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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 mai 2001

• 1820

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La 19e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Ce soir, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi C-24, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

Le représentant du gouvernement est Richard Mosley, sous- ministre adjoint, secteur des politiques, ministère de la Justice. Je reconnais bien d'autres visages dans l'assistance, et je suis sûr que si quelqu'un a des questions à poser auxquelles les gens assis autour de cette table ne peuvent pas répondre, il ne manquera pas d'interlocuteurs qui attendent, comme on dit, dans les coulisses.

À moins que le gouvernement ne veuille faire un commentaire, nous allons passer directement à l'étude article par article.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Nous pouvons y aller, monsieur le président.

(Article 1)

Le président: J'ai trois amendements. Le premier provient du Bloc, le deuxième du gouvernement et le troisième de l'Alliance canadienne. On m'a demandé de signaler aux députés que l'amendement proposé par le Bloc reprend les mêmes lignes que l'amendement proposé par le gouvernement.

Je pense que la liste qui figure dans l'amendement du Bloc est reprise dans la liste proposée par les députés du gouvernement, la mention suivante ayant cependant été ajoutée «le solliciteur général du Canada ou tout ministre provincial chargé de la sécurité publique».

Sur le plan de la procédure, on m'informe que si nous adoptons le premier amendement, le deuxième ne pourra pas être examiné aux termes de notre règlement. Nous aurons la première partie de la liste, mais nous n'aurons pas «le solliciteur général du Canada ou tout ministre provincial chargé de la sécurité publique».

Quelqu'un veut-il intervenir au sujet de ces amendements? Sinon, nous allons passer directement au vote.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): La première partie est identique à ma modification, mais je voudrais savoir pourquoi on a rajouté «le solliciteur général du Canada»? Il est membre de la Chambre des communes, je crois, et «tout ministre provincial chargé de la sécurité publique» est membre d'une législature. Pourquoi a-t-on fait cet ajout?

[Traduction]

M. John Maloney: Je dirais, monsieur le président, que c'est pour plus de clarté que nous avons rajouté précisément le solliciteur général.

Le président: On pourrait imaginer qu'il y a un solliciteur général qui ne soit pas membre de la Chambre des communes. Je ne veux pas dire par là que ce soit la raison de cette mention, mais c'est possible, bien entendu. Il n'a pas besoin d'être membre de la Chambre des communes.

M. John Maloney: Monsieur le président, il est là en sa qualité de ministre, en tant que solliciteur général, et non pas en qualité de parlementaire.

J'aimerais ajouter une chose. On nous dit «le solliciteur général du Canada ou tout ministre provincial chargé de la responsabilité publique». On devrait dire «et» tout ministre provincial chargé de la sécurité publique. Il faudrait remplacer «ou» par «et».

Le président: Oui.

La greffière du comité: En français aussi?

Le président: Je pose la question au représentant du gouvernement. Est-ce que le changement est le même en français?

[Français]

Une voix: La même chose, monsieur.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Bellehumeur:

M. Michel Bellehumeur: J'ai pour principe que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Dois-je comprendre que vous voulez dire qu'un solliciteur général, par exemple, qui est nommé sans être élu dans une circonscription électorale mais qui a prêté serment n'est pas membre de la Chambre des communes?

[Traduction]

M. John Maloney: C'est prévu. On peut être membre du cabinet sans être député. Il y a eu des exceptions. Je pense que c'est simplement pour que les choses soient plus claires, monsieur Bellehumeur.

• 1825

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Si on est membre du cabinet, ne fait-on pas automatiquement partie de la Chambre des communes?

[Traduction]

M. John Maloney: Oui, par exemple, M. Tobin lors de la dernière législature.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Selon moi, dès que monsieur Tobin a prêté serment, en vertu du Règlement de la Chambre des communes, il est devenu membre de la Chambre des communes. Il n'avait pas le droit de siéger, mais il n'en était pas moins membre de la Chambre des communes.

Cela ne change pas grand-chose, mais je trouve cela étrange. Pourquoi n'ajoute-t-on pas, dans ce cas-là, le ministre de la Justice? Pourquoi n'ajoute-t-on pas le chef de l'opposition?

[Traduction]

M. John Maloney: Nous n'allons pas ajouter la ministre de la Justice parce qu'elle est prise en compte en tant que responsable du ministère public et que procureur général du Canada. Le ministre de la Justice, quelle que soit la personne qui occupe ce poste, est toujours pris en compte.

Le président: Je pense que tout est dit. Nous allons d'abord passer au vote au sujet de l'amendement du Bloc, qui est répertorié sous la cote BQ-1.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Nous ne jouerons pas aux enfants, l'autre est semblable. Monsieur le président, passons tout de suite au gouvernement.

Le président: D'accord.

M. Michel Bellehumeur: Franchement.

[Traduction]

Le président: Passons à l'amendement du gouvernement, cote G-1.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

Le président: Passons à l'amendement CA-1. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut intervenir au sujet de cet amendement de l'Alliance canadienne?

M. Vic Toews (Provencher, AC): Je propose que l'on adopte cette motion. Il s'agit des autres personnes qui, à mon avis, risqueraient elles aussi de se retrouver en difficulté dans ce genre de situation.

Le président: J'aimerais proposer à l'Alliance canadienne qu'elle retire la deuxième partie de l'amendement CA-1, qui dispose:

    (xii) tout ministre de la Justice provincial ou tout député d'une législature provinciale;

Le fait de mentionner une nouvelle fois une législature provinciale ferait double emploi étant donné que le cas est déjà prévu dans la première partie. Nous nous efforçons ici de prendre en compte toutes les nouvelles dispositions, si l'Alliance canadienne n'y voir pas d'inconvénient.

M. Vic Toews: Oui.

M. John Maloney: Monsieur le président, je propose que nous retirions l'intégralité de cet article étant donné que la première partie a déjà été prise en compte.

Le président: Ailleurs.

M. John Maloney: Je vous renvoie à la page 3 et à l'article précédant la définition d'une «infraction grave».

Le président: Est-ce que nous le retirons?

M. Vic Toews: Oui.

(L'article 1 modifié est adopté)

(Article 2)

Le président: Nous devons examiner l'amendement BQ-2 proposé par le Bloc.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Un instant. La vitesse tue.

• 1830

Je crois que l'amendement rend le tout très clair. Il s'agit d'obtenir l'approbation d'un juge pour s'assurer que tout soit conforme. Je pense que vous avez entendu les mêmes témoins que moi. Tous avaient des réserves sur le pouvoir de cette loi. Qu'un juge intervienne ne rassurerait pas tout le monde, mais cela rassurerait une grande partie des gens. Je souligne que le vote sur l'amendement BQ-2 touchera également le vote sur les amendements BQ-4, BQ-5 et BQ-6. Il faut considérer cela dans son ensemble.

On semble, du côté du gouvernement, porter une attention très particulière au Barreau du Québec. J'ose espérer qu'ils ne seront pas sélectifs et qu'ils vont écouter tout ce que le Barreau du Québec a dit, y compris ce qu'il a dit du projet de loi C-24. Le Barreau du Québec, entre autres, était très inquiet de la possibilité qu'il y ait des abus de la part des policiers à cause de cette loi. Cela ne répond pas complètement à ses attentes, mais il serait mieux, selon lui, que l'autorisation vienne non pas du pouvoir politique mais de quelqu'un de l'extérieur, et le choix d'un juge répondrait à ce critère.

Quelques témoins étaient là quand les gens sont venus. Je ne me fais que le porte-parole du Québec à cet égard, comme je le fais dans le cas de plusieurs autres projets de loi. Je mets en garde le gouvernement contre la possibilité d'abus. Une fois que la loi sera adoptée, il sera trop tard, dans certains cas, pour intervenir.

Tout est devant nous, les amendements sont là pour rendre la loi plus conforme aux voeux exprimés lors des témoignages que nous avons entendus.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): M. Bellehumeur soulève une question fondamentale au sujet de ce projet de loi, une question bien délicate puisqu'il s'agit de savoir s'il convient de faire appel à un modèle donnant la responsabilité des poursuites au juge ou s'il faut que ce soit le solliciteur général qui transmette par la voie hiérarchique les directives aux fonctionnaires de police.

Je préférerais un modèle qui confie les poursuites au juge, mais j'aimerais savoir ce qu'en pensent de manière générale les gens qui sont autour de cette table, parce qu'il s'agit en quelque sorte d'un débat de principe. Une fois que ce dilemme est résolu, bien d'autres amendements et bien d'autres parties de ce projet de loi trouveront naturellement leur place.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Je ne vois pas nécessairement un débat de principe entre un modèle confiant les poursuites au juge et un modèle faisant appel plus ou moins appel aux directives données par le solliciteur général, mais je fais des réserves au sujet de l'article 2 et je pense que c'est ce que font aussi à des degrés divers un certain nombre d'autres députés.

Il m'apparaît que l'article 2 correspond à la partie de la loi qui, si j'ai bien compris, ne provient pas du rapport du Sous- comité sur le crime organisé. Il vient par conséquent se rajouter à ce qu'a recommandé le sous-comité et découle ostensiblement de l'arrêt de la Cour suprême qu'ont mentionné devant nous nombre de délégations de la police.

J'ai personnellement l'impression—je reconnais que je ne suis pas avocat, mais quand même—c'est que l'article 2 que nous avons ici est en quelque sorte une réaction exagérée face à l'arrêt prononcé par la Cour suprême et que cette réaction exagérée peut en quelque sorte être corrigée d'une certaine manière par les amendements proposés par M. Bellehumeur.

Je dirais que ces amendements ne répondent pas seulement aux préoccupations du Québec, mais à celles de l'ensemble du pays, en donnant la possibilité—et j'insiste sur le terme de possibilité parce que je considère bien évidemment que la police agit avec les meilleures intentions du monde, aussi bien lorsqu'elle s'efforce de protéger comme il se doit ses propres membres qui lacent des opérations d'infiltration pour lutter contre le crime organisé... Toutefois, dans la mesure où ces dispositions ne se limitent pas au crime organisé et englobent d'autres possibilités comme la lutte contre d'autres formes de criminalité, dans la mesure où l'on va ici plus loin, à mon avis, que ce qui est nécessaire pour remédier aux préoccupations soulevées par l'arrêt de la Cour suprême, je ne manquerai pas d'inviter le gouvernement à retenir ces amendements dans toute la mesure du possible.

• 1835

Le président: Merci, monsieur Blaikie.

Monsieur Toews, suivi de M. DeVillers.

M. Vic Toews: Je ne peux pas appuyer l'amendement de M. Bellehumeur. Je pense que l'on établit ici par voie législative un certain nombre de compétences précisant clairement ce que peuvent faire les fonctionnaires de police dans telle ou telle circonstance. Non seulement on protège la police contre des poursuites pénales ultérieures, mais on délimite par ailleurs très clairement la portée des agissements qui lui sont permis et qui seraient autrement illégaux.

Il n'y a rien de nouveau dans le Code criminel. Je suis sûr que M. Mosley pourrait nous en dire un peu plus à ce sujet, mais il y a par exemple l'article 43 du code, qui autorise un parent ou une personne en situation d'autorité à faire usage de la force physique s'il est raisonnable de commettre ainsi une voie de fait, qu'il s'agisse en fait d'un parent envers un enfant ou d'un enseignant envers un élève. La loi prévoit ce genre de dérogation, faisant en sorte que ces agissements ne soient pas pénalisés tout en précisant bien leurs limites.

Je considère donc que c'est une démarche très importante, qu'elle est nécessaire et qu'elle n'exige pas la supervision d'un juge dans ces circonstances. Cette disposition précise de manière plus objective et plus transparente ce que peuvent faire les fonctionnaires de police mais, en outre, elle retire dans une large mesure le très grand pouvoir discrétionnaire que pouvait exercer de manière cachée le ministère public.

Le ministère public continuera probablement à jouir de ce pouvoir discrétionnaire mais, à l'heure actuelle, par exemple, il peut exonérer toute action qu'a pu commettre un délinquant, tant qu'il ne s'agit pas d'une accusation de meurtre. Ici, on précise clairement le cadre dans lequel peut s'exercer cette exonération de toute poursuite pénale. Il reste encore toute la question de savoir si le ministère public ne peut pas refuser dans une affaire donnée de poursuivre, par exemple, une personne accusée de meurtre. C'est encore possible.

C'est la loi actuelle et ce sera toujours la loi à l'avenir. Toutefois, je considère que c'est un pas en avant et que cela permet de préciser les pouvoirs du ministère public et de faire en sorte qu'on les connaisse mieux et que les responsables des poursuites rendent davantage de comptes. N'oublions pas non plus que le juge peut toujours décider de manière générale de procéder au contrôle judiciaire d'une procédure pénale donnée.

Je sais que M. Blaikie s'est inquiété au sujet d'éventuelles activités répréhensibles vis-à-vis des syndicats. C'est le juge qui, bien entendu, est compétent en dernier ressort pour déterminer si l'on peut parler de crime organisé au sujet d'une telle organisation, et il n'est pas impossible que ce soit le cas. Nous en avons bien entendu fait l'expérience aux États-Unis, où des éléments du crime organisé ont bien infiltré des syndicats.

Mais il y a aussi une autre question... Bon, je m'en tiendrai là. Je pense que ça suffit.

Le président: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je considère que le projet de loi est formulé comme il se doit, la responsabilité étant laissée aux responsables politiques. En faisant intervenir ainsi le pouvoir judiciaire, je pense que vous vous engagez dans une voie qu'à mon avis les juges n'aimeront pas beaucoup étant donné qu'il leur faudrait intervenir à un stade ultérieur pour se prononcer sur les transgressions qui sont éventuellement reprochées dans le cadre de l'ensemble de la procédure.

• 1840

C'est plus que l'obligation d'obtenir un mandat. Ce n'est pas la même chose que l'obtention d'un mandat. La police et le ministère public devront bien préciser leurs projets et les activités qu'ils se proposent d'entreprendre. Je ne pense pas que le pouvoir judiciaire, qui veille à son indépendance, souhaite prendre connaissance à l'avance de ce genre de détail. Je préfère par conséquent le système tel qu'il est proposé ici.

[Français]

Le président: Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Je vous avoue que je n'ai pas été impressionnée par la présentation du Barreau du Québec et par les témoins qu'on a entendus ici qui représentaient les libertés civiles.

On parle d'infractions qui sont permises avec un caractère de proportionnalité et de raison lors de l'enquête que fait le policier. Je pense que la réalité c'est que, par exemple, si on prend un mandat d'écoute électronique, c'est un moyen qui est donné à l'État d'aller chercher une preuve, mais c'est circonscrit dans le temps et dans l'espace quant à son objet. Alors, on ne fait pas affaire ici à des gens qui ont des crucifix dans le cou. Il y a une notion d'immédiateté qui fait en sorte que le policier n'a pas le temps d'aller demander la permission à un juge avant de poser des gestes.

Alors, je fais confiance au projet de loi, tel qu'il est rédigé.

[Traduction]

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, sans vouloir prolonger le débat, je tiens cependant à répondre à M. Toews.

Tout d'abord, je ne pense pas avoir évoqué la question des syndicats, mais c'est un bon argument. Le fait que ce projet de loi ne dispose pas que les syndicats devraient être associés en quelque sorte au crime organisé... C'est le pouvoir qui est accordé à la police de faire enquête sur tout ce qu'elle considère comme étant de nature criminelle, qu'il y ait un lien ou non avec le crime organisé. C'est l'une des préoccupations qu'ont les gens à ce sujet.

En second lieu, je voudrais m'opposer à nouveau à la comparaison, que M. Toews utilise pour la deuxième fois, selon laquelle ce dont nous débattons ici a quelque chose à voir avec ce que dit le Code criminel de la nécessité de discipliner un enfant. Selon mon interprétation, le fait de discipliner son enfant en recourant à une contrainte physique n'est pas un acte criminel, nous l'avons reconnu. Toutefois, nous disons qu'au-delà d'un certain point, cela devient une infraction criminelle. Du moins, selon la façon dont est interprétée la loi à l'heure actuelle, il y a des façons normales de discipliner les enfants qui ne sont pas considérées comme une infraction pénale et qui ne l'ont jamais été. Il ne s'agit donc pas d'exonérer tout particulièrement les parents qui ont commis un délit envers leurs enfants. Il se trouve que des agissements de ce genre n'ont jamais été considérés comme des délits, mais qu'ils le deviennent à partir d'un certain point.

Je considère donc que les deux choses n'ont rien à voir ici—ce sont deux principes différents. Je tenais donc à ce que l'on en prenne acte dans notre procès-verbal que je n'accepte pas la comparaison que vient de faire à deux reprises M. Toews.

Le président: Nous allons donner la parole à M. Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je crois qu'en faisant intervenir le pouvoir judiciaire, on rendrait un bien mauvais service à la justice canadienne. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable—certainement pas à notre époque et même plus tard—que le pouvoir judiciaire intervienne sur ce genre de chose. Ce serait bien trop l'impliquer dans les enquêtes. Je ne pense pas que ce serait dans l'intérêt de la population canadienne.

Il y a une deuxième chose que j'aimerais dire. Dans sa formulation actuelle, le projet de loi fait à mon avis la part des choses. Premièrement, il y a les circonstances dans lesquelles on peut agir de telle ou telle manière; en second lieu, les limites sont bien précisées; enfin, il faut rendre des comptes. Je pense qu'il s'agit là du genre de solution équilibrée qu'attendent les Canadiens de leur gouvernement, et surtout qu'ils attendent de nous dans ce domaine très important.

Je suis donc en faveur des dispositions du projet de loi. Je considère que c'est important. À mon avis, la police a besoin de mesures de ce genre et je considère que la population canadienne y est favorable.

[Français]

Le président: Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: L'enjeu n'est pas de savoir si les policiers ont besoin de ces outils-là ou non. Je ne traite pas de cette question. Je sais que vous, les libéraux, avez la majorité, et quant à savoir si les policiers vont avoir ces outils-là, ils vont les avoir; vous allez voter en faveur.

La question dont il faut décider présentement, c'est si on veut que ce soit le politique qui supervise ou si on préfère que ce soit des juges qui, de façon impartiale, examinent cette cause-là?

Je ne sais pas, mais je fais beaucoup plus confiance au système judiciaire, aux juges, à la magistrature que le gouvernement semble vouloir le faire. Ils interviennent dans des dossiers sur l'écoute électronique et ils le font très bien. On voit des dossiers où l'écoute électronique a été autorisée qui sont amenés en appel, et l'appel est rejeté. La magistrature est capable de surveiller ces éléments-là. Elle est capable, à la demande des policiers qui vont se présenter devant ses représentants, de peser le pour et le contre et de donner ou de refuser son autorisation.

• 1845

J'interviens dans le but de prévenir les abus et de tenter le plus possible de repousser toute intervention politique dans des dossiers semblables. Regardez le passé et vous verrez que la politique et les questions juridiques semblables n'ont jamais fait bon ménage. Ça n'a jamais fait bon ménage. Regardez l'histoire. Il est important de se rappeler ce qui s'est passé dans les années passées.

Quant à l'incapacité de circonscrire cela dans le temps et tout, c'est faux. Compte tenu de la façon dont c'est rédigé, on serait capable, lorsqu'on se présente devant un juge, de délimiter le temps, de dire de façon vraiment très précise ce qu'on entend faire.

La question, je le répète, surtout pour l'Alliance canadienne, n'est pas de savoir si oui ou non on donne ces outils-là aux policiers. Ça va passer. La question est de savoir si on veut que ce soit le politique qui surveille ou si on préfère que ce soit les juges? Honnêtement et sincèrement, je préfère, et de loin, que ce soit les juges qui s'occupent de ça, même s'ils ne sont pas chauds à l'idée.

Je me souviens des débats. Regardez les débats qu'on a eus lorsqu'on a parlé de l'écoute électronique. Je suis allé lire les débats de cette époque-là. Les juges n'étaient pas chauds à l'idée non plus. Ils ne sont pas chauds à l'idée d'autoriser des actes semblables, parce qu'ils savent que, quelque part, on brise une certaine légalité ou certains droits. Mais ils ont le salaire pour le faire et ils ont la fonction pour le faire, alors, qu'ils fassent le travail.

[Traduction]

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je serai bref, monsieur le président.

Je pense que M. DeVillers a bien posé le problème.

Je ferai une simple observation à l'intention de M. Blaikie. L'arrêt de la Cour suprême que vous mentionnez n'a pas établi qu'une autorisation judiciaire serait nécessaire. La question n'a pas été abordée.

À l'intention de M. Toews, je dirais simplement ceci: vous parlez toujours «d'exonérer». Je pense que l'on devrait plutôt parler de «justification». Il me semble qu'il y a une distinction en droit dont il nous faut tenir compte.

Le président: Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Oui. Je fais la comparaison avec l'article 43 parce qu'en vertu des dispositions de cet article, une voie de fait commise par un parent envers un enfant serait illégale. L'article 43 empêche donc que cela devienne une infraction pour laquelle on puisse être poursuivi. C'est la même chose ici, si je comprends bien, puisqu'en l'absence de ce paragraphe il y aurait une infraction pour laquelle on pourrait être poursuivi.

Voilà pourquoi je fais cette comparaison. Je pense qu'elle est justifiée. Il se peut que pour une question de moralité ou pour d'autres raisons nous ne considérions pas cela comme une voie de fait, mais c'est pourtant bien ce que fait la loi. Si ce n'était des dispositions de l'article 43, il y aurait voie de fait. C'est pourquoi, par exemple, je suis si opposé à l'abrogation de l'article 43.

Sur un autre point—et je vous prie de m'excuser si j'ai donné l'impression de faire dire à M. Blaikie ce qu'il ne voulait pas dire—je sais qu'il y a un témoin, ou du moins l'un des membres du comité au cours d'une autre séance, qui a évoqué la question des syn...

Pardon?

M. Lynn Myers: Monsieur Borovoy.

M. Vic Toews: Oui, merci, monsieur Myers.

M. Borovoy a évoqué la question des syndicats. La solution équilibrée qu'a adoptée le gouvernement en la matière et le fait que les juges continueront de manière générale à superviser la procédure, me convainquent du fait que ce projet de loi est bon et bien fondé sur le plan constitutionnel.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Owen.

Vous êtes déjà sur la liste, monsieur Blaikie.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je dois vous avouer que cet exercice est bien troublant. Je pense que, probablement, tous ceux d'entre nous qui sont avocats, spécialistes des libertés civiles ou familiarisés avec le fonctionnement de la justice, que ce soit en qualité de procureur, de policier, de défenseur des libertés civiles ou d'avocat de la défense, jugent la question troublante. Je suis content que M. McKay ait demandé à chacun d'entre nous autour de cette table de faire connaître son opinion parce que cela nous donne, à mon avis, l'occasion unique de communiquer nos points de vue et notre expérience.

• 1850

Ce qui me dérange au départ au sujet du projet de loi, c'est la nature du crime organisé lui-même. Je comprends bien que ce texte ne s'adresse pas uniquement au crime organisé mais que l'on vise de toute évidence le type de menace que fait peser le crime organisé sur notre société et qu'en grande partie c'est à cette tâche que l'on va se consacrer. Je pense qu'il faudra revoir avec soin cette question à mesure que le temps passe.

Je ne siégeais pas au sein du sous-comité de la justice. Je n'étais pas député à la Chambre lorsque vous avez tenu vos audiences.

M. Paul DeVillers: Nous n'avons pas traité de la question.

M. Stephen Owen: Vous n'avez pas traité de la question, mais vous n'en avez pas moins traité de la gravité de la menace que fait peser le crime organisé sur notre société. J'ai entendu dire que vous aviez recueilli une quantité d'informations, parfois très confidentielles et très inquiétantes. Je n'ai pas pu profiter de cet exercice, mais j'ai quand même présidé il y a deux ans la commission d'étude sur le crime organisé en Colombie-Britannique, qui a débouché sur la création de la nouvelle agence de la Colombie-Britannique sur le crime organisé. J'ai été profondément touché par la nature et par l'ampleur de la menace qu'entraîne le crime organisé pour notre société.

Je considère que c'est un point de vue que très peu de gens peuvent avoir dans notre société lorsqu'ils n'ont pas étudié directement la question comme je l'ai fait. Ce sont des choses qui sont en grande partie cachées et qui sont très pernicieuses pour les particuliers et pour la société en général. Je pense donc que nous ne devons absolument pas nous leurrer et qu'il faut bien voir qu'il s'agit là de l'une des questions les plus graves de justice pénale qu'aient à affronter les responsables placés dans notre situation.

En second lieu, la Cour suprême du Canada a invité le Parlement à traiter de la question—non pas pour exonérer les activités criminelles, mais plutôt pour faire en sorte que certaines activités de la police entrent dans le cadre de la loi. Je considère la chose... et je pense qu'il ne s'agit pas de nous demander si l'on va exonérer un comportement criminel, mais plutôt de définir les comportements qui entrent légitimement dans le cadre de la loi de façon à rendre légal ce que la Cour suprême a déclaré comme étant dans la pratique en dehors de la légalité. Cette démarche revêt une énorme importance. Il semble que ce soit là une distinction bien subtile, mais en fait elle nous est indispensable parce qu'elle nous confère l'assurance que nous ne permettrons jamais à nos forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police ou d'autres forces d'intervention, d'agir en dehors du cadre légal. En cas de doute, il nous faut intervenir pour que la légalité soit respectée. Il y a là une tentative en ce sens.

Troisièmement, il y a la question de savoir si nous... et l'amendement de M. Bellehumeur confierait cette responsabilité au pouvoir judiciaire. J'ai écouté avec attention nos collègues, les témoins ainsi que les interventions faites antérieurement. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon collègue lorsqu'il laisse entendre qu'il serait nécessairement dangereux d'impliquer le pouvoir judiciaire dans ce rôle d'enquête, mais ce serait là une conception tout à fait différente de celle de notre pays. Les pays qui ont des magistrats enquêteurs ont toute une pratique et toute une expérience en la matière, ce qui n'est pas le cas chez nous. Je pense que ce serait une erreur d'emprunter une telle voie, isolément, sur ce sujet précis. Je considère qu'il nous faut agir sur un plan bien plus global.

Même s'il existe de véritables similarités et s'il y a de nombreux chevauchements—nous en avons entendu parler—entre, d'une part, les autorisations d'écoute ou de mandats de perquisition en vertu de la partie VI et, d'autre part, les autorisations judiciaires, je veux bien reconnaître que l'on va s'engager dans une voie très différente, en somme, en faisant en sorte que ce genre d'activités deviennent légales et que l'on autorise la police à agir de cette manière. Le rôle de la justice devient ainsi bien plus actif que ne le prévoient ou ne l'autorisent ces autres articles.

Quatrièmement, si nous donnons une telle autorisation législative ou si nous légalisons des activités policières de ce genre, il faut absolument que l'on puisse rendre des comptes. Si ce n'est pas devant la justice, comment va-t-on bien pouvoir s'assurer que l'exécutant de ce pouvoir confié par la loi va bien rendre des comptes? C'est la question fondamentale à laquelle nous devons tous bien réfléchir. Il va nous falloir surveiller avec un grand soin la mise en oeuvre de ce projet de loi.

• 1855

En fin de compte, j'imagine qu'il faut toujours rendre des comptes sur le plan politique en ce qui a trait au solliciteur général, mais cela va dépendre de la réglementation d'application de ce projet de loi, des procédures, des pratiques, de la formation, des comptes rendus et du contrôle exercé en fonction de ce projet de loi. Je pense qu'en tant que législateur nous devrons rester très vigilants pour le compte du public une fois que ce projet de loi sera mis en place.

Tout bien compté, monsieur le président, je vais donc voter contre l'amendement et appuyer l'orientation générale de ce projet de loi que vise cet amendement.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: J'ai écouté avec tant d'attention M. Owen que j'ai oublié ce que j'allais dire. Je vais éventuellement en rester là, monsieur le président.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je suis bien d'accord avec M. Owen pour dire qu'il faudra suivre de très près la mise en oeuvre de ce projet de loi. Je n'oublie pas, par ailleurs, que le gouvernement va présenter tout à l'heure un amendement prévoyant une révision de la loi tous les cinq ans, ce qui permettra au Parlement de reconsidérer la mise en oeuvre du projet de loi et de savoir s'il convient de remédier à d'éventuelles grosses lacunes.

Le président: Monsieur McKay.

Nous reviendrons à M. Blaikie mais, de peur qu'il oublie à nouveau ce qu'il a à dire, je lui conseille de le mettre par écrit.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Je tiens à remercier Stephen de ses commentaires car j'ai eu l'impression qu'il était en train de lire mes notes. Tout d'abord, je pense qu'il est important de bien préciser que notre comité hésite beaucoup à s'engager dans cette voie. Bien sûr, je préférerais de manière générale un modèle supervisé par le pouvoir judiciaire, mais je dois reconnaître que cela nous mènerait à un interventionnisme judiciaire jamais vu jusqu'à présent et qu'il y aurait une participation à des enquêtes criminelles qui, à mon avis, seraient qualitativement différents des autorisations portant sur les écoutes et autres mesures de ce genre. Je penche donc en faveur du modèle proposé par le gouvernement, en partie parce que je ne suis pas disposé à accepter un modèle d'interventionnisme judiciaire. Je ne vois vraiment pas comment ça pourrait fonctionner.

Je crains toutefois que l'on en arrive à ce que l'on appelle une «culture policière», des fonctionnaires de police traitant exclusivement avec d'autres fonctionnaires de police et se persuadant qu'il convient de procéder de cette manière à ce genre d'enquêtes. J'aimerais donc bien savoir ce que le gouvernement, ou tout autre intervenant, a à nous proposer pour apaiser les inquiétudes que nous sommes un certain nombre à avoir autour de cette table.

Le président: Je vous remercie.

Madame Sgro, suivie de M. Blaikie.

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): J'ai une question à poser à M. Maloney ou à un autre représentant du gouvernement.

Quels sont les autres pays qui ont accordé ce genre de pouvoirs à leurs fonctionnaires de police?

Le président: Monsieur Mosley.

M. John Maloney: Je vais demander ici à mon ami, M. Mosley, de vous répondre.

M. Richard G. Mosley (sous-ministre adjoint, Secteur des politiques, ministère de la Justice): On a répondu à cette question précise dans la documentation qui accompagnait le dépôt du projet de loi ainsi que dans le livre blanc qui a été déposé l'année dernière en juin. Il n'y a aucun modèle précis qui soit identique, mais il existe, dans un certain nombre d'autres pays de common law, des modèles ayant dans la pratique la même portée et offrant la même marge de manoeuvre à la police dans des circonstances similaires.

Nous avons cité dans cette documentation un certain nombre d'exemples au niveau des États des États-Unis. Nous avons cité des exemples dans l'ouest de l'Australie et les tribunaux du Royaume- Uni se sont réclamés de la common law il y a de nombreuses années pour affirmer que la police était habilitée, dans l'exercice de ses fonctions, à faire preuve d'agissements qui constitueraient autrement des infractions. C'est à cela que se référait la police lorsqu'elle a comparu devant le comité pour témoigner au sujet du statu quo avant la jurisprudence Campbell et Shirose de la Cour suprême du Canada. Elle se référait aux critères établis en common law.

• 1900

Mme Judy Sgro: Est-ce que ces dispositions figureraient dans le projet de loi en l'absence de l'arrêt Campbell et Shirose?

M. Richard Mosley: En un mot, non.

Mme Judy Sgro: Et je poursuivrais en disant qu'à l'heure actuelle, lorsqu'il lui faut s'acquitter de ses obligations, en dépit de cet arrêt et de l'interprétation qu'on en donne, il semble que la police soit en mesure de s'acquitter de toute façon de son rôle et de ses responsabilités.

M. Richard Mosley: Si je puis me permettre, monsieur le président, la police a déclaré au comité que ce n'était pas le cas...

Mme Judy Sgro: Je le sais.

M. Richard Mosley: ... qu'elle n'avait pas réussi à procéder à des infiltrations, à faire appliquer la loi par d'autres moyens—et il ne s'agit pas simplement de la police, mais aussi d'autres officiers publics chargés de faire appliquer d'autres lois fédérales. À la suite de l'arrêt Campbell et Shirose, elle n'était plus en mesure de s'acquitter de ses obligations comme avant.

Mme Judy Sgro: À la suite de cet arrêt.

M. Richard Mosley: À la suite de cet arrêt.

Mme Judy Sgro: J'ai une dernière question à poser au sujet des mécanismes de compte rendu et de la responsabilisation.

M. Richard Mosley: C'est une interprétation appuyée par les procureurs généraux du pays et un conseil que leur ont donné leurs conseillers juridiques.

Mme Judy Sgro: Quel est le mécanisme de comptes rendus? M. Maloney a fait état d'un rapport de suivi, d'une révision au bout de cinq ans. Dans le cadre de cette procédure, allons-nous recevoir, ou encore le procureur général ou tout autre responsable va-t-il recevoir, un rapport annuel nous précisant à combien de reprises ces pouvoirs précis ont été utilisés?

M. John Maloney: Judy, il y a des exigences de comptes rendus dans la loi et un rapport annuel doit être déposé.

Mme Judy Sgro: Très bien.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, j'ai simplement deux ou trois choses à ajouter.

Tout d'abord, j'écoutais M. Owen et il m'a semblé qu'il appuyait en quelque sorte l'argument que j'ai essayé de faire valoir au sujet de l'article 43, à savoir qu'il ne s'agit pas de rendre légal quelque chose d'illégal, mais de chercher à décrire ce qui est légal et ce qui est illégal. C'est toutefois une question sur laquelle nous pourrions revenir un autre jour.

Pour ce qui est du devoir de rendre des comptes, lorsqu'on connaît tous les sujets sur lesquels le solliciteur général n'a pas à rendre des comptes lui-même, ou encore qui n'ont même à lui être signalés parce qu'ils risquent de remettre en cause une opération en cours, etc., j'imagine très bien que le solliciteur général va nous dire que c'est la sécurité publique qui passe avant tout, et c'est à peu près le seul genre d'information que nous allons obtenir. Si l'on doit nous rendre des comptes comme on le fait actuellement au solliciteur général ou comme le font d'ailleurs tous les ministres du cabinet, il n'y a pas de quoi être rassuré.

Enfin, le gouvernement propose ici d'autres amendements à l'article 2 et ne conviendrait-il pas, monsieur le président, qu'en nous présentant son argumentation pour rejeter les amendements du Bloc, le gouvernement nous dise qu'il a l'intention de remédier à certaines de nos préoccupations par voie d'amendement? Finalement, nous débattons de l'utilité de ces amendements alors que le gouvernement ne nous a pas dit ce qu'il entendait faire une fois qu'on les aurait repoussés ou réglés d'une autre manière. Je pense donc que ce serait utile.

Le président: Je pense qu'on me demande de mettre la question aux voix.

M. John Maloney: Avant d'en arriver là, monsieur le président, je tiens à renvoyer le comité au projet de paragraphe 25.3(1), qui précise les exigences en matière de rapport annuel. Voilà qui pourrait répondre à certaines inquiétudes concernant le devoir de rendre des comptes.

M. Bill Blaikie: J'ai lu ces dispositions.

Le président: Je pense que la question qui est posée à M. Maloney ou aux représentants du gouvernement, c'est qu'en fait les objectifs du premier amendement pourraient être repris plus tard par d'autres. Est-ce que l'on peut interpréter la chose ainsi et en tenir compte lors de l'examen du premier amendement?

M. Richard Mosley: Si j'ai bien compris la question—et je n'en suis pas sûr, monsieur le président, excusez-moi—la motion qui est présentée ici devant le comité, et d'autres qui s'y rattachent, amèneraient de toute évidence à remplacer le mécanisme prévu par le projet de loi par un système d'autorisation judiciaire. Si la motion n'est pas acceptée par le comité, le modèle établi par le projet de loi serait bien entendu maintenu si l'on adopte l'article.

• 1905

Le président: Je pense que ce que demandait M. Blaikie, c'est si des amendements ultérieurs du gouvernement nous permettraient éventuellement de prendre une décision en toute connaissance de cause concernant ce premier amendement.

M. Bill Blaikie: Il y a d'autres amendements apportés à cet article. Ils visent à répondre aux préoccupations de certaines personnes et je me demande s'ils ne pourraient pas éventuellement nous aider à voter au sujet de cet amendement. La question n'est pas si difficile.

M. Richard Mosley: Si vous me permettez, il y a une motion portant sur le projet de paragraphe 25.1(10), qui figure dans le document distribué au comité, et il y a une autre motion, que M. Maloney va déposer, visant à rajouter les paragraphes (10.1) et (10.2) pour répondre à une préoccupation soulevée au départ devant le comité par M. Owen et qui a été évoquée par ailleurs par l'Association canadienne des commissions de police. Elle concerne la portée des pouvoirs conférés, la justification donnée à un fonctionnaire de police. Elle aura pour effet, à mon avis, de limiter quelque peu la portée du mécanisme, dans la mesure où il s'applique aux policiers. Il n'en reste pas moins que le modèle que le comité a sous les yeux reviendra essentiellement à soumettre la police à des contrôles très stricts, ce qui s'appliquera par extension aux agissements des fonctionnaires de police s'acquittant de leurs obligations dans le cadre de ces propositions.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: J'aimerais répondre à M. Maloney qui dit qu'à chaque année, il va y avoir un rapport et qu'on va pouvoir suivre cela et s'assurer que tout est fait dans la légalité.

Lorsque je vois au paragraphe 25.3(2) ce qui est exclu du rapport annuel, il y a pas mal d'informations et de divulgations qui ne seront pas permises en vertu de la loi, ce qui est un peu inquiétant. Voici ce qu'on ne pourra pas savoir, finalement:

    (2) Sont exclus du rapport annuel les renseignements dont la divulgation, selon le cas:

      a) compromettrait une enquête en cours relativement à une infraction à une loi fédérale ou nuirait à une telle enquête;

C'est assez large.

      b) compromettrait la confidentialité de l'identité d'un fonctionnaire public ou d'un informateur ou celle d'une personne agissant sous la direction et l'autorité d'un fonctionnaire public;

C'est très large également.

      c) mettrait en danger la vie ou la sécurité publique d'une personne;

C'est assez large, merci.

      d) porterait atteinte à une procédure judiciaire;

      e) serait contraire à l'intérêt public.

C'est la cerise sur le sundae, la façon la plus large possible d'englober.

Je sais, pour avoir vu des rapports, ne seraient-ce que ceux du Service canadien du renseignement de sécurité, que c'est vrai qu'on a un rapport à toutes les années. Mais vous savez, entre vous et moi, qu'on ne peut absolument rien savoir de ces rapports-là. Il faut faire ça à huis clos et cuisiner les gens qui viennent pour qu'ils nous expliquent les rapports. Encore là, on n'a pas d'information.

Donc, lorsque je vois que tout ça est exclu, ce que vous me dites ne me rassure pas. Ça va rester entre policiers et ça va rester entre politiciens. Il est important de savoir ce qui se passe là-dedans. C'est important, compte tenu des abus possibles et compte tenu des droits qui seront lésés par le travail des policiers. Ce sont des actes criminels que ces policiers vont commettre. Il faut savoir ce qu'ils vont faire. Il faut superviser ça. Il faut examiner ça de très près.

Ce n'est pas la petite vérification et le petit rapport qu'on avoir à la Chambre des communes une fois de temps en temps qui vont me rassurer. Au contraire, quand je vois ça, ça ne me rassure pas du tout. Il faut vraiment que ce soit...

Si vous avez une solution autre que celle que j'ai proposée, je suis ouvert à ça. Je ne suis pas fermé à ça, mais je veux enlever cela des mains du politique et de la police, tout simplement. Je veux être rassuré que des gens impartiaux vont travailler et examiner le dossier. Je veux surtout savoir ce qui se passera là-dedans quand on va autoriser cela. Pour l'instant, on ne le saura pas.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.

Peter MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

J'interviens un peu tard sur la question. J'ai suivi en grande partie le raisonnement de M. Owen, de même que celui de M. McKay. Tous deux ont émis quelques réticences mais, au bout du compte, il y a eu une reconnaissance tacite selon laquelle il y aurait suffisamment de garde-fous.

Si la question n'a pas déjà été posée—et si elle l'a été, veuillez m'en excuser—est-ce que l'une des grandes préoccupations du ministère, lorsqu'on envisage d'emprunter cette voie, de prévoir un contrôle judiciaire, n'est pas la question des délais? Est-ce qu'en procédant ainsi nous n'empêcherions pas la police de se procurer rapidement une autorisation contrairement à ce qui se passe dans le système mis en place par la loi actuelle? S'il en est ainsi, j'aimerais que l'on me donne quelques détails qui expliquent une telle différence de fonctionnement lorsqu'on fait appel à une autorisation judiciaire.

• 1910

M. John Maloney: Je vais d'abord répondre à M. Bellehumeur et je passerai ensuite à la question de M. MacKay.

Je pense que dans la pratique il faut imposer certaines limites à la divulgation en raison des activités concernées. Il n'est certainement pas question de mettre en jeu la vie de quelqu'un ou de remettre en cause une enquête qui peut durer des années avant de porter fruit. Toutefois, je pense qu'en dernière analyse ce sont les tribunaux qui seront les arbitres et qui diront si les agissements sont justifiés ou non.

Je laisserai à mon ami M. Mosley le soin de répondre par ailleurs à la question de M. MacKay.

M. Richard Mosley: Je vous remercie.

Je pense qu'il est important de ne pas oublier que tous les précédents que nous avons en matière d'autorisation judiciaire portent sur des circonstances précises et très claires dans lesquelles la police demande une autorisation, lorsqu'il s'agit par exemple d'entrer dans des locaux pour installer un dispositif de surveillance électronique ou encore de procéder à une perquisition ou à la saisie des preuves d'une infraction. Ce sont là des choses que l'on peut prévoir à l'avance et les raisons peuvent en être clairement exposées dans le dossier présenté au tribunal. La justice rend un jugement très clair en fonction de ce qu'elle a sous les yeux.

Dans le cadre des opérations d'infiltration qui vous sont présentées, il n'y a pas cette possibilité. On ne peut pas prendre du recul, aller voir un juge et lui dire que l'on veut faire telle ou telle chose et que l'on a besoin de son autorisation. Ce sont des opérations exécutées rapidement, qui sont complexes et particulièrement dangereuses. Tout retard a son importance.

Je pense que M. MacKay a mis le doigt sur un certain nombre de raisons mais, en fin de compte, tout revient à ceci: aux yeux du ministère de la Justice, est-il illégitime de demander à un juge de jouer un tel rôle avant que ne surviennent ces circonstances. En fin de compte, les tribunaux réexamineront ce qui s'est passé. Soumettre une intervention à l'autorisation du juge A alors que l'un de ses homologues a déjà autorisé la procédure place le tribunal dans une situation intenable. Comment va-t-il pouvoir décider dans quelle mesure la conduite de la police est justifiée dans le cadre de la loi prévue dans ce genre de circonstances, lorsque...?

M. Peter MacKay: Monsieur Mosley, puis-je vous interrompre un instant?

En ce qui concerne le... Je comprends parfaitement le rôle que jouent les juges lorsqu'il s'agit d'autoriser une intervention prévue à l'avance. Toutefois, selon mon interprétation ou ma compréhension de la chose, nous parlons ici d'une désignation permanente. Une fois que la désignation a été décidée, que les fonctionnaires se sont vus confier leur rôle, ils vont faire leur travail. Ils vont sur le terrain et infiltrent l'organisation qu'ils sont chargés de surveiller. Par conséquent, je suis mal, et j'accepte difficilement, l'argument selon lequel il pourrait y avoir des délais déraisonnables.

Ce n'est pas en vertu d'une décision intempestive qu'un fonctionnaire décide d'entrer dans la clandestinité. C'est prévu à l'avance. Ce qui se passe une fois qu'ils sont sur le terrain est totalement différent, j'en conviens avec vous. Toutefois, une fois qu'ils ont reçu cette désignation, elle dure tout au long de l'opération et éventuellement plus longtemps—mais c'est une autre question sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Quant à un juge qui se serait en quelque sorte compromis pour avoir accordé cette désignation, il lui suffit de se déclarer incompétent et de s'écarter du dossier. C'est une chose qui se produit tout le temps. Ça arrive aujourd'hui au sujet des écoutes et des mandats. Il est très rare que des juges aient à entendre les mêmes fonctionnaires et des preuves intervenant dans une affaire dont le tribunal est saisi alors qu'ils ont déjà accordé un mandat auparavant. Nous avons suffisamment de juges pour que de toute évidence... dans certains cas, éventuellement, il nous faudra sortir du ressort immédiat pour qu'un juge prononce ces désignations.

M. Richard Mosley: C'est bien évident, monsieur le président. Un juge ne pourra jamais siéger dans une affaire sur laquelle il s'est déjà prononcé de cette manière. Toutefois, il pourra siéger dans une affaire au sujet de laquelle un autre juge, éventuellement le même tribunal, a autorisé l'activité mise en cause devant la justice. Vous avez d'ailleurs absolument raison sur cette question d'autorisation dans de telles circonstances. On ne peut pas prévoir ce qui va se passer et, par conséquent, le tribunal auquel on a demandé de désigner l'agent X, n'est pas mieux placé et n'a pas à sa disposition d'autres informations lui permettant de déterminer ce qui risque de se passer une fois que cet agent se sera engagé dans cette opération d'infiltration.

• 1915

Cela ne concorde pas avec nos modèles existants d'autorisation judiciaire, dans le cadre desquels nous disons au tribunal que nous avons besoin d'une autorisation pour procéder à une perquisition, installer un dispositif ou faire quelque chose de très précis dont nous pouvons donner les détails. L'agent d'infiltration agit très souvent en fonction d'un plan, mais d'un plan qui ne peut pas prévoir les événements.

M. Peter MacKay: Je vous le concède, mais lorsqu'il s'agit de savoir qui est le mieux à même d'évaluer la légitimité ou la légalité de ce que va faire le fonctionnaire sur le terrain, on peut se demander si c'est un autre fonctionnaire de police ou un juge qui sera en mesure de faire preuve de la plus grande impartialité. Tout va être réexaminé après coup de toute façon. Lorsqu'il s'agit d'évaluer les agissements au cours de la mission ou de l'opération, on parle ici de toute façon d'un examen a posteriori.

J'ai toujours du mal à comprendre pourquoi on rejetterait a priori la possibilité de confier l'autorisation de ce genre de mission à des juges plutôt que de rester entre soi... vous voyez d'ici des fonctionnaires de rang supérieur affectant leurs subalternes à des missions de ce type.

Je vous dirais qu'un juge ne sera pas placé en situation d'infériorité pour la seule raison qu'il ne sait pas exactement ce que le fonctionnaire va faire sur le terrain. On peut penser qu'il va faire appel à son jugement, comme il est appelé à le faire tous les jours dans le cadre de ses fonctions. Le juge va se pencher sur la mission de le fonctionnaire et ce dernier devra présenter certaines justifications, certains documents, et ses états de service. Ce juge devra prendre les mêmes décisions que n'importe qui prendrait à sa place. Pourquoi serait-il moins justifié qu'elles soient confiées à un juge. Je ne vous ai pas entendu nous expliquer pourquoi il serait moins justifié que ce soit un juge plutôt que n'importe quel responsable au sein de la police.

M. Richard Mosley: L'intérêt de confier ces désignations au personnel politique, c'est le fait que le ministre peut être tenu responsable de cette décision alors que l'on ne peut pas vraiment demander à un juge de justifier une nomination ou une désignation prononcée par le tribunal. Dans ces circonstances, il se peut très bien que le solliciteur général ait à répondre à l'avenir devant la Chambre des raisons pour lesquelles il a affecté un fonctionnaire ou un groupe de fonctionnaires à telle ou telle mission en lui conférant ce genre de pouvoir. On ne peut pas procéder ainsi avec un juge ou avec un tribunal.

[Français]

Le président: Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Oui.

[Traduction]

Le président: Il vous reste le temps de poser une dernière question et c'est tout.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Écoutez, c'est un peu pour répondre aux fonctionnaires qui viennent de prendre la parole. M. MacKay a déjà exprimé en partie ce que je pensais là-dessus, mais je veux qu'on se comprenne bien.

Pour ce qui est des cas d'écoute électronique, de mandats de perquisition, de diverses actions autorisées par les juges, il est déjà arrivé auparavant que les juges se soient compromis sur bien d'autres choses. Ces juges-là ne font pas avorter pour autant les procédures. Si jamais le cas était porté devant eux, ils n'ont qu'à se récuser. Il y a d'autres juges capables d'entendre la cause et de la pousser plus loin. L'argument voulant qu'il ne faut pas que la cour se compromette trop tôt dans un dossier ne tient pas.

De plus, prenons l'exemple du dossier de l'opération Printemps 2001 menée par la Sûreté du Québec et la GRC; il y avait plus de deux ans qu'ils étaient sur le coup. Depuis longtemps, les agents doubles et les agents qui travaillaient à l'intérieur étaient connus. Il n'y avait pas urgence, à 24 heures d'avis, de commettre quelque acte que ce soit. Tout serait très bien allé, aurait très bien fonctionné, si on s'était présenté devant un juge pour obtenir un mandat ou l'autorisation de mener une opération échelonnée sur six mois ou sur deux ans selon la complexité du dossier. Par rapport à la rapidité de l'action, l'argument que vous avancez ne tient pas.

• 1920

Vous disiez tout à l'heure que ce serait bien embêtant si un juge avait déjà autorisé tel ou tel acte. Je veux vous dire que ce serait beaucoup plus embêtant qu'un ou deux policiers, par toutes sortes de gestes ou d'abus qu'ils se permettraient, discréditent tout un dossier ou une opération. Ce serait pas mal plus embêtant pour le fonctionnaire public, pour le gouvernement, pour le solliciteur général si, à cause de ces actes-là, toute l'opération avortait. Ce serait pas mal plus embêtant si on apprenait cela pendant le procès, par exemple. Ce serait pas mal plus sécurisant qu'un juge se soit penché là-dessus.

Vous n'avez vraiment pas d'argument, en tout cas vous ne m'avez pas convaincu, qui permette de dire qu'il ne revient pas aux juges de voir de près aux autorisations et aux nominations.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

On me demande de passer au vote, et c'est ce que je vais faire. Tous ceux qui sont en faveur de l'amendement, veuillez l'indiquer.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je demande un vote nominal sur cette question-là, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Nous votons sur l'amendement répertorié à la cote BQ-2 et, si l'amendement BQ-2 est rejeté, le vote s'appliquera aux amendements BQ-4, BQ-5 et BQ-6.

(L'amendement est rejeté par 13 voix contre 3—[Voir le Procès-verbal])

Le président: Nous allons maintenant passer au deuxième amendement, répertorié sous la cote G-2.

Monsieur Maloney, vous avez une déclaration à faire?

M. John Maloney: Oui, monsieur le président.

Cet amendement va fixer précisément les conditions susceptibles d'être imposées pour ce qui est des désignations, notamment les conditions dont la liste est établie aux alinéas a), b) et c). En employant le terme «notamment», cet amendement précise clairement que cette liste n'est pas exhaustive.

Nous avons prévu cette disposition parce que les députés se sont inquiétés de la portée des désignations susceptibles d'être confiées aux fonctionnaires publics pour les autoriser à commettre des actes illégaux. Le projet de paragraphe 25.1(6) prévoit déjà que ces désignations ne pourront avoir lieu que sous certaines conditions.

Le président: Puisqu'il n'y a pas d'autres observations... Monsieur McKay.

M. John McKay: Dois-je comprendre que le projet de paragraphe 25.1(6) s'applique aux désignations d'urgence? C'est uniquement pour les désignations d'urgence, ou est-ce que je me trompe?

M. John Maloney: Nous pourrions consulter éventuellement le projet de paragraphe (7), à la rubrique «Conditions»: «Les désignations effectuées en vertu des paragraphes (3) et (6)...»

M. John McKay: Ce qui me perd, c'est que vous nous dites: «Que le projet de loi C-24, à l'article 2, soit modifié par substitution, à la ligne 30, page 5, de ce qui suit:» et qu'il y a ensuite, dans la version anglaise, un (6) entre parenthèses. Je ne vois pas pourquoi il y a un (6) là, parce que cela nous renvoie à la page 4.

• 1925

M. Richard Mosley: Cela renvoie simplement à la façon dont la motion amende la ligne du projet du projet de loi qui commence par un «(6)».

M. John McKay: Ah, je comprends. Très bien.

M. Richard Mosley: On remplace toute la ligne et on ajoute ensuite les alinéas a), b) et c). La disposition s'applique donc à la fois aux projets de paragraphe 25.1(3) et 25.1(6).

Le président: C'est entendu.

M. John McKay: Où dois-je commencer à lire cette disposition? On nous parle de l'article 2 à la page 5. Quelle ligne?

M. Richard Mosley: Allez voir au paragraphe 25.1(7), on nous dit: «Les désignations effectuées en vertu des paragraphes (3) et». Cette partie reste. La ligne suivante est remplacée et l'on passe au texte de la motion qui commence par ces mots: «(6) peuvent être assorties de conditions, notamment».

M. John McKay: Très bien.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

Le président: Je vous renvoie maintenant à l'amendement BQ-3.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Oui. Écoutez, je commence à ne plus me faire beaucoup d'illusions. Le projet de loi C-24 est censé—et encore là, ce sont des remarques que nous avons entendues de la part d'à peu près tous les témoins—concerner le crime organisé, constituer la réponse du gouvernement au crime organisé. Les témoins entendus se sont montrés inquiets parce que cette loi-là était très large et pouvait s'appliquer à tout le monde.

Je pense que ce n'était pas l'objectif recherché. Du moins, le Bloc québécois a réclamé longtemps une loi antigang, une loi pour lutter contre le crime organisé, mais pas pour lutter contre les Chevaliers de Colomb et les Filles d'Isabelle. Or, cette loi est finalement tellement large qu'elle pourrait s'appliquer à toutes sortes de personnes.

Le but de mon amendement est donc d'encadrer pour mieux protéger et sécuriser les gens, surtout maintenant qu'on vient de rejeter toute supervision des actes illégaux que les policiers pourront commettre. On a refusé la supervision des juges, qu'on s'assure au moins que cela ne s'applique que dans le cadre d'une enquête relative au crime organisé. Je pense que ce serait la moindre des choses.

J'imagine que vous êtes assez au fait pour comprendre cet amendement-là, pour le juger et voter en sa faveur afin de limiter les dégâts le plus possible et rassurer la population.

[Traduction]

Le président: Madame Sgro.

Mme Judy Sgro: J'aimerais savoir ce qu'ont à dire M. Mosley ou M. Maloney en ce qui a trait aux répercussions de l'amendement de M. Bellehumeur sur le projet de loi au cas où nous l'adopterions.

M. John Maloney: Je dirais que la disposition s'appliquant à la justification deviendrait inopérante. On se réfère, pour commencer, au crime organisé, alors que l'on n'en a donné aucune définition. Cet amendement limite la portée de l'article. Je considère que c'est tout à fait inacceptable.

Mme Judy Sgro: On nous a dit dès le début qu'il s'agissait ici de donner à la police les moyens de lutter contre le crime organisé. Étant donné que l'on n'a pas prévu de définition... La police pourra toujours se justifier en disant qu'elle agit pour lutter contre le crime organisé. Qui va la contredire?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Est-ce que l'expression «criminal organization» est définie dans la loi?

Le président: Monsieur Bellehumeur...

M. Michel Bellehumeur: Le crime organisé [Note de la rédaction: Inaudible]

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, il serait bon que vous demandiez la permission au président avant de... Mme Sgro a la parole.

M. John Maloney: Judy, pouvez-vous répéter votre question?

Mme Judy Sgro: Il était prévu de recourir à ces moyens supplémentaires pour permettre à la police de lutter contre le crime organisé. Le simple fait que nous n'ayons pas défini cette expression ne va-t-il pas inciter la police à nous dire, chaque fois qu'elle fait enquête, que cela s'insère dans le cadre plus général du crime organisé?

M. John Maloney: L'expression «crime organisé» n'a peut-être pas le même sens pour vous que pour M. Bellehumeur ou M. Myers. Je pense qu'il est difficile de s'en tenir au crime organisé à partir du moment où l'on n'a pas défini cette expression.

• 1930

Mme Judy Sgro: En rédigeant le projet de loi, n'a-t-on pas pensé à définir le crime organisé étant donné qu'il sous-tend toutes ces dispositions?

M. John Maloney: Toute la question est là. Est-ce que c'est définissable?

M. Mosley pourra peut-être apporter un commentaire.

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: C'est une excellente question. Voilà des dizaines d'années que l'on se débat avec cette question pour régler le problème du crime organisé. On ne s'entend pas communément sur la définition du crime organisé et c'est pourquoi on s'est abstenu dans la loi de 1997, comme ici, d'en donner une définition. On ne s'entend pas sur la chose.

Dans la pratique, la motion aurait pour effet de supprimer toute référence à

    une enquête relative à des activités criminelles ou à une infraction à une loi fédérale, soit du contrôle d'application d'une telle loi.

Il pourrait s'agir d'une infraction aux termes de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l'immigration ou de la Loi d'accise. Un certain nombre de lois fédérales s'appliquant à ce genre d'activités pourraient être concernées par des activités criminelles impliquant des organisations criminelles; ainsi, des activités de contrebande à la frontière.

Nous ne connaissons aucune définition susceptible de s'appliquer à ce genre d'activités dans le cadre du crime organisé. Le projet de loi s'efforce donc de limiter les interventions aux infractions fédérales et aux enquêtes portant sur des activités criminelles. Par définition, une activité criminelle s'applique à une infraction criminelle. Elle ne s'étend pas aux ordonnances provinciales ou municipales. C'est très précis mais c'est assez large à l'échelle de la criminalité fédérale.

Je comprends les raisons de la proposition, mais cela rendrait dans la pratique la loi inopérante. Je ne connais aucun moyen de répondre aux conditions ainsi fixées.

Le président: Monsieur John McKay.

M. John McKay: Acceptons un instant votre argument selon lequel il n'y a aucune définition du crime organisé, et elle est bien entendu absente de ce projet de loi. Pourquoi ne pas modifier l'amendement de M. Bellehumeur afin de disposer: «procédant à une enquête sur une organisation criminelle»? La restriction serait celle-ci. On aurait ainsi une définition applicable, et une jurisprudence existe. On s'entend sur ce genre de notion. Pourquoi donc ne pas modifier son amendement plutôt que de chercher à savoir en quoi consiste vraiment le crime organisé, les 18 personnes autour de cette table ayant 18 avis différents? Vous pourriez avoir une définition qu'il est déjà possible d'appliquer.

M. Richard Mosley: Si vous me permettez, monsieur le président, lorsque l'enquête s'engage, on ne sait pas automatiquement si on va déboucher sur une infraction se rapportant à une organisation criminelle. Une telle restriction limiterait la portée et les effets de cette disposition et exclurait une part non négligeable des activités d'enquête des organismes de répression fédéraux.

M. John McKay: Toutefois, le but n'est-il pas justement d'éviter que ces désignations et ces autorisations soient accordées au petit bonheur sans savoir sur quoi vont déboucher les enquêtes? Il vous faut prouver au fonctionnaire désigné et, par son intermédiaire, au solliciteur général, que vous procédez effectivement à une enquête au sujet d'une organisation criminelle.

M. Richard Mosley: Toutefois, au départ de...

M. John McKay: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'au départ de l'enquête, on ne sait pas sur quoi on va déboucher. Toutefois, à partir du moment où on a déjà avancé et où on est raisonnablement convaincu de faire enquête au sujet d'une organisation criminelle, à ce moment-là...

M. Richard Mosley: Le projet de paragraphe 25.1(8) s'applique à partir du moment où le fonctionnaire agit ou s'abstient d'agir. Il ne s'applique au moment de la désignation. Au moment de la désignation, le solliciteur général ou le ministre compétent au niveau provincial sera appelé à désigner le fonctionnaire X parce que ce dernier se sera lancé dans des opérations d'infiltration pour lutter contre une organisation criminelle ou contre des agissements qui peuvent très bien être le fait d'une organisation criminelle.

• 1935

C'est à ce moment-là qu'intervient le projet de paragraphe (8), au moment où le fonctionnaire agit, lorsque sur le terrain il procède à une enquête portant sur une infraction aux dispositions de la Loi d'accise, de la Loi sur les douanes ou du Code criminel, sans que cela ait à voir avec une organisation criminelle. Il ne sait pas nécessairement à ce moment-là qu'il a affaire à une organisation criminelle et il se peut qu'au bout du compte il n'y ait aucune infraction de ce type.

Le problème, c'est qu'on met alors ce fonctionnaire dans l'impossibilité de déterminer... il se peut qu'il ait été désigné, mais s'il doit faire face à une situation donnée sur le terrain, comment va-t-il savoir à quoi il a affaire?

M. John McKay: Il sait ou ne sait pas de quoi il en retourne, mais j'imagine que l'incertitude vient du fait que lorsque le fonctionnaire X commence son enquête, il ne bénéficie que d'une immunité en common law comme tout autre fonctionnaire. À mesure que l'enquête progresse, il se fait une opinion et s'aperçoit qu'il enquête désormais au sujet d'une organisation criminelle et, à ce moment-là, il demande à un supérieur hiérarchique l'immunité limitée dont il estime avoir besoin pour poursuivre son enquête. Toutefois, pour obtenir cette autorisation, cette sanction supplémentaire, pourrions-nous dire, il faut qu'il prouve à la personne qui le désigne ainsi qu'il est désormais convaincu d'enquêter au sujet d'une organisation criminelle.

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: L'autorisation à laquelle vous vous référez relèverait des dispositions du projet de paragraphe 25.1(9) et s'appliquerait dans les circonstances précises décrites par ce paragraphe. Toutefois, le paragraphe 25.1(8) qui est proposé s'appliquerait à tout fonctionnaire public désigné qui interviendrait dans l'exercice normal de ses fonctions sur le terrain. Par conséquent, la possibilité de prendre du recul à ce moment-là et d'aller demander une autorisation supplémentaire au supérieur hiérarchique ne se présentera pas nécessairement. C'est possible, mais tout dépend des circonstances.

M. John McKay: Il faudrait cependant que ce soit le cas.

M. Richard Mosley: Le modèle prévu ici peut s'appliquer, par exemple, à un fonctionnaire chargé de la répression des activités de contrebande à nos frontières. Un certain nombre d'entre eux seront désignés, ceux qui risquent le plus de s'engager dans des opérations d'infiltration. Lorsqu'ils exercent leurs activités sur le terrain, ils seront protégés au cas où ils devraient faire face à une situation les obligeant à faire une faute de commission ou d'omission, ce qui peut être le simple fait de signer son nom dans un registre d'hôtel ou de motel en infraction des dispositions d'une loi provinciale sur l'hôtellerie. Ils seraient dispensés, en cas d'infraction, de l'application de la loi fédérale exigeant que l'on roule de nuit avec des phares allumés. Ils seraient protégés, bien entendu, s'ils se sentaient obligés dans les circonstances, en prenant une décision nécessaire, raisonnable et non disproportionnée—sans que ce soit dans toutes les circonstances—de commettre une faute de commission ou d'omission plus grave.

M. John McKay: Vous voyez bien, cependant, que tous ces fonctionnaires que vous citez en exemple pourraient très facilement prétendre qu'ils enquêtent au sujet d'une organisation criminelle dans le cadre de la définition que nous avons déjà.

Le problème est tout à fait différent, cependant, lorsqu'un des fonctionnaires qui n'est pas ainsi désigné procède à une enquête qui lui paraît relever de ses attributions normales et qui se retrouve, au fil de son enquête, dans un territoire assez dangereux—qu'il estime assez dangereux. Ne sera-t-il pas tenu de retourner au quartier général pour dire aux responsables qu'il juge nécessaire qu'on lui accorde ce type de désignation parce qu'il estime, parvenu à ce point de l'enquête, qu'il a affaire à une organisation criminelle?

• 1940

M. Richard Mosley: Dans ces circonstances, vous avez raison. C'est pourquoi le mécanisme établi prévoit une désignation d'urgence dans un tel cas. Le fonctionnaire doit aller voir un responsable hiérarchique spécialement affecté à cette fin pour obtenir l'autorisation d'agir de cette manière. Vous vous référez à un fonctionnaire public qui n'est pas spécialement désigné autrement. Vous avez tout à fait raison, et le mécanisme établi prévoit cette possibilité.

M. John McKay: Toutefois, on crée ainsi deux catégories. Il y a un premier groupe, qui procède ainsi de manière régulière, puis un deuxième groupe qui, disons, reçoit une désignation d'urgence. Toutefois, selon la formulation actuelle de la loi, il n'y a pas deux catégories et on ne se limite pas aux seules organisations criminelles; on s'attaque à tout un éventail d'activités criminelles.

M. Richard Mosley: Il y a bien deux catégories. De toute évidence, la loi ne prévoit pas que tous les agents de la paix vont disposer de ce pouvoir. Il faut qu'ils soient spécialement désignés par le solliciteur général ou par ses homologues dans les provinces, agissant dans le cadre de leurs compétences. Il est évident que le solliciteur général ne va pas désigner les milliers de membres que peut compter la GRC; ce seront seulement les fonctionnaires spécialement affectés à ce genre d'activités répressives.

Pour en revenir à votre argument principal, le problème, c'est que ce travail très important et absolument essentiel ne porte pas nécessairement sur des infractions commises par une organisation criminelle, parce qu'il peut s'agir d'un malfaiteur isolé. Il se peut que quelqu'un soit sur le point de commettre un délit grave et que le fonctionnaire doive faire quelque chose pour l'empêcher, qu'il s'agisse, par exemple, du vol d'une voiture devant servir de véhicule de fuite utilisé pour commettre une infraction, sans que ce soit le fait d'une organisation criminelle sur laquelle on fait enquête ou que l'on s'efforce d'empêcher d'agir. En conséquence, je dirais que l'amendement reviendra en fait à lier les mains de ces fonctionnaires, ce qui nuirait à l'efficacité du mécanisme proposé.

Le président: Il reste encore un certain nombre de noms sur la liste, des deux côtés.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Si je comprends bien, si on n'adopte pas cet amendement-là, des actes criminels seront commis par des policiers qui pourraient fort bien ne pas être portés à un dossier touchant le crime organisé ou une organisation criminelle quelconque.

Doit-on comprendre que des actes criminels pourront être commis par des policiers et qu'il se pourrait fort bien que ce ne soit pas dans le cadre d'une enquête sur une organisation criminelle?

[Traduction]

M. Richard Mosley: Oui, le projet de loi traite effectivement d'une enquête relative à des activités criminelles ou à une infraction à une loi fédérale, soit du contrôle d'application d'une telle loi.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Bien, monsieur le président, je ne suis pas du tout de l'opinion du ministère à ce moment-là. Je suis d'accord avec M. MacKay que «crime organisé» n'est peut-être pas défini, mais j'avais en tête «organisation criminelle» quand j'ai préparé cet amendement.

Alors, si on y consent à l'unanimité ici, monsieur le président, je suis prêt à modifier mon amendement pour qu'il se lise «il agit dans le cadre d'une enquête relative à une organisation criminelle», afin de le rendre conforme aux définitions contenues dans la loi. Autrement, cela n'aurait pas de bon sens.

[Traduction]

Le président: M. Bellehumeur demande l'autorisation de modifier son amendement. Est-ce qu'on la lui accorde? Oui, cette autorisation est accordée.

Je considère donc que la formulation de l'amendement sera désormais la suivante:

    il agit dans le cadre d'une enquête relative à une organisation criminelle.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

• 1945

Le greffier: En français, serait-ce «l'investigation d'une organisation»?

M. Michel Bellehumeur: «Il agit dans le cadre d'une enquête relative à une organisation criminelle.»

Le président: Ça va. Merci.

[Traduction]

Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: J'aimerais approfondir un peu cette discussion parce que je suis de plus en plus troublé en entendant les responsables nous dire maintenant que les fonctionnaires de police ayant cette désignation pourront se lancer dans une enquête.

Je pense que tout est une question d'information. Ils peuvent enquêter sur une affaire n'ayant aucun lien avec le crime organisé et se prévaloir d'une immunité, et je peux vous dire que la chose va immédiatement être contestée en justice parce qu'un avocat de la défense va se lever pour dire que vous ne faites pas enquête sur le crime organisé que, par conséquent, l'immunité ne s'applique pas et que tous les éléments de preuve que vous avez recueillis ne sont plus recevables.

Si les choses ne se passent pas ainsi, si la personne désignée fait enquête sur ce qu'elle croit être les agissements du crime organisé et s'il s'avère qu'il n'en est rien, le problème est différent. Les responsables peuvent se justifier. Ils peuvent dire que compte tenu des circonstances de l'enquête, ils ont eu l'impression qu'un plus grand nombre de gens étaient impliqués—ils pensaient, par exemple, avoir affaire à un réseau international de trafiquants de drogues alors que ce n'était qu'une grand-mère qui, dans son sous-sol, faisait pousser de la marijuana pour des raisons médicales.

Je suis très troublé par votre dernière réponse, lorsque vous nous dites qu'un fonctionnaire de police pourra désormais aller faire une enquête courante et se servir de cette désignation pour obtenir des pouvoirs extraordinaires que d'autres fonctionnaires n'ont pas. Toutefois, comme il va faire partie de la catégorie privilégiée, il peut désormais voler des voitures, encaisser des chèques, apposer sa signature, etc. Cela revient essentiellement à dire qu'à partir du moment où l'on a obtenu cette désignation, tout devient possible, on peut agir à sa guise. Il n'est absolument pas nécessaire qu'il y ait un lien avec le crime organisé. C'est ce que je viens d'entendre.

M. Richard Mosley: Cela ne tient pas compte des limites qui s'appliquent aux décisions que peut prendre le fonctionnaire dans le cadre de ce mécanisme. Dans de telles circonstances, le fonctionnaire ne peut certainement pas faire ce qu'il veut.

Je pense que la difficulté qui est la vôtre ici, c'est qu'il n'existe aucun crime ou aucun champ d'activités que l'on peut qualifier de «crime organisé». C'est un raccourci pratique auquel on a recours lorsqu'on parle d'une certaine forme de criminalité rapportant de l'argent et impliquant un certain nombre de gens.

Le Parlement avait cherché antérieurement à remédier à la chose en créant une infraction relative aux organisations criminelles. Tout à fait indépendamment du mécanisme législatif adopté en 1997, la police intervenait aux termes d'une règle de common law établie de longue date, selon laquelle elle était autorisée à enfreindre la loi dans l'exercice normal de ses fonctions si elle se voyait dans la nécessité de le faire. C'est ainsi que l'on procédait jusqu'à ce qu'il soit statué dans l'arrêt Campbell et Shirose que ce n'était pas possible.

L'arrêt Campbell et Shirose ne s'applique pas spécifiquement aux infractions traitant des organisations criminelles; il ne s'applique pas à une conception ou à une définition quelconque que vous pouvez avoir du crime organisé. Il s'étend à tous les comportements, à toutes les infractions—à tous les agissements de cette nature.

M. Peter MacKay: Ce n'est pas la façon dont on nous a présenté ce projet de loi. On nous a dit qu'il visait en quelque sorte à désigner des fonctionnaires devant bénéficier de pouvoirs exceptionnels pour lutter contre le crime organisé et non pas pour faire enquête sur d'autres sujets dont on sait qu'ils n'ont aucun lien avec le crime organisé. Cela nous renvoie une fois de plus, pour parler en juriste, à l'intention délictuelle du fonctionnaire au cours de son enquête. Nous appliquons ici à la police une catégorie du droit criminel, mais c'est bien ce qui se passe en réalité. On autorise la police à commettre des actes criminels, mais c'est devenu extensif. Nous disons désormais qu'elle peut enfreindre la loi pour s'attaquer aux personnes ayant des activités criminelles même s'il n'y a pas cette nébuleuse du crime organisé. J'avais l'impression que la police ne serait autorisée à agir ainsi que si elle estimait au moins qu'elle avait affaire à une certaine forme de crime organisé.

• 1950

Vous avez raison de dire que nous n'avons pas une définition précise et bien arrêtée, mais ce qui va se passer inévitablement, c'est que ce genre d'affaire va se retrouver devant la justice et qu'il ne sera pas nécessaire d'être un ténor du Barreau pour savoir si elle renvoie ou non au crime organisé. Cela va se passer dans le calme des tribunaux après coup. Toutefois, il faudrait au minimum que le fonctionnaire de police ait le sentiment de procéder à une enquête liée au crime organisé, ce que l'on s'efforce de faire dans cet amendement. On s'efforce d'encadrer en quelque sorte les intentions de le fonctionnaire lorsqu'il se lance dans son enquête et se prépare à faire usage de ces pouvoirs exceptionnels.

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Permettez-moi de préciser que le principe qui régit cette partie du projet de loi est établi dans le projet de paragraphe 25.1(2):

    (2) Il est d'intérêt public de veiller à ce que les fonctionnaires publics puissent s'acquitter efficacement de leurs fonctions de contrôle d'application des lois conformément au principe de la primauté du droit et, à cette fin, de prévoir expressément dans la loi une justification pour la commission par ces fonctionnaires et les personnes qui agissent sous leur direction d'actes ou d'omissions qui constituent par ailleurs des infractions.

On ne parle aucunement ici de crime organisé.

M. Peter MacKay: Comment s'appelle le projet de loi? Quel est le titre du projet de loi? Je vous renvoie à la première page: «crime organisé et application de la loi».

M. Richard Mosley: Et application de la loi.

Laissez-moi attirer aussi votre attention sur le projet de paragraphe 25.1(8), il est clair qu'un fonctionnaire qui exerce ce pouvoir doit le faire de manière:

    juste et proportionnelle dans les circonstances, compte tenu notamment de la nature de l'acte ou de l'omission, de la nature de l'enquête ainsi que des solutions de rechange acceptables pour s'acquitter de ses fonctions de contrôle d'application de la loi.

Il ne s'agit pas ici d'appliquer la loi n'importe comment. Il s'agit d'un ensemble limité et précis de propositions qui, dans une certaine mesure, rétablit la situation antérieure à l'arrêt prononcé par la Cour suprême dans l'affaire Campbell et Shirose.

Je dirais, monsieur le président, que si on limitait ce projet de loi aux enquêtes portant sur les infractions du crime organisé, quelle que soit la définition qu'on en donne, on n'irait pas jusqu'à rétablir la situation antérieure à Campbell et Shirose et on limiterait effectivement l'application de ces dispositions en ce qui concerne un grand nombre d'activités d'enquêtes effectuées actuellement par la police, qui peuvent porter ou non sur le crime organisé sans toutefois qu'elle soit en mesure de le déterminer au moment où elle souhaite se prévaloir des dispositions du projet de paragraphe 25.1(8).

Vous mettriez le fonctionnaire dans une situation intenable. Que saurait-il à ce moment-là de la personne au sujet de laquelle il enquête. S'il a raison, il serait alors couvert par la justification. S'il se trompe, il aura commis une infraction criminelle et risquerait des poursuites. Bien entendu, elles ne se matérialiseront peut-être pas, mais c'est une autre question, la possibilité est là et de ce fait il ne prendra aucun risque comme il n'en prend aucun à l'heure actuelle dans le régime postérieur à l'arrêt Campbell et Shirose.

Le président: Les députés veulent poser d'autres questions et je vous signale, par conséquent, que j'ai sur ma liste M. Owen, Mme Allard, M. Blaikie et M. Toews.

Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: Je vous remercie.

Je m'inquiète de plus en plus en entendant ces derniers échanges. Il est indéniable, pour commencer, que ce projet de loi nous a été présenté dans le cadre de la lutte contre la menace tout à fait exceptionnelle que fait peser sur notre société le crime organisé ou les crimes commis par des personnes, ou par l'intermédiaire de personnes, qui aident des organisations criminelles. Je reconnais que l'arrêt Campbell et Shirose n'a pas eu seulement des répercussions sur les enquêtes portant sur le crime organisé. Il n'en reste pas moins que la police nous a laissé savoir que c'est dans ce cadre qu'elle était éventuellement handicapée, notamment pour ce qui est des organisations criminelles et de leurs activités.

• 1955

La difficulté dans ce débat c'est qu'à partir du moment où l'on affirme effectivement que l'on veut régler un problème plus large, comment va-t-on savoir qui il convient de désigner, étant donné que les désignations se limitent à ces gens...? Nous avons tous évoqué le fait que ces désignations doivent être très restreintes, éventuellement aux personnes qui font enquête sur le crime organisé. Sinon, s'il fallait tout simplement désigner les personnes qui, dans le cadre d'une enquête au sujet d'un crime, risquent d'avoir affaire à une organisation criminelle, il faudrait alors désigner des pans entiers de nos forces policières, ou sinon nous ne pourrions pas de toute façon atteindre le but que nous nous sommes fixé en cherchant simplement à ramener la police à la situation qu'elle estime ou que nous estimons devoir être la sienne.

Il m'apparaît donc qu'un amendement comme celui qui est proposé, modifié de nouveau de manière à pouvoir s'appliquer aux activités des organisations criminelles, est plus conforme aux objectifs de cette loi—à moins que nous disions ici, et j'aimerais avoir une réponse à ce sujet, qu'il nous faudra nécessairement désigner un grand nombre de fonctionnaires de police chargés des enquêtes sur tous les crimes graves.

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Monsieur Mosley, vous voulez répondre?

M. Richard Mosley: Ce mécanisme s'efforce entre autres d'apaiser les préoccupations que me semble refléter la motion d'amendement en obligeant le fonctionnaire de faire en sorte que ses agissements soient raisonnables et non disproportionnés par rapport à l'affaire sur laquelle il fait enquête. Ainsi, s'il s'agit d'une affaire criminelle mineure, il est évident que le fonctionnaire ne sera pas autorisé à commettre une infraction criminelle plus grave pour pouvoir procéder à l'enquête.

Toutefois, le problème, c'est que le fonctionnaire ne saura pas nécessairement, au moment considéré, si l'affaire sur laquelle il enquête est liée au crime organisé. Il est bien possible que ça s'avère finalement le cas à la fin de l'enquête. Il est possible que non. La difficulté à laquelle se heurte le fonctionnaire, c'est qu'il risque, au cours d'une enquête qui peut très bien porter sur une infraction très grave, qu'une faute de commission ou d'omission de sa part, et qu'il juge indispensable dans les circonstances, constitue une infraction à la législation fédérale et lui fasse encourir d'éventuelles responsabilités pénales. Que doit-il faire dans ces circonstances?

Avant l'arrêt Campbell et Shirose, il pouvait prendre cette décision en toute bonne foi, tranquillisé par le fait que les critères retenus par les tribunaux—le critère établi dans l'affaire Waterfield, qui était en place depuis de nombreuses années—le protégerait contre toute responsabilité potentielle. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ce que l'on se propose ici de faire, c'est d'en revenir à la situation antérieure—non pas de conférer aux fonctionnaires davantage de pouvoirs ou de leur procurer plus de marge de manoeuvre, mais de les replacer dans une situation où, lorsqu'ils ont à faire un choix très difficile dans l'exercice de leurs fonctions, ils ne s'en dispensent pas sous prétexte qu'ils ne sont pas disposés à courir le risque d'être poursuivis ou responsables pénalement. Le...

M. Stephen Owen: Excusez-moi, monsieur Mosley, mais est-ce que cela ne signifie pas, si l'on adopte cette logique, qu'il faut accorder cette désignation à tous les fonctionnaires de police chargés d'enquêter lorsqu'un délit grave est commis?

M. Richard Mosley: Je ne le pense pas et, dans le cadre des discussions que nous avons eu avec les services chargés de la répression, on nous a bien fait comprendre, et je pense qu'ils ont dit la même chose lorsqu'ils ont comparu devant votre comité, qu'on ne s'attendait pas à ce que les pouvoirs conférés par ce projet de loi le soient à la plupart des membres du service, à la plupart des fonctionnaires publics et des agents de la paix, mais qu'on ne le fera que pour ceux qui ont entrepris de faire enquête sur des infractions normalement associées au crime organisé, sans que ce soit toutefois sur une forme de crime organisé dont la définition pourrait être commune à chacun d'entre nous.

• 2000

Le problème fondamental, ici, c'est que lorsqu'on entreprend une enquête—prenons la contrebande de drogues, même si cette activité est visée par une autre loi et d'autres règlements—a-t-on affaire à un malfaiteur isolé ou à une organisation criminelle? On ne le saura éventuellement qu'une fois que le dossier est bouclé, que l'enquête est terminée, que tous les éléments de preuve sont disponibles et que l'on aura déposé des accusations. Si vous dites à ces gens qu'ils ne disposeront de ce pouvoir que lorsqu'ils auront la certitude, au moment où ils seront en mesure de l'exercer, qu'ils enquêtent bien sur une infraction commise par une organisation criminelle, vous leur liez en fait les mains parce qu'à ce moment-là ils n'en savent rien.

[Français]

Le président: Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard: Monsieur le président, je dois vous dire que je suis un peu mal à l'aise vis-à-vis de ce débat. Sommes-nous dans une situation de crise ou non? Quand on pense à ce qui s'est produit au Québec, la criminalisation des motards, l'état de siège qu'ils font vivre à la population, aux tenanciers de bar qui sont tués à coups de bâton au milieu de la nuit, je pense qu'on peut tous s'accorder pour reconnaître qu'il y a au Québec actuellement une situation de crise qui doit être enrayée.

Ce soir, on est là à se demander si on va faire confiance à nos policiers? On veut leur imposer des limites. On est en train, après avoir fait un pas en avant, de vouloir en faire deux en arrière. Pour rejoindre les propos de mon collègue M. McKay, si on limite la loi, si on met, justement, ce que propose le Bloc et qu'on se limite à une organisation criminelle, est-ce qu'on n'ouvre pas la porte à ce que les juges excluent toute la preuve qui pourrait être obtenue?

Autrement, qu'arrive-t-il? Ils vont dire que la preuve n'ayant pas été obtenue dans le cadre d'une enquête criminelle, il faut l'exclure. Par exemple, un policier peut se trouver dans la situation où il a à participer à un vol de voiture. Il est under cover et on lui demande de participer à un vol de voiture. Est-ce qu'il va dire qu'il ne veut pas le faire parce que... Comme le dit M. Mosley, il peut ne pas être certain qu'il s'agit d'une organisation criminelle. Il est peut-être face à un propriétaire unique et non pas à toute une organisation.

Je pense qu'il faut revenir à ce qu'on a entendu quand M. Roy a témoigné. Il y a des personnes qui vont autoriser ces actes, qui ont la responsabilité d'autoriser l'immunité dans le cadre d'une enquête raisonnable et qui se rapporte à... qui est circonscrite à un certain secteur. Je pense que ce sont des personnes qui seront nommées par le solliciteur général.

Si on est en train de faire deux pas en arrière et de se dire que, maintenant, on a peur que nos policiers exagèrent, je pense qu'il faut se rappeler que nous vivons une situation de crise. Nous connaissons une situation où le crime organisé ou les criminels font la pluie et le beau temps dans nos sociétés. Comment est-ce arrivé? Certains diront que c'est à cause de la Charte canadienne des droits et libertés qui était trop permissive. Cependant, là où nous en sommes, il faut arrêter de tergiverser. On doit se demander si on fait confiance à nos forces de l'ordre pour ramener l'ordre dans nos sociétés ou si on ne leur fait pas confiance?

Je pense que, si on ajoute les mots «organisation criminelle», on se limite, on enferme tout le monde dans un carcan, on ouvre encore une fois la porte aux juges pour qu'ils rejettent la preuve et, encore une fois, on fait le jeu des criminels qui pourront s'en sortir aisément. Alors, je suis contre l'ajout des mots que propose M. Bellehumeur.

«Organisation criminelle» ou «crime organisé», je ne crois pas que ce soit nécessaire parce que je pense que la situation est trop grave. Il faut faire confiance à nos policiers. Voilà.

[Traduction]

Le président: Monsieur Blaikie.

• 2005

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, je voulais vraiment me persuader que tout était bien comme ça, mais plus notre conversation s'éternise, moins je suis convaincu. Si un agent d'infiltration est mis au défi de devoir faire ses preuves, si quelqu'un le lui demande, cela signifie qu'il fait déjà partie d'un groupe. Le fonctionnaire de police qui agit isolément n'a pas à se prouver à lui-même qu'il est un malfaiteur.

Il me semble que l'on est déjà en quelque sorte parti du principe—du moins dans les exemples que nous donne la police lorsqu'elle se présente devant nous—que l'on avait affaire au crime organisé ou à une organisation criminelle. Je trouve bien étrange que l'on nous oppose le fait qu'il n'y a aucune définition du crime organisé lorsque nous posons des questions, alors que l'on retrouve partout cette expression dans le projet de loi—dans le titre, dans le sommaire et dans d'autres contextes aussi.

Je vois maintenant que M. Mosley a raison de nous dire, ah ha, voilà le titre exact: «Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi)». On ne nous dit pas «application de la loi au crime organisé.» Disons que le gouvernement aurait peut-être dû faire preuve de plus d'honnêteté envers la population et la Chambre en les avertissant qu'il souhaitait faire d'une pierre deux coups avec cette loi, qu'on a présenté comme étant la réponse du gouvernement face au crime organisé. En fait, le gouvernement cherche à faire deux choses bien différentes ici, mais il n'en a avoué qu'une, l'autre étant en quelque sorte fournie en sus. Dans le cadre des témoignages et de nos délibérations, nous commençons à comprendre, à mon avis, qu'il y a là deux projets différents.

Je vous ferais humblement remarquer qu'il aurait peut-être fallu répondre aux conséquences de l'arrêt Campbell et Shirose dans le cadre d'un autre texte de loi, parce que plus j'entends des témoignages à ce sujet—et ce n'est pas une critique, parce qu'il y a d'autres organisations que la police qui procède ainsi à l'occasion lorsqu'elles estiment que leurs conditions de travail ont besoin d'être précisées—plus je me rends compte que la police fait en quelque sorte le minimum en la matière.

Elle n'aime pas l'arrêt Campbell et Shirose. Elle juge que cet arrêt la rend vulnérable, et elle a peut-être bien raison de penser ainsi. On nous dit constamment—M. Mosley l'a déclaré et nous avons entendu d'autres témoins le dire—que la police ne fera pas ce genre de travail si elle n'a pas l'impression d'être mieux protégée que maintenant. Il s'agit donc là, à mon avis, d'un problème distinct qui dépasse la stratégie du gouvernement vis-à-vis du crime organisé et toutes les autres dispositions de ce texte en ce qui a trait à la lutte contre le crime organisée.

Il est regrettable, à mon avis, qu'on nous ait demandé d'aborder les deux questions dans le même projet de loi. Il est regrettable aussi que nous ayons fini par nous rendre compte qu'effectivement on nous demande de régler les deux questions dans le même projet de loi...

M. John McKay: Nous nous en sommes rendu compte il y a bien longtemps.

M. Bill Blaikie: Pardon?

M. Paul DeVillers: Nous le savions depuis longtemps.

M. Bill Blaikie: Bon, disons donc que je n'ai peut-être pas l'esprit très vif, mais je pense qu'il est de plus en plus clair maintenant qu'il en est bien ainsi, et le problème vient en partie de là. Aucun d'entre nous ne s'oppose à ce que l'on confère à la police davantage de pouvoirs pour lutter contre le crime organisé. Je pense que le problème vient du fait que l'on se rend compte que, ce faisant, on nous demande d'aller plus loin. Tout le problème est là et j'ai l'impression que c'est ce qui explique le malaise des intervenants. Quel que soit leur vote au sujet de ce projet de loi, c'est l'explication du malaise des députés des deux côtés de la Chambre.

Le président: Merci. M. Mosley souhaite vous répondre, puis nous donnerons la parole à M. Toews.

M. Richard Mosley: Excusez-moi, mais à titre de précision, je tiens à vous signaler que le gouvernement a bien annoncé séparément, dans le livre blanc rendu public en juin, l'année dernière, quels étaient ses projets pour répondre aux conséquences de l'arrêt Campbell et Shirose. Ce travail était le résultat de... je pense qu'il y avait à l'époque un an, et peut-être 18 mois, que cet arrêt avait été prononcé. On avait consacré beaucoup de temps, d'efforts et de travail, et procédé à de nombreuses consultations, pour essayer de trouver un mécanisme susceptible de faire face aux conséquences de l'arrêt Campbell et Shirose. Cela s'est traduit par un livre blanc s'accompagnant en fait d'un avant-projet de loi joint au texte pour en expliquer la finalité.

Il n'y a pas en fait deux projets distincts ici. Il se trouve que les responsables des services de répression nous ont indiqué à maintes reprises—et non seulement la police, mais aussi les procureurs généraux des provinces—que les conséquences de l'arrêt Campbell et Shirose se faisaient fortement sentir lorsqu'il s'agissait de lutter contre le crime organisé.

• 2010

Les autres travaux entrepris au sujet du crime organisé ont découlé en partie du plan d'intervention fédéral-provincial- territorial approuvé par les ministres en septembre dernier à Iqaluit, lorsqu'un certain nombre de propositions d'intervention législative ont été présentées et entérinées par les ministres, les deux choses étant alors regroupées.

Il n'en reste pas moins que ce texte a toujours été présenté comme une réponse face au crime organisé. Cela fait essentiellement partie de la réponse. L'arrêt Campbell et Shirose a eu des conséquences plus larges. Dans le livre blanc publié en juin dernier, le gouvernement a indiqué clairement qu'il se proposait d'y répondre, non seulement dans le cadre du crime organisé, mais surtout par l'intermédiaire de ces diverses propositions, qui ont eu un effet plus général. Elles font partie du domaine public depuis juin 2000.

Le président: Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Je relève que les députés semblent s'inquiéter du fait qu'ils perdent confiance dans ce projet de loi à mesure qu'ils l'analysent plus à fond. Je pense que c'est assez fréquent lorsqu'on est obnubilé par les détails et que l'on oublie de prendre du recul. Je suis très reconnaissant en fait à M. Mosley de nous avoir refait l'historique de la loi en nous précisant ce qui l'a motivée ainsi que les difficultés que l'on rencontre lorsqu'on élabore un texte de loi que l'on veut adapter à un sujet précis tout en reconnaissant qu'il a une portée bien plus large.

Je pense que nous sommes ici en train de siéger en tant que législateurs en essayant de trouver le mécanisme parfait. Nous ne trouverons pas le mécanisme parfait parce qu'il nous faut tenir compte des réalités. Nous nous sommes perdus dans les détails et je pense que cela vient en partie du fait que ce sont finalement les tribunaux qui nous ont obligés à nous lancer dans cette folle entreprise.

Le problème vient effectivement de l'arrêt Campbell et Shirose. Cette décision bouleverse 100 ou 200 ans de pratique policière. De manière générale, la police agissait comme elle le devait, dans le cadre des normes reconnues. Des critères et des lignes de conduite encadraient son action. Soudainement, voilà que la Cour suprême du Canada, qui n'a pas sa pareille pour se regarder le nombril, nous lance dans ce genre de débat. C'est vraiment désolant. La police se retrouve dans une situation difficile. En tant que législateurs, nous sommes mis en difficulté, comme si nous pouvions trouver un système parfait dans un monde imparfait.

Je l'ai dit et répété: prenons du recul, examinons le problème. Mme Allard a résumé à maintes reprises mes préoccupations et celles des agents de police, et voilà que l'on continue à se fasciner pour les détails. Les habitants de nos villes ont peur. Ils veulent être protégés par notre police qui, ils le comprennent, est régie par des lois et par des pratiques raisonnables. Je pense que ce projet de loi reflète ce caractère raisonnable.

Je ne viens pas souvent faire l'éloge des projets de loi libéraux. Je me demande ce qui m'arrive lorsque je me rends à Ottawa.

M. John McKay: Je commence moi-même à en trembler.

M. Lynn Myers: Changez de camp.

Des voix: Bravo!

M. Vic Toews: Toutefois, il ne s'agit pas du projet de loi cadre—le projet de loi C-15—au sein duquel les libéraux ont fourgué tout un tas de choses pour gêner l'opposition. C'est une chose bien différente.

M. Paul DeVillers: Ils étaient si gentils.

M. Vic Toews: Je pense que l'on a fait véritablement un gros effort pour remédier à une situation difficile, à ce qui se passe réellement dans la rue et à l'angélisme, pour être gentil, de la Cour suprême du Canada. Oui, il s'agit d'un compromis...

M. Bill Blaikie: Oui, et nous sommes pris entre deux feux.

• 2015

M. Vic Toews: ... mais c'est un compromis qui peut marcher. Dans leur majorité, les citoyens canadiens vont dire—de même que nos fonctionnaires de police—que c'est raisonnable.

Nous pouvons continuer à nous perdre dans les détails et ça ne nous avancera à rien. Au bout du compte, il nous faudra respecter les décisions qui ont été mûrement réfléchies par les fonctionnaires du ministère de la Justice, qui ont examiné la loi, qui ont considéré les déclarations de la Cour suprême du Canada, qui se sont entretenus avec les fonctionnaires de police et qui ont écouté les procureurs généraux de l'ensemble du pays. Il faut avancer. Pourquoi tergiverser davantage?

Le président: Cela étant dit, c'est à vous Paul.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur Andy. Je veux simplement faire quelques observations au sujet de l'historique, que vient de faire M. Mosley, de la procédure utilisée. Je me rappelle que lorsque nous nous sommes penchés sur l'échéancier d'examen de ce projet de loi, certains ont eu peur que l'on se précipite trop pour l'adopter. Nous traitons ici d'un mécanisme législatif important.

Ainsi que l'a indiqué M. Mosley, il y a eu des consultations, un avant-projet de loi, le livre blanc. Toute une procédure a été mise en place. Sur la question de la confusion que l'on ferait entre deux mécanismes législatifs distincts, le sous-comité qui s'est penché sur la question du crime organisé a bien précisé qu'il y avait là une procédure législative distincte.

Nous en arrivons à la pertinence de ce mécanisme législatif dans le cadre du crime organisé. Oui, il va plus loin, mais il n'en est pas moins essentiel pour les projets de lutte contre le crime organisé. Ce que je retiens surtout du travail effectué par notre sous-comité c'est, je pense, que la police nous a fait savoir que c'est avant tout grâce à son service de renseignement qu'elle parvenait à lutter contre le crime organisé. Étant donné l'immensité de notre pays et les efforts que fait le crime organisé à l'échelle internationale pour se subdiviser en petites cellules, etc., sans service de renseignement pour lutter contre le crime organisé, la police perd toute efficacité.

Je considère donc que ce mécanisme, même s'il va plus loin que nombre d'entre nous le souhaiteraient, a besoin d'être mis en place en raison du vide créé par l'arrêt Campbell et Shirose. Je peux vous garantir que je ne serai jamais dans les petits papiers de l'Association canadienne des policières et des policiers pour encourager la répression et faire respecter l'ordre, mais je considère qu'il s'agit dans ce cas d'un outil nécessaire que l'on doit mettre à la disposition des organismes chargés de veiller à l'application de la loi dans notre pays.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, je voudrais simplement répondre à une intervention de M. Toews. Je ne pense pas qu'il nous faille nous sentir mal à l'aise si nous devons prendre deux heures de plus pour mieux comprendre le texte que nous avons devant nous. Nous nous sommes d'ores et déjà engagés à en terminer aujourd'hui. Ce n'est pas comme si la sécurité des citoyens canadiens terrorisés par le crime organisé était mise en danger par le seul fait que nous consacrons deux heures ici à essayer de comprendre ce que nous faisons ou pas. Je n'en sais rien. Je n'ai pas vu de rapport pour l'instant. Je ne comprends donc pas vraiment quels sont les enjeux politiques.

Je dis simplement qu'il est important que nous comprenions ce que nous sommes en train de faire. Je pense qu'en fait nous avons bien mis à profit tout le temps que nous y avons consacré. Une fois que nous aurons dépassé l'article 2, tout ira probablement très rapidement. Par conséquent, je ne pense pas qu'il faille nous excuser de passer un peu plus de temps sur l'article 2. Je ne vois pas en quoi nous nuirions aux intérêts des citoyens canadiens, qui seraient terrorisés et qui auraient peur pour leur vie au cas où nous n'adopterions pas ce texte dans les cinq prochaines minutes.

M. Lynn Myers: Mettons la question aux voix.

Le président: M. MacKay, suivi de M. Owen.

M. Peter MacKay: J'ai tendance à être d'accord avec ce que vient de dire M. DeVillers en ce qui a trait à la procédure que nous avions suivie au sein du comité sur le crime organisé dont j'ai fait partie en sa compagnie. Nous cherchons à donner ou à redonner des pouvoirs à la police. On ne reviendra jamais complètement à la situation antérieure, mais ce texte nous ramène de toute évidence dans le droit chemin. Je me demande simplement s'il est bien honnête sur le plan intellectuel de dire que nous désignons des agents de police pour lutter contre le crime organisé alors que nous savons pertinemment, au fond de nous-mêmes...

M. Paul DeVillers: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Peter MacKay: Non, je ne prétends pas que vous l'ayez dit.

M. Paul DeVillers: Le livre blanc...

M. Peter MacKay: C'est dit dans le livre blanc.

M. Paul DeVillers: Non, ce n'est pas dit. On ne dit pas que l'on vise le crime organisé.

M. Peter MacKay: La conséquence, c'est que les agents ainsi désignés sont habilités essentiellement à faire usage de ces pouvoirs exceptionnels pour des choses qui ne relèvent pas du crime organisé. Avouons-le carrément.

• 2020

M. Mosley a déclaré à un moment donné—corrigez-moi si je me trompe—que parfois la police ne sait pas à qui elle a affaire tant qu'elle n'a pas terminé son enquête. S'il en est ainsi, je me pose vraiment des questions sur la compétence du fonctionnaire concerné. S'il ne sait pas à qui il a affaire avant d'avoir totalement bouclé son enquête, je trouve cela très inquiétant et même dérisoire. Il ne s'agit pas ici d'autoriser des fonctionnaires de police à aller voler une automobile par défi. Ils savent à qui ils ont affaire. Ils savent pourquoi ils vont être tenus d'agir ainsi. C'est pourquoi ils ont besoin d'être désignés—de façon à pouvoir infiltrer ce groupe et savoir exactement ce qui se passe. Il s'agit plutôt de dire carrément ce que l'on autorise exactement la police à faire.

Je ne pense pas qu'il faille s'entourer de précautions et hésiter à dire que les personnes ainsi désignées afin d'obtenir ce genre de pouvoir font partie de la police spéciale. Comme l'a dit M. Owen, pourquoi ne pas simplement...? Nous allons donner des pouvoirs à un grand nombre d'entre eux. Ce que les policiers vont faire immanquablement—je peux le voir de là—c'est s'associer deux par deux. Nous aurons des patrouilles de deux policiers, l'un ayant été désigné et l'autre non. De cette manière, ils feront ce qu'ils ont à faire.

Si c'est là le pouvoir qu'on veut leur conférer, très bien, mais il faut le dire franchement. N'essayons pas de laisser croire que c'est simplement pour lutter contre le crime organisé. Si c'est pour cette raison que l'on ne veut pas adopter cette formulation, disons-le.

Le président: Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: C'est là un débat très important, comme l'a déclaré M. Blaikie.

D'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent au sujet de cet amendement, j'ai fortement envie—j'ai décidé que j'allais voter en faveur de l'amendement. Je ne voudrais pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, j'ajouterais simplement un dernier élément. En l'occurrence, nous faisons ici une démarche exceptionnelle, et nous le faisons en quelque sorte les yeux fermés. C'est toujours comme ça lorsqu'il y a des lois nouvelles et de nouveaux pouvoirs qui n'avaient pas encore été exprimés dans les lois antérieures, des pouvoirs supplémentaires que nous conférons à la police afin qu'elle puisse s'acquitter du travail extrêmement difficile que nous lui confions.

Il n'en reste pas moins que chaque fois que nous procédons ainsi, je pense qu'il nous faut agir de manière très progressive, et avec beaucoup de précaution. Je ne veux pas critiquer—il faut d'ailleurs au contraire les féliciter—les fonctionnaires de la justice qui ont concocté ce texte pour répondre à l'arrêt de la Cour suprême du Canada ainsi qu'à la menace posée par le crime organisé. Toutefois, je pense que nous ne perdons rien à tester cette loi et à en limiter l'application de manière efficace, responsable et transparente—dans la mesure où on peut le faire efficacement au moyen de cet amendement—aux enquêtes portant sur les agissements délictueux des organisations criminelles tel qu'on l'a décrit de manière plus générale dans le cadre de cette loi.

Nous pourrions plus tard élargir la portée de la loi avec une plus grande assurance, après avoir vu comment se déroulait l'application, mais je suis par ailleurs bien certain que nous pouvons convaincre les milieux policiers et la population en général du fait que nous cherchons à lutter contre ce que nous considérons comme une grande menace pour notre société. Je suis enclin à agir ainsi dans un premier temps de manière progressive.

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Il y a trois ou quatre semaines, lorsque nous avons entendu ici même les chefs de police, je crois que le commissaire de la GRC a bien exposé le problème. Il m'a carrément inquiété lorsqu'il nous a dit que l'on avait complètement arrêté toute infiltration. Je lui ai demandé si cette immunité pouvait être conférée aux agents de manière rétroactive. «Oh non, bien sûr, absolument pas!» m'a-t-il répondu. Je me suis dit en moi-même qu'il fallait évidemment que ça se fasse et je suis prêt à m'accommoder de ce texte.

Je n'aime absolument pas conférer ce genre de pouvoir à la police, mais si nous ne faisons rien pour lutter contre le crime organisé, qu'il y ait une organisation ou non—je m'en soucie peu—notre pays court à la catastrophe. J'aimerais que l'on revoie l'application de ce texte. On nous dit qu'il y aura une révision dans cinq ans. Je pense que le délai est trop long. J'aimerais qu'on le revoie avant.

Je suis prêt à faire confiance à la police. Si elle trahit notre confiance, nous devrons faire quelque chose et notre tête sera sur le billot. Toutefois, nous ne devrons pas nous contenter de rester assis à discuter. Nous avons disséqué de long en large toute cette affaire et je pense que tout le monde a peur de la façon dont la police va mettre en application ce genre de disposition.

• 2025

Je ne sais pas comment elle va procéder parce qu'il me paraît impossible que la moitié des forces policières soit autorisée à procéder à une infiltration du crime organisé alors que l'autre ne l'est pas. Supposons que la deuxième moitié soit là au mauvais moment—allons-nous laisser filer les malfaiteurs? Ce n'est pas possible. Il faut que ce texte soit mis en application. On nous dit que c'est possible; voyons ce que les responsables peuvent faire. Laissons-les agir. Donnons-leur une chance.

Merci, monsieur le président.

Le président: John McKay.

Oh, excusez-moi. M. Maloney voudrait répondre à M. Grose.

M. John Maloney: Je ne veux pas répondre à M. Grose, je veux faire mes propres commentaires.

Allez-y, monsieur McKay.

Le président: M. McKay, suivi de M. Maloney.

M. John McKay: Je considère que le débat s'est avéré en fait utile et sain et qu'un certain nombre de réticences sont apparues. Contrairement à M. Toews, toutefois, je pense que c'est quand on entre dans les détails—on n'entre pas dans les détails ici, on ne le fait jamais. Je ne vois donc aucun inconvénient à consacrer du temps au débat lorsqu'il y a d'importants principes en jeu, comme c'est bien le cas ici.

Je partage nombre d'analyses concernant la façon dont on a présenté, disons, ce projet de loi, en partant du crime organisé alors qu'une bonne partie du projet de loi s'efforce de remédier à un problème plus large soulevé par l'arrêt Campbell et Shirose.

Pour ce qui est de la confiance, j'en reviens à certaines observations antérieures selon lesquelles—comment dire la chose—les dispositions instituant un devoir de rendre des comptes sont quelque peu superficielles. Je suis largement d'accord avec les observations selon lesquelles ce devoir de rendre des comptes est superficiel et j'hésite donc davantage à accorder une telle confiance. Dans ma ville, nous avons enregistré un certain nombre—pas un certain nombre, très peu—d'incidents mettant en jeu les organisations de la police, qui pourraient soulever des inquiétudes légitimes de la part des citoyens.

Je sais qu'il y a eu certains incidents au Québec qui justifient que la population ait certaines inquiétudes et, par conséquent, j'appuierais moi aussi l'amendement de M. Bellehumeur. Je suis d'accord par ailleurs avec la thèse de M. Grose selon laquelle il conviendrait de raccourcir le délai de révision de la loi. Je ne m'inquiéterais pas non plus outre mesure si le gouvernement s'attaquait de nouveau aux conséquences de l'arrêt Campbell et Shirose, si la police revenait sur la question et si tout le monde reprenait l'argument selon lequel on ne voit par pourquoi il faudrait que les autres types d'enquête sur la criminalité non organisée aient besoin de ce genre d'autorisation.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Monsieur le président, nous souhaitons bien évidemment éviter que les fonctionnaires de police fassent une mauvaise utilisation ou abusent de leur pouvoir. Je ne suis pas d'accord avec M. McKay pour dire que les dispositions visant à garantir un devoir de rendre des comptes sont tout à fait superficielles.

Sans vouloir abuser de la patience du comité... si vous me permettez d'évoquer simplement certaines d'entre elles, de réfléchir à leur sujet...

Les fonctionnaires de police qui bénéficient d'une indemnité spéciale doivent être spécialement désignés. Tous leurs agissements doivent être raisonnables et être adaptés aux circonstances. Le fonctionnaire doit être convaincu, pour des motifs raisonnables, que sa faute de commission ou d'omission est raisonnable et non disproportionnée dans les circonstances en tenant compte de la nature de l'activité criminelle faisant l'objet de son enquête, de la nature de l'acte ou de l'omission et de l'existence raisonnable d'autres moyens de s'acquitter de ses fonctions.

Certains comportements sont totalement exclus et aucun élément du mécanisme proposé ne va conférer une immunité en cas de faute intentionnelle ou d'acte criminel ayant entraîné la mort ou un préjudice corporel à autrui; la tentative délibérée de faire obstruction à la justice ou d'en détourner le cours; ou encore une conduite violant l'intégrité sexuelle d'une personne.

Dans tous les autres cas, une autorisation préalable de la hiérarchie est requise.

Comme nous l'avons indiqué, un rapport annuel doit être rendu public par le solliciteur général du Canada et chacun des ministres provinciaux chargés de la police dans son ressort respectif, et par les ministres fédéraux chargés de l'application d'autres lois fédérales comme les pêches ou l'immigration. Il leur faut indiquer, entre autres, le nombre de fois où les fonctionnaires placés sous leur responsabilité ont eu recours à des agissements tels que la destruction d'un bien. Lorsqu'un fonctionnaire de police cause des pertes ou des dommages graves à une propriété, son supérieur hiérarchique aura l'obligation d'en informer le propriétaire, sur le modèle des exigences prévues en cas d'autorisation d'écoute.

• 2030

Tous les recours susmentionnés restent possibles à l'encontre de la police en cas d'inconduite, notamment: les fonctionnaires de police peuvent toujours être inculpés d'une infraction criminelle s'ils dépassent les limites de la protection restreinte conférée dans le cadre de ce mécanisme; une indemnisation des victimes est prévue au pénal dans les cas appropriés; la responsabilité civile est engagée en cas de conduite abusive ou d'acte délictuel; il y a des recours constitutionnels en cas de comportement contraire à la Constitution; les recours de common law existent en cas d'abus de procédure; les fonctionnaires restent responsables devant les instances disciplinaires internes en cas de mauvaise conduite ou d'autres types de comportements non professionnels; enfin, la procédure et les mécanismes de plaintes publiques et devant les instances policières restent disponibles dans les cas appropriés. Ce sont là des garde-fous qui ne sont pas négligeables et je vous demande d'en tenir compte lorsque vous serez prêts à voter.

Le président: Êtes-vous prêts à ce que l'on mette la question aux voix?

[Français]

Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard: J'aimerais avoir un renseignement. On vote bien sur l'amendement proposé par le Bloc québécois en vue de restreindre cela aux organisations criminelles. C'est ça?

[Traduction]

Le président: Très précisément, nous votons sur l'amendement qui figure dans votre liasse sous la cote BQ-3, tel qu'il a été modifié.

[Français]

En français, c'est...

[Traduction]

Mme Carole-Marie Allard: Bien, je l'ai ici.

Le président: On parle «d'organisation criminelle» et non pas de «crime organisé». Est-ce que l'on se comprend bien? Très bien.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je demande un vote par appel nominal.

[Traduction]

(L'amendement est rejeté par 9 voix contre 6—[Voir le Procès- verbal])

Le président: Les amendements BQ-4 et BQ-5 étaient inclus dans le rejet de l'amendement BQ-2 et nous allons donc passer à l'amendement G-3 du gouvernement.

Est-ce que monsieur Maloney veut dire quelque chose au sujet de l'amendement G-3?

M. John Maloney: Cet amendement exige que l'agent s'assure qu'une directive claire ou suffisamment précise lui a été donnée par un fonctionnaire public pour qu'il puisse commettre un acte criminel et, en second lieu, qu'il ait des motifs raisonnables de croire que ce fonctionnaire public avait le pouvoir de donner une telle directive.

Cet amendement vise à répondre aux préoccupations concernant la portée de l'immunité conférée aux agents. En exigeant que l'agent se préoccupe à la fois de l'acte commis ainsi que du pouvoir qu'a le fonctionnaire public de l'autoriser, on évite effectivement que le mécanisme de justification soit invoqué de manière illégitime ou sans que l'on ait fait preuve de la diligence nécessaire pour le compte de l'agent.

Le président: C'est entendu.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

Le président: Je vous renvoie maintenant à l'amendement G-3A du gouvernement, qui a été rajouté. Avant que nous commencions, je voudrais m'assurer que tout le monde l'a bien devant soi. Oui, nous l'avons.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Cet amendement restreint encore le recours au mécanisme de justification lorsque les agents ont agi d'après les directives d'un fonctionnaire public. Le fonctionnaire public perdra son immunité (a) s'il a ordonné à un agent de commettre un acte ou de faire une omission qui entraînerait vraisemblablement la destruction de biens valant plus de 5 000 $ ou des dommages de plus de 5 000 $ à des biens ou (b) s'il a ordonné à un agent de commettre un acte ou de faire une omission qui comporterait vraisemblablement le recours à la violence contre une personne ou la tentative d'y recourir.

• 2035

L'agent perdrait son immunité (a) s'il commettait un acte ou faisait une omission sous la direction d'un fonctionnaire public causant intentionnellement ou par insouciance la destruction de biens valant plus de 5 000 $ ou des dommages de plus de 5 000 $ à des biens ou (b) s'il commettait un acte ou faisait une omission sous la direction d'un fonctionnaire public impliquant le recours à la violence contre une personne ou la tentative d'y recourir.

Cela s'explique par le fait qu'étant donné les différences qui existent entre les fonctionnaires publics et les agents pour ce qui est de la formation et du contrôle exercé, il est légitime que des restrictions supplémentaires soient imposées aux agents, tant en ce qui concerne ce qu'un fonctionnaire public peut demander que ce qu'un agent peut faire. Alors que les fonctionnaires publics pourront eux-mêmes commettre des actes prescrits dans cet amendement lorsqu'ils ne sont pas disproportionnés, les agents perdront toute immunité s'ils se lancent dans ce genre d'activités et ce sera aussi le cas des fonctionnaires de police ayant incité les agents à s'y engager.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Voyons si j'ai bien compris. Si je suis un fonctionnaire de police bénéficiant d'une immunité restreinte et si j'engage un malfrat ou si je m'associe à lui pour qu'il me fasse un certain travail, s'il se montre en fait un peu trop zélé et cause des dommages de plus de 5 000 $, je perdrais mon immunité en tant que fonctionnaire de police. C'est bien ça?

M. John Maloney: C'est la même chose pour l'agent.

M. John McKay: Disons que l'agent agit librement de son côté. Ça touche donc aussi le fonctionnaire. C'est bien là l'effet de l'amendement?

M. John Maloney: Seulement si la directive a été donnée par le fonctionnaire. Si l'agent a agi pour son propre compte, alors le fonctionnaire...

M. John McKay: Bon, s'il agit pour son compte. Toutefois si en ma qualité de fonctionnaire, je vous autorise à aller voler un véhicule et à le détruire, si les dommages se montent à moins de 5 000 $, je n'ai pas de problème. Si c'est plus de 5 000 $, j'en suis de ma poche.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC): Et ces gens ne volent pas précisément des tas de ferraille.

M. John McKay: Vous n'allez pas voler l'une des voitures de M. Toews; vous allez...

M. Paul DeVillers: Votre fourgonnette ne risque rien.

Le président: Je sais que M. Toews n'a pas de voiture.

Une voix: C'est pour votre protection.

M. Richard Mosley: Je dois reconnaître que c'est un domaine qui présente certaines difficultés.

M. John McKay: Je ne vous le fais pas dire, monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Souvenez-vous du témoignage donné par l'agent de la Communauté urbaine de Montréal et par le conseiller juridique ayant décrit le mécanisme d'emploi des agents. Le paragraphe 25.1(10), tel qu'il est formulé à l'heure actuelle, a pour but de reconnaître que l'agent peut être un malfrat, qu'il ne fait peut-être pas partie de la meilleure société, mais qu'il peut aussi y avoir des fonctionnaires qui ne sont pas couverts par l'immunité. Il peut s'agir d'un agent étranger participant à une infiltration, un membre du FBI, par exemple, que l'on fait participer à l'enquête parce qu'il connaît plus particulièrement le milieu concerné.

La difficulté vient du fait que la notion d'«agent» est très large, mais l'on a arrêté très précisément ce que pouvait faire ou non les agents. Les exemples ont été donnés au sujet du port de Montréal.

Nous cherchons très clairement dans ces amendements à faire en sorte que l'agent comprenne bien tout d'abord, dans la motion qui vient d'être adoptée, qu'il agit sous la directive expresse—il n'y a pas d'ambiguïté concernant ce qu'on lui a dit de faire—du fonctionnaire habilité à procéder ainsi, en l'occurrence un fonctionnaire public désigné et non pas simplement n'importe quel fonctionnaire...

L'interprétation du projet de paragraphe 25.1(10) a soulevé des inquiétudes car on avait peur que l'on puisse penser qu'une erreur de fait puisse venir s'appliquer. La motion actuelle s'efforce d'aller plus loin et de restreindre davantage l'action de l'agent que celle du fonctionnaire public. Il ne s'agit pas par là d'accroître la responsabilité du fonctionnaire public qui dirige l'action de l'agent, mais de limiter la portée de l'action que peut entreprendre l'agent dans ces circonstances.

• 2040

Je ne suis pas sûr que cela réponde à vos préoccupations, mais si les dommages dépassent 5 000 $ et qu'ils ont été causés par inadvertance—s'il ne s'agit pas d'un acte délibéré ou commis par négligence—le fonctionnaire n'est pas concerné. Toutefois, s'il a demandé à l'agent de ne pas s'en tenir au cadre de cette disposition, alors oui, il a excédé les pouvoirs qui lui étaient conférés et il perdra la protection qu'il aurait pu avoir. Il partagera par conséquent la responsabilité éventuelle de l'agent à qui il a demandé d'aller trop loin.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Je m'inquiète de voir que l'on impose de telles limites. Ce sont des limites très artificielles parce que je sais ce qui va se passer dans la réalité. Quelqu'un va imaginer le moyen de tourner ce système.

Je cherche plutôt à savoir si c'est un objectif légitime d'application de la loi plutôt que de me demander si les dommages se montent bien à 5 001 $. Lorsqu'un bien est détruit, je m'inquiète pour la protection du citoyen et je veux être sûr qu'il y ait une indemnisation s'il s'agit d'un véhicule d'une tierce partie innocente—comme la fourgonnette de M. McKay. Nous souhaitons apporter un amendement sur cette question plus loin dans le projet de loi, de sorte que rien n'empêche un citoyen, une tierce partie innocente, de demander une telle indemnisation.

Je ne comprends pas que l'on ait prévu un seuil de 5 000 $ s'il y a à la base des raisons légitimes visant à faire respecter la loi. L'indemnisation reste toujours possible, que la somme se monte à 4 000 $, 4 500 $ ou 6 000 $. Ce genre de restriction ne fait que compliquer les choses et crée, à mon avis, une atmosphère très artificielle.

Sans avoir réfléchi à la question, j'ai du mal à voir ici comment on va effectivement appliquer cette disposition, mais est- ce que le citoyen sera scandalisé si les dégâts se montent à 4 500 $ ou à 5 500 $? Non, on est outré lorsqu'un agent de police agit d'une manière qui n'apparaît pas légitime compte tenu des objectifs de l'application de la loi. Je me demande donc quel...

Je peux appuyer une grande partie cet amendement, mais pas la disposition impliquant des dommages «de plus de cinq mille dollars» parce que cela me paraît quelque peu artificiel. Si le gouvernement veut procéder ainsi et si les agents de police sont contents de cette disposition, très bien, mais ça me paraît illogique.

Cela s'apparente à l'ancienne définition du Code criminel. Je ne sais plus quel est le montant à l'heure actuelle, mais lorsque j'étais chargé des poursuites il y a des années, si la somme était inférieure à 200 $, il y avait infraction sommaire, et si elle était supérieure à 200 $, il y avait acte criminel. Ici, jusqu'à 4 999 $, il n'y a pas d'infraction criminelle, mais si la somme se monte à 5 001 $, c'est bien un acte criminel. Ça me paraît illogique. Peut-être quelqu'un pourra m'expliquer la chose.

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Je dirai pour commencer que c'est l'inflation qui en est la cause.

Des voix: Oh, oh!

M. Richard Mosley: C'est pourquoi le seuil de 200 $ que vous évoquez est désormais de 5 000 $. Dans le code, c'est devenu la ligne de démarcation entre ce que l'on considère comme une infraction vénielle et ce qui est jugé une infraction grave contre la propriété.

Malheureusement, il n'y a pas de terminologie pratique dans ce genre de situation. Si nous parlons «d'une perte, d'une destruction ou d'un dommage grave causé à un bien», les tribunaux auront des difficultés à voir de quoi il en retourne. Aucune disposition du code ou des lois ne permet aux tribunaux d'établir cette distinction.

• 2045

Vous avez donc raison, c'est une ligne de démarcation arbitraire. C'est un effort qui est fait en vue de mieux guider les fonctionnaires publics désignés et leurs agents, en ce sens qu'ils pourront avoir à commettre un acte dans le cadre de leur enquête qui cause des dommages à un bien, sans qu'ils soient autorisés cependant à aller démolir le véhicule ou la maison d'un tiers, par exemple.

M. Vic Toews: Disons donc, monsieur Mosley, si j'ai bien compris le scénario, que l'un des dirigeants d'une bande organisée demande à un agent de police de s'adjoindre quelqu'un pour aller démolir la Mercedes-Benz de M. McKay.

M. John McKay: Après cette augmentation, c'est ce que je vais m'acheter.

Des voix: Oh, oh!

M. Vic Toews: L'agent vient vous dire que c'est un rite initiatique. On lui dit qu'il est autorisé à démolir la Mercedes, mais qu'il doit y aller doucement. C'est tout à fait illogique. Le fonctionnaire de police se retrouve désormais coincé dans une situation intenable. Étant donné qu'il ne veut pas perdre sa couverture, il lui faut espérer que le malfrat ou l'agent étranger qu'il a engagé pour démolir cette voiture ne cause pas des dégâts de plus de 5 000 $. N'est-ce pas là une distinction artificielle? Pourquoi fait-on cette distinction?

Si nous faisons confiance à la police et si nous estimons qu'il s'agit d'une opération légitime, pourquoi mégoter sur les dollars à condition que le propriétaire de la Mercedes—en l'occurrence M. McKay, après son augmentation—soit... soit justement indemnisé. Voilà la question que je me pose.

Le président: Monsieur Peter MacKay, l'homme à la Mercedes.

M. Peter MacKay: Je conduis une vieille Jeep.

Le président: Je le sais bien. Je la prends pour aller dans les Maritimes.

M. Peter MacKay: Ils peuvent toujours me casser ma voiture, j'imagine.

Des voix: Oh, oh!

M. Peter MacKay: Je suis tout aussi troublé par la chose. Il semble bien que ce soit une infraction arbitraire. J'ai dû pratiquer le droit à une date plus récente que M. Toews, parce que je savais que l'on était passé à 5 000 $. Toutefois, ça reste arbitraire parce que cela fait penser un peu à ces réparties cocasses que l'on entend dans les films: «Très bien, débarrassez- vous de cette voiture, mais assurez-vous que c'est une Lada!»

Une voix: Si c'est un agent russe.

M. Peter MacKay: Oui, si c'est un agent russe.

De la même manière, vous pouvez voir à l'alinéa b) une situation quelque peu bizarre parce que rien n'autorise un fonctionnaire public à inciter quelqu'un à se mettre dans une situation susceptible d'impliquer de la violence.

Là encore, je ne pense pas qu'on devrait l'indiquer, parce que j'imagine que c'est ce que l'agent va penser de toute façon. Il ne va pas faire usage en partie de sa désignation... la personne qu'il utilise dans ce scénario ne va certainement pas être intentionnellement amenée à causer un dommage corporel à quelqu'un. C'est déjà explicitement indiqué. Pourquoi vouloir en fait l'indiquer à nouveau?

M. Richard Mosley: Non, ce n'est pas le cas, si je puis me permettre. Malheureusement, c'est une préoccupation qui découle du projet de paragraphe (10) tel qu'il est formulé à l'heure actuelle.

On peut concevoir qu'une personne devienne l'agent d'un fonctionnaire de police et que, sur les directives de ce fonctionnaire, elle fasse preuve de violence envers un tiers. Cette motion a pour objet de s'assurer que la portée du pouvoir conféré à l'agent—et il ne s'agit pas du fonctionnaire, mais de l'agent—ne s'étende pas au recours à la violence.

Là encore, c'est une question de politique des pouvoirs publics. Est-ce que l'on veut que, dans ces circonstances, des agents soient habilités à aller infliger des dommages corporels à quelqu'un sur les directives d'un fonctionnaire? On s'est efforcé d'établir des limites un peu plus précises.

M. Peter MacKay: J'ai l'impression d'être un peu dépassé parce que j'étais naturellement parti du principe que les fonctionnaires de police n'allaient pas aller désigner un agent pour lui demander d'infliger un dommage corporel ou de faire preuve de violence envers un tiers. Vous avez raison, ces fonctionnaires pourraient se retrouver dans une situation les obligeant à contrôler quelqu'un par la force ou pire encore, mais c'est là encore contraire à toute pensée cartésienne. Est-ce qu'il faut tout mettre par écrit?

• 2050

M. Richard Mosley: Je dois avouer que je me retrouve effectivement en train d'aller à l'encontre de mes thèses sur cette dernière disposition.

Des voix: Oh, oh!

M. Bill Blaikie: Nous commencions à le remarquer.

M. Richard Mosley: Toutefois, c'est un sujet qui cause davantage d'inquiétude.

S'il s'agit d'un fonctionnaire public, il y a un régime disciplinaire en place. Des moyens de contrôle exceptionnels sont prévus sur la plupart des fonctionnaires qui seront autorisés à exercer ce pouvoir. À l'exception du droit pénal, rien ne permet vraiment de contrôler les agents. La difficulté à laquelle nous cherchons à remédier, à mon avis—et je dois porter au crédit de M. Owen le fait d'avoir soulevé le premier ce problème dans une question posée à des témoins de Montréal, mais l'Association canadienne des commissions de police nous en avait aussi parlé—c'est que lorsqu'on a rédigé le projet de paragraphe (10), on envisageait la possibilité qu'un agent puisse outrepasser les pouvoirs délégués par un fonctionnaire public et faire état ensuite d'un malentendu ou d'une erreur sur les faits: «Je croyais que le fonctionnaire m'avait dit que je pouvais attaquer cette personne» ou «Je croyais que le fonctionnaire m'avait dit que je pouvais démolir cette voiture». Cette motion vise à redonner un meilleur contrôle sur les agents.

Le président: J'aimerais mettre la question aux voix. Nous traitons ici de l'amendement G-3A du gouvernement et je procéderai à un vote inscrit de façon à ce que tout soit bien clair.

M. John McKay: Levez les mains, ceux qui comprennent pour quoi ils votent.

(L'amendement est rejeté par 9 voix contre 6—[Voir le Procès- verbal])

Le président: Je passe maintenant à l'amendement CA-2 de l'Alliance canadienne.

Monsieur Toews.

M. Vic Toews: En substance, j'ai apporté cet amendement pour éviter que lorsque nous autorisons les fonctionnaires de police à commettre en fait des actes illégaux, nous laissions entendre que les tierces parties innocentes n'ont plus de possibilité de recours civils. Nous ne changeons absolument pas la loi; nous nous contentons de préciser bien clairement que si les citoyens disposaient d'une possibilité de recours civil avant l'adoption des articles proposés, rien n'avait changé. Nous maintenons pour les tierces parties innocentes le droit d'intenter un recours si elles en ont le droit à l'heure actuelle. Nous ne faisons que préciser les choses.

Je conçois que l'on peut se retrouver dans des domaines du droit provincial. C'est pourquoi je ne pense pas que l'on puisse aller plus loin que cela avec cet amendement. Il s'agit cependant de préciser tout simplement que le droit pénal ne cherche pas à modifier le droit civil provincial.

Le président: Tous ceux qui sont pour...?

M. John Maloney: Pouvons-nous en discuter?

Le président: Allez-y, monsieur Maloney.

• 2055

M. John Maloney: Je me demande bien ce que l'on entend par «innocentes». Je ne pense pas que l'on ait défini ce terme en droit civil ou en droit pénal et je me demande de toute façon si le Parlement fédéral est compétent. Il est certain que lorsque je m'y trouvais, il y avait là une compétence provinciale.

Je dirais que le fonctionnaire continue à bénéficier d'un moyen de défense en matière civile et que le ministère public n'encourt pas de responsabilité du fait d'autrui. C'est pourquoi je m'opposerai à la motion.

Le président: Madame Allard.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Personnellement, je veux expliquer à Vic pourquoi je suis contre. J'ai l'impression qu'on ne devrait pas avoir besoin de le préciser. Si les droits civils d'une personne... Au Québec, on a le droit civil. Je suis mal à l'aise parce que je me demande pourquoi on devrait le mentionner spécifiquement. Je crois que les droits d'une personne doivent apparaître à leur face même. On ne l'exclut pas ailleurs. Pourquoi est-ce qu'on l'inclurait là?

[Traduction]

Le président: Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Je pense que nous le faisons. Lorsque nous disons qu'un fonctionnaire de police est en fait autorisé à agir de telle ou telle manière en droit pénal, comment se fait-il que les agissements qui viennent d'être exonérés puissent donner droit à un recours en matière civile, même si cela relève de la compétence provinciale?

Il ne faut pas oublier que le droit pénal peut remettre en cause les droits que nous exerçons dans une province s'il vient contredire les dispositions du droit civil dans la province.

Si aujourd'hui, par exemple, nous pouvons intenter des poursuites contre le malfrat qui a volé la Mercedes-Benz et l'a démolie, comment va s'appliquer alors l'article disposant qu'un fonctionnaire de police ou qu'un fonctionnaire public peut autoriser cette personne à le faire. Nous prévoyons alors une exonération qui écarte la responsabilité civile en raison de cette disposition légale.

Par conséquent, si vous réussissez à convaincre le comité, si vous pouvez nous dire ici aujourd'hui que vous êtes convaincu que cette disposition ne remet pas en cause les droits civils d'une personne dans le cadre de poursuites en matière civile, je n'irai pas plus loin. Toutefois, je sais que la première chose qui va se passer lorsqu'une ville—et ce ne sera pas le gouvernement fédéral, mais une ville dans laquelle un fonctionnaire de police aura effectivement autorisé la chose. Des poursuites vont alors être intentées contre la ville, le fonctionnaire de police sera poursuivi et il va se contenter de rétorquer: «J'agissais en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la loi, vous n'êtes pas compétent pour m'intenter des poursuites et votre cause doit être rejetée.»

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Vic, pourquoi ne pourrait-on pas laisser les tribunaux juger sur le premier cas? Je pense qu'on n'a pas de jurisprudence. On devrait donc laisser une victime intenter une action et, à ce moment-là, le juge aura à se prononcer sur l'immunité des policiers ou non. Laissons les événements agir, et on verra dans les années à venir si les tierces parties ont des droits ou non.

[Traduction]

Le président: John McKay.

M. John McKay: Je dois avouer que je commence à m'attacher à cette Mercedes.

La question bien simple est la suivante: est-ce que l'amendement de M. Toews est superfétatoire ou est-ce qu'il y a dans ce projet de loi des dispositions dérogatoires qui empêchent les tiers d'intenter des recours en matière civile?

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Je pense, et je crois que ça a été dit lors d'une séance du comité par un de mes collègues, que ce mécanisme justifie l'action du fonctionnaire ayant causé le préjudice. Ce fonctionnaire ne sera donc plus responsable de ses agissements. Nous considérons que le gouvernement ayant employé ce fonctionnaire n'encourra aucune responsabilité du fait d'autrui.

• 2100

La situation ainsi créée ne nous permet donc pas de dire qu'un recours civil pourrait être intenté avec succès au nom d'une tierce partie, innocente ou non. Pour ce qui est de l'innocence, si les tribunaux devaient interpréter ce terme, j'imagine qu'ils diraient que si la personne a été accusée sans être condamnée, elle est innocente aux yeux de la loi; la présomption d'innocence s'applique. Cela peut s'appliquer à une personne qui n'est pas innocente sur le plan moral.

Il y a le problème de savoir si le Parlement fédéral est compétent lorsqu'il s'agit d'imposer des responsabilités civiles à une province ou à une municipalité en vertu du pouvoir délégué par la province. Dans le meilleur des cas, je pense que le Parlement pourrait se pencher sur la question de la responsabilité fédérale dans ces circonstances. Je prétends cependant qu'il y a un mécanisme, une procédure actuellement en place, qui fonctionne. Je sais que cela ne vous rassure peut-être pas beaucoup étant donné que l'on fait effectivement appel à un pouvoir discrétionnaire. C'est le programme d'indemnisation à titre gracieux. Je suis sûr que M. Scott, qui a été solliciteur général, se rappelle que l'on fait régulièrement des paiements à des personnes dont les biens ont été endommagés par la GRC alors qu'il n'y a aucune responsabilité en droit exigeant que la GRC, ou le gouvernement du Canada, verse de tels dommages-intérêts devant une cour de justice.

C'est donc un mécanisme qui fonctionne. Les gouvernements sont conscients de leurs responsabilités. L'avantage de cette solution c'est, bien entendu, de conférer aux gouvernements un pouvoir d'appréciation selon les personnes à qui ils ont affaire. Si l'on insère ces dispositions dans la loi, il va falloir débattre pour savoir si elles vont effectivement s'appliquer aux provinces. Je peux vous dire que si l'on cherchait à recourir à ce genre de mesure, il y a un procureur général qui très vite irait la contester afin de voir si le Parlement du Canada a les compétences constitutionnelles nécessaires.

En fin de compte—et je sais que vous aurez peut-être du mal à accepter la chose—je pense qu'il vous faut compter sur la bonne foi des responsables des services policiers en partant du principe qu'ils vont compenser le préjudice causé éventuellement dans l'exercice de leurs fonctions.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, sans vouloir faire de l'ironie, je me demande bien pourquoi nous passons tout ce temps à nous pencher sur des détails. L'homme de la rue a peur pour sa maison et pour ses biens et je pense qu'il nous faut en finir. Il nous faut trancher parce que la population veut que nous prenions des décisions et nous ne faisons que perdre notre temps.

Une voix: Vous n'êtes pas sérieux.

M. Bill Blaikie: Non, bien entendu. Je me moquais simplement de M. Toews.

Le président: Nous vous avons compris et nous allons maintenant mettre la question aux voix. Tous ceux qui sont en faveur de l'amendement CA-2?

Une voix: Je veux un vote inscrit.

(L'amendement est rejeté par 10 voix contre 5—[Voir le Procès-verbal])

• 2105

(L'article 2 modifié est adopté—[Voir le Procès-verbal])

(L'article 3 est adopté)

(Article 4)

Le président: Je vous renvoie à l'amendement G-4.

M. John Maloney: Cet amendement renvoie aux infractions commises à l'encontre des dispositions de la Loi sur les crimes contre l'humanité et de la Loi sur les crimes de guerre ainsi qu'aux changements structurels qui en découlent. Il précise par ailleurs que la liste établie à l'article 183 du Code criminel se veut non exclusive. On veut ainsi pouvoir corriger une omission survenant par inadvertance.

(L'amendement est adopté)

(L'article 4 modifié est adopté)

(Les articles 5 à 10 inclusivement sont adoptés)

(Article 11)

Le président: Nous en sommes à l'amendement BQ-7.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je veux tout simplement ajouter les mots «ou d'un journaliste».

Je crois, et ça semble être aussi l'avis de plusieurs autres personnes, que les journalistes détiennent un pouvoir important, peut-être même plus important que celui de bien des députés de la Chambre des communes ou de l'Assemblée nationale au niveau de la diffusion de l'information. Au Québec, le journaliste Michel Auger avait fait une série d'articles sur le crime organisé et il a été tiré à bout portant par quelqu'un du crime organisé. C'est sans doute la preuve hors de tout doute que les journalistes, lorsqu'ils font un travail d'enquête sur des dossiers criminels qui impliquent le crime organisé, détiennent entre leurs mains un pouvoir excessivement important d'information et peuvent être la proie du crime organisé, qui peut tenter d'intimider le système tant judiciaire que politique en faisant des gestes à l'égard des journalistes.

Nulle part, dans le projet de loi, on ne tente de protéger ces personnes-là. Je pense que ça va de soi. Je n'ai pas besoin d'argumenter plus qu'il ne le faut sur ce sujet. Je pense que tout le monde s'est déjà fait une idée sur la protection qu'on doit ou qu'on ne doit pas accorder aux journalistes.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il des commentaires? Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Quelle est la question, monsieur le président? J'étais en train de discuter ici avec mon associé.

Le président: Excusez-moi. J'avais l'impression que vous vouliez répondre à l'explication de l'amendement donné par M. Bellehumeur.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Examinons la chose. Nous étendons la participation à l'administration de la justice à une autre catégorie de personnes, à savoir les journalistes. Quel est l'argument que l'on oppose à la thèse de M. Bellehumeur?

M. Richard Mosley: On lui oppose tout simplement le fait que les journalistes ne font pas partie des personnes associées au système judiciaire. Voilà qui n'est peut-être pas très réconfortant pour une personne ayant subi des violences en raison des enquêtes auxquelles elle a elle-même procédé. Toutefois, les journalistes ne sont pas directement associés au système judiciaire, contrairement aux personnes répertoriées en tant que participant au système d'administration de la justice.

Je proposerais au comité que s'il veut agir dans l'esprit de cet amendement, il lui faut déplacer la motion ailleurs, parce que l'amendement porte sur l'infraction et non pas sur la définition des personnes associées au système judiciaire. Si l'on veut inclure les journalistes au motif qu'ils sont en quelque sorte des acteurs de l'administration de la justice, il serait préférable d'apporter cet amendement au chapitre des définitions. Bien entendu, c'est trop tard. Ici, l'amendement est mal placé. On fait état d'un grand groupe d'intervenants au sein du système d'administration de la justice pénale et on rajoute à la fin les journalistes.

• 2110

[Français]

Le président: Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard: Merci, monsieur le président.

Ce que propose M. Bellehumeur soulève plusieurs questions. Ayant été moi-même journaliste, je pense qu'aujourd'hui, le mot «journaliste» est mal défini. Est-ce qu'on parle d'un reporter, d'un journaliste? Je pense que même les journalistes ont du mal à se définir eux-mêmes. On dit:

    423.1 (1) Il est interdit, sauf autorisation légitime, de commettre un acte visé au paragraphe (2) à l'égard d'une personne associée au système judiciaire...

On ajouterait ici: «ou d'un journaliste». Je pense qu'on mêle les choses. Je pense que l'impact de l'intimidation d'un journaliste a été beaucoup plus grand que si ça avait été fait envers une personne du système judiciaire. Au Québec, des gardiens de prison ont été assassinés dans leur automobile, et on n'a pas eu le tollé que la tentative d'assassinat du journaliste Michel Auger a provoqué.

Je pense que les journalistes sont bien capables de se défendre eux-mêmes et que, comme il est difficile de définir le mot «journaliste», l'inclusion de ce mot dans la loi poserait un problème.

M. Lynn Myers: Excellent.

[Traduction]

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Monsieur le président, le projet de paragraphe 423.1(1) se réfère à l'intimidation d'un participant au système d'administration de la justice. C'est une sanction supplémentaire, une sanction spéciale, mais je pense que les journalistes et d'autres intervenants seront vraisemblablement protégés par le projet de paragraphe 423(1) qui traite précisément de l'intimidation. Je pense qu'il s'agit là d'une disposition qui chapeaute le tout et dont pourraient certainement se prévaloir les journalistes. C'est l'article 10 de la loi, qui renvoie au projet de paragraphe 423(1) du code.

Le président: Nous avons bien compris.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Merci, monsieur le président.

Je ne veux pas répondre à Mme Allard, mais je pense qu'elle a une mémoire très sélective. Lorsque les gardiens de prison se sont fait descendre par le crime organisé, il y a eu un tollé assez important. Il y a même eu une marche, à laquelle j'étais présent, autour des palais de justice et de la prison. Il y a eu un tollé extrêmement important. Il y a eu des funérailles épouvantables. Je pense que ce n'est pas correct de dire ce que vous avez dit, madame Allard.

Qu'il s'agisse d'un reporter on pas, d'un journaliste à la pige ou pas, d'un journaliste de la télévision ou pas, on parle d'un journaliste tel qu'il est défini dans un dictionnaire ordinaire, dans Le Petit Larousse, monsieur le président. La question est de savoir si on veut donner une protection particulière aux journalistes. Est-ce que j'ai mis cela au bon endroit? Moi, je pense qu'il est bien là, mais trop fort ne casse pas. On est souverains ici. Même si l'article 2 a été adopté du consentement unanime, on pourrait faire marche arrière pour inclure le mot «journaliste» à l'article 2. Sinon, je verrai à le faire à la Chambre des communes, à l'étape du rapport. La question est de savoir si on veut protéger les journalistes ou pas.

Est-il concevable que le greffier ou le gars qui dit aux gens de se lever parce que le juge est là et que la séance va commencer soit mieux protégé que le journaliste qui fait une chronique, qui est présent à la cour pour faire un résumé fidèle de tout ce qui s'y passe afin d'informer la population sur le crime organisé et d'exercer de la pression sur les hommes et les femmes politiques? C'est ce que font ces journalistes.

Vous, du gouvernement, croyez détenir la vérité ces temps-ci. Si vous croyez que les journalistes ne méritent pas une protection, c'est une autre chose. On ne perdra pas notre temps et on va passer à autre chose. Moi, je ne suis pas de cet avis. Je crois que les journalistes doivent avoir une protection particulière parce qu'ils jouent un rôle extrêmement important dans la société libre et démocratique pour laquelle nous nous sommes battus et pour laquelle nous allons continuer à nous battre.

• 2115

[Traduction]

M. Lynn Myers: Mettons la question aux voix.

Le président: Une réponse à ce sujet.

M. Richard Mosley: L'argument avancé tout à l'heure par M. Maloney au sujet de l'application de l'article 423 est important parce que les journalistes sont protégés comme le sont toutes les personnes que l'on peut chercher à intimider au sein de notre société. La distinction à faire entre l'article 423 et le projet de paragraphe 423(1) porte sur une question de sanctions. Quel est le maximum applicable dans les circonstances? Le projet de paragraphe 423(1) a été proposé en raison du fait que les personnes associées au système judiciaire sont de plus en plus soumises à des menaces ou à des mesures d'intimidation dans l'exercice de leurs fonctions.

Le fait que quelqu'un soit un simple journaliste n'a pas nécessairement quelque chose à voir avec ce travail. Il peut s'agir, comme on l'a indiqué, d'un journaliste effectuant un reportage sur une tout autre question. Si l'on dépose une accusation en vertu du projet de paragraphe 423(1) pour la seule raison qu'il est journaliste, je pense alors que les tribunaux auront bien du mal à ne pas dire que cette disposition a une portée trop générale. Il serait difficile de justifier le projet de paragraphe 423(1) avec un barème de sanctions alourdi s'appliquant à un journaliste dans ces circonstances. La protection est déjà conférée par la disposition existante dans la loi.

Le président: Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Je pense que M. Bellehumeur a un bon argument ici et, pour ce qui est de savoir si le terme de «journaliste» est trop large, on pourrait faire la même observation au sujet d'une personne «associée au système judiciaire». Toutes les personnes associées au système judiciaire ne participent pas ou ne sont pas liées à la lutte contre le crime organisé.

Je considère que les journalistes jouent un rôle bien spécial au sein de notre société. Je pense que leur rôle est fondamental pour la liberté de parole et pour les enquêtes sur le crime organisé. L'attentat commis contre ce journaliste au Québec nous le démontre et je pense que nous avons de bonnes raisons d'inclure les journalistes dans cette catégorie spéciale. On remarquera que les principaux responsables du crime organisé ne vont pas simplement s'en prendre à n'importe quel journaliste. Il est probable qu'il s'agira d'un journaliste participant à des enquêtes spéciales, de la même manière qu'ils s'en prennent aux personnes associées au système judiciaire qui participent activement à la lutte contre le crime organisé.

Je n'ai donc aucune inquiétude quant à la portée de la disposition. Je pense que le problème est le même en ce qui concerne les personnes «associées au système judiciaire» et je suis tout à fait en faveur de cet amendement.

Le président: Cela étant dit...

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Eh bien, je me demandais si l'on ne pourrait pas corriger amicalement cet amendement pour préciser qu'il doit s'agir d'un journaliste enquêtant sur le crime organisé. Il s'agirait là d'une catégorie spéciale de journaliste, n'est-ce pas?

M. Vic Toews: Nous aurions les mêmes problèmes que ceux que nous venons d'évoquer.

M. Peter MacKay: Toutefois, puisqu'il s'agit de mentionner un journaliste et que vous avez peur que cette disposition s'applique à n'importe quel type de journaliste, il s'agira là encore de prouver devant un tribunal que ce journaliste s'est placé dans une situation délicate parce qu'il faisait enquête sur une affaire jugée menaçante par une organisation criminelle. Ce critère, cette condition, cette définition, continuera à devoir être examiné par un tribunal pour que cet article puisse s'appliquer de toute façon. Il va vous falloir prouver à un juge qu'il existait des circonstances aggravantes ayant placé ce journaliste dans cette situation.

Le président: Est-ce que M. Mosley ou un autre intervenant a des commentaires à faire et veut répondre?

Monsieur Bagnell.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): J'ai deux questions à poser, la première à l'intention de M. Mosley.

Vous nous dites qu'un journaliste n'est pas une personne associée au système judiciaire mais qu'un journaliste qui couvre une affaire criminelle influence constamment la politique de la justice et qu'en rédigeant des articles sur les criminels on s'implique davantage qu'un député qui ne fait pas partie du comité de la justice ou qui ne s'est jamais occupé de la criminalité.

La question que je pose à M. Bellehumeur est la suivante: vous ne m'avez pas convaincu que les journalistes ne sont pas protégés. Vous n'avez pas indiqué dans quelle mesure ils étaient protégés par l'autre article.

• 2120

Le président: Monsieur Bellehumeur, à vous de répondre à la question.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Pour ce qui est de l'intimidation, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'indiquer qu'il s'agit des journalistes qui font la chronique au niveau du crime organisé. C'est exactement la même chose pour les députés. Est-ce qu'on indique que cela couvre uniquement les députés de la Chambre des communes qui travaillent sur un dossier touchant le crime organisé? C'est la même chose. Si le crime organisé nous fait du chantage ou de l'intimidation, ce n'est pas parce qu'on parle des espèces en voie de disparition à la Chambre des communes. Je pense que c'est la même chose. Je serais étonné que le crime organisé fasse des menaces aux journalistes sportifs. Je pense qu'on n'a pas besoin de préciser que c'est relié au crime organisé, au même titre que pour les membres de la Chambre des communes ou du Sénat.

Pour ce qui est de convaincre le gouvernement, je vous dis que les journalistes détiennent un pouvoir extrêmement important dans un système démocratique comme le nôtre. Bien souvent, c'est grâce à des articles dans les journaux que des choses sont reprises en politique, qu'on fait avancer des dossiers, qu'on fait bouger des choses. Ce n'est pas par hasard que Michel Auger a été tiré par les gens du crime organisé. C'est parce qu'il dérangeait. C'est parce que le crime organisé voulait passer par un journaliste pour tenter d'intimider la classe politique et la classe judiciaire.

Si on veut protéger les greffiers, je pense qu'on devrait protéger... Ce n'est pas parce qu'ils ne font pas un bon travail. Ils font un excellent travail, mais je pense que les greffiers ou les gardiens qui disent aux gens de se lever et de s'asseoir sont beaucoup moins susceptibles d'être intimidés que les journalistes.

Si vous ne comprenez pas ma démarche, je ne peux pas vous l'expliquer différemment. Si je ne vous convaincs pas de cette façon, je ne sais pas quoi vous dire. Les journalistes détiennent le troisième pouvoir, et tout le monde le sait. La question est de savoir si on doit les protéger ou pas. C'est ça, la question. Pour le reste, adoptons cet amendement, et je me charge de proposer, à l'étape du rapport, la modification qui sera le pendant de l'article précédent. Le gouvernement l'a déjà fait avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Je devrais être capable de le faire également pour un article.

[Traduction]

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Est-ce que nous pouvons avoir le consentement unanime...

M. Larry Bagnell: J'invoque le Règlement. On n'a pas répondu à ma deuxième question. Monsieur Mosley.

Le président: Monsieur Mosley, excusez-moi.

M. Richard Mosley: Pourriez-vous me répéter la question?

M. Larry Bagnell: La seule raison que vous avez donné pour rejeter cet amendement, c'est que les journalistes ne sont pas associés au système judiciaire. Un journaliste qui rédige des articles sur les criminels et le crime organisé ne s'implique-t-il pas davantage, par exemple, qu'un député qui ne siège pas au sein de ce comité ou ne traite pas des questions liées à la criminalité?

M. Richard Mosley: Je ne conteste pas que de nombreux journalistes, une bonne partie, peut-être, rédigent en fait des articles sur le crime organisé—sur toutes sortes de crimes. Il y a toutefois bien d'autres journalistes qui ne le font pas.

Si vous adoptez cet amendement, vous étendez la portée d'une disposition particulière, qui est adoptée pour une raison bien précise—faire en sorte que le système judiciaire offre un peu plus de sécurité. Vous étendez cette protection à quelqu'un qui rédige des articles sur les entreprises dans une revue d'affaires.

Le terme «journaliste» a une portée bien trop large. Il ne couvre peut-être pas une personne comme Yves Lavigne. Est-ce qu'Yves Lavigne est un journaliste? Il est l'auteur d'un certain nombre d'ouvrages, mais à peu près personne dans notre pays n'a rédigé autant d'articles que lui sur les bandes de motards. Pourrait-on lui appliquer ce terme? Je n'en sais rien.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est la même chose pour les députés.

[Traduction]

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Ne serait-il pas préférable d'obtenir un consentement unanime pour revenir en arrière et réinscrire cet amendement là où il doit l'être, quel que soit l'endroit? Si M. Bellehumeur pouvait se taire un peu... J'essaie de vous aider.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je vous écoute.

[Traduction]

M. Ivan Grose: Obtenir un consentement unanime pour revenir en arrière et replacer cet amendement là où il doit se trouver; j'ai oublié à quel endroit exactement. M. Bellehumeur est un membre éminent de notre comité; c'est un bon orateur, il nous traite avec civilité, il est toujours poli et je pense qu'il serait temps de lui donner quelque chose en retour.

M. John McKay: Lui montrer la porte.

• 2125

Le président: Disposons-nous d'un consentement unanime pour revenir à...? Non, nous ne l'avons pas. Très bien.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: J'ai une question.

[Traduction]

Le président: Le consentement unanime a été refusé. Je tiens simplement à ce que ce soit précisé à l'intention de M. Myers.

Une voix: Elle veut poser une question.

Le président: Je sais. Nous passons maintenant à autre chose. C'est tout.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Avant de donner mon consentement, je veux poser une question.

Monsieur Mosley, on inclut ici les journalistes; on leur donne une protection. Si on les inclut dans cet article, est-ce que quiconque va intimider un journaliste ou attenter à sa vie sera passible d'une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans?

Dans la disposition où ils sont actuellement protégés contre l'intimidation, quelle est la peine associée à cela? Cinq ans? Si on ajoute les journalistes dans cette disposition-ci, les tentatives de meurtre contre eux deviendront beaucoup plus graves. C'est ce que vous me dites. On donne à ces criminels 14 ans de prison au lieu de cinq. C'est ça?

[Traduction]

M. Richard Mosley: Pour intimider un journaliste. Toutefois, vous étendez largement la portée de la disposition, parce qu'elle va s'appliquer à toute mesure d'intimidation prise contre un journaliste, qu'il ait à voir ou non avec le domaine visé par cette disposition spéciale, à savoir, l'administration de la justice.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Ne pourrait-on pas les appeler les représentants des médias? Ça pourrait aussi être un caméraman.

M. Michel Bellehumeur: Les chances sont très minces que ce soit le cas.

Mme Carole-Marie Allard: Eh bien...

[Traduction]

Le président: Pour préciser clairement où nous en sommes...

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Le caméraman qui a filmé...

[Traduction]

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais préciser clairement où nous en sommes.

M. Grose a proposé que l'on recueille un consentement unanime pour replacer l'amendement de M. Bellehumeur à la place recommandée tout à l'heure par M. Mosley.

Une voix: D'accord.

Le président: Ce consentement unanime a été refusé à ce moment-là. Cela dit, des faits nouveaux sont apparus. Je demande donc—à nouveau et pour la dernière fois—le consentement unanime des députés afin que l'on puisse insérer l'amendement de M. Bellehumeur à un endroit différent du projet de loi, ce qui nous amènerait à revenir sur des dispositions que nous avons déjà examinées. Est-ce que l'on donne ce consentement?

Le consentement est refusé. Très bien, alors, la question est réglée.

M. Vic Toews: Passons maintenant au vote.

Le président: J'aimerais que l'on vote sur l'amendement, tel qu'il se présente actuellement.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Avant que nous votions, je veux revenir sur une chose qu'a déjà dite M. Mosley, à savoir que le cas est déjà visé par l'article traitant de l'intimidation. Il serait donc superflu, à mon avis, de voter en faveur de cet amendement. Je pense qu'on nous a bien fait comprendre que nous ouvririons une boîte de Pandore en étendant cette disposition à cette catégorie de personnes. J'invite les membres du comité à voter contre cette disposition pour les raisons qui s'imposent.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je vais distribuer la liste aux journalistes demain. Un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Mme Carole-Marie Allard: Je m'objecte aux menaces de M. Bellehumeur. Je trouve que ça, c'est de l'intimidation.

[Traduction]

Une voix: C'est de l'intimidation.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Ça, c'est de l'intimidation et je voudrais qu'il retire ses paroles.

[Traduction]

M. Vic Toews: Réexaminons l'article et insérons ces dispositions.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Non, mais je trouve que c'est de l'intimidation.

[Traduction]

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Il est encore tôt. Il n'est que 9 h 30. Nous sommes loin d'en avoir fini. Nous avons demandé un vote inscrit et nous passons au vote.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

• 2130

Le président: L'amendement suivant est répertorié sous la cote G-5.

M. John Maloney: Cet amendement corrigerait sur un point de détail le projet de paragraphe 423.1(1).

Le président: Attendez un instant, s'il vous plaît, monsieur Maloney.

L'amendement G-5 ne peut être examiné étant donné qu'il renvoie à la même ligne que l'amendement BQ-7 qui a été proposé. Si tout le monde me comprend bien, on ne peut examiner l'amendement G-5 étant donné qu'il porte sur les mêmes lignes.

(L'article 11 modifié est adopté)

(Les articles 12 à 18 inclusivement sont adoptés)

(Article 19)

Le président: Je passe maintenant à l'article 19 et à l'amendement BQ-8.

M. John Maloney: Monsieur le président, pouvez-vous nous réexpliquer pour quelle raison nous avons déclaré non recevable l'amendement G-5?

Le président: Nous ne pouvons pas examiner deux amendements portant sur la même ligne.

M. John Maloney: De quelle ligne parlez-vous en fait? Le conseiller pourrait peut-être nous donner un peu plus de détails.

Le président: La greffière peut-elle confirmer la chose?

Mme Susan Baldwin (greffière du Parlement): Il s'agit de la ligne 45 à la page 17.

M. Vic Toews: Pourquoi donc voulez-vous un consentement unanime?

M. John Maloney: Je ne demande pas un consentement unanime. Je voudrais qu'on m'explique pour quelle raison on estime que cet amendement a déjà été examiné.

Le président: Il demande pour quelle raison l'amendement n'est pas recevable.

M. John Maloney: Si l'amendement G-5 n'a même pas été déposé, comment pouvez-vous le bloquer?

Mme Susan Baldwin: Il y a une règle générale au sein des comités qui veut qu'on ne peut amender qu'une seule fois la même ligne d'un projet de loi.

M. John Maloney: Il s'agit donc d'être le premier à proposer l'amendement?

Mme Susan Baldwin: Oui.

M. John Maloney: Merci pour cette explication.

Le président: Très bien.

M. Vic Toews: Nous pourrions procéder par consentement unanime, toutefois.

M. John Maloney: Je ne veux même pas le demander. Nous reviendrons sur la question au stade du rapport.

Le président: Nous allons maintenant examiner l'amendement de M. Bellehumeur—l'amendement BQ-8.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Je ne me fais pas d'illusions. Je n'aurai pas deux victoires de suite.

C'est un amendement qui est souhaité, entre autres, par la Fédération des policiers et policières du Québec, dont les représentants sont venus témoigner. Il s'agit d'un renversement de preuve au niveau des biens et des produits provenant de sources illégitimes. Cela vise le crime organisé, entre autres ceux et celles qui roulent en Mercedes et vivent dans un château de 300 000 $, et qui déclarent un revenu de 25 000 $ par année. Il y a un petit problème.

Selon la prépondérance des probabilités, ce serait à eux de démontrer que les biens proviennent de sources légitimes.

• 2135

Je pense que beaucoup d'encre a coulé sur ce sujet, et les policiers, entre autres, souhaitaient une telle modification.

[Traduction]

Le président: Monsieur Toews.

M. Vic Toews: J'ai effectivement des réserves à ce sujet, et cela vient peut-être du souci que j'ai en général de protéger la propriété. Je n'aime pas voir des criminels amasser des fortunes et ne pas payer d'impôts, mais j'ai des inquiétudes ici. Si je comprends bien la portée de l'amendement, un corps policier ou un organisme du gouvernement pourrait venir me prendre ma maison en alléguant tout simplement que c'est le fruit d'une activité criminelle, parce que personne ne pourrait être assez économe comme je l'ai été pour ramasser un demi-million ou trois quarts de millions de dollars, que je n'ai pas d'ailleurs.

M. John McKay: Je suis heureux que vous l'ayez précisé.

M. Chuck Cadman: Mais vous les aurez après cette augmentation.

M. Vic Toews: On pourrait saisir ma maison et me dire qu'elle est le produit d'activités criminelles, ce qui m'obligerait par conséquent, en faisant appel à la prépondérance des preuves, à démontrer que ce n'est pas le cas. Je pense que l'État doit avoir le fardeau, du moins en fonction de la prépondérance des preuves, de prouver qu'il existe un certain lien entre cette maison et le produit du crime organisé. Je me demande quelles seraient les répercussions d'un tel amendement, parce que si c'est simplement pour donner au gouvernement le moyen arbitraire de saisir les maisons des citoyens sans avancer des arguments raisonnables, je ne pense pas pouvoir être d'accord.

Le président: Monsieur Mosley, avez-vous un commentaire à faire?

M. Richard Mosley: Oui. Vous m'excuserez, mais je pense que cet amendement irait à l'encontre du but recherché. Lisez avec soin les paragraphes 462.37(1) et 462.37(2) de la loi, vous verrez que le tribunal ne peut prononcer une telle ordonnance que lorsqu'il possède des preuves hors de tout doute raisonnable. Il suffit que le propriétaire présumé du bien démontre qu'il y a un doute raisonnable pour que la requête présentée par l'État soit rejetée. Cet amendement aurait pour effet d'alourdir la charge de la preuve en faisant appel au critère de la prépondérance des preuves.

Le président: D'autres commentaires ou d'autres questions?

(L'amendement est rejeté—[Voir le Procès-verbal])

(Les articles 19 à 26 inclusivement sont adoptés)

(Article 27)

Le président: Le premier amendement est l'amendement G-6.

M. John Maloney: Monsieur le président, cet amendement étendrait la définition des organisations criminelles aux organisations dont les effectifs se situent en totalité ou en partie à l'extérieur du Canada.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je voudrais simplement que l'on prenne acte dans notre procès-verbal que je remercie le gouvernement d'avoir agi comme il l'a fait. Je pense que cet amendement fait suite à une question que j'ai posée pour représenter la population de Vancouver. Je vous remercie.

M. John Maloney: Monsieur Cadman, nous sommes tous prêts à accueillir les critiques constructives.

Le président: Monsieur Toews, est-ce que nous pouvons nous attendre à la même chose? Allez-y.

M. Vic Toews: Je remercie effectivement le gouvernement. Je considère que c'est un bon amendement mais, quant à ses répercussions, comment allons-nous alors établir la compétence des tribunaux canadiens? Est-ce que l'on va pouvoir procéder comme on le fait normalement et est-ce que cela ne va pas compliquer la question des compétences?

M. Richard Mosley: Le tribunal sera compétent parce que l'infraction commise aura un lien étroit avec le Canada.

• 2140

M. Vic Toews: C'est donc sur cette base que l'on va établir la compétence, sur le fait que l'infraction a un lien substantiel avec le Canada, indépendamment du fait qu'il n'y a que deux ou trois personnes sur son territoire ou à l'extérieur.

M. Richard Mosley: C'est exact.

M. Vic Toews: À partir du moment où le tribunal est convaincu que l'infraction a un lien substantiel avec notre pays, les tribunaux canadiens sont compétents.

M. Richard Mosley: C'est bien ça.

M. Vic Toews: Je vous remercie.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

Le président: Nous passons maintenant à l'amendement BQ-9.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ce sera très court également. J'ajoute à cet article l'appartenance à une organisation criminelle.

Vous avez sûrement entendu parler de l'infraction d'appartenance à un groupe criminel. Il semble que le gouvernement l'ait oubliée, puisqu'il a écrit:

    467.11 (1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque sciemment, par acte ou omission...

Avec notre amendement, cette disposition se lirait ainsi:

    467.11 (1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque appartient à une organisation criminelle ou qui sciemment, par acte ou omission, participe à une activité d'une organisation criminelle...

C'est la participation que je vise par cet amendement.

[Traduction]

(L'amendement est rejeté)

(L'article 27 modifié est adopté)

(Les articles 28 à 30 inclusivement sont adoptés)

(Article 31)

Le président: L'article 31 fait l'objet de l'amendement G-7.

M. John Maloney: C'est un amendement de pure forme. On remplace dans la version anglaise la référence erronée à «une» infraction au sein de la catégorie d'infractions effectivement mentionnées par cette disposition, à savoir les actes criminels.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

Le président: On passe maintenant à l'amendement G-8.

M. John Maloney: Là aussi, c'est un amendement de pure forme. On reprend la correction établie par l'amendement précédent et on l'étend à la version française de l'alinéa 490.2(3)a) du Code criminel en remplaçant l'expression «d'une infraction» par «de l'acte criminel».

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

(L'article 31 modifié est adopté)

(Les articles 32 à 45 inclusivement sont adoptés)

(Article 46)

Le président: L'article 46 fait l'objet de l'amendement G-9.

M. John Maloney: Cet amendement exigerait que le Parlement revoie les articles 25.1 à 25.4 dans un délai de cinq ans à compter de leur promulgation.

Le président: Je pense qu'il va y avoir ici des commentaires.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Je ne m'oppose pas ici au principe de l'amendement, mais j'ai quelques difficultés à accepter le délai. Si ça se fait dans cinq ans, cela signifie que le Parlement actuel ne se penchera pas sur sa propre loi. Je voudrais proposer au gouvernement d'envisager un délai plus court, éventuellement de l'ordre de trois ans, pour que le Parlement réexamine sa propre loi au cours de la présente législature sans reporter l'exporter l'examen de ses péchés à la prochaine.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je pense qu'il y a une explication pratique. Nous estimons qu'il nous faudra attendre cinq ans avant de disposer de suffisamment de données et d'une jurisprudence nous permettant de bien évaluer le fonctionnement de ce système dans la pratique.

Le président: Monsieur Toews.

M. Vic Toews: Je pense qu'il s'agit là en fait d'une proposition intéressante de M. McKay, qu'il faut raccourcir ce délai, parce que j'ai entendu nombre d'entre nous émettre précédemment certaines préoccupations.

M. McKay a raison. Si nous nous trompons ce soir et si nous bâclons ce projet de loi, nous avons l'obligation d'y remédier. En remettant la chose dans cinq ans, nous demandons en fait à quelqu'un d'autre de faire le travail à notre place. Cette proposition me paraît donc très sage. Il serait bon de prévoir un délai de deux à trois ans.

• 2145

Je pense que l'on ne manquera pas de voir très vite si tout se passe bien ou si nos préoccupations sont justifiées. Au cas où l'on parviendrait à s'entendre, M. McKay a parlé d'un délai de trois ans. Ça me convient.

Le président: Paul.

M. Paul DeVillers: Je pense que la proposition est bonne, mais qu'elle n'est pas pratique. Si nous envisageons un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, nous n'aurons pas de toute façon le temps d'étudier la question avant la dissolution du Parlement. Par conséquent, même si l'idée me paraît très bonne, un délai de deux ans ne nous laisserait pas assez de temps pour évaluer un nombre suffisant d'opérations et évaluer vraiment la situation. Je ne sais donc pas si cela peut se faire dans la pratique.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je crains, monsieur le président, que les dégâts qu'évoque M. Toews ne puissent pas se produire dans un délai de trois ans. S'il en est ainsi, nous aurons laissé passer cette possibilité et ce n'est certainement pas l'intention de notre comité. Étant donné la durée de la procédure devant les tribunaux lorsqu'on remonte jusqu'à la Cour suprême, je pense qu'un délai de trois ans est un peu court; cinq ans, c'est probablement ce qu'il y a de mieux.

Le président: Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Je dirais, pour répondre à M. Maloney, que si nous n'avons pas suffisamment de données dans trois ans ou si nous avons la chance que tout marche comme sur des roulettes, pas de problème. Le comité qui se chargera d'examiner la loi nous présentera ses félicitations. Le risque, c'est que dans trois ans il y ait une autre contestation devant la Cour suprême, ce que je crains fort, ou que tout n'aille pas pour le mieux, malheureusement, et qu'il y ait des abus. Nous aurons au moins la possibilité, comme l'indique M. McKay dans son amendement, de faire en sorte que tous les gens assis autour de cette table prennent leurs responsabilités et puissent examiner la situation et faire le nécessaire pour y remédier. Pourquoi nous décharger de cette responsabilité sur le dos de la prochaine législature alors qu'il est très peu probable que ceux qui se sont chargés de la chose auront encore la possibilité d'assumer leurs responsabilités et de régler la situation?

Le président: Madame Sgro.

Mme Judy Sgro: Pour ce qui est de ce délai de trois ans, monsieur le président, même si on n'a pas un grand nombre d'affaires à nous signaler—il faut l'espérer—il s'agit là d'un mécanisme plus strict que les rapports annuels qui nous donnent un peu plus l'impression de rendre des comptes. Cela signifie que tout le monde devra assumer ses responsabilités, et pas seulement de notre côté, mais de l'autre côté aussi, pour ce qui est de la supervision de la loi.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

J'appuie l'idée de M. McKay, parce que je pense qu'un certain nombre de choses que nous avons entendues, les préoccupations exprimées, vont très vite se matérialiser. Je suis d'accord pour dire que si rien ne cloche dans trois ans, nous pourrons toujours reporter l'examen d'un an ou deux. Je pense qu'il nous faut revoir la chose.

Le président: Paul.

M. Paul DeVillers: Nous parlons ici d'un réexamen obligatoire. Rien n'empêche que l'on procède à un réexamen. Si nous constatons que des difficultés se produisent à l'avenir, on peut toujours procéder à un réexamen. Toutefois, cette loi n'entrera pas en vigueur avant la fin de la première année de ce mandat. Si l'on attend encore trois ans, on en sera à la quatrième année du mandat. Il n'est pas pratique de penser que l'on va pouvoir procéder à un réexamen obligatoire. Je sais que dans le cas de la LSCMLC, nous avons procédé au bout de huit ans environ au réexamen prévu tous les cinq ans. Ce ne sera pas possible. Même si l'idée paraît excellente, elle n'est tout simplement pas pratique.

Le président: Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Pour ma part, je suis d'accord pour le trois ans. Ce n'est pas que je ne fais pas confiance au gouvernement, mais je voudrais que ce soit dans la loi afin qu'on ne soit pas obligé de s'en remettre au bon vouloir de la Chambre des communes pour étudier ça avant l'expiration du délai qu'on aura indiqué dans la loi. Si jamais il y a une élection ou quoi que ce soit d'autre entre-temps, le premier mandat de la nouvelle législature sera de se pencher sur la révision de cette loi. Ce sera extrêmement important pour eux aussi.

[Traduction]

Le président: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Étant donné la teneur des interventions, je me demande si l'on ne pourrait pas prévoir un délai de trois ans en ajoutant après l'expression «l'entrée en vigueur», à la première ligne, «à condition que l'on possède suffisamment de données pour procéder à un réexamen». Puisque tout le monde souhaite qu'il y ait suffisamment de données pour entreprendre un réexamen, pourquoi ne pas procéder ainsi?

Le président: Je ne vois pas l'urgence... Je pense qu'il faudrait procéder par voie de sous-amendement parce que si nous votons sur cet amendement, étant donné le cours qu'ont pris nos discussions, s'il était adopté, ce ne serait pas le premier choix ou, s'il était rejeté, nous serions alors... J'aimerais par conséquent procéder par voie de sous-amendement pour faire passer ce délai de cinq ans à trois ans.

• 2150

M. John McKay: Laissez-moi en discuter avant de proposer cette mesure de façon à savoir ce qu'en pense le comité. Si nous substituons simplement un délai de trois ans à celui de cinq ans, je me demande si nous prenons toutes nos précautions. Peut-être faudrait-il ramener ce délai à moins de trois ans et en terminer en un an à partir de là. Qu'est-ce que cela donnerait?

Le président: Rien.

M. John McKay: Gardons par conséquent le délai de trois ans.

Le président: Bien, on propose un sous-amendement visant à ramener le délai de cinq ans à trois ans.

M. John McKay: Je viens de me convaincre moi-même de m'en abstenir.

Le président: J'ai moi-même trouvé l'expérience bien étonnante.

M. Stephen Owen: Il n'arrive même pas à être d'accord avec lui-même.

M. John McKay: Je suis resté trop longtemps en Israël.

Le président: Le vote porte sur un sous-amendement faisant passer ce délai de cinq ans à trois ans. C'est compris?

M. Larry Bagnell: S'il est rejeté, allons-nous voter en ce qui concerne le délai de cinq ans?

Le président: Si le sous-amendement est rejeté, nous reviendrons effectivement à l'amendement principal.

(Le sous-amendement est adopté)

(L'amendement modifié est adopté—[Voir le Procès-verbal])

Le président: Attendez un instant. Nous venons de créer un nouvel article et, en plus d'adopter l'article 46, il nous faut aussi adopter l'article 46.1. C'est pour tenir compte de l'amendement supplémentaire.

(L'article 46 modifié est adopté)

(Article 57)

Le président: Avant que nous passions à la question suivante, j'attire l'attention du comité sur le fait que l'amendement proposé par le gouvernement sous la cote G-10 n'est pas recevable. S'il n'est pas recevable, c'est parce qu'il modifie un amendement apporté au projet de loi, alors que l'amendement original...

Une voix: Il modifie un article du projet de loi.

Le président: Effectivement, il modifie un article du projet de loi alors que l'amendement d'origine ne se référait pas à l'autre loi indiquée dans cet article.

Si vous voulez des explications plus claires au sujet de ce que je viens de dire...

Des voix: Oh, oh!

M. John McKay: Moi qui pensais n'être pas clair.

Le président: J'ai la chose en tête, mais je suis sûr que quelqu'un d'autre pourra mieux l'expliquer que moi.

La greffière: Je vous renvoie immédiatement à l'ouvrage de Marleau-Montpetit, qui dispose:

    Lorsqu'un projet de loi est renvoyé devant un comité après la deuxième lecture, un amendement n'est pas recevable s'il modifie une loi qui n'est pas présentée devant le comité, ou un article de la loi principale à moins qu'il soit précisément modifié par un article du projet de loi.

L'amendement G-10 vise à modifier un article de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui ne figure pas dans le projet de loi d'origine.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je me demande, monsieur le président, si cela n'entraînerait pas une certaine anomalie dans le droit. Est-ce que la greffière pourrait nous dire s'il est possible de passer outre avec le consentement unanime des membres du comité.

Le président: On m'informe que nous ne pouvons pas procéder ainsi, même si ce consentement est donné. Ce n'est pas recevable.

Une voix: C'est contraire au Règlement.

M. Chuck Cadman: On corrigera la situation au stade du rapport.

(Les articles 47 à 66 inclusivement sont adoptés)

• 2155

(Article 67)

Le président: Je vous renvoie à l'amendement G-11 du gouvernement.

M. John Maloney: On peut dire, monsieur le président, qu'il s'agit là d'un amendement s'imposant par voie de conséquence. On rectifie comme il se doit la définition de l'expression «infraction grave» telle qu'elle s'applique dans le cadre de la Loi sur la Défense nationale. Là encore, cela s'explique par le fait que la justice militaire ne fait pas la distinction entre infraction sommaire et acte criminel. Par conséquent, il convient d'amender la définition «d'infraction grave» pour en tenir compte.

Le président: C'est entendu.

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

(L'article 67 modifié est adopté)

(Article 68)

Le président: Je vous renvoie maintenant à l'article 68, où nous avons le même problème qu'à l'article 57. Ici, il ne s'agit plus de la LSCMLC, mais de la Loi sur la Défense nationale, la situation étant cependant la même. On ne fait aucunement référence à la Loi sur la Défense nationale dans le texte original; par conséquent cet amendement n'est pas recevable.

(Les articles 68 à 80 inclusivement sont adoptés)

(Article 81—Projet de loi C-11)

Le président: Je vous renvoie à l'article 81 et à l'amendement G-13 du gouvernement.

M. John Maloney: Monsieur le président, c'est là aussi un amendement de pure forme.

Il renvoie à des infractions commises à l'encontre des dispositions de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et aux changements de structure qui en résultent lorsqu'il s'agit de coordonner les amendements apportés au projet de loi. On y précise par ailleurs que la liste établie à l'article 183 du Code criminel se veut non exclusive. Là encore, il s'agit simplement de corriger des erreurs commises par inadvertance.

Le président: Merci de cette explication.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, j'invoque le Règlement et je voudrais revenir à l'article 57 et, plus précisément, à l'amendement G-10.

Lorsque je les consulte, les amendements G-11, G-12 et autres me paraissent similaires. J'aimerais que la greffière nous répète pour quelle raison l'amendement G-10 était irrecevable.

Mme Susan Baldwin: C'est parce que... laissez-moi à nouveau vérifier dans la loi sur ce point.

La loi mentionnée à la page 51 est la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Seule l'annexe II va être amendée par ce projet de loi dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. C'est aux lignes 40, 41 et 42 de la page 51 de ce projet de loi. Si vous allez à la page suivante, vous voyez qu'on passe à une autre loi.

Ce que vise ici l'amendement G-10, c'est une modification du sous-alinéa 125(1)a)(i) de la LSCMLC, uniquement dans la version française. La règle que vous a lue la greffière du comité établit très clairement que l'on ne peut modifier que les articles de la loi principale qui sont déjà amendés dans votre projet de loi. Vous devez vous en tenir aux modifications apportées à votre loi principale, telles qu'elles figurent actuellement dans le projet e loi. La modification porte uniquement sur l'annexe II, de sorte que vous ne pouvez pas modifier l'article 125. Ce serait irrecevable.

M. Lynn Myers: Bien, je vous remercie.

Pouvez-vous nous relire le texte de référence, s'il vous plaît?

Mme Susan Baldwin: Je vous en prie. Ce texte est le suivant:

    [...] un amendement n'est pas recevable s'il modifie une loi qui n'est pas présentée devant le comité, ou un article de la loi principale à moins qu'il soit précisément modifié par un article du projet de loi.

M. Lynn Myers: Je vous remercie.

Le président: Bon, où en étais-je?

M. Chuck Cadman: Vous étiez en train de terminer.

Le président: Pourriez-vous être plus précis?

M. Vic Toews: Je crois que nous avons tout adopté.

M. Peter MacKay: Nous en étions à l'amendement G-13.

Le président: Avons-nous adopté l'amendement G-13? Non?

(L'amendement est adopté—[Voir le Procès-verbal])

(L'article 81 modifié est adopté)

(Les articles 82 et 83 sont adoptés)

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

• 2200

Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi, tel qu'il a été modifié, à la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président: Le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi pour usage à l'étape du rapport?

Des voix: D'accord.

Le président: Je vous remercie. La séance est levée.

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