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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 mai 1999

• 1407

[Traduction]

Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bonjour, mes chers collègues. Bonjour à toute l'assemblée et à nos premiers témoins. Je déclare ouverte cette séance du jeudi 13 mai du Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, qui poursuit aujourd'hui ici, à Vancouver, ses travaux sur la gestion des forêts du Canada dans la perspective du commerce international.

J'aimerais prendre un instant pour replacer les choses dans leur contexte. Les travaux du Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales ont porté et portent toujours sur plusieurs dossiers très intéressants, le changement climatique, Postes Canada, les télécommunications rurales, pour n'en citer que quelques-uns.

Un peu plus tôt cette année, nous avons reçu des appels au secours, si l'on peut dire, de plusieurs communautés ou de responsables communautaires du centre de la région côtière de la Colombie-Britannique. Ces communautés nous ont demandé de nous intéresser à la façon dont le Canada est perçu à l'extérieur de ses frontières, pour ce qui est de ses pratiques forestières. Ces dirigeants et représentants communautaires nous ont dit que la forêt, l'avenir de leur communauté, l'emploi et l'environnement leur tenaient à coeur, mais qu'il y avait peut-être un malentendu à propos de leur rôle dans tout cela.

Nous avons décidé de les écouter et d'essayer de mieux comprendre la perspective de chacune des parties prenantes et de replacer le tout—du moins dans nos têtes de parlementaires et à l'intention de nos collègues—dans un plus vaste contexte.

• 1410

Nous rentrons tout juste d'un voyage de deux jours dans cette région de la côte—notamment dans la vallée de Bella Coola et dans les environs du lac Williams—où nous avons entendu les responsables communautaires et les autres intéressés. Nous sommes maintenant revenus à Vancouver pour poursuivre nos travaux et écouter les divers points de vue.

Commençons donc, sans plus attendre, et je pense que tout cela deviendra assez clair pour ceux qui sont ici présents, au fur et à mesure que vous entendrez les témoignages, ainsi que les questions posées par les députés.

J'aimerais accueillir officiellement nos premiers témoins: Catherine Stewart, de Greenpeace, et Karen Wristen, directrice exécutive du Sierra Legal Defence Fund. Le greffier vous a probablement informées que nous nous attendons habituellement à une déclaration préliminaire de cinq à sept minutes. Cela permet aux députés de poser des questions.

Nous commencerons par entendre Catherine, puisque son nom est le premier sur la liste.

Aujourd'hui, nous fonctionnerons par blocs d'environ une heure. Nos travaux débutent avec quelques minutes de retard, car nous sommes arrivés un peu en retard de Bella Coola, mais nous nous efforcerons de faire en sorte que vous ayez tout le temps qu'il est possible de vous accorder.

Donc, sans plus attendre, j'invite Catherine à ouvrir le feu.

Mme Catherine Stewart (Greenpeace): Je vous remercie, monsieur le président ainsi que tout le comité de nous avoir invités ici aujourd'hui et de nous consacrer un peu de votre temps pour écouter notre exposé.

Ma collègue, Mme Wristen, et moi-même nous sommes penchées sur certaines des questions que le comité permanent a suggéré que nous abordions. Avec votre permission, j'aimerais que nous puissions combiner nos présentations. Je traiterai de certains domaines d'intérêt, et Karen en abordera d'autres. Nous répondrons ensuite à vos questions, si cela vous convient.

Le président: Tout à fait.

Mme Catherine Stewart: J'aimerais tout d'abord situer les choses dans un contexte général.

Je ne suis pas certaine que tous les membres du comité connaisse ce rapport du World Resources Institute (WRI), un groupe de réflexion de Washington, DC, qui a publié ce rapport sur les dernières forêts vierges, il y a quelques années. Il s'agit d'un organisme qui est généralement considéré comme relativement conservateur. Maurice Strong siège à son conseil d'administration, ainsi que Stephan Schmidheiny et d'autres dont vous reconnaîtrez peut-être les noms et qui ne rentrent pas particulièrement dans la catégorie des radicaux à laquelle certains considèrent que Greenpeace appartient. Le WRI a situé dans un contexte global la crise que traversent les forêts du monde.

Sur cette carte, les parties en vert foncé représentent les dernières forêts vierges de la planète qui sont encore relativement intactes. On se rend compte de l'ampleur et de la gravité de la crise qui frappe nos forêts aujourd'hui.

Cinquante pour cent de la couverture forestière initiale du monde ont disparu. La majorité de ce qui en reste a déjà été affecté, pas toujours par l'exploitation forestière, mais à cause de l'exploitation minière et d'autres types d'exploitation. Seuls 22 p. 100 de la forêt originale de la planète restent intacts dans des régions suffisamment vastes pour préserver la biodiversité et tout l'éventail des espèces.

La majorité de ces forêts encore intactes se trouvent au Brésil, en Russie et au Canada. Ce dont nous avons hérité, nous, les Canadiens, peut maintenant être qualifié de trésor mondial. Il s'agit à n'en pas douter d'une grave responsabilité pour chacun d'entre nous de veiller à la bonne gestion des forêts primitives restantes.

Le rapport du WRI relève aussi que la forêt ombrophile tempérée est le type de forêt le plus menacé de disparition, puisqu'il ne représente plus que 3 p. 100 de ce qui reste des forêts primaires de la planète.

En Colombie-Britannique, on dénombrait à l'origine 353 vallées couvertes de forêts ombrophiles sur plus de 5 000 hectares. Seules 69 d'entre elles sont intactes. Presque toutes sont destinées à être exploitées au cours des cinq à dix prochaines années. Selon les scientifiques du gouvernement, une espèce animale ou végétale sur dix de la Colombie-Britannique est en voie d'extinction. Une étude de 1996 de l'American Fisheries Society montrait que 142 remontes de saumons génétiquement uniques que l'on trouvait en Colombie-Britannique et dans le Yukon ont maintenant disparu, que pour 624 autres, les risques de disparition sont très élevés, que des centaines de plus sont menacées et que 43 p. 100 des stocks de la Colombie-Britannique ne pouvaient même pas être classés, simplement du fait de l'absence de données suffisantes. L'exploitation minière a, naturellement, un impact considérable sur la santé et la survie des remontes de saumons.

La forêt ombrophile tempérée est la plus riche en espèces de toutes les forêts tempérées et de tous les écosystèmes. Pour cette raison, plus de 50 éminents scientifiques du monde entier ont signé une lettre demandant au premier ministre Chrétien et au premier ministre provincial, Glen Clark, d'imposer un moratoire sur l'exploitation forestière des dernières vallées intactes de la Colombie-Britannique.

• 1415

Greenpeace reconnaît bien sûr l'importance de l'exploitation des forêts et de l'utilisation des produits de bois et de papier dans la société d'aujourd'hui. On a prétendu que nous cherchions à mettre fin à toute forme d'exploitation forestière et à éliminer cette industrie; ce n'est tout simplement pas vrai. Nous demandons toutefois un changement radical des pratiques d'exploitation et de protection de quelques-uns des derniers écosystèmes les plus remarquables.

Un document qui nous a été envoyé par le comité en préparation de cette réunion mentionne que Greenpeace s'est efforcé de convaincre les détaillants de ne pas vendre de produits de bois provenant des forêts de la Colombie-Britannique. Cela aussi est faux.

Greenpeace, aussi bien sur le plan international qu'ici, au Canada, a exploité la prise de conscience du marché et un sentiment croissant de responsabilité sociale. Les clients d'un grand nombre de sociétés à qui nous avons eu affaire ne souhaitent pas être complices de la destruction des derniers fragments des forêts ombrophiles tempérées du monde. Ces sociétés souhaitent encourager leurs fournisseurs de Colombie-Britannique à adopter des méthodes d'exploitation responsables, afin de répondre aux exigences de leurs clients.

Le marché pour une exploitation responsable, écologiquement durable des produits de bois est en expansion à l'échelle mondiale. Il ne s'agit pas d'une tendance appelée à disparaître, et il ne s'agit pas non plus d'une orientation du marché à laquelle il sera possible de mettre fin par des campagnes de relations publiques.

Il nous incombe d'assurer l'avenir des communautés côtières de la Colombie-Britannique, des communautés qui dépendent des forêts, ainsi que des forêts elles-mêmes, d'assurer que l'on met en oeuvre des pratiques qui satisfont à des normes écologiquement acceptables. Nous aimerions aussi que l'on fasse appel à des tierces parties pour instaurer une homologation indépendante.

Je remarque que le comité a manifesté un intérêt pour diverses méthodes d'homologation, notamment celle de l'Association canadienne de normalisation et du Forest Stewardship Council International. Greenpeace n'a rien contre l'homologation accordée par l'Association canadienne de normalisation. Toutefois, elle ne répondra pas aux exigences de la clientèle car le système d'homologation de la CSA ne certifie que les objectifs et les plans de gestion. Il ne comprend pas une vérification sur le terrain de l'exécution de ces plans.

C'est là où le FSC se distingue, car une partie de son processus d'homologation ne concerne pas uniquement l'évaluation des plans et des objectifs d'une entreprise forestière mais permet de vérifier qu'elle réalise effectivement ces objectifs dans le cadre de ses activités. Le FSC procède à des vérifications sur le terrain pour s'assurer que ses normes sont effectivement respectées.

On nous a également demandé notre avis à propos des initiatives de MacMillan Bloedel and TimberWest qui, dans leurs déclarations d'intention parlent d'éliminer progressivement les coupes à blanc. Greenpeace se félicite naturellement de cette initiative éclairée en matière de viabilité écologique. Toutefois, il faudra voir comment cela se concrétise sur le terrain.

Nous surveillerons étroitement le projet au cours des cinq prochaines années pour vérifier l'abandon progressif des coupes à blanc. Mais il n'est pas suffisant que les compagnies mettent fin aux coupes à blanc et étalent ensuite la fragmentation des forêts sur une plus vaste superficie. Il est impératif que les entreprises forestières réduisent également leur niveau et leur taux d'exploitation. MacMillan Bloedel a déjà réduit les siens de 10 p. 100.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique reconnaît ouvertement que la possibilité actuelle de coupe annuelle en Colombie-Britannique dépasse de 28 p. 100 le taux de rendement durable à long terme établi pas ses propres scientifiques. Manifestement, une réduction de l'exploitation doit accompagner tout abandon progressif des coupes à blanc.

Les compagnies TimberWest et MacMillan Bloedel continuent de beaucoup trop dépendre du vieux peuplement. Nous espérons assister à une augmentation de l'exploitation des forêts de deuxième venue et à un abandon des incursions dans les dernières vallées de nature vierge. Les compagnies forestières doivent également tenir compte non seulement des méthodes d'exploitation, mais aussi de l'endroit où les coupes sont pratiquées et situer la côte dans ses contextes provincial, national et international, afin de reconnaître la rareté de quelques-uns des écosystèmes qui ont survécu et d'éliminer l'exploitation forestière à l'échelle industrielle dans ces régions.

Le comité a également été informé en novembre, je crois, lorsque le Syndicat international des travailleurs unis du bois d'Amérique (IWA) et d'autres témoins ont comparu, que Greenpeace avait refusé de participer aux solutions proposées, par exemple, au plan de gestion des ressources et des terres de la région centrale de la côte, actuellement en cours de mise en oeuvre, sous le parrainage du gouvernement provincial. Nous avons effectivement refusé de participer à ce processus, car des groupes de défense du milieu terrestre avaient refusé de prendre part à ce que nous appelons un simulacre de négociations. Nous ne voulions pas nous asseoir autour d'une table avec toutes les parties prenantes et discuter de diverses options censées assurer l'avenir des régions concernées alors même que ces options étaient éliminées par les coupes à blanc auxquelles on procédait au même moment.

• 1420

La condition que nous posions pour participer au processus du PGRT était qu'on laisse ouvert tout l'éventail des options en instituant un moratoire sur l'exploitation des vallées concernées pendant la durée des négociations. Au bout du compte, nous avons reçu des assurances de la part des compagnies qui opéraient dans la région centrale de la côte, et des moratoires ont été décrétés pour les vallées qui ne font pas partie de l'étude officielle ni des régions déjà protégées par le gouvernement. Nous avons alors décidé, avec le Sierra Club, de nous joindre aux négociations.

Nous sommes donc maintenant impliqués dans le PGRT. Cependant, je préviens tout de suite le comité que nous ne nous attendons pas à ce que le processus débouche sur une solution reposant sur un consensus. Nous sommes prêts à engager des négociations en toute bonne foi, mais les diverses parties prenantes ont des points de vue divergents et il semble peu probable, à l'heure actuelle, qu'un consensus puisse émerger. Nous sommes néanmoins présents et nous nous sommes engagés à poursuivre ces négociations en toute bonne foi, tant et aussi longtemps que les moratoires resteront en vigueur.

Pour terminer, je sais qu'on a demandé au comité de recommander une augmentation des crédits fédéraux destinés à la défense des pratiques forestières en Colombie-Britannique. Greenpeace et le Sierra Legal Defence Fund ont plusieurs suggestions à faire à propos d'investissements astucieux que le comité pourrait recommander au gouvernement fédéral, pour ce qui est d'assurer l'avenir de nos forêts et celui des communautés de la Colombie-Britannique.

J'aimerais maintenant passer la parole à ma collègue.

Mme Karen Wristen (directrice exécutive, Sierra Legal Defence Fund): Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis heureuse de la possibilité qui m'est offerte de m'adresser à vous cet après-midi.

J'avais l'intention de vous dire quelques mots au sujet du Sierra Legal Defence Fund et de ses activités. Nous sommes essentiellement un cabinet juridique qui offre tout un éventail de services aux groupes écologistes. En ce qui concerne nos travaux dans le domaine de la foresterie, nous disposons d'une équipe spécialisée composée d'avocats, d'étudiants en droit et de scientifiques. Notre personnel comprend un sylviculteur, un biologiste halieutique et un géologue. Leur principale tâche est de se rendre dans les forêts où ils ont été appelés par la population locale lorsqu'elle est préoccupée par la façon dont l'exploitation forestière est menée; ils procèdent à des enquêtes pour déterminer si oui ou non les normes du code de pratiques forestières ont été respectées.

Il est regrettable, je pense, que nous n'ayons pas pu communiquer avec vous comme nous l'aurions voulu. Je crois savoir que vous avez visité Yeo Island lors vos déplacements sur le terrain. Or, il se trouve que notre équipe de spécialistes forestiers a visité cette île et a procédé à des enquêtes qui ont permis de découvrir que le code y avait été enfreint, ce dont elle a fait part aux autorités provinciales et fédérales. J'ai adressé un courrier au comité pour lui proposer les services de notre équipe de spécialistes forestiers lors de ses déplacements sur le terrain, mais ce courrier n'est sans doute pas arrivé à temps pour que le comité puisse en tirer avantage. Il vous aurait été utile, je pense, d'avoir plus de détails sur la situation dans cet endroit. J'y reviendrai dans un moment et je vous expliquerai ce qui s'est passé sur Yeo Island.

J'aimerais commencer par vous donner une vue d'ensemble du code de pratiques forestières et vous dire où nous nous situons à cet égard, car je crois savoir que c'est une question qui intéresse le comité. Le code, comme vous le savez probablement, n'est en vigueur que depuis quelques années, et il s'agit essentiellement d'une compilation de plusieurs directives qui avaient déjà cours dans la foresterie. Le code, en réalité, n'a fait que reprendre ces directives, les regrouper en un seul document, ajouter quelques précisions et transformer en règlements ce qui auparavant n'était que de simples directives.

Concrètement, le code exigeait que les compagnies forestières qui souhaitaient abattre du bois fassent leur planification ouvertement, recensent toutes les autres ressources que l'on trouvait dans les bois et qui allaient subir l'impact des activités, de manière à ce que les poissons, les touristes et autres puissent continuer à profiter de la forêt.

Au moment où le code a été mis en oeuvre, des groupes écologistes avaient travaillé avec acharnement avec les gouvernements et avec l'industrie pour établir des normes ayant essentiellement pour but de mettre fin à la «guerre des bois». Je suis sûre que vous avez tous entendu ce que les médias ont raconté après la mise en application du code: nous avions une exploitation forestière de classe internationale et la guerre des bois allait prendre fin. La réalité, depuis lors, a démontré qu'il en allait bien autrement, comme vous le savez également.

Les raisons en sont nombreuses, mais en gros, c'est parce que les prescriptions du code elles-mêmes étaient inadéquates pour satisfaire aux besoins de base en matière de protection de l'habitat du poisson. Deuxièmement, les dispositions relatives à la participation de la population que l'on trouvait dans le code et qui permettaient aux gens d'examiner les plans de mise en valeur des forêts et de décider si leurs intérêts allaient ou non être affectés négativement par l'exploitation forestière furent éliminées. Nous avons aujourd'hui une situation où les compagnies n'ont même plus besoin de soumettre de plans pour certaines formes d'abattage ni peut-être même pour quelque type d'exploitation que ce soit. Par conséquent, en fait, tous les progrès qui avaient été faits au départ ont été anéantis. Les pratiques forestières sont, comme on dit, rationalisées, et cela a pour conséquence de réduire la participation de la population et d'éliminer la possibilité d'identifier et de régler ouvertement les conflits. Voilà, dans les grandes lignes, les problèmes que pose le code tel qu'il est énoncé.

• 1425

Mais les véritables problèmes se situent au niveau de sa mise en application. Pour commencer, un grand nombre des dispositions du code de pratiques forestières pouvaient être suspendues à la discrétion de l'expert forestier local. Il y avait donc, au départ, la possibilité de ne pas observer précisément les termes du code. Il y avait de bonnes intentions, mais la possibilité d'une dispense, et nous nous sommes retrouvés avec des cours d'eau qui subissaient les effets de l'exploitation forestière, notamment la destruction de l'habitat du poisson à travers toute la province.

Le deuxième problème vient de la façon dont le code est appliqué ou non dans la province. Et Yeo Island, si vous me permettez d'y revenir, offre un bon exemple à cet égard.

Notre équipe de spécialistes forestiers a été contactée par les chefs héréditaires de la nation Heiltsuk qui vit dans la région centrale de la côte, sur Yeo Island, où vous vous trouviez, je crois, ce matin. Les chefs héréditaires ne sont peu être pas les gens que vous avez rencontrés lorsque vous y étiez. J'ignore qui vous avez rencontré, mais vous savez probablement que dans cette région, les Premières nations ont deux formes distinctes de gouvernement qui fonctionnent simultanément. Il y a la structure traditionnelle dans le cadre de laquelle certains pouvoirs sont transmis aux chefs par voie héréditaire. Et il y a les chefs et les conseils élus en vertu de la Loi sur les Indiens qui détiennent certains pouvoirs au nom de leur peuple, des pouvoirs qui leur permettent de traiter avec les gouvernements en tant que représentants élus de leur nation.

Il y a, pour ne pas dire plus, de profonds désaccords concernant qui détient quels pouvoirs et de quelle façon les deux formes de gouvernement peuvent collaborer. Donc, pour que tout soit clair, nous sommes mandatés par les chefs héréditaires, qui considèrent de leur devoir de protéger les ressources de leur peuple pour les générations futures. Ils nous ont demandé de venir sur place et d'examiner les pratiques forestières dont vous avez peut-être pu observer des exemples lorsque vous étiez dans l'île.

Lorsque notre équipe d'experts forestiers s'y est rendue, elle a constaté plusieurs cas de violations manifestes du code. Notre équipe les a détectés, documentés et a envoyé les preuves aux agents de surveillance du gouvernement provincial qui sont censés contrôler ce genre de chose.

Au lieu de faire une visite sur le terrain, d'interroger les témoins susceptibles de fournir des preuves des infractions présumées, le gouvernement provincial a communiqué avec la compagnie pour lui dire que trois semaines plus tard, ses fonctionnaires se rendraient sur Yeo Island pour observer les pratiques forestières, car des écologistes s'étaient plaint encore une fois. Cela donna trois semaines à la compagnie pour régler les problèmes qui avaient été recensés. Quand les agents de surveillance provinciaux se rendirent sur place, il n'y avait plus de problème.

Cela se solda par un rapport que le gouvernement provincial envoya à la compagnie forestière—non pas à notre équipe d'experts forestiers qui avait porté plainte au départ, mais à la compagnie forestière—où l'on disait que les plaintes s'avéraient sans fondement. Ce rapport est maintenant distribué en Europe pour faire croire que les plaintes formulées par les écologistes au sujet des pratiques forestières sont sans fondement.

Avec tout le respect que nous devons au gouvernement provincial, nous considérons qu'il s'agit d'une méthode inappropriée pour enquêter sur les plaintes et que cela n'aboutira certainement pas à l'application des quelques dispositions du code qui continuent d'être en vigueur.

Laissons le code de côté. Je crois comprendre que le comité s'est également déclaré intéressé à entendre des commentaires sur les conséquences de l'état actuel de l'économie forestière sur les communautés. J'ai déjà dit quelques mots à propos de ces conséquences sur les Premières nations. Il est manifeste que toutes les autres communautés côtières de la Colombie-Britannique souffrent du déclin de l'activité forestière. Mais il est également clair qu'il s'agit d'un phénomène cyclique.

Nous avons distribué aujourd'hui, et je pense que tous les membres du comité en ont un exemplaire, un mémoire qui contient plusieurs rapports préparés par le Sierra Legal Defence Fund. Celui auquel je fais allusion pour le moment est intitulé Profits or Plunder. À la page 24 de ce rapport, vous verrez un graphique qui illustre le cycle des activités forestières en Colombie-Britannique depuis 1975. Ce graphique a été élaboré à partir de l'étude des résultats de huit des plus grandes compagnies forestières de la province. Vous savez probablement qu'il y a seulement une quinzaine de grandes compagnies en activité dans la province, et je parle ici des huit plus importantes.

• 1430

Vous constaterez qu'il y a eu trois cycles au cours de la période allant de 1975 à aujourd'hui et qu'ils sont tout à fait prévisibles et tout à fait réguliers. Depuis que ce rapport a été produit, le creux du cycle a sans doute été atteint et l'on commence à constater une remontée. Par conséquent, les bénéfices commencent à revenir, les affaires commencent à reprendre et les choses vont changer sans aucun doute.

Le président: Je vais devoir vous demander de conclure. Je ne veux pas trop faire pression sur vous, mais je veux être sûr que nous disposons d'assez de temps pour vous poser des questions.

Mme Karen Wristen: Tout à fait. Je vais m'efforcer d'être aussi brève que possible.

Ce que je tiens à souligner à propos de ces cycles, c'est que nous entrons probablement dans une période de reprise, et que certains discours que l'on vous a tenus ne sont peut-être rien d'autre que des paroles en l'air. Mais nous sommes confrontés cette fois à un facteur qui n'existait pas auparavant. Nous en sommes au point où la surexploitation des peuplements forestiers se retourne contre ses auteurs. Nous avons trop coupé, trop rapidement, et il est devenu aujourd'hui très difficile pour les compagnies de trouver des peuplements économiquement viables à abattre.

Nous sommes donc en présence d'une industrie qui en arrive au point où elle doit procéder à des changements fondamentaux. Le changement que les communautés souhaite, c'est que l'on en vienne à une exploitation forestière communautaire. Nous souhaitons un changement du régime foncier au profit d'une exploitation forestière contrôlée par les communautés, et non par les grandes entreprises industrielles d'exploitation forestière, comme cela a été le cas pendant de très nombreuses années en Colombie- Britannique.

Ce changement de cap est très évident quand on examine ce qui s'est produit en Colombie-Britannique cette année. Le gouvernement a offert aux communautés trois zones forestières à exploiter. Plus d'une centaine de communautés de Colombie-Britannique se sont déclarées intéressées. Mais les exigences pour faire acte de candidature se sont avérées en fin de compte si lourdes que moins de 20 communautés sont parvenues à soumettre une demande au bout d'un processus qui revenait à environ 40 000 $. Mais je crois qu'il y a 27 demandes pour ces trois permis d'exploitation forestière communautaire.

Il existe donc un appétit évident pour des solution innovatrices qui impliquent un changement fondamental. Je voudrais mettre en garde le comité contre une action précipitée en faveur d'une industrie qui est au pied du mur et qui doit procéder à des changements, si cela ne favorise pas le changement.

Comme l'a mentionné Catherine tout à l'heure, nous avons quelques suggestions à faire sur la façon dont le comité pourrait allouer certaines des ressources fédérales pour favoriser l'innovation et un changement significatif des pratiques de l'industrie. Nous aimerions en laisser la liste au greffier pour qu'il puisse la distribuer. Je me ferais maintenant un plaisir de répondre à toutes les questions du comité.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Wristen. Je serais heureux d'avoir copie de ces suggestions.

Je voudrais faire remarquer à mes collègues que nous entendons nos témoins par blocs d'environ une heure. Vu le nombre de députés présents aujourd'hui, je vais commencer par un créneau de cinq minutes pour les questions. Je suis sûr que tout le monde va en poser.

Nous allons commencer par vous, John, et je vais vous demander de vous montrer compréhensif.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Un moment, s'il vous plaît. On a dit aux intervenants que nous voulions des documents en français; on ne voit aucun document en français ici.

[Traduction]

Le président: Yvon, il y a peut-être des documents en français. Je vous présente mes excuses. Il y en a peut-être qui ne sont pas en français.

Allez-y John.

M. John Duncan: Très bien, merci.

J'ai écouté aussi attentivement que possible ce que vous disiez. Nous rentrons aujourd'hui de la région centrale de la côte. Madame Stewart, vous avez indiqué que vous faisiez partie d'une équipe de planification qui se trouve là-bas en ce moment. Vous avez également déclaré que vous pensiez qu'il serait très difficile de parvenir à une solution consensuelle, mais que vous participez actuellement aux négociations.

La Fondation Greenpeace a-t-elle jamais été, à un moment quelconque, quelque part, partie prenante à une solution consensuelle relative à un plan d'exploitation des terres?

Mme Catherine Stewart: Pouvez-vous me citer certaines de ces solutions, et je vous dirai si nous avons été ou non partie prenante, car en toute honnêteté, aucune ne me vient à l'esprit.

M. John Duncan: Je pense par exemple à celle qui concerne Cariboo—Chilcotin.

Mme Catherine Stewart: Oh, vous voulez parler des PGRT. Non, c'est la première fois que nous participons à ce type de procédure, à un PGRT en soi.

M. John Duncan: En tant qu'organisme, considérez-vous que votre mission est d'essayer de parvenir à des solutions consensuelles?

• 1435

Mme Catherine Stewart: Nous considérons effectivement avoir pour mission de trouver des solutions, et notre mandat est plus étendu que la recherche de solutions strictement écologiques. Nous reconnaissons que les êtres humains font partie de l'écosystème et que les solutions doivent donc tenir compte des collectivités, des communautés et de toutes les autres créatures qui dépendent de la forêt. On espère pouvoir travailler en ce sens.

M. John Duncan: Parfait.

Nous avons eu de nombreuses discussions au cours des dernières 24 ou 36 heures à propos de l'homologation des produits forestiers, et j'aimerais poser une question.

De mon point de vue, les organismes de défense de l'environnement ont le choix entre deux positions. Vous pouvez dire que l'homologation est une bonne chose; il faut promouvoir l'homologation autant que faire se peut par autant d'exploitants que possible. Ou vous pouvez freiner l'homologation des exploitants industriels car, philosophiquement, les exploitations industrielles ne se prêtent peut-être pas à une homologation, telle que vous l'envisagez. Pouvez-vous nous donner une idée de l'orientation philosophique de Greenpeace en ce qui concerne l'homologation de l'industrie?

Mme Catherine Stewart: La façon probablement la plus facile de vous répondre serait de dire que Greenpeace s'est intéressé aux divers mécanismes d'homologation des produits forestiers qui voient le jour, tels que celui de la CSA, ISO 14000, et celui du Forest Stewardship Council. Nous avons choisi de soutenir le développement de l'homologation du Forest Stewardship Council, car nous considérons que la structure, les principes et les orientations de cet organisme, son indépendance et ses critères en matière de vérification des pratiques sur le terrain favorisent l'application des normes les plus élevées et les meilleures dans le domaine de l'homologation des produits forestiers. Le fait qu'il s'agisse d'un organisme indépendant et international lui donne par ailleurs une grande crédibilité, aussi bien parmi les secteurs directement concernés que sur le marché.

Nous sommes actuellement partie prenante du processus qui s'appuie sur les principes et orientations du FSC et qui a pour objet de développer, sur ces bases, des normes destinées à une application régionale. Il s'agit du processus habituellement appliqué pour l'homologation du FSC: des paramètres sont définis dans une perspective d'application à une situation locale et l'on passe ensuite à l'élaboration de critères concrets avec d'autres parties prenantes concernées par la situation dans une région donnée.

Nous sommes donc impliqués dans un tel processus en Colombie- Britannique. La première série de normes provisoires devrait, j'espère, être soumise à l'examen de la population au cours du mois prochain.

Nous avons bénéficié de la collaboration de certains secteurs de l'industrie, y compris de la part de compagnies comme Western Forest Products et d'autres qui ont manifesté un intérêt évident en la matière. Nous n'avons pas d'objections, en principe, à ce que de grandes entreprises forestières comme Western Forest Products obtiennent une homologation. Notre seul critère est de savoir si ces entreprises satisferont aux normes? Seront-elles en fait capables de respecter les principes, les orientations et les normes régionales une fois qu'elles auront été développées et confirmées par les secteurs concernés en Colombie-Britannique? Si ces entreprises peuvent satisfaire à ces normes, alors tant mieux.

M. John Duncan: Ai-je encore du temps?

Le président: Malheureusement, John, il faudra que je vous redonne la parole. Vous pouvez cependant poser une brève question.

M. John Duncan: Très bien.

Votre réponse est liée à une homologation par le Forest Stewardship Council. Si une compagnie tentait d'obtenir l'homologation de l'Association canadienne de normalisation, votre réponse serait-elle la même ou vous opposeriez-vous à cette homologation?

Mme Catherine Stewart: Non, nous ne sommes pas contre l'homologation. Si une compagnie désire obtenir l'homologation de la CSA ou ISO 14000, qu'elle fasse le nécessaire et qu'elle l'obtienne, mais je pense que les compagnies doivent reconnaître que cela a peu de poids sur le marché, et certainement très peu de poids du point de vue des consommateurs et parmi les défenseurs de l'environnement. Les normes ne sont tout simplement pas à la hauteur de celles du Forest Stewardship Council. J'encouragerais plutôt les compagnies qui souhaitent récupérer une part du marché et de leur réputation en matière d'exploitation écologique responsable à s'engager sur la voie d'une homologation par le FSC.

Le président: Parfait, je vous remercie.

La parole est maintenant à Gerry Byrne.

M. Gerry Byrne (Humber—Sainte-Barbe—Baie Verte, Lib.): Je vous remercie toutes les deux d'être venues témoigner devant le comité. Je m'excuse d'être arrivé un peu en retard. Nous avons eu une arrivée un peu précipitée à Vancouver.

Je voudrais aborder la question de l'homologation. J'aimerais enchaîner sur ce que vient de dire mon collègue, M. Duncan.

• 1440

Vous avez déclaré que Greenpeace ne s'oppose pas à l'homologation et considère en fait que cela s'avérerait bénéfique pour toute stratégie future en matière de pratiques forestières au Canada. Cela reflète-t-il équitablement vos propos?

Mme Catherine Stewart: Oui, avec toutefois une réserve, du fait qu'il continue d'y avoir des questions non résolues au sein du FSC International au sujet de la conversion des peuplements vieux, entre autres questions que nous examinons, à quoi s'ajoute évidemment le fait que l'élaboration de normes régionales est un processus impliquant de nombreuses parties prenantes. Il n'est pas inimaginable que d'autres points de vue l'emportent sur le nôtre, et que les normes soient réduites au point que nous ne serions plus en mesure de les appuyer du point de vue écologique. Mais pour l'instant, nous suivons cette voie et appuyons activement la mise au point des normes du FSC, notamment au niveau régional.

M. Gerry Byrne: La Fondation Greenpeace cherche-t-elle actuellement à influencer le marché tel qu'il existe actuellement? A-t-elle des contacts avec de grands organismes ou des groupes de distribution pour leur signaler que les pratiques forestières qui ont actuellement cours en Colombie-Britannique ne sont pas viables écologiquement et que ces entreprises devraient en tenir compte lorsqu'elles achètent des produits?

Mme Catherine Stewart: Oui.

M. Gerry Byrne: Pourquoi agissez-vous ainsi avant la mise en oeuvre d'un processus d'homologation que vous déclarez avoir l'intention d'appuyer, en théorie, et quand on sait que le Forest Stewardship Council n'a pas été encore en mesure d'homologuer des compagnies canadiennes du fait qu'il n'est pas encore parvenu à organiser des négociations régionales? S'agit-il de négociations de mauvaise foi, au sens où vous l'avez décrit dans votre exposé? Vous avez fixé une norme qui serait, selon vous, favorable à des pratiques d'exploitation forestière écologiquement viables. Et vous encouragez les compagnies à agir en ce sens. D'un autre côté, le message que vous nous transmettez est que vous encouragez les entreprises à ne pas appuyer les pratiques forestières canadiennes, avant même que les compagnies forestières canadiennes puissent parvenir à être homologuées.

M. Catherine Stewart: C'est une question complexe.

M. Gerry Byrne: Je pense, au contraire, que c'est plutôt simple.

Mme Catherine Stewart: Je commencerais par dire que les compagnies peuvent demander une homologation avant que des normes régionales soient fixées. C'est la voie dans laquelle s'est engagée la compagnie Western Forest Products. L'entreprise a retenu les services d'un certifieur reconnu par le FSC et tente d'obtenir l'homologation de certaines de ses activités, sachant que le processus d'élaboration des normes n'est pas un processus qui va évoluer rapidement.

Non, je ne pense pas que ce soit injuste, car les pratiques d'exploitation forestière actuelles en Colombie-Britannique sont foncièrement insoutenables. Le gouvernement de la Colombie- Britannique reconnaît lui-même que nous surexploitons, que nous exploitons à un taux insoutenable. Nous demandons aux entreprises de faire pression sur leurs fournisseurs pour qu'ils améliorent dès maintenant leurs critères d'abattage, leurs critères de fonctionnement. Cette démarche commence à avoir des résultats, car les compagnies espèrent obtenir l'homologation du FSC.

À l'heure actuelle, la plupart des exploitants industriels sont si loin de satisfaire aux principes et aux critères qu'ils vont devoir procéder à des changements majeurs dans leurs pratiques forestières, pour ne serait-ce que s'en approcher. Nous pensons par conséquent qu'il est utile de les mettre sur la voie d'une foresterie viable, dans l'intérêt des communautés et des forêts, car une fois les normes en place, l'homologation sera, nous l'espérons, la suite logique.

Nous ne demandons pas aux entreprises de n'acheter que des planches homologuées par le FSC. Nous leur disons qu'il s'agit d'un très bon indicateur des pratiques écologiques, mais que dans l'intervalle, elles devraient encourager leurs fournisseurs de Colombie-Britannique à changer dès maintenant leurs pratiques d'exploitation.

Permettez-moi de vous donner un exemple, dans le prolongement de l'allusion qu'a faite ma collègue au code de pratiques forestières. Beaucoup sont préoccupés actuellement par l'état des stocks de saumon du Pacifique. Nous négocions un traité avec les États-Unis. Il y a beaucoup de tensions au sujet de la santé des saumons, et la disparition d'une protection satisfaisante au cours des 15 dernières années en a perturbé l'exploitation. Ici, en Colombie-Britannique, pendant que le gouvernement claironne qu'il a imposé les normes les plus rigoureuses en matière d'exploitation forestière, les rives des ruisseaux de moins de 1,5 m de large ne bénéficient d'aucune protection en vertu du code de pratiques forestières. À l'heure actuelle ces petits ruisseaux peuvent subir les effets des coupes à blanc jusqu'à leurs rives. On ne trouve aucune protection dans le code. Et il s'agit précisément des ruisseaux qui abritent souvent des saumons coho et steelhead, quelques-unes de nos remontes les plus menacées.

Les normes sur la végétation des rives sont plus rigoureuses en Alaska, dans l'État de Washington et en Russie qu'elles ne le sont au Canada. Dans les autres pays, elles protègent non seulement toutes les rivières à saumon, indépendamment de la taille du cours d'eau—cela n'est pas pris en compte—mais également les affluents de ces rivières contre la pollution par les boues et contre l'impact de l'exploitation forestière qui risque de détruire les saumons.

• 1445

Il reste donc beaucoup à faire en Colombie-Britannique. Même les compagnies qui adhèrent rigoureusement aux normes du code de pratiques forestières ne satisfont toujours pas aux critères de responsabilité écologique.

M. Gerry Byrne: Ce qui fait que...

Le président: Gerry, votre temps de parole est presque écoulé.

M. Gerry Byrne: Vous avez mentionné que vous étiez prêt à encourager l'exploitation des deuxièmes, voire des troisièmes venues, de préférence à celle des vieux peuplements. Qu'est-ce qui fait qu'à votre avis les peuplements vieux sont écologiquement plus importants que les deuxièmes venues?

Mme Catherine Stewart: À l'heure actuelle, ils sont tellement rares que nous considérons avoir une responsabilité...

M. Gerry Byrne: Non, c'est subjectif. Qu'est-ce qui, écologiquement, scientifiquement et écologiquement...

Mme Catherine Stewart: Permettez-moi de vous donner un exemple. Des recherches ont été effectuées ces dernières années par des entomologistes de l'Université de Victoria sur le couvert des vieux peuplements et le type d'insectes que l'on y trouve. Dans le cadre de leurs recherches et après avoir fait la collecte de plus d'un million de spécimens d'insectes, ces scientifiques ont découvert de 300 à 500 nouvelles espèces qui n'avaient jamais été répertoriées. Ils ont envoyé des échantillons à travers le monde, pour voir si d'autres scientifiques les avaient déjà découvertes. Il y avait donc entre 300 et 500 nouvelles espèces entièrement nouvelles qui n'avaient jamais été identifiées.

Les entomologistes ont conclu que les conditions de survie de ces espèces n'étaient possibles que dans les vieux peuplements, que le couvert des forêts de deuxième venue n'offrirait tout simplement pas l'habitat essentiel à la survie de ces espèces. On n'a même pas trouvé de traces de ces insectes dans les plus vieilles forêts de deuxième venue. La conclusion des scientifiques fut que les conditions propices ne pourraient pas exister avant d'attendre que le couvert des forêts de deuxième venue se soit développé pendant 100 à 150 ans. Et naturellement, avec des cycles d'abattage de 80 à 100 ans, ce point ne sera jamais atteint.

Nous ignorons l'importance de ces espèces pour la santé des forêts, des autres espèces, leur place dans l'interdépendance des écosystèmes, la pertinence de leur existence pour la croissance des forêts elles-mêmes, et leur intérêt éventuel pour l'humanité en termes de médicaments. Nous ne savons tout simplement pas. Mais si nous abattons la totalité des derniers peuplements qui ont survécu, nous ne le saurons jamais. Il est donc vital que nous préservions une partie de nos vieux peuplements.

Le président: Je vous remercie. Gerry, j'essayerai de vous redonner la parole si je peux.

Monique, ensuite Werner, ensuite Yvon.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Il serait préférable que vous utilisiez vos appareils parce que je vais parler en français.

[Traduction]

Mme Catherine Stewart: Nous nous excusons auprès du comité de ne pas avoir de documentation en français. Malheureusement, contrairement aux rumeurs qui circulent, nous n'avons pas les ressources qui nous permettraient d'avoir des services de traduction.

[Français]

Mme Monique Guay: Il appartient au comité d'en faire la traduction. À l'avenir, monsieur le président, il serait intéressant qu'on ait les documents dans les deux langues.

Madame Stewart, je connais bien l'environnement car j'ai été pendant trois ans critique de l'Opposition officielle en matière d'environnement à Ottawa. Durant ces trois années, j'ai appris qu'il n'était pas toujours facile de trouver des terrains d'entente entre le secteur privé et le secteur environnemental. J'ai une grosse inquiétude parce que vous nous avez dit très sincèrement que vous ne feriez pas de consensus. C'est inquiétant parce qu'il faudra qu'on réussisse à trouver des consensus, même si ce n'est que par étape ou par moment.

Vous nous disiez qu'il y avait eu des erreurs sur Yeo Island, que des choses n'avaient pas été respectées et que vous aviez fait une plainte. Finalement, le gouvernement—je ne sais pas comment cela s'est produit—a corrigé l'erreur. Évidemment, votre rôle est important parce que vous avez réussi à faire corriger quelque chose.

Ce qui m'inquiète énormément, c'est qu'on est sur des terrains où la mésentente va perdurer pendant des années; on va donc nuire tant à l'industrie forestière qu'à l'environnement.

Vous nous disiez aussi qu'il ne restait que 69 rain forests sur 353, mais ce n'est pas seulement la faute de l'industrie forestière car il y a aussi des désordres écologiques naturels qui se produisent. Il faut faire attention avant d'accuser une industrie; il faut tenir compte des désordres naturels. Il y a les gaz à effet de serre, le réchauffement de la planète et des avalanches dans ce secteur-là. On a vu les lieux de nos propres yeux, pendant deux jours, et je ne pense pas qu'on ait essayé de nous cacher quoi que ce soit; des choses se produisent réellement.

• 1450

J'ai donc des inquiétudes face aux extrêmes; c'est très inquiétant de voir cela. Le groupe Greenpeace International est venu ici, madame Stewart, et on a tous vu des choses à la télé. Il ne faut pas fermer les yeux sur les choses qui se sont produites. Cependant, il faut se demander pourquoi elles se sont produites et ce qu'on peut faire pour améliorer la situation sur le plan environnemental, sur le plan de la santé des animaux, des espèces en voie de disparition et même des autochtones qui vivent sur ces territoires.

On a aussi mentionné—vous me le confirmerez ou me l'infirmerez—que 70 inspecteurs du gouvernement font régulièrement des inspections dans les forêts en Colombie-Britannique. Je ne vous dis pas que c'est suffisant ou que ce ne sera jamais assez. Vous êtes les chiens de garde de la nature et c'est important.

Peut-on détruire complètement une industrie qui fait vivre des milliers de personnes? Ils doivent faire leur travail de façon à conserver et à protéger l'environnement. On a vu des plantations d'arbres dans les forêts qui sont en pleine croissance; la façon dont cela se fait est extraordinaire. Je suis convaincue qu'il y a encore des choses à améliorer.

Ne pourrait-on pas essayer d'établir certains consensus, pas nécessairement sur tout? Quand on trouve que quelque chose est bon, il ne faut pas avoir peur de le dire et de progresser dans cette voie-là. C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

[Traduction]

Mme Catherine Stewart: Merci de vos observations.

J'ai dit qu'il me paraissait peu probable que l'on parvienne à un consensus à cause de la diversité des intérêts en cause. Toutefois, nous sommes déterminés à rester à la table de négociations, tant et aussi longtemps que des moratoires sont en vigueur, et à négocier pour parvenir à un consensus. Je n'ai pas beaucoup d'espoir, mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas prêts à essayer.

En ce qui concerne les accusations portées contre l'industrie, nous ne nous focalisons pas actuellement sur les pratiques passées; nous reconnaissons tous, l'industrie y compris, qu'elles étaient intolérables, mais nous nous tournons vers l'avenir. La première critique que nous adressons à l'industrie, c'est que sur 353 vallées, elle n'en a épargné que 69, et à l'heure actuelle, nous considérons que cela représente quelque chose de tellement rare à l'échelle planétaire qu'il incombe à l'industrie de se comporter de façon responsable et de laisser ces vallées intactes.

L'exploitation des deuxièmes venues recèle effectivement un certain potentiel, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous encourageons l'industrie à entreprendre ce type d'exploitation et à amorcer un changement de perspective. Vous avez raison de dire que les problèmes auxquels la planète fait face sont nombreux, qu'il s'agisse de la croissance des forêts, de leur santé et de leur diversité ou de celles des espèces. L'éventail est très large, du changement climatique aux glissements de terrain naturels. Mais rien ne ressemble tout à fait aux coupes à blanc ni à l'abattage et au brûlage des forêts ombrophiles tempérées. Rien dans la nature ne reproduit cette activité industrielle.

Notre but n'est pas de détruire une industrie dont dépend la province. Notre but est de pousser cette industrie à évoluer avec le temps, à reconnaître les erreurs du passé, à reconnaître que certaines de ces erreurs se perpétuent, à reconnaître la rareté globale des écosystèmes qui existent dans les vallées encore intactes et à accepter le changement plutôt que d'y résister.

Quand des compagnies acceptent de relever le défi, comme dans le cas de MacMillan Bloedel, nous le reconnaissons. En fait, quand MacMillan Bloedel a annoncé son intention d'abandonner les coupes à blanc, nous sommes allés assister à leur conférence de presse avec une bouteille de champagne et nous les avons félicités. Nous soutiendrons naturellement toutes les industries qui prendront des initiatives viables du point de vue de l'environnement, mais nous continuerons de préconiser des changements plus rapides car les écosystèmes sont extrêmement menacés par tous les facteurs que vous avez décrits. En ce qui concerne ceux qui se montrent intransigeants, nous continuerons d'exercer les pressions les plus lourdes.

Je pense que ma collègue aimerait ajouter quelque chose.

Mme Karen Wristen: Oui, effectivement. Merci. Je vous remercie de vos observations.

• 1455

Je vous encourage à jeter un coup d'oeil, si vous en avez la possibilité, au rapport que j'ai mentionné tout à l'heure, Profits or Plunder, car la plupart des questions que vous avez abordées sont traitées dans ce rapport, notamment l'idée que l'on ne peut pas détruire cette industrie et que nous devons trouver une solution.

L'industrie nourrit des milliers de personnes, mais si vous regardez les chiffres que nous avons analysé et qui portent sur les derniers 25 ans, le nombre de gens que cette industrie fait vivre a baissé de moitié, alors que ses bénéfices ont continué d'augmenter. Le graphique auquel je fais référence se trouve à la page 24, et la ligne en pointillés qui descend à travers la page représente l'emploi dans l'industrie forestière.

Pour cette raison, et du fait que nous commençons à manquer de bois car nous avons coupé trop rapidement depuis tellement longtemps, l'industrie doit changer radicalement. Nous considérons que la solution se trouve dans les projets de forêts communautaires qui sont moins gourmands en capitaux et qui emploient et font vivre plus de monde. L'intérêt pour ces solutions est réel en Colombie- Britannique. Il faudra du temps pour mettre les choses au point, mais elles se résoudront à ces tables de négociation et dans d'autres forums. Nous allons dans cette direction, et nous participons tous autant que nous sommes au processus.

En ce qui concerne les inspections et l'application de la réglementation, ainsi que le rôle que peut jouer le gouvernement fédéral pour parvenir à ces solutions, ma collègue et moi-même avons formulé quelques propositions concrètes dans le document dont vous disposez. Une des propositions est, bien sûr, de commencer par appliquer la loi qui existe. Il y a deux plaintes en instance devant la Commission de coopération environnementale concernant l'immobilisme du gouvernement fédéral en ce qui concerne l'application de la Loi sur les pêches pour protéger les stocks de poisson. Voilà une chose positive que pourrait faire le gouvernement. L'autre est l'appui de l'élaboration de normes régionales relatives à l'homologation des modes de gestion des forêts. Si les compagnies se décident à adopter ces normes, nous aurons une industrie forestière dans cette province que tout le monde se sent à l'aise de soutenir, et c'est ce à quoi nous voulons parvenir.

Mme Catherine Stewart: J'aimerais ajouter très brièvement...

Le président: Très brièvement.

Mme Catherine Stewart: Un des changements que j'aimerais voir l'industrie apporter serait de réduire sa dépendance vis-à-vis le volume des coupes et d'accroître la valeur générée par chaque stère de bois coupé. Les antécédents de la Colombie-Britannique à cet égard sont scandaleux. Dans la note de synthèse que nous vous avons distribuée figurent quelques chiffres sur les emplois créés par milliers de stères dans les différents pays, ainsi que sur la valeur qui en est tirée.

Le volume du bois brut qui est exporté de Colombie-Britannique est en progression. Par conséquent, quand les compagnies nous disent: pensez aux travailleurs, pensez aux communautés, nous leur répondons en leur demandant pourquoi en 1997, l'industrie a exporté environ 270 000 stères de bois brut, non traité, alors qu'à la fin de 1998, le volume atteignait, voire dépassait, un million de stères? Au cours des huit premiers mois, il était de 700 000 stères; par conséquent, si l'on extrapole, on arrive à un chiffre bien supérieur à un million de stères sur 12 mois.

Voilà les emplois perdus par la province. Greenpeace s'est opposé à l'exportation du bois brut, et nous considérons que l'industrie a la responsabilité d'investir dans des activités à valeur ajoutée et dans la création d'emplois, plutôt que de se satisfaire uniquement de faire grimper le volume des exportations payées en argent comptant.

Le président: Merci, Catherine.

Nous allons entendre Alex, puis Werner et Yvon.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'ai été, moi aussi, intéressé par vos observations au sujet de notre voyage à Yeo Island. Pouvez-vous développer? Avez-vous un droit d'accès à ces terres? Avez-vous le droit d'y pénétrer?

Mme Karen Wristen: Oui, nous avons le droit d'entrer sur ces terres. Nous y avons été invités par les chefs héréditaires Heiltsuk, dont l'une des responsabilités est la protection des ressources de leur communauté. Et ce sont des terres publiques.

M. Alex Shepherd: Je vois. Est-ce par opposition aux représentants élus des peuples autochtones qui peut-être, ne souhaitaient pas que vous veniez?

Mme Karen Wristen: Vous devez faire allusion à la lettre qui a été envoyée après notre visite à Yeo Island par Arlene Wilson, du conseil de bande Heiltsuk. Est-ce ce à quoi vous faites allusion? Non.

M. Alex Shepherd: Le peuple Heiltsuk forme-t-il une communauté? Vous avez parlé de l'importance de la foresterie communautaire. Le peuple Heiltsuk est-il une communauté selon votre définition?

Mme Karen Wristen: Bien sûr que c'est une communauté.

M. Alex Shepherd: Vous savez que 90 p. 100 de cette population est actuellement au chômage.

Mme Karen Wristen: Oui. Le taux de chômage est très élevé dans toutes les communautés autochtones de la Colombie-Britannique.

M. Alex Shepherd: Beaucoup ont le sentiment, au sein de ces communautés, que ce chômage est dû en partie à certaines des initiatives de Greenpeace.

M. Karen Wristen: Je ne représente pas Greenpeace. Je représente le Sierra Legal Defence Fund. Nous nous chargeons d'aller enquêter sur les cas de non-application du code de pratiques forestières, ce que nous avons fait sur le territoire Heiltsuk à la demande du peuple Heiltsuk, lequel souhaite effectivement que l'on crée des emplois, mais des emplois qui ne détruisent pas leurs ressources, des ressources qu'ils sont chargés de protéger pour les générations à venir.

• 1500

M. Alex Shepherd: Madame Stewart, vous avez parlé du processus d'homologation. Participez-vous à certaines des initiatives en ce sens?

M. Catherine Stewart: Oui, Greenpeace fait partie du comité directeur.

M. Alex Shepherd: Peut-on s'attendre à ce qu'un processus d'homologation autorise l'exploitation partielle des forêts ombrophiles?

Mme Catherine Stewart: C'est en tout cas ce que nous espérons, et nous agissons en ce sens.

M. Alex Shepherd: Mais vous me dites qu'il faut un moratoire dès maintenant, avant la mise en place du processus.

Mme Catherine Stewart: Nous pensons qu'il devrait y avoir un moratoire sur les coupes à blanc industrielles qui touchent les dernières vallées de peuplements vieux, effectivement.

M. Alex Shepherd: Indépendamment du fait qu'il ne semble pas y avoir de processus d'homologation satisfaisant, selon vous, y en a-t-il un qui autoriserait les coupes, de nos jours, dans la forêt ombrophile?

Mme Catherine Stewart: J'ai un exemple à vous donner. Greenpeace a collaboré étroitement avec la compagnie MacMillan Bloedel, qui participe à une opération conjointe dans la baie Clayoquot avec la Première nation Nuu-Chah-Nulth. Ils ont mis en place une coentreprise baptisée Ehattesaht, dont les Nuu-Chah-Nulth contrôlent 51 p. 100 des parts et MacMillan Bloedel 49 p. 100. Cette société négocie actuellement un protocole d'accord avec des groupes d'intérêt de la baie Clayoquot, notamment des bûcherons et des groupes écologistes qui ont participé à la lutte pour la protection de Clayoquot. Le projet de protocole, qui n'a pas encore franchi toutes les étapes menant à son approbation, permettrait une exploitation forestière dans des vallées morcelées—des vallées qui ont déjà été affectées.

Greenpeace mentionne dans sa documentation que dans des régions comme le centre du littoral de la Colombie-Britannique, la coupe de peuplements vieux peut être le seul moyen d'offrir des emplois forestiers à ces communautés, ce qui constitue, selon nous, la seule raison d'autoriser des incursions dans ces zones de nature vierge. Mais nous préférerions que toutes ces vallées soient protégées. Nous nous rendons compte que les solutions sont limitées et nous sommes prêts à appuyer des formules d'exploitation communautaire, écologiquement responsables dans certaines de ces régions.

M. Alex Shepherd: Vous avez parlé de l'écosystème et du couvert des forêts tempérées.

Mme Catherine Stewart: Pour illustration, oui.

M. Alex Shepherd: Pensez-vous qu'on puisse dire que ces populations restent stables à travers le temps? Manifestement, l'écologie évolue et les forêts se transforment. S'agissait-il d'une tentative de votre part de figer les choses en quelque sorte?

Mme Catherine Stewart: Certainement pas, mais quand on parle de l'évolution naturelle d'un écosystème forestier, on ne parle pas de coupe à blanc, ni de culture sur brûlé.

M. Alex Shepherd: Vous utilisez cette définition, mais si je comprends bien, le code de pratiques forestières s'efforce d'imiter l'écologie dans une certaine mesure. Par conséquent, si l'écologie aboutissait naturellement à ce résultat, on remplacerait le peuplement par une forêt de deuxième venue.

Mme Catherine Stewart: Je pense que c'est accorder un peu plus de crédit au code de pratiques forestières qu'il ne le mérite en réalité.

M. Alex Shepherd: Bon.

Le président: Merci, Alex.

C'est au tour de Werner, suivi de Yvon, puis de Gerald.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci, mesdames, de votre exposé sur la question qui nous intéresse. Merci d'être venues témoigner devant le comité. Je suis impressionné par la logique de la position que vous avez formulée, mais je voudrais clarifier quelques petites choses.

Il me semble, Catherine, que dans vos réponses à M. Shepherd vous avez déclaré être disposée à accepter une exploitation sélective des peuplements vieux. Cependant, précédemment, lors de votre exposé, j'ai eu l'impression—du moins c'est ce que j'ai compris—que vous étiez fermement opposée à l'exploitation des peuplements vieux. Pouvez-vous clarifier cela?

Mme Catherine Stewart: Tout à fait. Foncièrement, nous sommes d'avis que les dernières vallées de nature vierge devraient être protégées, en tout cas protégées contre l'exploitation industrielle. Nous reconnaissons en même temps que les solutions sont très peu nombreuses.

M. Werner Schmidt: Puis-je vous interrompre? Qu'entendez-vous exactement par exploitation industrielle?

Mme Catherine Stewart: Les coupes à blanc à grande échelle, les méthodes traditionnelles de...

M. Werner Schmidt: Mais j'ai parlé d'exploitation «sélective». Seriez-vous en faveur d'une exploitation sélective?

Mme Catherine Stewart: Dans certains cas. Il est difficile de donner une réponse honnête et précise, car cela dépend en partie de la valeur de la biodiversité d'une région donnée. Certaines régions ont une faune et une flore sauvages abondantes, certaines ont une importance capitale en tant qu'habitat des ours gris, et d'autres protègent par exemple des remontes menacées de saumon coho. Il faut procéder au cas par cas.

• 1505

Une analyse au cas par cas pourrait nous amener à dire que «du point de vue biologique», nous ne pensons qu'il devrait y avoir des incursions dans cette région» ou «du point de vue biologique, nous pensons qu'une certaine exploitation sélective contrôlée au niveau communautaire pourrait être possible dans cette autre région». Mais répondre catégoriquement oui ou non pour toutes les vallées est tout simplement impossible. Il faut faire des évaluations ponctuelles.

M. Werner Schmidt: Cela m'amène au Forest Stewardship Council et à la mise en place de critères. Vous avez opté en faveur de l'homologation proposée par ce groupe plutôt que par les deux autres. Le Forest Stewardship Council déterminera les directives et les normes d'homologation en ce qui concerne les peuplements anciens ainsi que les deuxième, troisième et quatrième venues?

Mme Catherine Stewart: C'est une question qui est à l'heure actuelle au coeur du débat, et lors de l'assemblée du FSC International, en juin, je pense, on abordera précisément cette question; mais oui, c'est possible.

J'aimerais insister une fois encore sur le fait que nous n'accordons pas un blanc-seing total au FSC. Il s'agit par ailleurs d'un processus évolutif, et nous suivons cette progression de près. Nous espérons qu'on gardera le cap.

M. Werner Schmidt: Alors, si vous n'avez pas opté totalement pour le Forest Stewardship Council, suivez-vous les activités de l'AFC et des autres conseils d'homologation?

Mme Catherine Stewart: Nous nous intéressons naturellement à l'élaboration des normes de l'AFC mais à distance, car les systèmes sont tellement différents. Le point capital, en l'occurrence, est la vérification sur le terrain. Le système de l'AFC vérifie les plans de gestion—foncièrement les intentions sur papier—de la compagnie, sans procéder effectivement à des vérifications sur le terrain de la mise en oeuvre de ces normes. Il s'agit de deux méthodes d'homologation complètement différentes.

M. Werner Schmidt: Mon autre question concerne la façon dont vous procédez pour mener à bien vos activités. Je pense que toute la population canadienne se rend compte qu'il fallait que les choses changent dans le domaine de l'exploitation forestière. Tout le monde convient, je pense, qu'il fallait faire quelque chose. MacMillan Bloedel a fait volte face en ce qui concerne les coupes à blanc, et c'est très bien.

La question que je vais vous poser maintenant est d'ordre plus sociologique. Elle concerne les façons dont les communautés sont affectées par vos interventions. Je vous pose la question: Quel but poursuivez-vous? Quel est votre objectif lorsque vous intervenez dans une communauté, sachant que cela va la diviser et que les deux camps risquent de s'entre-déchirer?

Mme Catherine Stewart: Il est important de reconnaître l'éventail des opinions qui existent au sein de ces communautés. Prétendre que Greenpeace «envahit» une région ne reflète pas la plupart du temps ce qui se passe effectivement. Un excellent exemple nous en est fourni par Bella Coola. Je suis sûre que si vous avez rencontré le conseil élu de Bella Coola, vous avez probablement entendu dire que Greenpeace a attisé la division de la communauté. En fait, Greenpeace s'était impliqué dans le débat au sujet de la baie Clayoquot quand les chefs élus et les chefs héréditaires de la nation Nuxalk sont venus à Vancouver nous dire: «la baie Clayoquot n'est pas le seul endroit où la forêt est en crise. Nous voulons votre aide», et ils nous ont ensuite invités dans leur communauté.

Le hasard a voulu que quelques années après que nous ayons commencé à travailler dans cette communauté, en collaboration avec ses leaders, il y a eu une élection qui s'est soldée par un changement de dirigeants. Toutefois, après un an ou deux de collaboration avec certains membres d'une communauté qui était aussi profondément affectée par les dommages infligés à des sites d'une grande valeur culturelle et religieuse pour eux, nous avions établi des relations solides et nous avions pris des engagements à l'égard de cette population qu'il ne nous a pas paru possible de renier simplement parce qu'un nouveau conseil avait été élu. Les chefs héréditaires continuaient de demander notre soutien, et continuent de le demander aujourd'hui, pour que les pratiques forestières dans leur région soient modifiées.

M. Werner Schmidt: Alors, avez-vous tendance à favoriser un groupe par rapport à un autre, ou votre objectif global est-il d'unifier une communauté pour atteindre un but particulier?

Mme Catherine Stewart: L'idéal, pour nous, est bien sûr que tous les membres d'une communauté partagent le même airs, tout comme nous aimerions voir un consensus émerger des processus gouvernementaux dont nos partenaires sont parties prenantes, mais en tant qu'organisme écologique mondial, notre objectif primordial est d'examiner ces questions dans un contexte international et de nous battre pour la promotion des valeurs écologiques, tout en reconnaissant bien sûr la place des êtres humains dans l'écosystème. En dernière analyse, nous considérons qu'il revient aux communautés de régler leurs différends. Nous ne sommes qu'une voix dans le débat.

• 1510

M. Werner Schmidt: Servez-vous alors de catalyseur? Ou sachant pertinemment que ces différences d'opinion existent—ce qui est le cas, nous le savons tous, et que vous devez prendre parti, avez- vous un plan pour panser les blessures, si l'on peut dire, provoquées par ces divisions?

Mme Catherine Stewart: Quand il nous est possible de le faire, évidemment, oui, mais nous ne pensons pas qu'il nous incombe de dicter aux communautés comment elles doivent s'y prendre pour panser leurs blessures.

M. Werner Schmidt: Je ne propose pas une forme de dictature.

Mme Catherine Stewart: Les communautés doivent trouver un moyen de résoudre les divergences d'opinion qui existaient avant l'intervention de Greenpeace. S'il nous est possible d'apporter notre aide ou de faciliter les choses, alors nous nous faisons un plaisir de le faire, mais il ne nous incombe certainement pas de décider ce qu'il faut faire ou quelle est la meilleure marche à suivre.

Le président: Je vous remercie, Catherine.

Mme Karen Wristen: Puis-je faire une observation?

Le président: Si elle est très brève, car je voudrais donner la parole à un ou deux autres membres avant de conclure.

Mme Karen Wristen: Je voudrais dire que j'appuie les propos de Catherine et vous expliquer comment s'y prennent nos équipes d'enquête et ce que font un grand nombre de nos collègues lorsqu'ils interviennent dans ces communautés, sachant qu'il existe des divergences qui risquent fort d'être exacerbées par l'intérêt que porte le monde à une communauté où nous intervenons.

Nous commençons par nous assurer que tout le monde est au courant. Nous arrivons avec des instructions du conseil héréditaire voulant que nous partagions avec le conseil de bande l'information que nous recueillons de manière à ce que tout le monde ait au moins les mêmes informations que celles dont nous disposons. Ce qu'ils font par la suite s'inscrit dans un processus démocratique. Il leur revient de décider ce qu'ils doivent faire. Nous cherchons simplement à faire en sorte que tout le monde en soit au même point et que l'information soit bel et bien disponible.

Le président: Merci, madame Wristen.

Nous allons maintenant entendre Yvon, laisser Joe poser une brève question, puis terminer avec Gerald.

[Français]

M. Yvon Godin: J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue. Puisque mes collègues ont déjà posé plusieurs des questions auxquelles j'avais songé, je passerai à des questions un peu plus directes.

Dans le cadre de nos consultations, nous nous sommes rendus à de nombreux endroits. Je possède une certaine expérience de la forêt puisque mon père était un forestier et que mes frères étaient bûcherons. Certains d'eux s'adonnent encore à ce métier bien qu'ils soient maintenant âgés de 58 ans. Nous considérons que la forêt est notre jardin; elle n'est pas que le jardin dont bénéficieront les générations futures. La forêt représentait notre gagne-pain, notre moyen de survie.

On parle du vieux bois et de la nouvelle transplantation, la deuxième transplantation qu'on est déjà en train de commencer à en couper. J'ai parlé à des travailleurs de la forêt qui se servent de scies mécaniques et d'autres pièces de machinerie. Ils m'ont dit que s'ils ne coupaient que le vieux bois, ils n'auraient pas assez de bois pour poursuivre leur travail. On se préoccupe des générations futures, mais je me demande si nous ne sommes pas en train d'oublier notre propre génération. J'ai rencontré des bûcherons qui ont été affectés par cette situation, non seulement au cours des deux derniers jours, mais également l'année dernière et en janvier lorsque j'étais à Prince George. Ils me demandaient pourquoi on les empêchait d'aller bûcher afin que d'autres puissent avoir la chance de le faire plus tard. Ils doivent subvenir aux besoins de leurs familles et voir à ce qu'elles ne manquent pas de nourriture et aient un toit. Ils se demandent pourquoi ils devraient laisser la chance aux autres.

Je voudrais féliciter les groupes qui exercent des pressions au nom des bûcherons. Je suis complètement d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il est important que les compagnies et gouvernements assument leurs responsabilités de reboisement dès qu'elles coupent un arbre. Est-ce la situation qui prévaut aujourd'hui? Je crois que nous devons orienter nos efforts en ce sens. La forêt a été mise là par quelqu'un qui n'est ni vous ni moi. Elle a été mise là pour qu'on puisse s'en servir et pour qu'elle soit conservée pour les générations futures.

J'aimerais entendre votre réaction là-dessus. Je crains que des gens souffrent actuellement parce qu'on a pris des mesures trop sévères lorsqu'on a tenté de trouver une réponse qui saurait satisfaire tout le monde. Je constate en même temps qu'on a mis en place des parcs afin de sauver la forêt.

• 1515

[Traduction]

Mme Catherine Stewart: Je suis tout à fait d'accord avec vous, et je vous remercie de vos observations. Il est impératif que nous fassions preuve d'un tel sens des responsabilités et que nous anticipions les besoins des générations à venir, pas seulement nos besoins à court terme. Je suis très sensible à votre point de vue à cet égard et je le partage.

Karen, voulez-vous...

[Français]

M. Yvon Godin: Je me préoccupe davantage des travailleurs actuels qu'on empêche d'aller couper du bois que des générations futures.

[Traduction]

Mme Catherine Stewart: Le mieux serait sans doute de vous renvoyer à certaines de nos propositions.

Mme Karen Wristen: Je pense qu'avant tout, les gouvernements, où qu'ils soient doivent commencer par écouter ce qui se dit dans les communautés.

Monsieur Godin, vous avez mentionné qu'à Prince Rupert, on vous a dit qu'il ne restait pas suffisamment de bois à couper. On entend cela d'un bout à l'autre de la province. Les gens savent qu'il ne sera plus possible de couper de la façon dont on s'y est pris jusqu'à présent, selon les mêmes techniques; ils veulent que l'on en revienne à un contrôle local, à des emplois locaux, à la valeur ajoutée. C'est ce que l'on entend. Nous espérons que le gouvernement actuel et les gouvernements provinciaux écouteront ce qui se dit et appuieront des processus qui aboutiront à l'évolution du régime foncier.

Plus précisément, l'une des recommandations que nous avons faites au gouvernement fédéral et qui est susceptible de contribuer à ce processus de changement est d'examiner les industries à valeur ajoutée que l'on pourrait implanter en Colombie-Britannique dans le cadre du financement au titre de la diversification économique.

Les exportations de bois brut sont cette année encore plus élevées que l'année dernière, dépassant le million de stères, alors que 300 000 stères suffisaient à assurer la survie de la scierie Eburne, une scierie ultramoderne sur la rivière Fraser, qui a fermé ses portes l'année dernière. Nous exportons trois fois la quantité de bois qui aurait suffi à faire fonctionner cette scierie pendant un an. Pourquoi? Cela représente 300 emplois dans une scierie; multipliés par trois, ce sont près de 1 000 emplois perdus en un an à cause des exportations de bois brut. Ce genre de chose est inacceptable et il faudrait y mettre fin.

Si l'on devait débloquer des crédits pour évaluer ce qui se trouve sur le terrain... La base de données fédérale qui fournit des informations sur ce que nous possédons ici et ce que nous détruisons jour après jour est affligeante; nous ne savons pas comment protéger nos ressources, car nous ne savons même pas ce qu'elles sont. Le ministère des Pêches et des Océans devrait avoir sur le terrain des agents d'évaluation de l'habitat qui s'occupent de recueillir des données, de mener des enquêtes et de faire appliquer les normes en vigueur.

Nous avons désespérément besoin d'une loi fédérale sur les espèces en voie de disparition de manière à ce que celles qui sont déjà en danger... Le saumon et les baleines orca sont répertoriés comme des espèces menacées et en voie de disparition; nous avons besoin de mesures qui peuvent être mises en oeuvre immédiatement pour protéger ces espèces et leur habitat.

Il y a plusieurs autres propositions sur notre liste. Une des plus importantes est toutefois d'investir dans des solutions, et à notre humble avis, cela devrait certainement comprendre le financement de ce programme d'homologation des méthodes de gestion des forêts, de manière à ce que des normes régionales puissent être élaborées, des normes que le mouvement écologiste pourrait appuyer, car ce serait la solution des problèmes dont souffre l'industrie forestière de la Colombie-Britannique.

Le président: Merci, madame Wristen.

Au tour de Joe Comuzzi, et l'on finira avec Gerald Keddy. Nous sommes un peu en retard et nous vous nous sommes reconnaissants de votre indulgence.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): J'ai une petite question, monsieur le président.

Madame Wristen, vous êtes avocate, je présume.

Mme Karen Wristen: Effectivement.

M. Joe Comuzzi: Quand vous énumérez toutes les choses que le gouvernement fédéral devrait faire, toutes vos recommandations, sauf une, nécessiteraient une augmentation des crédits. C'est habituellement l'expression qu'emploient les avocats qui veulent profiter du processus de financement. Est-ce votre cas?

Mme Karen Wristen: Non. En fait, nous n'acceptons ni les crédits du gouvernement fédéral, ni ceux du gouvernement provincial.

M. Joe Comuzzi: Je dis cela pour plaisanter. J'étais ici il y a plusieurs années quand nous avons fait à peu près la même chose que ce qu'a fait le comité ces derniers jours. C'était à l'époque où la Communauté européenne érigeait des barrières douanières contre tous les produits provenant de la Colombie-Britannique, fourrures comprises. Êtes-vous au courant de cela?

• 1520

Mme Catherine Stewart: Il y a plusieurs années, la CEE a effectivement restreint l'importation des produits du phoque, à l'exception de tous les produits indigènes...

M. Joe Comuzzi: Mais en même temps, ils ont également exercé des pressions sur les exploitants forestiers. Quoiqu'il en soit, on a constaté des résultats évidents à ce moment là. La question que je veux vous poser est celle-ci: j'ai entendu dire que les compagnies avaient abandonné la coupe à blanc et adopté un système de coupe plus sélectif, et que si elles s'étaient montrées négligentes par le passé en matière de reboisement, elles avaient fait de plus gros efforts en ce sens. Elles ont fait des efforts à ce moment là et elles ont continué d'essayer de corriger certaines de leurs erreurs. Je me suis laissé dire que certaines erreurs avaient été corrigées et que certaines méthodes fonctionnaient très bien. Je ne vous ai pas entendu ni l'une ni l'autre faire allusion aux progrès qui ont été faits au cours des dernières années par l'industrie forestière. Les choses ne vont peut-être pas aussi vite que vous le souhaiteriez, mais y a-t-il eu des avancées substantielles? Quand on abat un arbre, il faut en replanter un autre. C'est simple. Qu'en pensez-vous? Comment envisagez-vous cela?

Mme Karen Wristen: On a certainement accompli des progrès. Je m'attends à ce que les autres témoins que je vois dans la salle vous en parlent abondamment. Nous ne disposons que d'une heure et nous préférons vous parler de ce qui ne fonctionne pas.

M. Joe Comuzzi: On vous croit, en ce qui concerne ce qui ne marche pas. Mais on aimerait que vous nous donniez aussi une idée de ce qui, à votre avis, fonctionne correctement. Y a-t-il des choses qui sont bien faites?

Mme Karen Wristen: Il est vrai qu'il y a eu une amélioration puisque ces compagnies, qui n'envisageaient pas d'autre solution que la coupe à blanc, sont prêtes aujourd'hui à mettre en oeuvre des stratégies de conservation sélective, mais j'aimerais en voir les résultats concrets. On a surtout vu, avec tout le respect que je dois aux divers niveaux de gouvernement qui ont été impliqués, des mesures factices plutôt qu'une protection véritable. Nous voyons les saumons en péril. Nous voyons des remontes de saumon qui déclinent, et il est encore légal de traverser un cours d'eau où vivent des saumons coho avec un camion. Je ne peux pas qualifier cela d'amélioration, car sur le terrain, les choses n'ont pas encore changé. Les gens commencent à parler d'une évolution dans la bonne direction, et c'est très bien. Et nous sommes toujours partie prenante au processus, et cela aussi, c'est bien.

Le président: Merci, Joe.

Gerald, à vous le dernier mot.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

J'ai écouté attentivement la discussion, et je vous remercie toutes les deux de vous être déplacées. Il y a plusieurs domaines où il semble y avoir parfois des divergences entre ce que vous dites et ce que d'autres gens prétendent, des divergences entre ce qui a été écrit et ce qui a été dit. Mais plus particulièrement en ce qui a trait aux discussions avec les communautés... On parle beaucoup des communautés ici, et bien que je sois originaire de l'autre côte, je vis en tout cas dans une très petite communauté où il est souvent question de gestion et de responsabilité.

J'ai été bûcheron, propriétaire d'un terrain boisé et fermier. J'appartiens à la cinquième génération qui vit sur cette parcelle de terre, et nous y abattons toujours des arbres. Évidemment, une fois que les arbres ont été coupés, ils repoussent, mais cela demande du temps.

Pour être précis, quand vous parlez de communauté, des gens qui en font partie, quelle communauté—et vous pouvez répondre à cela à la fin, l'une ou l'autre—représentez-vous? Je n'interprète pas le mot communauté comme étant en l'occurrence synonyme de région métropolitaine. Je veux dire une communauté comme Bella Coola ou Vancouver. De quelle communauté parlez-vous, comment s'appelle-t-elle et où est-elle située?

On dit que vous ne préconisez pas l'interdiction des produits forestiers de la Colombie-Britannique ni, je présume, de tout autre produit forestier du Canada. Toutefois, vous avez déclaré que vos partisans ont communiqué avec des fournisseurs et des clients dans d'autres pays et que ces derniers ont décidé de boycotter nos produits. J'ai du mal à voir s'il y a un lien de cause à effet en l'occurrence, je n'arrive pas très bien à saisir comment cela se passe.

• 1525

Vous nous donnez beaucoup de statistiques, et certaines sont déroutantes. En ce qui concerne le nombre d'espèces animales, il me semble que si une espèce animale disparaît, c'est une de trop, et la même chose pour une espèce végétale. Mais il est parfois difficile de démontrer qu'elles sont en péril. Il est facile de le dire, mais c'est à la fois très alarmiste et difficile à prouver.

Vous avez déclaré que les phénomènes naturels n'ont rien de nocif, et pourtant, j'ai été témoin d'un incendie de forêt et j'ai vu des épinettes rouges exploser avant que le feu ne les atteigne à cause de la chaleur extrême et j'ai vu des boules de feu, projetées en l'air, atterrir 100, 200 ou 300 mètres plus loin dans la direction du vent et déclencher un autre incendie. Elles sont extrêmement destructives. Et il y a les chablis. On en trouve dans les monts Christmas, au Nouveau-Brunswick—Yvon est probablement au courant—où six ou sept millions de cordes de bois ont été abattues par le vent lors d'une tempête en un seul après-midi. On se retrouve face à une vaste opération de sauvetage.

Nous séjournons ici depuis quelque temps, et je voudrais croire que j'ai quelques connaissances en matière de pratiques forestières et en ce qui concerne les arbres et la façon de les abattre et de les transporter et sur la manière dont il faut s'y prendre pour ne pas nuire à l'environnement. Nous avons en tout cas survolé des milliers et des milliers d'acres de forêts exploitées, à commencer par l'intérieur de la Colombie-Britannique; hier, nous avons sans doute survolé des régions qui n'ont sans doute pas été exploitées en recourant à des méthodes d'abattage écologiquement viables, où il aurait été possible de faire du meilleur travail. J'ai pu observer de nombreuses régions et j'ai constaté qu'il y avait eu parfois une bonne planification et que l'on avait employé de bonnes méthodes d'exploitation forestière.

Quand on vient sur la côte et que l'on se rend compte de l'étendue de la forêt qui peut être coupée, et que les compagnies déclarent qu'elles ont abandonné les coupes à blanc et qu'elles abattent maintenant par parcelles de 35 hectares—nous avons visité un grand nombre de parcelles—et que des bande de végétation sont laissées sur les rives de tous les cours d'eau d'importance significative... On ne va pas discuter pour savoir si un mètre de large vaut mieux que 1 m 50, mais d'un autre côté, il faut bien à un moment donné, finir par s'entendre sur une norme.

En ce qui concerne la construction des routes, la seule érosion que j'ai pu constater depuis que nous sommes ici... Je voudrais dire aussi que je suis déjà venu avant; j'ai visité la région d'un bout à l'autre en 1988, et la seule trace d'érosion que j'avais constatée était une érosion naturelle ou des éboulements dans les montagnes. Et je prends en compte les îles de la Reine Charlotte dont certaines ont été complètement rasées, sans que l'on ait laissé aucune bande de végétation sur les rives des cours d'eau, et pourtant il n'y avait pas d'érosion.

Il est toujours facile de critiquer, mais pas aussi facile de trouver des solutions. Je vous entends dire que vous souhaitez contribuer à une solution, mais je n'en suis pas totalement convaincu car je ne vous vois pas véritablement agir en ce sens.

Le président: Merci, Gerald.

M. Gerald Keddy: Merci.

Mme Catherine Stewart: Vous soulevez un grand nombre de questions. Permettez-moi de répondre en tout cas à quelques-unes d'entre elles.

Je vous encourage fortement à prendre connaissance de certaines des informations que nous vous avons transmises, car il est évidemment très difficile de résumer toutes ces questions très complexes au cours d'un bref exposé. Je vous encourage également à communiquer avec nous s'il reste des questions que vous aimeriez élucider après avoir lu la documentation.

Pour commencer, en ce qui concerne les marchés, j'aimerais faire une distinction entre ce que vous appelez un boycott et un «buycott». Un boycott, c'est lorsque vous demandez à des compagnies de ne plus acheter de bois de la Colombie-Britannique. Un «buycott», c'est quand on dit aux entreprises: «Vous ne devriez pas acheter de bois aux compagnies qui emploient de telles pratiques d'exploitation. Vous devriez assumer vos responsabilités en tant que consommateur et les encourager à changer leurs méthodes. Il faudrait peut-être que vous leur suggériez que si elles ne changent pas de méthodes, vous serez peut-être un jour dans l'obligation de cesser de vous approvisionner auprès d'elles.» Vous vous servez de votre pouvoir de consommateur pour exercer des pressions sur votre fournisseur, afin qu'il satisfasse aux normes que vos clients exigent de vous, par exemple, en tant qu'important distributeur de produits du bois ou grossiste. Et cela est beaucoup plus dans la veine des campagnes de Greenpeace.

Nous n'avons pas réclamé un boycott général de tous les produits forestiers de la Colombie-Britannique, car une fois qu'un client annule un contrat, il n'est plus en mesure d'exercer son influence. Si un client annule un contrat avec la Colombie- Britannique et s'approvisionne auprès d'un fournisseur scandinave, il est évident que les compagnies Interfor ou Western Forest Products ne seront plus aussi influencées par ce que dit cette entreprise cliente, à moins bien sûr qu'elles essaient de la récupérer. En tout cas, quand une entreprise est en mesure de déclarer: «Vous êtes notre fournisseur, et nous voudrions que vous nous aidiez à répondre aux exigences de nos clients», elle est alors en mesure d'exercer une forte influence sur la transformation des pratiques de l'industrie forestière.

• 1530

En ce qui concerne le personnel, les statistiques et la question de savoir qui a raison et ce qui est vrai, je rappelle qu'en 1992, Greenpeace avait préconisé une réduction de 50 p. 100 des quotas de pêche de la morue sur la côte Est, et que John Crosbie, hors de lui, nous avait appelé pour dire qu'il n'existait absolument aucun fondement scientifique ni aucune justification pratique pour ne serait-ce que suggérer une baisse aussi drastique des quotas de pêche de la morue. Je suis désolée d'en arriver à dire: nous vous l'avions bien dit, mais en 1993-1994, nous avons dépensé...

M. Gerald Keddy: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Yvon Godin: [Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Silence.

Mme Catherine Stewart: Juste pour remettre les choses en perspective, il arrive que des gens qui passent pour des radicaux, des empêcheurs de tourner en rond ou des extrémistes suggèrent que l'on prenne des mesures préventives pour gérer nos ressources naturelles, des mesures qui, dans le contexte présent, semblent aller au-delà de ce qui est nécessaire, mais qu'un, deux ou dix ans plus tard, avec le recul, on se rende compte que c'était exactement ce qu'il aurait fallu faire, et plus encore.

Nous préconisons donc fermement des mesures préventives pour protéger les dernières vallées couvertes de forêts primitives toujours intactes.

Le fonctionnement des écosystèmes n'a rien à voir avec les feux de forêts et les glissement de terrain; il y a, bien sûr des phénomènes naturels, mais la destruction provoquée par les glissements de terrain ou les incendies dans un écosystème et une forêt très humide, ne se compare tout simplement pas aux perturbations que peuvent provoquer et qu'ont provoqué dans le passé les immenses déboisements de la foresterie industrielle. Il y a ici un écosystème d'un type différent de l'écosystème boréal, par exemple, et des feux de forêts aussi importants sur d'aussi vastes superficies y sont inconnus.

Le président: J'aimerais que vous en arriviez à la conclusion, Catherine.

Mme Catherine Stewart: Très bien.

M. Gerald Keddy: J'aimerais que vous me parliez de la communauté que vous représentez.

Mme Catherine Stewart: Je représente la communauté des supporters de notre organisation d'un bout à l'autre du Canada et dans le monde entier—la communauté qui a décidé, en versant ses dollars et par son appui bénévole, d'aider Greenpeace et d'autres organismes écologistes à prendre la défense de l'environnement.

Karen a sans doute aussi quelque chose à dire pour conclure.

Le président: Je me rends compte que vous nous avez consacré beaucoup plus de temps que prévu, et les membres du comité ont pu posé des questions vraiment intéressantes.

Y a-t-il une brève remarque que vous souhaitez faire, Karen?

Mme Karen Wristen: Je veux simplement vous laisser un exemplaire de cette note de synthèse qui traite des questions relatives aux communautés. Je ne connais pas leurs noms, mais un centaine de communautés de cette province souhaitent la mise en place d'une foresterie communautaire. Plus d'une centaine ont demandé de participer au processus d'exploitation communautaire des forêts. Il existe donc un véritable intérêt communautaire pour le changement.

Et je ne parle pas du tout au nom d'une communauté particulière; je parle au nom des clients qui ont retenu mes services pour que je m'occupe de certains dossiers.

M. Gerry Byrne: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Si 100 communautés se sont portées candidates pour obtenir un permis d'exploitation forestière communautaire, n'y a-t-il pas eu 100 communautés qui ont également déclaré approuver les pratiques forestières actuelles?

Le président: C'est à discuter bien sûr, mais c'est une remarque intéressante à consigner au compte rendu.

M. Mayfield a promis de poser une brève question; après, nous ferons une pause d'une minute avant de réécouter nos témoins à tour de rôle.

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Merci de votre indulgence. Je vais être bref et je demande à nos témoins de l'être aussi.

Vous avez mentionné vos craintes en ce qui concerne les espèces touchées par les pratiques forestières. Je ne peux pas vous tenir responsable de la lettre à laquelle vous avez fait allusion. Je ne pense pas que vous en soyez l'auteur, mais vous y avez fait référence. Dans le troisième paragraphe on peut lire:

    Le rapport du Bureau de surveillance de l'environnement de la Colombie-Britannique rapportait, en 1966, qu'une espèce de plantes et d'animaux sur dix en Colombie-Britannique était menacée d'extinction. L'exploitation forestière était mentionnée comme l'une des principales causes du déclin des espèces.

Pouvez-vous me dire de quelles espèces il s'agit? Certaines espèces ont-elles disparu? Y en a-t-il trois ou deux ou pouvez-vous même en mentionner une qui aurait disparu à cause de l'exploitation forestière?

Mme Karen Wristen: Il ne m'est bien sûr pas possible de vous nommer des espèces sans consulter des archives que je n'ai pas avec moi, mais...

M. Philip Mayfield: Êtes-vous en train de me dire qu'il y a des espèces qui ont disparu, même si vous ne pouvez pas les nommer?

Mme Karen Wristen: Il y a des espèces qui ont disparu au Canada.

M. Philip Mayfield: À cause de l'exploitation forestière?

M. Karen Wristen: J'ignore si l'on peut dire que l'exploitation forestière est la seule cause de la disparition d'une espèce particulière.

M. Philip Mayfield: Par conséquent, cela ne signifie pas que l'exploitation forestière est responsable de la disparition d'une espèce quelconque. Est-ce bien cela? Êtes-vous d'accord avec cela?

• 1535

Mme Karen Wristen: L'exploitation forestière a contribué à la disparition d'espèces, et si elle se poursuit au même rythme et qu'elle continue d'être effectuée dans les mêmes conditions...

M. Philip Mayfield: Mais pouvez-vous m'indiquer de quelles espèces il pourrait s'agir?

Mme Karen Wristen: On pourrait parler des 300 à 500 insectes du couvert des vieux peuplements.

M. Philip Mayfield: Je pensais qu'il y en avait d'autres que ça.

Mme Catherine Stewart: Je crois qu'il est très important de noter, cependant, qu'il est presque impossible de mettre en évidence un lien de cause à effet pour ce qui est de la disparition des espèces. La cause est-elle un produit chimique d'origine industrielle? Un changement climatique? Une quantité de facteurs doivent être pris en considération. Mais il est possible de retracer les effets directs de certaines pratiques industrielles sur certaines espèces. Nous avons perdu 100...

M. Philip Mayfield: Vous me paraissez faire des déclarations générales que vous n'êtes pas en mesure d'appuyer en citant des faits précis. Cela m'inquiète.

Mme Catherine Stewart: Je ne pense pas que le problème, c'est que je prouve mes dires. Je pense que c'est plutôt de savoir si l'on doit adopter une approche préventive. Quand on sait que 142 remontes de saumons ont déjà disparu, quand on sait que l'exploitation forestière a des répercussions sur les rivières à saumons, on peut dire que continuer à recourir à une exploitation forestière qui s'appuie sur les coupes à blanc dans des régions où les stocks sont menacés d'extinction n'est pas judicieux. C'est aussi simple que cela.

Permettez-moi d'ajouter une chose pour l'information du comité: mes collègues du Sierra Club de la Colombie-Britannique m'ont contactée aujourd'hui et m'ont demandé de transmettre toutes leurs excuses au comité de n'avoir pu se faire représenter. Je pense que le nom de cet organisme figure à l'ordre du jour, mais ses représentants n'ont pas pu se déplacer et ils ne pourront pas venir. Ils veulent que vous sachiez qu'ils vont soumettre un mémoire et ils vous prient de les excuser de ne pas avoir pu comparaître aujourd'hui.

Le président: Je vous remercie toutes les deux, mesdames Wristen et Stewart.

Pour en revenir au point de M. Mayfield, vous pourriez peut- être donner au comité des renseignements sur les espèces dont vous avez discuté avec M. Mayfield et qui sont, disons, mentionnées de façon générale dans la lettre.

J'invite maintenant Richard Slaco, Bill Dumont, Linda Coady et Sandra Lavigne à s'asseoir à la table.

• 1538




• 1541

Le président: Le comité va maintenant reprendre ses travaux.

Nous allons passer environ une heure avec les représentants des compagnies Interfor, Western Forest Products Ltd. et MacMillan Bloedel. Leurs noms figurent sur la liste des témoins qui est devant vous.

Nous sommes heureux de vous accueillir et nous sommes prêts à entendre vos déclarations préliminaires. Comme vous êtes trois, il serait préférable que vous essayiez de vous en tenir à cinq minutes ou moins. Nous procéderons dans l'ordre dans lequel votre nom figure sur l'ordre du jour.

Monsieur Slaco, je vous invite à commencer. Merci d'être venu.

M. Richard Slaco (chef forestier, International Forest Products (Interfor)): Je vous remercie, vous et le comité, de son invitation.

Je suis chef forestier à la société International Forest Products, une compagnie d'exploitation forestière et de sciage de bois de la Colombie-Britannique. Notre entreprise emploie plus de 3 000 Canadiens et nous sommes fiers de fabriquer des produits du bois vendus sur les marchés internationaux.

Je crois comprendre que vous vous attendez à ce que je fasse quelques brèves observations. Je vais donc m'exprimer en termes généraux, avant peut-être de me concentrer au cours de la discussion sur un élément qui me parait très important. Je présume que mes confrères vont également prendre la parole après moi, et que la plus grande partie de la présentation sera réservée aux questions.

S'il existe quelque chose qui nous unit, d'un bout à l'autre du Canada, c'est bien nos grandioses forêts publiques. La région de Cariboo et du centre du littoral que vous avez pu visiter est un très vaste terrain forestier, et cette immense étendue couverte de forêts engendre de nombreuses obligations.

En tant que porte-parole d'Interfor, j'affirme que nous prenons nos engagements à propos de la gestion de ces terres forestières très sérieusement. Notre but est et a toujours été de gérer du mieux que nous pouvons nos activités dans les régions où nous sommes présents. Nous sommes conscients que ce que nous faisons ne satisfera pas nécessairement tous les intéressés. Cela me paraît on ne peut plus évident.

Pour vous expliquer ce que nous faisons, il était très important que vous ayez la possibilité de visiter les forêts vous- mêmes. Plutôt que de parler de nos pratiques, au sujet desquelles j'ai rassemblé quelques informations dans un mémoire à votre intention, le fait que vous ayez pu constater vous-mêmes comment nous procédons et former vos propres opinions est très important. C'est ce que nous faisons assez souvent avec ceux de nos clients qui ont exprimé certaines craintes.

Une chose sur laquelle j'aimerais insister, c'est que notre entreprise ne cherche pas d'excuses. Nous sommes en fait très fiers, et notre main-d'oeuvre—un grand nombre de personnes que vous avez rencontrées au cours de votre voyage vous l'ont dit—est fière de nos activités et de ce qu'elles représentent. Cela ne veut pas dire que nous sommes confiants au point de perdre notre vigilance ou que nous prétendons tout savoir en termes de gestion des forêts. Mais cela signifie que nous avons une approche positive et que nous sommes tournés vers l'avenir. Nous reconnaissons que des changements sont nécessaires, et qu'un processus continu d'amélioration assurera l'innovation et les gains de productivité constants qui sont nécessaire au bon fonctionnement d'une entreprise moderne et concurrentielle. Naturellement, nous reconnaissons que nous ne pouvons pas tout faire à nous seuls. Il est nécessaire de forger des partenariats, dont quelques uns restent à développer.

• 1545

Beaucoup des valeurs que tous les Canadiens cherchent à appliquer à la gestion de leurs forêts sont décrites dans les principes de viabilité écologique définis par le Conseil canadien des ministres des Forêts. Ces principes constituent un guide pour trouver l'équilibre qui permettra de répondre aux besoins des générations présentes et futures. Pour parler simplement, il nous faut pratiquer une sage gestion de nos forêts et protéger la valeur de cette importante ressource. Toutefois, pour réussir, nous devons faire plus. Nous devons nous montrer proactifs dans la promotion de l'utilisation des produits du bois canadiens. Dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais insister sur cet aspect.

Selon moi, notre avenir dépend en grande partie du marché. La demande future de bois canadien déterminera notre capacité à payer notre bonne gestion. Cela dit, je pense que nous avons une belle histoire à raconter.

Le bois est le matériau de construction le plus écologique du monde. Le bois qui vient des forêts canadiennes bien gérées est un atout dont il faut se montrer très fier, ce n'est pas quelque chose dont on doit avoir honte. Nous voulons que le monde s'intéresse à nos forêts en tant que source viable d'approvisionnement. En même temps, elles peuvent offrir d'intéressantes perspectives; par exemple, l'accumulation de carbone dans les jeunes forêts, un élément important pour contrer le changement climatique planétaire.

Je n'ai pas connaissance personnellement d'aucun pays qui gérerait et conserverait mieux ses forêts naturelles que nous le faisons.

En conclusion, j'aimerais demander au comité de collaborer avec le gouvernement fédéral à la promotion de l'utilisation et de la vente des produits forestiers canadiens.

J'aimerais maintenant donner la parole à Bill Dumont.

Le président: Merci.

Monsieur Dumont.

M. Bill Dumont (chef forestier, Western Forest Products Ltd.): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Bill Dumont. Je suis le chef forestier de la compagnie Western Forest Products. Je suis accompagné de Sandy Lavigne, qui est notre coordinatrice des programmes environnementaux. Elle est chargée de guider la compagnie dans le processus d'homologation. Nous étudions trois systèmes. Elles est prête à répondre à vos questions et elle est très bien informée des progrès de l'homologation au Canada.

Je voudrais vous remercier à nouveau, monsieur le président, ainsi que le comité. Au nom de la compagnie Western Forest Products et de ses 4 000 salariés, je voudrais vous dire que nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de visiter notre magnifique province et de vous rendre compte par vous-mêmes que nos forêts sont exploitées de façon écologique.

Noël, l'arbre que j'ai apporté avec moi aujourd'hui est un autre ami. Ce n'est pas un autre cadeau de notre forêt, bien que l'industrie forestière de la Colombie-Britannique génère plus de quatre milliards de dollars de recettes fiscales chaque année pour le Trésor canadien. Et ce n'est pas non plus vraiment un arbre de Noël précoce. Je l'ai apporté pour démontrer la capacité du Canada et de la Colombie-Britannique à faire pousser des arbres. Nous possédons certaines des plus belles pépinières du monde. J'aimerais vous faire remarquer qu'à partir du sommet jusqu'à la première branche latérale, c'est ce qui correspond à la croissance d'une épinette de sitka âgée de huit ans. Cela s'est produit l'année dernière. L'arbre que vous voyez a grandi de six pieds en un an.

Nous possédons des régions forestières sur la côte de la Colombie-Britannique qui peuvent produire un chargement de camion par hectare par an. C'est donc une parcelle de deux acres et demi qui produit un chargement de rondins chaque année. C'est un point important qu'il ne faut pas oublier. On parle beaucoup de l'exploitation forestière et de tous ses problèmes. Mais nous faisons pousser aussi une sacrée quantité d'arbres au Canada. On parle d'une capacité qui approche les taux de croissance tropicaux. C'est possible sur la côte de la Colombie-Britannique. Il y a aussi des forêts de troisième venue qui grandissent actuellement. Vous en avez vu quelques-unes hier et aujourd'hui.

Ma propre compagnie mère enregistre des ventes annuelles de près d'un milliard de dollars canadien. Nous commercialisons nos produits dans 60 pays. Nos clients fabriquent des milliers de produits, de magnifiques tissus, du plastique, des films, du papier à lettre fin, des additifs alimentaires, des instruments de musique, des produits qui rendent les médicaments plus efficaces, qui rendent les aliments plus sains et qui, de façon générale, améliorent la qualité de notre vie, ainsi que des matériaux de construction et du bois d'oeuvre de qualité. Tout cela sort de nos forêts.

• 1550

Depuis quelque temps, toutefois, nous sommes l'objet de pressions de la part de groupes d'intérêt qui n'admettent pas que notre gestion forestière est acceptable dans le contexte actuel où l'on cherche à protéger la santé de l'environnement. Ces groupes ont pris des initiatives pour que nos clients cessent de commercer avec notre compagnie. Dans certains cas, cela a été couronné de succès. Il est temps que le monde sache mieux quels soins et quelle attention nous accordons à la préservation de nos forêts.

Notre système est basé sur une protection des écosystèmes, tout en assurant que toutes les parties prenantes ont leur mot à dire lors des prises de décisions. Nos disposons d'un ensemble de règles complexes et globales dont s'inspirent toutes nos pratiques. Comme vous l'avez vu, les Premières nations participent déjà au processus et souhaitent contribuer davantage à son orientation culturelle et économique. Leur intérêt pour une plus grande participation dans le domaine de la foresterie a dramatiquement progressé.

En coopération avec un grand nombre de bénévoles des communautés, notre compagnie exploite quatre écloseries de saumons sur la côte de la Colombie-Britannique depuis déjà deux décennies. En 1998, nous avons célébré la mise à l'eau de notre dix millionième alevin de saumon, et la même année, notre président a planté notre 75 millionième arbre. Nous plantons des arbres en Colombie-Britannique depuis 50 ans, et nous lâchons des saumons dans 19 rivières depuis 20 ans.

Nous essayons également de mettre en place un programme d'homologation de nos activités forestières par une tierce partie indépendante, en réponse aux préoccupations exprimées par nos clients et pour éliminer des problèmes de commercialisation. Nous procédons dans tous les domaines conformément au processus de Montréal et nous nous efforçons d'appliquer les critères et les indicateurs du Conseil canadien des ministres des Forêts. Nous fonctionnons également dans le cadre d'un grand nombre d'initiatives relatives à la protection de l'environnement de la province de Colombie-Britannique.

Selon nous, les problèmes survenus sur le marché, notamment les campagnes de boycottage internationales sont foncièrement dus à l'incapacité de la CNUED de Rio, en 1992, à aboutir à une convention relative aux forêts. Il faut que nos dirigeants politiques, dont vous faites partie, parviennent à conclure un accord national et international sur les forêts.

Nous sommes conscients des tendances qui se font jour et de l'importance de l'environnement pour nos clients et les diverses entreprises, aussi bien au plan local qu'international. Nos clients ont indiqué clairement qu'ils souhaitent des produits provenant d'une exploitation respectueuse de l'environnement, menée par des sociétés forestières dont les activités sont écologiques.

Le dossier dont il est question cette semaine ne porte pas sur un conflit entre l'environnement et le développement; il concerne le règlement du conflit grâce à une attitude constructive et au changement. Les travailleurs de l'industrie, les communautés, les Premières nations et les compagnies qui aménagent et gèrent ces forêts sont déterminés à pratiquer une foresterie écologique. Il faut aussi que le gouvernement fédéral cherche à renforcer et à revitaliser son action dans les domaines du commerce international et des produits forestiers. Les recommandations que je fais ici ne doivent être prises comme des critiques des programmes existants. Nous demandons une intensification de l'action que l'on mène déjà.

Il faut également investir pour assurer l'intégrité d'un développement et d'une conservation durables des forêts du Canada et du monde entier, en mettant en place des programmes éclairés dans les marchés les plus importants. Nous avons besoin d'une interaction à haut niveau entre le gouvernement et toutes les parties prenantes, notamment entre des groupes tels que Greenpeace, les ONG internationales et le secteur forestier.

De timides initiatives ont été lancées aussi bien par Greenpeace que par le Sierra Club de Colombie-Britannique pour se joindre au processus dans notre province. Nous devons encourager de nouveaux efforts proactifs en ce sens. Il est extrêmement important de pouvoir compter sur l'aide fédérale afin d'assurer la diffusion d'une information exacte et opportune sur nos méthodes d'exploitation forestière. Il est également d'importance critique que le gouvernement fédéral se penche sur le concept d'équivalence et de reconnaissance mutuelle des homologations au plan international, de manière à ce qu'elles ne se transforment pas en obstacles techniques aux échanges.

Monsieur le président, j'espère que le comité et vous-même n'oublierez pas votre visite dans notre région. Nous aimerions que vous vous souveniez de l'importance de la capacité de croissance de nos forêts, et du brillant avenir qui nous attend si nous protégeons notre accès au marché dans de bonnes conditions. Je vous remercie à nouveau de votre visite et de l'intérêt que vous voulez bien porter à cette importante question.

Le président: Merci, monsieur Dumont.

La parole est maintenant à Linda Coady, de la société MacMillan Bloedel.

Mme Linda Coady (vice-présidente, Entreprise environnementale, MacMillan Bloedel): Merci, monsieur le président.

Bonjour. Je m'appelle Linda Coady. Je suis vice-présidente, Entreprise environnementale, à la société MacMillan Bloedel.

• 1555

La société MacMillan Bloedel est une entreprise canadienne de produits forestiers dont le chiffre d'affaires annuel s'élève approximativement à cinq milliards de dollars. Nous employons ici, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et en Ontario, plusieurs milliers de Canadiens. Notre compagnie procède actuellement à une restructuration qui aboutira à l'abandon de ses activités liées à la fabrication de papier et d'emballages et lui permettra de se concentrer sur le secteur des matériaux de construction.

Je travaille dans cette entreprise depuis cinq ans. J'y suis entrée en 1993, l'année où MacMillan Bloedel était impliqué dans un conflit social majeur lié à l'exploitation forestière de la baie Clayoquot. Vous vous souvenez peut-être des manifestations contre MacMillan Bloedel et ses activités forestières dans cette région. Huit cents personnes furent arrêtées dans ce qui fut le plus important cas de désobéissance civile de l'histoire du Canada. La compagnie devint plus tard la cible des interventions des groupes écologistes qui tentèrent d'organiser un boycottage international de ses produits. Par conséquent, les pressions exercées par le marché sont une chose à laquelle notre compagnie doit faire face depuis longtemps, depuis aussi loin que 1993.

Mon rôle au sein de l'entreprise est avant tout de l'aider, ainsi que nos employés, nos clients, nos actionnaires et les communautés, à gérer ces pressions. Une chose que nous avons faite, pour tenter de faire face, a été de changer la façon dont nous procédons, notamment en ce qui concerne les pratiques forestières.

Par conséquent, l'année dernière, vous le savez certainement, nous avons apporté certains changements à notre politique générale de gestion des forêts, des changements qui comportaient foncièrement trois grands volets: premièrement, l'engagement d'abandonner graduellement les coupes à blanc au cours des cinq années suivantes et de les remplacer par un système axé sur l'environnement connu sous le nom de rétentions variables; deuxièmement, assurer la conservation des peuplements vieux des forêts de la Colombie-Britannique au-delà de ce qui est exigé par la loi ou la réglementation; troisièmement, obtenir une homologation forestière de nos produits.

Plus récemment, depuis l'annonce de cette initiative, mon rôle au sein de la compagnie s'est concentré sur le deuxième objectif, qui est d'accroître la protection des peuplements vieux. Mon intérêt à cet égard est centré sur les mécanismes du marché qui favorisent une meilleure protection. Dans ce but, je travaille beaucoup avec les Premières nations, les groupes de défense de l'environnement et plusieurs de nos clients à la mise en place de nouvelles lignes de produits provenant de nos vieux peuplement de Colombie-Britannique que nous commercialisons en faisant valoir que leur vente contribue à la sauvegarde des peuplements vieux de Colombie-Britannique. Comme vous pouvez voir, il s'agit d'une sorte de retournement de situation par rapport à l'état de nos relations avec ces groupes quand nous avons lancé nos pourparlers.

J'ai transmis au comité des informations générales sur les initiatives auxquelles je collabore au sein de la compagnie. Je tiens tout particulièrement à attirer votre attention sur le fait que la semaine dernière, j'étais à San Francisco, avec un groupe d'experts qui est intervenu auprès de plusieurs grandes compagnies américaines dont le nom avait été mentionné dans une annonce publiée dans le New York Times avant Noël—je ne sais pas si vous êtes au courant—annonce qui incitait les compagnies américaines à s'engager à n'utiliser aucun produit provenant de peuplements vieux. J'étais là-bas avec d'autres représentants de la Colombie- Britannique pour informer ces entreprises de nos pratiques.

Deuxièmement, j'aimerais aussi attirer votre attention sur une invitation que vous trouverez dans notre trousse d'information; elle vient d'un groupe appelé Forest Trends, dont je suis la directrice canadienne. Forest Trends est une organisation mondiale associée aux Fonds mondial pour la nature, au World Resources Institute et à la Banque mondiale. Son activité est centrée sur les mécanismes du marché axés sur une consommation responsable des produits forestiers, sur la conservation et sur la gestion viable des forêts. Nous organisons un atelier ici, en Colombie- Britannique, le mois prochain, à Victoria, pour examiner toute la question des mécanismes du marché axés sur la conservation et pour voir comment nous pouvons y recourir plus régulièrement en Colombie-Britannique.

Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'approfondissement de ces questions, car à mon avis, on se rendra compte que dans le dossier du changement climatique, le carbone que recèlent les forêts pourrait être une source de recettes susceptibles de contribuer au financement d'une protection additionnelle de nos forêts. Je vous recommande donc de compulser cette documentation dans le contexte d'une discussion des possibilités de participation du gouvernement fédéral pour faire progresser certains de ces projets.

Merci de votre attention.

Le président: Merci, madame Coady.

Nous vous remercions de vos exposés.

Je vais maintenant donner la parole à Dave Chatters, puis à Carmen et finalement, à Monique.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais commencer par remercier les témoins non seulement de s'être déplacés aujourd'hui, mais aussi d'avoir organisé notre voyage ces deux derniers jours. Essentiellement, ce voyage devait nous permettre d'aborder la question des boycotts ou des «buycotts», comme vous dites, des produits des forêts canadiennes, notamment de celles de la Colombie-Britannique.

Nous venons d'entendre, de la part du groupe de témoins qui vous a précédés, un message tout à fait contradictoire par comparaison avec celui que vous nous avez transmis et avec ce que nous avons pu constater au cours des deux derniers jours. Il est très curieux que ce qu'affirment les deux côtés soit tellement différent. Je voudrais que vous me disiez, d'abord, pourquoi il y a une telle différence. Pourquoi, en fait, continuez-vous de détruire les rivières à saumons? Contrevenez-vous au code de pratiques forestières sur Yeo Island, où nous étions ce matin? J'aimerais entendre votre réponse à ce propos, entre autres.

• 1600

J'aimerais notamment que la compagnie MacMillan Bloedel nous parle des coupes à blanc par rapport aux techniques d'exploitation fondées sur la rétention, et comment cela s'applique aux terrains que nous avons visités ce matin, à cette région de contreforts montagneux. Comment pouvez-vous exploiter sélectivement ces endroits?

Il y a enfin la question du million de stères de rondins bruts qui sont exportés du Canada. J'aimerais que vous nous donniez une explication.

Le président: Quelqu'un veut-il répondre?

M. Bill Dumont: Permettez-moi d'aborder la première question, celle qui concerne Yeo Island.

Au fur et à mesure que la campagne prenait de l'ampleur ces deux dernières années, au sujet de nos activités dans la région du centre de la côte, le gouvernement a commencé à recevoir des plaintes à propos de notre méthode d'exploitation. Le Sierra Legal Defence Fund s'est plaint au gouvernement et à divers organismes gouvernementaux en quatre occasions, notamment l'année dernière.

À chaque fois, des enquêtes ont été menées par le ministère fédéral des Pêches et des Océans, le ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique et le ministère des Forêts de cette province. Les dernières accusations qui avaient été portées concernant les pratiques forestières sur Yeo Island comportaient six points.

En trois occasions, des enquêteurs du gouvernement, parfois accompagnés par nos employés et parfois seuls, ont procédé à des enquêtes approfondies et conclu qu'à l'exception d'un problème qui nous a valu un avertissement—nous n'avions pas nivelé correctement nos routes selon les inspecteurs—tous les incidents qui avaient donné lieu aux plaintes s'avérèrent sans fondement.

Par exemple, on avait prétendu que nous avions utilisé un arbre modifié culturellement pour construire un pont sur Yeo Island. Il s'agit d'une accusation très sérieuse, car nous respectons énormément ces arbres qui font partie du patrimoine du peuple autochtone local. Suggérer que des travailleurs, qui appartiennent au peuple Heiltsuk, ont construit un pont avec un de leurs artefacts culturels est une accusation très grave. L'arbre a été examiné par un archéologue ainsi que par les inspecteurs du gouvernement, et l'accusation a été jugée peu sérieuse. Mais il nous a fallu plusieurs mois pour régler cette question. Ce ne sont pas des choses qui sont faciles à réfuter en un tour de main.

Aucune transgression de la Loi sur les pêches, de la Loi sur les forêts ni du code de pratiques forestières n'a été relevée en ce qui concerne les quatre principales accusations portées contre la compagnie. Nous avons eu un avertissement à propos de l'entretien de la route.

J'ai transmis ce rapport au peuple Heiltsuk. Nous avons aussi obtenu des rapports du gouvernement. Nous faisons l'objet de plus de 1 100 inspections par an de la part du gouvernement. Chaque jour, il y a quelqu'un du gouvernement qui pénètre quelque part sur nos terrains forestiers et ce, jusqu'à trois fois par jour. Les dossiers montrent que dans plus de 99 p. 100 des cas, aucun problème n'a été décelé quand nous avons été inspectés. Quand il y a eu un problème, il s'agissait d'incidents mineurs qui donnaient lieu soit à un avertissement, soit à une simple contravention.

M. Richard Slaco: Je voudrais bien donner notre point de vue là-dessus et peut-être... Vous avez soulevé la question des points de vue contradictoires. C'est ce que vous allez entendre. Il est très facile de faire des critiques. Le genre de travail que nous effectuons, toutefois, est tout à fait transparent, comme l'a mentionné Bill, pour ce qui est du processus public et des inspections. Nous sommes tout à fait disposés—et en fait nous le souhaitons—à ce que les gens viennent voir, comme vous l'avez fait vous-mêmes, ce que nous faisons. Il ne nous est pas possible de faire taire les critiques. En fait, je pense que cela fait partie du processus.

Nous ne cherchons pas l'affrontement. Il est très facile de se mettre à réfuter tout ce qui est dit. Je ne pense pas que ce soit nécessairement une bonne façon d'utiliser notre énergie. Je pense que notre dossier est solide, que nous faisons du bon travail et que nous devrions parler principalement des aspects positifs. Quand des critiques sont lancées, je pense que nous avons une très bonne réponse.

Le président: Très bien, merci, Dave.

La parole est à Carmen, ensuite à Monique.

• 1605

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il me semble que l'on emploie certains synonymes, mais je voudrais m'assurer de la définition que vous leur donnez.

L'industrie forestière semble parler de pratiques de gestion des forêts, alors que des organismes comme Greenpeace et le Sierra Legal Defence Fund parlent plutôt de gestion des écosystèmes. Je pense que pour ce qui nous occupe, cela veut dire la même chose. C'est pourquoi j'ai dit qu'il me semblait qu'on emploie des synonymes. L'industrie forestière ne donne pas l'impression d'employer cette expression très facilement—pratiques de gestion des écosystèmes—pourtant, je crois comprendre qu'en fait, elle a accompli des progrès gigantesques pour faire la transition, adopter de nouvelles pratiques et prendre ses responsabilités en matière de gestion des écosystèmes.

Je pense avoir compris cela, mais si je me trompe j'aimerais que vous me le disiez.

Des compagnies comme Lignum, la vôtre, Western Forest Products, Interfor et MacMillan Bloedel se sont engagées effectivement à appliquer «des pratiques et des programmes de bonne gestion des écosystèmes». Pourtant, ce matin, nous avons entendu des témoignages très critiques à l'égard de l'industrie forestière. Il ne fait aucun doute que vos compagnies sont des acteurs de premier plan, et je pense donc que ces remarques vous étaient adressées. Vous avez entendu que vous étiez considérés comme responsables, à cause de vos pratiques de gestion des écosystèmes ou de l'absence de telles pratiques, de la destruction active ou passive de centaines d'espèces d'animaux, de plantes et d'insectes. Vous l'avez entendu. Je voudrais vos commentaires à ce propos.

Vous avez également entendu la description des solutions, du moins c'est ainsi que j'ai interprété la chose, et que tout programme d'homologation, dans l'esprit de Greenpeace et du Sierra Club en tout cas, ne réduirait pas nécessairement les obstacles aux échanges commerciaux. Je voudrais également vos commentaires à ce sujet, puisque, c'est du moins ce que je comprends, vous vous êtes investis dans ce processus.

Il me serait utile que vous répondiez à ces questions. La raison pour laquelle je les pose est que je ne pense pas qu'il soit possible à quiconque qui sera partie prenante à des solutions équilibrées aux problèmes dont il a été question ici ce matin, de contribuer à ces solutions sans y réfléchir sérieusement, objectivement et dans un esprit de coopération. J'aimerais vos commentaires, s'il vous plaît.

M. Richard Slaco: Je ferai volontiers quelques observations au sujet de votre première question, concernant la gestion des écosystèmes.

Je pense qu'il est juste de reconnaître que dans les forêts publiques, le niveau de l'exploitation forestière pratiquée non seulement ici, en Colombie-Britannique, mais partout au Canada témoigne d'efforts évidents pour favoriser l'attention sur une gestion fondée sur la santé et l'entretien à long terme de l'écosystème forestier. La définition que l'on donne au Canada de la viabilité écologique le montre très clairement. Dans toutes les compagnies, la nôtre et les autres, qui se sont engagées sur la voie du développement durable, on s'est inspiré de ce concept. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres pays forestiers qui ont été plus loin, en termes de fonctionnement respectueux de l'écosystème, à la fois en ce qui concerne leur position et leur gestion et la protection des sites naturels.

M. Bill Dumont: Pour ce qui est des pêcheries, je voudrais dire que j'ai récemment quitté la présidence du groupe de travail Canada-Colombie-Britannique sur la mise en valeur du saumon, dont j'ai été membre pendant cinq ans. Je possède donc une connaissance approfondie de la question. Je n'ai peut-être pas été le père de 10 millions de poissons, mais j'ai participé activement à notre programme de mise en valeur du saumon.

Il est exact de dire que nous avons de graves problèmes en ce qui concerne nos stocks de saumons en Colombie-Britannique. Il est vrai également que certains stocks sont mis en péril pas l'exploitation forestière. Mais en réalité, le problème le plus grave, en ce qui concerne les saumons de Colombie-Britannique et les petites rivières, se situe dans les régions urbaines. Vancouver possédait 22 rivières à saumons, et il n'en reste plus qu'une de viable. Les groupes écologistes de la Colombie-Britannique et du Canada s'en remettent au programme de mise en valeur du saumon pour tenter de rétablir ces populations en milieu urbain.

• 1610

Bien sûr, nous avons commis des erreurs qui n'ont pas été sans incidence sur le saumon, et je crois que vous avez pu observer certaines anciennes pratiques et aussi les nouvelles méthodes. Il est facile de citer et de brandir ces statistiques, mais elles doivent être analysées un peu de la même façon que le problème des espèces en voie de disparition ou des espèces menacées. Beaucoup de nos stocks de saumons sont en effet menacés, car ils étaient peu importants au départ et ils l'ont toujours été. Nos rivières ne sont pas un milieu écologique favorable pour toutes les espèces de saumons.

Au fond, tout dépend de la façon dont on exploite les données. Je conviens avec vous qu'il est vain de se battre et qu'il vaudrait bien mieux s'unir pour s'attaquer à nos problèmes communs et les résoudre.

Les premiers pas ont été faits en Colombie-Britannique. Le fait que Greenpeace et d'autres aient accepté de participer à ces forums est un progrès, et je pense que la solution doit se trouver dans le respect du point de vue des deux parties, de nombreux points de vue, et dans la collaboration à des projets spécifiques. C'est dans ce sens que vont les initiatives centrées sur l'homologation des pratiques d'exploitation forestière, car je pense que cette homologation est un bonne chose. Elle ne réglera pas tous les problèmes, mais elle aboutira à une reconnaissance mutuelle, à faire valoir que notre action socio-économique et écologique doit être prise en compte. Il ne fait pas de doute que l'homologation nous a rapprochés de la communauté écologiste, car c'est très important pour eux et également pour nous.

Mme Sandy Lavigne (coordinatrice des programmes écologiques, Western Forest Products Ltd.): J'aimerais poursuivre dans le prolongement de votre remarque concernant l'homologation qui agirait comme un obstacle aux échanges commerciaux.

En ce qui a trait à l'homologation du FSC, je pense que l'on tente de mettre en place en Colombie-Britannique un processus représentatif pour le développement de normes qui seront crédibles et opérationnelles. Nous y travaillons actuellement précisément pour éviter le problème dont vous parlez. Nous essayons parallèlement de faire en sorte que le processus que nous suivons est comparable aux autres processus d'élaboration de normes qui ont cours à travers le monde, de manière à être sur un pied d'égalité au plan de l'élaboration des normes et à faire reconnaître les différentes initiatives, législatives ou autres, qui sont prises dans le cadre de ces normes.

Le président: Merci, Carmen.

La parole est à Monique Guay.

[Français]

Mme Monique Guay: Au nom de tous mes collègues et du personnel qui nous accompagne, j'aimerais vous remercier, messieurs, d'avoir fait cette tournée avec nous pendant deux jours. Vous avez répondu à toutes les questions qu'on vous a posées au meilleur de vos connaissances et vous avez fait preuve de beaucoup d'honnêteté. Vous ne nous avez rien caché et on a pu voir tout ce qu'on voulait voir. Sur ce plan, je me sens très à l'aise face aux deux jours qu'on a passés ensemble.

Je vais essayer d'être très brève, monsieur le président. Richard, vous avez souligné la nécessité de faire d'abord la promotion du bois canadien partout dans le monde. J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Que pourrions-nous faire en plus du travail qu'effectuent déjà les ambassades? Je vous félicite des louables démarches que vous avez entreprises, dont la décision de ne pas faire de coupe à blanc pendant cinq ans et de conserver les vieilles forêts. Nous sommes tous conscients qu'il faut faire encore davantage, mais c'est un bon départ.

Bill, nous avons énormément parlé de boycottage pendant ces deux jours. Afin que le comité puisse en prendre note, j'aimerais que vous nommiez le ou les pays qui semblent boycotter ou être sur le point de boycotter vos produits. Il ne faut pas se gêner pour en parler ici, à ce comité.

Vous avez adopté un moratoire d'une durée d'à peu près un an. J'aimerais que vous expliquiez un petit peu au comité quels en ont été les impacts ou les résultats.

Ma dernière question porte sur la certification. J'aimerais connaître votre échéancier et savoir comment vous vous proposez de procéder. Je suis consciente que cela représente d'importants coûts. Je vous remercie.

• 1615

[Traduction]

M. Richard Slaco: Au sujet de votre première question, concernant la promotion et la vente du bois canadien, je pense qu'il y a manifestement place pour une participation du gouvernement fédéral. Il ne s'agit certainement pas de la seule source. Je pense que beaucoup d'autres peuvent partager cette responsabilité. Mais il est évident que l'un des avantages du gouvernement fédéral est sa réputation internationale, le fait qu'il dispose déjà de nombreuses ambassades et de réseaux commerciaux. Je suis intéressé par l'expansion d'un grand nombre de programmes existants. Je pense que nous sommes assez bien parvenus à faire venir des clients au Canada pour qu'ils constatent par eux- mêmes ce que nous faisons.

Nous pouvons intensifier nos relations avec les gens qui travaillent dans nos ambassades et par l'intermédiaire de nos réseaux commerciaux afin de promouvoir les avantages qu'offre notre bois. Vu que nous possédons d'aussi vastes forêts, il s'agit d'un avantage qui ne peut qu'être jugé intéressant par beaucoup de monde. Si nous ne le faisons pas valoir, nous ne tirons pas réellement parti des débouchés qu'offrent d'autres industries qui profitent aussi des retombées de nos activités.

Nous avons des produits du bois exceptionnels. Nous possédons un formidable produit écologique et il nous suffit d'avoir un vecteur pour améliorer la promotion de sa commercialisation. Je pense que nous pouvons y parvenir grâce à un programme écologique.

Je vous dis ce que je pense. Je ne peux pas, bien sûr, mentionner toutes les filières qui s'offrent au gouvernement fédéral, mais je crois que le processus a été mis en place, j'entends par là une volonté de collaborer avec les ministères pour élaborer des plans appropriés pour atteindre cet objectif.

Le président: Merci.

Madame Lavigne.

Mme Sandy Lavigne: Je laisserais à Bill le soin de répondre à vos deux premières questions. J'aimerais traiter de la question de l'homologation.

Des progrès impressionnants ont été réalisés en ce qui concerne l'homologation dans la province, et un grand nombre de compagnies de la Colombie-Britannique commencent à envisager des formes d'homologation. En fait, l'un des concessionnaires d'une licence de l'intérieur de la Colombie-Britannique vient d'annoncer aujourd'hui sa certification ISO 14001, et la société MacMillan Bloedel a récemment annoncé la première homologation accordée par la CSA au Canada.

En ce qui nous concerne, nous avons été les premiers à demander une homologation par le FSC de nos activités forestières, et nous continuons nos démarches en vue d'une certification ISO 14001 ainsi que par la CSA. Il s'agit des trois types d'homologation qui sont effectivement disponibles en Colombie- Britannique à l'heure actuelle. Nous considérons la certification ISO 14001 comme la fondation de notre gestion environnementale, et nous envisageons l'obtention des deux autres comme des composantes de notre gestion écologique des forêts.

Notre calendrier d'activités prévoit des évaluations sur le terrain plus tard cette année. Nous sommes en train de mettre au point des indicateurs et des critères pour ces évaluations, et nous prévoyons obtenir une forme ou une autre d'homologation à l'horizon 2000.

M. Bill Dumont: J'hésite beaucoup à parler publiquement des relations commerciales que nous entretenons avec nos clients, mais je puis vous assurer que plusieurs des grandes entreprises se trouvent sur le marché de l'Europe centrale où les organisations non gouvernementales écologistes jouissent des appuis les plus solides. Ainsi, l'Allemagne assure plus de 60 p. 100 du financement des grands groupes de défense de l'environnement, et c'est par conséquent là-bas que nous rencontrons des problèmes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, une des principales difficultés, quand on est confronté à un boycott, c'est que vous connaissez les clients que vous avez perdus ou qui ne traiteront plus avec vous. Mais vous ne connaissez pas le manque à gagner qui en a résulté. Nous possédons un groupe de clients relativement loyaux. Nous en avons perdu quelques-uns avec qui nous travaillions depuis longtemps, notamment un, en Autriche. Mais nous nous apercevons que si nous réussissons à les faire venir ici...

• 1620

Le programme parrainé par le gouvernement fédéral s'est avéré extrêmement utile pour attirer des missions de clients et de décideurs européens en Colombie-Britannique. En fait, une de ces missions d'éditeurs et de papetiers allemands a visité le centre de la côte la semaine dernière.

À propos de votre dernière question, des incidences du moratoire, Interfor, MacMillan Bloedel et Western Forest Products sont convenus d'abandonner leurs activités dans près d'une centaine de régions de la côte centrale pendant le déroulement des négociations avec les communautés et les divers intervenants. Cette décision s'est soldée par la mise à pied de travailleurs. Si le marché s'était montré plus actif au cours de l'année 1998, nous aurions été confrontés à des difficultés économiques d'un autre ordre de grandeur à cause de ce moratoire. Ce n'est pas quelque chose que nous prenons à la légère, mais nous étions convaincus que nos clients souhaitaient que nous essayions de résoudre nos différends et de promouvoir une certaine coopération, et c'est en vérité ce que nous avons tenté de faire. Nous continuons de rechercher la coopération des écologistes pour régler ces problèmes.

Le président: Je vous remercie. Je suis heureux de vous l'entendre dire.

C'est au tour de Gerry, puis d'Yvon et de Gerald.

M. Gerry Byrne: Merci, monsieur le président.

Je remercie pour commencer les témoins qui sont venus comparaître.

Madame Coady, la société MacMillan Bloedel a pris la décision stratégique d'abandonner les coupes à blanc. Est-ce le sentiment de MacMillan Bloedel que les coupes à blanc détruisent effectivement de façon permanente les habitats et provoquent des dommages écologiques irréversibles?

Mme Linda Coady: Non, ce n'est pas notre sentiment, mais nous en sommes arrivés à la conclusion—à la suite d'un examen interne approfondi auquel ont participé des conseillers externes pendant une période de plusieurs mois, dans le cadre de notre restructuration générale—qu'il ne s'agissait pas d'une pratique que nous souhaitions poursuivre sur les terres que nous exploitons en Colombie-Britannique.

La compagnie MacMillan Bloedel effectue des coupes à blanc dans d'autres régions du Canada. Cela tient à la particularité des méthodes d'exploitation employées par le passé sur ces terrains et à ce que nous considérons comme les besoins futurs dans ces régions. Nous nous sommes donc montrés très très prudents lorsque nous avons annoncé publiquement que nous ne condamnions absolument pas toutes les coupes à blanc, mais que nous considérions que le moment était venu d'essayer une approche différente dans les forêts que nous gérons et possédons en Colombie-Britannique.

Je m'excuse, je sais qu'un député a posé une question tout à l'heure à laquelle je n'ai pas pu répondre sur-le-champ. Il a demandé comment on pouvait éviter les coupes à blanc sur les contreforts montagneux? Il s'agit d'un problème dont nous avons beaucoup discuté et sur lequel nous nous sommes penchés très attentivement. Même si je ne suis pas moi-même de la profession, je puis vous assurer que nos bûcherons et nos forestiers sont parvenus à élaborer des méthodes d'exploitation permettant une rétention variable sur les fortes pentes et dans les lieux où il y a un point de vue panoramique. Je peux fournir au comité deux ou trois bandes vidéo sur le genre d'opération que nous avons menée dans ces régions. Nous pensons donc que cela est possible. Il faut féliciter chaudement nos travailleurs et nos bûcherons d'avoir trouvé le moyen de résoudre le problème, et nous avons constaté un grand enthousiasme chez notre personnel à l'égard de ces nouvelles méthodes. Il les ont véritablement adoptées.

M. Gerry Byrne: Si la motivation n'était pas d'ordre écologique, quel est le facteur à l'origine de cette position?

Mme Linda Coady: Je n'ai pas dit que la motivation n'était pas d'ordre écologique. Il y avait des facteurs écologiques qui entraient en ligne de compte. Nous disons simplement que ce n'est pas une méthode totalement inappropriée.

Dans le cas des terrains que nous gérons, nous souhaitions prendre une approche différente, qui tiendrait mieux compte de l'environnement que les coupes à blanc. La société MacMillan Bloedel est l'une des plus vieilles entreprises de la province. Elle a été fondée il y a longtemps par H.R. MacMillan, un ancien chef forestier de Colombie-Britannique. Il a pu sélectionner, en Colombie-Britannique, à une époque où elles étaient disponibles, d'excellentes terres forestières qui aujourd'hui appartiennent à MacMillan Bloedel ou sont administrées par la compagnie. Nous avons par conséquent parmi nos propriétés un nombre beaucoup plus élevé de terrains susceptibles de faire l'objet de controverses à cause de leurs caractéristiques écologiques. Ce n'est que relativement récemment que d'autres sociétés nous ont rejoints dans ces eaux. Nous y étions depuis plusieurs années déjà à cause de la nature de nos propriétés.

Ce sont donc ces expériences qui furent le facteur déterminant de notre perception de l'avenir, tout comme les commentaires de nos clients, comme l'a mentionné Bill Dumont. Les consommateurs des produits forestiers canadiens ne souhaitent pas être entraînés dans un débat interminable tournant autour des statistiques relatives à ces problèmes.

• 1625

M. Gerry Byrne: J'ai donc le sentiment—dites-moi si je me trompe—que la décision de MacMillan Bloedel a été largement influencée par le comportement éventuel des consommateurs, et qu'indépendamment des craintes de nature écologique que pouvaient générer les coupes à blanc, la décision de passer aux coupes sélectives s'expliquait par la perspective de se tailler un créneau sur le marché ou de défendre sa part du marché.

Mme Linda Coady: C'était effectivement un facteur, mais je n'irai pas jusqu'à dire que c'était le seul facteur déterminant. Je pense que cela tient au fait que l'attitude des consommateurs reflète une évolution des valeurs sociales, et nous considérons que ces valeurs, pour ce qui est de l'exploitation forestière, ont beaucoup changé au Canada en général, mais surtout en Colombie- Britannique, à cause de la présence de peuplements vieux. Nous avons jugé qu'il fallait réagir en conséquence, sans toutefois accepter d'approuver tout ce que demandaient les groupes de défense de l'environnement, car cela nous aurait poussé à la faillite.

M. Gerry Byrne: Mais il est vrai de dire que, par le passé, la société MacMillan Bloedel a fait l'objet d'un intérêt relativement exceptionnel et d'une attention soutenue de la part des groupes de défense de l'environnement, à cause de l'exploitation de certaines terres.

Mme Linda Coady: C'est exact. Jusqu'à la campagne concernant la forêt ombrophile de Great Bear, dans laquelle ont été impliqués mes collègues, nous étions la seule compagnie à faire l'objet d'une surveillance.

M. Gerry Byrne: Monsieur le président, je voudrais attirer votre attention sur certains renseignements qui ont été soumis par Greenpeace au sujet de la forêt ombrophile de Great Bear.

Le président: C'est à quelle page?

M. Gerry Byrne: Sur la double page centrale. Il y a une magnifique photographie; évidemment, elle a été prise en Colombie- Britannique. Il y a une carte et on peut lire, au sujet de la forêt ombrophile canadienne, que cette «carte montre que les dernières forêts côtières non exploitées de quelque importance en Colombie- Britannique se trouvent au centre et au nord du littoral». Il s'agit d'une carte thématique montrant ce qui a disparu. Elle montre que 53,1 p. 100 des forêts côtières de la Colombie- Britannique ont disparu.

Les témoins pourraient-ils nous dire ce qu'ils en pensent? Notre voyage nous a permis de ne visiter que le centre de la côte de la Colombie-Britannique. Il semble que si l'on se fie à l'information fournie sur cette carte, il faut en conclure que 53,1 p. 100 des forêts côtières de la Colombie-Britannique ont disparu.

M. Bill Dumont: Monsieur le président, il s'agit d'une carte tristement célèbre. Beaucoup de gens la connaisse. Je la connais; je l'ai déjà vue. Quand on la regarde, on s'aperçoit qu'une grande partie de l'île de Vancouver figure en jaune, suggérant qu'il ne reste plus de bois d'oeuvre. En fait, 70 p. 100 de nos activités se déroulent sur l'île de Vancouver. Jadis, on utilisait des faits pour prouver quelque chose. On peut aussi faire appel à la technologie. Il s'agit d'une image prise d'un satellite dont la précision ne vaut que pour une carte d'une certaine dimension, si bien qu'elle paraît tout à fait alarmante, comme s'il ne restait aucune forêt.

La Colombie-Britannique ne remplace pas ses forêts par autre chose. Les forêts côtières continuent d'exister à 100 p. 100 ou peut-être à 93 p. 100. Elles sont d'âges différents, tout comme il y a 600 ou 300 ans, avant l'arrivée des Européens. Il y avait des jeunes peuplements, il y avait des peuplements vieux, et il y avait des peuplements d'âge moyen. Depuis l'arrivée des Européens et le début des coupes, il y a 150 ans, nous avons abattu à peu près la moitié des vieux arbres. Mais les arbres que notre compagnie a coupés en 1857, lorsque nous avons commencé nos opérations, ont maintenant environ 150 ans. En fait, nous commençons à nouveau à les abattre.

Regardons les choses en face. La Colombie-Britannique n'a pas converti ni perdu la moitié de ses forêts côtières. L'homme a exploité environ la moitié de ces forêts. C'est ce qu'on appelle de la conservation. Après 150 ans d'exploitation, il reste plus de la moitié des peuplements vieux originaux sur la côte. Nous en avons aussi préservé 10 p. 100. Dans la région du centre de la côte, compte tenu de ce qui s'y passe actuellement, je pense que nous en ajouterons probablement 2 ou 3 p. 100 de plus.

• 1630

Pour ce qui est de notre entreprise, nous disposons de réserves de vieux bois d'oeuvre qui pourront durer environ 52 ans. À la fin de cette période de 52 ans, près de 40 p. 100 des forêts que nous gérons continueront d'être des peuplements vieux. Cela s'explique par le fait que nous n'avons pas l'intention de les abattre pour des raisons écologiques ou sociales. Je pense que ce pourcentage pourrait même augmenter.

Par conséquent, laisser entendre que nous avons perdu quelque chose qui n'a pas été remplacé par quoi que ce soit d'autre est ridicule. Vous avez visité des régions du centre de la côte qui ont été exploitées il y a 80 ans. On y trouve toujours des forêts. Elles sont d'âge différent. Elles ont changé, mais les valeurs qui sont importantes ont été préservées dans ces forêts.

M. Gerry Byrne: Récapitulons.

Donc, foncièrement, vous dites—et cela semble correspondre à ce que nous avons constaté de visu—que la repousse vieille de 150 ans qui se trouve actuellement sur les terres que nous avons visitées est considérée une partie de la forêt qui aurait disparu; qui n'existerait pas.

M. Bill Dumont: Tout à fait.

M. Gerry Byrne: Merci, monsieur le président.

Le président: Remarque judicieuse.

Plusieurs personnes veulent poser des questions. Donc Yvon, allez-y. Ensuite ce sera le tour d'Alex puis de John et enfin, de John et Gerald.

À votre tour, Yvon.

[Français]

M. Yvon Godin: On nous avait dit ce matin, et Greenpeace nous l'a répété cet après-midi, qu'on s'était entendu pour arrêter de couper dans une centaine de régions forestières, je crois. Si j'ai bien compris, l'entente se termine en juin 1999. Qu'est-ce qui va arriver après juin 1999? Est-ce que l'industrie va recommencer ses coupes si une autre entente n'est pas conclue?

Je lisais dans les journaux d'aujourd'hui que 18 000 emplois avaient été perdus en Colombie-Britannique à cause de Glen Clark. Ces choses venaient du ministre des Pêches fédéral. Je suis un peu mêlé dans tout cela.

Votre compagnie est d'accord pour qu'on fasse des changements pour protéger la forêt et son avenir et pour empêcher les coupes rapides. Si j'ai bien compris Bill, il ne semble pas que la solution soit la deuxième et la troisième transformations.

J'aimerais avoir des précisions sur ces questions. Premièrement, qu'arrivera-t-il au mois de juin 1999, lorsque l'entente avec Greenpeace sera terminée, si une autre entente n'est pas conclue?

Je vais répéter ma deuxième question parce que je pense qu'elle est importante. Dans les journaux de la Colombie-Britannique, on dit que 18 000 emplois ont été perdus par la faute du gouvernement. Là-dedans, il y a Greenpeace, les communautés et tout le monde. On veut sauver la forêt. J'aimerais avoir un peu de précisions à ce sujet de la part de l'industrie.

[Traduction]

Le président: Merci, Yvon.

M. Richard Slaco: J'aimerais aborder la question des accords. Ils concernent en fait plusieurs compagnies à des moments différents. Notre compagnie a tenté d'intéresser les groupes de défense de l'environnement à participer au processus qui est en cours, le processus d'aménagement des terres de la région du centre de la côte.

Nous nous sommes rendu compte que certaines de nos activités dans ces secteurs controversés posaient un problème. Nous avons donc, au début de l'année dernière, entrepris une série de discussions avec ces groupes pour faire en sorte que les choses évoluent. Parallèlement, nous devions nous montrer respectueux de notre main-d'oeuvre et des communautés des Premières nations au moment de prendre des décisions. Mais nous nous sommes efforcés de trouver des compromis satisfaisants. Voilà ce que nous avons fait, et cela s'est soldé par un accord écrit. Il est entré en vigueur au mois de juin de l'année dernière et expirera en juin de cette année.

Pour ce qui nous concerne, il stipulait que nous ne pouvions pas mener nos activités dans plusieurs régions où la situation était jugée hautement préoccupante par les milieux écologistes. L'accord reconnaissait également que nous respecterions les intérêts de la compagnie en essayant de maintenir une activité viable et en recherchant des régions où l'exploitation serait acceptable; plusieurs d'entre elles devaient être recensées au cours du processus.

• 1635

L'accord expire en juin. Nous n'avons pas pris de décision en ce qui concerne l'avenir. Une des conditions de l'accord, bien sûr, était la une participation pleine et entière des écologistes au processus de planification. Mais cela ne s'est pas véritablement concrétisé avant ces derniers mois, alors que nous avions prévu que cela se passerait il y a presque un an.

Nous savons donc pas trop à l'heure actuelle où nous allons à cet égard. Nous avons l'intention de consulter nos employés et les communautés pour définir une orientation. Par ailleurs, je puis vous assurer que nous avons commencé à dialoguer et que nous avons des discussions avec les groupes écologistes.

À titre d'information, je voudrais préciser que quatre groupes avaient signé notre accord—des groupes de Colombie- Britannique—mais que Greenpeace n'en faisait pas partie. Quoi qu'il en soit, nous avons l'intention de discuter, mais nous n'avons pas encore pris de décision définitive.

Le président: Souhaitez-vous faire une brève observation, monsieur Dumont?

M. Bill Dumont: Oui. Il n'y a pas d'accord écrit. Il y a un accord verbal et des notes prises lors de la séance de négociation par un facilitateur.

Nous avons déclaré que s'il y a des progrès substantiels et que des négociations de bonne foi sont lancées avant juin 1999, nous continuerons de ne pas exploiter les régions qui préoccupent les milieux écologistes, tant et aussi longtemps que le processus ne sera mené à terme, soit jusqu'à la fin de cette année. Nous nous attendons à ce qu'il faille attendre jusqu'au milieu de l'année prochaine avant que le Cabinet de la Colombie-Britannique prenne une décision finale.

Nous n'avons pas beaucoup discuté ni négocié depuis que l'accord a été conclu. Nous sommes déçus. Tout comme Interfor, nous devrons également examiner les options qui se présentent au cours des prochaines semaines et entreprendre des discussions avec les différents groupes. Nous ne cherchons pas la bagarre. Nous ne souhaitons pas provoquer une dispute. Toutefois, un grand nombre d'équipes d'ouvriers appartenant aux Premières nations qui sont censées travailler dans ces régions ne le font pas, et nous devons mettre les préoccupations de ces travailleurs en perspective, par rapport aux préoccupations des défenseurs de l'environnement. Nous ne savons pas ce que nous allons faire. Nous y réfléchissons actuellement.

Pour ce qui est du chômage dans le secteur de la foresterie en Colombie-Britannique, la réalité est que nous avons perdu la moitié de notre marché japonais. Il s'est écroulé. Le prix des pruches occidentales—la moitié des arbres que nous abattons sur la côte sont des pruches—a chuté de moitié, et nous avons perdu la moitié du marché.

Quand il est question des pertes d'emplois dans le secteur de la foresterie de la Colombie-Britannique, je pense que les chiffres élevés reflètent des licenciements. Ils ne reflètent pas des disparitions d'emplois, et ce n'est pas la même chose. Ces expressions sont utilisées un peu trop librement. Je ne suis pas convaincu qu'il y ait eu beaucoup de disparitions d'emplois. Plusieurs grandes usines de bois de sciage et plusieurs grandes scieries ont fermé, mais on parle de moins de 2 ou 3 000 emplois, pas de 18 000. Le nombre des employés de notre compagnie a nettement augmenté au cours des vingt dernières années.

Le président: Merci, monsieur Dumont.

Je vais demander à John, Gerald et Alex d'être très brefs quand ils vont poser leurs questions car nous sommes vraiment en retard—et c'est à vous, Gerald que je m'adresse particulièrement.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Merci, monsieur le président.

J'ai ici une lettre du conseil tribal de Heiltsuk. Je vais vous en lire deux ou trois phrases. Il est écrit:

    Nos efforts pour assurer l'avenir de notre peuple, tant au plan économique que dans un contexte de durabilité, sont continuellement sapés par vos organismes.

Cette lettre a été écrite le 19 novembre et envoyée à Greenpeace, au Sierra Club de Colombie-Britannique, à Forest Action Network et au Sierra Legal Defence Fund. Son auteur poursuit en écrivant:

    Vos organismes continuent à ne reconnaître qu'en paroles le fait que nous sommes ici depuis des temps immémoriaux. Nous trouvons renversante l'ignorance dont vous faites preuve envers notre peuple lorsque vos organismes se comportent comme s'ils savaient ce qui est mieux pour nous. Les tactiques subversives et manipulatrices adoptées par chacune de vos organisations au sein de notre communauté témoignent d'un manque total de sens de l'honneur.

Lorsque que nous étions dans la région du centre de la côte, nous avons naturellement entendu le témoignage des dirigeants autochtones et des chefs de file des communautés de cette région, ainsi que de représentants de la population active. Ces témoignages m'ont donné une idée de la mesure dans laquelle les activités de l'industrie forestière, la gestion des forêts qui est actuellement pratiquée, sont soutenus par les communautés, mais l'impression que cela m'a laissé est bien différente de celle que j'ai maintenant après avoir entendu les témoins qui ont comparus plus tôt cet après-midi, avant que vous ne fassiez vos exposés. Vous avez maintenant l'occasion de nous parler de l'appui que vous accordent les communautés et de nous donner peut-être un autre son de cloche que celui que l'on a pu entendre dans les déclarations de... Je suppose que c'est Catherine Stewart, de Greenpeace, qui pourrait répondre.

• 1640

M. Richard Slaco: La perspective dans laquelle je me suis placé plus tôt ainsi que les observations que j'ai faites démontrent clairement que l'avenir est aux partenariats. Ces partenariats vont impliquer des groupes divers. Selon moi, non seulement les Premières nations, mais également les communautés, les défenseurs de l'environnement, pour ne citer qu'eux, vont devoir participer à ce processus.

Notre compagnie souhaite trouver des moyens d'assurer la rentabilité et la stabilité de ses opérations grâce à une source sûre d'approvisionnement en bois exploité de façon raisonnable, dans le contexte social avec lequel nous devons composé pour travailler ici, en Colombie-Britannique. Je pense que les efforts que nous consentons ont pour but d'essayer de prendre en compte de façon équilibrée différents besoins, dont ceux des Premières nations, entre autres. Il arrive que nous ne servions pas toujours leurs intérêts, mais je pense qu'il y a une tendance qui se dessine de façon de plus en plus marquée et que, sans aucun doute, en ce qui concerne notre entreprise, on peut constater un plus grand désir de trouver des solutions aux problèmes et de prendre des mesures positives en ce sens. Je le répète, il arrive que cela ne progresse pas toujours aussi rapidement que d'autres le voudraient, mais il est certain que la tendance est au progrès et au règlement de ces problèmes spécifiques.

Nous avons besoin de savoir que notre activité est acceptée par la population, et c'est la raison pour laquelle nous prenons ces questions et ces observations très au sérieux. Hier soir, j'ai écouté très attentivement les témoignages et il est clair, d'après ce que j'ai entendu, que nous avons encore des améliorations à apporter, mais en même temps, je pense que nous avons fait la preuve que nous sommes prêts à agir en ce sens.

Le président: Merci.

Gerald, et ensuite, Alex.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Je vais essayer d'aller directement au fait. Si l'on écoute ce que tout le monde dit, on revient toujours à la même question—je voudrais faire des observations sur ce que Richard a déclaré plus tôt—, l'avenir est lié au marché. Je pense que c'est probablement un point souligné par les trois témoins. Dans la foulée, on fait valoir que le marché est effectivement affecté par le fait qu'à travers le monde, on se soucie maintenant davantage de la protection de l'environnement. Je vais essayer de me détacher un peu de la dichotomie reflétée par les deux groupes dont nous avons parlé et avec lesquels nous avons dialogué jusqu'ici pour leur poser des questions spécifiques sur ce marché international et plus précisément, sur l'homologation des pratiques forestières.

Dans le contexte des positions adoptées par le Forest Stewardship Council, l'Organisation internationale de normalisation et l'Association canadienne de normalisation, le gouvernement canadien a-t-il un rôle à jouer, par l'intermédiaire des Nations Unies et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, ou tout autre organisme, pour parvenir à une uniformisation quelconque au plan de l'homologation? Il semble qu'il y ait trois groupes qui ne parviennent pas réellement à s'entendre—même si, peut-être, leurs positions se rapprochent quelque peu. Le gouvernement et les politiciens canadiens peuvent-ils jouer un rôle en la matière?

L'autre question qui se pose est celle de la création de valeur qui découle de l'homologation, une question qui a généré beaucoup de discussions. Avez-vous constaté une telle création de valeur? Nous avons parlé de cela plus tôt aujourd'hui, lorsque nous avons évoqué le modèle mis en place en Suède, un pays qui a institué une telle homologation. Les Suédois pensaient qu'ils allaient pouvoir renchérir leurs produits de 2 à 4 p. 100 à cause de cela, mais le marché n'a tout simplement pas produit cette prime de 2 à 4 p. 100. C'est un véritable revers lorsqu'on essaie de faire un bénéfice pour compenser une augmentation des coûts.

Le président: Est-ce votre dernière question, Gerald?

M. Gerald Keddy: La dernière question porte encore une fois sur la «guerre des bois». Une fois fait le tour de la question, et étant entendu que les parties en cause sont prêtes à négocier tout en sachant que les conditions ne sont plus les mêmes que celles qui existaient par le passé, est-ce que l'homologation peut être un moyen de mettre fin aux hostilités?

• 1645

M. Bill Dumont: Pour répondre à votre première question, qui portait sur la compatibilité entre les trois systèmes ou sur une entente à ce propos, il existe un concept qui, dans les milieux gouvernementaux, se traduit par l'expression «reconnaissance mutuelle». C'est ce concept qui permet, par exemple, au Canada de reconnaître les lois relatives à l'expédition qui sont appliquées aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Il s'agit, sans en faire une analyse approfondie, de considérer ces lois comme légitimes et acceptables car elles ont été adoptées dans le cadre d'un processus que le Canada accepte.

De l'avis de notre entreprise, si l'on veut trouver une solution aux problèmes que posent des normes d'homologation différentes, il suffit d'utiliser le concept de la reconnaissance mutuelle. L'application de ce concept exige que le gouvernement soit impliqué; or, à l'heure actuelle, le gouvernement n'est pas impliqué dans ces systèmes d'homologation. Il s'agit d'un mécanisme du marché.

Il serait prématuré de la part des gouvernements d'intervenir dans ce dossier tant et aussi longtemps que la question de l'homologation n'a pas été tirée au clair. Je connais huit systèmes en place à travers le monde—les pays du Sud-Est asiatique ont annoncé l'autre jour qu'ils en avaient instauré un. Tant que nous ne savons pas clairement à quoi tout cela va aboutir, une intervention du gouvernement est probablement prématurée. Je dirais qu'il est préférable de laisser le marché résoudre la question, mais qu'au Canada, on pourrait, par exemple, encourager et faciliter des pourparlers entre la CSA et le comité national du FSC. Le Canada peut y participer à titre d'observateur et faciliter le processus.

Je pense que nous devrions nous préparer à l'application du concept de reconnaissance mutuelle, mais qu'au point où nous en sommes, le gouvernement devrait rester discret tant qu'on ne sait pas clairement ce qui va arriver.

Le président: Merci, monsieur Dumont, et merci à vous, également, Gerald.

Alex, à vous de poser la dernière question.

M. Alex Shepherd: Madame Coady, vos remarques sur l'annonce parue dans le New York Times m'ont intéressé. Nous avons entendu les groupes écologistes nous dire que le processus d'homologation les intéressait. Ils pensaient même qu'il serait possible de trouver un processus d'homologation qui s'appliquerait au peuplement vieux. Je vous ai entendu dire que votre entreprise a suspendu ses activités dans ces secteurs. Et pourtant, après tout ce qui est arrivé, ce genre d'annonce est publiée aux États-Unis. Quel est l'état d'esprit qui règne là-bas?

Mme Linda Coady: Je crois que l'annonce qui a paru dans le New York Times était parrainée par une coalition de groupes écologistes. Nous avons pu constater que plus ces groupes sont loin de la Colombie-Britannique et du Canada, plus leur position est irréductible en ce qui concerne les peuplements vieux.

Selon moi, les groupes de défense de l'environnement de Colombie-Britannique comprennent le contexte social et économique dans lequel se situe le dossier de la foresterie dans cette province. Ils comprennent qu'on ne peut pas se contenter d'un programme qui soit exclusivement axé sur l'écologie, c'est un point de vue auquel ils sont sensibles, si l'on en juge par les contacts que nous avons eus avec eux. Tout le monde évolue. La situation a été très polarisée. Mais si nous en jugeons par notre expérience, lorsque nous essayons de trouver un terrain d'entente avec eux, ils sont ouverts à cela. Ils comprennent le contexte social et économique.

Mais j'ai pu constater qu'ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis—le pays avec lequel nous avons le plus de contacts—les écologistes ont tendance à adopter une attitude beaucoup plus tranchée. Cela se limite à: «Pas d'exploitation des peuplements vieux, merci beaucoup, un point c'est tout, restons en là.»

Les entreprises américaines que j'ai contactées la semaine dernière à San Francisco ne savaient pas que si elles avaient signé un engagement disant: «Pas de peuplement vieux, jamais, ou alors nous allons éliminer les produits», cela signifiait automatiquement qu'elles éliminaient les produits provenant de Colombie-Britannique étant donné la nature de la ressource que nous exploitons ici. Elles ne savaient pas cela. Elles pensaient que le peuplement vieux représentait un modeste pourcentage de la forêt que nous exploitons en Colombie-Britannique.

Il est très important d'avoir ce genre de conversation avec les clients de façon à ce qu'ils sachent clairement quelles sont les alternatives. Aux États-Unis, on ne se rend pas compte que la plupart des forêts canadiennes sont des forêts vierges, notamment en Colombie-Britannique. Les positions traditionnellement adoptées par les groupes écologistes sur ces questions varient. Plus l'on s'éloigne de la Colombie-Britannique, plus l'opposition semble être irréductible.

• 1650

Le président: Merci, madame Coady. Merci, Alex.

Au nom du comité, j'aimerais remercier nos témoins dont les présentations ont été des plus utiles.

Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes avant d'accueillir les témoins suivants. Je sais que nous avons pris du retard, mais nous apprécions votre patience à tous.

Merci.

• 1651




• 1656

Le président: La séance reprend. Nous poursuivons notre examen de la gestion des forêts au Canada dans la perspective du commerce international.

Je suis heureux d'accueillir devant le comité M. Joe Foy, qui représente le Western Canada Wilderness Committee. M. Foy coordonne les campagnes du comité.

Monsieur Foy, je vous remercie d'être venu nous aider aujourd'hui. Le greffier vous a probablement dit que vous avez la possibilité de faire de brèves remarques préliminaires et qu'ensuite, les membres du comité vous poseront des questions. Je vous invite donc à prendre place. Merci d'être venu.

M. Joe Foy (coordonnateur des campagnes du Western Canada Wilderness Committee): Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant le comité aujourd'hui. Je crois comprendre que j'ai environ dix minutes pour faire des remarques liminaires. Je vais essayer d'être encore plus bref.

Le Western Canada Wilderness Committee est l'organisme canadien voué à la préservation des espaces naturels qui compte le plus d'adhérents. Il existe depuis 1980 et à l'heure actuelle, il regroupe 27 000 membres à travers le Canada, mais la plupart habitent ici, en Colombie-Britannique. Nous oeuvrons pour la préservation des zones vierges de notre pays et nous faisons la promotion de pratiques axées sur une utilisation durable des terres.

Ma famille s'est établie et est restée essentiellement dans la région sud-ouest de la Colombie-Britannique depuis cinq générations. Je sais donc, pour l'avoir constaté moi-même et pour l'avoir entendu dire par ma famille, ce qu'était cette province autrefois, sur le plan écologique, et ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

Je dois vous dire, à vous qui êtes membres d'un comité du gouvernement fédéral, que j'ai eu tendance, surtout dernièrement, à considérer que les autorités fédérales jouent un rôle quand il s'agit de commercialiser les produits forestiers de la Colombie- Britannique, mais à ne pratiquement jamais intervenir, ou alors de moins en moins, lorsqu'il s'agit de s'assurer que les pratiques de l'industrie forestière préservent le paysage et l'avenir des canadiens.

Parfois, en parcourant les vallées qui se trouvent pas loin de chez moi, je me suis senti très seul en voyant le flanc des collines dépouillé de leurs forêts et en constatant les dommages subis par les ruisseaux où vivent les saumons. L'image que je me fais de l'avenir de cette région en est ternie.

Je trouve particulièrement embarrassant de constater qu'apparemment, ce sont des étrangers, et non des Canadiens, qui prennent les principales initiatives pour faire évoluer les pratiques de l'industrie forestière. Les gens qui ne vivent pas dans ce pays commencent à être gênés lorsqu'on les voit acheter des produits canadiens chez les marchands de bois de leur localité. Cela me fait honte.

Ne me méprenez pas; au cours des dix années que j'ai passées à m'occuper de ces questions, j'ai rencontré des députés extraordinaires. Par exemple, je regrette beaucoup l'absence du député conservateur, Bob Wenman, qui s'est vraiment investi au début des années 90 pour assurer la protection de la vallée de Carmanah, un site qui est éventuellement devenu un parc provincial.

• 1700

Il y a plusieurs députés canadiens qui se sont vraiment investis mais en général, en ce qui concerne les pratiques de l'industrie forestière et ce qui se passe dans nos forêts, essentiellement, selon moi, le gouvernement canadien reste en dehors du jeu. À mes yeux, le gouvernement canadien se contente d'être un porte-parole de l'industrie en répétant sur les marchés où nous le vendons que c'est très bien d'acheter ce bois.

J'ai apporté et distribué plusieurs numéros des journaux que nous avons publiés ces dernières années. J'attire tout d'abord votre attention sur celui-ci où l'on préconise la création d'un parc national juste à côté de Whistler, le Stoltman National Park. Sur la page qui se trouve au centre, vous pouvez voir une carte du même type que celle dont vous parliez plus tôt. On y voit la superficie que couvrait à l'origine l'ancienne forêt ombrophile, au sud-ouest de la province, à gauche, et à droite, vous voyez les étendues qui ont été défrichées pour faire place à nos villes, à nos exploitations agricoles, à nos champs, ainsi qu'à nos plantations; en vert, c'est ce qui reste de l'ancienne forêt ombrophile.

Or, permettez-moi de vous le dire, lorsqu'on coupe les arbres d'une ancienne forêt ombrophile, il y a beaucoup de choses qui disparaissent. Tout d'abord, c'est le bois dont le commerce est véritablement rentable, le bois de grande qualité sur lequel compte cette industrie pour pouvoir le vendre à travers le monde. Ce qui reste dans cette région de la Colombie-Britannique, ce sont des arbres qui poussent en haute altitude et qu'il est coûteux d'aller chercher.

Ce genre de carte est donc utile. Il y a aussi d'autres choses qui disparaissent. Dans les rivières qui coulent dans les vallées, colorées pour la plupart en jaune sur la carte, on trouve moins de saumons. Il faut alors dépenser de l'argent pour installer des écloseries et reconstituer la population de saumons. Il faut puiser à même l'argent des contribuables pour tenter de conserver ces remontes de saumons. Et vous savez quoi? Dans ces régions marquées en jaune, des espèces disparaissent. Dans le coin de la province où j'habite, il y a une espèce en voie de disparition qui est célèbre, la chouette tachetée.

Savez-vous que, le Canada n'ayant pas de loi sur les espèces menacées d'extinction, c'est essentiellement à la province de Colombie-Britannique qu'il revient de protéger cet animal qui, pour survivre, a besoin d'un peuplement vieux? Savez-vous que la Colombie-Britannique n'a pas réussi à faire signer par ses propres biologistes un plan de rétablissement pour cette espèce en voie d'extinction? Savez-vous ce que le gouvernement a fait à la place? Il a élaboré, en collaboration avec l'industrie, un plan de gestion de la chouette tachetée. Si l'on a agi ainsi, c'est parce qu'on n'a pas pu faire avaliser par les biologistes le plan que le gouvernement avait élaboré, parce qu'ils savaient que c'était un plan qui menait tout droit à l'extinction de l'espèce.

Cette carte est importante. Elle prend pour moi toute son importance lorsque je me promène dans mes forêts et que je constate que le poisson, la nature sauvage, ce qui pourrait attirer les touristes et la ressource que représentent nos forêts sont en train de disparaître à cause d'une surexploitation forestière et de l'absence de règlements. C'est important également pour des gens qui n'habitent pas notre pays et que cela gêne de contribuer à cet état de chose.

En vérité, c'est aux représentants du gouvernement provincial que je devrais m'adresser, parce que ce sont eux qui semblent avoir les instruments législatifs nécessaires.

J'ai apporté avec moi d'autres journaux—«The Fight to Own B.C.'s Forests»... Vous savez, la situation s'est tellement détériorée ici, en Colombie-Britannique, que les compagnies demandent maintenant de prendre possession de terres publiques. Et vous savez quoi? Ce sont des terres que mon arrière-grand-père n'a pas vendu à ces compagnies, ni d'ailleurs mes grands-parents, ni mes parents... Vous savez, mes enfants aimeraient participer à la gestion de ces terres, des terres qui sont maintenant à vendre.

Une fois ces terres entre les mains de sociétés privées, aucun code ne régit la pratique forestière. Il n'y a aucune restriction qui s'applique aux exportations de bois brut provenant de ces terres. C'est une chose qui intéresse également les gens qui n'habitent pas ce pays. Dans quelle perspective s'inscrit la gestion des ressources forestière de Colombie-Britannique? Je le leur dis. L'autorité en la matière est en train de passer du gouvernement aux mains des grandes compagnies.

• 1705

J'ai apporté avec moi un article de journal sur la forêt ombrophile de Great Bear car, cela me gêne de le dire, notre organisme s'est également rendu compte que ce ne sont plus les autorités gouvernementales, mais les compagnies qui ont leur mot à dire en la matière. C'est la raison pour laquelle nous avons publié des photos des manifestations contre Home Depot; sur ces photos, on peut voir le logo des sociétés en cause, parce qu'il semble que les campagnes que l'on peut mener dans les marchés à travers le monde ont plus d'effet que les interventions des Canadiens lorsqu'ils s'adressent à leur gouvernement pour que des mesures soient prises.

De quelle façon le gouvernement fédéral pourrait-il intervenir? Comment pourriez-vous assurer que cela ne gênerait pas les gens d'acheter des produits forestiers provenant de Colombie- Britannique? Que diriez-vous d'une législation qui protégerait réellement les espèces en voie de disparition? Que diriez-vous d'un gouvernement qui mettrait en place une législation sur les espèces menacées d'extinction qui s'appliquerait dans tout le territoire, jusqu'à ce que mon propre gouvernement provincial adopte de strictes dispositions législatives en la matière et que vous puissiez passer la main? Que diriez-vous de veiller à ce que les lois fédérales sur les pêcheries soient respectées, de ne pas attendre qu'il y ait des dégâts, mais d'intervenir avant que cela n'arrive?

Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Foy, merci de ce témoignage.

J'ai noté que Werner, Gerry et Monique demandaient la parole. Werner, s'il vous plaît.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Foy, d'être venu comparaître devant nous.

Je pense que parmi les choses que l'on doit relever ici—et nous avons pu le constater tout l'après-midi et ces deux derniers jours, lors de nos audiences en divers endroits situés au coeur de la forêt centrale de Colombie-Britannique, notamment sur le littoral—c'est que l'atmosphère semble être axée sur l'affrontement. Vous avez vous-même donné cette impression ici, cet après-midi, je crois.

Les points de vue qui s'affrontent sont ceux des gens qui voient le potentiel de commercialisation des forêts et, de l'autre côté, ceux des consommateurs, des défenseurs des intérêts que vous représentez. À mon avis, nous vivons tous dans la même province et nous essayons de reconnaître nos qualités respectives et de faire des choses qui nous sont mutuellement utiles. Je me demande ce que vous cherchez à faire exactement en adoptant le ton propice à l'affrontement qui a été celui de votre témoignage ici, cet après- midi.

Pensez-vous qu'en adoptant cette attitude, comme vous l'avez fait ici cet après-midi, vous allez véritablement nous aider à vous donner les outils nécessaires pour réaliser l'objectif qui est le vôtre?

M. Joe Foy: Eh bien, comme je vous l'ai dit, ma famille est établie en Colombie-Britannique depuis cinq générations et je sais, d'après ce que m'ont dit les propres membres de ma famille, que cette province a été le théâtre de sérieux affrontements. Mon arrière-grand-père est venu ici pour travailler dans les mines de charbon. Il l'a fait pendant quatre ans avant de mourir dans ces mines. Et je sais qu'il y a eu des grèves, pendant lesquelles il s'est passé des choses assez moches, lorsqu'on a fait venir l'armée canadienne et que des têtes ont roulé. Il y a des gens qui sont morts. On a tiré dans la tête d'un gars qui s'appelait Ginger Goodwin. Mais je sais que ces affrontements ont abouti à faire reconnaître les droits des travailleurs.

Je suis fier de pouvoir dire que les affrontements qui ont lieu à l'heure actuelle et qui ont pour but de protéger nos saumons, nos rivières et nos forêts ont probablement fait moins de blessés que l'un des matchs de rugby auxquels j'ai participé quand j'étais à l'école secondaire. Mais je ne connais pas d'autres façons de procéder, à moins de vous emmener vous promener dans mes vallées pour partager avec vous la souffrance que je ressens lorsque je vois que l'on est en train de détruire ces paysages.

M. Werner Schmidt: Alors, c'est cela votre réponse? Bon, il n'y a rien à dire si telle est votre réponse.

J'ai une autre question à vous poser: Comment pouvons-nous faire naître un esprit de collaboration avec vous dans votre vallée?

M. Joe Foy: Une excellente façon d'y parvenir serait d'adopter une loi sur les espèces en voie d'extinction qui donnerait à ceux qui sont démunis les mêmes droits qu'aux compagnies pour dire: c'est la loi, vous ne la respectez pas, je vous verrai demain au tribunal.

M. Werner Schmidt: Étiez-vous dans la salle lorsque les autres témoins ont comparu?

M. Joe Foy: Oui, monsieur.

M. Werner Schmidt: Vous avez donc entendu les compagnies parler de ce qu'elles essayaient de faire? Est-ce que cela ne tempère pas quelque peu votre sentiment qu'elles ne font rien qui vaillent la peine?

M. Joe Foy: Eh bien, comme je l'ai dit, je suis gêné de voir que certaines des mesures qui sont prises le sont à cause de l'évolution des marchés, et non parce que des milliers de Canadiens ont demandé que l'on protège leurs rivières, leurs ruisseaux et leurs forêts.

• 1710

M. Werner Schmidt: Là n'est pas la question. Je vous ai demandé si ce que font ces gens là va dans le sens de l'objectif que vous poursuivez, de la préservation des espèces, de la conservation des forêts, d'une gestion des forêts que vous appuieriez?

M. Joe Foy: Pour être précis, je pense que nous devons féliciter MacMillan Bloedel d'avoir facilité le règlement du conflit de la baie Clayoquot en décidant de ne pas toucher aux forêts encore intactes. Je suis toujours choqué en constatant à quel point on pratique encore la coupe à blanc dans cette province, à quel point l'industrie concentre encore son activité sur les peuplements vieux et, dans certaines parties de la province, comme dans le corridor sud-ouest où il ne reste que quelques vallées rémanentes intactes, que l'on y ouvre encore des routes. Dans ces régions, où il est clair que les espèces menacées vont finir par disparaître, comme dans la région habitée par la chouette tachetée, je pense que c'est un honte d'agir ainsi.

Cela ne va pas être facile de regarder nos enfants dans les yeux et de leur avouer que nous nous sommes laissés faire et que nous avons fait preuve d'une telle bassesse.

M. Werner Schmidt: La teneur de mes questions n'a pas pour objet de laisser croire que tout va pour le mieux, ni que tout va mal. Or, je commence à avoir l'impression que presque tout va mal. Ce n'est pas le cas, je ne pense pas. Seriez-vous d'accord pour dire que nous sommes peut-être sur la bonne voie et que si on continue d'avancer dans cette direction, on fait quelque chose de positif; ou bien est-ce que, pour vous, il n'y a pas d'espoir?

M. Joe Foy: Laissez-moi vous dire une chose. Nous sommes sur la mauvaise voie. La liste de nos espèces en voie d'extinction continue de s'allonger. Il est avéré qu'à la montaison, le nombre des poissons qui reviennent dans nos eaux continue de diminuer. Les régions dont on peut faire la promotion auprès des amateurs de tourisme sauvage sont de moins en moins étendues et chaque année, il devient de plus en plus coûteux de couper les arbres qui restent, parce que nous continuons de surexploiter nos ressources forestières. La situation s'aggrave.

M. Werner Schmidt: Je n'y comprends plus rien. Je pensais...

M. Joe Foy: Oh, une autre chose encore...

M. Werner Schmidt: Il y a juste un instant, vous disiez être heureux que MacMillan ait cessé de pratiquer la coupe à blanc et maintenant, vous dites que la situation s'aggrave. Je ne suis pas sûr de savoir ce que vous voulez dire vraiment.

M. Joe Foy: Non, non. Si l'on veut aboutir à quelque chose, il faut se rappeler ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit que j'étais heureux que MacMillan Bloedel ait cessé de pratiquer la coupe à blanc; ce n'est pas le cas. J'ai dit qu'il était important de remercier MacMillan Bloedel d'avoir abandonné l'exploitation des forêts intactes de la baie Clayoquot et d'avoir facilité le règlement du problème qui se posait là-bas. Je pense qu'il est important de remercier les gens lorsqu'ils prennent de bonnes décisions. Mais je pense aussi qu'il est extrêmement important de souligner que, quel que soit l'indicateur que l'on prenne—que ce soit les emplois forestiers, le nombre des poissons qui reviennent dans nos rivières, la liste des espèces menacées de disparition—quel que soit l'indicateur que l'on utilise, la situation se dégrade.

Un des problèmes qui se posent, c'est que le gouvernement fédéral n'agit pas, ou alors si peu, pour gérer les forêts de notre pays, même s'il prétend le contraire partout dans le monde. C'est un problème.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Werner.

Alex, c'est à vous, et ensuite ce sera le tour de Monique.

M. Alex Shepherd: Tout d'abord, parlons des espèces en voie d'extinction, une question qui vous tient clairement à coeur. Nos scientifiques nous disent que même si le débat que cela suscite est quelque peu entaché de partialité, on continue à découvrir de nouvelles espèces dont les caractéristiques n'ont pas été définies jusqu'ici. Quoiqu'il en soit, comme vous le savez sans doute, nous avons rencontré quelques difficultés pour faire adopter le projet de loi sur les espèces menacées d'extinction qui a été déposé à l'origine, car c'est un domaine qui relève à la fois des compétences fédérales et provinciales; bien entendu, votre chouette tachetée ne peut pas faire la différence. Comment pouvons-nous résoudre ce problème?

M. Joe Foy: Oh, c'est très facile de trouver une solution, je crois. Cela exige simplement que les députés décident ce qui a de l'importance en ce monde.

Je remarque que le gouvernement fédéral n'a pas hésité à menacer le premier ministre Clark d'exproprier une base militaire, mais qu'il ne semble pas prêt à intervenir pour protéger les espèces en voie de disparition, même une espèce aussi importante pour le pays que le saumon.

• 1715

Je pense que les valeurs que nous défendons au Canada justifieraient une telle intervention. À mon avis, l'image qu'a le Canada à travers le monde exigerait de strictes dispositions législatives au niveau fédéral pour protéger les espèces menacées d'extinction dans notre pays. Quelle qu'en soit la raison, les députés ne jugent pas cela assez important, je pense. Et parce qu'ils n'accordent pas à ce problème assez d'importance, nous allons perdre des choses qui en ont énormément. Nous allons voir disparaître ce qui nous définit en tant que Canadiens, à mon avis, si notre gouvernement national continue à laisser des écologistes comme moi poursuivre le combat... et n'intervient pas pour agir à leur place.

M. Alex Shepherd: Je ne pense pas que l'argumentation soit aussi sophistique que vous le laissez entendre. Comment le gouvernement fédéral peut-il imposer le respect de sa législation sur des terres qui appartiennent au gouvernement provincial?

M. Joe Foy: Eh bien, c'est ce que vous faites sur... vous avez au moins trouvé un moyen d'intervenir en ce qui concerne le saumon qui remonte les rivières qui coulent à travers les forêts. Essentiellement, je vous le dis, à moins que le gouvernement fédéral ne fasse de ce dossier une priorité et que nous agissions comme un pays qui veut protéger ses poissons et ses espaces naturels, nous n'allons pas y arriver.

M. Alex Shepherd: Je vous entends bien et j'accorde toute la considération qu'elles méritent aux préoccupations dont vous faites état. C'est qu'il n'est pas facile de trouver une solution et qu'il ne suffit pas de dire tout simplement: faites ce qu'il faut.

M. Joe Foy: Vous savez quoi? Ce n'est pas facile. Je le sais. Je vais vous raconter quelque chose—en vitesse. Il y a un gars qui est resté assis dans un arbre dans la vallée de Walbran pendant—je ne sais pas, moi—une semaine. Lorsque la GRC est intervenue pour le faire descendre, il s'est déshabillé et s'est échappé à travers les bois avant de plonger dans l'eau. Cet incident à fait rire beaucoup de gens. C'était assez drôle. Mais la partie de la vallée où se trouvait l'arbre dans lequel il s'était perché... ces terres là ont été protégées. Ce qu'il a fait n'était pas facile. Mais il a été obligé de le faire, parce qu'il y avait des gens qui étaient assis ailleurs bien confortablement et qui disaient que pour eux, c'était trop difficile. Je vous le dis, il y a des Canadiens dans ce pays qui font tout ce qu'ils peuvent pour essayer de garder intacts ces espaces naturels et sauvages. Ce n'est pas facile.

Le président: Merci. Merci, Alex.

Monique, s'il vous plaît, et ensuite Gerry, et Yvon.

[Français]

Mme Monique Guay: Je vois que la sauvegarde des espèces en voie de disparition est pour vous un dossier très délicat et très émotif, et je peux le comprendre, mais il faut regarder les deux côtés de la médaille. Si on élimine complètement l'industrie forestière, cela ne réglera pas tous les problèmes des espèces en voie de disparition. C'est totalement faux. Le désordre écologique que l'on constate actuellement n'est pas nécessairement causé par l'industrie forestière, mais aussi par des situations naturelles incontrôlables comme le réchauffement de la planète, des avalanches, les changements climatiques et l'amincissement de la couche d'ozone. Tout cela cause beaucoup de problèmes sur le plan des espèces en voie de disparition.

Il faudrait peut-être que vous fassiez des représentations auprès du gouvernement provincial pour qu'il rende la loi plus sévère au niveau des espèces en voie de disparition. Je sais qu'à Ottawa, il y a un projet de loi à l'étude sur les espèces en voie de disparition. Donc, il se fait quand même un bout de chemin à cet égard.

J'aimerais tout simplement savoir quelles solutions concrètes vous nous proposez. Votre groupe aimerait-il participer à une séance d'étude avec l'industrie forestière, les autres groupes environnementaux et les nations autochtones pour voir ce qu'il est possible de faire pour la préservation? Souhaitez-vous faire front commun plutôt que de foncer l'un dans l'autre dans l'adversité? Cela ne mène nulle part.

• 1720

J'aimerais donc que vous me fassiez part de solutions concrètes. Je ne vois pas 200 hommes et femmes grimper à poil dans les arbres pour essayer de les sauver. Ce n'est pas une solution concrète. Cela a fonctionné une fois, mais cela ne veut pas dire que cela va toujours fonctionner. C'est un événement isolé qu'on ne peut pas répéter tout le temps.

Est-ce qu'il n'y a pas moyen, à court et moyen terme, de s'asseoir et de voir s'il n'y a pas des solution applicables, des choses faciles, des choses qui peuvent se faire sur le terrain, auxquelles votre regroupement pourrait participer, et en même temps de faire pression sur votre gouvernement provincial pour que les choses avancent?

[Traduction]

M. Joe Foy: Tout d'abord, l'affrontement est la seule chose qui ait marché. Pendant des années, nous avons oeuvré pour protéger certaines terres. En 1993, quelque 900 Canadiens ont été arrêtés à la baie Clayoquot. Les années 1994 et 1995 ont été les plus importantes ici, en Colombie-Britannique, dans l'histoire de la protection des parcs du Canada.

Je suis désolé de dire que l'affrontement est une méthode qui marche. La situation est désespérée. On a tout essayé. Nous espérons qu'on adoptera une loi parce qu'il semble que la seule façon dont nous pouvons arriver à franchir les portes d'un tribunal, c'est lorsqu'on y traîne des écologistes parce qu'il n'existe aucune loi sur la protection environnementale qui nous permette de nous adresser aux tribunaux.

La seule chose qui ait marché c'est l'affrontement—l'affrontement non violent. Et parce que des représentants du gouvernement fédéral sont ici aujourd'hui, il me semble raisonnable, plutôt que de parler de ce que peuvent faire le gouvernement provincial ou des études dont je pourrais discuter avec les compagnies en cause, de transmettre au gouvernement fédéral le message suivant: entrez dans l'action en adoptant une loi sur les espèces en voie de disparition et en faisant respecter strictement les mesures de protection de l'habitat des poissons.

Jusqu'ici, vous n'êtes pas entrés dans l'action. Tant et aussi longtemps que vous ne le ferez pas, les affrontements, les campagnes menées sur nos marchés et ainsi de suite, semblent être les seuls moyens qui nous permettent véritablement de protéger les paysages naturels. C'est une honte. Cela va totalement à l'encontre de ce que l'on m'a appris sur le Canada et la société canadienne et sur la façon dont notre gouvernement devrait fonctionner.

Quand on pense aux parcs qui ont été protégés, aux progrès qui ont été faits au cours des dix dernières années pour protéger les forêts, on peut voir que, c'est malheureux à dire, tout cela est lié à des affrontements.

Je suis fier de dire que, grâce à tous les efforts qui ont été faits en ce sens, toutes les parties en cause en Colombie- Britannique sont, quelque peu étrangement, parvenues à s'entendre pour que ces affrontements restent non violents et ne menacent pas la sécurité de la vie publique. Je pense que c'est très révélateur en ce qui concerne la société canadienne.

Le président: Avez-vous une question supplémentaire à poser?

[Français]

Mme Monique Guay: Comme je l'ai dit plus tôt, un projet de loi sur les espèces en voie de disparition est à l'étude au niveau fédéral. Par contre, le fédéral n'a aucun pouvoir dans certains domaines que le gouvernement provincial gère. On ne peut pas faire de chevauchement. Tel est le problème.

Deuxièmement, vous parlez de confrontation. Il est important de confronter certaines situations, mais une fois que c'est fait, une fois qu'on a provoqué une réaction et réveillé les médias et la population, il faut être capable de s'asseoir et de négocier en vue de trouver un consensus. On ne peut pas vivre seulement dans la confrontation, car cela ne mène nulle part. On va pouvoir faire durer cela une semaine ou deux, puis les médias vont se fatiguer et laisser tomber le dossier. À un moment donné, il faut s'asseoir ensemble pour essayer de trouver des solutions concrètes qui peuvent faire bouger les dossiers. En tout cas, je vous trouve très courageux, monsieur.

[Traduction]

Le président: Merci, Monique.

Monsieur Foy, vous pouvez conclure brièvement et ensuite, nous allons passer à d'autres questions.

• 1725

M. Joe Foy: Je pense avoir dit tout ce que j'avais à dire sur ce sujet, merci.

Le président: Merci.

Gerry, s'il vous plaît.

M. Gerry Byrne: Merci beaucoup. Je tiens à dire qu'à mon avis, vous nous avez donné un témoignage très personnel, plein d'émotion, monsieur Foy. Un des éléments clés de ce témoignage est la très importante question qui a trait à la propriété des terres, au régime foncier. Vous êtes convaincu, je crois, qu'il faut maintenir l'accès public, que les compagnies ne devraient pas avoir des droits de propriété sur des terres qui sont actuellement publiques en Colombie-Britannique.

Dans le contexte des revendications territoriales des Premières nations, nous avons pu constater que les Autochtones s'intéressent à l'exploitation forestière et que de nombreuses Premières nations estiment que cette activité peut être menée d'une façon responsable et durable. Tout d'abord, les revendications territoriales ont permis dans bien des cas aux Premières nations de récupérer les titres de propriété de certaines terres, lorsqu'elles ont pu démontrer qu'elles leur appartenaient légitimement. Est-ce que cela va à l'encontre de ce qui, selon vous, est dans l'intérêt supérieur de la Colombie-Britannique et du Canada?

M. Joe Foy: Je place les Premières nations et les compagnies dans deux catégories bien différentes. Nous appuyons le processus de reconnaissance des traités. Nous savons que les Premières nations vont reprendre le contrôle de certaines terres et les gérer, et j'en suis heureux. J'aime être fier de mon pays et à mon avis, tant que la situation actuelle ne sera pas réglée et que la question des traités ne sera pas résolue, la réputation du Canada en souffrira. Selon nous, quant on détient de réels pouvoirs, ce que méritent les Premières nations, on a aussi le pouvoir de faire des erreurs. Nous appuyons le règlement de la question des traités, mais nous critiquerons les mauvaises pratiques forestières ou celles qui ne permettent de protéger les écosystèmes quelle que soit la région du Canada où cela se passe et quels qu'en soit les responsables. J'espère avoir défini clairement notre position.

D'un autre côté, les compagnies... Une fois que des terres sont détenues par une compagnie quelconque, elles peuvent facilement changer de main. Dieu sait qui en est propriétaire, quel pays possède de grands terrains dans notre région et pour nous, c'est un problème. Nous faisons donc une grande différence entre les compagnies et les Premières nations.

M. Gerry Byrne: Vous avez également souligné dans votre témoignage qu'à vos yeux, il est très important que les autorités canadiennes, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, accordent toute l'attention qu'elles méritent aux critiques formulées par la communauté internationale ou du moins, par certains membres de cette communauté à propos de nos pratiques forestières, et que des mesures devraient être prises en conséquence. Que savez-vous de l'exploitation forestière telle qu'elle est pratiquée à l'étranger? Je pense notamment à ce qui se passe en Europe. Devrions-nous adopter les pratiques forestières européennes, étant donné que les pays d'Europe sont ceux qui formulent les critiques les plus vives à propos de nos propres pratiques?

M. Joe Foy: Je pense que les Européens ont complètement détruit les paysages naturels. Je ne sais pas depuis quand on a vu le dernier ours en Grande-Bretagne, mais je crois que cela fait des siècles que les Anglais doivent aller chercher à l'étranger la fourrure dont ils ont besoin pour fabriquer ces chapeaux à poils qu'ils aiment tellement porter là-bas.

Nous pensons qu'il est sans doute prudent d'écouter la clientèle car, à la différence de certains pays, une bonne part des activités dont nos bassins hydrographiques locaux sont le théâtre sont financées par des dollars américains, des deutsche marks et des yens japonais. Quand j'ai commencé à participer à l'action menée par le mouvement écologiste, nous essayions d'émuler nos homologues américains qui avaient des lois—par exemple, une loi sur les espèces en voie d'extinction—sur lesquelles ils pouvaient s'appuyer pour s'adresser aux tribunaux. Nous avons découvert très rapidement que nous, nous n'avions pas de lois et que nous ne pouvions avoir recours aux tribunaux.

Ensuite, nous nous sommes rendu compte que nous avions quelque chose que les Américains n'ont pas, je crois. C'est plutôt un facteur interne, leur propre dollar, qui semble être le moteur de leur marché, alors que, dans notre cas, ce sont des pays étrangers qui financent l'abattage de nos arbres. Par conséquent, nous nous sommes rendu compte que si ces pays étrangers exigeaient que l'on adopte de meilleurs pratiques forestières, ce serait pour nous un moyen d'action plus efficace que si nous essayions de nous adresser aux tribunaux alors que nous n'avions aucune loi sur laquelle nous appuyer.

• 1730

M. Gerry Byrne: Une brève question subsidiaire: Joe, si je comprends bien, ce que vous nous suggérez, c'est d'écouter attentivement ce qu'ont à nous dire des gens qui vivent dans des pays où, essentiellement, pour reprendre vos propres mots, on a détruit la forêt. On y a mis en place des régimes fonciers qui sont complètement privatisés et, bien souvent, on y a recours à la technologie et aux techniques de la plantation pour gérer les forêts. Les compagnies qui ont leur siège dans ces pays sont en fait celles qui font vivre principalement l'industrie forestière en Colombie-Britannique ou au Canada. Je veux juste m'assurer que j'ai bien compris.

M. Joe Foy: Ce que je vous dis, c'est qu'à mon avis, il y a là-bas des gens qui ont tout compris. Je sais que c'est le cas de ma mère; elle vient d'Angleterre. Je sais que c'est aussi le cas de ma femme; elle vient, elle, des Philippines. Voici ce qu'elles m'ont dit toutes les deux: tu sais, dans les pays d'où nous venons, on a détruit beaucoup de choses, et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes en quelque sorte réfugiées ici, en Colombie- Britannique. Ma mère a quitté son pays après la Deuxième Guerre mondiale. C'était un pays dont les ressources avaient été surexploitées, un pays saigné à blanc; elle est venue ici et elle a vu la beauté et la richesse de cet endroit. À l'ère des jets, les gens vont facilement ici et là, et beaucoup d'entre eux, je pense, constatent la même chose.

Le président: Merci, Gerry.

Yvon, Philip et Gerald, je vais vous demander à tous les trois d'essayer de poser des questions brèves.

M. Yvon Godin: De nombreuses questions ont été soulevées. Je pense qu'on tourne en rond. Tout d'abord, j'apprécie à leur juste valeur certaines des initiatives que vous prenez. C'est vrai, en toute honnêteté. Toutefois, moi qui ai été mineur pendant 15 ans, si je devais écouter tout ce qu'on me dit, on laisserait la mine inexploitée. Si nous écoutions ce que nous disent d'autres... dans ma famille—je l'ai déjà dit—mon père était bûcheron. Mes frères étaient également bûcherons. Si nous écoutions les gens qui ne vivent pas de cette ressource, voici à quoi on aboutirait—on laisserait les forêts en l'état et ainsi de suite. Peut-être que les forestiers ou les bûcherons pensent qu'il devait y avoir moins d'écologistes. Mais vous faites ce que vous avez à faire et je respecte cela.

Quelles solutions proposeriez-vous à tout cela? Il y a des gens qui me disent qu'ils adorent leur travail parce que les règles deviennent strictes, et je suis convaincu qu'il faut être strict. Pour ma part, être strict, c'est ceci: vous coupez un arbre; vous en replantez un. Mère nature est là pour garantir que tout le monde peut gagner sa vie à travers le monde, elle ne nous procure pas simplement le plaisir de voir des choses pousser, sans se préoccuper du fait qu'il faut que nous travaillions pour nourrir nos familles. Je ne peux pas accepter que l'on dise simplement: eh bien, il faut laisser cela comme ci et cela comme ça, ne pas faire ceci ni cela. Nous ne pouvons pas tous être avant tout des écologistes. C'est impossible. Enfin, il faut bien qu'il y ait des gens qui s'occupent d'autre chose.

Nous avons toujours besoin de bois pour construire des maisons. Nous avons toujours besoin de bois pour d'autres choses. Nous exploitons encore des mines, parce que nous avons besoin d'acier. Mais j'aimerais que vous me disiez qu'est-ce que vous préconisez pour résoudre tout cela. Si l'on vous écoutait, vous et votre groupe... Arrêtez tout, parce que nous aimons la nature, notre bonne Mère. Nous voulons voir des ours, nous voulons de grands arbres, et que les gens aient du travail ou non, cela ne nous préoccupe pas. C'est une attitude qui me pose un problème, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le président: Merci, Yvon.

M. Joe Foy: Eh bien, je viens d'une famille d'ouvriers. L'emploi et le sort de ceux qui doivent s'en tirer tout seuls sont des questions qui me préoccupent. Savez-vous que le plus gros employeur de la province de Colombie-Britannique, c'est l'industrie touristique? Parmi mes amis et les gens que je connais, beaucoup travaillent dans cette industrie. Il y en a qui sont propriétaires de grands établissements comme celui-ci et il y en a d'autres qui travaillent dans les cafés.

Certaines des vallées que l'on trouve pas loin de là où j'habite ont été tellement surexploitées que les gens y vivent de l'aide sociale. Elles ne procurent plus aucun emploi à personne. Elles siphonnent l'argent des contribuables parce qu'elles ont été tellement surexploitées qu'elles ressemblent à une maudite ferme forestière où l'on fait pousser des arbres de Noël. Il fallu que je me retienne pour ne pas dire ce que je pensais lorsque je vous ai entendu parler de forêts de deuxième venue vieilles de 150 ans. Ça alors, on aurait abattu les arbres de forêts de deuxième venue vieilles de 150 ans—je ne sais pas de quoi vous parlez. Recouvrent-elles un centième de un pour cent ou un millième de un pour cent du territoire de la province de Colombie-Britannique? Il y a eu une telle surexploitation qu'on a converti de nombreuses vallées où, pendant des générations, les populations locales auraient pu exploiter la forêt de façon durable, en puits sans fond où le gouvernement engloutit des sommes énormes pour tenter de réparer les dommages qu'ont subi les rivières à saumons; et il va falloir qu'on reste assis, les bras croisés, pendant 100 ans, en attendant que les arbres repoussent parce qu'on a surexploité la forêt.

• 1735

Quelle est la solution? Selon nous, il faudrait que la province impose un code de pratiques forestières qui obligerait le chef forestier à faire respecter un rythme de récolte qui serait durable. La loi n'impose pas une telle obligation au chef forestier et par conséquent, la récolte n'assure pas la durabilité de la ressource. Si l'on ne veut plus nous retrouver sur les pistes d'exploitation en train de nous engueuler avec la partie adverse, il faudrait imposer certaines règles comme une loi sur les espèces en voie de disparition. Alors, lorsqu'une compagnie d'exploitation forestière s'installe dans une certaine région, tous les intéressés sauraient qu'il y a un intermédiaire impartial qui s'assure que les espèces ne disparaîtront pas.

Je suggère donc que l'on adopte des lois qui garantissent aux travailleurs forestiers que toutes les vallées qui se trouvent dans les environs de la ville où ils habitent ne sont pas surexploitées; une loi qui exige que, d'un bassin hydrographique à l'autre, ces vallées sont exploitées de façon à assurer la durabilité de la ressource. Cela n'existe pas à l'heure actuelle, et vous pouvez voir le résultat lorsque vous contemplez le paysage, maintenant que l'industrie va de plus en plus loin au nord, tout comme la génération précédente avait étendu son activité plus loin à l'Ouest.

Je viens d'une famille d'ouvriers. Je connais quelqu'un qui exploite une petite entreprise touristique dans la vallée d'Upper Pitt; vous ne savez probablement pas où c'est, mais c'est à environ 50 km d'ici à vol d'oiseau. Auparavant, il était pêcheur professionnel. Il a dû abandonner parce qu'il n'y avait plus de saumons à pêcher. Il a maintenant une petite auberge où il essaie d'attirer les gens qui pratiquent la pêche sportive. Or, une compagnie d'exploitation forestière qui s'est installée dans les parages a détruit sa source d'eau potable. Eh bien, il n'existe aucun règlement qui le protège. Il n'a pas la possibilité de protéger sa petite entreprise.

Nos revendications ont tout autant pour but de protéger les emplois que le paysage, les pêcheries et la nature car tout est lié. À l'heure actuelle, nous sommes à la merci des compagnies. Le gouvernement joue un rôle négligeable. Ce sont les compagnies qui fonctionnent en dehors de toute règle que l'on voit parader sur les marchés internationaux, parce que le gouvernement ne veut leur imposer aucune obligation ni nous permettre de nous faire entendre par un juge lorsque nous pensons que les règles n'ont pas été respectées.

Le président: Merci, monsieur Foy.

Philip, s'il vous plaît.

M. Philip Mayfield: J'ai jeté un coup d'oeil au journal que vous avez apporté et j'ai trouvé quelque chose d'intéressant. Je regardais la photo que l'on voit au bas de la première page et la légende, à droite, où l'on dit:

    Le comté de Lillooet, une région sèche située en haute altitude, est déjà zébré de milliers de coupes à blanc. On a déjà planifié d'ouvrir rapidement des routes et de pratiquer des coupes à blanc dans tous les coins du comté qui sont encore vierges.

En regardant cette photo et en lisant ces phrases, une ou deux choses me sont venues à l'esprit. Je pense aux incendies qu'il y a eu l'an dernier dans le comté de Lillooet. C'était des feux qui dégageaient une chaleur intense et qui était dangereux, des feux qui ont été extrêmement coûteux à éteindre et extrêmement coûteux aussi quand on pense aux ressources qui ont été perdues. Je pense également à l'enquête effectuée par la province qui montre qu'en moyenne, disons, dans la région de Cariboo—Chilcotin—je ne me souviens plus des chiffres qui concernent le district de Lillooet—un territoire donné brûle environ tous les 150 ans.

Je pense également aux coupes à blanc qui sont pratiquées là- bas dans le cadre des mesures prises pour rétablir les peuplements forestiers détruits par les insectes. Environ 800 000 hectares ont été détruits par des insectes dans ce district, c'est-à-dire près de 2 millions d'acres. Nous avons survolé cette région hier, et l'on peut encore voir des endroits où il y a des arbres morts que l'on a pas arrachés.

Lorsqu'on parle aux compagnies d'exploitation forestière, elles disent que le mode de faire-valoir fondé sur le volume les incitaient beaucoup à exploiter la forêt, replanter et s'en aller. Elles trouvent beaucoup plus satisfaisant le mode de faire-valoir direct qui leur permet de planifier un cycle de, disons, 200 ans, dans le cadre duquel elles abattent un tiers de la forêt tous les 80 ans et instaurent ainsi un cycle perpétuel. Cela reproduit pratiquement la destruction naturelle due au feu et aux insectes.

• 1740

Quand je parle à ces forestiers et qu'ils me disent comment ils envisagent la préservation des espaces naturels que l'on trouve dans ces régions, il me semble... Je pensais tout particulièrement aux caribous que l'on trouve dans les monts Ulkatcho et aux recherches sur les lichens—le lichen corticole et le lichen terrestre. Je me demande, étant donné que les causes naturelles sont si nombreuses, comment vous pouvez défendre l'idée de laisser la forêt être la proie des flammes et des insectes et de ne rien faire pour lutter contre les effets dévastateurs que cela peut avoir sur les espèces naturelles, la faune et la flore sauvages dont c'est l'habitat. Ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu de mettre en place un système pour gérer cette région de façon qu'à long terme, non seulement les gens pourraient en profiter, mais cela aurait des effets bénéfiques sur la terre, les ressources ainsi que la faune et la flore sauvages?

M. Joe Foy: Mais si, bien sûr. Il y a cependant deux choses que j'envisage quand je pense à la gestion de la région de Lillooet. D'une part, une législation fédérale contraignante sur les espèces en voie d'extinction où l'on dirait: allez-y, faites vos plans, mais ils ne peuvent aller à l'encontre des règles strictes que nous avons instituées et qui sont avalisées par nos biologistes afin de protéger des choses comme...

M. Philip Mayfield: Je n'ai jamais entendu qui que ce soit dire que les règles pouvaient être violées. En fait, ce que j'ai vu, ce sont des recherches où l'on souligne l'importance de ce genre de préservation.

M. Joe Foy: Mais il n'existe aucune législation fédérale sur les espèces en voie de disparition. Il n'y a pas de règles. Je ne peux pas me présenter devant un tribunal et défendre les caribous. Toutefois, si nous étions sûrs, moi et beaucoup d'autres, que notre gouvernement fédéral prend des mesures concrètes, par le biais d'une législation, pour protéger les caribous tant et si bien que si la loi n'a pas été respectée, je peux m'adresser aux tribunaux, cela changerait tout. Mais ce n'est pas le cas.

M. Philip Mayfield: Bien. Mais dans le code qui régit les activités de ces compagnies, il y a certainement des dispositions qui permettent de porter des accusations contre les gens coupables de ce genre de destruction.

M. Joe Foy: Pas que je sache, et ce n'est certainement pas le cas en Colombie-Britannique. Je ne peux penser à aucune affaire où les tribunaux auraient rendu un jugement favorable à la protection d'espèces qui dépérissent comme le caribou ou la chouette tachetée...

M. Philip Mayfield: Je ne pense pas toutefois que la population de caribous dépérisse.

M. Joe Foy: Mais si, les caribous dépérissent. On trouve dans la province beaucoup moins de caribous des bois qu'il n'y en a avait auparavant.

M. Philip Mayfield: La harde, ou leur nombre...?

Le président: Plutôt que de continuer à converser avec le témoin, nous allons le laisser conclure.

M. Philip Mayfield: D'accord, j'ai dit ce que j'avais à dire.

Le président: Monsieur Foy, ça va?

M. Joe Foy: Oui, parfait.

Le président: Bien.

Gerald, peut-être avez-vous une brève observation à faire.

[Français]

M. Gerald Keddy: Je n'ai pas de questions à poser.

[Traduction]

Le président: Merci, Gerald.

Monsieur Foy, au nom du comité, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de comparaître devant nous cet après-midi et de nous donner sur les sujets qui nous occupent une opinion que nous jugeons importante.

M. Joe Foy: Je vous remercie de m'avoir accordé un peu de votre temps. Merci beaucoup.

Le président: Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour recharger nos batteries et ensuite, nous inviterons les témoins suivants—Rick Jeffery, Robert Germyn et le chef Ed Newman—à prendre place à la table.

• 1744




• 1749

Le président: Mes chers collègues, étant donné l'heure et pour ne pas abuser de la patience dont tout le monde a fait preuve, nous allons partager la prochaine heure entre les représentants de la Truck Loggers Association et ceux de la nation Heiltsuk.

Monsieur Jeffery, je vous remercie d'être venu. Je vous invite à faire un bref exposé, pour permettre aux membres du comité de poser des questions.

M. Rick Jeffery (vice-président, Relations avec l'industrie forestière et le gouvernement, Truck Loggers Association): Merci de m'avoir invité à m'exprimer devant le comité aujourd'hui. Je m'appelle Rick Jeffery. Je représente la Truck Loggers Association.

Quand j'étais petit, mon père m'a dit de toujours dire la vérité. J'aimerais donc vous dire la vérité à propos d'une remarque que j'ai entendue plus tôt aujourd'hui. J'ai fait partie de l'équipe chargée du rétablissement de la chouette tachetée. J'ai également été membre du groupe qui a élaboré le plan de gestion de cette espèce. Ce n'est pas un plan qui va aboutir à l'extirpation des chouettes tachetées. C'est un très bon plan, qui a pour objet le rétablissement et la protection des chouettes tachetées. Je veux simplement rétablir la vérité.

• 1750

J'aimerais commencer en vous décrivant qui sont les camionneurs de sciage. Ils ont créé de petites et moyennes entreprises d'exploitation forestière qui opèrent sur la côte de la Colombie-Britannique. Nous comptons 700 entreprises parmi nos membres. Elles emploient plus de 10 000 personnes. Nous abattons plus de la moitié de la coupe annuelle autorisée sur la côte de Colombie-Britannique, et les activités que nous générons chaque année sur cette côte se chiffrent à plus de 2 milliards de dollars. Par conséquent, la façon dont nos forêts sont gérées nous concerne directement. J'ajouterai que nous représentons principalement de petites et moyennes entreprises de Colombie-Britannique.

Comme j'aime à le dire, nous sommes les descendants des premières générations qui se sont établies ici et qui ont commencé à exploiter la forêt située sur les côtes de la Colombie- Britannique. Nos racines remontent loin et elles sont profondes.

Les deux choses dont je veux vous parler aujourd'hui sont l'homologation et la fixation des prix du bois d'oeuvre.

En ce qui concerne l'homologation, à notre avis, les gouvernements fédéral et provincial ont tous deux un rôle à jouer pour faire avancer ce dossier, et nous estimons qu'ils doivent agir conjointement.

À l'heure actuelle, au plan de l'homologation, nous sommes arrivés à un tournant décisif. Les consommateurs, nos clients, les gens qui achètent nos produits nous pressent de plus en plus dans le sens de l'homologation. Toutefois, il y a plusieurs programmes d'homologation différents qui peuvent être envisagés. Par exemple, il y a celui du Forest Stewardship Council, un programme pour lequel nous essayons à l'heure actuelle d'élaborer des normes régionales. Il s'agit d'un système fondé sur le rendement. L'autre système qui est maintenant en place est celui de la CSA-ISO. C'est un système de gestion. Les deux ne sont pas facilement conciliables.

Je pense que c'est en essayant de nous aider à concilier ces deux systèmes que les deux gouvernements peuvent jouer un rôle. Nous avons essentiellement trois possibilités. Ces deux systèmes peuvent rester en place tels quels, sans qu'on essaie de les concilier ou bien on peut essayer de faire comprendre ce qui les distingue aux clients et aux consommateurs et tenter de régler la question de cette façon, ou bien encore, on peut essayer d'intégrer les deux systèmes. De l'avis de mon association, on devrait probablement s'orienter vers une intégration ce qu'il serait possible d'envisager si nos gouvernements acceptent de prendre fermement les choses en main.

Cela dit, nous avons été très contrariés et très déçus de constater que les gouvernements fédéral et provincial ne sont pas parvenus à s'entendre sur la question du partage des recettes tirées de la foresterie. Nous espérions que le programme aurait deux volets, l'homologation et la commercialisation. Nous sommes donc déçus et nous espérons qu'à moment ou à un autre, le comité pourra recommander que l'on révise cette entente et envisagera d'exercer des pressions sur les responsables pour que l'on élabore quelque chose. Je ne sais pas très bien quels étaient les obstacles qui se sont présentés, mais pour nous, c'est une déception et un occasion que l'on a pas su saisir.

Le deuxième sujet que je veux aborder aujourd'hui ne fait peut-être pas partie de ceux que les gens considèrent habituellement comme tombant sous la rubrique des pratiques forestières, mais à notre avis, c'est le cas. Il s'agit de la façon dont on fixe le prix de notre bois. À l'heure actuelle, il existe un accord avec les Américains qui concerne le bois d'oeuvre. C'est un accord dont l'application s'avère très difficile. De nombreuses entreprises de Colombie-Britannique en ont subi les conséquences négatives. À cause de cet accord, nous avons de la difficulté à nous adapter à la situation économique qui existe à l'heure actuelle. Il y a, dans certaines des sociétés forestières de notre association, des bûcherons qui n'ont pas travaillé depuis le début de l'automne dernier. La situation est due en grande partie aux conditions qui existent sur le marché, des conditions définies par les Américains, et nous trouvons cela un peu décourageant d'avoir les mains liées par l'accord sur le bois d'oeuvre et le système de quotas et aussi par nos amis, les Américains.

• 1755

Selon nous, on devrait envisager des politiques de fixation des prix du bois qui évoluent davantage au rythme de l'influence qu'exercent les marchés, pour que nous puissions avoir ici, en Colombie-Britannique, ainsi qu'ailleurs au Canada, un système de fixation des prix du bois qui soit défendable et qui nous permettra de mieux lutter contre les Américains sur les divers terrains où ils opèrent.

La dernière chose que j'aimerais ajouter à ce propos, c'est que selon moi, les Américains n'auront pas besoin d'un accord sur le bois d'oeuvre lorsque celui-ci arrivera à terme. Je suis convaincu que la coalition, si elle a élaboré une stratégie quelconque—et croyez-moi, c'est certainement le cas—utilisera l'argument de l'homologation pour nous bloquer l'accès à ses marchés. L'argument que l'on utilisera sera le suivant: N'achetez pas du bois provenant de peuplements vieux de Colombie-Britannique ou d'ailleurs au Canada s'il n'est pas homologué. Et si nous n'avons pas résolu le problème de l'homologation, ces grands marchés américains nous seront fermés.

Cela conclut mon exposé.

Le président: Merci, monsieur Jeffery. Je passe maintenant la parole à Monique Guay.

En ce qui concerne l'accord sur le bois d'oeuvre, le comité va se pencher sur la question un peu plus tard cette année. Nous notons vos observations, pour mémoire.

Monique Guay, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Monique Guay: Merci de votre présentation. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur ce que vous avez fait? Je n'ai pas vraiment compris, mais je suis sûre que c'est très positif. Combien y a-t-il eu de pertes d'emploi dernièrement chez les camionneurs?

[Traduction]

M. Rick Jeffery: Il est assez difficile de vous donner des chiffres à l'heure actuelle. En ce moment, les périodes d'inactivité sont, pour la plupart, causées par les conditions du marché. Ce n'est pas que les gens ont perdu leur emploi; c'est simplement qu'il n'y a pas de travail pour eux tant que la situation économique ne s'améliore pas.

Je dirais cependant que sur la côte, les arbres abattus sur les terres domaniales représentent d'habitude un volume de 19 millions de stères. L'an dernier, cela est tombé à 12 millions. Cette années, le volume de la coupe se situera probablement entre 12 et 13 millions de stères. Cet état de chose est principalement lié à l'accès au marché américain et à l'érosion des marchés en Asie et ailleurs.

Le coeur du problème, c'est que nous n'avons pas grande marge de manoeuvre pour ajuster le prix de notre bois et pour nous adapter à la situation économique, à cause de l'accord sur le bois d'oeuvre et de l'article qui interdit tout contournement des dispositions de cette entente. Par conséquent, en Colombie- Britannique, nous n'avons pas pu modifier de façon significative les politiques sur l'établissement du prix du bois pour créer des emplois et générer, dans l'industrie forestière, l'activité économique que nous souhaitions.

Cela ne répond pas exactement à votre question, mais je pourrai vous donner des chiffres, si vous voulez.

[Français]

Mme Monique Guay: Est-ce qu'il appartient à l'industrie forestière de négocier une entente avec les États-Unis sur le plan économique ou s'il faut absolument que le gouvernement s'en mêle? Comment percevez-vous cela?

Voici ma dernière question. J'aimerais savoir si vous faites partie d'une table de concertation avec l'industrie forestière pour examiner tous les problèmes que vous rencontrez. On sait que vous êtes très dépendants de l'industrie forestière dans votre travail. Ce sont mes deux questions.

[Traduction]

M. Rick Jeffery: Nous participons très activement aux pourparlers avec l'industrie et le gouvernement à propos de toute une série de dossiers qui ont trait aux politiques relatives à l'exploitation forestière, depuis les traités jusqu'à l'établissement du prix du bois, en passant par les pratiques forestières et la gestion des espaces naturels—nous nous intéressons à tout. Et notre association va continuer à le faire.

Je m'excuse, j'ai oublié quelles étaient vos deux premières questions.

[Français]

Mme Monique Guay: Ça va aller. Je vais prendre cette réponse. Je ne me souviens pas de la première question que j'avais posée.

[Traduction]

Le président: Nous pourrons y revenir.

Gerry, s'il vous plaît.

M. Gerry Byrne: Merci, Rick. Le secteur que vous représentez a effectivement été victime de diverses circonstances adverses.

• 1800

Une des choses auxquelles le comité s'intéresse, je pense, c'est le rôle que joue le boycottage, ou plutôt le boycottage éventuel, qui vise l'industrie forestière de Colombie-Britannique.

Pourriez-vous décrire au comité les manifestations qui ont eu lieu et les mesures qui ont été prises et qui visaient votre association ou votre secteur industriel? Pouvez-vous nous parler des événements de ce genre dans lesquels vous avez été impliqués?

M. Rick Jeffery: Nous subissons directement l'impact de toute forme de boycottage qui pousse les gens à ne pas acheter les produits des grandes scieries et des sociétés industrielles qui produisent de la pâte de bois sur la côte. Dès qu'il y a boycottage, nous n'abattons plus d'arbres. Je ne peux pas vous donner d'exemples précis, mais quand les ventes sont à la baisse, nous avons moins de travail.

M. Gerry Byrne: Avez-vous le sentiment que votre activité a été réduite à la suite des mesures qui ont été prises jusqu'ici? Est-ce un phénomène mesurable ou bien est-ce que cela ne s'est tout simplement pas produit?

M. Rick Jeffery: Cela s'est produit, et nous pouvons le mesurer de différentes façons. On ne mesure probablement jamais cet impact de façon cumulative, mais nous avons adopté ici une stratégie qui est destinée à protéger la région et qui découle, d'une part, des pressions exercées à l'échelle internationale et, d'autre part, des accords que le Canada a signés.

Je viens juste de me rappeler d'une de vos questions.

C'est la cause des réductions AAC que nous avons pu constater. Notre code de pratiques forestières chiffre l'impact du respect de ces dispositions à 6 p. 100 en ce qui concerne l'ensemble de la province, mais à 8 p. 100 dans la région où nous opérons. Un bon nombre de ces pratiques de foresterie sont adoptées en réaction aux pressions qui s'exercent à l'échelle internationale. C'est une des raisons pour lesquelles nous pensons que l'homologation est une question qui revêt beaucoup d'importance. À l'heure actuelle, nous exerçons un contrôle très strict sur la façon dont le code de pratiques forestières est appliqué, mais ce code ne met pas assez l'accent sur les résultats, selon nous. Il sert surtout à dire: «Vous devriez procéder ainsi», ou «Il faut que vous procédiez ainsi». Ce n'est pas nécessairement un bon système.

Étant donné que nous sommes des entrepreneurs, des gens qui exploitent de petites entreprises, et que nous avons une vision des choses axée surtout sur le marché, nous estimons que nous serions dans une meilleure position si l'on adoptait un système d'homologation qui reviendrait à dire: «Voilà le genre de résultat que nous voulons obtenir», et qui nous permettrait de faire homologuer nos produits tant et aussi longtemps que nous obtiendrions ces résultats. On pourrait ainsi remplacer des pratiques forestières axées sur des obligations et un contrôle de conformité par un système motivé par les exigences des clients et des consommateurs. C'est pourquoi il faut que les députés fédéraux jouent un rôle de premier plan dans ce dossier. Vous êtes nos représentants commerciaux.

Monique a posé une question sur le rôle de l'industrie, de la province ou du gouvernement fédéral dans les pourparlers ayant trait à des questions commerciales. Je vous prie de m'excuser, mais je suis de Victoria, une région qui est encore plus à l'ouest que celle où nous sommes actuellement et, quand je vois ce qui se passe à l'est des Rocheuses et que je pense à l'histoire du Canada, j'ai parfois envie de devenir séparatiste.

Cela dit, je pense que le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer pour faire valoir notre position au plan commercial. Lors du dernier cycle de négociations, les autorités fédérales ont beaucoup collaboré, à mon avis, pour répondre aux besoins de l'industrie. Le système de quotas qui en a résulté était appuyé par l'industrie. Le problème qui se pose maintenant, c'est de savoir comment ce système va être mis en oeuvre et administré, qui peut remplir les quotas et comment c'est géré.

Nous pouvons parler de séparatisme plus tard, si vous voulez, Monique.

Le président: Merci, monsieur Jeffery.

La parole est maintenant à Gerald et ensuite, pour finir, à Yvon.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Monsieur Jeffery, au début de votre exposé, vous avez dit que vous comptiez 700 adhérents et que vous représentiez quelque 10 000 personnes.

• 1805

M. Rick Jeffery: Oui. Plus précisément, nous comptons 700 entreprises membres; parmi elles, il y en a 400 qui sont regroupées dans une catégorie où l'on trouve aussi bien de grandes compagnies forestières que de petites entreprises créées par des experts-conseils en foresterie ou des camionneurs qui les exploitent seuls. Lorsque je cite le chiffre de 10 000 personnes, cela correspond aux employés de ces entreprises. Nous comptons également 300 membres dans une catégorie qui regroupe des sociétés comme Finning, Wire Rope Industries et Petro-Canada; nous ne comptons pas les employés de ces entreprises comme nos adhérents.

M. Gerald Keddy: D'accord.

Est-ce que vous louez directement des terres de la province de la Colombie-Britannique ou bien est-ce que vous sous-traitez par l'intermédiaire de l'une des grandes compagnies forestières?

M. Rick Jeffery: Parmi nos membres, on trouve toute la gamme des modes de faire-valoir. Certains ont des permis pour exploiter à contrat les terres domaniales, comme tout autre détenteur de permis. Certains sont des entrepreneurs. Certains sous-traitent. Certains autres encore possèdent eux-mêmes des terres. Toute la gamme des modes d'activité est représentée.

M. Gerald Keddy: Y a-t-il des compagnies d'exploitation forestière détenues par des Autochtones...

M. Rick Jeffery: Il y a plusieurs entreprises autochtones et plusieurs coentreprises.

M. Gerald Keddy: Parmi les entreprises que vous représentez?

M. Rick Jeffery: Oui, elles sont membres de notre association.

M. Gerald Keddy: J'ai une dernière question, monsieur le président.

M. Rick Jeffery: Toutefois, nous ne prétendons pas nous exprimer de quelque façon que ce soit au nom des Premières nations.

M. Gerald Keddy: Oui, mais certaines entreprises autochtones font partie de votre association.

M. Rick Jeffery: Oui.

M. Gerald Keddy: D'après ce que vous avez déclaré, vous estimez, je crois, que nous devrions adopter un système d'homologation et qu'il faudrait peut-être, pour ce faire, qu'il y ait une intervention politique ou des mesures prises au niveau fédéral. Mais en ce qui concerne le code de pratiques forestières, le code provincial qui s'applique en Colombie-Britannique, est-ce que vous et votre association avez le sentiment que c'est suffisant, que c'est assez strict, que les dispositions sont appliquées et que cela fait une différence?

M. Rick Jeffery: Le paysage n'a certainement pas maintenant la même allure qu'auparavant, lorsque le code n'existait pas.

Pour répondre à votre question, je dirais qu'à mon avis, il y aurait beaucoup à faire pour peaufiner le code, mais ce code sera l'élément central de tout processus d'homologation que nous pouvons envisager suivre.

Beaucoup de gens parlent d'un code fondé sur les résultats. J'ai parlé d'obligations et de contrôles. Je pense que c'est ce genre de chose que nous devons effectivement commencer à examiner: est-ce cela le résultat final que nous souhaitons? Quelle est notre vision? À quoi voulons-nous que ressemble notre paysage? Il faut permettre aux entreprises comme celles qui font partie de l'association des camionneurs de sciage et aux entreprises de gestion forestière de trouver des moyens de parvenir à ces résultats, plutôt que d'avoir des guides et des règlements qui s'inscrivent dans le cadre d'une approche contraire à l'innovation et à une meilleure productivité et, à certains égards, pas assez centrée sur une région précise pour que l'on puisse gérer les activités comme il se doit.

Pour mémoire, permettez-moi de mentionner en passant que je suis forestier de profession.

Le président: Merci, Gerald.

Yvon, s'il vous plaît.

[Français]

M. Yvon Godin: J'aurais dû poser cette question à l'industrie, mais puisque vous vivez ici, en Colombie-Britannique, et que vous avez parlé des prix et des quotas, je vais vous la poser. Est-ce que le gouvernement provincial avait un choix ou si le gouvernement des États-Unis a forcé la note pour faire affaire avec eux? Il y avait certains quotas et des prix. J'entends souvent dire cela. Quand nous sommes allés à Prince George le printemps dernier, nous avons entendu les mêmes choses. En réalité, j'aurais dû poser la question à l'industrie, mais si vous pouviez me répondre, je l'apprécierais. Merci.

[Traduction]

Le président: C'est une bonne question et je vais laisser les témoins répondre. Mais pour mémoire, je le répète, le comité va se pencher sur cette question dans le cadre d'un mandat distinct, en temps utile. Mais quoiqu'il en soit, c'est une bonne question.

M. Yvon Godin: La seule raison pour laquelle je l'ai soulevée, c'est que le témoin a parlé de prix, de quotas et ainsi de suite, et je voulais savoir ce qu'il en pensait, lui qui est bûcheron.

M. Rick Jeffery: Pour mémoire, nous faisons partie de l'industrie, même si nous appartenons à un segment distinct.

• 1810

Ici, sur le littoral, c'est 35 à 40 p. 100 de notre production qui est absorbée par le marché américain et parce qu'à l'intérieur des terres ce pourcentage se situe autour de 90 p. 100, je dirais qu'essentiellement, nous avons été obligés de négocier un arrangement avec les Américains et qu'ils avaient toutes les cartes en mains.

Si vous pensez que nous aurions dû exiger des ajustements aux droits de coupe pour fixer le prix du bois ou nous décider à adopter un système de quotas, je vous répondrais que les quotas restreignent les marchés et que cela a énormément de conséquences négatives. Nous commençons à subir ces conséquences et lorsque nous pourrons nous débarrasser de cet accord—nous y arriverons, avec un peu de chance—il va falloir que nous fassions face à un bon nombre de ces conséquences. Nous avons fait grimper artificiellement le prix du bois. D'autres nous ont volé une part de marché et nous allons avoir beaucoup de difficulté à la récupérer.

[Français]

M. Yvon Godin: Est-ce que les Américains ont vraiment forcé la note? Est-ce que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait le choix et aurait pu adopter une autre position qui ne nous aurait pas fait aussi mal? Je ne sais pas si je m'exprime bien, mais est-ce que les Américains nous ont laissé le choix?

[Traduction]

M. Rick Jeffery: La Coalition for Fair Lumber Imports est le plus grand groupe de pression des États-Unis. Ce groupe a dépensé 60 millions de dollars à Washington. Nous n'avons aucune chance contre ces gens là. Ils sont très forts; ils ont beaucoup de pouvoir. Il s'agit de grandes compagnies qui possèdent de vastes terrains. Cet accord a fait monter la valeur de leurs terrains. Il leur a permis de fixer artificiellement un prix dont ils tirent des bénéfices. Ils ne vont pas disparaître du jour au lendemain, et cela fait plus de 200 ans que nous avons des différends avec les Américains en ce qui concerne le bois d'oeuvre. Ils nous ont obligés à signer cet accord sans que nous puissions faire valoir une objection quelconque.

Le président: Merci, monsieur Godin.

Merci, monsieur Jeffery, de nous aider.

M. Rick Jeffery: Je vous remercie de nous avoir accueillis.

Le président: Mes chers collègues, nous n'allons pas suspendre la séance. Nous allons maintenant inviter Robert Germyn, membre du conseil de bande de la nation Heiltsuk, ainsi que le chef Ed Newman, qui est le principal chef héréditaire de cette même nation, à prendre place. Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du comité.

J'ai remarqué que cela fait quelque temps que vous êtes arrivés et que vous avez donc pu entendre une partie de nos débats. Nous apprécions le fait que vous soyez venus de loin pour nous aider à mieux comprendre les questions qui se posent en nous donnant votre point de vue. Nous vous invitons, vous, monsieur Germyn, ou vous, chef Newman, à faire un bref exposé, de façon à ce qu'il reste beaucoup de temps pour que les membres du comité puissent vous poser des questions.

Monsieur Germyn, dois-je comprendre que c'est vous qui allez commencer? Merci, monsieur. Allez-y.

M. Robert Germyn (membre du conseil de bande, nation Heiltsuk): C'est pour moi un grand honneur et un grand privilège de pouvoir m'adresser à vous tous aujourd'hui.

Je me fais l'écho des observations formulées par mon homologue, Rick Jeffery. Je suppose que ce n'est pas souvent que vous entendez des commentaires qui reflètent la perspective des partisans de la séparation de l'Ouest du Canada. C'est compréhensible, surtout si l'on sait qu'aujourd'hui, on a vu des membres de l'Assemblée législative provinciale se joindre à un cortège de Harley-Davidsons. On comprend pourquoi il est si difficile de trouver un terrain d'entente pour résoudre de nombreux problèmes concrets quand il y a un tel écart, un gouffre entre les parties en cause.

Cela dit, les libéraux n'ont pas participé à cet événement, monsieur le président. D'après les médias locaux, ils n'y ont pas pris part. Je ne peux rien dire à propos des autres partis, mais certains députés n'ont pas participé à l'événement qui a eu lieu aujourd'hui.

Le président: Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne ou une mauvaise chose, mais je vous remercie de l'information.

M. Robert Germyn: Quoiqu'il en soit, vous êtes ici, et je pense que pour nous tous, savoir que l'on s'intéresse à nos problèmes, c'est une bonne nouvelle. Formuler la politique qui guidera l'exercice de votre pouvoir sur les ressources naturelles est une grande responsabilité, et c'est une question qui nous préoccupe sérieusement.

Je viens de la communauté de Bella Bella. Je ne sais pas s'il vous sera possible de vous y rendre en avion, mais cette communauté compte 1 650 personnes qui sont membres de notre bande et environ 150 non-Autochtones qui fournissent à la bande des services professionnels dans le domaine de l'éducation, de la santé et autres.

Cela dit, nous prenons une part très agissante à l'exploitation des ressources, comme Ed vous l'expliquera tout à l'heure. Nous avons une usine de transformation du poisson qui nous permet d'exporter environ 2 millions de livres de saumon chaque année et entre 150 et 200 000 livres d'oeufs de hareng et de produits à base de varech, exportés à 90 p. 100 dans les pays d'Asie. Pour ce qui est du saumon, notre saumon kéta est exporté à 100 p. 100 vers l'Afrique du Sud. Donc, dans ces deux secteurs, l'exploitation des matières premières et l'exportation, notre activité n'est pas négligeable.

• 1815

Bref, nous sommes au courant de la situation et des pressions énormes qui s'exercent sur le secteur de la foresterie au plan de la responsabilité qui incombe aux dirigeants de cette industrie qui détiennent des permis d'exploitation et qui sont tenus d'être de bons gestionnaires, de bons régisseurs et de bons entrepreneurs. Nous espérons que leur contribution, en termes de collaboration avec les Premières nations, ne passera pas inaperçue. Nous sommes très heureux d'avoir pu établir une relation de travail avec un détenteur de permis, Western Forest Products.

À propos de cette collaboration, je crois savoir que vous êtes allés à Yeo Island ce matin. Je me contenterais de mentionner que WFP a été l'une des premières compagnies qui est venue dans notre région à la suite de pourparlers avec le chef Ed Newman, qui va probablement vous décrire brièvement le pourquoi et le comment des activités qui sont l'aboutissement de ces négociations.

Quoiqu'il en soit, nous cherchons à obtenir un permis d'exploitation forestière et nous participons également à une coentreprise avec MacMillan Bloedel qui, nous l'espérons, débouchera sur une expansion de nos activités de transformation et sur la création d'emplois. J'aimerais vous soumettre, pour considération, cinq points qui correspondent aux objectifs d'une politique qui refléterait, d'une certaine façon, les conditions qui existent dans le secteur de la foresterie. En tant que représentants du gouvernement fédéral, vous avez peut-être les compétences ou l'influence voulues pour orienter ces politiques.

Pour commencer, j'aimerais rappeler au comité les principes concernant la foresterie que le Canada s'est engagé à respecter lors du Sommet de la terre qui s'est tenu à Rio en 1992, des principes qui sont énoncés au paragraphe 5(a) de la façon suivante:

    5.(a) Les politiques forestières nationales devraient reconnaître et protéger comme il convient l'identité, la culture et les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les autres collectivités, et les habitants des forêts. Des conditions appropriées doivent être faites à ces groupes pour leur permettre d'être économiquement intéressés à l'exploitation des forêts, de mener des activités rentables, de réaliser et conserver leur identité culturelle et leur organisation sociale propres et de jouir de moyens d'existence et d'un niveau de vie adéquats, notamment grâce à des régimes fonciers incitant à une gestion écologiquement viable des forêts.

Or, nous sommes actuellement régis par les dispositions de la Loi sur les Indiens. Beaucoup d'entre vous connaissez bien le ministère des Affaires indiennes. Nous traitons également avec d'autres organismes fédéraux, par exemple, le ministère des Pêches et des Océans. On entend souvent nos chefs et nos anciens dire que nous sommes le peuple du saumon et d'ailleurs, peut-être avez-vous mangé du saumon à Bella Coola, hier soir, sinon, c'est dommage. Il faudra que nous vous invitions à venir à Bella Bella pour goûter nos spécialités si vous avez la possibilité de nous rendre visite à nouveau un jour.

Bref, les forêts font partie de l'habitat de ces saumons. Pour les membres de notre Première nation, elles font partie intégrante de leur culture et de leur identité. Elles jouent un rôle crucial pour assurer la survie de notre culture, que ce soit au plan social ou dans la perspective de notre structure organisationnelle traditionnelle. Nous envisageons les choses d'un point de vue holistique qui diffère quelque peu de la façon dont le gouvernement gère les choses. Mais c'est un processus intégré qui comprend un système de gestion vieux de 10 000 ans qui fait partie de nos traditions orales et qui a été récemment reconnu, en 1997, par la Cour suprême du Canada dans la décision qu'elle a rendue à propos de l'affaire Delgamuukw. Mais ne parlons pas de cela pour l'instant.

Parlons plutôt des initiatives provinciales dans le contexte des questions qui nous préoccupent. Le stock de bois est évalué régulièrement. Nous avons à cet égard des réserves à propos des objectifs du gouvernement. Le chef forestier dispose d'un certain nombre de mécanismes qui lui permettent de prendre des décisions de gestion et de déterminer le volume de la coupe, pour assurer la durabilité à long terme de la forêt et prévoir son rendement.

Parmi ces mécanismes, on trouve des analyses socio- économiques. Nous avons demandé à en savoir plus sur la façon dont ce mécanisme est utilisé. Il y a également les évaluations archéologiques effectuées par la province dans le cadre de sa collaboration avec l'industrie et les Premières nations pour déterminer comment on peut protéger les arbres qui ont une importance culturelle pour nous, ce qu'on appelle le CMT. Peut-être avez-vous vu des CMT au cours de votre voyage. Je ne sais pas. Si oui, hochez la tête et je saurai que vous savez de quoi je parle. Il existe une loi sur la culture qui garantit la protection des CMT.

• 1820

Même s'il n'a pas été encore publié officiellement, nous avons pu constater que le document élaboré par la province comporte de sérieuses lacunes; il paraît que c'est une ébauche. Nous avons essayé d'encourager les autorités à collaborer plus étroitement avec les Premières nations et à profiter de nos connaissances et de l'éclairage que pouvons donner à cette question, pour parvenir à élaborer un mécanisme structuré de telle façon qu'il serait utile pour nous ainsi que pour l'industrie. Les représentants de l'industrie l'ont dit également, lors de réunions auxquelles nous assistions aussi, ils trouvent que ce mécanisme n'a pas d'utilité; cela ne donne aucun résultat.

Quant à l'évaluation archéologique, elle devait permettre de découvrir le site des CMT. Contrairement à ce que le gouvernement s'était engagé à faire, on n'a pas débloqué l'argent nécessaire pour que cette évaluation soit faite comme il faut. Les ressources n'étaient pas adéquates. L'entrepreneur dont les services ont été retenus n'a pas respecté les délais fixés dans le contrat. Il n'y a eu aucun test sur le terrain, et l'on s'inquiète des sérieuses répercussions que cela pourrait avoir, par exemple, en termes d'utilisation des terres. On a lancé un processus de planification de l'utilisation des terres dans la région centrale de la côte; vous en avez peut-être entendu parler hier soir, à Bella Coola. Je ne sais pas si on vous a parlé du processus de planification régional qui est en train à l'heure actuelle et qui touche la région centrale de la côte.

De nombreuses initiatives ont donc été prises.

Dans notre région, on trouve également plusieurs cours d'eau et bassins hydrographiques que vous avez peut-être survolés; nous nous inquiétons de savoir si l'on a fait des inventaires ichtyologiques et des dénombrements. Nous avons entendu dire que les autorités provinciales n'ont pas beaucoup d'informations, et le ministère des Pêches ne semble pas disposé à prendre quelque engagement que ce soit en ce qui concerne la côte centrale. À notre avis, on devrait tout mettre en oeuvre pour que le Comité des ressources naturelles puisse exercer son influence sur le MPO pour promouvoir et orienter les mesures qui peuvent être prises pour améliorer et remettre en état les systèmes qui ont pu être endommagés avant que le code soit en vigueur, avant le...

Lorsque nous parlons de la période avant le code, cela veut dire qu'avant l'entrée en vigueur du code de pratiques forestières, en 1995, les activités de l'industrie ont causé des dommages à certains systèmes hydrographiques. Des plaintes ont été déposées à propos de ce qui s'est passé avant que le code entre en vigueur, et elles ne sont toujours pas résolues. La situation semble bloquée. Il semble que le gouvernement ne veuille pas s'engager à dépenser l'argent nécessaire pour faire les travaux requis.

Je ne sais pas si c'est une question de compétences. Si c'est le cas, on devrait en discuter. Je sais que la province est tout à fait disposée à collaborer avec nous, mais elle ne semble pas vouloir s'engager à financer et à effectuer les travaux nécessaires.

L'industrie s'est dite prête à collaborer avec les Premières nations. Il y a eu des déclarations en ce sens à diverses tables de négociations.

En ce qui concerne les détenteurs de permis d'exploitation, une question qui est lourde de conséquences, nous avons fait une demande, et c'est un dossier dont nous nous occupons activement depuis environ 25 ou 30 ans. Je suis jeune, et Edwin peut probablement vous en dire un peu plus à ce sujet pour vous montrer à quel point nous nous sommes heurtés à un mur. Nous n'avons pas fait beaucoup de progrès, et nous avons dû nous contenter de travailler comme employés dans de grandes sociétés. Beaucoup d'entre vous, sachant fort bien quel rôle joue l'économie dans ce qui fait le tissu de la culture canadienne, quelles sont les industries qui sont le moteur de notre économie... Les industries qui réussissent sont habituellement celles qui ont une grande envergure, qui sont bien intégrées et qui peuvent s'adapter facilement pour relever les défis que pose l'évolution des conditions du marché.

Nous pensons qu'il serait tout à fait logique que le gouvernement reconnaisse nos titres de propriété, car si nous nous adressions aux tribunaux, nous pourrions prouver que nous sommes pleinement propriétaires de nos territoires et que nous pouvons y exercer une autorité souveraine.

Dernièrement, ce sont les arrangements qui ont été conclus que nous avons trouvé le plus alarmants. Cela a également des répercussions sur les traités, au plan des ressources naturelles. Les autorités ne tiennent probablement pas compte de nos intérêts lorsqu'il s'agit de définir et d'atteindre des objectifs socio- économiques. La disposition des biens qui appartiennent à l'État, qui pose un problème dans le contexte de la stratégie que la province cherche à mettre en oeuvre pour protéger la région... Peut-être que la seule chose que vous connaissez bien, c'est ce qui concerne Clayoquot. Je ne sais pas ce que l'on a dit ici aujourd'hui plus tôt, étant donné que je n'étais pas là quand les représentants du Sierra Club et de Greenpeace ont fait leur exposé. J'ai entendu la fin de la présentation du comité des espaces naturels...

• 1825

L'industrie a reçu des indemnités de l'ordre de 83 millions de dollars lorsqu'on lui a retiré le droit—le privilège—d'abattre des arbres. L'industrie va être indemnisée. Cela va avoir un impact sur les revendications territoriales, car on va nous évincer ou nous priver de certaines terres qui auraient pu être allouées aux Premières nations.

C'est une question très complexe et je ne prétends pas pouvoir vous donner toutes les réponses aujourd'hui, mais je voulais attirer votre attention sur certains des défis que nous devons relever, nous, les Premières nations, pour établir un cadre qui nous permettra d'évoluer et de nous développer, d'acquérir une dignité qui nous fera respecter par tous les Canadiens, de mettre en place nos propres institutions économiques pour pouvoir fonctionner de façon durable en toute égalité et d'avoir la crédibilité, l'intégrité et la fierté qui appartiennent à tous ceux qui se prennent pleinement en charge.

Je vais laisser Edwin conclure.

Le président: La plupart des questions vont avoir une dimension internationale, et j'espère donc que M. Newman tiendra compte de cela également dans ses observations.

M. Robert Germyn: Au plan international, nous avons eu beaucoup de difficulté à faire preuve d'un solide leadership et de volonté, étant donné que nous avons dû rester à la périphérie de l'industrie tout en essayant de pénétrer ce secteur. En ce sens, nous nous sommes montrés très actifs. Je suis allé en Europe dans le cadre d'un mission du secteur de la foresterie, avec M. Bill Dumont et plusieurs professeurs de l'UBC; il s'agissait d'un mission destinée à faciliter les relations commerciales en contrant les allégations selon lesquelles dans ce pays, nos pratiques forestières ne sont pas convenables. Nous avons réfuté certaines de ces allégations en disant que nous faisons de notre mieux en fondant nos pratiques sur de sérieuses recherches scientifiques, ce qui, à notre avis, est la meilleure façon de procéder.

Quoiqu'il en soit, plus récemment, au cas où les exploitants forestiers ne vous en auraient pas parlé, le code de pratiques forestières a été modifié; on y a apporté 41 nouveaux amendements. Un des aspects les plus positifs de cette initiative est le fait que l'on exigera une approbation écrite du code, notamment en ce qui concerne la protection de la biodiversité. Les groupes qui ont témoigné auparavant vous ont peut-être parler de la biodiversité et des valeurs que cela représente, ce qui a un important impact sur nous également.

C'est donc une mesure positive. Le ministère des Forêts n'est pas le seul qui soit impliqué dans cette initiative, le ministère de l'Environnement doit également donner son approbation à ce code, ce qui devrait avoir des répercussions intéressantes, étant donné que ce ministère a la responsabilité de l'environnement et qu'à ce titre, il est chargé de veiller au maintien de la biodiversité. Ces deux ministères vont donc agir conjointement, et cela est positif.

J'ajouterais que la province a récemment annoncé qu'elle allait éliminer 200 postes au ministère, ce que beaucoup d'entre vous savez peut-être. La province va donc faire face à des défis de taille pour remplir ses obligations et ses engagements, en ce qui concerne l'application des amendements qui ont été apportés au code de pratiques forestières et la prise de décisions qui permettront une gestion saine de l'environnement et le maintien de la biodiversité, dans le contexte des plans de développement que proposeront les compagnies d'exploitation forestière et l'industrie.

C'est une tâche qui pourrait s'avérer écrasante, car le conflit n'est pas terminé. Il semble que les affrontements vont continuer et que la détermination nécessaire n'existe pas aujourd'hui. Mais on a jeté de solides bases en introduisant le code, et c'est un bon point de départ. Dans l'industrie, certains pensent que ces dispositions sont trop restrictives, mais pour ce qui est d'agir de façon responsable pour exploiter ces ressources publiques, nous, les Premières nations, nous estimons parfois que l'on est pas allé assez loin, à en juger pas notre expérience en ce qui concerne les pêcheries. La plupart d'entre vous savez ce qui se passe sur la côte Ouest.

Je ne pense pas que j'aie besoin d'en dire plus.

Le président: Monsieur Newman, avez-vous quelques observations à faire?

Le chef Ed Newman (Heiltsuk Nation): Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de nous avoir fait l'honneur de nous inviter à comparaître devant vous aujourd'hui.

Je suis l'un des chefs héréditaires de la nation Heiltsuk qui, à une certaine époque, regroupait 11 tribus. Après l'épidémie qui a décimé la population indienne de la côte, nous n'étions plus que huit et nous nous sommes rassemblés dans le village où nous habitons aujourd'hui et que nous appelons Bella Bella.

Je regrette de le dire, mais depuis quelques années, je ne sais même pas qui est mon député; et pourtant, auparavant, nos députés venaient régulièrement nous rendre visite, et nous pouvions leur parler de certaines des préoccupations que nous allons vous signaler aujourd'hui.

La pauvreté dont souffre notre peuple, alors qu'il y a tant de richesse autour de nous... Il y a la forêt, les arbres, les pêcheries, mais très peu des avantages que l'on peut tirer de l'exploitation de ces ressources reviennent à notre communauté. Depuis des années, l'industrie de l'exploitation forestière a été très active sur notre territoire. Cette exploitation n'a pas rapporté un sou à notre communauté.

• 1830

Ce n'est qu'il y a deux ans, environ, que nous avons donné à 17 personnes la formation nécessaire pour devenir bûcheron, alors que par le passé, nous étions un peuple de bûcherons. Nous avions ouvert des chantiers d'exploitation forestière. Mais lorsque les grandes compagnies sont arrivées et que les syndicats se sont imposés dans l'industrie, les gens de notre peuple ont été complètement évincés—complètement.

En tant que négociateur en chef de la bande, dans le cadre du processus de revendications territoriales qui découle de nos traités, j'ai la tâche d'expliquer ce que nous voulons retirer de ce processus. J'ai 73 ans. Cela fait 40 ans que je fais de la politique. Ce n'est pas la première fois que je comparais devant un comité. Je suis allé bien des fois à Ottawa pour témoigner devant d'autres comités, à titre de président de la Native Brotherhood of B.C. Pour moi, il n'y a donc là rien d'extraordinaire.

Mais lorsque des Indiens comparaissent devant des comités, on ne leur accorde pas beaucoup d'attention, on n'accorde pas beaucoup d'attention aux problèmes qu'ils signalent à ces comités. Il semble que cela ne veuille rien dire.

Nous tentons d'obtenir trois choses par le biais du processus de reconnaissance des traités.

Premièrement, la stabilité économique. C'est ce que tout le monde veut—la stabilité économique.

Nous recherchons la stabilité sociale, parce que notre communauté dépend totalement de l'aide sociale. Les prestations d'assurance-maladie que nous recevons sont moins élevées que la moyenne de celles qui sont versées aux autres Canadiens. Notre système d'éducation est de moins bonne qualité qu'ailleurs au Canada. Nos normes domiciliaires sont inférieures à celles qui s'appliquent aux autres Canadiens. Nous espérons changer cela par le biais du processus de reconnaissance des traités.

La troisième chose que nous recherchons, c'est un climat de certitude. Je pense que c'est quelque chose que tout le monde recherche—avoir des certitudes. Les tierces parties qui participent au processus le veulent. Les autorités gouvernementales, aussi. Et c'est ce que veulent les peuples autochtones.

Nous avons des droits qui ont été reconnus par les plus hautes cours de notre pays. Les décisions qu'elles ont rendues reconnaissent que nous sommes propriétaires de ces terres. Je ne suis pas partie prenante; je suis propriétaire. C'est ainsi que je me considère.

Pendant des années, après la venue des Blancs, notre peuple n'a pas su comment réagir en voyant disparaître toutes les richesses que l'on trouvait chez nous. Ce n'est qu'en 1913 que nos chefs ont, pour la première fois, témoigné devant une commission. Il s'agissait de la Commission royale McKeena-McBride. Nos chefs ont pu alors faire état de leurs préoccupations devant la commission, à propos de leur territoire et de la disparition des ressources, même si, à ce moment là, la commission s'est déclarée incompétente pour faire quoi que ce soit à propos de ce qui nous préoccupait.

Ces audiences ont débouché sur le lancement du processus de reconnaissance des traités; c'est aussi à ce moment là que nous avons fait une déclaration où nous énoncions nos perspectives d'avenir. Cette déclaration a été faite par l'un de nos chefs, mon oncle. Je vais vous en lire un paragraphe, je veux que vous écoutiez cela. Il a dit:

    Nous sommes les populations indigènes de ce pays et nous voulons toutes les terres que nous pouvons obtenir. Nos considérons que ce pays nous appartient tout entier, la moindre petite parcelle, et nous devrions avoir quelque chose à dire en la matière.

On ne nous demande jamais rien lorsqu'on veut faire quelque chose sur notre territoire.

    À ce que nous sachions, le gouvernement ne nous a jamais acheté de terres, et nous prêtons donc simplement ce territoire au gouvernement. Il nous appartient tout entier. Nous ne changerons jamais d'avis là-dessus et lorsque nous serons morts, nos enfants défendront les mêmes arguments. Peu importe combien de temps cela prend au gouvernement pour trancher cette question, nous ne changerons pas d'avis en la matière.

Cela fait partie de l'énoncé de nos perspectives d'avenir. Cette déclaration est lue dans les écoles. Quand nous parlons à nos enfants, nous leur disons: «Nous voulons que vous soyez prêts à deux choses: si nous échouons, nous voulons que vous soyez prêts à poursuivre la lutte; si nous réussissons, nous voulons que vous soyez prêts à mettre en oeuvre l'accord qui reconnaîtra les traités.

• 1835

En 1997, la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw a confirmé ce qu'avait déclaré le chef Bob Anderson, c'est-à-dire que les Premières nations sont propriétaires du territoire et des ressources. Lorsque les membres de la nation Heiltsuk ont su que les titres de propriété autochtones étaient reconnus, à condition que les Premières nations remplissent les conditions stipulées par les tribunaux et prouvent qu'elles détenaient ces terres, nous n'avons eu aucun problème à démontrer que nous utilisions ce territoire et qu'il nous appartenait. On trouve nos nasses à poisson partout. Elles sont encore là. On peut voir partout nos totems et nous les avons recensés. Nous pouvons démontrer comment nous avons utilisé le territoire. Nous pouvons démontrer que nous avons utilisé les arbres pour construire des maisons, des canots, pour ériger des totems et pour faire des vêtements avec l'écorce du thuya. Ce sont des choses que nous pouvons prouver.

J'aimerais vous décrire la situation qui existe à l'heure actuelle au sein de nos communautés, et ce n'est pas brillant. C'est une situation que l'on n'accepterait jamais de laisser perdurer au sein d'une communauté blanche. Votre gouvernement ne permettrait pas que cela se produise. La situation économique dans laquelle se trouvent les membres de la nation Heiltsuk aujourd'hui est telle que le taux de chômage est de 66 p. 100. Parfois, il est même plus élevé. Lorsque le gouvernement du Canada publie les taux de chômage, les plus élevés sont ceux qui existent parmi les populations indiennes. Le niveau des revenus tirés d'un emploi dans le secteur privé, pour ceux qui ont la chance de travailler, sont bien au-dessous du seuil de la pauvreté.

Les pêcheries et la forêt sont les deux seules ressources naturelles qui nous permettent d'envisager réellement combler nos besoins au plan de l'emploi et de notre situation économique, dans l'immédiat et à long terme. Le revenu annuel moyen d'un employé de scierie est de 3 528 $ et pour les pêcheurs, il est de 8 515 $. Le revenu annuel minimum requis pour répondre aux besoins essentiels est de 20 000 $. La situation n'est donc pas brillante. C'est un scandale de la laisser perdurer. Et pourtant, nous constatons que nos ressources sont mal gérées. Dans le secteur de la foresterie, ces mauvaises pratiques de gestion ont des effets négatifs sur l'écosystème. Les saumons ont disparu de la plupart des cours d'eau que l'on trouve dans la région centrale de la côte à cause des mauvaises pratiques de foresterie auxquelles on a recours.

Nous avons examiné le fond des cours d'eau et nous avons découvert que là où l'on exploitait la forêt, toute vie avait disparu du fond des rivières. Pourtant, personne ne parle de cela. Dans le cadre de nos pourparlers à propos des traités, le gouvernement provincial nous dit qu'il souhaite que nous établissions un partenariat pour gérer conjointement la forêt. Je ne veux pas être le partenaire d'un gestionnaire dont les antécédents sont si mauvais.

Permettez-moi de vous dire ceci: les autorités provinciales et fédérales devraient avoir honte de leurs antécédents en matière de gestion des ressources, car c'est vous qui avez créé le problème. Vous avez accordé des permis à des gens qui ont eu recours à de mauvaises pratiques forestières. Par l'intermédiaire du ministère des Pêches et des Océans, vous êtes censés être des chiens de garde et veiller à ce que l'on n'ait pas recours à de mauvaises pratiques forestières et à ce que les cours d'eau où nous pêchons du poisson soient protégés. Cela n'a pas été le cas. C'est un scandale.

Je m'en tiendrais là. À mon avis, nous devrions être indemnisés, mais le gouvernement du Canada ne veut pas entendre parler d'indemnisation. Pourtant, lorsque j'ai lu dans le journal la semaine dernière que MacMillan Bloedel allait recevoir des indemnités de l'ordre de 83,7 millions, parce que cette compagnie avait perdu la possibilité de couper des arbres sur un terrain dont on a fait un parc, je me suis dit que nous devrions être indemnisés pour les dommages que je viens de décrire.

Le président: Merci, messieurs Newman et Germyn. Nous allons consacrer quelques instants aux question des membres du comité, en commençant par M. Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup, Robert. Monsieur Newman, je suis vraiment très heureux de vous rencontrer. Nous avons beaucoup entendu parler de vous ces deux derniers jours à Bella Coola et Bella Bella d'où nous sommes revenus ce matin, et j'ai été très heureux d'apprendre que vous alliez être ici, Robert. Je me suis dit, fantastique, nous allons savoir ce qui se passe, car nous avons été très impressionnés par ce que nous avons pu constater en visitant la forêt, ce qui s'est avéré très utile.

Les cinq points que vous avez soulignés et les résultats que vous, monsieur Newman, souhaitez précisément obtenir du processus de reconnaissance des traités—c'est le genre de chose que nous voulons tous, je pense: la stabilité sociale, la stabilité économique et des certitudes. Nous nous entendons sur ce point.

• 1840

Ce qui m'a également beaucoup impressionné, c'est votre capacité à vous débrouiller tout seuls. Vous pouvez très très bien vous défendre et vous énoncez extrêmement bien votre position; je vous en félicite.

J'aimerais également vous demander dans quelle mesure... Par exemple, pour ce qui est de la cogestion. Vous avez fait une remarque assez intéressante, monsieur Newman, lorsque vous avez dit que vous ne vouliez pas être le partenaire de quelqu'un qui fait mal son travail. Je suis d'accord avec vous. Je ne voudrais pas, moi non plus, devenir le partenaire d'un tel groupe. Vous avez maintenant établi des relations avec Western Forest Products. Je ne sais pas si c'est dans le cadre d'un partenariat ni quels sont les arrangements que vous avez faits mais, manifestement, vous travaillez en étroite collaboration, une collaboration qui vous donne beaucoup de pouvoir, à mon avis.

J'aimerais que vous nous disiez comment exactement va se traduire cette collaboration, selon vous. S'agit-il d'un accord de cogestion? Poursuit-on un autre objectif? Quel genre de relations ont été établies? Manifestement, vous avez défini des perspectives d'avenir pour votre peuple. Je suis sûr que vous avez également une idée des perspectives d'avenir de cette entreprise commerciale. Quelles sont-elles?

M. Robert Germyn: Parlez-vous des arrangements que nous avons faits avec Western et qui sont axés plus ou moins sur la cogestion et la collaboration?

M. Werner Schmidt: Oui. Parlons de cela et ensuite, on pourra toujours élargir le champ de la discussion.

M. Robert Germyn: Ed peut probablement vous en dire un peu plus sur nos pourparlers avec Bill Dumont à propos des pêcheries, car c'est lui qui s'occupe de ce secteur. Il vous a probablement accompagné pendant votre voyage.

M. Werner Schmidt: Il était là l'après-midi, oui.

M. Robert Germyn: Nous nous sommes rendus à Marble River, au nord de l'île de Vancouver, et nous avons été assez impressionnés par ce qui se fait là-bas pour reconstituer la population de saumons. Certains d'entre nous avons visité une installation.

À l'heure actuelle, nous exploitons une petite écloserie, qui, à notre avis, est une des entreprises de ce genre les plus réussies sur la côte. Cela marche très bien. Ed va vous parler un peu plus longuement de cette initiative. J'étais très jeune quand elle a été lancée.

Je le répète, en la matière, je suis un nouveau venu. J'essaye d'exploiter de nouvelles façons de faire et d'explorer ce qui est positif. Une collaboration avec l'industrie renferme un certain potentiel. Il semble que cela puisse se concrétiser grâce à une collaboration entre les chefs de file des communautés, le conseil et l'industrie. Je ne sais pas à quoi cela va aboutir, sinon... L'industrie se dit disposée à collaborer avec nous pour mettre certains projets en train. Nous n'avons encore rien défini, mais nous songeons à un projet pilote qui nous permettrait d'améliorer ou de restaurer un système, mais nous n'avons pas encore concrètement défini...

M. Werner Schmidt: J'aimerais, plus précisément, que vous commentiez les trois points soulevés par M. Newman—la stabilité économique et sociale et le climat de certitude—parce qu'à mon avis, ce sont les objectifs que vous poursuivez; du moins, c'est ainsi que je le conçois. Pensez-vous que cette collaboration vous permette d'atteindre ces objectifs?

M. Robert Germyn: Eh bien, il faut être réaliste en ce monde, et si l'objectif est d'atteindre la norme fixée pour le Canada et que tout le monde est satisfait de cela... Je ne sais pas si au bout du compte, c'est acceptable, mais il semble que ce soit un objectif raisonnable à l'heure actuelle. Si le taux de chômage est de 8 à 9 p. 100 à l'échelle nationale, il me semble qu'à 66 p. 100, nous sommes loin de compte.

Bref, il faut envisager d'autres options—de nouvelles industries, de nouveaux secteurs, ainsi qu'une diversification des activités, la création de valeur, et c'est ce que nous faisons. Nous ne pensons pas qu'il suffit d'exploiter les ressources, de couper un arbre ou d'attraper un poisson et que nous puissions nous contenter de cela. Nous cherchons à ajouter de la valeur et c'est la raison pour laquelle nous faisons de la transformation. Nous avons une usine de transformation pour traiter les ressources. Cela nous permet d'ajouter de la valeur, de créer des emplois, d'élargir l'impact sur la collectivité, sur les secteurs secondaires comme les services et le commerce de détail, ce qui fait évoluer les choses. Si cette théorie a des résultats positifs dans la société canadienne, il y a ici un potentiel énorme, étant donné les ressources auxquelles nous avons accès, les forêts qui pourraient être exploitées. Nous nous intéressons donc de près à la création de valeur.

Ed.

Le chef Ed Newman: Je ne pense pas que notre collaboration avec Western Forest Products, telle qu'elle existe actuellement, va nous permettre de réaliser les trois objectifs que nous poursuivons, car nous jouons un rôle mineur. C'est seulement lorsque nous allons devenir l'acteur principal que nous allons parvenir aux résultats dont j'ai parlé. Tant que nous ne serons pas devenus l'acteur principal et que Western Forest Products ne jouera pas dans l'affaire un rôle mineur, nous n'arriverons pas à réaliser les objectifs que nous poursuivons quand nous négocions un traité.

Ce n'est pas un secret—et nous nous assurons d'ailleurs que tout le monde soit au courant—en négociant un traité, ce que nous voulons, c'est reprendre totalement le contrôle de la gestion des ressources qui se trouvent sur notre territoire, pas seulement les forêts, mais les pêcheries et toutes les choses qui ont de l'importance pour nous, car nous sommes une communauté stable. Nous n'allons pas déménager ailleurs.

M. Werner Schmidt: C'est exact.

• 1845

Le chef Ed Newman: Je sais qu'à Ocean Falls, il y a eu un problème. La communauté a déménagé; les gens sont partis. Nous, nous allons rester ici pendant très longtemps et nous allons nous assurer que nos intérêts sont pris en compte en premier. Nous allons nous assurer de cela, car personne ne va s'en occuper, et c'est à nous de lutter pour obtenir ce qui nous apportera la stabilité économique, la stabilité sociale et des certitudes.

M. Werner Schmidt: Je le reconnais. Je pense que c'est très bien et j'admire ce que vous dites. Mais j'aimerais vous demander une chose, parce qu'en ce moment, vous jouez un rôle mineur, comme vous dites, par rapport à Western Forest Products, même s'il est possible qu'il arrive quelque chose entre... Comme l'a dit M. Germyn, il faut être réaliste. Comment pouvez-vous devenir l'acteur principal, alors qu'à l'heure actuelle, vous jouez un rôle mineur? Pensez-vous que vos relations avec Western Forest Products peuvent évoluer de façon à ce que vous occupiez une place de plus en plus prépondérante au sein de l'entreprise au fur et à mesure que le rôle que joue Western devient de moins en moins important, étant donné qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle?

M. Robert Germyn: Eh bien, vous venez pratiquement là de résumer par anticipation la teneur d'une prochaine réunion avec Western.

M. Werner Schmidt: Je ne sais pas, moi. Va-t-il y avoir une réunion où vous allez discuter de cela?

M. Robert Germyn: Nous discutons régulièrement de notre participation et de nos intérêts dans l'exploitation des ressources. Comme Ed l'a dit, nous ne sommes pas complètement satisfaits de la situation telle qu'elle est, mais c'est une étape de franchie, une petite étape. J'aime penser qu'un jour, nous allons pouvoir contrôler la plupart des ressources qui se trouvent sur notre territoire, et que nous allons les gérer en vertu de principes qui en assurent la durabilité et qui permettent de maintenir la biodiversité et les écosystèmes, des principes dont tous les Canadiens pourront être fiers, pas seulement les Premières nations. Tout le monde tirera profit de notre réussite. Notre réussite ne sera pas seulement la nôtre, mais celle de tous. C'est une vision branchée sur le réel, mais une vision à long terme. Nous avons beaucoup de chemin à parcourir, et c'est un défi. Il faut qu'il y ait de la bonne volonté de part et d'autre et que les intéressés soient prêts à s'écouter mutuellement et à essayer de résoudre leurs différends.

Comme Ed l'a dit, des plaintes ont été portées à propos des pratiques auxquelles on a eu recours dans le passé dans l'industrie. Il se peut que des situations semblables se présentent, mais il faut que nous trouvions une solution dans un esprit de collaboration. Je pense qu'avec un peu de bonne volonté, on pourra collaborer et mettre en place ces systèmes.

M. Werner Schmidt: Je pense que c'est une bonne observation.

Je vais m'arrêter là, je crois, monsieur le président. Je vais conclure sur cette question. Est-ce que c'est tout ou rien? J'ai utilisé l'expression «jeu à somme nulle» tout à l'heure et je vous ai entendu dire, monsieur Newman, que c'était tout ou rien. Jouez- vous vraiment votre va-tout? Ou bien y a-t-il une chance que nous puissions travailler ensemble et participer, sur un pied d'égalité, à la réalisation des objectifs que nous poursuivons?

Le chef Ed Newman: Au point où en sont les choses actuellement, nous sommes loin de pouvoir participer sur un pied d'égalité. Ce que les gouvernements fédéral et provincial offrent, c'est une participation à 5 p. 100, ce qui ne va pas nous permettre d'obtenir les résultats dont j'ai parlé. Cela ne va pas répondre à nos besoins. Il faut que la population de la région centre de la côte soit traitée différemment. Dans cette région, la population est principalement autochtone, les Blancs sont peu nombreux. En fait, notre conseil consultatif régional est basé à Vancouver, car il n'y a pas ici assez de Blancs pour que l'on constitue un tel conseil. Nous devrions donc être traités de la même façon que les Inuits à qui l'on a accordé de vastes territoires parce qu'ils sont plus nombreux que toute autre population. Nous devrions être traités de la même façon ici, dans la région du centre de la côte.

Notre objectif, c'est l'égalité des chances, dans le cadre d'un processus parallèle. Nous nous sommes lancés dans la négociation de traités mais éventuellement, il faudra que l'on nous accorde un territoire où l'on trouve des forêts, dans le cadre du règlement de nos revendications territoriales. C'est cela qui va nous permettre d'atteindre les trois objectifs que nous nous sommes fixés.

Le président: Merci.

Alex, vous avez la parole, et ensuite, ce sera le tour d'Yvon.

M. Alex Shepherd: Merci. C'est un grand honneur pour moi de pouvoir vous parler, chef Newman. Je viens de très loin, de l'Ontario. Nous n'avons pas ce genre de problème—du moins, en apparence.

Si je considère les objectifs que vous vous êtes fixés—la stabilité économique, la stabilité sociale et un climat de certitude—même si ce n'est pas dans la même mesure, je sais que si j'en parlais à mes électeurs, ils me diraient que ce sont des résultats qu'ils aimeraient également obtenir.

J'aimerais, en me fondant sur la façon dont je comprends les choses, vous poser une question qui touche votre culture. À l'origine, de quelle façon les membres de votre nation envisageaient-ils leur relation avec la terre: pensaient-ils qu'ils en étaient propriétaires ou qu'ils occupaient tout simplement un certain espace? Est-ce que le régime de propriété des terres dont nous parlons aujourd'hui est conforme à la culture traditionnelle de votre peuple?

• 1850

Le chef Ed Newman: Oui, nos liens avec la terre et les ressources sont très importants. Nous ne faisions pas de distinction entre la terre et les animaux ou la mer, et dans le territoire que nous revendiquons, qui recouvre 32 000 milles carrés les terres et l'océan ne faisaient qu'un. Nous savons que ces terres et cet océan ont assuré notre survie avant la venue de l'homme blanc et que cela continue aujourd'hui. C'est très important pour nous, et nous tirions parti de tout ce territoire.

Il y avait des villages partout—dans les régions où nous récoltions les produits de la terre et dans celles où nous les transformions. Nous nous déplacions d'un endroit à l'autre au cours de l'année et nous tirions parti de tout le territoire. Il y a des cartes qui démontrent qu'il en était ainsi. Que nous avions des nasses à poisson installées là où les gens de notre peuple allaient pêcher et des installations pour faire sécher le poisson partout. Nous exploitions les ressources forestières partout. On retrouve partout les sites de nos anciens villages.

Notre territoire est délimité de façon aussi évidente que le sont les tombes de nos ancêtres par des peintures rupestres. Nos ancêtres sont enterrés un peu partout sur ce territoire. Pour notre peuple, toute cette région est donc sacrée. Nous avons des liens très forts avec la terre.

M. Alex Shepherd: Je comprends ce que vous voulez dire. Je me suis toujours posé des questions à propos de l'attitude des Blancs vis-à-vis la terre. Pour nous, le concept de propriété foncière, c'est pouvoir dire que nous possédons, d'une façon ou d'une autre, une parcelle de terrain qui a été mesurée et qui recouvre tant d'hectares. Mais en réalité, les humains que nous sommes ne font que passer, alors que la terre demeure. Je me demande quel rôle joue le concept de propriété dans tout ce processus. Bref, je réfléchis tout haut, tout simplement.

Ce qui me préoccupe, c'est la façon dont le monde évolue aujourd'hui. En toute franchise, peut-être que posséder des terres n'est pas la panacée universelle. Autrement dit, aujourd'hui, il semble que ce soit la possession de connaissances, la possession de technologies et de choses de ce genre qui soit le moteur de l'économie. Je souhaite que votre peuple participe à ce processus—en d'autres mots, que vous ne soyez pas obnubilés par la possession des terres qui, selon moi, ne va pas jouer un rôle aussi important que la possession de connaissances pour occuper une position concurrentielle dans le monde.

Cela m'amène à une autre question: pour vendre vos ressources, il va falloir que vous vous positionniez dans un contexte mondial. Certaines des questions que se posent les membres du comité ont trait aux problèmes que rencontre l'industrie forestière de Colombie-Britannique lorsqu'elle cherche à commercialiser ses produits à l'étranger. Je peux vous dire que les groupes d'intérêt qui constituent ce que nous appelons maintenant la société civile ont tous partie liée grâce à l'Internet; ils communiquent entre eux, qu'ils soient basés en Europe ou aux États-Unis, et ils utilisent cette base de connaissances pour lutter contre certaines des pratiques qui, selon vous et votre peuple, appuient la réalisation de vos trois objectifs.

Le chef Ed Newman: Avant la venue des Blancs dans nos territoires, nous avions en place un système qui assurait la survie de notre peuple. Nous avions un système pour faire des échanges entre nous. Ce n'était pas un système international, mais c'était la même chose dans beaucoup d'autres pays du monde. Il n'y a pas eu d'échanges internationaux pendant longtemps. Mais nous, nous avions un système.

Le peuple Heiltsuk était célèbre. Si vous lisez son histoire, vous apprendrez que nous étions des négociants réputés. La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladstone prouve que le peuple Heiltsuk a le droit ancestral de faire le commerce des oeufs de poisson et du varech. Les premiers négociants et les premiers missionnaires qui sont venus ici ont noté que nous faisions du commerce avec nos voisins du Sud, le peuple Kwakiult. Nous sommes, par tradition, des intermédiaires entre les peuples qui habitent le long du littoral, car nous vivons au milieu de cette région. Namu est l'un des territoires Heiltsuk qui était connu comme un endroit où on faisait du commerce, à moitié chemin entre le nord et le sud de la région côtière.

Le commerce n'avait donc pas de secret pour nous avant la venue de l'homme blanc. Étant donné le genre de débouchés dont nous parlons, nous n'aurons aucune difficulté à nous adapter pour répondre aux nouvelles conditions qui existent à l'heure actuelle.

• 1855

Comme vous le savez, je viens tout juste de participer à des négociations. Pendant deux jours, j'ai été assis à la même table que des représentants du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Nous parlions d'éducation. Comment peut-on améliorer suffisamment l'éducation des peuples autochtones—du peuple Heiltsuk? Le gouvernement du Canada n'a pas utilisé l'éducation pour améliorer les conditions de vie de la population indienne; il a essayé de priver les Indiens de leur identité par ce moyen. Le gouvernement a essayé d'utiliser l'éducation pour nous assimiler. Aujourd'hui, nous voulons quelque chose de différent, car nous voulons répondre aux besoins dont vous parlez aujourd'hui.

À la fin de la déclaration de Bob Anderson que je vous ai lue, il mentionne que la population autochtone veut contrôler l'octroi des permis de pêches, car on a constaté que la population de saumons a diminué. Il dit que nous étions ici bien avant que l'on y installe des conserveries. Nous devrions avoir le droit—en fait, nous avons ce droit—de détenir ces permis pour pouvoir vendre notre poisson à qui nous voulons. C'est ainsi que Bob Anderson voyait les choses il y a longtemps. Nous les envisageons de la même manière aujourd'hui. Si l'on nous en donne l'occasion, nous pouvons satisfaire aux conditions dont vous parlez.

Le président: Je vous remercie, Alex, et vous aussi, monsieur Newman.

Yvon, Gerry, et ensuite Gerald demandent la parole. Yvon, s'il vous plaît.

[Français]

M. Yvon Godin: Cela me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Je pense avoir une assez bonne relation avec le chef des Pabineau, au Nouveau-Brunswick. Je viens du nord-est du Nouveau-Brunswick et j'ai assez une bonne relation avec le chef.

Je me pose une question. Il est vrai qu'on connaît mal votre culture ou les choses qui, selon votre sentiment, vous appartiennent. Ma question est bien simple. Pour ma part, je suis né ici, au Canada, mes parents sont nés au Canada et je sens que le Canada m'appartient. C'est mon terrain à moi aussi. Je suis né ici. Ce n'était peut-être pas le cas de nos arrière-grands-parents qui étaient venus d'Europe, mais quand on naît ici, on a un certain sentiment d'appartenance. On est chez soi. Ici, en Colombie-Britannique, je ne me sens pas chez moi, mais au Nouveau-Brunswick, je me sens chez moi. C'est mon terrain, it's my land.

Dans le monde d'aujourd'hui, en 1999, il y a des gens qui, comme moi, sont venus au monde ici et s'y sentent chez eux. Y a-t-il une place pour nous tous? Pouvons-nous essayer de trouver des solutions ensemble que tout le monde puisse vivre du produit de la terre?

[Traduction]

Le président: Merci, Yvon.

Le chef Ed Newman: Je suis d'accord avec vous. Nous devrions tous pouvoir vivre dans ce pays, mais jusqu'ici, ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées. Vous êtes venu au Canada—vos parents, vos ancêtres sont venus au Canada. Ils ont domestiqué ce pays. Les Blancs ont eu en quelque sorte l'impression qu'il n'y avait personne ici quand ils sont venus, que personne n'était propriétaire de ce territoire, et ils en ont donc pris possession. Mon grand-père m'a dit aussi que notre peuple n'était pas allé dans le pays de quelqu'un d'autre pour en prendre possession. Nous n'avons jamais fait cela. En revanche, des gens sont venus ici et ont pris possession de notre territoire avant de nous mettre dans des réserves—qui sont plus ou moins des camps de concentration—pour que le gouvernement puisse exercer un contrôle sur nous. À partir de là, nous n'avons plus fait partie de ce pays.

Lorsque j'étais jeune, on ne me considérait pas comme un citoyen de ce pays. J'étais placé sous la responsabilité du ministère de l'Immigration. Saviez-vous cela? Mon père a pris part à la Première Guerre mondiale. Il est allé en Europe. Je lui ai demandé un jour pourquoi il s'était battu pour un pays dont il n'était même pas citoyen. Il m'a répondu: «Peut-être que les choses changeront un jour». Beaucoup d'Indiens ont fait la même chose. Ils sont allés se battre pour un pays qui ne les reconnaissait pas comme ses citoyens.

Je ne sais pas ce que pense ce chef que vous connaissez au Nouveau-Brunswick lorsqu'il vous entend dire que vous êtes chez vous ici, dans ce pays. Je ne sais pas ce qu'il vous répond. Mais en ce qui concerne le peuple Heiltsuk, c'est à nous que les terres appartiennent.

• 1900

La position qu'adopte le gouvernement fédéral, c'est que les négociations ne portent pas sur les terres et les parcs détenus par des tierces parties, des intérêts privés. C'est la position du gouvernement. La position du peuple Heiltsuk est différente. Nous sommes propriétaires de tout le territoire jusqu'à ce que quelqu'un négocie avec nous pour en acquérir une partie, car mes droits ancestraux couvrent tout mon territoire, et les plus hautes cours du pays l'ont confirmé. Ces droits ne se sont jamais éteints. Donc, jusqu'à ce que quelqu'un vienne négocier avec moi, je me sens propriétaire de ces terres et j'ai des droits qui s'appliquent partout. Il ne m'ont jamais été retirés et ils sont protégés en vertu de la constitution.

M. Yvon Godin: Je voudrais préciser une chose. Je n'ai jamais soulevé cette question avec le chef que je connais au Nouveau- Brunswick. C'est juste qu'étant donné la façon dont vous présentez les choses, j'ai pensé que je devais parler de cela. J'ai dit que j'avais de bonnes relations avec le chef qui habite notre région, mais je n'ai pas discuté de cela avec lui. Je lui en parlerai quand je le verrai.

Le chef Ed Newman: J'ai rencontré des gens du Nouveau- Brunswick à la conférence qui s'est tenue en Colombie-Britannique, et ils sont préoccupés par la façon dont ils sont traités, comme nous.

M. Yvon Godin: Nous avons eu nos difficultés. En ce qui concerne la participation à 5 p. 100 dont vous avez parlé, ils sont allés en cour et ils ont obtenu un règlement très favorable; toutefois, quand ils se sont adressés une nouvelle fois aux tribunaux, cette décision a été infirmée. Vous avez raison; ils ont des problèmes.

Le président: Merci.

Le chef Ed Newman: En rendant sa décision dans l'affaire Delgamuukw, la Cour suprême du Canada a déclaré que nous avons tous le droit de rester ici, mais qu'il faut négocier de façon équitable avec les Indiens.

Le président: Merci, messieurs Newman et Godin.

C'est maintenant au tour de Gerry et ensuite, Gerald pourra prendre la parole.

M. Robert Germyn: Puis-je faire quelques brefs commentaires à ce propos?

Le président: Bien sûr.

M. Robert Germyn: Un des problèmes que pose une économie en transition, c'est l'égalité d'accès aux débouchés. À mon avis, il faut céder un peu de terrain, par exemple, par le biais de mesures provisoires... Mais cela ne s'est pas avéré très positif, et d'ailleurs, nous n'en avons pas parlé aujourd'hui.

L'autre élément, c'est la possibilité que l'on porte atteinte à nos droits dans le cadre de ces pourparlers—peut-être avez-vous entendu dire quelque chose à ce propos, même si cela touche une question différente. La privatisation ou la possibilité... Il y a des pourparlers en cours entre l'industrie, le gouvernement et la province; je ne sais pas quelles informations sont transmises au Cabinet fédéral ou au comité, sur le processus de sélection des terres, mais il semble que l'on en soit venu à définir un concept de privatisation qui a été évoqué ici plus tôt aujourd'hui et qui me préoccupe un peu. Je ne voudrais pas tirer la sonnette d'alarme, mais nous craignons fort que l'on offre, à titre d'indemnisation, des terres qui représentent pour les Premières nations la seule possibilité d'avoir accès aux débouchés qui s'ouvrent actuellement. Nous nous retrouverions alors dans l'impossibilité d'agir dans le sens qu'a évoqué M. Sheppard: comment peut-on participer à l'activité du secteur de la haute technologie sans capitaux et sans accès au marché des capitaux? C'est là un défi de taille. Alors, il faut commencer par exploiter les ressources et partir de là.

Le président: Merci, monsieur Germyn.

Gerry Byrne, s'il vous plaît.

M. Gerry Byrne: Merci à tous les deux d'être venus témoigner. J'aimerais avoir quelques précisions sur les relations entre votre Première nation et plusieurs des groupes écologistes qui s'intéressent aux pratiques de foresterie en Colombie-Britannique.

Les témoins que nous avons entendus aujourd'hui ont souligné que Greenpeace et le Sierra Legal Defence Fund ont une relation de travail très positive avec les chefs héréditaires. C'est à ce sujet que j'aimerais des précisions—ce sont sans doute les chefs héréditaires d'autres Premières nations. Nous avons en effet reçu une lettre qui a été lue aux fins du compte rendu, une lettre écrite par Arlene Wilson, conseillère juridique en chef de votre conseil tribal, où elle déclare: «Les tactique subversives et manipulatrices utilisées par chacun de vos organismes»—et elle veut dire Greenpeace, le Sierra Club de Colombie-Britannique, Forest Action Network et le Sierra Legal Defence Fund—«au sein de notre communauté témoignent d'un manque total du sens de l'honneur.»

Comment décririez-vous les relations que vous entretenez avec divers groupes d'activistes qui défendent l'environnement?

M. Robert Germyn: Bonne question, Gerry. Cela pose tout un défi à notre communauté. Je ne sais pas quelle est la taille de la communauté à laquelle vous appartenez; je ne sais pas grand chose sur vous, mais comme vous pouvez le voir, nous appartenons à une petite communauté et lorsqu'il se pose un problème majeur, les risques sont grands qu'elle se divise en deux camps. Quels que soient les problèmes qui se posent, je pense que cela arrive probablement dans toutes les communautés, et c'est ce qui est arrivé dans la nôtre.

• 1905

Vous avez lu la lettre d'Arlene et vous savez que des groupes écologistes sont venus pour défendre leurs intérêts, ce qu'ils ont tout à fait le droit de faire, et qu'ils ont suivi un processus que les Premières nations n'ont pas jugé approprié ni acceptable au plan du protocole qui doit être respecté. Greenpeace n'a toujours pas repris de relations avec la bande. Ses représentants ont violé la confiance qui caractérisait les relations de cet organisme avec le conseil tribal.

Edwin vous dira probablement dans quelle perspective se situent les hemas et les chefs traditionnels et quelles sont les directives et les initiatives qui ont été prises en ce qui concerne les relations avec les groupes écologistes. Mais en général, ils arrivent pleins de bonnes intentions pour nous aider à prendre de bonnes décisions. C'est un peu comme ces biotechniciens colonialistes qui nous disent: c'est ainsi que vous procédez, nous le savons, mais nous, nous avons des doctorats en biodiversité et nous vous le disons tout net, vous vous trompez; c'est contraire à vos principes. Cela tient presque de l'hypocrisie lorsque des gens qui ne sont pas membres des Premières nations viennent nous dire qu'ils savent mieux que nous en quoi consiste notre culture. Qui peut le savoir mieux que nous? Nous avons nos spécialistes. À l'heure actuelle, ils prennent une part très agissante à notre système de gouvernement, comme vous l'a dit Edwin.

Étant donné que c'est lui qui mène les négociations et qu'il est aussi notre chef héréditaire, je vais demander à Ed de poursuivre.

Le chef Ed Newman: Nous avons quelques réserves sur la façon dont se sont comportés les groupes écologistes dans le passé. Une fois, j'ai été poursuivi en justice par Paul Watson et pendant longtemps, je n'ai accordé aucune considération aux écologistes. En effet, ils arrivent quelque part et ils veulent tout arrêter. Dans une région comme Bella Bella, on ne peut pas se permettre de tout arrêter. La position adoptée par les chefs est très claire: ils ne veulent pas que l'on arrête l'exploitation forestière. Ce qui les préoccupe, c'est le recours à des pratiques forestières qui sont mauvaises, c'est la destruction des cours d'eau où nous pêchons. Ils veulent que l'on adopte de meilleurs pratiques de gestion afin de contrôler une exploitation forestière qui est faite à tort et à travers; ils l'ont dit très clairement.

Bref, nous sommes prêts à nous asseoir avec quiconque veut parler des moyens d'améliorer les pratiques forestières sur notre territoire, car c'est important pour nous. Il faut que cela se fasse. Il faut adopter de meilleures pratiques, car nous en avons besoin pour améliorer les conditions de vie de la jeune génération. Les jeunes constituent la grande majorité de notre population; ils n'ont pas d'emplois, pas d'avenir, et nous ne pouvons pas nous permettre de tout arrêter. Je veux qu'il soit bien clair qu'en ce qui concerne Bella Bella, les chefs ne veulent pas que l'on mette fin aux activités d'exploitation forestière, mais plutôt que l'on essaie d'instaurer de meilleures pratiques en la matière et de protéger les cours d'eau où vivent les saumons.

Le président: Merci.

M. Gerry Byrne: J'aimerais ajouter brièvement quelque chose—mais avant tout, je sais à quel point ce genre de problème peut semer la discorde, lorsque les gens en viennent à pratiquement remettre en question leurs propres caractéristiques culturelles et leurs propres valeurs pour répondre aux attentes de quelqu'un d'autre.

Pour que vous sachiez un peu dans quelle perspective je me place, je viens de Terre-Neuve, une région où M. Paul Watson et Greenpeace sont intervenus en disant que l'on devait interdire complètement la chasse aux phoques, qu'elle soit pratiquée par les Terre-Neuviens ou par les Autochtones, les Inuits ou les Innu. Après cela, une fois l'industrie liée à la chasse aux phoques essentiellement détruite, Greenpeace s'est mis à dire que chasser les phoques ne posait pas de problèmes, alors que l'industrie avait disparu. Ces gens là peuvent donc souvent changer d'avis.

Si vous en aviez la possibilité maintenant, si vos revendications territoriales étaient réglées—nous sommes allés à Eel Island ce matin—est-ce que vous continueriez à pratiquer l'exploitation forestière de la même façon qu'on le fait actuellement dans cet endroit? Pensez-vous que l'industrie a évolué?

M. Robert Germyn: Je vais essayer de répondre. L'équipe qui travaille à Yeo Island a été formée pour appliquer les nouvelles pratiques forestières selon le code entré en vigueur en 1997, et ce sont les seules pratiques qu'elle connaît. Avant, la plupart des membres de l'équipe était des pêcheurs, et ils savent donc toute l'importance que l'on doit accorder aux pêcheries. Quand ils travaillent là-bas, ils sont sensibles à l'environnement et à l'écosystème et ils sont très prudents, même plus que quiconque, étant donné la grande valeur que recèle le saumon pour notre peuple. Ils essaient de leur mieux de travailler de façon à n'endommager aucun système.

• 1910

Peut-être que Ed voudrait répondre.

Le chef Ed Newman: Vendredi, nous avons rencontré des hommes d'affaires allemands qui sont venus rendre visite à Western Forest Products et voir quelle sorte d'exploitation forestière on pratiquait. L'un d'entre eux nous a posé la même question: comment gérerions-nous l'exploitation forestière si nous étions responsables? Est-ce que nous adopterions le même système de gestion que Western Forest Products? Je lui ai répondu non.

Ils ont survolé notre territoire. Ils ont vu les dommages, surtout autour de Jenny Inlet. Les dommages subis par le cours d'eau qui coule là-bas et où l'on trouvait des saumons sont irréparables, je pense. Là-bas, les dégâts sont énormes. Nous n'appliquerions pas les mêmes méthodes de gestion que les sociétés forestière emploient à l'heure actuelle, ni celles du gouvernement provincial. Nous tenterions d'apporter des améliorations.

Le président: Merci, Gerry.

C'est Gerald Keddy qui lancera la dernière balle.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Gerry a posé les deux questions qui m'étaient venues à l'esprit. J'aimerais prendre juste une seconde pour remercier les deux membres de la bande Heiltsuk d'être venus témoigner devant nous. Tous les députés ont écouté avec beaucoup d'attention, et à en juger par ce qui a été dit, c'est du renforcement de votre autonomie dont nous avons discuté. La responsabilité fait partie intégrante de ce processus d'habilitation, et accepter cette responsabilité, c'est en partie avoir les moyens d'assurer votre survie, celle de vos familles et celle de votre bande.

Je veux juste m'attarder un peu là-dessus, parce que je pense que ceux d'entre nous qui viennent de la côte Est ont peut-être une opinion différente de Greenpeace que les députés du Midwest canadien ou de la côte Ouest. Et cette opinion n'est pas totalement injustifiée.

Gerry peut parler de cela mieux que moi, mais je suis allé dans de nombreux villages isolés de Terre-Neuve et dans des communautés inuites du Nord, et l'on aurait du mal à imaginer les conditions de vie que l'on trouve là-bas. Ces localités sont complètement dévastées. Il y a encore quelques Terre-Neuviens qui chassent le phoque, mais ils sont très peu nombreux, et dans de nombreuses collectivités, il n'y a absolument aucune source de revenu.

Je suis hors sujet, monsieur le président, mais c'est...

Le président: Gerald, que pouvons-nous faire pour vous arrêter?

Des voix: Oh, oh!

M. Gerald Keddy: Et voilà. Cela m'a arrêté net dans mon élan.

C'est toujours la même question: d'une part, les risques et de l'autre, les avantages. Lorsque vous écoutez le message que transmettent certains écologistes... J'hésite beaucoup à les mettre tous dans le même sac, car je suis certain que parmi eux, il y a des gens qui font de très bonnes choses, des choses utiles, et qui disent exactement ce qu'ils pensent. Mais quand on sait qu'il y a 6,5 millions de phoques sur la côte est du Canada et que la prise se limite à 600 000, et quand on se demande pourquoi il en est ainsi, on n'a aucune difficulté à voir que c'est à cause de la communauté internationale—quelques Canadiens, mais beaucoup d'étrangers, des Allemands, des Américains, des gens qui n'ont rien à voir avec notre pays, ni avec l'environnement. Ils ne sont pas obligés de vivre ici. Sur la côte Est, on parle de génocide culturel, mais je pense qu'on a déjà abordé la question.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Keddy, je vous remercie infiniment d'avoir dit cela.

En notre nom à tous, merci à vous, messieurs Germyn et Newman, de nous aider à mieux comprendre ce qui préoccupe votre communauté, ainsi que les craintes de ceux qui essaient de gagner leur vie décemment dans la région située au milieu du littoral de Colombie- Britannique.

Sur ce, je ne lève pas la séance, mais je la suspends jusqu'à demain matin, et nous reprendrons nos travaux ici même à 8 h 30.

Merci à tous.