider du résultat final que nous souhaitons obtenir d'une réforme. Une fois l'objectif fixé, il est possible de mettre en oeuvre avec efficacité une politique permettant de le réaliser. C'est ainsi que la politique fiscale peut être source d'équité selon la structure de la famille. Par conséquent, il faut d'abord définir un revenu de référence convenable pour les familles.

Depuis des années, la société débat du revenu dont ont besoin les familles. Au coeur des débats entre ceux qui sont en faveur de meilleurs revenus et ceux qui ne le sont pas se trouve le seuil de faible revenu en deçà duquel la famille est pauvre. Manifestement, M. et Mme Tout-le-monde sont en faveur d'un meilleur soutien et de meilleurs soins pour les enfants, ce qui en fait une priorité nationale.

Les familles dont les parents travaillent qui essaient de répondre aux besoins des enfants connaissent le coût réel d'élever des enfants. Il se situe aux alentours de 9 000 $ par année.

Quand on cherche à définir ce qui constitue un revenu familial décent, une étude menée récemment par le Conseil canadien de développement social est très instructive. Le conseil a examiné la fréquence de 27 impacts négatifs sur les enfants de familles de quatre ayant différents revenus familiaux. Il a constaté que 80 p. 100 de ces variables sont beaucoup plus fréquentes chez les enfants et les familles dont le revenu est inférieur à 30 000 $ et 50 p. 100 plus fréquentes, chez les familles dont le revenu est inférieur à 40 000 $. Compte tenu de ces résultats, les auteurs proposent que les familles canadiennes aient un revenu suffisamment élevé pour améliorer les chances des enfants de connaître un développement sain.

• 1055

On pourrait faire des calculs analogues pour différentes structures familiales afin de fournir aux décideurs des revenus de référence pour chaque genre de famille, en vue de donner aux enfants des chances équitables de bien se développer. On reconnaît ainsi que les enfants méritent d'avoir plus que les simples nécessités de la vie.

De toute évidence, pour améliorer le sort des enfants à charge, il faudra prendre des mesures sur plusieurs fronts à la fois, tous liés à la réforme de la politique fiscale et sociale. Il faudra ainsi optimiser les revenus des parents, soutenir les familles quand la participation à la population active ne permet pas d'avoir le revenu de référence et offrir des services de garde subventionnés aux enfants de familles dont les parents travaillent, mais dont le revenu ne dépasse pas le revenu de référence. En prenant ces mesures, on fait aussi ressortir que, bien que les enfants soient à la charge de leur famille, la société a elle aussi un rôle et une responsabilité à l'égard de la nouvelle génération.

Je vais maintenant céder la parole à Joanna.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon (Cape Breton Family Resources Centre): Nos recommandations concernant la participation des familles à la population active relèvent des trois catégories dont Pauline vient de vous parler. Elles ont pour objectif collectif d'améliorer la situation économique de toutes les familles à revenu faible et à revenu moyen grâce à des mesures fiscales et sociales.

Quand on cherche à optimiser les revenus des parents, on constate un changement alarmant survenu dans l'assiette fiscale fédérale durant la période allant du début des années 50 aux années 90. Durant les années 50, les entreprises canadiennes étaient la source de 21 p. 100 des recettes fédérales tirées de l'impôt sur le revenu, alors que les particuliers canadiens en contribuaient 32 p. 100. Au début des années 90, la contribution des entreprises était passée de 21 p. 100 à 6 p. 100, alors que celle des particuliers augmentait de 32 p. 100 à 47 p. 100.

Nous recommandons d'inverser la tendance de manière à faire contribuer l'entreprise canadienne davantage. Ainsi, en allégeant le fardeau fiscal des parents à revenu faible et moyen et en augmentant la part de l'impôt payée par les entreprises canadiennes rentables, on accroîtrait le revenu disponible des familles à faible et à moyen revenu ayant des enfants à charge. Fait important, les nouvelles recettes qui rentreraient dans les coffres du gouvernement serviraient à soutenir le revenu des familles dont le revenu est inférieur au revenu de référence recommandé, en subventionnant les salaires.

Lorsqu'il s'agit de soutenir les familles dans le cadre de la politique fiscale, il faut que cette politique reconnaisse ce que sait déjà le Canadien moyen, soit que le gouvernement fédéral ne taxe pas suffisamment les profits d'entreprise. Le gouvernement fédéral n'adopte pas une position assez ferme à l'égard des entreprises canadiennes. Il permet ainsi à des groupes puissants comme le Conseil canadien des chefs d'entreprises d'exercer une grande influence sur la politique fiscale et sociale en vue de favoriser les profits d'entreprise, ce qui coïncide rarement avec l'intérêt public.

Les Canadiens ne peuvent plus se permettre une politique fiscale qui laisse les sociétés multinationales et les institutions bancaires garder leurs bénéfices extraordinaires pour les actionnaires. Ces bénéfices doivent être équitablement imposés de manière à augmenter les sources des recettes et de soutien pour les Canadiens ordinaires, surtout les parents ayant des enfants à charge. En outre, il faut que les employés au salaire élevé participent davantage aux recettes fiscales. Il est inacceptable que les Canadiens dont les gains sont supérieurs à 59 000 $ soient imposés au même taux. Il faut réintroduire d'autres tranches d'imposition pour les familles les plus aisées du Canada afin que la responsabilité sociale soit proportionnelle à la prospérité.

La prestation fiscale pour enfants mérite également d'être améliorée. L'absence d'indexation qui protège contre le coût de la vie en est l'une des grandes insuffisances, comme l'a souligné le Conseil national du bien-être. Même lorsque l'on prend un taux relativement bas d'inflation—2 p. 100 par année—la valeur réelle de la prestation fiscale pour enfants diminue de plus de 18 p. 100 en l'espace de dix ans seulement. En matière de pouvoir d'achat, cela veut dire qu'une famille qui a un enfant et qui reçoit une prestation en 1998 de 1 625 $ se retrouverait avec 1 328 $ d'ici l'an 2008. Cette prestation doit être indexée par rapport à l'indice des prix à la consommation.

• 1100

La prestation fiscale pour enfants doit également être améliorée par rapport au revenu de référence dont nous avons parlé plus haut. Nous croyons que ce programme permettrait de combler le fossé entre le revenu gagné et un revenu de référence.

Pour ce qui est de la garde d'enfants subventionnée, il faudrait offrir des services de garde complètement subventionnés aux familles dont les gains ne dépassent pas le revenu de référence. C'est indispensable si l'on veut que les enfants canadiens aient accès à des services de garde de qualité pendant que leurs parents travaillent.

Pour les familles dont le revenu dépasse le revenu de référence, il faudrait prévoir un plafond en dessous duquel les services de garde d'enfants liés à la participation à la population active seraient complètement déductibles. Le fait de permettre la déduction des frais de garde d'enfants souligne que la garde d'enfants est un coût nécessaire à la participation des parents à la population active. Le fait d'éliminer les taxes sur les coûts de la garde d'enfants, y compris les charges sociales, permettra à plus de familles de prendre les décisions qui s'imposent à propos de leur participation à la vie active. Cela pourrait se faire par le biais de déductions fiscales ou de crédits d'impôt. Dans une étude récente de la politique en la matière, les économistes Cleveland et Krashinsky soulignent les avantages de services de garde d'enfants entièrement déductibles.

Le marché du travail ne crée pas suffisamment d'emplois et n'offre pas des salaires suffisants pour assurer un revenu de référence suffisant à beaucoup de familles canadiennes. Le gouvernement a donc la responsabilité d'offrir un soutien du revenu aux parents chroniquement chômeurs et sous-employés. Jusqu'à présent, les programmes de soutien du revenu des gouvernements ont, dans une certaine mesure, détourné l'attention de la mauvaise performance du secteur privé qui ne crée pas les emplois ni les conditions d'emploi qui s'imposent.

Il faut savoir que lorsque les taux de chômage sont élevés et que les bons emplois se font rares, le secteur privé ne fait pas beaucoup l'objet de pressions pour relever les niveaux de salaire et améliorer les possibilités d'emploi. Ce genre de marché du travail est hostile aux travailleurs et favorise la recherche du profit. Au mieux, il permet aux employeurs de réaliser des gains aux dépens des employés.

Nous avons connu ces dernières années des excédents de recettes. Le gouvernement doit utiliser les excédents actuels pour créer des emplois de qualité. Il pourrait le faire en demandant au secteur public de dépenser davantage dans les domaines de la santé et des services sociaux, d'accorder davantage de subventions aux organisations communautaires en vue de créer de l'emploi et de prévoir de plus grandes dépenses pour les projets d'infrastructure.

La création d'emplois lancée par le gouvernement devrait permettre d'abaisser le taux de chômage et d'augmenter le revenu des Canadiens. Des possibilités d'emploi plus nombreuses dans le secteur public et au sein de la collectivité doivent être offertes sans plus attendre afin de redresser la performance à la traîne du secteur privé qui ne réussit pas à régler ces questions.

Créer des possibilités afin d'accroître la participation des parents au chômage dans la population active est crucial si l'on veut mettre un frein à la pauvreté des enfants qui ne cesse d'augmenter au Canada. Des services de garde d'enfants subventionnés par l'État, assortis à un soutien du revenu, doivent être offerts aux parents qui doivent améliorer leurs compétences et leur niveau de scolarité.

En résumé, le mémoire souligne la nécessité d'un revenu de référence adéquat pour les familles canadiennes, indépendamment de leur configuration. Il lance la discussion sur ce revenu de référence calculé en fonction de l'amélioration des résultats de l'éducation des enfants du Canada. Il recommande également une réforme fiscale et sociale qui donnerait aux parents une place plus équitable au sein du marché du travail et qui tiendrait compte des besoins des familles et il laisse entendre que les inégalités entre les capacités et les choix des familles à revenu unique et des familles à deux revenus peuvent être aplanies si l'on garantit un revenu adéquat à toutes les familles qui ont des enfants à charge.

Enfin, nous soulignons la nécessité de mesures et d'interventions généralisées de la part du gouvernement pour améliorer le marché du travail. Une plus grande participation des parents chômeurs et sous-employés dépend toujours de la capacité des secteurs public et privé de supprimer les obstacles aux possibilités d'emploi et de formation, lesquelles peuvent susciter une participation à long terme à la vie active du Canada.

Les gouvernements devraient—ils peuvent le faire—par le biais de la politique fiscale combiner le revenu gagné, les soutiens du revenu et les dépenses des programmes sociaux dans une configuration fiscale pro-famille qui appuie complètement nos enfants. L'investissement que cela représenterait pour l'avenir de chaque enfant serait sûrement à l'avantage de tous. Fait important, cela donnerait aux parents un signal clair et attendu depuis longtemps que le Canada accorde aux enfants une valeur qui va plus loin que le désir de ne leur offrir que l'essentiel. Cela permettrait d'affirmer que la société canadienne est prête à partager la responsabilité et les avantages de l'éducation de nos enfants.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous n'avons que 15 minutes environ si bien que je vais demander aux membres du comité d'être brefs et de limiter leurs questions à quatre minutes. Monsieur Forseth.

• 1105

M. Paul Forseth: Merci.

Dans votre mémoire, vous utilisez l'expression «revenu de référence». Je me demande si vous pouvez expliquer ce que vous voulez vraiment dire. Voulez-vous parler d'un revenu annuel garanti, comme le bien-être de base, pour tout le monde au Canada, qui serait diminué en fonction des gains? Une fois que vous l'aurez défini, quel serait le niveau approximatif de ce revenu de référence aujourd'hui? Pouvez-vous également me dire comment vous avez trouvé la formule utilisée pour arriver à ce chiffre? De toute évidence, il faudrait rajuster constamment ce chiffre, si bien qu'il faudrait une formule standard pour le calculer.

Je me demande donc si vous pouvez m'expliquer ce que vous voulez dire par «revenu de référence».

Mme Pauline Raven: Ce «revenu de référence» devrait être fondé sur les résultats de l'éducation des enfants, si bien qu'il faudrait constamment suivre ce qui se passe au niveau des familles canadiennes et de leurs enfants. Il existe certainement une formule et un point de départ établis par le Conseil canadien de développement social. Pour une famille de quatre personnes, 40 000 $ est le point de départ. Cela équivaut à presque le double du seuil de faible revenu pour une famille de quatre, mais nous savons tous depuis longtemps que ce seuil ne prend pas en compte de facteurs autres que ceux du prix du marché du logement, de l'alimentation et de l'habillement.

Les économistes du Conseil canadien de développement social ont donc lancé la discussion et trouvé une formule pour ce qui pourrait être un revenu de référence pertinent.

M. Paul Forseth: Que feriez-vous au sujet de ce chiffre de référence? De toute évidence, vous demandez des ressources au gouvernement pour que les gens y parviennent. Parlez-vous en fait d'un revenu annuel garanti?

Mme Pauline Raven: Ce serait un revenu annuel garanti dans le contexte d'une configuration familiale. Effectivement, il y aurait beaucoup de parallèles.

M. Paul Forseth: L'expression «résultats de l'éducation des enfants» en est une autre que vous ne définissez pas vraiment. J'imagine que pour arriver à ce chiffre, il ne s'agit pas simplement d'envoyer un chèque à la famille, mais d'examiner tous les facteurs relatifs à divers programmes et essayer ensuite de calculer un résultat. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

Mme Pauline Raven: Non, cela ne serait pas fondé sur les besoins d'une famille en particulier, mais prendrait plutôt en compte les configurations de cette famille. Il y aurait des indicateurs généraux de ce dont ont besoin une famille et des enfants pour arriver à des résultats positifs. Nous savons que dans la société en général, il est bien plus probable que les résultats de l'éducation des enfants des familles dont le revenu est inférieur à 40 000 $ soient négatifs au cours de la petite enfance, de l'enfance et de l'adolescence. Le revenu semble donc déterminer dans une grande mesure les résultats de l'éducation des enfants.

M. Paul Forseth: Également, à la page 8, au deuxième paragraphe, vous dites:

    Une plus grande participation des parents chômeurs et sous-employés dépend toujours de la capacité des secteurs public et privé de supprimer les obstacles aux possibilités d'emploi et de formation.

Je peux comprendre les obstacles à la formation. Peut-être pourriez-vous décrire ce qui, d'après vous, constitue des obstacles à l'emploi, car certainement, ce dont les enfants ont besoin et ce dont les familles ont besoin pour les élever et les aider, c'est de l'emploi et non de l'aide sociale. Quels sont donc ces obstacles à l'emploi?

Mme Pauline Raven: Je crois que si vous essayez de dire à une mère, chef de famille monoparentale, qu'un salaire minimum sur le marché du travail vaut mieux pour elle et sa famille qu'un chèque de l'assistance sociale, elle vous répondra avec beaucoup d'éloquence que sa famille s'en tire mieux en dehors du marché du travail.

• 1110

Les obstacles actuels sont causés par le fait qu'en Nouvelle-Écosse, il n'y a pratiquement pas de places subventionnées dans les garderies par rapport aux besoins. Par ailleurs, lorsque les femmes commencent à gagner un revenu, on le déduit très rapidement des prestations d'assistance sociale. Une femme qui reçoit des prestations familiales peut retirer au maximum 200 $ si elle participe à la population active et celle qui reçoit des prestations de l'assistance sociale et du revenu social peut retirer 100 $ au maximum. Elle laisse son enfant dans un centre de garde qui risque de ne pas convenir du tout aux besoins de son enfant et va sur le marché du travail pour gagner 100 $ ou 200 $. Quiconque se trouve dans cette situation aurait de la difficulté à voir cela comme...

M. Paul Forseth: Il s'agit des obstacles traditionnels que tous les gouvernements du monde occidental essayent de supprimer pour faciliter la transition entre l'assistance sociale et le marché du travail—c'est le piège du bien-être social et toutes les permutations qui peuvent...

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Si vous permettez, j'aimerais vous signaler l'un des nouveaux obstacles dont les parents de l'Île nous parlent souvent.

Prenons l'exemple de nos familles monoparentales; la mère décide d'aller sur le marché du travail car elle veut participer et contribuer à la société; elle renonce donc aux prestations familiales. Elle va donc travailler et gagne ces 100 $ ou 200 $ et commence à se sentir bien lorsque, au bout du compte, l'emploi en question ne lui est plus offert.

Si et quand elle a besoin de nouveau d'une aide au revenu dans la province de la Nouvelle-Écosse, elle doit s'en remettre à la politique en matière d'assistance sociale et de soutien de l'emploi. Elle n'a plus droit aux prestations familiales. Cette politique, qui représente un changement important par rapport aux prestations familiales, lui interdit de fréquenter un institut d'éducation ou de suivre des cours à temps partiel qui limiteraient sa participation à plein temps à la population active.

Certains de nos parents, de peur que cet emploi à salaire minimum ne soit pas à long terme ou ne marche pas, craignent de sortir de la situation des prestations familiales, sachant qu'ils devront s'en remettre de nouveau à la politique de l'aide au revenu et de soutien de l'emploi, car les appuis dont ils bénéficient pour poursuivre leurs études ou pour les services de garde de leurs enfants, etc., ne sont plus là. Cela peut donc représenter un nouvel obstacle et c'est certainement ce que nous disent nos parents.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Je dirais de nouveau, Joanna, que votre exposé n'est pas inattendu si l'on sait que vous venez du Cap-Breton. Il faut reconnaître, je crois, que des personnes comme vous-même sont véritablement celles qui sont en première ligne et qui peuvent se mettre à l'écoute de beaucoup de familles canadiennes, lesquelles parfois, je pense, sont mises aux oubliettes et se retrouvent perdues dans la masse.

Dans tout le pays, il a été question d'un programme universel, à de nombreuses reprises. Une mère de famille nous a dit hier qu'elle n'avait pas les réponses, qu'elle ne connaissait pas les réponses, mais tant que nous pouvons garantir l'équité... À la lumière de cela, étant donné que, comme vous le savez probablement mieux que nous, les configurations familiales changent—vous pouvez venir d'une famille biparentale à deux revenus, d'une famille biparentale à revenu unique, d'une famille monoparentale—je me demande si d'après vous, nous ne devrions pas envisager une solution générale et uniforme.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Je pense que nous avons parlé de quelque chose d'analogue. Il faut, de façon générale, soutenir les familles et aider les enfants.

L'un des indices à l'heure actuelle est le SFR ou seuil de faible revenu, qui englobe uniquement les aliments, les vêtements et le logement. Lorsqu'on considère les besoins des familles, lorsque ces dernières nous précisent quels sont leurs besoins pour assurer l'alphabétisation de leurs enfants, les appuyer tout au long de leurs études, etc... Le Conseil canadien a relevé 27 facteurs qui garantissent que les enfants auront une chance raisonnable de s'épanouir, et cela va beaucoup plus loin que les aliments, les vêtements et le logement, peu importe qui fournit cela.

• 1115

Il s'agit de donner à chaque enfant canadien une chance raisonnable. Lorsque nous, en tant que gouvernement, établissons un seuil de revenu en deçà de cela, nous esquivons la responsabilité qui nous incombe de nous s'assurer que tous les enfants puissent s'épanouir. Nous envisageons donc une prestation universelle qui respecte cette norme minimale et ensuite, l'intégration graduelle de choses comme les services de garde. À cet égard, on pourrait modifier la formule: les services pourraient passer de pleinement subventionnés à pleinement déductibles et, à partir d'un certain seuil de revenu, les gens devraient se débrouiller seuls.

Mme Michelle Dockrill: Dans ce contexte, cela ne revient-il pas à appuyer les enfants au lieu de cibler l'activité parentale?

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Absolument. Il faut appuyer pleinement les enfants du Canada. C'est le discours que nous répétons inlassablement. Mais en tout honnêteté, je dois vous dire au nom de parents qui n'ont pas pu venir ici, que beaucoup d'entre eux estiment que le gouvernement du Canada n'appuie pas leurs enfants.

Mme Michelle Dockrill: Et je pense qu'il y a une différence entre l'activité parentale au sein de la famille et l'enfant.

J'aimerais poser une question que j'ai posée à plusieurs témoins. Souhaiteriez-vous que notre sous-comité devienne le point de départ d'une initiative en ce sens? Au cours de la semaine dernière, nous avons tenté de cerner un programme d'action national en faveur des enfants. Souhaiteriez-vous que notre comité serve de point de départ pour recenser les paramètres d'un tel programme?

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Absolument.

Mme Michelle Dockrill: Ce ne serait pas l'aboutissement, mais le commencement.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Ce serait certainement un bon début si vous pouviez vous déplacer dans tout le pays et fournir aux intervenants de la première ligne et aux parents eux-mêmes l'occasion de s'exprimer quant aux mesures d'aide dont ils ont besoin. Ils pourraient signaler les lacunes. À mon avis, c'est un point de départ, et il va de soi qu'une réforme de la politique fiscale en est un gros morceau. Je pense que vous êtes bien placés pour lancer une réflexion à ce sujet et faire le lien avec le Plan d'action national en faveur des enfants.

Mme Michelle Dockrill: En conclusion, d'un point de vue personnel, je tiens à vous remercier, Joanna, pour ce que vous faites à l'Île du Cap-Breton. Comme nous le savons, les choses ne sont pas rose là-bas et les familles traversent de durs moments. Je sais que vous travaillez d'arrache-pied et que vous continuerez d'apporter votre appui aux parents et aux enfants. Je tiens à vous exprimer ma reconnaissance.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Merci.

Le président: Monsieur Brison, vous avez quatre minutes. Si vous pouvez vous limiter à cela, je serai impressionné.

M. Scott Brison: Je ne peux pas dire bonjour en quatre minutes, monsieur le président. D'accord, je serai succinct, même si cela n'est pas dans mes habitudes.

Pauline et Joanna, je vous remercie de vos exposés et de vos interventions.

Tout d'abord, j'apprécierais votre réaction. Parfois, je pense que nous essayons d'en faire trop par le biais du régime fiscal et pas assez par le biais de programmes novateurs. À ce sujet, vous avez parlé des impôts des sociétés et des impôts des Canadiens à revenu élevé. Il est de plus en plus difficile d'imposer davantage les sociétés et les Canadiens à revenu élevé en raison de la mobilité des personnes et des capitaux dans le monde entier. Deuxièmement, si nous voulons créer des emplois et attirer des entreprises, il ne faut pas oublier qu'il règne à l'échelle internationale une concurrence féroce sur le plan des taux d'imposition, des réformes fiscales et de la structure fiscale.

Ce que je préconise, c'est de mettre d'avantage l'accent sur le financement de programme sociaux novateurs—les initiatives inspirées des travaux du professeur Mustard. On pourrait revoir certaines de ses études sur l'intervention précoce auprès des enfants et relancer des programmes comme «Bon départ». On pourrait constater le rendement sur nos investissements. Vous savez, un dollar investi dans les trois premières années de la vie d'un enfant rapporte à la société sept dollars. Je pense que cela vaut jusqu'à l'âge de 25 ans. C'est vraiment quelque chose!

Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient-ils coopérer pour mettre au point une stratégie nationale en vue d'intervenir au cours des trois premières années de la vie d'un enfant? C'est le seul créneau qui, sur le plan de l'éducation, est complètement négligé par la politique gouvernementale. Or, ce sont les années les plus importantes, en ce sens que c'est au cours de ces années que l'enfant acquiert ses compétences cognitives et sa faculté d'adaptation. C'est un créneau dont il n'est jamais question. Nous parlons constamment de l'enseignement primaire secondaire et post-secondaire, mais jamais du niveau préscolaire. J'aimerais avoir votre rétroaction sur cette question précise.

• 1120

Mme Pauline Raven: Je ne pense pas qu'il faille faire un choix. À mon avis, il n'est pas nécessaire que les sociétés soient imposées au point de s'estimer forcées de quitter notre beau pays pour le Mexique, où elles peuvent exploiter les travailleurs à leur guise. Mais je pense qu'il est bon qu'elles assument leur juste part du fardeau fiscal, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Pour ce qui est de...

Le président: Excusez-moi. Vous fondez cette part de responsabilité sur les sommes que les particuliers et les sociétés versent en impôt à Revenu Canada. Avez-vous fait une étude par habitant? Si l'on remonte aux années 60, il va de soi que par habitant, le nombre de cotisants était différent. Je me demande ce que le calcul par habitant révélerait. Avez-vous effectué ce genre de calcul?

Mme Pauline Raven: Non. Je ne prétends certes pas être une économiste qui connaît par coeur tous ces indicateurs. J'ai choisi ceux qui pouvaient être compris par une simple citoyenne comme moi. Il se peut qu'il y ait un malentendu au sujet de l'interprétation que nous en faisons.

M. Scott Brison: Monsieur le président, je m'interpose car vous venez de me voler une de mes minutes.

Le président: Je pense que c'était 30 secondes. Vous arrondissez toujours.

M. Scott Brison: En réalité, si l'on veut parler de l'impôt des sociétés, le Canada est, parmi les pays du Groupe des Sept, celui où l'impôt des sociétés est l'un des plus élevé, de sorte que notre marge de manoeuvre à cet égard est réduite. Mais pour en revenir au problème, ce sur quoi nous pouvons nous entendre, c'est la notion des transferts et d'un meilleur programme fédéral-provincial. C'est là-dessus que j'aimerais que vous mettiez l'accent.

Mme Pauline Raven: Nous convenons d'être en désaccord sur ce qui constitue un niveau d'imposition adéquat et...

M. Scott Brison: Vous allez passer plus de temps... [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Pauline Raven: Et nous allons consacrer plus de temps à ce sujet à Wolfville.

Nous avons affirmé qu'il est nécessaire que l'État dépense d'avantage dans le domaine de la santé et des programmes sociaux ainsi que pour les organisations communautaires, où notre argent est dépensé à bon escient. Encore une fois, c'est ce dividende supplémentaire que l'on investit dans un domaine qui aura une incidence à long terme. D'ailleurs, cela permet de réduire les dépenses consacrées à d'autres types de service de nature corrective plutôt que préventive. C'est donc une très bonne chose.

On a fait beaucoup de promesses aux enfants lorsqu'on a lancé ce genre de programmes sociaux. Il faut maintenant aller de l'avant. D'ailleurs, le Plan d'action national en faveur des enfants de vendredi dernier ajoute encore à ces promesses. Je pense qu'un comité comme le vôtre peut proposer des solutions pratiques de façon à concrétiser ces promesses. Nous espérons en fait qu'en l'an 2000 ou 2001, de nombreux volets de notre politique viseront à réaliser ces promesses.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Je suppose que c'est la raison pour laquelle partout où nous parlons de politique fiscale, on a ajouté le thème social. Nous tentons de respecter le thème fiscal de l'étude du comité, mais il faut reconnaître que cet enjeu est également de nature sociale.

M. Scott Brison: J'ai une brève question au sujet de la prestation fiscale pour enfants et du fait que, si j'ai bien compris, huit provinces sur dix la récupèrent. Quelqu'un nous a dit ce matin que c'était sept provinces sur dix. Mais en Nouvelle-Écosse, le gouvernement provincial, qui prélève cet argent, est censé l'investir dans des programmes provinciaux destinés aux enfants. Quels sont les programmes en question en Nouvelle-écosse? Dans quelle mesure le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a-t-il augmenté sa prestation de services aux enfants?

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous parler d'un de ces programmes.

Le président: Ne soyez pas trop longue, je vous prie.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Pas du tout.

Il s'agit d'une initiative à quatre volets qui vise à augmenter les places de garderies subventionnées, à multiplier le nombre d'initiatives en vue de favoriser des enfants en santé, à promouvoir l'intervention précoce et à assurer des services de garderies familiales en milieu rural. Permettez-moi de dire quelques mots au sujet des services de garde en milieu rural.

Une disposition du dernier budget visait à créer 70 places de garderies familiales subventionnées, et ces 70 places devaient être divisées également—un groupe de travail a été créé pour ce faire—entre les quatre différentes régions. Par conséquent, certaines de ces places ont été allouées. Au bout du compte, une fois le travail du groupe terminé, une fois venu le moment de la mise en oeuvre, ces 70 places subventionnées n'étaient même plus dans les livres. Ce qui y figurait, c'était plutôt un programme de référence et de ressources en services de garde et, à titre d'organisation, nous avons été pressentis pour l'implanter dans le nord du comté Victoria, sur l'île du Cap-Breton. Or, il n'y a pas de services de garde que l'on peut recenser ou auxquels on peut référer les gens. Il n'y a pas une seule place subventionnée, il n'y a pas une seule garderie dans tout le comté.

• 1125

Au mieux, ce que nous pourrions faire, c'est créer un registre communautaire qui donnerait la liste des fournisseurs de services, que les habitants des petites collectivités connaissent déjà, et communiquer cela à des personnes qui viendraient de l'extérieur et qui ne seraient pas au courant. Ainsi, cela permettrait un échange informel d'information: Sally, à un bout de la rue, est disposée à s'occuper de deux enfants et Johnnie, à l'autre bout, a besoin de faire garder ses deux enfants. Par conséquent, ils peuvent s'entendre. Mais il n'y a pas de subventions.

M. Scott Brison: Autrement, l'argent que le gouvernement avait réservé pour les enfants...

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: À l'échelle provinciale. C'est la Prestation nationale pour enfants.

M. Scott Brison: ...engraisse la bureaucratie provinciale.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Tout à fait.

Le président: Merci beaucoup. Je commence à comprendre qu'il est illusoire d'espérer une question brève ou une réponse brève.

Monsieur Szabo, vous avez quatre minutes à peine.

M. Paul Szabo: Je vous remercie tous les deux d'être venus. Je sais où vous logez.

À la page 2 de votre rapport, vous dites qu'un revenu annuel de 5 000 $ serait imposé au même taux qu'un revenu de 59 180 $. Pouvez-vous m'aider un petit peu à comprendre? C'est le premier point au milieu de la page.

Mme Pauline Raven: Nous croyons savoir que l'on a fait passer de dix à trois les tranches d'imposition, avec un plafond d'environ 59 180 $ pour la troisième tranche, qui est la plus élevée.

M. Paul Szabo: D'accord, mais d'où vient le 5 000 $?

M. Paul Forseth: C'est 5 millions.

M. Paul Szabo: Oh! le «M» veut dire «million». D'accord. Je ne m'y retrouvais plus.

M. Paul Forseth: Vous travaillez trop fort.

M. Paul Szabo: Oui. En fait, 12 p. 100 seulement de tous les Canadiens gagnent plus de 50 000 $ par an et ce qui est intéressant, c'est qu'ils paient 42 p. 100 de tous les impôts sur le revenu au Canada. Et ce qui est doublement intéressant, c'est qu'ils contribuent 37 p. 100 de tous les dons de charité. Je soupçonne que si l'on augmente le fardeau fiscal des personnes qui gagnent plus de 50 000 $ par an, elles devront faire des choix et elles pourraient décider d'être moins généreuses à l'égard des entreprises de bienfaisance, et probablement d'organisations comme la vôtre.

Mme Pauline Raven: Oui.

M. Paul Szabo: Je me demande toujours comment les gens arrivent à concilier leur droit de progresser dans leur carrière avec leurs responsabilités sociales. J'ai l'impression que la plupart des organismes au Canada qui comptent sur les dons de bienfaisance s'attendant à ce que les salariés à revenu élevé les soutiennent. Je trouve cela intéressant.

Mais vous êtes ici parce que vous vous préoccupez du sort des enfants, et c'est ce qui est important. Est-ce que la politique que nous allons élaborer dans ce domaine devrait, selon vous, être axée sur l'enfant ou sur autre chose?

Mme Pauline Raven: Je trouve intéressant le fait qu'on distingue les enfants des familles. Les parents doivent eux aussi se sentir protégés et épaulés au sein de la société canadienne afin de pouvoir mieux répondre aux besoins de leurs enfants à l'intérieur du cadre de la famille. Donc, que la politique soit axée sur l'enfant, la famille ou les parents, c'est la même chose.

M. Paul Szabo: Le problème, comme on nous l'a déjà expliqué, c'est que si les deux parents travaillent, ils peuvent demander une déduction pour frais de garde d'enfant allant jusqu'à 7 000 $ pour un enfant d'âge préscolaire, et jusqu'à 4 000 $ pour un enfant d'âge scolaire. Toutefois, le parent qui choisit de rester à la maison pour s'occuper personnellement des enfants n'a pas droit, lui, à une prestation, équivalente ou autre, qui tiendrait compte de sa contribution. Est-ce que ce parent, dans ce cas-ci, est victime d'iniquité ou de discrimination?

• 1130

Mme Pauline Raven: Je pense que nous allons pouvoir régler le problème avec cette politique, car ce qu'elle dit, essentiellement, c'est que les familles peuvent choisir d'avoir soit deux revenus, soit un revenu. Peu importe leur choix, elles auront toujours accès à un revenu adéquat, peut-être pas tellement élevé, qui leur permettra de répondre aux besoins de leurs enfants. Donc, à mon avis, ce revenu de référence, axé sur la configuration de la famille, permettra de régler le problème, qu'il y ait un ou deux revenus.

Concernant le revenu de référence de 40 000 $ pour une famille de quatre, un grand nombre de familles canadiennes, la famille moyenne de quatre personnes, auraient un revenu supérieur à cela. Ce mémoire fait donc ressortir la nécessité de répondre aux besoins des familles à revenu faible et moyen afin que les enfants de celles-ci reçoivent une bonne éducation.

M. Paul Szabo: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous dites qu'il faut imposer la famille et non l'individu. Une famille sur six au Canada est une famille monoparentale. De nombreuses personnes utilisent l'expression parents célibataires ou mères célibataires pour les décrire, sauf qu'ils ne sont pas célibataires, mais seuls. Les célibataires sont des gens qui n'ont jamais été mariés. Quoi qu'il en soit, une famille canadienne sur six ne compte qu'un seul revenu. Si l'unité de base pour l'imposition du revenu était la famille et que le revenu était fractionné ou partagé entre les deux parents, le fardeau fiscal entre... Il serait moins élevé dans le cas d'une famille à deux revenus, mais il ne changerait rien à la situation d'une famille à revenu unique qui est en fait une famille monoparentale. Quelle est votre opinion là-dessus?

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Ce que nous envisageons comme revenu de référence pour que les enfants aient droit à une bonne éducation est un minimum. Pour une famille de quatre, qui pourrait très bien être constituée d'un parent seul avec trois enfants, un revenu de 40 000 $ serait considéré comme un minimum. Donc, si, par exemple, ce parent travaillait et gagnait 30 000 $, il faudrait majorer le RNPE de 10 000 $ pour que son salaire atteigne le seuil établi. Nous avons examiné le RNPE et nous avons constaté que, si on élargissait une partie de l'assiette fiscale, on pourrait augmenter le revenu de cette personne par l'entremise du RNPE pour le porter à 40 000 $.

M. Paul Szabo: D'accord.

J'ai fait quelques recherches là-dessus et on aurait dit au comité permanent de la Chambre des communes que 40 p. 100 des personnes vivant sous le SFR sont propriétaires de leur maison et que la moitié d'entre elles n'ont pas d'hypothèque. Le saviez-vous? Le SFR n'englobe pas seulement les vêtements, le gîte et le couvert. Il englobe les ménages qui consacrent au moins 50 p. 100 de leur revenu disponible aux vêtements, au gîte et au couvert.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Le SFR pour un parent seul qui a un enfant et qui vit dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse est d'environ 15 000 $. Si cette famille reçoit des prestations d'aide sociale ou familiales, son revenu sera de 4 000 $ inférieur au SFR.

M. Paul Szabo: Vous avez tout à fait raison.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Ce sont donc ces personnes que nous visons et avec lesquelles nous travaillons.

M. Paul Szabo: La province doit absolument augmenter ses taux de prestation d'aide sociale.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Au nom des membres du comité, je vous remercie toutes les deux, Mmes Raven et LaTulippe-Rochon, pour vos exposés. Vous avez simplifié un peu notre tâche, même si ce dossier demeure très complexe, comme vous pouvez le constater. Merci beaucoup.

Mme Pauline Raven: Merci.

Mme Joanna LaTulippe-Rochon: Merci.

• 1135

Le président: C'est avec plaisir que j'accueille maintenant, du Réseau anti-pauvreté d'Halifax, M. Tay Landry et Mme Susan Le Forte. Nous accueillons également Mme Mary Boyd, travailleuse sociale que vous connaissez bien, qui va témoigner à titre personnel.

Je vous demanderais de vous en tenir à un exposé de cinq à dix minutes pour que les membres du comité aient le temps de vous poser des questions. Je vous invite donc à vous asseoir pour que nous puissions commencer. Comme les membres du comité sont déjà dans la salle, je suis certain, Mary, qu'ils vont entendre chaque mot que vous allez prononcer.

Vous pouvez donc commencer, madame Boyd.

Mme Mary Boyd (témoignage à titre personnel): Très bien. Je m'appelle Mary Boyd, comme vous l'avez dit, et je suis originaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Je représente le P.E.I. Action Canada Network et le MacKillop Centre for Social Justice. Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous parler de l'incidence du régime fiscal et du système de transferts sur les familles ayant des enfants à charge.

Le Parti réformiste soutient que le régime fiscal n'est pas neutre parce que les familles à double revenu peuvent déduire les frais de garde d'enfants, alors que les familles à revenu unique, elles, n'ont droit à aucun avantage fiscal équivalent si elles s'occupent de leurs enfants. Cela défavorise, semble-t-il, les femmes qui restent à la maison à plein temps. En fait, la déduction fiscale pour les frais de garde favorise les femmes qui choisissent de rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants, mais défavorise celles qui travaillent et qui versent des frais de garde. Les gens versent de l'impôt s'ils travaillent à l'extérieur, mais pas s'ils restent au foyer. Autrement dit, le régime fiscal encourage les gens à travailler à domicile, pas à l'extérieur.

La seule façon dont le régime fiscal peut être neutre, et permettre à une personne de choisir de travailler à domicile ou à l'extérieur, selon ses préférences, c'est s'il permet à la personne de déduire les frais de garde si elle décide de travailler à l'extérieur du foyer. La déduction pour frais de garde d'enfants a vise, du moins en partie, à corriger la Loi de l'impôt sur le revenu qui défavorise les personnes qui travaillent afin de payer les services de garde, par opposition à celles qui fournissent les services elles-mêmes. La valeur des soins donnés aux enfants n'est pas imposée quand le contribuable fournit lui-même le service. Or, pour avoir un système neutre, il ne faudrait pas que les revenus qui s'avèrent nécessaires pour payer quelqu'un pour faire le même travail soient soumis à l'impôt.

Le régime fiscal favorise ceux qui font le travail eux-mêmes, et c'est pourquoi nous choisissons de fournir nous-mêmes bon nombre des services. La Loi de l'impôt sur le revenu, du fait qu'elle permet aux personnes qui travaillent à l'extérieur du foyer de déduire les frais de garde, cherche à être neutre. Toutefois, l'élimination de la déduction n'entraîne pas la disparition des nombreux désavantages fiscaux que subissent les personnes qui travaillent à l'extérieur du foyer. Le revenu demeure toujours soumis à l'impôt. La personne qui travaille à l'extérieur du foyer engage de nombreuses dépenses que n'a pas la personne qui reste au foyer. En fait, les frais de garde accaparent une bonne part du revenu des personnes qui travaillent à l'extérieur du foyer, et la déduction ne couvre qu'une partie de ceux-ci.

Les conjoints qui travaillent tous les deux à l'extérieur du foyer n'ont pas droit au crédit pour conjoint, qui est d'environ 1 500 $ en plus d'être non imposable. Comme, dans leur cas, la valeur des services qu'ils rendent à l'extérieur du foyer se traduit par des paiements en espèces, ils risquent de perdre une partie des prestations fondées sur le revenu, comme la prestation pour enfants et le crédit pour TPS. Par ailleurs, les conjoints, quand ils travaillent à l'extérieur du foyer, doivent sans doute payer tous les deux de l'impôt sur certains avantages sociaux, comme les régimes privés d'assurance-maladie, avantages qui s'étendraient à l'ensemble de la famille si seulement un des conjoints travaillait. Les parents qui travaillent en dehors du foyer engagent également des dépenses—transport, vêtements, repas, ainsi de suite—qui ne sont pas déductibles. Tout cela coûte très cher, de sorte qu'ils doivent faire beaucoup de sacrifices.

• 1140

Toutes choses étant égales par ailleurs, le régime fiscal va exercer d'énormes pressions sur les personnes pour qui le fait de travailler à l'extérieur du foyer importe peu, et ce, afin de les inciter à rester à la maison. En fait, le régime défavorise les personnes qui travaillent à l'extérieur du foyer.

Le Parti réformiste veut éliminer la déduction pour frais de garde d'enfants. Hors, nous avons besoin d'un crédit fiscal pour tous les enfants, et nous devrions essayer de traiter les hommes et les femmes également, qu'ils choisissent de rester au foyer pour s'occuper des enfants ou de travailler à l'extérieur.

En outre, le Parti réformiste propose que les Canadiens adoptent un régime fiscal dont l'unité de base pour l'imposition serait la famille. Les partisans de ce système proposent même que les conjoints mettent leur revenu en commun et qu'ils le fractionnent ensuite aux fins d'impôt. Le conjoint qui touche un revenu moins élevé serait soumis à un taux marginal d'imposition plus élevé, en fonction du revenu de l'autre conjoint. Par exemple, si un conjoint gagne 20 000 $ et l'autre, 35 000 $, celui qui touche 20 000 $ sera soumis à un taux d'imposition beaucoup plus élevé, et cela ne l'encouragera pas à travailler à l'extérieur du foyer.

Le Parti réformiste soutient que le régime fiscal est injuste puisque les familles à double revenu paient moins d'impôt que les familles à revenu unique même si le revenu familial est le même. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, une famille qui compte un salarié à revenu élevé paie plus d'impôts que deux salariés qui gagnent le même revenu. On soutient que cela n'est pas juste, mais on a tort. Le régime fiscal est progressif, et l'unité de base pour l'imposition est l'individu, et non la famille. Il traite les hommes et les femmes également.

Le fait d'axer le régime fiscal sur les revenus de l'individu et non de la famille repose sur des principes moraux généralement reconnus selon lesquels le régime fiscal devrait exercer le moins d'influence possible sur la décision de travailler à l'intérieur ou à l'extérieur du foyer, ou de créer une famille. Un régime fiscal axé sur l'individu respecte l'autonomie de chacun. Il démontre également que la répartition du revenu résultant des forces du marché n'est pas socialement acceptable et que les revenus de chaque individu devraient être assujettis à un impôt et à des taux d'imposition progressifs.

Si on adoptait un régime dont l'unité de base pour l'imposition était la famille, qui en bénéficierait? Les hommes qui gagnent des revenus supérieurs. Il défavoriserait les femmes, qui ne représentent que 20 p. 100 des contribuables qui gagnent plus de 100 000 $. Il y aurait sans doute peu de femmes qui tireraient parti du fractionnement du revenu. En vertu du régime fiscal actuel, une personne qui gagne 100 000 $ recevrait un allégement fiscal d'environ 10 000 $ si elle fractionnait son revenu avec le conjoint sans salaire. La famille à revenu unique qui touche 30 000 $ et qui ne paie aucun impôt en vertu du régime actuel ne tirerait aucun bienfait d'un régime fiscal dont l'unité de base serait la famille. Ce sont les nantis qui en bénéficieraient.

Le régime fiscal qui aurait comme unité de base la famille n'apporterait rien aux 1,1 million de familles monoparentales qui sont, pour la plupart, dirigées par des femmes et qui vivent dans la pauvreté. Elles n'en tireraient aucun avantage.

De plus, le fait d'utiliser la famille comme unité de base ne ferait que compliquer les choses, car il faudrait d'abord définir l'unité familiale. Il serait aussi très difficile pour Revenu Canada de réglementer un tel régime. Ceux qui prônent l'élimination de la déduction des frais de garde pour enfants et l'adoption d'un régime dont l'unité de base pour l'imposition serait la famille ne souhaitent pas avoir un régime fiscal neutre axé sur la capacité de payer, puisque c'est ce qui nous permet d'avoir un système qui est juste—si on peut encore le qualifier de juste.

L'égalité des sexes suppose que les hommes et les femmes sont tout aussi bien protégés les uns que les autres contre la pauvreté et l'exploitation, qu'ils peuvent participer à part entière à toutes les facettes de la vie sociale, politique et économique, qu'ils ont autant de temps de loisir et sont traités avec respect. Pour qu'il en soit ainsi, les soins à prodiguer et le travail rémunéré doivent être entièrement partagés entre les hommes et les femmes. Si le régime fiscal favorise les parents qui restent à la maison dans le contexte social et économique actuel, les femmes risquent fort d'être confinées à un travail plus difficile, précaire, non rémunéré et qui leur laisse peu de temps libre.

• 1145

Ce qu'il faut, ce sont des mesures publiques plus généreuses à l'égard des enfants. Il faut investir l'argent que nous avons en surplus—et nous en avons—dans un programme national de garderie, ainsi que dans l'éducation de la petite enfance et les écoles maternelles, les soins médicaux et dentaires et des installations pour l'éducation des enfants en difficulté. Qu'on donne à tout le monde une prestation fiscale. Que les services de garderie soient intégrés au système d'éducation, comme c'est le cas en France. Qu'on offre des services publics pour que l'aide dispensée aux enfants ne soit pas liée à celle des parents qui sont parfois trop pauvres pour s'occuper de leurs enfants.

Il faut adopter des politiques qui aident les femmes à travailler à l'extérieur du foyer, et nous ne devrions pas associer le travail domestique à la femme. Ce travail est l'affaire autant des hommes que des femmes.

La société a aussi l'obligation d'apporter son soutien aux enfants. Nous avons privatisé l'aide aux enfants, mais c'est une obligation publique. Essayer de ramener les femmes à la maison... c'est ce que cette recommandation propose. C'est faire de la sociologie appliquée et prétendre que la place de la femme est au foyer et que la femme doit retourner à la maison.

La réforme empêche les pouvoirs publics et l'employeur de fournir l'aide nécessaire pour accroître les choix des familles qui travaillent. On utilise le système pour domestiquer les femmes, et je veux dire par là pour renforcer le stéréotype selon lequel la place de la femme est au foyer.

Je pourrais continuer encore longtemps, mais je pense que j'ai probablement écoulé mes dix minutes.

Le président: Mais je suis sûr que M. Forseth aura assez de temps pour vous poser des questions.

Qui va prendre la parole au nom de votre organisme?

M. Tay Landry (membre, Réseau anti-pauvreté d'Halifax): Nous allons tous les deux faire une déclaration.

Le président: De cinq à dix minutes?

M. Tay Landry: Oui.

Le président: Merci.

M. Tay Landry: Je m'appelle Tay Landry. Je représente le Réseau anti-pauvreté, mais je m'adresse à vous aussi en tant que sociologue et, surtout, en tant que parent célibataire. Je ne me considère pas comme un parent seul.

Comme parent, j'ai connu trois situations différentes, la famille biparentale à deux revenus, la famille biparentale à un seul revenu, et je suis maintenant le père célibataire de quatre enfants. J'ai donc connu...

Le président: Simplement pour l'information de M. Szabo, aviez-vous déjà été marié?

M. Tay Landry: Oui, je me suis marié.

Le président: Bien.

M. Tay Landry: Mais je ne me considère pas comme un parent seul.

M. Paul Szabo: Quelle case cochez-vous sur votre déclaration d'impôt?

M. Tay Landry: Ma déclaration d'impôt?

M. Paul Szabo: Célibataire, marié, conjoint de fait, divorcé, veuf—quelle case cochez-vous?

M. Tay Landry: Je coche la case célibataire.

Le président: C'est un parent célibataire, Paul.

Cela fait l'objet d'une discussion entre nous.

M. Paul Szabo: Je ne veux pas cataloguer les mères célibataires en...

Le président: Vous serez en mesure de vous expliquer plus tard.

M. Tay Landry: C'est porter un jugement pour moi que d'utiliser l'expression «parent célibataire» seulement pour les mères ou les pères non mariés, et parent seul pour tous les autres. Je crois que nous sommes tous des parents célibataires parce que nous élevons nos enfants par nous-mêmes; nous sommes donc célibataires.

M. Paul Szabo: C'est une famille monoparentale.

M. Tay Landry: Oui, c'est la même chose.

M. Paul Szabo: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Tay Landry: Oui c'est vraiment trop simple.

Je vais vous parler d'une fiscalité équitable, qui tient compte des différences de qualité de vie et de l'accès aux programmes.

Notre régime fiscal offre des avantages fiscaux particuliers aux personnes défavorisées sur le plan social ou culturel, comme les personnes ayant un handicap et celles qui vivent dans les régions du nord; il permet aussi aux familles monoparentales de demander l'équivalent de l'exemption de marié. J'estime que ce sont des mesures toutes très importantes et très valables de notre régime fiscal.

La déduction pour frais de garde d'enfants, dont on parle beaucoup, est aussi très importante. C'est un montant que les familles dont les deux conjoints travaillent peuvent réclamer. Je comprends qu'on peut considérer que le régime fiscal est désavantageux dans ce cas si un parent décide de rester à la maison. C'est aussi désavantageux pour les familles monoparentales, compte tenu de la façon dont ces familles fonctionnent.

• 1150

Comme chef de famille monoparentale, je travaille durant la journée, et je remplis donc le rôle du conjoint qui travaille dans un couple marié. Quand je rentre à la maison le soir, je prends le rôle du conjoint qui reste à la maison. Je ne me couche pas avant minuit pour faire la lessive, la vaisselle ou le ménage. Je n'ai pas le choix comme les familles biparentales dont un des deux conjoints peut travailler et l'autre rester à la maison, ou dont les deux conjoints peuvent travailler et faire garder les enfants et, à leur retour à la maison le soir, partager les tâches ménagères et leur rôle de parent. Je dois remplir les deux rôles.

Je considère l'équivalent de l'exemption de marié comme une mesure utile. Comme parent célibataire, je n'ai pas droit à la déduction pour soins de garde. J'aimerais bien, ce qui serait avantageux pour tout le monde, qu'on prévoit une déduction comparable à l'équivalent de l'exemption de marié pour les soins de garde. Ainsi, comme les couples mariés qui décident qu'un des deux conjoints va rester à la maison pour élever les enfants peuvent profiter de cette déduction, les parents célibataires y auraient aussi droit, eux qui ne peuvent que choisir entre rester à la maison pour s'occuper des enfants et travailler. Cette exemption serait bien sûr axée sur le revenu. Ce serait pour moi une solution pratique.

La meilleure solution serait un programme national de garderie, qui serait gratuit bien sûr, et des prestations d'aide sociale suffisantes. Les programmes Bon départ et d'autres programmes destinés aux jeunes enfants, dont on parle, sont très importants, mais ils n'ont pas souvent les effets escomptés parce que les enfants ont faim. Les jeunes enfants qui ne mangent pas à leur faim ont du mal à apprendre. Donc, ces programmes ne sont pas très utiles s'il n'y a pas suffisamment à manger.

Je pense que je vais m'arrêter ici pour ne pas dépasser cinq minutes.

Mme Susan Le Forte (membre, Réseau anti-pauvreté d'Halifax): On veut que la prestation fiscale permette à tous les enfants d'avoir le même accès aux ressources. Mais, en fait, ce n'est pas tout à fait vrai. On constate en effet que cette prestation est utilisée de façon très différente par une famille à faible revenu et une famille à revenu moyen ou élevé.

Dans une famille à faible revenu, une famille qui reçoit de l'aide sociale, la prestation fiscale pour enfants sert à payer les nécessités de la vie. Peut-on vraiment dire que c'est un avantage? D'ailleurs, elle est considérée comme un revenu gagné par le ministère des Services communautaires, et elle est déduite intégralement des chèques d'aide sociale. Est-elle donc vraiment avantageuse pour les familles à faible revenu?

Vous dites que c'est merveilleux d'offrir la même chose à tout le monde, mais est-ce vraiment le cas? Est-ce vraiment juste? Est-ce que tous les enfants sont sur le même pied d'égalité quand vous versez d'une main des prestations aux gens les moins susceptibles de réussir à subvenir aux besoins de leur famille pour les leur retirer de l'autre?

Je suis donc préoccupée, comme je l'ai dit maintes et maintes fois, par le régime national de prestations pour enfants, par sa structure et ses objectifs. On ne m'a jamais bien expliqué pourquoi on a ainsi conçu le régime, de façon à ce que les fonds fédéraux qui sont versés aux bénéficiaires de l'aide sociale soient considérés comme un revenu, parce qu'on le leur enlève intégralement de leur chèque. La prestation n'est par conséquent pas avantageuse pour les familles à faible revenu.

Pour ce qui est des programmes, beaucoup de gens n'y ont pas accès. En fait, vous dites qu'on ne peut pas se fier aux familles à faible revenu, qui vivent de l'aide sociale, pour qu'elles gèrent elles-mêmes ces prestations dans l'intérêt de leurs enfants, et vous cataloguez les gens qui vivent dans la pauvreté. En réinvestissant cet argent dans les programmes sociaux, vous faites financer ces programmes par les assistés sociaux, ceux qui sont les moins en mesure de subvenir aux besoins de leur famille en raison de leur situation personnelle. C'est vraiment malheureux.

Vous voulez accorder une prestation à tout le monde pour que tous les enfants soient sur le même pied d'égalité. Est-ce vraiment ce que vous voulez? Une personne qui vit de l'aide sociale et touche 1 000 $ par mois, peut recevoir une prestation fiscale pour enfants de 300 $, ce qui représente une somme importante de son revenu mensuel. Quelle importance la même prestation a-t-elle pour une personne qui a un revenu de 4 000 $ par mois?

• 1155

C'est donc très inquiétant, et je pense qu'il faut réexaminer cette mesure. Je suis préoccupée par le fait que les fonds fédéraux sont maintenant à la disposition des gouvernements provinciaux, puisque la prestation fiscale pour enfants du gouvernement fédéral est récupérée par la province, ce qui n'avait encore jamais été le cas. Je suis donc préoccupée par le fait que le gouvernement provincial calcule cette maigre prestation, qui sert à améliorer la qualité de vie des gens à faible revenu, dans le revenu gagné pour pouvoir réduire les prestations versées aux assistés sociaux.

Quand vous voulez que la prestation soit égale pour tous ceux qui ont des enfants, ce n'est pas une mesure équitable, parce que si les gens qui ont un revenu moyen et un revenu élevé peuvent se servir de cet argent pour améliorer la qualité de vie de leurs enfants, comme les petits salariés peuvent aussi le faire, ce n'est pas le cas des assistés sociaux.

C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Collègues, comme nous allons empiéter sur notre prochaine séance et notre heure de lunch, je vous demanderais d'être brefs. Nous allons accorder des tours de cinq minutes de façon à déborder seulement de 15 minutes sur notre heure de lunch. Si nous prenons plus de temps, nous allons l'écourter davantage.

Monsieur Forseth, vous avez cinq minutes.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Je voulais répondre brièvement à Mary Boyd...

Le président: Quelle surprise!

M. Paul Forseth: Surprenant, n'est-ce-pas? Normalement...

Le président: Si vous arrivez à la convaincre, elle va voter pour le Parti réformiste aux prochaines élections.

M. Paul Forseth: Peut-être bien.

Il arrive souvent, dans un débat, qu'on avance un argument sans fondement pour le réfuter et faire valoir son point de vue. J'ai une ou deux observations à faire.

Premièrement, la Parti réformiste n'a pas recommandé l'élimination de la déduction pour frais de garde d'enfants.

Deuxièmement, le fractionnement du revenu est seulement un élément dont beaucoup de témoins nous ont parlé. Nous sommes tout à fait conscients que cette mesure peut régler une partie du problème pour certaines personnes mais, comme vous le dites, qu'elle n'avantage sûrement pas les gens à faible revenu. Le fractionnement du revenu tient surtout compte des trois taux d'imposition progressifs et ce n'est pas tout le monde qui serait avantagé par cette mesure, selon la formule retenue. Donc, l'utilité de cette mesure est évidemment très limitée et ce n'est qu'une solution parmi tant d'autres. Mais ce n'est pas une mesure préconisée par le Parti réformiste. Donc les deux intentions que vous nous prêtez sont fausses.

L'une des autres choses que vous avez dites, assez péjorativement, c'est que nous essayons de ramener les femmes au foyer, de domestiquer les femmes et ainsi de suite. Ce n'est absolument pas le cas. Mais vous devez comprendre que ce comité a été mis sur pied, je crois, en raison du très fort sentiment qui règne au sein de la collectivité—et les données recueillies par sondage le confirme—en ce qui a trait à certaine injustice apparente. Beaucoup de Canadiens disent ce qu'ils veulent par opposition à ce qu'ils voient et considèrent ensuite la différence entre les deux, ce qui fait naître le désir d'un changement à ce qu'ils disent être une plus grande équité ou une plus grande justice.

• 1200

Lorsque des gens témoignent devant notre comité, nous voulons qu'ils nous disent comment nous pouvons apaiser ce sentiment d'injustice et mieux appuyer nos enfants pour qu'ils puissent se réaliser pleinement.

Comme nous le savons tous, notre régime fiscal est très complexe. Beaucoup de témoins sont venus nous dire comment peut-être nous en libérer. Mais je suis sensible aux observations que vous avez faites relativement à certains des autres programmes sociaux, du fait qu'on ne peut peut-être pas tout faire en marge du régime fiscal, à partir d'un meilleur appui à l'éducation et d'autres programmes. Des problèmes se posent en ce qui concerne entre autres l'AE et le Régime de pensions du Canada. Des témoins nous ont parlé des obstacles à l'emploi et à la formation, du fonctionnement de l'assistance sociale, des dispositions de récupération et ainsi de suite, ce qui est très décourageant. Ce n'est qu'une petite partie des nombreuses autres choses dont il faut nous occuper.

Je voulais simplement vous assurer que le Parti réformiste essaie d'être à l'écoute de la collectivité. Nous reflétons les points de vue des gens plutôt que de partir de l'idée qu'une chose est meilleure qu'une autre. Diverses personnes qui ont comparu devant notre comité ont glissé sur cette pente et ont commencé à défendre une idéologie. Je crois que nous ne tenons pas compte de ces choses. Nous essaierons de pondérer les divers témoignages afin d'essayer de nous centrer le plus possible sur l'enfant.

Je pense que vous défendez très éloquemment les enfants. Je voulais simplement vous rassurer et vous dire que personne ne se sentira jamais à l'aise, dans un sens péjoratif, avec des expressions comme «ramener les femmes au foyer».

Le président: Merci, monsieur Forseth. Vous n'avez pas laissé le temps à nos invités de répondre, mais je vais leur accorder un peu de temps. Mary, je suppose que vous voulez parler en premier.

Mme Mary Boyd: Très brièvement.

Vous avez donné cette impression et c'est beaucoup plus que de créer un homme de paille et de crier ensuite victoire. Lorsque vous examinez les chiffres et les analyses, il ressort très clairement que c'est ce genre de suggestion, si c'est ce que c'est—j'ai pensé que c'était plus fort que ce que j'avais lu au sujet de ce qui s'est passé à la Chambre des communes et de la raison pour laquelle ce comité devait se déplacer et consulter les Canadiens. Certes, ce régime, s'il était adopté, favoriserait les riches et non les gens qui tirent le diable par la queue avec leur maigre salaire et triment très dur, On parle là de la majorité des Canadiens. Je ne sais pas qui envoie des messages de ce genre ni à qui ils sont destinés, mais il ne s'agit pas de la majorité des Canadiens parce que cette majorité est ailleurs dans son combat pour gagner sa vie et pour obtenir justice.

Le président: Merci, madame Le Forte.

Mme Susan Le Forte: J'ai une petite observation à faire. Nous parlons tellement du soin des enfants et de la pauvreté infantile. Cela n'existe pas au Canada. Les enfants ne mènent pas une vie autonome ici et il y très peu d'enfants pauvres itinérants. Ces enfants pauvres vivent dans des familles pauvres. Ainsi, pour régler le problème de la pauvreté infantile comme vous diriez, vous devez prendre en considération l'unité familiale, la pauvreté des familles. Vous ne pouvez vous contenter de dire: nous allons mettre en oeuvre tous ces magnifiques programmes à l'intention de ces enfants pauvres, parce qu'il n'y a pas vraiment de pauvreté infantile au Canada.

Nous aimerions dire, en tant que Canadiens, que nous croyons aux droits de la personne alors que, en fait, je ne crois pas que ce soit le cas. Notre système de valeurs est fondé sur le mérite. Ceux qui sont dignes sont ceux qui obtiennent l'avantage. Si vous croyez aux droits de l'homme fondamentaux, vous croyez alors que tout le monde mérite un certain niveau de vie. En fait, nos programmes sont fondés sur le mérite—qui est digne et qui ne l'est pas. Nous ne croyons donc pas fondamentalement aux droits de la personne.

• 1205

M. Tay Landry: Une toute petite observation au sujet de l'idée de se fier aux résultats des sondages. Les sondages se font habituellement par téléphone. J'ai fait de la recherche pendant quatre ans pour une entreprise de sondage. On se fie vraiment aux résultats. Comme la plupart des personnes à faible revenu et les assistés sociaux n'ont pas le téléphone de sorte, leurs opinions ne comptent donc pas pour beaucoup dans ces données qui proviennent des sondages.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Monsieur Landry, les autres témoins qui ont comparu depuis le début de la semaine n'étaient pas nécessairement dans votre situation. On a eu beaucoup de présentations. Toutefois, un chef de famille monoparentale ayant quatre enfants peut nous apporter quand même une vision quelque peu différente de celle que les autres personnes nous ont présentée.

J'aimerais d'abord avoir vos commentaires sur quelques points qui ont été abordés lors de nos consultations. Vous êtes un homme qui s'occupe de sa famille et qui travaille. Il y a des gens qui nous ont parlé de la situation des personnes qui restent à la maison. Ce sont en majorité des femmes. Certaines personnes souhaitent que le travail non rémunéré des personnes qui restent à la maison soit reconnu d'une façon ou d'une autre.

En tant qu'homme qui s'occupe de sa famille, que pensez-vous de cette demande? Certaines personnes nous ont aussi mentionné qu'il y avait une certaine injustice étant donné qu'un couple marié a le droit de déduire les frais de garde d'enfants, alors qu'un couple dont l'un des conjoints reste à la maison n'a pas le droit de réclamer de frais de garde d'enfants.

Dans votre cas, vous avez probablement accès à des services de garde ou peut-être êtes-vous obligé d'avoir recours à quelqu'un qui vous donne un coup de main pour garder vos enfants. D'après vous, est-ce que, de façon générale, les familles devraient pouvoir réclamer des frais de garde pour leurs enfants, que l'un des conjoints reste à la maison ou non? J'aimerais vous entendre sur ces deux éléments.

[Traduction]

M. Tay Landry: En ce qui concerne la première question, je crois qu'au Canada, en général, le travail à domicile pour tout le monde n'est pas suffisamment reconnu—l'importance d'élever les enfants, que ce soit dans le cas d'un couple de parents qui restent à la maison à plein temps ou d'un chef de famille monoparentale. En fait, en tant que chef de famille monoparentale, je constate que le travail à domicile est très critiqué. Il m'est arrivé de ne pas être embauché ou de perdre un emploi parce que j'étais chef de famille monoparentale, en raison de tout le temps que je dois consacrer aux urgences familiales pour lesquelles je n'ai pas d'autre choix que de m'absenter du travail. En ce qui concerne ma vie sociale, j'ai perdu tous mes amis depuis que je suis chef de famille monoparentale. J'ai perdu mes cheveux. J'ai perdu...

Le président: C'est parce que vous avez des enfants et non pas parce que vous êtes chef de famille monoparentale.

M. Tay Landry: C'est parce que je suis chef de famille monoparentale et parce que... Eh bien! C'est vrai pour tous les chefs de famille monoparentale. Lorsque vous avez un conjoint qui rentre à la maison ou que les deux conjoints travaillent et reviennent à la maison, l'autre conjoint est là lorsque l'un des deux est très stressé ou veut faire quelque chose—suivre un cours, aller au gymnase, etc. Il n'en va pas de même pour un chef de famille monoparentale comme moi. Je ne suis jamais allé nulle part en quatre ans sans qu'un enfant m'accompagne.

• 1210

Je constate donc que toute l'idée d'être un parent, plus particulièrement un chef de famille monoparentale, est vraiment dévaluée dans la société canadienne et le chef de famille monoparentale est en fait très déprécié.

En ce qui concerne votre deuxième question, je me trouve à l'heure actuelle dans une situation où je ne gagne pas suffisamment d'argent pour envoyer les enfants à la garderie. Il est presque impossible d'avoir accès à des services de garde subventionnés. Depuis des années, j'organise mon travail de manière à amener mes enfants à l'école, à me rendre au travail et à revenir à la maison avant leur retour de l'école. Je travaille ensuite le soir à la maison. Mes enfants ne fréquentent pas les garderies; ils vont à l'école. En même temps, je dois assumer mon rôle parental lorsque je suis là, habituellement en faisant mon travail et en ayant à remplir le reste de mon rôle parental. La plupart de mes amis me demandent à quel moment je dors. Je leur réponds simplement que je ne dors pas. Lorsque je suis chanceux, je parviens à dormir trois ou quatre heures par nuit.

Toute l'idée de l'exemption fiscale... Je considère que l'exemption fiscale pour la garde des enfants en particulier, dépendant de la façon dont on envisage la chose, peut être ou non discriminatoire. Elle est discriminatoire dans le sens où tout le monde n'y a pas accès, mais elle ne l'est pas dans le sens où ceux qui n'y ont pas droit disposent d'une solution de rechange, c'est-à-dire qu'un des parents peut rester à la maison. C'est la raison pour laquelle je considère qu'elle n'est pas discriminatoire.

Il en va de même pour l'avantage fiscal consenti aux personnes frappées d'invalidité. Celles qui y ont droit l'obtiennent en raison d'une certaine inégalité: elles sont frappées d'une invalidité. Ainsi, je suis convaincu que si tout le monde au Canada voulait l'obtenir et acceptait d'être atteint d'une invalidité... elles devraient avoir une chance égale d'y accéder.

Le président: Madame Dockrill, s'il vous plaît.

Mme Michelle Dockrill: Pour enchaîner sur une remarque qu'a faite mon collègue M. Forseth, lorsqu'il a parlé des collectivités, je dirais pour commencer qu'à mon avis on peut dire sans crainte, du moins de mon point de vue, Mary, que votre exposé aujourd'hui reprend les thèmes que nous avons entendus à propos de cette question dans cette partie du pays. C'est clairement la position qu'ont adoptée un certain nombre de groupes que nous avons entendus ces derniers jours.

L'un de mes sujets de préoccupation, c'est qu'on nous fait un certain nombre de suggestions pour régler le problème. Alors que j'écoutais les exposés, j'en suis venue à me demander quelle était la question?

Lorsque je consulte le mandat du sous-comité, je vois qu'il a été constitué pour étudier l'équité du système fiscal et du système de transferts canadiens en ce qui concerne les familles avec des enfants à charge. Il importe à mon avis que nous respections ce cadre parce que, comme vous l'avez dit, et comme vous, Tay, vivez l'expérience il y a diverses configurations familiales dans notre pays. Nous ne pouvons pas supposer que toutes ces configurations ont un choix, parce que ce n'est pas le cas. Tay, vous venez de nous dire très éloquemment les raisons pour lesquelles vous n'avez pas beaucoup de choix dans votre situation.

Étant donné toutes ces particularités dont il faut tenir compte, je me demande, Mary, et je m'adresse particulièrement à vous, si vous pourriez me donner votre point de vue sur une solution universelle. Hier, une mère à Toronto a comparu devant nous—et j'en ai reparlé deux fois ce matin parce que j'estime que ce qu'elle a dit était très important. Ce l'était certes pour moi. Elle a dit qu'elle ne connaissait pas les solutions mais qu'elle savait pertinemment que, quelle que soit la solution adoptée elle voulait qu'elle s'applique à tout le monde. Voulez-vous nous donner votre avis là-dessus, Mary?

Mme Mary Boyd: D'après moi les programmes universels sont les plus justes. Prenons comme exemple le régime de santé au Canada où la personne la plus démunie peut aller chez le médecin et obtenir le même traitement que quiconque. C'est d'après moi le genre de programme qui compte.

Nous avions un système d'allocations familiales universel et nous nous rappelons tous dans notre enfance que nos parents attendaient leur chèque d'allocation familiale parce qu'il était si important. Pourquoi tous ces programmes universels ont-ils été supprimés, je l'ignore. Le taux de chômage est élevé...

• 1215

M. Paul Forseth: C'était pour économiser de l'argent.

Le président: Du temps des conservateurs.

Mme Mary Boyd: La solution idéale bien entendu c'est que les gens aient le choix de travailler s'ils le veulent ou s'ils en ont besoin. Dans la plupart des cas où les deux parents travaillent, c'est par nécessité. Ils ont besoin du revenu. La vie est chère ces jours-ci. Voilà pourquoi le chef d'une famille monoparentale a un mal incroyable à joindre les deux bouts parce qu'il est seul pour mener la lutte.

Je suis d'avis que, pourvu qu'il y ait des emplois, il est extrêmement important de faciliter la tâche aux gens qui cherchent du travail et voilà pourquoi un régime universel de garderies est capital. C'est un programme qu'on nous avait promis mais qui ne s'est pas concrétisé. De tous les programmes j'estime que l'on doit s'efforcer de mettre en oeuvre un programme universel de garderies et que ce programme s'intègre dans le système d'éducation je le répète. En France, des bébés de six mois peuvent participer à ces programmes. Nous sommes au bas de la liste, d'après les normes de l'OCDE, en ce qui concerne une foule de ces programmes visant à venir en aide aux parents, qu'ils travaillent ou restent à la maison.

Mais j'estime qu'avec un programme universel on peut toujours récupérer au moyen de l'impôt les montants que touchent les familles dans les tranches de revenu élevé. Si l'on se trouve dans une catégorie de revenus modiques, on devrait pouvoir obtenir la prestation complète, ce qui rend les gens égaux.

Il est vraiment incroyable que les provinces gardent la prestation fiscale pour enfants. C'est du vol. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral n'impose pas certaines conditions à ces subventions pour empêcher les gouvernements provinciaux de se les approprier. Le montant de la prestation fiscale pour enfants devrait être beaucoup plus élevé qu'il ne l'est.

Je recommande donc que l'on adopte un système universel de prestation fiscale pour enfants que tous recevront et qui pourra faire l'objet d'une réimposition, mais en aucune manière les gouvernements provinciaux peuvent-ils s'immiscer dans ce programme ou établir une relation quelconque avec l'assistance sociale.

L'un des problèmes, à mon avis, c'est que le gouvernement fédéral, avec ses multiples compressions, a... Une fois qu'il a réduit le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et qu'il a supprimé le RAPC et tous les autres programmes, il a retiré aux gens le droit d'avoir voix au chapitre et de lutter. Ces compressions ont appauvri les gens et ont appauvri les provinces. Voilà un moyen de reprendre les choses en main. En fait, le gouvernement fédéral a renoncé au moyen qu'il avait d'approuver les normes nationales et nous avons besoin de ces moyens d'action, comme c'est le cas en matière de santé.

Si le gouvernement fédéral n'injecte pas davantage de fonds dans les services de santé et ne s'attribue pas au moins 25 p. 100 de propriété pour notre programme de soins de santé, grâce à ces fonds, il ne disposera pas des moyens d'action nécessaires pour obliger les provinces qui ne participent pas aux programmes et qui prennent toutes ces initiatives, de se conformer aux normes nationales.

Voilà pourquoi un régime universel de garderies et un programme universel de crédit d'impôt pour enfants sont importants, mais il faut également que le gouvernement restaure certains des montants qui ont été supprimés... On se contente simplement de rétablir les montants perdus par circonscription au moyen de réductions dans les paiements d'assurance-emploi, de ce fait, un certain nombre de gens ne sont plus admissibles à l'assurance-emploi même s'ils sont des travailleurs saisonniers... C'étaient d'excellents programmes à caractère universel. Pourquoi ont-ils disparu? Je l'ignore. Mais leur disparition a vraiment nui aux Canadiens.

Le président: Merci, Mary.

Dernière question.

Mme Michelle Dockrill: Une observation et une question. Ce qui se dégage clairement de tout cela, à mon avis, Mary, c'est de savoir si nous allons ou non traiter ces sujets comme concernant les enfants ou les parents, et à mon avis, là encore c'est une question qu'il faut trancher.

En terminant, je tiens à dire, Tay, que je vous félicite de votre engagement envers vos enfants. Je sais que ce n'est pas facile. Je tiens à vous remercier de votre volonté à préserver ce qui sera l'avenir de notre pays. Vous l'avez dit sans ambages aujourd'hui, ce n'est pas chose facile.

• 1220

L'un des objectifs que nous devons nous fixer, en tant que sous-comité, c'est de veiller à ce que la politique gouvernementale désormais vienne en aide à des gens comme vous qui sont vraiment résolus à protéger leurs enfants et l'avenir du pays. Je veux simplement vous remercier.

Le président: Merci, pas de question. Merci.

Monsieur Scott Brison, s'il vous plaît.

M. Scott Brison: Merci beaucoup, mon cher collègue.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre exposé. La question de neutralité dans le régime fiscal—sans encourager ou décourager un type particulier de rôle parental, les familles à revenu simple ou à deux revenus—est importante à mon avis. Je peux vous garantir qu'en examinant cette question je n'ai pas éprouvé une sorte de misogynie ou de désir de revenir à l'époque du modèle de la femme mère au foyer qui était peut-être... Cette formule n'était sans doute pas fonctionnelle de toute manière.

Quoi qu'il en soit, en fin de compte nous essayons d'évaluer si oui ou non il existe franchement une politique discriminatoire et c'est en partie l'objectif que nous cherchons à atteindre. Vos remarques, madame Boyd, ont été utiles parce qu'elles nous ont fourni un point de vue qui à mon avis, n'est pas courant. Elles nous ont permis de voir les choses autrement et c'est très utile.

Considéreriez-vous que le fait de déclarer le revenu conjoint, ou le revenu familial, comme une façon qui en quelque sorte pourrait nuire à l'indépendance de l'un des deux partenaires dans le mariage? Je songe, dans mon propre milieu, à des couples qui sont des familles à deux revenus mais dans lesquels l'un des partenaires ne connaît pas la situation financière de l'autre et c'est la nature de leurs rapports. Ce sont des familles, ce sont des couples mais qui sont financièrement indépendants, dont les moyens financiers restent distincts et dont la relation n'est pas fondée sur une dépendance financière. C'est une relation, un mariage qui est fondé probablement sur un engagement émotif comme ce devrait probablement être le cas. Considérez-vous que cela pourrait en quelque sorte avoir un effet nuisible sur l'indépendance de l'un ou l'autre conjoint?

Mme Mary Boyd: Oh certainement. Les femmes en particulier—même s'il y a des hommes comme Tay, qui est vraiment dévoué au bien-être de ses enfants—en général supportent le fardeau des enfants et acceptent plus de responsabilités, comprennent mieux les besoins des enfants et à mon avis sont plus disposées à dépenser leur salaire pour leurs enfants plutôt que d'aller au golf ou que sais-je si elles se trouvent dans une certaine catégorie de revenu, qui doit être de plus en plus élevé de nos jours. Dans une famille qui compte un seul salarié, je ne pense pas que la personne qui reste à la maison bénéficie de 50 p. 100 de ce revenu. La personne qui gagne le revenu en général a plus à dire ou veut avoir davantage voix au chapitre. Il est très rare que l'égalité totale existe en pareil cas.

En outre, je crois sincèrement que chacun peut juger de ses priorités quand il dispose d'un revenu. Cela facilite aussi la prise de décisions par les deux partenaires si les deux sont salariés; les deux ont une certaine indépendance donc ils mettent leurs gains sur la table et peuvent prendre des décisions ensemble. On me dit que les gens qui dépendent de l'assistance sociale éprouvent d'énormes problèmes, ont des querelles farouches, ce qui cause un énorme stress mental, lorsqu'il s'agit de questions de revenu et de la façon de dépenser l'argent. Quand il ne vous reste que quelques sous, allez-vous acheter de la viande ou allez-vous procurer à un enfant ce dont il a besoin? Il est question de pauvreté en l'occurrence et pas mal de gens au Canada en sont victimes et lorsqu'il n'y a qu'un seul revenu, il y a énormément de disputes pour l'acquisition d'articles très pratiques alors que si on a l'occasion de gagner un revenu et d'avoir une certaine indépendance, cet obstacle est moins grand.

• 1225

Il faut également considérer bien sûr qu'il n'existe que trois catégories de revenu actuellement. Nous devrions en avoir beaucoup plus et décider qu'à partir d'un certain point si votre revenu est inférieur, mettons, à 10 000 $, vous n'ayez aucun impôt à payer. Le régime fiscal devrait être beaucoup plus équitable en général et accorder des concessions aux gens qui n'ont qu'un revenu de subsistance.

M. Scott Brison: Merci. Je peux vous garantir que les disputes sur les questions d'argent dans les foyers ne se limitent pas non plus à ceux qui touchent l'assistance sociale.

Mme Mary Boyd: Non.

M. Scott Brison: Il y en a probablement plus parce que vous parlez des gains qu'on peut mettre sur la table.

Vous avez parlez—et en fait c'était ma prochaine question—de fixer l'exemption personnelle de base à 10 000 $. Je suis d'accord avec vous. En fait, c'est une disposition qui fait partie de la politique de notre parti depuis trois ans maintenant.

Pour ce qui est des mesures qui en fait dissuadent les titulaires d'aide sociale de réintégrer la main-d'oeuvre, ces obstacles sont énormes et j'en suis témoin constamment avec mes électeurs. Une solution qu'on a proposée—et certains s'énervent à ce sujet parce que paraît-il cela pourrait réduire la souplesse du marché du travail—ce serait d'accroître le salaire minimum. L'expérience faite aux États-Unis a montré que l'augmentation du salaire minimum n'entraînait pas nécessairement une augmentation du chômage ce qui a toujours été l'argument économique. J'aimerais donc que vous me disiez si oui ou non à votre avis l'augmentation du salaire minimum pourrait contribuer à réaliser cet objectif. Je le répète j'ai toujours fait valoir des arguments qui s'opposaient à l'augmentation du salaire minimum mais j'ai observé ce qui s'était produit aux États-Unis et bien franchement j'ai été étonné et il y a des preuves abondantes que j'avais tort. J'aimerais donc que vous me disiez si d'après vous ce pourrait être une solution.

Mme Mary Boyd: J'aimerais amorcer la discussion sur ce sujet parce que je viens de l'Île-du-Prince-Édouard où le salaire minimum est le plus bas au Canada, ce qui est tout à fait honteux. Le pire c'est que même si les employeurs qui paient le salaire minimum ne sont peut-être pas nombreux, ils paient juste quelques cents de plus que le salaire minimum qu'ils utilisent comme ligne directrice. Voilà l'ennui. J'ai assisté à des réunions où les gens disaient que si le salaire minimum était de 7 $ l'heure ils le paieraient. Qu'est-ce qui les empêche de le payer actuellement? Ce montant se rapproche d'un salaire juste.

J'estime donc que le salaire minimum devrait être beaucoup plus élevé. Nous continuons à préconiser un salaire minimum plus élevé qui refléterait la moyenne nationale et que chaque province devrait respecter. Cela augmenterait énormément le revenu et serait assurément utile aux petits salariés. Les salaires minimums bas sont responsables en grande partie de la pauvreté dans notre pays.

M. Scott Brison: Est-ce que cela pourrait réduire les dépenses au titre de l'assistance sociale? Là encore c'est un des obstacles.

Mme Mary Boyd: Je ne vais pas parler de la réduction des dépenses au chapitre de l'assistance sociale. Pendant deux années consécutives nous avons présenté des budgets provinciaux fantômes. Nous avons aussi préparé des budgets fédéraux fantômes que nous recommandons. Ils renferment une foule d'excellentes idées. Si les gens les lisaient ils s'apercevraient qu'ils renferment des hypothèses qui sont plus proches de la réalité.

Mais ce qui est scandaleux pour une petite province comme l'Île-du-Prince-Edouard, c'est que les statistiques sont tout à fait erronées. On dit que c'est la province la moins pauvre du Canada. En réalité c'est l'une des plus pauvres parce que le salaire minimum y est le plus bas, le taux de chômage y est très élevé et le coût de la vie est aussi élevé. J'ai entendu quelqu'un dire, avant que j'entre ici, qu'une foule de gens qui se situent en dessous du soi-disant seuil de la pauvreté, sont propriétaires de leur maison. Et la question que je pose est la suivante: De quel genre de maison sont-ils propriétaires? Je connais les logements dans les zones rurales et être propriétaire d'une baraque n'est vraiment pas un avoir, je peux vous l'affirmer.

• 1230

Mais nous avons constaté que même dans une petite province pauvre des choix sont offerts. Il y a certes des choix discrétionnaires et, à la honte du gouvernement de l'Île-du-Prince-Edouard même avec des fonds discrétionnaires l'année dernière, celui-ci a abaissé les indemnités de bien-être. Il a supprimé presque deux millions de dollars, ce qui est énorme pour l'Île-du-Prince-Edouard. Cette année, malgré tous les montants supplémentaires au chapitre de la péréquation que le gouvernement a reçus, et qui atteignent environ 75 millions de dollars, ce qui est sensationnel pour notre économie, il a prélevé encore une fois plus de deux millions de dollars; et en plus de cela, en retenant la prestation fiscale pour enfants il gagne aussi des millions de dollars de cette façon. Donc si on additionne le tout, il s'agit d'un montant important.

En fait les gouvernements ont des choix et il n'est pas nécessaire d'abaisser le montant des prestations d'assistance sociale. Chaque province du pays peut se permettre d'avoir un régime d'assistance sociale plus généreux qu'elle n'a. Mais il ne faudrait pas non plus que ce soit un système punitif.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Szabo, s'il vous plaît.

M. Paul Szabo: Merci.

La déduction pour frais de garde d'enfants ira au conjoint dont le revenu est le moins élevé. Donc, si l'on prend l'exemple d'une famille à deux revenus où le conjoint qui touche le plus petit salaire gagne 25 000 $, avec un seul enfant, ce couple paie 5 000 $ au titre des frais pour garde d'enfants qu'il déduit, ce qui réduit son revenu imposable à 20 000 $. Si on fait le calcul, il s'agit de 3 386 $ d'impôt acquittable.

Si l'on considère ce qu'il reste dans la poche, un emploi rémunéré à 25 000 $ par an moins des dépenses de 5 000 $ en frais de garde d'enfants, moins le montant de 3 386 $ d'impôt sur le revenu à acquitter, cela donne un revenu net à empocher et à déposer à la banque, d'environ 16 614 $. Comme Mary l'a fait très justement observer, si vous vous retirez du marché du travail, l'autre conjoint qui continue à travailler obtient un montant de conjoint, un crédit fiscal non remboursable qui vaut en moyenne 1 500 $.

Tout cela pour dire que quiconque a un emploi rémunéré à 25 000 $ par an se retire du marché du travail pour prendre soin directement de son enfant, renonce à 15 000 $ et également à la possibilité de participer à un régime de pension, à des cours de formation et à l'avancement professionnel. Ces gens-là consacrent probablement plus de temps à l'école, à des travaux charitables, à dispenser de l'aide, aux hôpitaux, etc..

Il me semble que l'écart entre deux salaires et un seul est beaucoup plus important que de savoir simplement s'il y a un déduction pour les frais de garde d'enfants. C'est une perte de revenu, l'occasion d'un gain économique et tous les autres avantages. Donc puisque tout le monde ne vit pas dans un centre urbain, me direz-vous, Mary, si d'après vous une famille où l'un des parents reste à la maison pour prendre soin d'un ou de plusieurs enfants, devrait être récompensée vu que probablement dans certains cas les services de garderie ne sont ni disponibles ni accessibles ni abordables, ou que cette famille a simplement choisi de prendre soin elle-même de son enfant?

Mme Mary Boyd: Tout le monde parle du travail non rémunéré à la maison, de la valeur du travail effectué à la maison, laquelle n'a jamais été comptabilisée dans le produit national brut. Si on finissait par le faire, le montant serait énorme.

Je ne pense pas que nous devrions dresser les uns contre les autres les parents qui choisissent d'aller travailler et ceux qui choisissent de rester à la maison. Il faut avoir le choix. Si nous avions plus de programmes universels, cela permettrait à quelqu'un qui veut rester à la maison, si c'est son choix, de le faire et de recevoir un certain revenu. Je crois qu'effectivement des pensions pour les femmes qui ne travaillent pas parce qu'elles estiment devoir rester avec leur famille sont importantes.

• 1235

M. Paul Szabo: Je suis d'accord avec vous. Il est bon d'avoir le choix. Les parents sont probablement dans la meilleure position pour faire le meilleur choix dans leur situation, et nous devrions les aider. C'est bon. Je suis d'accord avec vous.

Susan et Tay, je suis heureux que vous ayez soulevé la question de la pauvreté et de la pauvreté chez les enfants, parce qu'il s'agit réellement de la pauvreté des familles. Vous avez tout à fait raison. J'ignore si vous le savez, mais le taux de divorce au Canada se situe actuellement autour de 40 p. 100, et il y a deux fois plus de ruptures d'unions de droit commun que d'unions entre personnes mariées. Les familles monoparentales représentent, selon la dernière analyse complète, 12 p. 100 de toutes les familles au Canada, et à l'époque, elles comptaient pour 46 p. 100 de tous les enfants qui vivent dans la pauvreté. D'après les derniers chiffres de Statistique Canada, une famille sur six au Canada est monoparentale, et ces familles comptent pour plus de 50 p. 100 de tous les enfants qui vivent dans la pauvreté, de toutes les familles qui vivent dans la pauvreté.

Il me semble que si la principale cause de la pauvreté des familles est l'éclatement de la famille, nous devons non seulement aider les gens qui se retrouvent dans cette situation après coup, mais nous devons également chercher des moyens d'aider les familles au début de leurs relations, parce que je crois qu'au départ il s'agit toutes de relations d'amour et que quelque chose survient à un moment donné.

Je pense que c'est dû en partie aux pressions financières, et en partie aux problèmes sociaux, à la violence familiale, à la toxicomanie et à l'alcoolisme, etc. Mais établir un meilleur équilibre entre l'aide aux enfants et, par conséquent, aux familles, contribuera à renforcer les liens familiaux de sorte que le taux d'éclatement des familles pourrait ne pas être aussi élevé. J'ai le sentiment qu'en théorie les niveaux de pauvreté diminueraient considérablement si les familles étaient en fait plus stables et plus intactes pour les enfants, parce que je crois, comme vous en conviendrez, que dans la majorité des cas, les vraies victimes de l'éclatement des familles sont les enfants.

Mme Susan Le Forte: Monsieur Szabo, c'est une vue très réductrice des raisons pour lesquelles les familles se désagrègent et les gens vivent dans la pauvreté. En fait, si vous considérez l'éclatement des familles et les questions qui influent sur la pauvreté, c'est parce que l'un ou l'autre des parents ne contribue pas suffisamment au soutien de cette famille. Que deux parents ne vivent plus ensemble, ou ne soient plus mariés, ne signifie pas que l'autre parent n'a plus la responsabilité d'assurer le soutien financier de cette famille, et c'est là où la rupture est plus importante.

Donc, avoir imposé que le paiement des pensions alimentaires soit prélevé directement à même les chèques de paie, pour retracer—je n'aime pas le terme—les pères mauvais payeurs et prendre cet argent pour le réinvestir dans les familles de sorte que la pauvreté de ces familles ne soit pas plus grande, et obtenir que le ministère des Services communautaires ne s'approprie pas la totalité des pensions quand cet argent est ensuite récupéré...

M. Paul Szabo: Je suis d'accord avec vous.

Mme Susan Le Forte: Donc, quand vous dites que la famille se retrouve dans la pauvreté simplement parce qu'elle a éclaté, vous devez voir ce qui s'est passé; vous devez considérer toute la famille, à quoi cette famille ressemblait, quel était le rôle du parent et dans quelle mesure disproportionnée les femmes dans ces ménages ont assumé le soin des enfants et n'ont pas eu l'occasion de faire partie de la main-d'oeuvre active rémunérée. Cela a un effet sur la pauvreté et sur ce que les familles...

M. Tay Landry: Tout d'abord, vous partez du principe que la cellule familiale est l'idéal et la norme. Dans la culture chrétienne occidentale...

M. Paul Szabo: Je dis seulement que les familles monoparentales, les familles éclatées, comptent pour plus de la moitié des familles qui vivent dans la pauvreté.

M. Tay Landry: Oui. Et je pense que vous allez constater que...

M. Paul Szabo: Je ne porte aucun jugement sur ce qui devrait être la meilleure configuration.

M. Tay Landry: Je crois que vous allez constater qu'au fil des ans—et c'est quelque chose dont le gouvernement va devoir tenir compte—il y aura de plus en plus de familles monoparentales, parce que la notion de cellule familiale, qui s'est développée au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, est quelque chose dont on s'éloigne maintenant.

M. Paul Szabo: Pour finir, pensez-vous que comme comité, nous devrions avoir pour philosophie ou critère général, ou comme approche en ligne directrice pour notre travail, de chercher à supporter les parents dans leurs choix, et de les aider à se recentrer sur les enfants, de sorte que toutes les familles aient la souplesse et la possibilité de donner les meilleurs soins possible à leurs enfants?

• 1240

M. Tay Landry: Mais tout d'abord, même si vous procédez par la voie de la fiscalité, ce ne sont pas tous les parents qui en bénéficieront, car il y a trop d'autres facteurs sociaux qui contribuent à la vie d'un parent et à la vie de la famille.

Je crois que vous êtes idéaliste si vous pensez que des changements à un système fiscal vont avoir un impact majeur. Ils auront surtout pour effet de donner un répit de quelques milliers de dollars aux gens à revenu moyen ou élevé.

M. Paul Szabo: Nous ne nous limitons pas seulement à l'impôt sur le revenu; nous considérons tout l'éventail.

M. Tay Landry: D'accord, procéder par le biais de la fiscalité sera peut-être utile, mais de la façon dont notre société est construite, une partie si importante des familles canadiennes, à savoir de parents seuls, de familles monoparentales, quel que soit le nom que vous vouliez lui donner, est l'objet de tant de restrictions et de tant de stigmatisation qu'elle ne sera jamais égale aux familles où il y a deux parents.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.

J'ai une question pour Mary. Nous avions pour objectif d'essayer d'étudier l'apparente inégalité entre les deux différentes configurations familiales, avec des conjoints qui travaillent et d'autres pas. Dès le départ, les fonctionnaires du ministère des Finances ont semblé indiquer—et je ne veux pas entrer dans le détail des coûts ou des avantages—que le partage du revenu corrigerait cette injustice.

J'ai entendu les témoignages de nombreuses personnes qui n'aiment pas cette solution, pour diverses raisons. Pour certaines personnes, il pourrait ne pas y avoir d'avantages à partager le revenu, mais je ne crois pas qu'il n'y en aurait pas pour 100 p. 100 des familles. Certaines familles, par exemple, n'en profiteraient pas à cause de leur niveau de revenu, mais il n'existe certes pas d'inconvénient à le faire, sur le plan financier. Je crois que dans l'ensemble les familles en profiteraient. Leur situation ne serait pas pire. La situation de toutes les familles s'améliorerait.

Mme Mary Boyd: En combinant les revenus des deux dans la même famille.

Le président: Exactement, car cela représenterait des économies pour la famille, inévitablement.

Mme Mary Boyd: Non, cela dépend.

Le président: Non, mais j'ai choisi mes mots très soigneusement. Aucune famille ne serait pénalisée par cette formule, mais certaines familles pourraient ne pas pouvoir en bénéficier.

Si nous adoptions un système facultatif de déclaration conjointe, il me semble que ces familles profiteraient des économies d'impôt. Nous pourrions donner l'option de transférer certaines de ces économies directement au conjoint au plus faible revenu, alors que certaines de ces économies pourraient être alors transférées dans un REER pour ce conjoint, ou être versées au RPC—je n'ai pas terminé ma réflexion là-dessus. Mais l'un des objectifs que nous essayons de réaliser est de permettre au conjoint qui ne travaille pas de retirer certains avantages.

Seriez-vous encore tout à fait opposés à cette idée ou pensez-vous que d'autres Canadiens le seraient également? Jusqu'à présent on s'est opposé massivement à l'idée même d'envisager une déclaration conjointe.

Mme Mary Boyd: Le système canadien d'impôt sur le revenu est fondé sur le particulier, et je crois que c'est très important. C'est vraiment important pour l'indépendance de l'individu.

Le président: Mais bien des avantages se fondent sur le revenu familial. L'exemption du conjoint, par exemple, et la prestation fiscale pour enfants sont fondées sur le revenu familial. La sécurité de vieillesse est récupérée en fonction du revenu familial. La fiscalité se fonde sur l'individu, mais les avantages ne se fondent pas nécessairement sur la particulier.

Mme Mary Boyd: Donc, en combinant les deux, il pourrait se trouver que la fiscalité doive demeurer fondée sur le particulier.

Le président: Même si la famille pourrait s'en trouver mieux.

Mme Mary Boyd: Eh bien, je n'en suis pas sûre. Je crois qu'il faudra faire beaucoup de calculs pour dire que la famille s'en trouverait...

Le président: Elle ne s'en trouverait pas plus mal.

Mme Mary Boyd: ...mieux de cette façon. J'ai dit que sa situation serait pire dans différentes catégories en combinant les deux.

Le président: Vous ne pensez pas qu'on réglerait le problème en rendant la chose facultative.

Mme Mary Boyd: Je l'ai dit et j'ai quelques exemples, de sorte que je m'en tiendrai à cela. C'est le système fiscal, et la valeur de l'individu est extrêmement importante parce que c'est là où le choix de l'individu de faire... Cela a notamment des répercussions sur les femmes et c'est aussi une question sociologique.

• 1245

Les femmes ont encore beaucoup de chemin à faire dans cette société avant d'obtenir l'égalité. Nous aurons une société égale quand il y aura égalité des responsabilités pour le soin du ménage et le soin des enfants, et une responsabilité égale des gains. Nous en sommes encore si loin, et ce qu'un femme peut gagner comparativement à un homme dans la population active est encore disproportionné.

Donc, compte tenu de tout cela, quand vous combinez les deux revenus d'une unité familiale, vous pouvez en fait contribuer à renforcer ces inégalités. Notre système est donc plus juste tel qu'il est, fondé sur l'imposition des particuliers.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Mary Boyd: J'ai autre chose à dire.

J'ai entendu certaines personnes dire que le budget du millénaire devrait peut-être être un budget pour les enfants. Bien entendu, on ne peut avoir un budget pour les enfants sans avoir un budget pour les adultes, mais en fait, la priorité serait accordée à l'éradication de la pauvreté et à l'obtention de nouveaux programmes pour les enfants, universels et justes et susceptibles d'améliorer la situation des parents de sorte qu'ils puissent extirper leurs enfants de la pauvreté. Cela pourrait être la priorité du nouveau millénaire. Je serais certainement d'accord avec cela. Je crois que ce serait merveilleux si on pouvait le faire.

Le président: Merci beaucoup. Je crois que cette cause recueillera beaucoup d'appui auprès des membres du comité.

En leur nom et en mon nom, j'aimerais vous remercier beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui et de votre contribution valable, comme toujours.

Chers collègues, nous reprendrons nos travaux à 13 h 15. La séance est levée.