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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 mai 2001

• 0903

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous accueillons ce matin le ministre John Manley, dans le cadre de notre examen du budget des dépenses. Il dit être disposé à discuter du projet de loi C-6 s'il y en a que cela intéresse, bien que le projet de loi n'ait pas encore été renvoyé au comité. M. Manley est accompagné de James Wright et de Kathryn McCallion.

Monsieur le ministre, nous sommes un peu en retard. Si vous voulez bien commencer...

L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères): Je vous remercie. J'ai une déclaration à faire.

Ainsi que vous l'avez dit, madame la présidente, comme nous prévoyons que le projet de loi C-6 devrait être adopté assez rapidement à la Chambre et comme je vais voyager beaucoup pendant les prochaines semaines, si l'un d'entre vous a des questions à poser au sujet du projet de loi C-6, j'y répondrai volontiers. Naturellement, tout est sur la table.

Je tiens à remercier le comité de son travail soutenu et de l'aide et des conseils spécialisés qu'il nous fournit.

Je me félicite également de pouvoir discuter aujourd'hui de ce que j'estime être les priorités du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international dans le contexte du budget des dépenses principal de 2001-2002.

• 0905

J'ai pris ce portefeuille avec la conviction profonde que le Canada est un pays—un des trop rares pays, hélas—qui exerce une influence positive dans le monde, influence qui est attribuable, en partie, à notre diversité, à notre volonté d'inclusion, à notre bilan sur le plan humanitaire et sur les plans de la justice sociale et des droits de la personne, à notre réputation comme pays qui cherche à faire du monde un lieu où la vie est meilleure pour tous.

[Français]

À cette renommée qui fait notre fierté, s'ajoutent notre réussite comme économie branchée, novatrice et ouverte, et notre volonté de partager la prospérité avec l'ensemble de la communauté mondiale.

Pour y parvenir, pour maintenir la qualité de vie élevée des Canadiens et progresser vraiment vers un monde où cette prospérité bénéficie à tous, nous avons besoin d'une politique étrangère bien orientée et bien ancrée dans les réalités que sont nos relations et nos intérêts politiques. Nous avons besoin d'une politique étrangère qui tienne compte des véritables limites de la disponibilité des nouvelles ressources, et ce pour toute la gamme de programmes et intérêts gouvernementaux.

J'ai défini dès le départ mes priorités en tant que ministre des Affaires étrangères, qui consistent d'abord à promouvoir les intérêts les plus étroitement liés à la sécurité et à la prospérité du Canada.

[Traduction]

bâtir des relations avec la nouvelle administration américaine, avec l'Amérique du Nord et l'hémisphère et, enfin, avec le G-8. J'ai également souvent parlé de la connectivité—de la nécessité de donner accès au reste du monde à ce que nous édifions au Canada et du travail que nous accomplissons pour résoudre le problème de l'écart qui existe entre les pays dans le domaine du numérique. Je me réjouis de la rapidité avec laquelle cet objectif est devenu une priorité pour les principales organisations internationales (les Nations Unies, le Commonwealth, et ainsi de suite). Enfin, impossible de ne pas mentionner notre succès le plus remarquable, c'est-à-dire le Sommet des Amériques.

La manière dont les nouvelles technologies—souvent canadiennes...

[Français]

Ce n'est pas le même discours qu'à l'Industrie, madame Lalonde, mais c'est à peu près la même chose.

[Traduction]

élargissent considérablement les possibilités qu'a le Canada d'exercer une influence positive dans le monde est au centre du plan d'action pour la connectivité internationale. Il peut aussi s'en servir pour bâtir des sociétés transparentes, branchées et axées sur le savoir—renforcer la démocratie, accroître l'autonomie économique et sociale et créer des débouchés.

Cette question est également liée à une autre priorité qui touche de nombreux portefeuilles à la fois—comme, dans le cas de la connectivité, le portefeuille d'Industrie Canada: l'image du Canada. Il s'agit de faire connaître au monde le nouveau Canada et son extraordinaire capacité technologique et économique.

Ces priorités ne sont que quelques-unes de celles sur lesquelles j'ai insisté les premiers mois après mon entrée en fonction au ministère des Affaires étrangères. Toutefois, mon ministère a un plan d'action d'une ampleur, d'une importance et d'une complexité inégalées qui couvre tout l'éventail des intérêts canadiens dans le monde.

Dans nos rapports et notre budget des dépenses, ces intérêts sont décrits comme étant la sécurité et la coopération internationales, tant sur le plan commercial que sur le plan économique, la promotion du commerce international (mon collègue, M. Pettigrew, vous en a déjà parlé), l'aide aux Canadiens, la diplomatie publique, les services généraux, les services à d'autres ministères et les services des passeports.

Je prendrai quelques minutes, si vous me le permettez, pour expliquer où ces priorités nous ont menés l'an dernier—en mentionnant simplement quelques faits saillants—et pour décrire sur quoi nous concentrerons nos ressources durant la prochaine période.

L'an dernier, le Conseil de sécurité a été une priorité importante du fait que nous en étions membres en 1999-2000. Nous avons axé notre travail sur la prévention des conflits et la protection des civils dans les conflits armés et nous avons également soulevé les questions d'égalité entre les sexes.

Le Sommet des Amériques fait partie du budget des dépenses actuel. Je suis certain que nous en discuterons davantage durant la période de questions. L'accent est mis sur trois grands axes, soit la démocratie, la prospérité et le potentiel humain. Le Canada continue d'occuper une place importante dans les Amériques et son leadership est de plus en plus reconnu. Qu'il s'agisse du rôle du premier ministre comme homme d'État expérimenté au sein de la famille interaméricaine ou de l'influence que nous avons eue au Pérou l'an dernier, notre pays joue désormais un rôle important dans l'hémisphère.

Parmi les priorités à venir, de toute évidence, le G-8 mobilisera de plus en plus l'attention du ministère puisque nous en assumerons la présidence en 2002. Il faudra donc voir à la logistique et relever les défis en matière de sécurité. Nous ferons aussi la promotion des objectifs à Portofino-Gênes et nous préparerons les extrants pour 2002.

• 0910

[Français]

Les États-Unis constitueront le centre de liaison, et nous continuerons à bâtir des relations avec la nouvelle administration Bush. Nous poursuivrons notre dialogue sur la sécurité: questions frontalières et multilatérales et enjeux mondiaux, par exemple l'OTAN, la défense antimissile, le plan d'action international pour le contrôle des armements, etc.

En ce qui concerne la sécurité humaine, je poursuivrai le travail amorcé par mon prédécesseur pour implanter une politique de sécurité centrée sur les personnes. En tant que ministre, je participerai au Réseau pour la sécurité humaine à Petra, la semaine prochaine. Je vais continuer à faire pression pour la mise en oeuvre d'un traité sur les mines antipersonnel et pour la ratification du Statut de Rome en vue de la création d'une Cour pénale internationale.

[Traduction]

Je poursuivrai le travail amorcé sur la dimension économique de la sécurité humaine comme source de conflit—par exemple, le commerce des diamants—et sur le rétablissement de la stabilité après les conflits dans les régions touchées, ainsi que sur les droits de la personne, l'édification de la démocratie et le programme de bonne gestion publique. Je me concentrerai sur les enfants, les Autochtones et l'égalité des sexes, le racisme et le sida. Je chercherai à rendre l'ONU plus efficace et à mettre l'accent sur la mise en oeuvre du rapport Brahimi relatif aux opérations de paix. J'insisterai sur le leadership canadien au sein de la Commission internationale sur l'intervention et la souveraineté étatiques, je renforcerai notre coopération régionale, au sein de l'OTAN, y compris auprès de l'Union européenne concernant sa politique de sécurité et de défense, au sein de l'OEA, pour faire le suivi du sommet et, bien sûr, assister à l'assemblée générale qui aura lieu au Costa Rica au début de juin.

Cette année, un sommet des chefs de gouvernement du Commonwealth est prévu en Australie à la fin d'octobre. Il y aura aussi les Jeux de la Francophonie—bref, beaucoup d'action soutenue sur plusieurs tribunes multilatérales.

Le ministère accordera une grande attention notamment aux Balkans et au Proche-Orient—je dois visiter les deux régions ce mois-ci—, de même qu'au Soudan, au sujet duquel nous poursuivons notre réflexion en vue de trouver le meilleur moyen pour le Canada d'avoir une influence dans cette région chaude et, enfin, au Congo et au Sierra Leone.

D'autres points chauds qui retiendront notre attention sont la Colombie, l'Indonésie et le respect des droits de la personne en Chine. Nous participerons activement, bien sûr, aux dossiers concernant l'Amérique du Nord—notamment en matière d'énergie et d'environnement—, de concert avec les États-Unis et le Mexique. Le changement climatique va beaucoup nous absorber aussi, étant donné la position adoptée par le régime Bush au sujet du Protocole de Kyoto.

En ce qui concerne les relations avec l'Union européenne, nous allons travailler de près avec la présidence suédoise—le premier ministre sera au Sommet UE-Canada à Stockholm, en juin—, puis avec la présidence belge.

Nous continuons évidemment à faire la promotion de Toronto comme candidate pour la tenue des Jeux de 2008, décision qui, espérons-nous, sera prise en juillet. Nous allons intensifier la diplomatie publique—un programme lancé pour faire participer les Canadiens et les informer et pour promouvoir les valeurs et la culture canadiennes à l'étranger. Je pourrais ajouter que nous continuons de gérer la demande accrue de services consulaires et de passeports. En effet, la demande de services consulaires a augmenté de 45 p. 100 par rapport à 1996, ce qui bien sûr exerce des pressions sur nos ressources.

Du côté des services organisationnels, nous continuons à avancer dans la mise en oeuvre de la restructuration de la fonction publique au ministère. Nous sommes en pleine discussion pour déterminer la meilleure façon de mettre en oeuvre la norme générale de classification ou s'il convient d'utiliser d'autres solutions comme la restructuration du SE. Je sais que, pendant vos déplacements, bon nombre d'entre vous avez eu des discussions avec des membres de la catégorie SE, des employés du ministère, et je crois que vous êtes comme moi préoccupés par un grand nombre de leurs inquiétudes. Je crois que cette question devrait nous préoccuper tous, puisque nous cherchons à attirer et à conserver des personnes vraiment compétentes dans le service extérieur.

Enfin, il faudrait préciser que nous progressons dans l'atteinte des objectifs fixés pour le Gouvernement en direct. Vous trouverez ces objectifs dans le budget des dépenses. On vise la réalisation de la moitié de la mise en oeuvre d'ici 2002 et la réalisation de l'autre moitié d'ici 2004. Si vous avez consulté le site www.canada.gc et avez essayé d'obtenir des renseignements des Affaires étrangères, vous aurez vite constaté qu'il est très efficace. Ainsi, si vous souhaitez savoir ce que nous conseillons aux voyageurs se rendant dans un endroit particulier, vous obtiendrez cette information en très peu de clics. Si vous n'êtes pas convaincus, je vous conseille d'essayer le service équivalent du Royaume-Uni. Vous me direz combien de clics il vous faut pour obtenir le renseignement.

• 0915

Voilà qui met fin à ma déclaration, madame la présidente. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): C'est nous qui vous remercions.

Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, AC): Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à notre invitation, ce matin.

Votre ministère a un champ d'activité plutôt étendu étant donné le nombre de dossiers qu'il traite, mais j'aimerais m'arrêter pendant un instant à celui dont vous n'avez pas parlé, soit à la défense antimissile.

Si les États-Unis souhaitent inscrire la défense antimissile dans l'accord du NORAD—pour lequel bien sûr les Américains assument 90 p. 100 des coûts, bien que nous en assumions le commandement conjointement avec eux—, notre appui n'est-il pas inévitable presque? N'est-il pas sensé? N'est-ce pas vraiment dans le meilleur intérêt du Canada, de sorte que nous puissions décider conjointement de la protection du continent nord-américain assurée par la défense antimissile?

M. John Manley: Je ne crois pas que nous envisagions de prendre position en ce qui concerne l'inclusion de la défense antimissile dans l'accord du NORAD tant que nous n'aurons pas eu les consultations promises avec les États-Unis. À ce stade-ci, nous avons beaucoup de questions auxquelles nous aimerions obtenir des réponses avant de décider quelle sera notre position en matière de défense antimissile. En réalité, ce qui pourrait hypothétiquement survenir si cette défense est incluse dans l'accord du NORAD est la deuxième étape, après la première, qui consiste à obtenir bien des éclaircissements.

M. Monte Solberg: D'accord. Tournons-nous dans ce cas à une question un peu plus générale que nous connaissons assez bien, soit le traité ABM. Les Américains parlent de la possibilité d'aller au-delà de ce traité. Ils soutiennent—et j'estime que c'est un argument valable—que la dissuasion nucléaire n'est pas, à elle seule, un bon moyen d'assurer la sécurité et la stabilité dans le monde. Je me demande si vous pouvez nous communiquer vos réflexions à ce sujet. Vous savez, la défense antimissile semble effectivement être un moyen très utile de s'éloigner du concept de la destruction mutuelle assurée.

M. John Manley: Je crois que nous serions tous d'accord pour dire que la destruction mutuellement assurée est une pure folie. Depuis de nombreuses années, la politique du Canada s'appuie sur l'idée d'encourager non seulement la non-prolifération, mais également la réduction des armements. Nous avons essayé de jouer un rôle constructif à cet égard.

La difficulté des ABM réside dans le fait qu'avant d'éliminer la structure existante de contrôle des armements, il faut être très clair quant à ce qui va la remplacer. Vous savez, le traité ABM a été conclu entre les États-Unis et l'ex-Union soviétique. En toute franchise, les Russes ont émis des commentaires encourageants au sujet de leur ouverture à la discussion proposée par le président. Il n'a pas dit que les Américains cesseraient unilatéralement d'appliquer le traité ABM. Il a dit plutôt qu'à son avis, les Américains et les Russes pouvaient se doter d'une meilleure approche et qu'il attendait de connaître l'issue des pourparlers. Pour être précis, il a dit qu'il faudrait travailler ensemble—sous-entendus les Russes et les Américains—pour remplacer le traité par un nouveau cadre.

Monsieur Solberg, ce qui nous préoccupe, c'est de savoir si la défense antimissile ne pourrait pas en fait encourager d'autres pays à accroître leurs armements et, par conséquent, accroître la prolifération et l'instabilité mondiales. Voilà le coeur de la question, et c'est pourquoi une certaine incertitude entoure la suite.

M. Monte Solberg: Je vais changer de sujet complètement et vous demander l'opinion qu'ont les Américains de la sécurité de nos frontières. Il est plutôt évident que nous avons eu récemment l'affaire Ressam qui a reçu beaucoup de publicité—je suis sûr que cela les a inquiétés. Vous en ont-ils parlé? Dans l'affirmative, quelle a été votre réaction? Êtes-vous disposé à en faire un enjeu? Manifestement, cette question pourrait avoir une influence très profonde sur nos relations avec les Américains, s'ils estiment que notre frontière est poreuse.

• 0920

M. John Manley: Tout d'abord, ils n'ont certes jamais laissé entendre que notre frontière était poreuse. J'ai parlé effectivement avec le secrétaire Powell du travail effectué en partenariat par le Canada et les États-Unis en ce qui concerne la frontière. L'affaire Ressam a, selon moi, fait ressortir des préoccupations que nous devrions tout avoir au sujet de la sécurité. Il ressort nettement de nos discussions que les États-Unis et le Canada jouissent d'une frontière plutôt ouverte. Quelque 200 millions de personnes la franchissent chaque année. Il y a beaucoup d'échanges commerciaux. Il faut qu'elle soit efficace.

Cela signifie que nous serons tous deux préoccupés par la sécurité du périmètre. J'estime qu'on est, actuellement, très satisfait de la façon dont nous gérons ces contrôles. Je ne crois pas que l'affaire Ressam soit perçue comme un cas type. Il s'agit plutôt d'un cas exceptionnel et, en toute franchise, il y a suffisamment de questions de sécurité soulevées à l'intérieur même des États-Unis sans aide de l'extérieur. Je vous rappelle le bombardement d'Oklahoma.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Allez-vous vous partager les dix minutes?

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, AC): Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu.

Vous parlez du projet de loi C-6 relatif à l'eau, et j'aimerais vous poser une question à son sujet. J'ignore si vous pouvez y répondre. Nous entrons un peu plus dans le détail. Il est question de commerce également.

Le projet de loi C-6 qui a été déposé et que nous appuyons parce que nous estimons que les Canadiens devraient avoir la propriété exclusive de l'eau ne vise que 15 p. 100 des ressources totales en eau du Canada. En somme, 85 p. 100 environ de nos ressources en eau peuvent faire l'objet, aux termes du chapitre 11 de l'ALENA, de contestations chaque fois que nous en exportons ou que des Canadiens essaient de le faire.

Vous savez que l'eau est une ressource provinciale, non pas fédérale. Pourtant, aucun accord n'a été signé avec une province en vue de la protéger. En 1993, vous aviez promis, durant la campagne électorale, que l'eau serait exclue de l'ALENA. Or, elle s'y trouve toujours, de sorte que nous avons toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Quelle est votre position et celle de votre gouvernement en rapport avec cette question? Quelles mesures ont été prises en vue de soustraire l'eau à l'application de l'ALENA, pour faire en sorte qu'en bout de ligne, les Canadiens aient le contrôle exclusif de toute leur eau, plutôt que seulement des 15 p. 100 dont vous avez parlé et qui se trouvent près de la frontière internationale?

M. John Manley: Tout d'abord, il faut comprendre qu'après les élections de 1993, une entente a été conclue précisant que l'eau dans son état naturel, c'est-à-dire l'eau en vrac, n'était pas incluse dans l'ALENA. Maintenant, si on se met à l'embouteiller ou à la mettre dans des contenants et à la vendre, il faut s'attendre qu'il y aura peut-être des contestations.

Le projet de loi C-6 reconnaît que l'eau dans son état naturel fait partie de l'écosystème et qu'il ne faut pas la retirer du bassin de drainage où elle se trouve. Manifestement, on a tendance à recycler l'eau. Ainsi, Toronto prend son eau dans le lac Ontario et, en règle générale, elle l'y retourne. Dans son état naturel, toutefois, il s'agit d'une ressource naturelle de sorte que, dans la mesure où elle se trouve dans une province, elle relève de la compétence provinciale.

Le ministre de l'Environnement a travaillé en très étroite collaboration avec ses homologues provinciaux à rédiger des lois provinciales qui essentiellement traitent la ressource de la même manière que la loi fédérale traite des eaux frontalières, c'est-à-dire qu'elles interdisent de retirer l'eau en vrac du bassin de drainage dans lequel elle se trouve. Grâce à cette coopération fédérale-provinciale, toutes les eaux sont couvertes. Vous protégez l'eau dans son état naturel qui, selon nous, n'est pas visée par des accords commerciaux. En d'autres mots, l'eau dans son état naturel ne peut pas faire l'objet de contestation.

M. Deepak Obhrai: Toutefois, je crois savoir que six des provinces ont rejeté cet argument et n'ont pas signé l'accord. Lors de la réunion qui a eu lieu à Kananaskis, six provinces, dont l'Alberta, ont refusé d'emprunter cette voie. Pourtant, vous me dites que l'eau ne pourra être contestée en vertu de l'ALENA. Est-ce bien que vous êtes en train de dire?

M. John Manley: L'ALENA porte sur des produits.

M. Deepak Obhrai: C'est vrai, effectivement.

• 0925

M. John Manley: Vous me dites que six provinces sont disposées à en faire un produit. Je ne le crois pas.

M. Deepak Obhrai: Oui. Vérifiez vos notes.

M. John Manley: D'après mes notes, toutes les provinces ont adopté ou sont en train de rédiger des lois ou des règlements à cette fin. Je crois donc que c'est où nous en sommes essentiellement, et je crois que les provinces... Je suis sûr que vous serez d'accord pour dire avec moi que les Canadiens ne souhaitent pas qu'on vende leur eau. Quel gouvernement provincial projette d'annoncer à sa population qu'il va vendre son eau? Je ne crois pas qu'il y en ait.

M. Deepak Obhrai: Trois permis ont été émis, comme vous le savez. En Ontario, il était censé avoir été délivré—en Ontario, à Terre-Neuve, voire en Colombie-Britannique. Ensuite, le gouvernement fédéral a dû leur dire qu'en vertu de l'ALENA, cela pourrait être contesté. Il a donc exercé des pressions sur ces provinces pour qu'elles retirent les permis. Cela laisse tout de même la porte ouverte. Or, ce que je vous entends dire est tout à fait à l'opposé.

M. John Manley: Ça l'est, mais il faut comprendre que l'eau naturelle, l'eau dans son état naturel, en tant que ressource naturelle, est une responsabilité fédérale dans la mesure où il s'agit d'eaux frontalières, d'eaux internationales. Autrement, il s'agit d'une ressource provinciale, et ce sont les gouvernements des provinces qui ont le pouvoir d'en traiter.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Deepak, je vous remercie. Je vous remercie également, monsieur le ministre.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le ministre, je me suis crue au Comité de l'industrie pendant de courts moments. Je sais que votre passion pour la connectivité ne s'est pas éteinte avec votre passage à ce nouveau ministère. J'ai vu ça. Vous allez me permettre de vous ramener dans ce champ, parfois miné, des Affaires étrangères.

Pour continuer sur le bouclier antimissile, vous avez sûrement lu, comme beaucoup d'entre nous, ce que M. Axworthy a dit au Globe and Mail. J'aimerais savoir ce que vous pensez des positions qu'il énonce. Il n'est plus ministre et c'est plus facile, bien sûr. D'autre part, ce qu'il recherche, c'est que le Canada ne se contente pas de suivre la position américaine, mais soit partie à la décision. Il voit comme une étape importante du pouvoir du Canada d'intervenir la participation des parlementaires et la consultation. Il préconise un large débat public, ce que nous avons souvent demandé, parce que ce changement radical d'attitude, ce bouclier antimissile, c'est essentiellement la relance d'une dynamique de lutte pour la suprématie militaire. C'est la relance militaire.

Ce qui est extrêmement inquiétant, c'est que les Américains... J'ai bien entendu ce que vous avez dit, à savoir que M. Bush avait dit qu'il était prêt et qu'il essayait de convaincre la Russie, mais que la réaction de la presse étrangère était très négative. On craint que ça relance la course aux armements, et on ne peut pas prendre ces craintes à la légère.

Qu'est-ce que cette cloche, madame la présidente?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Un téléphone cellulaire sonne, et le député essaie de le fermer.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je pense qu'il vaut mieux ne pas en acheter quand on ne sait pas comment l'éteindre.

M. John Manley: C'est la connectivité. Non, ce n'est pas un

[Traduction]

Blackberry. Le mien est fermé.

• 0930

[Français]

Mme Francine Lalonde: En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'il y a des craintes qui sont liées à ça et qu'il est important que les parlementaires, au premier chef, soient parmi ceux qui vont dire non à ça et aider le ministre.

J'ai d'autres questions, monsieur le ministre, si vous me le permettez. Je préfère vous les poser tout de suite. Je suis certaine que vous allez répondre à toutes.

À l'instar de mon parti et de beaucoup de Québécois et de Canadiens, je suis très préoccupée par ce qui se passe au Soudan, non seulement par cette guerre civile qui n'en finit plus, mais aussi par le rôle joué par une compagnie pétrolière de l'Ouest, dont un rapport des Nations Unies, le rapport Harker, et des témoignages plus récents démontrent qu'elle alimente en quelque sorte la guerre. On dit que la partie des profits qui va au gouvernement du Soudan alimente la guerre. Tous ces témoignages sont accablants.

Le ministre Axworthy, pressé de questions, avait répondu que le gouvernement canadien n'avait pas, à lui seul, de moyen de remédier à la situation. J'avais parlé de la Loi sur les mesures économiques spéciales. À la dernière rencontre qu'on avait eue avec lui au comité, on lui avait demandé s'il était prêt à envisager de modifier la Loi sur les mesures économiques spéciales.

J'ai déposé un projet de loi privé. J'espère qu'il sera choisi au sort et qu'on pourra en débattre. Cette question, me semble-t-il, devrait devenir une de vos préoccupations. À l'époque où nous vivons, alors qu'au Canada, les investissement à l'étranger sont passés de 50 milliards de dollars, il y a 10 ans, à 250 milliards de dollars maintenant, la question de l'éthique des sociétés se pose et, en conséquence, la question des moyens dont peut disposer un gouvernement. La Loi sur les mesures économiques spéciales ne pouvant être utilisée que de façon multilatérale, il faut que le Canada se donne les moyens de l'utiliser lui-même, seul, quand il en ressent le besoin. J'ai dit que M. Axworthy s'était dit prêt à regarder ça, et je sais aussi que M. Kilgour recommande qu'on le fasse.

J'aimerais vous entendre là-dessus. Le Soudan est un exemple qui est venu à notre connaissance, mais il peut s'en présenter d'autres.

J'aimerais aussi vous entendre sur une question tout à fait différente, mais qui suscite notre curiosité quant à l'utilisation des budgets du ministère.

Vous savez que le financement du Forum des fédérations, qui avait été créé en 1999, était assuré, au point de départ, par le budget du ministère des Affaires étrangères. On avait d'abord annoncé un financement de 10 millions de dollars sur quatre ans. Mais en fouillant un peu, on s'aperçoit que l'ACDI donne 1 million de dollars par année, que le Conseil privé—ça ne relève pas de vous, mais je l'additionne quand même—a donné 2,5 millions de dollars et qu'on vient d'annoncer une somme supplémentaire de 10 millions de dollars.

Or, en fouillant sur le Net, que vous appréciez tant, monsieur le ministre, il n'est absolument pas possible d'avoir un budget ou un rapport annuel. On dit que ce n'est pas disponible. Ce sont quand même des sommes non négligeables, quand on connaît les besoins dans divers domaines, et il me semble qu'il serait utile de savoir ce qu'on fait de cet argent.

Ai-je le temps de finir, madame la présidente?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous avez deux minutes.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aimerais aussi vous entendre sur Israël, parce que j'ai trouvé que la position du Canada avait été très, très attentiste, en particulier quand on a vu Israël envahir les territoires occupés, contrairement à l'entente de 1994.

• 0935

J'aimerais vous entendre là-dessus. Plusieurs personnes, tant du côté israélien que du côté palestinien, m'ont dit que le Canada pourrait jouer un rôle à la condition...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur le ministre, avant de commencer à répondre, il reste moins de deux minutes et, si les députés consacrent les 10 minutes dont ils disposent à poser des questions, il faudrait peut-être que vous choisissiez la question à laquelle vous allez répondre publiquement, durant la séance. Choisissez en fonction de ce que vous pouvez répondre en deux minutes ou moins et vous pourrez peut-être envoyer les autres réponses par écrit au comité.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aimerais bien avoir ça par écrit. C'est parfait.

M. John Manley: Avez-vous fini?

Mme Francine Lalonde: Oui, je m'arrête.

M. John Manley: Il y a beaucoup de questions. J'ai tout un livre ici.

Mme Francine Lalonde: C'est vous que j'aime entendre.

M. John Manley: Je pense avoir déjà répondu aux question de M. Solberg sur le bouclier antimissile, mais j'ajouterai que je crois qu'il est nécessaire que nous participions avec nos alliés, qui sont aussi en train de discuter avec les États-Unis.

Dans le contexte de l'OTAN, il y a des discussions qui se poursuivent. L'objectif que nous visons tous, c'est de créer une situation plus stable, moins dangereuse. Je crois que c'est aussi un des objectifs de certains de ceux qui sont en faveur de ce système parce qu'ils pensent qu'un danger existe: des missiles qui viennent, non pas des Russes ou des Chinois, mais d'États qui n'ont pas de système de contrôle des missiles assez sécuritaire. S'il y a une méthode pour prévenir les résultats d'un lancement de missile, ça donne au États-Unis des choix de réaction plus larges. Je crois que c'est la meilleure argumentation en faveur de cela, mais on en discutera dans d'autres contextes, tant bilatéraux que multilatéraux. Nous avons beaucoup de questions à poser. Il n'y avait pas de surprises dans le discours du président Bush et il y a beaucoup de questions qui continuent de se poser. Je crois qu'on peut prendre le temps nécessaire pour les comprendre.

Pour ce qui est d'Israël, j'indique simplement qu'on s'est prononcés le 18 avril. On a critiqué Israël et le fait qu'il avait pris des mesures. C'est une situation assez compliquée. Je me rendrai au Moyen-Orient la semaine prochaine pour discuter non seulement avec Israël, mais aussi avec l'Égypte et la Jordanie. Je vais aussi visiter la région de Gaza pour voir directement la situation là-bas, afin avoir l'information nécessaire pour bien comprendre la situation et formuler notre politique sur le Moyen-Orient.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je vous remercie, madame la présidente.

Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue au ministre.

J'aimerais poser des questions qui font suite à des points déjà soulevés, puis en soulever moi-même quelques-uns. J'essaierai de le faire dans les 10 minutes dont je dispose, madame la présidente.

En ce qui concerne le bouclier antimissile national, je suppose que je suis le seul au sein de ce comité qui était là au début et au milieu des années 80, quand le Parti libéral et les députés libéraux ont adopté la ligne dure à l'égard de l'Initiative de défense stratégique.

• 0940

À franchement parler, de nombreux Canadiens sont scandalisés par le silence des dirigeants du gouvernement libéral actuel et par l'absence d'une position ferme en ce qui concerne le bouclier antimissile.

Le ministre a dit par exemple que nous souhaitons soulever certains points et ainsi de suite, mais comme l'a dit il y a quelques jours seulement Lloyd Axworthy, son prédécesseur, les États-Unis vont de l'avant. Pour reprendre son image, il a déclaré qu'on ne peut pas rester assis sur la clôture, parce qu'alors, on va regarder le train passer. Ce n'est pas moi qui le dis, mais bien l'ex-ministre.

Le ministre affirme avoir des questions. De nombreux Canadiens ont de vives préoccupations au sujet du bouclier antimissile américain. Ils craignent qu'il n'alimente une nouvelle course aux armements et s'inquiètent du fait que la déclaration de M. Bush ne mentionne pas du tout la Chine. Il a parlé de relations bilatérales avec la Russie, mais en a très peu dit au sujet de la Chine. De nombreux Canadiens trouvent que la réaction du gouvernement canadien—dire qu'il a des questions, mais ne pas assumer de leadership—est trop douce. J'aimerais demander au ministre, lorsque les Américains viendront au Canada au cours des prochains jours ou des prochaines semaines, s'il va se contenter de poser des questions au sujet de l'impact du bouclier, par exemple, sur le traité ABM ou s'il va s'affirmer et dire que le Canada n'appuie pas ce système de défense?

M. John Manley: Tout d'abord, monsieur Robinson, je crois savoir que vous êtes contre l'idée. Tout est donc fort simple pour vous. Le Canada toutefois tire grand profit de sa participation à l'OTAN, participation à laquelle votre parti aurait mis fin il y a de nombreuses années déjà, pour ne pas mentionner la participation canadienne à l'accord NORAD, duquel vous vous seriez également retiré. Nous abordons donc ces questions de points de vue diamétralement opposés.

M. Svend Robinson: Tout à fait.

M. John Manley: Lorsqu'on examine les répercussions mondiales d'un bouclier antimissile américain, il faut tenir compte non seulement de ce nous aimerions que le monde soit, c'est-à-dire un monde sans arme nucléaire, mais aussi du monde dans lequel nous vivons qui, malheureusement, demeure un endroit dangereux. Les risques sont là. Les menaces sont réelles. Quand vous examinez la question des AMB, par exemple, nous sommes tous d'accord que le traité ABM est l'une des pierres angulaires du système de sécurité actuel—mais que le système est loin d'être parfait quand on pense aux milliers d'ogives nucléaires dans le monde.

M. Svend Robinson: Le Bouclier va-t-il rendre le monde plus sécuritaire?

M. John Manley: Laissez-moi finir, car je crois qu'un indice favorable est la réduction marquée du nombre d'ogives nucléaires, une réduction encore plus marquée que ce qu'avaient prévu la plupart lors de la signature du START III, par exemple. Il faudrait avoir un débat informé et détaillé à ce sujet au Canada, mais il faudrait le faire dans le contexte de la réalité mondiale.

J'ai dit que le sujet suscitait de véritables préoccupations et une des principales est la réaction des Chinois. Pour l'instant, il n'y en a pas eu officiellement. Il y a eu une réaction dans la presse chinoise. Dès les premières rencontres avec les membres de la nouvelle administration américaine, notre gouvernement les a incités à la plus grande prudence face à la réaction chinoise à un système qui pourrait être perçu par ce pays comme étant dirigé contre lui, avec toutes les répercussions que cela pourrait avoir sur l'arsenal nucléaire chinois et sur les autres pays de la région. Comme je l'ai dit à M. Solberg, c'est là le coeur de la question.

M. Svend Robinson: Permettez-moi simplement de poser cette question au ministre, puis de passer à quelques autres dossiers. À un certain moment donné, le ministre a semblé dire que le Canada n'était pas disposé à appuyer le Bouclier antimissile sans l'appui de la Russie et de la Chine. Est-ce bien la position du gouvernement du Canada?

M. John Manley: Non.

M. Svend Robinson: Ça ne l'est pas? Le Canada est-il vraiment capable de se prononcer par lui-même, sans égard à ce que pourraient dire ces autres pays, même si, manifestement, ils sont vivement préoccupés?

M. John Manley: Non. Je n'ai jamais eu l'intention de laisser entendre que la Chine ou la Russie dictaient la politique canadienne. Ce que j'ai dit, c'est que le secrétaire d'État Powell, dans son propre témoignage lors de son audience d'approbation au Sénat, a dit qu'il consulterait la Russie et la Chine. Ce que j'ai dit, c'est que si la Russie et la Chine sont d'accord, il est fort probable qu'il parviendra à convaincre le Canada.

• 0945

M. Svend Robinson: À nouveau, nous voyons là un manque de leadership. Toutefois, examinons un autre domaine qui, à nouveau, préoccupe vivement de nombreux Canadiens.

Ma collègue, Mme Lalonde, a parlé du Soudan. Il y a quelques jours à la Chambre, j'ai posé au ministre une question au sujet de la preuve extrêmement convaincante selon laquelle les pistes d'atterrissage de Talisman Energy dans le sud du Soudan continuent en fait d'être utilisées à des fins militaires offensives par le gouvernement du Soudan. Le ministre sait qu'en fait, le gouvernement du Soudan pratique la politique de la terre brûlée dans le sud du Soudan. Il dégage d'importants champs pétrolifères qu'il met à la disposition des pétrolières étrangères, y compris de Talisman. Ce genre de complicité est épouvantable.

Le ministre a eu l'occasion d'examiner la question, d'examiner les documents que Nick Coghlan, notre représentant à Khartoum, a déposés. Il semble y avoir une importante omission dans les documents qui ont été rendus publics. Qu'est-ce que le ministre est disposé à faire en ce qui concerne la complicité manifeste de Talisman Energy—une complicité soutenue, car John Harker a dit, il y a plus d'un an, que c'est ce qui se produisait au gisement pétrolier Heglig? Voilà que cela recommence. Combien de preuves faut-il au ministre avant de prendre des mesures musclées contre Talisman et de faire connaître nos préoccupations au gouvernement du Soudan?

Après avoir abordé un autre domaine, madame la présidente, je vais demander au ministre de répondre.

Quelle est la réaction du gouvernement du Canada à la demande présentée par Taiwan qui aimerait avoir le statut d'observateur à l'Assemblée mondiale de la Santé qui doit avoir lieu à Genève, en Suisse, vers la fin du mois? Taiwan a demandé à pouvoir y assister en tant qu'observateur. En fait, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté la semaine dernière une résolution exhortant le gouvernement à appuyer la demande de Taiwan. Quelle est la position du gouvernement du Canada? Le Canada appuiera-t-il la demande de Taiwan?

M. John Manley: Permettez-moi de faire un autre commentaire, que vous pouvez m'attribuer, si cela ne vous gêne pas, madame la présidente, plutôt que de l'attribuer à M. Robinson. Pour préciser un point de l'échange précédent au sujet du Bouclier antimissile, rien de ce qui est proposé jusqu'ici n'est le parallèle de l'Initiative de défense stratégique. Le fait a son importance, parce que la position canadienne est très claire au sujet de la non-arsenalisation de l'espace. Rien de ce qui est proposé pour l'instant n'inclut le placement en orbite ou dans l'espace d'armements. Le projet de défense stratégique, si vous vous souvenez bien, le prévoyait. Cette politique n'a pas changé.

Quant au Soudan, je suis très troublé par les rapports selon lesquels les pistes d'atterrissage du Sud sont peut-être utilisées à des fins offensives. Comme je l'ai affirmé à la Chambre, il n'est pas clair que ce soit le cas. On pourrait débattre de ce qui est offensif et ce qui est défensif. En règle générale, quand vous êtes la cible, les armes ont l'air offensif, quelle que soit la motivation de la personne qui les utilise. Le rôle que joue une entreprise canadienne devient donc une question qui, je crois, va préoccuper de plus en plus les Canadiens. Elle me préoccupe certes.

M. Svend Robinson: Dans ce cas-là, que fait le ministre pour savoir ce qui se passe?

M. John Manley: Nous acceptons l'information de toutes les sources. Nous recevons de l'information des ONG, de nos représentants dans la région.

M. Svend Robinson: Que dit Nick Coghlan au ministre?

M. John Manley: Je puis affirmer que l'information que j'ai reçue jusqu'ici n'est pas concluante, qu'il n'est pas clair que les pistes d'atterrissage servent à des fins offensives plutôt que défensives. L'approche que nous avons adoptée et que nous suivons consiste à rappeler les principes de responsabilité sociale aux entreprises dont le comportement laisse à désirer, où qu'elles se trouvent dans le monde. Au crédit de Talisman, d'après les faits, il semblerait que certaines de ses activités dans le Soudan soutiennent la population locale, qu'elles ont amélioré la situation.

• 0950

Je crois qu'en tant que gouvernement, nous sommes tout aussi préoccupés que vous. Nous ne souhaitons pas que les revenus rapportés au gouvernement du Soudan par les activités de Talisman alimentent l'agression et exacerbent les hostilités dans une situation déjà horrible.

Nous aimerions certes que Talisman intensifie sa participation en vue d'améliorer les conditions de la population du sud du Soudan. Nous continuerons de suivre de très près la situation pour voir s'il y a d'autres mesures que nous pouvons prendre utilement, par opposition à simplement agir théoriquement, à fixer des règles qui sont sans effet concret en bout de ligne. Toutefois, c'est certes une préoccupation majeure.

M. Svend Robinson: Et qu'en est-il de Taiwan?

M. John Manley: Je vous répondrai plus tard, par écrit.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

M. Svend Robinson: Si vous inscrivez mon nom sur la liste pour le deuxième tour de table, je reviendrai certes à cette question.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Casey.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Je vous remercie beaucoup.

J'aimerais en revenir à la question du bouclier antimissile pour un instant. Quel est le calendrier d'exécution prévu par les États-Unis?

M. John Manley: Nous nous attendons que le processus, en termes de consultation, soit mis en branle très bientôt—dans quelques semaines, d'après M. Wright. Aucune date n'a été fixée pour les réunions, mais nous croyons savoir qu'ils sont sur le point de lancer le processus de consultation.

M. Bill Casey: Croyez-vous qu'ils ont un plan ferme actuellement? Ils ont lancé ou proposé plusieurs...

M. John Manley: Non. C'est l'une des questions qui sera abordée. Nous ignorons encore ce qu'est leur plan en termes d'opérationalisation. Nous ignorons s'ils projettent de l'exécuter sur terre ou en mer et combien d'intercepteurs il y aura, où ils seront situés, où se trouveront les systèmes radars, si le plan est d'intercepter les missiles à la phase de propulsion, à la mi-course ou en phase terminale. Ce sont toutes des questions pour l'instant sans réponse.

M. Bill Casey: Notre comité sera-t-il tenu au courant de ces discussions lorsqu'elles débuteront? Y contribuerons-nous? Aurons-nous l'occasion de le faire?

Les Canadiens vivement préoccupés par la question y accordent vraiment une très grande priorité.

M. John Manley: J'accueillerai avec plaisir les conseils du comité dans ce dossier à mesure que nous recevrons plus d'information et que nous serons un peu plus au courant des échéances.

M. Bill Casey: D'accord. J'aimerais passer à un autre sujet troublant. Je suis convaincu qu'il préoccupe tout le monde. Je parle de l'épidémie de sida qui sévit en Afrique du Sud. Il semble que le monde n'accorde pas d'attention au phénomène. D'après les chiffres que j'ai en main, l'équivalent de la population de la Nouvelle-Écosse va mourir cette année du sida là-bas.

Y a-t-il un comité qui se penche sur cette question? Avons-nous une stratégie? Nous concentrons-nous sur le sujet? Avons-nous quoi que ce soit pour en traiter et pour fournir toute l'aide que nous pouvons offrir ainsi que des mesures préventives?

M. John Manley: C'est l'une des quatre priorités de développement social de l'ACDI, un plan d'action concernant le VIH-SIDA. Cet investissement annuel de l'ACDI passera de 20 millions de dollars à 80 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Donc, l'ACDI se concentre de plus en plus sur la question. Vous pouvez en déduire, je crois, que c'est une priorité de l'APD canadienne. Vous pourriez creuser la question avec Maria Minna, quand elle sera ici.

De plus, le Canada appuie entièrement le travail effectué par des organismes des Nations Unies comme l'Organisation mondiale de la santé et l'UNICEF.

M. Bill Casey: Vous-même, êtes-vous convaincu que c'est suffisant? Nous n'en entendons pas parler. Y a-t-il plus que le Canada pourrait faire?

M. John Manley: Telle que vous avez décrit la situation, c'est très juste. Je crois que l'autre donnée statistique éloquente est celle de la Zambie, je crois, où le nombre d'instituteurs qui sortent de l'école des maîtres chaque année équivaut au nombre d'instituteurs qui se meurent du VIH-SIDA. En d'autres mots, ils n'arrivent pas à produire des enseignants assez vite pour remplacer ceux qui meurent du sida, quand ce ne sont pas toutes les autres raisons pour lesquelles on perd des enseignants.

• 0955

C'est une grande tragédie. Je ne suis pas sûr que nous en entendions parler suffisamment. Je suppose que non. Les Canadiens ont besoin d'être mieux informés et, s'ils l'étaient, je soupçonne qu'il faudrait consacrer plus de nos ressources à ce problème.

M. Bill Casey: Si vous êtes d'accord pour qu'on accorde une plus grande priorité au sujet et qu'on y sensibilise davantage la population, comment le faire?

M. John Manley: En continuant d'en parler et en continuant d'en parler au sein des tribunes internationales.

Les Nations Unies tiendront une séance spéciale au sujet du VIH-SIDA en juin. On peut toujours utiliser ces tribunes pour mettre en évidence une question, et je crois que c'est vraiment là qu'il faut que cela se fasse. Je m'attends que la question fera partie des discussions au Réseau sur la sécurité humaine qui doit se tenir en Jordanie à la fin de la semaine prochaine, ainsi que lors de la séance préparatoire à la conférence des Nations Unies.

M. Bill Casey: Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Madame la présidente, je vous remercie.

Je tiens à vous remercier d'avoir accepté de venir à la réunion d'aujourd'hui, monsieur Manley. J'aurais quelques questions à vous poser.

Soit dit en passant, madame la présidente, je dispose de combien de temps, de cinq ou de dix minutes?

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous avez dix minutes.

M. John Harvard: J'aimerais vous interroger au sujet du moral ou plutôt de l'absence de moral des employés du service extérieur. Vous seriez d'accord pour dire avec moi que nous avons un service extérieur plutôt exceptionnel grâce, en grande partie, à des gens pas mal extraordinaires. Vous savez tout comme moi qu'il y a un problème de moral, attribuable en grande partie, je suppose, aux conditions de travail, surtout à ce que l'on perçoit comme de bas salaires.

Je sais que le gouvernement a fait un effort et qu'il a consenti certaines augmentations en 2000, peut-être. D'après les renseignements que j'ai, ces augmentations ont représenté un peu plus de 9 millions de dollars, ce qui, réparti parmi autant d'employés, ne semble pas énorme. Je crois que la convention vient à échéance l'année prochaine.

Je sais que la question vous préoccupe, parce que la qualité du service extérieur est fonction de ses employés. Votre situation à vous, à moi et à tous ceux d'entre nous qui font partie du gouvernement est directement fonction de la qualité du service extérieur.

Croyez-vous que le problème continue? Est-ce qu'il y a eu un frein à l'hémorragie, à tous ces départs? Avons-nous pris un tournant, pour utiliser un autre cliché? Dites-moi ce que vous en pensez.

M. John Manley: J'en ai parlé dans mes observations préliminaires parce que j'en suis assez inquiet. J'ai des entretiens avec des représentants syndicaux du Ministère, ce que je faisais aussi à mon autre ministère.

Il y a de grandes difficultés à attirer des gens valables dans le service extérieur. Nous n'avons aucun problème à avoir beaucoup de candidats, mais lorsqu'ils sont confrontés aux réalités de la vie qui leur est offerte, à la difficulté pour leur conjoint ou conjointe de trouver un emploi à de nombreux endroits du globe où ils peuvent être appelés à vivre, en plus fait que les postes à l'étranger sont de plus en plus dangereux et des autres défis qu'ils représentent et, aussi, lorsqu'ils découvrent que la paye n'est pas si intéressante...

En fait, je pense que si vous regardez bien les employés de la catégorie de poste FS, avec les compétences qu'ils ont souvent, nous avons des gens remarquables—polyglottes, instruits et talentueux—et en plus ils doivent faire quelque chose que je n'ai pas eu à faire pour obtenir mon emploi, c'est-à-dire passer l'examen du Service extérieur, il faut reconnaître qu'ils sont d'un certain calibre. Et pourtant, je pense, alors que nous leur offrons parfois une formation extraordinaire pendant cinq ou six ans, nous finissons par les perdre au profit de Nortel, de Bombardier ou, pire, d'une compagnie non canadienne qui a besoin de leurs compétences et qui les paye trois fois plus.

• 1000

M. John Harvard: Est-ce inévitable?

M. John Manley: Je ne pense pas que nous puissions concurrencer le secteur privé. Le service public est une fonction différente et les gens doivent le voir comme tel.

Avec les négociations à venir, nous espérons parvenir à un bon règlement de contrat. J'espère qu'en court de route nous pouvons améliorer la situation, que ce soit en adoptant un système de classification uniforme ou, tout simplement, en appliquant certaines des leçons qui ont été apprises en chemin. Nous avons aussi demandé au Conseil du Trésor d'examiner la situation de près.

À mon avis, certains de mes employés du Service étranger devraient être payés selon une échelle similaire à celle des CO, par exemple, dans d'autres ministères. Les avocats du Service étranger n'on pas les mêmes échelles salariales que les avocats du ministère de la Justice.

Je pense qu'on pourrait s'attaquer à certains de ces problèmes. J'espère que cela pourra améliorer le moral. D'après moi, en tout cas, oui.

M. John Harvard: Avons-nous une pénurie en ce moment dans certains des secteurs du Service étranger?

M. John Manley: Disons les choses ainsi. Nous n'avons pas de problème du côté de l'entrée. Le nombre de gens qui passent l'examen du Service étranger et posent leur candidature pour être agents du Service extérieur est encore assez élevé. Il est très difficile d'entrer dans le Service.

À l'instar de la fonction publique, qui a connu une expansion rapide pendant les années soixante et au début des années soixante-dix, il existe des défis latents lorsqu'on arrive à la gestion intermédiaire. Dans la catégorie FS, le problème est particulièrement aigu. Les gens sont confrontés à la question de savoir combien de temps ils sont disposés à accepter ce style de vie plutôt exigeant.

M. John Harvard: Eh bien, espérons que la situation s'améliore.

J'aimerais maintenant parler, monsieur le ministre, de l'aide au développement étranger. D'après les renseignements qui ont été distribués, le Canada est passé de la 12e à la 17e place sur la liste des 22 pays donateurs. À mon avis, nous allons dans le mauvais sens. À ce que je comprends, il y a eu certaines augmentations. Le fait est qu'au sein de cette liste de 22 pays donateurs, nous avons perdu beaucoup d'envergure, si je peux dire ainsi.

Est-ce que nous faisons quelque chose à ce sujet? Pouvons-nous faire plus? Bien entendu, ceci englobe le domaine de nos contributions ou de nos dons par rapport à notre PIB. À ce que je sache, nous visons 0,7 p. 100 du PIB. Où en sommes-nous? Pouvons-nous espérer jamais atteindre encore ce niveau? Je sais que nous en parlons, en tant que gouvernement, et cela fait déjà plusieurs années. Pensez-vous que cela arrivera, monsieur le ministre?

M. John Manley: Je pense qu'il ne fait aucun doute que nous sommes déterminés à augmenter notre contribution. En fait, dans le discours du Trône de janvier dernier, si vous vous rappelez bien, il y avait un engagement clair dans le sens d'un retour à la croissance des futures ressources d'aide au développement étranger. L'engagement est là. Nous sommes loin de 0,7 p. 100 du PIB. Nous avons perdu du terrain. Je pense que c'est arrivé au moment où il y a eu des compressions sur tout, dans la lutte contre le déficit.

Actuellement, voilà déjà plusieurs années que l'économie est en croissance. Les dépenses du gouvernement n'ont pas accéléré au même rythme que l'économie, ce qui est une des raisons qui fait que nous commençons à générer un surplus, et le taux a chuté. L'engagement existe. Je pense que le besoin est plus pressant que jamais. Je m'attends, au fur et à mesure que nous avancerons dans le cycle budgétaire, à ce que des ressources accrues deviennent disponibles.

M. John Harvard: Vous ne pensez pas que vous dressez un tableau trop rose? Oui, il y a un surplus. L'impression que j'ai, monsieur le ministre, c'est que d'ici peut-être un an ou deux, le surplus ne sera plus ce qu'il est actuellement. Il pourrait être un peu difficile d'atteindre ce but, du moins dans un avenir immédiat.

M. John Manley: Il faudra du temps pour atteindre notre but. Ce sera difficile. Il faudra modifier les priorités. Il faudra qu'il y ait des gens pour croire dans ces priorités, sortir de leur réserve et aider à persuader les Canadiens qu'elles sont importantes.

• 1005

Il ne fait aucun doute que l'accroissement de l'aide au développement étranger n'est généralement pas perçu comme quelque chose de très...

M. John Harvard: Ça n'a pas beaucoup de stature.

M. John Manley: ... avantageux sur le plan politique. Les gens qui en tirent directement parti ne sont pas des électeurs, dans aucune circonscription.

Nous devons rappeler à nos électeurs que, sur ce globe qui rétrécit, les besoins des pays du monde entier, qu'ils soient de notre hémisphère, de l'Afrique ou de l'Asie, deviennent un jour nos besoins. Ils se retrouvent à un moment donné sur notre seuil. Ce sont nos voisins.

Nous devons prendre les mesures nécessaires pour nous assurer de répondre aux besoins essentiels. Bien franchement, il ne s'agit pas seulement de l'aide au développement étranger. Il y aussi de vraies mesures à prendre pour ouvrir les marchés et leur permettre de bâtir leur propre économie. C'est pourquoi on ne peut envisager le commerce comme quelque chose de distinct de l'aide au développement étranger. Si nous ne leur donnons pas de marchés, et ne faisons que leur envoyer un chèque de l'ACDI avec nos bons voeux, ils ne parviendront jamais à être prospères et à avoir un meilleur niveau de vie.

C'est, à juste titre, un problème qui nous concerne tous. C'est quelque chose que nous avons le devoir d'encourager activement nos électeurs à appuyer.

M. John Harvard: Merci, monsieur le ministre.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, AC): Bonjour, monsieur Manley, monsieur Wright et madame McCallion. Je vous remercie de vous être joints à nous ce matin.

J'ai plusieurs choses à dire dans le même ordre d'idée que ce que disait M. Casey.

Au sujet du sida, si nous ne participons pas à la prévention du sida en Afrique du sud du Sahara, nous ne faisons pas ce qu'il faut. C'est aussi simple que ça. J'espère que le ministère examinera le modèle qu'a utilisé M. Museveni en Uganda, qui a été très efficace pour prévenir l'infection au VIH et en réduire l'incidence là-bas.

Au sujet du système de défense antimissile, personnellement, j'espère que vous l'appuyez. C'est plus une question, à mon avis, de protection contre la Chine, qui applique la bonne vieille technique sun tzu, qui consiste à afficher une image extérieure relativement faible tout en consolidant leurs forces militaires en coulisses. J'espère que c'est prévu dans notre politique extérieure.

J'aimerais faire une demande, monsieur Manley, au sujet du montant que nous investissons dans l'aide au développement étranger. À la ligne 25, sous la rubrique ACDI, je vois que nous dépensons 1,48 milliards de dollars en subventions et contributions.

J'aimerais faire une demande, si votre ministère veut bien, pour qu'il présente à ce comité les objectifs, la méthode de sélection et les mesures appliquées relativement à ces subventions et contributions; la méthode de sélection des bénéficiaires; et comment nous mesurons les résultats de ces activités. Les chiffres ont, en fait, augmenté de 60 millions de dollars depuis le dernier budget.

Au sujet du Soudan, je pense que le problème de Talisman Énergie Inc. est relativement périphérique. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si vous avez fait des déclarations fermes au gouvernement du Soudan et à l'APLS à propos de la mise en oeuvre de la déclaration de principe qu'ils ont signée. Je pense que c'est essentiel à la conclusion de ce terrible conflit. Comme nous le savons, famine qui sévit actuellement dans le Sud risque de faire environ un million de victimes d'ici un mois ou un mois et demi.

Au sujet de la Société d'expansion pour les exportations, plusieurs des compagnies qui sont appuyées par la SEE enfreignent volontairement nos propres normes environnementales. Il ne semble y avoir aucun système de freins et de contrepoids. Je voudrais savoir, monsieur, si vous pouvez dire à ce comité quelles mesures votre ministère a pris, par le biais de la SEE, pour s'assurer que ces compagnies ne participent pas au déversement de résidus miniers dans les rivières, à la pollution ou à la coupe à blanc, particulièrement en Asie du Sud-Est.

Ma dernière question est, en réalité, une déclaration. Nous savons que les coûts de la reconstruction après les conflits ont connu une croissance phénoménale depuis une douzaine d'années. En fait, ils mènent à la faillite de nombreuses institutions financières internationales. Pour la Banque mondiale, ces coûts, je crois, ont augmenté de 800 p. 100 rien que depuis 12 ans.

• 1010

J'aimerais savoir si, à votre avis, avec les 151 millions de dollars que nous versons actuellement aux IFI, le ministère va plus mettre l'accent sur les précurseurs des conflits? Autrement dit, est-ce que vous pèserez sur les leviers économiques, par le biais des IFI, pour composer avec les précurseurs de conflits? Est-ce qu'il en sera question aux réunions du G-8 ou du G-20? Il y a un argument économique très persuasif—si ce n'est autre chose—qui veut que nous nous intéressions aux précurseurs. Personnellement, je pense que les IFI ont d'extraordinaires leviers économiques dont elles peuvent se servir de façon pratique pour composer avec les précurseurs de conflits.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous devrions nous en tenir à nos interventions de cinq minutes.

M. Keith Martin: Oh.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Ne le saviez-vous pas?

M. Keith Martin: Non. Je suis désolé.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je m'excuse. J'aurais dû vous le rappeler au début.

M. John Manley: M. Martin a soulevé beaucoup de questions. Tout d'abord, très rapidement, au sujet, encore une fois, du VIH et du sida, Maria Minna dirigera notre délégation à la Conférence des Nations Unies. Je pense que ce sera clairement pour nous une occasion de réitérer nos positions et d'affirmer notre soutien à une stratégie internationale.

Nous la laisserons répondre à la question sur les priorités de l'ACDI, pour qu'elle puisse coordonner la formulation d'une réponse qui sera présentée lorsqu'elle témoignera devant le comité, ou autrement. Je pense que c'est à elle qui incombe de répondre à ces questions, et elle doit venir la semaine prochaine.

Au sujet du gouvernement du Soudan, nous sommes intervenus à de nombreuses reprises auprès de lui pour l'encourager à respecter les engagements qu'il a pris et pour obtenir l'assurance qu'il ne prendrait pas de mesures offensives dans le Sud. Je pense qu'on peut dire que nous faisons tout en notre pouvoir par le biais des voix diplomatiques. Nous n'avons pas de soldats là-bas, nous n'avons que notre réputation et notre influence pour nous soutenir face au gouvernement du Soudan, et nous avons entrepris de les mettre à partie.

La question sur ce qui peut être fait par l'entremise des IFI est excellente. Elle sera sans aucun doute soulevée dans le contexte des discussions du G-8. L'évitement et la prévention des conflits feront partie du mandat qui sera examiné, et c'est aussi un domaine où nous sommes engagés. Il y a plusieurs ministères et organismes fédéraux, dont le ministère des Finances et notre propre ministère, qui ont des responsabilités dans ces domaines et qui voudraient utiliser ces mécanismes dans la mesure où ils peuvent l'être pour créer des situations favorables à un règlement.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

Monsieur le ministre, je vais devoir veiller au respect de ces périodes de cinq minutes pour donner à tout le monde la chance de parler. Vous pourrez y revenir si nous respectons ces cinq minutes.

Madame Marleau.

Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Les Canadiens étaient, à juste titre, fiers de la convention sur les mines terrestres, dont nous avons été le fer de lance. Comme vous le savez, j'ai participé à ces démarches à l'époque. Un fonds pour les mines terrestres a été créé, qui a été réparti entre plusieurs ministères. Je remarque dans vos notes que vous parlez de continuer à faire pression pour la mise en oeuvre d'un traité sur les mines antipersonnel. Je me demande où nous en sommes avec ce fonds? Est-ce que c'est terminé? Avons-nous le moindre espoir de le voir renfloué? Je pense que c'est un domaine où nous devrions continuer de faire pression.

Je vais moi-même participer à la collecte de fonds, et je demanderais à mes collègues d'en faire autant parce que je pense qu'il y a encore beaucoup que nous pouvons faire, en tant que Canadiens.

Peut-être pourriez-vous faire le point pour nous et nous dire où vous en êtes sur ce plan.

M. John Manley: Merci.

Tout d'abord, le financement continue jusqu'en 2003, alors nous n'en sommes en fait encore qu'à mi-chemin et nous devons poursuivre. Comme vous l'avez dit, le secteur privé fait des démarches assez importantes de cueillette de fonds, qui seront le complément de ce que fait le gouvernement. Nous allons nous efforcer d'y contribuer. J'essaie moi aussi d'y contribuer à titre personnel. Je pense que c'est une occasion fantastique pour beaucoup de gens du secteur des organismes sans but lucratif de faire quelque chose d'important, et les résultats de leurs efforts sont conjugués aux fonds publics.

• 1015

La liste est assez longue, et je vais rapidement en nommer quelques éléments. Nous avons un engagement quinquennal portant sur 10 millions de dollars pour l'action antimine au Mozambique. De plus, nous avons appuyé des programmes de déminage en Angola, au Tchad, en Ouganda et au Soudan. Nous avons dépensé environ 4 millions de dollars au Cambodge et environ 7 millions de dollars ont été investis dans des activités en Afghanistan, au Laos et au Cambodge encore. Dans toute l'Asie, nous avons augmenté... Il y a beaucoup de programmes d'action antimine dans le sud-est de l'Europe. Je ne les nommerai pas tous, mais je pense que c'est assez impressionnant...

Mme Diane Marleau: J'aimerais poser une question précise. J'ai appris qu'il est possible qu'aux États-Unis, le gouvernement envisage de verser des montants équivalents à ceux recueillis dans le secteur privé. Je me demande si, ici au Canada, nous pourrions lancer le même genre d'initiatives si nous réussissons à organiser plusieurs activités de cueillettes de fonds dans le pays. Je sais que ce n'est pas vous qui prendrez la décision finale à ce sujet, mais j'aimerais avoir votre soutien, parce que ce serait utile.

M. John Manley: Vous l'avez, sans réserve.

Mme Diane Marleau: Je vous remercie.

M. John Manley: J'ajouterais, en passant, que la Turquie et la Grèce ont récemment signé la convention, ce qui porte le nombre de signataires à 139.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur le ministre, pour ce qui est du Soudan, vous dites avoir épuisé tout ce que vous pouviez faire au plan diplomatique. Alors, je vous pose ma question directement. Êtes-vous prêt à modifier rapidement la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui vous donnerait des moyens pour régler la situation de la compagnie Talisman? Comme vous le savez, Stephen Lewis a dit qu'elle pourrait être jugée pour crime de guerre si elle ne partait pas de là et continuait ses actions.

M. John Manley: Je suis prêt à envisager des changements, mais je ne suis pas encore convaincu que ça ferait une différence.

Mme Francine Lalonde: Mais vous pouvez obliger la compagnie à partir de là.

M. John Manley: Et où va-t-elle aller?

Mme Francine Lalonde: Eh bien, ce sera peut-être une leçon. Il me semble qu'il faut commencer à faire quelque chose à l'endroit de toutes ces entreprises dont on sait maintenant qu'elles ne recherchent pas nécessairement la stabilité. Il y a qui, au contraire, se développent dans des environnements de guerre.

M. John Manley: Je vais vous expliquer. Si on est vraiment fermes et que Talisman quitte le Canada pour aller ailleurs comme société, qui gagnera?

Mme Francine Lalonde: Vous continuerez alors à agir au plan international.

M. John Manley: Les gens au sud du Soudan, les Soudanais, les Canadiens? Qui?

Mme Francine Lalonde: Mais c'est terrible, monsieur le ministre, parce que ça veut dire que les compagnies peuvent continuer à faire ça. On ne peut pas accepter ça. Il faut au moins que vous vous donniez le moyen de menacer d'agir. Je suis certaine que tous les partis seraient d'accord pour modifier rapidement cette loi-là, afin que vous ayez des moyens. Autrement, vous...

M. John Manley: Je ne le crois pas. Vous pouvez poser cette question à vos collègues, mais je crois que la meilleure façon d'agir maintenant est de mettre l'accent sur les normes que doivent suivre les sociétés, exercer de la pression sur Talisman et les autres sociétés qui sont dans d'autres pays afin qu'elles se conduisent comme des agents canadiens et suivent des normes de conduite acceptables. Présentement, il n'y a pas de base multilatérale pour des actions, ce qui est la base de la Loi sur les mesures économiques spéciales. C'est un outil multilatéral.

Mme Francine Lalonde: C'est ce que je dis. Il faut enlever l'obligation multilatérale. Il y a un an, M. Axworthy avait dit qu'il envisageait de modifier ça pour qu'on soit capables de l'utiliser nous-mêmes, seuls. C'est pour ça que je vous demande si vous êtes prêt à modifier la loi pour avoir un instrument. Pour une fois je vais vous le dire: faites preuve de leadership dans ce domaine-là. Il faut que les pays fassent quelque chose à l'endroit des entreprises qui sont leurs ressortissants.

• 1020

J'ai une autre question. Je sais que mon temps est compté et que j'ai fait mon bla-bla tout à l'heure. Quels autres pays participent au financement du Forum des fédérations et pour combien?

M. John Manley: Je devrai répondre par écrit.

Mme Francine Lalonde: Excellent.

Voici une autre question brève sur les conjoints du personnel diplomatique. On a parlé plus tôt du personnel diplomatique. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'apercevoir que les conjoints des ambassadeurs et du personnel diplomatique vivaient dans des conditions difficiles, et la faible rémunération des gens qui sont à l'emploi du gouvernement du Canada ajoute au problème ainsi qu'à l'instabilité du personnel. Êtes-vous prêt à regarder de près la situation pour voir ce qui pourrait être fait par le gouvernement?

M. John Manley: Nous avons demandé au Conseil du Trésor et aux autres ministères, comme le ministère de l'Immigration, de participer avec nous à une étude dont le but est de régler la situation. Des propositions qui ont été faites par le syndicat, par exemple, devraient être étudiées, notamment en ce qui concerne les pensions, etc. Ce n'est pas ma responsabilité, mais j'estime qu'on devrait étudier toutes les propositions qui ont été faites.

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'être ici ce matin. Je n'ai que deux brèves questions à poser.

Premièrement, alors que nous nous engageons de plus en plus dans notre propre hémisphère—en tant que Canadiens, je pense que nous sommes plutôt en retard, mais je suis content de voir que nous agissons enfin—qu'est-ce que cela fera en fin de compte, en ce qui concerne notre présence? Devrons-nous inévitablement être plus présents?

J'ai représenté le ministre Pettigrew en République dominicaine, pour la conclusion d'un contrat en janvier, et nos gens là-bas disaient qu'ils avaient vraiment besoin de plus d'aide, par exemple pour les visas. Il y avait beaucoup plus de ressources en Haïti, mais c'est là qu'il leur en fallait plus. Je me demande ce que nous faisons pour accroître notre présence en Amérique latine.

Ma deuxième question porte sur le thème du jour, soit le système national de défense antimissile, car il me semble que cette affaire a été présentée sous un faux jour. Je préside le comité de la défense depuis deux ans et nous avons été le seul comité à tenir plusieurs audiences à ce sujet. Nous avons reçu tout un éventail de témoins, allant de représentants de Project Ploughshares jusqu'au général Macdonald, commandant en chef suppléant du NORAD, et nous avons entendu de nombreux témoignages d'experts pour et contre.

Toutefois, il est à mon avis faux de dire que le Canada se soit jamais déclaré contre le système national de défense antimissile. L'ancien ministre, M. Axworthy, a exprimé quelques réserves personnelles et les exprime encore aujourd'hui—veuillez me reprendre si je me trompe—mais le gouvernement du Canada ne s'est pas prononcé pour ou contre ce système. C'était tout au début et on ne nous avait rien demandé. Je ne pense pas qu'officiellement on ne nous ait encore demandé de prendre position, n'est-ce pas, monsieur le ministre?

Je me demande si, à votre avis, un comité—ou plusieurs—devrait reprendre les audiences à un moment donné. Je suis d'accord avec ceux qui préconisent un débat national sur cette importante question et je me demande simplement ce que vous en pensez.

M. John Manley: Tout d'abord, je crois que l'un des corollaires du Sommet des Amériques, c'est que nous devons accentuer notre présence dans l'hémisphère. Il a été clairement dit que le Canada doit jouer un rôle important en tant que l'un des chefs de file de l'hémisphère occidental. Cela découle naturellement de notre engagement dans l'OEA depuis 1990, où nous jouons un rôle de plus en plus important. Il est naturel pour nous d'accentuer notre présence et notre participation; cela touche bien sûr notre capacité de représentation également. C'est ce qui devrait se faire, dans la mesure où nous disposons des ressources nécessaires.

Je suis d'accord avec vous au sujet du système national de défense antimissile. Personne n'a jamais pris de position ferme à cet égard. Soit dit en passant, je crois que les déclarations de M. Axworthy dans les journaux d'hier étaient plus nuancées que certains n'ont voulu le faire croire. En fait, comme il le sait bien, beaucoup des recommandations qu'il a faites correspondent à celles que nous faisons et que nous avons faites. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de nouveau à cet égard; il n'y a pas de grand changement.

• 1025

À mon avis, le Parlement doit s'engager et il est clair que ce comité et, j'imagine, le comité précédent, voudront s'engager aussi. Il vaudrait peut-être la peine d'envisager un effort conjoint de manière que les parlementaires puissent participer au processus aboutissant à une éventuelle demande d'engagement du Canada.

Il pourrait s'agir du NORAD, mais je ne pense pas que ce soit absolument nécessaire; cela relève toutefois du domaine du possible. Il serait également concevable que le territoire canadien soit utilisé pour la mise en oeuvre d'un système de défense antimissile comme celui dont parlent les États-Unis, même si pour l'instant, rien dans les plans actuels n'indique que ce soit le cas.

Je tiens à souligner que les plans ne sont pas clairs. La demande n'a pas été faite et par conséquent nous ne disposons pas de toutes les données au sujet des demandes qui nous seront présentées, le cas échéant.

M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le ministre.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.

J'ai posé une question au ministre à laquelle il n'a malheureusement pas eu le temps de répondre. J'encourage vivement le gouvernement du Canada à appuyer Taiwan qui revendique le statut d'observateur à l'Assemblée mondiale de la Santé qui doit se dérouler un peu plus tard ce mois-ci à Genève. Je ne sais pas vraiment si le ministre est en mesure de répondre tout de suite à cette question ou s'il veut y répondre un peu plus tard.

M. John Manley: Je vous reviendrai à ce sujet.

J'imagine que vous êtes en faveur d'un tel statut.

M. Svend Robinson: Absolument, et j'espère que le ministre l'est aussi.

J'ai quelques autres questions pour les cinq minutes de la deuxième ronde.

J'aimerais revenir sur la question du Soudan. Le ministre—et j'ai pris note de ses observations—a déclaré que les recettes que réalise le gouvernement du Soudan grâce aux opérations de Talisman permettent sans doute de financer l'agression dans le sud du Soudan. Si le ministre le reconnaît, pourquoi n'est-il pas prêt à faire preuve de leadership et à prendre des mesures énergiques pour mettre un terme à l'afflux de ces recettes?

Le ministre a déclaré que si Talisman se retirait, une autre société s'implanterait et il s'est demandé alors qui en tirerait profit. J'imagine que certains ont avancé le même argument dans les années 30 à propos de l'Allemagne nazie: Si nous n'investissons pas là-bas, quelqu'un d'autre le fera.

Nous parlons d'un génocide, de l'assassinat de dizaines de milliers de personnes. Je veux demander au ministre s'il reconnaît que les recettes pétrolières permettent au gouvernement du Soudan d'accentuer son agression—et c'est ce que le ministre a dit—et s'il dit qu'il ne peut rien faire pour y mettre un terme?

Mon autre question porte sur l'Arménie. Mardi, le ministre a parlé de calamité au sujet du génocide de 1915 en Arménie. Pourquoi ce gouvernement n'est-il pas prêt à reconnaître ce fait, ces horreurs, pour ce qu'ils sont, soit un génocide?

M. John Manley: Pourquoi voudrait-on être témoins d'épouvantables actes de violence où que ce soit dans le monde? Pourtant, le gouvernement du Canada n'a pas nécessairement le pouvoir de les empêcher. Comme je l'ai dit, si les recettes des opérations minières attisent le conflit, cela devrait nous inquiéter. Il serait difficile de croire qu'elles n'accentuent pas le conflit, puisque nous savons que le gouvernement du Soudan réalise des recettes grâce à ces activités. Il n'est pas clair...

M. Svend Robinson: C'est une société canadienne qui est en cause.

M. John Manley: Oui, mais ce n'est pas le gouvernement du Canada.

M. Svend Robinson: N'avons-nous pas un contrôle sur les opérations de sociétés canadiennes qui accentuent le génocide?

M. John Manley: Vous sautez à des conclusions et je ne pense pas qu'elles soient complètement justifiées. Nous avons également la preuve que la situation serait pire si la société Talisman n'était pas présente dans ce pays. Elle prend certaines mesures pour améliorer la situation dans le sud et nous devons le reconnaître. En fait, nous devrions l'encourager à en faire plus.

• 1030

Même s'il semble que des solutions simples sont parfois intéressantes, il faut dire que si nous prenions des mesures extraordinaires, ce qui signifierait l'adoption d'une loi au Parlement pour en quelque sorte s'immiscer dans les activités de Talisman, nous créerions un précédent, ce qui ne manquerait pas de compliquer les choses dans le cas d'autres situations pouvant survenir ailleurs dans le monde. Deuxièmement, rien ne prouve que cela serait à l'avantage de qui que ce soit qui souffre en raison du conflit actuel.

Au sujet de l'Arménie, des choses terrifiantes se sont produites entre 1915 et 1921 et beaucoup de personnes ont perdu la vie. Nous devons exprimer nos regrets à ce sujet. Nous ne devons pas oublier et cela ne devrait jamais se reproduire.

M. Svend Robinson: C'était un génocide, monsieur le ministre. Pourquoi ne pouvez-vous pas le dire?

M. John Manley: Vous voulez que nous entrions dans un débat au sujet d'un événement historique qu'il faudrait caractériser en utilisant un mot entraînant des conséquences de nature juridique. Je pense que nous avons tout fait pour essayer de le caractériser le plus précisément possible pour de bonnes raisons, à savoir que l'humanité ne doit pas oublier les choses terrifiantes qui se sont produites. En même temps, essayer de dire, comme vous et d'autres le font, que l'utilisation d'un mot particulier n'entraîne aucune conséquence pour qui que ce soit, même s'il peut s'agir de conséquences juridiques en matière d'indemnisation, nous amène à nous demander quels autres événements historiques devraient donner lieu à de tels droits et quelles sortes de situations devraient appeler une telle analyse.

Vous trouverez peut-être qu'il est simpliste d'arriver à cette conclusion...

M. Svend Robinson: C'est une question de vérité, monsieur le ministre. Il s'agit de dire la vérité historique.

M. John Manley: Eh bien, je ne suis pas sûr que les parlements sont élus pour faire de telles analyses historiques, monsieur Robinson. Ce sont les historiens qui doivent s'en charger. C'est extrêmement intéressant comme recherche intellectuelle et caractériser de tels événements sans que cela n'entraîne de conséquence juridique est une bonne chose, car, comme je l'ai dit plus tôt, il faut se souvenir de ces événements et tout faire pour qu'ils ne se reproduisent pas. Je me demande toutefois vraiment si ce parlement, élu en 2000 pour gouverner le Canada comme il le faut, aurait quelque avantage que ce soit à essayer de régler un débat historique au sujet d'événements qui se sont produits il y a 85 ans. Nous ne pouvons pas le faire et nous ne sommes pas dans une position qui nous permette de le faire.

M. Svend Robinson: Eh bien, le Parlement français l'a fait.

M. John Manley: Cela ne se fait pas sans entraîner de conséquence de nature juridique.

M. Svend Robinson: L'Assemblée nationale française l'a fait, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire?

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous commencez à manquer de temps.

M. John Manley: C'est la raison pour laquelle nous devons faire tous les efforts possibles pour créer, dans la région, les conditions permettant d'améliorer la vie de ceux qui y vivent aujourd'hui. Nous sommes présents en Turquie, en Arménie et dans d'autres pays de la région par l'entremise de l'ACDI et du travail qu'elle réalise avec les ONG. Nous devons les encourager à se tourner vers l'avenir.

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent pouvoir porter un jugement historique sur ce qui s'est produit dans le passé. Je ne le ferai pas.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci. Vous avez épuisé votre temps de parole.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, au risque de rabâcher une idée, je dois dire que plusieurs faits m'inquiètent à propos du système de défense antimissile. Tout d'abord, nous ne cessons de parler des États hors-la-loi qui pourraient lancer des missiles contre les États-Unis. Pourquoi en parlons-nous? Si un État hors-la-loi disposait d'une douzaine ou d'une demi-douzaine de missiles nucléaires et qu'il les lançait contre les États-Unis, il pourrait détruire la moitié de New York, peut-être la moitié de Washington—et certains Américains diraient que ce ne serait pas une mauvaise chose—mais, 20 minutes plus tard, cet État disparaîtrait de la carte à cause d'une frappe de rétorsion des États-Unis. Dans une guerre ou un conflit, il s'agit toujours à mes yeux de savoir l'intérêt que l'on pourrait en retirer. Quel est l'intérêt de l'autodestruction?

• 1035

Ce qui, à mon avis, nous donne le droit d'adopter une attitude résolue face aux États-Unis, avant même qu'ils nous demandent quoi que ce soit, c'est que même dans les essais qu'ils ont réalisés jusqu'ici, ils ont cherché à détruire le missile au-dessus de l'océan. Par conséquent, ils ne vont pas détruire de missiles au-dessus de leur propre territoire. Tous les missiles arrivant au-dessus du Pôle Nord seraient détruit au-dessus de notre territoire et les débris nucléaires pleuvraient sur nous. Au lieu d'attendre que les États-Unis nous disent en quoi consiste leur plan et ensuite nous y opposer, je pense que nous devrions leur dire que si cela fait partie de leur plan, nous ne l'appuierons pas. Intervenons tout de suite.

Peut-être n'est-ce pas très diplomate et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne suis pas diplomate.

M. John Manley: Eh bien, comme je l'ai dit plus tôt, je n'ai pas passé l'examen du service extérieur non plus, si bien que je ne suis pas qualifié comme diplomate.

Pour ce qui est de la première partie de votre question, je n'en fais pas l'apologie, mais j'aimerais que vous compreniez les arguments qui sont avancés.

Vous avez raison, si la Corée du Nord lançait un missile sur Seattle, que pensez-vous que le président des États-Unis ferait peu de temps après? Cela nous amène à nous demander pourquoi la Corée du Nord le ferait pour commencer? J'imagine que l'on pourrait dire que si ce pays était rationnel ou logique, il ne le ferait jamais.

Il n'est toutefois pas impossible qu'un responsable perde la maîtrise de soi ou que, pour quelle que raison que ce soit, il décide de précipiter un incident et peut-être de lancer un missile. Par conséquent, selon l'argument avancé, il vaut mieux pour le président des États-Unis régler la question d'un État hors-la-loi après avoir détruit son missile, alors qu'il était en route, plutôt qu'après qu'il ait détruit Seattle. En d'autres termes, cela donne au président plus d'options qu'après une telle destruction aux États-Unis. C'est la justification de ce système.

Comme je l'ai dit, je n'en fais pas l'apologie, mais c'est la justification qui en est faite. C'est probablement le meilleur argument avancé en faveur de l'adoption d'un système visant à diminuer l'instabilité.

Ce que nous ne savons pas et qui se rapporte à votre deuxième question, c'est la façon dont le système fonctionnerait. Comme je l'ai dit plus tôt, permettra-t-il de détruire ces missiles dans la phase de propulsion, dans une autre phase? Si la destruction se fait en dehors de l'atmosphère, vous savez bien qu'il est fort peu probable que les morceaux traversent l'atmosphère sans être brûlés. Autant que je sache, il faut également savoir ce qu'il va advenir de la matière nucléaire.

Qu'il suffise de dire que si un missile nucléaire se dirigeait vers l'Amérique du Nord, nous ne serions pas dans une très bonne situation, qu'il frappe les États-Unis ou qu'il survole le Canada. D'une façon ou d'une autre, ce n'est pas une bonne chose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le ministre.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

On a de nouveau un partage de temps, n'est-ce pas? Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg: Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai tout d'abord quelques observations à faire. Le Soudan est un pays compliqué, cela ne fait nul doute. Par contre, une chose est assez claire, le gouvernement du Soudan mène une guerre. Nous ne parlons pas ici de soldats de la société Talisman, mais de soldats du gouvernement du Soudan. Je pense que c'est vraiment là qu'il faut mettre l'accent.

Deuxièmement, je suis heureux d'apprendre que le NPD appuie l'Alliance au sujet de Taiwan. Nous sommes parfaitement d'accord, Taiwan devrait être représentée à l'Assemblée mondiale de la Santé en tant qu'observateur; c'est ce qu'elle recherche.

La question que je veux vous poser toutefois porte sur l'un des premiers points auquel vous avez été confronté, monsieur le ministre, soit l'affaire Knyazev. Je me demande si vous pourriez nous dire où nous en sommes à ce sujet. Nous voulons savoir—les Canadiens, j'en suis sûr, veulent savoir—que la Russie prend cette affaire à coeur et que Knyazev ne va pas échapper à la justice.

• 1040

M. John Manley: Merci pour cette question.

Autant que je sache, les enquêteurs russes vont bientôt arriver au Canada—je crois d'ici quelques semaines—pour mener leur enquête sur place et pour interroger des témoins. Je peux également vous assurer qu'à l'occasion de ses rencontres cette semaine à Moscou avec des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, mon sous-ministre soulève de nouveau la question et la présente comme une question bilatérale entre le Canada et la Russie. Il s'agit donc d'une question bilatérale qui devra être réglée entre le Canada et la Russie. Pour l'instant, tout indique que la Russie respecte les engagements qu'elle a pris au sujet de cette poursuite. La visite imminente des enquêteurs le prouve une fois de plus.

M. Keith Martin: Monsieur le ministre, la question de la Société pour l'expansion des exportations n'a pas été abordée. Depuis longtemps, il est dit que des sociétés que nous appuyons sont responsables d'une destruction massive de l'environnement, violant ainsi les propres règles environnementales de la SEE. Peut-être pourriez-vous nous dire ce qui se fait pour surveiller ces groupes et pour les punir de tels actes.

Par ailleurs, au sujet du Zimbabwe—nous en avons parlé à la Chambre—j'espère qu'elle fera une déclaration très officielle avec d'autres pays qui cherchent à créer un groupe international afin de demander à M. Mugabe de respecter la primauté du droit dont il ne se soucie pas dans de nombreux cas.

Par ailleurs, au sujet de Talisman, j'espère que des déclarations officielles seront faites au sujet de la question du gouvernement du Soudan et de l'APLS pour la mise en oeuvre d'une déclaration de principes. Peut-être qu'avec nos partenaires IGAD, une déclaration très ferme pourrait être faite dans ce sens. Une déclaration très officielle permettrait d'atténuer les inquiétudes des Canadiens à ce sujet.

M. John Manley: Merci. J'examine les options qui s'offrent à nous; c'est ce que j'ai clairement dit au sujet du Soudan notamment, pour savoir si d'autres mesures pourraient être prises.

Vous savez sans doute que nous avons fait une déclaration ferme au sujet du Zimbabwe à la mi-avril, je crois, exprimant nos préoccupations au sujet de plusieurs questions qui s'étaient posées, non pas seulement celles relatives à la protection des agriculteurs, mais aussi celles relatives à l'ingérence dans le domaine judiciaire et dans les médias. Des problèmes inexpliqués s'étaient posés dans un centre de média particulier. Nous avons fait des déclarations au sujet de ces préoccupations à la Chambre, comme je l'ai déjà dit.

Il en a été question dans le cadre du groupe d'action ministériel du Commonwealth. Même si le Zimbabwe n'était pas à l'ordre du jour, ce groupe a décidé pour des raisons plutôt techniques que des ministres se rendraient au Zimbabwe. Trois ministres—de l'Australie, de la Barbade et du Nigéria—ont accepté de se rendre au Zimbabwe au nom des ministres du Commonwealth pour se rendre directement compte de la situation et de ce qui se passait dans ce pays.

Je dois vous informer que le gouvernement du Zimbabwe a refusé de recevoir ces ministres dans ce contexte. Le gouvernement a indiqué que tout ministre du Commonwealth peut se rendre dans le pays n'importe quand, mais il n'a pas reçu les trois ministres qui étaient membres du Groupe d'action ministériel.

Aviez-vous quelque chose à dire?

M. Keith Martin: Monsieur Manley, allez-vous suspendre tout programme d'aide et de développement au Zimbabwe? Un programme de l'ordre de trois à cinq millions de dollars portant sur le système judiciaire devrait être ratifié en juin 2001, si je ne m'abuse. Allons-nous laisser les choses en suspens tant que M. Mugabe ne respectera pas la primauté du droit et n'autorisera pas ces missions de recherche des faits?

M. John Manley: Je dois dire que nous avons déjà réduit sensiblement notre programme d'aide au développement. Il va sans dire que nous ne signerons pour l'instant aucun nouveau projet d'aide au développement avec le gouvernement du Zimbabwe. En règle générale, si nous devions mettre fin à tous les projets, nous ne le ferions que de concert avec d'autres gouvernements.

• 1045

Je comprends, toutefois, que l'ACDI a bel et bien certains projets d'aide directe qu'ils intègrent à des projets SIDA, non pas par l'entremise du gouvernement du Zimbabwe mais par celle d'ONG. Je ne pense pas que nous voudrions réduire ces derniers.

C'est vraiment de l'aide de gouvernement à gouvernement et nous n'avons pas de nouveaux programmes en chantier. Il n'y en a pas beaucoup, mais nous cherchons à faire respecter la primauté du droit et à rétablir la sécurité publique.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

M. John Manley: Vous devriez en fait poser à M. Pettigrew les questions portant sur la SEE. Ce n'est pas que je veux m'y soustraire, mais ce n'est pas...

M. Keith Martin: C'est vraiment important. C'est vraiment la pagaille à l'heure actuelle.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Paradis.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, relativement au projet de loi C-6 sur les prélèvements massifs d'eau, pouvez-vous nous faire part de vos commentaires sur la stratégie ou l'approche qui a été choisie et qui consiste à empêcher les prélèvements massifs plutôt qu'à en interdire l'exportation? J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. John Manley: D'abord, je crois que c'est une meilleure approche parce qu'elle protège l'eau aux sources, dans le contexte où elle existe.

Deuxièmement, je trouve que c'est mieux du point de vue environnemental.

Troisièmement, si on interdit les exportations, on a dès lors un problème potentiel dans le contexte de nos accords commerciaux. Notre préoccupation n'est pas vraiment l'exportation de l'eau, mais plutôt l'état de l'environnement. Ensuite, cela ne pose pas de problèmes dans le contexte de nos accords internationaux.

M. Denis Paradis: Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.

En ce qui concerne la Politique d'aide au développement du Canada, je veux simplement dire que je partage à coup sûr la préoccupation qu'ont formulée mes collègues assis autour de cette table. J'espère que le ministre a bien entendu ce qu'ils avaient à dire au sujet de l'importance pour le Canada d'augmenter sensiblement les crédits qu'ils allouent à l'aide publique au développement.

Je veux dire aussi à quel point il est important que nous soyons plus énergiques en matière de remise de la dette. Les pays les plus pauvres s'emploient à rembourser d'énormes dettes et je crois que nous avons à coup sûr une grande obligation à cet égard. L'an dernier, c'était l'année du nouveau millénaire et on peut et on devrait faire beaucoup à cet égard.

M. John Manley: Notez cela.

M. Svend Robinson: Il y a certes un certain nombre d'autres défis.

Le mois prochain l'Assemblée générale des Nations Unies tient une session spéciale sur le sida, comme le sait le ministre. Nous espérons assurément que le Canada sera prêt à contribuer de façon très significative, quelques centaines de millions de dollars nous l'espérons, pour résoudre cette crise. J'y reviendrai, auprès de la ministre Minna, la semaine prochaine.

J'ai deux ou trois points très brefs à aborder. Je demande au ministre pourquoi le Canada n'a pas coparrainé la résolution sur la Chine cette année encore à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies? La situation s'y est détériorée et de nombreux Canadiens ont été déçus, je crois—la persécution d'adeptes du Falun Dafa, d'autres persécutions religieuses, la persécution des syndicalistes, etc. Amnistie Internationale a constaté une érosion importante en matière de respect des droits de la personne. Pourquoi le Canada n'a-t-il pas coparrainé cette résolution? Même si nous avons voté contre la motion de non-intervention, pourquoi n'avons-nous pas coparrainé cette résolution?

Deuxièmement, est-ce que le ministre est prêt à prendre position au nom du gouvernement canadien relativement à la composante militaire du Plan Columbia? C'est une question qui s'est posés, surtout au Sommet des peuples de Québec, mais nombreux sont ceux, y compris le Parlement européen, qui ont fermement condamné la composante militaire du Plan Columbia. J'aimerais entendre ce que le ministre a à dire là-dessus également.

• 1050

Enfin, le ministre pourrait-il expliquer pourquoi le Canada n'a pas donné suite à un accord conclu avec Cuba, en 1998 par le premier ministre Chrétien en vue de financer l'envoi d'une équipe médicale par Cuba à destination de Haïti? Il s'agissait d'une mission humanitaire. Le ministre connaît les circonstances—la situation épouvantable—à Haïti. À la suite de cet accord, Cuba a reçu une lettre de votre prédécesseur, le ministre Axworthy, qui disait fondamentalement d'oublier la chose. Le ministre a dit que nous nous émettions des réserves sur le respect des droits de la personne. Pourquoi alors un projet qui vise à prendre des mesures à l'égard d'une crise humanitaire et une crise médicale en Haïti devrait-il être annulé par notre gouvernement sous prétexte de faire passer un message à Cuba sur les droits de la personne?

M. John Manley: Premièrement, on est très tenté, M. Robinson, lorsque vous nous encouragez à être d'accord avec les États-Unis sur quelque chose, de vous prendre au mot. Mais aucun autre pays n'a coparrainé avec les États-Unis la résolution concernant la Chine. Nous continuons à croire que c'est notre relation bilatérale avec la Chine qui donne le plus de poids pour essayer de l'encourager à respecter les droits de la personne. Comme nous l'avons fait par le passé, nous avons voté contre la motion de non-intervention proposée par la Chine, parce que nous estimons qu'aucun pays ne devrait être exempté d'une surveillance étroite de la part de la communauté internationale en matière de respect des droits de la personne. Mais c'est notre engagement avec la Chine—le dialogue Canada-Chine en matière de droits de la personne, notre participation au programme de formation des juges en Chine—que nous estimons plus important et qui devrait être protégée, plutôt que de nous simplement joindre aux États-Unis.

En ce qui concerne le plan Columbia, bien sûr, nous ne nous étions pas engagés du côté militaire. Je crois que nous sommes bien placés en tant que gouvernement, et nous participons, comme vous l'avez constaté sur place—pour essayer d'appuyer les activités qui favorisent le développement économique alternatif en Colombie. Nous appuyons les efforts visant à encourager un règlement pacifique en Colombie. Nous ne sommes engagés directement dans aucun des aspects militaires du plan Colombie. En même temps, nous reconnaissons que le gouvernement de la Colombie a un grand défi à relever pour ce qui est du trafic de drogue et des guérillas qui sont bien financés et lourdement armés.

En ce qui concerne la république d'Haïti, je crois que ce qu'il faut signaler c'est que le Canada ne s'en est pas retiré. Si je ne m'abuse, les chiffres en ce qui concerne l'ACDI se situent autour de 40 millions de dollars. C'est le pays du continent américain auquel nous versons le plus d'argent.

M. Svend Robinson: Il s'agissait d'un projet pour aider Cuba à fournir des soins médicaux à Haïti.

M. John Manley: Eh bien, comme vous le savez, les moyens à notre disposition ne manquent pas pour exprimer notre inquiétude au sujet de la conduite de divers régimes et l'un d'entre eux a consisté à déplacer notre appui en Haïti de ce projet particulier à d'autres projets. Je crois que c'est une partie du message que nous avons été obligés de livrer, malgré de solides interventions de la part du premier ministre auprès du président Castro sur la question des droits de la personne. Peu après sa visite, en toute impunité, des gens ont été jetés en prison sous prétexte qu'ils avaient exprimé leurs opinions. Il s'est agi bien sûr de mécontentement à l'égard de Cuba, mais au détriment du peuple haïtien qui a continué de bénéficier de projets de l'ACDI.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur O'Brien, une petite question très rapidement.

M. Pat O'Brien: Je serai très bref. Merci, madame la présidente.

J'aimerais rappeler que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a publié en juin dernier un rapport provisoire qui était de nature sommative. Il ne contenait pas de recommandation, mais résumait assez bien les témoignages que nous avions entendus pour et contre la défense antimissile, si ça intéresse quelqu'un.

Ma seule autre observation c'est qu'à mon avis le premier ministre s'est très bien exprimé sur la situation arménienne. Vous pourriez trouver d'autres situations dans l'histoire qui, selon un bon nombre d'historiens, pourraient aussi être qualifiées de «génocide». Je citerais par exemple l'Irlande dans les années 1840. Il n'y a rien de positif, je crois, à reparler d'événements historiques de ce genre et à les étiqueter, madame la présidente.

Merci beaucoup.

• 1055

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.

Je vois que le comité qui nous suit est déjà là et je suggère que vous félicitiez votre personnel concernant les prévisions budgétaires étant donné qu'entre hier et aujourd'hui l'opposition n'a pas formulé de critiques ni fait d'observations. De toute évidence, ils ont fait un travail exemplaire.

La séance est levée.

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