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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 5 avril 2001

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous tenons aujourd'hui notre neuvième réunion—c'est simplement un rappel pour mes collègues et pour ceux qui suivent nos travaux—sur le Sommet des Amériques, qui aura lieu à Québec pendant le congé parlementaire.

On parle beaucoup de la transparence en ce qui a trait au sommet de Québec, et j'aimerais rappeler aux députés que nous avons déjà eu neuf réunions, que nous avons entendu quelque 38 témoins, et que nous avons invité nombre d'autres intervenants à s'adresser à nous, mais qui n'ont malheureusement pas pu accepter notre invitation. Cependant, nous avons hâte de poursuivre nos travaux sur ce dossier et peut-être préparer un rapport après le sommet, quand nous pourrons en évaluer l'impact.

Sans plus tarder j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.

[Français]

D'abord nous recevons M. Roger Bertrand, qui est député de la circonscription de Portneuf à l'Assemblée nationale du Québec et président de la Commission des institutions.

La greffière m'informe que vous avez été réélu président de la commission il y a une semaine seulement. Félicitations et bienvenue au comité.

Monsieur Bertrand.

M. Roger Bertrand (député de Portneuf; président, Commission des institutions, Assemblée nationale du Québec): Merci, monsieur le président.

Il me fait plaisir, effectivement, de répondre à votre invitation de venir vous entretenir brièvement—on me dit que j'ai une dizaine de minutes et je vais essayer de respecter cette consigne—du récent rapport que la Commission des institutions de l'Assemblée nationale a déposé en décembre dernier et qui est intitulé Le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques : effets politiques et socio-économiques.

J'aimerais tout d'abord, monsieur le président, vous dire ce qu'est la Commission des institutions de l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une des 10 commissions permanentes. Elle est formée de 12 députés de toutes tendances au sein de l'assemblée, donc de l'opposition autant que du gouvernement. Pardon, il y a également le député de l'ADQ. On compte au moins trois tendances. Les compétences de la commission touchent les domaines de la justice, de la sécurité publique, de la Constitution, de tout ce qui concerne le Conseil exécutif et également de l'international.

Cette commission, tout comme votre comité, dispose d'un pouvoir d'initiative, c'est-à-dire qu'elle peut, à l'unanimité des membres de la commission, initier une étude ou un mandat sur des sujets qu'elle juge importants dans le cadre de ses compétences. Donc, l'ensemble des membres de la commission ont convenu unanimement de l'urgence et de la nécessité d'examiner cette question. J'insiste pour vous dire que le travail qui a été fait dans le cadre de ce mandat était teinté d'une démarche tout à fait non partisane. Le rapport qui a été produit est un rapport unanime, et je crois que ça constitue une assise importante quant à la portée de ce rapport et à la solidité de ses recommandations.

• 0910

Nous avons entamé cette étude en juin 2000, en lançant une vaste consultation publique. Pour le bénéfice des membres de ce comité permanent, je dirai que nous avons innové en faisant un appel de mémoires publics de la façon traditionnelle, c'est-à-dire par avis dans les journaux, etc., mais également en permettant à nos concitoyens de faire valoir leur point de vue et leurs opinions par le biais de l'outil Internet. Alors, ça me semble important du point de vue démocratique d'utiliser et de saisir cette occasion de rejoindre encore davantage de personnes afin d'avoir également leur input. Bien souvent, ce sont des citoyens qui ne sont pas nécessairement représentés au sein de grandes organisations.

À la suite de cette invitation, nous avons reçu 41 mémoires, recueilli 25 opinions par le biais d'Internet et rencontré 36 organismes ou personnes, et le rapport a été déposé en décembre, ce qui constitue, aux yeux de la commission, une première étape seulement.

Nous sommes d'avis que chacune des grandes commissions permanentes de l'assemblée, dans son propre champ de compétence, devrait examiner l'impact de ce projet de Zone de libre-échange des Amériques et également du projet d'intégration hémisphérique. Un exemple évident de ça, c'est le domaine de la culture. Je pense qu'en ce qui a trait au Québec notamment, c'est particulièrement important. Ça l'est aussi pour bien d'autres également. Ça l'est ici, au niveau pancanadien.

Donc, c'est un projet important à examiner. Nous en serons bientôt au troisième sommet. Les 34 chefs d'État se rejoindront encore une fois pour continuer à travailler vigoureusement sur ce grand projet.

Je rappelle que le projet d'intégration hémisphérique comporte quatre grands volets: premièrement, la protection et le renforcement de la démocratie; deuxièmement, l'intégration économique et le libre-échange; troisièmement, la lutte à la pauvreté et à la discrimination; quatrièmement, le développement durable et l'environnement.

Il s'agit donc, on le saisit bien, d'un vaste projet d'ensemble qui nous interpelle non seulement sur le plan économique et financier, mais également sur le plan politique, sur le plan social et sur le plan démocratique.

Il faut reconnaître, cependant, que dans ce vaste projet d'intégration hémisphérique, le seul projet qui semble avancer selon ce qui avait été à peu près prévu, c'est la composante de la Zone de libre-échange des Amériques. C'est un des volets seulement, mais, manifestement, c'est le dossier le plus avancé, et je pense pouvoir affirmer que les membres de la commission étaient inquiets de voir les trois autres grands volets de ce grand projet-là traîner de la patte.

Il s'agit, on le sait, d'un projet ambitieux. On se rappelle les principales données en ce qui a trait à la Zone de libre-échange des Amériques: un accord qui pourrait être conclu dès 2003; une mise en oeuvre qui pourrait être complétée dès 2005; 800 millions de consommateurs; 10 000 milliards de dollars de PIB annuellement; un seul grand marché; une variété incomparable d'économies et de peuples qui sont interpellés. Donc, on ne peut faire autrement qu'examiner de très près, comme parlementaires, de tels projets sous l'angle de la démocratie, de l'économie, de l'environnement, des politiques sociales, de la culture et bien d'autres encore.

Monsieur le président, j'arriverai, après cette introduction, directement à nos recommandations et à nos conclusions, nous laissant peut-être davantage de temps pour échanger avec les membres du comité permanent.

Le premier grand constat, c'est le déficit important de transparence qui nous semble colorer l'ensemble du processus. Évidemment, ce n'est plus nouveau aujourd'hui, car tout le monde en parle depuis maintenant quelque temps. Tous les intervenants qui sont venus témoigner devant la commission ont souligné une nette absence d'information et ce, malgré les engagements qui avaient été pris par les chefs d'État à l'origine du processus.

• 0915

Il s'agit donc d'une critique quasi unanime. Bien sûr, une telle situation a pour effet d'alimenter les pires craintes, toute espèce de spéculation, notamment, par exemple, sur l'avenir des services publics, sur le traitement de l'eau également. Le dossier de l'eau, dans un tel environnement, est aussi une question d'actualité. La commission déplore cette situation. Elle estime que nous devrions prendre des mesures pour rendre ce processus beaucoup plus transparent qu'il ne l'est actuellement et aussi—question de clarifier les enjeux—procéder à une évaluation en profondeur des enseignements que nous livrent ces grands ensembles du libre-échange dans lesquels nous évoluons depuis maintenant plusieurs années, au moins une décennie. Pourquoi n'entreprenons-nous pas, malgré la complexité de la chose, une étude exhaustive des avantages et des inconvénients, des plus et des moins, de l'ALÉNA et de l'ALÉ? On impute souvent—et peut-être un peu trop rapidement—à l'ALÉNA, par exemple, l'Accord de libre-échange nord-américain, la période de prospérité que nous connaissons depuis maintenant plusieurs années et l'enrichissement qu'on a pu observer au sein des ensembles participants. Mais dans quelle mesure les bénéfices qu'on observe actuellement sont-ils imputables à un projet comme l'ALÉNA? C'est peut-être imputable à l'ALÉNA à 90 p. 100. Ça l'est peut-être à 10 p. 100. Personne aujourd'hui ne peut le démontrer.

Alors, nous posons la question suivante: avant d'entrer hardiment dans un ensemble économique encore plus large, pouvons-nous raisonnablement faire l'économie d'une étude en profondeur des résultats de ce que nous vivons depuis maintenant 10 ans? Alors, la commission, par voie de conséquence, fait la recommandation—on le verra un peu plus tard—de procéder à une analyse en profondeur et à une évaluation de cette question. Bien qu'elle reconnaisse qu'il y ait là des embûches et des difficultés, ces embûches et ces difficultés ne devraient pas nous empêcher de procéder à une telle analyse.

Le deuxième grand constat dont on parle aussi de plus en plus, c'est celui du déficit démocratique. Premièrement, la conséquence du premier constat que je viens de présenter, c'est que puisqu'on parle d'un manque de transparence, on conclut qu'il y a potentiellement un déficit démocratique, bien sûr. Mais aussi, malgré le peu d'implication directe de la société civile dans le processus de négociation proprement dit, rien n'empêche qu'on implique davantage, plus souvent et de façon plus constante les différents groupes de la société civile en termes de consultations, si vous voulez, et de suivi du processus qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.

Il y a un déficit démocratique également par l'absence troublante—et le qualificatif est le mien, pas celui de la commission—l'absence importante, à peu près totale des parlementaires dans tout ce processus, et ceci à la fois en amont et en aval, c'est-à-dire autant avant que s'enclenchent des négociations que sur le résultat éventuel de telles négociations. Je comprends que dans le cas de la Zone de libre-échange des Amériques, les négociations ne sont pas conclues et qu'on peut donc difficilement, comme parlementaires, se pencher sur un éventuel accord. Mais dans d'autres cas, par exemple celui de l'ALÉNA, l'implication des parlementaires a posteriori nous a semblé minimale.

Je reviens à cette question d'absence des parlementaires en amont. Je compare ça un peu à un processus de négociation de convention collective. Je pense que notre collègue connaît bien ce processus. Qu'est-ce qui se passe? Il y a une assemblée générale qui, en règle générale, mandate un exécutif pour aller négocier un certain nombre de choses. À la deuxième étape, les choses se négocient effectivement. Dans le processus proprement dit de négociation, on est peut-être moins loin du détail de la discussion, mais il y a quand même des informations qui sont constamment à la disposition des membres pour leur permettre de se faire une opinion sur la suite des choses. Il y a par la suite la ratification d'un projet d'accord ou d'un projet d'entente.

Bien sûr, toute comparaison est imparfaite, mais il me semble que la sagesse devrait amener nos exécutifs à d'abord impliquer davantage les parlementaires dans l'élaboration des mandats de négociation, dans le suivi également, en termes d'information sur les négociations, sans aller dans le détail. On peut comprendre que lorsqu'on est en période de négociation, tout ne peut pas être public. On n'a pas intérêt à ce que tout soit public. Autrement, ça négocierait peut-être mal. J'ai moins d'expérience que certains d'entre vous autour de la table. Je peux comprendre cela, mais il doit y avoir des mandats clairs à l'origine, des mandats sanctionnés, d'après nous, par les parlements. Il doit y avoir, en cours de négociation, certainement beaucoup plus d'information qu'il n'y en a actuellement, et aux termes desdites négociations, il doit y avoir une ratification par les parlements des projets d'accord qui ont été signés en principe.

• 0920

Donc, le deuxième problème, c'est le déficit démocratique, l'absence des parlementaires dans le processus. Et c'est particulièrement important dans le cas de parlementaires à l'intérieur d'une fédération, comme c'est le cas des parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec. Imaginez que non seulement nous nous sommes tenus encore loin de ces différentes étapes à l'intérieur des étapes menant à la signature d'une entente, mais qu'en plus de ça, notre propre exécutif n'est pas à la table de négociation. Alors, il y a une double difficulté.

Pourtant, comme législateurs, il y a un certain nombre de compétences que nous devons exercer dans nos champs de compétence et à l'égard desquels nous ne sommes absolument pas en mesure de rassurer de quelque façon que ce soit ceux et celles que nous avons le devoir de représenter quant à, finalement, l'acceptabilité de ce qui pourrait être convenu, signé ou non. Alors, il y a une double difficulté dans le cas des députés d'un parlement à l'intérieur d'une fédération.

Nous avons d'autres réserves, monsieur le président, et je les passe en rafale parce que je ne veux vraiment pas prendre trop de temps. Il y a le partage de la richesse. Toutes les personnes nous ont dit penser qu'une telle Zone de libre-échange des Amériques pourrait effectivement contribuer à créer plus de richesse pour l'ensemble des peuples concernés. Mais le problème majeur est au niveau de la répartition de la richesse. Ceux qui ont observé de façon un peu plus fine que nous le résultat, par exemple, des zones dans lesquelles nous opérons déjà, se demandent si, finalement, on n'a pas enrichi davantage les plus riches alors que les classes les plus pauvres ne se seraient aucunement enrichies ou n'auraient aucunement profité de ces grands ensembles.

Il y a les clauses sociales également. Dans quelle mesure les ententes que nous pourrions signer, ou qu'on pourrait signer en notre nom, pourraient-elles remettre en question certains acquis, par exemple au niveau des conditions de travail et au niveau de l'environnement? Dans quelle mesure, selon ce qu'on signe, les normes sociales que nous nous sommes données pourraient-elles nécessiter une révision, possiblement à la baisse?

Une autre préoccupation, c'est celle de l'environnement. Il y a tout le processus de règlement des différends et son impact sur les législatures, impact que nous avons observé jusqu'à présent au niveau, par exemple, du chapitre 11. Cela peut obliger éventuellement un gouvernement et même un parlement à réviser une disposition législative conséquemment à un règlement ou à une décision d'un tribunal commercial au niveau international qui viendrait statuer que nous devrions, pour respecter les termes d'un accord, réviser une disposition qui aurait pu faire consensus au sein de notre collectivité.

Nous avons d'autres préoccupations sur la commercialisation de certains biens. Je mentionnais tout à l'heure le cas de l'eau et celui des services commerciaux.

Je termine, monsieur le président. J'ai essayé de rassembler sous cinq grands titres les recommandations de la commission que vous retrouverez dans le rapport qui est maintenant public. Si tant est que vous souhaitez en avoir une copie, monsieur le président, il me fera plaisir de vous la faire parvenir.

Notre première grande conclusion ou grande recommandation, c'est qu'on doit informer et impliquer: qu'on informe la population en général, qu'on informe les parlementaires, qu'on informe tous ceux et celles qui peuvent être raisonnablement préoccupés ou concernés par les questions qui s'y discutent, et qu'on les implique également.

Deuxièmement, nous recommandons qu'on assume nos rôles. Ce message s'adresse beaucoup à nos collègues parlementaires des Amériques. Nous estimons que tous ensemble, nous n'avons pas joué notre rôle comme nous aurions pu le faire sur une telle question. Les parlements sont des lieux où les débats doivent se tenir. Ce sont des lieux privilégiés où les gens peuvent se faire entendre sur des questions aussi fondamentales. Or, nous avons observé, effectivement, que peu de parlements et peu de parlementaires s'étaient saisis de ces questions, et je vous félicite, monsieur le président, de même que les membres du comité, de vous pencher sur cette question actuellement.

• 0925

Peu de parlements avaient entendu différents groupes de citoyens sur les enjeux de ce projet. Or, si nos commettants ne peuvent pas se faire entendre auprès de leurs élus sur ces questions-là, qu'est-ce qui va se passer? Ils vont se ramasser dans la rue. Ils vont aller se faire entendre là à défaut de se faire entendre ailleurs, à l'endroit où, normalement, ils devraient mieux se faire entendre.

Je résume notre troisième grand ordre de recommandation en disant: qu'on se respecte là-dedans. Qu'on respecte quoi? Qu'on respecte nos compétences. En ce qui nous concerne, qu'on respecte nos compétences comme parlementaires d'un parlement à l'intérieur d'une fédération, et qu'on respecte nos valeurs. Nous avons, au Québec—et c'est probablement vrai dans d'autres provinces canadiennes—une façon différente de faire les choses. Nous avons des outils sur le plan économique, par exemple, qu'on ne retrouve pas dans d'autres provinces, dont l'Ontario, et c'est correct comme ça. Nous avons fait le choix aussi, au niveau pancanadien, d'un régime de santé largement public quant à son financement et quant à son fonctionnement. Est-ce que ce que l'on va signer va venir remettre en cause ces choix que nous avons faits démocratiquement au sein de notre collectivité? Alors, faisons attention. Le troisième ordre de recommandation, c'est qu'on respecte les compétences et qu'on se respecte au niveau de nos valeurs, de nos choix sociaux.

La quatrième grande recommandation, c'est qu'on travaille l'ensemble des volets. Actuellement, comme je l'ai mentionné, un seul des volets progresse vraiment, celui de la Zone de libre-échange des Amériques comme telle. Quant aux trois autres volets, je pense qu'on traîne de la patte.

Enfin, il y a un ensemble de recommandations qui s'adressent davantage à notre exécutif, au gouvernement du Québec, c'est-à-dire que le Québec se prépare à entrer dans ce nouvel ensemble.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bertrand. C'est très intéressant. Je suis certain qu'il y aura des questions.

[Traduction]

J'aimerais maintenant céder la parole à M. Ken Traynor, de l'Association canadienne du droit de l'environnement.

Merci d'être venu, monsieur Traynor.

M. Ken Traynor (directeur, Programme international, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci.

L'Association canadienne du droit de l'environnement est une clinique d'aide juridique financée par l'État qui se spécialise dans les questions environnementales; notre association fait partie d'un réseau de 72 cliniques d'aide juridique en Ontario. Nous avons un conseil d'administration communautaire, un mandat de réforme du droit en matière d'éducation juridique, en plus de nos mandats légaux. L'organisation a été mise sur pied il y a 30 ans et a participé depuis à l'élaboration de la majorité des principales mesures législatives en matière d'environnement de l'Ontario et du gouvernement fédéral.

Dans le cadre de nos responsabilités en matière d'éducation juridique et de réforme du droit, nous avons participé activement à l'analyse et aux débats politiques qui entourent les ententes en matière d'investissement et de commerce au cours des 10 dernières années, allant de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, à l'ALÉNA, en passant par le GATT, les négociations entourant l'OMC et celles liées à l'accord multilatéral sur l'investissement. Nous participons actuellement activement aux négociations sur la zone de libre-échange des Amériques et l'accord général sur le commerce des services.

Nous sommes des membres actifs de Common Frontiers et du Hemispheric Social Alliance, qui parrainent le sommet des peuples de Québec.

Bref, à notre avis, ces accords et ententes représentent une série importante de nouveaux droits de propriété des sociétés—tout particulièrement en Amérique du Nord—sans que ces droits soient accompagnés de responsabilités ou de contrôles publics. J'espère que nous pourrons discuter de ces questions ici aujourd'hui.

Ils représentent un renforcement important des pressions qui sont exercées en matière de déréglementation en Amérique du Nord et à l'échelle internationale. À notre avis, nous pourrions comparer ces accords et ententes à une police d'assurance pour les sociétés les mettant à l'abri de politiques publiques novatrices.

La CELA a participé aux discussions de toute une gamme de questions juridiques canadiennes et internationales. Nous avons participé activement à l'examen quinquennal de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, nous avons participé à toutes les batailles sanglantes sur le plan politique. Nous avons également participé à titre de membre de la délégation canadienne aux négociations touchant le protocole sur la biosécurité. Nous avons participé—encore une fois à titre de membre de la délégation canadienne—aux négociations sur les polluants organiques persistants. Nous voulons faire profiter les intéressés aujourd'hui de notre expérience en matière de négociations.

Nous avons fait part à votre comité à plusieurs reprises par le passé de notre opinion sur diverses questions commerciales. Nous pourrions parler longuement de ces questions, et notre site Web offre un vaste éventail de ressources sur le rôle du chapitre 11 en ce qui a trait à l'État investisseur. Nous discutons activement avec le gouvernement de l'impact possible sur la réglementation nationale des propositions formulées à la fois dans la ZLÉA et dans l'accord général sur le commerce des services qui cherchent en fait à influer sur la réglementation nationale ici au Canada.

• 0930

J'ai essayé d'identifier les enjeux à aborder avec vous ce matin parce que je ne dispose que de 10 minutes. J'ai conclu que si vous vouliez me parler de ces enjeux, vous pourriez me poser des questions.

J'aimerais changer un peu de sujet. Lorsque j'ai préparé mes commentaires liminaires, j'ai passé en revue certains des points soulevés par d'autres intervenants. J'ai trouvé que les commentaires de Bill Dymond, qui était défenseur du commerce, étaient très intéressants.

Tout d'abord, il a confirmé notre opinion que le texte de ces ententes doit être distribué aux intervenants, bien que je ne suis pas tout à fait convaincu de bien avoir compris ce qu'il entendait lorsqu'il a dit «le conseil que j'aurais à donner c'est de le peser, pas de le lire».

Lorsqu'on lui a demandé si le système de garderies publiques au Québec...

Le président: Vous inquiétez-vous de la quantité de papier utilisée?

M. Ken Traynor: Oui. Plusieurs choses nous inquiètent. Si nous avions une politique commerciale plus novatrice, et c'est le message que je vous communiquerai je l'espère à la fin de mon exposé, nous n'aurions pas nécessairement besoin de ces 900 pages. Il y a bien des choses que nous savons déjà.

Lorsqu'on lui a demandé si le système de garderies au Québec serait menacé, il a d'abord répondu oui. Puis il a ajouté «On va le protéger par droit de réserve. Est-ce assez pour la zone de libre- échange des Amériques? Dans ce cas, il faudra que vous me montriez d'abord le texte de l'entente». Tout à fait.

Le problème, ce sont les détails. Il existe une très bonne expertise dont on peut s'inspirer lorsqu'on discute de ces questions, mais cette expertise ne se retrouve pas actuellement au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ils ne sont pas responsables de la mise en oeuvre d'ententes sur l'environnement, pourtant la province de l'Ontario... Ils ne sont pas responsables de la réglementation dans le secteur de la santé, pourtant nombre des décisions qu'ils prennent sont très importantes car elles détermineront si nous disposons des outils nécessaires pour élaborer le type de politique publique que nous recherchons. C'est pourquoi je crois que tout le processus doit être beaucoup plus ouvert.

À notre avis, il faut ouvrir le processus entourant les politiques commerciales afin de l'améliorer. J'espère que votre comité jouera un rôle important et actif à cet égard. Si l'ouverture du processus à l'examen du public élimine les négociations, comme cela a été le cas pour l'AMI de Bill Dymond, tant pis. C'est ça la vie quand on parle d'établissement de politiques publiques.

Le processus d'établissement de règles internationales doit être assujetti au même niveau d'examen que notre processus national d'établissement de mesures législatives, et ce, à toutes les étapes. Il ne doit pas y avoir d'exceptions pour les négociations commerciales internationales, des exceptions qu'on n'envisagerait pas pour la prise de lois nationales.

De plus, encore une fois, il est intéressant de noter que Bill Dymond a dit qu'à son avis un des principaux rôles des accords commerciaux était de créer les règles et les institutions qu'exige la gouvernance mondiale. C'est justement ce qui nous inquiète. Nous ne sommes pas disposés à confier la création de ces institutions exclusivement aux fonctionnaires qui oeuvrent dans le secteur du commerce. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas un rôle à jouer et qu'ils n'ont pas l'expérience nécessaire pour participer à la création de ces institutions, mais ils ne représentent pas l'unique source de toutes les connaissances quant à la façon d'élaborer des politiques publiques novatrices.

J'aimerais prendre quelques instants pour vous faire part de l'expérience acquise dans le cadre de l'AMI, de l'expérience d'un de vos homologues. Je ne sais pas si vous avez étudié ce qu'on appelle maintenant le rapport Lalumière, un rapport présenté par une députée du Parlement européen, Catherine Lalumière, et un représentant du ministère français des Finances, lorsqu'on a suspendu les négociations entourant l'AMI. Je crois que ce rapport nous offre des points de vue intéressants qui pourraient être fort utiles pendant que nous essayons de penser à ce que nous pouvons faire avec une ZLÉA. Permettez-moi de citer brièvement ce rapport:

    Plus que tout accord international à vocation économique, l'AMI a suscité des objections et des tensions au sein de la société civile. La contestation a surpris par son ampleur, sa vigueur et la rapidité avec laquelle elle est apparue et s'est développée. Les consultations nous ont permis d'éclairer ce phénomène et de mieux appréhender les positions et les attentes de divers secteurs de l'opinion et des professions.

    1) La contestation présente des caractéristiques nouvelles

    elle est apparue simultanément dans plusieurs pays.

    elle va au-delà des revendications sectorielles ou techniques.

    elle met en jeu des acteurs nouveaux. Au-delà des représentants traditionnels des professions, des syndicats, et des branches économiques, il faut noter l'activisme déployé par le organisations non gouvernementales. [...] Les ONG, dotées de moyens importants (Greenpeace, WWF, Les Amis de la Terre, [...]), sont à l'origine de la remise en cause de l'AMI. Ces organisations ont mis au point et diffusé dans tous les pays un argumentaire anti-AMI qui s'exprime désormais, en termes similaires, dans les divers pays de l'OCDE.

    la méthode de la négociation est contestée autant que son contenu et son résultat. Plus ou moins légitimement, le secret qui aurait présidé aux négociations et les motivations profondes des participants sont mis en cause.

• 0935

    L'AMI marque donc une étape dans les négociations économiques internationales. Pour la première fois, on assiste à l'émergence d'une «société civile mondiale», représentée par des organisations non gouvernementales, qui sont souvent implantées dans plusieurs États et communiquent au-delà des frontières. Cette évolution est sans doute irréversible.

    D'une part, les organisations représentatives de la société civile ont pris conscience des enjeux des négociations économiques internationales. Elles sont déterminées à y imprimer leur marque. En outre, le développement de l'Internet bouleverse l'environnement des négociations. Il autorise la diffusion instantanée des textes en cours de discussion, dont la confidentialité devient de plus en plus théorique. Il permet, par delà les frontières nationales, le partage des connaissances et des expertises. Sur un sujet pourtant très technique, les représentants de la société civile nous sont apparus parfaitement informés, et leurs critiques bien argumentées sur le plan juridique.

    [Cette méthode de négociation] n'a pas permis aux gouvernements d'exercer leurs responsabilités politiques sur des sujets pourtant essentiels. La totalité des travaux s'est déroulée au sein du groupe de négociation, lui-même démembré en plusieurs sous-groupes techniques. Les communiqués soumis à l'approbation des ministres se limitent, s'agissant de l'AMI, à la répétition annuelle des mêmes généralités. À aucun moment, les questions évoquées plus haut—[les questions politiques]—n'ont été portées à l'attention des ministres, encore moins fait l'objet de débats.

Ce rapport contient beaucoup de choses très intéressantes, mais je voulais simplement attirer votre attention sur ces passages, parce que je crois qu'ils décrivent la réalité à laquelle nous sommes confrontés lorsque nous négocions une zone de libre- échange des Amériques.

Si nous entendons créer de nouvelles institutions publiques au niveau international dans le cadre d'un système de gouvernance mondiale, j'aimerais vous faire quelques suggestions qui découlent de l'expérience qu'a récemment vécue la CELA.

Nous avons participé activement aux négociations entourant le protocole sur la biosécurité. Je crois que si l'on passe en revue les négociations entourant ce protocole, on pourrait formuler certaines suggestions dont vous pourriez vous inspirer—et dont vous vous inspirerez je l'espère—pour commencer à créer un processus de négociation différent afin de créer un rôle pour vous comme pour nous à titre de membres de la société civile dans le cadre de ce processus de négociation.

Le protocole sur la biosécurité est né des préoccupations entourant la vive polémique, dont nous parlerons peut-être en plus amples détails les témoins qui nous suivront, portant sur la qualité de l'examen des organismes génétiquement modifiés et les dangers potentiels, environnementaux ou autres, associés à la distribution généralisée de ces organismes.

Le protocole n'est pas à mon avis un exemple reluisant du rôle du Canada à l'échelle internationale, mais le résultat des négociations en soi est assez utile. J'ai été déçu, et il en va de même pour mon organisation, du rôle que le gouvernement du Canada a choisi de jouer dans ce dossier. Dans le cadre de ce processus de négociation—qui s'est effectué au sein des Nations Unies—nous avons quand même eu un processus très ouvert. À titre d'ONG, nous avons participé activement aux travaux du comité consultatif auprès du gouvernement canadien. Nous avons participé aux négociations, sous une présidence qui avait beaucoup d'imagination et qui a eu recours à des techniques de négociation novatrices pour contourner toute une série de problèmes fort réels et importants.

Ce qui était tout particulièrement intéressant, c'est que dans le cadre du processus il y a eu une opposition publique extraordinaire à l'introduction d'organismes génétiquement modifiés en Europe—le système alimentaire européen—et il existait donc déjà dans cette région une opposition bien établie. Puis il y a eu, dans le cadre des négociations à Seattle, un négociateur commercial en chef représentant l'Union européenne qui a cédé en fait le forum pour le processus décisionnaire qu'allait permettre l'entrée des organismes génétiquement modifiés en Europe. Il a essayé d'obtenir que l'OMC soit le forum de cette négociation. On s'est donc retrouvé avec un négociateur commercial qui cherchait à miner l'intérêt public simplement pour atteindre les objectifs qu'il s'était fixés à titre de négociateur.

Les ministres de l'Environnement de l'Union européenne ont carrément dit à Pascal Lamy qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour en arriver à ce compromis et il a donc dû retirer cette proposition.

• 0940

Vous passez alors aux négociations touchant le Protocole sur la biosécurité. Le ministre de l'Environnement de Colombie, Juan Mayr, qui présidait toutes ces négociations, a invité les ministres de l'Environnement du monde entier à venir à Montréal pour participer à ces négociations et pour fournir, si vous voulez, un deuxième son de cloche à celui des négociateurs qui participaient à ces discussions. Ainsi, on assurait la participation des ministres de l'Environnement, et on ne confiait pas simplement tout le dossier aux négociateurs commerciaux.

Ce processus, qui était très intense, a entraîné un développement tout particulièrement intéressant au niveau international—nous parlons ici de ce qui s'est passé en janvier 2000. Une proposition a été formulée—et le Canada l'appuyait ouvertement—on proposait donc que les dispositions du Protocole sur la biosécurité ne devraient avoir aucun impact sur les droits et engagements des parties à ce protocole découlant d'ententes internationales dont il est également partie. Cette disposition était une façon de dire que les ententes sur le commerce ont préséance sur tout ce que vous ferez dans cette salle en ce qui a trait au commerce d'organismes génétiquement modifiés. C'était en fait ce qu'on proposait. Le libellé de la proposition a été rejeté par les pays du monde après la création de l'OMC. En fait, ce qu'ils ont dit, c'est que nous ne laisserons pas cette entente être éclipsée par des règles commerciales—le concept über alles qui existe souvent. Après un débat animé et hostile, le protocole produit ne contenait des termes commerciaux que dans le préambule. À titre de défenseurs de l'environnement, nous sommes parfaitement conscients que vous mentionnez dans le préambule des accords commerciaux les choses sur lesquelles vous ne voulez pas vraiment vous pencher.

À mon avis, nous pouvons donc dire maintenant que la communauté internationale a dit, dans ces dossiers complexes, tout particulièrement ceux qui touchent l'environnement, que nous n'acceptons pas que l'OMC domine tout. Leurs groupes spéciaux ne seront pas l'endroit où on décidera des lois que nous aurons dans le domaine de la santé et de l'environnement et d'autres domaines. Je vous exhorte donc à étudier cet aspect et à commencer à penser à la marge de manoeuvre dont vous disposez.

Nous nous inquiétons également du fait que dans le texte de l'entente on incorpore le principe de prudence. Je ne lancerai pas une longue discussion sur ce principe, mais encore une fois, c'est la première fois qu'on utilise ce genre de vocabulaire dans une entente qui vise à réglementer le commerce des organismes génétiquement modifiés. Je vous exhorte à faire preuve d'innovation en ce qui a trait à l'utilisation du principe de prudence, tout particulièrement compte tenu de la menace que présente la décision prise récemment par l'administration Bush qui a conclu que le Protocole de Kyoto et les défis qui entourent ce document sont une chose à laquelle elle n'a pas l'intention d'avoir recours. La prudence peut donc être une chose très importante.

J'ai utilisé le temps qui m'était réservé. Je voulais vous parler un peu de la campagne sur l'accès aux médicaments essentiels et du rôle que les organisations de la société civile ont joué dans ce dossier. En effet, elles ont su amener dans l'arène politique le défi que posent les dispositions de ces ententes commerciales qui portent sur la propriété intellectuelle. Je suis convaincu que d'autres intervenants ce matin aborderont cette question et j'aimerais y revenir lors de la période des questions. Encore une fois, je crois que cela fait ressortir qu'il est très important de trouver une façon plus novatrice d'utiliser les énergies de la société civile.

Mon message est bien simple: faites preuve de créativité. Profitez des occasions qui vous sont offertes par le simple engagement de la société civile dans ce dossier. Trouvez des moyens de représenter les aspirations qui vous sont énoncées avec tant d'émotions. Si nos dirigeants défendaient avec plus de passion les grands problèmes de notre hémisphère, plutôt que simplement rester dans les sentiers battus, ils n'auraient pas à se réunir derrière une clôture de trois mètres à Québec.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Traynor. Vos commentaires ont été fort utiles.

J'aimerais maintenant passer à M. Aaron Cosbey, qui représente l'Institut international du développement durable. Merci beaucoup d'être venu, monsieur Cosbey.

M. Aaron Cosbey (conseiller principal et associé, Commerce et investissement, Institut international du développement durable): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est à la fois un honneur et un défi pour moi d'être des vôtres aujourd'hui car je témoigne après un grand nombre d'experts qui ont déjà comparu devant votre comité permanent. C'est un honneur parce que ces témoins ont déjà dit nombre des choses que je voulais vous communiquer, ce qui rend donc mon travail plus facile et c'est un défi puisqu'il m'est plus difficile d'ajouter quelque chose, mais je ferai de mon mieux.

• 0945

L'Institut international du développement durable est un institut de recherche sur les politiques. Il est situé à Winnipeg, et a été créé et financé en partie par les gouvernements du Canada et du Manitoba. Nous nous penchons depuis 1991 sur divers dossiers comme le commerce et l'investissement et leur impact sur le développement durable. Pendant ces 10 années d'analyses intenses, nous en sommes venus à la conclusion que la libéralisation des investissements et du commerce est nécessaire, mais ne suffit pas à assurer le développement durable. C'est nécessaire parce que la libéralisation des investissements et du commerce laisse entrevoir la possibilité d'améliorer les niveaux de vie, de transférer de nouvelles technologies écologiques vers des pays qui en ont grandement besoin—et dans le contexte de l'hémisphère occidental, nous savons qu'il y a des pays qui ont désespérément besoin des ressources que peuvent assurer le commerce et les investissements. Cette libéralisation ne suffit pas parce que si les systèmes de gestion environnementale appropriés n'existent pas, si l'infrastructure sociale n'existe pas pour profiter des débouchés qu'assurent ces ententes, si la libéralisation se fait à la va-vite ou trop rapidement, ou si la réglementation n'est pas bien formulée, la libéralisation des investissements et du commerce peut nuire à l'environnement, miner leur capacité de réglementer la protection des objectifs sociaux et environnementaux et même empirer les indicateurs sociaux clés.

Donc, la grande question qui se pose, c'est que faire pour s'assurer que cette libéralisation suffit, et tout particulièrement, dans le contexte de ces audiences, comment s'assurer qu'elle suffit en ce qui a trait au processus du sommet et de la zone de libre-échange des Amériques.

Je répondrai à ces questions en parlant de deux modèles grâce auxquels nous pouvons intégrer les objectifs de développement durable dans les négociations commerciales, en parlant un peu du processus et en m'attardant à une des questions qui a été étudiée de très près par l'Institut, soit l'investissement.

Je commencerai donc par les deux modèles qui nous permettraient d'intégrer les objectifs de développement durable dans ce qui est en fait une négociation commerciale. Bien que M. Bertrand ait parlé avec beaucoup d'éloquence des autres aspects du processus du sommet, la ZLÉA, comme il nous l'a signalé d'ailleurs, semble être le joyau de la couronne et c'est le seul dossier qui évolue suffisamment rapidement pour susciter des inquiétudes.

Il existe donc deux façons d'intégrer ces types d'objectifs dans des négociations commerciales. La première est le modèle de l'ALÉNA, dans le cadre duquel une entente commerciale crée la lancée nécessaire—un train de marchandises institutionnelles, si vous voulez—à laquelle nous pouvons rattacher des ententes environnementales parallèles. Dans le contexte de l'ALÉNA, nous avons ces accords parallèles sur la collaboration environnementale. Il y a un accord sur l'environnement. Il a des liens très faibles avec l'accord de libre-échange en soi. Il s'agit tout compte fait d'un accord sur les choses que l'on fera dans un contexte environnemental, des choses que l'on aurait dû faire qu'il y ait eu accord de libre-échange ou pas. Il y a donc la normalisation des données environnementales dans les pays signataires, il y a des rapports régionaux sur l'état de l'environnement, on a des plans d'action sur des questions d'intérêt commun, comme les espèces migratoires et les polluants organiques persistants, et nous avons enfin un renforcement des capacités et un échange d'information. Il s'agit là du type de choses qui, comme je le signalais, sont bonnes, qu'il y ait accord commercial ou pas. L'existence de l'accord commercial et l'énergie consacrée aux négociations de cet accord nous donnent les mécanismes qui nous permettront d'intégrer ces genres de changements.

Ces choses sont bien jolies, dans la mesure où elles renforcent la gestion environnementale et réduisent les dangers de conflits entre le commerce et l'environnement. Cependant, elles ont très peu de liens réels avec le système commercial en soi, et un deuxième modèle s'impose donc si nous voulons nous assurer que la libéralisation du commerce et de l'investissement nous permette d'obtenir le développement durable. Il s'agit du modèle intégré. En d'autres termes, comment peut-on nous assurer que ces objectifs figureront dans l'entente même?

Tout d'abord, vous devez avoir un libellé approprié dans le texte de l'accord. On a dit un peu plus tôt que le libellé du préambule n'était pas très important, mais l'énoncé dans le préambule d'un objectif de développement durable dans la ZLÉA est absolument nécessaire. Il ne s'agit pas simplement de beaux mots. Nous avons vu dans le contexte de l'OMC comment un objectif de développement durable énoncé dans le préambule a eu un impact marqué sur les décisions au sein de l'OMC lorsqu'il y a eu conflit entre l'environnement et le commerce, et c'était une très bonne chose. Le libellé du préambule n'est pas vide de sens. Nous avons besoin d'un libellé du préambule de la ZLÉA qui énonce clairement qu'un de nos objectifs est le développement durable.

De plus, au sein de chacun des neuf groupes de négociation—et non pas au sein d'un groupe distinct, non pas dans une entente parallèle sur l'environnement, mais dans chacun des neuf groupes de négociation—il nous faut songer sérieusement aux impacts sur l'environnement de ce que l'on négocie. Dans le secteur de l'agriculture, il nous faut nous pencher sur l'impact qu'aura la libéralisation agricole sur l'environnement. Dans le secteur de l'investissement, il nous faut nous pencher sur l'impact du libellé sur la réglementation et la gestion environnementale. Dans le secteur des services, il nous faut peut-être nous pencher sur l'abaissement des tarifs sur les services environnementaux.

• 0950

Dans chacun de ces groupes, je suis d'avis qu'il y a un élément essentiel de développement durable et d'environnement, et nous devons nous assurer que ces choses entrent en ligne de compte lors des négociations, et qu'on ne se contente pas simplement d'en parler d'un accord parallèle.

Enfin, et c'est là une question qui touche le processus, dans un modèle intégré il faut procéder à une évaluation environnementale de l'entente, avant qu'elle ne soit proposée, lors de la négociation, et une fois qu'elle a été signée. Si nous ne comprenons pas les répercussions de cette entente sur l'environnement et le développement durable, il nous est impossible de nous pencher sur ces problèmes. Que ces impacts soient négatifs ou positifs, nous n'avons aucune chance d'améliorer l'impact positif et d'éviter l'impact négatif. C'est un volet absolument essentiel.

Dans ce contexte, j'aimerais féliciter le gouvernement du Canada qui a récemment énoncé une politique sur l'évaluation des ententes de libéralisation commerciale et environnementale, mais je dois avouer que même si nous nous sommes engagés à procéder à ce genre d'évaluation, et même si le cadre qu'on a proposé est un bon cadre, les ressources affectées à ces évaluations me semblent fort inadéquates.

Pour un processus qui doit se pencher sur la ZLÉA, les services de l'OMC et les négociations agricoles, l'entente sur l'Amérique centrale, l'entente du Costa Rica, et aucun nouvel employé n'y a été affecté au MAECI. Nous avons des ressources, mais je ne crois pas qu'elles reflètent l'importance du dossier, surtout si nous voulons vraiment bien saisir l'impact possible des ententes que nous négocions.

Enfin, une mise en garde. La méthode de l'ALÉNA, sans l'approche intégrée, risque de nous placer dans une situation pire que celle dans laquelle nous nous trouvions auparavant. Je ne veux pas à titre de défenseur de l'environnement qu'on m'offre une gâterie comme ça pour me calmer alors que les vraies négociations se poursuivent sans qu'on tienne compte des objectifs environnementaux. Si tout ce que nous obtenons est un accord parallèle, nous risquons fort bien de consacrer tous nos efforts à cet accord et à ce processus, alors que les vraies questions économiques fondamentales qui auront un impact sur nos objectifs de développement durable sont étudiées en vase clos ailleurs.

Parlons maintenant du processus. Nous avons suffisamment entendu parler de transparence par les autres témoins, et je ne parlerai de la question que fort brièvement. À mon avis c'est bien évident, et j'espère qu'il en va de même pour vous, que l'approche intégrée n'est utile que si les négociations se déroulent de façon appropriée, et j'entends par là des négociations transparentes.

La transparence comporte deux volets, l'un étant l'accès du public intéressé à l'information et l'autre, l'existence de mécanismes lui permettant de se servir de cette information pour intervenir dans le processus décisionnel.

Je le répète, nous avons entendu amplement de témoignages sur le sujet, mais je tiens à souligner que les démarches en vue de la création de la ZLÉA sont restées jusqu'ici anachroniques. À l'époque où les accords commerciaux étaient question de négociations de taux tarifaires, quand leurs conséquences soient strictement commerciales, il était acceptable qu'ils soient négociés dans le secret, puisque les intérêts en cause influeraient sur les négociations.

Il n'en est plus ainsi aujourd'hui. De nos jours, il est question d'enjeux qui sont d'un intérêt vital pour le public, notamment de gestion environnementale, de dispositions relatives aux services de santé et d'éducation, de droits de propriété intellectuelle, de droits de la concurrence et d'investissement, qui ont des répercussions sur les stratégies de développement national. Ces enjeux dépassent les paramètres d'une simple négociation commerciale. Ils sont d'un intérêt vital pour le public et le public doit pouvoir participer à leur examen.

Nul besoin d'insister sur le fait—on l'a déjà fait à maintes reprises—que ma présence ici aujourd'hui et les délibérations du comité permanent manquent d'efficience par rapport à ce que serait la situation si nous délibérions à partir de textes de négociation dont nous aurions pu prendre connaissance.

Enfin, permettez-moi d'aborder plus précisément les règles d'investissement dans le contexte de la ZLÉA. Si je m'intéresse à cette question, c'est notamment parce que l'institut que je représente l'analyse de façon intensive depuis plusieurs années. C'est non sans une certaine humilité que je vous signale que nous sommes au nombre des grands spécialistes du chapitre XI de l'ALÉNA et de ses répercussions pour le développement durable et l'environnement.

Or, ces années d'étude nous mènent à la conclusion que le chapitre XI de l'ALÉNA sert à des fins qui n'entraient pas du tout dans les intentions de ses auteurs. Au lieu de servir à protéger les investisseurs, à leur assurer un traitement équitable, il sert d'outil stratégique dont les entreprises se servent pour contester des règlements environnementaux légitimes de même que des règlements sur d'autres questions d'intérêt public et y faire échec.

• 0955

Pour illustrer mon propos, permettez-moi d'évoquer la poursuite Methanex. Il s'agit d'une société canadienne qui poursuit le gouvernement des États-Unis en raison d'une mesure non discriminatoire visant à interdire dans l'État de la Californie une substance dont on soupçonne qu'elle pourrait être carcinogène. Methanex soutient que cette mesure équivaut, entre autres choses, à l'expropriation de son intérêt commercial qui consiste à vendre à la population californienne un élément de cette substance carcinogène. Notre institut a demandé à intervenir dans cette affaire à titre d'ami de la cour. Nous avons jusqu'à maintenant reçu des signes encourageants de la part du tribunal.

Si j'évoque cet exemple, c'est pour bien montrer la gravité des problèmes auxquels nous nous heurtons dans le contexte du chapitre XI de l'ALÉNA pour ce qui est de défendre l'intérêt public. J'applaudis à la détermination du ministre qui dit vouloir éviter de répéter les erreurs de l'ALÉNA dans la ZLÉA, et je l'encourage à ne pas s'en laisser détourner.

Si je vous parle de ce cas, c'est parce que j'estime qu'il est important, mais c'est aussi parce que j'y vois un exemple frappant de la nécessité de la transparence dans les négociations sur le commerce et l'investissement. Le fiasco du chapitre XI de l'ALÉNA n'aurait jamais dû se produire. Si les négociations en vue de la conclusion de l'ALÉNA avaient eu la transparence que je préconise dans le cas de la ZLÉA, nous ne nous retrouverions pas dans la situation où nous nous trouvons aujourd'hui.

Les environnementalistes et d'autres qui ne faisaient pas partie du club des investisseurs qui ont négocié les dispositions du chapitre XI auraient pu nous mettre en garde contre les conséquences de ces dispositions. Maintenant que nous sommes aux prises avec les conséquences, nous nous rendons compte qu'il est bien plus difficile de s'en sortir qu'il ne l'aurait été de les éviter. Il s'agit donc d'un exemple qui illustre parfaitement la nécessité de la transparence dans les négociations. Je ne connais pas de meilleur exemple.

En résumé, la libéralisation du commerce et de l'investissement est une composante nécessaire du développement durable, mais elle ne suffit pas à elle seule. Pour qu'elle soit suffisante, il faudrait qu'un accord parallèle soit négocié qui énoncerait les objectifs environnementaux dans le contexte de la ZLÉA, dans le contexte des Amériques, il faudrait aussi une approche intégrée qui permettrait de faire en sorte que le langage du développement durable se retrouve tant dans le préambule de l'accord que dans le texte lui-même et que les considérations environnementales soient prises au sérieux par chacun des neuf groupes de négociation; et il faudrait enfin que les négociations soient plus transparentes et que le processus prévoie notamment des mécanismes pour assurer l'information du public et sa participation.

Ainsi, il devrait être possible de réaliser l'espoir de développement durable pour l'hémisphère que suscite la zone de libre-échange des Amériques.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cosbey.

Monsieur Keyes, avant que nous ne donnions la parole à M. Elston, je vous demanderais de bien vouloir occuper le fauteuil. Je dois aller présenter un rapport à la Chambre.

Toutes mes excuses aux témoins. Je serai de retour dès que j'aurai déposé mon rapport à la Chambre.

Le président suppléant (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Merci, monsieur le président.

Le comité va maintenant entendre le témoin suivant, qui est bien connu de beaucoup d'entre nous, M. Murray Elston, président des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.

Soyez le bienvenu à notre comité, monsieur Elston. Je crois savoir que vous allez également vous faire le porte-parole de M. McCool. C'est bien cela?

M. Murray J. Elston (président, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada): En fait, nous allons partager le temps qui nous est accordé, mais nous ne prendrons pas tellement de temps.

Permettez-moi tout d'abord de nous présenter. Bien que nous représentions les compagnies pharmaceutiques, contrairement à ce que pensent bien des gens, nous représentons, non seulement les grandes entreprises traditionnelles, mais aussi un certain nombre d'entreprises canadiennes en devenir, celles qu'on appelle les compagnies biopharmaceutiques et dont la vitalité est affaire d'invention et d'innovation. C'est ce dont dépend en fait la vitalité de tout notre secteur, car nous inventons de nouveaux médicaments pour répondre aux besoins existants.

Nous avons pris bonne note de la position du gouvernement canadien qui a annoncé dans sa stratégie en matière d'innovation diverses initiatives liées à l'économie du savoir. Nous croyons en l'importance du travail que nous faisons, qui consiste à trouver des solutions à des problèmes de santé qui existent depuis longtemps, à contribuer à l'accroissement de la durée de la vie humaine et à assurer le mieux-être des gens. Nous montrons bien en cela les avantages de l'économie du savoir.

• 1000

À ce propos, nous sommes d'avis que les hommes et les femmes qui font ce travail au Canada, qui font la recherche et découvrent de nouveaux produits, ont quelque chose à offrir dans le contexte international. Nous estimons également qu'outre la prévisibilité que nous assurent certains des accords internationaux qui permettent à un pays commerçant comme le Canada d'avoir accès à un certain nombre de marchés étrangers, la conclusion d'une zone de libre-échange des Amériques nous donnerait la marge de prévisibilité accrue dont nous aurions besoin pour nous garantir l'accès au marché international pour les nouvelles inventions d'ici.

Après cette brève introduction, et compte tenu du facteur temps qui est important, je voudrais maintenant céder la parole à M. McCool pour qu'il puisse apporter plus de détails relativement à certaines questions. Nous serons ensuite très heureux de répondre aux questions que les membres du comité voudront nous poser.

Le président suppléant (M. Stan Keyes): Merci, monsieur Elston.

Vous avez la parole, monsieur McCool.

M. Terry McCool (vice-président, Affaires de l'entreprise, Compagnie pharmaceutique Eli Lilly): Il y a deux ans, nous avons témoigné devant votre comité à Montréal et nous vous avons alors présenté un mémoire où nous faisions état de notre position sur les droits de propriété intellectuelle compétitifs dans le contexte d'un accord de libre-échange mondial. Je voudrais simplement reprendre aujourd'hui certains des points que nous avions alors abordés.

Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada applaudissent aux efforts des gouvernements de l'hémisphère occidental pour enclencher des négociations sur le libre-échange. La conclusion d'un accord de libre-échange hémisphérique accélérera le développement et la croissance économique que connaît l'ensemble de la région et sera une bénédiction pour les consommateurs et les entreprises. La Rx&D est heureuse de pouvoir vous parler de ce qui lui tient le plus à coeur et de ce qui importe le plus pour ses compagnies membres.

L'existence de régimes qui protègent de manière efficace les droits de propriété intellectuelle est essentielle pour une industrie axée sur le savoir comme l'industrie de la recherche pharmaceutique. L'existence de régimes de propriété intellectuelle efficace et bien intégrée est essentielle à toute initiative d'ouverture des marchés des pays de la ZLÉA. Pour mettre en place ces régimes, il ne suffit pas, cependant, d'adopter des normes juridiques sous forme de lois nationales. Il faut des procédures efficientes et transparentes permettant de garantir certains droits—notamment en ce qui a trait aux brevets et aux marques de commerce—et aussi des moyens justes, opportuns et transparents d'assurer le respect de ces droits.

Les brevets protègent les inventions qui résultent de la R-D et sont universellement reconnues comme le moteur capital de l'innovation et du transfert technologique. En l'absence d'une protection convenable sous forme de brevets pour leurs inventions, les particuliers et les entreprises n'investiraient pas dans des travaux de R-D coûteux au Canada ou ailleurs et n'assumeraient pas non plus les risques souvent très élevés qui en découlent. Bien que les négociations de l'Uruguay Round qui ont conduit à l'ALÉNA et permis de réaliser des progrès considérables pour ce qui est d'abaisser les barrières tarifaires, la région n'en est pas moins à la merci de politiques gouvernementales arbitraires.

Les négociations en vue de la création de la ZLÉA devraient partir du principe de la conformité avec les obligations existantes en vertu de l'OMC et devraient servir à éliminer les barrières et les distorsions commerciales. Il faudrait en arriver à un accord global solide pour la ZLÉA qui non seulement ouvrirait les marchés d'Amérique latine aux exportations et aux investissements, mais qui contribuerait au maintien de la compétitivité des compagnies de recherche pharmaceutique de tout l'hémisphère.

La protection de la propriété intellectuelle est régie à l'échelle internationale par l'ADPIC, et je suis sûr que vous avez entendu de nombreux témoins vous dire qu'il s'agit de l'accord multilatéral le plus complet qui existe en matière de propriété intellectuelle. Cet accord s'applique aux droits d'auteur, aux marques de commerce, au dessin industriel et, bien entendu, aux brevets. Il traite des trois volets de la protection: l'établissement de normes, l'application des droits et la mise en place de mécanismes et de procédures pour le règlement des différends. Tous les pays qui ont signé cet accord en 1996 se sont engagés à améliorer leur législation en matière de propriété intellectuelle, la date butoir ayant été fixée à l'an 2000 pour certains pays industrialisés et à l'an 2005 pour les pays les moins développés.

Le processus d'innovation et le développement économique qui en découlent sont d'une importance cruciale pour la prospérité et la compétitivité des pays, quels qu'ils soient, et l'excellence dans tous les aspects des sciences et de la technologie est une condition essentielle de la réussite d'un régime d'innovation. Dans notre société moderne, les pays ne peuvent s'assurer d'une économie florissante et soutenir la concurrence internationale que dans la mesure où ils peuvent compter sur un bassin solide d'industries de pointe qui sont axées sur le savoir—et le Canada est un pays qui réussit très bien à ce chapitre.

Les gagnants, comme l'ont dit le premier ministre et les ministre des Finances et de l'Industrie à plusieurs reprises, seront ceux qui sauront prendre rapidement des mesures pour prévoir l'évolution de leurs compétiteurs et rester à la tête du peloton, se donnant ainsi une longueur d'avance pour pouvoir profiter des possibilités qu'offre cet environnement compétitif.

• 1005

Rx&D estime que la zone de libre-échange des Amériques est importante pour ce qui est d'assurer à tous une plus grande prospérité et une meilleure qualité de vie. En notre qualité d'acteur clé de l'économie du savoir, nous considérons que le gouvernement canadien devrait être vraiment déterminé à faire en sorte que la ZLÉA permette à tout un chacun de participer à l'économie du savoir.

Merci. Nous serions heureux de répondre à vos questions.

Le président suppléant (M. Stan Keyes): Merci beaucoup, monsieur McCool.

Je précise à l'intention de nos téléspectateurs que M. McCool représente la compagnie pharmaceutique Eli Lilly.

Merci beaucoup, messieurs, pour cet exposé que vous venez de nous présenter. Nous vous en sommes reconnaissants.

Par égard pour les membres du comité et pour nos témoins, je demanderais à ceux qui ont des cellulaires de bien vouloir les mettre en mode vibration ou de les éteindre. Merci.

Nous allons commencer le tour de questions par M. Martin.

Monsieur Martin, tour de cinq minutes.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, AC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci beaucoup à nos témoins d'être venus ici aujourd'hui pour nous parler de ce sujet d'importance capitale.

J'ai deux questions à poser. La première s'adresse à M. Traynor.

Monsieur Traynor, quelles mesures pourrions-nous prendre pour permettre aux manifestants de pouvoir vraiment participer au dialogue afin que la zone de libre-échange des Amériques soit un accord équitable? Il me semble que beaucoup des préoccupations des manifestants sont à l'ordre du jour des discussions qui auront lieu à Québec et qui devraient conduire à la conclusion de cet accord d'ici quelques années. Comment pouvons-nous faire en sorte que les opposants à l'accord puissent vraiment participer au processus pour éviter la vague de destruction qui a balayé les discussions de Seattle?

Et comment pensez-vous que nous pourrions faire incorporer à l'accord des normes sur le travail et l'environnement qui nous permettraient d'en arriver à des normes internationales? Beaucoup des problèmes qui se posent à cet égard, comme M. Cosbey et vous-même le savez, sont d'ordre international; c'est notamment le cas des problèmes environnementaux. Par ailleurs, nous souhaitons tous ardemment que les gens des pays en développement aient droit de meilleures normes en matière de travail et d'environnement que ce qu'ils ont aujourd'hui. Comment faire alors pour incorporer ces normes dans un accord qui nous permettrait d'en arriver à un accord multilatéral international tout en respectant l'autonomie des États nations?

Je voudrais que M. Cosbey et M. Traynor répondent tous deux à ces questions.

M. Ken Traynor: Je crois que, pour réaliser ces objectifs, il faut d'abord et avant tout une volonté politique claire. C'est ce qui a fait défaut jusqu'à maintenant dans les discussions préalables aux négociations, au sommet qui doit avoir lieu ici—quelle preuve avons-nous qu'on a la volonté politique de réaliser ces objectifs?

J'ai deux exemples à vous présenter rapidement. Si vous demandiez au Congrès du travail du Canada ce qu'il en est des normes du travail... le Congrès a participé étroitement aux discussions concernant l'Accord de libre-échange nord-américain. Vous vous souviendrez que les médias avaient à l'époque de ces négociations accordé beaucoup d'attention aux problèmes relatifs à l'environnement et au travail qui existaient dans les régions frontalières—les régions situées à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. À l'époque, on disait que le libre-échange éliminerait tous les problèmes à ce chapitre, qu'il nous conduirait à un monde meilleur et que nous aurions des accords parallèles sur l'environnement qui corrigeraient la situation.

C'était là ce que promettaient les politiciens. Mais quiconque s'est déjà rendu à cette frontière sait que rien de ce qui avait été promis par les politiciens n'a été réalisé. Pas plus tard que le mois dernier, des représentants d'un petit syndicat qui se trouvaient à la frontière mexicaine se sont présentés en vue d'élire leurs représentants syndicaux. Il ne s'agissait pas d'un scrutin secret, et on a beaucoup usé d'intimidation contre eux. Ces droits ne sont donc pas encore réalité pour eux. Il y a déjà sept, huit ou neuf ans qu'on leur avait promis que le libre-échange éliminerait tous ces problèmes.

Il doit donc y avoir, dès le départ, une expression claire de la volonté politique.

À quoi pourrions-nous nous attendre comme expression de la volonté politique? Nous pourrions peut-être entendre de la bouche de—je ne parle ici que du Canada—du premier ministre Chrétien que ses préoccupations, celles qu'il a l'intention de présenter au sommet de Québec, comprennent ces problèmes. J'ai beaucoup entendu parler, par exemple, de l'importance d'avoir une population hémisphérique branchée, j'ai entendu les ministres de tout l'hémisphère dire qu'il faut s'assurer que tout le monde soit sur Internet et que nous aurons ainsi une démocratie dynamique. Nous avons un ordinateur chez nous, et les Canadiens ont relevé le défi d'Internet. Mais que dire à une travailleuse du textile de Ciudad Jubrez qui gagne 2 $ par jour? Comment peut-elle, avec ces 2 $ par jour, s'assurer un train de vie qui lui permette d'assurer à ses enfants l'éducation qu'elle souhaite pour eux, les branchant sur Internet pour qu'ils puissent profiter de toutes les occasions qui s'offrent à eux?

• 1010

Ainsi, le discours des dirigeants à ce sujet ne rejoint pas les véritables préoccupations des gens dans leur quotidien, qu'il s'agisse d'environnement ou de travail. Ce n'est pas, comme je l'ai dit, l'imagination qui manque pour ce qui est d'incorporer tout cela dans les accords de libre-échange, mais il faut d'abord qu'il y ait cette volonté politique. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on pourra commencer à parler des détails.

Le président suppléant (M. Stan Keyes): Monsieur Martin, votre temps de parole est écoulé, mais nous allons permettre à l'autre témoin de répondre à votre question, car vous aviez posé deux questions. Je crois que vous vouliez aussi que M. Cosbey réponde à la question?

M. Aaron Cosbey: Je serai très bref.

Le président suppléant (M. Stan Keyes): Merci, monsieur Cosbey.

M. Aaron Cosbey: À certains égards, il est déjà trop tard. Si ce dont vous parlez, ce sont les moyens à prendre pour s'assurer que le processus devant conduire au sommet de Québec soit celui qui convient, nous avons raté des occasions dont nous aurions dû profiter, notamment l'occasion de consacrer des ressources suffisantes dans l'évaluation de la ZLÉA, de convaincre la population de notre intention de prendre tout cela au sérieux et de rendre public le texte sur lequel porteront les négociations de même que le document qui y conduit. Si ce qu'on recherche, ce sont les affrontements, les cocktails Molotov, il suffit de mener les négociations dans le secret et de ne pas rendre le texte public. Je suis extrêmement surpris, à la lumière de l'expérience de l'AMI, que les gouvernements de l'hémisphère n'aient pas appris cette leçon-là.

Il y a certaines mesures qui peuvent toutefois encore être prises, y compris de renforcer le processus d'évaluation et d'y participer à fond et aussi de tenir des points de presse quotidiens à l'intention des représentants de la société civile qui se trouveront à Québec, au fur et à mesure que les négociations se poursuivront, comme l'ont fait les ministres aux deux dernières rencontres qu'ils ont tenues dans le contexte de l'OMC. Il y a donc des mesures que nous pouvons encore prendre, mais le fait est que nous avons déjà raté l'occasion de nous assurer que le déroulement des discussions à Québec sera pacifique.

Votre dernière question, sur la façon de s'assurer que l'accord conduise à un relèvement des normes à l'échelle de l'hémisphère, est excellente. Permettez-moi à cet égard un parallèle des différences entre l'UE et l'ALÉNA. L'ALÉNA est un accord très faible sur le plan institutionnel. Il s'agit d'un accord commercial, qui n'établit aucune institution supranationale, comme celle dont le Parlement de l'UE s'est doté, à savoir le conseil de l'Europe, et il y a peu d'occasions de garantir le genre d'harmonisation que vous semblez rechercher. L'ALÉNA comprend toutefois des dispositions utiles, bien que d'une portée limitée. Ainsi, en vertu de l'article 14, les citoyens peuvent se plaindre de ce que leur pays n'applique pas la législation existante en matière d'environnement. C'est là quelque chose d'utile. Je voudrais qu'on reprenne cette disposition dans le contexte de la ZLÉA, mais je crois qu'il y a peu de chances qu'on le fasse.

En l'absence d'une enceinte comme la Commission européenne, qui peut émettre des directives auxquelles tous les pays membres doivent obligatoirement se conformer et qui, chose très importante, peut acheminer des fonds vers les pays qui n'ont pas les moyens financiers de s'acquitter de leurs engagements—ces efforts au chapitre du renforcement des capacités et des transferts sont très importants—je dirais qu'il faut attendre que l'effet de la percolation conduise en bout de ligne à l'harmonisation. Comme nous le savons, il s'agit là d'un processus qui est très long.

Le président suppléant (M. Stan Keyes): Je vous remercie. Merci d'avoir été bref.

Chers collègues, n'oubliez pas que nous avons droit à cinq minutes chacun. Si vous posez une question de quatre minutes, il ne reste pas beaucoup de temps pour y répondre.

Monsieur Paquette, vous avez la parole.

[Français]

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): D'abord, merci beaucoup pour vos présentations. Je pense qu'on aura amplement de questions pour meubler les quelques minutes que nous allons passer ensemble. Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier M. Bertrand de l'aide qu'il nous donne dans la préparation du Forum sur les parlementaires du 7 avril et réitérer l'invitation à l'ensemble des parlementaires de la Chambre des communes à participer à cette rencontre sur le rôle des parlementaires et sur le rôle de la société civile, et sur les liens entre les deux. Je pense que le rapport que la Commission des institutions a rendu public soulève bien ces questions-là.

Mais je vais surtout profiter de votre présence pour aborder une question qu'on n'a peut-être pas suffisamment développée jusqu'à présent dans notre travail, c'est-à-dire les liens entre le gouvernement fédéral et les provinces, le Québec en particulier. On sait que les provinces ont demandé un mécanisme formel pour être intégrées à la négociation. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de réponse. C'est particulièrement important pour le Québec à cause de sa spécificité nationale. Est-ce que l'idée d'avoir, au sein des équipes de négociation canadiennes, des représentants du gouvernement du Québec en est une qui pourrait faire partie des conclusions du rapport de ce comité, monsieur Bertrand?

• 1015

M. Roger Bertrand: La commission, dans son rapport, ne va pas jusqu'à proposer un mécanisme formel, jusqu'à détailler un tel mécanisme, mais effectivement, le rapport comporte des indications claires sur le fait que dans le régime dans lequel nous sommes, nous avons, au niveau du Québec et de l'ensemble des provinces, des responsabilités très claires à assumer dans nos champs de responsabilité et d'autres dans des champs de responsabilité partagée. Là aussi nous avons, par voie de conséquence, des responsabilités à assumer. Effectivement, nous sommes d'avis qu'un lien beaucoup plus clair et beaucoup plus formel devrait exister entre les provinces et, notamment, entre le Québec et le fédéral dans ces questions.

J'illustrerais un seul exemple d'un tel mécanisme. Ayant déjà agi comme ministre responsable de l'Industrie et du Commerce et ayant déjà participé à des rencontres fédérales-provinciales, j'ai constaté que sur des questions de commerce international, on n'avait pas tout à fait la même approche, structurellement, que sur les questions de commerce interprovincial. Imaginez que lorsque les ministres de l'Industrie et du Commerce se réunissent pour discuter de commerce interprovincial, c'est sous une coprésidence. Il y a effectivement un président, qui est le ministre responsable du Commerce extérieur du Canada, et il y a un ministre provincial qui est nommé ou élu par ses pairs pour représenter les provinces à la table. Alors, il s'agit d'une coprésidence.

À titre d'illustration, serait-il impensable qu'au niveau des négociations, dans les dossiers internationaux, nous puissions également agir conjointement et répéter, au niveau du commerce international, le modèle qu'on applique au niveau du commerce interprovincial? Pourquoi pas? Nous avons, comme province et donc comme Québec, des responsabilités à assumer, et je pense qu'un tel principe, s'il est bon pour le commerce interprovincial, pourrait être aussi bon pour le commerce international. C'est juste une illustration.

Or, à cette question que j'avais soulevée brièvement, on a eu une fin de non-recevoir à ce moment-là. Donc, on n'a pas senti, au sein de la commission, beaucoup d'ouverture, d'après les témoignages que nous avons eus, sur un renforcement des liens ou de la participation du Québec et de l'ensemble des provinces au processus.

M. Pierre Paquette: Je pose ma question à M. Cosbey, et peut-être que M. Traynor pourrait ensuite enchaîner.

Sur la question du chapitre 11 de l'ALÉNA, qui soulève beaucoup de questions—je pense que les trois intervenants ici l'ont souligné—ce qui nous est souvent présenté comme argument, c'est que, finalement, il y a seulement eu trois poursuites contre le gouvernement canadien au total. J'aimerais savoir quel montant d'argent ces poursuites-là totalisent, selon vous. Est-ce que le chapitre 11, finalement, n'est pas un si grand danger et est-ce qu'il peut constituer une base intéressante de négociation? Je voudrais d'abord savoir si vous avez évalué le montant des poursuites et, deuxièmement, si vous pensez que le chapitre 11 constitue effectivement une mauvaise base de négociation. M. Pettigrew, pour sa part, avait évalué les poursuites à 380 millions de dollars.

[Traduction]

M. Aaron Cosbey: Ce sont là d'excellentes questions. Il n'est toutefois pas évident d'y répondre, car la différence entre le montant demandé en vertu du chapitre 11 et celui qui est accordé au bout du compte est généralement énorme. Ainsi, Ethyl demandait des centaines de millions de dollars et s'est retrouvée avec un règlement de 18 millions de dollars. Sun Belt, qui poursuit la province de la Colombie-Britannique, demande près d'un milliard de dollars, d'après ce que j'en sais, mais on estime qu'elle obtiendra beaucoup moins que cela. Il est donc difficile de répondre.

• 1020

Je préfère essayer de répondre à votre deuxième question, qui à mon avis est plus importante, celle de savoir s'il y a vraiment là une menace. La prolifération des contestations—et il y en a 17 au total à l'heure actuelle, pas uniquement contre le Canada, mais pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, dont 10 qui traitent de questions environnementales—et le rythme de plus en plus effréné auquel ces poursuites sont intentées nous amènent à penser qu'on s'en sert maintenant comme d'un outil stratégique pour faire du lobbying. Il en coûte très peu pour lancer une contestation; il suffit de déposer un avis d'intention d'aller à l'arbitrage qui ne coûte que quelques milliers de dollars, et l'effet sur les organismes gouvernementaux chargés de la réglementation est incroyable, puisqu'ils doivent examiner les répercussions financières de leurs règlements. À vrai dire, les avocats en cause présentent la contestation comme un outil stratégique dont les entreprises peuvent se servir pour s'en prendre à la réglementation ou obtenir réparation quand elles estiment faire l'objet d'un traitement injuste.

Nous considérons donc que la menace est grande. Les décisions rendues jusqu'à maintenant, y compris celle sur l'expropriation dans l'affaire Metalclad que nous trouvons très mal avisée, nous paraissent inquiétantes. Le tribunal avait statué dans cette affaire que l'expropriation pouvait viser tout ce qui aurait un effet commercial important. Bien entendu, tout règlement environnemental qui en vaut la peine a un effet important sur une ou plusieurs entreprises. Et si la norme qui est retenue nous oblige à indemniser l'investisseur pour toute répercussion importante, sans égard à l'effet discriminatoire ou injuste de la loi en question, cela se traduira par un gel de la gestion environnementale efficace dans le contexte nord-américain.

Le président: Merci.

Monsieur Traynor, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Ken Traynor: Il est intéressant de constater que, dans l'affaire Ethyl, le montant que le Canada a dû payer, qui s'élevait à l'époque à environ 19,2 millions de dollars canadiens, dépasse le budget global dont Environnement Canada disposait pour l'application et la conformité en 1998. Ethyl a donc reçu—et rappelons-nous le plomb dans l'essence et toutes les répercussions qui en sont découlées depuis le tout début—cette année-là plus qu'Environnement Canada n'a reçu pour l'application et la conformité. Voilà qui suscite de graves interrogations quand au rôle de ces accords et à la façon d'assurer l'équilibre par rapport à l'intérêt public.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Paradis.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci aux gens du panel d'être ici ce matin.

Avant de poser ma question, je vais faire quelques commentaires sur ce que M. Bertrand nous disait. M. Bertrand nous a parlé de déficit de transparence, de déficit démocratique et du partage de la richesse, si je résume un peu les trois points principaux que j'ai retenus.

Au niveau de la transparence et du déficit démocratique, il s'agit, selon mon humble point de vue, d'un sommet des chefs d'État. Alors, à partir du moment où c'est un sommet des chefs d'État, quelle est la place des parlementaires et quelle est la place de la société civile? Je pense que dans l'exercice que nous faisons encore ce matin et qu'on a fait dans le passé, une place assez importante a été donnée à la société civile et aux parlementaires.

Pour ce qui est de la société civile, bien sûr, il y a le sommet parallèle, le Sommet des peuples des Amériques, auquel le gouvernement canadien contribue et auquel le gouvernement du Québec contribue aussi. Je pense que ce qui est important, autant pour la société civile que pour les parlementaires, comme élus, c'est de trouver un forum pour faire part des préoccupations de nos concitoyens. Ce forum, bien sûr, et le genre de discussions que nous avons ce matin, lorsqu'elles sont rapportées dans la presse, etc., aident à pousser des sujets.

Dans un autre ordre d'idées, je vois le sommet comme étant un endroit privilégié où on peut faire avancer les choses globalement, faire avancer nos valeurs démocratiques, nos valeurs en matière d'environnement, nos valeurs en termes de mieux-être des populations des pays d'Amérique. Dans cet ordre d'idées, je me dis que nous sommes des voisins. On a un voisin important, les États-Unis, avec lequel nous avons l'habitude de faire des affaires régulièrement. Nous avons cette proximité et nous avons aussi, au Canada, deux cultures: la culture latine et la culture anglo-saxonne. La culture latine va nous permettre de nous rapprocher de l'ensemble des pays d'Amérique du Sud.

• 1025

Vous avez parlé tout à l'heure d'une population de 800 millions d'habitants dans l'ensemble des Amériques. Si on soustrait les quelque 300 millions d'habitants des États-Unis, il en reste quand même 500 millions qui partagent cette culture latine.

Nous avons un système de droit double: le droit civil et le common law. Le droit civil se retrouve au Québec et dans l'ensemble des pays d'Amérique du Sud et le common law se retrouve ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Alors, il y a un paquet de points positifs qui font en sorte que le Canada, à mon humble avis, devrait profiter encore plus de ce positionnement, pas juste pour faire avancer le commerce, mais aussi pour faire avancer des dossiers comme celui des droits de l'homme, comme celui la démocratie, comme celui de l'environnement. Je voudrais avoir l'opinion de M. Bertrand sur ce que nous pourrions faire de plus pour mettre en évidence cette position privilégiée que nous avons comme pays, le Canada, dans l'ensemble des Amériques.

M. Roger Bertrand: Monsieur le président, je pense que notre collègue M. Paradis a tout à fait raison lorsqu'il dit qu'on a de grands bénéfices à retirer d'une meilleure et d'une plus grande intégration à l'échelle des trois Amériques. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Québec, encore une fois, toutes tendances confondues, a toujours été un ardent promoteur des zones de libre-échange et a défendu, dès l'origine, l'ALÉ et l'ALÉNA, par exemple.

Cependant, nous estimons que ça ne doit pas se faire à n'importe quelles conditions. Nous estimons qu'en même temps qu'on développe un projet d'accord de libre-échange à l'échelle des trois Amériques, on doit aussi simultanément s'intéresser avec autant d'ardeur aux trois autres grands volets que je mentionnais tout à l'heure et que je ne répéterai pas. Je pense que vous les connaissez bien.

Alors, la première condition, de notre point de vue, c'est qu'on puisse avancer correctement sur tous les fronts à la fois, et non pas faire des autres volets, ceux de la démocratie, de l'environnement, de la lutte contre la pauvreté, de la discrimination, etc., les wagons de queue d'un grand ensemble. Je pense qu'on a des croûtes à manger, du rattrapage à faire.

Deuxièmement, vous avez raison de dire qu'il s'agit du sommet des chefs d'État, mais il s'agit en même temps d'un projet d'intégration hémisphérique, avec cette composante de zone de libre-échange, qui concerne l'ensemble des citoyens et ceux qui ont la tâche fantastique, mais en même temps difficile, de représenter les intérêts de ceux qui les ont élus. À cet égard, nous sommes devant un déficit démocratique à partir du moment où non seulement les gouvernements, les exécutifs—et ce n'est pas spécifique au gouvernement canadien—laissent, je pense, peu de place aux parlementaires dans ces questions-là, et dans la mesure aussi où les parlementaires eux-mêmes n'ont pas agi pour véritablement prendre leur place. Alors, une partie de la réponse est dans notre cour.

M. Cosbey disait tout à l'heure qu'il est est déjà trop tard pour réaliser un certain nombre de choses. Il est vrai qu'il est déjà trop tard, mais en même temps, si on se donnait la peine d'ajuster le calendrier pour permettre de combler à la fois le retard en matière d'information, le retard démocratique et le retard de certains volets, on pourrait très bien rattraper tout cela et avoir un processus d'intégration hémisphérique qui soit davantage dans l'ordre et la mesure.

[Traduction]

Le président: Merci.

Madame Davies.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui.

Il me semble qu'il est trop facile de s'en prendre à des actes isolés commis par des manifestants, comme fracasser des vitres. Il ne fait aucun doute que la vague d'opposition et de dissidence, à l'égard non pas seulement de la ZLÉA mais aussi de tous ces accords de libéralisation des échanges, prend de plus en plus d'ampleur.

J'étais justement dans cette salle dimanche, de même que mes collègues Alexa McDonough et Svend Robinson, en compagnie de plusieurs centaines de résidents d'Ottawa qui participaient à l'atelier sur la ZLÉA, où nous avons discuté de mesures de dissidence et de désobéissance civile non violentes que nous avons mises en pratique. Je crois qu'il est trop facile de se concentrer uniquement sur des actes isolés. Ce n'est pas là ma question cependant.

• 1030

Je voulais revenir en fait à certains des propos de M. McCool, qui disait que ces accords accéléreront la croissance économique et seront une bénédiction pour les particuliers et les entreprises et qu'il en résultera une meilleure qualité de vie pour tous.

Mardi de cette semaine, nous avons entendu des témoins du Conseil canadien pour la coopération internationale. On peut lire dans un des documents publiés par ce groupe, qui s'intitule Global Action Against Poverty, que le commerce n'était pas censé être une fin en soi ni un moyen pour les riches de s'enrichir au détriment des pauvres. Avec de nombreuses preuves à l'appui, le groupe montre que, dans les faits, l'écart entre riches et pauvres s'est considérablement élargi à la suite de ces accords commerciaux qui ne cessent d'évoluer, sans parler des ravages qu'a subis l'environnement et de la détérioration des normes du travail, de la déréglementation du travail et j'en passe.

J'ai deux questions. Nous avons entendu aujourd'hui un plaidoyer en faveur des droits de propriété intellectuelle, mais l'envers de la médaille, c'est qu'on refuse des médicaments essentiels à des gens qui meurent du sida, ou encore de la tuberculose ou de la malaria. C'est une question qui fait d'ailleurs l'objet de poursuites.

Je voudrais donc, monsieur Traynor, car je sais que vous vouliez en dire plus à ce sujet, que vous nous parliez de l'effet de cet ADPIC, ou des droits de propriété intellectuelle, pour ce qui est de priver les gens de médicaments essentiels.

Mon autre question, qui s'adresse à M. Cosbey, concerne le chapitre 11 de l'ALÉNA. Mon groupe parlementaire, le NPD, tente d'obtenir du gouvernement qu'il énonce clairement sa position face au chapitre dans le cadre de la ZLÉA. Bien que, comme vous dites, il ne cherche pas à obtenir des droits pour les investisseurs ni la possibilité de poursuivre les gouvernements, il refuse de dire quelle sera sa position si la question est soulevée.

Entre-temps, on voit aux effets de l'affaire Metalclad. Je suis de Vancouver. La cause a été portée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'une municipalité mexicaine qui a refusé d'accueillir une décharge pour déchets toxiques. C'est donc une affaire dont les répercussions sont incroyables, pas seulement aux niveaux international et national, mais aussi au niveau municipal. Vous pourriez peut-être vous prononcer sur cette question aussi.

Le président: Qui veut commencer?

Mme Libby Davies: M. Traynor pourrait parler des médicaments essentiels, et ensuite M. Cosbey de l'environnement et des municipalités.

M. Ken Traynor: La question de l'accès aux médicaments essentiels témoigne à mon avis d'une évolution très intéressante de l'engagement social au niveau international. Voici la situation: Dans plusieurs cas, même si les médicaments doivent leur existence à la créativité intellectuelle des gens, et l'on peut ainsi remédier à des problèmes graves de santé publique, et ce problème se pose en réalité à l'échelle mondiale—l'Afrique du Sud en est un bon exemple—et il se pose aussi la question du prix des médicaments, bref, tout cela démontre qu'un gouvernement ne peut pas remédier aux difficultés relatives à la santé publique parce qu'il n'a pas les moyens de fournir l'assistance médicale qui existe pourtant.

Dans la plupart des cas, le coût des soins médicaux n'est pas une question de fabrication, il est plutôt attribuable à toute la dynamique qui entoure le rendement que peuvent obtenir les entreprises pharmaceutiques qui contrôlent les brevets. Ce qui nous amène au coeur du problème: Va-t-on essentiellement laisser des personnes mourir alors que les autorités chargées de la santé publique ont à leur disposition des outils qu'elles pourraient utiliser mais n'ont malheureusement pas les ressources qu'il faut pour ce faire? La question à la communauté internationale devient donc essentiellement celle-ci: Comment allons-nous régler ce problème? Voilà où se pose, dans le cadre de structures comme celles des accords commerciaux, toute la question des urgences en matière de santé publique et le reste.

C'est une question complexe, mais les choses en sont rapidement venues au point où le gouvernement de l'Afrique du Sud a répondu à ce besoin très réel que pose le traitement du VIH et du SIDA, car il s'agit d'un problème colossal qui bouleverse la société sud-africaine ainsi que son économie. Pour remédier à la situation, le gouvernement a proposé une loi qui lui permet d'importer des médicaments d'un producteur de l'Inde, lequel peut produire ses médicaments et les vendre à l'Afrique du Sud à un prix qui est de loin inférieur à celui qu'il faudrait payer en vertu du régime international.

• 1035

C'est une longue histoire. Le gouvernement sud-africain a dû contrer sur ce point une foule contestations d'ordre diplomatique et juridique. Au niveau international, des organisations comme Médecins sans frontières et ACT UP des États-Unis sont également intervenues. C'est donc devenu une question à caractère très politique, qui comporte aussi des considérations d'ordre pratique et juridique.

Mais on trouve là réunie, à mon avis, la substance de toute tentative visant à créer une politique gouvernementale novatrice à l'échelle internationale. Le besoin doit être extrêmement évident. Les problèmes que posait l'accord commercial et sa mise en oeuvre étaient clairs et bien connus. Des intervenants non gouvernementaux et des intervenants agissant par l'entremise de l'Organisation mondiale de la santé sont alors intervenus, et ils ont énoncé clairement la question: Allons-nous laisser des personnes mourir parce qu'un certain accord commercial prévoit un régime particulier?

Allez un peu plus loin ici, et vous allez voir apparaître un nouveau genre d'engagement social novateur, où des gouvernements modifient la réalité des structures d'établissement des prix; les entreprises se défendent, et la situation est en ce moment très fluide. Notre premier ministre, j'ai été heureux de l'apprendre, s'est d'ailleurs entendu avec le premier ministre de l'Italie pour que cette question figure à l'ordre du jour de la prochaine rencontre du G-8. Mais je crois qu'il faut désormais admettre que c'est grâce à l'énergie créatrice qui a été suscitée partout dans le monde qu'on retrouve cette question à l'ordre du jour du G-8. Notre premier ministre n'avait pas décidé de lui-même d'engager son prestige politique dans cette affaire.

Voilà à mon avis la réalité du monde dans lequel nous vivons. J'espère encore que nous allons trouver des moyens novateurs de remédier à ces questions, et que nous ne laisserons pas ces accords commerciaux dicter essentiellement la forme que nous allons donner à notre politique gouvernementale.

Le président: Vouliez-vous ajouter un mot, monsieur Cosbey?

M. Aaron Cosbey: Oui, dans un instant.

Je serais heureux de prendre une minute pour vous exposer les détails scabreux de l'affaire Metalclad parce qu'elle démontre comment le chapitre 11 de l'ALÉNA dépasse les préoccupations strictement environnementales et pose la question de la souveraineté et de la primauté du droit.

Le président: Nous avions cinq minutes pour les questions, et nous en sommes maintenant à huit minutes, je ne vous en donnerai donc pas plus.

M. Aaron Cosbey: Dans cette affaire, une entreprise spécialisée dans les déchets dangereux a voulu s'installer dans une municipalité du Mexique et n'a jamais obtenu le permis municipal qu'il lui fallait pour bâtir son installation. Elle avait obtenu tous les permis fédéraux et on lui avait assuré au niveau fédéral que tout était en ordre et qu'elle pouvait aller de l'avant même si elle n'avait pas obtenu son permis municipal.

Le gouverneur de l'État a fini par stopper tout cela en déclarant la région réserve écologique. Le tribunal dans cette affaire a statué que l'assurance fédérale obligeait le gouvernement du Mexique à autoriser l'ouverture de cette usine. En ce sens, le tribunal a donné aux assurances qu'avaient données les bureaucrates à un certain palier de gouvernement une importance douteuse sur le plan de la compétence—comme si un fonctionnaire fédéral était en substance habilité à supplanter la compétence de l'autorité municipale. Selon les spécialistes en droit constitutionnel qui ont témoigné pour le compte du Mexique, l'autorité municipale était habilitée à refuser ce permis.

On voit dans cette affaire un tribunal qui statue sur des questions de légitimité constitutionnelle au Mexique, et dont le verdict troublant va droit au coeur de la souveraineté du pays, droit au coeur de la capacité des diverses compétences de prendre des règlements pour protéger l'environnement.

Voilà pourquoi votre question, pour ce qui est de savoir si nous aurons l'assurance du ministre qu'il ne cherchera pas à imposer ce genre de mécanisme dans le cadre de la ZLÉA, est à notre avis extrêmement importante. Si j'avais l'assurance d'obtenir un résultat favorable, je n'en parlerais pas aujourd'hui. Il y a 33 autres pays qui prennent part à cette négociation. Nous allons voir où tout cela va aboutir.

Le président: Bien.

Je ne veux pas entrer dans tout le débat juridique qui entoure cela, mais c'est vous qui avez soulevé cette question, et Mme Davies a mentionné que cette affaire se trouvait devant les tribunaux de la Colombie-Britannique. Les tribunaux de la Colombie- Britannique doivent-ils déterminer si l'on peut annuler une décision selon l'interprétation que vous dites, parce que l'on portait atteinte au droit constitutionnel du Mexique et que l'on interprétait mal l'autorité donnée par le gouvernement fédéral? C'est ce que j'ai compris.

Pouvez-vous répondre par un oui ou un non? Un avocat ne répond jamais par oui ou non.

M. Aaron Cosbey: Je ne peux pas vous donner un oui ou un non. Je ne suis pas avocat.

Le président: D'accord, vous pouvez alors peut-être répondre.

Des voix: Ah, ah!

• 1040

M. Aaron Cosbey: Il n'existe pas de mécanisme d'appel effectif en vertu du chapitre 11, le seul mécanisme d'appel qui s'offre alors à la partie perdante est un recours à la compétence où le tribunal a siégé, ou elle peut plaider que le tribunal a commis des erreurs de droit tellement aberrantes qu'il n'a plus compétence pour statuer sur la question.

Le président: J'imagine que l'erreur de compétence dans cette affaire repose sur une interprétation erronée.

M. Aaron Cosbey: C'est un des arguments que le Mexique fait valoir, oui.

Le président: Oui. C'est bien ce que j'avais compris aussi.

Monsieur Elston, je vais vous donner la parole, mais très, très brièvement parce qu'encore là, nous dépassons l'horaire, mais vous vouliez intervenir.

Voulez-vous dire quelques mots, très rapidement, sur la question des compagnies pharmaceutiques?

M. Murray Elston: Bien sûr.

Pour ce qui est de l'accès aux médicaments essentiels, il est évident que ce problème en Afrique subsaharienne est extrêmement aigu. On a recentré nos efforts pour créer un partenariat entre diverses organisations qui devront trouver remède à ce qui constitue maintenant de toute évidence une pandémie.

Voilà qui servira à quelque chose. Mais il ne sert à rien aux gens de simplifier une affaire très complexe et dire que le prix des médicaments, étant donné les règles de protection des brevets de l'OMC, est le seul obstacle insurmontable à la fourniture de ces médicaments. Ce n'est évidemment pas le cas. La fourniture des médicaments est un problème en soi. Le fait d'avoir sur place des professionnels de la santé qui collaboreront à l'administration des médicaments, à l'édification des infrastructures—pas seulement en Afrique du Sud mais dans toute une série d'autres pays—est aussi extrêmement important.

Tout comme c'est le cas dans d'autres domaines, les compagnies pharmaceutiques aimeraient prendre part à des partenariats pour remédier à cela. Mais le fait d'éliminer toute prévisibilité dans la protection des inventions, de laisser à n'importe qui la possibilité de s'emparer d'une initiative très créatrice et très coûteuse et de dire: «Votre produit n'est plus protégé par ces règles», serait une erreur très grave. Les gens ne seraient plus capables de réinvestir de l'argent dans le processus d'invention sur lequel nous comptons tous. Et ce processus est d'autant plus essentiel dans la recherche de nouveaux médicaments qui nous permettront de contrer le sida, et tout le monde sait que c'est une maladie particulièrement virulente, qui évolue très rapidement. Il n'est d'ailleurs pas surprenant que ce soit un de nos plus grands défis en ce moment.

Nous en sommes donc là. Nous sommes sur le terrain. Nous souhaitons des interventions internationales. Je serais heureux d'en parler plus longuement, peut-être dans un autre forum, mais voilà la version abrégée et improvisée de ce que j'ai à dire à ce sujet, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. D'autres pourront revenir à cette question.

Monsieur Harvard, s'il vous plaît.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui.

Nous avons beaucoup entendu parler de processus ce matin et plus tôt au cours de nos audiences. C'est très légitime; un processus peut avoir la même importance que la substance. Certains ont déclaré sans ambages que les négociations menant au sommet de Québec cachent les desseins sinistres et sournois des gouvernements, qui essaient de berner les peuples de notre hémisphère. On a dit que tout était peut-être arrangé d'avance, peu importe quoi.

Il ne fait aucun doute que les parlementaires sont pris entre deux feux, entre l'ouverture et la transparence—ou la démocratie, si vous préférez—d'une part, et la nécessité d'agir, d'autre part. Parce que je suis de cette école de pensée qui croit qu'il faut apporter des changements, qu'il faut qu'il y ait une intégration quelconque, que les échanges doivent être plus libres.

Quand j'entends M. Traynor ou d'autres, j'en déduis qu'ils n'aiment pas le processus démocratique que l'on emploie. Au lieu de laisser les gouvernements faire leur travail, il faut ici laisser les bureaucrates négocier certains textes pour qu'il y ait un point de départ, ils préféreraient faire intervenir tous les groupes les plus disparates qui soient à la surface de l'hémisphère, et je ne dis pas cela méchamment, réunir tous ces groupes disparates dans une pièce et tout recommencer à partir de zéro avec tout le monde.

J'imagine que ce serait très démocratique; mais je ne crois pas qu'un tel processus soit très fructueux. Mais on s'en prend vivement aux gouvernements quand on leur permet de faire une partie de ce travail. Oui, il faudra aboutir à un moment donné à ce qu'on appelle un document de négociation qui reflétera à tout le moins un certain consensus, mais ça ne sera pas le produit fini.

• 1045

À mon avis, il ne fait aucun doute que le texte de négociation paraîtra plus tôt que tard.

Je comprends aussi que l'accord final—si jamais on obtient cet accord final—ne sera pas conclu avant 2005. Disons donc qu'on obtient le texte à Québec. On pourrait même l'avoir après Buenos Aires. N'aurons-nous pas le temps dans les trois ou quatre prochaines années de faire le travail démocratique qui est nécessaire? Avons-nous les mains liées à ce point par ce document de négociation que des groupes comme le vôtre, qui a des préoccupations légitimes, se retrouvent marginalisés et comme qui dirait exclus du processus? Vous ne pouvez pas travailler. C'est ce que j'essaie de comprendre.

Maintenant, si vous êtes de ceux—et je ne dis pas que c'est votre cas à vous—qui croient que le statu quo est suffisant, bien sûr, vous allez alors naturellement vous opposer à ce que les rouages fonctionnent. Je ne dis pas que c'est ce que vous dites. Mais il y en a qui disent que tout ce processus est très sournois. J'espère que ce n'est pas le cas. Et j'espère que les gouvernements participants vont abattre leur jeu—pour ainsi dire—en présentant un texte de négociation et que nous allons voir en quoi consiste ce document de départ. Et s'il y a là-dedans quelque chose de terrible, et j'ai la certitude que ce sera le cas, ne ratez pas votre chance.

Vous pouvez répondre. Est-il trop tard? C'est peut-être là toute la question.

M. Ken Traynor: Eh bien, je crois qu'il intervient deux éléments ici. En réponse à ce que disait M. Elston sur le recentrage des efforts, ce qu'on essaie de dire essentiellement au Sommet des Amériques, c'est qu'il faut recentrer notre énergie pour régler une foule de problèmes et non consacrer toute cette énergie à la négociation de ces accords commerciaux. Je crois donc que c'est la première distinction qu'il convient de faire.

Pour en revenir à ce que vous dites au sujet de l'accord commercial et du texte, nous allons le passer à la loupe. Nous sommes profondément engagés dans des négociations et dans des discussions avec le gouvernement canadien relativement à ces positions, par exemple, pour ce qui est de l'Accord général sur le commerce des services. Nous savons que les personnes qui négocient l'Accord général sur le commerce des services sont les mêmes qui négocient les chapitres sur les services de l'accord de libre-échange des Amériques.

Ayant pris une part active à tout cela, nous n'avons pas la certitude qu'on dispose des ressources voulues au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour peser sur le cours des choses, et la nature de l'examen de ces questions va droit au coeur des défis relatifs à la politique gouvernementale dont nous avons été témoins dans la négociation de ces accords commerciaux.

Par exemple, nous attendons maintenant depuis trois mois une réponse détaillée des négociateurs de l'Accord général sur le commerce des services relativement au texte sur la réglementation intérieure. Lorsque nous avons posé cette question pour la première fois, ils nous ont dit qu'ils trouvaient très intéressant de rencontrer des groupes comme le nôtre parce que nous posons des questions dont on ne fait pas état dans les discussions directes avec le secteur des entreprises. Nous posons des questions qui défendent la politique gouvernementale canadienne et qui ne sont pas soulevées dans ces autres forums.

Ils ont donc reconnu implicitement que nous posons des questions essentielles, mais le Canada vient de prendre position. On a discuté de ces questions au Cabinet et le ministère a fait connaître ses positions à Genève, et nous attendons toujours cette réponse. Nous avons donc compris qu'il nous faut prendre une part active à ces discussions. Plus nous intervenons tôt, meilleurs seront les accords qui seront négociés, et nous nous sommes engagés à faire marcher ce processus.

Mais je comprends les irritations des gens, qui ne sont peut-être pas engagés aussi activement dans le processus, qui se demandent de quoi on parlera au Sommet des Amériques et qui ont le sentiment qu'on ne parlera pas de choses qui sont à leur avis extrêmement importantes et qui devraient faire l'objet de discussions.

Le président: Monsieur Martin, s'il vous plaît.

M. Pat Martin: Merci beaucoup.

Monsieur Elston, je me demande si on pourrait reprendre la question précédente. C'est une question qui m'intéresse personnellement. Vous avez parlé de l'Afrique du Sud et du fait qu'on n'a pas accès aux médicaments anti-SIDA là-bas. Le Brésil vient de mettre de l'avant un plan novateur qui permet aux gens d'avoir accès aux médicaments anti-SIDA à bien meilleur marché, mais on conteste cette mesure.

• 1050

Je me demande si votre organisation a réussi à trouver des solutions qui permettront aux compagnies de recherche pharmaceutique de réaliser équitables, mais qui permettront aussi aux pays en voie de développement d'avoir accès aux médicaments qui peuvent vraiment sauver la vie, pas seulement pour le SIDA, mais aussi pour des maladies comme la malaria, la tuberculose, la bilhaziose, la cécité des rivières, maladies qui provoquent des décès en très grand nombre dans ces pays. Avez-vous réussi à trouver un équilibre où vos groupes—les compagnies que vous représentez—peuvent travailler avec la communauté internationale et créer ainsi un fonds quelconque ou fournir un accès aux médicaments qui répond à vos besoins aussi bien qu'aux besoins en santé de ces groupes?

Le président: Monsieur Martin, j'ai une question semblable. Je vais y joindre la mienne pour que vous n'ayez pas à y répondre deux fois. Nous sommes nombreux à nous intéresser vivement à cette question.

Je crois comprendre, par exemple, que dans le plan d'action qui émergera du sommet de Québec—et c'est ce que nous a dit le sherpa qui a témoigné devant notre comité—prévoit une disposition relative à l'accès aux médicaments dans les Antilles pour le sida et d'autres maladies, et que l'on déploiera des efforts dans le cadre de l'OPS pour offrir l'accès à des installations médicales virtuelles et autres choses de ce genre.

Donc, faisant suite aux observations de M. Martin et à votre réponse à la question qui a été posée plus tôt, dans quelle mesure les compagnies pharmaceutiques prennent-elles part à cela et sont-elles disposées à en faire un peu plus sans compromettre leurs profits?

M. Murray Elston: Mme Marleau allait-elle également poser une question?

Le président: Non. Mme Marleau interviendra après vous plus tard. Nous ne sommes pas tous sur votre dos.

M. Murray Elston: Ayant déjà siégé dans un forum comme celui-ci, une fois qu'on me donne le microphone, la partie est finie. J'espérais avoir 15 minutes pour parler librement.

Le président: Non, non vous n'en aurez pas autant.

M. Murray Elston: Je ferai alors quelques observations, très rapidement, si on me le permet.

Au sujet de la situation au Brésil, on s'imagine à tort que l'on conteste le programme anti-sida des Brésiliens. En fait, ce n'est pas du tout le cas. La contestation du programme brésilien tient aux exigences du contenu local, qui oblige essentiellement les fournisseurs à bâtir des usines et autres choses du genre au Brésil.

Je ne suis pas—je dois vous dire—un expert technique dans toute cette question, mais je me contenterai de dire que la contestation n'a rien à voir avec le sida. En fait, le programme anti-sida du Brésil doit son existence à plusieurs produits qui sont fournis par des fabricants de médicaments de marque déposée, qui ont aidé le gouvernement à orchestrer une stratégie qui a connu un succès relatif, du moins d'après ce que j'ai compris.

Deuxièmement, le Brésil est probablement un pays beaucoup mieux développé que certains pays de l'Afrique subsaharienne, où l'inquiétude est à mon avis extrêmement justifiée. Dans ces pays, plusieurs entreprises à l'échelle internationale ont fait la preuve qu'elles étaient disposées à prendre des mesures—à fournir les produits—mais aussi à collaborer à une stratégie qui permettra d'administrer ces produits, chose importante.

Nombreux sont ceux qui ont fait valoir que nous n'avions peut-être pas agi assez rapidement. Mais il faut du temps pour organiser la collaboration d'une série d'intervenants clés, qui doivent se présenter à la même table au même moment pour tout faire. C'est ce qui commence à se faire. Nous avons conclu des accords avec un certain nombre de pays pour venir en aide à leur population qui souffre du sida.

Il y a deux autres aspects, qui sont extrêmement importants pour moi. Vous avez mentionné la cécité des rivières et la tuberculose. Des entreprises ont fait des dons à l'échelle internationale, elles ont en effet donné leurs produits, mais tout en s'assurant encore une fois que ces produits seraient administrés par des personnes dûment formées.

Pour ce qui est de cet équilibre que l'on recherche, le troisième élément tient au fait qu'au Canada, en particulier, nous avons créé un partenariat avec un groupe qui s'appelait autrefois Map International, qui était dirigé par John Kelsall, sous les auspices en fait de l'ancien président de la Chambre, l'honorable Gilbert Parent. Je crois comprendre que même le président actuel serait disposé à poursuivre ce programme, mais le problème est de savoir où et quand. Il y a le Kosovo, où il y a les régions vulnérables aux tremblements de terre, peu importe, et on s'adresse alors directement à nos entreprises pour obtenir des médicaments.

• 1055

D'ailleurs, comme Mme Marleau le sait d'expérience, nous envoyons alors, avec l'assistance des Forces canadiennes, des avions remplis de médicaments qui ont été donnés par nos entreprises, en plus des autres. Nous avons des programmes d'aide aux sinistrés que nous mettons en oeuvre volontiers lorsque les besoins sont bien définis.

Pour ce qui est de cet équilibre, nous ne gardons pas jalousement nos produits. Nous faisons des dons, nous venons en aide aux sinistrés. Et nous venons en aide aux sinistrés dans notre propre pays. Je peux parler des mesures d'aide qu'il y a dans notre pays, mais je peux vous dire qu'il y a aussi des entreprises de notre groupe qui ont leur propre programme d'aide aux sinistrés dans d'autres pays, où elles interviennent également.

M. Keith Martin: Puis-je faire une observation?

Le président: Eh bien, ce ne sera qu'une observation qui restera sans réponse.

M. Keith Martin: Je sais que mon temps de parole est écoulé.

Monsieur Elston, personne ne demande aux compagnies pharmaceutiques de faire la charité. Vous êtes une entreprise et vous devez faire des profits. Mais j'espère que, pour l'édification de chacun, nous puissions être aussi constructifs que possible. Si vos organisations, et même les organismes internationaux dont vous êtes membres, peuvent trouver une solution qui établirait cet équilibre avec les gouvernements—parce qu'on ne peut pas vous demander de donner tout ce que vous avez—si on peut trouver un équilibre quelconque, soit en vous accordant des allégements fiscaux ou en créant un fonds, qui nous permettrait de travailler ensemble à l'échelle internationale—et la ZLÉA serait l'un de ces forums où l'on pourrait en discuter—il nous serait utile de connaître la perspective de votre organisation. Ce serait très utile.

M. Murray Elston: On peut peut-être demander à M. McCool de répondre rapidement?

M. Terry McCool: Je pense qu'on se trompe parfois de problème. Il faut se rappeler que 95 p. 100 des médicaments que l'OMS considère comme essentiels ne sont pas protégés par des brevets. Un tiers de la population du monde n'a pas accès à des médicaments. C'est le problème que nous devrions essayer de régler, et non pas essayer de modifier le droit de propriété intellectuelle sur 5 p. 100 des médicaments qui pourraient figurer sur cette liste. Je sais que le sida fait rage, mais on n'investit pas dans la santé publique, on ne fait rien pour remédier à la pauvreté, les organisations internationales ne donnent pas un sou pour régler le problème plus vaste que pose la santé publique. On s'en tient à un seul aspect étroit de la question.

L'Organisation mondiale de la santé propose entre autres à l'industrie d'envisager une structure différente pour l'établissement des prix, et les pays développés, dont le Canada, devraient être disposés à payer plus cher pour les médicaments afin qu'on puisse les vendre à des prix beaucoup plus bas dans le monde en voie de développement. Je ne crois pas que les pays du monde accepteraient cela, mais c'est une des idées qui circulent. On propose aussi de créer une banque internationale d'aide, qui serait financée par diverses organisations, et qui pourrait contribuer à régler le problème. Mais c'est un problème qui dépasse de beaucoup le sida, et il faut garder cela à l'esprit.

Le président: Merci beaucoup.

Vous noterez avec intérêt, monsieur Elston, que lorsque des membres de notre comité se sont rendus en Bosnie il y a quelques années de cela, nous avons apporté avec nous pour 5 millions de dollars de médicaments. Nous les avons remis à l'une des autorités locales dans le cadre du programme MAP. Nous vous avons donc servi de messagers, si je puis dire.

[Français]

À vous, madame Marleau. Ce sera ensuite le tour de Mme Lalonde.

[Traduction]

Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je sais qu'on a longuement discuté de cela, mais je pense que l'industrie doit proposer un plan à elle. Je comprends pourquoi on veut protéger des droits de propriété intellectuelle, particulièrement dans votre industrie à vous, mais je crois que vous devrez vous-mêmes proposer un plan pour régler ces problèmes très graves, parce que, comme M. McCool l'a dit, ce problème dépasse de loin celui du sida. Nous, parlementaires, faisons constamment l'objet de pressions parce que tout cela nous ramène à la question de savoir comment nous allons permettre aux moins nantis de profiter de cette prospérité. Cela veut dire avoir accès à des médicaments auxquels ces pays n'ont pas accès pour le moment et qu'ils ne peuvent se permettre. Vous avez parlé de l'Organisation mondiale de la santé, mais je crois sincèrement que votre propre industrie doit proposer un plan à elle pour régler ce problème. Autrement, vos difficultés ne disparaîtront jamais, et vous allez dépenser beaucoup plus pour défendre vos brevets que pour en produire de nouveaux, si cela continue.

• 1100

Avez-vous vraiment réfléchi à cette question, non seulement au niveau canadien mais au niveau international? Vous ne pouvez pas y échapper. Ce n'est qu'un début, et je crois qu'il serait dans votre intérêt de jouer un rôle de chef de file. Le MAP est très bien puisqu'il comble un certain vide, mais il nous faut beaucoup plus que cela.

M. Terry McCool: Vous avez fait d'excellentes observations. Notre industrie essaie certainement de tout faire pour s'attaquer au problème en Afrique du Sud. Vous n'êtes pas sans savoir que de nombreuses compagnies se sont mises ensemble. En Afrique du Sud, le prix de vente de ces médicaments contre le sida n'était pas le prix de vente dont vous avez entendu parler, mais plutôt 80 p. 100 de ce montant, c'est-à-dire le même prix que paient les organismes internationaux. Ces sociétés ont depuis réduit le prix à zéro. Cela ne suffit toujours pas, et on nous a informés que cela ne suffit pas. Le problème en Afrique du Sud, ce n'est pas de fournir les médicaments aux patients. C'est un problème de développement industriel. Il s'agit de changer les règles de propriété intellectuelle pour créer ensuite une industrie. On se sert de ce problème comme bouc émissaire pour faire chuter tout le régime de propriété intellectuelle, et nous ne pouvons pas permettre cela. En tant qu'industrie, nous avons fait notre possible pour nous attaquer à ce problème, mais nous ne pouvons pas assumer tout le fardeau nous-mêmes.

Mme Diane Marleau: Non, mais en jouant un rôle proactif, vous éviterez les problèmes auxquels vous devez faire face en Afrique du Sud.

Ce n'est que le début. Un bon plan vous permettra de contourner ces problèmes qui, comme vous l'avez souligné, portent plutôt sur le développement industriel. Je ne crois pas que vous devez simplement vous en laver les mains en disant qu'il s'agit d'un problème de distribution. En demandant l'intervention de l'Organisation mondiale de la Santé, on peut s'en assurer, dans certains cas mais pas dans tous les cas, mais il ne faut pas s'en servir comme prétexte. Ce n'est pas...

M. Terry McCool: Cinquante pour cent des médicaments vendus à l'État sont détournés. Ça, on le sait déjà. Il y a des obstacles importants qui nous empêchent de fournir ces médicaments aux malades.

Je crois que vous devez, entre autres choses, nous aider à combattre le problème du sida. Nous savons que la mutation du sida se fait très rapidement, surtout si le malade n'est pas suivie par un médecin. Dans le cas où on choisit au hasard quels malades vont recevoir des médicaments sans frais et les prendre de façon efficace, lorsque la résistance se développe par la suite, quel argument pouvez-vous invoquer auprès de l'industrie pour lui dire que les médicaments gratuits ne marchaient pas? Comment allez-vous nous encourager à mettre au point la prochaine génération de médicaments pour combattre le sida? Comment allez-vous nous donner cet encouragement et comment allons-nous les fournir gratuitement?

Il s'agit d'une question complexe et les solutions simples telles que le besoin de changer les règles de propriété intellectuelle et fournir gratuitement ces médicaments aux citoyens des pays en voie de développement ne vont pas marcher. Le problème est beaucoup plus vaste que cela et il va falloir s'attaquer à la question globale.

Comme Murray l'a dit, nous aimerions faire partie de la solution. Nous collaborons déjà avec des gouvernements en Afrique. Il existe un certain nombre d'ententes en vertu desquelles on vend, à prix très réduit, des médicaments. Dans certains pays, on donne ces médicaments gratuitement, qu'il s'agisse des médicaments pour combattre la cécité des rivières, la malaria ou la tuberculose résistante. Mais il faut encore énormément de travail pour combattre ces maladies. Si les gouvernements décident de s'engager et disent qu'ils vont se charger de tout le travail de recherche—et il faut se rappeler que 90 p. 100 de toutes les découvertes proviennent de notre industrie—il s'agit là d'un processus plus long. Il faut du temps pour trouver une façon de guérir ces maladies que tous attendent désespérément.

Nous croyons faire partie de la solution. Certains ont dit que nous ne sommes pas une partie du problème, mais le problème lui-même. Nous essayons de nous attaquer au problème, mais n'est pas facile. Qu'on nous donne simplement la possibilité de le faire.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, monsieur le président.

Merci à vous tous. Vos interventions, chacune dans son secteur, sont extrêmement importantes. Je dois souligner, monsieur le président, que je suis extrêmement contente qu'on ait eu ces audiences. On a entendu des témoins d'une grande expertise, et je suis certaine qu'on pourra faire un rapport qui pourra avoir son utilité.

Je tiens à ajouter que je ne comprends pas mes collègues d'en face—je le dis devant les gens qui nous regardent—qui ne mettent pas l'épaule à la roue pour dire qu'il est important que nous ayons les textes. Une séance comme celle de ce matin me convainc encore davantage de cela, parce qu'il y a de l'expertise qui peut être apportée et aussi parce qu'il y a des enjeux politiques. On vient de le voir. Moi, j'appelle ça des enjeux politiques. On sait qu'il y a un rapport entre les pays du Nord, qui sont plus riches et les pays du Sud, qui sont plus pauvres.

• 1105

J'ai des questions à poser.

Monsieur Bertrand, je sais que vous avez été associé à la Conférence parlementaire des Amériques. Il y a d'autres pays qui sont fédéraux et qui ont des États associés, et on sait que les État-Unis en sont. Il y a là un aspect extrêmement démocratique: une absence de démocratie se fait sentir quand, comme parlementaires, on est responsables auprès de la population du maintien, par exemple, de son droit de définir ses services en santé, en éducation et en aide sociale et de se donner des institutions, et qu'il se tient une négociation sur laquelle on n'a pas de prise et sur laquelle le gouvernement n'en a pas non plus. C'est un aspect important que vous avez fait ressortir, et j'aimerais que vous insistiez là-dessus.

Messieurs Cosbey et Traynor, j'aimerais que vous nous parliez de l'impact des effets du processus de règlement des différends, qui est extrêmement secret et privé, qui ne fait que se développer en ce moment et qui nous permet de voir que la démocratie peut être mise à mal. Je me permettrai de dire, comme Mme Swenarchuk l'a fait, que les deux chambres de Californie ont passé des résolutions sur le cas de Methanex, dans lesquelles elles disent:

[Traduction]

    Le fait qu'un forum éloigné composé de dirigeants non élus fasse des conjectures relativement à notre processus régime décisionnel démocratique à l'égard de cette importante question de santé publique nous démonte.

    Deuxièmement, nous, tout comme les législateurs californiens, trouvons qu'il est difficile d'accepter que ce soit des représentants commerciaux non élus et éloignés qui nous disent paradigmes ou les normes dont il faut tenir compte dans la rédaction des lois relatives à l'environnement et à la santé publique pour les citoyens de notre État.

[Français]

C'est vrai pour les provinces canadiennes, c'est vrai pour les États américains et c'est sans doute vrai aussi en Amérique du Sud. Donc, il y a le risque d'une absence multipliée de démocratie.

M. Traynor a parlé du carré de sable des ententes parallèles, et il me semble que c'est extrêmement important. Cela nous renvoie à l'expertise.

Enfin, j'aimerais poser une question précise à MM. Elston et M. McCool. Que je sache, le concept de prix différentiel mis de l'avant par l'OMS n'est pas celui que vous avez exprimé. Ce ne serait pas 80 p. 100 du prix actuel, par exemple, parce que, de toute façon, le développement de la recherche a été financé par le Nord. Il me semble qu'on pourrait trouver une façon d'appliquer les prix qui tienne davantage compte des problèmes importants des pays du Sud. Pour vous, le concept de prix différentiel mis de l'avant par l'OMS et l'ONUSIDA peut-il être considéré comme du dumping et comme étant contraire à la lettre et à l'esprit des accords économiques internationaux?

[Traduction]

Le président: Monsieur McCool, vous avez la parole en premier. Nous allons procéder dans l'ordre inverse des questions.

M. Terry McCool: Cela pourrait être un facteur. Évidemment, s'il y avait des pays en voie de développement qui fabriquaient de nouveaux médicaments, ces pays-là ne voudraient pas faire concurrence aux médicaments à prix réduit en provenance de l'hémisphère nord. Il est évident que ce serait un facteur.

L'autre question, qui d'après moi est très pertinente, porte sur la structure des prix. En créant une structure avec des prix réduits dans le pays le moins développé, comment prévenir le détournement de ces produits pour qu'ils soient revendus aux pays en voie de développement? Je ne connais pas de mécanisme qui pourrait empêcher cela.

Il s'agit donc d'un problème très complexe. On a proposé une solution qu'on caractérise de relativement simple dans le but de régler ce problème de médicaments à prix réduit pour les pays en voie de développement. Comme je l'ai dit plus tôt, personne ne l'a encore adoptée.

Par l'entremise de programmes d'appels d'offres d'État avec les gouvernements, notre industrie a essayé d'offrir aux pays qui n'ont pas les moyens nos médicaments à un prix raisonnable. Le problème, c'est toujours que ces produits n'arrivent pas aux malades qui en ont le plus grand besoin.

• 1110

Si on décide de vendre nos produits dans certains de ces pays, nous devons payer des tarifs ainsi que des coûts de distribution très élevés. De nombreuses personnes font de l'argent grâce au système de distribution des médicaments, ce qui fait augmenter le coût de ces médicaments dans ces pays. Ce n'est donc pas une solution simple.

[Français]

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Francine Lalonde: ...encore, comme dit M. Traynor.

Le président: Monsieur Traynor, et ensuite M. Bertrand.

[Traduction]

M. Ken Traynor: Je suis d'accord avec cette dernière observation que ce n'est pas une solution simple, mais nous avons beaucoup plus d'idées suite aux débats assez houleux et publics sur cette question qu'avant l'enclenchement de ce processus. Tout en reconnaissant la nature tumultueuse de ce processus, je dois dire que nous avons réussi à faire pas mal de chemin depuis le début. J'espère pouvoir suivre certaines suggestions qui pourraient améliorer la situation de façon dramatique.

Quant au mécanisme de règlement des différends, je crois qu'il est intéressant de constater comment les gouvernements régissent face au libellé qui n'est peut-être pas tout à fait précis en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain. Au bout du compte, un élément clé parmi d'autres, c'est que les gouvernements s'adressent de nouveau au système de justice public pour régler ces problèmes complexes décrits en termes ambigus dans les solutions proposées dans le cadre des ententes commerciales qui mettaient l'accent surtout sur l'aspect commercial.

Il faut donc songer à trouver un nouvel équilibre. On ne sait pas encore quelle forme cet équilibre va prendre. Mais il y a une certaine tentative en ce sens car le système judiciaire canadien examine la question d'intérêt public, qui fait partie de son mandat. Les mécanismes de règlement des différends et d'autres aspects du genre n'en font pas partie.

À mon avis, c'est un élément du processus. C'est de la spéculation de ma part, mais il est intéressant de constater de quelle façon on revient aux tribunaux.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bertrand.

M. Roger Bertrand: Merci, monsieur le président.

J'aimerais dire un petit mot. Tout à l'heure, vous avez parlé brièvement de la COPA. J'aimerais attirer l'attention des membres du comité permanent sur une des recommandations de la Commission des institutions, qui apparaît à la page 106 de son rapport. Ce rapport sera mis à votre disposition. Je lis cette recommandation:

    2.4. Que les parlementaires du Québec se fassent les ardents promoteurs de la nécessité d'instituer un forum parlementaire continental qui accompagnerait tout le processus d'intégration des Amériques, incluant la ZLÉA, et que ce forum soit représentatif de toutes les assemblées parlementaires du continent.

J'aborde peut-être une question un peu délicate, mais vous remarquerez qu'on ne fait pas spécifiquement référence à la COPA, parce qu'au-delà des échanges qu'il a pu y avoir sur les intentions des uns et des autres, nous tenions à évacuer cette dimension de la discussion pour revenir au fond de la question, à savoir un véritable forum parlementaire qui, de notre point de vue, comme toute instance parlementaire, notamment celle dans laquelle nous vivons, doit comporter deux dimensions importantes.

La première, c'est qu'il y ait une représentation multipartisane des différents parlements à un tel forum. C'est la grande qualité de nos institutions parlementaires que de réunir toutes les tendances autour des tables, et j'y ai d'ailleurs fait référence à plusieurs reprises depuis le début de cette séance de travail. Nous souhaitons que ce soit le cas au sein d'un tel forum.

Deuxièmement, il devrait également y avoir, au sein de ce forum, des représentants des parlements fédérés, cela pour la question qu'on a invoquée. Nous avons des compétences à exercer. Que je sache, nous ne sommes pas ici, au Canada, dans un État unitaire et je ne crois pas comprendre, non plus, que ce soit l'intention, du moins d'après ce que j'ai pu comprendre.

Voilà d'où vient l'idée de cette recommandation de la commission. Je souhaiterais que le comité se penche sur cette question pour s'assurer que nous ayons également, au niveau parlementaire, une instance de niveau équivalent à celui du Sommet des chefs d'État.

Le président: Merci.

• 1115

[Traduction]

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais remercier les témoins d'avoir comparu. Je suis désolé d'être en retard. Comme le président, j'avais des obligations à la Chambre des communes.

J'aimerais faire une observation ou deux et ensuite je crois que je n'aurai probablement qu'une seule question.

Je dois réagir à cette déclaration selon laquelle il n'est plus possible d'avoir une manifestation pacifique à Québec. Je trouve que... je vais me retenir et dire qu'il s'agit d'une déclaration très regrettable. On pourrait l'interpréter comme une justification de la violence là-bas, monsieur le président, et à mon avis c'est une observation très malheureuse. C'est M. Cosbey qui l'a faite, si je ne me trompe pas.

Certains groupes sont venus nous dire que la seule raison pour laquelle ils vont manifester à Québec, c'est pour faire du grabuge. Croire qu'il n'y aura pas de violence est, à mon avis, un peu naïf. J'ai du mal à croire que vous voyez là un manque perçu de consultation. Cela me dépasse complètement.

De toute façon, mon collègue, M. Paradis, a plus ou moins éliminé ce mythe qu'il n'y a pas eu de consultation. Monsieur le président, vous avez présidé les séances de tout ce processus devant ce comité avant la dernière élection. Vous avez présidé un forum des Amériques auquel j'ai participé avec plaisir; il s'agissait d'un excellent processus. Un bon nombre de nos collègues ont participé à ce processus, ainsi que des représentants de quelque 28 autres pays des Amériques. Comme M. Paradis l'a dit, on prévoit un sommet parallèle financé par les contribuables. Cinq des neuf positions canadiennes sont affichées sur le site Web depuis des semaines.

Je tiens à dire que le premier ministre a dit à la Chambre des communes il y a quelques semaines qu'il aimerait rendre public le texte, un sentiment auquel a fait écho le ministre de Commerce international, mais qu'il n'était pas prêt à le faire de façon unilatérale. Le ministre est à Buenos Aires aujourd'hui et demain, où il fait valoir son argument de rendre public le texte devant ses homologues. Mais le gouvernement canadien ne le fera pas unilatéralement.

Je crois qu'il est important, aux fins du procès-verbal, de dire que tous les partis de l'opposition que je connais ont exprimé leurs points de vue en ce qui concerne cette question, et ont dit que le gouvernement canadien ne devrait pas rendre public le texte unilatéralement. S'il existe un parti politique à la Chambre qui ne partage pas ce point de vue, il ne l'a pas dit. Et je suis heureux qu'il en soit ainsi, parce que je crois qu'il serait extrêmement irresponsable de notre part de rendre publics ces textes de façon unilatérale.

Monsieur le président, je pourrais poser de nombreuses questions, mais je vais me limiter à une seule question, qui pourrait vous étonner.

À quiconque veut répondre, est-ce qu'un des témoins peut nous dire... J'ai posé cette question à d'autres témoins, et en toute honnêteté, je dois vous dire que je n'ai pas encore reçu une réponse qui me satisfasse. J'ai également posé cette question à d'autres parlementaires qui contestent le processus, et ils ont évité la question. M. Robinson du NPD en est un exemple.

Ma question est simple: pourriez-vous me nommer une négociation commerciale à laquelle le Canada a participé dans le passé qui a été aussi transparente sinon plus transparente celle-ci? Donnez-moi un exemple avec preuves à l'appui, si vous en connaissez une.

M. Ken Traynor: Vous n'étiez peut-être pas là quand j'ai soulevé la question du Protocole sur la biosécurité.

M. Pat O'Brien: Oui, je me suis excusé de mon absence.

M. Ken Traynor: Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit.

Le Protocole sur la biosécurité est une entente portant sur le commerce des organismes modifiés génétiquement. C'est une question très controversée, mais également une question qui reflète bien la nature complexe du monde dans lequel on vit, étant donné le genre de libéralisation de commerce qui a eu lieu. Les menaces sont très vraies. Il suffit d'examiner les forces dynamiques... par exemple, vous ne pouvez même pas assister aux noces de quelqu'un en Grande- Bretagne si vous venez d'une région rurale de l'Ontario parce que cette question vous préoccupe.

Nous vivons donc dans un monde complexe qui exige des solutions vraiment novatrices.

M. Pat O'Brien: Si vous me le permettez, monsieur Traynor...

M. Ken Traynor: Oui.

M. Pat O'Brien: Je m'excuse, je n'aime pas interrompre les témoins; je le fais rarement.

Il se peut que je ne me sois pas bien exprimé, mais ce que je cherche, c'est un exemple que vous auriez de négociations majeures...

M. Ken Traynor: Oui, j'y arrive.

M. Pat O'Brien: D'accord.

M. Ken Traynor: Le Protocole sur la biosécurité est une entente visant à légiférer le commerce d'organismes génétiquement modifiés.

M. Pat O'Brien: C'est une question, non? Vous parlez de...

M. Ken Traynor: Mais c'est une entente commerciale. Vous pouvez dire...

M. Pat O'Brien: Non, mais vous...

M. Ken Traynor: Non, permettez-moi de finir.

M. Pat O'Brien: D'accord, allez-y.

• 1120

M. Ken Traynor: C'était une entente commerciale. C'était négocié par les pays du monde. Il y avait une proposition dans le Protocole sur la biosécurité selon laquelle, lorsque nous réglementons le commerce d'organismes génétiquement modifiés:

    Les dispositions de la présente convention ne modifient en rien les droits et obligations découlant pour une partie contractante d'un accord international existant [...]

Essentiellement, cela veut dire que l'entente de l'OMC l'emporte sur le Protocole pour ce qui est du commerce d'organismes génétiquement modifiés. Les pays du monde ont dit «Non, ça ne sera pas le cas. Ce n'est pas ce que nous voulons». Notre organisme, l'Association canadienne du droit de l'environnement, siégeait au comité consultatif du Canada lors de ce processus. Nous avons vu le texte de négociation. Nous avons participé, car cela se faisait sous l'égide des Nations Unies plutôt que de l'Organisation mondiale du commerce. Il s'agissait de négociations ouvertes et actives. On a eu recours à une méthode très créatrice pour rendre les négociations plus efficaces et utiles.

Donc, voilà un exemple. C'est ce que je disais tout à l'heure, il faut aller au-delà de ce qui a été jusqu'à maintenant un processus très axé sur le commerce. Par le passé, ces ententes portaient sur des questions de commerce en général. Elles sont passées du domaine de commerce et portent maintenant la détermination de questions nationales, que ce soit au niveau du gouvernement national, du gouvernement provincial, ou du niveau municipal. Par conséquent, les forums de négociations du passé ne permettent plus de régler les complexes questions soulevées par ces ententes. Voilà ce que nous essayons de communiquer.

Il faut dire à la décharge du ministre que le gouvernement canadien a fait des progrès dans sa manière de s'acquitter de ces négociations, pour des raisons très politiques, mais il a quand même du chemin à faire. Nous ne sommes pas satisfaits du peu de progrès qu'il y a eus.

Le président: J'ai l'impression de ce que vous dites que nous sommes sur la bonne voie, mais que nous n'avançons ni assez loin ni assez vite, essentiellement.

M. Ken Traynor: Oui, c'est un premier pas.

Le président: D'accord. C'est l'impression que j'avais.

Monsieur Cosbey, aviez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Aaron Cosbey: Oui. J'appuie ce qu'a dit M. Traynor qui considère le Protocole sur la biosécurité comme une entente commerciale, et j'en ajouterais d'autres. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, en vigueur depuis 1974, et la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination sont également des ententes environnementales, mais ce sont des ententes commerciales. Elles portent sur le commerce. Chacune de ces ententes permet non seulement la transparence du point de vue des documents, mais également la participation d'organismes non gouvernementaux, le droit de parole, et le dépôt de documents.

Ce qui nous amène au commentaire de M. Harvard, qu'il existe une tension entre l'efficacité et l'ouverture. Mais on l'a réglé ce problème, on est en train de le régler, et cela peut se faire d'une manière efficace.

M. Pat O'Brien: Franchement, à mon avis, en dépit du fait que ce sont des exemples importants, et je vous en remercie, je ne les considère pas comme des négociations commerciales multilatérales portant sur une multiciplicité de questions. Peu s'en faut messieurs, mais j'accepte quand même des exemples.

Le président: Oui. Ça nous aide à bien comprendre la question.

Madame Davies, suivie de M. Patry.

Mme Libby Davies: Merci, monsieur le président.

Je crois qu'il y a eu une intéressante discussion aujourd'hui sur, par exemple, la disponibilité de médicaments essentiels et des enjeux connexes. À mon avis, il y a une énorme contradiction ici. Nous voilà, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, en train de discuter si les gens vivent ou meurent en fonction des droits de propriété intellectuelle et de la disponibilité de médicaments essentiels.

Finalement, la question dont je veux discuter porte sur le fait que tout ce qu'on fait maintenant est considéré du point de vue du commerce, que ce soit l'environnement, les médicaments, les normes de travail, les programmes sociaux, l'éducation, ou les soins de santé. La liste n'en finit pas. En réalité, ça m'effraie énormément quand je pense où cette discussion nous mène, dans le sens que nous devenons une société où le principe premier devient le commerce et que tout le reste set accessoire.

Je me demandais quel sorte de débat il y aurait si les enjeux pour le commerce étaient es résultats pour la santé, ou pour l'environnement. À quel point est-ce que la discussion serait différente?

Je suppose que ma question porte sur des solutions de rechange. Nous n'avons pas vraiment mis l'accent sur les solutions de rechange. À mon avis, nous croyons tous dans le syndrome qu'on appelle en anglais TINA—«there is no alternative» [il n'y a pas de solution], mais il y a bien sûr des solutions. Le sommet des peuples mettra justement l'accent sur des solutions. Donc j'aimerais demander aux témoins s'ils sont impliqués dans ces questions.

• 1125

Comment est-ce qu'on peut commencer à se sortir de ce que je considère comme une sorte de dictature, où il devient presque impossible de traiter de toute autre question et où notre capacité de fonctionner comme une société juste et démocratique est complètement violée?

Alors, je vous demande de parler un peu des solutions et de ce que nous devons faire pour nous sortir des contraintes dans lesquelles nous nous trouvons actuellement.

Monsieur Cosbey, vous pourriez peut-être répondre.

M. Aaron Cosbey: Oui.

Il y a deux catégories de solutions dont nous pourrions parler, comme j'ai dit tout à l'heure. Je me sers de l'environnement comme exemple, car c'est mon domaine. Vous pouvez vous servir de l'analogie pour régler les préoccupations environnementales au niveau fédéral. Soit on les règle par l'entremise du ministère de l'Environnement et nulle part ailleurs, ce qui laisse beaucoup à désirer, soit on les règle par l'entremise du ministère de l'Environnement et des ministères responsables—Agriculture, Transports, Ressources naturelles. À mon avis, c'est le seul moyen d'inclure d'autres objectifs dans une entente commerciale. Il faut les inclure dans chacune des questions qui seront négociées.

Permettez-moi de revenir sur ce point: il n'y a pas moyen d'inclure d'autres valeurs dans les négociations sur l'agriculture, sur les droits de propriété intellectuelle, à moins d'avoir un processus de participation lors de la négociation de chacun de ces domaines. C'est impossible. Les négociateurs sont des gens qui sont très spécialisés qui traitent de questions liées à leur domaine de compétences particulier. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'ils comprennent ou règlent les préoccupations que leurs domaines de compétences pourraient soulever à l'égard d'autres objectifs sociaux plus larges.

Voilà une réponse. L'autre réponse, c'est que nous aurions besoin, en fin de compte, d'institutions démocratiques au niveau supranational pour établir cet équilibre dont vous parlez entre le commerce et d'autres objectifs de politique sociale.

D'abord, nous aurions besoin d'une telle institution pour le mécanisme de règlement de différends qui est créé en vertu de la zone de libre-échange des Amériques. Sans un mécanisme qui tient compte de choses autres que les objectifs commerciaux, nous sommes perdus. D'après moi, une partie du mandat pour un tel mécanisme pourrait se trouver dans le préambule, mais certainement d'autres parties du mandat peuvent être liées à la création appropriée de ce mécanisme.

Le président: Excellent.

[Français]

C'est une réponse à la question de Mme Davies? D'accord.

Monsieur Bertrand.

M. Roger Bertrand: Je répondrai d'une façon très brève et très pragmatique.

En fait, on n'a pas à développer de solution alternative. Tout ce qu'on a à faire, c'est à revenir au plan de base, qui est un projet d'intégration hémisphérique incluant les quatre volets que j'ai évoqués tout à l'heure. Si vous voulez être sûrs que tous les volets évoluent au même rythme, vous n'avez qu'à introduire une condition, à savoir que le volet ZLÉA ne puisse pas faire l'objet d'une entente autrement que simultanément avec les trois autres volets. Vous allez voir que ça va aller très vite.

Le président: Merci. C'est une bonne réponse.

[Traduction]

Chers collègues, avant de céder la parole à M. Patry, je demanderais votre indulgence pour une question d'ordre administratif pendant que nous avons le quorum, car parfois vers la fin de la réunion les gens doivent partir pour assister à d'autres réunions. Il faut revoir certaines propositions que la greffière a distribuées et je dois obtenir votre permission et votre approbation.

J'aimerais obtenir votre approbation pour qu'on puisse rencontrer M. Jozef Miga, le président du conseil national de la République slovaque, le mardi 24 avril. On pourrait procéder comme on le fait normalement, c'est-à-dire, la moitié de notre groupe—je propose donc le groupe A—vous pourrez le rencontrer. Ça va?

Des voix: D'accord.

Le président: Très bien.

[Français]

D'accord.

[Traduction]

Deuxièmement, on nous a demandé de rencontrer le premier ministre du Liban le 30 avril. Encore une fois, je propose qu'on se divise en petits groupes, comme d'habitude. Est-ce que ça va?

Troisièmement, M. Obhrai a fait remarquer au comité que nous avons omis d'inviter la ministre Minna à comparaître lorsque nous avons invité les ministres Manley et Pettigrew à venir nous parler du budget. Nous devrions par conséquent lui envoyer une invitation. M'accordez-vous l'autorité de lui envoyer une invitation, pour qu'elle puisse nous parler du budget?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci.

• 1130

On devrait tenir une séance du comité de direction le mardi 24 avril pour déterminer comment on veut procéder par rapport à cette étude.

[Français]

Nous devrions avoir une réunion de notre Sous-comité du programme et de la procédure afin de décider comment on doit compléter cette étude sur le Sommet des Amériques.

Mme Francine Lalonde: Vous avez dit que nous avions le quorum. Est-ce que le quorum n'est pas de dix à ce comité?

Le président: Il est de neuf. Même s'il était de dix, il serait atteint parce que M. Harvard, qui était là, est absent pour une pause spéciale.

Mme Francine Lalonde: Je n'ai rien dit.

Le président: M. Harvard reviendra parce que ses lunettes sont là.

[Traduction]

De plus, nous avons prévu une séance avec les fonctionnaires du ministère. Il va falloir prévoir une séance le 26 avril, pour discuter de l'étude portant sur le Caucase du Sud.

Chers collègues, j'ai besoin de votre approbation en ce qui concerne ce dernier point. M. Wilfert, qui préside le Groupe interparlementaire Canada-Japon, voudrait organiser une séance avec le Comité sénatorial des affaires étrangères dans le contexte de la 11e consultation bilatérale entre le Groupe interparlementaire Canada-Japon et son équivalent japonais afin de faire la promotion de l'aspect parlementaire de ce groupe interparlementaire et de présenter le Canada comme un pays de haute technologie.

Je ne vois pas la nécessité de convoquer une séance formelle avec ce comité sénatorial, mais je vous demanderais peut-être de m'autoriser à assister à cette séance, en compagnie de M. Stollery, et de représenter le comité. Je vais vous transmettre un avis, et tout autre membre du comité qui aimerait participer pourrait le faire. Est-ce qu'on pourrait procéder de cette façon? Je ne vois pas la nécessité de convoquer une séance formelle, mais vous pouvez m'autoriser d'y participer, et on pourrait inviter les autres membres à venir.

[Français]

D'accord?

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, le quorum est de dix. Je viens de vérifier. Il arrive, mais on est neuf avec lui. Dix? Très bien.

Le président: De temps en temps, on me compte. C'est rare, mais je compte. Pour le quorum, je suis là. Pour le reste, on se fout de moi et je le sais bien, mais...

Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, soyez certain que je vous compte d'habitude.

J'ai une question à poser. Le 26, les invités du sud du Caucase et de l'Asie centrale vont comporter, j'en suis certaine, des représentants des Kurdes, parce qu'en Turquie on n'a rencontré personne de la communauté kurde.

Le président: Pour le 26, c'est juste les gens du gouvernement. Il faut qu'on discute afin de voir si on devrait inviter d'autres témoins. Donc, c'est juste pour les témoins du gouvernement. Mais, évidemment, on peut toujours examiner la possibilité d'inviter d'autres témoins.

[Traduction]

Merci beaucoup, chers collègues.

Monsieur Patry, je suis désolé de cette interruption.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Je voudrais remercier les membres du panel.

Monsieur Bertrand, je suis très heureux d'avoir appris que la Commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec avait travaillé sur le Québec et la ZLÉA. J'aurais probablement aussi aimé entendre des représentants d'autres provinces afin de savoir si d'autres provinces ont fait le même exercice. C'est très bien et je suis très heureux de savoir que vous allez nous fournir votre rapport. Ça va sûrement nous aider.

J'ai une question très brève. Ce matin, on a beaucoup parlé de transparence et surtout de la disponibilité des textes. Ma question s'adresse surtout à M. Traynor ou à M. Cosbey. Vous êtes des experts des traités, et le Canada en a déjà signé plusieurs. Il a signé l'ALÉNA, l'entente Canada-Chili et l'entente Canada-Israël.

Selon des témoins qu'on a entendus ces derniers jours, il semble que l'entente Canada-Chili serve actuellement de modèle aux négociations pour le Canada et que, si on veut savoir exactement où le Canada s'en va dans les présentes négociations, il faut relire l'entente Canada-Chili.

Ma question est très simple: d'après vous, est-ce que l'entente Canada-Chili est un bon modèle à suivre pour les négociations actuelles?

[Traduction]

M. Ken Traynor: Je pourrais dire que c'est un modèle qui n'est pas complet en ce sens qu'il est moins global que la ZLÉA.

Par exemple, en ce qui concerne les services notamment, le Chili n'était pas disposé à négocier certaines questions avec le Canada, questions qu'il devrait renégocier avec les États-Unis. C'est un aspect qu'il faut examiner.

En ce qui concerne le commerce des biens, qui d'après moi est la question le moins controversée, c'est classique. En raison de la nature complexe de cette question, un nombre considérable de secteurs ont été exclus. L'accord de libre-échange des Amériques porte essentiellement sur les rapports avec les États-Unis, à la fois politiques et économiques, dans l'hémisphère. C'est un aspect important. L'entente Canada-Chili n'était qu'un produit secondaire.

• 1135

Le président: Monsieur Cosbey.

M. Aaron Cosbey: L'Accord de libre-échange Canada-Chili est bon dans un sens—il comprend un accord parallèle sur l'environnement. Je n'ai pas encore vu cet accord parallèle de sorte que je ne suis pas en mesure de dire s'il est efficace ou non ou bien s'il manque des éléments. Le processus de négociation de cette entente, bien entendu, n'était naturellement pas assujetti au cadre d'évaluation environnementale. De plus, le processus n'était pas aussi transparent que je l'aurais souhaité, un espoir que j'ai toujours pour les négociations de la ZLÉA. À cet égard, en ce qui concerne le processus, il ne constitue pas un bon modèle à suivre pour les négociations de la ZLÉA.

Le président: Croyez-vous que c'est une question d'intérêt précis? À l'heure actuelle je sais qu'on parle de la possibilité de conclure une entente avec le Costa Rica, avec d'autres pays. Suivez-vous aussi ces pourparlers, ces négociations?

M. Aaron Cosbey: Oui, et nous espérons faire une contribution significative au moment de l'élaboration du processus d'évaluation concernant ces accords.

Le président: Merci beaucoup. C'est bon à savoir. Merci de nous l'avoir dit.

[Français]

Monsieur Paquette, et ensuite M. Paradis.

M. Pierre Paquette: Merci, monsieur le président.

Comme ce sera probablement la dernière question du Bloc québécois, je voudrais revenir sur la transparence parce que c'est important.

À mon sens, il y a un problème important du côté du gouvernement canadien pour ce qui touche la transparence. Même si les discours sont parfois intéressants, la pratique est autre.

Je pense toujours que les textes de base de la négociation devraient être rendus périodiquement publics. Actuellement, c'est un début. Dans ces textes, on a colligé l'ensemble des positions des gouvernements, mais à mesure que la négociation va avancer, on va pouvoir voir les enjeux de cette négociation dans le texte même. Donc, les textes devraient être rendus publics périodiquement.

Contrairement à ce que M. O'Brien disait, la position du Bloc n'est pas arrêtée à ce moment-ci. Il se peut très bien qu'après la rencontre de Buenos Aires et la tournée qu'on fait présentement dans l'ensemble des régions du Québec, on demande au gouvernement canadien d'être exemplaire au plan démocratique et de rendre ces textes publics unilatéralement.

Cela dit, j'attends de voir les résultats de la démarche à laquelle M. Pettigrew s'est engagé à Buenos Aires. Je ne veux pas préjuger de la position que nous prendrons au lendemain de cette rencontre qui va avoir lieu dans quelques heures.

Je rappelle aussi à nos témoins que le gouvernement libéral a défait une motion que j'avais déposée, demandant que la Chambre des communes débatte de tout accord final concernant la Zone de libre-échange des Amériques et vote sur un tel accord. Je leur rappelle aussi que le gouvernement canadien n'a pas voulu transmettre la demande du Sommet des peuples des Amériques d'être reçu directement par les chefs d'État.

J'en aurais encore long à dire, mais je ne veux pas prendre trop de temps. Je dirai simplement que le gouvernement fédéral n'a pas voulu non plus que le premier ministre du Québec, qui reçoit le Sommet des Amériques dans notre capitale nationale, s'adresse directement aux chefs d'État.

Je termine par une question générale que j'adresse à tous les témoins. Selon vous, quels éléments principaux le comité permanent pourrait-il inclure dans son rapport final pour améliorer la transparence du processus actuel? Je vous rappelle que, quand M. Pettigrew nous dit qu'il voudrait rendre publics les textes, il admet lui-même, par ce fait même, que le processus actuel n'est pas suffisamment transparent. Je voudrais donc que vous nous fassiez part de suggestions que nous pourrions inclure dans notre rapport final pour améliorer le processus.

M. Roger Bertrand: Monsieur le président, j'estime effectivement que de tels textes devraient être rendus publics et mis à la disposition des intéressés sur une base régulière en cours de négociation, notamment de façon à éviter toute espèce de spéculation sur ce que peuvent contenir de tels textes et sur les orientations précises que peuvent prendre les négociations. Ça peut être aussi simple que ça. Je ne prétends pas qu'il n'y a pas eu d'efforts de faits pour rendre des informations disponibles, mais ça, c'est une question d'opinion. Il est un fait, cependant, et c'est que tous les groupes qui sont venus rencontrer la Commission des institutions nous ont dit qu'ils n'étaient absolument pas en mesure de se faire une idée claire des enjeux et du caractère désirable de ce qui est négocié actuellement, puisqu'ils ne voyaient pas les textes.

• 1140

M. Pierre Paquette: La commission aura accès aux textes.

M. Roger Bertrand: Effectivement, la commission se réunit demain matin, à l'invitation de la ministre responsable des Relations internationales, pour examiner ces textes à huis clos. Comme président de la commission, j'ai pris toutes les dispositions pour qu'aucune information ne transpire, bien sûr, parce que, de mon point de vue, on aurait l'air d'être un peu mauvais joueurs si, à ce moment-ci, on provoquait les choses.

Cela étant dit, je crois qu'on ne doit ménager aucun effort pour faire en sorte que de tels textes puissent être rendus disponibles le plus rapidement possible. On a du rattrapage à faire de ce côté, et l'ensemble du processus peut être réputé vicié si on n'a pas pris la peine de rendre ces informations disponibles rapidement.

M. Pierre Paquette: Je voudrais ajouter une chose. C'est que la position du gouvernement du Québec et celle du gouvernement fédéral ne sont pas la même. Le gouvernement du Québec n'est pas assis à la table de négociation. Le gouvernement du Canada est assis à la table de négociation et, si le gouvernement du Québec rendait publics les textes, il est clair que la source d'information se tarirait, ce qui n'est pas le cas du gouvernement fédéral. Je voyais M. Paradis opiner du bonnet. La situation du gouvernement du Québec et de l'ensemble des provinces n'est pas la même que celle du gouvernement fédéral qui, lui, a la responsabilité de rendre publics ces textes.

Le président: Je prends cela comme une affirmation et non comme une question.

Monsieur Paradis.

M. Denis Paradis: Monsieur le président, dans un premier temps, je vais continuer dans cet ordre de pensée.

Je pense que M. Pettigrew a mentionné qu'il ferait tous les efforts nécessaires. Il est en ce moment à Buenos Aires pour faire en sorte que les pays... On ne peut pas rendre publics des textes si les autres partenaires ne le veulent pas. On est en négociation en ce moment. Je pense que c'est pour ça que le président de la Commission des institutions de l'Assemblée nationale prend toutes les dispositions voulues pour que cela ne soit pas rendu public. C'est la volonté du Canada de faire en sorte que les textes soient rendus publics, mais à la condition que l'ensemble des joueurs le veuillent bien.

Deuxièmement, monsieur le président, en ce qui concerne la présence du Québec ou du premier ministre au Sommet des Amériques, il y a, à cet égard, des précédents qui font en sorte qu'il n'y a pas de premiers ministres de provinces qui sont intervenus. Et qu'en est-il, par exemple, du maire de Québec? Où doit-on s'arrêter?

Il y a les chefs d'État qui viennent à Québec. Le Canada est le pays hôte, et c'est le pays hôte qui va leur souhaiter la bienvenue. Tout cela étant dit, bien sûr, il y a une place pour le Québec, et autant le sherpa, le représentant personnel du premier ministre, que les autorités provinciales à Québec se sont entendus sur un modus operandi qui fait en sorte qu'il y aura une place pour le Québec au sein du sommet.

Le point suivant, c'est le Forum interparlementaire des Amériques. J'en profite, monsieur le président, pour vous féliciter de votre nomination à titre de président du FIPA.

Le président: Pour une fois, je compte.

M. Denis Paradis: Je pense qu'il est important qu'on ait une assemblée de parlementaires, qui doit nous aider à faire avancer les choses sur le continent américain et non pas mettre en évidence nos divisions ou nos façons différentes de penser à l'intérieur d'un pays. C'est peut-être un peu cela qui a amené le FIPA.

Je me rappelle cette assemblée qu'on avait eue à Québec, où nos deux présidents, le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes, s'étaient sentis un peu insultés. Je pense qu'on doit avoir une assemblée de parlementaires. Oui, bien sûr, cette assemblée doit s'ouvrir. J'espère qu'avec le temps, comme vous le mentionniez, elle va s'ouvrir à des parlementaires autres que ceux du Parlement fédéral. Dans ce sens-là, je pense que c'est bien.

Monsieur le président, je reviens à un point soulevé par Mme Lalonde: la présence, au Sommet des Amériques, du Québec ou des provinces dans les dossiers qui les concernent. Je prends l'exemple de l'éducation. Si je me rappelle bien ou si j'ai bien compris, l'éducation est un secteur où les discussions étaient présidées par le sous-ministre de l'Éducation du Québec au nom de l'ensemble des provinces au sein de l'ensemble des négociations. Cela me rappelle la Conférence des ministres de l'Éducation des pays ayant en commun l'usage du français. On m'avait demandé d'être l'hôte de cette Conférence des ministres de l'Éducation des pays ayant en commun l'usage du français il y a environ deux ans, dans le cadre du Sommet de la Francophonie qui a eu lieu à Bathurst. Le Québec était à la table, représenté par l'adjoint parlementaire du ministre de l'Éducation.

• 1145

Ça fait partie d'un tout, et tout le monde s'entend bien généralement dans ce genre de forum. Il y a de la place pour tout le monde. C'est cette mise au point que je voulais faire, monsieur le président.

Le président: Avez-vous un commentaire à faire?

M. Roger Bertrand: J'aimerais commenter brièvement de la façon suivante.

Je pense pouvoir parler un peu d'autorité là-dessus, puisqu'à l'origine de la COPA, il y a d'abord eu un vaste congrès réunissant des représentants de tous les parlements des Amériques à Québec, en 1997. Si je dis parler d'autorité, c'est que cet événement était la suite d'une invitation que j'avais faite au moment où j'étais président de l'Assemblée nationale à Québec. L'idée était éventuellement d'avoir un tel regroupement de parlementaires. L'objectif que nous avions en tête, et que j'avais personnellement en tête comme président de l'Assemblée nationale, n'était autre que de permettre à des parlementaires de toutes les Amériques de se réunir pour discuter de sujets d'intérêt commun dans le cadre du projet d'intégration hémisphérique.

Bien sûr, on peut prêter toutes sortes d'intentions aux uns et aux autres, mais l'objet du mouvement dans lequel nous sommes actuellement, celui de constituer un forum interparlementaire où on retrouve des représentants de différentes formations politiques issus des parlements, est d'abord et avant tout d'avoir un forum interparlementaire des Amériques, incluant des représentants de tous les parlements. À l'agenda, il n'y a rien d'autre, de mon point de vue, en tout cas certainement pas quant à l'impulsion initiale. Je pense que ce projet pourrait très bien se concrétiser dans le respect de tout le monde.

Pour ma part, je souhaite qu'on revienne au fond des choses. À titre d'illustration, intéressons-nous au libellé de la recommandation de la Commission des institutions qui, je pense, est d'une neutralité exemplaire de ce côté-là, pour pouvoir bénéficier enfin de ce forum.

Voici une dernière remarque. Je ne voudrais aucunement, monsieur le président, que vous la preniez de mauvaise part. Il faut éviter qu'un tel forum de parlementaires soit essentiellement une émanation indirecte des exécutifs. C'est notre problème fondamental que de réussir à faire la contrepartie du poids que les exécutifs ont pris dans de telles instances, non seulement dans nos parlements, mais également au niveau international. À ceci, il faut faire attention également.

Je vous remercie.

Le président: Je ne veux pas entrer dans un débat sur les mérites réciproques de la COPA et du FIPA, mais je crois que vous êtes d'accord avec moi, monsieur Bertrand, pour dire au moins que la formation d'une association interparlementaire, bien qu'elle soit exclusivement constituée des représentants des États fédérés au niveau national, mais autour de l'OEA, peut jouer un rôle très important dans l'intégration hémisphérique. On n'inclut pas tout le monde, mais c'est au moins une étape.

Mme Lalonde et moi avons participé à la formation du FIPA avec cela à l'esprit. On reconnaît que ça n'inclut pas tout le monde, mais, au moins, cette institution qu'on a créée nous donne une occasion d'échanger des vues et de faire des recommandations aux chefs d'État. On peut aussi collaborer avec d'autres organisations, mais on a au moins créé quelque chose.

M. Roger Bertrand: Nous y reviendrons certainement. J'ai l'impression que le débat n'est pas terminé à ce niveau.

Le président: À votre avis, est-ce que cela en vaut la peine ou pas? C'est ce que je vous demande. Un professeur du Québec qui est venu devant nous nous a dit: «Pourquoi avez-vous fait ça? Ce n'est pas la peine. C'est nigaud.» Il a insulté toute l'idée et tout, mais je n'ai pas l'impression que vous partagez ce point de vue. Vous êtes en faveur de la COPA, mais je n'ai pas l'impression que vous avez un point de vue qui exclut la possibilité de la création d'un autre institution également valable.

M. Roger Bertrand: En toute équité, je ne peux que rappeler le libellé du rapport de la commission à cet égard qui, je pense, est une indication très claire de nos intentions comme parlementaires ayant étudié ces questions-là.

Il y a une chose à laquelle je tiens, monsieur le président. Il ne faut pas encourager les pyramides inversées. Il ne faut pas que les participants à un tel forum soient essentiellement des gens nommés par nos exécutifs. On s'entend?

Le président: Absolument, et les représentants de l'université qui étaient ici ont insisté sur cela. C'est exactement la raison pour laquelle leur relation avec le FIPA et l'OEA est trop floue pour permettre que ça soit une assemblée des parlementaires et non des représentants des gouvernements. On est tout à fait d'accord sur cette question-là.

• 1150

Docteur Patry.

M. Bernard Patry: Monsieur Bertrand, ce que vous dites est tellement vrai qu'à la création du FIPA, parce qu'on ne pouvait pas passer de résolutions avant sa création et avant d'avoir ses chartes, on a adopté la résolution d'inviter Cuba aux prochaines délibérations du FIPA. Ce n'était sûrement pas la position de notre gouvernement canadien à ce moment-là.

M. Roger Bertrand: On en a fait autant pour le Québec, j'imagine.

Le président: Le Québec n'est pas encore au niveau d'un État. Est-ce que vous recherchez cela?

Plus sérieusement, monsieur Bertrand, même le parlementaire américain qui était là s'est rallié à cette invitation.

Madame Lalonde, ajoutez un dernier point et nous allons clore le débat.

Mme Francine Lalonde: J'ajoute quelque chose d'extrêmement important.

Oui, j'ai participé à cette première assemblée du FIPA, mais je dois dire, et vous savez que ce n'est pas la première fois que je le dis et je vais continuer à le dire, que je suis extrêmement déçue que les règlements prévoient un maximum de cinq membres, autant que possible représentatifs, mais seulement deux votes. Avec la présence du Sénat et du gouvernement, ça veut dire que les partis d'opposition n'auront aucune possibilité d'exprimer une voix différente. Ce n'est pas du tout ma conception d'une assemblée parlementaire. Vous pourrez compter sur ma collaboration pour la transformer en une véritable assemblée parlementaire...

Le président: Bravo! Vous pouvez compter sur moi, comme président de cette organisation, pour faire la même chose parce que je partage votre point de vue à ce sujet.

Mme Francine Lalonde: ...et pour faire en sorte que nous travaillions avec l'ensemble des parlementaires des États associés. Je suis certaine que du côté de l'opposition, tout le monde est d'accord. Et si ceux qui sont du côté du pouvoir y pensent bien, ils pourraient être d'accord aussi.

Le président: Cela dépendrait aussi des autres membres du FIPA.

Madame Marleau.

Mme Diane Marleau: Je voudrais ajouter quelque chose. Cela n'a rien à voir avec vous, monsieur.

[Traduction]

Je voulais apporter une précision, puisque je ne voudrais pas que l'auditoire ait l'impression que les médicaments brevetés et vos entreprises sont les pires contrevenants. En fait, je voulais préciser que les médicaments qui sont de loin le plus en demande partout dans le monde, surtout dans les pays en voie de développement, sont ceux qui ne sont pas couverts par des brevets. En somme, nous parlons de votre industrie surtout en raison du défit posé par le sida et certains des nouveaux médicaments qui sont toujours protégés par un brevet. Un grand nombre de ces médicaments non brevetés pourraient sauver des vies. On pourrait les fabriquer à bas prix, et nous devons tous nous assurer que ces médicaments non brevetés seront disponibles à tout le monde, parce qu'ils ont la capacité d'aider bien des gens à rester en santé.

Je voulais tout simplement vous donner cette explication, mais je suis toujours d'avis que vous devriez envisager un plan pour traiter de cette question plus en profondeur.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Encore une fois, j'aimerais remercier tous les témoins d'être venus ici ce matin. Nous vous remercions beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.

Ceci met fin à la série d'audiences que nous voulions tenir avant le sommet.

Notre prochaine réunion se tiendra le mardi 24 avril. Le Sous- comité de la procédure se réunira à ce moment-là.

[Français]

M. Pierre Paquette: Je ne sais pas si ça vaut la peine de venir.

[Traduction]

Le président: La séance est levée.

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