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HAFF Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 6 juin 2001

• 1541

[Traduction]

Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous allons poursuivre aujourd'hui l'étude du projet de loi S-10 visant à créer le poste de poète officiel du Parlement.

Nous avons le quorum nécessaire pour entendre les témoignages. Vous vous souviendrez qu'hier nous avons dû ajourner plus tôt en raison d'un problème de transmission de la traduction par le système audiophonique. Nous allons donc terminer les témoignages, et il est possible que nous n'ayons pas le temps de procéder à l'étude article par article. Nous devrons voir ce qui se passera à la Chambre des communes, qui siège actuellement en comité plénier. Il ne s'agit pas d'une procédure à laquelle nous sommes habitués.

Commençons. Nous avons avec nous le sénateur Jerry Grafstein, le parrain du projet de loi de l'autre endroit, et Marlene Jennings, la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine.

Devrions-nous reprendre où nous avons laissé ou recommencer au début? Nous pouvons maintenant confirmer que nous n'avons aucune transcription des délibérations d'hier, alors je crois que nous devrions recommencer au début.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Comme hier, je vais demander au sénateur Grafstein de prendre la parole en premier puisqu'il est l'auteur de ce projet de loi. Il est le créateur de ce projet de loi, si on peut dire. J'ai simplement eu l'honneur de parrainer ce projet aux fins de la Chambre. Je cède donc la parole au sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Metro Toronto, Lib.): Merci, monsieur le président.

Chers collègues, je vous remercie beaucoup encore une fois de votre indulgence. Je sais qu'il s'agit d'une semaine très occupée et très mouvementée, et j'apprécie que vous m'accordiez du temps pour comparaître devant vous.

J'ai un court texte à lire et ensuite je répondrai aux questions.

Au commencement, honorable président, il y avait les mots, et ensuite est venue la poésie. La poésie est au coeur de la créativité, de l'obscurité et de la clarté. Il est étrange pourtant que, dans sa récente déclaration financière, le gouvernement ait insisté sur le renforcement de la culture, mais qu'il ait fait abstraction de la poésie. Pourquoi? Pourquoi cette omission? Est-ce parce que la poésie, qui nourrit les racines les plus profondes de la culture, est incomprise ou est-ce parce que la mention de la poésie provoque la peur—la peur que ses qualités soient tellement fragiles qu'il est plus facile de l'éviter que d'en être inspiré?

Pourquoi la poésie provoque-t-elle autant de scepticisme et même de dédain? C'est peut-être parce que la poésie paraît si accessible à première vue qu'elle déclenche facilement des rires.

• 1545

La poésie est un art à la fois transparent et opaque. Le vif intérêt au Canada pour la poésie ne peut être capté facilement par la presse ni par les médias électroniques.

Afin de comprendre la poésie, le calme, la profondeur et la réflexion s'imposent. Immédiatement en dessous de la vaste surface de notre culture se trouve un monde en majeure partie inconnu riche en poésie de toutes les régions de notre pays multiculturel et complexe—du Canada français, de l'Acadie, du Québec anglais, de l'Ontario multilingue, de l'Ouest, de Winnipeg à Vancouver, et de l'Est, de Toronto à St. John's—et dans toutes les langues imaginables, des langues autochtones au français—notre pays possède une longue et magnifique histoire de poésie française—en passant par l'anglais, le mandarin, le cantonais, l'ukrainien, l'espagnol, le polonais, le russe, le grec, l'hébreu, le tchèque, le norvégien, le finlandais, le yiddish, l'islandais, le suédois, le japonais et bien d'autres. La poésie transperce notre culture un peu partout.

Le Canada compte davantage de poètes publiés par habitant que pratiquement tout autre pays au monde. Nous possédons une longue et belle histoire de poésie: Jacques Cartier, le général Wolfe et, sur les murs ici, Papineau, Riel, Howe et Bourassa, tous étaient poètes. Nos premiers ministres, nous a-t-on dit, de Macdonald à Chrétien, lisaient de la poésie. Le poète anglais Blake a été cité, paraît-il, plus souvent au parlement britannique que dans la Bible.

Honorables collègues, je vous soumets ce court projet de loi visant à créer le poste de poète officiel du Parlement, dont le titulaire sera nommé pour un mandat de deux ans par les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat parmi trois candidats choisis par les dirigeants de nos principales institutions culturelles: la Bibliothèque du Parlement, la Bibliothèque nationale, les Archives nationales, le Conseil des arts et le commissaire aux langues officielles.

Au fil du temps, en raison du mandat de deux ans, l'ensemble des poètes du Canada seront connus et publiés.

Ce que nous faisons au Parlement, c'est injecter le pouvoir souverain dans des paroles. Par la force de ce pouvoir souverain, vos paroles, les nôtres et celles du Parlement sont transformées en lois qui unissent notre société civile. Pourtant, le Parlement peut être accusé de dégrader la langue. Si un débat, un seul, atteint un plus haut niveau lors de chaque session, ce projet de loi sera justifié. Mais cette mesure peut faire plus. Elle peut amener nos jeunes à retrouver du respect et de l'amour pour l'expression orale et écrite dans un monde amorphe victime de la technologie.

Les tâches du poète officiel du Parlement se veulent minimales et seront autodéfinies. En effet, le poète déterminera lui-même l'ampleur de ses tâches.

Randall Jarrell, poète américain le plus en vue, historien de la poésie, poète officiel et éminent critique de poésie, prétend que le public établit des critères pour juger ou condamner l'art. Dans le cas de la musique, dit-il, le critère est la mélodie; pour la peinture, c'est la représentation; et en poésie, c'est la clarté. Dans chaque cas, souligne-t-il, un seul aspect sert à évaluer un tout complexe. Cette méthode plutôt superficielle est très utilisée par les juges et les critiques pour dégrader l'art et le diminuer.

Randall Jarrell prétend que la poésie exige que l'on perçoive et interprète les mots qui font naître de nouvelles oeuvres d'art. Des critères ou des principes simples permettent aux critiques d'éviter la complexité de la poésie en tant qu'art. En poésie, selon lui, ces pseudo-critiques négligent les détails éloquents: les pronoms, la ponctuation, les espaces, les sujets et leurs verbes. Pour apprécier la poésie, Randall Jarrell affirme qu'il faut une certaine attitude, à savoir un mélange d'esprit vif et d'empathie émotionnelle qui est à la fois pénétrant et généreux. Lorsque nous lisons un poème, dit-il, nous entrons dans un pays étranger dont les lois, la langue et le mode de vie constituent une sorte de traduction des nôtres. Accepter ou rejeter un poème témoigne du degré d'imagination.

La poésie nous enseigne à lier le pouvoir de l'État à la sagesse et à la grâce du poète, qui, plus souvent qu'autrement, apparaît comme un prophète méconnu ou un navigateur dans une mer de changements dans laquelle chaque époque se retrouve à un moment donné.

Chers collègues, j'attends vos questions et, je l'espère, votre appui à cette mesure modeste, qui pourrait avoir des répercussions beaucoup plus importantes que quiconque ici peut imaginer.

Le président: Merci, sénateur.

Madame Jennings, s'il vous plaît.

• 1550

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci, monsieur le président.

Je veux résumer très brièvement ce ce projet de loi et vous dire quel serait le mandat d'un poète officiel.

Comme le sénateur l'a déjà mentionné, le projet de loi a pour but de créer un poste de poète officiel du Parlement. Sa principale fonction serait la rédaction d'oeuvres de poésie destinées aux cérémonies officielles du Parlement. Il ou elle aurait également comme rôle le parrainage de séances de lecture de poésie. Finalement, le poète aurait parmi ses fonctions la tâche de conseiller le bibliothécaire parlementaire concernant les nouvelles acquisitions qui enrichiront les collections de la Bibliothèque du Parlement dans le domaine culturel.

[Traduction]

Monsieur le président, le sénateur Grafstein l'a dit: les excellentes idées commencent par une personne. Dans ce cas-ci, l'excellente idée vient du sénateur Grafstein. Sa proposition est modeste, mais elle pourrait déclencher une révolution littéraire tranquille qui sensibilisera davantage le public au rôle que jouent le poète et la poésie dans notre société.

Merci.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Merci, monsieur le président.

Sénateur Grafstein, étant donné que la réunion d'hier a dû être ajournée pour les raisons qu'on connaît, j'ai pris le temps de lire de façon approfondie les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. J'ai porté attention à certains éléments. D'entrée de jeu, j'aimerais vous demander quelle raison vous a poussé à déposer un tel projet de loi. Est-ce uniquement parce qu'il y a un poète officiel au Parlement britannique depuis plus de 400 ans qu'on devrait en avoir un? J'aimerais comprendre ce qui vous motive.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Ma motivation provient d'un poète officiel d'Angleterre et aussi des États-Unis. L'idée est donc appuyée ailleurs, surtout aux États-Unis, où le poète officiel est rattaché non pas au gouvernement en tant que tel, mais à la Bibliothèque du Congrès. C'est pourquoi mon idée est de créer un poste de poète officiel du Parlement, par opposition à une autre entité, afin qu'il figure dans l'histoire, mais ce n'est pas le motif.

J'ai plutôt eu cette idée en apprenant, il y a quelque temps, que le Canada comptait davantage de poètes publiés par habitant que pratiquement tout autre pays au monde—pourtant, personne ne le sait et ces poètes ne sont pratiquement pas lus. Comment cela se fait-il? J'en suis venu à la conclusion, après avoir examiné un grand nombre d'études, que les paroles et les écrits ont été perdus dans une large mesure, car nous n'obtenons plus l'information par voie écrite. Nos enfants l'obtiennent par la télévision. Environ 75 à 80 p. 100 de toute l'information est maintenant obtenue par la télévision. Essentiellement, nous avons perdu l'équilibre entre l'écrit et l'oral. Cette idée très modeste créera, selon moi, un contrepoids en amenant les gens à s'intéresser à la poésie.

Une quasi-révolution insoupçonnée contre l'ère technologie a lieu au Canada et aux États-Unis—bien que de temps à autre une histoire sur le sujet paraisse dans la presse, qui n'en parle essentiellement pas. En effet, on y observe un intérêt pour l'expression orale et écrite. Dans quelques bars d'Ottawa, 200 ou 300 personnes se réunissent une ou deux fois par semaine pour lire de la poésie. Soit dit en passant, il s'agit d'une folle idée qui s'est répandue aux États-Unis—à San Francisco, à Chicago, à New York. Les médias n'en parlent pas ni la presse, car celle-ci ne sait pas comment. Ce n'est pas comme faire un reportage sur un chanteur. Elle ne sait pas comment couvrir le sujet, alors elle ne le fait pas, et, par conséquent, nous ne sommes pas au courant. Pourtant, le phénomène existe.

Tout ce que cette mesure fera, j'espère, c'est révéler un art bien vivant et le mettre en vue. Ce qu'elle fera pour le poète officiel, c'est attirer l'attention sur son oeuvre.

• 1555

Très honnêtement, ce que je vais dire risque de nuire à l'adoption du projet de loi, mais je tiens à être franc avec vous. J'ai lu notre hansard et le vôtre très attentivement. Le niveau des débats au Sénat et à la Chambre des communes est, selon moi, à son plus bas. Je crois que les médias sont en grande partie responsables de cette dégradation, car il est plus facile de faire une séquence de 30 secondes qu'une déclaration intelligente de 10 minutes.

À mon avis, nous devons à nous-mêmes en tant que parlementaires et à notre public d'essayer de rehausser le niveau des débats et de prêter attention à l'utilisation des mots. Je pense que le poète officiel... Le propre de la poésie, c'est de faire très attention à chaque mot et à chaque compte de mots. Ici, ce ne sont pas tous les mots qui comptent. Pourtant, nous passons notre temps à traduire nos mots en lois.

Si cette mesure très modeste contribue à améliorer l'exercice de nos fonctions publiques par l'entremise de l'expression orale et écrite, son existence vaut la peine.

[Français]

M. Michel Guimond: Sénateur Grafstein, vous devez deviner que je ne saute pas de joie ou d'enthousiasme à l'idée du projet de loi. C'est vraiment le cas. Je sais que certains collègues autour de la table, des personnes qui peuvent nous écouter, parce que notre comité est diffusé à la radio, ou des personnes qui liront le compte rendu de la présente séance pourront penser que je fais de la démagogie en faisant le commentaire que je vais vous faire, mais je veux vous dire que je ne le fais pas du tout dans un but démagogique.

Je veux juste vous dire que je remets en question le bien-fondé et l'utilité d'une telle dépense, si modeste soit-elle. Dans la longue réponse que vous m'avez faite, vous avez prononcé à trois ou quatre reprises les mots «modeste contribution». C'est sûr que cela impliquera des dépenses. Votre projet de loi ne fait pas état de la rémunération qui pourrait être rattachée au poste. Est-ce que ce serait un poste bénévole? Est-ce que ce serait un poste qui susciterait des dépenses en termes de personnel, de soutien, de voyages à l'étranger? Rien n'est gratuit en ce bas monde. Il y aura certainement des dépenses inhérentes à la création de ce poste.

On sait qu'au Canada, un million et demi d'enfants vivent sous le seuil de la pauvreté et ne mangent pas le matin avant d'aller à l'école. Cette dépense serait peut-être une goutte d'eau dans l'océan, mais si on additionnait toutes ces gouttes d'eau, on pourrait peut-être faire des choses pour eux.

Donc, je remets sérieusement en question cette dépense, de même que le principe, mais ce n'est pas parce que je suis opposé à la poésie ou à l'art sous toutes ses formes. Au contraire, j'ai fait du théâtre pendant cinq ans et je fais maintenant partie d'une chorale qui va se produire en fin de semaine. Je suis avant tout quelqu'un qui a une préoccupation pour les arts.

Permettez-moi, en terminant, de diverger d'opinion avec vous quand vous dites que la présence d'un poète va peut-être aider à relever le niveau des débats à la Chambre. À moins qu'il ait une influence tellement considérable que sa seule présence ou sa seule nomination fasse planer son esprit au-dessus de nos têtes, comme le Saint-Esprit avec les langues de feu qui sont descendues sur la tête des 12 apôtres dans un des passages de l'Évangile, permettez-moi d'en douter. Il y aurait bien d'autres moyens de valoriser le rôle des parlementaires ou le rôle des députés en cette Chambre.

[Traduction]

Le président: Monsieur Guimond, votre prose a certes capté notre attention à tous.

Le sénateur Grafstein veut répondre.

• 1600

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Je vous remercie. Vous avez atténué ma première réaction à vos propos, car vous êtes membre d'une chorale. Ma mère a cent ans et elle va encore à la chorale chaque semaine, ce qui la garde alerte et active. Je suis donc très impressionné par quiconque fait partie d'une chorale pour se garder pimpant.

Ce projet de loi est très modeste. Au Royaume-Uni, le poète officiel est un membre de la famille de la reine. Soit dit en passant, le poète officiel d'Angleterre, Andrew Motion, est un républicain. Il croit en l'abolition de la monarchie. Il reçoit 5 000 livres par année ainsi qu'une caisse de bordeaux, une fois seulement. C'est son traitement.

Aux États-Unis, le poète officiel est rattaché au Congrès par l'entremise de la Bibliothèque du Congrès et il reçoit 30 000 $ par année.

Quand je dis modeste, c'est véritablement cela, car il en coûtera moins qu'un plombier, qu'un instituteur, qu'un mécanicien, qu'un assistant dentaire et que bien des subalternes de votre bureau. Je crois que c'est un projet de loi très modeste. Le bureau existe déjà à la Bibliothèque. Alors nous n'avons rien à mettre sur pied. Le coût des déplacements au Canada... Je doute qu'il y en ait. Je crois que le coût global est minime par rapport à ce que ce poste pourrait apporter sur le plan de la promotion de la poésie et de l'expression orale et écrite au Canada.

Ce poste n'est pas créé seulement pour inspirer les parlementaires. Il y a deux ou trois semaines, le Globe and Mail a publié une photo du premier ministre à sa résidence du 24, rue Sussex en train de lire un livre de poésie française. Je ne savais pas que le premier ministre s'intéressait à la poésie.

À mon avis, c'est un projet de loi modeste qui se veut ainsi. Le poste ne comporte pas les caractéristiques de la bureaucratie; il est antibureaucratique. Le titulaire aura un bureau ici pendant une courte période.

L'avantage que présente le poste de poète officiel, c'est que les oeuvres publiées du titulaire... Je présume que quiconque sera nommé à ce poste sera un poète de renom. Leurs oeuvres constitueraient une source d'inspiration.

Je me suis entretenu avec plusieurs poètes officiels des États-Unis. Le dernier a été M. Pinsky, qui vient tout juste de quitter ses fonctions. Il avait été nommé pour un an, mais il a prolongé son mandat. Ce n'était pas pour l'argent, mais plutôt pour le pouvoir que lui conférait son titre d'aller dans les salles de classe et partout aux États-Unis et d'inspirer les gens. Il a réalisé un extraordinaire projet pour le millénaire: il a demandé à mille personnes de tous les milieux et de tous les coins du pays de lire leur poème préféré.

Je vous comprends. Je suis préoccupé par le fait que des personnes trouvent le coût élevé. Je ne pense pas que le coût soit un problème. Pour un coût modeste, je crois que nous pouvons faire des merveilles. Nous allons consacrer un demi-milliard de dollars à la culture, mais même pas cinq cents à la poésie. Un demi-milliard de dollars. Ce léger contrepoids, qui sera très bien accueilli dans chaque salle de classe de votre circonscription et du pays, est un simple geste en vue de rétablir un certain équilibre entre l'expression écrite traditionnelle et celle qui passe par la technologie.

Le président: Mme Lill a quelques questions à poser. Nous passerons ensuite à M. Asselin.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.

Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir comparu devant le comité.

J'appuie ce projet de loi, car je crois que, comme vous le dites, il attirera l'attention sur la beauté de l'expression orale et la valeur de l'expression écrite.

Je vois une ressemblance entre le député et le poète: les deux sont des communicateurs. De notre côté, nous essayons de communiquer à nos collègues les espoirs et les rêves des gens de partout au pays ainsi que la réalité qu'ils vivent.

Pour moi, la poésie est axée sur la condition humaine. C'est une personne assise dans un endroit silencieux ou dans le métro qui écrit sur ce même genre de condition humaine qu'elle porte à l'attention des gens et qui nous fait réfléchir sur la condition humaine d'autrui. Tout est merveilleusement interrelié, je crois qu'il s'agit d'une excellente idée.

• 1605

Je dois dire que, lorsque le projet de loi a été présenté, j'ai pensé qu'il était temps. Ce poste existe dans d'autres pays du monde. C'est un titre qui dénote de l'élégance et qui est éloquent. Ce poste permettra de nous tailler une très bonne place à l'échelle internationale en tant que pays qui sait apprécier la culture.

On a déjà répondu à certaines de mes questions. Je voulais vous demander quel serait le coût, mais il semble que nous parlions d'honoraires peu élevés, qui se situent même en dessous de 15 000 $.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Aux États-Unis, c'est 30 000 $. Je le répète, c'est une somme peu élevée.

Mme Wendy Lill: D'accord.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Il s'agit davantage d'honoraires que d'un paiement.

Mme Wendy Lill: D'accord.

J'ai passé en revue les questions qui figurent sur cette feuille, et j'ai constaté qu'on avait répondu à la plupart d'entre elles. Le mandat est de deux ans...

J'aime le processus de sélection. Les personnes qui participeront à la sélection sont très respectées au sein de chacune des différentes institutions culturelles.

Je n'ai pas de questions à poser, je voulais simplement manifester mon appui et dire que cela semble complet.

Le président: Merci, madame Lill.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Merci, monsieur le président.

Monsieur le sénateur, je suis un peu surpris qu'un tel projet de loi vienne à la Chambre des communes alors que nous, les députés, n'avons pas été élus pour agir comme des rêveurs ou pour faire de la méditation. Je pense qu'on n'est plus à l'étape de la méditation. On est à l'étape de l'action, du moins à la Chambre des communes.

Monsieur le sénateur, je suis totalement contre un tel projet de loi. Ça frise le ridicule et même la folie, selon moi. Le Sénat a probablement du temps à perdre en présentant un tel projet de loi. Je vous le dis, aux yeux de la population, vous allez passer encore une fois pour des rêveurs, des gens qui méditent sur des choses pour occuper leur temps.

Monsieur le sénateur, en tant que députés, on se doit de passer à l'action. L'action se décrit très bien, monsieur le sénateur. Il faut agir pour contrer bien des choses: toutes les coupures qu'il y a au niveau des programmes sociaux; la violence faite aux femmes; la pauvreté, qu'a mentionnée mon collègue Guimond; le manque de logement social pour les familles les plus démunies; le taux de chômage qui augmente de plus en plus alors que le gouvernement s'approprie le surplus de la caisse d'assurance-emploi; un dangereux décrochage scolaire; un système d'éducation et un système de santé qui ont été ébranlés par les coupures des paiements de transfert aux provinces.

Monsieur le sénateur, adopter un tel projet de loi à la Chambre des communes irait carrément à l'encontre de nos propres responsabilités premières. Je me vois mal nommer un grand intellectuel qui va écrire des poèmes et qui va faire les représentations nécessaires par des chansons ou des paroles, qu'il fera écrire par sa secrétaire quand il n'aura pas le temps de les écrire lui-même.

Je ne veux pas faire dévier le débat pour que vous me répondiez seulement sur la dernière partie de mon intervention. Les députés du Bloc québécois ont d'autres priorités. Même s'il s'agissait d'un budget modeste, le moindre sou dépensé dans ce système serait un sou gaspillé. On a d'autres priorités: la violence faite aux femmes, la pauvreté, le logement social, le chômage, le décrochage scolaire, la santé et l'éducation.

Monsieur le sénateur, j'ai aussi lu le document et le débat. Ce projet de loi est déjà mort au Feuilleton. J'espère qu'il ne franchira pas l'étape de la troisième lecture. Soyez assuré que je me chargerai de le dénoncer publiquement. Je ne me servirai pas de poèmes lorsque je dénoncerai dans mon propre comté les sous et le temps gaspillés par le Sénat et la Chambre des communes pour adopter un tel projet de loi.

C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Vous n'aviez pas de question à poser, monsieur Asselin? Vous n'aviez pas de question à poser au sénateur?

[Français]

M. Gérard Asselin: C'était un excellent commentaire. J'espère qu'il a été bien reçu. Monsieur le sénateur, je présume qu'après mes commentaires, vous n'avez pas l'intention de déposer votre projet de loi. J'espère que c'est tout simplement une tentative. Je vous ai maintenant sensibilisé à ce que pense le monde ordinaire.

• 1610

[Traduction]

Le président: Monsieur Asselin, nous allons peut-être considérer votre déclaration comme un exercice de rhétorique.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Non, non, j'aimerais bien répondre, très brièvement.

D'abord, je suis d'accord en partie avec vous. Je suis d'accord pour dire que le système d'éducation est sous-financé, qu'on ne s'en occupe pas de façon appropriée. Il faut se demander comment nous allons inciter les enfants à lire ou à écrire. Comment avez-vous été incité à lire ou à écrire? Pour moi, la poésie a joué un rôle très important dans mon apprentissage. Donc, dans mon esprit, si nous nous intéressons à l'éducation de nos enfants, si nous voulons leur apprendre à lire et à écrire et à respecter l'écrit, leur inculquer le respect de la poésie est essentiel. Et les jeunes en écoutent aujourd'hui. Qu'aiment-ils? Ils aiment écouter les paroles de grands chansonniers canadiens, ce qui est de la poésie sous une autre forme.

Je suis donc d'accord avec vous. Je pense que nous devons accorder plus de temps et d'attention à l'éducation. La question est de savoir comment le faire d'une façon qui soit rentable? Je pense que c'est une mesure rentable pour favoriser un niveau d'éducation supérieur et différent.

Pour ce qui est de l'appui dans votre province, les articles parus dans la presse sont majoritairement favorables à cette mesure. Dans l'ensemble du pays, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique, on a invoqué exactement ce que vous venez de dire, en tribune téléphonique, lors d'émissions—et j'ai participé à un certain nombre d'entre elles. C'était un problème soulevé. Quand des mères vivent dans la pauvreté, comment peut-on accepter une facture de 30 000 $? Comment peut-on le faire, en tant que parlementaire? Mais, par rapport à toutes les autres questions, c'était tout de même le point de vue d'une minorité. Cette mesure reçoit un appui massif dans l'ensemble du Canada, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec.

Je ne pense donc pas que le projet de loi soit irresponsable ou insensé. Je pense que nous prenons une mesure qui est vraiment sage et judicieuse. C'est une mesure rentable qui peut avoir un impact important dans l'ensemble du pays. Et je pense qu'elle peut rapprocher nos cultures.

Le président: Merci.

Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): En tant qu'ancien professeur d'anglais, j'ai d'abord jugé cette mesure inutile. Mais ce que vous avez dit m'a rappelé le moment où j'ai enseigné le volet poésie aux étudiants de douzième année. J'ai fait transcrire les paroles de balades de Simon et Garfunkel, et les jeunes ne croyaient pas que c'était de la poésie; pour eux c'était de la musique. Il faut les initier avant de les amener à lire la poésie de D.H. Lawrence et à y trouver du plaisir.

Dans ma circonscription, qui est très multiculturelle, les gens de l'Asie du Sud-Est arrivent ici avec des piles de livres de poésie. Je pense qu'ils nous trouvent un peu barbares.

Si cela nous amène à parler de façon plus imagée, plus élégante... Je ne suis pas un très bon orateur, mais je trouve que les jeunes, aujourd'hui, bredouillent quand ils nous parlent, même les jeunes très brillants. Je pense qu'il faut sensibiliser les gens à la poésie et faire connaître la nôtre, avec les immigrants qui arrivent, parce que je pense qu'ils nous trouvent barbares, vraiment.

Je vous félicite de m'avoir convaincue à ce point. Je suis arrivée ici avec des documents à signer, et je me disais que j'allais écouter Jerry poliment, mais vous m'avez eue. Je vais voter en faveur.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Puis-je vous raconter une anecdote? Et c'est à l'intention de mon collègue du Québec.

Je suis né à London en Ontario, à environ 60 milles de Brantford, où vivait la bande des Six-Nations, et c'était vraiment un tout autre monde. Je ne savais même pas que la bande existait, et c'était seulement à 60 milles de chez moi. C'était sur l'autoroute entre London et Toronto. Nous avions de la parenté à Toronto que nous allions visiter souvent, et je ne connaissais même pas Brantford.

Puis, quand j'étais en dixième année, nous avons étudié Pauline Johnson. Pauline Johnson est née à Brantford et est d'origine d'autochtone. Avant la Première Guerre mondiale, Pauline Johnson était une grande vedette au Canada et en Europe. Elle allait partout lire sa poésie. C'est grâce à elle que j'ai entendu parler pour la première fois de l'existence d'une communauté autochtone à 60 milles de chez moi. Par la suite, je suis allé visiter l'endroit, j'ai appris à le connaître, et le reste.

Comme on vient de le dire, c'est un échange culturel incroyable. Vous êtes initié à une autre culture, puis attiré par elle. C'est, comme Gérard le dit, un pays étranger. Cela vous initie à quelque chose que vous ne connaissez pas; dont vous ne soupçonniez pas l'existence.

Je peux vous dire que c'est un bon moyen d'apprentissage, que la poésie m'a fait connaître la communauté autochtone. Et j'ai appris cela quand j'avais 12 ou 14 ans. J'ai passé du temps là-bas et j'ai appris à connaître mon pays. J'ai été initié à ce monde qui se trouvait à 60 milles de chez moi grâce à la poésie de Pauline Johnson.

• 1615

Le président: Chers collègues, s'il n'y a pas d'autres commentaires, je vous signale que, normalement, nous devrions passer à l'examen article par article du projet de loi. Pour les raisons expliquées plus tôt, nous ne sommes pas en mesure de le faire, malheureusement. Nous allons donc prévoir l'étude article par article du projet de loi à la prochaine occasion. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre va se réunir demain, mais c'est pour entendre le Président de la Chambre et le sergent d'armes, je crois, au sujet de la planification et des priorités.

Est-ce exact, monsieur le greffier?

Le greffier du comité: Oui, ainsi que le greffier de la Chambre.

Le président: Je pense donc que cet examen ne sera pas possible demain, mais peut-être. Nous allons faire preuve de collaboration et voir quand nous pourrons le faire. Il paraît que la Chambre va continuer de siéger la semaine prochaine. Il semble bien que nous pourrons nous réunir mardi prochain, comme d'habitude. Nous aurions donc amplement le temps de terminer l'étude article par article.

Cela dit, s'il n'y a pas d'autres interventions, questions, ou rappels au Règlement, nous allons lever la séance.

Mme Carolyn Parrish: J'ai une question, monsieur le président.

Le président: On veut poser une question. Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish: Demain, y aura-t-il une motion de M. Fontana pour renverser celle de la semaine dernière?

Le président: M. Fontana fait apparemment des recherches.

Mme Carolyn Parrish: En sa faveur?

Le président: Non. M. Fontana et d'autres croient que nous devrions réunir de l'information sur le vote électronique et rédiger un rapport que notre comité devrait étudier à l'automne, quand il sera constitué.

Si je comprends bien le projet de motion de M. Fontana, il ne propose pas qu'on adopte le vote électronique mais plutôt qu'on commence à réunir de l'information en vue d'un rapport sur le sujet.

Mme Carolyn Parrish: Je fais confiance à la vigilance du président à ce sujet.

Le président: Très bien. Cela dit, nous pouvons maintenant lever la séance.

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