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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 25 avril 2001

• 1534

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Aujourd'hui, nous accueillons trois témoins: Rob A. Finlayson, du ministère du Procureur général du Manitoba; Carolyn Brock, du Service correctionnel du Manitoba et Betty Ann Pottruff, c.r., du ministère du Procureur général de la Saskatchewan.

Les témoins doivent savoir qu'habituellement nous accordons 10 minutes pour les exposés. Mais, aujourd'hui, nous serons un peu plus généreux parce que nous n'avons pas trop de témoins à entendre ni de personnes à interroger, ce qui n'empêche que nous préférons tout de même consacrer plus de temps aux questions qu'aux déclarations. En outre, plus vos déclarations seront longues et plus nous vous poserons des questions.

Je tiens à signaler la présence, au fond de la salle, d'étudiants qui participent au forum des jeunes Canadiens. Vous avez choisi un bon comité aujourd'hui, un comité bien administré, efficace, amical et joyeux—soit dit en passant, je suis un optimiste.

• 1535

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): C'est dans quelle salle?

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je suis heureux de vous voir, parce que moi je représente plutôt l'antipode par rapport à vous, étant membre du forum pour les vieux Canadiens.

Qui veut commencer?

M. Rob A. Finlayson (sous-procureur général adjoint, Division des poursuites judiciaires, ministère du Procureur général (Manitoba)): Moi, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

M. Rob Finlayson: Merci, monsieur le président, et au nom du ministère de la Justice du Manitoba je tiens à remercier votre comité de nous avoir donné l'occasion de vous faire cet exposé cet après-midi.

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est en cours d'élaboration depuis un bon moment déjà. Le projet de loi C-7 constitue la troisième version de la loi présentée au Parlement. La province du Manitoba reconnaît que certaines mesures ont été prises pour répondre aux préoccupations qu'elle avait exprimées plus tôt concernant ce texte législatif sur les adolescents, mais elle estime que ces mesures n'ont pas permis de faire en sorte que les lois relatives aux jeunes qui commettent des infractions sont efficaces, significatives et aptes à protéger la société.

Le droit pénal au Canada est appliqué en partenariat entre le gouvernement fédéral, en vertu de ses pouvoirs législatifs, et le procureur général de la province, qui est responsable de l'administration de la justice. C'est la province qui assume la responsabilité de la prévention de la criminalité, des poursuites, de la police et des programmes correctionnels dans les établissements pour jeunes et au sein de la collectivité. Ce partenariat unique doit respecter les limites à la faculté du gouvernement fédéral de s'immiscer dans les champs de compétence provinciale, et il doit reconnaître que c'est le procureur général de la province, et non le ministre fédéral de la Justice, qui doit répondre de la mise en oeuvre de la législation. En outre, il faut examiner avec soin les lois fédérales qui imposent un fardeau financier à une province sans s'accompagner d'un partage correspondant de ces dépenses.

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents impose un fardeau financier considérable aux provinces qui doivent l'appliquer. Des évaluations préliminaires au Manitoba portent à croire que le coût additionnel lié à l'application de la LSJPA se chiffrera en millions de dollars par année. Par exemple, l'élaboration de systèmes permettant une communication efficace entre les intervenants du système de justice pénale est estimée, à elle seule, à plus d'un million de dollars. On s'attend à un accroissement des besoins en ressources humaines, et, en particulier, si des systèmes d'information efficaces ne sont pas mis en place, il s'ensuivra des besoins additionnels et appréciables et ressources humaines.

Une autre préoccupation tout aussi importante concerne la date d'entrée en vigueur de la LSJPA. Des représentants du gouvernement fédéral ont avisé les provinces et les territoires que la LSJPA pourrait entrer en vigueur dès janvier 2002. Compte tenu des différences considérables entre la LSJPA et la Loi sur les jeunes contrevenants ainsi que d'autres facteurs, tels que la complexité de la nouvelle loi et les exigences qui en découlent en matière de formation et d'élaboration de systèmes, il est essentiel de prévoir au moins une année entre l'adoption de la loi et son entrée en vigueur.

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, telle qu'elle est proposée, méconnaît la relation qui doit exister entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, et, par conséquent, il est nécessaire de procéder à d'importantes modifications en vue de restaurer l'équilibre approprié aux fins de l'administration du système de justice pénale pour les adolescents.

Dans ses observations, le Manitoba cerne des problèmes ou thèmes généraux se rapportant à la LSJPA, souligne des exemples particulièrement graves qui illustrent ces thèmes, et propose une approche ou des modifications envisageables pour répondre aux préoccupations soulevées.

Les problèmes les plus graves, en ce qui concerne le Manitoba, se rapportent aux thèmes suivants: questions concernant la confiance du public; complexité des procédures et du libellé; incidence négative sur les victimes; contrevenants de moins de 12 ans; gestion des peines.

Commençons par les questions concernant la confiance du public. Plutôt que d'inspirer la confiance, la LSJPA amènera inévitablement le public à devenir encore plus critique à l'égard du système de justice pour les adolescents. Ceci découle du fait que la loi proposée ne corrige pas les problèmes qui sont à l'origine des critiques à l'égard de la loi sur les jeunes contrevenants.

La disposition suivante suscite des questions particulièrement graves concernant la confiance du public: peines de garde et de surveillance. La Loi prévoit pour les adolescents une peine maximale de trois ans dans les cas où un adulte est passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Dans les cas d'infractions susceptibles d'entraîner pour un adulte une peine inférieure à l'emprisonnement à perpétuité, un adolescent peut être condamné à une peine d'au plus deux ans.

Ces plafonds de deux et trois ans en matière de peines sont les mêmes que ce que prévoit actuellement la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC). La LSJPA prévoit, en outre, que le dernier tiers d'une peine de garde et de surveillance doit être purgé au sein de la collectivité sous surveillance. Ainsi, une peine de trois ans revient, dans les faits, à une peine de garde de deux ans. La durée maximale de garde qui peut être imposée en vertu de la Loi pour ces types d'infractions est donc moindre que ce qui est prévu par la LJC.

• 1540

Le problème tient à ce que, avec la nouvelle loi, la mise en liberté de nombreux adolescents aura lieu d'office et sans égard à la question de savoir si l'adolescent a fait suffisamment de progrès dans les programmes suivis en établissement de garde pour constituer un risque moindre au moment de son retour dans la collectivité.

Ce fait, à lui seul, est peu susceptible d'inspirer confiance dans la nouvelle loi. Pour de nombreux Canadiens, c'est là la première chose qu'ils apprendront à propos du fonctionnement des nouvelles dispositions législatives, et je crois que l'approche indifférenciée et obligatoire en matière de mise en liberté aura pour effet de miner la confiance du public dans cette loi.

Les nouvelles dispositions relatives au maintien des adolescents sous garde jusqu'à l'expiration de la peine sont beaucoup trop rigoureuses, et, en conséquence, très peu d'adolescents demeureront sous garde jusqu'à l'expiration de leur peine. De même, la possibilité d'imposer une période de garde excédant les deux tiers de la peine pour des infractions désignées est trop limitée, et, partant, elle aura peu d'effet.

Une autre des préoccupations du Manitoba relativement à la confiance du public dans cette loi concerne les modifications apportées au préambule et à l'énoncé de principes qui éliminent les questions de protection du public et de conséquences réelles pour les comportements délictueux, ou qui en diminuent l'importance. Ce sont là deux questions importantes qui devraient être mises en relief dans cette loi. Nous recommandons donc: de modifier l'énoncé de principes de manière à poser clairement comme principe la dénonciation du comportement délictueux; de porter à 5 ans moins un jour la peine maximale applicable aux adolescents pour les infractions qui rendraient un adulte passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité; d'éliminer la mise en liberté d'office des contrevenants après les deux tiers de la peine.

Complexité des procédures. La complexité de la LSJPA est sans doute la première chose qui frappe celui ou celle qui tente de la lire. Cette complexité a deux conséquences indésirables: elle rend la Loi excessivement difficile à comprendre, et elle occasionnera des délais et un engorgement des rôles des tribunaux.

S'agissant des délais et des engorgements des rôles occasionnés par la complexité des procédures, je dirais que la proximité d'un comportement et de ses conséquences est un principe fondamental du développement de l'enfant, et que ce principe devrait aussi se refléter dans la législation sur la justice pénale pour les adolescents. La LSJPA établit un éventail élaboré d'avertissements de la police, de mises en garde, de renvois à des programmes communautaires, de mises en garde du procureur de la Couronne et de sanctions extrajudiciaires. Il peut être fait appel à des comités consultatifs pour obtenir des renseignements relatifs à la mesure appropriée; des conférences peuvent être organisées; et le contrevenant a le droit d'être représenté par un avocat tout au long de chaque processus.

Bien que la Loi, dans sa forme actuelle, permette d'adopter des règles régissant le recours aux conférences qui ne sont pas ordonnées par le tribunal, il n'y a aucun moyen de gérer ces conférences dans un contexte judiciaire. Les conférences sont un concept bien connu dans le système de justice pour les jeunes, mais, telles qu'elles sont conçues dans cette Loi, elles accroîtront sensiblement les délais. Afin d'en assurer la clarté, il faudrait raffiner davantage ce concept.

Les nombreux «embranchements» vers toute une gamme de processus, de procédures, d'auditions, d'appels et d'examens vont tous à l'encontre des principes de la Loi. Bien que le projet de loi C-7 ait été modifié par l'ajout d'un principe de rapidité à l'article 3, il est pratiquement noyé au milieu d'une série d'autres principes. Nous recommandons par conséquent: que le règlement rapide des questions soit clairement posé comme principe directeur de la Loi et du système de justice pénale pour les adolescents; que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents soit modifiée de manière à éliminer ou, à tout le moins, restreindre les enquêtes préliminaires dans le cadre des procédures judiciaires visant les jeunes; que les dispositions relatives aux conférences soient retirées de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou, à tout le moins, que leur étendue et leur fréquence soient sensiblement réduites.

Pour ce qui est de la complexité du libellé, il faut dire que la LSJPA est rédigée d'une manière qui la rend difficile à suivre. D'un bout à l'autre de la Loi, la terminologie est complexe, les dispositions sont trop longues et il y a trop de règles et de sous-règles. Un des principes essentiels de la rédaction en langage clair consiste à chercher à faire des phrases courtes. Bien que l'on note que certains des principes du langage clair ont été suivis dans le projet de loi C-7, les efforts sont très loin de produire un texte législatif accessible à tous les Canadiens.

• 1545

Nous pensons en particulier que l'on pourrait éviter une difficulté créée par des définitions défectueuses soit en établissant une annexe énumérant les infractions sans violence et les infractions graves avec violence, soit en adoptant une définition de l'expression «infraction grave avec violence» semblable à la définition de l'expression «infraction causant des lésions corporelles graves» que l'on retrouve actuellement à l'article 752 du Code criminel.

Deuxièmement, nous recommandons que le texte de la Loi soit retravaillé, en en réduisant la longueur de moitié, en employant un libellé plus simple, en faisant des renvois plus significatifs et en plaçant des notes entre parenthèses.

Passons à l'incidence négative sur les victimes. Les victimes veulent que les processus légaux se déroulent avec célérité de manière qu'elles puissent passer à autre chose dans leurs vies. La LSJPA comporte plusieurs dispositions qui entraîneront des délais importants. Ces dispositions desservent les victimes. Bien que les principes évoquent le traitement des victimes, la limitation des inconvénients et le respect de la dignité et de la vie privée, la Loi, dans sa forme actuelle, n'étaie pas ces principes. Nous recommandons dès lors d'apporter des changements pour que les intérêts des victimes soient clairement définis.

Je vais brièvement parler des contrevenants de moins de 12 ans. Lors de sa dernière comparution devant le comité qui examinait la version précédente de la LSJPA, le Manitoba a soutenu qu'il faudrait adopter un principe permettant de poursuivre les délinquants de moins de 12 ans dans des circonstances exceptionnelles. Nous vous invitons, à nouveau, à considérer cette suggestion. Les tribunaux de la jeunesse devraient pouvoir, une fois qu'ils sont saisis des causes, déterminer si des accusations doivent être portées contre des délinquants de moins de 12 ans, en cas d'infraction flagrante. Les facteurs suivants permettraient de déterminer les critères applicables pour décider si des accusations peuvent être portées: nature de l'infraction ou des infractions; situation du contrevenant, y compris ses antécédents et sa maturité; question de savoir s'il est dans son intérêt à long terme que l'affaire soit traitée par la voie des tribunaux.

Enfin, en ce qui a trait à la gestion des peines de garde, la LSJPA prévoit différentes procédures régissant les décisions relatives au niveau de confinement imposé, à la mise en liberté anticipée, aux conditions qui peuvent être imposées lorsque la mise en liberté est accordée, etc. Ces procédures complexes entraînent une série de problèmes, et elles constituent les éléments de la loi qui représentent l'immixtion la plus marquée dans des domaines qui relèvent traditionnellement de la responsabilité des provinces. À notre avis, une peine infligée par le tribunal pour adolescents de Shamattawa, au Manitoba, ne devrait pas être gérée par Ottawa.

La Loi oblige la province à établir au moins deux niveaux de garde dans des établissements pour jeunes. Aucune exigence semblable n'est imposée aux provinces en rapport avec les établissements pour adultes. Presque toutes les décisions du directeur provincial peuvent faire l'objet d'un appel, d'un examen ou d'une approbation soit par le tribunal, soit par la commission d'examen. Cela aussi est inacceptable. C'est une intrusion dans les champs de compétences provinciaux et on ne devrait pas le trouver dans la loi.

Un autre aspect qui a été porté à notre attention mais qui n'est pas mentionné dans notre mémoire concerne l'article 35 du projet de loi, intitulé «Renvoi à un organisme de protection de la jeunesse», qui stipule que:

    Le tribunal pour adolescents peut, à toute phase des poursuites, en plus de toute ordonnance qu'il est autorisé à rendre, saisir un organisme de protection de la jeunesse du cas de l'adolescent pour que l'organisme détermine si l'adolescent requiert ces services.

Voilà, selon nous, une autre intrusion dans un champ de compétence provinciale. Cet article n'est pas clair et il faudrait soit le supprimer, soit le modifier pour en préciser la teneur.

Voilà les aspects importants que le Manitoba voulait soulever dans sa présentation. Nous sommes maintenant tout à fait disposés, et aptes je l'espère, à répondre à vos éventuelles questions.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Finlayson.

Madame Pottruff.

Mme Betty Ann Pottruff, c.r. (directrice, Politiques, Planification et évaluation, ministère du Procureur général (Saskatchewan)): Volontiers. Merci. Je tiens également à remercier les membres du comité.

Monsieur le président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité sur ce sujet important et j'en profite pour préciser que John Whyte n'a malheureusement pas pu venir aujourd'hui en raison d'une incompatibilité de calendrier.

• 1550

Je tiens, pour commencer, à confirmer ce que nous avions dit devant le comité permanent lors de notre intervention du 23 février 2000. Ces observations restent essentiellement valables même si le projet de loi a été légèrement modifié en réponse à certaines de nos observations.

Dans l'ensemble, les amendements en question auraient plutôt tendance, non pas à apaiser les inquiétudes que nous inspirait le texte, mais plutôt à nous offrir de nouveaux sujets de préoccupation. Le ministère de la Justice de la Saskatchewan demeure en effet préoccupé par l'insuffisance des ressources fédérales qui vont être consacrées à la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions, même si ces ressources nous sont d'une incontestable utilité. Le financement fédéral des programmes en cours est déjà largement insuffisant et l'on reste très loin du partage moitié-moitié des coûts initialement prévu en 1984, lors de l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. L'entrée en vigueur de ce nouveau texte ne fera qu'aggraver l'effort exigé de la province.

Il faudra procéder à une réaffectation des ressources provinciales déjà modestes si nous voulons faire face aux exigences complexes de cette mesure qui prévoit des procédures juridiques extrêmement lourdes. Ainsi, des ressources qui auraient pu autrement être affectées à des programmes destinés aux jeunes, que ce soit en matière de récréation, d'éducation ou de moyens de traitement, vont devoir être détournées et affectées à des missions juridiques et à l'instauration de nouveaux processus.

La Saskatchewan redoute que la volonté d'adopter ce texte ait amené le fédéral à négliger un certain nombre de choses. D'abord, il n'y a pas eu d'analyse coûts-bénéfices des nouvelles mesures. Nous estimons, pour notre part, que les divers ressorts vont devoir faire face à une augmentation radicale des coûts. Il y a, en outre, les problèmes que nous sommes en train de découvrir à l'occasion d'entretiens très sérieux au sujet de la mise en oeuvre. Il va falloir y trouver des solutions, mais je ne suis pas certaine qu'il y ait assez de temps pour cela.

Comme l'a dit M. Finlayson, les divers ressorts auront besoin d'un an au minimum à partir de l'adoption de ce texte, avant d'être à même d'en assurer la mise en oeuvre. Un gros effort de formation va devoir être consenti, de nouveaux programmes élaborés, d'importants changements devront être apportés aux divers systèmes et, aussi, de nouveaux locaux devront être organisés. Ce serait, pour les divers ordres de gouvernement, mal servir les citoyens que de ne pas parvenir à mettre en oeuvre de manière efficace les mesures qui finiront par être adoptées. Or, c'est bien ce que nous entendons faire, que l'on tienne compte ou non des préoccupations que nous inspirent certaines dispositions du texte. Il est clair que nous ferons de notre mieux pour mettre en oeuvre les nouvelles mesures, mais il nous faut pour cela disposer du temps nécessaire.

D'après une analyse des coûts qui retient les mêmes paramètres que les autres ressorts, la Saskatchewan devra, au départ, débourser environ 15 millions de dollars. Ce chiffre peut paraître élevé, mais je précise que le développement des systèmes exigera à lui seul 10 millions. Malheureusement, nos systèmes ne répondent déjà pas aux tâches qui leur sont actuellement confiées, et ils sont donc parfaitement incapables de faire ce qu'exigera d'eux la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions. La simple programmation exigée dans le cadre de cette législation obligera probablement les divers ressorts à y consacrer chaque année de 5 à 6 millions de dollars puisque les nouvelles mesures touchent aussi bien à la santé, à l'éducation et aux services publics qu'à la justice et à l'aide juridique.

Dans son témoignage de février 2000, M. Whyte avait évoqué quatre préceptes sur lesquels, d'après lui, doit reposer la réforme de la justice pour les jeunes. Il avait, à cet égard, parlé de sécurité publique, d'une réaction à la fois compatissante et constructive dans le cas des jeunes ayant des démêlés avec la justice, de la nécessaire efficacité des mesures prises en ce domaine et, enfin, de la compréhension et de la confiance du public. Or, à notre avis, le projet de loi C-7 ne correspond pas suffisamment aux exigences ainsi formulées.

Je dis cela malgré le grand respect que j'éprouve pour les efforts considérables que mes collègues fédéraux ont consacrés à ce texte et je m'en prends, à cet égard, non pas au travail qu'ils ont accompli mais plutôt au contenu même du texte. Comme le disait mon homologue du Manitoba, il s'agit d'un texte extrêmement complexe qui tente d'instaurer, par voie législative, des processus de contrôle des décisions et du pouvoir discrétionnaire. Or, les dispositions prévues sont compliquées à l'extrême. De prime abord, le texte semble offrir des solutions élégantes, mais l'administration et la mise en oeuvre des mesures qu'il prévoit seront extrêmement compliquées et difficiles.

Le premier domaine est celui de la sécurité publique. Les dispositions pénales inscrites dans ce texte doivent permettre d'équilibrer les besoins des contrevenants, des victimes et, aussi, des collectivités. Or, si, d'après nous, cet équilibre était mal assuré dans le projet de loi C-3, la situation est encore pire en ce qui concerne le projet de loi C-7. Nous en avons cité des exemples dans le document qui vous a été distribué, mais il est clair que les modifications apportées au préambule et aux principes énoncés à l'article 3 réduisent l'importance qu'il convient de reconnaître à la protection du public. J'en suis d'ailleurs surprise puisque le comité avait, en ce qui le concerne, insisté, dans le contexte de la législation pénale, sur l'importance que revêt la protection du public en citant, notamment, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

• 1555

De plus, et comme mon collègue l'a relevé, les principes énoncés dans ce texte en matière de détermination de la peine n'évoquent même pas l'aspect dénonciation et dissuasion. Il se peut que ces deux aspects-là s'y trouvent implicitement énoncés, mais cela n'est pas clair et c'est, d'après moi, une des lacunes du texte. On voit mal, en effet, comment, pour les adultes de plus de 18 ans, la dénonciation et la dissuasion sont des aspects importants de la peine et que, pour une raison que l'on ignore, il n'en serait pas de même pour les personnes âgées de moins de 18 ans. Cela est particulièrement difficile à comprendre lorsqu'on songe à des phénomènes tels que les agressions collectives et les bandes d'adolescents, enfin à des activités que le public s'attend à voir dénoncées par les tribunaux lors du prononcé de la sentence.

Enfin, les principes énoncés doivent reconnaître formellement que la société se range à la nécessité de mettre les jeunes contrevenants hors d'état de nuire, c'est-à-dire de les mettre provisoirement à l'écart. Or, il n'en est rien dans ce projet de loi, contrairement à la Loi sur les jeunes contrevenants en son alinéa 3(1)b). Il y a des cas où la mise à l'écart ou hors d'état de nuire correspond non seulement aux besoins de la société mais aussi à ceux des adolescents concernés.

Je constate avec satisfaction que les amendements récemment apportés au projet de loi C-7 tiennent compte des différences culturelles. Cela me semble très important, notamment en ce qui concerne les contrevenants autochtones en Saskatchewan et nous sommes tout à fait partisans du changement apporté au texte sur ce point.

Le texte doit être modifié afin d'intégrer à nouveau au préambule l'importance essentielle que revêt la protection du public, et en revenir à la formulation du sous-alinéa 3(1)c)(iii), afin que la protection du public ne soit pas simplement un objectif à long terme mais bien un objectif immédiat lorsqu'il s'agit d'imposer une peine à un contrevenant. Rajoutez donc à l'article 3 une formulation concernant la mise à l'écart de la société, en cas de besoin. À l'article 38, inscrivez en outre au nombre des principes retenus en matière de détermination de la peine, la dénonciation des agissements répréhensibles et la dissuasion.

Le second grand thème est celui d'une riposte qui soit à la fois compatissante et constructive. La manière dont la Saskatchewan traite les jeunes contrevenants va, il est clair, dans le sens des efforts actuellement déployés par le gouvernement fédéral. Nous ne sommes aucunement en désaccord avec l'orientation essentielle du projet de loi. Là où nous marquons notre désaccord c'est au niveau des moyens inscrits dans ce texte. Depuis 1993, nous oeuvrons en Saskatchewan dans le cadre d'un plan d'action pour l'enfance qui correspond à une approche globale aux besoins de l'enfance et, en 2000, nous avons également retenu, en matière de services pour les jeunes, un modèle global dans le cadre duquel nous nous sommes beaucoup inspirés de ce qui s'est fait au Québec pour les programmes à l'intention de la jeunesse. Cela dit, nous estimons que les dispositions prévoyant la mise en liberté d'office et la classification des contrevenants selon, non pas les besoins de l'individu, mais le type d'infraction commise, sont contraires aux éléments essentiels d'une riposte sympathique et constructive. Ces mêmes mesures instaurent un régime inflexible qui ne contribue utilement ni à l'administration de la justice ni au développement des jeunes.

La Saskatchewan avait auparavant demandé que l'on retire du texte toute définition et référence aux infractions avec violence et aux infractions sans violence et que l'on améliore la définition d'«infraction grave avec violence». Les définitions concernant la violence et la non-violence ont été retirées du texte, mais celui-ci continue à se référer à ces notions qui, en raison de leur manque de précision, entraînent un certain nombre de problèmes.

On retrouve l'expression «infraction sans violence» à l'alinéa 4c) au sujet du recours d'office à des mesures extrajudiciaires. Nous ne sommes pas du tout contre le recours à des mesures extrajudiciaires et nous appliquons déjà un programme très dynamique de mesures de substitution, programme que nous espérons d'ailleurs élargir que les dispositions en question soient adoptées ou non. Cela dit, dans ce texte, l'expression «infraction sans violence» comprend des activités comme le trafic de stupéfiants, la conduite en état d'ivresse et le harcèlement criminel. On ne sait pas très bien, donc, ce que cette notion englobe et il est possible que la version actuelle du texte inspire à la population des attentes irréalistes.

On trouve le terme «infraction avec violence» à l'article 39 en ce qui concerne un jeune qu'on envisage de placer sous garde. Encore une fois, on ne sait pas ce qu'il faut comprendre par ce mot «violence». Un comportement violent comprend-il les voies de fait simples? Cette notion comprend-elle la conduite automobile dangereuse? Cela n'est pas clair. Nous ne sommes pas certains que des notions aussi vagues aient leur place dans un texte de loi.

Mais ce qui nous préoccupe le plus c'est la notion d'«infraction grave avec violence». C'est une définition qui a de l'importance lorsqu'il s'agit de savoir ce qu'on va entendre par infraction de la cinquième catégorie et aussi dans les cas de mise en liberté d'office, puisqu'il est alors possible de demander le maintien sous garde de l'adolescent en cause. Actuellement, cette définition s'applique aux personnes qui «causent ou tentent de causer des lésions corporelles graves. Or, ce ne sont pas là des termes que l'on trouve dans le Code criminel. Nous ne savons pas vraiment ce qu'il faut entendre par cela. Cette définition exige-t-elle qu'il y ait effectivement eu mutilation ou blessure entraînant des séquelles? Si c'est bien le cas, c'est une manière rudement étroite de classifier les infractions graves avec violence. Cela, par exemple, ne comprendrait pas l'enlèvement, ni les agressions sexuelles, ni le vol qualifié. Cela ne comprendrait pas non plus la conduite dangereuse. Il existe, en effet, de nombreuses catégories d'infractions qui échappent à cette définition tout en étant généralement considérées comme des infractions extrêmement sérieuses. On ne voit pas non plus si les termes utilisés s'appliqueraient aux préjudices psychologiques ou émotionnels découlant d'une agression sexuelle ou de harcèlement criminel par exemple.

• 1600

Nous sommes également très inquiets des dispositions concernant la mise en liberté d'office. D'après nous, cette possibilité n'encourage aucunement la réinsertion sociale. Elle risque même d'avoir un effet contraire puisque rien n'encouragera alors les adolescents à participer, pendant leur détention, à des programmes ou activités censés faciliter leur réadaptation. Ils auront, en effet, le droit d'être libérés même s'ils n'ont pas fait le moindre effort en vue de leur réadaptation. Cela risque d'influer sur l'attitude qui marquera leur comportement une fois rendus à la société.

Or, nous estimons que cette difficulté peut être résolue. D'après nous, il conviendrait d'abord de supprimer de la loi la dichotomie infraction sans violence/infraction avec violence, le texte ne devant alors comprendre qu'une disposition enjoignant aux tribunaux de tenir compte, pour la détermination de la peine, du risque que pose l'adolescent concerné et de la gravité du préjudice causé afin de se prononcer non pas seulement en fonction de l'infraction commise mais en tenant compte de toute la gamme de considérations entourant l'affaire.

Si cette solution n'est pas jugée acceptable, il conviendrait alors de remplacer à l'alinéa 4c), l'expression «infractions sans violence» par «infractions contre les biens», de supprimer, à l'article 39, les mots «avec violence» et d'affiner la définition de «infraction grave avec violence»—comme la proposé mon collègue du Manitoba—soit en énumérant les infractions, renvoyant à l'article 752 du Code, ou du moins à la définition qui figure actuellement dans la loi, en en éliminant l'expression «lésions corporelles graves» et en s'en tenant aux mots «lésions corporelles». Cela permettrait alors de s'en remettre à la jurisprudence pour ce qui est des définitions contenues dans le Code.

Remplacez les dispositions prévoyant la mise en liberté d'office par des dispositions ouvrant droit à la mise en liberté après l'accomplissement des deux tiers de la peine à moins que le directeur ou procureur provincial ne décide de s'opposer à cette mise en liberté au motif qu'elle ne répond pas à certains critères—ces critères étant les mêmes que ceux que l'on retient actuellement lorsqu'un adolescent sous garde demande l'examen de son dossier, c'est-à-dire que l'adolescent en question doit démontrer les progrès qu'il a accomplis durant son séjour en établissement. Il faut donc qu'il y ait des raisons de penser que l'adolescent réussira sa réadaptation une fois libéré. Prévoyez en outre que si l'adolescent n'est pas d'accord avec la décision du directeur provincial, il pourra adresser à la Couronne une demande de révision.

Une autre solution consisterait à abaisser le seuil des conditions permettant de garder un adolescent sous garde une fois venu le moment de sa mise en liberté d'office, et de retenir non pas le risque qu'il commette, avant l'accomplissement de sa peine, une infraction grave avec violence, mais simplement une infraction avec violence.

En ce qui concerne les dispositions du projet de loi visant l'efficacité des mesures mise en oeuvre, rappelons, comme l'a fait mon collègue du Manitoba, que les dispositions prévues empiètent sur des compétences provinciales, ce qui ne manquera pas d'alourdir sensiblement le budget des provinces.

Pour ce qui est de l'article 19, qui traite des groupes consultatifs, je précise que nous ne nous opposons aucunement à l'idée mais le fait que cet article donne aux divers ressorts uniquement la faculté de régir ou de fixer les règles régissant les pratiques du directeur provincial et non pas celles des juges ou des juges de paix veut dire, en fait, que les autorités provinciales ou territoriales n'auront aucun contrôle. D'après nous, les groupes consultatifs coûteront en moyenne 1 600 $ par dossier compte tenu du nombre des parties devant être représentées. Cela va entraîner de grandes perturbations du système, occasionnant des retards et des frais supplémentaires et alourdissant grandement les problèmes de gestion des cas dont la responsabilité incombe, rappelons-le, à des fonctionnaires provinciaux.

On pourrait en dire autant de l'article 35, qui propose l'instauration d'un nouveau mécanisme de renvoi aux services de protection de la jeunesse. Cette disposition est trop vague, et elle est en outre inefficace car l'article en question ne précise pas pourquoi telle ou telle affaire serait soumise à des tels organismes. Le dossier en question ne correspondra pas nécessairement, en effet, aux critères permettant dans le ressort, de déclencher l'action de ces services. Cela entraînera un surcroît de travail au niveau de la prise en charge des dossiers, dans des services qui ont déjà, rappelons-le, fort à faire.

Les réformes que nous proposons sont donc les suivantes: supprimer l'article 35 ou en adopter une formulation plus claire; faire en sorte que l'article 19 s'applique à tout le monde, y compris aux juges et autres membres de la magistrature, ou bien prévoir spécifiquement que cet article ne s'appliquera pas à la magistrature.

Je rappelle que la complexité même du texte soulève un certain nombre de préoccupations en ce qui concerne la confiance et la compréhension qu'il devrait inspirer au public. Ceux d'entre nous qui seront chargés de l'administrer s'inquiètent énormément des règles qu'il prévoit en matière de détermination des peines. Nous avons oeuvré, avec nos collègues fédéraux notamment, afin d'élaborer un guide de détermination de la peine. Cet ouvrage compte actuellement 83 pages de calculs très complexes, que les spécialistes du système correctionnel comprennent peut-être mais qui, je crains, ne sera compris ni par les avocats, ni par les juges, ni par les membres du public.

Je tiens à préciser, pour terminer, que nous sommes entièrement favorables à ce dédoublement du système de justice pénale, avec une filière pour les adultes et une filière distincte pour les adolescents. Les catégories d'âge actuellement retenues nous semblent bonnes. Nous sommes également tout à fait acquis à cette gradation des ripostes aux infractions commises par des adolescents. Ce n'est donc pas l'orientation du projet de loi qui nous pose problème, mais les instruments prévus pour le mettre en oeuvre.

• 1605

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Pottruff.

Madame Brock, on me dit que vous n'allez pas faire de présentation, mais que vous êtes prête à répondre à nos questions.

Mme Carolyn Brock (directrice exécutive par intérim, Service correctionnel du Manitoba, ministère du Procureur général (Manitoba)): C'est exact.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Nous allons maintenant entamer notre première série de questions de sept minutes. Je précise à l'intention des témoins que cela comprend votre temps de réponse et que vous risquez donc de réduire celui dont dispose les députés.

Nous allons débuter par M. Cadman, pour sept minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC): Je vais essayer de vous poser des questions brèves, pour vous donner l'occasion d'y répondre pleinement.

Je suis confus par ce qu'on entend dire de plus en plus par les provinces à propos du projet de loi C-3—du moins de la bouche des juges et de celle des autres juristes—à propos de la complexité de ce projet de loi et davantage encore des problèmes de financement qu'il va soulever. La ministre nous a sans cesse répété que son ministère tenait des consultations poussées avec toutes les parties prenantes sur ces questions, ce qui, selon moi, doit englober les provinces. Et pourtant, on nous parle d'une complexité incroyable et de problèmes de financement.

J'aimerais entendre votre avis à vous deux à ce sujet. Pensez-vous que cette situation trahit le fait que les consultations n'ont pas été suffisantes ou que le gouvernement ne vous a pas écouté?

Mme Betty Ann Pottruff: Il est vrai que l'élaboration de ce texte de loi fait l'objet de réunions régulières.

Les provinces et les territoires ont formulé moult recommandations pour simplifier cette mesure législative à propos des nombreux aspects dont j'ai parlé. Cependant, presque aucune de ces recommandations n'a été retenue par le gouvernement.

M. Rob Finlayson: Les fonctionnaires, ainsi que les sous-ministres et les ministres, ont soulevé deux grands aspects.

D'abord, ils ont parlé d'analyse d'incidence sur les coûts à la table des sous-ministres. Soit dit en passant, chaque fois que le législateur envisage d'adopter une nouvelle mesure, celle-ci doit être soumise à un processus long et poussé d'analyse d'incidence sur les coûts. Ce genre d'analyse est obligatoire et tout le monde autour de la table s'entend sur le fait qu'il faut l'effectuer. Toutefois, tel n'a pas été le cas avec cette mesure législative et je me dois de vous signaler respectueusement que cette question de l'incidence sur le plan des coûts viendra hanter le gouvernement fédéral dans l'avenir.

La deuxième grande question qui a été soulevée est celle de l'intrusion dans les champs de compétence provinciaux. Je crois que tout le monde s'entend sur le fait qu'il faut disposer d'une nouvelle mesure législative pour traiter du cas des adolescents qui ont des démêlées avec la justice. C'est certain! En revanche, le fait que le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités financières sur les gouvernements provinciaux est très inquiétant. D'un autre côté, le gouvernement fédéral, par le biais de ce texte de loi, semble vouloir microgérer la façon dont les provinces fonctionnent, ce qui les inquiète également beaucoup.

M. Chuck Cadman: Il y a autre chose à propos des mesures extrajudiciaires.

Nous sommes tous d'accord sur leur bien-fondé. Bien des provinces les ont adoptées depuis longtemps, comme la Colombie-Britannique. Voilà maintenant que le gouvernement fédéral décide de les inscrire dans la loi.

Nous estimons, comme beaucoup, qu'il ne faudrait pas les appliquer aux délinquants primaires. À la façon dont l'article se présente actuellement, il serait possible d'appliquer de telles mesures à plusieurs reprises à un même délinquant.

Est-ce que l'un de vous a étudié une méthode quelconque qui permettrait aux provinces de suivre le déplacement des adolescents d'une province à l'autre? Sans cela, deux ressorts pourraient émettre une mise en garde concernant un même adolescent qui serait passé d'une province à l'autre, sans que la deuxième soit au courant du premier incident ni de l'adoption éventuelle par celle-ci de mesures plus sérieuses comme la tenue d'un groupe consultatif.

Que pourrait donner ce genre de suivi sur le plan des coûts, pour les provinces? Avez-vous l'intention de le faire?

Mme Betty Ann Pottruff: L'analyse des besoins de l'appareil judiciaire, la question du suivi des mesures extrajudiciaires... tout ce processus s'inscrit dans l'analyse des besoins d'ensemble de la province et nous devons trouver la capacité voulue pour y parvenir, parce que nous n'avons pas cette capacité pour l'instant.

Nous ne l'avons pas non plus pour assurer le suivi des jeunes délinquants d'un ressort à l'autre. Ce sera un travail à long terme qui touche à l'intégration du système judiciaire à l'échelle du Canada. C'est là un sujet de discussion permanente entre les différentes instances au Canada, mais à ce stade les choses ne vont pas au-delà de la discussion.

• 1610

M. Chuck Cadman: Je voulais plutôt parler du suivi au sein d'une même province, par exemple entre Regina et Saskatoon.

Mme Betty Ann Pottruff: Oui, c'est effectivement un aspect sur lequel nous nous penchons dans ma province.

Afin de répondre au genre de préoccupations que vous venez d'exprimer, nous devrons travailler au niveau de l'appareil judiciaire. Il faudra prendre des décisions en fonctions des mesures antérieures adoptées pour tel ou tel jeune contrevenant; pour cela, il faudra bien sûr être au courant de ces mesures.

M. Rob Finlayson: Il faut disposer d'un système qui permette de suivre les dossiers. Nous avons actuellement le système CPIC pour les délinquants condamnés pour des actes criminels.

En revanche, nous doutons beaucoup que nos corps policiers—c'est-à-dire les polices municipales de même que la GRC—soient en mesure de suivre les dossiers des jeunes contrevenants. Or, c'est à ces corps policiers qu'il incombera de prévenir les victimes quand des mesures extrajudiciaires auront été adoptées, les victimes ayant le droit de savoir ce qui se passe. Eh bien, ce sera peut-être très difficile à réaliser, car la police ne peut pas assurer le suivi des dossiers.

Encore une fois, on en revient à la question des coûts.

M. Chuck Cadman: Combien de temps me reste-t-il?

Le vice-président (M. Ivan Grose): Il vous reste une minute trente.

Monsieur Toews.

M. Vic Toews (Provencher, AC): Je suis un peut inquiet par ce que j'entends ici.

Nous avons déjà consacré plusieurs années à tout ce processus. Or, vous venez nous dire que cette loi est plus complexe, plus difficile à comprendre, plus difficile à administrer et qu'elle empiète sur les compétences provinciales. Je ne vous ai pas entendu dire qu'elle présentait un seul avantage par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants à laquelle nous n'accordions aucune plausibilité.

Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet?

Le vice-président (M. Ivan Grose): On risque de dépasser les sept minutes, mais je vous en prie, allez-y.

M. Vic Toews: Je tiens à signaler, pour le procès-verbal, que les deux témoins se sont regardés et ont ri.

Mme Betty Ann Pottruff: Nous serions absolument ravis de pouvoir le faire.

À l'évidence, il y a des aspects du projet de loi pour lesquels un énoncé de principes clair, à condition qu'on puisse en formuler un, serait un progrès par rapport à la loi actuelle. On constate un élargissement des options relativement à l'établissement des peines, ce qui est peut être approprié pour les tribunaux. Il est déjà possible d'appliquer ces options dans la détermination des peines, mais il sera très intéressant de mieux les définir dans la loi.

Il se peut fort—comme mon homologue du Manitoba vous l'a indiqué—qu'en essayant de microgérer l'administration de la justice par les provinces, le gouvernement fédéral ait produit un texte par trop complexe.

M. Rob Finlayson: Je vais permettre à Mme Brock de répondre à cette question.

Mme Carolyn Brock: S'agissant de la question des principes de la loi, nous convenons que la solution ne consiste pas à trop miser sur la garde. Il y a bien d'autres façons de s'occuper des jeunes délinquants que de les mettre sous garde. Il faut insister sur le fait que ce principe est valable.

Au Manitoba, il nous arrive de devoir imposer des mesures extrajudiciaires plusieurs fois de suite à un même adolescent, à chacune de ses comparutions, mais à chaque fois, nous le faisons e toute conscience de la perception du public et de notre responsabilité envers la population.

Ce qu'il y a d'intéressant avec ce projet de loi, c'est la façon dont il envisage les solutions de remplacement à la garde. Les ressorts n'ont pas toujours fait preuve de créativité dans la recherche d'autres solutions. Ce projet de loi nous invite à tendre dans cette direction, ce qui est fort bien.

M. Rob Finlayson: Je dois ajouter, monsieur Toews, que la nécessité de tenir compte des droits de la victime et donc de tenir la victime au courant, est très intéressante.

Ce qui nous inquiète, en revanche, c'est que cette disposition pourrait ne pas être appliquée. C'est une bonne chose que d'énoncer un principe, mais il faudrait en préciser davantage l'intention dans la loi.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Finlayson.

Monsieur Bellehumeur, pour sept minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup. Je vous remercie d'avoir accepté de témoigner. Il est très enrichissant de vous entendre.

La ministre de la Justice, lorsqu'elle a d'abord présenté le projet de loi C-3 et, maintenant, le projet de loi C-7, a invoqué trois arguments pour modifier de fond en comble la Loi sur les jeunes contrevenants. Le premier, c'est de rendre la loi plus claire et plus facile à appliquer. Le deuxième, c'est d'accélérer le traitement et les procédures judiciaires qui s'appliquent aux jeunes contrevenants. Le troisième, c'est de faire en sorte, si possible, que la confiance du public soit plus grande en ce qui a trait au traitement des jeunes contrevenants.

• 1615

Vos mémoires sont très explicites et je vous en remercie. Selon vos témoignages et vos mémoires, les coûts de la mise en application sont énormes, les définitions soulèvent beaucoup de questions, par exemple au niveau des infractions graves avec violence, les procédures et les délais sont plus longs, il y a empiètement sur les compétences provinciales et la loi est très complexe. Encore selon vous, il sera très difficile de calculer les peines. Je suis très heureux qu'un témoin l'ait affirmé, car j'ai dit à plusieurs reprises que nous aurons besoin de spécialistes pour les calculer tellement cela sera compliqué. Il va même falloir que le ministère de la Justice fasse la même chose que pour les tribunaux pour adultes, c'est-à-dire avoir un cahier spécifique pour les juges.

En résumé, votre mémoire parle d'engorgement des rôles, de délais et de complexité des procédures. Cela touche les trois objectifs poursuivis par la ministre en remaniant son projet de loi. Je ne dirai pas qu'elle a échoué, je vais plutôt poser une seule question : doit-on comprendre de votre témoignage que l'on devrait suspendre l'application ou l'adoption du projet de loi C-7, le temps de faire une analyse exhaustive des coûts, de l'application de la loi dans les provinces et, surtout, des possibilités d'empiètement sur les juridictions des provinces? Ne devrait-on pas revenir après que cette étude aura été faite et adopter un projet de loi qui satisferait les provinces? N'oublions pas que ce sont elles qui vont appliquer ce projet de loi au quotidien et, surtout, qui vont payer, parce qu'il y a des coûts énormes rattachés à ce projet de loi.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Voulez-vous répondre à cette question?

M. Rob Finlayson: Je dirais qu'il faut effectuer une analyse des coûts. Il serait certainement très intéressant pour toutes les parties concernées, notamment pour le gouvernement fédéral, d'avoir une idée des coûts que cette mesure législative pourrait entraîner pour les provinces et les territoires. Comme je le disais tout à l'heure, si nous n'effectuons pas une telle analyse, vous en entendrez parler pendant des années. Autour de la table, il y a des gens qui soutiennent que la répartition des coûts moitié-moitié va être un sujet de discorde pendant bien des années. Donc, comme je le disais, si nous n'effectuons pas une telle analyse, nous provoquerons encore plus de discussions.

D'ici là, je pense que nous devrions profiter de cette occasion pour essayer de simplifier les choses, pour qu'elles soient plus faciles à comprendre. Nous ne devrions pas nous précipiter. Je crois, comme mon homologue de la Saskatchewan vous l'a précisé, que cette mesure législative énonce de bons principes. On pourrait régler le problème de la complexité en employant un langage simple et direct. Regardez ce qui se passe avec certains de ces articles... par exemple, la première phrase du paragraphe 45(2), dont ma collègue vous a parlé, fait 99 mots. C'est inacceptable. Comme je le disais, nous pourrions prendre un peu de temps pour simplifier tout cela.

Si nous effectuons une bonne analyse des coûts, si nous simplifions le libellé de cette mesure et si nous parvenons à réduire le nombre d'embranchements qui ne peuvent qu'occasionner plus de délais, les provinces et territoires n'en seront que plus satisfaits.

Il y a donc plusieurs choses que nous pourrions faire, à commencer par une analyse des coûts.

Mme Betty Ann Pottruff: Je vais faire écho à ce que vient de dire mon homologue du Manitoba. Il est absolument nécessaire d'effectuer une analyse des répercussions sur le plan des coûts. Cette mesure législative est sans doute fort intéressante, mais elle pourrait ne n'être ni efficace ni fonctionnelle.

• 1620

Nous devons déterminer ce qui nous permettra au mieux d'aller dans le sens que nous indique le projet de loi. Comme je le disais, la Saskatchewan n'est pas en désaccord avec cette orientation. Ce qui nous gêne, ce sont les instruments, les mécanismes prévus dans ce projet de loi. Nous ne sommes pas simplement préoccupés par les coûts de mise en oeuvre et par les coûts permanents associés à cette mesure législative, mais par le fait que nous allons devoir déplacer les maigres ressources que nous utilisons actuellement pour appliquer les lois, plutôt que d'effectuer une véritable programmation autour des adolescents, ce que nous préférerions faire.

Je suis donc tout à fait d'accord avec l'idée d'une analyse d'incidence sur le plan des coûts. Les sous-ministres et les ministres de la Justice à l'échelle du pays ont déjà, dans le passé, réclamé la tenue d'analyses du genre à propos d'autres lois importantes. Je pense, par ailleurs, qu'il est temps de s'interroger sur le caractère opératoire de la loi et de déterminer ce qui faudra faire pour qu'elle fonctionne effectivement, plutôt que d'essayer de mettre des points sur tous les «i».

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci beaucoup, madame Pottruff.

Monsieur Bellehumeur, il vous reste environ 15 secondes, mais je vais ajouter votre nom pour la prochaine série de questions.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je veux simplement vous remercier de nouveau de votre franchise et de votre honnêteté lors de votre témoignage devant le comité, parce que je sais que vous avez subi des pressions. Je sais que le ministère fédéral tente de faire adopter le projet de loi rapidement et que malgré tout vous êtes venue ici dire ce que vous pensez. Je vous en remercie très sincèrement.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Bellehumeur.

Monsieur MacKay, je vous ai couché sur ma liste sans votre consentement. Ai-je eu raison?

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): C'est parfait, monsieur le président. Merci.

Je tiens à vous remercier tous pour vos témoignages succincts et forts utiles.

Je suis de plus en plus déprimé d'entendre ce que nous déclarent les témoins qui se succèdent devant nous. Je pratiquais le droit à l'époque de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants. J'ai notamment voulu me faire élire pour l'améliorer. Or, voilà que j'apprends—tout comme mon collègue M. Toews, qui a aussi travaillé de près sur ce processus—que les difficultés qui se posent déjà avec la Loi sur les jeunes contrevenants ont été amplifiées dans ce projet de loi. Les tentatives de simplification de l'ancienne loi ont lamentablement échoué. Non seulement cette mesure est deux fois plus épaisse que l'ancienne LJC, mais elle est aussi deux fois pour ne pas dire trois fois plus complexe.

Je n'ai aucune hésitation à vous signaler que les témoins qui vous ont précédé, notamment des juges, ont dit que ce texte est difficile à appliquer et qu'il est impénétrable. Un témoin a même déclaré qu'il était plus difficile que l'arithmétique japonaise. Nous ne semblons donc pas avoir en main un texte de loi qui va raviver la confiance du public et encore moins améliorer le système de justice.

Sur le plan de l'application de la loi, il y a une chose qui m'a interpellé et vous en avez d'ailleurs parlé. Il s'agit de l'incapacité des services policiers de s'acquitter de cette nouvelle fonction associée aux mesures extrajudiciaires, du nouveau rôle qui va leur incomber, soit de faire du counselling et de suivre les déplacements des jeunes délinquants, dont vous avez parlé.

L'un de vous a-t-il constaté l'incapacité des tribunaux d'entendre des preuves relativement aux mesures extrajudiciaires, à l'étape des enquêtes sur cautionnements. Cette procédure a toujours été la méthode la plus pratique pour la Couronne de refuser la garde ou de soutenir devant un juge que tel ou tel adolescent en était à un point de ses activités criminelles qu'il fallait le retirer de son milieu. Désormais, ce genre de preuve n'est plus admissible en cour. Ce faisant, il n'est plus possible de demander le rejet d'une libération sous caution sur la foi d'un comportement antérieur ayant justifié l'application de mesures extrajudiciaires. Que pensez-vous de cela?

Mme Betty Ann Pottruff: Je pense qu'il y a toujours façon de faire passer ce genre de renseignements à un tribunal, mais il est vrai qu'on ne peut ouvertement dévoiler d'informations obtenues à la suite de déclarations faite lors des procédures associées aux mesures extrajudiciaires.

D'aucuns, je crois, s'inquiètent du resserrement des dispositions relatives à la libération intérimaire et du fait qu'il ne sera pas possible d'obtenir une mise en liberté, sauf pour des délinquants à qui on aurait pu imposer un régime de garde. Finalement, on tourne en rond. Je ne vois pas exactement comment les tribunaux, la Couronne ou les avocats de la défense vont pouvoir déterminer, après le dépôt de toutes les preuves, si l'individu aurait effectivement pu être soumis à un régime de garde, étant donné les limitations associées à ce régime.

• 1625

On se rendra compte, dans l'analyse des répercussions sur le plan des coûts, que cette disposition va donner lieu à une prolongation des audiences en vue de la mise en liberté.

M. Peter MacKay: J'ai l'impression que je vais simplement répéter ce que vous venez de dire. N'est-il pas juste de dire que cette complexité accrue, associée au fait que les nouvelles procédures risquent d'ouvrir la voie à de nouveaux appels, va rallonger le délai entre l'arrestation du délinquant et le règlement de sa cause, s'il est reconnu coupable?

J'ai l'impression que ces procédures sont incroyablement problématiques, non seulement parce qu'elles sont nouvelles, mais aussi parce qu'elles ouvrent la porte à des appels. En vertu de l'ancienne loi, c'est l'audience pour transfert qui posait le plus de problème. Je dois dire, cependant, que certains de ces problèmes ont été allégés.

Là encore, tout cela nous ramène à la décision qu'il faudra prendre: juger le contrevenant en tant qu'adulte ou le juger en tant qu'adolescent. Je trouve que nous avons un problème parce qu'il pourrait falloir beaucoup de temps pour en arriver à ce stade.

Qu'en pensez-vous?

M. Rob Finlayson: Nous pourrions faire porter l'essentiel de nos remarques sur la question des groupes consultatifs, selon l'article 19. Ce qui inquiète surtout les administrations provinciales et territoriales, c'est que cette disposition est très large. On y dit essentiellement que n'importe qui peut constituer un groupe consultatif n'importe quand pour prendre n'importe quelle décision exigée.

Si on dit à des avocats qu'ils vont pouvoir convoquer des groupes consultatifs, ils vont certainement en profiter. Peut-être pas tous, mais ceux qui voudront faire traîner les choses en longueur se prévaudront certainement de cette formule. Il ne semble exister de règle plus précise à cet égard. Il faudrait inclure dans la loi des lignes directrices très strictes qui permettraient de restreindre l'utilisation de ces groupes consultatifs. Il n'y en a pas et nous craignons qu'il en découlera des retards.

M. Peter MacKay: Donc, d'après vous, il n'existe pas de mécanisme dans la loi actuelle imposant une quelconque limite aux avocats qui voudraient constituer des groupes consultatifs à répétition si ce n'est de trouver une justification pour le juge.

M. Rob Finlayson: C'est cela.

M. Peter MacKay: J'ai une dernière remarque à faire ou plutôt une dernière invitation à vos remarques. Certaines des dispositions contenues dans cette loi vont poser problème parce que—et là encore, je crois que je vais faire écho à ce qui s'est dit—les avocats, les juges, les délégués à la jeunesse et les policiers vont avoir de la difficulté à suivre les renvois et même le libellé de la loi.

Ne devrions-nous pas, de façon générale dans la rédaction d'une loi destinée aux jeunes, employer un langage clair qui puisse être compris non seulement par les néophytes mais aussi par les jeunes eux-mêmes? Personnellement, je pense que nous avons dérivé dans la rédaction de ce projet de loi.

Enfin, certains des pires mécanismes qui existent dans le système pour adulte viennent, pour la première fois, se superposer sur cette loi. Je veux plus particulièrement parler du recours aux condamnations conditionnelles, qui sont désormais reprises par le système de justice pour jeunes, et de la libération d'office dont nous venons juste de terminer l'étude dans le cadre du système de justice pour adulte. La libération d'office ne fonctionne pas et il semble même qu'elle menace parfois la sécurité du public. Voilà que nous nous retrouvons avec la même chose dans cette mesure.

N'êtes-vous pas d'accord avec cela? Je ne cherche pas à vous mettre les mots dans la bouche, mais ne pensez-vous pas que ce sont là d'autres difficultés?

M. Rob Finlayson: Je vais laisser à ma voisine, Mme Brock, le soin de vous parler de la libération d'office.

Permettez-moi simplement de vous dire qu'il y a deux lois, l'une provinciale, l'autre fédérale, qui doivent être les plus claires possible pour les Canadiens. Il s'agit de la Highway Traffic Act, soit le code de la route, et de la Loi sur les jeunes contrevenants, désormais Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, parce que parents veulent savoir ce qu'une infraction peut signifier pour leurs enfants.

M. Peter MacKay: Bien sûr.

M. Rob Finlayson: Comme je le disais, nous savons ce que contient le Code de la route. En général, les conducteurs se font attraper pour excès de vitesse ou parce qu'ils ne se sont pas arrêtés à un stop, ou que sais-je encore. Si le Code de la route est trop complexe, les gens ne le comprennent plus et ils vous demandent de quoi ils sont accusés.

• 1630

La Loi sur les jeunes contrevenants est tout aussi importante. Il nous faut la rendre la plus simple possible pour les Canadiennes et les Canadiens. Il faut que les parents et les enfants, en la lisant, comprennent exactement la nature des accusations, les conséquences des gestes posés et ce que l'avenir réserve au contrevenant.

Comme je le disais, je vais maintenant laisser le soin à Mme Brock de vous parler de la libération d'office.

Mme Carolyn Brock: J'ai une réponse à vous faire à la question de savoir s'il y a quelque chose de bon dans cette loi. Cette loi présente plusieurs choses de bien. D'abord, elle met l'accent sur la réadaptation et la réinsertion sociale. Au Manitoba, c'est ce que nous avons essayé de faire, car nous voulons réadapter et réinsérer les jeunes le plus rapidement possible.

La libération d'office ne tient pas compte du niveau de préparation de l'adolescent sur le plan de la réinsertion. La libération devient obligatoire et arbitraire. Un adolescent pourrait fort bien vous dire, et je n'utiliserai pas ici les mots que j'entends souvent: «Je ne vais pas participer à ton programme parce que, de toute façon, je vais me retrouver dehors». Avec cette loi, nous n'aurons d'autre choix que de laisser sortir les jeunes contrevenants. Quand ils seront sortis, il nous sera ensuite très difficile de les superviser.

Je pense que le congé de réintégration aurait un petit peu mieux fonctionné dans ce cas parce que nous aurions pu nous prévaloir de cette disposition pour favoriser la réinsertion du jeune délinquant le plus tôt possible. La plupart des ressorts ont maintenant adopté des instruments qui leur permettent de mieux évaluer les jeunes délinquants. Nous savons en partant s'ils présentent un risque de récidive élevé, moyen ou faible. Ce faisant, nous pourrions investir la plus grande partie de nos ressources dans les délinquants à risque élevé ou moyen et nous ne les gaspillerions pas à faire de la surveillance des jeunes à faible risque.

M. Peter MacKay: Je veux être sûr de bien vous comprendre, madame Brock. Est-ce que vous nous dites que cette loi est moins efficace?

Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est cela.

M. Peter MacKay: Oui, c'est très bien, monsieur le président.

Vous estimez que ce système est moins efficace pour déterminer les objectifs à atteindre et pour décider des cas où la libération est plus appropriée?

Mme Carolyn Brock: Je crois que tel sera le cas dans certaines circonstances, parce que les jeunes délinquants qui ne respectent pas la loi et qui ne voudront pas modifier leur comportement pourront tout de même être libérés sans que nous ayons notre mot à dire. Dans la plupart des cas, nous ne pourrons pas les traduire de nouveau devant un tribunal en soutenant qu'il faut les enfermer, qu'il faut les maintenir sous garde.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Brock.

J'ai un nom de plus pour cette série de questions, mais personne ne m'a indiqué vouloir intervenir à la prochaine.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président. Je voudrais que nous parlions de l'article 35 à propos duquel les deux témoins ont fait des remarques. Il est question du renvoi à un organisme de protection de la jeunesse aux fins d'évaluation. Monsieur Finlayson vous avez dit qu'il s'agit là d'une intrusion dans un champ de compétence provinciale. Madame Pottruff, dans votre mémoire on peut lire que, par le biais de cette disposition, le gouvernement fédéral déborde de sa compétence en matière de droit pénal.

Je comprendrais que cette disposition aggrave le fardeau financier des organismes de protection de la jeunesse dans les provinces, si les tribunaux effectuaient beaucoup de renvois. Cependant, je ne vois pas en quoi il y a un problème de compétence puisque ce sont les tribunaux pour adolescents, qui sont administrés par les provinces, qui se chargent de renvoyer les cas aux organismes de protection provinciaux. J'ai un peu de la difficulté à voir en quoi nous avons là affaire à un problème de compétence. Je vois bien quelles pourraient être les répercussions sur le plan financier, en cas de recours fréquent aux renvois.

Pourriez-vous nous expliquer un peu mieux pourquoi vous estimez qu'il s'agit là d'une intrusion dans un champ de compétence provinciale?

Mme Betty Ann Pottruff: Cet article, en tant qu'article d'une loi pénale, est bien sûr une disposition fédérale. Nous soutenons que le recours juridique à des agences de protection de la jeunesse relève du droit de la propriété et du droit civil de la province, visées dans notre Child and Family Services Act, qui oblige déjà toute personne entretenant des préoccupations au sujet de la protection d'un enfant, à signaler le cas aux autorités chargées de la protection de la jeunesse. La disposition en question est donc un dédoublement d'une obligation qui existe déjà dans une loi provinciale. C'est une intrusion fédérale dans un champ de compétence provinciale, parce qu'on semble donner la possibilité à un tribunal d'ordonner ce genre de renvoi. On s'attend donc à ce qu'il y ait une évaluation, que le jeune contrevenant corresponde ou pas aux critères de bien-être de l'enfance en vigueur dans la province.

• 1635

En Saskatchewan, par exemple, notre loi sur le bien-être de l'enfance ne s'adresse qu'aux jeunes de moins de 16 ans. Nous pouvons donc nous attendre à ce qu'il y ait des renvois dans le cas d'adolescents de 16 et de 17 ans, ce qui est pourtant contraire à notre loi provinciale. Les autorités de protection de la jeunesse, de leur côté, pourraient être appelées à assumer des responsabilités supplémentaires car, même s'il n'est pas précisé qu'elles doivent faire rapport au tribunal, je m'attends à ce que des juges exigent de tels rapports. C'est en ce sens qu'il y a dédoublement par rapport aux dispositions provinciales. De plus, cette disposition représente une intrusion directe dans un champ de compétence provinciale, sans compter qu'elle exige quelque chose de plus que la loi provinciale.

M. Paul DeVillers: Mais est-ce que le fait que cette loi soit administrée par des provinces, même si c'est une loi fédérale... Il demeure que les provinces sont chargées de son administration...

Mme Betty Ann Pottruff: Les juges continuent de la considérer comme une disposition pénale.

M. Paul DeVillers: Très bien. C'est là le fond du problème.

Par ailleurs, quand les deux représentants du Manitoba et de la Saskatchewan ont comparu ici à propos du projet de loi C-3, ils ont soulevé plusieurs préoccupations auxquelles nous avons essayé de répondre. Dans ses remarques, M. Finlayson a déclaré que les dispositions proposées occasionnent plus de problèmes qu'elles n'en règlent. Or, quand je songe aux changements concernant une plus grande discrétion sur le plan judiciaire en matière de détermination de la garde et de la surveillance, de même que de durée de la peine devant être purgée pour des infractions graves avec violence, quand je songe aux dispositions qui permettent aux ressorts d'établir les règles pour convoquer et tenir des groupes consultatifs, quand je songe aux modifications apportées à la définition d'infraction grave avec violence... si je vous comprends bien, aucun de ces changements n'a été rédigé en réponse aux préoccupations que vous aviez exprimées précédemment. Aucune d'elles n'a, à vos yeux, l'effet désiré, du moins à en juger d'après ce que vous dites.

Mme Betty Ann Pottruff: C'est vrai en ce sens que ces dispositions ne donnent pas l'orientation voulue au regard des demandes que nous avions faites. Nous ne sommes pas mieux avancés avec une demi-mesure que sans mesure du tout et je dirais même que dans certains cas c'est pire.

M. Rob Finlayson: Nous entrevoyons certains problèmes dans les définitions de crime violent, de crime non violent et de crime grave avec violence. Le changement apporté est très ennuyeux, parce qu'on n'a pas retiré les définitions des deux premiers types d'infraction et que l'on n'a rien fait quant à la définition de la troisième ou qu'on n'a pas établi de barème d'infractions. C'est cela qui nous préoccupe ici, et nous pouvons affirmer que vous n'êtes pas allé assez loi dans certains cas.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur DeVillers.

Monsieur Spencer. Vous avez trois minutes pour cette série de questions.

M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, AC): Mes questions sont simples, parce que je suis un fervent de simplicité et que je veux aller directement au fond des choses. J'aurai donc trois ou quatre brèves questions à vous poser.

Je vais vous demander d'exprimer une opinion parce que, après tout, c'est pour cela que vous êtes ici. Vous êtes des experts en la matière et je veux donc obtenir une opinion de votre part. Imaginez-vous à notre place, nous qui devons voter pour ou contre telle ou telle mesure législative... Ma première question est la suivante. Nous voulons enseigner le sens des responsabilités aux jeunes et nous voulons assumer les responsabilités qui nous incombent ici. Estimez-vous qu'il serait responsable de la part du gouvernement d'adopter le projet de loi tel qu'il se présente actuellement?

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je vais vous permettre cette question, mais elle me chatouille un peu. Je ne pense pas que les témoins soient vraiment en position de vous répondre. Mais s'ils le veulent, alors qu'ils y aillent.

M. Rob Finlayson: Je vais simplement vous rappeler que, s'agissant du projet de loi dans sa forme actuelle, il y a certaines choses importantes qui, selon nous, ne sont pas responsables. Cela ne revient pas à dire que toute la loi est irresponsable, mais qu'elle comporte certaines éléments qui vont sans doute nous occasionner d'énormes problèmes.

M. Larry Spencer: Mais cette réserve ne s'applique pas à l'ensemble de la loi.

M. Rob Finlayson: C'est cela.

M. Larry Spencer: Deuxièmement, si vous aviez à choisir entre le projet de loi C-7 dans sa forme actuelle et l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, laquelle préféreriez-vous?

Mme Betty Ann Pottruff: Bien que je n'aie aucune compétence pour porter un jugement à ce propos, je vais tout de même me prononcer.

• 1640

En 1998, nous avons demandé que des modifications bien précises soient apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ces modifications représentaient la position du ministère en Saskatchewan. Nous n'avions pas réclamer la refonte de la loi. Je pense que nous pourrions continuer de nous contenter de la LJC si elle comportait les amendements que nous avons réclamés. De plus, nous voulons aller dans le même sens que le Québec pour ce qui est de la mise en oeuvre des services destinés aux jeunes contrevenants. C'est ce que nous comptons faire, avec ou sans cette loi.

M. Rob Finlayson: Le problème que cette nouvelle loi soulève sur le plan des coûts est tel que nous préférerions sans doute le maintien du régime actuel.

M. Larry Spencer: Mais si les coûts n'étaient pas un facteur, laquelle des deux lois préféreriez-vous?

Mme Carolyn Brock: Sur le plan des principes, ce projet de loi vise à permettre ce que la loi actuelle nous autorise déjà à faire. Je pense que notre province n'est pas allée aussi loin qu'elle l'aurait pu pour satisfaire certains des objectifs énoncés.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Spencer, vous avez fini?

Merci.

Nous allons maintenant passer à M. Myers. Vous avez trois minutes.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à remercier les témoins. Je trouve votre présence ici aujourd'hui tout à fait appropriée et également très importante, car vous pouvez nous faire part de vos points de vue.

Comme vous le savez, nous sommes saisis d'une mesure législative très importante. Le gouvernement fédéral tient à agir dans le sens des valeurs de tous les Canadiens. Il nous appartient de déployer un effort véritable et concerté pour prendre en compte vos points de vue.

Pourriez-vous me parler un peu de la situation sur le plan de la détention avant le prononcé de la peine dans vos provinces respectives. Je pense qu'il en est question aux articles 28 à 31 dans le nouveau projet de loi et qu'il s'agissait de l'article 7 ou peut-être de l'article 30 dans l'ancien projet de loi, qui parlent de la détention des adolescents chez les adultes. Je me demandais si ce genre de détention chez les adultes se produit dans vos provinces et, si cela arrive souvent, quelles répercussions peut avoir ce mode de détention? J'aimerais entendre les réponses des témoins, monsieur le président, après quoi j'aurais une question supplémentaire à poser.

Mme Carolyn Brock: Il existe un article dans la Loi sur les jeunes contrevenants qui permet de détenir des adolescents dans des établissements correctionnels pour adulte, et nous avons invoqué cette disposition à plusieurs reprises au Manitoba. Cela ne s'est pas produit récemment, parce que nous disposons maintenant d'établissements plus sûrs pour les adolescents qui présentent de sérieux problèmes de comportement.

M. Lynn Myers: Et en Saskatchewan?

Mme Betty Ann Pottruff: Il arrive rarement que nous enfermions les adolescents avec les adultes. Quand cela se produit, c'est généralement dans des régions éloignées ou à cause de problèmes de transport, mais ce n'est certainement pas la solution que nous préférons ni une solution à long terme.

M. Lynn Myers: Avez-vous des chiffres à nous donner, pour les trois dernières années par exemple?

Mme Betty Ann Pottruff: Pas de mémoire. Cependant, je pourrais toujours vous les faire parvenir, mais je ne sais pas vraiment si nous disposons de tels chiffres et, quoi qu'il en soit, les cas sont rares.

M. Lynn Myers: Je voudrais poser ma question supplémentaire, monsieur le président.

Recommanderiez-vous de modifier l'article 30 du nouveau projet de loi à ce sujet? Ce serait en fait le paragraphe 30(3).

Avez-vous d'autres conseils à formuler au sujet de ce paragraphe?

Mme Betty Ann Pottruff: À ma connaissance, nous sommes relativement satisfaits de ce paragraphe qui nous donne la latitude voulue.

M. Lynn Myers: Est-ce le cas du Manitoba?

M. Rob Finlayson: Je crois que c'est également le cas du Manitoba, à la façon dont nous interprétons la loi.

M. Lynn Myers: Très bien. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Myers.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ma question sera très, très courte. C'est pour compléter, un petit peu, la dernière question de M. Spencer.

On sait que le gouvernement fédéral prévoit quand même 200 millions de dollars sur cinq ans, même si c'est peut-être sous-estimé, pour la mise en application du projet de loi C-7. Ma question est fort simple. En tenant compte de ce que vous avez répondu à M. Spencer, si ces 200 millions de dollars sont disponibles et qu'on s'en sert pour appliquer correctement la Loi sur les jeunes contrevenants, pensez-vous qu'on pourra mieux appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants et peut-être s'approcher davantage de ce qui se fait au Québec par rapport au traitement des jeunes?

• 1645

[Traduction]

Mme Betty Ann Pottruff: En un mot, oui! Je pense que ce sera le cas et, en fait, comme l'argent destiné aux programmes de garde et aux programmes correctionnels parvient déjà aux provinces, nous utilisons déjà une partie des ressources dans ce sens. Nous sommes donc en mesure de rajuster nos programmes. Il est également vrai que les provinces s'inquiètent du manque de financement du gouvernement fédéral en général, ce qui nous a empêché d'adopter les orientations que vous voulez nous faire prendre. Il est donc exact que nous pourrions chercher à réaliser de façon plus productive les objectifs de la LJC si nous avions plus d'argent.

M. Rob Finlayson: Je suis d'accord.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je n'ai pas d'autre question.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Bellehumeur.

M. Peter MacKay: Vous préféreriez donc l'argent à la modification du projet de loi. Par ailleurs, ne peut-on pas affirmer que rien ne vous empêche de réaliser les objectifs très louables et très nobles de ce projet de loi et d'insister davantage sur l'amendement, la réhabilitation et la distinction entre infraction avec violence et infraction sans violence? Y a-t-il quoi que ce soit dans la LJC, malgré une augmentation des ressources consacrées à son application, qui pourrait vous empêcher de réaliser ces objectifs très louables?

Mme Betty Ann Pottruff: Nous nous sommes déclarés en faveur d'une amélioration de certaines dispositions, notamment pour ce qui est de la procédure de transfert qui nous permettrait de simplifier les choses. S'ils ne sont pas corrigés, ces aspects continueront de nous préoccuper, mais le nombre de cas est tellement limité qu'il ne s'agit pas là d'un obstacle majeur.

Nous sommes tout à fait favorables à l'idée d'une condamnation à la détention avec sursis, que nous ne pouvons actuellement pas appliquer. La Saskatchewan a souvent imposé des peines conditionnelles aux adultes et nous pensons que l'ajout de cette possibilité à l'éventail des peines possibles dans le cas des adolescents est une bonne chose. Voilà donc les deux instruments dont nous ne disposons actuellement pas en vertu de la LJC. En revanche, je crois que nous pouvons déjà appliquer la plupart des autres changements.

M. Rob Finlayson: Je dois préciser que les provinces aimeraient tout de même qu'on apporte certaines modifications à la LJC pour l'améliorer.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur MacKay. Madame Allard.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Je voudrais également vous remercier de vous être déplacés pour venir nous voir à Ottawa. Je suis particulièrement contente de vous entendre parce que c'est la première fois. J'ai été élue lors de la dernière élection fédérale. À titre d'avocate en pratique privée, j'ai également travaillé avec la Loi sur les jeunes contrevenants actuellement en vigueur.

Je pense que M. Bellehumeur et moi n'avons pas entendu les mêmes objectifs de la part de la ministre. Je pense que la ministre a clairement voulu, par ce projet de loi, rajeunir le système, garantir aux jeunes les mêmes libertés fondamentales qu'ont les adultes. Elle a aussi voulu faire en sorte que plus de jeunes soient décriminalisés. En d'autres termes, je pense que les objectifs visent à prévoir des mesures extraordinaires avant d'ouvrir des dossiers dans les Palais de justice et de traduire les jeunes devant les tribunaux. Je pense que le projet de loi a des objectifs assez clairs dans ce sens-là. Je pense aussi que le projet de loi veut également garantir la protection du public tout en respectant les objectifs de ce gouvernement d'aider à réhabiliter les jeunes et à les réinsérer dans la société.

Je vois, principalement dans le mémoire de la Saskatchewan, que ce projet de loi ne garantit pas assez, selon vous, la protection du public. Aux pages 13 et 14, vous dites, effectivement, que:

    L'imposition du régime de libération prévue pour les adolescents pour le dernier tiers de la peine empêche le système de justice pénal pour les adolescents de garantir la protection du public.

Est-ce que vous trouvez, effectivement, que ce projet de loi est mal équilibré pour garantir la protection du public? Est-ce que vous feriez primer la protection du public plutôt que la réinsertion sociale des jeunes ou la réhabilitation? Je sais que ma question semble un peu compliquée, surtout quand on la traduit.

[Traduction]

Mme Betty Ann Pottruff: Oui, effectivement.

• 1650

Ce que nous essayons de faire ressortir dans notre document, c'est que la sécurité du public se compose de trois éléments: les besoins du délinquant, les besoins de la victime et les besoins de la collectivité. Ce qui nous inquiète, c'est qu'à la façon dont ce projet de loi est rédigé, cet équilibre n'existe pas. Nous ne sommes pas en désaccord avec l'idée de la réinsertion et de la réadaptation. Nous croyons que tous les facteurs mentionnés dans le projet de loi sont tout à fait appropriés.

En revanche, nous estimons qu'on ne parle pas suffisamment de la sécurité du public en ce sens qu'on ne précise pas que les tribunaux sont appelés à appliquer le droit pénal traditionnel et qu'ils doivent trouver un équilibre entre tous ces facteurs. Les choses ne sont pas toujours très claires. Ainsi, à propos de l'amélioration de la protection durable du public plutôt que sa protection contre l'action des contrevenants, qui est un des principes de l'article 3, les tribunaux pourront toujours interpréter les dispositions de la loi de façon tout à fait différente de ce que nous pouvons envisager, si bien qu'on ne parviendra pas à cet équilibre. Ce que nous disons, c'est que cette loi doit refléter le droit pénal tel que nous l'interprétons pour que le genre d'équilibre en question prime sur tout le reste et pour tout le monde.

Nous ne prétendons pas que la protection du public, prise au sens des besoins de la victime ou de ceux de la collectivité, doit primer sur les besoins du contrevenant. Ce n'est pas cela du tout. Nous demandons simplement qu'on parvienne à un bon équilibre pour que les choses soient bien claires.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Nous avons dépassé le temps qui vous était imparti. Pouvez-vous être brève?

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Est-ce que, selon vous, c'est bien équilibré dans la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle?

[Traduction]

Mme Betty Ann Pottruff: Je préfère le projet de loi C-3, parce que les principes actuels permettent de parvenir à un meilleur équilibre que dans le cas du projet de loi C-7. Je dirais que le projet de loi C-3 est une amélioration par rapport à la loi actuelle.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Pottruff.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Les deux provinces ont exprimé des inquiétudes quant aux ressources nécessaires à l'application de la loi. Si je comprends bien, le Manitoba reçoit à peu près 5 millions de dollars par an et la Saskatchewan environ 6,5 millions. Au cours des cinq prochaines années de transition, ou après l'adoption de la loi, la Saskatchewan recevra environ 8 millions de dollars et le Manitoba, si je ne m'abuse, quelque 8,8 millions. Comment vos provinces entendent-elles utiliser ces fonds, qui sont considérables par rapport à ce que vous recevez déjà?

Mme Carolyn Brock: Pour ce qui est du partage des coûts—je parle ici au nom du Manitoba—nous obtenons actuellement 50 cents par dollar dans les secteurs hautement prioritaires et moins dans les secteurs moins prioritaires. Par exemple, pour le régime de garde, nous n'obtenons pas la moitié des fonds nécessaires. Nous nous rapprochons plutôt de 20 cents au dollar.

Ainsi, selon le montage du gouvernement fédéral, les provinces reçoivent l'argent même si elles ne l'investissent pas dans les bons domaines. Au Manitoba, et je pense aussi en Saskatchewan, nous avons mis en place des systèmes qui nous permettent d'investir le financement temporaire pour appliquer les principes de la stratégie fédérale énoncée dans la loi. Nous utilisons cet argent à plusieurs fins: pour essayer d'améliorer les mesures de substitution ou les mesures extrajudiciaires; pour mettre en oeuvre les dispositions relatives aux groupes consultatifs et aux solutions de remplacement à la garde; pour améliorer nos programmes intensifs d'appui et de surveillance, afin de pouvoir intervenir ailleurs que dans les tribunaux et, enfin, pour appliquer les dispositions de réinsertion après la garde.

Ainsi, la plupart des provinces cherchent à investir ces fonds dans les secteurs que favorisent la loi et la stratégie fédérale parce que nous sommes essentiellement d'accord avec ces orientations. Nous investissons très peu dans la garde. Nous essayons de réduire le nombre de jeunes placés sous garde, pour n'incarcérer que ceux qui doivent effectivement l'être. Nous essayons de trouver le plus possible de solutions de substitution pour que les juges aient la possibilité, quand un adolescent est traduit devant eux, de décréter d'autres sanctions que des peines de détention, même dans les cas où, selon le public, l'infraction peut avoir eu des conséquences beaucoup plus graves que ce que nous estimons de notre côté. Je crois que nous essayons de prendre en compte ce que dit la stratégie du gouvernement fédéral et nous avons tous développé nos propres stratégies. Le Manitoba dispose ainsi d'une stratégie pour les adolescents qui est tout à fait conforme à la stratégie du fédéral, parce que nous estimons que celle-ci va dans la bonne direction.

Nous n'en sommes pas moins conscients de la sécurité du public et nous essayons d'améliorer la surveillance que nous exerçons au sein de la collectivité pour pouvoir traiter le plus rapidement possible les causes des jeunes délinquants violents, qui doivent être placés sous garde, et pour les traduire rapidement devant les tribunaux.

• 1655

M. John Maloney: Et en Saskatchewan?

Mme Betty Ann Pottruff: Comme Carolyn vient de vous le dire, c'est essentiellement la même chose chez nous. Nous essayons de nous servir de cet argent pour améliorer les mesures de substitution, les mesures extrajudiciaires. Nous voulons aussi trouver d'autres façons d'améliorer la surveillance des délinquants au sein de la collectivité ainsi que les instruments d'évaluation du risque et des besoins pour prendre de meilleures décisions quant au sort à réserver aux délinquants. Nous utilisons donc l'argent un peu de la même façon.

M. John Maloney: Je crois savoir qu'en Saskatchewan le taux de jeunes incarcérés est à peu près de deux fois supérieur à celui de la moyenne nationale, si ce n'est plus. Envisagez-vous une réduction marquée de ces niveaux?

Mme Betty Ann Pottruff: Pour vous répondre brièvement, je vous dirais qu'il ne faut sans doute pas s'y attendre à court terme. Il faut bien comprendre que le taux de criminalité déclaré en Saskatchewan est de 57 p. 100 supérieur à celui de la moyenne nationale. Quand on tient compte du recours à la garde en fonction du nombre de cas, on s'aperçoit que nous nous situons en dessous du taux national moyen sur ce chapitre. Nous sommes confrontés à des volumes importants et nous n'envisageons actuellement pas une diminution de ces volumes. Dans l'avenir, nous nous attendons à devoir composer en permanence avec des jeunes à haut risque de 14 à 24 ans, et nous allons devoir trouver les programmes appropriés pour répondre aux besoins des collectivités à haut risque.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Je voudrais que nous parlions de la situation des jeunes qui purgent des peines pour adulte dans les établissements provinciaux. En Colombie-Britannique, par exemple, un adolescent a été reconnu coupable de plusieurs chefs d'accusation pour meurtre et, à cause de son âge, il a dû purger sa peine dans un établissement pour jeunes. Le problème, c'est que quelque deux années après avoir commencé à purger sa peine, on l'a notamment vu faire du ski en divers endroits et participer à des soirées. Comme vous pouvez vous l'imaginer, le scandale a éclaté quand la nouvelle a été rendue publique. Je crois savoir que la Colombie-Britannique a maintenant ouvert le dialogue avec les Services correctionnels du Canada à qui elle cède un plus grand contrôle sur les jeunes contrevenants purgeant une peine fédérale dans un établissement provincial. Que pensez-vous de cela et estimez-vous qu'il y a quoi que ce soit dans cette loi qui puisse poser problème à cet égard?

Mme Betty Ann Pottruff: En règle générale, nous estimons que les dispositions visant à accorder plus de souplesse relativement au placement des adolescents sont tout à fait intéressantes. La loi actuelle nous donne maintenant plus de latitude pour placer les jeunes dans des établissements pour adultes, ce qui n'était pas le cas avant, quand nous avions affaire à des infractions graves et que nous voulions les transférer. Nous avons également plus de souplesse parce que nous pouvons éventuellement envoyer les jeunes purger la fin de leur peine dans un pénitencier. Nous estimons donc que ce projet de loi nous confère davantage de souplesse que l'actuelle LJC.

M. Rob Finlayson: Je suis d'accord avec ce point de vue.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Owen.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci à vous tous d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je suis sensible au caractère délicat de votre travail, pour ce qui est de vos responsabilités en général, mais aussi pour le fardeau supplémentaire, involontaire, que vous impose la loi fédérale, sans que vous soyez pour autant dédommagés.

Je suis un peu confus quant au calcul des coûts supplémentaires occasionnés par ce projet de loi. J'apprécie que vous soyez d'accord avec les principes de cette loi, que vous avez qualifiée tantôt d'«élégante» tantôt de «complexe». Je vous ai aussi entendu parler de rationalisation grâce au retrait des dispositions relatives au transfert, mais cela occasionnera forcément une augmentation des dépenses sur le plan de l'administration des tribunaux.

Dans l'ensemble, le traitement réservé aux délinquants non violents et peut-être aussi aux délinquants primaires, ainsi que les programmes de déjudiciarisation appliqués par les tribunaux, ou du moins les solutions de remplacement des peines de garde coûteuses—tous ces coûts étant maintenant assumés par les gouvernements provinciaux, tant pour ce qui est des tribunaux pour adolescents que des établissements correctionnels—représentent des mesures qui permettront de déjudiciariser les causes ou de trouver d'autres solutions à la garde. Ce faisant, les gouvernements provinciaux vont pouvoir économiser. Toutefois, pour appliquer effectivement les principes de la loi, il ne faudra pas simplement chercher à réaliser des économies. Vous devrez tenir compte de ces dispositions dans vos programmes, comme vous l'avez mentionné.

Les témoins représentant les deux provinces ont non seulement indiqué leur accord avec les principes de déjudiciarisation, de substitution aux peines d'emprisonnement et avec les mesures extrajudiciaires, mais ils nous ont signalé que cela se pratiquait dans leurs provinces depuis longtemps déjà. D'un côté, ces mesures sont destinées à permettre aux provinces de réduire les coûts qu'elles subissent actuellement. En outre, vous avez pu constater les réalisations du Québec au cours des années dans ce domaine et avez vu ce qu'a donné chez vous l'application de l'expérience de la Colombie-Britannique. Dans vos programmes, vous avez vous-même progresser dans ce sens.

• 1700

J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous parlez de coûts supplémentaires élevés, puisque vous allez réaliser des économies du côté des tribunaux et du système correctionnel. Vous avez déjà mis en oeuvre un grand nombre de ces programmes, parce que vous êtes d'accord avec les principes énoncés dans la loi et que vous touchez de l'argent du fédéral pour cela. Je ne comprends pas le calcul. Vous pourriez peut-être m'éclairer.

Mme Betty Ann Pottruff: Pour tout dire, les mesures extrajudiciaires—même si elles sont excellentes et qu'elles donnent lieu à un meilleur système de justice pour les victimes, pour le délinquant et pour la collectivité—sont généralement coûteuses à administrer. Par ailleurs, la plupart des contrevenants qui feront désormais l'objet de mesures extrajudiciaires n'auraient de toute façon pas été incarcérés en vertu de nos lignes directrices, qui sont généreuses. Ils auraient été placés en probation, on leur aurait imposé une amende ou peut-être une période de service communautaire.

Nous ne réaliserons pas d'économie en imposant aux contrevenants des mesures extrajudiciaires du type service communautaire. Comme je le disais, c'est un pas dans la bonne direction, mais cela se traduit tout de même par un transfert de coûts en ce qui nous concerne. Ce projet de loi provoque un basculement des sanctions communautaires aux mesures de substitutions. Nous espérons assister au même phénomène pour passer de la garde aux services communautaires.

Il demeure que cette loi occasionnera des coûts supplémentaires pour traiter ce genre de causes dans les tribunaux. Ces causes constitueront la majorité des cas. Il nous faudra tout de même les traiter dans le système.

Nous nous sommes livrés à un calcul détaillé des coûts pour le système. Tout à l'heure, j'ai parlé des coûts associés à la tenue des groupes consultatifs et à la simple administration des nouvelles peines. L'administration du système de garde différée est coûteuse, car il faut maintenir un système de surveillance serré pour les délinquants condamnés à ces peines, étant donné les dispositions de la loi qui prévoient la façon dont il faut superviser les délinquants et traiter les autres infractions. Il est vrai que les coûts vont se déplacer mais, dans l'ensemble, ils ne diminueront pas et je crois même qu'ils vont augmenter à cause des nouvelles dispositions.

Prenons, par exemple, la situation où nous déciderions de ne pas incarcérer un adolescent, même s'il se trouvait dans des conditions de vie instables. Nous convenons que ce genre de situation ne doit pas justifier son incarcération, mais il faut tout de même lui assurer des conditions de vie stables. Eh bien, dans ce cas, il nous faudrait lui trouver un logement dans la collectivité pour lui assurer des conditions de vie stables en dehors de la garde. Cela ne nous coûterait pas moins cher que de le placer dans une résidence communautaire comme nous le faisons actuellement. Il nous en coûtera même plus cher.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Pottruff.

Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Pour réagir très rapidement à ce qui vient d'être dit, je crois que la question de M. Owen et votre réponse soulignent la nécessité, comme l'indiquait M. Finlayson, d'effectuer une analyse pour établir ce qu'il en coûtera effectivement. Malheureusement, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas dévoiler au public ce que coûtera cette loi en n'effectuant pas d'analyse du genre.

Quoi qu'il en soit, j'ai une question très précise à vous poser. Pour l'instant, le projet de loi stipule que le dévoilement de l'identité des jeunes délinquants à certaines autorités se fera sur une base discrétionnaire. L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires a réclamé le dévoilement obligatoire de cette information aux autorités scolaires. J'ai rencontré les représentants de l'association, qui m'ont parlé de la nécessité pour les autorités scolaires de savoir à qui elles ont affaire, notamment quand il s'agit d'individus dangereux. Il n'est pas ici question de proclamer le nom des contrevenants, si j'ai bien compris la position de l'association, mais simplement de les communiquer aux autorités scolaires.

Pour moi, l'école ne sert pas simplement à enseigner la lecture, l'écriture et le calcul. Elle est aussi investie d'un rôle social. Je ne puis m'empêcher d'être d'accord avec l'Association des commissions/conseils scolaires, autrement dit qu'il serait intéressant pour les écoles de savoir si, par exemple, elles ont affaire à un délinquant dangereux ou, même si le délinquant n'est pas dangereux, à quelqu'un qui a besoin d'assistance.

• 1705

S'il existe ce genre de ressources au niveau des écoles—je pense en particulier aux travailleurs sociaux et aux enseignants qui doivent composer avec de tels adolescents ou encore aux capacités ou aux ressources nécessaires pour s'occuper de ces enfants—ne serait-il pas sage de les identifier? N'êtes-vous pas d'accord avec la position de l'Association sur ce point?

M. Rob Finlayson: Nous aussi avons récemment reçu un court mémoire de l'Association, monsieur Toews. Nous devons avouer notre inquiétude face à la possibilité de devoir obligatoirement décliner l'identité des contrevenants et nous aimerions avoir un peu plus de temps pour y réfléchir. Dans certains cas, nous nous devons de protéger les renseignements dont nous sommes les gardiens et il y a lieu de réfléchir davantage à la possibilité de nous obliger à révéler ce genre de renseignements plutôt qu'à le faire de façon discrétionnaire. Quoi qu'il en soit, nous avons entendu les représentations des commissions et conseils scolaires. Leur position est excellente et je crois qu'il convient de la prendre en considération. En revanche, nous sommes préoccupés par les répercussions éventuelles d'un régime de déclaration obligatoire.

M. Vic Toews: Mais après toutes les consultations qui ont eu lieu, n'avez-vous pas examiné cette question avec les divers groupes concernés?

M. Rob Finlayson: Mme Pottruff pourrait sans doute vous répondre.

Mme Betty Ann Pottruff: Nous avons bien évidemment parlé de la question de la circulation de l'information, mais peut-être pas de façon aussi détaillée que nous l'aurions dû. Nous aussi avons reçu des mémoires des conseils scolaires et autres où l'on nous signale la nécessité de faire circuler l'information. Nous avions pensé que cette question aurait été réglée par le biais des amendements antérieurement apportés à la loi, mais apparemment ces changements ne sont pas allés assez loin pour satisfaire les autorités scolaires. On ne sait pas exactement s'il faut agir sur le plan de la loi ou sur celui de la pratique et des protocoles.

D'un autre côté, nous estimons que la recommandation de l'Association ne permettra pas de parvenir aux fins qu'elle recherche et que la vraie solution se situe entre la modification du projet de loi et l'application des pratiques, des protocoles et des programmes de formation existants, de sorte à parvenir au genre de circulation de l'information qu'elle recherche. En effet, nous nous trouverons toujours dans la situation où, comme M. Finlayson l'a souligné, la police devra faire preuve de jugement dans la divulgation des informations, notamment quant à la quantité d'informations à divulguer et à qui.

M. Vic Toews: Vous êtes donc d'accord avec les conseils scolaires, même si vous ne voulez pas qu'on rende la communication de l'information obligatoire. Vous reconnaissez aussi que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne semble par pouvoir répondre adéquatement à ce désir de l'Association. Dans vos réponses, vous vous situez quelque part entre...

Mme Betty Ann Pottruff: La loi ne semble pas satisfaire les autorités scolaires. Que la solution passe par une modification du projet de loi ou une modification des pratiques en vigueur, je pense personnellement que nous devons pousser l'analyse plus loin, du moins en ce qui concerne la Saskatchewan. Nous avons indiqué aux conseils scolaires que nous sommes prêts à étudier la chose.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Excusez-moi d'avoir massacré votre nom la dernière fois. Je viens d'une ville de syndicat et, à 17 h, nous avons l'habitude de passer au point mort.

Monsieur Cotler.

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): J'avais des questions pour Mme Brock et à Mme Pottruff, mais comme mon collègue, M. Owen, vous a posé celle que je vous destinais, madame Pottruff, je ne m'adresserai qu'à votre homologue.

Madame Brock, vous avez critiqué les dispositions de la loi relatives au régime de garde et à la surveillance, surtout en ce qui concerne la libération obligatoire des jeunes contrevenants après les deux tiers de leur peine. Vous avez caractérisé ces dispositions d'arbitraires et de préjudiciables pour la protection du public et les intérêts de la collectivité. Outre vos critiques sur le bien-fondé de ces dispositions, j'ai deux questions à vous poser. D'abord, votre province dispose-t-elle des ressources voulues, financières et humaines, pour assurer le genre de surveillance qu'exigera la période de services communautaires associée à la peine, comme le prévoit actuellement le projet de loi? Deuxièmement, envisagez-vous des situations où moins d'un tiers de la peine pourrait prendre la forme de travaux communautaires sous surveillance, et de quoi pourrait-il s'agir?

Mme Carolyn Brock: Nous administrons actuellement un programme intensif de soutien et de surveillance que nous estimons très valable et très efficace dans le cas des jeunes venant d'être relâchés d'une période de garde. Nous avons pu prévoir ces mesures en vertu de la loi actuelle et le Banc de la Reine, la Couronne de même que notre personnel estiment qu'il s'agit là d'un programme très intéressant. Il prévoit des interventions 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour ces jeunes en particulier.

• 1710

La décision d'appliquer à un adolescent le programme de surveillance intensive et de le libérer temporairement dépend du temps qu'il aura passé sous garde—c'est-à-dire les deux tiers de sa peine pour l'instant. En revanche, nous ne tenons actuellement pas compte de l'attitude, du comportement ni des progrès réalisés par l'adolescent durant sa garde. Il nous paraît très difficile de libérer un jeune délinquant aux deux tiers de sa peine s'il ne s'est pas bien tenu, qu'il n'a pas participé aux programmes d'intervention, qu'il n'a accepté aucune responsabilité pour les infractions commises et qu'il ne s'est pas engagé à modifier son comportement après sa sortie.

Pour l'instant, nous tenons compte de ces dimensions, contrairement à ce que stipule le nouveau projet de loi. Notre principale réserve concerne cet aspect. Nous sommes cependant convaincus qu'il convient de libérer le jeune délinquant le plus tôt possible, parce que la réinsertion est bénéfique pour la collectivité et pour le délinquant.

M. Irwin Cotler: Donc, vous ne rejetez pas le principe, mais son application.

Mme Carolyn Brock: Oui, c'est l'application qui fait problème.

M. Irwin Cotler: J'ai une deuxième question que j'adresse indifféremment à l'un ou l'autre des deux témoins. Je vais vous parler d'un aspect que vous n'avez pas mentionné dans vos mémoires et j'aimerais entendre vos réactions à ce sujet.

L'article 24 de la loi prévoit qu'aucune poursuite ne peut être menée par un poursuivant autre que le procureur général ou sans le consentement de ce dernier. Cette disposition semble devoir limiter la possibilité de recourir à... En droit pénal, il est généralement possible de recourir à des poursuites privées. Avez-vous déjà poursuivi des jeunes délinquants dans le cadre de poursuites privées? Si oui, êtes-vous tout de même d'accord avec cet article? Si vous n'êtes pas d'accord, quelles modifications aimeriez-vous proposer?

M. Rob Finlayson: Nous sommes d'accord avec cet article. En règle générale, nous estimons que les poursuites doivent être menées par le procureur général ou par un mandataire agissant pour son compte. C'est aussi vrai pour les adultes que pour les jeunes contrevenants. Nous sommes donc d'accord avec cette disposition.

M. Irwin Cotler: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je constate que personne d'autre ne veut poser des questions.

Je remercie les témoins. Je tiens également à préciser que vous êtes parmi les derniers que nous allons entendre sur cette question, si bien que nous ne perdons pas de vue vos témoignages quand nous passerons à la prochaine étape du projet de loi. Merci beaucoup. Bon retour chez vous.

La séance est levée.

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