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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 décembre 1999

• 0901

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants est ouverte. Je remercie les médias de nous avoir permis de commencer.

Mesdames et messieurs, j'ai le plaisir ce matin d'accueillir à notre comité M. André Marin, l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.

Soyez le bienvenu, monsieur Marin. Vous pourriez peut-être nous présenter les personnes qui vous accompagnent, après quoi nous pourrons entendre votre déclaration d'ouverture. Je sais que les membres du comité voudront ensuite vous poser des questions.

M. André Marin (ombudsman, Défense nationale et Forces canadiennes, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. C'est vraiment un privilège et un honneur pour moi que d'être ici.

Je suis accompagné de M. Luc Givogue, chef de la Section des enquêtes au Bureau de l'ombudsman. Il y a aussi Mme Barbara Finlay, avocate générale intérimaire au Bureau de l'ombudsman et M. Gareth Jones, ancien chef de la Section des enquêtes. Il vient tout juste d'assumer un nouveau rôle à notre bureau, mais comme il est avec nous depuis le tout début, il pourra donner une vue d'ensemble de la situation ce matin.

Le président: Nous vous souhaitons la bienvenue à tous.

Merci de la présentation. Avez-vous une déclaration d'ouverture, monsieur Marin? Vous savez sans doute comment nous procédons. Pour la question, les représentants de l'opposition et des ministériels auront la parole à tour de rôle. Les membres du comité savent que nous avons une formule précise pour attribuer un certain nombre de minutes à chacun et j'ai le devoir de le rappeler à tout le monde. Cependant, nous vous invitons à commencer votre déclaration d'ouverture.

M. André Marin: Merci, monsieur le président et membres du comité. Comme je l'ai déjà dit, c'est vraiment un honneur et un privilège pour moi que d'être ici ce matin. Je me réjouis de l'aide que les membres du comité permanent pourront offrir au Bureau de l'ombudsman dans l'exercice de ses fonctions.

[Français]

Ces fonctions sont clairement énoncées dans la directive ministérielle qui définit notre mandat. Ce dernier consiste à faire une contribution appréciable et durable à l'amélioration du bien-être des membres de la collectivité du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. Votre aide à cet égard est nécessaire, et nous l'apprécions grandement.

[Traduction]

Notre mandat suppose de nombreuses activités, qu'il s'agisse de fournir des renseignements, d'étudier des processus, de résoudre des problèmes, de formuler des recommandations ou, bien entendu, d'enquêter au sujet de plaintes. Comme le disait mon homologue des Pays-Bas, nous devons être plusieurs choses à la fois: indicateurs de succès, persistants, médiateurs, protecteurs. À coup sûr, pour devenir des agents de changement constructif, nous devons fonder notre crédibilité et notre efficacité sur l'indépendance, l'objectivité et le professionnalisme.

Je serai bref et direct. Tout d'abord, quelles sont nos réalisations?

[Français]

Nommé par le ministre Eggleton en juin 1998, j'ai constitué mon bureau en août. Dès la fin de 1998, nous avions eu des enquêtes et des entretiens personnels avec quelque 15 000 membres de la collectivité dans tout le Canada et à l'étranger, ainsi qu'avec de nombreux ombudsmen et d'autres experts. Ces consultations ont mené à la présentation d'un plan d'action intitulé Allons de l'avant, en janvier 1999, ainsi qu'à la rédaction de directives ministérielles détaillant notre mandat. Ces directives ont été rendues publiques le jour du lancement de nos opérations, le 16 juin dernier.

• 0905

[Traduction]

Que faisons-nous maintenant? Les statistiques montrent que nous avons reçu 901 plaintes, que nous avons réglé d'une manière ou d'une autre 580 dossiers et que nous traitons actuellement 184 dossiers actifs. Cependant, en plus de changer tous les jours, ces chiffres ne témoignent guère de la nature de notre travail, qui va de la prestation de simples conseils à des clients désorientés jusqu'à la résolution de problèmes structurels majeurs. Par exemple, lorsque s'est posée la question des risques pour la santé auxquels auraient été exposés certains membres des Forces canadiennes en poste en Croatie, nous avons constitué une banque de données en moins de 24 heures. De plus, nous avons dirigé de nombreux individus vers les ressources chargées d'administrer les tests et avons informé ces gens des services offerts dans les centres d'évaluation post-déploiement. Par ailleurs, nous avons joué un rôle dans l'enquête criminelle portant sur le retrait d'une note de service médicale du dossier des soldats et avons recommandé d'importants changements structurels afin de rendre le processus plus équitable. Il est donc juste de dire que nous avons résolu de nombreux cas et que nous traitons encore des cas fort complexes.

Entre-temps, nous avons terminé la rédaction de notre plan d'activité et nous continuons d'enrichir notre banque d'enquêteurs compétents. Enfin, lorsque les services que nous offrons aux personnes en difficulté sont nouveaux, nous continuons de mener une vigoureuse enquête de sensibilisation qui prévoit notamment la visite de bases, la conception et la diffusion de dépliants ainsi que le développement d'un site Web.

Un bureau de l'ombudsman est-il vraiment nécessaire? Je ne vous étonnerai pas en répondant que oui. En effet, les années 90 ont été mouvementées pour nos militaires. Pour vaincre le cynisme et rétablir le moral des troupes, il faut plus que jamais que les membres des Forces canadiennes aient la possibilité de se tourner vers un organisme impartial et intègre qui soit indépendant de la hiérarchie en place.

Où en sommes-nous dans la réalisation de notre mandat? Bien qu'il soit encore très tôt pour tirer des conclusions, notre travail nous a déjà valu des commentaires très positifs. Nous avons procédé avec indépendance et détermination. Je maintiens mon engagement envers la vision du Bureau telle que définie dans Allons de l'avant. Je crois que nous avons créé un modèle qui fonctionne et donne de bons résultats, en partie grâce à la publication de rapports officiels qui sont pris au sérieux.

Le fait que nous soyons partis de zéro constitue un atout important, car nous n'avons pas eu à traîner de bois mort ou à composer avec les vestiges d'un système antérieur. Certes, nous avons dû travailler fort pour créer en peu de temps et de toutes pièces les éléments nécessaires; cependant, je crois que nous sommes partis du bon pied et que nous avons fait de grands progrès au cours des derniers mois.

Je prévois que le Bureau continuera de croître et d'évoluer et que les quelques intervenants qui se montrent réticents à notre égard en viendront à comprendre notre mission et, progressivement, à y souscrire de plein gré et en toute connaissance de cause. C'est une simple question de temps, de patience et d'expérience concrète. Peut-être est-ce même une question de génération. Lorsque fut adoptée la Charte canadienne des droits et libertés, certains prophètes de malheur anticipaient une période de désordre; pourtant, la Charte constitue aujourd'hui un élément de nos modèles et de nos consensus sociaux.

Quelles sont pour nous les prochaines étapes? D'une part, nous poursuivons nos activités courantes. D'autre part, ce mois-ci, notre mandat est censé faire l'objet d'un examen du ministre, dans deux semaines exactement, en vue de la promulgation de règlements.

Dans l'ensemble, je suis satisfait du cadre d'exploitation du Bureau. Toutefois, comme l'a rappelé le ministre lors de l'annonce du mandat, le 16 juin 1999:

    L'expérience constitue sans doute la meilleure recette en vue d'évaluer la réussite d'un cadre d'exploitation [...] Ainsi donc, si nécessaire, les changements seront apportés pour faire en sorte que le Bureau de l'ombudsman obtienne des résultats concrets au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale.

Quelle aide pouvons-nous recevoir des membres du Parlement, en particulier les membres du comité permanent?

[Français]

Nous desservons une vaste collectivité composée d'environ 60 000 membres des Forces canadienne et de leurs familles, et de milliers d'employés du ministère de la Défense nationale. La sensibilisation demeure donc un grand défi. Pour nous aider, vous pourriez parler de nous dans les bulletins et rapports que vous adressez à vos électeurs et nous renvoyer des gens, le cas échéant, comme le font déjà de nombreux députés.

[Traduction]

Vous pourriez également suivre les activités et l'évolution du Bureau de l'ombudsman. Bien que je fasse rapport au Parlement par l'entremise du ministre, il me ferait plaisir de revenir vous informer des derniers développements au moment qui vous semble opportun.

Permettez-moi d'ajouter deux commentaires au sujet de l'importance de notre travail.

Tout d'abord, lorsqu'elle s'applique aux militaires et aux employés de la Défense nationale, la justice est confrontée à des défis particuliers et à des problèmes qui sont difficiles à résoudre. Elle s'inscrit néanmoins dans un cadre général de justice pour l'ensemble de notre société. Comme le disait Martin Luther King, «Toute injustice isolée pose une menace pour la justice universelle, et les situations qui touchent directement un individu affectent indirectement l'ensemble des citoyens».

• 0910

Au-delà même des règles de justice officielles, nous devons une reconnaissance toute particulière aux hommes et femmes qui servent notre pays et notre société. À tout le moins, il s'agit d'une question d'équité. Rappelons-nous les paroles de Victor Hugo selon qui l'équité a plus de poids que la justice. Qu'il s'agisse d'impartialité, d'équité, d'éthique ou de morale, nous devons offrir ce qu'il y a de mieux aux hommes et aux femmes qui, au nom de leur pays, ont été séparés de leurs proches, ont souffert du stress, ont été exposés à des dangers physiques, ont subi des chocs psychologiques, ont même connu l'horreur sans nom... Grâce à eux, nous vivons dans une société de paix, de liberté, de confort et de grandes possibilités.

Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes sont en transition et j'y vois une véritable occasion de procéder à des changements positifs qui bénéficient aux individus en cause et, partant, à chacun d'entre nous. Dans cette perspective, j'espère pouvoir compter sur votre appui non partisan. Il s'agit d'une question de grande importance.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Marin. Vous nous avez donné un aperçu très intéressant de votre rôle et nous vous en sommes reconnaissants.

À titre de président du comité et après en avoir fait partie depuis maintenant plus d'un an, je peux vous garantir que nous serons objectifs. À mon avis, nous l'avons vraiment été jusqu'ici. Nous voulons tous améliorer la situation des Forces canadiennes et leur permettre d'obtenir la formation et le matériel nécessaires. Vous allez certainement constater, à la lumière des questions que l'on vous posera aujourd'hui des deux côtés de la table, que nous nous intéressons tous vivement à faire le mieux possible pour les Forces canadiennes. C'est ce que les Canadiens nous demandent de faire.

À mon avis, vous effectuez un travail très important que les Canadiens et le gouvernement veulent que vous accomplissiez. Je peux vous garantir, et je sais que mes collègues seront d'accord avec moi, que vous serez toujours le bienvenu au comité, sans avoir besoin d'y être invité officiellement. Si vous voulez revenir à un moment donné, si vous jugez important de venir nous parler, vous n'aurez qu'à communiquer avec notre greffier et nous nous efforcerons de vous accueillir le plus tôt possible.

Sur ce, nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Nous commencerons par des périodes de cinq minutes et par M. Hart, de l'opposition officielle.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à féliciter le bureau de l'ombudsman et M. Marin de l'indépendance qu'il a manifestée jusqu'ici. À mon avis, une telle autonomie était vraiment nécessaire après ce qu'on a considéré comme une crise dans les forces armées au moment de l'enquête sur la Somalie. Les membres du public, et probablement aussi les membres des Forces eux-mêmes, avaient l'impression qu'il existait des problèmes systémiques, comme vous l'avez dit vous-même, et que ceux qui portaient plainte risquaient des représailles quelconques et ne se sentaient pas du tout protégés par le système. Je considère donc que votre bureau est très important.

Nous espérons que cela continuera, mais l'été dernier, et vous en avez parlé dans votre exposé, il y a eu un autre scandale, celui de la contamination par des produits toxiques en Croatie. Encore une fois, on se demande si la situation a changé ou non au ministère de la Défense. Je voudrais savoir ce que vous pensez de cette affaire particulière et si vous jugez que votre bureau a permis de changer les choses pour le mieux au ministère, surtout relativement aux problèmes systémiques qui semblent encore exister au MDN.

M. André Marin: Votre question comporte deux éléments et je répondrai d'abord au premier. J'imagine que vous voulez savoir comment, d'après nous, le ministère a réagi après la divulgation des plaintes au sujet de la Croatie.

M. Jim Hart: Oui.

M. André Marin: Je vais d'abord vous expliquer la position de notre bureau au départ.

Comme n'importe quel bureau d'ombudsman, monsieur le président, nous devons nous accommoder des mécanismes existants. Dans ce cas-ci, l'un des mécanismes veut que ce soit la chaîne de commandement qui réclame une commission d'enquête. Nous devons respecter ce mécanisme. Selon notre mandat, le ministre peut nous demander directement de nous occuper de certaines questions malgré les mécanismes en vigueur. Il ne l'a pas fait dans ce cas-ci et nous avons donc dû procéder de la façon normale.

Le rôle que nous avons assumé relativement à l'incident en Croatie consistait à envoyer un observateur quand la commission entendait les témoignages. Cela permettait à la commission d'enquête de faire son travail sans obstacles et de s'occuper du problème. Cela nous permettait quant à nous de suivre ce travail pour que, si quelqu'un se plaignait plus tard d'avoir été traité injustement ou faisait une déclaration quelconque au sujet du processus, nous aurions pu savoir exactement ce qui s'était passé et prendre des mesures sans avoir été directement mêlé au processus.

• 0915

Je sais que certaines personnes demandaient à l'époque pourquoi l'ombudsman n'avait pas participé à l'enquête ou pourquoi nous n'en avions pas assumé la responsabilité. Si nous avions fait partie de la commission d'enquête, nous aurions été en situation de conflit d'intérêts si quelqu'un avait porté plainte plus tard. Nous avons donc proposé de jouer le rôle d'observateur et nous avons eu de très bons rapports de travail avec le colonel Sharpe, qui préside la commission d'enquête. Je pense que nous avons réussi à bien collaborer ou à coexister en harmonie.

Lorsque la commission d'enquête délibère à huis clos, lorsqu'elle visite publiquement des bases et ainsi de suite, nous ne nous en mêlons pas. Nous ne sommes pas là pour rassembler des éléments de preuve. C'est un peu comme ce qui se passe devant un tribunal ou à votre comité ici même. Vous pourriez siéger à huis clos. Un membre du bureau de l'ombudsman pourrait faire partie des spectateurs parce que la commission d'enquête ne travaille pas en public. Cela nous permet de surveiller les choses au fur et à mesure et de nous occuper des plaintes au besoin.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question au sujet des problèmes systémiques, nous pensons avoir fait beaucoup pour s'attaquer à ces problèmes systémiques. Il y a environ cinq ou six semaines, nous avons présenté un rapport au grand prévôt et cela a mené à l'une de nos premières enquêtes importantes. Nous avions recommandé que l'on fasse trois choses. Ce rapport doit être publié par le ministre dans les 60 jours, ce qui veut dire que nos recommandations seront connues très bientôt.

Deux de ces trois recommandations portaient sur des problèmes systémiques. Nous recommandions notamment que la police militaire adopte des lignes directrices relativement aux conflits d'intérêts. Il existe déjà des lignes directrices bien générales pour les conflits d'intérêts, mais elles ne s'appliquent pas de façon précise au cas où un plaignant juge qu'un enquêteur est en position de conflit d'intérêts relativement à son cas. Le grand prévôt a accepté de donner suite à cette recommandation de nature systémique et cela devrait avoir des conséquences dans tout le système.

Nous avons terminé une deuxième grande enquête il y a deux semaines. Notre rapport a été présenté aux autorités appropriées du MDN et des Forces canadiennes. Nous y formulons sept recommandations. La plupart sont de nature systémique et nous avons demandé au ministère de nous laisser savoir d'ici demain s'il est prêt à y donner suite ou non.

Lorsque nous publions des rapports d'enquête importants, nous nous occupons tout particulièrement des questions systémiques. Jusqu'ici, les trois recommandations que nous avions formulées ont été acceptées et il n'y a aucune raison de croire que le ministère va changer d'avis à ce sujet.

Enfin, relativement aux cas individuels, nous comptons présenter très souvent des rapports sur ces cas, après en avoir supprimé les détails personnels, pour que les autres membres des Forces canadiennes puissent voir comment nous intervenons dans des cas particuliers et pour avoir une certaine uniformité ou des précédents et des exemples de décisions dans ces domaines. Nous comptons donc aussi aider à résoudre les problèmes en nous occupant de cas individuels.

Le président: Il vous reste encore une minute, monsieur Hart.

M. Jim Hart: Dans bien des pays, les forces militaires ont un inspecteur général. Pouvez-vous nous donner un bref aperçu des différences que vous avez constatées entre votre rôle d'ombudsman et celui d'un inspecteur général? Les inspecteurs généraux ailleurs dans le monde sont-ils plus autonomes?

Je m'intéresse aussi à des choses comme la protection des dénonciateurs. Les militaires ont-ils l'impression que leur carrière serait protégée s'ils vous présentaient une plainte quelconque? Qu'en pensez-vous?

M. André Marin: Merci.

Monsieur le président, quand on était encore à l'étape de l'élaboration de notre rôle, nous avions examiné très attentivement les divers régimes qui existent ailleurs dans le monde, parce qu'il y a aussi bien d'autres pays qui ont des ombudsmans militaires, notamment les Pays-Bas, l'Israël, l'Allemagne et l'Australie. Il y a aussi, comme l'a dit le député, monsieur le président, des pays qui ont choisi d'avoir plutôt un inspecteur général. Nous en parlons dans notre rapport, qui s'intitule Allons de l'avant, que je remettrai volontiers aux députés après les délibérations aujourd'hui. Pour l'instant, je me contenterai de dire que le rôle de l'inspecteur général est beaucoup plus vaste. Il a d'habitude des fonctions de vérificateur, d'ombudsman et de bureau chargé des plaintes du public. Son rôle est donc beaucoup plus vaste. Certains inspecteurs généraux sont même autorisés à évaluer l'état de préparation au combat des forces armées. Ils ont donc toutes sortes de rôles que je n'ai pas moi-même.

• 0920

Mon rôle consiste à garantir que les membres et les employés du MDN et des Forces canadiennes, de même que les anciens employés et membres des Forces, soient traités équitablement par le système. Je ne fais pas de vérification ponctuelle pour évaluer l'état de préparation au combat. Nous ne vérifions pas les dépenses. D'autres organismes fédéraux s'en occupent. Il y a par exemple le vérificateur général qui fait les vérifications comptables.

Nous avons le chef du Service d'examen, qui s'occupe des vérifications internes. Hier, la Commission des plaintes relatives à la police militaire, et qui recevra les plaintes portant uniquement sur la police militaire, est entrée en fonction. Nous avons donc toutes sortes de services qui s'occupent des questions de ce genre. Certains inspecteurs généraux peuvent aussi intenter des poursuites. Cela dépend des pays.

Ont-ils beaucoup d'autonomie? Cela dépend des points de vue. J'ai toujours eu l'impression que nous pourrions fonctionner de façon crédible tant qu'on prévoit des mécanismes appropriés pour garantir notre autonomie. À notre avis, on peut garantir cette indépendance en ayant des locaux à l'extérieur du MDN et c'est ce que nous avons.

Nous avons nos propres services juridiques et nous ne comptons donc pas sur des niveaux de gestion, comme les avocats du juge-avocat général ou les avocats civils. Mme Finlay me fait rapport directement et elle a été choisie par moi-même. Nous avons nos propres enquêteurs. Quelques-uns sont venus ce matin. Nous pouvons aussi contrôler nos propres activités de dépense et notre budget. Nous pouvons rédiger des rapports publics. Notre mandat nous permet également de présenter des rapports au ministre, et celui-ci doit les rendre publics dans les 60 jours qui suivent.

Si vous vous demandez pourquoi il a fallu un an avant que notre bureau ne commence ses activités, vous pouvez voir vous-mêmes que nous avons eu toutes sortes de discussions à ce sujet. Je peux cependant vous dire, monsieur le président, que nous avons relevé tous ces défis. Je suis convaincu que notre bureau fonctionne comme il doit le faire, de façon autonome et que nous avons eu beaucoup de succès à ce sujet.

Le président: Tant mieux. Merci, monsieur Hart.

Avant de donner la parole à M. Mercier, je voudrais signaler à mes collègues du comité que j'ai présenté le premier rapport du comité permanent hier, qui portait essentiellement sur la motion de M. Pratt. Vous vous rappellerez que cette motion demandait au gouvernement du Canada de faire des réinvestissements importants dans les Forces armées canadiennes et d'instaurer un plan quinquennal pour maintenir ce réinvestissement dans le cadre du prochain budget. Les membres du comité appuient de tout coeur cette motion. Cela vous intéressera sans doute aussi, monsieur Marin, mais je tenais à signaler à mes collègues que j'ai effectivement présenté ce rapport à la Chambre hier.

[Français]

Monsieur Mercier du Bloc québécois, sept minutes, s'il vous plaît.

M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur Marin, j'ai trois questions à vous poser.

La première concerne votre statut. J'aimerais savoir dans quelle mesure votre statut vous assure une complète indépendance. Est-ce que dans d'autres pays, l'ombudsman dépend du ministre ou bien du Parlement directement?

M. André Marin: Il y a plusieurs régimes d'ombudsmen en place dans les autres pays en ce qui a trait aux militaires. Comme je l'ai indiqué au député qui a pris la parole plus tôt, nous avons fait état des différents régimes dans un document qui s'appelle Allons de l'avant, que je pourrai vous fournir après la présentation de ce matin. En somme, il y a des ombudsmen militaires qui se rapportent à leur ministre. Par exemple, l'ombudsman militaire d'Israël se rapporte au ministre de la Défense depuis 27 ans. Il y a d'autres régimes, tel celui de l'Australie, où l'ombudsman est complètement détaché du ministre. Donc, tout dépend du régime et du pays. Les deux modèles existent.

M. Paul Mercier: Pour assurer votre indépendance, est-ce que vous avez l'inamovibilité qu'aurait un juge, par exemple?

M. André Marin: J'ai l'inamovibilité, oui. J'ai été nommé pour une période de trois ans et je suis inamovible pendant trois ans. Au bout de cette période de trois, une décision va devoir être prise, mais je suis inamovible pendant mon mandat.

M. Paul Mercier: Voici ma deuxième question. Il y a des marins de la Marine marchande à qui le statut d'ancien combattant a été reconnu. Est-ce que vous avez juridiction sur leur plaintes éventuelles?

M. André Marin: En principe, oui.

• 0925

M. Paul Mercier: Troisièmement, lors de l'opération en Somalie, plusieurs soldats ont été accusés et condamnés pour des brutalités à l'égard de gens du pays. Une chose m'a toujours préoccupé. Dans des cas comme celui-là, où nos forces opèrent dans une région qui n'est pas un pays de droit, on reproche avec raison aux soldats d'être brutaux avec des gens qui, par exemple, chercheraient à piller leur camp, mais que devraient-ils faire? On ne peut pas soumettre ces gens à la justice du pays puisqu'il n'y en a pas. Est-ce qu'il ne faudrait pas que ces forces soient dotées d'un pouvoir judiciaire? Quand les soldats attrapent des pilleurs, que doivent-ils en faire?

M. André Marin: Le mandat du Bureau de l'ombudsman, monsieur le président, s'étend aux troupes canadiennes lorsqu'elles sont en opération. Il y a quand même des ajustements à faire au mandat parce que, évidemment, on ne veut pas risquer la vie et le bien-être des membres de mon personnel, des troupes et d'autres Canadiens. Le mandat de l'ombudsman tel qu'il se présente aujourd'hui couvre toutes les situations en opération. Donc, l'accès au bureau ne change pas, sauf dans des circonstances exceptionnelles, lorsque nos troupes sont en opération.

M. Paul Mercier: Votre mandat ne vise que les plaintes d'individus, et non celles de groupes.

M. André Marin: C'est bien cela, mais le mandat prévoit aussi que je peux examiner des plaintes systémiques, quand il y a quelque chose de mauvais dans le système. Mon mandat me permet aussi de déclencher des enquêtes d'office. Je n'ai pas nécessairement besoin d'une plainte. Cependant, lorsque je déclenche une enquête d'office, je dois en aviser le ministre de la Défense nationale au préalable. De façon hypothétique, si une plainte venait d'une population étrangère et que j'étais d'avis que cela affecte la justice et l'équité pour les membres des Forces canadiennes, je pourrais d'office, même si cette personne n'est pas précisée dans le mandat, déclencher une enquête d'office.

M. Paul Mercier: Merci.

Le président: Merci, monsieur Mercier.

[Traduction]

Nous passons maintenant aux représentants de la majorité ministérielle. J'ai trois noms sur ma liste, dans cet ordre-ci: M. Wood, M. O'Reilly et M. Bertrand.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Marin, dans la liste donnée dans votre rapport sur les 100 premiers jours d'activité de votre service au sujet des plaintes que vous avez reçues, je note qu'il y a 22 plaintes reliées au ministère des Affaires des anciens combattants et je vois ici qu'il y en a un peu plus. Pourriez-vous nous expliquer un peu le genre de plaintes que vous recevez? Dites-nous ce qui se passe dans un tel cas. Vous contentez-vous de renvoyez les plaintes au Bureau des affaires des anciens combattants le plus près de l'endroit où habite le plaignant ou vous chargez-vous de faire enquête vous-mêmes?

M. André Marin: Les Affaires des anciens combattants ne relèvent pas du Bureau de l'ombudsman et nous n'offrons donc pas de services reliés aux activités de ce ministère. Il nous est déjà arrivé d'user de nos pouvoirs discrétionnaires pour essayer, dans des cas ayant des éléments humanitaires importants, de jouer un rôle quelconque, mais à titre très secondaire. Nous ne lançons pas d'enquêtes importantes au sujet des Affaires des anciens combattants parce que nous n'avons ni les fonds, ni les ressources ni le mandat pour le faire et nous ne voulons pas avoir de problèmes de compétence. Nous avons cependant communiqué avec le ministère des Affaires des anciens combattants dans certains cas.

Un cas où nous sommes intervenus était celui de Matt Stopford. L'adjudant Stopford, qui essayait depuis six ans sans succès d'obtenir des prestations de pension, est venu à notre bureau. Il a signé une renonciation de confidentialité, pour me permettre de discuter de son cas. Nous avons fait des appels en son nom pour nous assurer que ceux qui prennent les décisions exécutives dans de tels cas au ministère des Affaires des anciens combattants étaient prêts à s'occuper de la question et nous leur avons renvoyé son dossier. Le jour même, il a obtenu ses prestations de pension et il était très satisfait de notre intervention.

J'ajoute que l'adjudant Stopford n'est apparemment pas satisfait du montant de la pension qu'il a obtenu et qu'il en a appelé de cette décision. C'est un exemple d'intervention de notre bureau. Nous ne voulons cependant pas que de telles interventions deviennent chose courante parce qu'elles sont expressément exclues de notre mandat. Ce sont les ministres qui en ont décidé, et, à moins que les choses ne changent, nous devons donner la priorité aux questions qui relèvent du MDN et des Forces canadiennes. Et c'est ce que nous faisons.

• 0930

M. Bob Wood: Très bien, merci.

Dans le rapport du vérificateur général publié plus tôt cette semaine, on signale quelques problèmes au ministère de la Défense nationale et je me demandais si vous étiez au courant de ces problèmes et si certaines des plaintes que vous avez reçues y étaient reliées. Je veux parler, bien sûr, du fait que le vérificateur général ait noté des cas apparents de corruption relativement à l'acceptation de pots de vin ou de commissions secrètes par des militaires et des employés civils qui achetaient du combustible diesel à des postes d'essence.

Deuxièmement, et je pense que ces problèmes sont reliés entre eux, le vérificateur général parle du fait que les gens ne se sentent pas particulièrement engagés envers le programme d'éthique du MDN, que les stratégies relatives à ce programme existent uniquement sous forme d'ébauche et qu'on met bien du temps à les appliquer. Je voudrais savoir si vous êtes au courant de ces problèmes et si vous avez communiqué avec le vérificateur général ou si vous avez lu son rapport.

M. André Marin: Oui, j'ai vu son rapport. J'ai parlé au vérificateur général de questions qui touchent le ministère de la Défense nationale, mais pas du rapport en particulier. Je peux dire au sujet de la première question que l'enquête dont parle le vérificateur général au sujet des supposés pots de vin est une enquête au criminel et que ce n'est donc pas le genre d'enquêtes auxquelles nous pouvons participer.

Relativement à la deuxième question, concernant le programme d'éthique, il s'agit d'un programme interne du MDN et des Forces canadiennes. Il y a deux ans, on m'avait invité à prononcer un discours au moment de la conférence et, cette année, même si nous n'avons pas participé activement aux préparatifs de la conférence, notre bureau y était bien représenté. Je reste en contact avec les fonctionnaires du ministère qui s'occupent de questions d'éthique et je leur ai signalé que les enquêtes que nous avons entamé au sujet de problèmes systémiques peuvent avoir des éléments reliés aussi aux questions d'éthique.

La première enquête principale que nous avons menée portait sur une perception de conflits d'intérêts pour un policier militaire. Cette enquête a soulevé bon nombre de questions d'éthique et nous avons recommandé à ce sujet qu'on élabore des lignes directrices sur les conflits d'intérêts, ce qui est, bien sûr une question d'éthique.

Il me semble donc que les décisions que nous publierons permettront de faire un examen interne de ces situations et que cela contribuera au programme d'éthique.

M. Bob Wood: On continue d'augmenter votre budget et je sais que le ministère a affecté récemment plus d'enquêteurs à votre service. Nous savons tous que le MDN doit relever d'énormes défis financiers. Le comité a recommandé au ministre diverses réformes reliées à la qualité de vie des militaires, dont bon nombre ont été acceptées, mais comme vient de le signaler le président, il faudra plus d'argent pour terminer le travail. Les Forces ont aussi besoin de matériel plus moderne, ce qui représente encore d'énormes dépenses. Tous ces éléments de dépense se font concurrence. Réussissez-vous à obtenir votre part des ressources et êtes-vous satisfaits de la façon dont les fonds ont été affectés?

M. André Marin: C'est un défi que nous avons vraiment dû relever depuis un an pour établir notre bureau. Nous devons être très prudents dans nos dépenses parce que sinon, il sera très difficile de pouvoir fonctionner et obtenir l'appui voulu. D'autre part, un bureau d'ombudsman a besoin de certaines ressources, sinon, nous allons accumuler un arriéré de cas. Nous ne pourrons pas obtenir de bons résultats et nous perdrons notre réputation et notre crédibilité. À ce moment-là, aussi bien ne pas créer le Bureau de l'ombudsman.

Ces deux concepts nous ont donné bien du mal, et nous avons tenté d'en arriver à un équilibre. Nous avons proposé un plan d'affaires au ministre, et je crois savoir qu'il a été accepté. En vertu de ce plan, notre budget s'établira à 3,5 millions de dollars au cours de notre première année de fonctionnement. Nous pourrons ensuite continuer avec environ 5 millions de dollars par année. À mon avis, ce plan est très complet et fait la preuve de notre leadership en matière d'efficience. Grâce à lui, nous n'avons eu aucune difficulté à lancer nos activités, et nous avons bénéficié d'un bon soutien dans ce domaine.

Je crois que lorsque l'on établit le bureau d'un ombudsman, on ne doit pas nécessairement se préoccuper de la question des coûts, car il est difficile de mettre un prix sur la justice et l'équité. Cela reviendrait à dire qu'on va fermer la Cour suprême du Canada parce qu'elle ne s'autofinance pas. Dans de tels cas, on fermerait beaucoup de nos institutions.

• 0935

Cependant, quand on regarde le travail de notre bureau, on se rend compte que dans plusieurs cas, nous avons évité d'importantes poursuites contre le ministère. Nous commençons à faire des recommandations qui ont une incidence importante dans tout le système du point de vue des coûts et de l'efficacité.

Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes, utilisent occasionnellement des enquêteurs indépendants, depuis quelques années, afin de bénéficier de moyens d'enquête indépendants. C'est le genre de service que nous pouvons offrir. Nous avons l'infrastructure et les ressources nécessaires, ce qui nous permet de faire économiser le ministère.

Je crois donc que, tout compte fait, nous pouvons démontrer de façon convaincante que nous nous autofinançons par le travail que nous effectuons. Il ne s'agit pas de notre considération principale, mais je pense que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ont pris cela en considération, et que c'est une autre des raisons pour lesquelles nous n'avons pas connu de difficultés financières jusqu'à présent.

Le président: Je vous remercie, monsieur Wood.

Je vais revenir à vous, monsieur O'Reilly, lorsque nous entamerons le deuxième tour de table.

Monsieur Marin, avant de passer à M. Earle, j'aimerais obtenir certains éclaircissements. Lorsque vous voulez ouvrir une enquête, en informez-vous le ministre à l'avance ou non? Comment procédez-vous au juste?

M. André Marin: Non. À moins qu'il ne s'agisse d'une enquête d'office, ce qui signifie que je n'ai reçu aucune plainte. En vertu du mandat actuel, je peux décider, un jour, que je vais me pencher sur un domaine particulier, malgré le fait que je n'ai reçu aucune plainte à ce propos.

Le président: Je vois.

M. André Marin: Dans ces cas exceptionnels, je dois informer le ministre. Cela ne signifie pas que je dois obtenir sa permission; je dois simplement le mettre au courant de notre intervention.

Le président: Si vous décidez de prendre ce genre d'initiative, vous l'en informez.

M. André Marin: Oui, c'est prévu dans notre mandat. Je dois l'en informer, à moins que j'aie une plainte.

Le président: Je vois.

M. André Marin: Il s'agit d'une disposition tout à fait exceptionnelle. Lorsqu'il y a plainte, je n'ai pas à l'en informer. Je ne dois le faire que pour les enquêtes d'office, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie beaucoup de ces éclaircissements.

Maintenant, nous pouvons passer à M. Earle, qui a sept minutes.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

Merci beaucoup monsieur Marin, de votre exposé.

Vous avez mentionné l'indépendance du bureau. J'aimerais en discuter, car vous avez décrit les différents modèles qui existent en réponse à une question de M. Mercier. J'ai travaillé, moi-même, de nombreuses années au sein du modèle législatif, en vertu duquel l'ombudsman doit rendre des comptes directement à un corps législatif, plutôt qu'à l'exécutif. J'ai tendance à préférer ce modèle en raison de l'indépendance complète et totale qu'il confère, de même que pour son apparence d'indépendance.

Vous dites que le mandat sera revu dans quelques semaines. Pourrez participer directement à ce processus par voie de recommandation au ministre, et lui recommanderiez-vous d'étudier à nouveau la possibilité que votre bureau rende directement des comptes au Parlement? C'est ma première question.

Ma deuxième question a trait au problème que M. O'Brien a soulevé au sujet des enquêtes d'office. Vous avez dit clairement que vous pouvez informer le ministre, mais que vous n'avez pas nécessairement besoin de sa permission pour procéder à une enquête. Par contre, je me demandais si, par exemple, vous pourriez lancer une enquête d'office quand le ministre a déjà annoncé publiquement sa décision ou son avis au sujet d'une situation.

Je songeais, entre autres, à l'article du Toronto Star sur les activités présumées de passeurs d'immigrants illégaux à nos frontières. Je me souviens d'avoir lu une déclaration du ministre, qui disait que l'incident était clos, qu'il n'y avait pas assez de renseignements pour déterminer quelle était la situation. À mes yeux, il y a là une situation idéale pour que vous ouvriez une enquête d'office, afin de savoir ce qui s'est vraiment passé.

Vous avez aussi mentionné l'aspect criminel. L'ombudsman ne participe pas à des enquêtes criminelles, mais il peut revoir les mesures administratives après une telle enquête, dans le but de faire des recommandations qui empêcheraient que la même situation ne se reproduise. Est-ce le genre de choses pour lesquelles vous seriez prêt à ouvrir une enquête d'office, avec ou sans la permission du ministre, si vous estimiez que c'est nécessaire?

M. André Marin: Merci.

On peut lancer une enquête d'office sans la permission du ministre, simplement en l'en informant. Les déclarations publiques—et ici, je songe moins au ministre qu'aux représentants du ministère—constituent une question qui a été soulevée à plusieurs reprises. Lorsqu'un ombudsman se trouve mêlé... et, monsieur le président, je sais que M. le député est un ancien ombudsman lui-même, et qu'il possède beaucoup d'expérience dans ce domaine...

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]... qui jouit d'un grande réputation dans ce domaine.

M. André Marin: C'est exact.

Par conséquent, je suis sûr que M. le député sait de quoi je parle lorsque je dis—et sa question, à mon avis, corrobore mes propos—qu'une fois qu'un ombudsman participe à une enquête, les fonctionnaires doivent s'abstenir de tout commentaire au sujet de cette enquête, parce que cela pourrait influencer des témoins. Ils pourraient influencer des gens. Des témoins pourraient hésiter à aller à l'encontre de la ligne du parti, et ainsi ne pas collaborer pleinement avec l'ombudsman.

• 0940

Nous allons continuer d'insister à ce sujet, d'essayer de faire bouger le ministère de la Défense, les Forces canadiennes, afin qu'on reconnaisse l'importance d'inclure des dispositions interdisant tout commentaire public tant qu'un sujet fait l'objet d'une enquête par l'ombudsman. Il s'agit d'une interdiction temporaire, et je pense qu'elle est bien nécessaire dans les circonstances.

Pour en revenir à la première partie de votre question, au sujet de l'examen du mandat, notre mandat arrivera à terme le 16 décembre, soit dans deux semaines. La note 1 du mandat dit très clairement qu'après une période de six mois, les directives du mandat seront—et je cite—«Examiner, modifier au besoin et intégrer dans un règlement». À nos yeux, il s'agit d'une précision très importante.

Dans mon esprit, les membres de la Défense nationale et des Forces canadiennes désirent de la cohérence. Ils veulent de la permanence; ils veulent être sûrs que le bureau ne sera pas éphémère. Notre position, c'est que nous avons besoin d'un règlement. Un règlement nous permettrait d'atteindre la plupart des objectifs que nous nous sommes fixés, sans qu'on ait besoin de recourir à une loi. Nous nous acheminons inévitablement vers une loi, et c'est peut-être une bonne chose, mais je pense qu'avant d'en arriver là, nous devrions tout d'abord essayer de faire fonctionner un règlement.

Ces derniers mois, nous avons commencé à discuter avec le contentieux de la Défense nationale et des Forces canadiennes parce que nous voulions lancer un dialogue permettant aux choses de se faire en douceur, afin que nous n'ayons pas besoin de six mois ou d'un an pour mettre au point le règlement. On nous a dit qu'il s'agissait d'un processus confidentiel, et qu'on nous mettrait au courant lorsqu'on obtiendrait des instructions. Pour l'instant, donc, je ne peux vous répondre au sujet de ce qui va se passer dans deux semaines.

Je peux vous dire, cependant, monsieur le président, que nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes et de prendre l'initiative. Le 16 décembre, nous allons publier un rapport dans lequel nous détaillerons tout ce qui a été fait au cours des premiers mois, conformément à notre mandat, et tous les problèmes auxquels on doit remédier. En outre, nous traiterons des démarches nécessaires en matière de règlement.

Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Il y a eu un engagement, du côté du ministère, au sujet d'un règlement. Si j'en juge par mes dernières discussions avec le ministre, cet engagement tient toujours. Par conséquent, passons au deuxième round et créons un règlement. Voilà ce sur quoi nous avons insisté au cours des dernières semaines.

Le rapport du 16 décembre sera public. Je peux vous dire dès maintenant, avant votre prochaine question, qui sera: «Qu'est-ce qui figure dans le rapport?», que nous sommes satisfaits du travail général du bureau. Il n'en faut pas moins procéder à des rajustements, à certaines mises au point. On ne peut rédiger un règlement du jour au lendemain. Nous avons donc décidé de prendre l'initiative à ce sujet, et de procéder aux différents rajustements nécessaires, d'aplanir les difficultés et de remédier aux problèmes existants pour que nous puissions fonctionner vraiment à pleine capacité.

Le président: Je vais demander au greffier de s'assurer que tous les membres du comité vont recevoir un exemplaire de ce rapport, une fois qu'il aura été publié, monsieur Marin. Je vous remercie.

Vous avez une minute, monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Je vous remercie, monsieur le président.

Vous avez répondu à ma deuxième question: vous n'allez pas, pour l'instant, recommander le modèle législatif pour le bureau de l'ombudsman.

Cependant, vous avez peut-être mal compris ma première question. Je ne parlais pas de commentaires rendus publics au cours d'une enquête de l'ombudsman. Je faisais plutôt référence à des déclarations faites avant l'ouverture d'une enquête d'office. J'ai donné comme exemple précis l'article du Toronto Star, qui rapportait les propos du ministre. Seriez-vous prêt à ouvrir une enquête sur un sujet semblable, malgré les commentaires déjà faits?

M. André Marin: Je ne crois pas que de tels commentaires devraient entrer en ligne de compte dans ma décision d'ouvrir une enquête, monsieur le président. Ce genre de fait n'a aucune incidence, à moins qu'il ne s'agisse d'une décision de politique gouvernementale. Si le gouvernement décide que l'ombudsman ne peut faire ceci ou cela, de toute évidence, je dois respecter cette décision. Elle serait inscrite dans une directive ministérielle. Bien entendu, elle serait rendue publique pour que tout le monde sache qu'elle existe.

• 0945

Cela dit, je ne crois pas que l'évaluation préliminaire que ferait le ministre d'une situation nous lierait en quoi que ce soit, et ce serait sans doute également l'opinion du ministre. Je ne peux parler en son nom, mais je crois que le ministre tient à ce que je fasse mon boulot d'ombudsman. Le ministre ne peut être constamment au courant de tous les faits. Si j'ai connaissance d'une situation qui devrait me pousser à agir en tant qu'ombudsman, je prendrais la décision qui s'imposerait.

Le président: Je vous remercie, monsieur Earle.

Madame Wayne, vous avez sept minutes.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Marin, deux jeunes femmes sont venues me voir, à mon bureau de circonscription au Nouveau-Brunswick. Toutes deux m'ont dit qu'elles avaient fait l'objet de sévices sexuels. C'est une histoire horrible qu'elles m'ont contée, mais pourtant, quand je l'ai rapportée au bureau de l'ombudsman, on m'a dit qu'il ne pouvait même pas se pencher sur la question, parce que les faits allégués s'étaient produits avant sa nomination.

Elles n'ont personne vers qui se tourner et nulle part où aller. Que devraient-elles faire, monsieur Marin? Que devraient-elles faire? Parce que c'est votre rôle. Les enquêtes antérieures à la création de votre bureau n'ont pas été bien menées, du moins c'est ce qu'il semble. Il semble qu'on n'a tout bonnement pas fait le travail d'enquête qui était nécessaire.

Ces deux jeunes femmes, qui m'ont fait un récit horrible de ce qui leur est arrivé, ne peuvent obtenir la moindre aide. Que doivent-elles faire?

M. André Marin: Le mandat prévoit, en effet, que je ne peux traiter des cas antérieurs au 15 juin 1998, soit la date d'entrée en vigueur de ma nomination, sauf si le ministère m'y autorise. On nous a fait état de plus d'une centaine de cas dits limites. Le ministre m'a demandé de les étudier et de lui faire des recommandations sur le type de cas sur lesquels je pourrais me pencher. Je suis heureux de vous dire que nous avons recommandé une enquête pour 27 des cas qui nous ont été signalés, et que ces 27 recommandations ont toutes été acceptées par le ministre.

Cela signifie que nous avons reçu le feu vert pour toutes les affaires antérieures au 15 juin 1998 sur lesquelles nous voulions nous pencher. Nous y voyons un vote de confiance pour notre bureau. Dans chacun de ces cas, nous n'avons fourni au ministre qu'un minimum de renseignements afin de protéger la vie privée des plaignants.

Si un député veut porter un cas semblable à notre attention, nous promettons de l'étudier en toute confidentialité et d'en retirer toute donnée permettant l'identification des plaignants si nous transmettons à leur égard une recommandation au ministre. Si le passé est garant de l'avenir, on peut s'attendre à ce que nos recommandations aient beaucoup de poids, et qu'elles nous permettent d'enquêter au sujet de ces cas.

Mme Elsie Wayne: Très bien.

Au sujet des pots-de-vin, comme vous l'avez dit, il s'agit d'un geste criminel qui doit faire l'objet d'une enquête, mais pas par votre bureau. D'après ce qu'on a pu apprendre des journaux, il semble qu'il y ait eu une enquête avant que ces faits ne soient rendus publics. Il s'agissait d'une enquête interne de la Défense nationale, et on n'a rien trouvé. On n'a pas déterminé qu'il y avait eu des malversations. Eh bien, maintenant, la chose a été rendue publique, et on nous dit qu'il y a bien eu des malversations.

Ne pouvez-vous pas vous pencher sur cette situation, par rapport à l'enquête précédente, et faire des commentaires à ce sujet au ministre?

M. André Marin: En vertu de notre mandat, nous devons traiter des injustices individuelles. La fonction d'ombudsman consiste à intervenir en faveur des personnes qui ne sont pas traitées équitablement par le système. Dans le cas dont vous parlez, et dont on a fait état dans les journaux, on a affaire à des fautes plus larges, où il n'y a pas nécessairement une victime, à part, j'imagine, le public. Il n'y a pas de victime précise ni d'injustice individuelle.

Il faut donc considérer ce genre de chose à la lumière de notre mandat. Il ne s'agit pas d'un cas qui m'est particulier. En général, c'est ainsi que fonctionnent les bureaux d'ombudsman.

Cela dit, le ministre peut me demander de faire des choses qui vont au-delà du cadre de mon mandat. En fin de compte, si le ministre choisit d'enquêter sur une situation, peu importe l'époque à laquelle elle a eu lieu, il peut le faire, même si cela nous fait aller au-delà de la portée du mandat.

Je peux peut-être ajouter un point au sujet de votre première question relative aux cas qui sont survenus avant ma date de nomination. Le ministre nous a autorisés à enquêter sur plusieurs cas de sévices sexuels qui tombaient dans cette catégorie. Parmi les 27 qu'il a approuvés, quelques-uns se retrouvent dans la description générale que vous nous avez donnée.

• 0950

Le président: Par conséquent, Mme Wayne devrait communiquer avec vous.

M. André Marin: C'est cela.

Mme Elsie Wayne: J'ai pris soin de l'écrire.

Vous avez présenté 67 recommandations au ministre dans le document intitulé Allons de l'avant. Combien d'entre elles ont été acceptées?

M. André Marin: À dire vrai, je ne les ai jamais comptées. Je ne l'ai pas fait parce que, quand on regarde le mandat que nous avons aujourd'hui, on voit qu'il comprend l'essentiel de ce qu'on retrouve dans Allons de l'avant.

Je n'ai donc pas passé en revue les dispositions une à une, mais les principaux piliers sont l'indépendance, l'impartialité, un processus d'enquête et d'examen crédible et la confidentialité. Ces piliers n'existeront intégralement qu'après changements législatifs, si changements législatifs il y a. Dans le cas de la confidentialité, par exemple, on entre dans les lois sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, ce qui exige un changement législatif.

Je voudrais faire une petite mise au point. Allons de l'avant est une vision pour le bureau, vision que nous n'avons pas abandonnée, mais le mandat que nous avons actuellement est le premier pas vers la concrétisation de cette vision. À mon avis, il représente fidèlement ces piliers et nous permet d'accomplir nos tâches.

On m'a souvent demandé ce que nous avons accompli durant la première année, pourquoi cela nous a pris une année et combien de recommandations ont été approuvées. J'ai souvent eu à répondre à cette question. Rétrospectivement, quand je regarde ce que nous avons accompli durant la première année, je me rends compte que nous avons parcouru beaucoup de chemin. Je dirais même que nous avons parcouru un sacré bon chemin.

Quand j'ai été nommé à ce poste le 15 juin 1998, je n'avais pas mon propre mandat. On m'a alors invité à examiner le mandat d'un poste de surveillance précédent, ce que j'ai fait. Je me suis vite aperçu que MND-FC parlait de la création d'un poste d'ombudsman depuis le début des années 90. Cela ne datait donc pas de l'enquête sur la Somalie.

L'autre question qu'on me posait est la suivante: Pourquoi aucun mandat précis? Cela s'explique par le fait qu'il y avait un conflit d'idées, d'idéologies. Certains voulaient que le poste d'ombudsman soit comme ceci, d'autres comme cela, certains avec tel degré d'autonomie de la chaîne de commandement, d'autres avec tel autre degré; il y avait toutes sortes de débats très animés.

C'est ce qui a suscité mon intérêt pour ce poste. Je me suis dit que j'avais ici une occasion inouïe de contribuer au mandat. Évidemment, quand j'ai commencé, je me suis retrouvé au beau milieu d'un bras de fer sur la question du mandat, mais ce qui était capital pour moi, c'était d'établir la crédibilité du bureau. C'est ce que j'ai toujours cherché à faire, à être crédible.

Je dois dire que durant la période de négociation, nous avons trouvé des gens au sein du MND-FC qui ont été extrêmement coopératifs et qui, depuis le début, ont été en faveur de la création d'un bureau efficace, et non pas d'un bureau symbolique. Cela étant dit, nous avons rencontré des gens qui avaient une opinion très différente de la nôtre durant les négociations.

Je me souviens d'une discussion que j'ai eue avec un haut responsable du, MND-FC qui m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit: «André, pour vous donner une idée de la vision que nous avons pour le bureau, dites-vous que vous êtes le consigliere et que nous sommes la Mafia.» J'ai su dès lors que nous avions un problème.

Nous avons donc passé l'année entière à concilier des visions différentes, à essayer de trouver un équilibre entre un ombudsman amical, c'est-à-dire quelqu'un qui ne se contente pas de créer des remous, et un ombudsman dont la mission est d'apporter quelque chose de positif à l'institution sans compromettre pour autant l'impartialité et la neutralité de son bureau, ingrédients essentiels pour réussir.

À mon avis, ce que nous avons accompli jusqu'à présent n'est que la première étape du mandat. Je pense que ce mandat est fonctionnel et qu'il a donné de bons résultats. Certes, il a besoin d'être peaufiné et réglementé, mais nous sommes déterminés à le faire et nous sommes préparés à passer à la deuxième étape.

Le président: Je vous remercie, madame Wayne.

Monsieur Marin, pour éclairer la lanterne de nos collègues, dans un cas délicat comme celui qu'a mentionné Mme Wayne—et cela peut nous arriver à tous, en fait, en tant que parlementaires—, seriez-vous en faveur d'une rencontre en tête-à-tête ou pensez-vous qu'une lettre sous pli confidentiel serait suffisante? Avez-vous une préférence?

• 0955

M. André Marin: En fait, nous recevons beaucoup de dossiers de députés. Des 979 cas que nous avons, 135 proviennent de députés parlementaires, tous partis confondus. Nous les traitons de la même façon que nous traitons tous les autres cas, c'est-à-dire que nous leur accordons beaucoup d'importance.

Quand les députés nous envoient un cas, ils nous demandent souvent de les tenir au courant. Nous leur demandons alors de nous fournir une dispense de confidentialité signée par la personne en question nous autorisant à échanger les renseignements. S'ils nous fournissent cette dispense, nous nous ferons un plaisir de les tenir au courant de tous les faits nouveaux.

Pour répondre à votre question, oui, les députés peuvent faire parvenir à notre bureau des dossiers en particulier, pourvu qu'ils soient accompagnés d'une dispense de confidentialité.

Le président: Je ne voudrais pas ajouter à votre charge de travail, ni à la nôtre d'ailleurs, mais votre bureau pourrait-il nous envoyer une note nous expliquant la marche à suivre dans des cas comme celui que Mme Wayne a mentionné? En d'autres mots, si vous pouviez mettre par écrit ce que vous venez de nous expliquer, cela nous servirait d'aide mémoire et nous serait utile.

M. André Marin: Absolument.

Le président: Je sais qu'en tant que parlementaire, et je pense que mes collègues seront probablement d'accord avec moi, l'un des rôles que me confient mes électeurs de London—Fanshawe, du moins d'après ma perception des choses, c'est d'agir comme ombudsman quand il le faut. Je ne suis donc pas surpris d'apprendre que vous avez beaucoup d'interactions avec les députés.

M. André Marin: Monsieur le président, je trouve votre observation tout à fait pertinente. Pour reprendre les paroles d'Arthur Maloney, premier ombudsman de l'Ontario, chaque fois qu'il comparaissait devant l'Assemblée législative de l'Ontario, il avait pour habitude de commencer son exposé en disant qu'il était heureux d'être parmi des ombudsmans comme lui.

Le président: C'est très bien dit. Je vous remercie.

Nous retournons de nouveau du côté de la majorité. J'ai quatre noms dans cet ordre: M. O'Reilly, M. Bertrand, M. Proud et M. Peric.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous, monsieur Marin d'être venu aujourd'hui.

J'ai moi-même conseillé à des gens d'appeler votre bureau. Quand je leur donnais le numéro de téléphone en leur disant que c'était le 1-888-8-budman, ils pensaient parfois que je leur donnais le numéro d'une brasserie américaine, car ce numéro de téléphone leur rappelait le nom de la bière Budweiser. J'ai donc eu des problèmes au début, parce que les gens pensaient que je me payais leur tête.

Les résultats de leurs efforts et des vôtres ont été très gratifiants pour moi, notamment quand ils viennent me dire que l'audience s'est bien passée et qu'ils sont satisfaits des résultats. Vous comprendrez donc que les gens que j'ai envoyés chez vous reviennent me voir avec une très bonne impression de votre bureau, qu'ils trouvent très efficace.

Je suis un fervent défenseur de ce mécanisme, dont on avait grandement besoin avant votre nomination. Tout le mérite vous revient, et je vous en félicite. Cela étant dit, j'ai quelques réticences quand j'entends parler d'examen et de renouvellement. Je présume que le doute que j'ai concerne la question du renouvellement du mandat. Avez-vous des doutes quant à l'examen de votre mandat? Avez-vous une indication quelconque qu'on apportera un changement à votre mandat, changement qui risque de rendre votre bureau moins efficace?

Si je pose la question, c'est qu'il y a des gens, y compris des journalistes, qui m'ont dit que le ministère de la Défense nationale a entravé certains de vos travaux et que le niveau de collaboration du commandement n'est pas aussi élevé qu'il devrait l'être. Vous avez même indiqué que le bureau de l'ombudsman aurait été bloqué par l'état-major à plusieurs reprises et que vous n'avez pas reçu toute la collaboration voulue dans le cadre d'une enquête. Monsieur le président, je crois que c'est quelque chose de grave qui devrait préoccuper tout notre comité.

De plus, je m'inquiète de la question de l'examen, après la période de six mois, de la directive concernant l'évaluation de l'efficacité du bureau. Je m'inquiète aussi de ce qu'il y a certains doutes quant à la nature du renouvellement et des critères d'enquête. Je pense que c'est l'essentiel des questions que j'avais à poser.

M. André Marin: Je voudrais d'abord revenir brièvement sur la question de la ligne téléphonique sans frais. Je dois dire que nous avons longuement réfléchi sur cette question au départ. Nous ne voulions surtout pas minimiser le cas de personnes qui avaient des problèmes graves. Or le MND-FC dispose déjà de tellement de lignes téléphoniques sans frais: le CEMD, les centres post-déploiement et ainsi de suite. Les gens nous disaient constamment «pas une autre ligne téléphonique sans frais?» De combien de lignes téléphoniques avons-nous besoin? Évidemment, toutes les lignes téléphoniques sont importantes et sont là dans un but précis, mais nous voulions que notre numéro à nous soit un peu plus captivant.

• 1000

Quand j'étais en Bosnie l'automne dernier, je suis allé d'une base à l'autre, et j'ai visité trois des quatre bases canadiennes là-bas. Après trois ou quatre jours, on m'avait donné un surnom. On me surnommait Budman. J'imagine que c'était plus facile à retenir qu'ombudsman. Je me suis alors dit pourquoi pas; après tout, il y a des surnoms qui sont pires, et tant qu'à faire, pourquoi ne pas le garder dans notre numéro de ligne téléphonique sans frais? C'était plus facile à retenir. En fait, on s'est aperçu par la suite que cela ne nous nuisait pas. C'est vrai que cela surprend au début, mais les gens semblent s'y habituer, même qu'ils le trouvent génial.

Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, qui se rapporte à notre mandat, je ne sais pas comment on entend procéder. On m'a dit que c'était confidentiel et qu'à moins de recevoir des instructions, on devait se contenter d'attendre. On m'a également informé qu'on n'envisageait aucun changement substantiel à ce mandat. Cela dit, nous sommes au courant d'une exemption supplémentaire qu'on envisagerait, et nous ne savons toujours pas si nous serons pour ou contre, mais de toute façon, je ne crois pas qu'il y aura tellement de divergences d'opinions. Comme je l'ai déjà indiqué plus tôt aujourd'hui, j'estime qu'il faudra apporter certains changements. Rien de fondamental, certes, mais il faudra peaufiner un petit peu les choses et reformuler certaines dispositions qui ont donné lieu à certaines ambiguïtés, etc.

Pour ce qui est de la collaboration et du soutien, je puis vous assurer, mesdames et messieurs les députés et monsieur le président, que le chef d'état-major et le sous-ministre de la Défense se sont montrés très coopératifs. Ainsi, nous avons publié le rapport de 100 jours qui contient certaines recommandations, notamment que le ministère nous tienne davantage informés et qu'il nous fournisse un soutien accru. La réaction a été favorable. C'est pourquoi je dis que dans la vaste majorité des cas, nous recevons beaucoup de collaboration de la part du ministère dans le cadre de nos enquêtes.

D'autre part, il y a des aspects de notre relation que nous sommes en train d'examiner en prévision de notre rapport de six mois. Certaines directions générales et certaines sections du MDN-FC ont pris l'habitude de désigner une personne-ressource au sein d'une instance qu'on appelle dans le jargon militaire bureau de première responsabilité ou BPR. Cette personne agit comme personne-ressource auprès du bureau de l'ombudsman et, d'après ce qu'on m'a dit, son rôle consiste à faciliter l'interaction avec le ministère et de nous donner un meilleur accès aux documents et aux personnes. De toute évidence, je suis favorable à tout ce qui peut faciliter notre tâche, mais je ne voudrais pas que ces bureaux nous empêchent d'avoir un contact direct avec les personnes auxquelles nous devons avoir accès.

Aucune décision finale n'a été prise à ce sujet, mais nous tenons à avoir un contact direct. Nous voulons éviter d'avoir à faire affaire à dix personnes-ressources, représentant 60 000 membres du MND-FC. Nous voulons nous assurer que le message passe. Si le but est de faciliter notre travail, tant mieux. Si ce n'est pas le cas, nous ne pouvons accepter. Nous craignons que cela ne se traduise par un autre niveau bureaucratique, plutôt que par un accès direct. Nous travaillons donc toujours sur cette question de la collaboration.

L'autre question est... vous constaterez d'après notre mandat que le rôle du conseiller juridique ne s'inscrit pas dans le cadre du mandat de l'ombudsman. Nous nous sommes aperçus que les plaintes qui parviennent parfois à notre bureau concernent l'avis juridique qu'une personne a reçu, auquel cas nous ne pouvons pas aider l'intéressé.

Prenons à titre d'exemple le cas d'une personne qui vient nous en se plaignant d'avoir été traitée injustement parce qu'elle a fait l'objet d'une mesure disciplinaire. Nous faisons notre enquête, et nous allons voir celui qui a imposé cette mesure disciplinaire. La personne en question nous informe qu'elle a agi après avoir consulté des conseillers juridiques qui lui ont recommandé de suivre cette démarche. Conformément à notre mandat actuel, nous devons faire enquête auprès de la direction des services juridiques pour déterminer si elle a bel et bien émis un avis. Les responsables nous répondent qu'ils sont désolés, mais que cela ne relève pas de notre mandat. D'où le problème que nous voyons surgir.

Nous examinons d'autres régimes d'ombudsman pour voir comment ils ont concilié le secret professionnel de l'avocat et le travail de l'ombudsman. Dans de nombreuses provinces, on a trouvé un compromis qui protège le secret professionnel de l'avocat, sans que cela ne signifie pour autant que l'ombudsman ne peut toucher à une question en particulier qu'il ne peut aller au fond des choses à partir du moment où un conseiller juridique est intervenu. Nous étudions donc cette dimension. S'il ne s'agit pas de questions fondamentales, il n'en demeure pas moins qu'elles méritent d'être étudiées avant l'adoption d'un règlement.

Le président: Je vous remercie, monsieur O'Reilly.

Monsieur Bertrand, vous aurez la parole après M. Hart.

• 1005

Monsieur Marin, nous commençons maintenant un deuxième tour de questions, et les députés prendront la parole à tour de rôle, selon nos règles. Encore une fois, nous commençons par l'opposition officielle qui dispose de cinq minutes.

Monsieur Hart, allez-y.

M. Jim Hart: Merci, monsieur le président.

J'ai l'impression que les membres du comité pensent que le personnel des Forces armées canadiennes devrait chanter en choeur la devise de Budweiser «This Bud's for you.»

Des voix: Oh, oh!

M. Jim Hart: Je poursuivrai dans cette même veine. Comme vous l'avez indiqué, on a l'impression que vous ne recevez pas toute la collaboration voulue.

J'aimerais vous poser une question bien précise concernant le bureau du juge-avocat général. Dans un récent numéro de la revue Esprit de Corps, on lisait que le juge-avocat général aurait recommandé que la première chose que vous devez faire quand vous recevez une plainte, c'est d'enquêter sur la personne qui dépose la plainte. Est-ce vrai? Quel est votre sentiment à ce sujet? Quelle est la nature de la relation que vous entretenez avec le juge-avocat général à l'heure actuelle? Comment voyez-vous votre rôle par rapport à celui du bureau du juge-avocat général?

M. André Marin: Tout d'abord, nous ne faisons pas d'enquête sur les plaignants. Nous enquêtons sur les plaintes. Nous examinons chaque cas en toute impartialité, qu'il s'agisse d'une personne ou d'un organisme. Il arrive qu'on soit en désaccord avec des plaintes comme il arrive qu'on soit en désaccord avec des plaignants. La force de l'ombudsman réside dans son impartialité, sa neutralité et le regard nouveau qu'il jette sur la situation de l'extérieur, en tant que tierce partie.

Vous m'avez demandé sans ambages si ce conseil m'a été donné dans le cadre de la consultation. L'article auquel vous faites référence, et d'autres articles qui ont été publiés sur ce sujet, découlent d'une demande d'accès à l'information qui a été faite à notre bureau. Il s'agit de documents dont nous disposions et que nous devions divulguer en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, ce que nous avons fait. Donc, pour répondre à votre question, votre citation est exacte.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, à la création de notre bureau, il y avait beaucoup de divergences d'opinions. Certains voulaient que nous soyons très actifs, et je parle du personne des grades inférieurs qui est venu me voir pour me demander de participer très activement. On me disait qu'on voulait que mon rôle ait beaucoup de poids et que j'aie de l'influence auprès du MND-RC. Par contre, d'autres nous ont indiqué que le champ était déjà occupé et que nous devrions avoir voix au chapitre, et que cela ne devrait pas se traduire par une capacité, par exemple, de publier des rapports publics, ni d'avoir à notre disposition un personnel d'enquête ou des conseillers juridiques.

Nous avons réglé toutes ces questions et nous jouissons maintenant d'une relation saine avec le MND-RC. Je considère que la période formatrice de notre bureau est de l'histoire ancienne. Notre relation avec le bureau du juge-avocat général, tout comme notre relation avec les autres composantes de l'armée, doit être non seulement neutre et impartiale, mais également courtoise. Nous n'avons jamais eu d'objection à cela. Elle ne doit pas être une relation de conflits. Cependant, nous devons faire preuve de détermination et de fermeté si nous voulons avoir une influence positive sur le système.

Notre relation avec l'institution qu'est l'armée doit être basée sur le respect et la compréhension mutuels. C'est le genre de relation que nous avons maintenant, mais cette relation ne s'est pas faite au dépens de l'indépendance ou de l'impartialité de notre bureau, ce qui est désormais garanti par la directive.

M. Jim Hart: Comment un membre des Forces canadiennes, un simple soldat qui doit composer avec un problème au sein du système, peut-il avoir confiance à la lumière de cette recommandation émanant de votre bureau? Je veux m'assurer que les gens qui portent plainte à l'intérieur du système peuvent aller vous voir sans craindre des conséquences fâcheuses pour leur carrière. Je veux également m'assurer que vous êtes autorisé à faire des enquêtes même lorsqu'il s'agit des cadres supérieurs du ministère, y compris le chef d'état-major de la Défense, si cela est nécessaire, ou bien le sous-chef d'état-major de la Défense. Avez-vous cette indépendance ou ce contrôle, et pouvez-vous assurer aux membres des Forces canadiennes qu'ils n'ont pas besoin de s'inquiéter au sujet de leur carrière s'ils portent plainte?

• 1010

M. André Marin: Nous avons travaillé très fort pour s'assurer que cet aspect-là, c'est-à-dire le pouvoir d'enquêter sur toute plainte de représailles à l'égard des gens qui se sont adressés à notre bureau, faisait partie, parmi d'autres éléments, de la directive ministérielle. Nous avons ce pouvoir. Je suis heureux de vous informer que ce pouvoir existe dans la directive ministérielle. Il a fait l'objet de longues discussions, mais il a été retenu dans la version finale, et nous en sommes heureux. Cette disposition nous permet d'enquêter sur toute plainte de représailles.

Notre bureau ne peut pas porter des accusations, par conséquent, nous devons, à un moment donné, renvoyer le dossier à l'organisme, mais nous pouvons toujours surveiller la réaction de l'organisme face à la plainte de représailles. Nous avons, par conséquent, un rôle à jouer. Nous suivons le dossier d'un bout à l'autre. Il s'agit d'une mesure importante visant à protéger les dénonciateurs et ceux qui s'adressent à notre bureau. Il s'agit de la disposition 13 de la directive ministérielle.

Quant à ceux qui peuvent faire l'objet d'une enquête, je fais rapport au ministre de la Défense nationale, si bien que notre mandat s'applique à l'organisme dans son ensemble.

Le président: Comme vous avez pu le constater, certains membres du comité ont dû partir en raison d'une petite crise à la Chambre, mais ils devraient être de retour bientôt.

M. Jim Hart: Il s'agit d'une bonne occasion pour mettre la motion aux voix.

Des voix: Ah, ah!

Le président: C'est bien cela, nos amis de l'opposition auront l'occasion de poser plus de questions. De toute façon, selon le Règlement, la parole est maintenant à nous.

Monsieur Peric, vous avez la parole pour cinq minutes.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci beaucoup.

Monsieur Marin, votre mandat vous permet d'embaucher du personnel qui assure des services professionnels ou d'autres types de services. Avez-vous déjà embauché des gens pour la prestation de ces services ou avez-vous embauché quelqu'un de l'extérieur du MDN?

De ces 900 plaintes sur lesquelles vous avez déjà enquêté, combien proviennent de l'étranger? Et comment faites-vous pour mener ce genre d'enquête? Comment enquêtez-vous sur les plaintes qui viennent de l'étranger? Allez-vous sur place? Embauchez-vous quelqu'un pour assurer ce service? Quelle est la précision de ces enquêtes?

M. André Marin: Monsieur le président, on m'a posé beaucoup de questions. J'essayerai de répondre à toutes, et si j'en saute une, je suis convaincu que l'honorable député me le dira.

Pour ce qui est des services professionnels, oui, nous y avons déjà eu recours. Étant donné que nous avons dû être prêt à travailler dès qu'on nous a confié notre mandat—nous avons dû nous occuper de nos dossiers tout de suite—la majeure partie de notre personnel actuel se compose d'enquêteurs à contrat. Par contre, nous prévoyons doter les postes au début de l'année. Il y aura un concours qui sera ouvert au public. Nous allons doter ces postes bientôt.

Nous avons déjà eu recours à ces dispositions relatives aux services professionnels pour embaucher, selon le cas, des avocats spécialisés. On a dû, pour certains dossiers, obtenir des conseils juridiques pour certains domaines spécialisés, donc on s'est déjà prévalu de ces dispositions.

Quant à savoir si nos enquêtes sont approfondies et complètes, je peux vous assurer qu'elles le sont. Nous abordons le problème ou la situation sans tirer des conclusions d'avance. Nous examinons la plainte et nous essayons de garder notre impartialité, peu importe si la plainte est fondée ou non.

En effet, je suis heureux de vous informer que nous avons formulé des recommandations assez fortes dans notre première enquête importante. Par exemple, nous avons recommandé qu'on retire un policier principal d'une enquête criminelle. Nous avons préconisé des réformes institutionnelles profondes à l'égard de la police militaire. Les membres du comité peuvent tirer leurs propres conclusions suite à la lecture du rapport, mais je crois que nous avons produit un document assez fort. Néanmoins, il était équitable et équilibré.

Le grand prévôt, qui est le chef de la police militaire, comme nous le savons tous, en acceptant cette recommandation, a fait les observations suivantes, et je vous cite la page 4 de sa lettre:

    Je tiens à reconnaître ce qui me semble être les efforts sincères et appliqués déployés par le personnel de votre bureau lors de l'enquête et de la résolution de cette allégation de conflit d'intérêts. J'accepte votre rapport, qui, d'après moi, constitue une évaluation impartiale et équilibrée de la situation telle que vous la voyez. De plus, il n'y a aucun doute que votre bureau semble vouloir travailler au mieux des intérêts des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale (traduction).

Lorsque vous produisez un rapport préconisant des recommandations énergiques qui s'adressent au chef de la police militaire, qui vous répond en disant qu'il accepte les recommandations et que votre bureau est, d'après lui, très équitable et efficace, cela veut dire beaucoup. Je crois qu'il s'agit d'une évaluation objective.

• 1015

M. Janko Peric: Je n'ai toujours pas eu de réponse. Sur ces 979 plaintes que vous avez reçues, combien proviennent de l'étranger? J'aimerais obtenir une réponse à cette question. Quant à votre mandat, d'après votre expérience, qu'est-ce que vous aimeriez changer? Qu'est-ce que vous aimeriez y ajouter?

M. André Marin: Pour ce qui est de la première question, je n'ai pas de chiffre quant au nombre de cas qui viennent de l'étranger, monsieur le président. Nous sommes en train d'établir un système qui nous permettra de surveiller la gestion des cas. Nous devrions avoir accès à ce système dès aujourd'hui. Nous travaillons à sa conception depuis un an. Il s'agira donc d'un système très perfectionné de surveillance de la gestion des cas nous permettant de rassembler les diverses données et catégories. Par conséquent, la prochaine fois que je viendrai vous voir, je vais pouvoir répondre à cette question. Je n'ai pas la réponse à l'heure actuelle parce que nous compilons toutes nos statistiques de façon manuelle. Nous avons établi ces catégories, mais les chiffres sont rassemblés manuellement. Mais je vous promets que, lors de ma prochaine comparution, nous aurons les chiffres pour répondre à cette question.

Le président: Puis-je vous demander, monsieur Marin, que vous envoyiez ces chiffres à notre greffier si jamais vous les obtenez avant votre prochaine comparution? Nous aimerions recevoir ces renseignements. Merci.

M. André Marin: Absolument, monsieur le président.

La deuxième question portait sur les changements qu'on aimerait apporter au mandat. Monsieur le président, en répondant à cette question, je vous dirai que mon bureau publie, le 16 décembre, un rapport préconisant les changements voulus. Dans l'ensemble, nous sommes satisfaits du fonctionnement du bureau. Nous sommes satisfaits des mécanismes, de la structure de rapport, et de l'indépendance qui découle de cette structure. Je crois que nous arrivons à faire le travail tel qu'on voulait toujours le faire. Les choses changent grâce à nous. Nous voulons améliorer notre crédibilité. Nous n'avons pas l'intention de proposer des changements profonds, mais nous avons examiné chacune des dispositions en préconisant un peaufinage ou un amendement lorsque cela s'avérait nécessaire pour nous permettre de nous rendre au prochain niveau.

Le président: Merci, monsieur Peric.

Nous avons bien hâte de recevoir votre rapport le 16.

[Français]

Monsieur Mercier, s'il vous plaît.

M. Paul Mercier: Monsieur Marin, j'ai deux questions. La première est bien simple. De combien de membres se compose votre bureau?

M. André Marin: Nous sommes environ 30 personnes en ce moment. Aucune des personnes employées présentement n'est membre des Forces canadiennes ou du ministère de la Défense nationale. Il y a des gens du ministère qui sont en affectation à mon bureau, mais il n'y a aucun membre militaire dans le bureau. Il y a cinq anciens membres des Forces canadiennes dans le bureau, mais il n'y a personne qui est actuellement membre des Forces canadiennes. C'est une décision que j'ai prise afin de bâtir notre crédibilité. Beaucoup de gens m'ont dit, lors de la consultation, que s'il y avait des membres des Forces canadiennes dans mon bureau, ce serait tout simplement une répétition de la chaîne de commandement et mon bureau aurait de la difficulté à avoir la crédibilité, l'indépendance et l'impartialité dont il a besoin. C'est la voie que j'ai décidé de suivre pour l'instant. Je ne dis pas que ce sera toujours le cas, mais la première année, nous n'avons pas embauché de membres militaires.

M. Paul Mercier: Avez-vous un pouvoir de convocation à l'égard de personnes dont le témoignage vous serait nécessaire pour instruire une plainte?

M. André Marin: Je n'ai pas de moyen de contraindre une personne à témoigner. Les ombudsmen provinciaux, eux, ont ce pouvoir en vertu de la loi. Cependant, les directives prévoient que je dois recevoir l'entière collaboration de tous les membres des Forces canadiennes et que j'ai accès à tous les documents et à tous les endroits. Évidemment, il y a des exceptions, mais en principe, j'ai accès à ces trois choses. Si on me refusait l'accès à une personne, à un document ou à un endroit, je pourrais faire une plainte auprès du sous-ministre ou du chef d'état-major, et ce serait à eux de s'assurer que j'aie accès aux documents, endroits ou personnes. Si on me refusait l'accès à ces trois choses—c'est hypothétique, car je ne crois pas qu'on me le refuserait—, je pourrais toujours faire appel auprès du ministre, qui pourrait ordonner aux gens du ministère de me donner leur collaboration pleine et entière.

À ce jour, je n'ai pas eu besoin de me présenter au chef d'état-major, au sous-ministre ou au ministre pour me plaindre d'une absence de collaboration, parce que cela n'a pas été un problème. Donc, je n'ai pas de pouvoir formel pour contraindre ces choses-là, mais j'ai un pouvoir informel. Jusqu'à maintenant, cela a fonctionné.

M. Paul Mercier: Merci.

• 1020

M. André Marin: Certaines personnes se demandent si je vais demander un pouvoir formel le 16 décembre. Je ne vais pas demander un pouvoir formel parce que notre expérience des six premiers mois m'indique que cela n'est pas nécessaire.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Marin, avez-vous l'impression que vous disposez de tout le pouvoir et de toute la liberté nécessaires pour faire votre travail d'ombudsman comme vous le voulez?

M. André Marin: Avec tout ce que nous avons maintenant, je crois que oui. J'étais à Cold Lake lundi et à Edmonton mardi; nous avons beaucoup de contacts avec le personnel des FC du MDN. Les membres des FC MDN me questionnent souvent en ce qui concerne la continuité. Ils me demandent toujours s'il s'agit d'un projet. Ils veulent savoir si le bureau de l'ombudsman ne va pas fermer d'ici un an ou deux. Ils me demandent si je vais faire tellement bien mon travail que je risque de faire éliminer mon propre poste.

Alors la question de la continuité est importante. Ils cherchent une certaine permanence. Ils ne veulent pas voir éliminer le bureau d'un trait de plume. Ils veulent savoir que nous sommes sérieux, que nous sommes ici de façon permanente, qu'il ne s'agit pas simplement d'un projet, ou de quelque chose de ce genre.

Je leur réponds simplement en disant que j'ai fait ma part en dotant de façon permanente les postes de notre bureau à partir du Nouvel An. Nous avons déjà tenu un concours public. La date limite de ce concours est maintenant dépassée et nous avons reçu plus de 1 000 demandes d'emploi pour 30 postes.

De cette façon, les gens vont savoir qu'en s'adressant à notre bureau, ils vont faire affaire avec quelqu'un d'attentif, et non pas quelqu'un qui fait partie d'un projet ou qui effectue un autre genre de travail, mais quelqu'un de dévoué, qui connaît le système et qui a acquis les connaissances nécessaires. En dotant ces postes de façon permanente, je vais pouvoir retenir les gens compétents au bureau. J'ai fait ma part.

Je crois que la deuxième phase sera très importante, c'est-à-dire la transition de la directive ministérielle à un règlement en bonne et due forme. La directive ministérielle a été efficace et a donné les résultats voulus. Cependant, il faut maintenant procéder à la deuxième phase, et les gens veulent voir cette chose se concrétiser. Ils veulent voir au moins un règlement. Pour certains, il ne s'agit pas d'une solution complète, mais en ce qui me concerne, ce règlement provient du Cabinet et a plus de poids juridique qu'à une directive ministérielle.

Pour ce qui est des autres organismes de surveillance ou d'autres agences qui s'occupent des choses semblables, tels que la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, le Comité des griefs des FC, ils sont tous juridiquement constitués. Nous ne voulons pas faire bande à part et nous croyons qu'un règlement nous donnera le même poids.

En ce qui concerne les autres aspects de l'autonomie et la question de savoir si j'ai tout ce qu'il faut pour faire mon travail, je dirais à ce moment-ci qu'une fois que le règlement promis sera adopté et que le peaufinage du mandat sera achevé, la réponse est oui. Je ne serais pas devant vous si je ne croyais pas être en mesure de faire mon travail de façon efficace. Je crois que nous avons les outils qu'il nous faut.

Comme je l'ai dit au départ, telle est notre vision et nous y restons fidèles. À l'heure actuelle, nous jouons notre rôle conformément à l'esprit qui l'anime. De mon point de vue, je crois que nous avons certainement les outils pour faire notre travail.

M. George Proud: Merci beaucoup.

Lorsque vous vous rendez à des endroits comme Cold Lake et Gagetown et que l'on vous pose cette question au sujet de la continuité, qu'est-ce que vous répondez?

M. André Marin: Je dis ce que je viens de vous dire, c'est-à-dire que le règlement s'en vient. Et ils veulent toujours savoir des détails à mon sujet; ils veulent savoir la durée de mon mandat et il y a toujours quelqu'un pour signaler que la moitié de mon mandat est déjà épuisé. Mais je leur réponds en disant que je n'envisage pas de faire autre chose; je dirige le bureau comme si j'étais là pour toujours. Je ne laisse pas les considérations politiques m'influencer. C'est comme ça qu'on doit effectuer son travail.

Normalement je leur dis que je suis avocat, que j'ai cette formation, que je sais ce qu'il faut faire pour obtenir des résultats et que j'aime bien le caractère inamovible de mon poste. Je suis nommé à titre inamovible et je m'engage certainement à faire de mon mieux.

Lorsque je comparais devant un auditoire de militaires, je suis toujours étonné de constater à quel point ces gens sont au courant et bien informés. Mon intégrité va demeurer intacte grâce à ces tournées des bases militaires parce quÂon ne peut pas facilement tourner autour du pot avec ces militaires. Ils sont très au courant; ils posent des questions intelligentes.

• 1025

Tout récemment, c'était mardi, j'étais à une base militaire et en train d'expliquer le financement du bureau, comme je vous l'ai expliqué tantôt. Un militaire a levé sa main pour demander: «Si vous cherchez à savoir comment le bureau va parvenir à se financer, quelle autonomie avez-vous vraiment rapport à la direction si vous essayez de faire des économies pour lui plaire?» J'ai hésité et j'ai pensé, quelle question, mais j'ai répondu en disant qu'aujourd'hui, si on veut obtenir de l'argent du gouvernement, il faut toujours tenir compte du rapport coût-efficacité. Mais la rentabilité n'est pas le but de ce bureau. Le but de notre bureau, c'est la justice. Tout cela pour vous dire que ces gens sont à l'affût.

J'accepte parfaitement qu'on me pose des questions difficiles. Je pourrais arriver avec une belle présentation PowerPoint et me vanter de mon indépendance, de mon impartialité et de ma capacité de prendre des décisions bien fondées, et je pourrais le répéter à satiété. Ce qu'il faut faire c'est se bâtir une réputation. Il faut gagner sa crédibilité. Les militaires ont le droit de voir des résultats, et pas seulement entendre les belles paroles. C'est ce que nous faisons, et j'étais content lorsque le député a mentionné tantôt qu'il avait reçu des réactions positives de ses électeurs. Pour moi, c'est important, parce que nous avons eu de très bonnes réactions. Nous avons même convaincu un bon nombre de cyniques, et j'aimerais attribuer cela à notre détermination.

Le président: Merci, monsieur Proud. Nous passons maintenant à M. Earle, qui aura cinq minutes.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président. J'aimerais revenir à une question qui a été soulevée plus tôt. On a mentionné que, selon le rapport du vérificateur général, certains membres du personnel militaire et civil auraient accepté des commissions secrètes ou des pots-de-vin des stations-service qui vendent au détail du carburant diesel. Si je ne me trompe pas, vous avez répondu que l'ombudsman doit être saisi d'une plainte ou d'un grief soumis par une personne, et que dans le cas mentionné, il se pourrait que la seule partie lésée soit le Trésor public.

Cependant, la plupart des lois, ou la plupart des mandats d'ombudsman, prévoient non seulement une enquête sur un grief spécifique soumis par un particulier mais aussi une enquête sur les situations de grief éventuelles. Je pourrais vous donner un exemple: une situation où certains membres du personnel militaire et civil pourraient effectivement être lésés, surtout si la question n'est pas réglée, laissant des doutes quant à leur innocence. Alors, s'il existe une procédure administrative qui est un peu floue ou embrouillée, qui a peut-être besoin d'étayage, j'estime que ce serait un sujet d'examen approprié pour l'ombudsman.

Il va sans dire, bien sûr, que celui-là n'entreprendrait pas son examen avant que l'enquête soit terminée, mais une fois qu'elle est terminée, s'il y avait encore des préoccupations à propos des procédures administratives à améliorer pour prévenir une telle situation, vous chargeriez-vous d'examiner le problème.

Ma deuxième question, qui est rattachée à la première, concerne une autre observation faite par le vérificateur général dans son rapport, et porte sur les plaintes d'abus et les délais requis par le ministère pour évaluer ces plaintes. Il soutient que le ministère n'assure pas de suivi en temps opportun, et a cité certains cas où il a fallu jusqu'à trois ans pour régler les cas. On sait que justice différée est justice refusée. Pouvez-vous également vous charger d'examiner de telles procédures administratives?

Il me vient à l'esprit un cas qui a reçu beaucoup d'attention dans les médias, et à la fin la dame en cause a semblé presque tout laisser tomber en désespoir de cause, parce que tout au long de l'examen on avait tenté de jeter le discrédit sur elle, par l'utilisation de ses dossiers médicaux, parmi d'autres moyens. Toute l'affaire a été très décevante. Lorsque le résultat final a été annoncé publiquement, j'ai eu l'impression que, même si la dame disait que c'était terminé, elle ressentait une certaine résignation attribuable à la frustration. Est-ce la sorte de cas que vous pourriez examiner de votre propre initiative?

M. André Marin: Pour répondre en un mot, c'est oui, monsieur le président. L'ombudsman se doit de prioriser ses dossiers—ce que le député peut sûrement apprécier, étant donné ses antécédents. Il faut parfois prendre des décisions. Le vérificateur général prend le même genre de décision, il ne vide pas toutes les affaires portées à son attention. Alors, il faut établir ses priorités et prendre les décisions dont on aura à répondre.

Parmi les facteurs qui influencent ma prise de décisions, il y a le fait que beaucoup de gens attendent depuis un certain temps que l'ombudsman ouvre son bureau et commence ses travaux, et ils m'ont demandé de les aider à régler des questions personnelles très importantes. À mon avis, il faut examiner de plus près ces cas où la personne a fait la demande, où la personne a beaucoup souffert et la personne soulève une question qui est toujours pertinente au sein des Forces canadiennes en 1999.

Je dois donc étudier tous les critères. Cependant, pour répondre à la question hypothétique posée par notre collègue, je ne voudrais pas trop spéculer ici sur des cas particuliers, la situation qu'il a décrite fait partie des problèmes qu'on pourrait éventuellement examiner.

J'aimerais également informer le député que la deuxième enquête que nous venons de terminer, et qui a donné lieu à plusieurs recommandations visant le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes, et dont j'attends une réponse demain, portait sur le traitement systémique d'une victime d'agression sexuelle. C'est donc très à propos. Il s'agissait non seulement d'un cas que nous voulions étudier, mais c'était le deuxième dossier que nous avons réglé. Nous avons effectivement fait des recommandations, que vous pourriez lire dès qu'elles seront rendues publiques, ainsi que la réaction du ministère à ces recommandations. C'est donc ma réponse.

• 1030

M. Gordon Earle: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Nous passons maintenant au secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, M. Bertrand, pour cinq minutes.

[Français]

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais, monsieur Marin, vous souhaiter la bienvenue à vous et aux gens qui vous accompagnent aujourd'hui. Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais, avant de poser ma question, porter à l'attention des membres du comité que l'un de nos collègues du Bloc québécois, M. Laurin, a été victime d'un accident d'automobile il y a quelques jours. À ce que je sache, tout va assez bien, mais j'aimerais que M. Mercier lui transmette au nom de nous tous nos voeux de prompt rétablissement les plus sincères.

M. Paul Mercier: Je n'y manquerai pas.

[Traduction]

Le président: J'ai entendu la nouvelle aussi, et en ai été consterné. J'ai été heureux d'apprendre que M. Laurin va bien. Je lui ai également envoyé une note au nom du comité, et je vous remercie.

Nous avons maintenant quelques questions pour M. Marin.

[Français]

M. Robert Bertrand: Monsieur le président, M. Marin a peut-être déjà répondu à ma question, mais je vais quand même la lui poser. Elle concerne les dossiers clos. Dans les statistiques que vous nous avez données, vous indiquez que présentement, le 29 novembre, il y a 580 dossiers clos. Pourriez-vous nous donner une idée du genre de dossiers que vous considérez comme clos?

M. André Marin: Les dossiers clos sont ceux dans lesquels on a décidé de ne pas intervenir. Un dossier clos est parfois tout simplement un renvoi à l'agence responsable de faire l'enquête. Par exemple, quelqu'un nous appelle et nous demande de faire enquête sur une plainte au sujet d'un acte criminel. Nous n'enquêtons pas sur les actes criminels. Nous demandons donc à cette personne de s'adresser à la police militaire. C'est un renvoi. Nous considérons que c'est une cause qui a été réglée. Il s'agit dans un tel cas d'une intervention très mineure.

Il arrive aussi qu'on revoie les différentes options avec une personne. On lui dit qu'elle peut aller voir telle personne ou telle autre. Ce sont des causes qu'on a réglées.

Il y a aussi des enquêtes majeures. Il y a 580 cas qui ont été réglés. Cela inclut la cause importante que j'ai proposée au ministère il y a environ cinq semaines et qui sera rendue publique prochainement par le ministre de la Défense nationale. Cela inclut aussi la deuxième cause que j'ai soumise, lundi de la semaine dernière. Mais il y a plusieurs cas qu'on peut régler à l'amiable.

[Traduction]

Parmi les mesures qui peuvent être prises par un bureau d'ombudsman, il y en a beaucoup qui peuvent être prises de façon informelle ou confidentielle à l'intérieur du système, ce qui est extrêmement utile. Les grandes enquêtes constituent un outil important.

J'aimerais vous décrire un cas typique—et j'ai recensé plusieurs anecdotes, la sorte de cas que nous traitons à tous les jours qui se situent au juste milieu. Il ne s'agit pas de simples renvois ni de grandes enquêtes de A à Z, mais de cas qui se classent justement entre les deux.

Il y a eu dernièrement une affaire où la plaignante, qui est l'épouse d'un membre des Forces canadiennes, nous a appelés. Elle était enceinte de huit mois, et elle avait à la maison un bébé de 13 mois et un enfant de huit ans. Son époux, un militaire, avait été envoyé suivre un cours pendant l'été et ne devait pas revenir avant le printemps. Il fallait qu'elle s'occupe des enfants et elle était enceinte. Selon les dispositions de la politique du ministère et des Forces canadiennes sur la réinstallation, elle n'avait pas le droit d'accompagner à son mari parce que son cours était d'une durée déterminée.

On a essayé à maintes reprises de faire autoriser sa réinstallation. Au début, on lui avait dit que cela pourrait se faire au mois de septembre. Le mois de septembre est passé, et on lui a dit ensuite que ce sera à l'Action de Grâce. L'Action de Grâce est passée. Il y avait ensuite le jour du Souvenir, et bien sûr elle avait beaucoup d'espoir à ce moment-là, mais encore une fois, elle ne n'a pas pu le rejoindre.

• 1035

Elle nous a téléphoné peu après le jour du Souvenir. Elle nous a dit que sa grossesse allait très mal et qu'elle souffrait de dépression, et que son enfant de huit ans était suicidaire parce qu'il devait accomplir toutes ces taches. Elle nous a mentionné que son mari hésitait à faire des pressions à l'interne parce qu'il suivait un cours et, pour des raisons d'avancement de carrière, il ne voulait pas causer d'ennuis. Alors, elle nous a demandé de l'aide.

En théorie, il s'agissait d'un cas pour lequel il existe une procédure ou un recours interne, mais on ne pouvait pas l'aider en renvoyant son cas à une procédure de redressement qui pouvait durer des mois et des mois. Notre mandat comprend des dispositions visant les cas de force majeure, et vous comprendrez que c'en était bien un.

Nous avons fait des instances, des propositions, au commandant de l'école où le militaire suivait son cours. Nous avons discuté des options avec lui et nous lui avons expliqué la situation, qu'il ignorait. Il a ensuite pris des mesures et il a renvoyé le militaire chez lui, il l'a réinscrit pour le prochain cours disponible et il s'est engagé faire réinstaller toute la famille pour la durée du cours. Nous avons aussi pris des dispositions pour que les membres de la famille reçoivent des services médicaux et des services de counselling adéquats.

Je peux vous dire que, malgré les frustrations qu'il peut y avoir à faire un tel travail, lorsque vous intervenez dans un cas comme celui-là, cela vous donne beaucoup de satisfaction. C'est probablement le genre de cas dont les députés peuvent avoir entendu parler parce qu'il en a peut-être été question dans les médias. Le résultat aurait pu être beaucoup plus triste.

De façon générale, nous avons pu être utiles. Les militaires et la plaignante étaient satisfaits de notre intervention. Nous avons donc rempli notre rôle de tierce partie qui constate qu'il y a un problème, qui propose une solution et qui aide à résoudre le problème.

C'est un exemple d'intervention parmi bien d'autres et ce genre de choses nous a convaincus que notre travail peut vraiment faire une différence.

[Français]

M. Robert Bertrand: Monsieur Marin, vous dites que lorsque vous recevez des appels, dans certains cas, vous renvoyez les personnes à une autre agence, par exemple à la police militaire qui fera une étude plus approfondie. Faites-vous un suivi une fois que le dossier a été transmis, disons deux ou trois mois plus tard?

M. André Marin: S'il s'agit d'un simple renvoi et que nous voyons que cela ne nous affecte pas du tout, nous allons tout simplement renvoyer la personne. Mais la personne peut nous appeler et nous dire: «Vous me dites que c'est un dossier pour la police militaire, mais j'ai déjà appelé et j'ai un problème. Je ne suis pas au courant du progrès de la cause.» À ce moment-là, nous ouvrons un dossier, nous suivons la cause et nous décidons s'il est nécessaire ou non que nous intervenions. Quand le dossier appartient à une autre agence qui a déjà le mandat de s'occuper du problème, mais que nous constatons que cette agence a des difficultés dans sa relation avec le plaignant, nous intervenons. Donc, nous faisons un suivi à moins que ce soit quelque chose qui ne s'inscrive pas du tout à l'intérieur de notre mandat.

Également, nous disons au plaignant que nous l'envoyons à telle autre agence et nous lui demandons de nous tenir au courant. Nous établissons des liens de communication avec le plaignant ou la plaignante et nous lui demandons de nous tenir au courant. Bien souvent, le plaignant ou la plaignante nous rappelle pour nous dire qu'il a obtenu de bons résultats, ou encore pour nous demander de l'aider parce qu'il y a un petit problème.

Donc, il arrive souvent qu'on suive une cause qu'on a renvoyée à une autre agence.

Le président: Merci.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer à Mme Wayne pour cinq minutes.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais revenir à la question des pots-de-vin et de l'enquête qui a été menée là-dessus.

Les députés ont posé des questions au ministre à la Chambre des communes et, comme nous le savons tous, le dossier a été fermé parce que, à l'issue de la première enquête, on avait jugé que les allégations n'étaient pas fondées.

Le ministre dit que l'enquête n'a jamais été fermée. Nous savons qu'elle l'a été, mais on a maintenant rouvert le dossier.

• 1040

D'après ce qu'on nous a dit, il semble que vous pouvez faire enquête à titre d'ombudsman sur toute affaire qui vous est renvoyée par écrit par le ministre de la Défense nationale. Vous dites que vous le faites pour le ministère de la Justice.

J'ai été très impressionnée par votre exposé aujourd'hui et je suis convaincue que vous tenez à bien faire votre travail. Je pense cependant que la plupart des députés ont de sérieuses préoccupations à cause des personnes qui ont maintenant été chargées de l'enquête et nous nous demandons pourquoi l'ombudsman ne peut pas être autorisé à faire enquête sur ce qui s'est produit. Si l'on mène une enquête interne et qu'on décide à la fin du compte qu'il ne s'est rien passé alors qu'il y a eu effectivement arrivé quelque chose de répréhensible, cela veut dire qu'il existe un grave problème interne à la Défense nationale et qu'on doit s'en occuper.

C'est le genre de situations qui ont vraiment terni la réputation de la Défense nationale au cours des années et les choses doivent changer. Je sais que c'est une question qui vous inquiète parce que je peux voir que vous essayez d'apporter des changements constructifs pour que les choses aillent mieux. Si nous voulons vraiment changer la situation, il faut se demander qui a mené cette enquête. Si c'est une enquête interne, comment a-t-on pu conclure qu'il n'y avait absolument aucune irrégularité, même si l'on a maintenant décidé d'entamer une autre enquête? C'est vraiment une situation épouvantable.

Ne voulez-vous pas savoir vous-même ce qui s'est passé, qui a mené l'enquête et qui va s'en occuper maintenant?

M. André Marin: Selon la directive ministérielle, le ministre a la prérogative de décider dans quel cas il veut charger le bureau d'une enquête particulière qui ne relève pas de son mandat.

Pour ce qui est de mes préoccupations à ce sujet, il me semble qu'en ma qualité d'ombudsman, j'ai aussi le devoir de ne pas exprimer d'opinion sur des choses que je n'ai pas moi-même examinées. Si l'on me demande mon avis, je le donnerai volontiers, mais seulement après un examen objectif des faits. Je ne voudrais pas donner une opinion d'après des articles de journaux ou d'autres choses de ce genre.

L'affaire mentionnée par la députée pourrait plus tard être examinée par notre bureau et je ne peux pas la commenter à cause de cela.

Le président: Merci. Avez-vous terminé?

Monsieur Bertrand.

M. Robert Bertrand: Je voudrais simplement apporter une précision à l'intention de Mme Wayne parce que je ne voudrais pas qu'elle se fasse une idée fausse de ce qui se passe. On mène une enquête sur cette question depuis 1998 déjà.

D'après ce qu'on m'a dit, il y a quelque chose comme 16 000 cartes de crédit en circulation dans l'administration fédérale. Sur ces quelque 16 000 cartes de crédit, il y en a 4 100 au ministère de la Défense nationale. D'après le rapport du vérificateur général, c'est une situation qui, sans nécessairement parler d'abus, a posé quelques problèmes d'utilisation au MDN et dans d'autres ministères.

Je tenais simplement à signaler que l'enquête se poursuit et que nous devons attendre de voir ce qui en ressortira.

Mme Elsie Wayne: À cet égard, le vérificateur général nous a dit que ses services avaient reçu des plaintes du même genre, mais que la police militaire avait mis fin à l'enquête disant que les plaintes n'étaient pas fondées. C'est ce qu'on a dit à ce sujet.

M. Robert Bertrand: Cela remonte peut-être avant 1998, mais je peux vous dire qu'on a entamé une enquête en 1998 et que celle-ci se poursuit encore.

Le président: Merci.

Monsieur Marin, après deux tours de table, on permet au président de poser quelques questions. Je voudrais simplement une précision.

Dans votre déclaration d'ouverture ou en répondant aux questions tout à l'heure, vous avez dit, si j'ai bien compris, que la question des anciens marins marchands pourrait relever de votre service, mais vous avez aussi dit plus tard, si je ne m'abuse, que les anciens combattants ne relevaient pas de vous. Je voudrais donc savoir dans quelle mesure vous pouvez vous occuper des anciens combattants.

• 1045

M. André Marin: Je suis heureux de pouvoir vous expliquer la situation, monsieur le président. Les anciens militaires relèvent du mandat de l'ombudsman du MDN FC, tant que cela ne touche pas une question relevant des Affaires des anciens combattants. Si un ancien combattant vient nous dire qu'il a pris sa retraite le mois dernier, mais qu'il a été victime de harcèlement sexuel pendant son service militaire, qu'il juge qu'on a dissimulé ce qui s'est passé et qu'il en a souffert, nous considérons que la plainte porte sur le MDN et les Forces canadiennes. Par ailleurs, si un ancien militaire nous dit qu'il a essayé d'obtenir sa pension, mais sans succès, cette question relève des Affaires des anciens combattants.

Le président: D'accord. Nous avons tenu de longues audiences sur la possibilité d'un paiement rétroactif ou d'un versement à titre gracieux aux anciens marins marchands. Le comité a terminé son étude et il faut attendre que le ministre et les parties intéressées trouvent une solution. Vous n'avez donc rien à voir avec cette question?

M. André Marin: Non.

Le président: Très bien. Merci de votre réponse.

Nous avons encore le temps pour quelques questions.

Je ne veux pas tellement poser une question, monsieur Marin, mais plutôt faire une observation. Certaines questions posées par des gens des deux côtés de la table au comité montrent que nous tenons beaucoup à ce que vous puissiez faire votre travail sans la moindre entrave et nous tenons à vous dire que, si vous avez l'impression qu'on vous fait obstacle d'une façon ou d'une autre au MDN, vous devriez nous le signaler. Je ne veux pas me faire le porte-parole du ministre, mais je suis certain qu'il est de notre avis à ce sujet et qu'il considère votre bureau comme étant très important. Malheureusement, on peut avoir l'impression, et ce n'est pas sans fondement, qu'il peut exister une certaine culture du silence aux Forces canadiennes et que c'est cela, sinon les pressions exercées par les pairs, qui a mené à certaines dissimulations des faits dans le passé. Ce genre de chose est très négative et cela déplaît à tout le monde, y compris les 99 p. 100 des membres des Forces canadiennes qui font tellement pour bien servir le pays.

Je tenais donc simplement à vous garantir, et les membres du comité des deux côtés vous diront la même chose, que nous sommes reconnaissants du travail que vous faites et que, si vous jugez que le ministère ne collabore pas entièrement avec vous, nous tenons à en être avisés parce que nous, du moins moi-même, comptons bien que votre bureau devienne un service permanent prévu dans la loi. Je vous remercie encore d'être venu.

Je vais donner aux membres du comité une dernière chance de poser une dernière question très concise. Monsieur Hart.

M. Jim Hart: Encore une fois, merci d'être venu aujourd'hui. Votre témoignage a été très révélateur. Comme plusieurs personnes déjà ont soulevé la question de l'enquête sur les pots-de-vin, je voudrais vous poser une question très précise et aussi vous demander quelque chose.

Ma question ne porte pas sur l'enquête au criminel comme telle à propos des pots-de-vin, mais plutôt sur la possibilité qu'il y ait eu dissimulation de faits quelconques ou interventions indues au moment de la première enquête. Vu ce que le vérificateur général a dit l'autre jour, je voudrais demander au bureau de l'ombudsman d'entamer une enquête sur les allégations de pots-de-vin au MDN.

M. André Marin: Est-ce ce que le comité va demander, monsieur le président?

Le président: Il faudrait pour cela que M. Hart présente une motion. Pour l'instant, le député vous a présenté une demande en son nom à lui, mais, à l'heure actuelle, ce n'est pas vraiment une demande du comité.

M. André Marin: Je vais certainement en prendre acte. Pour que tout soit versé dans nos dossiers, j'invite le député à nous écrire pour expliquer exactement comment il voudrait que l'enquête soit menée et nous examinerons sa demande comme nous le faisons chaque fois que nous recevons une plainte, compte tenu de la nature de la plainte et de la nécessité pour nous d'être objectifs et consciencieux. Nous lui signalerons plus tard si nous sommes prêts à mener une telle enquête.

Le président: Merci. Vous savez sans doute, monsieur Marin, que, si le député le désire, il pourra présenter une motion à ce sujet au comité lors de la prochaine réunion. Nous pourrions ensuite discuter de cette motion, l'accepter ou non, et vous en aviser. Je laisserai le député décider lui-même ce qu'il compte faire.

• 1050

Y a-t-il d'autres questions du côté des ministériels?

Y a-t-il d'autres brèves questions du côté de l'opposition?

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Oui, j'ai une brève question. Que pensez-vous de la création d'une commission des griefs des Forces canadiennes et d'une commission des plaintes de la police militaire comme on a proposé de le faire pendant l'exercice financier 1999-2000? Je pense que c'est ce qu'on a proposé et je voudrais savoir ce que vous en pensez.

M. André Marin: De façon générale, il me semble que tous devraient se réjouir d'une initiative qui vise à rendre les activités du ministère de la Défense nationale plus transparentes et à rendre son fonctionnement plus équitable. Je ne peux pas en dire plus long pour deux raisons. D'abord, il s'agit d'une décision de principe du gouvernement et je ne peux pas dire ce que j'en pense, si cette proposition laisse à désirer ou comment j'aurais procédé de mon côté. La décision a été prise et adoptée par le Parlement.

Deuxièmement, et c'est encore plus important, à titre d'ombudsman, je dois examiner la façon dont les membres du MDN et des FC sont traités partout dans le système. Si quelqu'un s'estime lésé à cause de la façon dont ces commissions ont été créées ou à cause du traitement ces commissions lui ont réservé, il peut avoir recours à nos services. Je ne veux pas anticiper. Je m'en tiendrai là pour l'instant, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Encore une fois, je tiens à vous remercier, monsieur Marin, et à remercier vos adjoints d'être venus ce matin. Nous savons que vous faites un travail important. Le comité a l'intention de vous donner tous les appuis possibles. Vous êtes invités à revenir n'importe quand et nous tiendrons de notre côté à vous parler de nouveau au moment opportun. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.

M. André Marin: C'est moi qui vous remercie. Et pour revenir sur quelques commentaires que j'ai faits lors de ma déclaration préliminaire, où je vous ai demandé tous de faire preuve d'impartialité sur cette question, eh bien, je dois dire qu'après avoir été sur la sellette pendant deux heures à répondre à vos questions, je suis convaincu de votre bonne volonté et de votre approche impartiale à ces questions très importantes. J'ai participé avec plaisir à la création du bureau avec mes collègues.

Le président: Merci beaucoup.

M. Bertrand aura le dernier mot.

M. Robert Bertrand: M. Marin vient de dire que pendant les deux dernières heures il était sur la sellette. Je vois bien que c'est la première fois qu'il comparaît, car ce n'est pas ce que j'aurais appelé être sur la sellette.

M. André Marin: Alors je vous remercie de votre gentillesse.

Le président: À la prochaine alors, Bob?

La séance est levée.