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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 14 mai 1999

• 0833

[Traduction]

Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bonjour à tous. Je suis très content de revoir tous mes collègues ce matin.

J'ouvre donc cette séance du vendredi 14 mai du Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, qui poursuit son étude de la gestion des forêts au Canada dans la perspective du commerce international.

J'ai fait quelques brèves remarques liminaires hier, que je n'ai pas l'intention de répéter. Je me permets simplement de vous signaler que nous essayons de connaître tous les points de vue en ce qui concerne les pressions qui s'exercent sur les collectivités, les entreprises et les travailleurs forestiers non seulement en Colombie-Britannique, mais dans d'autres régions du pays. Certaines affirmations ont été faites sur la scène internationale concernant les pratiques forestières du Canada, et nous voulons par conséquent bien comprendre ces affirmations et surtout connaître la vérité à cet égard.

Permettez-moi donc de souhaiter la bienvenue à Paul Perkins, du Council of Forest Industries et à Ken Higginbotham, de la Coast Forest and Lumber Association, qui sont nos témoins pour la première session d'une heure.

Chers collègues, comme vous le savez, nous avons prévu plusieurs sessions d'une heure, et je vais essayer de respecter notre horaire, car bon nombre d'entre nous devons prendre l'avion dès que nous aurons entendu le dernier témoin.

Le greffier a sans doute demandé à chacun d'entre vous de faire des remarques liminaires de cinq ou sept minutes au maximum, pour permettre ensuite aux membres de poser des questions.

• 0835

Merci de votre présence. J'invite M. Perkins à faire son exposé.

Monsieur Higginbotham, est-ce vous qui allez parler en premier?

M. Kenneth O. Higginbotham (vice-président de groupe, Forêts et environnement, Société Canfor): C'est moi qui ai tiré la courte paille, alors c'est moi qui commence.

Merci beaucoup, monsieur le président, de l'occasion qui nous est donnée ce matin de participer à vos audiences. Nous constatons avec grand plaisir l'intérêt que porte le gouvernement fédéral à la situation de l'industrie forestière au Canada, notamment du point de vue de notre rôle d'exportateur mondial de produits forestiers.

Comme le président vous l'a déjà indiqué, je m'appelle Ken Higginbotham. Je suis vice-président de groupe responsable des forêts et de l'environnement pour la Société Canfor, une importante entreprise forestière dont le siège social est ici à Vancouver mais dont les opérations se déroulent en Colombie-Britannique et en Alberta. Je suis accompagné de Paul Perkins, vice-président des terres forestières et de la planification stratégique chez Weyerhaeuser Canada. Comme vous le savez certainement, Weyerhaeuser est également une importante entreprise forestière qui mène ses opérations en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario.

Comme on vous l'a déjà signalé, nous nous présentons devant vous aujourd'hui à titre de représentants du Council of Forest Industries (COFI). Le COFI, comme on le nomme le plus souvent en Colombie-Britannique, représente plus de 100 entreprises forestières implantées ici en Colombie-Britannique, et est composé de six associations de membres—ce qu'on pourrait peut-être une association d'associations. Il s'agit, entre autres, de la B.C. Pulp and Paper Association; de la Canadian Plywood Association; de la Cariboo Lumber Manufacturers' Association; de la Interior Lumber Manufacturers' Association; de la Northern Forest Products Association; et de la Coast Forest and Lumber Association.

Je dois d'ailleurs vous signaler que même si les représentants de la Coast Forest and Lumber Association devaient également faire un exposé ce matin, ils ont accepté d'être représentés par le Council of Forest Industries.

Si nous avons voulu vous rencontrer, c'est surtout pour vous annoncer clairement que nous sommes conscients du fait que de nombreux marchés s'attendent à recevoir l'assurance que les pratiques forestières qui mènent à la fabrication et à la commercialisation des produits forestiers favorisent le développement durable des forêts. En tant qu'aménagiste forestier professionnel, je suis très heureux de constater que les marchés mondiaux souhaitent obtenir de telles assurances.

Mais nous sommes également venus vous dire que la capacité du Canada de vendre ses produits forestiers sur les marchés mondiaux est menacée par des groupes qui parfois représentent faussement la nature de nos pratiques forestières. C'est d'ailleurs quelque chose qui nous inquiète au plus haut point. Je m'empresse d'ajouter, cependant, que les progrès réalisés au Canada au cours des dernières années en ce qui concerne les pratiques forestières résultent en partie des préoccupations exprimées par les groupes écologiques qui, il faut le reconnaître, ont influencé de façon très positive dans certains cas l'évolution de notre industrie. Nous en sommes fort contents, mais en même temps, les déclarations qui sont faites sont parfois fausses ou trompeuses.

Nous aimerions vous parler des progrès réalisés dans cette province sur le plan de nos pratiques forestières et de certaines propositions visant à assurer une collaboration plus étroite entre notre secteur et le gouvernement fédéral.

Vous savez déjà l'importance que revêt l'industrie forestière pour le Canada. Le Canada est le premier exportateur mondial de produits forestiers, et sa balance commerciale positive dépend d'abord et avant tout de l'industrie forestière. L'industrie forestière est également le plus important employeur industriel du Canada. Environ 350 collectivités canadiennes dépendent de cette industrie pour vivre. Notre industrie peut également se vanter de sa main-d'oeuvre fortement spécialisée et efficace, main-d'oeuvre dont nous sommes évidemment très fiers. Pour soutenir ce secteur de l'économie, nous avons l'une des meilleures infrastructures du monde. Mais nous voulons surtout insister aujourd'hui sur le fait que nous sommes des chefs de file dans le domaine du développement durable.

• 0840

Et cette industrie joue un rôle particulièrement important en Colombie-Britannique. Notre secteur est à l'origine de presque la moitié des envois de produits manufacturés qui quittent cette province et d'environ 300 000 emplois directs et indirects. Malgré le nombre d'emplois perdus au cours de la dernière année, et dont on parle beaucoup ces jours-ci, il reste qu'un nombre considérable de personnes et de familles dépendent de cette industrie pour vivre. Sur les 350 collectivités dont je vous parlais tout à l'heure qui ont des liens très étroits avec l'industrie forestière au Canada, environ 100 d'entre elles sont en Colombie-Britannique.

Le secteur forestier en Colombie-Britannique est confronté à de nombreux défis. Les coûts sont élevés dans notre province. De plus, nous avons des problèmes de marché en ce moment, notamment à cause du recul du marché asiatique. Tous ces facteurs ont compromis notre position concurrentielle sur les marchés mondiaux, mais ce n'est pas tout. Parmi les autres difficultés que nous connaissons actuellement, notons les efforts que déploient toujours, parfois avec un peu plus d'insistance, différents groupes pour convaincre les consommateurs, les détaillants et les gouvernements, notamment en Europe et aux États-Unis, que les forêts d'où viennent nos produits forestiers ne sont pas exploitées de manière durable et que nous nous permettons de détruire les vieux peuplements du monde.

En Colombie-Britannique, ces efforts sont évidemment concentrés sur la forêt ombrophile de la côte de la province, que vous avez vous-mêmes pu visiter au cours de votre séjour ici. Bien que les groupes en question s'intéressent aussi à la forêt boréale et à d'autres écosystèmes de la province, leurs campagnes vont évoluer avec le temps et cibleront beaucoup plus la forêt intérieure.

Il s'agit d'ailleurs de campagnes très sophistiquées et bien financées. Elles ont tendance à répandre de fausses informations ou des demi-vérités concernant nos pratiques de gestion forestière, menaçant ainsi des milliers d'emplois au Canada et la stabilité de nombreuses collectivités, comme nous vous l'avons déjà expliqué. Le plus souvent ils prétendent que l'industrie forestière détruit les forêts, sans pour autant tenir compte du fait qu'à l'heure actuelle, le territoire pouvant être exploité à des fins commerciales augmente au Canada.

D'ailleurs, il n'y a pas que les groupes écologiques qui présentent un danger pour notre secteur. Il y a évidemment tous ceux qui fabriquent des produits qui peuvent éventuellement remplacer les produits forestiers. Ainsi les secteurs de l'acier, du plastique et du béton cherchent tous à profiter de la publicité négative faite à l'industrie forestière dans le cadre de ces campagnes écologiques. Elles permettent évidemment à d'autres secteurs industriels d'affirmer que leurs produits sont plus écocompatibles que les nôtres.

Mais quelle est la réalité? La Colombie-Britannique a une superficie totale d'environ 95 millions d'hectares. Seulement 24 p. 100 de cette superficie est désignée pour l'utilisation à des fins commerciales. Or, la totalité de ces 24 p. 100 ne sera jamais exploitée. Une multiplicité d'utilisations sont prévues pour ce territoire, qui fait d'ailleurs l'objet d'une planification soigneuse assujettie à l'examen du public, de pratiques forestières rigoureuses et d'activités de gestion forestière conçues par des professionnels, y compris le reboisement.

En 1992, la Colombie-Britannique a adopté une stratégie de création de zones protégées, qui est fort complète. Cette stratégie visait à faire passer de 6 à 12 p. 100 la proportion du territoire provincial consacré aux réserves et parcs naturels. Dernièrement, la proportion du territoire utilisé à cette fin a dépassé les 11 p. 100. Les réserves et parcs naturels qui sont créés progressivement représentent environ 800 000 hectares chaque année.

Pour des fins de comparaison, notons que les États-Unis ont pris des mesures pour protéger environ 4,7 p. 100 de leur assise territoriale, l'Australie, 4,2 p. 100, et la Suède, 3,2 p. 100. Lorsque la Colombie-Britannique aura atteint son objectif, elle aura réussi à protéger plus de 11 millions d'hectares, soit la superficie combinée du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.

Les campagnes menées par les groupes écologiques contre l'industrie forestière de la Colombie-Britannique mettent surtout l'accent sur les vieux peuplements. Or, grâce aux zones protégées, il sera possible de protéger environ 3,2 millions d'hectares de vieux peuplements lorsque tous les éléments de la stratégie auront été mis en oeuvre. Cette dernière vise tout particulièrement à protéger la plus importante forêt ombrophile côtière du monde, soit la Kitlope Heritage Conservancy, créée d'ailleurs en étroite collaboration avec la société West Fraser.

• 0845

La Colombie-Britannique mène de nombreuses activités d'aménagement du territoire. Ces activités ont pour objet de permettre aux intéressés d'exprimer leurs vues sur l'utilisation des sols dans certaines zones. Il convient de vous signaler, d'ailleurs, qu'il arrive fréquemment que ces groupes écologiques refusent de participer aux consultations qui sont tenues relativement à l'aménagement du territoire, puisqu'ils préfèrent, semble-t-il, passer par les médias pour présenter leurs points de vue.

Dans la région côtière centrale, que vous avez pu visiter, un important exercice d'aménagement du territoire est actuellement en cours dont vous avez peut-être entendu parler, exercice auquel Greenpeace, par exemple, a refusé de participer. Plus de 80 p. 100 de la province est visée par des plans d'occupation des sols qui sont déjà approuvés ou sont en voie d'élaboration. Il s'agit, entre autres, d'importants plans régionaux, comme le plan d'occupation des sols pour l'île de Vancouver, et de toute une série de plans de gestion régionale qui sont exécutés au niveau infrarégional.

De plus, les Premières nations ont fréquemment participé au processus d'aménagement du territoire. On affirme souvent qu'elles n'y ont pas participé. Mais vous connaissez déjà les diverses initiatives provinciales et fédérales visant à régler les revendications territoriales de divers groupes autochtones dans la province qui ne sont pas visés par des traités. Il convient d'ailleurs d'insister sur le fait que de nombreuses entreprises forestières ont des contrats commerciaux avec les Premières nations qu'elles exécutent activement, dont la plupart amènent les Autochtones à participer étroitement à la planification des activités des entreprises. Par exemple, nous avons établi une coentreprise avec la Première nation de West Moberly dans deux zones différentes d'approvisionnement forestier du nord-est de la province.

En 1995, on a introduit le Code des pratiques forestières de la Colombie-Britannique. Il est bien connu pour son exhaustivité et les normes rigoureuses qu'il établit. Ce code vise 94 p. 100 des terres de la Couronne situées en Colombie-Britannique. Cependant, avec l'accord des propriétaires de terrains boisés privés, cependant, des règlements sur les pratiques forestières visant les boisés privés seront bientôt mis en place.

Aux termes du Code, les plans d'aménagement forestier doivent être approuvés par des aménagistes forestiers professionnels, et en Colombie-Britannique, comme dans bon nombre d'autres provinces, d'ailleurs, les pratiques des aménagistes forestiers sont régies par les dispositions d'une loi qui traite spécifiquement de la question. D'ailleurs, depuis la création du Code des pratiques forestières, l'activité de l'industrie a été tout à fait exemplaire. L'année dernière, le taux d'observation a dépassé 94 p. 100, comme le démontrent les résultats de plusieurs milliers d'inspections prévues et non prévues faites par les divers organismes gouvernementaux qui sont responsables des terrains publics.

Keith Moore, président de la commission indépendante—soit la Forest Practices Board—créée pour vérifier le respect du Code des pratiques forestières par les entreprises et aussi par les gouvernements, a déclaré que la commission a observé une amélioration considérable au niveau des pratiques employées dans la province, comparativement au début des années 90. Ainsi les cours d'eau se trouvant dans les zones de coupe sont à présent mieux protégés dans les parterres de coupe, les chemins qu'on y aménage sont moins larges, et de façon générale, l'exploitation forestière perturbe moins l'environnement dans les zones de coupe. De plus, les chemins sont mieux construits et l'entretien et la désactivation des chemins suivant l'exploitation sont suivis de beaucoup plus près qu'auparavant. Donc, l'introduction du Code a eu des incidences fort positives.

Mais ce niveau élevé de protection forestière et environnementale coûte cher, soit environ 1 milliard de dollars de plus par année à l'industrie. Il a également eu pour résultat de diminuer quelque peu la possibilité de coupe annuelle. Mais malgré son incidence sur les recettes gouvernementales et sur l'emploi dans les collectivités individuelles, nous tenons à assurer cette protection parce que c'est notre devoir de le faire.

• 0850

Maintenant je voudrais vous parler des mesures précises prises par l'industrie forestière. En plus des mesures obligatoires, si on peut dire, l'industrie mène de sa propre initiative de nombreuses autres activités, y compris des excursions dans la forêt comme celles que vous avez faites vous-mêmes pour permettre aux clients et à d'autres intéressés d'observer eux-mêmes nos activités sur le terrain, là où ils sont bien placés pour juger des véritables effets de ces dernières.

De nombreuses entreprises en Colombie-Britannique participent à des programmes d'accréditation visant à établir, sous réserve d'une vérification indépendante, que leurs pratiques forestières sont respectueuses de l'environnement. L'industrie a d'ailleurs participé étroitement à l'élaboration du programme de gestion durable des forêts de l'Association canadienne de normalisation. MacMillan Bloedel est devenue récemment la première entreprise à faire accréditer sa zone d'exploitation du nord de l'île par l'Association canadienne de normalisation. Les boisés de trois entreprises, y compris celle de Paul, sont maintenant accrédités par l'ISO puisqu'il respecte la norme de l'ISO 14001 en matière de gestion environnementale. Une étude récemment menée par l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers indique que d'ici l'an 2003, 60 p. 100 des terres forestières jardinées du Canada seront accréditées.

En outre, le Conseil canadien du bois participe étroitement à l'élaboration d'une campagne de promotion du bois en vue de prouver son engagement vis-à-vis de l'aménagement durable des forêts et de régler les problèmes associés aux produits de remplacement. Le Canada, grâce au rôle de chef de file qu'a joué le gouvernement fédéral dans ce domaine, a participé étroitement à la préparation de nos engagements en matière d'élaboration de normes, normes en vertu desquelles nous pourrons être accrédités. Le processus de Montréal, qui a suivi le Sommet de la Terre tenu à Rio de Janeiro en 1992, en est un bon exemple, comme l'est d'ailleurs la participation permanente du Canada au Forum intergouvernemental sur les forêts. Le Conseil canadien des ministres des Forêts a également joué un rôle très important dans ce contexte.

Mais malgré les importantes mesures déjà prises par le gouvernement fédéral, il y a à notre avis un certain nombre d'autres domaines où nous pourrions collaborer de façon positive.

Même si le gouvernement fédéral organise des missions commerciales depuis très longtemps, il nous semble approprié d'envisager d'élargir ces activités, afin que les représentants de l'industrie puissent visiter les différents pays du monde pour faire la promotion de nos produits forestiers et pour aider nos clients à comprendre la nature de nos activités forestières.

Nous pourrions créer des postes d'agents commerciaux spécialisés dans le secteur forestier dans les régions du monde où il existe des marchés importants pour nos produits, comme les États-Unis, l'Europe, le Japon, etc., et ce pour soutenir et promouvoir l'industrie forestière canadienne.

Il faut assurer en permanence la formation des délégués et agents commerciaux—et je sais qu'ils reçoivent déjà de la formation—travaillant dans les diverses missions pour qu'ils puissent être des porte-parole et défenseurs efficaces de l'industrie. À cet égard, nous pouvons être utiles.

Il faudrait également élargir le programme canadien de visites des forêts de façon à l'offrir aux représentants des médias, aux intervenants clés et aux différents groupes de clients qui importent des produits forestiers. Nous proposons par conséquent l'organisation de tournées de conférences qui seraient données par les représentants de l'industrie et des syndicats et collectivités concernés dans les régions du monde qui revêtent une grande importance pour nous sur le plan commercial.

Il faut également favoriser l'accréditation des entreprises forestières, par le truchement des programmes auxquels j'ai fait allusion tout à l'heure, et ce en encourageant le Conseil canadien des ministres des Forêts et des gens comme le ministre Goodale à poursuivre leurs efforts en ce sens.

Nous aimerions également proposer que le gouvernement fédéral continue de financer le Service canadien des forêts et ses programmes de recherche qui doivent nous permettre de mieux comprendre les écosystèmes forestiers et d'améliorer ainsi nos pratiques forestières.

Le ministre Goodale a également déclaré que le gouvernement est résolu à travailler de très près avec l'industrie pour s'assurer que les méthodes d'accréditation des entreprises forestières sont justes et équitables et n'entraînent pas de distorsion du commerce. Nous appuyons vivement cette initiative et nous l'encourageons à poursuivre ses efforts en ce sens.

• 0855

Nous appuyons également la proposition du Service canadien des forêts visant à établir des équivalences pour les systèmes d'accréditation, pour permettre la reconnaissance du régime de l'Association canadienne de normalisation, par exemple, dans d'autres régions du monde, comme l'Europe où il existe peut-être un autre régime d'accréditation—le système paneuropéen actuellement en voie d'élaboration, par exemple. Autrement dit, nous ne voulons pas que l'accréditation soit un obstacle technique au commerce.

Voilà qui termine nos remarques liminaires. Je tiens à vous remercier une fois de plus de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos vues sur la question et, bien entendu, Paul et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé, et surtout pour cette série de propositions.

M. Duncan sera notre premier intervenant.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci infiniment de votre présence aujourd'hui.

On entend souvent dire, par rapport à l'industrie forestière de la Colombie-Britannique, qu'elle a besoin d'une production axée beaucoup plus sur la valeur ajoutée. Je sais que pendant les années 90, les entreprises ont manifesté un intérêt grandissant pour ce type de production. Peut-être pourriez-vous nous donner une idée du degré d'expansion de ce secteur en Colombie-Britannique depuis, mettons, 1990.

M. Kenneth Higginbotham: Je ne peux pas vous donner un chiffre précis, entre autres parce qu'il n'est pas facile de définir la production à valeur ajoutée. Par exemple, notre entreprise a augmenté sa production de ce que nous appelons le bois d'oeuvre avivé. Si nous avons pris cette décision, c'est parce que l'un de nos plus importants clients, The Home Depot, veut du bois d'oeuvre de qualité supérieure, étant donné que les gens arrivent au magasin et achètent les produits qui sont disponibles sur place. Ainsi nous pouvons vendre un produit de meilleure qualité, par rapport aux 2x4 ordinaires, par exemple. En ce qui nous concerne, c'est un exemple d'une production à valeur ajoutée.

Mais si vous parlez plutôt de l'industrie manufacturière secondaire, il ne fait aucune doute que l'utilisation de bois d'oeuvre de qualité inférieure et d'autres matériaux qui ont pu être brûlés ou rejetés dans le cadre d'un autre processus de fabrication est à la hausse, justement pour permettre la fabrication de produits de valeur supérieure. Évidemment, les entreprises de la Colombie-Britannique ont été les premières à fabriquer des produits pour des marchés précis, comme le marché japonais, par exemple.

M. John Duncan: Très bien. J'ai entendu parler d'un taux de croissance 10 fois plus élevé pour les produits à la fois haut de gamme et bas de gamme. Donc, je me demandais si vous auriez des estimations à nous fournir à cet égard.

M. Paul Perkins (vice-président, Terrains forestiers et Planification stratégique, Weyerhaeuser Canada Ltée): La meilleure estimation que je puisse vous fournir, et à mon sens, la meilleure façon de faire une estimation serait de se fonder sur le volume de bois d'oeuvre que nous vendons aux entreprises manufacturières secondaires ou au secteur de fabrication des produits à valeur ajoutée. Au cours des 10 dernières années, le volume de bois d'oeuvre vendu aux entreprises manufacturières secondaires en Colombie-Britannique est passé de 7 p. 100 à 21 p. 100 de nos volumes.

Cette évolution tient peut-être en partie à l'incidence de l'Accord sur le bois d'oeuvre et au déplacement des lieux de fabrication des produits. Donc, dans ce sens-là, les chiffres ne nous disent pas tout.

M. John Duncan: Très bien. Je n'ai pas l'intention de vous parler de l'Accord sur le bois d'oeuvre, étant donné que le comité a déjà reçu le mandat d'examiner cette question précise à l'automne.

M. Paul Perkins: C'est très bien.

M. John Duncan: Je continue.

Vous avez parlé de certaines zones importantes qui constituent désormais des réserves naturelles en Colombie-Britannique; vous avez dit que ces zones représentent une superficie de 11 millions d'hectares et qu'il existe également 3,2 millions d'hectares de vieux peuplements. Je crois comprendre que les groupes écologiques ont tendance à cibler surtout la Colombie-Britannique, même si la situation est très semblable dans la zone sud-est de l'Alaska et d'autres régions, alors que ces régions-là ne sont pas ciblées de la même façon. Avez-vous compris la même chose que moi?

M. Kenneth Higginbotham: Il faut dire que nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi nous sommes toujours ciblés par ces groupes-là. Il ne fait aucune doute que d'autres régions ont également été ciblées. Par le passé, certains groupes écologiques ont ciblé les zones forestières de la côte des États de Washington et de l'Oregon, et certains diraient peut-être que c'est maintenant notre tour.

• 0900

Il est vrai aussi, dans une certaine mesure, que vu la population importante qui se trouve dans les zones côtières de la Colombie-Britannique, il est plus facile de capter l'attention du public, ce qui est essentiel pour assurer le succès de ces campagnes. Il est possible que la population et la présence médiatique ne soient suffisantes dans des régions comme le sud-est de l'Alaska pour mener à bien ce genre de campagnes. Il reste qu'ils ont eu des problèmes là-bas. Je sais, pour avoir parlé à des élus et des représentants de l'industrie dans ces régions, que les efforts de ces groupes écologiques ont eu une importante incidence sur les activités d'exportation, notamment dans les terrains publics. Par exemple, nous achetons pas mal de bois à pâte aux entreprises du sud-est de l'Alaska, mais presque la totalité de notre provision vient d'opérations qui se déroulent sur des terrains privés ou des terrains appartenant aux Premières nations.

M. Paul Perkins: Si vous me permettez, je voudrais ajouter quelque chose. En ce qui nous concerne, deux facteurs expliquent le fait que nous soyons une cible aussi intéressante. D'abord, notre régime foncier qui fait que bon nombre de nos terrains sont publics, et deuxièmement, la taille de l'industrie forestière chez nous par rapport à d'autres régions; c'est à cause de ces deux facteurs que nous sommes particulièrement vulnérables.

M. John Duncan: Parce que l'industrie est plus petite ou parce que...

M. Paul Perkins: Non, parce que l'industrie est plus importante et joue un rôle primordial au sein de l'économie.

M. John Duncan: Merci. Ma dernière question, monsieur le président, porte sur l'accréditation. C'est une question importante qui nous intéresse au plus haut point au comité. Quand MacMillan Bloedel a annoncé que les opérations du nord de l'île avaient été approuvées par l'ACNOR, le porte-parole d'un organisme écologique a déclaré que cette prétendue écologisation n'était qu'une vaste supercherie. Autrement dit, que l'accréditation soit devenue le nouveau champ de bataille des groupes écologiques.

Je me demande même comment aborder la question avec vous. Il est clair qu'un effort de coordination des programmes d'accréditation s'impose. En ce qui vous concerne, quel rôle pourrait jouer le gouvernement fédéral dans ce contexte, étant donné qu'il s'agit pour le moment d'une initiative du secteur privé qui devrait sans doute continuer de l'être?

M. Paul Perkins: Je dirais que le gouvernement fédéral a déjà joué un rôle dans l'élaboration des critères fondamentaux devant permettre l'élaboration de normes internationales élevées par le biais de l'exercice de Montréal et de son pendant de l'autre côté du monde, c'est-à-dire le processus de Helsinki, qui nous ont permis d'obtenir de très bons critères. Ils se fondent sur les forêts modèles pour élaborer de bons indicateurs scientifiques qui vont permettre aux entreprises de respecter des critères rigoureux. Voilà en ce qui nous concerne les questions les plus importantes. Mais nous avons déclaré dans nos remarques liminaires que l'une des importantes responsabilités du gouvernement fédéral sera de continuer à faire pression sur les autres pays pour assurer la reconnaissances mutuelle des régimes d'accréditation.

L'accréditation concerne d'abord et avant tout la crédibilité. Comme nous l'avons mentionné dans notre exposé, le Canada est un chef de file sur le plan du véritable développement durable. Pour assurer le développement durable, il faut savoir établir le bon équilibre entre nos responsabilités économiques, environnementales et sociales. Si le Canada peut être un leader mondial dans l'élaboration de procédures publiques adéquates et dans la défense des principes qui vont permettre d'assurer la reconnaissance mutuelle des programmes d'accréditation dans le monde entier... Nous savons fort bien que nous avons besoin de l'appui d'un certain nombre d'ONGE pour que nos propositions en matière d'accréditation soient jugées crédibles. Mais il ne faut surtout pas qu'on se trouve dans une situation où l'accès à nos clients dépende d'un régime d'accréditation contrôlé par quelqu'un qui estime que nous devrions disparaître. À ce moment-là, nous sacrifions nos intérêts économiques.

Le président: Merci beaucoup.

Joe, c'est à vous maintenant, et ensuite ce sera le tour d'Yvon.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et bienvenue, messieurs. Merci d'avoir accepté de venir nous parler ce matin.

Monsieur le président, si vous me permettez d'abord un petit rappel au Règlement, je constate qu'hier et même depuis le début de ces audiences, nous entendons souvent parler d'une technique forestière qu'est la coupe à blanc. Pendant nos discussions, on nous a dit, tout d'abord, qu'il s'agit d'une pratique forestière inacceptable et, deuxièmement, que sur le plan écologique, cette méthode d'abattage des arbres est fort contestable et devrait donc cesser d'être employée dans le secteur forestier. Cependant, il convient d'insister sur le fait que par le biais de nos audiences, nous avons constaté qu'il existe, dans de nombreuses régions du Canada, des données empiriques très claires, de sources tout à fait indépendantes, qui indiquent que la coupe à blanc dirigée—le terme essentiel étant «dirigée»—peut-être une méthode d'exploitation forestière tout à fait acceptable et même souhaitable dans certaines zones. C'est un fait établi—et le compte rendu de nos délibérations le prouve—mais il convient tout de même de ne pas perdre de vue cette réalité pendant nos discussions. C'est un élément très important qu'il ne faut pas perdre de vue quand nous parlons d'opérations forestières dans tout le Canada.

• 0905

Cela dit, la réunion à laquelle j'ai assisté à Ottawa, où je vous ai représenté, monsieur le président—c'est pour cela que je n'ai pas pu être parmi vous mardi—était une réunion à laquelle nous avions invité nos amis américains. Je reviens sur l'un des points sur lesquels vous avez insisté tout à l'heure, en déclarant que le gouvernement canadien peut faire une contribution importante en favorisant le commerce sur les marchés asiatiques, mais moi j'estime que nous devons aussi insister sur son rôle vis-à-vis de notre plus important partenaire commercial. L'ambassadeur nous a fait remarquer que nous envoyons des missions commerciales dans le monde entier, mais que nous n'en avons jamais envoyé en Caroline du Nord, alors que c'est l'un de nos plus gros clients, ni dans d'autres États qui achètent beaucoup de produits forestiers fabriqués en Colombie-Britannique ou en Alberta; c'est là que nous avons manqué à notre devoir en tant que nation, d'après lui. Puisqu'il s'agit d'un marché tellement important pour nous, j'aimerais savoir ce que nous devrions faire à votre avis et quelles mesures précises le gouvernement fédéral pourrait prendre pour favoriser la vente de nos produits.

En fait, monsieur le président, il ne s'agit pas simplement de favoriser les ventes. Nous n'avons jamais pris position sur la question. Pourquoi est-ce si important que d'autres marchés étrangers achètent nos produits? Eh bien, par exemple, si quelqu'un utilise du bois de sciage de la Colombie-Britannique pour construire sa maison, il a été prouvé qu'en raison du procédé de séchage et de l'âge du bois, il est possible d'éliminer au moins sept journées de construction pour une maison normale de 1 800 pieds carrés aux États-Unis. Or, ce n'est jamais mentionné dans les magasins de Home Depot ou vous vendez une forte proportion de vos produits. Comment communiquer ce message au public? C'est un message important, à mon avis. Et ni le pays en tant que tel ni l'industrie ne fait ce qu'il faut pour faire passer ce message. Voilà, c'est tout.

Le président: Merci, Joe.

M. Paul Perkins: Je vais essayer de répondre à cette question, Joe, telle que je la comprends. Nous avons fait allusion dans notre exposé liminaire au programme de promotion du bois. Notre approche vis-à-vis des États-Unis, et vous en avez justement parlé, est axée sur l'accroissement de la demande—c'est-à-dire de la consommation globale du bois. En ce qui nous concerne, le bois est un matériau de construction intéressant. C'est une approche qui est axée moins sur la concurrence pure—c'est-à-dire nous contre eux—et davantage sur le désir de promouvoir le bois par rapport aux produits de rechange dans le monde entier. Notre vrai concurrent est à présent l'industrie sidérurgique, qui nous cible directement et cette dernière fait justement le genre d'affirmations dont on parlait tout à l'heure dans ces campagnes de promotion—par exemple, «au lieu d'exploiter un acre de terrain boisé, utilisez plutôt six voitures usagées». À notre avis, ce genre d'énoncé ne repose pas sur de bons principes écologiques. L'énergie consommée de cette façon l'emporterait de loin sur les avantages.

Nous essayons donc de lancer une campagne de promotion qui présente les faits concernant la valeur du bois pour satisfaire les besoins fondamentaux de l'être humain, c'est-à-dire d'une part un abri—ça rejoint ce que vous disiez au sujet du logement—et la communication à l'aide du papier. À notre avis, les représentants de l'industrie des produits du bois au Canada et aux États-Unis doivent trouver le moyen de bien communiquer ce message. Nous sommes convaincus que les administrations fédérale et provinciales pourront jouer un rôle utile sur le plan non seulement de la recherche mais de la communication.

Je n'ai peut-être pas répondu à votre question.

• 0910

M. Joe Comuzzi: Vous n'avez pas répondu à ma question, monsieur Perkins—c'est clair—parce que je ne l'ai pas bien posée.

Le président: Vous aurez une autre occasion tout à l'heure, Joe.

M. Joe Comuzzi: Merci.

Le président: Merci.

Yvon, Alex, et ensuite Philip.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président. J'aimerais, moi aussi, souhaiter la bienvenue aux témoins.

Vous disiez que 24 p. 100 avaient été mis de côté pour l'usage commercial. Vous parlez de 24 p. 100, mais en réalité, l'industrie n'atteint pas ce chiffre. Hier, Greenpeace est venu témoigner et nous a signalé que l'industrie ne tenait pas compte des quotas et dépassait les 24 p. 100 ou le pourcentage alloué. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

M. Kenneth Higginbotham: Pour répondre à votre question, je ne crois pas que l'industrie dépasse les pourcentages fixés dans les zones réservées par le gouvernement pour l'exploitation forestière commerciale. Il faut se rappeler que l'un des arguments des groupes écologiques—et c'est peut-être pour ça qu'il est important d'avoir un système de zones protégées—c'est que les 24 p. 100 visent les terrains les plus productifs où se trouvent les meilleurs sols, etc., alors que les zones non réservées ne contiennent que des cailloux, de la glace et de l'eau. C'est vrai dans une certaine mesure, et à mon avis, c'est l'une des raisons pour lesquelles l'industrie a appuyé jusqu'à un certain point le système de zones protégées, pour garantir que toutes les zones différentes qui doivent être protégées puissent l'être.

De plus, d'autres terrains demeurent inexploités à l'heure actuelle, comparativement aux années précédentes, à cause des normes qu'impose le Code des pratiques forestières. Par exemple, les zones tampons avoisinant les cours d'eau et les lacs sont beaucoup plus grandes maintenant qu'elles ne l'ont jamais été par le passé. Par conséquent, les normes actuelles et les objectifs du Code des pratiques forestières devraient en réalité mieux répondre maintenant aux préoccupations de certains groupes écologiques, tels que Greenpeace.

[Français]

M. Yvon Godin: Vous avez parlé de missions commerciales. Le gouvernement et l'industrie se déplacent pour faire la promotion de l'industrie.

Ne pensez-vous pas que les représentants des travailleurs pourraient participer à une telle tournée, de même que des représentants des Premières Nations? Lorsqu'il s'agit de travail d'équipe, de faire de la promotion au plan mondial et d'aller dans d'autres pays avec lesquels on fait affaire, on dirait qu'il n'y a que deux voix qui peuvent s'exprimer: le gouvernement et la compagnie. Puisqu'on dit souvent que le gouvernement partage le lit des compagnies, je ne pense pas que ce soit une bonne promotion.

Si on veut faire une vraie promotion, ne devrait-on pas y faire participer tous les joueurs?

[Traduction]

Le président: Merci, Yvon.

M. Paul Perkins: Votre idée est excellente. Certaines des missions qui ont remporté le plus de succès incluaient parmi leurs participants des représentants des employés et des membres des Premières nations. Par contre, je pense que l'objectif de la mission doit être très clair: il ne s'agit pas de transporter notre débat à l'étranger, chez nos clients. L'objectif de la mission doit être de rehausser la crédibilité de la position canadienne, et non pas de débattre le pour et le contre de telle approche en Allemagne ou ailleurs. Donc, malgré cette petite réserve, je dirais que c'est une excellente idée.

• 0915

M. Kenneth Higginbotham: Si je peux évoquer une autre raison pour laquelle ce serait une bonne idée, à l'heure actuelle, plusieurs entreprises forestières en Colombie-Britannique qui sont représentées par le Conseil des industries forestières, l'IWA et le gouvernement de la Colombie-Britannique envisagent à l'heure actuelle de conjuguer leurs efforts pour lancer une campagne de promotion et de commercialisation des produits forestiers de la Colombie-Britannique à l'étranger. Donc, un partenariat entre le syndicat et l'industrie est en train de se concrétiser en Colombie- Britannique.

Le président: Merci beaucoup. C'était une bonne question.

Le prochain intervenant sera Alex, suivi de Philip.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'essaie de comprendre la problématique du point de vue de la clientèle, car c'est justement cette clientèle qui est ciblée par les deux camps à l'heure actuelle. Le problème concerne-t-il le fait qu'on exploite les vieux peuplements plutôt que la revenue, ou plutôt nos pratiques forestières par rapport à celle d'autres pays?

M. Paul Perkins: Pour ce qui est de la clientèle, je devrais préciser que je vends des 2x4 depuis pas mal d'années. Les gros clients qui cherchent des produits ne comprennent pas vraiment la problématique. Ils veulent surtout éviter de se sentir coupables d'avoir fait quelque chose qu'ils n'auraient pas dû faire.

Si je ne m'abuse, on vous parlait de l'approche qui consiste non pas à boycotter certains produits mais à en acheter d'autres. Mais pour moi, le résultat est le même. La méthode d'attaque a changé parce qu'il s'est révélé impossible de changer la perception du public, et parce que c'est une question beaucoup trop compliquée. Par conséquent, on s'adresse maintenant directement aux clients, aux fabricants de papier et aux grandes chaînes, comme Home Depot et on sait que ces gens-là ne veulent pas qu'on leur enlève leur clientèle. Ce qui les intéresse, c'est de faire disparaître le problème. Ils savent que la question est complexe et ils ne veulent pas avoir à s'y intéresser.

Mais l'attitude des gens repose surtout sur certaines valeurs. Ils veulent faire ce que leur dicte leur conscience. Ils veulent assurer la survie du monde. Et ils ne veulent surtout pas se sentir coupables d'avoir acheté un produit qui, d'après ce qu'on leur dit, est nuisible. Nous avons à contrer une campagne bien organisée qui repose sur l'idée que le Canada n'est pas crédible dans ce domaine et que certaines pratiques devraient être interdites. C'est un message qui passe bien, parce qu'au fond, les gens veulent faire ce qui est conforme à la morale.

M. Alex Shepherd: Et si je fais ce que me dicte ma conscience—supposons que je sois Home Depot et que je décide d'éliminer votre ligne de produits et de la remplacer par autre chose; est-ce que les pratiques forestières de l'entreprise qui fournit le produit de remplacement sont plus acceptables que les nôtres?

M. Paul Perkins: Mais les préoccupations de Home Depot ne se limitent pas à nous; elles concernent les produits forestiers en général.

Il reste que les produits du bois sont des produits essentiels pour Home Depot. Cette grande chaîne voudrait pouvoir continuer d'acheter les produits forestiers, mais elle ne veut pas les acheter là où il y a des lignes de piquetage ou des gens qui peuvent leur causer des ennuis. Donc, si nos produits posent problèmes, ce n'est pas parce que les produits de remplacement sont meilleurs, mais plutôt parce qu'ils n'attirent pas les protestataires.

Je pourrais remplacer le bois naturel des forêts par le bois de plantation, et ce serait une solution. Cela ne veut pas dire que le bois de plantation est nécessairement plus écologique que le bois qui vient des forêts naturelles; mais le fait de remplacer l'un par l'autre leur permet de régler leur problème.

M. Alex Shepherd: L'autre jour, on m'expliquait que les vieux peuplements produisent des fibres d'une certaine longueur qui sont utilisés dans les industries chimiques, et que l'une de nos entreprises forestières avait perdu un contrat en Europe pour cette raison. Et qu'est-ce qu'ils ont trouvé pour remplacer le produit qu'on proposait? Eh bien, du bois récolté dans une forêt vierge du Brésil. S'agit-il d'un meilleur produit? L'objet de tout ce débat semble être de vous cibler tout particulièrement, mais en réalité, les pratiques forestières associées aux produits de remplacement sont probablement bien pires que les nôtres.

M. Kenneth Higginbotham: Comme le disait Paul tout à l'heure, pour toutes sortes de raisons, on semble mettre l'accent sur l'exploitation des vieux peuplements ou les pratiques forestières utilisées sur les terrains publics, par rapport aux terrains privés. Qu'on parle d'Amérique du Sud ou d'autres pays, il existe un grand nombre de terrains privés, notamment en Europe et en Amérique du Nord où la notion de terrain privé est bien enracinée dans la société. Par conséquent, ces groupes ont beaucoup moins d'impact lorsqu'ils se plaignent des activités menées sur les terrains privés, plutôt que publics.

• 0920

Le président: Merci, Alex.

Voulez-vous intervenir, monsieur Perkins?

M. Paul Perkins: J'ajouterais que sur le plan de la concurrence, je ne peux malheureusement pas vous dire si le produit que vous citez dans votre exemple est meilleur ou non. Si on prend l'exemple des forêts brésiliennes qui ont un cycle de rotation de sept ans et où l'on met l'accent sur l'amélioration des arbres, là les entreprises répondent aux besoins des clients en modifiant le produit qu'ils vendent aux fabricants de papier, alors que nous n'avons pas cette possibilité-là. Nous sommes bien obligés de vendre les produits que nous fabriquons à partir des ressources naturelles.

Le président: Merci.

Monsieur Mayfield, vous avez la parole.

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais remercier ces deux messieurs d'avoir participé à l'étude du comité. J'ai trois questions à poser qui ne sont pas nécessairement liées les unes aux autres mais qui me sont venues à l'esprit pendant que j'écoutais votre exposé tout à l'heure.

Comme vous le dites vous-même, environ 800 000 hectares sont désignés chaque année pour la création de parcs et de zones protégées. Je me dis que nous aurons donc l'occasion de voir ce qui arrive aux terrains qui ne sont pas gérés. Les groupes écologiques pourront peut-être observer eux-mêmes les résultats d'un manque de gestion. J'aimerais vous demander votre avis, pas seulement en tant que représentant de votre entreprise ou de votre organisme, mais en tant que citoyen bien informé et conscient de la situation, sur ce qui pourrait être les effets d'un système prévoyant qu'une aussi forte proportion de notre assise territoriale soit réservée et ne soit donc pas gérée. En ce qui vous concerne, ce système pourrait- il avoir des conséquences pour les citoyens de la Colombie- Britannique que nous ignorons actuellement?

M. Kenneth Higginbotham: Pour moi, le fait de réserver une assez forte proportion du territoire est positif à plusieurs égards. Si nous soutenons ce régime de réserves naturelles en mettant sur pied de bons programmes de recherche ou de surveillance qui nous permettront de savoir quels procédés naturels se déroulent dans ces zones qui ne sont pas directement touchées par l'intervention humaine, peut-être pourrons-nous élaborer des pratiques forestières de substitution qui nuisent moins aux forêts que nous exploitons.

Mais en tant qu'aménagiste forestier professionnel, ce qui me préoccupe le plus à cet égard est la possibilité que ces zones relativement importantes soient propices aux infestations d'insectes, ou à la propagation des maladies ou du feu; c'est-à- dire que le feu pourrait prendre dans certaines zones où il y a un stockage important de carburant, de sorte que le feu se propage et atteigne la forêt commerciale. Par conséquent, en ce qui me concerne, les plans de gestion de ces zones doivent absolument tenir compte de ce genre d'éventuelles difficultés.

M. Philip Mayfield: Je devrais peut-être préciser que ce n'est pas le fait que ces terres soient réservées qui me préoccupe, mais plutôt que le gouvernement qui a décidé d'en faire des parcs naturels n'a peut-être pas les ressources nécessaires pour les gérer de façon adéquate. À votre connaissance, est-il prévu que le gouvernement collabore avec d'autres intérêts pour assurer la bonne gestion de ces zones?

M. Kenneth Higginbotham: Je ne suis pas tellement au courant. Dans le cas de certaines zones protégées en Colombie-Britannique et en Alberta, là où nous menons nos activités, les particuliers ou les groupes peuvent assumer des responsabilités d'administration à l'égard d'un parc naturel ou ce genre de choses. Normalement, il s'agit d'une gestion assez complète—autrement dit, ils n'ont pas besoin de beaucoup d'argent pour le faire. Cependant, certains ont justement fait valoir en Colombie-Britannique que même si la décision a été prise de réserver ces zones, les crédits nécessaires pour protéger la forêt ou faire d'autres types de planification ou de gestion sur le terrain n'ont pas été fournis. C'est certainement une préoccupation.

M. Philip Mayfield: Si vous me permettez de poser encore deux petites questions...

Le président: Très courtes, s'il vous plaît.

• 0925

M. Philip Mayfield: D'accord. Pour ce qui est de la réglementation et des normes que prévoit le nouveau code, j'imagine que la procédure à cet égard n'est pas toujours cohérente. Je me demande dans quelle mesure ça pose problème. Par exemple, les avis sont toujours partagés sur la taille appropriée des zones coupées à blanc. Et il est possible que l'opinion des responsables de la réglementation soit d'ores et déjà en train d'évoluer à cet égard.

Dans quelle mesure c'est un problème pour les gens que vous représentez—c'est-à-dire le fait de ne pas avoir une idée précise des règlements qui s'appliquent ou de l'évolution éventuelle de ces règlements au fur et à mesure qu'on juge approprié de faire des changements?

M. Paul Perkins: Quand les changements sont annoncés pour la première fois... évidemment, la courbe d'apprentissage est assez forte, les gens sont forcément un peu inquiets puisqu'ils doivent essayer de comprendre la nouvelle orientation qui est prévue.

À notre avis, il s'agit d'un processus à long terme pendant lequel nous allons nous renseigner sur les valeurs qu'il faut défendre et respecter. Nous préférerions un système qui ne repose pas sur des règlements prescriptifs mais plutôt sur des résultats précis en matière de gestion. Arrivons-nous à atteindre les objectifs fixés, objectifs qui sont précisés par l'entremise d'une procédure de vérification rigoureuse? Nous devons viser des résultats concrets plutôt que de miser sur les règlements prescriptifs. Nous devons nous demander, par exemple, si nous réalisons nos objectifs en ce qui concerne la qualité du sol et de l'eau.

M. Philip Mayfield: Si je vous pose la question, c'est parce que je me demande s'il y a des possibilités de confusion ou de malentendu entre les groupes écologiques et les groupes qui représentent l'industrie en ce qui concerne l'orientation visée par le biais des changements proposés.

M. Kenneth Higginbotham: Il ne fait aucun doute qu'il existe un certain malentendu entre l'industrie et les groupes écologiques. Si ces derniers décidaient que la coupe à blanc serait acceptable, ils proposeraient nécessairement qu'elle soit pratiquée sur d'aussi petites zones que possible. Par contre, du point de vue de l'industrie, des opérations qui peuvent être menées dans des zones plus importantes coûtent moins cher du point de vue des chemins à construire et des autres activités de développement.

En réalité, si on avait voulu bien gérer les forêts, on aurait probablement dû exploiter des zones de taille très variable, toute petite dans certains cas, et très grande dans d'autres—étant donné que c'est ainsi que Dame Nature crée ses peuplements, que ce soit à la suite des incendies ou non.

Le président: Merci beaucoup.

M. Schmidt aura le dernier mot.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de votre présence, messieurs.

J'apprécie beaucoup la franchise dont vous avez fait preuve en répondant aux questions. C'est vraiment excellent.

Par contre, j'aimerais approfondir un peu la question de l'accréditation, parce que j'ai l'impression qu'elle représente la solution à toute une série de problèmes, y compris celui des préoccupations de Home Depot et de l'opposition de différents groupes.

Monsieur Perkins, vous avez dit que vous ne voulez pas que l'accréditation puisse devenir un argument technique pour empêcher l'exportation du bois d'oeuvre. Je suis d'accord. Par contre, je constate que vous n'avez pas fait allusion dans votre exposé au Forest Stewardship Council et à sa tentative pour assurer l'accréditation des régimes de gestion forestière, etc.

Ma question complète en quelque sorte celle de John. Que faut- il faire pour en arriver au point où un troisième groupe indépendant assume la responsabilité de l'accréditation et puisse vraiment affirmer que telle forêt est bien gérée? À ce moment-là, vous n'êtes plus du tout visé, ni vous ni vos autres concurrents qui disent du mal de vous ou qui font de fausses déclarations au sujet de vos activités. N'est-il pas dans votre intérêt de faire pression sur les autorités pour que ce processus d'accréditation soit implanté le plus rapidement possible? J'ai un peu l'impression que l'industrie veut au contraire retarder ce processus.

M. Paul Perkins: Si c'est l'impression que vous avez, je dois dire que nous avons dû très mal communiquer nos priorités à l'un de nos principaux interlocuteurs, c'est-à-dire le gouvernement.

Notre mémoire comprend un graphique qui indique les progrès réalisés par l'industrie dans ce domaine. Par contre, j'ai l'impression que certains ne comprennent pas à quel point le processus d'accréditation est difficile, si on veut obtenir des résultats valables.

Le processus implanté par l'ACNOR est axé sur une démarche du type ISO qui prévoit tout un régime de gestion environnementale. Pour cela, il faut que l'ensemble des acteurs à tous les niveaux sachent exactement ce que vous cherchez à faire. Cela suppose une intégration importante des principes de base. Or il n'est pas facile ni de réaliser un tel degré d'alignement, ni d'obtenir une bonne note au moment de la vérification.

• 0930

L'industrie a lancé toute cette démarche en 1993. Nous avons investi quelque 2 millions de dollars afin d'aider l'ACNOR... En ce qui nous concerne, c'est un outil très important, mais en même temps, nous savons que cet outil doit être bien conçu. Pour donner de bons résultats à long terme, il faut un régime d'accréditation crédible. Il faut également de bons vérificateurs, et il faut dire que c'est un domaine où il n'est pas facile de trouver des gens qui ont les capacités et connaissances nécessaires pour effectuer ce genre de vérification. Donc, notre crédibilité à long terme dépendra de notre performance, et nous ne voulons certainement pas mettre en péril notre réputation simplement pour profiter de certains avantages dans l'immédiat.

M. Kenneth Higginbotham: Pourrais-je réagir à ce que vous avez dit au sujet du Forest Stewardship Council, monsieur Schmidt? Il ne fait aucun doute qu'au moins dans l'ouest du Canada, nous avons toujours résisté par le passé à ses propositions, surtout à cause de la composition et de la méthode d'administration de ce groupe. Mais nous avons conclu en fin de compte que si c'est ce régime d'accréditation qui va nous permettre d'être crédibles auprès d'un grand nombre de groupes différents, y compris nos clients, nous nous efforcerons d'y adhérer.

Pour ce qui est de notre désir ou non de progresser rapidement dans ce domaine, comme vous le savez sans doute, il nous est impossible de progresser aussi rapidement qu'on le voudrait parce que les normes régionales qui relèvent du Forest Stewardship Council ne sont pas encore en place, et par conséquent nous ne savons toujours pas quelles normes doivent être respectées avant que nous puissions être accrédités.

M. Werner Schmidt: J'aimerais faire une précision. Je ne cherche pas à défendre aucun de ces groupes aux conseils. Il ne s'agit pas de ça. Il s'agit de trouver un organisme tiers qui puisse assurer l'accréditation nécessaire, peu importe que nous adoptions le modèle du Conseil de l'Europe ou l'un quelconque des trois autres modèles.

C'est dans votre intérêt et dans celui du gouvernement de vous assurer que les produits que nous vendons sont certifiés conformes aux normes—c'est-à-dire qu'ils sont récoltés dans des forêts bien gérées—qu'ils sont fabriqués conformément au principe du développement durable et que nous pouvons affirmer avec fierté que nos produits sont des produits de grande qualité. À mon sens, c'est ça que nous visons tous. Il faut donc que l'industrie fasse pression pour mettre en place ce nouveau régime dans les plus brefs délais, parce qu'il y a d'autres concurrents et d'autres produits de disponibles et il faut qu'on puisse affronter cette concurrence.

Le président: Merci.

M. Paul Perkins: En ce qui nous concerne, notre crédibilité sera assurée par l'intervention d'une tierce partie; c'est ça le vrai test. Il nous faut des cabinets comme KPMG, Price Waterhouses ou des experts ou vérificateurs vraiment indépendants qui seront là de bonne foi et auront l'appui d'experts vraiment compétents.

M. Werner Schmidt: Merci.

Le président: Merci beaucoup. J'aimerais remercier les deux représentants du Council of Forest Industries.

Nous allons faire une pause de deux minutes pour permettre aux membres de la délégation de l'IWA de s'installer.

• 0934




• 0936

Le président: J'invite tous les membres à reprendre leur place.

Nous devons prendre l'avion cet après-midi, et par conséquent je vais essayer de respecter l'horaire. Je remercie d'ailleurs les témoins et les membres de s'être montrés si coopératifs jusqu'à présent. Pendant que nous attendons les membres qui sont au fond de la salle, je vais d'abord vous remercier d'avoir accepté de venir témoigner ce matin. Lequel d'entre vous va parler en premier?

Est-ce que c'est vous, monsieur Smith, qui allez présenter l'exposé au nom du groupe? Très bien.

Le greffier vous a sans doute fait savoir que nous voulons vous en tenir à cinq ou 10 minutes pour vos remarques liminaires, pour que les membres aient autant de temps que possible pour vous poser des questions. Là-dessus, monsieur Smith, je vous invite à prendre la parole.

M. Terry Smith (secrétaire-trésorier, Industrial, Wood & Allied Workers of Canada): D'abord, permettez-moi de vous remercier, monsieur le président.

Je voudrais vous présenter les membres de la délégation. Darol Smith représente la section locale 2171. Kim Pollack travaille à notre bureau, et s'occupe de différents dossiers. C'est lui qui va résumer nos mémoires. Darrel Wong est président de la section locale 2171 de notre syndicat, et à ce titre il est responsable de la région centrale de la côte et de l'île de Vancouver.

Cette introduction terminée, je vais demander à Kim de résumer nos mémoires. D'ailleurs, je dois présenter les excuses de plusieurs membres de la délégation qui malheureusement avaient d'autres engagements et n'ont donc pas pu être des nôtres ce matin.

Le président: Je suis convaincu que les membres ici présents seront tout à fait à la hauteur de la tâche.

Kim.

M. Terry Smith: Nous ferons de notre mieux, monsieur le président.

M. Kim Pollack (directeur, Politiques environnementales et gouvernementales, Industrial, Wood & Allied Workers of Canada): Merci. Je crois avoir déjà rencontré la plupart d'entre vous à différents moments.

Depuis six ans, je m'occupe de questions environnementales ici en Colombie-Britannique et à l'échelle nationale.

Comme vous le savez sans doute, l'IWA est membre du Conseil consultatif du secteur des forêts, un organe consultatif fédéral qui dispense des conseils aux ministres Goodale et Manley sur les questions touchant les forêts.

Nous avons participé activement aux consultations sur les projets de loi visant les espèces en voie de disparition, c'est-à- dire non seulement le projet de loi C-65 mais le nouveau projet de loi qui devrait être déposé. De plus, nous nous intéressons très activement, bien entendu, à toute une série de questions environnementales en Colombie-Britannique.

Donc, nous connaissons bien les problèmes associés au secteur forestier. Parfois nous aimerions qu'ils disparaissent, mais nous savons fort bien que cela ne se produira pas, et voilà pourquoi nous sommes là.

Ce matin, nous souhaitons faire une contribution utile à votre examen de la question des pratiques forestières en Colombie- Britannique et au Canada et de la nécessité de commercialiser nos produits forestiers.

Comme vous avez pu le constater en visitant la Colombie- Britannique, l'industrie forestière mène ses opérations sur de vastes étendues en Colombie-Britannique. Nos opérations se déroulent dans toutes sortes de situations et de milieux différents. Certains suscitent relativement peu de controverse, mais dans d'autres cas, c'est l'inverse. Donc, il est important de comprendre, d'entrée de jeu, que nous menons nos activités dans des zones très vastes et que nos membres font forcément face à toutes sortes de situations différentes.

• 0940

Il faut vraiment mettre l'accent sur nos membres, parce que les membres de l'IWA et d'autres travailleurs forestiers représentent quelque 100 000 emplois en Colombie-Britannique, 100 000 familles dans la province dépendent des forêts pour gagner leur vie. De plus, une centaine de collectivités dépendent de l'industrie forestière pour leur survie.

Vous avez déjà rencontré un certain nombre de ces personnes et vous savez donc qu'elles tiennent à ce que l'industrie forestière adopte les principes du développement durable et s'adapte bien à tous les changements très importants qui touchent actuellement notre secteur dans cette région du pays. À bien des égards, cela suppose que les travailleurs forestiers apprennent de nouvelles méthodes d'exploitation, ce qu'ont fait justement nos membres.

Par exemple, nous avons entrepris un programme important de formation vers le milieu des années 90 en vue de mettre en oeuvre le Code des pratiques forestières. Dans certains cas, il a fallu participer aux exercices d'aménagement du territoire, et ça n'a pas été très amusant. Je suis un vétéran de trois consultations entreprises par la Commission des ressources et de l'environnement, et d'une dernière consultation portant sur le plan de création des zones protégées de la vallée du Bas Fraser. À mon avis, tous les membres de notre syndicat qui occupaient un poste de responsabilité ont dû se trouver à une table de négociation au cours des six dernières années pour discuter de l'utilisation des sols. Nous savons fort bien que c'est le prix qu'il faut payer pour bien faire la transition vers une industrie forestière axée sur le développement durable.

Nous nous sommes efforcés de soutenir et d'encourager l'évolution qui a caractérisé l'industrie forestière au cours des dernières années. Nous avons soutenu l'introduction du Code des pratiques forestières lorsqu'il a été mis en oeuvre. Nous avons également soutenu la stratégie relative aux zones protégées, les études de l'approvisionnement forestier, les consultations sur l'aménagement du terrain, etc. Et tout cela nous a coûté des efforts considérables, des emplois qui ont été soit déplacés, soit perdus, et un certain malaise chez nos membres. Donc, tout cela n'a pas été pour nous une partie de plaisir.

Dans une très large mesure, c'est nous qui avons assuré l'adaptation aux changements qui sont survenus. C'est nous qui avons risqué nos vies, nos emplois, nos familles et nos collectivités, non seulement parce que nous souhaitions cette évolution, mais aussi parce que nous savons très bien que c'est ça la voie de l'avenir. Donc, malgré les souffrances et les craintes que nous avons connues, et malgré les emplois qui ont été déplacés pour cette raison, nous avons tenu bon, et si nous sommes là aujourd'hui c'est parce que nous avons besoin d'un peu d'aide, aide que le gouvernement fédéral peut à notre avis nous fournir.

Nous avons besoin d'aide pour nous assurer d'accéder aux marchés internationaux. Nous avons besoin d'aide pour contrer les boycotts dont il a été question pendant vos délibérations, et nous avons également besoin d'aide pour développer les marchés. Nous avons besoin d'aide pour faire les analyses stratégiques qui s'imposent des marchés actuels et potentiels. Nous avons aussi besoin d'aide pour mettre au point de nouveaux procédés et technologies et pour recevoir la formation que cela suppose.

Nous avons besoin d'aide pour protéger nos marchés actuels et pour garantir l'accès à ces marchés notamment dans le contexte des règlements adoptés en Europe sur le nématode du pin, des normes de construction et d'autres mises en place au Japon et—et c'est ça l'élément le plus grave et important de tous—l'Accord sur le bois d'oeuvre conclu avec les États-Unis. Comme vous le savez fort bien, c'est une question qui relève exclusivement du gouvernement fédéral, et c'est justement là que notre industrie peut bénéficier de l'aide du fédéral.

• 0945

Si les députés avaient à communiquer un seul message aux responsables d'Ottawa et au gouvernement, ce serait que nous avons vraiment besoin d'un programme d'action concerté pour favoriser et rehausser la commercialisation des produits forestiers. Comme je vous l'ai déjà dit, les boycotts, aussi sérieux soient-ils, ne représentent qu'un volet du problème.

Comme d'autres témoins, nous nous efforçons de régler la question de l'accréditation des entreprises forestières. IWA Canada participe depuis longtemps aux réunions de consultation organisées par l'Association canadienne de normalisation. De plus, nous avons récemment ouvert un dialogue avec le Forest Stewardship Council. Nous sommes donc tout à fait disposés à prendre les mesures qui s'imposent pour faire avancer la cause de l'accréditation des entreprises forestières.

En même temps, nous avons besoin d'aide pour protéger nos marchés, mettre au point de nouveaux produits et de nouvelles technologies, et obtenir la formation qui s'impose dans ce contexte. Donc, s'il y a un message que j'aimerais vous communiquer aujourd'hui, ce serait que le gouvernement fédéral doit s'intéresser à ce secteur important. Nous qui travaillons dans les forêts, et qui représentons les plus importantes sources de recettes d'exportation et d'emploi, avons besoin de votre aide.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Pollack.

Notre premier intervenant sera John Duncan, qui sera suivi d'Alex.

M. John Duncan: Merci beaucoup.

Dernièrement, j'ai reçu beaucoup de lettres de membres de l'IWA au sujet du bois d'oeuvre grossièrement équarri, et je suis très content d'apprendre que les États-Unis ont reporté à l'automne leur décision sur la question. Il s'agit là des informations les plus récentes que j'aie pu recueillir, et je dois dire que c'est une excellente nouvelle.

C'est d'ailleurs grâce à l'IWA que le comité siège aujourd'hui à Vancouver. Les membres de la section locale 2171 sont venus à Ottawa pour motiver le comité. Donc, nous manquerions à notre devoir si nous n'insistions pas sur le fait que le comité a fait une excellente visite. La plupart des membres du comité ne sont pas de la Colombie-Britannique, et je pense que bon nombre d'entre eux voudront y retourner pour examiner d'autres questions liées aux forêts. Cela me facilite la tâche, d'ailleurs. Nous avons ici trois députés qui viennent de la Colombie-Britannique, ce qui facilite nécessairement le travail du comité.

L'IWA a grandement contribué à avancer le travail d'aménagement du territoire dans la province, et nous en sommes tout à fait conscients. Cette semaine, nous avons visité la région de Cariboo-Chilcotin et la région centrale. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes là.

L'un des témoins précédents—je crois que c'était Paul Perkins—a parlé de normes de gérance environnementale. Il a dit—et je ne crois pas mal représenter ses propos—que de telles normes ne devraient pas être fixées par des gens qui veulent faire disparaître les entreprises forestières.

Faisons la comparaison avec la participation de Greenpeace à l'exercice d'aménagement du terrain dans la région côtière centrale. Greenpeace n'a pas participé à l'exercice de Cariboo-Chilcotin. Il a été possible de parvenir à un consensus sur l'aménagement du terrain dans cette région. À l'heure actuelle, toutefois, on déploie énormément d'efforts pour faire participer Greenpeace aux discussions concernant la région côtière centrale, mais cet organisme a un tout autre mandat. Comment ce dossier va-t- il évoluer, à votre avis? Je sais que je vous pose une question difficile.

• 0950

M. Kim Pollack: Il est toujours difficile de savoir s'il vaut mieux que ces gens-là soient à l'intérieur de la tente ou dehors en train de nous jeter des pierres. Pour ma part, j'ai participé à des exercices d'aménagement du territoire dans les deux conditions. À mon avis, il est possible de trouver des solutions lorsqu'il fait participer les écologistes. En tout cas, nous avons réussi à nous entendre sur le plan d'aménagement des zones protégées visant la vallée du Bas Fraser. Certains groupes écologiques y ont participé, mais d'autres non.

La dynamique est forcément plus compliquée dans ce contexte, mais leur participation nous assure en fin de compte un meilleur produit. J'allais demander à Darrel Wong d'intervenir également puisque la région côtière centrale relève de sa section locale.

M. Darrel Wong (président, section locale IWA 2171, Industrial, Wood & Allied Workers of Canada): J'ai deux remarques à faire à ce sujet. D'abord, si les représentants de Greenpeace et du Sierra Legal Defence arrivent à la table en déclarant dès le départ qu'il ne sera jamais possible de trouver une solution convenable, en ce qui me concerne, ils ne viennent pas vraiment négocier. Si vous êtes vraiment résolu à trouver une solution, vous ne commencez pas par affirmer qu'il n'y a pas de solution possible. Donc, j'ai beaucoup de mal à accepter qu'un organisme ayant reçu ce mandat participe aux consultations sur l'aménagement du territoire.

Je voulais également vous faire remarquer qu'en nous présentant devant le comité aujourd'hui, on voulait surtout être en mesure de vous présenter l'optique nationale, l'optique provinciale et l'optique locale. Darrel et Darol ont tous les deux préparé des remarques supplémentaires, et avec la permission du président, nous aimerions pouvoir faire ces remarques maintenant.

Le président: Oui, allez-y. Vous avez besoin de combien de temps au juste? Je veux juste m'assurer que nous aurons...

M. Darrel Wong: Pour nous deux, un maximum d'environ cinq minutes.

Le président: Très bien. Allez-y.

M. Darrel Wong: Merci beaucoup. D'abord, je tiens à remercier chacun d'entre vous d'avoir fait ce long périple pour venir visiter la Colombie-Britannique et d'avoir pris le temps, malgré vos horaires très chargés, de voir vous-mêmes de quelle façon les membres de mon syndicat local gagnent leur vie.

Depuis votre arrivée, je crois savoir que vous avez visité pas mal de régions de la province, et vous avez donc pu constater vous- mêmes que les arbres repoussent. Vous avez vu, dans les zones qui ont été exploitées il y a 60 ou 80 ans, que les arbres ont à présent 30 ou 32 pouces de largeur et plus de 100 pieds de hauteur. Pour moi, c'est la preuve que l'exploitation forestière va continuer d'être pratiquée. En ce qui me concerne, cette activité pourrait continuer à tout jamais dans la province de la Colombie- Britannique.

Les membres de ma section locale, et je suis sûr qu'il en va de même pour bon nombre de sections locales et de syndicats dans tout le Canada, aiment travailler dans la forêt. Nous faisons du bon travail. Nous sommes très satisfaits des changements qui sont survenus au cours des 10 dernières années, changements qui nous permettent de nous adresser directement au public, à l'échelle nationale et internationale, et de lui dire: Venez nous voir travailler, parce que nous travaillons très bien. Nous respectons les principes écologiques et nous protégeons l'ensemble des espèces qu'on trouve dans la forêt.

Nous avons beaucoup de mal à accepter qu'on refuse absolument de reconnaître les changements positifs qui sont survenus depuis quelques années. Nous sommes les cibles de quelques groupes écologiques radicaux qui déclarent sur la scène internationale que nous ne devrions plus pouvoir vendre nos produits. Tout cela a pour effet de faire disparaître les emplois de bon nombre de membres de ma section locale et d'autres travailleurs de la province, et je suis certain que d'autres régions du Canada sont également touchées. Il n'est pas vrai que nous travaillons mal. Vous avez pu le constater vous-mêmes.

• 0955

Je voudrais conclure en vous remerciant du fond du coeur. Vous pourrez maintenant dire aux gens que vous avez observé la situation vous-mêmes; d'ailleurs, nous avons des preuves. Nous invitons chacun d'entre vous à revenir observer vous-même la réalité. Et si vous connaissez d'autres groupes ou organismes qui s'intéressent à la chose, nous serions très heureux de pouvoir leur faire visiter la forêt afin de dissiper une fois pour toutes les mythes qui circulent au sujet de notre industrie.

Merci.

Le président: Monsieur Smith.

M. Darol Smith (membre de l'exécutif, section locale IWA 2171, Industrial, Wood & Allied Workers of Canada): Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Darol Smith. Je suis employé d'Interfor et représentant de la région côtière centrale au sein de l'exécutif de la section locale 2171 d'IWA Canada.

Depuis six générations, les membres de ma famille gagnent leur vie en exploitant les forêts du Canada. Je suis fier de pouvoir vous annoncer que mon fils travaille comme aménagiste dans la région côtière centrale. Notre famille a toujours pratiqué l'exploitation forestière en respectant les principes du développement durable, et sur le territoire où se situe la maison familiale originale, à quelques kilomètres de Campbellton, au Nouveau-Brunswick, les membres de ma famille continuent à vivre de la forêt.

Je profite de cette occasion pour remercier tous les députés et membres du comité permanent d'avoir pris le temps de venir en Colombie-Britannique pour visiter la région côtière centrale.

Nous sommes d'accord avec l'honorable Ralph Goodale, ministre des Ressources naturelles, qui a déclaré à la Chambre des communes que le Canada a les meilleures pratiques forestières de tous les pays du monde. Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Par contre, Greenpeace tient le discours que voici sur la scène internationale:

    La forêt pluviale du Grand Lac de l'Ours bénéficie d'une protection environnementale minimale de la part du gouvernement du Canada et est systématiquement exploitée et coupée à blanc.

Tous ceux qui sont réunis dans cette salle savent que cette déclaration des représentants de Greenpeace est un mensonge. Ce que nous ne savons pas, c'est la part de marché que nous perdons potentiellement tous les jours en raison de ces fausses déclarations. Il faut absolument prendre des mesures pour contrer ces campagnes destructrices de désinformation menées au sujet des pratiques forestières canadiennes.

Les pratiques forestières de la Colombie-Britannique sont régies par des lois et des règlements qui sont parmi les mesures législatives et réglementaires les plus rigoureuses et complètes du monde. Les pratiques quotidiennes des aménagistes forestiers du Canada sont de calibre mondial. Vous avez d'ailleurs pu le constater vous-mêmes.

Les travailleurs forestiers, leurs familles et les collectivités où ils vivent sont attaqués par des groupes radicaux de conservation qui détruisent les emplois en Colombie-Britannique. Les travailleurs forestiers doivent avoir l'occasion de participer à la recherche d'une solution dans ce dossier très important. Comme pour Équipe Canada, nous devons être des joueurs au même titre que d'autres intervenants clés.

Nous sommes reconnaissants envers le gouvernement d'avoir organisé cette visite pour se renseigner sur ces campagnes internationales de désinformation et de boycott, mais en ce qui nous concerne, il y a un élément important qui manque dans la stratégie de commercialisation canadienne: le travailleur. Or, nous avons constaté, pendant les visites des forêts, que la plupart des visiteurs étaient attirés par les travailleurs et voulaient leur parler. Ils sont convaincus, de toute évidence, que l'optique des travailleurs est importante.

En conclusion, j'exhorte le comité parlementaire permanent à recommander, dans le rapport qu'il déposera devant la Chambre des communes, que les travailleurs de la région côtière centrale soient invités à participer aux missions commerciales et tournées de conférences organisées par le Canada.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, messieurs Wong et Smith. Nous allons rouvrir la période des questions.

Je donne tout de suite la parole à Alex, et j'essaierai également de vous donner un tour, John.

M. Alex Shepherd: Plus nous approfondissons la question, plus j'ai l'impression que l'essentiel est de savoir bien faire passer son message au public. Il est assez facile de montrer comment on abat un arbre. C'est un message qu'on voudrait négatif. Je me demande donc ce que vous pouvez faire pour mieux communiquer votre message.

J'ai parlé à des bûcherons dans la forêt et à des gens qui ont perdu énormément de temps et d'argent à cause de l'incidence de ces campagnes sur leurs familles. Je me demande s'il serait possible d'adopter une approche holistique à cet égard. Par exemple, il serait bien de pouvoir faire comprendre à la population que chaque fois qu'une publicité faite par un de ces groupes est publiée par un journal, tant de collectivités en Colombie-Britannique en subissent les contrecoups, tant de personnes perdent leurs emplois, et tant de collectivités se voient privées de leurs ressources et de leur gagne-pain.

Comment peut-on communiquer ce message à la population? Comment trouver une façon simple de faire comprendre aux gens que chaque fois que quelqu'un fait quelque chose de négatif... Si je ne m'abuse, vous avez parlé d'une action collective intentée au sujet du temps d'inactivité.

• 1000

Donc, que faut-il faire à votre avis pour communiquer ce message?

M. Kim Pollack: Nous avons remis aux membres du comité une copie de la politique forestière nationale de l'IWA Canada. C'est le beau document qui ressemble à ça. L'un des principaux thèmes de cette politique est l'équilibre, c'est-à-dire la nécessité de protéger l'environnement, de préserver le caractère et les valeurs biophysiques des forêts, mais aussi la nécessité de créer des emplois. Donc, cette politique traite des emplois, des familles, des collectivités, et de la nécessité de permettre aux gens de vivre de la terre.

Quand les gens ont l'occasion de voir la chose sous cet angle- là, il leur est plus facile de comprendre qu'il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre et que personne ne peut vivre de la terre sans qu'il y ait certaines incidences environnementales. Il faut surtout s'assurer de réduire au minimum ces incidences et de prendre les mesures qui s'imposent pour préserver ou remettre en état les écosystèmes tout en permettant à des centaines de milliers de personnes au Canada de gagner leur vie. Les forêts constituent la plus importante source de recettes d'exportation au Canada. Il ne s'agit pas de choisir; nous n'avons pas à faire un faux choix entre la protection environnementale et une industrie massive qui constitue le moteur de l'économie de quelque 300 collectivités au Canada.

M. Alex Shepherd: Je ne parle pas tellement de l'économie intérieure; à mon avis, les résidents de la Colombie-Britannique comprennent très bien que ces campagnes peuvent avoir des effets négatifs. Je parle plutôt de la scène internationale, où se déroulent la plupart de ces campagnes.

Par exemple, si j'étais gérant d'un magasin Home Depot, le seul message que je recevrais jamais ici, ce serait que nous abattons les vieux peuplements de la Colombie-Britannique et que cette exploitation forestière est fort nuisible. C'est le seul message qui passe. Mais si on faisait comprendre aux consommateurs non seulement que nos pratiques forestières sont excellentes, mais que chaque fois que des décisions de ce genre sont prises, les collectivités de la Colombie-Britannique en subissent les contrecoups... C'est ça le message qu'il faut leur communiquer.

M. Kim Pollack: Avant de céder la parole à Darrel Wong, qui voudrait également répondre, je me permets de vous rappeler, puisque cela me paraît primordial—et Darol Smith y a fait allusion il y a quelques instants—que lorsque des groupes qui comprennent des travailleurs et des membres des Premières nations vont à l'étranger, ce sont les travailleurs et les membres des Premières nations qui ont le plus d'impact, semble-t-il, surtout auprès des Européens mais aussi auprès d'autres groupes à l'étranger. Il faut absolument insister sur l'élément humain de la situation. Voilà les gens—qui sont d'ailleurs devant vous aujourd'hui—qui subissent les contrecoups de ces campagnes et qui vont en payer le prix.

M. Darrel Wong: J'ai deux points à soulever par rapport à votre question. D'abord, le Canada fait déjà pas mal de publicité à l'étranger par l'entremise de ses ambassades. L'inconvénient, c'est que la majorité des gens qui travaillent dans les ambassades n'ont sans doute pas une bonne compréhension de l'activité forestière, notamment dans le cas des produits forestiers fabriqués en Colombie-Britannique. Donc, même si vous avez une excellente structure internationale pour communiquer ce message, les personnes qui sont chargées de le faire connaissent mal notre industrie. Par contre, si nous avions l'occasion de leur transmettre nos connaissances pour qu'ils s'en servent efficacement, nos arguments seraient peut-être mieux accueillis dans certaines régions du monde et nous serions également plus à même d'élaborer des stratégies de commercialisation collective qui permettent de régler certains des problèmes.

• 1005

Le deuxième point que vous avez soulevé concerne une action judiciaire. Il est vrai que nous avons intenté une action il y a plus d'un an—en fait, ça doit faire près de deux ans maintenant—parce que Greenpeace et Forest Action Network ont érigé un barrage routier à cause duquel nos membres sont restés bloqués sur l'île Roderick pendant une dizaine de jours et sur l'île King pendant près de 20 jours. Cela a coûté 170 000 $ de salaires et d'avantages sociaux à nos membres, alors que la grande majorité d'entre eux avaient été inactifs pendant un bon moment et venaient tout juste de reprendre le travail. Nous avons donc intenté des poursuites ici en Colombie-Britannique contre Greenpeace en avril de l'année dernière, et Greenpeace a réussi à convaincre le juge qu'il faut en réalité tenir un procès en bonne et due forme pour que nous puissions récupérer les salaires et avantages sociaux de nos membres. Et c'est ça que nous comptons faire.

Le problème, c'est qu'au lieu d'avoir 7 000 membres, depuis février nous n'en avons plus que 3 000 qui travaillent, et nous ne disposons pas des ressources requises pour poursuivre l'action judiciaire qui sera nécessaire pour récupérer de la part de Greenpeace les salaires et avantages sociaux dont nos membres ont été privés. Nous envisageons toujours d'aller de l'avant. Mais la stratégie de Greenpeace est une bonne indication de son désir d'aider les travailleurs.

Le président: Merci, Alex. Nous essaierons de reprendre cette discussion si possible, mais je veux tout de même donner à tous les membres l'occasion de poser des questions.

Yvon, vous avez la parole.

[Français]

M. Yvon Godin: Premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre réunion de ce matin. Je crois que les démarches que vous avez entreprises sont importantes. Comme mon collègue John Duncan le disait tout à l'heure, vous êtes venus à Ottawa et vous avez peut-être mis en marche la machine pour que nous venions ici ainsi que pour la tenue des rencontres à mon bureau ainsi que celles qui ont eu lieu dans d'autres bureaux de députés. Ce qui est également important, c'est que nous ayons eu la chance d'aller voir les sites et ayons été mesure de juger le travail qui avait été fait.

J'aimerais aussi vous remercier pour le livre que vous nous avez donné hier. Lors de la soirée d'hier et même ce matin, j'ai pris la peine de le consulter et de voir les exemples de 1978 et 1994, ou ceux de 1950, 1995 ou de 1998. Cela démontre l'effort qui a été fait par l'industrie. Une chose que je peux vous dire, c'est que malgré toutes les difficultés que vous avez, je suis un peu jaloux de la situation qui prévaut dans l'industrie de la forêt. Un arbre, contrairement à une mine, peut se remplacer. Il faut reconnaître cette réalité.

Vous nous faites une demande: si nous allons dans d'autres pays pour faire de la promotion, vous voulez être partenaires de cette entreprise. Vous dites que vous avez une histoire à raconter à propos de ceux qui travaillent dans l'industrie. Vous indiquez que vous êtes capables de représenter les travailleurs partout dans le monde si le gouvernement et l'industrie se rendent à l'étranger pour aller vanter notre produit ou notre manière de travailler.

J'ai été un peu déçu ce matin par les témoignages que nous avons entendus. C'est comme si ce groupe-là était plus pessimiste. Il ne veut pas qu'on aille laver notre linge sale ailleurs. J'ai considéré que c'était en quelque sorte un manque de confiance.

[Traduction]

Quand j'ai soulevé la question, il m'a dit qu'il n'y était pas vraiment opposé, mais qu'il ne souhaitait pas qu'on aille à l'étranger pour laver notre linge sale. Il me semble que les Canadiens, les travailleurs peuvent laver leur linge ici. Quand ils vont à l'étranger, ils ont tous le même objectif—essayer de promouvoir l'industrie. Mais je voudrais simplement savoir si c'est vraiment important.

Comme je l'ai déjà dit, j'aurais beaucoup de question à vous poser, mais notre temps est limité. Celle-ci m'apparaît cependant bien importante, car c'est pour ça que nous sommes venus en fin de compte—pour vous écouter; c'est-à-dire les représentants de l'industrie, des travailleurs, et de tous les groupes, que ce soit Greenpeace ou un autre groupe écologique... pour ensuite prendre une décision et préparer un rapport.

Mais je voudrais savoir ce qu'on peut faire pour promouvoir l'industrie dans d'autres pays, pour qu'ils apprécient ce qu'on fait et pour qu'ils nous fassent confiance. J'ai l'impression qu'ils ne nous font pas confiance. Donc, j'aimerais savoir quelle importance vous attachez à ces démarches-là.

• 1010

Le président: Merci, Yvon.

M. Kim Pollack: Yvon, à mon avis, nous n'avons pas de linge sale. Vous avez pu vous-même constater la situation qui existe sur le terrain. Vous avez vu vous-même la régénération qui est en cours dans la forêt. Vous avez vu la façon dont travaillent nos membres et à quel point ils sont fiers de ce travail qu'ils accomplissent avec compétence. Donc, nous n'avons pas de linge sale. Nous avons au contraire une histoire importante à raconter. Nous sommes sans doute la plus grande nation forestière du monde.

Nous avons apporté des changements considérables à nos techniques forestières grâce aux nouvelles informations que nous avons reçues. Nous soutenons des milliers de personnes ici en Colombie-Britannique—plus de 300 000 emplois directs et des centaines de milliers d'emplois indirects. Nous gagnons notre vie grâce à l'industrie forestière, et nous sommes très fiers de notre travail. Il n'y a pas de linge sale. Nous faisons au contraire un excellent travail, et c'est ce que nous devons crier sur tous les toits. Si quelques Canadiens, pour diverses raisons, n'aiment nos techniques, nous sommes tout à fait disposés à nous asseoir avec eux pour leur expliquer notre travail et essayer de les faire entendre raison. Mais si cela ne donne rien, c'est dommage, mais nous n'avons absolument rien à cacher. Nous avons au contraire une histoire importante à raconter.

M. Yvon Godin: Pour que ce soit clair, si j'ai soulevé la question, c'est parce que les témoins précédents ont dit qu'ils sont bien d'accord pour qu'on emmène les représentants de différents secteurs avec nous à condition de ne pas y aller pour laver notre linge sale. C'est pour ça que j'ai fait cette remarque.

Mais pour mettre de côté la question du linge sale, parce qu'à mon avis, il n'y aura peut-être pas de place pour vous et je me demande donc s'il y a quelque chose que vous pouvez faire de votre côté... c'est justement cet élément-là qui suscite les controverses. À votre avis, est-ce que cette démarche aura des résultats importants si tous les partenaires de l'industrie font front commun? Pour moi, c'est ça l'idée; c'est-à-dire que si vous ne présentez que le point de vue des entreprises qui veulent faire de l'argent—parce que c'est justement ça que nous avons constaté, mais comme je le faisais remarquer ce matin aux témoins précédents, le gouvernement l'a également constaté; ce dernier aimerait bien défendre l'industrie, mais les autres intervenants clés, c'est-à- dire les travailleurs et les représentants des travailleurs, ne sont pas invités à participer. N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il manque un maillon de la chaîne, et dans l'affirmative, quand sera-t-il possible de combler cette lacune?

M. Terry Smith: Oui, tout à fait. Pour vous donner une réponse très rapide, je dirais que vous avez parfaitement raison. Si tous les intéressés—le gouvernement fédéral, les travailleurs et les autres intervenants—sont tous sur la même longueur d'onde et si nos pratiques forestières sont effectivement de calibre mondial, à ce moment-là, il ne s'agit pas de laver son linge sale en public. Il s'agit simplement de faire comprendre aux gens que nous ne sommes pas des sauvages qui détruisent les forêts et font tout de travers et, qui plus est, que nous faisons l'objet de règlements très rigoureux qui empêchent ce genre de chose.

Toutefois, d'autres personnes, qui défendent la position inverse, ont décidé qu'il ne faut plus jamais abattre un arbre au Canada, point final. C'est tantôt une région du pays qui est attaquée, tantôt une autre. Le problème—et on en a parlé tout à l'heure, il me semble—c'est que le client qui achète les produits forestiers au Canada n'aime pas voir des manifestants devant un magasin en train de faire un scandale, et il faut donc prendre les mesures qui s'imposent pour avancer nos arguments et bien nous défendre, que ce soit ici ou ailleurs. À mon avis, nous avons des arguments très solides à présenter.

Le fait est que les travailleurs semblent avoir un impact différent, par rapport à des élus, par exemple, quand ils vont à l'étranger pour présenter leur point de vue. Dans bien des cas, les gens se rendent compte que les travailleurs sont sur le terrain et que c'est eux qui connaissent le mieux la situation. Nous avons fait venir des gens du monde entier pour les faire visiter la forêt, et ils nous ont dit à chaque fois: «Mais ce n'est pas ce qu'on nous raconte chez nous. La réalité est très différente.» Le problème, c'est qu'il n'y en a pas assez qui viennent voir eux- mêmes ce qu'il en est, qu'on parle de notre région ou n'importe quelle autre région du pays.

Le président: Merci, monsieur Smith. Vous avez posé de bonnes questions.

Werner, vous avez la parole.

M. Werner Schmidt: Merci infiniment à vous tous d'avoir accepté de comparaître ce matin.

Terry, votre dernière remarque m'amène directement à une question. Je voudrais d'ailleurs citer un extrait de l'exposé fait devant le comité par le président, Dave Haggard. Il dit que notre but ultime est:

    de fabriquer des produits qui servent l'humanité tout en assurant la viabilité à long terme des forêts et en offrant des emplois sûrs et stables dans le secteur forestier aux générations actuelle et futures.

Voilà la position officielle de votre groupe. Il y a une chose en particulier qui m'a beaucoup impressionné... en fait, il y en a trois. D'abord, il m'a fallu du courage pour venir à Ottawa au départ. À cet égard, je voudrais rendre un hommage particulier à deux personnes qui sont assises au bout de la table, soit Darol Smith et Darrel Wong. Vous avez impressionné beaucoup de députés quand vous avez fait le tour de la colline pour leur rendre visite dans leurs bureaux. Votre approche n'était aucunement partisane; vous avez parlé à tout le monde. À mon avis, c'est très bien ce que vous avez fait.

La deuxième chose qui m'a impressionné, c'est la fierté que vous et les travailleurs que vous représentez tirez du travail que vous accomplissez dans la forêt.

• 1015

La troisième chose qui m'a impressionné, c'est que vous êtes en mesure de vous asseoir dans la même salle que les représentants de l'industrie avec lesquels les syndicats se disputent souvent, semble-t-il, et que vous pouvez même travailler ensemble. D'ailleurs, la même chose se produit à l'heure actuelle dans le cadre de l'alliance des entreprises de l'industrie forestière. Si je ne me trompe pas, c'est vous qui nous avez remis un livre hier au nom de l'alliance.

En ce qui me concerne, cela laisse supposer que vous avez une approche commune. C'est d'ailleurs ce que préconise votre président, Dave Haggard, dans son texte.

Ma question est donc la suivante: Que faut-il faire pour que le syndicat, l'industrie, le gouvernement et les travailleurs fassent vraiment front commun? Vous avez fait des tentatives en ce sens, mais j'ai l'impression qu'il existe toujours certaines frictions et surtout une certaine méfiance entre les acteurs. Comment peut-on établir un climat de confiance pour que nous ayons la conviction que tous les intervenants tiendront le même discours que vous avez tenu devant le comité aujourd'hui?

M. Darrel Wong: J'aimerais tenter une réponse, si vous me permettez.

L'IWA et l'industrie forestière sont comme mari et femme; en ce qui me concerne, c'est ainsi qu'on peut définir nos rapports. Autrement dit, nous n'avons pas l'intention de nous séparer. Et en fin de compte, nous avons un certain nombre d'objectifs très semblables. L'IWA voudrait maximiser le nombre d'emplois sûrs pour ses membres. Quant à l'industrie, elle voudrait maximiser ses possibilités de production de fibres. Les deux objectifs vont tout à fait de pair.

Mais dans tout mariage, il y a des disputes. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout. Et c'est positif, à mon avis. Si l'un suit aveuglément l'autre, cela crée plus de problèmes que d'avantages. Mais dans ce domaine, nous sommes tous les deux très sûrs de nous. Ayant travaillé avec les entreprises pour lesquelles travaillent nos membres, et ayant eu des contacts avec elles par l'entremise de la Forest Alliance, je peux vous assurer que nous avons des objectifs fort semblables.

Nous avons bien réussi à modifier nos pratiques forestières. Et nous faisons un excellent travail sur le terrain. Nos membres comprennent les changements qui sont survenus. Ils les appuient, et ils modifient leur façon de faire les choses. Les entreprises forestières aident d'ailleurs nos membres à faire ce travail correctement.

Nous avons toujours la possibilité de refuser un travail si nous estimons que ce dernier n'est pas conforme aux principes du développement durable. C'est une réalité qui est reconnue par l'industrie et par les membres de l'IWA. Nous n'avons jamais eu de problème à cet égard. La collaboration est au contraire excellente. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas être en désaccord sur d'autres questions. Les opinions des employeurs et les nôtres sont encore différentes sur bien des questions. Mais dans ce domaine en particulier, nos attitudes sont très semblables.

Le président: Avez-vous d'autres remarques à faire?

M. Kim Pollack: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, en fin de compte, nous sommes des travailleurs et l'IWA est un syndicat. De l'autre côté, il y a les entreprises. Même si nous avons des intérêts différents, rien ne nous empêche, à condition de reconnaître que nos intérêts sont effectivement différents à certains égards, de travailler en collaboration.

À titre d'exemple, bon nombre d'entreprises ont des comités mixtes de l'environnement ou des comités mixtes de la sécurité où les représentants de l'entreprise et du syndicat travaillent ensemble, étant donné que les travailleurs et l'entreprise profitent de la mise en place de bonnes pratiques en ce qui concerne l'environnement et la santé et la sécurité. Cela ne veut pas dire que nous ne serons pas en désaccord avec l'employeur un jour à la table des négociations, si bien que nous fassions la grève. Mais à condition que les deux parties respectent les compétences et les intérêts de l'autre, le fait est qu'on peut collaborer dans de nombreux domaines différents.

Le président: Werner.

• 1020

M. Werner Schmidt: C'est très bien, à condition que ces éventuels désaccords ne créent pas le genre de méfiance dont on parlait tout à l'heure, car à mon avis, la confiance est tout à fait critique.

Quelqu'un disait tout à l'heure qu'il faut éviter de créer un processus d'accréditation qui devienne un obstacle technique au commerce international. Mais il en va de même ici; c'est-à-dire que s'il y a un désaccord légitime—ça doit certainement se produire, et en principe ça ne devrait pas poser problème, à condition de régler le conflit de manière à ne pas détruire les relations de confiance qui existent entre les parties. C'est ça que j'essaie de vous dire.

Le président: Merci, Werner.

Je vais permettre à Phil de poser une dernière petite question, et Joe a gentiment accepté de donner son temps de parole à John, pour qu'il termine. Donc, c'est à vous, Phil.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup. C'est très gentil de votre part.

M. Joe Comuzzi: C'est moi qu'il faut remercier.

M. Philip Mayfield: Monsieur le président, je voudrais dire tout d'abord que je suis très content que Darol Smith et Darrel Wong aient été dans le même avion que moi pendant notre visite de la région côtière centrale. J'ai bien apprécié vos connaissances, le vif intérêt que vous portez à la question, et la fierté que vous tirez de votre travail. C'était une expérience formidable, en ce qui me concerne, et je suis très heureux de me retrouver ici avec vous ce matin.

Pendant que vous faisiez vos remarques liminaires, j'ai noté six points concernant les mesures que le gouvernement fédéral pourrait éventuellement prendre pour aider l'industrie. Je pourrais répéter les six points—il y en avait peut-être d'autres, mais je n'en ai noté que six. J'aimerais simplement vous demander de me donner d'autres précisions au sujet de ces six points. Je n'ai pas l'intention de vous poser une autre question, mais j'aimerais que vous m'expliquiez, du point de vue de l'IWA, de quelle façon vous pourriez participer aux démarches entreprises pour contrer les boycotts et améliorer notre position sur les marchés mondiaux. Par exemple, vous avez dit que les travailleurs, de même que les Autochtones, font peut-être un meilleur travail dans ce domaine que les élus, et qu'ils sont peut-être mieux accueillis que d'autres parce que les gens comprennent qu'ils sont sur la première ligne.

Peut-être pourriez-vous nous expliquer plus en détail quelles mesures précises le gouvernement fédéral pourrait prendre dans ce domaine et quelle pourrait être la nature de votre participation. À mon avis, vous avez certainement un rôle à jouer.

M. Kim Pollack: Merci. En fait, nous avons proposé au gouvernement fédéral une démarche multidimensionnelle de marketing, de développement et d'amélioration des marchés, et de mise au point des produits. Je vous ai déjà remis une copie d'un document intitulé «Managing Canada's Forest Products: A Proposal from IWA Canada», et cela vous donnera une idée de...

Le président: Je crois que le document s'intitule plutôt «Marketing of Canada's Forest Products».

M. Kim Pollack: C'est vrai. Ce document vous donnera une idée de ce que propose IWA Canada à cet égard. Pour ce qui est de la participation d'IWA à ce processus, il est très important à mon avis, comme nous l'avons déjà signalé, que le Canada et la Colombie-Britannique mettent à profit leurs contacts dans d'autres régions du monde, avec différents groupes de travailleurs et les organismes connexes.

À titre d'exemple, nous sommes membres d'un organisme qui s'appelle la Fédération internationale des travailleurs de la construction et de l'industrie forestière, qui regroupe des syndicats dans plus de 100 pays différents qui représentent les travailleurs de la construction et du secteur forestier. C'est un groupe très puissant et influent, et par son entremise, nous avons pu établir des contacts avec des travailleurs en Europe, en Asie, dans d'autres parties d'Amérique du Nord et d'Amérique latine, et en Afrique. Notre liste de personnes-contacts ne cesse de s'élargir grâce à cet organisme—par exemple, nous avons maintenant des contacts avec des travailleurs en Allemagne qui, d'après ce que nous avons compris, connaissent les mêmes problèmes que nous au Canada vis-à-vis de groupes comme Greenpeace. Nous avons commencé à échanger de l'information avec nos confrères et consoeurs en Allemagne et en Scandinavie sur diverses questions, telles que l'accréditation des entreprises forestières. Nous avons donc un excellent réseau de contacts, qui peut ne pas être connu de grand monde, grâce auquel nous pouvons dialoguer avec les syndicats, les gouvernements, les partis politiques, etc., c'est-à-dire les décideurs importants et influents du monde.

• 1025

Le président: Merci beaucoup.

John aura le dernier mot.

M. John Duncan: Merci infiniment. Je suis ravi qu'on m'ait confié cette tâche spéciale.

J'aimerais vous poser la deuxième question que je n'ai pas eu le temps de vous poser lors du premier tour de questions, qui est liée à celle que vous a posée Yvon. Je sais que vous insistez beaucoup sur la nécessité de faire participer les travailleurs aux efforts de promotion dans les différents marchés, et j'ai bien l'impression que vous, de même que les dirigeants des collectivités rurales et autochtones, auraient effectivement un rôle très important à jouer dans ce contexte. Les membres du comité, ainsi que d'autres députés, dans le cadre de visites précédentes, ont eu l'occasion de rencontrer ces gens-là et ils ont été très impressionnés.

Il a été mentionné ce matin qu'il faut néanmoins éviter d'exporter notre dispute à l'étranger, et à mon avis, il faut être très sensibles à cette possibilité-là.

Ma question est donc la suivante: En tant que groupe, êtes- vous convaincus qu'il sera possible de constituer un groupe représentant les trois grandes catégories que j'ai nommées—les syndicats, les régions rurales et les collectivités autochtones—qui puissent faire front commun pour promouvoir les intérêts du Canada?

M. Darrel Wong: Si vous permettez, je vais commencer. À mon avis, ce que nous faisons ici, maintenant même, est sans doute un très bon exemple de ce qui est possible. Nous sommes allés à Ottawa en juin dernier et pendant notre visite, nous avons parlé à beaucoup de gens à Ottawa. Ils nous ont dit que nos arguments étaient assez convaincants, mais qu'il fallait revenir avec d'autres partenaires pour mieux communiquer notre message et obtenir plus d'appui. Nous sommes donc retournés en novembre, et à ce moment-là, nous avons rencontré les représentants de tous les partis à Ottawa, qui nous ont tous traités de façon très correcte et ont prévu un délai très raisonnable pour répondre à nos préoccupations. Il s'agissait d'une visite conjointe de la part de l'IWA et de l'industrie.

Aujourd'hui nous sommes tout à fait ravis de pouvoir fêter votre présence et votre décision de faire le long voyage depuis Ottawa pour venir entendre non seulement les représentants de l'IWA et de l'industrie, mais d'autres intervenants clés sur les grandes questions de l'heure. À mon sens, c'est un bel exemple de ce qui est possible quand on décide de travailler en collaboration. Nous sommes au début—car à mon avis, il s'agit bien d'un début—d'un processus tout à fait nouveau qui va nous permettre d'élargir notre action. Donc, en ce qui me concerne, la réunion d'aujourd'hui est la preuve que nous pouvons bien travailler ensemble.

M. John Duncan: Merci. Je voudrais changer un peu de sujet pour aborder la proposition d'IWA Canada concernant la commercialisation des produits forestiers du Canada. Ce document traite en détail des exportations de bois de pruche vers le Japon, qui est un marché très important pour le Canada. Je voudrais consacrer quelques minutes à cette proposition parce qu'elle me semble si importante sur le plan des exportations. Avec votre permission, je vais présenter les points saillants du document pour la gouverne des membres du comité.

• 1030

Entre 1987 et 1996, les exportations de bois de sciage de la Colombie-Britannique vers le Japon sont passées de 1,3 milliard de pieds-planche à 2,6 milliards de pieds-planche; elles ont doublé. Entre 1996 et le milieu de 1998, nous avons perdu tout ce que nous avions gagné. Nos exportations ont alors chuté de l'ordre de 1,2 milliard de pieds-planche. La cause principale de cette baisse était les envois de bois de pruche récolté sur la côte. Tout cela a donné lieu à la création d'un partenariat appelé le partenariat de bois d'oeuvre Zairai. Je suis très content de voir que l'IWA appuie ce projet et demande que le gouvernement fédéral s'y intéresse de plus près.

Je voulais donc attirer l'attention du comité sur ces différents points. Pourriez-vous maintenant nous dire ce que vous savez des activités qui se sont déroulées jusqu'à présent en vue d'obtenir l'appui du gouvernement fédéral pour cette proposition? Je sais que vous avez présenté une demande de crédits en bonne et due forme, bien que je ne sache pas combien vous avez demandé, mais c'est certainement un projet important.

Le président: Merci, John.

M. Terry Smith: Nous avons cautionné le programme. J'y ai d'ailleurs consacré beaucoup de temps jusqu'à présent. Cela suppose beaucoup de R-D et la commercialisation d'une technologie particulière. Donc, nous l'appuyons vivement. En ce qui nous concerne, il correspond tout à fait à l'orientation que devrait prendre l'industrie, c'est-à-dire plus de transformation qualitative des bois, de manière à expédier des produits différents aux clients ou aux utilisateurs finaux. Donc, c'est une initiative que nous appuyons vivement.

Le marché asiatique a beaucoup diminué. Il remonte petit à petit, mais c'est sûr qu'il remonte. C'est un domaine de technologie manufacturière qui est tout à fait nouveau et novateur, et pourrait donner de très bons résultats.

Encore une fois, nous favorisons toutes sortes de bonnes idées, parce que nos membres vivent et travaillent dans bon nombre de ces 300 collectivités dont il est constamment question. C'est là que se trouvent leurs familles, leurs maisons, leurs racines; par conséquent, il n'est pas facile de quitter ces petites localités et d'aller vivre ailleurs. Qu'on parle de l'industrie minière ou forestière, ce sont ces gens-là qui sont les plus durement touchés. Vancouver n'en ressentira pas les effets si une petite localité dans le nord de la Colombie-Britannique disparaît un jour.

Donc, il faut appuyer toutes ces initiatives, et pour ce qui est du programme, non seulement je l'appuie mais j'y travaille.

Le président: Merci beaucoup. Je suis sûr que nous pourrions vous poser beaucoup d'autres questions, mais je ne crois pas me tromper en vous disant que notre dialogue va certainement se poursuivre.

Je me joins d'ailleurs aux autres pour exprimer notre reconnaissance envers les membres de la section locale 2171 en particulier, et John Duncan, qui a travaillé avec eux, d'avoir attiré notre attention de manière très énergique sur l'importance de cette problématique pour vos membres et pour l'ensemble des collectivités de la région côtière centrale. Peut-être nous aurez- vous permis de stopper ce mouvement et d'éliminer les éventuels effets défavorables de ce qu'on pourrait appeler les déclarations injustes faites au sujet de la situation en Colombie-Britannique sur d'autres régions du pays, où nous pourrions connaître des problèmes semblables en temps et lieu. Alors nous vous en remercions.

Donc, merci infiniment de votre présence. J'invite maintenant les prochains témoins à venir s'installer. Nous reprendrons nos travaux dans environ une minute.

• 1035




• 1037

Le président: Je rouvre la séance.

Nous sommes très heureux d'accueillir nos témoins pour la prochaine heure, soit les représentants de la Forest Alliance of British Columbia, l'Association of British Columbia Professional Foresters, et le Forest Practices Board.

Nous essayons de recueillir autant d'opinions que possible depuis hier, et par conséquent, nous avons décidé de regrouper les témoins. Nous sommes très contents que vous ayez pu être des nôtres. En suivant l'ordre de la liste des témoins, nous vous invitons à faire vos remarques liminaires; nous entendrons donc d'abord les représentants de la Forest Alliance. Essayez de vous en tenir à cinq, six ou sept minutes au maximum, si possible, pour que nous ayons le temps de vous poser des questions. Nous ne pourrons pas dépasser l'heure étant donné que nous devons prendre l'avion plus tard.

Dois-je supposer que Patrick Moore sera notre premier intervenant, au nom de la Forest Alliance?

Allez-y, monsieur Moore.

M. Patrick Moore (président, Comité de l'exploitation forestière durable, Forest Alliance of British Columbia): Monsieur le président et honorables députés, merci de nous avoir donné l'occasion de présenter nos vues aujourd'hui. Je regrette de n'avoir pu participer à votre visite du nord. Je sais à quel point le panorama est spectaculaire quand on passe en avion au-dessus des montagnes de la côte et qu'on y voit les immenses forêts qui s'y trouvent. Mon collègue, Tom Tevlin, de la Forest Alliance, m'a dit que votre visite a été un grand succès.

La Forest Alliance est un comité de citoyens parrainé par l'industrie forestière qui a été créé aux termes de la Societies Act of British Columbia. Nous existons depuis presque neuf ans et à titre d'ONG, nous avons un statut consultatif auprès des Nations Unies. Nous menons nos activités aux niveaux provincial, national et international, en cherchant à mettre l'accent sur les questions de durabilité dans le contexte des forêts de la Colombie- Britannique.

Nous savons très bien que le véritable défi consiste à trouver le bon équilibre entre nos priorités environnementales et économiques à l'égard des forêts, et nous savons aussi fort bien que les choix ne sont ni clairs ni faciles dans ce domaine. C'est un domaine où il faut une véritable synthèse de valeurs environnementales, sociales et économiques—ce que nous appelons la durabilité.

Vous avez reçu de nombreux témoins qui ont pu vous parler des différents aspects de la question. Entre autres, il a été clairement établi que la Colombie-Britannique est un chef de file mondial dans la création de nouveaux parcs et réserves naturels, dans l'amélioration des pratiques forestières et dans la protection de la biodiversité. J'y reviendrai plus en détail dans quelques instants, mais je voudrais tout d'abord vous parler de mes antécédents personnels.

Je suis né dans le pays des Kwakiutl, c'est-à-dire la côte du nord et la côte centrale, et j'ai grandi dans la réserve indienne de Quatsino Sound, que les Indiens appellent Klayina, et nous, Winter Harbour.

En 1971, en tant que membre de la première expédition de Greenpeace pour empêcher les essais de la bombe à hydrogène que les États-Unis prévoyaient de faire en Alaska, avec les autres membres de l'équipage, j'ai été nommé membre honoraire du peuple Kwakiutl à la longue maison de Numglis, connue sous le nom d'Alert Bay. On nous a accordé le droit d'utiliser l'emblème héréditaire du serpent de mer à deux têtes, Sisiutl, pour renforcer nos campagnes de préservation de la terre. L'éminent artiste, Richard Hunt, nous a donné sa représentation de Sisiutl, que nous avons utilisée ensuite dans notre documentation et dans notre bateau, le Rainbow Warrior.

• 1040

Pendant une quinzaine d'années, j'ai dirigé les campagnes de Greenpeace, et je suis fier de ce que nous avons réalisé. J'ai fini par quitter Greenpeace et je me suis intéressé au mouvement visant à assurer la durabilité de l'industrie forestière dans ma province natale, soit la Colombie-Britannique. Je suis devenu défenseur de l'approche qui consiste à favoriser les tables rondes, les consensus et la participation communautaire pour résoudre les questions complexes entourant les priorités contradictoires des différents groupes en ce qui concerne l'aménagement du territoire et pour établir un bon équilibre entre les priorités économiques et environnementales.

L'année dernière, le chef Stan Dixon de la nation de Sechelt m'a décerné la plume cérémoniale de l'aigle en reconnaissance du travail que j'ai accompli en faveur de la promotion de la durabilité et du consensus. Le chef Stan Dixon a négocié la première entente sur l'autonomie gouvernementale pour les collectivités autochtones de la Colombie-Britannique et a joué un rôle de chef de file dans l'obtention du premier règlement relatif à un traité dans le cadre du processus mis en branle par la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Je suis cependant attristé par les récents événements touchant Greenpeace, un groupe que j'ai aidé à créer et que j'ai dirigé pendant une quinzaine d'années, mais qui a maintenant détruit le soutien des Premières nations si durement gagné. Les membres de Greenpeace ont abandonné la vérité et ont trahi les principes mêmes qui ont suscité la création de cet organisme.

L'année dernière, les chefs des Premières nations de la région côtière centrale ont rédigé un protocole qui interdit au mouvement écologiste d'utiliser dans ses campagnes les emblèmes héréditaires des peuples autochtones. Pour moi, c'est la preuve définitive de leur trahison, la trahison d'écologistes qui sont allés dans les villages des peuples autochtones de la côte où j'ai grandi, ont cherché à découvrir les voix dissidentes minoritaires au sein des collectivités autochtones, les ont encouragées et présentées au monde entier pour soutenir leur cause, et ont, depuis l'extérieur, semé la discorde et favorisé des comportements fourbes et déloyaux au sein de ces mêmes collectivités. Malgré cela, sur leur site Internet, Forest Action Network et Greenpeace prétendent jouir du soutien des peuples autochtones pour leur campagne contre l'industrie forestière de la Colombie-Britannique.

À mon avis, il ne peut y avoir d'activité moins louable ou plus digne de mépris que celle qui consiste à semer la discorde au sein des collectivités autochtones, activité que Arline Wilson, conseillère en chef du Conseil tribal Heiltsuk, qualifie de «on ne peut plus déshonorante». Pour moi, c'est tout à fait le terme qui convient. Cela m'attriste beaucoup de voir ce qu'est devenu l'organisme dont j'ai été membre.

Il est clair qu'une approche axée sur la confrontation et l'accusation n'est pas la bonne approche, mais malheureusement, ces groupes s'intéressent peu à l'opinion des résidents de la Colombie- Britannique. C'est pour cela qu'ils mènent leurs activités depuis New York, San Francisco, Los Angeles, Hamburg, etc., pour favoriser ce mouvement de boycott contre nous. Ils ne s'intéressent pas du tout aux peuples autochtones de la région côtière centrale. Il ne s'intéresse pas non plus aux travailleurs de la Colombie- Britannique et à leurs familles. Ils ne s'intéressent pas du tout aux 3,5 millions de résidents de la Colombie-Britannique, et encore moins aux 30 millions de Canadiens. Cette campagne est menée à l'extérieur du Canada, et par conséquent, peu importe ce que nous pensions du consensus et de la durabilité... Comme nous l'avons lu dans les journaux de ce matin, les porte-parole de Greenpeace ont déclaré que même si nous supprimons la coupe à blanc, ils vont tout de même poursuivre leur campagne.

D'une part, ils disent qu'ils ne sont pas contre l'exploitation forestière. D'autre part, ils disent qu'ils sont contre la coupe à blanc, mais qu'ils sont également contre l'inverse de la coupe à blanc, parce qu'il en résulte de la fragmentation. Alors, ils sont en faveur de quoi au juste? Il semble assez évident qu'ils ne sont pas en faveur de l'abattage des arbres. Pour moi, c'est clair.

Ils prétendent que 10 p. 100 des espèces en Colombie- Britannique sont «menacées de disparition». C'est une déformation complète des faits. Il est vrai que 10 p. 100 des espèces de la Colombie-Britannique sont sur la liste de contrôle provinciale, ce qui signifie seulement qu'on s'intéresse à l'évolution de ces espèces. En fait, la seule espèce en Colombie-Britannique qui figure sur la liste des espèces en voie de disparition est celle de la marmotte de l'île Vancouver. Toutes les autres espèces, même celles qui sont considérées comme menacées au sein de la province même, ne sont pas considérées comme telles par les autorités internationales, par rapport à d'autres espèces qui le sont, comme la chouette tachetée, par exemple.

Il est également vrai que 140 stocks de poisson ont disparu. Il est également vrai que seulement trois d'entre eux se trouvent à l'extérieur de la zone perturbée par l'urbanisation, l'agriculture et la construction de barrages. Plus de 50 p. 100 de tous les stocks éteints se trouvent dans la région métropolitaine de Vancouver, où les rivières sont maintenant contenues dans deux grandes canalisations. Or le représentant de Greenpeace vous a donné l'impression hier que l'extinction des stocks de saumon a été causée par l'exploitation forestière. En réalité, dans la région côtière centrale de la Colombie-Britannique, il n'y a qu'un seul stock éteint, de la région du lac Owikeno, où il n'y a jamais eu d'exploitation forestière. Il n'y a donc pas de rapport connu entre la disparition des stocks de poisson et l'exploitation forestière—même si je ne prétends pas par là que l'exploitation forestière n'a jamais endommagé les stocks de poisson.

• 1045

La Forest Alliance soutient les efforts déployés pour protéger les espèces menacées de disparition, mais nous nous sommes opposés au projet de loi C-65 dans sa forme originale, parce qu'il aurait garanti aux avocats du Sierra Legal Defence Fund des emplois à vie, à force d'intenter des actions contre chaque personne et entreprise oeuvrant dans le domaine de l'extraction des ressources primaires pour assurer la survie de l'espèce humaine.

À notre avis, toute loi sur les espèces menacées de disparition doit respecter trois principes fondamentaux. Nous sommes convaincus que le comité pourrait exercer son influence en nous aidant à obtenir une loi sur les espèces menacées de disparition qui ne suivent pas le modèle erroné adopté par les États-Unis. Ces trois principes sont les suivants.

D'abord, l'équité. Tous les Canadiens doivent assumer équitablement le coût de la protection des espèces menacées de disparition, y compris les personnes qui vivent en milieu urbain où il n'y a plus d'espèces menacées de disparition parce qu'elles sont déjà toutes mortes. Les seules espèces en voie de disparition se trouvent à la campagne, où se trouvent les gens qui travaillent dans le secteur forestière, minier, des pêches, du tourisme, de l'élevage, etc., mais ces gens-là ne devraient pas avoir à supporter à eux seuls tout le coût de la sauvegarde des espèces. Ce coût devrait être réparti équitablement parmi tous les citoyens.

Deuxièmement, cette loi doit être axée sur des mesures d'incitation. Il faut récompenser, et non pas punir, les personnes qui ont des espèces en voie de disparition dans leur environnement, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, où l'on punit les gens dont l'environnement comprend des espèces en voie de disparition. Il faut mettre sur pied un programme d'incitatifs qui encourage les gens à avoir des espèces en voie de disparition sur leur propriété et dans leur environnement.

Le troisième principe est celui de la participation. Même si tous les Canadiens assument le coût de cette protection, les gens qui vivent à la campagne seront les plus touchés, du point de vue de leur mode de vie. C'est inévitable. Il est donc essentiel de les faire participer, dès le départ, à toute initiative concernant les espèces en voie de disparition; il faut surtout éviter que les représentants d'un gros cabinet de l'extérieur arrivent chez eux pour leur dire quoi faire.

La Forest Alliance appuie la notion de certification indépendante de la conformité aux principes du développement durable des forêts, mais à notre avis, il ne faut pas créer de monopole dans ce domaine au tout début de ce processus. Il faut favoriser une certaine concurrence pour obtenir le meilleur régime possible.

Pourquoi Greenpeace et le Sierra Club prétendent-ils soutenir le Forest Stewardship Council alors qu'une grande entreprise canadienne, J.D. Irving, qui vient tout juste d'être accréditée par le Forest Stewardship Council, fait l'objet d'une attaque très vive de la part du Sierra Club qui s'oppose à cette accréditation? Comment se fait-il, au moment même où Western Forest Products présente une demande d'accréditation auprès du FSC, que Greenpeace décide de lancer une grande campagne médiatique pour attaquer la demande d'accréditation de Western Forest Products?

Eh bien, c'est à cause de l'hypocrisie de leur position. Ils prétendent que les gens ne devraient acheter que des produits forestiers certifiés par le FSC, mais ils se battent deux fois plus fort pour s'assurer que personne ne sera certifié par le FSC, étant donné que leur campagne serait tout à fait morte si l'industrie réussissait à se faire certifier par ce dernier. Voilà donc le jeu politique qui entoure la question de l'accréditation.

On a beaucoup parlé de MacMillan Bloedel et de son programme d'élimination de la coupe à blanc en faveur de l'exploitation à rétention variable. Maintenant TimberWest et Interfor ont également annoncé qu'ils envisagent d'adopter ce même régime. La Forest Alliance appuie de tels efforts, puisque nous avons toujours eu la conviction que des méthodes de rechange en matière d'exploitation forestière devraient être utilisées quand on peut démontrer qu'elles sont appropriées du point de vue écologique. Et c'est certainement le cas ici, à notre avis.

Je voudrais également porter à la connaissance du comité le plus important document sur la gestion forestière à avoir été rédigé ces dernières années, à mon avis; il s'agit d'un document intitulé «An Ecological Rationale for Changing Forest Management on MacMillan Bloedel's Forest Tenure», qui a été préparé par le Centre for Applied Conservation Biology à l'Université de la Colombie- Britannique, sous la direction du professeur Fred Bunnell, éminent écologiste spécialisé dans la faune. C'est à mon avis l'étude qui démontre mieux que toutes les autres que l'exploitation forestière et la préservation de la biodiversité peuvent coexister, et elle démolit de façon impressionnante tous les mythes concernant l'impact de l'exploitation forestière sur la biodiversité tout en indiquant ce qu'il faut faire pour permettre à ces deux activités de se dérouler simultanément.

Enfin, je voudrais vous parler brièvement de cette campagne de boycottage et de la nécessité pour le gouvernement fédéral de monter une campagne de riposte énergique au niveau international. Il n'y a pas que les campagnes de désinformation menées par Greenpeace qui doivent nous inquiéter: à présent l'opinion publique internationale est favorable à la suppression totale de l'exploitation forestière. Il y a le World Resources Institute, l'Organisation mondiale du commerce, et la Banque mondiale... Parmi les administrateurs du World Resources Institute, notons trois personnes en particulier: Maurice Strong, responsable des conférences internationales sur l'environnement tenues à Stockholm et à Rio en 1972 et 1992 respectivement; William Ruckelshaus, ex- directeur de la Environment Protection Agency aux États-Unis, qui jouit d'une très grande influence; et Stephan Schmidheiny, fondateur du Business Council for Sustainable Development, un homme très influent sur la scène internationale.

• 1050

Bientôt les guides d'opinion internationaux voudront faire de la Colombie-Britannique un site du patrimoine mondial et un parc mondial. C'est ainsi que s'oriente l'opinion internationale. Donc, ce ne sera plus une bande de fous qui s'attachent avec des chaînes aux arbres, mais plutôt les grands leaders mondiaux.

Chaque fois que j'en ai l'occasion, j'insiste auprès des représentants de l'industrie forestière et surtout des PDG des entreprises qu'ils doivent transformer toute leur culture et mettre désormais l'accent sur la vente au détail plutôt que sur la vente en gros.

Il suffit de se rappeler les propos des représentants de Greenpeace hier. Ils vont eux-mêmes faire du marketing, en l'occurrence en menant une campagne de boycottage de nos produits forestiers auprès de nos clients. Finalement, tout s'articule autour du marketing.

Et l'industrie forestière n'est pas encore à la hauteur en ce qui concerne la vente au détail. Dans le secteur de la vente au détail, les entreprises canadiennes consacrent normalement environ 3 p. 100 de leur chiffre d'affaires brut à la publicité. Donc, l'industrie forestière devrait consacrer entre 1 milliard et 2 milliards de dollars chaque année à la publicité dans les différents réseaux de télévision, MuchMusic, MTV, CNN et YTV, pour atteindre la population et lui faire entendre un autre son de cloche.

Comme quelqu'un l'a si bien dit, nous n'allons pas en Caroline du Nord pour nous présenter aux gens qui achètent nos produits et leur expliquer ce qu'on fait. C'est justement ce genre d'effort concerté et coordonné qui s'impose.

Oliver Stone a dit une fois que ce sont les gens de la Colombie-Britannique qui sont les vrais «tueurs nés». Woody Harrelson, Tom Cruise—toutes ces grandes stars d'Hollywood sont contre nous et puis l'action du Forest Action Network et de Greenpeace. Il faut absolument les faire changer d'avis. Il faut engager Steven Spielberg et l'équipe de Dreamworks. Il nous faut des champions sportifs et d'autres grandes personnalités pour défendre la Colombie-Britannique et le Canada et l'industrie forestière en général, car nous faisons face à un problème d'envergure nationale.

Je ne sais pas si vous connaissez le film réalisé récemment au Québec par l'éminent poète et musicien Richard Desjardins. Ce film a eu énormément d'impact au Québec par le biais des journaux et des médias, et l'industrie forestière au Québec a très, très peur. À l'étranger, c'est tout le Canada qui est ciblé, et pas seulement la Colombie-Britannique. Par conséquent, j'encourage le gouvernement fédéral, et j'exhorte surtout le comité à l'y emmener vigoureusement, à s'attaquer sérieusement à ce problème.

Je me permets également d'attirer votre attention sur ce document qu'on a fait circuler parmi vous, intitulé «Market boycott campaign tactics used against Canadian forestry companies», au cas où vous douteriez encore que nous faisons l'objet d'une véritable campagne de boycottage.

Le président: Merci, monsieur Moore. Votre mémoire intégral sera d'ailleurs annexé au compte rendu des délibérations du comité.

J'invite maintenant M. Arkle, qui représente l'Association of British Columbia Professional Foresters, à faire son exposé liminaire.

M. Nick Arkle (président, Association of British Columbia Professional Foresters): Merci beaucoup, monsieur le président.

Si vous me permettez, pour les fins de la discussion, je vais désigner notre association en utilisant le sigle ABCPF. Je suis accompagné aujourd'hui de deux membres du personnel de l'association, soit le directeur général, Van Scoffield, et le registraire et responsable des normes professionnelles, Jerome Marburg.

Au nom de nos 3 900 membres, dont la moitié sont des aménagistes forestiers professionnels au Canada, je voudrais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue en Colombie-Britannique. Nous sommes honorés d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous rencontrer et de vous aider à mieux comprendre la situation relative aux pratiques forestières en Colombie-Britannique, et ce sous l'angle du commerce international.

Nos membres sont assez équitablement répartis en trois grandes branches, soit l'industrie, le gouvernement, et la consultation, et ils mènent leurs activités dans tous les coins de la province, y compris dans la région de Cariboo-Chilcotin, la région côtière centrale, et celles du nord de l'île que vous avez visitées plus tôt cette semaine. En fait, vous avez sans doute rencontré bon nombre d'entre eux; d'ailleurs, si vous regardez leurs cartes de visite, vous verrez l'abréviation RPF (ingénieur forestier) après leur nom.

L'ABCPF fut créé en 1947 lors de l'adoption de la Foresters Act par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. De façon générale, nous agissons à titre d'organisme de réglementation professionnel semblable à ceux qui réglementent les activités des médecins, avocats, comptables, ingénieurs, et de nombreuses autres professions.

Je me présente devant vous aujourd'hui d'abord pour vous renseigner sur la profession d'aménagiste ou ingénieur forestier, telle qu'elle se pratique ici en Colombie-Britannique. Deuxièmement, je tiens aussi à ce que vous sachiez que la réglementation rigoureuse dont font l'objet les membres de la profession qui s'exercent dans la province devrait rassurer nos critiques au Canada et à l'étranger et leur permettre de se rendre compte que la situation de l'industrie forestière en Colombie- Britannique est nettement plus positive que le portrait qu'on leur a dressé.

Permettez-moi de passer en revue avec vous les principales dispositions de la Foresters Act. L'article 1 de la Loi prévoit une définition assez complète des activités de l'aménagiste ou ingénieur forestier professionnel. Ces activités comprennent, entre autres, la gestion des forêts; l'évaluation de l'incidence des activités sur la forêt; la conception, l'élaboration détaillée et l'approbation des pratiques forestières; la planification, la mise en place et l'approbation des systèmes de transport forestiers; et l'examen et la vérification de la performance en matière de gestion forestière.

• 1055

Le mandat de l'association, tel qu'il est prévu à l'article 3 de la Loi est de, et je cite:

    défendre l'intérêt du public dans l'exercice de la profession d'ingénieur forestier en s'assurant:

      a) des compétences, de l'indépendance et de l'intégrité de ses membres, et

      b) que chaque personne qui exerce la profession d'ingénieur forestier professionnel est responsable devant l'association et le public.

Et enfin, le paragraphe 22(1) de la Loi dit ceci, et je cite:

    quiconque veut exercer la profession d'ingénieur forestier doit être titulaire d'un permis spécial.

Autrement dit, seules les personnes légalement autorisées à exercer la profession d'ingénieur professionnel en Colombie- Britannique sont membres de l'association, et cette dernière existe justement pour s'assurer que ces personnes sont compétentes, indépendantes, responsables et conscientes de leur obligation de respecter les principes déontologiques.

Pour être aménagiste ou ingénieur forestier professionnel agréé en Colombie-Britannique, il faut être en mesure de respecter un certain nombre de critères rigoureux, dont voilà les trois principaux: être titulaire d'un diplôme universitaire d'études forestières d'une université reconnue; avoir deux années d'expérience professionnelle pertinente acquise sous la direction de l'ingénieur forestier parrain; et enfin, avoir été reçu à un examen d'agrément rigoureux. Il faut donc en général avoir fait au moins six ans d'études universitaires et avoir reçu une formation pertinente pour devenir aménagiste ou ingénieur forestier professionnel.

Une fois agréés, nos membres sont tenus de respecter en permanence toute une série de conditions et de normes. Entre autres, notre code de déontologie impose à nos membres certaines responsabilités professionnelles vis-à-vis du public, de la profession, du client ou de l'employeur, et des autres membres. Les membres qui n'assument pas leurs responsabilités, qui ne respectent pas les dispositions de la loi ou des règlements internes, ou qui ne se comportent pas de manière professionnelle, peuvent faire l'objet de mesures disciplinaires pouvant comprendre la révocation de leur accréditation professionnelle et l'imposition d'une amende maximale de 10 000 $. Des plaintes peuvent être déposées par des citoyens, d'autres membres ou l'association elle-même. L'ABCPF traite normalement entre 10 et 15 plaintes par année.

Voilà donc pour les informations de base que je voulais vous fournir au sujet de la réglementation de notre profession en Colombie-Britannique. J'aimerais maintenant aborder la question qui fait l'objet de l'étude actuelle du comité, soit l'examen des pratiques forestières canadiennes dans la perspective du commerce internationale.

Le principal argument que nous faisons valoir aujourd'hui fait contraste avec ce que vous avez peut-être entendu dire: l'exploitation forestière en Colombie-Britannique n'est aucunement une activité non surveillée où les entreprises arrivent, abattent tous les arbres et s'en vont aussitôt après. Il ne fait aucun doute que nous avons au contraire le secteur forestier le plus rigoureusement réglementé du monde. D'abord, nous avons des lois comme la Forest Act et la Forest Practices Code Act, qui sont administrées par le ministère des Forêts et le ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs. Ensuite, il y a la Forest Practices Board Act, administrée par la Forest Practices Board, qui surveille de près la performance des titulaires de licences. Et enfin, nous avons la Foresters Act, qui est administrée par nous, et qui met l'accent sur la performance des aménagistes ou ingénieurs forestiers professionnels.

En ce qui concerne la profession proprement dite, nous sommes d'avis que ceux qui critiquent nos activités à l'étranger n'ont pas reçu suffisamment d'information au sujet de nos activités pour se rendre compte du degré élevé de réglementation et des normes très rigoureuses auxquelles sont assujettis les aménagistes forestiers en Colombie-Britannique. Pour nous, cette réalité fait partie intégrante d'un système complet qui vise à garantir que les pratiques forestières en Colombie-Britannique sont appropriées. Il faut donc que les documents et communiqués du gouvernement fédéral qui s'adressent à l'étranger fassent état de cette réalité.

Je voudrais maintenant partager avec vous certaines de nos idées concernant les cinq thèmes qui intéressent particulièrement le comité.

Pour ce qui est de l'état actuel de la gestion et des pratiques forestières en Colombie-Britannique, ce n'est pas le fait de savoir si nos pratiques forestières sont bonnes ou mauvaises qui constitue le véritable problème, mais davantage les perceptions contradictoires de ce qu'est une bonne ou mauvaise pratique. Et l'origine de ce problème est la confrontation, à l'intérieur et à l'extérieur de la Colombie-Britannique, de valeurs publiques qui évoluent très rapidement. La mondialisation de la problématique qui a surgi en Colombie-Britannique complique d'ailleurs beaucoup les choses.

L'ABCPF a demandé publiquement qu'on procède à un examen complet et transparent de la politique forestière de la province, examen auquel participerait l'ensemble des intervenants, en vue de dégager un consensus public sur une vision future de la gestion de nos ressources forestières. Cette première étape serait suivie d'un processus d'élaboration de politiques nouvelles visant à concrétiser la vision qui fait l'objet d'un consensus.

L'ABCPF préconise une transition responsable vers une approche axée davantage sur les résultats dans le domaine de la réglementation des pratiques forestières. Cela suppose que l'accent sera davantage mis sur le jugement professionnel et les responsabilités de nos membres et d'autres professionnels. Les conditions préalables seraient les suivantes: l'élaboration d'objectifs et de plans de haut niveau, sanctionnés par le public, servant à orienter les jugements professionnels; un soutien et un respect plus marqués pour les professionnels qui doivent assumer cette charge; et enfin, un délai raisonnable pour opérer les changements culturels nécessaires parmi les professionnels puisqu'on passerait d'un régime réglementaire d'ordre prescriptif à un système axé sur l'exercice indépendant du jugement professionnel.

Deuxièmement, s'agissant de la possibilité de pratiques d'exploitation de rechange, la réaction de l'ABCPF à la décision de Macmillan Bloedel en mai 1998 d'abandonner la coupe à blanc en faveur de l'exploitation à rétention variable figure dans la trousse d'information qu'on vous a fournie. Nous n'avons pas réexaminé cette déclaration à la lumière des décisions récemment annoncées par TimberWest et Interfor.

Dans une certaine mesure, nous sommes encore en période d'apprentissage. Il sera possible d'utiliser efficacement des pratiques forestières telles que la rétention variable qui auparavant nous semblait peu prudente ou viable. Mais il est également vrai que le régime s'adapte à l'évolution des valeurs de la population et cherche forcément des solutions qui soient socialement acceptables tout en ayant un minimum de répercussions économiques et environnementales.

• 1100

Troisièmement, pour ce qui est de la mise en oeuvre de régimes d'accréditation forestière, vu le grand nombre de règlements internes qui visent les pratiques forestières en Colombie- Britannique, on pourrait soutenir qu'une procédure d'accréditation externe ne devrait pas être nécessaire. Mais pour les raisons que nous avons déjà évoquées, les attitudes ont changé et l'accréditation devient rapidement une réalité. De l'avis de l'ABCPF, l'accréditation par une tierce partie doit être considérée comme le complément des mesures provinciales d'assurance de la qualité, y compris celles qui relèvent de la responsabilité de notre association.

Même si nous sommes d'avis que certains types d'expertise qui pourraient être requis pour assurer la bonne marche d'un système d'accréditation des pratiques forestières n'ont rien à voir avec les pratiques forestières à proprement parler, la procédure d'accréditation des pratiques forestières peut à notre avis englober des éléments importants qui relèvent effectivement de la définition de la foresterie professionnelle aux termes de la Foresters Act. Par conséquent, nous estimons que l'équipe d'accréditation doit absolument inclure des aménagistes ou ingénieurs forestiers professionnels. Nous avons d'ailleurs communiqué cette opinion au directeur du FSC, et nous croyons savoir qu'elle a été acceptée. Il serait donc utile que le gouvernement fédéral renforce ce message.

Quatrièmement, en ce qui concerne la situation des collectivités autochtones et celles qui dépendent des forêts pour vivre, ces collectivités vont nécessairement en pâtir si les opérations forestières à rendement élevé diminuent au fur et à mesure que les valeurs sociales changent et que des choix différents sont faits pour favoriser une valeur relative aux ressources naturelles plutôt qu'une autre. Il est donc essentiel que les collectivités qui dépendent de la forêt aient leur mot à dire sur le contenu des politiques forestières. Il est opportun et même nécessaire que le gouvernement assure une aide de transition aux personnes lésées par les difficultés économiques découlant de changements liés à l'économie et aux politiques sur lesquels ils n'ont pas la possibilité d'agir.

Il est également vrai qu'au cours des 10 ou 20 prochaines années en Colombie-Britannique, les Premières nations deviendront les propriétaires d'une bonne proportion des terres forestières de la Colombie-Britannique ou encore en assumeront la principale responsabilité en matière de gestion. Les pratiques associées à l'exploitation forestière dans les terres visées par des traités continueront de relever de la responsabilité de l'ABCPF. Pour le moment, toutefois, le nombre d'ingénieurs forestiers d'origine autochtone est minime—il y en a moins de 10. Il est clair qu'il faudra renforcer la capacité des Premières nations de relever les défis en matière d'exploitation forestière professionnelle auxquels ils ont confrontés de plus en plus.

Enfin, en ce qui concerne le commerce international et le rôle du gouvernement fédéral, dans ses communications avec la population canadienne et la communauté internationale, le gouvernement fédéral doit insister sur le fait que la foresterie est une profession réglementée au Canada, et que par conséquent, nous ressources forestières sont gérées par des professionnels compétents et responsables dont l'action respecte l'importance et la valeur de toutes les ressources. C'est d'ailleurs un avantage comparatif considérable qu'il faut exploiter beaucoup plus que cela n'a été le cas jusqu'à présent.

À titre d'information, cinq provinces canadiennes réglementent la profession d'aménagiste ou ingénieur forestier: la Colombie- Britannique, l'Alberta, l'Ontario, le Québec, et le Nouveau- Brunswick. Seulement deux provinces sur cinq, soit la Colombie- Britannique et le Québec, ont adopté des lois en bonne et due forme prévoyant les conditions dans lesquelles on peut exercer ce métier. Les autres ont des lois plus limitées qui prévoient plutôt des critères relatifs à l'utilisation du titre. Cependant, l'Alberta et l'Ontario mettent actuellement la dernière main à des modifications législatives qui vont transformer leurs lois en lois d'exercice professionnel. Autrement dit, la profession fait l'objet de réglementation dans presque toute les provinces disposant de ressources forestières importantes.

Nombreux sont ceux qui pensent que les experts forestiers ne s'intéressent qu'au bois d'oeuvre. C'est faux. Je peux toujours vous parler de mes expériences personnelles, si vous le souhaitez, mais je tiens également à vous faire remarquer que d'après nos normes de scolarité, les personnes qui veulent être agréées doivent posséder des connaissances dans un grand nombre de disciplines. Par exemple, parmi les 26 disciplines prévues, notons l'écologie, l'entomologie, l'hydrologie, la gestion intégrée des ressources, la pathologie, et les principes de la biologie des sols.

Je vous remercie de votre attention et nous sommes à la disposition du comité pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Arkle.

Pour terminer, nous avons comme dernier témoin de ce groupe Keith Moore, président du Forest Practices Board.

M. Keith Moore (président, Forest Practices Board): Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je m'appelle Keith Moore, et comme vous venez de le dire, je suis président du Forest Practices Board de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'un conseil public et indépendant qui est chargé de contrôler la gestion forestière en Colombie-Britannique et de s'assurer qu'elle est pratiquée de façon appropriée. Le rôle du conseil est de fournir une évaluation indépendante et objective des pratiques forestières dans la province. Nous sommes responsables devant la population et trois ministres provinciaux de la conformité des pratiques au Forest Practices Code de la Colombie-Britannique, et nous publions des rapports concernant le degré de concrétisation des principes du Code et son application juste et équitable.

Nous contribuons à assurer l'amélioration permanente des pratiques provinciales, et ce par le truchement de quatre programmes qui traduisent notre mandat légal. D'abord, nous vérifions sur le terrain les opérations forestières d'entreprises à la fois publiques et privées. Dans ce sens-là, nous sommes un peu comme le vérificateur général. Nous agissons à titre de tiers vérificateur indépendant.

Deuxièmement, nous instruisons les plaintes des citoyens au sujet de questions forestières, et nous faisons des enquêtes spéciales à cette fin. Dans ce sens-là, nous jouons un peu le rôle d'ombudsman pour tout ce qui concerne la forêt.

Troisièmement, nous avons la possibilité de contester les décisions du gouvernement visant les terres publiques. Par conséquent, nous sommes un peu les défenseurs des intérêts du public.

Enfin, nous publions de rapports publics sur l'ensemble de nos activités, et nous consultons la population au sujet des pratiques forestières dans la province.

• 1105

Le conseil composé de sept membres ayant des domaines d'expertise très différents qui représentent les diverses collectivités de la province. Nous avons environ 30 employés, et nous avons recours à un grand nombre d'experts-conseils chaque année qui travaillent sur le terrain dans différentes régions de la province.

Durant la période qui m'est impartie ce matin, je voudrais aborder trois questions distinctes: le code de la Colombie- Britannique; une évaluation de l'état actuel de la planification et des pratiques dans la province; et le rapport entre le code et l'accréditation. Elles sont en rapport avec trois thèmes sur cinq qui intéressent le comité.

Qu'est-ce que le code de la Colombie-Britannique? D'abord, c'est une loi qui régit tous les aspects de l'exploitation forestière, de la construction de route, de la protection contre les incendies et du reboisement sur les terrains publics et certains terrains privés dans la province. Cela englobe donc presque la totalité des terres forestières de la province.

Le code a été créé en 1995 pour remplacer une série de lignes directrices qui étaient difficilement applicables et entraînaient énormément de confusion. Ces dernières ont donc été remplacées par une série d'exigences qui sont explicitées dans la loi. L'introduction du code devrait permettre de réagir à l'évolution rapide des valeurs sociales, à l'utilisation de certaines pratiques dont on avait prouvé le caractère inadéquat, et à l'intérêt grandissant que portait la communauté internationale à la situation en Colombie-Britannique dès le début des années 90.

Il convient dans ce contexte d'insister sur plusieurs éléments. D'abord, nous sommes une province fortement diversifiée dotée de paysages très différents et possédant des ressources d'une richesse exceptionnelle—ressources biologiques, économiques et culturelles—et le code explicite les critères rattachés à ces divers paysages et ressources. C'est probablement le code le plus complexe du monde, et ce parce qu'il régit les plans et les pratiques du territoire forestier le plus important, le plus diversifié et sans doute le plus complexe du monde. Il concerne les plans et les pratiques relatifs aux opérations forestières. Il ne fait pas de choix sociaux, mais il traduit certains choix politiques et sociaux faits en vue d'équilibrer les valeurs environnementales, économiques et sociales.

Le code s'applique de concert avec d'autres initiatives, telles que les plans régionaux d'aménagement du territoire, les stratégies relatives à la faune, et la création de nouvelles zones protégées dans la province, qui reflètent surtout des choix sociaux.

Deuxièmement, le code prévoit des normes de pratique minimales qui doivent être respectées par tous ceux qui exploitent la forêt dans les terrains publics et dans certains terrains privés. C'est en quelque sorte un régime de base devant favoriser l'élaboration de meilleures pratiques. C'est un minimum, et non pas un maximum. Le conseil s'attend à ce qu'il soit nécessaire, pour réaliser les objectifs fixés dans le code d'adopter des pratiques qui dépassent les critères minimums que prévoit ce dernier.

Il prévoit également un pouvoir discrétionnaire considérable. Pour certains, c'est une force, pour d'autres, une faiblesse. Mais dans le contexte d'une aussi grande diversité, il faut une marge de manoeuvre et la possibilité d'exercer un pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision.

Quatrièmement, le code crée des obligations légales pour le gouvernement et les entreprises, et c'est très important.

En fait, il crée plusieurs organismes, y compris un organisme de surveillance indépendant, soit le Forest Practices Board, qui est chargé d'évaluer la performance des entreprises forestières publiques et privées.

Est-ce que le code lui-même garantit que les pratiques forestières sont appropriées et conformes aux principes du développement durable? La réponse est non; le code seul ne peut offrir cette garantie. Il doit être appliqué de concert avec d'autres programmes qui sont actuellement en cours de réalisation—par exemple, la garantie d'un niveau d'exploitation soutenable, la création de nouveaux parcs et zones protégées, la remise en état de zones endommagées par d'autres opérations forestières, et la mise en application de plans locaux d'aménagement du territoire. Il reste que le code est l'un des éléments de base de l'application des principes du développement durable dans la gestion forestière et de la démonstration, pour les résidents de la Colombie-Britannique et les clients du monde entier, que la forêt est bien gérée, et l'environnement, bien protégé. En ce qui nous concerne, c'est un élément très important de l'accréditation, et j'y reviendrai dans quelques instants.

Le conseil a mis au point une fiche d'évaluation des pratiques forestières, et je vais rapidement soulever quatre points à ce sujet.

Le premier de ces points a déjà été mentionné tout à l'heure. Les pratiques forestières en Colombie-Britannique ont subi des modifications et des améliorations importantes depuis la mise en application du code. La situation est donc plutôt positive.

Deuxièmement, il faut améliorer l'observation des conditions du code, et améliorer les possibilités pour le public de participer efficacement à l'examen de ces questions. Donc, dans ces deux domaines, une amélioration s'impose sur le plan de l'application et de l'observation du code.

Troisièmement, il y a des dispositions importantes du code qui n'ont pas encore été mises en oeuvre. Il s'agit de lacunes importantes, et à cause de ces lacunes, il est impossible pour le moment de réaliser certains objectifs primordiaux du Forest Practices Code.

• 1110

Enfin, il faut à notre avis élaborer de meilleurs plans et prendre les mesures qui s'imposent pour combler les lacunes déjà mentionnées. Je pourrais vous donner beaucoup de détails au sujet de chacun de ces éléments. Mais je dois m'en tenir à l'essentiel. Permettez-moi donc de répéter que la situation s'améliore. La plupart des opérations que nous avons vérifiées respectent la grande majorité des conditions, et nos vérifications indiquent en fait que le taux d'observation augmente d'année en année. Le code a permis de garantir que tout le monde serait sur un pied d'égalité. La confiance du public s'est donc accrue. Cette initiative a amené des résultats positifs.

Je pourrais vous fournir d'autres détails au sujet du deuxième point, à savoir que même si le taux d'observation des clients est généralement élevé, dans le cas de certaines opérations que nous avons vérifiées, l'inobservation de certaines conditions du code est tout de même importante.

Pour en revenir au troisième point, les lacunes concernent surtout à une échelle plus importante que celle de la zone de coupe proprement dit. Le code est très efficace pour ce qui est d'améliorer les pratiques dans les zones individuelles où se déroule la coupe ou la construction des chemins. Les lacunes se situent plutôt au niveau de la mise en oeuvre de mesures qui garantissent sur une échelle plus importante, celles des paysages, la protection de la diversité faunique—c'est-à-dire les grizzlis, les alques marbrées, etc.—des possibilités touristiques, et ainsi de suite. C'est dans ces domaines-là que le code actuel a encore certaines lacunes.

Enfin, nous avons dit qu'il faut de meilleurs plans. Pour protéger ces valeurs, nous avons besoin d'objectifs clairs. Les plans permettent ensuite d'assurer le choix des méthodes qui vont permettre d'atteindre les objectifs fixés. Nous manquons encore d'objectifs en Colombie-Britannique, et à notre avis, nous aurons donc du mal à prouver que nous protégeons les ressources, notamment les ressources non forestières.

Comme vous le savez, le code n'est pas statique. Je vais sauter la partie de mon texte qui concerne les changements récemment apportés au code. Le code évolue rapidement. Cependant, le gouvernement doit se rappeler que le code a déjà eu des effets positifs très importants. Nous devons à présent nous assurer de retenir ces effets positifs tout en cherchant à rationaliser le code et à en améliorer l'efficacité.

Permettez-moi de parler brièvement de l'accréditation. Le code et le conseil ont un rôle important à jouer dans ce contexte. L'observation des lois locales, telles que le code, est la clé de voûte de chacun des grands régimes d'accréditation dont il est actuellement question. Par exemple, cet élément est le premier principe défendu par le Forest Stewardship Council à cet égard.

Tous les régimes d'accréditation prévoient également des vérifications indépendantes pour évaluer la performance par rapport à une série de normes prédéterminées. Donc, nous avons en Colombie- Britannique une législation très complète—c'est-à-dire le code. De même, nous avons un organe indépendant—c'est-à-dire le conseil—qui est chargé de faire des vérifications pour déterminer dans quelle mesure cette législation est respectée et pour préparer des rapports publics à ce sujet. Donc, par rapport à cette législation, le Forest Practices Board joue pour le moment le rôle d'organe d'accréditation des pratiques forestières en Colombie- Britannique.

Cependant, la contribution du code et du conseil est forcément quelque peu limitée. Il est vrai que le code établit des normes claires dans certains domaines importants, mais d'autres aspects importants de l'accréditation ne sont pas abordés dans le code et dépassent de loin les paramètres de ce dernier. Il s'agit d'éléments comme la durabilité des droits de coupe, la protection des espèces menacées de disparition, la représentation des écosystèmes, et notamment la prise en compte des intérêts des Premières nations et d'autres groupes non autochtones, comme les travailleurs et les collectivités.

En conséquence, les vérifications faites dans le contexte de l'accréditation vont englober un plus vaste éventail de questions beaucoup plus complexes que ce n'est actuellement le cas dans le cadre des activités du Forest Practices Board et aux termes de l'actuel Forest Practices Board.

L'observation des lois locales sera particulièrement problématique. C'est une question importante dont on n'a pas beaucoup discuté jusqu'à présent. J'ai l'impression que certains estiment que l'accréditation sera plus ou moins automatique—c'est- à-dire qu'une fois qu'une procédure en bonne et due forme sera en place, les entreprises n'auront qu'à faire la queue pour obtenir leur accréditation. Mais les vérifications que nous avons effectuées jusqu'à présent laissent supposer un résultat tout à fait différent, selon sa définition du terme «observation». Nous ne signalons que des cas importants de non-observation—c'est-à-dire les cas où il y a des incidences environnementales ou l'intérêt du public est en jeu. Dans bon nombre de nos vérifications—dans 10 sur 16 qui ont fait l'objet de rapports publics—nous signalons l'existence d'une situation de non-observation importante. Si les responsables de l'accréditation ont la même interprétation que nous, en ce qui concerne l'observation des lois locales, certaines de ces entreprises auront du mal à se faire accréditer. À mon avis, ce ne sera certainement pas automatique.

Je vais conclure rapidement. On entend dire qu'il faut assurer la convergence des régimes d'accréditation. Autrement dit, il faut un processus par le biais duquel ces différents régimes pourront profiter l'un de l'autre, plutôt que d'être en concurrence.

• 1115

Nous avons entendu dire que le Forest Stewardship Council réalise des gains importants sur le marché, c'est-à-dire auprès des consommateurs ou derniers utilisateurs. À mon avis, il faut prendre rapidement des mesures pour implanter des normes régionales à l'intention du Forest Stewardship Council. Je crois comprendre que l'élaboration de ces normes relève essentiellement d'un petit groupe de bénévoles qui n'a pas de financement. En ce qui me concerne, on ne doit pas se contenter de ce processus, vu l'importance de ce travail; des normes régionales s'imposent donc pour le FSC.

Enfin, je suis de plus en plus convaincu que la Colombie- Britannique et le gouvernement fédéral doivent reconnaître que cette question est suffisamment importante pour justifier l'élaboration d'une politique en bonne et due forme. On ne doit plus se laisser orienter par les politiques des entreprises et les impératifs de l'accès aux marchés; c'est un dossier beaucoup trop important pour ça, et ce pour deux raisons. D'abord, il dépasse de loin les besoins des entreprises; il touche directement les besoins de gens comme moi qui vivent encore dans de petites localités de 800 habitants. Les membres de ma collectivité ont besoin d'être rassurés et de savoir que nous pourrons répondre aux besoins du marché.

Deuxièmement, nous avons vraiment besoin de zones forestières bien définies qui pourraient ensuite être accréditées. Tant que nous aurons en Colombie-Britannique un régime foncier axé sur le volume, nous aurons à mon sens du mal à accréditer les grandes concessions forestières. C'est le gouvernement qui en est le propriétaire, et à bien des égards, c'est le gouvernement qui est responsable de la gestion foncière, et à mon avis, les problèmes liés à la gestion foncière et à l'accréditation vont devoir être réglés par le biais de politiques gouvernementales, et non pas par les bureaux des entreprises individuelles.

Merci. J'ai pris plus de temps que prévu. Je serais très heureux de vous donner d'autres informations, si vous le jugez utile. J'ai fait circuler un classeur ce matin qui contient un certain nombre de documents. Merci.

Le président: Merci, monsieur Moore. Vous avez tous fait d'excellents exposés, et nous aimerions pouvoir vous consacrer toute la journée. Nous passons directement aux questions, et nous ferons l'impossible pour donner un tour à tous les membres, malgré le peu de temps qu'il reste.

Monsieur Schmidt, vous avez la parole.

M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président. Et merci à vous tous de votre présence. J'aurais aimé avoir une heure à consacrer à chacun d'entre vous, plutôt qu'une heure pour les trois. Voilà mon premier commentaire.

Je voudrais revenir sur les remarques faites par M. Moore au sujet de l'évolution des attitudes et de priorités au sein de l'industrie, qui devrait devenir davantage une opération de vente au détail plutôt qu'une opération de vente de gros, et du fait que Greenpeace ne s'intéresse pas du tout à la foresterie; il veut surtout s'assurer qu'il ne sera plus possible d'abattre des arbres. Si cela est vrai, le problème est d'autant plus complexe, car à ce moment-là, toutes les mesures positives prises par les aménagistes forestiers professionnels et le Forestry Council n'ont plus aucune importance.

S'il n'y a plus de marché pour le bois qui est récolté, cela ne sert plus à rien. Notre expérience au cours des deux ou trois derniers jours nous a permis de prendre conscience du fait que l'industrie forestière, comme bon nombre d'autres industries bien établies, est plutôt conservatrice du point de vue de la façon dont elle oriente ses activités. Elle a connu énormément de succès. Les affaires vont bien. Elle a de bons marchés, mais là tout d'un coup, le monde évolue; que doit-elle faire pour évoluer au rythme du marché?

À mon avis, vous avez soulevé un point très important quand vous avez dit qu'il faut trouver le moyen de faire véhiculer ces messages par les médias. Mais avant d'aborder cette question-là, je voudrais vous demander ce qu'il faut faire, à votre avis, pour changer l'attitude des directeurs et des actionnaires de ces entreprises forestières, pour qu'ils soient suffisamment convaincus du bien-fondé de vos arguments pour modifier leur comportement et leurs politiques. C'est ça que vous dites essentiellement. C'est là que les décisions ultimes vont être prises. Alors je vous invite à remonter un peu plus à la source de cette problématique et à m'expliquer comment on opère un changement social et comment on amène une organisation aussi importante que Weyerhaueser et MacMillan Bloedel à assimiler et concrétiser ce changement social?

M. Patrick Moore: C'est assez difficile. Il s'agit essentiellement de changer la culture d'une industrie qui est nécessairement composée d'individus. Par le passé, l'industrie forestière n'a pas été obligée de faire beaucoup de publicité ou de s'assurer de l'attrait de ces produits. Mais Nike, par exemple, dont les grands champions sont Michael Jordan et Tiger Woods, a réussi, malgré d'importants problèmes sociaux associés à ses pratiques de main-d'oeuvre, par exemple, à contourner ces problèmes grâce à ce genre d'approche de marketing.

L'industrie forestière a des informations très positives à communiquer. Nous payons bien nos travailleurs. Nous faisons un excellent travail pour ce qui est d'assurer l'approvisionnement d'un produit, le bois, qui est l'une des ressources du monde qui se renouvelle le plus facilement. Nous avons un message très positif à communiquer au reste du monde, mais nous n'en profitons pas. Entre-temps, Coca-Cola et Pepsi-Cola dépensent des centaines de millions de dollars chaque année pour que Michael Jackson convainque le public qu'une marque particulière de soda caramélisé est meilleure qu'une autre, alors que ces produits-là n'ont absolument aucune valeur sociale. De plus, il est probable qu'il nuise à la santé des gens qui les consomment, et malgré tout, des centaines de millions de dollars sont consacrés à ce genre de marketing.

• 1120

Comment donc opérer ce changement au sein de l'industrie forestière? Cela se fera progressivement, au fur et à mesure que l'effectif se renouvellera et que les nouveaux employés comprendront ce besoin. Je constate déjà un certain mouvement dans ce sens mais seulement dans les entreprises de la Colombie- Britannique. Il y a une nouvelle génération de personnes qui ont les attitudes de la période de l'après-guerre, et elles comprennent beaucoup mieux l'importance des communications et du marketing et la nécessité de profiter des possibilités qu'ils présentent. Mais c'est ça qu'il faut faire.

M. Werner Schmidt: Si vous me permettez, je voudrais aller un tout petit peu plus loin. Les aménagistes forestiers professionnels et même les membres du conseil nous ont parlé des mesures qui sont déjà prises. Elles sont certainement très positives et très bénéfiques, et je suis en admiration devant toutes ces initiatives qui ont été prises. Il est clair que la situation évolue de façon très positive, mais je me demande quels sont les avantages concrets de toutes ces initiatives?

D'abord, les consommateurs, le public ne s'intéressent pas aux aspects positifs de nos méthodes et de nos techniques. Ils veulent surtout savoir en quoi c'est avantageux pour eux, ou pour leurs enfants, ou pour la société en général. Ils veulent savoir en quoi ce sera bénéfique pour des entreprises à venir et la prochaine génération. C'est ça qu'ils veulent savoir. Ça ne les intéresse pas de connaître vos méthodes et vos techniques. Ils s'en fichent, parce qu'en fin de compte, ça relève de vous. C'est vous qui êtes les professionnels. Leur attitude est de dire: Ne me dites pas comment ça marche; dites-moi simplement en quoi ça va m'aider.

Comment donc peut-on en arriver là?

M. Patrick Moore: La réponse à cette question est en rapport avec le caractère renouvelable et durable de la ressource, et au niveau international, l'un des changements les plus positifs qui touchent le secteur forestier concerne la question du changement climatique. Lors de la réunion tenue à Kyoto au Japon, il a été convenu que les forêts seraient désormais incluses dans les bilans nationaux du carbone. Au départ, elles n'étaient pas incluses, mais elles le sont maintenant. Mais à Buenos Aires, à la réunion qui a suivi celle-là, même s'il y avait 400 représentants de l'industrie nucléaire et 280 représentants du mouvement écologiste et de nombreux autres secteurs, il n'y avait qu'un représentant officiel du secteur forestier qui représentait les propriétaires de boisés privés en Allemagne.

L'industrie forestière, et les gouvernements qui représentent cette dernière, ne prennent pas l'offensive dans ce dossier tout à fait critique. Parce qu'il est tout à fait possible de faire comprendre aux consommateurs que s'ils utilisent du bois plutôt que de l'acier, du béton ou du plastique... par exemple, s'ils disposent des bonnes informations, quand ils vont aller chez Home Depot pour acheter un marteau et qu'ils auront à décider s'ils veulent un manche en plastique, en acier ou en bois, ils sauront que s'ils achètent le marteau avec le manche en bois, ils vont favoriser la réduction des émissions de gaz carbonique et prévenir beaucoup plus le changement climatique que s'ils achetaient des marteaux avec des manches faits d'autres matériaux.

Nous n'exploitons pas cette relation très étroite entre les forêts et le carbone. C'est une question très importante qui interpelle les gens et qu'il ne faut absolument pas perdre de vue.

Il en va de même pour la biodiversité. Comme je le disais tout à l'heure, il faut commercialiser nos forêts, pas juste nos produits du bois. Il faut dire aux gens de la Caroline du Sud, si vous aimez nos 2x4, vous devriez voir nos rivières pleines de saumon, nos grizzlis et nos belles montagnes. Chaque 2x4 que nous vendons devrait porter ce petit message, de sorte que les gens décident de visiter et de voir eux-mêmes d'où proviennent les produits forestiers qu'ils achètent.

De plus, il faut que l'industrie forestière collabore beaucoup plus étroitement avec l'industrie touristique. On estime qu'il s'agit d'activités antagonistes puisque les deux industries utilisent les mêmes terres pour des fins très différentes. Si l'industrie forestière investissait dans l'écotourisme en achetant des actions dans des entreprises écotouristiques et en participant directement aux activités de ces dernières, il serait possible de faire converger les intérêts des uns et des autres, qui sont à l'heure actuelle jugés contradictoires.

Donc, il y a énormément de choses que l'industrie forestière pourrait faire pour séduire le public et s'investir davantage. Encore une fois, comme vous l'avez dit vous-même, c'est une industrie qui est très conservatrice axée sur la vente en gros d'un produit particulier, et il faut dire que c'est une approche qui lui a permis de devenir la plus importante industrie du Canada. Pour le moment, l'industrie n'a pas l'ouverture nécessaire pour accepter l'idée d'engager des gens de Madison Avenue ou des stars de Hollywood pour améliorer son image.

M. Werner Schmidt: Les aménagistes forestiers professionnels sont-ils d'accord avec M. Moore pour dire que c'est cette orientation-là qu'il faut prendre?

M. Nick Arkle: Avec votre permission, je voudrais faire un peu marche arrière. Permettez-moi tout d'abord de vous parler un peu de la façon dont travaillent les aménagistes forestiers.

Certains ont toujours soupçonné que ce sont les PDG qui dirigent les services responsables des terrains boisés; autrement dit, que ce sont les PDG qui disent aux experts forestiers comment faire leur travail. Mais les personnes qui travaillent avec les localités et qui s'assurent que les pratiques forestières sont appropriées sont les mêmes personnes qui vivent dans ces localités. Le plus souvent, il s'agit d'aménagistes forestiers professionnels, et l'équipe avec laquelle ils travaillent, qu'il s'agisse de biologistes, de techniciens ou d'autres spécialistes... Ce sont eux qui prennent les décisions. Vous auriez beaucoup de mal à trouver un service de ce genre en Colombie-Britannique où le personnel aurait à suivre les ordres d'un PDG qui lui dirait constamment: Vous ne devez pas faire ça, parce que les recettes de l'entreprise vont en pâtir. En réalité, les aménagistes forestiers professionnels ont toute la latitude nécessaire pour assurer une gestion forestière appropriée.

• 1125

M. Werner Schmidt: J'ai dû mal m'exprimer, parce que votre réponse ne correspondait pas du tout à la question que je vous ai posée. Je voudrais savoir ce que les aménagistes forestiers professionnels auraient à faire ou s'ils seraient d'accord pour que la publicité et la promotion des produits du bois soient davantage axées sur les principes de la vente au détail, par rapport à la vente en gros. Voilà ma question.

M. Nick Arkle: Excusez-moi. J'essayais de vous dire que oui, nous devons effectivement communiquer ce message.

M. Werner Schmidt: Aux entreprises.

M. Nick Arkle: Oui. Ou alors il faut engager Michael Jackson et en faire un aménagiste forestier professionnel, et cela ne me semble pas tout à fait indiqué.

M. Werner Schmidt: Je ne serais pas contre.

Le président: Très bien, Werner. Merci.

Alex, c'est à vous.

M. Alex Shepherd: Merci. M. Moore a fait un excellent exposé. Nous constatons que le monde évolue, en ce sens que nos collectivités sont de plus en plus horizontales, et dans une certaine mesure, les Canadiens n'ont pas encore bien assimilé cette nouvelle réalité. C'est ainsi que Greenpeace et les autres restent en contact.

Les gouvernements vont être confrontés aux mêmes difficultés. Nous sommes tous des politiciens ici. Je reçois des lettres de gens qui sont mécontents de la situation en ce qui concerne les forêts, et je constate que leurs critiques ne sont pas fondées. Ils ne comprennent pas bien la situation, mais c'est une sorte de réaction automatique. Ce qu'il faut dire aux entreprises, c'est que la valeur de leurs actions ira rapidement en diminuant. C'est ça qui arrivera. Personne ne voudra investir dans une entreprise forestière parce que ce ne serait pas cool de le faire. À l'heure actuelle, leurs actions sont en chute libre, n'est-ce pas? Plus on compromet la situation financière de ces entreprises, plus les efforts de ces groupes qui sont actifs sur la scène internationale vont réussir.

Alors je comprends très bien ce que vous dites. Il me semble qu'on parle essentiellement de messages. Nous avons beaucoup parlé d'accréditation. Toutes ces activités sont positives. Mais c'est une façon typiquement canadienne de résoudre un problème. On se dit qu'on doit faire mieux ou être plus gentil, etc., mais tout cela ne servira à strictement rien si le monde n'apprécie pas nos efforts et n'est pas en mesure de juger de leur efficacité.

Donc, pour en revenir au thème que vous avez exploré, que peut-on faire pour changer les choses? Comment faire en sorte que tout le monde soit sur la même longueur d'onde et comment mettre sur pied un programme concerté de relations publiques en place pour réorienter les attitudes? Depuis deux jours, j'entends dire que nous réagissons. Nous réagissons à une force que nous comprenons mal, et nous réagissons de manière très fragmentaire. L'industrie fait une chose, les travailleurs font autre chose, et les collectivités autochtones, autre chose encore. Que faut-il faire pour communiquer proactivement un même message au monde entier?

M. Patrick Moore: La vision que nous avons élaborée au sein de la Forest Alliance of B.C. est une vision axée sur l'établissement de passerelles entre nos collectivités et nos clients. Nous travaillons simultanément sur ces deux fronts. Par exemple, à partir d'aujourd'hui et pendant tout le week-end, nous parrainons à Campbell River un grand forum communautaire dans le cadre duquel les gens se réuniront pour discuter de l'avenir de l'industrie forestière dans les localités de l'île de Vancouver et de la région côtière centrale.

En même temps, Tom Tevlin et Keith Moore ont assisté à une réunion à San Francisco la semaine dernière qui était parrainée par Business for Social Responsibility et à laquelle étaient représentées des entreprises comme IBM, Hewlett-Packard, Levi Strauss, Nike, Liz Claiborne, et Starbucks, ainsi que d'autres qui participent à cette campagne de boycottage des produits forestiers de la Colombie-Britannique montée par des grandes entreprises du palmarès du magazine Fortune et Greenpeace. On a réuni ces gens-là pour discuter de tous ces problèmes. Il convient de déployer des efforts considérables à ce chapitre.

Donc, nous avons déjà une vision. Nous voulons établir des passerelles entre nos collectivités et nos clients. Par contre, Greenpeace et les autres vont voir nos clients en leur racontant des mensonges au sujet de nos qualités, de ce que font les gens de la Colombie-Britannique et de ce qu'ils sont, le tout en essayant de les faire passer pour des tueurs nés, comme le disait Oliver Stone. Ce que nous devons faire, c'est présenter nos localités à nos clients. Autrement dit, il faut faire venir les représentants d'IBM et de Hewlett-Packard pour leur faire faire les mêmes visites que vous-mêmes avez faites. Mais ça coûte très cher, et ce n'est qu'un élément de la solution, bien entendu. La Forest Alliance devrait disposer de 100 millions de dollars pour organiser ce genre de programme, mais malheureusement nous n'en avons que 2 millions.

Il est impossible de joindre les grandes entreprises du palmarès du magazine Fortune, qui ont tous des vice-présidents écologistes, dont la grande majorité sont bien respectés, de bons interlocuteurs et vont comprendre les enjeux si on peut les rejoindre. Mais quand ils sont dans leurs bureaux à New York, si les porte-parole de Greenpeace arrivent et commencent à leur raconter qu'on est en train de détruire la terre, le plus souvent ils vont se dire que leur entreprise sera mieux considérée s'ils défendent cette position-là. Cela s'appelle: se transformer en écologiste aux dépens du client. Ça fait partie de l'approche de Greenpeace: faire chanter les administrateurs. Ils leur disent: Ou alors vous boycottez les produits de la Colombie-Britannique, ou alors c'est nous qui allons vous boycotter. Voilà donc au niveau du personnel, dans quel dilemme ils se trouvent enfermés. Et que vont- ils faire pour leurs administrateurs et leurs PDG? Eh bien, ils vont essayer de passer pour les bons, ce qui signifie souvent qu'il faut nous faire passer pour des méchants.

• 1130

Alors voilà le problème auquel nous sommes confrontés. Voilà ce que nous avons à combattre. Cela va coûter des centaines de millions de dollars pour monter une bonne défense, parce qu'on parle des marchés du monde entier. Nous les 3,5 millions de résidents de la Colombie-Britannique, nous vendons nos produits à plus d'un milliard de personnes sur les marchés mondiaux. Il nous faut jouir d'une sacrée influence pour être écoutés par un milliard de personnes alors que nous sommes seulement 3,5 millions. Pour cela, il faudra de l'argent, beaucoup d'argent, et beaucoup de créativité sur le plan des communications. On parle ici de culture populaire; il nous faut l'équivalent de Michael Jackson.

Le président: Merci.

M. Alex Shepherd: Une dernière petite question, si vous me permettez. Avons-nous un site Web proactif qui pourrait contrer l'action de Greenpeace?

M. Patrick Moore: Oui, le site Web de la Forest Alliance est www.forest.org.

Le président: Merci, Alex.

Phil et Yvon ont demandé la parole. Ce sera d'abord le tour de Phil.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup. Je voudrais remercier ces messieurs d'avoir accepté de participer à notre étude. Je veux surtout souhaiter la bienvenue à M. Scoffield. Votre départ pour joindre le groupe des aménagistes forestiers professionnels représentait une grande perte pour la localité de Williams Lake. Je tiens à vous dire à quel point nous vous estimions là-bas.

Mais pour changer de sujet, je voudrais vous parler un peu de cette notion d'accréditation. J'ai un peu de mal à la concevoir clairement. Chaque fois que j'y pense, d'autres possibilités émergent. Je ne suis vraiment pas sûr de savoir comment cela pourrait marcher. Il me semble que l'autorité ultime en Colombie- Britannique est toujours le gouvernement de la Colombie- Britannique. Les aménagistes forestiers professionnels travaillent pour le gouvernement ou encore pour les entreprises.

Je dois dire que pour moi, l'une des activités les plus stimulantes consiste à me promener dans la forêt où j'ai grandi et que j'aime encore. Mais se promener dans la forêt avec une personne qui a étudié la forêt en tant qu'expert et qui peut vous expliquer toutes sortes de choses pendant votre promenade, ça c'est passionnant. Ce qui me plaît, c'est que la personne qui se promène avec moi adore la forêt, adore la terre, adore tout ce qui vit dans la forêt et peut m'en parler et me l'expliquer grâce à ses connaissances. Donc, en ce qui me concerne, cette expérience et ces connaissances confèrent une grande crédibilité.

Je voudrais justement parler de crédibilité avec nos experts forestiers. Vu les questions qui étaient posées au sujet de nos pratiques forestières, il a fallu, je suppose, arriver à mieux connaître nos forêts et nous-mêmes et améliorer progressivement nos pratiques forestières. Mais quel est l'avenir de cette idée d'accréditation, en ce qui concerne les aménagistes forestiers? Quelle serait la nature de votre participation? Vous considérez- vous comme des experts crédibles dont les opinions seraient respectées par nos interlocuteurs internationaux? Il y a le gouvernement, il y a les entreprises, et il y a le Forest Practices Board—d'ailleurs votre exposé, monsieur Moore, était excellent—très stimulant.

Quelle approche pouvons-nous adopter—c'est-à-dire nous, citoyens canadiens, résidents de la Colombie-Britannique, gouvernements fédéral et provinciaux—en matière d'accréditation qui va convaincre le monde que notre régime est valable? De toute façon, le vrai problème, comme l'a dit M. Patrick Moore aujourd'hui, n'est peut-être pas celui-là. Et la solution se trouve peut-être donc davantage du côté de l'approche, c'est-à-dire l'adoption des principes de la vente au détail, par opposition à la vente en gros, et les grands programmes de marketing que se sont donnés les entreprises les plus puissantes. Ne pensez-vous pas que cette question d'accréditation n'est en quelque sorte qu'une façon de brouiller les pistes?

Peut-être pourriez-vous m'aider à trouver des réponses à ces questions, car je veux savoir dans quelle mesure vous avez de la crédibilité. Je veux aussi savoir si l'accréditation est vraiment importante et valable. Je me demande si cette question d'accréditation n'est pas en train de nous détourner de notre vrai chemin.

Le président: Merci, Philip.

M. Van Scoffield (directeur général, Association of British Columbia Professional Foresters): Merci, Philip. Je suis ravi de vous voir après toutes ces années que j'ai passées à Williams Lake.

• 1135

Il y a quelques mois, nous avons rencontré les hauts fonctionnaires du Service canadien des forêts en Colombie- Britannique. Je crois que c'est Bill Wilson qui a dit que malheureusement nous perdons de plus en plus le contrôle de nos politiques forestières en faveur d'un groupe international d'élite. Nous avons tous beaucoup de mal à accepter ça, mais à mon avis, c'est assez vrai. Et je ne sais pas si quiconque, y compris nous, a une bonne solution à ce problème-là.

Au mois de mars, la conférence annuelle sur l'industrie forestière organisée par Price Waterhouse s'est tenue ici à Vancouver. Il y avait beaucoup de conférenciers différents, mais les exposés de deux d'entre eux étaient particulièrement pertinents pour ce qui est de comprendre le rôle de l'accréditation. Je suis désolé; comme je viens tout juste d'y penser, je n'ai pas préparé cette information pour le comité. L'un d'entre eux était du Royaume-Uni, et travaillait, si je ne m'abuse au FSC. Je pourrais sans doute mettre la main sur le texte de leurs exposés. L'autre conférencier était le président-directeur général de Home Depot Canada.

Le président: Essayez de trouver les textes de leurs exposés et transmettez-les au greffier, si possible. Nous les ferons distribuer aux membres du comité.

M. Van Scoffield: Ils ont expliqué avec éloquence les raisons pour lesquelles il y a un intérêt de plus en plus marqué pour l'accréditation dans le monde entier et les fournisseurs ou grandes chaînes de distribution, comme Home Depot, reconnaissent, peut-être avec réticence, qu'ils vont devoir opter pour cette solution-là. Je pense qu'il serait utile que les membres du comité puissent lire les textes de leurs discours.

Cela tient surtout, à mon avis, à une attitude de méfiance complète vis-à-vis des autorités. Ni les gouvernements, fédéral ou provinciaux, ni les systèmes qu'ils mettent en place ne jouissent de la confiance du public. Les gens font peut-être davantage confiance aux organismes comme celui de Keith Moore, Forest Practices Board, mais même là ils ne croient pas vraiment les affirmations de ce dernier. Je dirais qu'il y a un grand nombre de personnes qui ne nous font pas vraiment confiance.

M. Yvon Godin: Ça, c'est un gros problème.

M. Van Scoffield: En effet.

Vu cette réalité, il faut absolument faire quelque chose pour contrer cette tendance. Certaines des propositions que nous et d'autres vous avons faites aujourd'hui tendent vers ce but-là, mais un grand effort d'adaptation s'impose. Nous avons été longs à réagir à ce mouvement d'accréditation, qui prend de plus en plus d'ampleur, et même si nous n'avons pas émis d'opinion tout de suite, nous avons récemment commencé à nous y intéresser plus sérieusement. Nous avons clairement indiqué aux organismes d'accréditation que, conformément à la loi, les experts forestiers doivent absolument participer au processus.

Le fait est que les gens favorisent un système d'accréditation par une tierce partie, et nous allons donc devoir nous y adapter. C'est comme les pratiques forestières. Prenons l'exemple de la décision de MacMillan Bloedel, et encore plus récemment, celle Interfor et TimberWest, de recourir de moins en moins à la coupe à blanc comme principale technique d'exploitation forestière; ces décisions-là sont la conséquence directe de l'évolution des valeurs de la population. Le fait de savoir si cette dernière est aussi bien informée qu'on le voudrait n'a presque plus aucune pertinence. Le fait est qu'une évolution est en cours.

En tant qu'aménagistes forestiers professionnels, en prenant conscience de cette réalité, nous avons tendance à dire que l'essentiel, à notre avis, c'est de conserver des pratiques professionnelles et appropriées, qui sont conformes aux impératifs à la fois déontologiques et scientifiques; par contre, si nous tenons mordicus à conserver les méthodes et techniques de travail que nous utilisons depuis des dizaines d'années, eh bien, nos efforts sont voués à l'échec. Par conséquent, des entreprises comme MacMillan Bloedel et leurs experts forestiers sont en train de changer d'attitude.

Je me dis souvent qu'en fin de compte, notre rayon d'action englobe des priorités de viabilité à la fois sociales, environnementales et économiques. Il faut que les trois coexistent de manière harmonieuse. À l'heure actuelle, les priorités sociales évoluent très rapidement, ce qui a pour effet de modifier l'équilibre ou la convergence de ces trois priorités. J'ose espérer qu'il existe encore une certaine convergence.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Scoffield.

Je vais permettre à Keith Moore d'intervenir brièvement, et ensuite nous passerons à quelqu'un d'autre.

M. Philip Mayfield: Permettriez-vous à M. Patrick Moore de faire un bref commentaire?

Le président: Oui, s'il promet d'être bref.

• 1140

M. Keith Moore: J'ai noté trois questions. D'abord, est-ce simplement une façon de brouiller les pistes? Deuxièmement, que faut-il faire pour établir la crédibilité de l'industrie dans son ensemble? Troisièmement, faut-il communiquer directement avec les consommateurs?

Pour répondre à votre première question, non, ce n'est pas simplement une façon de brouiller les pistes. C'est une question très importante, primordiale même. Il s'agit essentiellement de transférer la responsabilité de cette question aux pouvoirs publics de sorte qu'elle ne relève plus des entreprises. En ce qui nous concerne, c'est très important.

Deuxièmement, pour être crédibles, il nous faudra un régime de vérification par une tierce partie crédible, indépendante, qui prévoit également la validation des résultats par une tierce partie indépendante.

M. Philip Mayfield: Et qui seront ces tierces parties?

M. Keith Moore: Cela reste à établir. Je suis d'accord avec Patrick pour dire qu'il ne s'agit pas de savoir quels grossistes achètent des 2x4; il s'agit plutôt de savoir qui achète son café chez Starbucks, son savon au Body Shop, ses jeans chez Liz Claiborne, et qui est client de la Bank of America. On parle de relations très éloignées, et surtout de validation.

C'est pourquoi j'estime, en me fondant sur ma récente expérience à San Francisco, que le Forest Stewardship Council a une bonne longueur d'avance, parce que c'est le Fonds mondial pour la nature, un groupe écologique, qui lui assure cette validation à l'heure actuelle. Tout s'articule autour des sondages d'opinion. Qui est-ce qu'on croit? On a vu les résultats. Du point de vue de la crédibilité, aux premiers rangs il y a les scientifiques et les groupes écologiques, et ensuite, pas mal plus bas, les aménagistes forestiers professionnels et les gens qui travaillent dans l'industrie forestière.

Pour répondre à votre troisième question, il faut s'adresser directement aux consommateurs. Certaines entreprises s'intéresseront à l'accréditation, mais d'autres ne voudront rien savoir, car elles préféreront prendre une initiative qui soit directement associée à leur marque de commerce qui leur permette de faire la preuve qu'elles se soucient de l'environnement. Elles voudront assurer la validation de leurs activités en associant leurs initiatives à l'image des produits qu'elles vendent, que ce soit du papier, du bois ou des manches de marteaux.

Le président: Merci.

M. Keith Moore: Excusez-moi, je n'ai pas vraiment été bref.

Le président: Monsieur Moore.

M. Patrick Moore: Il faut faire une distinction entre la notion de l'accréditation en tant que processus favorable et souhaitable de vérification indépendante et d'observation de pratiques forestière durable et le jeu politique qu'on observe à l'heure actuelle, qui est tout à fait ridicule. Des groupes extrémistes anti-exploitation forestière comme Greenpeace se servent du dossier de l'accréditation, non pas pour améliorer l'aménagement forestier mais plutôt pour l'éliminer. C'est pour ça qu'ils s'opposent aux démarches faites par Western Forest Products et J.D. Irving auprès du FSC, ils veulent supprimer complètement l'aménagement forestier et ils sont résolus à mener une campagne à cette fin.

À Oaxaca, au niveau international, le FSC a pu adopter une position plus centriste. Son président est l'actuel président de Assi Domain, l'une des plus importantes entreprises forestières suédoises. Malheureusement, l'industrie forestière en Amérique du Nord n'a pas vraiment ouvert de dialogue constructif avec le FSC pendant les premières années, si bien qu'elle ne participe pas vraiment à tout ça. Le défi consiste donc à marginaliser les extrémistes et à les empêcher d'influencer la norme du FSC, si elle doit devenir la norme mondialement reconnue, à harmoniser les normes de l'ACNOR, de l'ISO et du FSC pour faire en sorte que...

Par exemple, le groupe de travail du FSC en Colombie- Britannique ne compte aucun représentant de l'industrie forestière, et ce dernier ne veut pas non plus qu'il y en ait un, parce que des demandes ont déjà été présentées en ce sens. Mais le Forest Stewardship Council ne peut pas élaborer des normes si l'industrie n'y participe pas. Voilà où nous en sommes à l'heure actuelle. C'est pour ça qu'il faudra peut-être, comme d'autres l'ont déjà dit, que le gouvernement s'y intéresse de plus près. Le gouvernement de la Colombie-Britannique est en fin de compte le propriétaire de ces terres et, à ce titre, est responsable de toutes les activités qui se déroulent sur les terres publiques de la province.

Peut-être que le gouvernement de la Colombie-Britannique devrait demander au Forest Stewardship Council d'être représenté. Il devrait certainement participer au processus et demander l'accréditation des zones d'approvisionnement forestier, car après tout, elles relèvent du gouvernement. Pour en revenir à ce que disait Keith concernant le régime foncier, et le fait qu'il ait accès sur des zones, en réalité, les seules zones qui existent sont les zones d'approvisionnement forestier, à part les concessions forestières, qui ne visent qu'une entreprise. Dans la majeure partie de la province, c'est-à-dire 62 p. 100 de la coupe, les zones d'approvisionnement forestier ont par définition des volumes importants. Par contre, les autorités provinciales les considèrent comme des régions forestières définies, et les gèrent comme telles. C'est peut-être donc au gouvernement provincial de demander l'accréditation.

Jusqu'à présent, le gouvernement provincial est resté à l'écart et n'a pas voulu participer au processus d'accréditation, sous prétexte qu'il ne voulait pas avoir à déterminer qui seraient les gagnants et les perdants, et que c'était la responsabilité de l'industrie forestière, parce que cela concerne surtout le marketing. Je suis entièrement en désaccord avec cette position-là. C'est vrai que le marketing en est un élément important, mais cette initiative vise également à assurer l'amélioration des pratiques forestières et le développement durable. À mon avis, les autorités provinciales devraient...

Le président: Merci, monsieur Moore.

• 1145

M. Philip Mayfield: Monsieur le président, je n'ai plus de questions à poser, mais...

Le président: Vous invoquez le Règlement?

Des voix: Oh, oh!

M. Philip Mayfield: Oui, en effet. Je voudrais savoir si le compte rendu fait état d'un rôle éventuel pour le gouvernement fédéral, par rapport à ce que disait M. Moore.

Le président: Écoutez, si je ne m'abuse, cette question a été posée. Vous trouverez tout ça dans le compte rendu de nos délibérations. Si je me rappelle bien, les témoins ont dit que le gouvernement pourrait aider en faisant participer l'ensemble des intervenants clés et en assurant la coordination des activités, mais qu'il ne devait pas diriger ce processus. Voilà donc un bref résumé des commentaires faits par les témoins devant le comité au cours des deux derniers jours.

Je voudrais donner la parole à Yvon, car Werner et moi allons rater nos vols si nous n'accélérons pas.

Yvon, vous avez la parole.

M. Yvon Godin: Il est à quelle heure déjà votre vol?

[Français]

Premièrement, j'aimerais vous remercier d'être ici aujourd'hui et vous souhaiter la bienvenue. Je sais que nous sommes limités dans le temps, mais vous avez fait de belles présentations. L'important pour nous est de bien retenir la présentation que vous avez faite.

J'aimerais poser une question à M. Keith Moore au sujet du code de pratiques. Vous dites qu'on doit en faire beaucoup plus à cet égard. À la suite de la visite qu'on a faite au cours des deux derniers jours, j'ai des raisons de croire que les gens qui nous ont guidés étaient sincères. On a visité des régions où une reforestration avait été effectuée, ce qui est vraiment prometteur.

Lors de leur présentation d'hier, les représentants de Greenpeace nous ont donné l'impression que personne ne suivait le code de pratiques. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction ou si on est en train de manquer le bateau? M. Van Scoffield disait tout à l'heure que beaucoup de gens n'avaient pas de respect envers le gouvernement, les compagnies, les organisations, etc., mais le respect se gagne et il faut du temps pour cela. Il faut plus de temps pour gagner le respect que pour le perdre. J'aimerais donc savoir si on s'en va dans la bonne direction ou si on a un gros problème.

[Traduction]

Le président: Merci, Yvon.

M. Keith Moore: Merci.

Il ne fait aucun doute que nous sommes sur la bonne voie et que nous progressons rapidement et de façon importante. Le travail qui a été accompli le prouve, d'ailleurs, et je suis bien placé pour le savoir grâce aux 60 ou 80 experts-conseils qui travaillent pour nous sur le terrain chaque année. La Colombie-Britannique a fait d'énormes progrès pour ce qui est d'améliorer ses pratiques forestières. M. Higginbotham citait mes propos tout à l'heure, et il les a bien cités.

Je n'ai pas fait de comparaisons avec d'autres pays du monde. Je ne voudrais pas prétendre que nous sommes les meilleurs au monde en ce qui concerne nos pratiques, mais je suis sûr que ce que vous ont dit Kim Pollack et les représentants de l'IWA est tout à fait juste. Nos pratiques sont excellentes.

Par contre, notre territoire est tel que nous avons absolument besoin d'excellentes pratiques. Les terres que nous exploitons sont toutes des terres publiques. Elles ne sont pas fragmentées. Dans bien des cas, il s'agit de vieux peuplements. C'est l'une des dernières régions du monde où il existe encore des bassins hydrographiques non développés où abondent les grizzlis, les alques marbrées et les possibilités touristiques.

Il n'est pas juste de comparer nos pratiques avec celles de la Caroline du Sud ou du Nord, qui ne me sont pas du tout familières. Je crois comprendre qu'il s'agit de régions qui sont exploitées pour la deuxième ou la troisième fois et qui sont très fragmentées, de sorte qu'ils n'ont pas à s'inquiéter des grizzlis.

La communauté internationale s'attend à ce que nous respections des normes très élevées en raison de la richesse de notre environnement naturel. À mon avis, c'est en partie pour ça que nous avons encore du chemin à faire. C'est surtout à cause de nos ressources et de l'importance du territoire que nous exploitons, territoire qui appartient à un seul propriétaire et qui ne relève donc pas de plusieurs administrations différentes. Un ingénieur ou aménagiste forestier professionnel est la personne la mieux placée pour mettre en oeuvre un plan visant à assurer des mesures appropriées d'aménagement forestier et de protection des grizzlis. Mais il est essentiel qu'ils comprennent bien les objectifs visés. Combien de grizzlis voulons-nous protéger et comment allons-nous le faire?

À mon sens, ces détails-là vont devoir être précisés dans les plans régionaux d'aménagement du territoire. Le processus est déjà amorcé en Colombie-Britannique mais nous n'en sommes pas encore à l'étape de la mise en oeuvre. Il est tout à fait primordial que nous mettions en oeuvre des plans de haut niveau, comme on dit, qui fixent des objectifs précis et orientent les exécutants au niveau opérationnel. C'est là que nous avons encore du chemin à faire.

• 1150

M. Yvon Godin: On nous parle souvent de peuplements vierges et de peuplements de seconde venue, etc. Pourriez-vous me dire, pour ma propre gouverne, s'il est vrai que les grizzlis ne fréquentent pas les peuplements de seconde venue. Est-ce vrai qu'ils n'aiment pas ces peuplements-là?

M. Keith Moore: Non, ils... Je ne veux pas ouvrir tout un débat sur...

M. Yvon Godin: On pourra en parler après, si vous voulez, parce que c'est quelque chose qui m'intéresse.

M. Keith Moore: Ce que j'essaie de vous dire, c'est que la communauté internationale s'attend à ce que nous protégions ces ressources qui l'intéressent, étant donné qu'elles n'existent plus dans les autres pays du monde.

M. Patrick Moore: Pourrais-je rapidement ajouter un point, monsieur le président?

Le président: Monsieur Moore.

M. Patrick Moore: On a complètement déformé les faits en ce qui concerne les grizzlis. Les grizzlis préfèrent en général les grands espaces découverts aux zones boisées, et ils aiment...

M. Yvon Godin: Et ils préfèrent aussi les bleuets...

M. Patrick Moore: Les grizzlis traversent les forêts pour atteindre la rivière où ils mangent le saumon. C'est pour ça qu'ils traversent les boisés. Mais ils ne restent pas dans les boisés la plupart du temps. Ils ne font pas leur repaire dans les arbres, comme les ours noirs. Ils séjournent surtout dans les rochers et ils aiment surtout les talus d'éboulis, qui se trouvent dans les espaces découverts—où ils peuvent plus facilement trouver à manger. La plupart du temps, vous les trouverez dans les espaces découverts, alors c'est un mythe que de prétendre que les grizzlis ont besoin de peuplements vierges.

Le président: Vous soulevez un excellent point.

Vous avez tous été extrêmement coopératifs. Nos témoins nous ont clairement fait la preuve qu'il faudrait toute une journée pour discuter avec eux, mais disons que nous avons au moins amorcé le dialogue. Merci à vous tous.

Sans faire de pause, je vais tout de suite inviter les représentants du B.C. Business Council à venir s'installer, et nous commencerons aussitôt.

Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, nous allons commencer immédiatement. L'appareil enregistreur tourne déjà, et nous pouvons donc commencer tout de suite; nous aurons le texte intégral de l'exposé qui sera fait, semble-t-il, par le Business Council of British Columbia. Nous accueillons donc Jerry Lampert, président-directeur général, et Jock Finlayson, vice-président responsable de la politique.

Nous vous remercions d'avoir accepté de venir nous rencontrer ce matin. Je vous ai vus dans la salle, et je sais par conséquent que vous êtes là depuis un moment; vous savez donc que nous nous intéressons surtout à la perception internationale des pratiques forestières canadiennes, dans un premier temps, en Colombie- Britannique. Notre optique est nécessairement nationale, mais nous lançons notre étude en Colombie-Britannique. Nous vous invitons donc à prendre quelques minutes pour nous présenter vos vues.

M. Jerry Lampert (président-directeur général, Business Council of British Columbia): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Jerry Lampert et je suis président du Business Council of British Columbia. Je suis accompagné aujourd'hui de Jock Finlayson, qui est le vice-président de la politique et l'économiste en chef du Business Council.

Pour vous parler très rapidement des antécédents de notre groupe, le Business Council of British Columbia est une association qui représente les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire dans la province. Nous existons depuis 1966. Nos 165 membres représentent tous les principaux secteurs économiques. Les entreprises et les associations qui sont membres du Business Council représentent environ 25 p. 100 de tous les emplois dans la province. La majorité des grandes entreprises forestières qui sont actives en Colombie-Britannique soit sont membres du Business Council, soit y sont affiliées.

Nous sommes très heureux d'avoir ce matin l'occasion de rencontrer les membres du Comité permanent des ressources naturelles. Nous sommes très contents que ce comité ait lancé une étude des pratiques canadiennes d'aménagement forestier dans le contexte de l'évolution des ententes commerciales et des marchés mondiaux.

Je tiens à vous faire remarquer que je ne suis expert ni de l'industrie forestière ni des pratiques forestières. Mais le Business Council of British Columbia estime qu'il est important que le comité poursuive son examen de l'état actuel de l'aménagement forestier, non seulement en Colombie-Britannique mais dans tout le Canada.

Nous sommes convaincus qu'un examen approfondi de la situation révélera que les pratiques forestières canadiennes se sont grandement améliorées au cours des 10 dernières années, contrairement à ce que prétendent les détracteurs de l'industrie ici et à l'étranger.

• 1155

On ne peut trop insister sur l'importance que revêt l'industrie forestière pour les économies du Canada et de la Colombie-Britannique, comme d'autres témoins vous l'ont peut-être déjà fait valoir. Non seulement le Canada est-il le premier exportateur mondial des produits forestiers, mais c'est l'industrie forestière qui est à l'origine de la plus grosse proportion des recettes d'exportation nettes au Canada. En 1997, la valeur des exportations de produits forestiers a dépassé celle des importations de quelque 34 milliards de dollars. Dans la même année, la valeur de la production globale de l'industrie forestière canadienne a atteint 56,5 milliards de dollars, soit 27 milliards de dollars pour les produits forestiers, et 29,5 milliards de dollars pour les produits du papier.

Si l'on tient compte des effets économiques directs et indirects, on peut dire que l'industrie forestière assure des emplois à environ 1 million de Canadiens. Elle constitue également le principal moteur de l'activité économique dans quelque 350 localité au Canada—et il ne faut surtout pas perdre de vue cette réalité. Les personnes qui travaillent dans l'industrie forestière ont des salaires qui dépassent de 50 p. 100 la moyenne nationale, des revenus qui leur permettent d'acheter une vaste gamme de biens et services dans leurs localités—en plus de payer des impôts et des taxes à tous les paliers de gouvernement.

Sur le plan économique, l'exploitation forestière revêt évidemment une importance encore plus grande en Colombie- Britannique. Elle est à l'origine de presque la moitié de la valeur des envois de produits manufacturiers de la Colombie-Britannique et de plus de la moitié des exportations provinciales. Près de 100 000 résidents de la Colombie-Britannique travaillent directement dans différents segments de l'industrie des produits forestiers. De plus, au moins 175 000 emplois de plus, dans d'autres secteurs de l'économie provinciale, dépendent de l'industrie forestière.

La valeur annuelle de la production de cette industrie s'est chiffrée au cours des deux dernières années à 16 ou 17 milliards de dollars, même si ce chiffre va monter au fur et à mesure de la reprise économique au Japon et sur d'autres marchés asiatiques. Nous avons annexé à notre mémoire une série de tableaux qui présentent d'autres données au sujet de l'industrie forestière de la Colombie-Britannique, et nous vous invitons à les examiner.

L'industrie forestière a ce que les économistes appellent un effet multiplicateur positif. Autrement dit, elle stimule l'activité économique dans d'autres secteurs. Il y a trois grandes raisons qui expliquent ce phénomène. D'abord, la plupart de nos produits forestiers sont exportés, ce qui veut dire que l'industrie apporte une source extérieure de revenus. Deuxièmement, comme nous l'avons déjà vu, les personnes qui travaillent dans cette industrie ont des revenus supérieurs à la moyenne. Troisièmement, la source de la grande majorité des facteurs de production des entreprises forestières et la province même, ce qui crée une demande chez les producteurs d'autres produits et services.

Lorsqu'on tient compte de tous ces effets multiplicateurs positifs, on constate que l'industrie forestière est à l'origine de presque un cinquième du produit intérieur brut de la Colombie- Britannique. Elle est également la source de plus de 20 p. 100 des recettes du gouvernement de la Colombie-Britannique. Ces estimations sont tirées d'un rapport préparé par la Forest Alliance of British Columbia, que vous venez de recevoir, et la Chambre de commerce de Vancouver. Nous encourageons le comité à se procurer une copie de ce rapport et à l'examiner en profondeur avant la conclusion de ses travaux.

L'année dernière, le Business Council a publié sa propre analyse de l'apport économique des industries primaires de la Colombie-Britannique, y compris l'industrie forestière. Intitulé «B.C.'s Resource Industries—They Still Matter», ce rapport met en lumière la contribution primordiale que l'industrie forestière et d'autres secteurs primaires continuent d'apporter à la prospérité de la Colombie-Britannique.

Nous avons décidé de préparer ce rapport pour contrer l'argument souvent avancé, mais erroné, selon lequel les industries forestières et minières sont des industries en déclin et l'économie de la Colombie-Britannique est à présent tellement diversifiée qu'elle n'a plus besoin d'industries primaires dynamiques et concurrentielles. Même s'il est vrai qu'une certaine diversification est en cours, les faits révèlent que l'industrie forestière et d'autres secteurs primaires apportent encore une contribution très importante au bien-être économique de la province, même dans le contexte actuel d'une demande quelque peu ralentie et de prix plus faibles pour bon nombre de produits.

Vous savez certainement que l'industrie forestière en Colombie-Britannique fait depuis un moment l'objet de pressions économiques importantes, en raison des faibles prix qu'obtiennent certains produits forestiers, notamment la pâte de bois, d'une intensification de la concurrence sur les marchés mondiaux, du coût élevé de l'exploitation forestière et d'autres frais ici au Canada. Tous ces éléments démontrent bien la nécessité d'agir rapidement pour rétablir la santé financière de la plus importante industrie de la province de même que les conditions qui vont lui assurer un avenir prospère et durable. Le ralentissement économique actuel qui touche certains secteurs de l'industrie ne justifie aucunement de considérer l'industrie forestière comme une industrie en déclin.

Je voudrais maintenant céder la parole à Jock Finlayson.

M. Jock Finlayson (vice-président de la politique, Business Council of British Columbia): Merci.

L'industrie forestière en Colombie-Britannique n'est pas une industrie statique, contrairement à ce qu'on entend dire parfois. Il y a eu énormément d'innovation au niveau des pratiques forestières, des politiques gouvernementales qui influencent l'industrie, et de la mise au point des produits et du développement des marchés. Quant à l'avenir, à notre avis, il faut se fixer comme objectif de faire en sorte que le secteur forestier de la Colombie-Britannique soit un leader mondial au nouveau millénaire.

• 1200

D'autres témoins vous ont déjà donné d'autres détails au sujet de l'aménagement forestier et du marketing, mais vous devriez tout de même savoir que les chefs d'entreprise dans toute la province, y compris ceux de l'industrie forestière, ont constaté une évolution considérable au cours de 10 dernières années en ce qui concerne les pratiques forestières.

Parmi les principaux faits nouveaux, notons l'introduction en 1995 du Forest Practices Code en Colombie-Britannique; la mise en oeuvre de la stratégie provinciale visant les parcs et zones protégées; la mise en branle de processus de consultations exhaustives sur l'aménagement du territoire dans la plupart des régions de la Colombie-Britannique; les progrès réalisés en ce qui concerne l'élaboration de normes relatives à l'aménagement forestier durable; et l'utilisation de matériaux qu'on considérait autrefois comme des déchets ligneux, pour produire des produits forestiers à valeur ajoutée de haut de gamme.

Permettez-moi de développer un peu ces quelques points. Récemment, une étude indépendante a permis de constater que les pratiques forestières en Colombie-Britannique étaient parmi les plus rigoureuses du monde. Je vous rappelle que cette réalité est tout à fait l'inverse du message communiqué par certains groupes écologiques, dont la grande majorité ont leur base et sont financés à l'extérieur de la province, et qui, sans jamais l'avoir déclaré, ont clairement comme objectif de supprimer la totalité de l'activité forestière commerciale dans la province.

Dans le cadre de la stratégie provinciale de création de zones protégées, la province s'est fixé comme objectif de protéger 12 p. 100 de son territoire. Depuis 1992, la proportion de terre protégée est passée d'un peu plus de 6 p. 100 à 11 p. 100, comparativement à seulement 6 p. 100 pour le territoire canadien dans son ensemble, 4,7 p. 100 aux États-Unis, 3 p. 100 en Suède—qui est souvent considérée un chef de file en matière de politique environnementale—et bien en deçà de 1 p. 100 en Allemagne. La Colombie-Britannique dispose à présent de plus de 300 parcs et zones protégées, et une zone protégée récemment désigné, celle de Muskwa-Kechika, a une superficie plus importante que la Suisse. Nous avons donc réalisé de grands progrès à ce chapitre dans la province de la Colombie-Britannique.

De plus, d'après le rapport sur l'état de l'environnement publié par l'administration provinciale en 1998, la plupart des indicateurs démontrent que la représentativité de la diversité des écosystèmes provinciaux s'est grandement améliorée au cours des 10 dernières années. Sur les 100 régions écologiques terrestres connues en Colombie-Britannique, le nombre de zones où plus de 12 p. 100 du territoire est maintenant protégé est passé de 16 à 30, soit deux fois plus. Le nombre de zones où entre 6 p. 100 et 12 p. 100 du territoire est protégé est passé de 12 à 17. En même temps, le nombre de régions écologiques où 1 p. 100 ou moins du territoire est protégé a chuté de façon marquée.

Il convient aussi de faire remarquer aux membres du comité qu'un régime complet d'aménagement du territoire régional a été mis en oeuvre et continue d'être en place en Colombie-Britannique. Des plans complets d'aménagement du territoire sont établis, ou en voie de l'être, pour plus de 80 p. 100 du territoire de la Colombie- Britannique. Ces plans sont le fruit de consultations parfois difficiles auprès des personnes qui vivent dans les régions touchées. Mais la plupart des résidents de la province estiment que les collectivités locales et les régions doivent jouer un rôle primordial dans la prise de décisions sur l'aménagement du territoire. Nous devons tous, y compris le gouvernement fédéral, opposer une vive résistance à toute tentative de la part des gouvernements étrangers, groupes d'intérêt spéciaux ou lobbyistes extérieurs pour nous imposer leur volonté en ce qui concerne l'aménagement du territoire et l'utilisation des sols en Colombie- Britannique.

Comme vous l'avez déjà entendu, diverses initiatives sont déjà en cours au sein de l'industrie forestière pour montrer aux clients et à d'autres intervenants clés que l'industrie est en réalité très performante en ce qui concerne l'aménagement forestier et la protection environnementale. Des programmes d'accréditation sont certainement importants dans ce contexte. Un comité technique plurilatéral de l'Association canadienne de normalisation a élaboré une norme nationale d'aménagement forestier durable qui s'appuie sur le plus récent régime de gestion environnementale élaboré par l'Organisation internationale de normalisation.

Un sondage récemment mené par la Canadian Sustainable Forestry Certification Coalition a permis de constater que plus de 30 entreprises ayant 42 opérations d'un bout à l'autre du pays ont l'intention de faire accréditation quelque 72 millions d'hectares qui relèvent de leur responsabilité d'ici la fin de l'an 2003. Cela représente 60 p. 100 des 120 millions hectares de terres forestières aménagées au Canada. La majeure partie de ces terres seront donc conformes aux plus récentes normes de l'ISO.

Bref, il est clair, en ce qui nous concerne, que la Colombie- Britannique est un leader mondial de par son approche équilibrée en matière d'aménagement forestier. Les habitants de la Colombie- Britannique reconnaissent qu'un certain nombre de valeurs parfois contradictoires doivent être prises en compte quand vient le moment de décider de l'utilisation de nos terres et de nos ressources. Dans le cadre de ce processus, il convient évidemment de tenir compte de valeurs non commerciales légitimes. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le fait que moins d'un quart des terres émargées de la Colombie-Britannique est désigné pour l'exploitation forestière commerciale, et que seulement une portion de ce territoire sera exploitée. Bon nombre des zones désignées pour utilisation commerciale ne seront jamais exploitées en raison de différents règlements touchant les secteurs riverains, les corridors de biodiversité, et d'autres questions liées à la vulnérabilité écologique de certaines régions.

Le secteur forestier en Colombie-Britannique, comme l'économie en général, est en pleine transition. Une nouvelle loi sur les pratiques forestières est maintenant en vigueur—l'industrie s'y adapte encore—et les préoccupations d'ordre environnemental sont de plus en plus prises en compte dans l'aménagement forestier. Même si les forêts vierges continueront d'être une source importante de bois d'oeuvre pendant encore de longues années, la Colombie- Britannique aura au fil du temps de plus en plus recours à son éventail grandissant de peuplements de seconde venue.

• 1205

À l'heure actuelle, les industries forestières du Canada et de la Colombie-Britannique font l'objet d'une campagne bien organisée montée par des groupes écologiques militants qui cherchent à limiter, voire même à supprimer l'accès de nos produits de bois massif et de bois à pâte aux marchés étrangers. Cette activité a surtout été concentré en Europe jusqu'à présent, mais dernièrement les groupes en question ont intensifié leurs efforts aux États-Unis également. Bien que cette campagne environnementale ait surtout ciblé les forêts côtières de la Colombie-Britannique jusqu'à maintenant, il convient de souligner que l'ensemble de l'activité forestière industrielle au Canada est menacée.

Le gouvernement canadien, de même que les provinces, l'industrie, ses employés et ses fournisseurs doivent activement promouvoir le secteur forestier canadien sur les marchés mondiaux et contrer de façon énergique les messages communiqués par les organismes écologiques et leurs alliés, messages qui déforment tout à fait la réalité. À cette fin, plusieurs stratégies sont à considérer.

D'abord, sur la scène internationale, le Canada doit poursuivre ses efforts pour conclure de nouvelles ententes et conventions internationales qui traitent de la problématique liée à l'aménagement forestier durable.

Deuxièmement, le gouvernement du Canada doit travailler étroitement avec l'industrie pour élaborer une démarche d'accréditation rationnelle. Pour le Canada, un objectif clé doit être de s'assurer que les régimes d'accréditation ne deviennent pas un moyen détourné d'introduire des mesures commerciales protectionnistes.

Troisièmement, le Canada doit organiser davantage de missions commerciales à l'étranger pour promouvoir nos produits forestiers dans les marchés à la fois traditionnels et nouveaux. C'est l'industrie forestière, plus que n'importe quel autre secteur, qui assure au Canada une balance commerciale positive, et elle mérite d'être mieux soutenue et d'être jugée plus prioritaire par le gouvernement fédéral que c'est actuellement le cas.

Quatrièmement, il faut trouver d'autres moyens de présenter un portait plus équilibré et juste des pratiques forestières canadiennes à l'étranger. Comme le faisait remarquer le Council of Forest Industries dans son exposé devant le comité, il pourrait être nécessaire à cette fin d'établir des bureaux canadiens de commerce spécialisés dans les produits forestiers dans nos principaux marchés étrangers et d'organiser des conférences qui seraient données par des représentants canadiens en Europe, en Asie et aux États-Unis. Il y a certainement d'autres possibilités qui pourraient également être envisagées. Des crédits fédéraux supplémentaires seront néanmoins nécessaires pour coordonner des initiatives qui vont faire une différence.

Enfin, le Canada devrait clairement communiquer à ses partenaires commerciaux que nous invoquerons l'ALENA, les règlements de l'Organisation mondiale du commerce, et d'autres accords commerciaux internationaux pour protéger les droits du Canada et l'accès durement gagné par le secteur forestier aux marchés internationaux, dans l'éventualité que des gouvernements étrangers réagissent aux pressions qu'exercent les écologistes en cherchant à imposer de nouvelles restrictions relatives à l'importation des produits forestiers canadiens.

Monsieur le président, nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter nos vues.

Le président: Merci infiniment à vous deux pour vos remarques.

John Duncan va ouvrir la période des questions.

M. John Duncan: Je voudrais féliciter nos deux témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et surtout de n'avoir pas mentionné une seule fois l'Accord sur le bois d'oeuvre.

Le président: Et vous vous êtes cru obligé d'en parler, n'est- ce pas?

M. John Duncan: Certains estiment que nos préoccupations à l'égard de l'Accord du bois d'oeuvre seront bientôt remplacées par des préoccupations plus graves, à savoir l'élimination totale de notre accès aux marchés mondiaux ou du moins de fortes restrictions relativement aux produits récoltés dans les forêts vierges, par opposition au contingent touchant le bois d'oeuvre. Voilà la préoccupation exprimée hier par certains témoins. Elle a des conséquences pour tout le Canada, mais surtout pour la Colombie- Britannique. Je voulais en parler, parce que c'est en rapport avec les remarques générales que vous venez de faire.

Bon nombre de vos recommandations, en ce qui concerne l'accès aux marchés, nous ont été faites par d'autres témoins. Ce matin, on nous disait qu'il fallait convaincre l'industrie forestière de se considérer comme une industrie de vente au détail, plutôt que de vente en gros. Il faut qu'elle change complètement d'approche. Elle doit faire de la publicité et s'associer à des héros populaires par le biais de sa publicité. Vous étiez peut-être d'ailleurs présents pendant l'exposé de ces témoins-là. Peut-être pourriez nous dire ce que vous en pensez, et quelle sera, à votre avis, la réaction des entreprises forestières qui sont vos membres?

M. Jerry Lampert: Des changements sont actuellement en cours, notamment au niveau de la direction de certaines des plus importantes entreprises forestières de la province. À mon avis, les responsables de ces entreprises cherchent de nouvelles façons d'approcher leur activité commerciale.

• 1210

J'ai récemment assisté à l'assemblée annuelle de la Northern Forest Products Association à l'occasion de laquelle ils avaient réuni un groupe de PDG de grandes entreprises forestières pour une discussion entre experts, et je pense que tous commencent à examiner leurs activités sous des angles nouveaux et différents.

Par exemple, je sais que le PDG de Canfor, David Emerson, qui est relativement nouveau dans ce secteur, a trouvé des possibilités de commercialisation très intéressantes chez Home Depot; on vient d'ailleurs de parler de Home Depot. Donc, ils examinent de nouvelles possibilités.

Pour répondre à votre question, je dirais que nous ferons l'impossible pour encourager cette orientation.

Jock, peut-être voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Jock Finlayson: Je suppose que, comme n'importe quelle autre industrie, l'industrie forestière dans la province et au Canada n'a pas le choix: elle doit absolument écouter ses clients. Une industrie qui n'écoute pas ses clients risque autrement d'avoir du mal à vendre ses produits, quels qu'ils soient, et il est certain que ça représente un défi important pour l'ensemble des producteurs primaires, et notamment l'industrie forestière, qui ne s'est jamais comportée par le passé comme une entreprise de vente au détail, comme vous le disiez tout à l'heure.

À l'heure actuelle en Colombie-Britannique, l'industrie est évidemment en pleine crise financière, et les décideurs ont donc du mal à répondre à une menace stratégique à long terme qui a déjà commencé à se manifester au moment même où ils essaient d'assurer leur survie au cours des 12 ou 18 prochains mois. Bien que la situation semble s'être quelque peu stabilisée et s'améliore progressivement, l'industrie des produits forestiers en Colombie- Britannique vient de traverser la pire crise économique et financière qu'elle ait jamais connue en 50 ans. Par conséquent, la priorité pour les compagnies forestières est pour l'instant leur survie dans l'immédiat.

Il reste que le marché évolue, et à mon avis, les entreprises seront bien obligées d'évoluer avec lui, surtout que la tendance semble être vers une sorte de... il existe toute une gamme de modèles d'accréditation des pratiques forestières durables. N'étant pas expert, cependant, nous sommes mal placés pour nous prononcer là-dessus ou vous dire lequel d'entre eux est le plus approprié.

Nous avons assisté à la conférence forestière organisée par PriceWaterhouseCoopers à laquelle faisait allusion un témoin précédent, et plusieurs conférenciers semblaient laisser entendre qu'à long terme, l'accréditation par une tierce partie, plutôt que par les entreprises elles-mêmes, serait la seule option pour l'industrie. Il s'agit alors de se demander qui seront ces tierces parties; si vous comptez demander à Greenpeace d'accréditer la durabilité de vos pratiques, autant fermer boutique tout de suite et vous lancer dans un autre domaine, parce que Greenpeace n'aime pas qu'on abatte les arbres.

S'il était possible d'élaborer un régime crédible d'accréditation par une tierce partie qui n'aurait pas pour résultat de supprimer l'industrie des produits forestiers en Colombie-Britannique, ce serait sans doute une meilleure solution pour cette dernière. C'est d'ailleurs la tendance qui semble se dessiner sur le marché.

Le président: Si je ne m'abuse, John et Werner, vous devriez partager votre temps de parole. Voulez-vous utiliser le temps qui reste?

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d'avoir accepté de comparaître. Je trouve que votre présence devant le comité est très significative, puisque vous représentez un organisme cadre.

Je voudrais revenir sur l'un des quatre éléments que vous avez mentionnés à la fin de votre exposé, concernant les missions commerciales. Dans le cadre de missions commerciales précédentes, une délégation de Canadiens se rendaient à l'étranger. À votre avis, serait-il souhaitable de prévoir le processus inverse, parce que ce sont les clients qu'il faut persuader que les mesures prises sont dans leur intérêt?

Nous devons faire valoir nos arguments et nous allons le faire de la façon la plus éloquente possible; c'est ça que nous devons faire et nos missions commerciales l'ont fait avec beaucoup de succès. Mais étant donné ce que Patrick Moore nous disait au sujet des mensonges que racontent les écologistes, je me demande quelle serait la meilleure approche à adopter pour contrer ce genre d'activité?

M. Jerry Lampert: La réponse à votre question est oui. C'est- à-dire qu'il faut poursuivre nos efforts ici, en continuant notamment d'organiser les missions commerciales plus traditionnelles. Cependant, certains sont convaincus, à la lumière de la baisse du marché japonais en raison de la crise là-bas, qu'il n'est pas certain que nous reprenions ce marché, parce que des intérêts suédois et scandinaves sont maintenant présents, comme vous le savez peut-être. Par conséquent, il va falloir un effort énergique de marketing qui pourrait, comme le disait M. Duncan, être davantage axé sur les techniques de la vente au détail, mais quoi qu'il en soit, il faut le faire.

• 1215

En même temps, je sais que les représentants de la Forest Alliance et d'autres groupes qui ont comparu devant le comité ont parlé de la possibilité de faire ce marketing en faisant venir les gens au Canada pour qu'ils voient eux-mêmes ce que nous faisons dans nos forêts, et nous serions tout à fait en faveur d'une telle initiative.

M. Jock Finlayson: Ce que vous dites est tout à fait vrai. En fait, il serait sans doute plus important de faire venir les acheteurs étrangers au Canada que d'envoyer les vendeurs canadiens à l'étranger, étant donné les difficultés que connaît actuellement l'industrie forestière, difficultés qui vont probablement aller en s'aggravant. À cet égard, nous vous dirions ceci: comme vous le savez, l'exploitation forestière relève de la responsabilité provinciale. Ici en Colombie-Britannique, nous sommes très sensibles à cette réalité. Mais le fait est que sur le plan national, cette industrie représente l'un des principaux moteurs de l'économie. Après tout, elle a une production d'une valeur de 60 milliards de dollars par année et elle est très présente dans tout le Canada, pas seulement en Colombie-Britannique.

Donc, vu l'importance de ce secteur, le gouvernement fédéral doit, du point de vue de sa propre planification, prise de décisions et attribution des ressources, donner davantage la priorité à ces problèmes. Les provinces individuelles peuvent difficilement le faire; elles ont déjà à gérer leurs ressources primaires, et de toute façon, elles n'en ont pas la capacité financière. Par conséquent, un effort national intensifié pour élargir les missions commerciales, c'est-à-dire les missions commerciales dans les deux sens, et pour aider à présenter un portait plus équilibré de la situation des forêts au Canada constitue, à mon sens, une priorité absolue.

M. Werner Schmidt: Pour continuer un peu dans le même ordre d'idée, nous parlons d'un effort que ferait la Colombie- Britannique, et vous représentez le B.C. Business Council. Mais l'aménagement forestier se pratique ailleurs qu'en Colombie- Britannique. Il se pratique dans toutes sortes d'autres provinces du Canada. Ma question est donc la suivante: Dans quelle mesure votre conseil a-t-il des contacts ou collabore-t-il avec des conseils ou groupes semblables en vue de faire ce genre de chose? Les pratiques forestières de la Colombie-Britannique ne sont guère différentes de celles des autres régions du Canada. Il se trouve que certains groupes cibles la province de la Colombie-Britannique, mais le problème est certainement d'envergure nationale.

M. Jerry Lampert: Oui, absolument. Je sais qu'il y a des contacts importants entre les diverses associations de l'industrie forestière. Autrement dit, le Council of Forest Industries et l'alliance travaille de très près avec des groupes semblables dans notre région du pays. Quant au Business council, nous avons des contacts avec diverses associations nationales qui s'intéressent de façon plus générale aux politiques gouvernementales, y compris dans ce domaine. Donc, ces contacts-là existent.

À l'heure actuelle, il y a seulement trois autres conseils d'entreprises. Celui du Manitoba, le Conseil du patronat au Québec, et l'organisme national. Mais nous restons en contact et nous échangeons de l'information.

M. Jock Finlayson: Oui, nous ne sommes pas les porte-parole de l'industrie forestière proprement dite. Nos membres représentent un vaste éventail de secteurs. Mais vu l'importance que revêt l'industrie forestière pour la province, nous nous intéressons vivement à sa santé économique et à son avenir à long terme. Mais la difficulté que cela représente pour nous, en tant que pays, c'est que l'organisation de l'industrie est quelque peu fragmentaire.

Il existe évidemment l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers, qui représente ce secteur-là de l'industrie. Mais pour ce qui est du secteur des produits de bois massif, qui est la principale raison pour laquelle le comité a décidé de visiter la Colombie-Britannique, il n'existe pas d'organisme national reconnu qui puisse se faire le porte-parole de l'industrie canadienne du bois massif dans son ensemble. Il y a toute une série d'organismes provinciaux—nous en avons un en Colombie-Britannique, il y en a au Québec, et ainsi de suite.

Mais comparativement aux secteurs bancaire, chimique et minier, dont les différentes composantes sont représentées dans tout le Canada par des organismes nationaux très puissants, je dois dire qu'il n'existe rien de semblable dans le secteur du bois massif de l'industrie forestière canadienne.

Le président: Merci.

Je vais donner la parole à Alex et à Yvon pour poser de très brèves questions, et ensuite nous lèverons la séance.

M. Alex Shepherd: Je soupçonne que la situation à laquelle nous faisons face maintenant est la suite logique de la décision de bon nombre des provinces de revendiquer le droit de contrôler davantage les ressources naturelles. Les crédits du ministère des Ressources naturelles à Ottawa ont été réduits de moitié au dernier budget, surtout à cause des revendications provinciales. Peut-être que le moment est venu de vous demander s'il ne serait pas souhaitable d'accroître les responsabilités du gouvernement fédéral dans ce domaine.

Vous avez chez vous une industrie en pleine crise financière. Si je faisais de la planification stratégique pour l'autre camp, je me dirais que c'est l'occasion rêvée de lui donner le coup de grâce.

Vous avez parlé de fragmentation et du fait que vous représentez les entreprises forestières dans une certaine mesure seulement, étant donné que votre organisme a de nombreux autres membres. À mon avis, ce que les entreprises doivent faire, c'est mettre en commun leurs ressources pour venir aux prises avec ce problème, et le fait est que d'autres compagnies que représente votre organisme vont être lésées si cet activité commerciale diminue.

• 1220

Il me semble qu'un organisme comme le vôtre pourrait jouer un rôle très positif dans ce contexte, s'il disait à ses membres: Écoutez, l'enjeu ici n'est pas simplement les traités et les forêts, mais l'activité commerciale en Colombie-Britannique; que pouvons-nous faire pour réunir des fonds de manière à soutenir un mouvement en faveur d'une campagne internationale de promotion du secteur forestier? Ce serait peut-être un moyen de renverser la situation actuelle, qui n'est guère positive.

M. Jerry Lampert: Je voudrais réagir brièvement à ce que vous avez dit au sujet de la possibilité que nos adversaires profitent de la situation, c'est-à-dire l'actuelle situation économique de l'industrie forestière, pour l'achever définitivement. C'est une idée intéressante. J'ai l'impression que bon nombre des principaux groupes d'opposition ont jusqu'à présent été réticents à prendre une telle orientation, parce qu'ils savent que les résidents des petites localités souffrent et ils se rendent compte sans doute que ces gens-là réagiraient de façon très négative. En même temps, je sais bien qu'ils sont venus faire un exposé hier; ils continuent d'intervenir sur des questions précises, à des moments précis, pour assurer une présence, mais pour ce qui est de lancer une dernière grande offensive, comme celle que vous avez décrite, à mon avis, ils savent qu'ils doivent être prudents. Sinon, il y aurait une forte réaction négative de la part des habitants de la province pour les raisons déjà évoquées.

En ce qui concerne la diversité d'intérêts de nos membres, je peux vous dire—et leurs secteurs d'activité englobent les services bancaires et financiers, les professions, etc.—que dans cette province, nos membres sont très sensibles aux questions intéressant l'exploitation forestière. Ils sont assez réceptifs aux idées nouvelles relatives à la façon de rétablir le secteur forestier et de s'assurer de son bon fonctionnement dans la province. Par contre, je ne suis pas en train de vous dire que ces entreprises sont prêtes à employer leurs propres ressources financières pour soutenir cet effort, mais à mon avis, elles seront certainement tout à fait disposées à fournir d'autres types d'aide.

Jock, je ne sais pas si vous avez une réponse à cette question.

M. Jock Finlayson: À mon avis, l'ensemble des entreprises en Colombie-Britannique, que ce soit dans le secteur bancaire ou dans celui de la vente au détail en général, ne réalisent que trop bien l'importance de l'industrie forestière. Il n'y a pas que les personnes qui travaillent dans cette industrie et les collectivités où se trouvent les installations qui soient touchées par la situation actuelle. Les effets se font sentir dans une vaste gamme de secteurs d'activité, et en fait, si notre économie périclite à l'heure actuelle, c'est surtout parce que l'ensemble des secteurs économiques en Colombie-Britannique ont été contaminés par la crise financière de l'industrie forestière, y compris dans la région de la vallée du Bas Fraser.

Bien sûr, tout le monde n'est pas touché de la même façon ou dans la même mesure. Mais c'est un peu comparable à l'incidence qu'aurait sur le sud de l'Ontario une crise dans le secteur de la construction d'automobiles ou des pièces automobiles: il y aurait un effet d'entraînement sur les collectivités, les entreprises et les fournisseurs dans toute cette région du Canada central.

Sans l'industrie forestière, la Colombie-Britannique deviendrait du jour au lendemain une province démunie—si jamais l'industrie forestière disparaissait. Oui, nous diversifions très progressivement nos activités, de façon à dépendre moins des secteurs primaires, et c'est très positif, mais c'est un projet à très long terme. Dès qu'on quitte la région de Vancouver, on constate très rapidement que le secteur des ressources naturelles, qui comprend l'agriculture, les mines, les pêches, le pétrole et le gaz, est encore le pivot économique des régions non urbaines de la Colombie-Britannique.

Microsoft et Northern Telecom ne vont pas s'implanter à Bella Coola, Burns Lake, Williams Lake, et Prince George, aussi merveilleuses que soient ces localités. Elles devront continuer de vivre de la terre et des ressources qui ont été par le passé la source de leur prospérité, bien qu'elles cherchent à présent à diversifier très progressivement leurs économies. Certains peuvent peut-être se permettre d'ignorer cette réalité, mais ceux qui doivent prendre des décisions stratégiques au sujet de l'avenir de ces secteurs primaires n'ont pas ce luxe.

Le président: Merci.

Yvon, vous avez le dernier mot.

[Français]

M. Yvon Godin: Ce sera un commentaire plutôt qu'une question.

Premièrement, j'aimerais vous remercier d'être ici aujourd'hui. Des députés d'autres parties du pays sont venus vous rencontrer ici, en Colombie-Britannique. Pour ma part, je viens du nord-est du Nouveau-Brunswick et je peux vous dire que la forêt du Nouveau-Brunswick n'est pas comme celle de la Colombie-Britannique. La nôtre me fait penser à des cure-dents quand je la compare à la vôtre.

• 1225

Je pense que l'important est de venir voir sur place ce qui est arrivé et où on se dirige. Il y a un travail à faire et les clients ont besoin de le voir. Il ne s'agit pas seulement d'aller visiter les clients. La visite qu'on a faite nous a fait prendre conscience de bien des choses.

Même les représentants du syndicat IWA nous disaient qu'ils avaient fait partie des délégations qui étaient venues voir la forêt de la Colombie-Britannique et qu'ils avaient constaté un grand changement d'attitude chez les personnes d'autres pays qui étaient venues voir les choses sur place, parce qu'on ne leur avait pas raconté la véritable histoire. C'est la même chose dans notre cas. Ce qu'on entend à l'extérieur et ce qu'on voit sur place sont deux choses bien différentes. Ce processus-ci est donc important. Je pense qu'il y a eu assez de questions de posées. C'est pour cela que je voulais plutôt faire des commentaires. Merci.

[Traduction]

M. Jerry Lampert: Je suis d'accord avec vous. À mon avis, le rôle de l'IWA et d'autres syndicats qui travaillent dans le secteur forestier est critique pour établir la paix, et ils doivent absolument avoir voix au chapitre. Étant donné ce qui est arrivé dans la province ces dernières années, l'IWA et d'autres dirigeants syndicaux ont décidé d'adopter une approche plus pragmatique vis-à- vis des problèmes du secteur forestier, et en ce qui me concerne, c'est très positif. Ils peuvent certainement être utiles dans tout ce processus.

Le président: Au nom de tous les membres du comité, je voudrais remercier nos deux derniers témoins, ceux qui ont comparu ce matin et hier, de même que toutes les personnes que nous avons rencontrées de façon informelle à Williams Lake et à Bella Coola. Votre contribution nous sera grandement utile.

Je désire aussi remercier tous les membres du comité pour leur participation et leur coopération. Nous aurons très bientôt l'occasion de nous revoir à Ottawa. À ce moment-là, nous préparerons un rapport provisoire. À mon avis, c'est ce que le comité voudrait faire, même si notre va se poursuivre. Il est tout à fait approprié, à mon avis, que nous préparions un premier rapport à la fin de cette première phase.

La séance est levée.