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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 novembre 1999

• 1540

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Soyez les bienvenus. Nous en sommes à la 17e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-9, loi de mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

Nous accueillons trois témoins ainsi que leurs adjoints. Un d'entre eux sera un peu en retard.

Je souhaite d'abord la bienvenue au chef Phil Fontaine, le chef national de l'Assemblée des premières nations. Il est accompagné par son conseiller juridique, M. Jack London.

Comparaît à titre individuel, M. Billy Diamond. Puis-je vous demander de présenter votre voisin?

M. Billy Diamond (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente. Je vous présente le conseiller juridique, M. Harold Pohoresky.

La présidente: Merci.

M. Frank Palmater est le vice-président du Congrès des peuples autochtones.

Soyez tous les bienvenus. Je vais demander aux trois témoins invités de faire de brefs exposés d'environ 10 minutes, 15 au maximum. Nous pourrons ainsi donner cinq minutes aux membres du comité pour poser des questions. Je vous rappelle que, selon les règles du comité, vous disposez de cinq minutes pour les questions et les réponses afin que les membres du comité puissent poser le plus grand nombre de questions possible.

Cela dit, je donne la parole en premier à M. Phil Fontaine.

Vous avez la parole.

Le chef Phil Fontaine (chef national, Assemblée des premières nations): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, mesdames et messieurs. Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

J'aimerais d'abord vous présenter mon collègue à mes côtés, Jack London, qui est le conseiller juridique de l'Assemblée des premières nations. Au cours de nos discussions cet après-midi, il se peut que je lui demande de répondre à certaines questions.

Comme vous le savez, l'Assemblée des premières nations représente 633 Premières nations au Canada, ainsi que tous les citoyens des Premières nations de ce pays, qu'ils vivent en réserve ou hors réserve. Nous exerçons notre pouvoir en vertu d'un mandat constitutionnel émanant de notre population et résultant de processus électoraux démocratiques, transparents et responsables, tenus à chaque échelon des Premières nations, ainsi qu'au niveau du Bureau national.

Aujourd'hui, les Premières nations du Canada font face à de nombreux défis: qu'il s'agisse de trouver les moyens d'éliminer la pauvreté qui accable beaucoup de nos citoyens, d'assurer le développement économique et de créer des emplois pour notre population... ou encore d'assurer l'établissement et la reconnaissance de gouvernements fondés sur les droits ancestraux protégés par la Constitution, les droits issus de traités historiques, de traités plus récents ou du titre autochtone. Le rythme d'avancement de ces dossiers, quoique réel et constant, demeure lent et décourageant.

Rien peut-être n'est plus affligeant pour les Premières nations et l'Assemblée des premières nations que la tendance qu'ont les gouvernements canadiens à entamer des négociations, à conclure des arrangements, à faire des promesses, pour ensuite tarder longuement, voire indéfiniment, à les mettre en oeuvre.

La Cour suprême du Canada a défini de multiples fois l'obligation du Canada à l'égard des Premières nations comme celle d'un fiduciaire qui doit traiter avec celles-ci en prenant en compte leurs besoins et préoccupations, non seulement par des consultations, mais aussi aux fins de préserver l'honneur de la Couronne, un honneur qui a trop souvent été l'objet de manquements au cours de l'histoire.

Le traité avec les Nisga'as et les lois qui en découlent offrent à tous les gouvernements et à la population du Canada l'occasion de bien agir et de le faire au moment voulu. Ce traité représente l'aboutissement de négociations longues et complexes entre les pouvoirs publics de trois niveaux: les Nisga'as, le Canada et la Colombie-Britannique. Cet accord est né du consensus que les parties ont atteint grâce au réalisme dont elles ont fait preuve dans le marchandage musclé qui a présidé aux négociations.

• 1545

Déjà, le fruit de leur travail a été favorablement accueilli par la population nisga'a et par le gouvernement de la Colombie- Britannique.

Malgré les tentatives répétées des forces réactionnaires, que ce soit en Colombie-Britannique, au sein de certains partis politiques ou ailleurs, pour taxer d'inappropriés et de non représentatifs les termes du traité, il reste vrai que le contenu de l'entente est équitable, juste et raisonnable, non seulement parce que chacun des ses éléments est défendable, mais aussi parce qu'il a été négocié selon un processus transparent, raffiné et complet, en respectant les préceptes de la gouvernance moderne.

Je n'ai pas aujourd'hui l'intention de vous faire un exposé sur la lettre ou sur le détail de ce traité. Certes, je répondrai avec joie aux questions que vous voudrez bien me poser, mais selon moi—et c'est aussi l'avis de l'Assemblée des premières nations—c'est aux parties elles-mêmes, et plus particulièrement au peuple nisga'a, qu'il revient d'élaborer ou d'expliquer en quoi consistent essentiellement les dispositions du traité. J'entends donc restreindre mon exposé à la question du défi auquel nous, et vous avec nous, faisons face aujourd'hui à la lumière du dossier nisga'a, à savoir trouver un mécanisme plus efficace pour définir notre partenariat dans ce pays.

L'article 35 de la Loi constitutionnelle traduit exactement le processus qui nous amène ici aujourd'hui. Il garantit la protection, d'une part, des droits ancestraux et issus de traités existants et, d'autre part, des nouveaux droits susceptibles d'être acquis par la négociation de revendications territoriales et de traités. Il s'agit là du mécanisme en vertu duquel les autres gouvernements du Canada, fédéral et provinciaux, peuvent et doivent reconnaître les droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination des peuples des Premières nations du Canada.

Ces droits n'ont pas été accordés en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne, ils existaient bien avant que les Européens viennent s'installer sur ce territoire. Ils sont reconnus et protégés dans l'édifice juridique canadien, en vertu de l'article 35.

Il serait franchement inexcusable—de fait, cela équivaudrait à un retour aux vieilles politiques de séduction, de racisme et d'isolement—que le Canada fasse autre chose que de mettre ce traité en oeuvre et de donner pleinement effet à ses dispositions, avec rapidité et diligence. Agir autrement ternirait la réputation du Canada aux yeux de la communauté internationale et amènerait de l'eau au moulin de ceux qui, dans les communautés des Premières nations, souhaitent recourir à une action militante fondée sur l'idée que les citoyens des Premières nations et leurs gouvernements ne peuvent toujours pas faire confiance aux autres paliers de gouvernement dans ce pays, même après des négociations.

Aujourd'hui, les Canadiens sont au seuil d'une nouvelle époque. Les arrêts de la Cour suprême du Canada dans les affaires Sparrow, Sioui, Badger, Delgamuukw et, tout récemment, Marshall (je devrais dire les deux affaires Marshall), ont lancé haut et fort un message clair à travers le pays: les droits des Premières nations existent bel et bien.

Ces droits portent sur leur part légitime des ressources de ce pays, objet des revendications anciennes et actuelles. Ils portent sur l'autonomie ainsi que sur l'utilisation et l'occupation des terres. Ils n'ont jamais été cédés ni abandonnés. Ils seront protégés par les tribunaux du Canada, sinon par ses gouvernements et, au bout du compte, ils seront toujours défendus par les populations des Premières nations elles-mêmes.

Il vaut mieux que ces droits, et nos relations, soient fixés par négociation plutôt que par confrontation. Nous voici donc à un moment de l'histoire où, pour nous tous, le progrès, le développement et la recherche de la prospérité économique dépendent, d'une part, de l'établissement et de la définition de mécanismes nouveaux sur lesquels asseoir ces droits, en assurant leur reconnaissance par les autres gouvernements et par la population du Canada, et d'autre part, d'une définition beaucoup plus précise de notre partenariat en ce qui concerne les fruits et les ressources de cette terre.

Le traité avec les Nisga'as en est un exemple. Il octroie fiabilité et certitude à la relation et permet à toutes les parties, publiques et privées, gouvernementales et individuelles, de se développer politiquement, spirituellement et économiquement avec confiance et assurance.

Le traité met fin, comme il se doit, à l'actuelle politique du gouvernement du Canada en matière de revendications globales, qui fait de l'extinction des droits des Premières nations un préalable essentiel aux négociations. Cette politique est désuète, périmée, anachronique et inappropriée. Il faut la retirer et la remplacer, cette fois-ci par et après un processus complet de consultations avec les Premières nations du Canada, par l'entremise de l'Assemblée des premières nations.

• 1550

En 1998, après consultation avec l'Assemblée des premières nations, le gouvernement du Canada a publié une série de promesses historiques, le «Programme d'action avec les Premières nations», parfois cité sous le titre «Rassembler nos forces».

Dans ce document, le Canada reconnaît non seulement une nouvelle politique et un nouveau processus de traitement des revendications globales, mais il promet la tenue d'un examen conjoint gouvernement/Premières nations des éventuelles méthodes (autres que la renonciation ou l'extinction des droits ancestraux ou du titre autochtone) à employer pour apporter de la clarté, de la stabilité et de la certitude dans tout le processus de règlement des revendications globales, avec l'appui du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, ainsi que des Premières nations et du public.

Le Canada y promet également d'établir, en partenariat avec les Premières nations, une stratégie concernant les problèmes relatifs aux terres et aux ressources, notamment en collaborant avec les provinces à la promotion et à la cogestion et en cherchant de nouvelles occasions d'établir des programmes pour valoriser les terres des réserves et pour améliorer l'accès aux terres et aux ressources et le droit de propriété sur celles-ci.

Le document promet d'examiner et d'élaborer avec nous des mécanismes de protection ou autres, en application de l'article 35, afin de reconnaître les gouvernements des Premières nations et de structurer les relations infranationales et intergouvernementales.

Votre comité se doit d'accorder une attention particulière aux promesses du gouvernement et de veiller à leur réalisation. Un exemplaire de ce document a été ou sera déposé auprès du comité pour examen.

Le traité avec les Nisga'as est un pas dans cette direction—important, quoique petit. Il reste encore beaucoup à faire. Le principe de l'extinction des droits comme préalable aux négociations doit être relégué aux poubelles de l'histoire, comme cela a été fait dans le traité avec les Nisga'as, qui définit les droits par consensus au lieu d'exiger de l'une ou l'autre des parties qu'elle renonce à ses droits.

Les Premières nations qui souhaiteront définir leurs relations avec les autres gouvernements du Canada et avec les ressources de ce pays en passant par un traité comparable, doivent être encouragées et financées pour pourvoir le faire rapidement, efficacement et économiquement. Il importe également de créer d'autres processus qui répondent aux besoins des autres gouvernements du Canada, ainsi que des gouvernements des Premières nations, qui choisiront d'emprunter des processus autres que les traités pour déterminer l'avenir de la relation entre les Premières nations et leurs voisins.

Par-dessus tout, notre futur développement économique et notre bien-être communs exigent que toutes les parties, Premières nations et autres, agissent avec intégrité, dignité et honneur. L'activité économique requiert un contexte de confiance et de certitude. L'investissement ne se fait que lorsque les investisseurs se sentent en confiance et en sécurité.

Pour faciliter la mise en place d'un tel contexte, le gouvernement du Canada doit adapter ses méthodes de règlement de revendications au seuil du nouveau millénaire, notamment en créant un tribunal indépendant qui sera chargé d'instruire les revendications des Premières nations encore en suspens. Le gouvernement doit réévaluer et rénover sa politique et son processus de traitement des revendications globales. Il doit élaborer des modalités qui soient acceptables par toutes les Premières nations. Le rapport de celles-ci avec les terres et les ressources doit être précisé et développé avec toute la confiance et la certitude que la prospérité et le développement économiques supposent. Il doit respecter ces délibérations et leurs résultats en procédant avec rapidité et efficacité à leur mise en application.

Le Parlement du Canada doit accepter sans délai le traité avec les Nisga'as. Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Diamond, commencez quand vous serez prêt.

M. Billy Diamond: Bonjour, madame la présidente, membres du comité, chef Fontaine. Permettez-moi de dire quelques mots avant d'aborder mon texte.

Voilà plus de 30 ans que l'on négocie le traité avec les Nisga'as. Je connais les anciens dirigeants du peuple nisga'a, surtout le regretté James Gosnell, dont la définition des droits ancestraux, durant les négociations de la Constitution en 1982, demeure un des joyaux de notre histoire constitutionnelle. Selon lui, les droits ancestraux des Autochtones s'appliquent à tout sans exception. Je ne fais que le citer. Et c'est dans le contexte de cette définition, que nous examinons cette mesure législative et ce traité.

• 1555

Le peuple nisga'a a toujours créé des précédents. Il a créé un précédent en matière de droits autochtones, devant les tribunaux, dans l'affaire Frank Calder. L'affaire Calder a bouleversé la définition des droits ancestraux au Canada. Auparavant, le premier ministre Trudeau refusait de reconnaître l'existence de droits ancestraux. Mais après la décision de la Cour suprême dans cette affaire, surtout après le jugement dissident du juge Emmett Hall, le gouvernement fédéral a reconnu l'existence de tels droits au Canada. C'est ainsi qu'une nouvelle politique a vu le jour, celle qui consistait à négocier avec les peuples autochtones.

Les négociations ont été entamées peu après 1970. Grâce au peuple nisga'a et à l'affaire Frank Calder, les Cris et les Inuits du nord du Québec ont pu négocier le premier traité moderne relatif à des revendications territoriales, la Convention de la Baie James et du nord du Québec, en 1975. J'ai été le principal négociateur, le principal architecte et l'un des signataires de cette convention. Cette convention, nous la devons non seulement aux négociateurs des deux parties, mais aussi aux efforts du peuple nisga'a.

J'ai 30 ans d'expérience dans la négociation de divers accords, y compris les accords de revendications territoriales, et la Constitution de 1982. Fort de ces années d'expérience, je puis vous assurer que ces négociations sont très ardues, surtout lorsque deux parties différentes ou plus y prennent part. Elles réclament beaucoup de force. Pour faire ce que le peuple nisga'a a réussi à faire, il faut tout l'esprit d'un peuple. Les Nisga'as méritent mieux que cette longue attente pour que la mesure législative entre en vigueur. Ils méritent notre cordial appui et ils méritent que cette mesure législative entre en vigueur.

Lorsqu'un peuple autochtone et les gouvernements négocient, c'est pour mettre fin au statu quo. C'est pour obtenir un changement. Lorsqu'un peuple négocie, c'est qu'il n'est pas satisfait de sa situation et qu'il veut améliorer son sort, progresser et se sortir de l'ornière.

Malheureusement, la politique de revendications territoriales du Canada n'est pas idéale. Mais c'est la seule dont nous disposons et nous devons nous en accommoder. Le peuple nisga'a a élaboré une entente négociée pour son territoire. Cette entente est là pour ce peuple. Il est temps de leur accorder ces droits qu'ils ont réussi à négocier.

Il est bien possible qu'il y ait du chevauchement dans les compétences et qu'il y ait du chevauchement avec les territoires d'autres nations autochtones; mais il peut y avoir des droits réciproques dans certaines compétences qui se chevauchent. Nous, les Autochtones, avons toujours appris à partager. Nous partageons avec nos familles et avec les autres tribus. Si nous ne pouvons pas partager avec les autres tribus, comment pouvons-nous partager avec les gouvernements non autochtones?

• 1600

La solution au problème du chevauchement des compétences, ce n'est pas dans cette salle que nous trouverons. La solution, nous la trouverons dans nos communautés, avec nos gens, grâce à la négociation.

Il est temps d'adopter cette loi. C'est ce que le peuple nisga'a a négocié, c'est ce qu'il souhaite. Les Nisga'as savent ce qui est dans leur intérêt. Le traité n'est peut-être pas parfait, mais la Convention de la Baie James et du Nord québécois ne l'était pas non plus. La convention de 1975 a donné lieu à de nombreux bouleversements et à un grand débat. C'est ce même débat, et peut-être les mêmes attitudes, que soulève le traité avec les Nisga'as. Mais les Nisga'as ont négocié leurs droits et ce traité est le leur. Ils l'ont élaboré dans l'intérêt de leur peuple et pour son épanouissement.

Je suis un négociateur et j'ai participé à de nombreuses négociations; je sais que lorsqu'on entame des négociations, c'est pour signer un accord. Nous voulons tous que ces accords aient force de loi parce que nous voulons éviter que les droits négociés puissent nous être retirés à l'avenir. Nous voulons que ces droits soient reconnus non seulement dans des accords, mais aussi dans des lois.

C'est pourquoi la Loi sur le Traité nisga'a est aussi importante. Nous voulons que le Parlement protège les droits qui sont nécessaires pour respecter notre traité. Ces droits et ces accords sont protégés par l'article 35 de la Constitution. C'est de cette façon que nous avons négocié en 1982.

En 1982, j'étais négociateur constitutionnel principal de l'Assemblée des premières nations; c'est de cette façon que nous avons négocié les articles 25 et 35. Une fois que les parties s'entendent, elles incluent les mesures qu'elles ont négociées dans un traité. De cette façon, les droits dont les parties conviennent sont inclus dans des lois et protégés par la Constitution. Ils se trouvent constitutionnalisés afin de protéger les générations futures. C'est de cette façon que notre peuple veut faire protéger ces droits. Nous demandons maintenant à la Chambre et au comité d'examiner le Traité nisga'a et de recommander son adoption.

Je veux toutefois parler de certaines questions. La première se rapporte à la mise en oeuvre des traités. Le gouvernement est mal placé pour mettre en oeuvre les accords sur les revendications territoriales et les traités. Il faut arriver à un équilibre dans l'application du traité entre les besoins et les droits très spéciaux des peuples autochtones qui luttent pour leur survie sur leurs terres traditionnelles, et le besoin d'exploiter à des fins économiques les ressources naturelles de ces terres.

La terre est au coeur même de l'identité et de la culture autochtone. L'attachement des Autochtones à la terre est sacré et doit être maintenu et protégé. Mais son exploitation économique peut aider les Autochtones à répondre au défi de l'autonomie autochtone, de l'autosuffisance et de l'autoréalisation. Voilà le problème. Il faut relever ce défi par des négociations, dans une atmosphère de respect mutuel et de reconnaissance des besoins très spéciaux et des droits des uns et des autres.

On peut certes être préoccupé par tous les problèmes sociaux, déjà bien documentés, qui affligent des communautés et des particuliers autochtones. Nous sentons tous profondément que nous devons rougir de ce triste état de choses. Nous pouvons tous faire davantage. Après avoir passé 25 ans à la mise en oeuvre ou pas de la Convention de la Baie James et du nord du Québec, je constate que, dans une certaine mesure, nos attentes ne se sont pas concrétisées. Il reste encore des questions à régler, comme le partage des ressources, l'expansion économique, le gouvernement local, la protection de l'environnement, etc., dans lesquelles les tribunaux sont enferrés, sans qu'on puisse espérer une solution. Le taux de chômage est élevé, nos gens en souffrent et en comparaison avec le reste du Canada et d'autres Autochtones, nous sommes très désavantagés. Nous n'avons pas fait autant de progrès que j'aurais voulu.

• 1605

Ce qui me plaît beaucoup au sujet du Traité nisga'a, c'est le règlement des litiges. Il n'y a pas de dispositions semblables dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Au lieu de cela, il ne nous reste que le recours le plus coûteux et le moins efficace: les tribunaux. Nous nous retrouvons de plus en plus souvent devant les tribunaux.

J'ai fait partie du conseil d'administration de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, et nous nous sommes retrouvés en un an avec 185 cas d'arbitrage devant les tribunaux. Ce n'est pas une solution. Nous sommes devant les tribunaux et y seront probablement encore longtemps. Ce n'est pas bien, c'est malheureux et aussi très coûteux. Ce n'est pas ce que j'envisageais quand j'ai signé la convention. Autochtones comme non-Autochtones, nous gaspillons nos maigres ressources en arguties sur ce qui a été dit, ou ce qu'on voulait dire, dans un traité négocié il y a 25 ans, plutôt que de négocier en vue d'un meilleur avenir. Nous nous tournons vers le passé plutôt que de nous assurer un bon avenir.

Les Cris du nord du Québec poursuivent actuellement les gouvernements fédéral et provincial à coup de milliards de dollars pour la non-application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Nous sommes pris dans une bataille qui coûte à toutes les parties des millions de dollars en frais de justice et en honoraires d'avocats. Et ce qui est tragique c'est que nous ne pouvons pas obtenir des tribunaux ce dont nous avons besoin. Les tribunaux ne peuvent pas me dire si j'ai une scierie, ou si j'ai certaines obligations. Les tribunaux sont limités aux dommages causés et ne peuvent assumer le rôle d'une assemblée législative.

Entre-temps, on ne s'occupe pas des besoins et des problèmes réels des membres de notre communauté. Je suis ravi de voir qu'il y a une disposition dans le Traité nisga'a.

Une chose est claire. Il n'y a pas de développement durable sans le développement d'un secteur privé solide sur les terres autochtones. Or, le secteur privé y est pratiquement inexistant, quand on compare aux autres communautés autochtones. Qui doit-on blâmer? Regardez la Loi sur les Indiens.

Mon collègue, le chef Fontaine, a dit très clairement qu'il fallait procéder à une refonte totale. En vertu des règles et lois actuelles, les Autochtones sont condamnés à la dépendance. En tant que dirigeant, je suis las de venir au Parlement, las de m'adresser aux ministres pour obtenir ma part. Je veux être autonome. Je veux que mon peuple soit autosuffisant. Je veux que mon peuple ne soit plus endetté. Les subventions nous tuent. Il est temps de mettre fin à la dépendance.

Il faut faire encore davantage maintenant. Le gouvernement manque beaucoup trop de vision. Il faut effectuer une révision complète et une infusion massive de capitaux dans la formation et le développement des ressources humaines de même que dans l'infrastructure.

Il faut abolir la Loi sur les Indiens et repartir à zéro. Nous avons besoin d'un nouveau contexte propice aux entreprises pour encourager l'esprit d'entreprise chez les Autochtones. Nous avons besoin de partenariats avec des entreprises en dehors des réserves. Nous avons besoin d'un contexte réglementaire qui favorise plus de développement de la part du secteur privé, plutôt que d'y nuire.

Nous devons faire en sorte que le traité avec les Nisga'as favorise des initiatives du secteur privé sur des terres autochtones. Il faut viser à l'autosuffisance économique des peuples autochtones. Les Autochtones ont besoin d'un plus grand appui du gouvernement à la création de perspectives commerciales sur des territoires autochtones au moyen de programmes particulièrement conçus à cette fin. Les traités devraient encourager cela.

• 1610

Qu'est-ce que cela signifie? La mise en oeuvre du traité déterminera son succès. Le comité doit recommander à la Chambre l'adoption immédiate du projet de loi sur les Nisga'as. Les négociations de bonne foi, et non les litiges, constituent la voie de choix pour son application. Le gouvernement doit également être prêt à mettre en oeuvre des traités modernes—je ne parle pas seulement des gouvernements autochtones, mais aussi du gouvernement fédéral, qui n'est pas structuré de manière à pouvoir mettre en oeuvre des traités découlant de revendications territoriales. C'est ce qui a causé l'échec de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Les négociations concernant la mise en oeuvre doivent avoir lieu sur les terres autochtones et non dans des capitales éloignées avec des bureaucrates qui ne sont pas autorisés à répondre aux besoins des peuples autochtones. Il faut de l'imagination et de la souplesse pour être en mesure de répondre aux besoins des diverses collectivités. L'autosuffisance économique grâce au développement d'un secteur privé sain est la seule solution économique possible. Nous devons nous efforcer de nous libérer du syndrome de la dépendance envers l'aide publique.

Nous avons besoin d'un contexte plus propice aux entreprises sur les terres autochtones, ce qui stimulera la croissance du secteur privé. Les gouvernements doivent jouer un rôle prépondérant dans la création d'un tel contexte au moyen d'incitatifs. Nous avons besoin de plus de programmes du secteur public pour offrir des perspectives économiques favorisant le développement d'un secteur privé.

Le gouvernement doit changer. Les gouvernements autochtones doivent changer. Nous aurons besoin de plus en plus de partenariats dans le développement. Les peuples autochtones demandent de plus en plus une participation aux recettes. Il faut une politique de partage des recettes. On pourra y arriver seulement par la négociation.

En dernier lieu, la Loi sur les Indiens doit être modifiée. Elle a besoin d'être complètement remaniée.

Je vous engage à tenir compte des considérations qui précèdent... et je vous exhorte à adopter rapidement le projet de loi, qui est nécessaire pour le peuple nisga'a. Le peuple nisga'a attend depuis longtemps la conclusion des négociations. Mon peuple attend aussi depuis longtemps. Mon peuple attend depuis 25 ans que l'on respecte certaines obligations. Je ne veux pas que le peuple nisga'a attende aussi longtemps que nous.

Merci, madame.

La présidente: Merci beaucoup.

Notre dernier témoin aujourd'hui est M. Palmater. Vous avez la parole, monsieur.

M. Frank Palmater (vice-président, Congrès des peuples autochtones): Merci beaucoup, madame la présidente. Je m'appelle Frank Palmater et je suis vice-président du Congrès des peuples autochtones.

Le Congrès des peuples autochtones, fondé en 1971 sous le nom de Conseil national des Autochtones du Canada, est l'organisme national de défense des droits des Autochtones qui ouvre ses portes à quelque 850 000 personnes qui vivent en dehors des collectivités des Premières nations, qu'il s'agisse d'Indiens de plein droit, ou d'Indiens qui ne le sont pas, ou bien d'Indiens visés par un traité, ou encore non soumis au traité, ou de personnes qui possèdent un certificat de Métis, ou même de Métis sans certificat. Essentiellement, le principe de l'organisation est de remédier à notre manque de reconnaissance de nous-mêmes comme peuples autochtones et de contester notre exclusion en ce qui concerne les responsabilités du gouvernement fédéral.

Le document que nous avons apporté au sujet des Nisga'as est intitulé «Qu'est-ce qui ne va pas dans l'accord?» Nous voulions plutôt dire: «Ce qui ne va pas dans l'accord: des préoccupations». Nous croyons que l'accord conclu avec les Nisga'as donne une idée claire des intentions du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial lorsqu'ils concluent des traités modernes, et des mécanismes qu'ils vont employer. L'accord avec les Nisga'as doit être évalué dans le contexte du désir des Autochtones de parvenir à l'autodétermination et à la décolonisation, et du désir du Canada d'assimiler les peuples autochtones dans la société canadienne en tant que groupe d'intérêt minoritaire sans caractéristiques uniques comme peuple ou sans statut en droit international.

Le Canada et la Colombie-Britannique ont dit que les traités ou les accords modernes sur des revendications territoriales avaient pour objet d'amener la certitude. Cet objectif de certitude consiste à formuler exhaustivement et complètement tous les droits ancestraux et les droits issus de traités. Au lieu d'accepter simplement l'existence d'un droit ancestral de propriété et de juridiction sur des terres et des ressources, la certitude limite et définit les titres autochtones et les droits ancestraux de manière à les faire concorder avec les lois du Canada et le concept que représente la terre pour les Canadiens.

• 1615

Le titre autochtone sur des terres et des ressources existait à l'époque où la Couronne a revendiqué la souveraineté sur le pays. Ce titre n'a jamais été aboli. La souveraineté du Canada et de la Colombie-Britannique ou leur droit de propriété sur les terres et les ressources ne sont pas contestées. Le Canada et la Colombie- Britannique n'ont pas approuvé leur titre ou leur juridiction. C'est une simple présomption. On accorde à des groupes autochtones une reconnaissance limitée de leur titre de propriété et de leur juridiction sur une petite parcelle de leur ancien territoire traditionnel. Aucun titre ou droit ancestral ne survivra à l'exclusion dans le texte de l'accord. Tous les titres et les droits ancestraux seront transformés en droits contractuels.

L'accord conclu avec les Nisga'as abolit tout droit autochtone de la Nation nisga'a en ce qui concerne la totalité de leur territoire traditionnel et transformera le titre primordial des Nisga'as en titre en fief simple. Les terres qui font l'objet de l'accord avec les Nisga'as auront une superficie approximative de 1 990 kilomètres carrés, soit environ 8 p. 100 du territoire traditionnel original des Nisga'as.

En vertu de l'accord conclu avec les Nisga'as, leurs droits de pêche et de chasse sont réduits et équivaudront seulement à ceux d'entreprises commerciales et de loisirs. Tous les droits ancestraux ou issus de traités concernant la pêche et la chasse devraient respecter les jugements de la Cour suprême dans les affaires Delgamuukw, Sparrow, Marshall, Simon, et tous les autres. Rien dans le libellé de cet accord ne devrait abroger ou changer les décisions de la Cour suprême du Canada ou les dispositions de la Constitution du Canada.

Nous avons nos propres responsabilités face à nos terres et à nos peuples, et la Cour suprême du Canada a reconnu également que les peuples autochtones ont le pouvoir et le droit de décider de l'usage que nous ferons de nos terres ancestrales et de nos ressources. Le Canada et la Colombie-Britannique ont tenté de réduire ce droit à une forme de consultation ou de cogestion, ce qui est essentiellement le droit de conseiller et d'offrir une opinion, mais sans véritable voix au chapitre ou pouvoir dans les décisions relatives à l'utilisation des terres ou des ressources.

N'est-il pas ironique—et il y a lieu de le signaler maintenant au comité—que dans l'accord conclu par les Nisga'as dans le cadre des négociations territoriales globales, il semble qu'un taux de 50 p. 100 de ceux qui ont le droit de vote et qui votent suffit pour ratifier cet accord, alors que pour qu'une province se sépare du pays, nous savons que le Canada exigera davantage. Le gouvernement canadien n'a pas déterminé quelle sera la majorité requise, mais une majorité simple de 50 p. 100 plus un n'est pas suffisante. C'est suffisant pour un peuple autochtone, mais ce n'est pas suffisant pour le reste du Canada.

Dans l'accord conclu avec les Nisga'as, le Canada et la Colombie-Britannique ont exigé que les Nisga'as certifient légalement qu'ils avaient le droit de conclure l'accord au nom de tous les Nisga'as. Les Nisga'as ont le droit de garder leur culture et d'utiliser leur langue d'une manière conforme à cet accord. Cela signifie que l'histoire orale, les traditions et les lois des Nisga'as sont valides seulement si elles ne pas incompatibles avec les pouvoirs prévus dans cet accord.

L'impact net du libellé de la certitude dans les accords modernes sur les revendications territoriales, comme on le voit dans l'accord conclu avec les Nisga'as, est la création d'un système à deux poids deux mesures en ce qui concerne les titres fonciers et les intérêts relatifs aux terres en question. Le Canada, la province, ainsi que des tierces parties voient leurs droits et leurs intérêts reconnus et protégés. Ces droits ne sont pas définis et ils ne sont limités d'aucune façon par l'accord.

Le groupe autochtone, d'autre part, voit tous ses droits réduits au libellé de l'accord. Le titre autochtone concernant le territoire traditionnel cesse d'exister pour être remplacé par un titre en fief simple. Le droit de ces Autochtones à l'autodétermination cesse et est remplacé par le droit à l'autonomie gouvernementale et à l'auto-administration en vertu des lois canadiennes. Nous, du Congrès des peuples autochtones, ne nous y opposons pas si tous les Nisga'as ont eu la possibilité de se prononcer. Même si la majorité des Nisga'as accepte, comme l'accord le dit, c'est bien, nous pouvons accepter cela.

• 1620

Il y a un autre point dont je veux parler au comité et qui a été négligé jusqu'à maintenant. Comment les Nisga'as qui ne vivent pas à l'intérieur du territoire nisga'a mais qui sont Nisga'as de naissance ont-ils pu participer au processus? Le Congrès des peuples autochtones demande au comité si l'on a fait tous les efforts possibles pour contacter ces Nisga'as afin de leur demander leur opinion sur cet accord. L'Organisation des United Native Nations, notre membre affilié en Colombie-Britannique, nous a dit que cela ne s'était pas fait, parce que les Nisga'as n'ont pas le mandat en vertu de la loi de demander l'opinion de ceux qui ne vivent pas sur le territoire traditionnel. De l'avis du Congrès des peuples autochtones, ce n'est pas acceptable. Notre pays fait tous les efforts possibles pour faire participer aux élections chaque électeur admissible, sans exception, comme les membres des forces armées et le personnel d'ambassade qui se trouve à l'extérieur du Canada, mais il est manifeste que l'on n'a pas fait un tel effort dans le cas des Nisga'as qui vivent en dehors de la réserve ou loin de leur territoire traditionnel.

Nous voulons aussi demander au comité quel mécanisme d'appel est à la disposition des électeurs nisga'as admissibles. À la page 3 de notre texte, nous disons que le Canada et la Colombie-Britannique ont exigé que les Nisga'as certifient qu'ils avaient le droit de conclure l'accord au nom de tous les citoyens nisga'as. Le processus dont nous discutons présentement n'est pas un processus inclusif. Ce processus a exclu des Nisga'as, d'après notre organisation affiliée en Colombie-Britannique, la United Native Nations.

Il y avait un Comité permanent des affaires autochtones. Le comité a présenté un rapport le 19 juillet 1997, qui contenait 112 recommandations. M. Ian Waddell en était président. Dans trois de ces recommandations, on mentionnait spécifiquement les femmes, les enfants, et les Autochtones urbains. Jusqu'ici, nous n'avons encore rien vu dans l'Accord nisga'a qui concerne spécifiquement les jeunes, les femmes, ou encore les Autochtones qui vivent dans des secteurs urbains. C'est pourquoi le Congrès des peuples autochtones pose ces questions, et c'est pourquoi tout le processus de la commission qui a mené à la signature du traité en Colombie-Britannique a fait l'objet d'attaques de la part de notre organisation membre en Colombie-Britannique, la United Native Nations.

On a signalé dans un journal national que les deux tiers des réserves des Premières nations en Colombie-Britannique étaient d'accord quant au processus de conclusion de traité. En fait, seulement 46 des 198 collectivités des Premières nations l'ont accepté. Plus des deux tiers d'entre elles ne participent pas au processus de conclusion de traité. Le comité devrait demander pourquoi. Qu'est-ce qui empêche ces collectivités d'y participer?

Vous verrez dans notre mémoire qu'on ne fait pas confiance au gouvernement canadien, en raison de notre expérience d'accords passés, qu'il s'agisse d'accords sur les revendications territoriales ou de la reconnaissance de titre ancestral ou issu de traités, simplement parce que le processus utilisé dans ce pays n'inclut pas certains peuples autochtones, et en exclut même plutôt certains. Le Canada ne les exclut jamais tous directement, mais il n'hésite pas à en exclure certains. On limite les coûts en réduisant le nombre d'Autochtones dont le pays est responsable. Le Congrès des peuples autochtones s'y oppose avec véhémence. Tous nos membres s'y opposent évidemment avec véhémence. Nous demandons que le comité examine sérieusement pourquoi il en est ainsi dans le pays.

Le Congrès des peuples autochtones ne s'oppose pas à l'idée d'un processus de conclusion de traités, mais nous aimerions être assurés que les femmes et les jeunes Nisga'as qui vivent dans les villes seront invités à participer et à se faire entendre. Jusqu'ici, d'après la United Native Nations, le processus a exclu plutôt qu'inclus les personnes qui vivent loin de leur collectivité d'origine.

• 1625

Le principal argument contenu dans notre mémoire est que le processus doit permettre aux Nisga'as des villes et autres non- résidents de se faire entendre. Si le comité peut nous en assurer, notre congrès sera satisfait.

La présidente: Merci à vous trois de vos exposés.

Nous commençons un premier tour de questions de cinq minutes, M. Derrek Konrad, du Parti réformiste, a d'abord la parole.

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je m'adresserai d'abord à M. Diamond. Auparavant, je tiens cependant à vous remercier tous d'être venus et de nous avoir présenté de nombreux arguments intéressants.

Dans votre exposé, vous parliez de règlement de différends et de développement économique. Avant de poser ma question, je ferai quelques commentaires à ce sujet.

Lorsque des collectivités non autochtones sont situées dans une zone peu rentable, elles disparaissent. Les silos, les bureaux de poste, les écoles, les lignes de chemin de fer, les aéroports, les installations gouvernementales et les programmes sont tous retirés. Je pourrais vous montrer plusieurs endroits en Saskatchewan, dans ma propre circonscription, où des villes ont complètement disparu. Vous ne pouvez pas les trouver, autrement que sous forme de lieux historiques avec des plaques disant qu'il y avait ici une école, qu'il y avait là une ville ou un village. On n'investit tout simplement pas dans des zones non rentables. Un exemple bien connu en Saskatchewan est la ville de Uranium City, qui a disparu après l'épuisement du gisement d'uranium.

Vous avez dit dans votre témoignage au comité et aux députés que nous devions examiner soigneusement certaines préoccupations très réelles. Vingt-cinq ans après la signature de votre traité, vous constatez que vos attentes ne se sont pas concrétisées. Il n'a pas donné les résultats que vous recherchiez et qu'on vous avait promis. Le chômage atteint un niveau inacceptable. Il y a des membres de votre collectivité ici et nous en avons aussi rencontrés au Québec qui ont dit la même chose. Après 25 ans, vous faites face aux mêmes problèmes et aux mêmes défis que dans le passé. C'est un problème fondamental que nous trouvons dans l'Accord définitif nisga'a. Nous ne sommes pas certains que dans 25 ans les résidents de la Nation nisga'a ne viendront pas ici devant un comité témoigner comme vous de difficultés semblables.

Auriez-vous l'obligeance de faire des commentaires à ce sujet?

La présidente: Je vous en prie, monsieur Diamond.

M. Billy Diamond: Merci, madame la présidente.

C'est un peu difficile, monsieur, mais je peux vous dire que 25 ans après la conclusion de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il ne faut pas oublier que notre population a triplé. Lorsque nous avons signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il y avait seulement quelque 5 500 Cris admissibles. Il y en a maintenant plus de 12 000 auxquels la Convention de la Baie James et du Nord québécois s'applique, et 68 p. 100 de cette population a moins de 21 ans. C'est une population très jeune. Par conséquent, les possibilités d'emploi ne sont pas aussi abondantes qu'auparavant.

La construction du projet hydroélectrique de la Baie James est terminée et les autres possibilités d'emploi se trouvent dans le secteur du bâtiment et d'autres petites entreprises de cette nature. Au cours des 25 dernières années, nous avons pu moderniser nos collectivités cries et la plupart des gens ont trouvé ainsi de l'emploi. Cependant, il y a encore une grande partie de la population qui s'adonne toujours à la chasse, à la pêche et au piégeage comme moyen de subsistance. C'est une forme d'emploi, mais cela ne figure jamais dans les statistiques. Par conséquent, il y a des possibilités.

Je tiens à bien préciser une chose. Lorsque la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été signée, elle est devenue loi. La même chose se produira pour l'Accord nisga'a. Lorsque le traité conclu avec les Nisga'as entrera en vigueur et aura force de loi, et que sa mise en oeuvre commencera, il y aura une période de prospérité. Des choses commenceront à se produire, il y aura de l'activité économique.

• 1630

Dans notre région, par exemple, une nouvelle période économique a commencé. Les membres de notre collectivité ont lancé de nouvelles entreprises de nature commerciale. Ils se sont lancés dans le bâtiment, le transport aérien, le logement, l'enseignement et la santé. Il y a eu une période de prospérité peu après l'entrée en vigueur du traité.

La même chose se produira, à mon avis, dans le cas du traité avec les Nisga'as. Il y aura une période de prospérité économique et ensuite les choses se stabiliseront. Ce n'est cependant pas possible tant que le Traité nisga'a ne sera pas mis en oeuvre par voie législative.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bachand, avez-vous quelques questions?

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Bien sûr, madame la présidente.

[Traduction]

Vous aurez besoin d'un écouteur pour entendre l'interprétation. Et ne me dites pas «speak white» comme on me l'a dit en Colombie-Britannique.

Ce devait être des réactionnaires.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Pas en Colombie-Britannique.

M. Claude Bachand: Si, il y en a ici et là.

[Français]

Madame la présidente, j'aimerais d'abord rendre hommage aux trois grands chefs qui sont devant nous aujourd'hui. Ce sont des hommes qui font un travail extraordinaire et qui ont marqué l'histoire du Québec et du Canada. Parmi eux, on retrouve évidemment M. Phil Fontaine, le grand chef de l'Assemblée des Premières Mations, M. Palmater, qui est un de mes très bons amis et qui a fait une excellente présentation au nom du Congrès des peuples autochtones, ainsi que M. Billy Diamond, qui est un des grands chefs du Québec et qui est l'un des signataires de la Convention de la Baie James. Il est probablement le seul de ces signataires à vivre encore aujourd'hui. Il est d'ailleurs bien portant.

J'ai toujours admiré la façon dont M. Diamond défendait tous les dossiers qu'il a assumés, y compris celui de la Baie James, qui a été un des premiers traités modernes au Québec et au Canada, et celui de la Constitution en 1982. C'est un grand cerveau de la négociation et une personne capable d'accepter beaucoup de compromis. Je voulais absolument signaler son passage ici aujourd'hui. Je me rappelle d'ailleurs qu'il n'y a pas tellement longtemps, nous avons mangé ensemble à Waskaganish. La rencontre a été très, très intéressante.

J'aimerais poser deux courtes questions, dont l'une à M. Fontaine au sujet de l'extinction et de la certitude. Il y a quelques années, le juge Hamilton nous avait présenté un document, et j'aimerais connaître votre point de vue là-dessus parce que je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris, monsieur Fontaine. Voudriez-vous que les gouvernements fédéral et provinciaux et les autochtones entament des négociations afin de régler une fois pour toutes la question d'en arriver à conclure des traités sans exiger l'extinction des droits?

Monsieur Palmater, à la page 3 de votre présentation, on lit:

[Traduction]

    N'est-il pas ironique, et il faut d'ailleurs le signaler au comité, que dans le cadre de l'accord complet concernant les revendications territoriales des Nisga'as, il semblerait que 50 p. 100 de ceux qui ont le droit de voter et qui votent effectivement suffisent pour que l'accord puisse être ratifié. Par contre, la sécession d'une province du pays que nous appelons le Canada exigera davantage. Ce sera par une majorité simple de 50 p. 100 plus une voix.

[Français]

Il me semble y avoir une ironie là-dedans. Je ne suis pas certain que cette formule présente un avantage pour vous ou pour M. Stéphane Dion. Pourriez-vous nous expliquer ce passage et préciser si vous souhaitez que, dans le cas d'une sécession, la formule des 50 p. 100 plus un s'applique? Je ne parle pas de 50 p. 100 plus un des gens admissibles, mais de 50 p. 100 plus un des gens qui votent.

[Traduction]

La présidente: Chef Fontaine.

Chef Phil Fontaine: Je vous remercie. C'est toujours un plaisir de discuter avec M. Bachand.

Nous aussi, il nous arrive d'être obligés de parler comme les blancs de temps en temps, monsieur Bachand...

Des voix: Oh, oh!

Chef Phil Fontaine: ...et peut-être plus souvent que vous ne le pensez. Notre expérience de la chose est certainement plus longue que la vôtre.

• 1635

Nous sommes certes tout à fait favorables à la certitude. Nous faisons d'ailleurs valoir dans notre exposé que les changements qui s'imposent au sein des collectivités des Premières nations, surtout lorsqu'il s'agit de créer des collectivités autochtones, exigent une certaine dose de certitude pour attirer les investissements dans ces collectivités afin que nous puissions renverser la vapeur et commencer à améliorer le sort des nôtres.

Pour ce qui est de l'extinction, on nous a rappelé que ce ne sont pas toutes les 196 collectivités des Premières nations en Colombie-Britannique qui participent à la négociation du traité, et cela pour diverses raisons. Même celles qui prennent part au processus ont bien précisé qu'elles étaient totalement insatisfaites de l'actuelle politique fédérale en matière d'extinction des droits. C'est là quelque chose que nous n'avons cessé de faire valoir auprès du gouvernement. Pour nous, il s'agit là d'un préalable absolument indispensable pour pouvoir faire aboutir les nombreuses revendications encore en instance, qu'il s'agisse de revendications particulières ou, comme dans ce cas-ci, d'une série complète de revendications. Ce que nous préconisons bien sûr, c'est un régime circonscrit allié à un mécanisme propice au règlement des revendications et à un meilleur accès aux ressources.

Nous n'aurions pas dû nous retrouver dans cette situation intolérable dans laquelle les collectivités des Premières nations se trouvent actuellement en raison de la politique d'extinction des droits. Tout comme le Canada n'est pas censé abandonner ses droits dans les provinces, les Premières nations ne devraient pas contraintes à abandonner les leurs simplement pour pouvoir apporter une solution à ces contentieux. À notre avis, c'est tout simplement une question de justice et d'équité.

La présidente: Je vous remercie, chef.

Votre deuxième question devra attendre au deuxième tour parce que votre temps d'intervention est écoulé.

Monsieur Robinson je vous prie.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je vous remercie. À mon tour, je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins.

Comme je suis dans ce contexte depuis un certain temps déjà, il faudrait sans doute que je mentionne que bien avant les comités, j'avais eu l'honneur de siéger... j'en parlais d'ailleurs il y a quelques instants avec le chef Diamond, et nous nous étions rencontrés pour la première fois il y a plus de vingt ans pour discuter de ces questions de justice autochtone. C'est donc pour moi à la fois un plaisir et un honneur d'entendre une nouvelle fois ces témoins.

Pour commencer, je voudrais que M. Palmater du Congrès des peuples autochtones nous donne un éclaircissement sur un des éléments de son exposé qui est, je le crains, inexact. Il s'agit des Nisga'as qui ne résident pas sur un territoire nisga'a mais qui sont plutôt des «Nisga'as par la naissance» pour reprendre les termes mêmes utilisés par M. Palmater dans son mémoire.

M. Palmater nous a dit avoir appris de la United Native Nations Society of British Columbia que ceux qui ne résident pas sur un territoire nisga'a avaient été exclus du processus. Il nous a dit que cela n'était pas acceptable et, si c'est vraiment le cas, je suis d'accord avec lui.

Je voudrais simplement demander à M. Palmater par votre entremise, madame la présidente, si par hasard il l'ignore qu'il y a, en Colombie-Britannique trois concentrations urbaines de Nisga'as dans les trois centres urbains, en l'occurrence à Terrace, à Prince Rupert et dans ma propre ville, à Vancouver. Dans les trois cas, ces sections locales ont permis aux Nisga'as de participer à part entière au processus, et donc également de voter.

Je voudrais donc encore une fois faire valoir respectueusement à M. Palmater que peut-être, après réflexion, ses collègues de la Colombie-Britannique ne lui ont peut-être pas brossé un tableau complet de la situation, et que peut-être les Nisga'as ont tout essayé pour faire participer à part entière non seulement ceux qui résident en territoire nisga'a mais également ceux qui n'y résident pas. Peut-être M. Palmater voudrait-il nous éclairer à ce sujet.

La présidente: Allez-y je vous prie, monsieur Palmater.

• 1640

M. Frank Palmater: Lorsque nous avons demandé à notre filiale en Colombie-Britannique si c'était effectivement le cas, si certains Nisga'as avaient été exclus, la présidente de la United Native Nations, Viola Thomas, nous a répondu à la table du conseil à Ottawa que dans certains cas, on avait demandé leur avis à certains Nisga'as, et le vice-président, Scott Clark, l'a confirmé. Dans certains cas, le processus de retraçage n'a pas été respecté, pas plus que la communauté n'a invité ces gens à participer.

Hormis les trois sections locales mentionnées par M. Robinson et qui avaient permis aux Nisga'as de participer au processus, rien n'a été fait dans ce sens.

M. Svend Robinson: Voilà donc maintenant un son de cloche différent. On nous dit maintenant qu'hormis ces trois sections locales, aucun processus de participation n'a été prévu. M. Palmater a commencé par nous dire qu'il n'existait rien en dehors des territoires nisga'as, et voilà qu'il nous dit maintenant qu'il n'existait rien hormis dans le cas des trois sections locales. Voilà donc un témoignage fort différent.

La réalité, monsieur Palmater c'est que j'ai personnellement assisté au scrutin des Nisga'as à Vancouver. Cela, c'est de la participation directe. Les Nisga'as ont tout mis en oeuvre pour inscrire autant de gens que possible partout en Colombie-Britannique, et les trois centres en question ont été ceux dans lesquels les gens ont effectivement pu voter.

C'est cela la vérité. Ici encore, je me demande si vous ne voudriez pas demander des éclaircissements à vos représentants. Je sais quels sont vos représentants en Colombie-Britannique. Je les connais bien, j'ai souvent travaillé avec eux, et je partage souvent aussi leurs préoccupations quant à la condition socio-économique révoltante des Autochtones en milieu urbain. À mon avis, lorsque nous étudions le Traité nisga'a, il est important de faire en sorte que ce que nous entendons est exact et précis.

Je voudrais maintenant poser une question au chef Fontaine au sujet des fameuses déclarations trompeuses dont il nous a parlé. Il nous a dit que certains partis politiques ont utilisé une terminologie à la fois mal avisée et trompeuse: le Parti libéral de la Colombie-Britannique et le Parti réformiste fédéral pour ne citer que cela. L'une des choses les plus blessantes qui ait été dite est que le Traité nisga'a était une forme de gouvernement reposant sur la race. D'ailleurs, certains réformistes sont allés jusqu'à laisser entendre que c'était ni plus ni moins de l'apartheid. Je sais que le chef Fontaine a toujours pris fait et cause contre l'apartheid. En l'occurrence, il s'agit là d'une des accusations les plus indignes et les plus ignobles qui puisse être portée.

Je demande si le chef Fontaine a quelque chose à dire en réponse à ces affirmations faites par des membres du Parti réformiste et du Parti libéral de la Colombie-Britannique et qui font maintenant partie du domaine public.

La présidente: Pourriez-vous répondre brièvement, chef Fontaine?

Si vous voulez poursuivre dans cette veine, vous devrez le faire au deuxième tour.

Chef Phil Fontaine: Pour commencer, il est clair pour nous tous ici autour de cette table que la Constitution parle très clairement des droits de tous les peuples autochtones, y compris ceux des Premières nations. Ces droits ne sont pas présentés comme l'exclusivité d'une race en particulier, mais comme appartenant à diverses collectivités des Premières nations, et d'ailleurs aussi aux nations des peuples des Premières nations partout au Canada. Voilà la réponse la plus simple.

À plusieurs reprises, nous avons fait valoir nos préoccupations, notamment auprès du Parti réformiste, en disant que leur entêtement dans ce dossier portait préjudice à tous les Canadiens, mais en particulier aux peuples des Premières nations fermement résolus à assumer la place qui leur revient. Tout cela vient attiser le foyer de l'incertitude et, bien souvent aussi, les flammes de la haine à l'endroit des peuples des Premières nations. Tout cela est parfaitement nuisible et doit être farouchement combattu chaque fois que c'est possible.

Nous avons respectueusement demandé à nos amis, dont M. Scott, de mettre un bémol à leur rhétorique. Nous le leur avons redemandé il y a six mois. Mais ils ont plutôt durci leur discours, et nos gens s'en sont beaucoup inquiétés. Il est important à mon avis de s'inscrire au fond contre cela.

La présidente: Monsieur Bonin, vous avez cinq minutes.

• 1645

[Français]

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, madame la présidente,

[Traduction]

... chefs, et en particulier le chef Fontaine.

Je suis votre mandat avec beaucoup d'intérêt et je voulais vous en féliciter. C'est avec fierté que je prends place à cette table à vos côtés. Depuis votre entrée en fonction j'ai constaté que votre peuple fait des progrès, et je tiens à vous en féliciter.

Je voudrais également vous saluer de la part d'un de mes amis, le professeur Jean Watters qui est le président de l'Université Laurentienne et qui est d'ailleurs en train de créer ce qu'on pourrait appeler une «triversité», c'est-à-dire une université à la fois anglophone, francophone et autochtone qui sera entièrement autonome. C'est un concept fort intéressant.

Je voudrais approfondir un thème, l'idée d'un référendum, comme je l'avais déjà fait pendant notre voyage en Colombie-Britannique, même si cela ne devrait pas faire controverse au moment de l'étude article par article étant donné que la Chambre a tranché hier et qu'il n'y en aura pas.

Il y a encore une cinquantaine d'accords qui vont devoir être négociés. Il est évident que nous ne voulons pas attendre encore cinquante ans pour en finir avec eux, et je ne pense pas non plus que les gens veuillent trois référendums par an. Je disais au début que ce n'est pas une question de référendum, c'est plutôt une question de droits inhérents, de droits des minorités. J'ai demandé à la majorité des adversaires de cet accord de me dire comment ils entendaient protéger les droits inhérents et ceux de la minorité si un référendum permettait à la majorité de décider des droits des minorités.

Je pense ici à l'un de ces adversaires. Mon collègue M. Robinson a parlé du Parti libéral de la Colombie-Britannique. Vous avez beau porté un pyjama rouge, si vous partagez la couche d'un réformiste vous ne pouvez pas être libéral. Que cela soit bien clair.

Nous devons donc préciser ce qu'il en est. Si je ne me trompe pas, il s'agit des droits inhérents et des droits de la minorité. Aucun de ces adversaires du traité n'a pu m'expliquer s'ils croyaient à ces droits et comment ils entendaient les protéger si un vote majoritaire venait affecter les droits des minorités sans que celles-ci y consentent. Il est important que vous me donniez votre opinion à ce sujet parce qu'il y a d'autres traités qui s'annoncent.

Chef Phil Fontaine: Il y a une chose que je dois commencer par faire valoir en réponse à la question précédente qui portait sur cette notion de gouvernement reposant sur la race. Vous constaterez que j'invoque ici l'article 35 de la Constitution qui parle des droits autochtones existants et des droits conférés par les traités, des droits qui, selon la Constitution, appartiennent aux peuples des Premières nations. Je rappelle ici que nous parlons des nations des premiers peuples.

Il faut bien comprendre que ce dont nous parlons ici, c'est des droits politiques qui appartiennent aux premiers peuples. Ce ne sont pas des races. Nous parlons de nations.

Lorsque nous parlons aux gens qui prétendent que tout ce processus est foncièrement antidémocratique, nous leur disons que lorsqu'on parle de démocratie, de principes démocratiques et d'imputabilité, c'est ainsi que les choses nous ont été présentées, il faut savoir que la démocratie n'est pas nécessairement le règne de la majorité et de la puissance. La démocratie comprend également les minorités. Je voudrais souligner la chose. Lorsque nous disons que les démocraties protègent les droits des citoyens, cela vaut manifestement aussi pour ceux des minorités et des peuples comme les premiers peuples.

M. Raymond Bonin: Je dois donc comprendre que vous pensez, tout comme moi, qu'un référendum qui ferait que la majorité affecterait les droits de la minorité est la pire chose que nous puissions faire pour faciliter les négociations.

Chef Phil Fontaine: Ce serait totalement et résolument antidémocratique.

M. Raymond Bonin: C'est ce que je voulais vous faire dire. Les choses sont claires maintenant. Je vous remercie.

• 1650

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions en commençant par M. Scott du Parti réformiste.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Je vous remercie pour votre exposé, monsieur Fontaine, et je remercie également les autres témoins qui ont pris la parole devant nous.

Madame la présidente, je voudrais poursuivre dans la même veine que M. Bonin mais en commençant par dire à M. Fontaine que, à la page 2 de son mémoire il dit que les négociations qui ont eu lieu avaient été «un processus transparent, raffiné et complet». Je dois en conclure, monsieur Fontaine, que vous ignorez que les négociations n'ont en réalité pas été transparente du tout. Elles ont eu lieu en secret parce qu'en 1991, les trois parties avaient signé un accord secret, un accord qui excluait les gens de la Colombie-Britannique, les non-Nisga'as et, dirais-je aussi, les Gitanyows et les Gitxsans, les Tahltans et bien d'autres tribus voisines des Nisga'as.

Cela étant dit, je vais maintenant poursuivre la réflexion de M. Bonin au sujet d'une majorité qui voterait en faveur ou au sujet des droits de la minorité. En fait, n'est-ce pas là précisément ce qui s'est passé lors du référendum des Nisga'as, lorsque 60 p. 100 de ceux-ci... Et il y a même des Nisga'as qui s'interrogent encore sur l'exactitude du soutien accordé lors du scrutin. Mais lorsque 60 p. 100 des gens votent pour le traité, 40 p. 100 votent contre. Leurs droits ne sont-ils donc pas battus en brèche? Lorsque certains de ceux-là qui font partie de la minorité disent craindre que leurs droits en vertu de la Charte puissent être invalidés par l'accord, leurs droits individuels ne comptent-ils pas eux aussi?

Hier, nous avons entendu des témoins, il s'agissait incidemment de juristes et de constitutionnalistes, qui nous ont dit que même s'ils étaient favorables au traité, l'article 25 de notre Constitution ajouté aux dispositions de l'accord risquerait effectivement dans certains cas de battre en brèche les droits individuels accordés aux Nisga'as par la Charte.

Ces droits ne sont-ils pas également des droits d'une minorité, ne comptent-ils pas eux aussi? Que rétorqueriez-vous à cela, monsieur Fontaine, étant donné ce que vous avez répondu à la dernière question de M. Bonin?

La présidente: Allez-y, je vous prie.

Chef Phil Fontaine: Un élément de la question qui a, je crois, son importance dans le débat qui entoure cet accord est la transparence. La transparence suggère que la majorité de ceux qui sont touchés par un processus quel qu'il soit, celui-ci par exemple qui a abouti au traité... vous savez, cet accord a été, dans toute l'histoire du Canada, un de ceux qui a été examiné le plus minutieusement.

Vous tous qui êtes ici, vous savez j'en suis sûr à quel point les interventions orales qui ont été faites ont été nombreuses. Nous sommes également tous au courant des mémoires qui ont été présentés par écrit, mémoires qui représentaient les différents courants de pensée, les différentes opinions, au sujet du traité.

Nous savons également fort bien qu'à chaque étape des négociations, il fallait que chacun des organismes représentatifs présent à la table fasse un rapport à son assemblée respective, qu'il s'agisse du gouvernement provincial, de l'assemblée législative de la Colombie-Britannique, du peuple nisga'a et de la couronne fédérale à la Chambre des communes. Dans mon esprit donc, il ne fait aucun doute que l'accord en question, le traité et tout le processus ont été aussi transparents que tout autre processus public du même genre et que tout accord correspondant doit impérativement l'être. Les intérêts de toutes les parties touchées par l'accord ont été bien représentés, que ce soit par le gouvernement provincial, par la couronne fédérale ou par les dirigeants élus des Nisga'as.

• 1655

Certes, lorsque l'occasion s'y prête, lorsque nous voulons parler de démocratie et du fait que nous avons un gouvernement démocratique... le gouvernement repose après tout sur les principes démocratiques. Les gens qui sont assis autour de la table, tout comme d'ailleurs les députés aux communes, ne sont pas élus par 100 p. 100 des électeurs, n'est-ce pas? Le pourcentage peut varier, nous savons fort bien par exemple qu'aux États—Unis, 54 p. 100 des électeurs ont voté la dernière fois. Le président, qui représente semble-t-il la nation la plus puissante du monde, a été élu par 34 p. 100 seulement de l'électorat américain.

Dans ce cas-ci, je crois savoir que dans votre circonscription, monsieur Scott, la participation a été de 61 p. 100. Je crois savoir que vous avez été élu par 10 p. 100 de l'électorat et vous prétendez parler au nom de tous les électeurs de votre circonscription.

M. Mike Scott: Quarante-cinq pour cent, Phil.

Le président: Merci beaucoup.

Au second tour nous passons à M. Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup d'être venu comparaître, monsieur Palmater, chef Diamond et chef Fontaine. Je connais très bien deux d'entre vous et c'est un plaisir de vous accueillir au comité.

Monsieur Palmater, c'est la première fois que je vous rencontre. Je vous remercie tous de vos exposés.

Madame la présidente, j'aimerais préciser un certain nombre de choses. Tout d'abord, j'informe le comité que nous allons déposer un rapport sur la ratification qui décrira dans le détail le processus de ratification du vote sur le Traité nisga'a. Des précisions ont aussi été apportées par le député de Burnaby, qui elles aussi figurent au compte rendu. Nous allons vous donner d'autres éclaircissements sur ce point également. Je crois savoir que les Nisga'as qui habitent hors réserve, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, ont été informés qu'ils pouvaient voter. On m'a dit, madame la présidente, que la campagne d'information a été importante. Cela dit, j'aimerais passer aux questions.

Ici et ailleurs, certains ont laissé entendre que l'accord avec les Nisga'as ne protégeait peut-être pas les droits des femmes. Ma première question s'adresse au chef Diamond. Je trouve fort intéressant de le voir ici aujourd'hui car il était de ceux qui ont participé à la conférence visant à apporter des modifications à la Constitution. Sauf erreur, en 1983, il était négociateur en chef de l'Assemblée des premières nations. Chef diamond, nous lisons ceci au paragraphe 35(4) de la Constitution:

    Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits—ancestraux ou issus de traités—visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Il y a eu beaucoup de discussions sur le fait que la Charte ne s'appliquerait peut-être pas au traité avec les Nisga'as ou que les protections prévues au paragraphe 35(1), négociées avec le gouvernement du Canada en 1983, ne s'appliquent pas.

Pourriez-vous nous faire l'historique de ces négociations et nous dire pourquoi on a expressément accordé cette protection aux femmes? Dans le cas présent, nous nous intéressons évidemment aux femmes nisga'as et aux protections que l'on trouve dans ce traité.

La présidente: Monsieur Diamond.

M. Billy Diamond: Lorsque les amendements constitutionnels ont été négociés à l'époque, les femmes autochtones du Canada réclamaient des définitions précises. Le seul accord de revendications territoriales qui existait, c'était la Convention de la baie James et du nord du Québec. Elles voulaient des certitudes. C'est de cela qu'il s'agit ici. Les femmes autochtones voulaient savoir avec certitude que leurs droits seraient protégés. Cette disposition a été adoptée après d'intenses discussions à l'interne à l'Assemblée des premières nations et au sein d'autres associations autochtones. Auparavant, il y avait eu des discussions au niveau ministériel.

• 1700

Il faut bien comprendre que lorsque l'on négocie des revendications territoriales qui aboutissent à un accord, les droits dont les Autochtones discutent sont ceux qu'ils ont choisi de définir dans les accords; il s'agit donc de droits issus d'accords. Mais les dirigeants et les communautés autochtones veulent davantage. Ils veulent que ces droits soient protégés par la législation provinciale, comme c'est le cas de la Convention de la baie James et du nord du Québec, mise en oeuvre dans 16 ou 18 lois distinctes. Il y a des lois provinciales, si bien qu'aucun signataire, ne peut de son propre chef apporter des modifications.

Il y a donc des droits issus des accords et des droits incorporés à la législation provinciale, donc issus de lois. Maintenant il y aura une législation fédérale. Dans le cas présent, le Traité nisga'a fait l'objet d'une loi fédérale. Lorsque celle-ci sera adoptée, elle sera incorporée à la Constitution. Les droits prévus à l'accord seront non seulement consacrés dans la Constitution mais les droits particuliers des femmes visées à l'article 35 le seront aussi. C'est ainsi que nous avons établi la certitude et protégé clairement ces droits, de sorte qu'aucune partie ne peut à elle seule y apporter des changements.

[Français]

La présidente: Monsieur Fournier, s'il vous plaît.

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Merci, madame la présidente. Je dois d'abord m'excuser de mon retard. Mon collègue et moi devons assister à de nombreuses réunions aujourd'hui et nous nous relayons. Je suis député du comté de Manicouagan, une grande circonscription située sur la Côte-Nord du Québec où vivent huit communautés autochtones avec lesquelles nous nous entendons très bien. Nous espérons pouvoir continuer de le faire.

Monsieur Fontaine, aux deux dernières lignes de la page 3 et au premier paragraphe de la page 4 du document que vous nous avez remis, vous semblez dire que la majorité qui serait acceptable pour les Nisga'as, soit une majorité simple de 50 p. 100 plus un, ne serait pas suffisante dans le cas de la sécession d'une province voulant sa souveraineté.

J'aimerais que vous m'expliquiez exactement ce que vous voulez dire puisque je comprends mal votre énoncé.

[Traduction]

Chef Phil Fontaine: Merci beaucoup de votre question.

La question est basée sur une position qui ne figurait pas dans mon document, mais je vais profiter de l'occasion pour commenter une autre question soulevée ici, à savoir la nécessité de protéger les droits des femmes et d'autres.

Nous sommes aux prises avec ce problème depuis que nous coexistons, qu'il s'agisse de la Couronne fédérale et des Premières nations ou des gouvernements provinciaux et des Premières nations. Cela reflète une attitude très paternaliste et constitue l'un des principaux obstacles à la définition de rapports plus équitables, en quelque sorte des rapports plus honorables, plus respectueux entre les gouvernements et nos gouvernements. Il s'agit de l'hypothèse selon laquelle seuls les gouvernements blancs peuvent protéger les droits de nos populations.

Il est clair que la protection la plus efficace que nous pouvons donner à notre population est que nos gouvernements assurent un bon gouvernement à tous nos citoyens. Il faut pour cela s'assurer que nos collectivités soient capables et aient les moyens de garantir ce qui est nécessaire en fonction des attentes de nos citoyens, de la même façon que votre gouvernement et la Couronne fédérale et les gouvernements provinciaux sont censés le faire auprès de l'un ou l'autre des deux groups constituants. C'est une attente normale, qui n'est pas réservée aux besoin des gouvernements des Premières nations.

• 1705

[Français]

La présidente: Monsieur St-Julien.

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Merci, madame la présidente. Ma question...

[Traduction]

M. David Iftody: Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Avant que mon collègue ne commence son exposé, j'aimerais déposer au comité, dans les deux langues officielles, une copie des 500 et quelque consultations qui ont été tenues concernant le traité avec les Nisga'as en Colombie-Britannique. Je vais remettre ceci à la greffière pour que cela soit transmis à tous les membres du comité.

La présidente: Très bien. Allez-y. Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement, mais je sais que cela s'est fait l'autre jour. C'est le genre de chose que nous pouvons déposer.

Allez-y, monsieur St-Julien. Je vais recommencer à compter pour que vous jouissiez de tout votre temps de parole.

[Français]

M. Guy St-Julien: Ma question s'adresse à M. Billy Diamond. Lorsque je pense à la Convention de la Baie James, je pense toujours au 11 novembre 1975. Nous sommes aujourd'hui en novembre et cela fait presque 25 ans. Le 11 novembre, tout le monde pense aux anciens combattants; moi, je pense souvent aux Cris de la Baie James qui ont vraiment travaillé fort lors des négociations visant à améliorer leur sort.

Nous nous penchons sur des dossiers comme celui de l'Accord nisga'a et celui du Nunavut. Ce qui m'inquiète, ce sont les répercussions de la Convention de la Baie James. Lors de nos discussions ici à Ottawa, on invoque souvent la Convention de la Baie James et j'y fais souvent allusion lorsqu'on discute du transport aérien. Le fédéral est fiduciaire de cette question des compagnies aériennes. Il s'est engagé en signant cette convention et il doit maintenant en respecter les dispositions.

La chose qui m'inquiète le plus est le dossier des îles côtières. On s'affaire à régler le problème des îles pour le Nunavut et celui des îles pour les Nisga'as, mais on semble incapable de régler celui des îles côtières où les Cris de la Baie James vont à la chasse et à la pêche depuis des centaines d'années.

J'aimerais entendre votre opinion, monsieur Diamond, au sujet des îles côtières. Pourquoi y a-t-il un blocage actuellement?

[Traduction]

M. Billy Diamond: Je note avec intérêt que le 11 novembre 1974, le ministre des Affaires indiennes de l'époque a promis qu'il allait régler le cas des îles de la Baie James au moyen d'une lettre d'entente distincte. Nous attendons ce règlement depuis 26 ans. Mais cela n'empêche pas les Cris de chasser, de pêcher et de faire du piégeage dans les îles de la Baie James.

De fait, cela renforce la position concernant ce que l'on appelle le titre autochtone. Même s'il y a aujourd'hui un traité avec les Nisga'as et un règlement foncier sur le Nunavut, la Convention de la Baie James et du nord du Québec est toujours en train d'élaborer et de mettre en oeuvre les diverses sections.

On devrait plutôt parler de moderniser la Convention de la Baie James. Beaucoup de passages auraient besoin d'être mis à jour et modernisés. Mes fils ont aujourd'hui atteint l'âge adulte. Ils ont dans la vingtaine. Leurs besoins et leurs aspirations sont tout à fait différents de ce que nous avons négocié. Il va falloir que vous soyez très prudents à propos de la durée de mise en oeuvre du Traité nisga'a. Cela doit se faire très rapidement et très vite. Le temps compte beaucoup.

Je sais qu'il y a de l'opposition au Traité nisga'a. Il y avait aussi de l'opposition au traité de la Baie James. Le Parti québécois s'est opposé à la signature de la Convention de la Baie James et du nord du Québec. Aujourd'hui, ce parti est au gouvernement au Québec et il applique la convention. Mon député fédéral de l'Abitibi, M. St-Julien, appartenait à un autre parti à l'époque et il s'est opposé à la Convention de la Baie James et du nord du Québec. Aujourd'hui, il l'applique.

• 1710

La présidente: Il vous reste une minute.

[Français]

M. Guy St-Julien: Madame la présidente, nous sommes ici pour aider les gens de notre circonscription, et j'apprécie le leadership dont fait preuve le chef Billy Diamond, qu'on appellerait docteur Diamond.

Monsieur Diamond, quand pourra-t-on mettre à jour la Convention de la Baie James?

[Traduction]

La présidente: Allez-y, monsieur Diamond.

M. Billy Diamond: C'est un long processus. Les négociations avec les peuples autochtones permettent d'édifier des nations. Les peuples autochtones veulent des discussions nation à nation, et j'espère que c'est ce que les gouvernements veulent aussi. Donc les attitudes et politiques du gouvernement doivent changer.

Si l'on parle de modernisation, il faut aussi que le gouvernement du Canada modernise ses politiques. Il faut commencer tout de suite avec la Loi sur les Indiens. Il faut moderniser ou refondre la Loi sur les Indiens.

La modernisation des négociations signifie qu'il faut négocier dans la confiance et la bonne foi. S'il n'y a ni confiance ni bonne foi, ces discussions n'iront nulle part. Tout part de là. Sans la confiance et la bonne foi, il ne sert à rien de discuter de la modernisation des traités existants ou de la modernisation de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Tout part de la bonne foi et de la confiance. Les gouvernements et les Premières nations doivent montrer leur bonne foi et leur confiance avant même de commencer à négocier.

La présidente: Merci.

Monsieur Scott, s'il vous plaît. Nous sommes maintenant au quatrième tour.

M. Mike Scott: Je ferai une petite remarque, après quoi je poserai mes questions.

En réponse au dernier discours que m'a fait M. Fontaine, je veux seulement corriger les faits. Environ 70 p. 100 des gens de ma circonscription ont voté aux dernières élections, et j'ai reçu un peu moins de 45 p. 100 des voix, monsieur Fontaine.

Passons maintenant à la question des minorités, je tiens à souligner le fait que les Gitxsans et les Gitanyows ont témoigné devant notre comité à Smithers, mardi la semaine dernière, et ils ont dit que leurs droits avaient été complètement bafoués dans ce processus. Ils en sont très mécontents. Le fait que 84 p. 100 de leur territoire est englobé dans l'Accord nisga'a compte tellement pour eux, qu'ils ont dit à notre comité qu'adopter ce projet de loi maintenant, sans remédier à ce chevauchement, ce serait considéré comme un acte d'agression extrême, et qu'ils réagiraient en conséquence. Ils ont indiqué qu'ils pourraient même envisager entre autres, un affrontement violent. Je vous le signale donc.

Je vous signale aussi que les gens de Kincolith, l'un des quatre villages nisga'as, disent qu'ils ont été oubliés dans ce processus, et que le territoire qu'ils considèrent comme faisant partie intégrante de leur territoire ancestral, n'est pas englobé dans l'Accord. Leur conseil de bande a fait adopter une résolution—parce qu'ils forment une bande au sens de la Loi sur les Indiens et se considèrent comme une bande—demandant au Conseil tribal nisga'a de ne pas négocier en leur nom. Ils veulent se séparer du Conseil tribal nisga'a.

Ils nous ont fait savoir que leurs voeux, ou les désirs qu'ils ont exprimés, ont été oubliés. Ils font valoir avancent également que le fait que la résolution du conseil de bande n'a pas été prise en compte, en les englobant dans ce traité ou commet un acte frauduleux.

Ce ne sont pas mes allégations ou celles du Parti réformiste. Ce sont des allégations dont m'ont fait part des Autochtones, qui vivent dans ma circonscription et que je représente. Je me demande ce que vous avez à répondre à cela.

La présidente: Allez-y, chef Fontaine.

• 1715

Chef Phil Fontaine: Tout d'abord, je note la correction que vous avez faite au sujet du pourcentage de gens qui ont voté pour vous. C'est encore moins de 50 p. 100—45 p. 100. Parlez-vous toujours au nom de tous les électeurs de votre circonscription?

Nous discutons de la responsabilité des Premières nations dans cette région. Ce sont les gouvernements des Premières nations de cette région qui vont résoudre le problème dont vous faites état. Il s'agit d'un problème qui doit être résolu par ces gouvernements.

Cela illustre clairement le fait que ce problème particulier—et je ne parle pas expressément et uniquement du territoire en question, je parle de toute la province de Colombie- Britannique—autrement dit de cette revendication territoriale qu'existe depuis si longtemps. Il n'est pas surprenant que le mouvement des personnes et des communautés, et dans certains cas la réinstallation forcée de collectivités entières, causent des problèmes de chevauchement. C'est le cas maintenant, et il appartient aux Gitxsans, aux Gitanyows et aux Nisga'as de résoudre ce problème.

M. Mike Scott: Monsieur Fontaine, je comprends votre position, mais les représentants des Gitxsans et des Gitanyows qui ont témoigné devant notre comité ont été très précis. Ils sont bien d'accord pour dire que la question devrait être résolue entre eux et les Nisga'as, mais ils ont exigé que notre comité s'abstienne d'adopter cette loi donnant effet à l'Accord nisga'a tant et aussi longtemps que cette question n'aura pas été réglée à leur satisfaction. Ce serait comme si le gouvernement du Canada prenait partie, pour les Nisga'as et contre les autres, les Gitxsans et les Gitanyows, si la Chambre des communes adopte cette loi avant que l'on ait résolu cette question du chevauchement.

N'êtes-vous pas d'accord avec eux pour dire qu'il serait prématuré d'entériner cet accord tant que la situation n'aura pas été réglée?

Chef Phil Fontaine: Je vais répéter ce que j'ai dit en réponse à la première question, à savoir qu'il s'agit d'une question essentiellement interne. Il appartient à ces gouvernements de ce territoire de résoudre cette question. Ces gouvernements comprennent des représentants des Gitanyows, les représentants des Gitxsans et des représentants des Nisga'as. C'est à eux de trancher la question.

La présidente: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à M. Finlay, qui a cinq minutes.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, madame la présidente, et bienvenue. L'après-midi et les exposés ont été des plus intéressants.

J'aimerais revenir à la question que M. Scott posait, non loin d'ici, j'ai demandé aux chefs gitxsans et gitanyows qui ont témoigné devant notre comité s'ils voulaient que nous retardions l'adoption de l'Accord nisga'a à cause de ce conflit frontalier. La réponse dans les deux cas a été «absolument pas». Je ne crois pas vraiment qu'ils aient changé d'avis, chef.

Je dois dire qu'à la page 3, vous avez bien exprimé ma réflexion à ce sujet. Je pense que c'est là l'expression la plus claire de ce que nous cherchons à faire avec l'Accord nisga'a.

Vous dites:

    L'article 35 de la Loi constitutionnelle traduit exactement le processus qui nous amène ici aujourd'hui. Il garantit la protection, d'une part, des droits ancestraux et issus de traités existants et, d'autre part, des nouveaux droits susceptibles d'être acquis par la négociation de revendications territoriales et de traités. Il s'agit là du mécanisme en vertu duquel les autres gouvernements du Canada, fédéral et provinciaux, peuvent et doivent reconnaître les droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination des peuples des Premières nations du Canada. Ces droits n'ont pas été accordés en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne, ils existaient bien avant que les Européens viennent s'installer sur ce territoire. Mais ils sont reconnus et protégés dans l'édifice juridique canadien en vertu de l'article 35.

• 1720

Je vous remercie d'avoir exprimé cela si bien et si succinctement.

De même, vers la fin de votre texte vous dites:

    Le principe de l'«extinction» des droits comme préalable aux négociations doit être relégué aux poubelles de l'histoire.

Je pense que c'est l'ancien juge en chef Hamilton de la Cour suprême du Manitoba qui a rédigé le rapport très judicieux sur cette question que j'ai lu il y a quelques années de cela.

Il me semble, chef, que ce que nous avons fait dans l'Accord nisga'a, c'est suivre précisément l'un de ses conseils, à savoir qu'il faut oublier toutes les belles paroles et ce principe de l'extinction des droits, et accepter le fait qu'il s'agit de droits ici. Si nous rédigeons un accord qui est assez précis, nous aurons réglé le problème.

Vous dites également:

    Il importe également de créer d'autres processus qui répondent aux besoins des autres gouvernements du Canada, ainsi que des gouvernements des Premières nations, qui choisiront d'emprunter des processus autres que les traités pour déterminer l'avenir de la relation entre les Premières nations et leurs voisins.

Diriez-vous que le Traité nisga'a a été, ou pourrait être, l'un de ces mécanismes?

Chef Phil Fontaine: C'est clairement le mécanisme et le processus qui ont été acceptés par les Nisga'as. Il y a d'autres situations où les questions relatives au territoire et à l'accès aux ressources, par exemple, doivent être clarifiées, et où il faut conclure des accords satisfaisants pour confirmer les droits des membres des Premières nations.

Nous savons tous que la panique s'installe chaque fois que l'on propose que les Premières Nations... et quand une telle proposition trouve son expression dans un jugement de la Cour suprême, la sonnette d'alarme retentit partout.

Tout de suite on dit: ça y est, les Premières nations vont s'emparer de toute l'industrie du homard, ou elles vont s'emparer de toutes les ressources forestières du pays, ou elles vont déplacer ou déposséder d'autres Premières nations. Mais cela n'a jamais été notre intention. Nous avons toujours voulu nous assurer que les droits de tous les peuples sont protégés. Ces droits, qu'ils appartiennent ou non à des peuples autres que les Premières nations, doivent être protégés et confirmés par des accords négociés.

Nous avons dit que le processus des traités, tel que nous le voyons s'appliquer en Colombie-Britannique, en est un parmi d'autres. Il y a d'autres personnes en Colombie-Britannique qui voient la nécessité d'établir d'autres processus qui satisferont leurs besoins car il en existe d'autres.

À l'heure actuelle, à l'échelle du pays, il y a environ 90 tables de négociation sur l'autonomie gouvernementale. On ne négocie pas nécessairement des traités à toutes ces tables. Par exemple, il y a l'accord global que nous avons conclu et signé au Manitoba en 1994 avec votre gouvernement, l'initiative de l'accord cadre.

Si on le conteste, nous avons l'absolue certitude qu'il sera considéré comme un traité, mais les dirigeants des Premières nations ne voulaient pas que cet accord soit un traité. Ils voulaient établir un rapport inter-gouvernemental, politique, et il y a des situations où c'est la chose à faire.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Avez-vous d'autres questions?

[Traduction]

M. John Finlay: J'en ai une autre.

La présidente: Non, votre temps de parole est écoulé, monsieur Finlay, je suis désolée.

Nous allons commencer avec M. Fournier et ensuite, les dernières cinq minutes iront à M. O'Reilly.

• 1725

[Français]

M. Ghislain Fournier: Merci, madame la présidente. J'avais posé ma première question à M. Fontaine. Je ne voulais pas trop insister, ne voulant pas être déplaisant ou impoli. J'ai bien vu que M. Fontaine déployait beaucoup d'énergie lorsqu'il me répondait. On m'a dit que j'aurais plutôt dû poser cette question à M. Palmater puisqu'elle avait trait au mémoire que ce dernier nous a présenté. Je vais donc répéter ma question, si vous me le permettez.

Aux deux dernières lignes de la page 3, vous indiquez que les Nisga'as peuvent remporter un référendum avec une majorité simple de 50 p. 100 plus un. Au premier paragraphe de la page 4, vous semblez dire qu'il ne serait pas normal qu'une province qui voudrait quitter le Canada ou faire la sécession applique cette même règle. Pourriez-vous préciser votre pensée, monsieur Palmater, afin que je puisse bien comprendre le point de vue que vous avez exprimé?

[Traduction]

La présidente: Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Palmater.

M. Frank Palmater: Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à la personne qui a posé la question.

La question était posée il y a déjà longtemps, mais malheureusement, la présidente a dit que nous n'avions plus le temps, il faudra donc que quelqu'un d'autre pose la question.

La présidente: Voilà pourquoi nous avons un deuxième, un troisième et un quatrième tour. Le compteur tourne pour vous maintenant. Allez-y.

M. Frank Palmater: Je suis heureux que l'on me permette de répondre.

Ce que nous entendions par la question, c'était, pour les membres du comité, semble-t-il, lorsqu'il s'agit de questions autochtones, 50 p. 100 plus un, une majorité simple, qui est suffisante, mais lorsqu'il s'agit de questions qui ne sont pas essentiellement autochtones, notre pays préfère un pourcentage beaucoup plus élevé.

Pour ce qui est de certains aspects du droit des sociétés, nous savons que les tribunaux ont dit que pour modifier un article d'un statut, d'une règle et d'un règlement, il faut parfois 75 p. 100 plus un. La question que notre groupe a adressée aux membres du comité était de savoir si 50 p. 100 plus un était une attente raisonnable pour les Nisga'as.

Si ça va pour le comité, ça va pour nous, mais M. Bachand a posé une autre question, et elle portait sur la cessation, il a demandé si la règle du 50 p. 100 plus un allait prouver à M. Dion, je crois, qu'une majorité de 50 p. 100 plus un est tout ce dont le Québec a besoin.

À mon très humble avis, en ma qualité de profane et non d'avocat, le Québec n'a aucun droit de se séparer du pays auquel il s'est joint si librement. Si jamais il fait cessation, il partira avec ce qu'il avait à son arrivée, rien de plus. Le Québec n'a aucun droit de faire cessation de notre pays.

Ce serait comme si un membre d'une famille nombreuse disait: eh bien, je ne suis pas d'accord avec ce que maman et papa ont dit, alors je m'en vais—et soit dit en passant, je prends la voiture et la grange avec moi.

Désolé, mais jamais notre organisation ne reconnaîtrait une chose pareille. Nous pensons que le Canada pourrait aisément régler le problème de la cessation s'il reconnaissait simplement l'existence du titre foncier que les peuples autochtones avait avant l'arrivée des Européens.

Madame la présidente, vous contourneriez tous les autres processus en place, les gouvernements provinciaux ou fédéral avec leurs règles, en reconnaissant que les peuples autochtones ont leur mot à dire. Si jamais le Québec fait sécession, je crois que le gouvernement du Canada va demander aux peuples autochtones: écoutez, qu'est-ce qu'il y a de mal à cela? Est-ce qu'ils peuvent faire cela? Est-ce nécessaire?

Ce que je dis dans le rapport, c'est qu'il semble que pour les Nisga'as, 50 p. 100 plus 1, ça va pour l'adoption de cet accord, mais pour le Canada, il semble y avoir deux poids deux mesures. Vous exigez plus que 50 p. 100 plus un. Si 50 p. 100, ça va pour les Autochtones, alors pourquoi est-ce que ça n'irait pas pour le reste du Canada? Voilà ma question. Je ne dis pas que c'est ce qu'il faut faire.

[Français]

La présidente: Il vous reste 10 secondes.

M. Ghislain Fournier: Je préfère ne pas faire de commentaire sur cette réponse à ce moment-ci.

• 1730

Bien que j'accepte certains éléments de votre réponse, vous conviendrez que je ne saurais être complètement d'accord avec vous. Lorsque j'obtiendrai un exemplaire des comptes rendus de cette séance, j'étudierai votre réponse avec mes collègues.

La présidente: Merci, monsieur.

[Traduction]

Allez-y, monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria-Brock, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je vous remercie beaucoup d'être venu. J'ai fait une tournée en Colombie-Britannique et j'ai parlé aux Gitxsans et aux Gitanyows, et ils sont favorables au processus des traités. J'ai la certitude que les difficultés qu'ils ont avec les Nisga'as seront aplanies d'une manière semblable avec une négociation quelconque.

Quand j'étais en Colombie-Britannique, je suis devenu assez tristement célèbre parce que... J'en ai parlé lundi soir, et j'invite l'opposition à lire le hansard de lundi pour qu'elle puisse suivre ce que nous avons fait en Colombie-Britannique. C'était un processus moins qu'amical à cause de l'enthousiasme qu'ont fabriqué certains membres du Parti réformiste—il ne s'agissait pas de parlementaires, même si ceux-ci sont allés dans toutes les circonscriptions, ont fouetté l'enthousiasme des gens et les ont fait venir. Même Randy White avait apporté un haut-parleur à Vancouver, pour inviter les gens à renverser les tables s'il le fallait. Je ne sais pas pourquoi il avait besoin d'un haut-parleur, mais de toute façon...

J'ai appris—et je tiens ce renseignement du B.C. Labour Council—que 60 journaux communautaires appartiennent à une seule personne. Son nom est Black, mais pas Conrad. Conrad possède l'autre journal. Le fait est qu'on leur permet seulement de publier des textes négatifs sur le processus de négociation des traités avec les Autochtones. Quand j'ai dit cela, quelqu'un dans la presse m'a mis au défi de le prouver. En fait, quelques-uns m'ont traité de tous les noms, et soit dit en passant, il m'ont menacé.

Je leur ai répondu. Je leur ai demandé de m'envoyer ces articles et de prouver que j'avais tort. J'ai dit que j'irais à Vancouver et que je mangerais leur journal sur la rue principale et qu'ils pourraient me filmer. En guise de réponse, ils ont publié un éditorial où ils ont dit qu'ils avaient encombré mon télécopieur. En fait, j'ai reçu seulement 10 articles jusqu'à présent, et ça fait déjà un bon bout de temps. Mon télécopieur, mon courrier électronique et mon site Web ne sont pas du tout encombrés, sauf de courrier haineux, ce qui est très intéressant. Mais il y a aussi du bon à cela. Je reçois des lettres aimables de personnes qui ont dit que j'avais enfin prouvé qu'il y avait de la vérité là-dedans.

Mes deux questions sont très simples. J'en ai ajouté une. J'ai posé une seule question partout en Colombie-Britannique, et je demandais ce que l'on pouvait faire pour améliorer le processus de négociation des traités. Et maintenant, j'aimerais savoir quel tort la presse a fait en excluant les articles favorables—qui sont de toute évidence très difficile à trouver en Colombie-Britannique—au processus de négociation des traités?

Voici donc mes deux questions: Premièrement, quel tort a-t-on fait, et deuxièmement, que peut-on faire pour améliorer le processus de négociation des traités?

Les deux chefs pourraient peut-être répondre.

Le président: Monsieur Diamond.

M. Billy Diamond: En réponse à la première question, qui est de savoir ce qu'on peut faire pour améliorer le processus, la première chose à faire, c'est d'adopter la loi. Mais les membres du comité peuvent également examiner le processus interne de mise en oeuvre du traité par le gouvernement. Parmi les leçons que nous avons retenues de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, nous avons appris qu'il n'y avait pas de structure pour mettre en oeuvre la Convention de la Baie James et du Nord québécois ou les autres revendications territoriales. La bureaucratie telle qu'elle existe maintenant n'est pas faite pour mettre en oeuvre les traités et les revendications territoriales modernes.

Il est très important que l'on vous donne à vous, députés fédéraux, la possibilité de demander peut-être à réviser le Traité nisga'a dans cinq ans. Les conclusions de cette étude devraient être présentées à votre comité pour voir si les obligations ont été mises en oeuvre ou si l'on s'est acquitté de ces obligations. Il faut rendre des comptes. En votre qualité de membres du comité, vous pouvez recommander à toutes les parties de rendre des comptes. Je pense que c'est très important.

• 1735

En réponse à votre question, en ce qui concerne les médias d'ici, vous n'êtes pas les seuls politiciens que les médias n'aiment pas. Les médias n'aiment pas non plus les politiciens indiens. Donc vous et moi avons fait les mêmes constatations.

Mais il faut que les négociations se déroulent dans une atmosphère de bonne foi. On ne peut pas négocier par l'entremise des médias. Il faut que la négociation ait lieu à huis clos. C'est là qu'on discute des diverses questions, et c'est là qu'on les règle. Il faut que cela se fasse à huis clos, sans quoi, le processus ne se terminera jamais. Il aura une vie à soi et ne se terminera jamais. On sera toujours à la table des négociations, et certains d'entre nous vont parler de bonne foi alors que d'autres vont parler avec la langue fourchée. Malheureusement, c'est ce qui arrive la plupart du temps.

Si nous voulons réussir, il faut négocier à huis clos et non par l'entremise des médias ou des journaux. Nous allons nous faire critiquer de toute façon. Même si l'on fait le bien, les gens cherchent toujours la petite bête. Ils sont toujours négatifs et ne voient jamais le positif.

Il y a beaucoup de choses positives dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Je vais vous dire l'une des choses les plus formidables que je peux y voir en ce qui concerne l'effet que la convention a eu directement sur ma famille. J'ai fait mes études dansa une école résidentielle indienne. J'ai dû quitter ma famille. Mes enfants ont pu faire leurs études chez nous, dans leur propre langue, le cri, et en même temps ils ont appris les deux autres langues. Deux de mes enfants les plus jeunes parlent trois langues. Voilà l'effet direct que nous avons ressenti, et c'est une réussite. Mais on n'entend pas parler de réussite comme celle-là. Voilà comment les médias et les journaux réagissent.

La présidente: Chef Fontaine, voulez-vous prendre la parole?

Chef Phil Fontaine: Oui, madame la présidente.

Une des choses que j'aimerais mentionner en réponse à l'une des questions posées par M. O'Reilly a trait à toutes ces images négatives que l'on véhicule dans les médias. À cause des préoccupations très sérieuses que nous avons relativement aux effets et aux conséquences de ces comptes rendus négatifs sur nos problèmes, nous avons rencontré divers comités de rédaction des divers grands journaux du pays.

S'il y a une constante dans ces discussion, c'est l'approche qui est préconisée par un trop grand nombre de gens, et qui consiste à jeter un éclairage négatif sur tout ce qui se passe dans nos collectivités. Cette approche nous préoccupe. Ce n'est pas que nous nous opposions à un débat honnête et libre, à des discussions ouvertes sur des questions qui revêtent une importance fondamentale pour tous les peuples, et cela comprend notre peuple et nos problèmes. Nous nous préoccupons du fardeau que cela impose particulièrement aux jeunes. De voir les jeunes constamment bombardés de toutes sortes d'images négatives, c'est beaucoup trop.

Il faut faire un effort très sérieux pour donner des comptes rendus équilibrés. Il faut entre autres parler de toutes les réalisations formidables des Premières nations. Par exemple, il y a l'éducation. J'aime mentionner cela parce que cela illustre les réussites dont nous sommes capables. En 1969, il y avait environ 80 étudiants amérindiens dans les établissements postsecondaires. Ils sont aujourd'hui 27 000. Cela représente un cadre important de professionnels, de compétences, et de talents au sein de nos collectivités, et il faut donner à chacun tous les moyens qu'il faut pour réaliser entièrement le potentiel que représente cette masse critique.

En ce qui a trait au développement économique, il y a 20 000 petites entreprises au pays qui appartiennent à des Autochtones et qui sont gérées par eux. Cela représente une contribution réelle à l'économie du pays, car il ne fait aucun doute que ce sont les petites entreprises qui offrent le plus de perspectives d'emploi au pays. Il faut que cela se sache. Si on peut parler autant des succès, on comprendra qu'en dépit de tous les grands obstacles auxquels nous faisons face, nous pouvons réussir. Bien sûr, c'est une source d'inspiration. Cela donne espoir aux jeunes. C'est ce qu'il faut donner à nos jeunes, l'espoir en l'avenir.

• 1740

Pour ce qui est des améliorations qu'on pourrait apporter, nous vous suggérons, pour en revenir à une des questions que j'ai posées plus tôt, d'examiner très attentivement la politique actuelle sur l'extinction et d'envisager son élimination, ce qui égaliserait les chances. Et, quel que soit le processus qu'on adopte pour mettre en oeuvre les accords tels que le Traité nisga'a, il faut prévoir suffisamment de ressources afin que l'on dispose de toutes les compétences, de toutes les connaissances et de tous les talents nécessaires pour que les changements proposés dans ces accords se concrétisent.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Au nom de tous les députés ici présents, je tiens à vous remercier d'être venus. Comme d'habitude, il y a eu des divergences d'opinion, mais ces divergences rendront nos délibérations constructives.

Je rappelle aux membres du comité que nous ajournons jusqu'à 9 h 30, demain. Merci beaucoup.