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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 octobre 2001

• 1337

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à tous.

Notre premier groupe de témoins est composé cet après-midi de M. Peter Krause, président du conseil d'administration, de M. Dick Hunter, directeur général, ainsi que de M. Craig Mather, de Conservation Ontario.

Nous aurons un exposé conjoint du National Housing and Homelessness Network, dont M. Michael Shapcott est le coprésident, et de Mme Musonda Kidd du Toronto Disaster Relief Committee. Nous entendrons également l'Urban Development Institute of Ontario. C'est l'ordre dans lequel ils nous présenteront leurs témoignages. Un grand nombre d'entre vous, je pense...

Une voix: Je m'excuse de vous interrompre, mais Go Transit a-t-il été ajouté à la liste?

Le président: GO Transit est venu s'ajouter à la liste. C'est exact et l'organisme est représenté ici par M. Bill Jenkins, directeur, et M. Gary McNeil. Soyez les bienvenus.

C'est ce qui se passe quand on nous oublie, n'est-ce pas? On a droit à un traitement spécial; ce n'est pas si mal.

Nous allons commencer par Conservation Ontario. Qui prendra la parole? Monsieur Krause. Bienvenue.

M. Peter Krause (président du conseil d'administration, Conservation Ontario): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Bon après-midi. Je m'appelle Peter Krause et je suis président de Conservation Ontario. Aujourd'hui, je suis accompagné par mes collègues M. Dick Hunter, directeur général de Conservation Ontario, et M. Craig Mather, directeur des services municipaux de Toronto et responsable de l'Office régional de conservation de la nature.

Je sais, monsieur le président, que vous avez déjà eu l'occasion de rencontre M. Mather afin de discuter des initiatives dont nous souhaitons vous entretenir cet après-midi. Au nom des 38 offices de protection de la nature que chapeaute Conservation Ontario, je désire remercier le président et les membres du Comité des finances de nous avoir invités pour prendre part aux consultations budgétaires du comité.

J'ai joint à mon exposé une copie de l'éditorial du Globe and Mail d'hier qui traite de certaines des questions importantes qui se posent en Ontario en ce qui concerne les Grands Lacs. Un pourcentage élevé de la population de notre pays et nos voisins du Sud comptent de plus en plus sur ces masses d'eau douce, les plus grandes au monde, comme source sûre d'alimentation en eau potable. Ces lacs offrent également toute une série d'autres avantages environnementaux et industriels que nous risquons de perdre si nous ne prenons pas des mesures immédiates pour les protéger et les restaurer. La qualité de l'eau est une importante question de sécurité sur laquelle nous devons nous pencher de toute urgence avant qu'il ne soit trop tard.

• 1340

Je voudrais surtout m'en tenir aujourd'hui à la demande de Conservation Ontario relative à la mise en oeuvre, en partenariat avec le gouvernement fédéral, de deux programmes essentiels et d'une certaine ampleur qui concernent la détérioration de l'habitat de nos poissons et la dégradation croissante et continue de nos Grands Lacs.

Depuis leur création en 1946, les offices de protection de la nature de l'Ontario, organisations uniques, axées sur la communauté, assurent la gestion et la planification détaillées du bassin hydrographique, ainsi que des programmes éducatifs et récréatifs. Exception faite des gouvernements fédéral et provinciaux, nous sommes les seules organisations chargées de gérer les ressources naturelles—tout au moins celles qui sont reliées aux bassins hydrographiques. Pour vous donner une idée de l'ampleur de nos responsabilités et de la population touchée, disons qu'environ la moitié de la population canadienne est concentrée dans le sud de l'Ontario et dans le bassin hydrographique du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Ce «bassin hydrographique» comprend les cours d'eau et les lacs qui se déversent dans les Grands Lacs et finalement dans le Saint-Laurent.

Notre travail actuel avec le ministère des Pêches et des Océans et Environnement Canada est garant de notre capacité à trouver des solutions pratiques, axées sur la communauté, concernant un grand nombre de problèmes relatifs aux ressources naturelles.

Dans le but de palier au danger de dégradation actuel et très concret que court l'habitat du poisson de même qu'au déclin de la qualité de l'eau des Grands Lacs canadiens, nous avons élaboré deux programmes pour juguler cette menace à l'environnement. Des exemples de ces propositions ont été présentés au comité.

La première concerne le fonds de dotation de 30 millions de dollars consacré à la restauration de l'habitat du poisson. Il faut d'urgence restaurer l'habitat dégradé du poisson dans le bassin des Grands Lacs. L'industrie canadienne des pêches, commerciale et sportive, qui rapporte des revenus d'environ sept milliards de dollars annuellement, dont la moitié en Ontario, est sérieusement menacée. Des activités socio-économiques de grande ampleur mettent en péril l'habitat de nos poissons en produisant des émissions polluantes émanant de sources diverses qui pénètrent dans le bassin des Grands Lacs canadiens. L'agriculture, les développements immobilier et industriel continuent d'exercer une forte pression sur les bassins hydrographiques et les pêcheries. La protection et l'amélioration de l'habitat du poisson relèvent, selon la Constitution, de la responsabilité du gouvernement fédéral.

Pratiquement tous les offices de protection de la nature ont conclu avec le MPO en vertu de l'article 35 de la Loi sur les pêches des ententes relatives à la destruction ou aux dommages causés à l'habitat du poisson. Ces ententes ont permis au gouvernement fédéral d'économiser de trois à cinq millions de dollars annuellement. Il en va d'une nécessité impérieuse et, pour tout dire, de votre responsabilité, d'aller plus loin que la simple protection de l'habitat actuel, c'est-à-dire d'entreprendre des activités de restauration, en vertu de la politique du MPO relative à la gestion de l'habitat du poisson. La mise en oeuvre de ce fonds doit se modeler sur le Pacific Salmon Endowment Fund, qui roule déjà dans l'Ouest du pays et pourrait s'appliquer à l'Ontario, dépassant dans certaines circonstances la compétence des offices de protection de la nature. L'action du gouvernement fédéral dans cette initiative permettra de renforcer le rôle du MPO et son engagement à restaurer l'habitat du poisson.

La seconde proposition concerne l'établissement du programme Les Grands Lacs: impact sur la santé, évalué à 100 millions de dollars, qui serait financé à parts égales pendant une période de cinq ans. Le rapport remis dernièrement par Johanne Gélinas, Commissaire à l'environnement du Canada, concerne tout spécialement la nécessité d'améliorer le rôle du gouvernement fédéral et de lutter contre les problèmes croissants touchant nos Grands Lacs. La protection de nos Grands Lacs est un enjeu national. La santé, la prospérité et le bien-être d'environ la moitié de la population canadienne dépendent directement de la qualité et de la salubrité soutenue des Grands Lacs.

Notre proposition de programme Les Grands Lacs: impact sur la santé se veut un prolongement indispensable de l'initiative fédérale actuelle de financement de la restauration et de l'assainissement des zones critiques grâce au Fonds de conservation des Grands Lacs d'Environnement Canada. À l'heure actuelle, il n'existe aucun fonds établi pour s'attaquer aux problèmes corollaires à l'extérieur des 16 zones critiques. Le but de cette proposition est de réduire les émissions polluantes de sources diverses drainées dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Des études réalisées par de nombreux offices de protection de la nature montrent que plus de 90 p. 100 des émissions polluantes entrant dans les cours d'eau dans les régions rurales proviennent de sources diverses.

Ces 100 millions de dollars répartis sur cinq ans reflètent la dimension et l'étendue des questions de ressources dans les bassins hydrographiques situés à l'extérieur des zones critiques. La planification des bassins hydrographiques effectuée par nombre d'offices de protection de la nature montre qu'un fonds de cette importance nous permettra d'accomplir des progrès notables en vue d'assurer l'intégrité des Grands Lacs de même qu'une amélioration sensible de la qualité de l'environnement de leurs bassins hydrographiques.

• 1345

Ces deux propositions peuvent améliorer de façon certaine la qualité de l'eau dans les émissaires, en l'espèce Les Grands Lacs. Ces deux initiatives sont complémentaires et, ensemble, forment une stratégie détaillée en vue de protéger et de restaurer la salubrité des bassins hydrographiques. L'appui à ces propositions aidera le gouvernement fédéral à réaliser nombre de priorités englobant l'engagement des citoyens, l'intendance et le bénévolat. Ce sont des principes fondamentaux qui justifient l'action des offices de protection de la nature. De plus, en partenariat avec Conservation Ontario, ces propositions fournissent au gouvernement fédéral l'occasion idéale de montrer sa façon de réagir aux pressions environnementales relatives à l'habitat du poisson et à nos Grands Lacs. Le soutien fédéral à ces propositions permettra une mise en oeuvre et des annonces plus rapides des projets de financement fédéral en Ontario.

Au cours des derniers mois, nous avons rencontré un grand nombre de nos députés pour leur expliquer les avantages découlant du financement de ces deux propositions. Le soutien à ces deux propositions a dépassé nos attentes. La rétroaction des représentants d'Environnement Canada et du bureau du ministre Anderson exprime clairement leur soutien à la proposition Les Grands Lacs: impact sur la santé, montrant qu'elle est censée et de politique réfléchie. Le ministre Dhaliwal et les cadres supérieurs du MPO ont également annoncé leur soutien au Fonds de dotation de l'habitat du poisson. De plus, Gilbert Parent, l'ambassadeur canadien de l'environnement et du développement durable, soutient avec enthousiasme ces initiatives.

Comme nous l'avons indiqué, le 2 octobre, la Commissaire à l'environnement du Canada, Johanne Gélinas, a remis son premier rapport annuel. Ce rapport montre clairement que les Grands Lacs font face à une pression accrue au point de vue environnemental et montre avec force que le gouvernement fédéral doit protéger de façon plus appropriée le bassin des Grands Lacs des sédiments contaminés, des déchets agricoles et des rejets municipaux. Comme vous le savez certainement, un grand nombre de Canadiens dépendent de la salubrité du bassin des Grands Lacs pour obtenir de l'eau potable. Le rapport de la commissaire Gélinas fait référence à la quantité de fumier produit par le bétail et les animaux de basse-cour en Ontario et au Québec, qui équivaut aux flux d'égouts desservant 100 millions de personnes et qui peuvent contaminer la surface de l'eau et la nappe phréatique. Sans une action claire et décisive, on peut envisager une catastrophe à la bactérie E-Coli encore plus tragique que celle survenue à Walkerton, en Ontario, l'an dernier.

Mme Gélinas a exhorté le gouvernement fédéral à renouveler ses engagements auprès des Canadiens qui, a noté la commissaire, «dépendent de la qualité de l'air et de l'eau du bassin pour leur nourriture, leurs maisons, leur santé, leurs emplois et leurs loisirs». Elle a recommandé la création de plans à long terme et la prise d'engagements clairement définis de la part du gouvernement fédéral afin de juguler les menaces évoquées qui pèsent sur la conservation du bassin. Notre demande de financement fournit l'occasion au gouvernement fédéral, en partenariat avec les offices de protection de la nature de l'Ontario, de résoudre efficacement ces problèmes tout en respectant ses engagements.

Conservation Ontario reconnaît l'incidence sociale et économique profonde des questions auxquelles nos chefs de gouvernement ont été confrontés à la suite des événements tragiques survenus il y a à peine un mois aux États-Unis. Tandis que le destin de nos Grands Lacs et l'avenir de l'habitat de nos poissons peuvent sembler insignifiants par comparaison, la réalité est que, sans un environnement durable et en santé, un air salubre et une eau potable, le bien-être socio-économique et la santé de tous les Canadiens sont remis en question.

Comme le premier ministre Chrétien l'a indiqué au cours des dernières semaines, nous avons un pays à diriger et le gouvernement doit continuer à gérer les problèmes qui touchent à l'essence même de notre existence—un environnement qui contient un air pur et une eau saine. Ces objectifs importants ne sont pas un privilège mais un droit que méritent tous les Canadiens.

En conclusion, nous demandons au Comité des finances de recommander dans son rapport prébudgétaire au ministre des Finances son soutien à ces nécessaires initiatives et la distribution des fonds appropriés pour permettre un versement de 30 millions de dollars dans le Fonds de dotation de l'habitat du poisson et de 100 millions de dollars dans le programme Les Grands Lacs: impact sur la santé, financés à parts égales pendant cinq ans, afin d'être mis en oeuvre en partenariat avec Conservation Ontario. Nous possédons l'infrastructure pour travailler avec le gouvernement fédéral afin de concevoir et de mettre en oeuvre des projets valables d'une façon efficiente et opportune. Les pressions exercées sur notre environnement sont concrètes et s'accroissent. Nous devons planifier l'avenir et agir maintenant pour résoudre ces problèmes très concrets.

Cela termine mes remarques. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à toutes vos questions. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Krause.

Nous allons maintenant entendre un exposé conjoint du National Housing and Homeless Network et du Toronto Disaster Relief Committee qui va nous être présenté par M. Michael Shapcott et Mme Musonda Kidd.

Mme Musonda Kidd (adjointe administrative, Toronto Disaster Relief Committee): Nous vous remercions de cette occasion de vous présenter un exposé conjoint au nom du National Housing and Homeless Network et du Toronto Disaster Relief Committee.

• 1350

Je m'appelle Musonda Kidd. Je fais partie du personnel du Toronto Disaster Relief Committee. Nous sommes un groupe d'experts en politiques sociales, soins de santé et logement, d'universitaires, de gens d'affaires, de travailleurs en soins communautaires, d'activistes sociaux, de défenseurs des intérêts des sidéens, d'activistes anti-pauvreté, de personnes qui ont l'expérience de l'itinérance et de membres de groupes confessionnels.

Nous avons travaillé avec des sans-abri, étudié l'itinérance, siégé à de nombreux comités et groupes de travail et vu la situation catastrophique des sans-abri empirer chaque jour. Nous avons pansé les blessures des sans-abri et assisté aux funérailles de bien des gens.

M. Michael Shapcott (coprésident, National Housing and Homeless Network): Monsieur le président, je m'appelle Michael Shapcott. Je suis coprésident du National Housing and Homelessness Network. Le Toronto Disaster Relief Committee est un de nos partenaires communautaires. Nous sommes une alliance de groupes provinciaux et régionaux de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve.

Nous sommes heureux, monsieur le président, que votre comité nous ait fait part d'un objectif cette année, soit de «créer un environnement économique et social durable dans lequel les Canadiens jouissent d'une qualité et d'un niveau de vie élevés». Nous avons comparu pour la dernière fois devant votre comité il y a environ deux ans. Certains changements se sont produits au cours des deux années qui se sont écoulées depuis les dernières consultations prébudgétaires.

Il y a deux faits nouveaux importants dont le comité devrait être conscient. Premièrement, la situation catastrophique des sans-abri et la crise du logement partout au Canada ont empiré et atteignent aujourd'hui des niveaux épouvantables. Deuxièmement, le gouvernement fédéral n'a toujours pas de stratégie nationale en matière de logement. Mais avant d'aborder ces questions d'intérêt national, nous tenons à vous dire, au nom de nos membres et de nos partisans, que nous sommes tout à fait opposés à la participation du gouvernement fédéral à la guerre des États-Unis en Afghanistan. Nos membres s'opposent plus particulièrement à l'utilisation de nos impôts et d'autres ressources dans cette aventure militaire.

Nous avons joint à notre exposé, qui vous a été distribué, une déclaration du Toronto Disaster Relief Committee, à laquelle le réseau national a souscrit, en réponse aux événements du 11 septembre 2001. Nous voulons en particulier souligner trois points clés au comité.

Premièrement, nous avons bien sûr uni notre voix aux protestations contre les actes criminels du 11 septembre. Nous croyons que ceux qui en sont responsables devraient être traduits devant un tribunal international compétent pour y être accusés et punis. Nous voulons que le comité prenne note du fait qu'au 4 octobre, au total, 42 pays, dont le Canada, avaient ratifié le traité international sur la Cour pénale internationale. Il ne manque plus que la signature de 18 autres pays pour que le traité entre en vigueur et que la Cour soit proprement constituée.

Nous croyons que le gouvernement canadien devrait utiliser ses ressources financières pour appuyer l'établissement de cette cour qui est l'endroit où devraient être jugés les crimes violents comme ceux du 11 septembre. Si je peux me le permettre sans être accusé d'être trop partisan, je dirais que nos membres apprécient les efforts du Nouveau Parti Démocratique pour soulever ces questions à la Chambre des communes. Nous pensons que c'est très important et nous tenions aussi à saisir le comité de cette préoccupation.

Deuxièmement, nous nous opposons à la décision du gouvernement fédéral de participer à la guerre dirigée par les États-Unis sans en référer au Parlement. Nous avons de nombreuses raisons de nous y opposer, mais nous voulons que vous sachiez qu'au cours de la dernière semaine, l'armée américaine a adopté de nouvelles tactiques inquiétantes. Elle a commencé à larguer des bombes en grappes de 1 000 livres sur l'Afghanistan. Ce sont des armes dont la Croix-Rouge internationale et de nombreux autres organismes humanitaires ont condamné l'utilisation. Vous vous souviendrez du tollé général lorsqu'elles ont été utilisées au Kosovo. Or, l'armée américaine les utilise depuis la semaine dernière en Afghanistan. C'est une préoccupation dont nous tenions à saisir le comité.

Troisièmement, nous voulons exhorter le gouvernement fédéral à respecter ses obligations internationales et à augmenter immédiatement les fonds consacrés au développement social et aux secours humanitaires. L'Afghanistan fait déjà face à une terrible catastrophe. Selon les estimations du Programme alimentaire mondial, six millions d'Afghans seraient déjà au bord de la famine, un grand nombre d'entre eux étant forcés de se nourrir de sauterelles, de fourrage et d'herbe. Les Nations Unies évaluent à 1,5 million le nombre de personnes qui seront déplacées par suite de la guerre menée par les États-Unis. Et ce n'est pas la seule région du monde où les besoins sont immenses.

Nous pensons aussi que cette aventure militaire pourrait avoir des répercussions ici au Canada et nous tenons à formuler nos craintes au comité à propos plus particulièrement du logement et de l'itinérance. Nous avons été consternés à la lecture de documents attribués au ministre fédéral des Finances et à d'autres hauts fonctionnaires du gouvernement selon lesquels le financement de cette guerre pourrait provenir de réductions dans les dépenses sociales.

Nous avons écrit au ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le ministre Gagliano, en septembre pour lui demander si la somme de 680 millions de dollars promise pour le nouveau programme national de logement était chose sûre ou si elle va être sacrifiée au profit des bombardements en Afghanistan. Le ministre a accusé réception de notre lettre, mais sa réponse ne nous a pas satisfaits. Vous trouverez notre lettre dans la trousse d'information que nous vous avons remise.

• 1355

Je vais maintenant attirer votre attention sur trois réalités qui illustrent, selon nous, ce qui s'est passé au cours des deux années qui se sont écoulées depuis notre dernière comparution devant votre comité, monsieur Bevilacqua, au plan de la crise du logement et de la situation catastrophique des sans-abri à l'échelle du pays.

Premièrement, en ce qui concerne la crise du logement, il y a actuellement plus de 1,7 million de ménages de locataires, soit 4,6 millions de Canadiens, qui ont d'urgence besoin d'un logement abordable, selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Ce chiffre inclut plus de 2,25 millions de Canadiens ou plus de 833 000 ménages qui vivent dans des logements locatifs surpeuplés, inabordables ou insalubres. L'itinérance les menace. En novembre dernier, lorsque la Société canadienne d'hypothèques et de logement a publié ses statistiques annuelles sur le taux d'inoccupation, elle a signalé qu'il était à son niveau le plus bas depuis qu'elle avait commencé ses calculs en 1987.

Deuxièmement, l'itinérance prend des proportions catastrophiques. Plus d'un quart de million de Canadiens, y compris des dizaines de milliers de nourrissons et de jeunes enfants, seront sans abri cette année. Le nombre des décès parmi les sans-abri augmente au Canada. Les foyers pour sans-abri de villes comme Calgary, Edmonton, Hamilton, Kitchener, London, Barrie, Montréal, Ottawa, Regina, Peel, Toronto, Vancouver, Winnipeg et Halifax et de nombreuses autres collectivités ont tous signalé d'importantes augmentations du nombre des sans-abri qui viennent frapper à leurs portes.

Troisièmement, la pénurie de logements abordables prend des proportions de crise. Les loyers sont à la hausse dans chacune des 26 régions métropolitaines du Canada et augmentent habituellement plus vite que le taux d'inflation. Entre-temps, le revenu des ménages de locataires diminue. Lorsque les loyers augmentent et que les revenus diminuent, il n'y a rien d'étonnant à ce que le nombre des évictions augmente. En fait, l'année dernière en Ontario, les propriétaires ont déposé près de 64 000 demandes d'éviction, presque toutes en raison du non-paiement du loyer ou d'arriérés de loyers tandis qu'au Québec 40 000 ménages ont été menacés d'éviction. Cela veut donc dire que dans ces deux provinces seulement, environ 400 ménages en moyenne sont évincés chaque jour ouvrable parce qu'ils ne peuvent pas payer leur loyer.

Mme Musonda Kidd: Je veux souligner certaines des conséquences de la catastrophe à Toronto. Trois principales préoccupations se sont dégagées au cours deux années qui se sont écoulées depuis que nous avons comparu pour la dernière fois devant le comité.

Premièrement, nous faisons face à une grave pénurie de refuges. Au moins 60 000 sans-abri ont été admis dans des refuges de Toronto au cours des deux dernières années, y compris plus de 12 000 enfants dont 4 000 avaient moins de quatre ans. Les refuges de la ville sont surpeuplés, insalubres et malsains. Un grand nombre d'entre eux ne respectent même pas les normes de base des Nations Unies pour les refuges d'urgence. Notre rapport, State of the Disaster—Winter 2000, que vous trouverez ci-joint, contient plus de détails. Il fait partie de la trousse que je vous ai envoyée. Pour mieux faire ressortir les conséquences mortelles de la situation catastrophique des sans-abri, le TDRC a ajouté les noms de 84 personnes à notre liste de décès confirmés de sans-abri depuis que nous nous sommes rencontrés la dernière fois ici.

Deuxièmement, nous manquons de logements abordables. Plus de 54 000 ménages de locataires ont été menacés d'éviction au cours des deux dernières années, parce qu'ils ne pouvaient pour la plupart se permettre de payer un loyer. Les loyers moyens à Toronto ont augmenté au moins deux fois plus vite que le taux d'inflation au cours des deux dernières années. Le coût du logement est maintenant hors de la portée d'un nombre grandissant de ménages à faible revenu. Le nombre de familles et de célibataires à faible revenu continue à augmenter dans notre ville. Les salaires hebdomadaires moyens augmentent beaucoup plus lentement que les loyers.

Troisièmement, nous sommes aux prises avec une crise du logement. Bien qu'une poignée de nouveaux logements locatifs soient venus s'ajouter au parc de logements de la ville au cours des deux dernières années, des milliers d'unités d'habitation ont été démolies ou converties, d'où une perte nette de logements locatifs à Toronto à un moment où on a désespérément de nouvelles unités. Le taux d'inoccupation demeure dangereusement bas.

De toute évidence, les ménages canadiens qui vivent dans des logements locatifs, soit 40 p. 100, n'ont pas droit à une qualité et un niveau de vie élevés—l'objectif même du comité—puisqu'ils sont victimes de la crise de plus en plus grave de l'itinérance et du logement.

• 1400

Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a fait deux annonces importantes depuis notre dernière comparution devant le comité en 1999. Tout d'abord, la ministre fédérale responsable des sans-abri, Claudette Bradshaw, a annoncé une nouvelle stratégie à leur intention. Nous avons bien accueilli l'initiative prévoyant des dépenses de 753 millions de dollars sur trois ans comme point de départ pour offrir l'aide dont ils ont si grandement besoin à ceux qui sont déjà sans abri, mais tout l'argent devait être affecté à des services ou des refuges temporaires. Un grand nombre des projets financés par la stratégie pour les sans-abri, y compris l'Initiative de partenariats en action communautaire, ont été utiles. Cependant, les dépenses visent à aider les sans-abri au lieu de s'attaquer à la cause profonde de l'itinérance, c'est-à-dire une crise nationale du logement. La stratégie fédérale pour les sans-abri rendra la vie plus confortable à certains d'entre eux, mais ils ne demeureront pas moins des sans-abri pour autant.

Au cours des élections fédérales de 2000, le Parti libéral s'est engagé à corriger cette grave lacune en promettant de consacrer 170 millions de dollars par année pendant quatre ans à un programme national de logement. Le ministre fédéral du Logement, Alfonso Gagliano, a réitéré cette promesse plus tôt cette année lors de la réunion que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux du Logement ont tenue à London, en Ontario. Il a promis que les négociations en vue d'un nouveau programme seraient terminées au moment où les ministres se rencontreraient à nouveau en novembre à Québec.

M. Michael Shapcott: Monsieur le président, je tiens à dire en terminant que nous avons l'intention d'exiger du ministre Gagliano qu'il tienne sa promesse. Je dois dire que le ministre a eu la gentillesse, lorsque nous l'avons rencontré à London, de se faire photographier avec le réseau national; tout le monde souriait sur la photo à l'annonce des 680 millions de dollars sur une période de trois ans pour le logement.

Le président: Voulez-vous que je fasse signer cela pour vous?

M. Michael Shapcott: Le ministre a eu la gentillesse de m'envoyer la photo. Elle a été prise par un photographe du gouvernement. Nous espérons qu'il y aura encore plus de sourires le 30 novembre.

Nous tenons à dire en guise de conclusion, toujours en ce qui concerne cette promesse, que le nombre total d'unités sera bien en deçà de ce dont on a un urgent besoin. Nous estimons que le programme fédéral ne financera pas plus de 3 000 à 4 000 unités par année pour le pays entier. Cela correspond au nombre de logements dont Mme Golden, dans son rapport au groupe de travail du maire de Toronto sur les sans-abri, recommandait la construction pour cette seule ville.

De nombreux groupes, dont le National Housing and Homeless Network et la Fédération canadienne des municipalités, estiment que l'objectif fédéral devrait être d'environ 30 000 nouvelles unités de logement social annuellement. À notre avis, l'investissement du gouvernement fédéral dans la construction de 30 000 nouvelles unités de logement social entraînerait de nombreux avantages ailleurs que dans le seul secteur du logement.

Je vois que M. Cullen est sur son départ, mais il y a une chose que je voulais faire remarquer à son honneur ici, parce que nous l'avons rencontré et...

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je vais juste me chercher un autre café.

M. Michael Shapcott: Nous vous sommes reconnaissants des réunions que nous avons eues avec vous, monsieur.

Les retombées économiques de l'investissement dans de nouveaux logements sociaux sont une des questions dont nous avons discuté à nos réunions avec vous. Je tenais simplement à signaler que c'est une question qui est aussi importante pour nous que pour vous, monsieur. Nous savons qu'un investissement dans la construction de 30 000 nouvelles unités de logement social chaque année entraînerait la création d'emplois directs de l'ordre de 24 300 années-personnes et d'emplois induits ou indirects de l'ordre de 36 000 années-personnes dans un certain nombre d'autres industries.

C'est le genre d'objectif que nous devrions nous fixer. Et cet objectif, soit dit en passant, est dix fois supérieur à ce que prévoit le plan Gagliano. Cet objectif de 30 000 unités se situe dans le même éventail que le nombre d'unités de logement social qu'Ottawa avait l'habitude de financer dans les années 80, avant l'élection du gouvernement Mulroney qui a été suivie d'une décennie de coupures dans le logement, puis de l'annulation pure et simple du programme national de l'habitation.

Notre principale recommandation au comité serait donc que le gouvernement fédéral crée un nouveau programme national de l'habitation dans le cadre duquel il consacrerait de nouveau chaque année 2 milliards de dollars au financement de nouveaux logements sociaux. Il est important que cet argent soit consacré au logement social communautaire comme le logement à but non lucratif et les coopératives d'habitation.

Le Canada a obtenu de très bons résultats au chapitre du financement du logement social. Plus de 650 000 ménages vivent dans des projets de logement social financés par le gouvernement au Canada. C'est rentable, surtout par comparaison aux solutions de rechange du secteur privé.

Nous nous opposons, entre parenthèses, à la proposition de certaines provinces d'investir des fonds publics dans des projets de luxueux logements locatifs privés en pensant que les avantages se répercuteront sur les ménages à faible revenu.

En terminant, monsieur le président, j'aimerais vous lire un extrait du dernier rapport que vous avez présenté à la Chambre des communes à la suite des consultations budgétaires tenues il y a deux ans. Je dois dire que nous avons été heureux de constater que vous ne nous aviez pas oubliés dans votre rapport où le comité dit qu'il

    ... appuie sans réserve ce que fait la ministre du Travail pour régler la question de l'itinérance. Nous attendons son rapport et incitons le gouvernement fédéral à examiner ses conclusions et recommandations et à y donner suite le plus rapidement possible. En outre, nous souscrivons à tout investissement social effectué afin de mieux comprendre et d'atténuer les causes de l'itinérance au Canada. Nous croyons que tous les ordres de gouvernement—fédéral, provincial-territorial et municipal—doivent collaborer pour résoudre ce problème. Le Comité sait que des ressources supplémentaires seront sans doute nécessaires, mais il ne peut formuler de recommandations précises tant que le rapport n'aura pas été rendu public et examiné.

• 1405

De même et en ce qui concerne la question plus vaste du logement abordable, le comité est d'accord avec les témoins pour dire que tous les Canadiens devraient être logés convenablement et à un prix abordable d'un bout à l'autre du pays. Nous estimons que tous les paliers de gouvernement devraient s'attaquer à cette question, de concert avec les organismes locaux.

Nous comprenons, monsieur le président, que le comité se soit montré prudent dans son dernier rapport, parce qu'il attendait celui de la ministre Bradshaw sur la stratégie fédérale pour les sans-abri, mais maintenant, nous l'avons. Les choses se sont précisées au cours des deux dernières années. Nous savons maintenant que la crise nationale du logement et la situation catastrophique des sans-abri empirent: le nombre des sans-abri qui meurent dans nos rues augmente, le nombre des ménages qui se font évincer atteint des niveaux inacceptables. C'est pourquoi nous exhortons le comité à parler haut et clair dans son rapport de la nécessité d'une stratégie nationale du logement complètement financée.

Je vous remercie de nous avoir offert l'occasion de vous présenter nos vues.

Le président: Merci beaucoup, madame Kidd, monsieur Shapcott.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Neil Rodgers, président, et de M. Paul Mondell, président du conseil d'administration, de l'Urban Development Institute of Ontario. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Paul Mondell (président du conseil d'administration, Urban Development Institute of Ontario): Merci, monsieur le président.

Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.

Je m'appelle Paul Mondell et je suis président du conseil d'administration de l'Urban Development Institute of Ontario. Je suis également membre du conseil d'administration de l'UDI Canada. Je suis accompagné cet après-midi de M. Neil Rodgers, président de l'UDI Ontario.

L'Urban Development Institute fait office de porte-parole de l'industrie de l'aménagement immobilier et de la construction en Ontario depuis près de 50 ans. L'institut est un organisme à but non lucratif appuyé par ses membres. Ces membres se recrutent parmi des entreprises et des particuliers qui s'occupent de tous les aspects de la planification et de l'aménagement des collectivités et de la construction immobilière résidentielle, industrielle et commerciale. L'UDI sert de tribune au savoir, à la défense des intérêts et à la recherche dans le secteur de l'aménagement du territoire et des affaires urbaines.

Nous vous remercions de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant le comité, surtout à un moment où le gouvernement fédéral s'interroge sur son rôle à l'égard des villes et essaie de définir les mesures à prendre pour les renforcer par l'entremise du Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines.

Les questions que le groupe de travail examine sont essentielles au maintien de la prospérité économique des régions urbaines de notre pays. Les régions urbaines sont le moteur de l'économie du Canada et la région métropolitaine de Toronto intervient à elle seule pour près de 25 p. 100 du PIB du Canada. Le gouvernement fédéral doit donc investir les sommes nécessaires et adopter les lois et règlements qu'il faut pour permettre aux régions urbaines d'être concurrentielles dans l'économie mondiale.

L'industrie de l'aménagement et de la construction joue un rôle vital dans l'économie de notre pays. En janvier 2000, la construction au Canada représentait près de 6 p. 100 du PIB national, soit un peu plus de 44 milliards de dollars, en dollars de 1992 selon Statistique Canada. Chaque nouvelle mise en chantier, chaque nouveau projet commercial ou industriel entraîne la création de nombreux emplois et a des retombées dans l'économie en général. Et comme l'aménagement et la construction ont tendance à être très visibles, une activité accrue contribue considérablement à améliorer la confiance du public dans l'économie, qui est plutôt à la baisse ces jours-ci, vous en conviendrez tous.

J'aimerais concentrer mes remarques cet après-midi sur deux questions particulières qui intéressent nos membres et doivent faire partie du programme fédéral. La première est le transport urbain et la deuxième, un logement locatif abordable.

Permettez-moi tout d'abord de vous parler du transport urbain. L'UDI n'a jamais pris position au sujet du transport urbain. Toutefois, il y a un lien direct entre une économie saine et une industrie de l'aménagement du territoire forte.

Dans sa plate-forme de la campagne électorale de 2000, Un meilleur avenir pour tous, le Parti libéral reconnaissait qu'il y a un besoin urgent de réinvestir dans les transports publics.

La congestion peut restreindre la croissance économique et n'est pas de nature à attirer les entreprises et l'investissement. Le gouvernement fédéral doit reconnaître le lien qui existe entre une infrastructure du transport solide, l'efficacité de nos routes commerciales nationales et le défi qui consiste à demeurer concurrentiels pour ce qui est de l'économie et de la productivité. Les routes du commerce du Canada et de l'Ontario—la 401 plus précisément—sont en danger en raison d'une saturation qui menace la productivité et d'une kyrielle d'autres facteurs socio-économiques et environnementaux qui tous relèvent de la compétence fédérale.

• 1410

Les faits que nous présentons sont indiscutables. Cinquante pour cent du PIB du Canada en 1999 dépendait des exportations, qui pour la plupart empruntent les routes, et 92 p. 100 des exportations de l'Ontario sont destinées aux États-Unis. Le commerce de l'Ontario avec les États-Unis devrait doubler au cours des cinq prochaines années. Le Canada expédie énormément de marchandises qui traversent la frontière en Ontario; environ 40 p. 100 des exportations du Québec, ou 13,5 milliards de dollars, passent par les routes de l'Ontario. Chaque jour, 16 000 camions traversent la frontière entre l'Ontario et les États-Unis à Windsor, Niagara Falls et Fort Erie, camions qui circulent dans la région métropolitaine de Toronto.

Le problème, c'est que nos routes commerciales nationales sont aussi des routes de banlieue. Il est donc urgent que le gouvernement investisse dans des solutions stratégiques de transport urbain. Le gouvernement fédéral doit reconnaître la faiblesse de l'infrastructure du transport dans cette région et s'associer à la province et aux municipalités locales, de même qu'à notre industrie en fait, pour financer des solutions stratégiques interrégionales en matière de transport. Si on ne fait rien, le coeur de l'économie de notre pays se trouvera dans une situation très fragile.

Il y a à peine quelques semaines, le 27 septembre dernier plus précisément, la province de l'Ontario a annoncé qu'elle allait retirer la responsabilité de GO Transit aux municipalités et créer une nouvelle agence pour la coordination des services, libérant ainsi immédiatement 100 millions de dollars par année que la région métropolitaine de Toronto et les municipalités pourront investir dans leurs réseaux de transport locaux. La province a également annoncé un investissement de 3 milliards de dollars sur une période de dix ans. Cet engagement est de taille, mais il nécessite la participation à part égale du gouvernement fédéral.

Dans notre exposé d'aujourd'hui, nous recommandons à votre comité, monsieur le président, que le gouvernement fédéral, dans le cadre de son budget de 2002, accepte d'assumer un tiers des dépenses consacrées au transport dans la région métropolitaine de Toronto en versant une contribution de contrepartie de 300 millions de dollars par année pendant dix ans pour répondre aux besoins en capitaux de GO Transit. En donnant suite à cette recommandation, le gouvernement fédéral réaliserait d'autres objectifs de son mandat, en ce qui concerne surtout la pollution de l'air, la pollution des eaux et le changement climatique. Qui plus est, un réinvestissement dans ce secteur stimulera l'économie et favorisera la création d'emplois et la production de recettes fiscales. Il s'agit d'un investissement stratégique qui sera payant pour le Canada dans son ensemble pendant des décennies à venir.

La deuxième question que j'aimerais aborder, monsieur le président, est celle d'une stratégie nationale en matière de logement locatif. Il y a un lien étroit entre une économie florissante, des régions dynamiques, une qualité de vie élevée et la nécessité d'un parc adéquat de logements locatifs dans les principaux centres urbains du pays. Le gouvernement fédéral a reconnu dans Un meilleur avenir pour tous que les régions urbaines du Canada font face à une grave pénurie de logements locatifs abordables.

L'UDI est d'avis que des changements durables à long terme au climat des affaires et d'investissement sont essentiels pour rétablir la confiance des entreprises au point où il y aura création de nouveaux logements locatifs par le secteur privé. Une approche globale de la part de tous les paliers de gouvernement est nécessaire pour supprimer les différents obstacles législatifs, réglementaires et financiers qui nuisent à la capacité de l'industrie d'augmenter l'offre de logements abordables. Suffisamment d'études ont été faites et les choses sont claires. Le temps est venu d'agir.

En apportant des modifications à ses politiques fiscales et aux pratiques d'octroi de prêts de la SCHL, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan dans la construction de nouveaux logements locatifs. En Ontario seulement, dans les 20 prochaines années, l'offre privée de logements locatifs doit augmenter considérablement pour répondre à la demande évaluée par la SCHL à 16 000 nouvelles unités. Si nous n'agissons pas maintenant, la pénurie aura d'importantes répercussions socio-économiques pour le pays et les provinces. Nous savons que des discussions sont en cours avec le ministre Gagliano et les ministres provinciaux du Logement au sujet des programmes fédéraux de logement pour subventionner la construction de logements locatifs dans un but déterminé.

• 1415

Monsieur le président, ma thèse est que sans une compréhension des principes économiques fondamentaux liés au financement et à la construction de même qu'aux approbations de logements locatifs dans nos régions urbaines, une subvention financière du genre de celle qui est proposée n'arrivera pas vraiment à stimuler la construction et ne permettra pas d'atteindre les résultats souhaités à long terme.

Quand vous aurez une minute et je pense que le moment serait bien choisi, vous pourriez regarder à la page 9, dans l'annexe 2 de notre trousse d'information, le tableau qui porte sur l'incidence de la politique fiscale du gouvernement sur les mises en chantier privées de logements locatifs. Ce tableau montre les modifications qui ont été apportées entre 1970 et 1999 aux politiques fiscales fédérales et l'incidence qu'elles ont eue sur l'offre de logements locatifs. Il est absolument essentiel que votre gouvernement et le comité comprennent que ce n'est pas uniquement une question d'argent, qu'il faut apporter certains changements fondamentaux à la façon dont nous finançons et dont nous administrons nos entreprises si nous voulons que le secteur privé crée un nouveau stock de logements.

Toutes les initiatives fédérales en matière de logement locatif doivent découler d'une approche durable à long terme au lieu de prévoir la création d'un autre programme. L'industrie du logement locatif et les ministres provinciaux du Logement exhortent le gouvernement fédéral à adopter une approche globale à l'égard de cette question en modifiant par exemple, comme je l'ai dit tout à l'heure, sa politique fiscale et les pratiques d'octroi de prêts de la SCHL.

Le gouvernement fédéral doit établir des règles du jeu équitables et définir ses priorités dans le contexte des besoins du pays, et notamment des régions urbaines. L'industrie de l'aménagement du territoire et de la construction en Ontario demande à votre gouvernement d'établir des règles du jeu qui soient comparables, par exemple, à celles des fabricants d'aéronefs pour ce qui est des possibilités fiscales, et pas des programmes, qui rétabliront la confiance dans notre industrie et dans l'économie de manière à loger la population urbaine du Canada.

J'aimerais attirer votre attention sur une ou deux statistiques que je trouve à propos. Un nouveau gros porteur coûte huit fois plus cher qu'un immeuble de 200 unités, qu'un immeuble à logements locatifs de qualité moyenne dans la région métropolitaine de Toronto, mais l'industrie aérienne peut se prévaloir d'une déduction pour amortissement qui est 45 fois supérieure à celle à laquelle ont droit les propriétaires d'un immeuble locatif. Alors que les dispositions relatives à l'amortissement sont maintenant plus strictes dans le cas des nouveaux projets locatifs, d'où une baisse du rendement et des investissements dans le nouveau logement locatif, les compagnies aériennes peuvent réduire la valeur comptable de leurs actifs à un rythme beaucoup plus rapide.

Monsieur le président, l'UDI veut cet après-midi recommander deux choses à l'égard de cette question: que le gouvernement fédéral, dans le cadre du prochain budget fédéral de 2002, modifie les dispositions clés de la Loi de l'impôt sur le revenu pour qu'il puisse y avoir, entre autres, roulement des gains en capital et augmentation de la déduction annuelle admissible pour amortissement; et que le gouvernement fédéral, par l'entremise de la SCHL, modifie ses politiques de souscription qui ont entraîné la création de pratiques défavorables d'octroi de prêts dans le domaine de la construction de nouveaux logements locatifs.

En conclusion, monsieur le président, l'UDI continuera à adopter une approche proactive à l'égard de l'aide offerte au gouvernement fédéral en ce qui concerne toute initiative qui appuiera de nouveaux investissements dans nos régions urbaines. Nous avons entamé de nombreuses discussions à ce sujet avec les administrations locales et provinciales parce que leur coopération est essentielle à la réussite. En tant qu'intervenants clés, nous sommes déterminés à faire avancer notre vision de villes fortes.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mondell.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Bill Jenkins, directeur, et de M. Gary McNeil, directeur général, de GO Transit.

M. Gary McNeil (directeur général, GO Transit): J'aimerais remercier le comité de nous avoir permis de lui présenter un exposé aujourd'hui.

GO Transit est le réseau de transport des passagers de la région du Grand Toronto et de Hamilton. GO transporte chaque année près de 45 millions de passagers sur une distance moyenne de près de 32 kilomètres. Cela représente 1,5 milliard de kilomètres-passagers de transport dans la région. Sans GO, il aurait fallu au centre-ville de Toronto quatre Don Valley Parkways et quatre Gardiner Expressways de plus, ou à peu près 48 voies autoroutières, pour acheminer le volume de voitures qui y circuleraient. En fait, depuis les années 60, GO Transit a facilité la croissance du centre-ville. En réalité, sans GO, le centre-ville ne se serait pas autant développé. Il aurait fort bien pu suivre le modèle de trou de beigne des centres-villes américains des années 60.

Bien que l'importance du transport des marchandises ait fait couler beaucoup d'encre au Canada, ce sont les passagers qui alimentent le moteur économique que constitue la région du Grand Toronto et de Hamilton, et GO est un important lien entre le domicile et le lieu de travail. GO offre une meilleure qualité de vie aux millions de passagers qui choisissent d'utiliser son réseau et qui laissent la voie libre à la circulation des marchandises et à d'autres déplacements qui ne peuvent pas se faire autrement que par la route.

• 1420

En raison de notre popularité et de notre budget limité, nous ne pouvons plus offrir de nouveaux services. Les trains, les autobus et les terrains de stationnement sont remplis au-delà de leur capacité aux heures de pointe et une expansion s'impose. La situation est la même à Montréal et à Vancouver où la popularité des services de transport n'est pas assortie des engagements de fonds nécessaires.

GO fournit ses services en misant sur une approche d'entreprise. Nous utilisons efficacement un partenariat public-privé chaque fois que nous en avons l'occasion. Notre ratio coûts d'exploitation-revenu est de 87 p. 100. Autrement dit, nous recouvrons 87 cents dans la boîte de perception pour chaque dollar dépensé pour l'exploitation. Notre réseau est un de ceux qui ont le meilleur rendement dans le monde.

La question est la suivante: avons-nous besoin de l'engagement du gouvernement fédéral? La réponse à cette question est oui. Pourquoi? Parce que c'est dans l'intérêt du public. Nous en avons besoin pour améliorer la qualité de vie et la qualité de l'air, nous attaquer aux problèmes environnementaux et de congestion des routes et garantir la vitalité économique des centres urbains qui sont le moteur de notre économie. L'engagement du gouvernement fédéral dans l'expansion du réseau de GO aidera le Canada à soutenir la concurrence sur le marché mondial et uniformisera les règles du jeu avec nos voisins du Sud. Tout le monde sait que le gouvernement fédéral des États-Unis a reconnu l'importance des centres urbains et qu'il leur vient en aide à grands coups d'investissements dans le transport public. Depuis le 11 septembre, cet engagement a pris un sens encore plus grand. On a en effet constaté que lorsque tous les systèmes de transport fonctionnent à capacité, c'est le chaos lorsqu'une des composantes tombe temporairement en panne.

Plus de 70 p. 100 de la clientèle de GO Transit est fondée sur le rail lourd à l'intérieur de couloirs ferroviaires conventionnels. Cet aspect du service permet le déplacement rapide de masses de gens. Le système paraît simple et il l'est. L'avantage, c'est qu'il tire profit des corridors ferroviaires existants, maximisant ainsi les actifs actuels, et ne soulève aucune question environnementale du genre de celles qu'il faudrait se poser dans le cas de nouveaux couloirs ou de routes plus larges. Les chemins de fer nationaux qui contrôlent en grande partie ces couloirs sont reliés à l'échelle fédérale du fait de l'application de la Loi sur les transports au Canada. Ils relient également le pays sur le plan économique à l'échelle nationale et par le biais de leur legs fédéral historique. Leur contrôle et leurs intérêts influent sur la gestion économique, l'efficacité et la capacité du réseau de GO. L'infrastructure ferroviaire et les questions opérationnelles peuvent être coûteuses pour GO et avoir une importance nationale pour les chemins de fer. Des améliorations aux couloirs ferroviaires peuvent être avantageuses pour les chemins de fer dans leurs opérations intermodales et renforcer notre économie nationale tout en profitant directement aux grands centres urbains.

GO Transit a mis au point et a été une des premières sociétés à utiliser une technologie unique qui est fabriquée au Canada et maintenant exportée à grande échelle. Le meilleur exemple en est l'innovatrice voiture à voyageurs à deux étages que Bombardier fabrique actuellement et qui est aujourd'hui utilisée partout aux États-Unis et au Canada pour les trains de banlieue. L'aide fédérale peut continuer à aider ce secteur manufacturier à prospérer. Des composantes de ces voitures sont fabriquées partout au Canada.

Côté infrastructure du rail, les améliorations apportées aux couloirs ferroviaires et à Union Station seront garantes d'une plus grande capacité et d'une plus grande sécurité pour les chemins de fer nationaux, y compris VIA Rail. Le plan décennal de remise à neuf et de croissance de GO prévoit des investissements de capitaux de 1,8 milliard de dollars. Les municipalités ont contribué à ce plan et la province de l'Ontario ne s'est aperçue que récemment des avantages qu'il y aurait à réinvestir dans ce plan. Nous croyons que le moment est venu pour le gouvernement fédéral de montrer lui aussi la voie de la croissance et de la vitalité de nos grands centres urbains en appuyant financièrement les améliorations des immobilisations qui permettront au grand Toronto et aux autres grands centres urbains de soutenir la concurrence au sein de la communauté internationale. Il reconnaîtrait aussi par le fait même le lien qui existe entre l'utilisation des transports en commun et la santé de nos citoyens et de l'environnement.

Nous ne sommes pas ici pour proposer comment le gouvernement fédéral devrait répondre à nos besoins en capitaux. Il existe différents moyens pour ce faire, dont les allégements fiscaux, les recettes provenant d'une taxe spéciale sur l'essence ou un appui direct aux projets. Nos besoins de croissance s'élèvent à environ 100 millions de dollars par année. Nos partenaires financiers ont évalué à au moins 34 millions de dollars par année l'aide financière du gouvernement fédéral.

• 1425

En résumé, nous sommes la solution de transport interrégional pour la région du Grand Toronto et de Hamilton qui tient compte de la qualité de vie, de la congestion environnementale et de la concurrence. Nous savons ce qu'il faut faire et nous avons fait nos preuves. Nous avons obtenu l'appui du secteur privé, des municipalités et de la province. Il nous faudrait maintenant l'aide financière du gouvernement fédéral pour pouvoir aller de l'avant. Tous les paliers de gouvernement devraient partager le fardeau pour que puisse se concrétiser une vision de centres urbains en santé au XXIe siècle et au-delà. On ne peut plus s'attendre à ce qu'un seul palier de gouvernement absorbe les coûts d'investissements majeurs que suppose le transport de masse. Le soutien du gouvernement fédéral mettra GO sur la bonne voie et l'acheminera vers l'avenir, mû par une vision forte.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McNeil.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. MM. Kenney, Nystrom, Murphy et Cullen auront cinq minutes chacun.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui.

Vous avez entendu tous les exposés et vous pouvez imaginer ce que cela représente pour nous chaque jour. Il n'est pas facile d'assimiler toute l'information pour ensuite faire des compromis et des choix politiques difficiles comme législateurs et gouvernement et je pense surtout au ministre des Finances, dans le prochain budget. J'essaie donc de me souvenir des différentes demandes qui nous sont présentées.

Par exemple, prenons votre seul groupe—corrigez-moi si je me trompe—tout d'abord, quand elle a parlé de la nécessité d'investir dans l'infrastructure du transport dans la grande région de Toronto, l'UDI a mentionné une quote-part fédérale annuelle de 300 millions de dollars pendant dix ans. Cela, pour le grand Toronto uniquement et s'il fallait investir la même somme dans toutes les régions urbaines, il faudrait multiplier le tout par quatre, ce qui donne 1,2 milliard de dollars par année pendant dix ans—12 milliards de dollars. Il est facile de voir comment la facture peut vite grimper. GO Transit propose, je crois, que le gouvernement fédéral investisse 34 millions de dollars de plus par année—est-ce exact? Et, à moins que je ne me trompe, les représentants de Conservation Ontario suggèrent que nous investissions 100 millions de dollars de plus dans le programme des Grands Lacs plus quatre ou cinq millions, je pense, dans un autre programme.

M. Peter Krause: Sur une période de cinq ans, oui.

M. Jason Kenney: Sur une période de cinq ans, je vois.

Ça m'a peut-être échappé, mais est-ce que le Homeless Network a proposé un chiffre en plus des dépenses fédérales actuelles?

M. Michael Shapcott: Nous avons recommandé 2 milliards de dollars par année, soit un chiffre que la Fédération canadienne des municipalités et d'autres groupes ont aussi approuvé.

M. Jason Kenney: Non seulement tous ces investissements publics seraient utiles, mais ils s'imposent d'après un grand nombre d'entre vous. Le défi—et j'essaie de vous donner une idée d'ensemble du tableau—c'est que le gouvernement oscillera entre un déficit et un excédent au cours de l'année qui vient ou des deux prochaines années. Certains, comme la Banque de Nouvelle-Écosse, prédisent en fait un déficit pouvant aller jusqu'à 5 milliards de dollars pour l'an prochain. Et cela même avant de tenir compte des besoins additionnels en matière de sécurité au lendemain du 11 septembre, qui pourraient selon certains être de l'ordre de 7 milliards de dollars par année. Ajoutez à cela la possibilité d'une récession et d'une diminution des recettes. Et tenez compte aussi du fait que 80 p. 100 du budget fédéral est sur le pilote automatique: service de la dette, transferts aux particuliers et transferts aux provinces pour des programmes comme la sécurité de la vieillesse et les soins de santé.

C'est donc là le scénario. Le thème ici est un investissement accru dans l'infrastructure, le logement, l'environnement. Est-ce que quelqu'un d'entre vous pourrait me dire s'il pense, étant donné le tableau d'ensemble que je viens de vous brosser, que nous devrions être prêts à afficher un déficit pour financer ces besoins supplémentaires? Devrions-nous augmenter les impôts? Devrions-nous retarder les réductions d'impôt proposées? Ou devrions-nous réduire les dépenses dans d'autres secteurs de programmes moins prioritaires? J'imagine qu'aucun d'entre vous n'est un spécialiste de la politique fiscale, mais vous pourriez peut-être me faire part de vos commentaires sur le dilemme devant lequel nous nous trouvons.

Le président: Monsieur Shapcott.

M. Michael Shapcott: Avec plaisir. Je vous remercie de la question.

• 1430

Je tiens tout d'abord à dire, monsieur Kenney, qu'à partir des années 80, puis ensuite dans les années 90, le déficit, des temps difficiles et la nécessité de réduire les dépenses ont servi d'excuse à l'érosion constante des programmes nationaux de logement, et à leur élimination en 1993. Je pense que nous avons assez bien su exposer les conséquences de tout cela en 2001—le fait que dans cette seule ville, 84 sans-abri soient décédés depuis la dernière fois que nous avons comparu devant le comité, il y a deux ans.

J'aimerais attirer votre attention sur le fait, cependant, que le gouvernement fédéral fait de nombreux sondages sur ces questions et qu'il a recours à des sondeurs comme Environics. Chaque année, la Société d'hypothèques et de logement fait un sondage d'opinion pour Environics et pose exactement la question que vous venez de poser. Vous trouverez peut-être intéressant de savoir qu'elle pose la question suivante: «Accepteriez-vous que plus d'argent soit consacré au logement pour les sans-abri, même s'il devait y avoir augmentation des impôts?»

L'année dernière, soit l'année la plus récente pour laquelle on dispose de données, 67 p. 100 des Canadiens ont indiqué qu'ils étaient en faveur d'une augmentation des dépenses, même si cela voulait dire une augmentation des impôts. Je pense que vous avez là la réponse. De nombreux autres sondages ont donné les mêmes résultats. Selon notre propre groupe, toutes ces années de déficit et de dette et la nécessité de restrictions financières comme excuse pour ne pas investir dans le logement ont donné les résultats que nous connaissons. Nous devons maintenant commencer à réinvestir.

Le président: Merci.

Paul Mondell.

M. Paul Mondell: Merci, monsieur le président. J'admettrai, avant de vous faire part de mes commentaires, que je ne suis effectivement pas un expert dans ces domaines.

Tout d'abord, je ne pense pas qu'il faille supposer que les besoins du Grand Toronto sont nécessairement les mêmes que ceux d'autres régions du pays. Quelqu'un m'a dit à un moment donné que le Grand Toronto vit de ses voies de transport, ses autoroutes—tout comme l'Alberta a besoin de ses pipelines pour vivre. Il y a donc des différences importantes entre les régions. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes de congestion dans des villes comme Vancouver et Montréal, parce que je sais qu'il y en a. Mais je pense qu'il faut aussi examiner le coût de la congestion. Quel est le coût de la perte de productivité?

Un des exemples que j'aime donner est celui d'un fabricant d'électroménagers de Hamilton qui pouvait auparavant partir à 7 h du matin avec un plein camion et revenir à 1 h de l'après-midi pour le remplir une deuxième fois. Aujourd'hui, le camion qui part à 7 h ne revient pas avant 3 h de l'après-midi. Le camion roule au ralenti sur les routes et soit que la compagnie ne fasse pas une deuxième livraison, soit que les chauffeurs ne rentrent pas avant 8 h du soir, d'où des coûts supplémentaires pour la compagnie.

Il y a un coût pour l'économie qu'on ne peut pas nécessairement chiffrer, mais on a fait des calculs en 1989 qui montrent que le coût de la congestion et de la perte de productivité pour l'économie de notre pays était de l'ordre de 2 milliards de dollars. Je ne peux pas imaginer ce que serait ce chiffre aujourd'hui.

Nous demandons des investissements stratégiques qui auront des retombées économiques. Plus les gens travailleront, plus nous seront productifs. Cela encouragera les investissements et les gens seront vraisemblablement plus nombreux à payer des impôts.

Je comprends le dilemme devant lequel nous vous trouvez, mais je pense que nous devons l'envisager dans le contexte de l'impact des villes sur l'économie de notre pays et à la lumière du rôle que le gouvernement fédéral joue dans ces régions urbaines. Je ne pense pas que jusqu'à maintenant le gouvernement fédéral ait joué un rôle important dans les questions dont nous avons parlé aujourd'hui.

Si nous ne commençons pas à agir et ne nous occupons pas de certaines de ces questions, j'ai bien peur que nous allons finir par perdre un grand nombre d'entreprises qui ont une grande incidence sur l'économie de la région. Elles ne pourront plus soutenir la concurrence, parce qu'elles ne pourront pas faire circuler leurs camions.

Le président: Merci, monsieur Mondell.

Derniers commentaires pour M. Kenney et M. McNeil.

M. Gary McNeil: Oui. Vous allez probablement penser que je dis des blasphèmes, mais je ne vois pas trop pourquoi on hésite à être en déficit. On encourage souvent les particuliers à s'acheter une voiture et une maison pour faire tourner l'économie. Ce n'est pas en puisant dans leurs économies que les gens peuvent y arriver; habituellement, ils obtiennent une hypothèque et empruntent pour faire ces achats.

C'est la même chose ici, parce que ce qui est proposé en fait, c'est un investissement dans l'économie. Dans le secteur privé, il faut habituellement emprunter pour investir dans son entreprise, parce que c'est payant. Nous avons tendance à utiliser, du moins dans les cercles gouvernementaux, le mot «déficit» tout le temps. Je pense que c'est tout simplement parce que le gouvernement regarde constamment le bilan et a peur de dire qu'il s'agit en fait d'un investissement.

Les États-Unis qui sont notre principal partenaire commercial n'ont pas du tout peur des déficits et ils ont une des économies les plus fortes du monde. Pourquoi avons-nous tant peur des déficits au Canada?

• 1435

M. Jason Kenney: Est-ce que je peux faire rapidement un commentaire, monsieur le président?

Le président: Vous avez deux secondes.

M. Jason Kenney: Je vais répondre brièvement. La raison, c'est peut-être que nous avons déjà une hypothèque d'environ 550 milliards de dollars qui nous coûte 40 milliards de dollars en intérêt. C'est la deuxième plus grande dette de tous les pays développés, comme pourcentage du PIB, et elle est à peu près deux fois plus élevée que celle des États-Unis, par rapport au PIB.

J'ai une très brève question à laquelle vous pourrez répondre rapidement. Ceux d'entre vous qui proposent d'investir dans l'infrastructure seraient-ils prêts à ce qu'une plus grande partie des coûts soit perçue auprès des usagers—au moyen, par exemple, de routes à péage et de coûts supplémentaires pour les usagers des transports en commun?

Une voix: Notre industrie finance déjà une partie importante de cette infrastructure.

Le président: D'accord. Merci.

Nous allons céder la parole à M. Nystrom pour cinq minutes.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Oui, je tiens à souhaiter la bienvenue à tous nos témoins ici cet après-midi.

J'ai une ou deux questions à poser. La première s'adresse au National Housing and Homeless Network. Vous avez dit que les refuges avaient accueilli 60 000 personnes à Toronto au cours des deux dernières années. Vous êtes un organisme national et je serais curieux de savoir ce qu'il en est dans le reste du pays. Vous avez surtout parlé de Toronto dans votre mémoire. Je suis inquiet par ce qui se passe non seulement dans les grandes villes comme Montréal et Vancouver, mais aussi dans les plus petites villes—j'aimerais avoir une petite idée.

M. Michael Shapcott: Je suis désolé, mais nous n'avons pas de chiffres pour l'ensemble du pays. Nous en avons pour l'Ontario parce que la ville de Toronto est très bonne en calcul. Nous croyons que la ministre fédérale responsable des sans-abri devrait, dans le cadre de son mandat, faire certains calculs. Mais il n'y a pas de chiffre national fiable.

Bien des gens pensent qu'un quart de millions de Canadiens sont sans abri à un moment ou l'autre de l'année, d'après certaines extrapolations et un certain nombre de villes, mais ce n'est là qu'une estimation, car nous n'avons pas de chiffre national fiable.

M. Lorne Nystrom: Est-ce que c'est Toronto qui pose le plus grand défi, par habitant? Nous entendons beaucoup parler des sans-abri de Toronto dans les journaux, mais peut-être qu'on les entoure d'une plus grande publicité dans cette ville. La situation est-elle tout aussi difficile pour les habitants de Regina, Vancouver, Montréal ou Moncton, par exemple?

M. Michael Shapcott: C'est un problème d'envergure nationale qui se pose dans les régions rurales, les régions éloignées, les réserves des Premières nations et les grandes villes.

Par habitant, en Ontario, soit la province qui a fait le plus d'études à ce sujet, c'est la ville de Peterborough qui compte en fait le pourcentage le plus élevé de ménages au bord de l'itinérance. Les chiffres sont beaucoup plus élevés pour Peterborough que pour Toronto et de nombreux autres endroits. En réalité, des villes comme Barrie, North Bay et Sudbury ont toutes des pourcentages plus élevés de ménages au bord de l'itinérance que Toronto.

J'ajouterai que selon une étude menée en Ontario sur l'augmentation de l'utilisation des refuges et du nombre de sans-abri qui vont dans les refuges, c'est la ville de Barrie qui a enregistré l'augmentation la plus importante parmi toutes les régions municipales de l'Ontario—une augmentation plus forte qu'à Toronto encore une fois.

Toronto est la ville la plus populeuse du pays de sorte que les chiffres ont tendance à y être élevés. Cela déforme un peu la réalité, mais notre réseau compte sans contredit des membres actifs dans des endroits comme Parry Sound et de plus petites collectivités, et il y a là aussi de graves problèmes.

M. Lorne Nystrom: Et la tendance au cours des 20 à 30 dernières années? A-t-elle été à la hausse? Est-ce que la courbe était régulière? Est-ce que la situation se détériore ou se stabilise?

M. Michael Shapcott: Toutes les courbes de tendance ont empiré pour ce qui est des deux composantes fondamentales du logement et du problème des sans-abri. La première est l'offre. Il s'agit du nombre réel de logements abordables disponibles pour les ménages à faible revenu.

La deuxième est la capacité de payer—le revenu dont ces ménages disposent. Par exemple, M. David Hulchanski, de l'Université de Toronto, a récemment publié un bulletin de recherche qui montre que le revenu des ménages de locataires par comparaison au revenu des ménages propriétaires a diminué de 3 p. 100 entre le milieu des années 80 et 1993, après correction pour l'inflation. Donc, les tendances vont tous dans le mauvais sens.

M. Lorne Nystrom: J'ai une autre question pour Go Transit. Vous avez parlé de Peterborough. J'ai présenté un exposé à Peterborough il y a quelques semaines. À mon arrivée à l'Aéroport Pearson, j'ai loué une voiture et je suis parti à 15 h 30. J'ai vu une pancarte qui indiquait que j'étais à 150 kilomètres et je me suis dit que j'y serais vers 17 h 30, au plus tard. Je suis arrivé à 19 h 30. Le voyage m'a pris quatre heures. Je commence donc à m'apercevoir de l'importance de plus nombreux investissements dans le transport public des grandes villes.

Vous avez mentionné dans votre rapport qu'on investit beaucoup plus dans le transport urbain des grandes villes américaines. Combien d'argent de plus? Pouvez-vous nous donner une comparaison? À quel point avons-nous du retard sur le reste du monde? Je sais que l'Europe investit beaucoup plus que nous. Qu'en est-il de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande? Comment nous comparons-nous aux autres pays membres de l'OCDE?

• 1440

M. Gary McNeil: En fait, l'Association canadienne du transport urbain a fait des estimations selon lesquelles il faudra investir environ 9 milliards de dollars au Canada au cours des cinq prochaines années juste pour répondre aux besoins de l'infrastructure du transport.

Quand on regarde les sommes qui sont dépensées ailleurs dans le monde, on s'aperçoit qu'on est probablement le seul pays du monde, du moins le seul du G-7, où le gouvernement fédéral n'a rien à voir avec le transport urbain. Aux États-Unis, on investit actuellement 6 milliards de dollars par année dans les systèmes de transport. De plus, le Sénat et la Chambre étudient actuellement un projet de loi voulant qu'environ 3 milliards de dollars viennent s'ajouter à cette somme, à la suite des événements du 11 septembre. C'est pour le transport urbain.

Dans les pays européens, le pourcentage du financement fédéral est beaucoup plus élevé. En France, je pense que le gouvernement fédéral finance 55 p. 100 de tous les coûts d'immobilisation.

L'Australie a opté pour un partenariat public-privé avec un grand nombre de commissions de transport. En fait, la plus grande partie de l'infrastructure a été construite à l'aide de fonds fédéraux. La quote-part actuelle des secteurs public et privé est difficile à calculer, parce qu'on a tendance à enfouir l'argent dans des budgets divers de sorte qu'on ne sait pas vraiment combien d'argent le gouvernement dépense pour le transport là-bas.

Le président: Merci.

Merci, monsieur Nystrom. M. Cullen a dit que vous devriez peut-être rouler un peu plus vite la prochaine fois.

Des voix: Ah! Ah!.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

Merci à nos témoins. Je vous félicite de la qualité de vos mémoires. Il y a un tas de matériel ici, un tas de bonnes idées.

Je vais en venir au logement abordable dans un moment, mais avant j'aurais une question à poser à M. Krause.

À mon arrivée à Toronto, je vivais dans l'est de la ville et j'avais l'habitude de me promener le long de la rivière Don. Je n'ai jamais été vraiment impressionné par la qualité de l'eau, mais l'ambiance était formidable. Quand je me promenais le long de la rivière Humber, il m'arrivait d'apercevoir à l'occasion un poisson ou encore de voir des gens pêcher.

Quelle est la qualité de ces cours d'eau? Pouvez-vous m'aider à comprendre l'ampleur de ce que vous essayez d'accomplir ici? Je sais que vous faites du bon travail, mais ces rivières...? Pour moi, c'est un peu comme si... Ce n'est pas nécessairement qu'il faille qu'elles grouillent de poisson, mais si les poissons peuvent y nager et se multiplier, alors il y a de bonnes chances que l'eau soit de qualité raisonnable.

M. Peter Krause: Je devrais peut-être vous mentionner, monsieur Cullen, certains prix internationaux que les offices de protection de la nature reçoivent en récompense de leurs efforts de gestion des ressources des bassins hydrographiques, surtout l'eau. La Grand River Conservation Authority a reçu un prix international l'année dernière pour l'amélioration importante de ses eaux. La Humber River Authority s'est vu pour sa part décerner un certificat de distinction en reconnaissance des améliorations apportées à la qualité de l'eau.

Le fait est que l'eau a été grandement améliorée dans la plupart des bassins hydrographiques au cours de la dernière génération. Il y a encore des possibilités d'amélioration de la qualité de l'eau, mais il faut l'aide financière de divers partenaires, y compris le gouvernement fédéral.

M. Roy Cullen: Est-ce seulement une impression que j'ai que la qualité de l'eau de la rivière Humber est légèrement supérieure à celle de la rivière Don? Est-ce mon imagination ou...?

M. Peter Krause: Je vais demander à M. Craig Mather, de la Toronto and Region Conservation Authority, de répondre à cette question.

M. Craig Mather (agent d'administration en chef, Toronto and Region Conservation Authority): Merci, monsieur le président.

Je pense que vos observations sont justes. La qualité de l'eau est supérieure dans la rivière Humber. L'eau n'est pas parfaite, mais elle est de meilleure qualité que celle de la rivière Don, et il y a certaines raisons de base à cela. La Don est urbanisée à près de 100 p. 100 et les écoulements urbains, par exemple, sont la principale source de pollution de cette rivière. Une partie importante du bassin de la Don n'est pas soumise aux techniques de gestion des eaux d'orage les plus récentes dont peuvent se vanter les plus nouveaux projets du nord du bassin.

La différence, toutefois, c'est que les deux rivières reçoivent un certain financement fédéral dans le cadre du Programme des plans d'assainissement—le programme des secteurs de préoccupation. Nous recevons donc des fonds du gouvernement fédéral pour les programmes du genre de ceux qui sont décrits dans la trousse d'information.

Les bassins hydrographiques qui ne se trouvent pas dans un secteur de préoccupation ne sont pas financés par le gouvernement fédéral. Pourtant, les engagements à l'égard des Grands Lacs demeurent de sorte que ce programme s'adresse à ces autres bassins, qui représentent la plus grande partie de la province.

M. Roy Cullen: Continuez votre bon travail. Nous devrions peut-être faire plus pour vous aider.

• 1445

Maintenant, pour ce qui est du logement abordable, l'UDI... Je pense toujours à l'UDI dans le contexte de la Rhodésie, mais... Les témoins ont été tellement nombreux à nous parler du logement abordable et des sans-abri qu'il existe de toute évidence un problème grave, surtout dans la région du Grand Toronto, mais aussi ailleurs. Selon certains promoteurs, si on adopte des politiques fiscales qui favorisent le développement, les constructeurs bâtiront la gamme complète de logements—de la qualité la plus élevée à la plus basse. Mais c'est une entreprise risquée. Je ne suis pas tout à fait convaincu.

Étant donné que nous disposons de ressources limitées, il est évident pour moi que nous devrions concentrer notre attention sur les politiques fiscales ou les politiques financières qui encourageront la construction de logements abordables. Quand je remonte la rue Yonge en voiture, le long de la rue Bloor je vois un tas de logements, mais pas du genre dont il y a pénurie.

Dans votre mémoire, et je dois dire qu'il renferme d'excellentes idées, y a-t-il des politiques qui sont différentes en ce sens qu'elles seraient davantage axées sur le stock de logements abordables? Parce que c'est une entreprise risquée pour le gouvernement de dire qu'il va adopter certaines politiques fiscales, parce que si on a des politiques fiscales qui favorisent la construction de logements en général... Si ça ne se produit pas, il y aurait mauvais emploi de ressources limitées, vous voyez probablement ce que je veux dire—ou peut-être que non.

Avez-vous des commentaires à faire? Avons-nous ici des politiques différentes qui cibleraient vraiment le logement abordable?

Vous auriez peut-être des commentaires à faire, vous aussi, monsieur Shapcott et madame Kidd.

M. Paul Mondell: Laissez-moi commencer. Je comprends votre point de vue et nous reconnaissons bien sûr que les ressources sont limitées. Nous ne recherchons pas de nouveaux programmes. Nous voulons créer un climat propice aux investissements dans lequel le secteur privé se remettra à construire des immeubles locatifs.

Je peux vous dire que tout récemment, juste pour voir ce qu'il en était, nous avons pris un terrain et calculé que nous obtiendrions un taux de rendement de 4 p. 100 sur nos investissements. Soit dit sans vouloir vous offenser, à moins que les taux d'intérêt continuent à diminuer—peut-être qu'alors un taux de 4 p. 100 serait intéressant—dans les circonstances actuelles, pourquoi quelqu'un gaspillerait-il son temps et prendrait-il des risques pour un taux de rendement de 4 p. 100 au lieu de laisser son argent à la banque? C'est ce que vous devez comprendre.

C'est pourquoi dans mes remarques j'ai tenu à attirer votre attention sur le tableau de l'annexe 2 où nous suggérons de créer un environnement dans lequel notre industrie se remettra à construire des immeubles locatifs. Si vous en avez les moyens, mettez l'accent sur les gens qui sont dans le besoin et donnez-leur les outils qu'il faut pour se louer un logement sur le marché privé. S'ils ne peuvent pas se permettre de payer un loyer de 1 000 $ par mois, accordez-leur des subventions fédérales ou provinciales s'il le faut.

Il a été prouvé à maintes et maintes reprises que le gouvernement ne devrait pas se lancer dans la construction de logements. Il ne sait pas trop comment s'y prendre. Nous savons nous y prendre. Mais si nos investissements ne nous donnent pas un bon rendement... Si vous regardez d'autres pays—nous avons parlé des États-Unis tout à l'heure—une disposition de roulement crée une quantité énorme de capitaux à investir et ils sont investis dans des instruments comme le logement locatif.

Je pense qu'il est très clair que si on pouvait attirer des capitaux par l'entremise de la SCHL—parce que les banques ne prêtent pas d'argent pour la location—si vous créez un environnement propice à l'investissement, et à long terme, il serait impossible au prochain gouvernement d'essayer de fermer la porte... Et il ne s'agit pas uniquement du gouvernement fédéral—je veux que ce soit clair—il faut travailler avec les municipalités et le gouvernement provincial. Il faut adopter une approche globale. Peu importe que nous construisions des appartements qui vont se louer 1 000 $, 1 200 $ ou 800 $ par mois. Nous avons besoin d'un nouveau parc de logements dans ce coin-ci du globe et personne n'en construit actuellement.

Comme nous l'avons dit à nos homologues provinciaux, c'est au locataire que vous devez accorder la subvention, pas à la personne qui construit l'immeuble.

Le président: Avez-vous des commentaires, monsieur Shapcott?

M. Michael Shapcott: Je vous remercie de la question, monsieur Cullen.

Je tiens à dire tout d'abord que pour une rare fois mes collègues à gauche de l'Urban Development Institute et nous ici à droite du National Housing and Homeless Network sommes d'accord, et nous sommes d'accord pour dire que le gouvernement ne devrait pas se lancer dans la construction de logements. En fait, globalement, le gouvernement n'a pas construit de logements depuis 1973. En 1973, il s'est aperçu qu'il n'était pas très bon là dedans et il a entrepris un programme national de l'habitation à l'intention des groupes communautaires, groupes à but non lucratif, coopératives, clubs Rotary locaux et organisations religieuses et il leur a dit: «Vous connaissez les collectivités mieux que quiconque. Vous pouvez faire du bon travail. Construisez des logements et nous allons vous aider.»

• 1450

Il s'agit là du genre de programme que nous appuyons. Votre question frappe juste. À un moment où les ressources publiques sont limitées, qu'on parle d'impôts ou de dépenses, comment maximiser ces ressources publiques?

Je tiens juste à vous dire, monsieur Cullen, que nous nous sommes déjà réunis à ce sujet et que nous en avons discuté, mais je vais vous donner de plus nouvelles statistiques. Il y a au Canada environ 4,8 millions de ménages de locataires. Je cite une étude de David Hulchanski, du Centre des études urbaines et communautaires de l'Université de Toronto. À peu près la moitié de ces ménages avaient un revenu moyen de 20 947 $ en 1999—l'année la plus récente—ce qui veut dire que la moitié d'entre eux ou 2,4 millions de ménages avaient un revenu supérieur et 2,4 millions un revenu inférieur à cette somme.

Pour vous donner une idée du genre de logement qu'il faudrait construire pour répondre aux besoins de la moitié des ménages de locataires canadiens ayant un revenu inférieur à 20 947 $, il faudrait un loyer mensuel de 580 $ ou moins pour satisfaire à la définition conventionnelle du terme abordabilité. Selon nous, en offrant des transferts libres d'impôt ou d'autres incitatifs au secteur privé, on arrivera certainement à stimuler la construction de logements, mais, dans le passé, lorsque le gouvernement a essayé d'utiliser la politique fiscale pour des programmes du genre du Programme des immeubles résidentiels à logements multiples, oui, il y a eu construction de logements, mais pas de logements abordables et à l'intention précisément de ces 2,4 millions de ménages qui ont 20 000 $ ou moins par année pour tout payer, y compris leur loyer. C'est pourquoi nous disons qu'il faut un programme ciblé.

Si vous me le permettez, monsieur Cullen, c'est le point qui a été chaudement débattu à la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres à London à la mi-août. Le ministre fédéral, M. Gagliano, est arrivé à la réunion avec l'argument suivant: «Si nous avons un programme d'investissement du genre de celui proposé par l'Urban Development Institute, nous allons pouvoir en fait construire plus d'unités, parce que l'argent va aller plus loin.» Si la subvention est moins élevée par unité, on construit plus d'unités.

C'est un argument intéressant, mais, bien sûr, les unités construites ne sont pas celles dont on a besoin et à un moment où les gens meurent dans les rues parce qu'ils n'ont pas de logement, il serait inadmissible que le gouvernement investisse ses maigres ressources dans des logements locatifs haut de gamme. C'est pourquoi, à la réunion de London, il y a en fait eu unanimité. Tous les ministres provinciaux et même le ministre Gagliano ont fini par se rendre à l'évidence qu'il valait mieux cibler l'argent et s'assurer qu'il irait aux ménages qui en ont le plus besoin.

Le président: Merci, monsieur Shapcott, et merci à vous aussi, monsieur Cullen.

Monsieur Murphy puis ce sera au tour de M. Brison.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais revenir à MM. Mondell et Rodgers au sujet des questions soulevées par M. Cullen à propos du logement. Je voudrais que nous parlions de votre recommandation relative à la prime de 5 p. 100 de la SCHL pour le logement locatif à risques élevés. S'agit-il de frais à risques pondérés ou d'un genre quelconque...? Les pertes sont-elles telles qu'il faille imposer des frais de 5 p. 100 pour atteindre le seuil de rentabilité sur le marché? Ce chiffre me paraît terriblement élevé.

M. Paul Mondell: De toute évidence, on examine présentement un type quelconque de formule. Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle les banques ne prêtent pas pour le logement locatif. La SCHL devient alors une source de revenu. Ses pratiques d'octroi de prêts n'incitent pas les entreprises comme la nôtre à emprunter. Nous regardons du côté des marchés boursiers ou des marchés du crédit, si vous voulez, pour nous financer pendant la construction.

Il faut calculer le temps nécessaire pour obtenir l'approbation, acheter le terrain et construire l'immeuble avant de commencer à réaliser des revenus quelconques. La partie prêt de l'équation devient très importante. Si l'environnement ne nous est pas favorable... La SCHL est en fait le prêteur de dernier recours et elle n'est pas là pour nous actuellement. La prime qu'elle demande, de la manière dont je vois les choses, est trop élevée. Franchement, elle devrait refléter davantage les politiques du gouvernement actuel.

M. Shawn Murphy: N'est-ce pas un des problèmes dont vous ne parlez pas dans votre mémoire: c'est-à-dire qu'il y a six ou sept ans, les banques à charte se sont retirées du marché des prêts immobiliers au Canada et que la SCHL est une méthode du gouvernement pour aider les promoteurs du secteur privé? Je ne savais pas que les pertes allaient jusqu'à 5 p. 100 sur le marché de l'habitation.

• 1455

La situation n'a jamais été aussi dramatique qu'au début des années 80 lorsque l'industrie immobilière du Canada a été complètement anéantie. Nous n'avons rien vu de pareil depuis. Il y a eu quelques problèmes isolés dans différentes régions du Canada. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment eu de problèmes dans la région du Grand Toronto.

Une des questions qui n'a pas été examinée est celle des prêts à l'industrie immobilière. Ils sont tout simplement inexistants. Comment ramener les prêteurs à la table?

Le président: Monsieur Rodgers.

M. Neil H. Rodgers (président, Urban Development Institute of Ontario): La réponse à votre question est oui. Des frais de 5 p. 100 auraient semblé appropriés à un moment où les risques étaient élevés, peut-être en 1981, au moment où nous étions au creux d'une récession, ou en 1991. Mais à un moment où l'économie et l'industrie immobilière sont si florissantes, il y a de quoi s'interroger.

Ces récessions ont aussi éliminé un grand nombre d'exploitants sans scrupule. Les gens qui veulent construire des logements locatifs, les gens qui sont nos membres, sont des prometteurs immobiliers qui ont une excellente cote de crédit et une excellente réputation.

S'il y avait ici des représentants de la Banque de Nouvelle-Écosse ou de n'importe quelle autre banque à charte, ils vous diraient qu'il faut nous donner une certitude sous la forme de lois, de politiques et de règlements. Cette certitude n'existe pas à certains paliers de gouvernement, que ce soit du côté provincial en termes de contrôle des loyers ou du côté des investissements par le biais de politiques fiscales. C'est le gouvernement fédéral qui doit créer le climat propice aux investissements. Créez ce climat et le marché fera le reste.

M. Shawn Murphy: Mais ne devons-nous pas créer le climat qui attirera les prêteurs? Le prêt—c'est ce qu'il y a d'important selon moi. Je ne pense pas que vous puissiez obtenir une certitude quelconque en matière de réglementation puisque bien des règlements viennent des municipalités. Je ne vois pas comment vous pourriez y arriver.

Je suppose que ma question est la suivante: Comment amener les prêteurs à prêter de nouveau de l'argent à l'industrie immobilière?

M. Neil Rodgers: J'en ai discuté avec un certain nombre de personnes qui s'intéressent à cette question. Je pense que même avant le 11 septembre, il y avait beaucoup moins de moyens de placement pour les institutions privées, les prêteurs privés.

L'immobilier peut être une possibilité très attrayante. Je n'ai pas d'autres recommandations particulières à faire que celles qui sont dans notre mémoire, monsieur Murphy. La clé, c'est la confiance. En 1970, le gouvernement fédéral avait réussi à créer un tel climat d'investissement ou du moins il en existait un, mais il en a privé l'industrie pour toutes sortes de raisons, entre autres pour mettre un terme à la spéculation dans l'industrie du logement. En fait, il a privé l'industrie de tous ses moyens, au point où aujourd'hui personne ne veut construire à moins que le rendement soit élevé, ou du moins approprié.

M. Shawn Murphy: Je m'en rends bien compte.

M. Paul Mondell: C'est un scénario risque-récompense. Si vous pouvez arriver à leur prouver que le taux de rendement des capitaux propres sera raisonnable, vous réussirez à intéresser les banques. Elles sont très nerveuses à ce sujet, pour toutes sortes de raisons. Les divers paliers de gouvernement ont adopté tellement de lois qui visaient les propriétaires d'immeubles d'habitation qu'on a peur d'aller sur les marchés financiers avec l'idée de construire un nouvel immeuble d'habitation ou locatif quand on sait qu'il faudra probablement deux, trois ou quatre ans avant de commencer à voir ses investissements fructifier. Il peut arriver n'importe quoi dans l'intervalle.

M. Shawn Murphy: Ma dernière question s'adresse à M. Shapcott, et elle sera très courte, monsieur le président.

Je suis de votre avis sur la question des logements abordables. Les choses ont traîné beaucoup trop longtemps. On m'a dit que c'était à cause des négociations avec les provinces. Il y a différents modèles qui ont été proposés—et je suis d'accord avec vous: le gouvernement fédéral ne devrait pas s'occuper de la construction d'immeubles résidentiels—, mais d'après votre expérience de ces différents modèles, par exemple le programme des IRLM et les logements coopératifs, quel est celui qui fonctionne le mieux et que le gouvernement fédéral devrait privilégier dans ses négociations avec ses homologues provinciaux?

M. Michael Shapcott: Nous pensons évidemment que le meilleur modèle est celui qui permet d'offrir des logements de la façon la plus rentable sur le plan administratif, qui est très facile à gérer pour le gouvernement et, comme je l'ai dit, qui débouche sur la création d'unités de logement. Le gouvernement a déjà eu un programme sous le régime de la Loi nationale sur l'habitation, le programme 34.18—c'est un chiffre qui ne veut pas dire grand-chose—, qui consistait essentiellement à offrir une forme relativement simple de soutien en capital en vue de la construction d'unités de logement.

• 1500

Pour les coopératives d'habitation construites dans le cadre de ce programme, les dépenses étaient en partie remboursables. Ce programme permettait également de verser des subventions aux ménages à faible revenu qui pouvaient démontrer qu'ils en avaient besoin. C'était un programme relativement simple à administrer, et qui a permis de construire de nouvelles unités; nous pensons donc que c'était un bon modèle.

À notre avis, les programmes comme ceux que nous avons vus récemment au niveau fédéral—et dans certaines provinces aussi, d'ailleurs, dont l'Ontario et le Québec—ne sont pas intéressants parce que, bien franchement, ils sont très difficiles à administrer. Nous croyons qu'il existe des solutions offrant un meilleur rapport coûts/bénéfices.

Donc, essentiellement, il faut des programmes combinant le soutien en capital et les suppléments au loyer, ou encore des loyers fixés de manière à tenir compte des revenus.

Le président: Merci, monsieur Shapcott.

Merci beaucoup, monsieur Murphy.

Les dernières questions seront posées par M. Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de leurs interventions.

Monsieur Shapcott, vous avez parlé assez longuement de la légitimité de la participation canadienne aux opérations militaires en cours contre l'Afghanistan dans le cadre de l'OTAN. Je voulais simplement vous faire remarquer que le gouvernement essaie d'équilibrer ses investissements. Le Comité des finances joue un rôle à cet égard, mais en définitive, c'est le ministre des Finances qui prend les décisions au sujet de la façon d'équilibrer les dépenses pour respecter les priorités des Canadiens. Or, la sécurité nationale est une priorité pour les Canadiens. Nous vivons dans un immense pays dont les longues frontières sont presque impossibles à défendre, même en accordant beaucoup d'argent à nos forces armées.

Nous investissons moins dans la défense nationale que tous nos partenaires de l'OTAN, à l'exception du Luxembourg; je dirais donc que notre participation à l'OTAN n'est pas une si mauvaise affaire. Quand nous devons à l'occasion participer à des opérations de l'OTAN, nous serions mal venus d'éluder cette responsabilité. En fait, historiquement, les Canadiens ont retiré des avantages importants de cette participation. Les citoyens, les contribuables canadiens bénéficient de notre participation à l'OTAN.

J'aimerais savoir si vous jugez cela justifié.

M. Michael Shapcott: Nous sommes tous les deux d'accord pour dire que la sécurité mondiale et la sécurité nationale sont extrêmement importantes, surtout ces temps-ci. Mais je ne suis pas certain que nous soyons du même avis sur les moyens à prendre pour y arriver. Pour garantir la sécurité mondiale, comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous estimons que le Canada pourrait prendre un certain nombre de mesures et faire preuve de leadership dans certains domaines, par exemple dans le mouvement mondial vers la création d'un tribunal pénal international, puisque 42 pays du monde—des pays aussi respectés que le Canada et la Grande-Bretagne—estiment que ce serait une tribune appropriée pour que justice soit rendue à la suite des actes horribles qui ont été commis le 11 septembre.

Vous avez mentionné les dépenses militaires. Tout le monde sait bien que le Canada dépense beaucoup moins qu'il le devrait pour les diverses facettes du développement international, et beaucoup moins que bon nombre de nos partenaires. Ce sont des secteurs où le gouvernement devrait à notre avis exercer son droit de faire des choix.

M. Scott Brison: Au sujet de ces initiatives, je ne nie pas que le Canada, en tant que puissance moyenne, pourrait jouer un rôle dans la création d'institutions supranationales, que ce soit un tribunal international ou quelque chose d'autre, mais le fait est que, quand on nous demande de participer à des opérations de l'OTAN dans des circonstances comme celles-ci, nous ne pouvons pas refuser. J'ajouterai, au sujet de cette question de tribunal international, qu'il faut pouvoir faire comparaître quelqu'un devant ce tribunal. Or, j'ai bien l'impression qu'il ne sera pas facile d'amener Oussama Ben Laden à se prêter à ce genre de chose.

M. Michael Shapcott: M. Milosevic n'était pas tellement content d'être traduit devant le tribunal, mais il l'a été. Les gens qui ont été jugés à Nuremberg n'étaient pas tellement enthousiastes non plus, mais ils ont été jugés quand même. Il y a une foule de précédents de ce genre, et je suis tout à fait d'accord pour qu'on prenne des mesures policières pour traduire les accusés devant le tribunal approprié. Nous sommes d'accord sur ce point. Mais est-ce que le monde est plus sûr, est-ce que notre pays est plus sûr parce que les États-Unis larguent des bombes à dispersion sur l'Afghanistan? À notre avis, la réponse est non.

M. Scott Brison: Mais notre pays est plus sûr parce que nous avons les États-Unis pour voisins, et que nous n'avons pas à consacrer beaucoup d'argent à nos forces armées pour profiter de la relative sécurité de nos puissants voisins du Sud.

• 1505

Pour en revenir à la question du logement, les taux d'intérêt sont extrêmement bas en ce moment, ce qui signifie évidemment que les coûts d'emprunt sont bas également, du point de vue des investisseurs. Il est certain qu'il existe une importante demande de logements pour les ménages à faible revenu. On peut se demander combien il est possible de payer, mais il y a une demande importante. Il y a des entreprises canadiennes... D'ailleurs, un ancien membre de notre comité, Nelson Riis, a fondé une entreprise qui construit des logements à prix modique pour les pays en voie de développement.

Avec les bons outils fiscaux, est-ce qu'il ne serait pas possible de trouver une solution fondée sur les lois du marché pour résoudre ce problème de manière durable? Tous les éléments fondamentaux semblent maintenant en place pour une stratégie quelconque axée sur le marché. L'élément le plus fondamental, bien franchement, se rattache à la politique monétaire. Les taux sont rarement à ce niveau-là au Canada et aux États-Unis—en tout cas, ils ne l'ont pas été depuis longtemps. Pourquoi est-ce que personne ne propose une stratégie axée sur le marché? Si ce n'est pas possible maintenant, je me demande vraiment si ça pourra l'être un jour. Mais est-ce que c'est possible? Et quel genre de propositions pourrions-nous envisager?

M. Michael Shapcott: Merci.

Monsieur Brison, vous posez exactement la question qu'il fallait poser. Si je peux reprendre un vieux cliché, les éléments fondamentaux sont tous là dans le secteur privé, sauf un élément absolument primordial, à savoir que les ménages locataires sont très pauvres au Canada et qu'ils s'appauvrissent encore. Je vous ai dit que la moitié des ménages locataires au Canada—ce qui fait 2,4 millions de ménages—disposent de 580 $ par mois ou moins pour payer leur loyer. Aussi bas que soient les taux d'intérêt, et quels que soient tous les autres éléments fondamentaux, il demeure impossible dans la plupart des grandes villes et dans bien d'autres régions du Canada d'acquérir un terrain, d'obtenir du financement, de construire une maison et de l'entretenir pour 580 $ par mois.

M. Scott Brison: Le problème, ce n'est pas nécessairement le manque de logements, c'est le manque d'investissements au niveau social. Il n'y a pas assez d'argent, qu'il vienne des programmes provinciaux d'aide sociale ou d'ailleurs. Ce que je trouve frappant, quand il est question de la crise du logement pour les gens à faible revenu, c'est que le problème ne se trouve pas nécessairement du côté du logement, mais qu'il est plutôt lié à l'insuffisance des revenus. C'est peut-être à cela que nous devrions nous attaquer, plutôt que de chercher à traiter le logement différemment de la nourriture, par exemple. Ne devrions-nous pas travailler du côté des revenus et des transferts individuels, plutôt que d'essayer d'adopter une approche fondée sur l'infrastructure en matière de logement?

M. Michael Shapcott: Vous avez tout à fait raison de dire qu'il faut s'attaquer au problème du revenu et qu'il doit y avoir une politique complète à cet égard. Mais nous n'échapperons quand même pas au fait que, si le logement est différent des autres produits de base, c'est parce qu'au Canada, les gens qui n'ont pas de logement ne sont pas simplement privés d'un produit de base; ils risquent carrément de mourir très vite. C'est le cas en été, et en hiver également. C'est un droit humain fondamental, c'est une nécessité, tout comme la nourriture et les soins de santé. C'est pourquoi nous estimons que le gouvernement peut intervenir efficacement du côté de l'offre.

Il est important de souligner qu'ici en Ontario, le gouvernement provincial avait cru, quand il a été élu en 1995, qu'il pourrait adopter une politique axée exclusivement sur le marché. Il a adopté un certain nombre de mesures, quelques modifications mineures de sa politique fiscale, une subvention de 2 000 $ par unité de logement au lieu de la TVP et certains autres changements. Ce qu'il a réussi à faire en six ans et demi, avec cette politique d'offre axée sur le marché, a été de créer en moyenne 2 000 nouvelles unités de logement privées ou moins par année dans toute la province. Nous avons en fait perdu un plus grand nombre d'unités, qui ont été soit démolies, soit converties en condominiums ou pour d'autres usages. Donc, nous avons en fait enregistré un recul par rapport à l'époque où le gouvernement ontarien a adopté cette politique.

Je vous dirais, avec tout le respect que je vous dois, que les questions de revenu, d'aide, de salaire minimum et toutes les autres questions de ce genre sont certes très importantes, et que le gouvernement doit s'y attaquer. Mais elles ne représentent qu'une partie du casse-tête; l'autre partie, c'est l'offre, et nous pensons que si nous avons un tel problème aujourd'hui, c'est parce que le gouvernement a décidé en 1993 de cesser de financer les programmes d'offre au niveau communautaire.

• 1510

Le président: Merci beaucoup, monsieur Shapcott.

Au nom du comité, je remercie les participants à notre table ronde. Nous avons parlé de trois enjeux majeurs—l'environnement, le logement et le transport en commun—, ainsi que des questions économiques et sociales qui s'y rattachent.

Bien sûr, le comité doit conserver une certaine discipline, du point de vue fiscal, quand il examinera les nombreuses demandes qui lui auront été présentées. La séance d'aujourd'hui n'était qu'une de nos tables rondes. Je pense que nous en aurons tenu neuf quand nous partirons d'ici, et même plus. Et ce, seulement dans la ville de Toronto.

Je tiens également à vous annoncer que les députés vont tenir des assemblées locales dans tout le pays pour entendre le point de vue de leurs électeurs, qui auront certainement des demandes à présenter eux aussi.

Ce que je veux dire, c'est que nous devons évidemment prendre ces demandes en considération, mais qu'il y a une chose dont vous pouvez être certains: c'est que nous allons nous concentrer sur les trois grands enjeux et les trois grands objectifs que nous avons mentionnés dans la lettre que nous vous avons envoyée avant le mois d'août. Nous tenons beaucoup à cette approche, et nous vous remercions d'avoir apporté une contribution précieuse au débat.

Merci.

Nous allons faire une pause de cinq minutes.

• 1511




• 1519

Le président: La séance est ouverte. Bienvenue à tous. La table ronde de cet après-midi est en fait la dernière que nous tiendrons à Toronto, puisque le comité doit se rendre à Montréal et à Halifax cette semaine, puis à Vancouver, Edmonton et Winnipeg, après quoi nous rentrerons à Ottawa pour nous préparer à rédiger notre rapport à la Chambre des communes et au ministre des Finances.

Nous recevons cet après-midi des représentants de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, de la Coalition des associations professionnelles nationales sur les frais de scolarité et de l'Association canadienne des distributeurs de REEE à but non lucratif; nous entendrons aussi M. Joseph Polito, à titre personnel, et les porte-parole du groupe Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice.

• 1520

Comme vous le savez probablement, vous avez de cinq à sept minutes. J'espère que vous vous limiterez à cela parce que nous aimerions qu'il nous reste beaucoup de temps, après les courtes déclarations de chacun des témoins, pour poser des questions et obtenir des réponses.

Nous allons commencer par les représentants de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite: la présidente, Priscilla Healy, qui s'occupe également du lobbying et des relations avec les gouvernements, et Keith Ambachtsheer.

M. Keith Ambachtsheer (président élu, Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite): Merci beaucoup. Bon après-midi.

L'ACARR, l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, représente des répondants de régimes de retraite publics et privés du Canada, ainsi que d'autres intéressés. Nos membres administrent environ 400 régimes de retraite dans tout le Canada, ce qui couvre probablement la vaste majorité des 7 millions de Canadiens qui cotisent à un régime de pension agréé.

Nous avons pour mission de promouvoir la croissance et la santé du système canadien de revenu de retraite en nous faisant les défenseurs des principes de clarté des lois, règlements et conventions en matière de pensions; de bonne administration; et d'équilibre des intérêts des diverses parties.

Permettez-nous de vous exposer brièvement nos vues dans le contexte du budget qui s'en vient.

Le système de revenu de retraite de notre pays repose sur trois piliers: premièrement, les programmes de SV/SRG; deuxièmement, le RPC/RRQ; et troisièmement, le secteur beaucoup plus vaste des régimes de pension agréés à participation volontaire et des REER.

Comparativement aux autres pays, le Canada est en assez bonne position; cependant, avec la mise à la retraite prochaine de l'importante génération du baby-boom, nous aurions tort de nous reposer sur nos lauriers. Notre système de revenu de retraite sera mis à contribution comme jamais auparavant.

Dans ce contexte, nous avons adopté un programme en quatre points. Le premier point est de sensibiliser les Canadiens aux questions financières. S'ils veulent préparer convenablement leurs années de retraite, ils doivent comprendre comment notre système fonctionne.

Le deuxième point consiste à promouvoir la saine administration des régimes de pension et d'épargne-retraite au Canada. C'est essentiel pour faire en sorte que ces régimes remplissent leurs promesses à des coûts raisonnables.

Le troisième point, c'est qu'il faut encourager le mouvement vers l'adoption d'une réglementation des régimes de pension et d'épargne-retraite, qui soit équilibrée, uniforme, transparente et efficiente sur le plan des coûts. Le ramassis actuel de règlements fédéraux et provinciaux est très loin de répondre à ces critères.

Le quatrième point, c'est qu'il faut favoriser une plus grande autonomie financière à la retraite, par une meilleure couverture des travailleurs cotisant aux régimes de pension et par la hausse des taux de remplacement du revenu dans les REER et les RPA à participation volontaire. Les lois fédérales actuelles en matière sociale et fiscale contiennent d'importants obstacles à la réalisation de cet objectif.

Puisqu'il me reste quelques minutes, voici certaines des mesures concrètes que nous proposons.

Nous travaillons de concert avec DRHC pour sensibiliser la population et nous nous attendons à continuer.

Nous travaillons aussi avec le BSIF et ses homologues provinciaux pour améliorer les pratiques de gestion des caisses de retraite.

Nous travaillons avec le BSIF et chacun de ses homologues provinciaux, par l'intermédiaire de l'Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite, la CAPSA, pour créer un régime de réglementation plus équilibré, plus uniforme, plus transparent et plus efficient que celui que nous avons actuellement pour les caisses de retraite et les régimes d'épargne-retraite. Nous faisons des progrès. Nous jouons notamment un rôle proactif pour encourager l'adoption de lois uniformes sur les pensions, la réglementation des régimes d'épargne-retraite soutenus par les employeurs et l'examen des lois fédérales en matière de placements. Nous sommes heureux de la création du Forum conjoint des autorités de réglementation des marchés financiers, ainsi que du travail qu'il accomplit. Il faut maintenant que tous les ministres chargés des régimes de retraite dans tout le Canada se réunissent pour examiner l'ensemble des questions concernant les pensions. L'appui du Comité des finances de la Chambre dans ces entreprises serait apprécié.

Vous pourriez aussi être utiles sur un autre front en faisant des pressions pour que la règle de propriété étrangère de 30 p. 100 soit supprimée complètement pour les régimes d'épargne à impôt différé. Bien qu'elle ait peu de répercussions dans la pratique, cette règle demeure un signe d'interventionnisme de la part du gouvernement du Canada, tant pour les investisseurs étrangers que pour les fiduciaires canadiens chargés de placer l'actif des caisses de retraite et des REER.

Enfin, l'ACARR a fait au fil des années un certain nombre de représentations à votre comité, à DRHC, aux fonctionnaires du ministère des Finances et au ministre des Finances lui-même au sujet des obstacles que les politiques sociales et fiscales actuelles opposent à la croissance des régimes de retraite à participation volontaire, ceux du troisième pilier, dans notre pays.

• 1525

Le principal problème, c'est que le système actuel décourage sérieusement les Canadiens d'épargner s'ils ont un revenu inférieur au plafond des contributions aux régimes de pension et aux REER, soit environ 75 000 $, et qu'il interdit les reports d'impôt s'ils ont un revenu supérieur à ce plafond. Un des effets pervers de cette politique, c'est que les Canadiens ont accumulé des avoirs de retraite nettement inférieurs, par habitant, à ceux des Américains, des Britanniques, des Néerlandais et des Suisses. Cette situation nuit à la compétitivité du Canada et crée une dépendance plus grande, proportionnellement parlant, par rapport aux programmes de SV/SRG financés par les contribuables.

Nous proposons deux mesures qui contribueraient largement à atténuer ce problème. Premièrement, il faudrait limiter à 50 p. 100 au maximum le taux d'imposition effectif—ce qui inclut les sommes récupérées—du revenu de retraite. Et, deuxièmement, il faudrait doubler le plafond applicable au revenu pour lequel les cotisations à des RPA et des REER sont autorisées ou, autrement dit, faire passer ce plafond de 75 000 $ à 150 000 $.

Voilà qui conclut mes remarques préliminaires. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions tout à l'heure.

Le président: Merci.

Nous entendrons maintenant le président de la Coalition des associations professionnelles nationales sur les frais de scolarité, M. William A. Easton.

M. William A. Easton (président, Coalition des associations professionnelles nationales sur les frais de scolarité): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Avant de commencer, permettez-moi, au nom de tous les membres de la Coalition des associations professionnelles nationales sur les frais de scolarité, de mentionner les événements tragiques qui occupent désormais l'attention du monde entier. Nous avons tous été horrifiés par cette catastrophe, et nos pensées et nos condoléances accompagnent ceux et celles qui ont perdu des personnes chères.

Nous sommes conscients des nouveaux engagements qu'a pris le Canada suite à ces événements, de même que des prévisions de ralentissement économique. Une tâche ardue reviendra donc à votre comité, celle de présenter les recommandations nécessaires pour faire face à la situation urgente actuelle en garantissant aussi la sécurité à long terme de notre pays. Nous sommes persuadés que l'engagement soutenu du gouvernement fédéral envers l'investissement dans l'éducation postsecondaire contribuera à la sécurité économique et au mieux-être futurs de la population canadienne. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

Je m'appelle Bill Easton et je pratique la chirurgie à Toronto. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler au nom de la Coalition des associations professionnelles nationales sur les frais de scolarité. Outre la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, la coalition regroupe neuf associations nationales professionnelles représentant l'architecture, l'art dentaire, le droit, la médecine, le nursing, la pharmacie, la physiothérapie et la médecine vétérinaire.

En mai 2000, ces associations se sont regroupées en coalition, car elles partageaient la même vive préoccupation, soit que les frais de scolarité des programmes de formation des professionnels referment l'accès à l'éducation et, par conséquent, menacent l'offre de professionnels nécessaires pour répondre aux besoins de la population canadienne. Au cours de mon bref propos de cet après-midi, je vous présenterai certaines des raisons pour lesquelles nous exhortons le gouvernement fédéral, premièrement, à augmenter le financement qu'il accorde aux établissements postsecondaires afin d'alléger une partie des pressions à la hausse qui s'exercent sur les frais de scolarité et, deuxièmement, à augmenter l'aide financière qu'il accorde aux étudiants.

La coalition redoute principalement que les frais de scolarité élevés, conjugués à la crainte d'un endettement énorme, dissuadent des personnes qui, autrement, ont les qualités scolaires et personnelles nécessaires pour envisager une carrière professionnelle. Prenons l'exemple d'une jeune personne brillante intéressée à faire carrière en médecine. Il ne faut pas oublier que la plupart des facultés de médecine exigent que les candidats aient un diplôme de premier cycle avant même de pouvoir poser leur candidature.

Développement des ressources humaines Canada calcule qu'en 1998-1999, l'endettement moyen combiné des étudiants de premier cycle ayant reçu des prêts provinciaux et fédéraux atteignait 25 000 $, sans compter les prêts bancaires. Il n'est pas difficile d'imaginer dès lors qu'un étudiant aussi endetté, surtout s'il vient d'une famille modeste, soit dissuadé d'envisager quatre autres années d'école lorsque les frais de scolarité des facultés de médecine dépassent en moyenne 12 000 $ par année actuellement en Ontario et atteignent même 14 000 $ dans certains cas. Ces montants représentent les frais de scolarité seulement et ne tiennent pas compte des coûts connexes aux études comme le loyer, la nourriture, les manuels et les fournitures, et ainsi de suite.

Les frais de scolarité d'autres programmes de formation des professionnels atteignent aussi des niveaux sans précédent et échappent probablement à la portée de beaucoup de personnes. Les frais de scolarité élevés peuvent aussi aggraver la fuite des cerveaux vers les États-Unis. Les recruteurs américains offrent en effet d'acquitter des dettes importantes, ce qui attirera de plus en plus de professionnels fraîchement diplômés vers les États-Unis et ailleurs—ce pourrait être particulièrement le cas des professionnels de la santé.

• 1530

Dans les communautés qui ont déjà beaucoup de difficulté à avoir accès aux services des professionnels, notamment les régions rurales et éloignées, l'endettement élevé risque de réduire le nombre de professionnels disponibles pour exercer dans ces régions ou intéressés à s'y rendre.

Les programmes gouvernementaux d'aide financière, comme les bourses d'études et les prêts, n'augmentent malheureusement pas proportionnellement à l'augmentation des besoins des étudiants découlant de la hausse des frais de scolarité et de subsistance. Les frais de scolarité élevés et l'insuffisance des systèmes de soutien financier auront aussi un impact très négatif sur les étudiants eux-mêmes. En outre, beaucoup d'étudiants inscrits à des programmes d'études professionnelles ont des occasions limitées ou nulles de gagner un revenu pendant l'année scolaire. Il s'ensuit que le nombre des étudiants qui doivent compter sur des prêts bancaires portant intérêt pour subvenir à leurs besoins pendant qu'ils fréquentent l'école connaîtra vraisemblablement une hausse spectaculaire. Comme nous l'avons déjà dit, certains étudiants se sont déjà endettés pour obtenir un premier diplôme, car beaucoup de programmes d'études professionnelles exigent que les candidats aient au moins un diplôme de premier cycle pour poser leur candidature. En outre, le remboursement de l'intérêt sur les prêts bancaires ne peut être reporté après l'obtention du diplôme.

Chacun de ces facteurs vient alourdir encore davantage le stress financier imposé aux étudiants qui essaient de joindre les deux bouts à l'université. Ce stress aura un effet négatif sur la santé et le bien-être des étudiants inscrits à des programmes d'études menant à une profession, à plus forte raison dans le cas où ils doivent subvenir aux besoins d'un conjoint ou de personnes à charge.

Enfin, une autre conséquence dont on n'a peut-être pas tenu compte, c'est l'effet de l'endettement élevé sur l'économie canadienne. Le revenu que le nouveau diplômé dépenserait autrement pour acheter des articles coûteux comme une maison ou une automobile ou pour faire des investissements financiers devra plutôt servir pendant des années à rembourser des dettes qui atteignent un niveau sans précédent.

En résumé, la coalition est d'avis que le gouvernement du Canada doit aider les étudiants inscrits à des programmes de formation des professionnels à terminer leurs études avec un endettement raisonnable afin de les encourager davantage à demeurer au Canada et à y exercer pour répondre aux besoins de la population canadienne. Nous avons déjà recommandé au gouvernement fédéral de collaborer avec les autres gouvernements pour réglementer les frais de scolarité et les maintenir à un niveau raisonnable.

Nous présentons respectueusement les recommandations qui suivant aux membres du Comité des finances pour qu'ils les incluent dans le budget fédéral de 2002: premièrement, que le gouvernement fédéral augmente le financement qu'il accorde aux établissements postsecondaires afin d'alléger une partie des pressions à la hausse qui s'exercent sur les frais de scolarité; et, deuxièmement, que le gouvernement fédéral augmente l'aide financière qu'il accorde aux étudiants, et en particulier les bourses d'études et de recherche. En outre, les régimes d'aide financière destinés aux étudiants doivent être non coercitifs, être mis sur pied parallèlement à toute augmentation des frais de scolarité ou avant celle-ci, être directement proportionnels à l'augmentation des frais de scolarité et être fixés à des niveaux répondant aux besoins des étudiants.

Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Easton.

Nous entendrons maintenant les coprésidents de l'Association canadienne des distributeurs de REEE à but non lucratif, M. Tom O'Shaughnessy et M. Kevin Connolly. Bienvenue.

M. Tom O'Shaughnessy (coprésident, Association canadienne des distributeurs de REEE à but non lucratif): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous dire pour commencer que notre message général est sensiblement similaire à celui de M. Easton, mais que certaines de nos recommandations mettront peut-être l'accent sur des aspects légèrement différents.

Nos organisations encouragent les parents à épargner en vue des études postsecondaires de leurs enfants, et nous avons pour objectif d'accroître l'épargne à cette fin, surtout chez les familles canadiennes à revenu faible ou moyen. Nous administrons actuellement des avoirs de plus de 2,5 milliards de dollars pour le compte de plus d'un demi-million d'enfants de tout le pays.

Comme tout le monde le sait, nous vivons clairement dans une économie mondiale, dans laquelle nous devons développer considérablement notre capital humain pour demeurer compétitifs.

Le gouvernement fédéral a pris une mesure marquante à cet égard en 1998 en mettant en place la Subvention canadienne pour l'épargne-études, ou SCEE, afin d'encourager les parents à épargner pour les études de leurs enfants, et les enfants à faire des études postsecondaires. Depuis lors, notre association a travaillé avec diligence auprès des gouvernements provinciaux afin de les encourager à participer eux aussi à un programme incitatif du même genre. Nous avons rencontré des représentants de neuf des dix gouvernements provinciaux au cours des deux dernières années, et nous avons accompli des progrès considérables. Il y a actuellement à l'assemblée législative de l'Ontario un projet de loi qui a franchi les étapes de la deuxième lecture et de l'examen en comité, et qui pourrait être adopté avec le budget provincial au printemps prochain. En outre, le ministre de l'Apprentissage de l'Alberta propose une subvention provinciale dans le prochain budget de la province, attendu pour janvier prochain.

• 1535

Pourquoi ces gouvernements provinciaux veulent-ils eux aussi inciter leurs citoyens à épargner? Premièrement, en encourageant ainsi l'épargne personnelle, il est possible de réduire la demande de prêts aux étudiants et d'abaisser à long terme le coût des programmes de prêts. En fait, nous pensons que certaines des recommandations que nous présentons aujourd'hui ne coûteront rien au gouvernement fédéral à long terme et qu'elles permettront en définitive d'abaisser le coût de ces programmes de prêts aux étudiants.

L'autre élément, qui est peut-être encore plus important, c'est que les enfants dont les parents contribuent à un régime enregistré d'épargne-études en vue de leur éducation postsecondaire ont deux fois plus de chances de faire—et de terminer—des études de ce niveau, qu'elles débouchent sur un diplôme ou un grade universitaire. Il est donc extrêmement important que nous amenions le plus de gens possible à participer à des programmes de ce genre.

La Subvention canadienne pour l'épargne-études mise en place en 1998 est aujourd'hui très populaire, mais à notre avis, elle n'est pas parfaitement efficace. Il y a un nombre important de familles à faible revenu ou à revenu moyen qui ne participent pas au programme. Pour le moment, un peu plus de 20 p. 100 des familles y participent. Nous pensons qu'avec quelques mesures incitatives supplémentaires, ce taux de participation pourrait atteindre 40 p. 100.

Nous n'en arriverons jamais à un point où les REEE seront le seul véhicule de financement des études postsecondaires. Il y aura toujours de la demande pour les prêts aux étudiants, et il faudra évidemment continuer à financer directement les établissements d'enseignement. Nous croyons toutefois qu'il serait approprié d'offrir davantage de mesures incitatives aux familles à faible ou à moyen revenu et que le gouvernement fédéral devrait passer en revue toutes ses mesures législatives, dans tous les secteurs, pour s'assurer que les REEE sont protégés, que ce soit par les lois sur la faillite ou par toute autre loi susceptible d'être adoptée par les provinces.

Nous aimerions aussi que le gouvernement fédéral modifie ses dispositions législatives sur les REEE afin de faire en sorte que toutes les provinces puissent participer à un programme quelconque de subventions incitatives.

Je vais maintenant passer le flambeau à Kevin, qui va vous parler plus précisément de certaines de nos recommandations.

M. Kevin Connolly (coprésident, Association canadienne des distributeurs de REEE à but non lucratif): Merci, Tom.

Tom a évoqué notamment la nécessité de cibler le programme de Subvention canadienne pour l'épargne-études vers les familles à faible ou à moyen revenu parce qu'elles n'épargnent pas autant que les Canadiens plus riches. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait envisager d'augmenter la subvention, qui est actuellement de 20 p. 100 pour la première tranche de 2 000 $, et de la porter par exemple à 30 p. 100 pour la première tranche de 1 000 $. Il pourrait peut-être songer aussi, comme le prévoit le projet de loi ontarien, à offrir cette possibilité uniquement aux groupes à faible ou à moyen revenu. Le programme demeure généreux pour les gens qui ont un revenu plus élevé, mais nous devrions peut-être l'améliorer pour inciter plus de Canadiens à faible ou à moyen revenu d'y participer.

Tom a mentionné également les mesures législatives proposées au sujet des faillites. Le concept qui sous-tend les REEE, c'est que le revenu provenant des sommes investies dans le programme revient en réalité à l'enfant. S'il y a moyen de le faire, le ministère des Finances devrait appuyer la protection des REEE de base en vertu des dispositions législatives proposées en matière de faillite pour faire en sorte que le régime ne soit pas nécessairement fermé si les parents connaissent des difficultés financières, parce que c'est l'enfant qui en souffrira en définitive et qui perdra le revenu des sommes investies.

J'ai aussi d'autres recommandations à vous présenter; nous proposons notamment des efforts de promotion croisée pour faire connaître les REEE dans les activités de communication du gouvernement fédéral. Par exemple, chaque fois que le gouvernement fédéral communique avec les Canadiens, et en particulier avec les bénéficiaires des programmes d'aide aux familles—parents, grands-parents et étudiants, dans toutes les catégories—, il pourrait faire en même temps la promotion des REEE. Encore là, comme Tom l'a mentionné brièvement, le gouvernement fédéral devrait appuyer les mesures prises par les provinces. Nous sommes extrêmement contents de voir que les provinces songent à compléter la subvention fédérale.

Comme Tom l'a souligné également, nous avons fait des présentations à tous les gouvernements, sauf celui de la Saskatchewan, et nous avons obtenu des réponses très positives. Tom vous a déjà dit où nous en étions dans deux provinces. Si le gouvernement fédéral pouvait encourager les provinces à intensifier leurs efforts pour compléter la SCEE, ce serait merveilleux.

Nous avons aussi recommandé que le gouvernement modifie la Loi de l'impôt sur le revenu pour que les subventions provinciales puissent devenir une réalité—c'est à envisager—et pour favoriser la modification des lois sur l'aide sociale afin de protéger les sommes investies dans les REEE. Quand les parents deviennent bénéficiaires de l'aide sociale, il est actuellement obligatoire que les REEE soient fermés. Encore là, il faut se rappeler que le revenu des sommes investies dans ces régimes pourrait—et devrait peut-être—être attribué aux étudiants pour qui ils ont été établis au départ.

• 1540

Voilà nos recommandations spécifiques pour aujourd'hui.

Tom, je pense que vous voulez faire quelques commentaires pour résumer ce que j'ai dit.

M. Tom O'Shaughnessy: De façon générale, au cours de nos 40 ans dans ce domaine, nous avons pu constater qu'il n'y a pas seulement des raisons financières—en ce sens que quand on voit tous les chiffres, on se dit que c'est logique à long terme, que ça va réduire le coût de l'endettement étudiant à long terme et que le financement de l'éducation postsecondaire au Canada deviendra à l'avenir la responsabilité conjointe des gouvernements et des familles—, mais qu'il y a aussi des raisons affectives.

Très souvent, quand la famille commence à épargner, ne serait-ce que des montants relativement petits, l'enfant sait dès son plus jeune âge qu'il peut poursuivre ses études après l'école secondaire. En définitive, c'est la raison pour laquelle il y a une plus grande participation à ces programmes. Il est extrêmement important, pour l'avenir de notre pays, de faire en sorte qu'autant de jeunes que possible participent à ce genre de programmes.

Merci.

Le président: Merci, monsieur O'Shaughnessy et monsieur Connolly.

Je laisse maintenant la parole à M. Joseph Polito.

M. Joseph Polito (témoignage à titre personnel): Merci.

J'ai été tellement impressionné par la voix radiogénique de Bill Easton que je devrais peut-être lui faire lire ma déclaration.

Le président: Vous le lui avez demandé?

M. William Easton: Ça signifie que j'avais un travail intéressant, monsieur.

M. Joseph Polito: Je vais vous présenter une approche qui vise à augmenter votre capacité d'investir dans les programmes comme ceux dont nous venons d'entendre parler, en fonction de vos trois objectifs primaires. C'est une approche préconisée par certains des meilleurs économistes au Canada. Il s'agit d'une stratégie orientée vers le marché, qui vise à créer un fort préjugé en faveur du plein emploi quand tout va bien et, ce qui est encore plus important, quand ça va mal. Ces économistes veulent supprimer un obstacle majeur au plein emploi, à savoir—et c'est fondamental—la structure des charges sociales, afin d'inciter les employeurs à réduire le chômage.

Voici comment ça fonctionne. Pour réduire leurs coûts salariaux, les employeurs ont recours au temps supplémentaire, ils obligent leurs employés à faire de plus longues semaines de travail plutôt que d'en embaucher de nouveaux, et ils mettent à pied un petit pourcentage de leurs employés plutôt que de raccourcir un peu leurs heures de travail en ralentissant la production. Pour réduire leurs coûts, les employeurs font également appel à des travailleurs à contrat qui, souvent, ne sont pas protégés par les lois sur les normes d'emploi. Les employeurs hésitent à répondre aux besoins des employés qui veulent travailler moins ou partager un poste parce que cela augmente aussi leurs charges sociales. Le gouvernement de l'Ontario a cédé récemment aux pressions des lobbyistes quand il a modifié sa Loi sur les normes d'emploi, ce qui a eu pour effet d'allonger la semaine de travail. Pourquoi? Pour diminuer les charges sociales.

Par conséquent, nous nous retrouvons au Canada dans une situation parfaitement ridicule où certains d'entre nous, et même beaucoup d'entre nous, travaillent trop—en particulier les politiciens—pour transférer une partie de notre revenu aux chômeurs, qui préféreraient travailler eux-mêmes. Les gens de vos bureaux de circonscription voient chaque jour la dévastation et la pathologie sociale que crée le chômage. Vos budgets en sont aussi victimes, et pourraient malheureusement l'être encore à la suite des événements du 11 septembre.

La stratégie de ces économistes profiterait au secteur privé autant que les pressions constantes dans le sens de la réduction des impôts des entreprises et des particuliers. En passant, il est intéressant de noter que le Conseil canadien des chefs d'entreprises affirme déjà que le Canada se classe parmi les cinq premiers depuis trois ans au chapitre de la compétitivité.

Ces experts vous demandent comment une diminution de l'impôt des entreprises pourrait aider Nortel, qui a subi des pertes terribles. Comment aidera-t-elle les entreprises de la nouvelle économie qui en sont encore à des années de la rentabilité? C'est un autre de nos objectifs. Comme une diminution des impôts des entreprises aidera-t-elle les hôpitaux et les conseils scolaires, les universités et les municipalités, le secteur public? Comment aidera-t-elle les chômeurs? Et comment l'augmentation des frais de scolarité aide-t-elle à atteindre l'objectif de l'égalité des chances?

Pour compléter la déclaration de M. Easton, j'ajouterai que l'université Western Ontario a publié récemment un rapport selon lequel le revenu moyen des familles qui envoient leurs enfants à la faculté de médecine est passé de 80 000 $ à 140 000 $ après que les frais de scolarité y eurent grimpé de 3 000 $ à 10 000 $. Il est vraiment ironique qu'autant d'entre nous aient fait autant de sacrifices financiers pour nous assurer que l'avenir de nos enfants ne sera pas hypothéqué, alors que c'est exactement ce que fait cette politique sur les frais de scolarité. Et pendant ce temps-là, les Européens ont décidé que le XXIe siècle serait celui de l'éducation postsecondaire, tout comme le XXe siècle a vu l'avènement de l'éducation publique, et ils mettent en place toutes sortes de programmes sans frais de scolarité.

La grande importance accordée aux baisses d'impôts pour les entreprises a de toute évidence amené une grande prospérité aux États-Unis, mais elle n'a pas aidé à atteindre vos trois objectifs. Business Week a découvert avec stupeur qu'il y avait dans Silicon Valley—le meilleur, le plus prospère endroit sur la planète—des sans-abri, des petits salariés, des soupes populaires. La Commission des finances du Congrès a constaté que, depuis 20 ans, le revenu moyen du cinquième le plus pauvre de la population était resté figé à 11 000 $. Pendant ce temps-là, les 20 p. 100 les plus riches voyaient leur revenu augmenter de 57 p. 100, et les 1 p. 100 tout en haut, de 157 p. 100. Et tout ceci, en passant, s'est produit pendant la période où Ronald Reagan se vantait de réduire les impôts. Il est intéressant de noter que les États-Unis ont connu leur croissance la plus marquée après que George Bush père et Bill Clinton eurent augmenté modestement les impôts.

• 1545

Vous connaissez tous les économistes canadiens qui prônent cette formule: Arthur Donner, qui a produit le rapport Donner en 1994; David Foot, qui a beaucoup aidé le secteur privé à s'adapter aux changements démographiques en matière de commerce; William Scarth, qui enseigne à l'université McMaster et qui a rédigé diverses études pour l'Institut Fraser et l'Institut C.D. Howe; et Frank Reid, qui est directeur des relations industrielles à l'Université de Toronto. Ces gens-là croient aux forces du marché. Ils veulent changer les lois du marché pour libérer ces forces. Et il y a des économistes américains qui pensent la même chose.

Edmund Phelps, le plus grand partisan du libéralisme économique, a fait quelque chose d'impensable: il a écrit un livre intitulé Rewarding Work pour demander au gouvernement fédéral d'intervenir sur le marché du travail aux États-Unis, afin de mettre fin à l'épouvantable pauvreté et à l'énorme écart salarial dans ce pays.

La réorientation du paradigme que ces messieurs réclament consiste à fournir un incitatif financier aux employeurs pour créer un préjugé favorable au plein emploi, afin d'économiser de l'argent en réduisant les heures de travail, et non le nombre des employés, pendant les périodes de récession comme celle qui s'en vient—et ce qui vient de se passer chez Air Canada, qui a travaillé avec les gens de l'assurance-emploi, en est un exemple—, et en embauchant plutôt qu'en ayant recours au temps supplémentaire quand les choses vont bien.

Il faut prendre trois mesures. D'abord, adopter une structure progressive—et fortement progressive si possible—pour les charges sociales, comme pour les impôts. Ensuite, appliquer toutes les futures diminutions des primes d'assurance-emploi à l'augmentation du caractère progressif du programme, et enfin, mettre moins l'accent sur la baisse des impôts des entreprises et des particuliers tout en consacrant des fonds à la diminution des primes d'assurance-emploi et en restructurant les primes du RPC. Encore une fois, je suis tout à fait d'accord pour que l'impôt sur le revenu et l'impôt des entreprises... J'aimerais bien que les entreprises ne paient pas d'impôt, mais il y a des priorités. Cette solution permettrait d'atteindre vos trois objectifs.

Contrairement à une foule d'autres propositions, cette réorientation du paradigme permettrait de s'attaquer à des priorités bien plus nombreuses et recueillerait de vastes appuis. Politiquement, c'est essentiel. Tous les Canadiens pourront appuyer cette solution, en particulier les millions de supermamans épuisées dont les employeurs ne veulent pas réduire les heures de travail; les millions de petits salariés et d'étudiants à qui les changements de ce genre profiteraient tout particulièrement; les millions de jeunes et d'immigrants qui sont au chômage dans une proportion plus élevée que la moyenne; les millions de baby-boomers qui voudraient consacrer plus de temps à leur famille, à leur communauté et à leurs petits-enfants; et toutes les entreprises, en particulier celles de la nouvelle économie, qui ne réalisent pas de profits pendant des années, mais qui paient des charges sociales. Ce serait bon pour tous les secteurs. Je pense au témoin qui parlait de logement tout à l'heure. Cela permettrait de réduire les coûts dans ce domaine, et par conséquent aussi le prix des maisons.

Les millions de Canadiens qui se préoccupent de l'environnement peuvent aussi appuyer cette réorientation. La baisse du chômage entraînerait des investissements accrus dans des technologies permettant d'économiser la main-d'oeuvre et l'énergie. Le soutien viendra aussi des millions d'étudiants des collèges et des universités qui sont sous le choc à cause des frais de scolarité et qui cotisent à l'assurance-emploi et au RPC, ainsi que des innombrables fonctionnaires dont les employeurs manquent d'argent; il viendra également des provinces, endettées et sans le sou, qui finissent par devenir des partenaires de second ordre parce qu'elles manquent d'argent et qu'elles en veulent plus. Et les 80 000 organisations de charité enregistrées au Canada ont constaté que la tendance au suremploi les a privées de millions de bénévoles, comme vient de le rapporter le Globe and Mail. Elles seront certainement d'accord elles aussi.

Les conséquences de cette mesure aideraient également à atteindre un autre objectif majeur du gouvernement, du Parlement et de tous les partis, celui de la réduction de la pauvreté chez les enfants. Les travailleurs à faible revenu auraient plus d'argent que s'ils bénéficiaient d'une baisse d'impôt, et les jeunes parents pourraient demeurer au travail. Les jeunes parents sont les premiers à y passer en cas de mises à pied.

Selon l'UNICEF, les États-Unis ont le pire taux de pauvreté de tous les pays du G-8, en termes relatifs et en termes absolus: 22 p. 100 de pauvreté chez les enfants. Ce taux est de 2,6 p. 100 en Suède et de 3 p. 100 aux Pays-Bas. Ces deux pays se sont attachés à créer un préjugé favorable au plein emploi, tout en mettant en place d'autres programmes.

La solution proposée réduit les coûts du chômage en même temps qu'elle améliore la qualité et l'équilibre de la vie des travailleurs. Elle augmente la compétitivité mondiale grâce à la réduction des coûts et des taux d'intérêt. Elle intensifie la R-D grâce au réinvestissement des sommes économisées sur les charges sociales. Elle maintient les taux d'intérêt à un bas niveau. Quand on réduit les charges sociales, on abaisse les prix, on diminue l'inflation, et la Banque du Canada est contente. Les taux d'intérêt demeurent bas.

Le Canadien Robert Mundell, prix Nobel d'économie, affirme que c'est l'inflation élevée qui a causé nos malheurs économiques. Il a évoqué en particulier la politique de John Crow qui a mené à l'effondrement de 1990. Chose étonnante, Statistique Canada affirme que le revenu médian des familles est toujours moins élevé qu'il l'était avant l'adoption de cette politique monétaire de John Crow.

La solution que je préconise réduit l'exode des cerveaux parce que la plupart des jeunes qui ont quitté le Canada sont partis à une époque où il n'y avait pas de travail qui leur convenait. Elle unifie la nation et répare les erreurs passées dans les différentes communautés, parce que c'est dans les périodes de chômage élevé que les marginaux sont vraiment mécontents. Elle atténue les effets des taxes de vente. La réduction des charges sociales de certains employeurs permettrait d'abaisser les prix. Et elle atténuerait les effets dévastateurs sur les finances fédérales canadiennes.

• 1550

Enfin, pour ceux qui se préoccupent des dépenses gouvernementales, le préjugé favorable au plein emploi entamerait substantiellement les 30 à 90 milliards que nous dépensons directement ou indirectement pour les chômeurs, à tous les niveaux de gouvernement.

J'ajouterai que, dans le document que je vous ai fait distribuer, vous trouverez à la partie 2 une série de tableaux et de graphiques qui dissiperont une bonne partie des mythes économiques colportés par ceux qui font pression sans relâche pour faire baisser les impôts des entreprises. Vous pourrez y jeter un coup d'oeil quand vous en aurez le temps.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Polito.

C'est maintenant au tour de Maylanne Maybee et Dennis Howlett, du groupe Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice. Bienvenue.

Mme Maylanne Maybee (coprésidente, Programme canadien de développement social, Comité de KAIROS, Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice): Merci.

KAIROS est une nouvelle coalition d'Églises, d'organismes paroissiaux et d'organisations religieuses du Canada qui se consacrent à la promotion, par les fidèles, des droits de la personne, de la justice et de la paix, du développement humain durable et de la solidarité universelle.

La plupart des organisations et des particuliers que vous avez entendus aujourd'hui vous ont fait des recommandations sur la façon dont le gouvernement devrait augmenter ses revenus et répartir ensuite ces revenus entre ses diverses activités et responsabilités.

Au nom de KAIROS, Dennis Howlett et moi voudrions vous parler plutôt des principes qui devraient à notre avis guider vos décisions à ce sujet. Les mesures que le gouvernement fédéral a prises à la suite des horribles et tragiques attentats terroristes du 11 septembre nous ont montré à quel point il est possible, quand la volonté politique est là, de trouver rapidement des ressources pour subventionner les compagnies aériennes ou lancer des opérations militaires. Mais, pendant ce temps, les engagements de longue date envers la lutte contre la pauvreté chez les enfants ou l'augmentation de l'aide au développement international sont mis de côté à cause du manque d'argent.

De plus, il y a également un risque que les nouvelles priorités du Canada en matière de sécurité fassent oublier les engagements de dépenses en matière de santé, d'éducation et de programmes sociaux. Il y a d'ailleurs des gens qui ont exploité cette tragédie et ses retombées pour faire avancer des idées auxquelles ils tenaient depuis longtemps, notamment le resserrement de notre politique d'immigration et d'octroi du statut de réfugié, le démantèlement de l'infrastructure de santé publique et de services sociaux, et l'augmentation des dépenses militaires.

Le choc et la peine que les Canadiens ont ressentis à la suite des attentats du 11 septembre contre les États-Unis découlent de l'horreur que nous inspire la perte de vies innocentes et vulnérables aussi près de chez nous, fauchées par une mort soudaine et violente. Nous voulons condamner ces actes, montrer notre compassion pour les victimes et les survivants, traduire les coupables devant la justice et prendre toutes les mesures possibles pour faire en sorte que des attentats comme ceux-là ne se produisent plus jamais dans nos villes et nos communautés.

Il est donc naturel que nous voulions consacrer les ressources et les énergies de notre pays à redresser cette situation catastrophique. Mais en même temps, nous sommes ici pour vous rappeler que nous ne devons jamais oublier les vies innocentes et vulnérables qui sont constamment fauchées, pas nécessairement par une mort soudaine et violente, mais le plus souvent par une exposition plus graduelle et moins spectaculaire, quoique tout aussi dévastatrice, à des conditions de vie extrêmement nocives.

M. Dennis Howlett (chef d'équipe, Groupe de la justice canadienne, KAIROS, Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice): Il y a 5 000 personnes qui ont péri à New York et à Washington lors des attentats terroristes du 11 septembre. C'est horrible, mais il est important de remettre ce chiffre en perspective. Le 11 septembre, 35 000 enfants sont morts de faim dans le monde; 16 000 personnes meurent prématurément chaque année au Canada à cause de la pollution atmosphérique; et les niveaux inacceptables de pauvreté au Canada causent également des morts inutiles. Il y aurait 6 000 Canadiens de moins qui mourraient chaque année de maladies cardiaques si la richesse n'était pas répartie aussi inégalement.

Contrairement aux attentats terroristes à Washington et à New York, ces tragédies seraient parfaitement évitables même si elles ne passent pas à la télévision en direct. La véritable menace contre notre sécurité et notre bien-être, ce sont les milliers d'enfants et leurs familles qui vivent et meurent, sans que personne ne s'en préoccupe, dans les camps de réfugiés du monde entier; ce sont les millions d'enfants canadiens qui n'ont pas les moyens ni le soutien nécessaires pour devenir des citoyens forts, travaillants et productifs de notre pays; et ce sont les centaines d'adultes canadiens pauvres qui meurent pour rien dans la rue ou dans les corridors bondés des salles d'urgence de nos hôpitaux.

• 1555

La réduction de l'aide humanitaire, l'éviscération de notre infrastructure dans le domaine de la santé et des autres services à la population, et le refus de s'attaquer aux causes de la dégradation de l'environnement afin d'augmenter les soi-disant dépenses de sécurité pourraient bien entraîner beaucoup plus de morts inutiles que les mesures de sécurité et les opérations militaires sont censées en préserver.

En définitive, les millions de dollars dépensés pour resserrer la sécurité dans les aéroports ne nous laissent que des mesures de sécurité plus strictes dans les aéroports. L'utilisation des mêmes millions pour l'infrastructure des services à la population ne serait pas seulement un choix moralement juste; elle apporterait aussi des améliorations beaucoup plus vastes et plus durables à la sécurité mondiale.

Mme Maylanne Maybee: Les Églises canadiennes ont déjà dit qu'elles appuyaient la nécessité de resserrer les mesures de sécurité pour protéger nos communautés contre les actes terroristes, mais elles ont également fait remarquer que notre sécurité ne pourra jamais être garantie principalement par des moyens militaires. Nous ne pouvons pas laisser les événements du 11 septembre saper notre attachement collectif aux valeurs d'égalité, de respect des droits de la personne, de protection de l'environnement et de justice sociale.

Il faudra apporter certains ajustements au budget fédéral pour tenir compte du ralentissement prévu de l'économie et payer pour une augmentation légitime des mesures de sécurité. Mais nous ne devons pas laisser les événements des deux derniers mois éroder notre volonté d'améliorer le bien-être des enfants, d'assurer des soins de santé de qualité et universellement accessibles, de redresser les injustices commises envers les peuples autochtones, de réduire les gaz à effet de serre et de construire des logements abordables.

Depuis bien des années, les Églises canadiennes préconisent également une approche fondée sur la sécurité humaine comme outil privilégié pour assurer notre sécurité et notre bien-être collectifs. Cette approche consiste à améliorer les conditions politiques, sociales et économiques, ainsi qu'à renforcer les institutions qui sont viables et qui ont la confiance des gens qu'elles sont censées servir.

L'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1948 et dont le Canada est signataire, exprime bien les dimensions de l'expression «sécurité humaine». Il commence comme ceci:

    Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

La menace terroriste actuelle n'est pas une crise à court terme. Nous croyons que la meilleure façon de la résoudre, à long terme, est de s'attaquer aux conditions et aux réalités plus profondes qui sous-tendent le terrorisme, c'est-à-dire de réduire les disparités dans la répartition de la richesse mondiale et de fournir des ressources accrues pour le développement humain dans les sociétés secouées par des troubles.

Ce sont les mesures qui permettront le mieux, à notre avis, de priver les terroristes de leurs appuis et de leurs motivations.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, madame Maybee et monsieur Howlett.

Nous allons maintenant passer à la période des questions, en rondes de cinq minutes, à commencer par M. Kenney.

M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.

Tous les participants ont certainement pu constater à quel point il est difficile pour nous de nous occuper de tellement de questions disparates, bien qu'il soit possible de dégager des présentations que nous venons d'entendre certains points communs sur lesquels nous allons sûrement revenir pendant la période des questions.

Je voudrais d'abord faire des commentaires et poser des questions aux représentants de KAIROS, en partie parce qu'ils sont les premiers dont la déclaration portait essentiellement sur les conséquences financières du 11 septembre, qui sont certainement très présentes dans mon esprit et sans doute aussi dans celui de la plupart de mes collègues.

Je dois dire, bien franchement et très respectueusement, que je suis un peu choqué de la prémisse de base de votre présentation, à savoir qu'il existe une sorte d'équivalence morale très particulière entre un acte moralement répréhensible direct et énorme—le meurtre de plusieurs milliers de personnes—et les conséquences des maladies—des maladies et des troubles respiratoires et cardiaques—que vous attribuez notamment à la dégradation de l'environnement. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous quand vous laissez entendre qu'il existe une sorte d'équivalence et que vous établissez une dichotomie en ce qui concerne les ressources gouvernementales, quand vous dites que l'augmentation des dépenses publiques consacrées à la sécurité entre en quelque sorte en concurrence avec les priorités courantes comme les soins de santé et l'environnement.

• 1600

J'aimerais avoir une réponse. Vous fondez aussi toute votre présentation sur votre dernier paragraphe, dans lequel vous affirmez que la meilleure façon de mettre fin à la menace terroriste, c'est de s'attaquer à long terme aux causes profondes du terrorisme en réduisant les disparités dans la répartition de la richesse mondiale et en fournissant des ressources accrues pour le développement humain.

Sur quels faits précis fondez-vous cette affirmation selon laquelle les actes terroristes récents résultent des disparités dans la répartition de la richesse mondiale? Cela n'a aucun rapport avec les faits qui ont été présentés au sujet de la nature du fanatisme et de la haine ethnique qui ont motivé ces actes. Et je dirais, avec tout le respect que je vous dois, que vous devriez reconsidérer ce à quoi le Canada et le reste du monde occidental doivent faire face et de quel genre de politique nous avons besoin. Vous dites que le resserrement de la sécurité dans les aéroports ne fera qu'accroître la sécurité dans les aéroports. Est-ce que ce n'est pas la priorité absolue de tout gouvernement national?

M. Dennis Howlett: L'essentiel, sur ce point, et la raison pour laquelle nous avons cité des chiffres, c'est qu'il faut analyser attentivement les coûts et les bénéfices. Si les mesures de sécurité accrues et, surtout, l'engagement indéfini que le Canada semble prendre en termes d'action militaire—et Dieu sait combien cela va finir par nous coûter—entraînent des compressions dans d'autres dépenses gouvernementales, nous pourrions très bien nous retrouver avec encore plus de morts.

Il ne s'agit pas d'attribuer cela à une cause morale; ce n'est pas équivalent dans ce sens-là. Mais s'il ne réfléchit pas au résultat de ses choix, le gouvernement risque de se retrouver avec des conséquences inattendues. Je dirais qu'il est probablement assez facile de démontrer que, si le gouvernement réduit ses dépenses en matière de santé et de lutte contre la pauvreté, il y aura plus de gens—plus de Canadiens—qui mourront que nous n'aurions pu en sauver en dépensant cet argent pour des prétendues mesures de sécurité.

C'est particulièrement vrai dans le cas des dépenses militaires. Certaines des mesures de sécurité accrues, par exemple dans les aéroports, sont justifiables, et les Églises les ont appuyées. Mais ce qui inquiète particulièrement les Églises, c'est l'engagement indéfini vers lequel nous semblons nous diriger dans le domaine militaire, qui serait extrêmement coûteux et qui minerait les engagements déjà annoncés par le gouvernement au chapitre des dépenses sociales.

M. Jason Kenney: Vous poussez sans doute cette logique jusqu'à dire que, si nous avions économisé les ressources que nous avons utilisées pour les opérations militaires pendant la Seconde Guerre mondiale et si nous les avions consacrées plutôt aux soins de santé et à l'environnement, l'humanité s'en porterait mieux. Je n'arrive pas à suivre ce raisonnement tordu.

Ma deuxième question porte sur un sujet plus terre-à-terre; elle s'adresse aux porte-parole de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite. Vous avez proposé des changements raisonnables et modestes au régime de pensions. Il y a une idée que vous avez déjà évoquée, qui me semble intéressante et sur laquelle j'aimerais avoir vos commentaires; elle a d'ailleurs été reprise aujourd'hui par d'autres témoins. Je veux parler des programmes d'épargne à impôt anticipé, ce qui est en quelque sorte l'inverse des REER. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

M. Keith Ambachtsheer: Cette question s'articule autour du concept des dépenses fiscales associées aux efforts pour inciter les gens à épargner en vue de leur retraite. S'il y a un concept auquel notre association a des objections, c'est bien celui de «dépenses fiscales»; il faudrait en effet parler d'impôt différé, puisque l'argent qui n'est pas imposable tout de suite—parce qu'il est investi dans un REER ou dans un régime de pension agréé—le sera plus tard, quand il deviendra un revenu. Le ministre des Finances a déjà dit à maintes reprises que c'était peut-être vrai, mais que nous ne pouvions toujours pas nous permettre le manque à gagner qui résulterait, à court terme, d'une augmentation des plafonds, par exemple.

• 1605

C'est dans ce contexte qu'il nous semble tout à fait logique de proposer, du moins jusqu'à une certaine limite, que les gens qui veulent épargner davantage en vue de la retraite puissent le faire en payant tout de suite de l'impôt sur les sommes épargnées, plutôt que d'en payer plus tard quand ils devront vivre avec leur revenu de retraite. C'est en quelque sorte comme si on inversait le mouvement.

L'association appuie ce concept avec enthousiasme. Nous voulons également souligner que ce serait peut-être une excellente politique, plutôt que de percevoir des impôts supplémentaires aujourd'hui en laissant les plafonds tels quels, de hausser ces plafonds et de percevoir ces impôts dans vingt ans, quand la situation démographique—comme tout le monde le sait—va entraîner des dépenses sociales plus élevées et nécessiter des rentrées fiscales plus importantes.

Il n'y a rien de coulé dans le béton, mais nous allons certainement examiner et appuyer les deux approches.

Le président: Merci.

C'est maintenant au tour de M. Murphy.

M. Shawn Murphy: J'aimerais poursuivre la discussion avec M. Connolly et M. O'Shaughnessy. Je veux vous parler des REEE et de votre recommandation de faire passer la subvention de 20 à 30 p. 100 pour les Canadiens à faible revenu.

Premièrement, je trouve que c'est un excellent programme. C'est une bonne politique. Je suis content de voir que les provinces songent à compléter la subvention. C'est à mon avis une initiative qui, à long terme, fera économiser de l'argent aux gouvernements des deux niveaux parce qu'elle permettra, je l'espère, de répondre à certaines des préoccupations soulevées par M. Easton dans sa déclaration.

Encore une fois, j'aimerais pousser la discussion un peu plus loin. Je ne suis pas certain que la solution soit de faire passer la subvention à 30 p. 100. Il y a des gens qui sont en difficulté, dans l'économie d'aujourd'hui. Ils ont des enfants. Ils veulent épargner pour leur éducation, mais ils n'ont pas d'argent à mettre de côté. Votre association a-t-elle fait des études qui démontrent que cette proposition serait vraiment efficace et, si oui, pouvez-vous nous en parler?

Un témoin: Je peux répondre.

Premièrement, comme nous l'avons dit dans notre présentation, nous ne prévoyons pas que ce programme serait un remède à tous les maux. Il faudrait quand même un programme de prêts aux étudiants pour les familles qui ne sont tout simplement pas capables d'épargner.

Avec l'introduction de la subvention en 1998, nous avons vu que la proportion des gens qui gagnaient moins de 50 000 $ par année et qui épargnaient a augmenté de façon assez significative par rapport à ce qui se passait avant la mise en place de la subvention de 20 p. 100. C'est ce que nous avons constaté grâce aux études que nous avons effectuées dans certaines provinces, et nous pensons que, dans ces provinces-là du moins, le pourcentage des gens qui participeront au programme va augmenter sensiblement.

Ce ne sera pas la réponse à tout, mais il y aura une augmentation par rapport à la situation actuelle, et la proportion de 20 p. 100 pourrait monter à 30 p. 100 et, éventuellement, à 40 p. 100 si nous pouvons obtenir un supplément du gouvernement fédéral pour les gens à faible revenu, en plus d'un supplément provincial pour ces mêmes personnes.

Le président: C'est tout? D'accord, merci.

Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai quelques questions à poser. Pour commencer, monsieur Howlett, vous avez dit que 16 000 personnes mouraient prématurément chaque année au Canada à cause de la pollution atmosphérique. Ça me semble énorme. Je sais que vous avez une note en bas de page à ce sujet-là, mais pourriez-vous m'expliquer ce chiffre, s'il vous plaît? Est-ce qu'il y a eu une vérification indépendante à part l'étude de la Fondation David Suzuki?

Une voix: L'Ontario Medical Association a publié un rapport sur le smog qui confirme ce chiffre.

Une voix: Le témoin a raison.

Une voix: Je vous le trouverai avec plaisir, Monte.

M. Dennis Howlett: Il s'agit d'une étude très sérieuse et très détaillée réalisée par plusieurs chercheurs et médecins de renom pour le compte de la Fondation David Suzuki. Elle contient des chiffres sur l'ensemble du Canada, mais il y a une étude semblable, effectuée par l'Ontario Medical Association, qui cite des chiffres à peu près équivalents pour l'Ontario. Les auteurs y donnent aussi le détail des coûts de santé résultant des admissions inutiles dans les urgences des hôpitaux, par exemple. C'est une étude très détaillée. Et il y a eu cette année une étude de suivi qui fournit encore plus de détails. Il y a donc d'assez nombreuses preuves à ce sujet-là.

• 1610

Ce sont seulement quelques exemples. J'aurais pu vous citer un certain nombre d'autres études qui montrent comment les choix touchant les dépenses budgétaires déterminent jusqu'à un certain point qui va mourir et qui va vivre, au Canada et ailleurs.

Vous devez faire des choix moraux très sérieux. Nous vous demandons de replacer les choses dans leur contexte, dans leurs justes proportions, quand vous examinerez les meilleurs moyens de garantir la sécurité de la plupart des humains de la planète.

M. Monte Solberg: En effet, mais il est vrai également que la longévité des Canadiens augmente presque chaque année. Nous dépensons autant pour nos soins de santé que presque tous les autres pays du monde, sauf peut-être les États-Unis. Nous sommes les cinquièmes au monde, ou quelque chose du genre, pour ce qui est de l'argent que nous consacrons aux soins de santé. Donc, nous consacrons une énorme part de nos ressources à la santé et aux programmes sociaux en général.

Ces dix dernières années, les gouvernements fédéral et provinciaux ont probablement dépensé, globalement, de 300 à 400 milliards de dollars pour ces choses-là. Ça fait beaucoup d'argent. Je ne pense pas que les gens puissent dire que nous sommes maintenant en bas de la liste en ce qui concerne ce que nous essayons de faire pour nos citoyens.

Je m'inquiète, comme mon collègue M. Kenney, de la façon... J'ai l'impression que vous profitez un peu de la tragédie du 11 septembre pour faire avancer votre cause, alors qu'il est assez clair à mon avis que le Canada en fait déjà énormément. Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire plus, ou mieux. Mais quand vous dites qu'en resserrant la sécurité, nous allons renier jusqu'à un certain point nos engagements concernant les soins de santé et les autres problèmes graves comme la pauvreté, vous n'êtes tout simplement pas crédibles à mon avis.

Je voudrais aussi poser une question à M. Easton au sujet des frais de scolarité des universités. Dans votre déclaration, vous avez dit que le gouvernement devait aider par différents moyens à résoudre le problème des frais de scolarité. Ce que vous n'avez pas dit, c'est le montant que les étudiants devraient d'après vous débourser chaque année pour leurs études. Et deuxièmement, pensez qu'il est approprié que les étudiants investissent financièrement dans leur propre éducation? À votre avis, est-ce qu'ils devraient payer une partie de leurs frais de scolarité?

M. William Easton: Permettez-moi de répondre d'abord à votre deuxième question. La réponse courte, c'est oui, non seulement parce que c'est logique du point de vue de l'engagement et de la motivation de l'étudiant, dans quelque faculté qu'il se trouve, mais aussi parce qu'il est inévitable à plus ou moins long terme que les programmes d'aide, qu'ils soient publics ou privés, ne suffiront plus à soutenir le coût total de la formation des professionnels. Donc, les étudiants devront participer personnellement à leur éducation, et c'est probablement bien ainsi.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous nous approchons rapidement, du moins en Ontario... Et il n'y a aucune raison de croire que la formule ontarienne ne se métastasera pas—si vous me permettez ce néologisme—dans les autres provinces, étant donné l'incroyable stress économique auquel les universités sont soumises.

Je pense que le gouvernement fédéral doit assumer une certaine responsabilité dans la genèse de ce problème, en raison des changements qu'il a apportés au TCSPS, et que les provinces—encore là, je pense en particulier à l'Ontario parce que c'est là que j'habite... De toute évidence, les universités et les facultés jugeaient qu'elles ne recevaient pas suffisamment de fonds des gouvernements fédéral et provinciaux pour pouvoir continuer à soutenir leurs activités professionnelles et universitaires à un niveau suffisant. Avec la déréglementation des frais de scolarité en Ontario, en 1998, nous avons vu les frais doubler en médecine et en art dentaire. Ils ont augmenté de 250 p. 100 entre 1995 et 2001.

Donc, pour répondre à votre deuxième question, je dirais essentiellement que, oui, les étudiants doivent contribuer. Jusqu'à quel point? Je ne sais pas. Mais ils vont devoir contribuer, et nous nous dirigeons rapidement vers une éducation pour les riches.

• 1615

Il y a plusieurs éléments préoccupants à cet égard. Comme vous le savez, toujours en Ontario, mais aussi dans le reste du Canada, il y a une crise qui se développe rapidement au chapitre de la disponibilité des ressources en santé humaine. Les gens sont incapables de se trouver un médecin de famille à Pickering, et encore moins au centre-ville de Toronto, sans parler de Timmins ou North Bay. Si nous voulons que les citoyens du Canada soient servis à l'avenir par des professionnels formés au Canada, nous devons trouver un moyen de donner à tous les Canadiens dûment qualifiés un accès équitable aux études professionnelles.

Nous savons que les jeunes qui viennent des régions rurales ou isolées et qui suivent une formation de professionnels ont beaucoup plus de chances de retourner dans la communauté d'où ils viennent. Si nous nous dirigeons vers une éducation pour les riches, comme je l'ai déjà dit, il est beaucoup moins probable que les étudiants originaires du centre-ville de Toronto iront plus tard ouvrir leur cabinet de médecine familiale—et à plus forte raison leur cabinet de spécialiste—à Timmins ou dans une autre localité comme celle-là.

Je ne sais pas si cela répond aussi à votre première question.

M. Monte Solberg: Eh bien, oui, je vous ai demandé dans ma première question si vous aviez des chiffres sur ce que le gouvernement devrait faire.

M. William Easton: Il est difficile de donner des chiffres parce que cela varie d'une région à l'autre du pays. Si nous parlons du gouvernement fédéral, comme nous le faisons aujourd'hui, je dirais que la situation des étudiants inscrits à un programme de formation des professionnels est tout à fait différente selon qu'ils sont en Ontario ou en Colombie-Britannique, ne serait-ce qu'au niveau des frais de scolarité. Les ordres de grandeur sont différents dans ces deux provinces.

En ce qui concerne les montants d'argent, je ne pense pas que nous ayons des chiffres. Je ne pense pas que nous ayons fait ce calcul. Nous voyons cela surtout comme un problème pratique, plutôt que comme un problème de chiffres. La raison pour laquelle nos neuf organisations se sont regroupées... En soi, c'est assez particulier. Ce sont des organisations qui ne s'assoient généralement pas autour de la même table et qui ne s'entendent pas toujours, comme vous le savez. Cela s'explique par un précédent créé par le gouvernement. Mais nous nous inquiétons de voir, dans la pratique, que beaucoup de jeunes Canadiens n'ont pas accès à une formation de professionnels, ce qui peut poser un problème plus tard en termes de services offerts à la population canadienne.

Le président: Merci, monsieur Solberg.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à M. Polito. Vous avez dit que la baisse des impôts des entreprises n'entraînerait pas nécessairement le plus haut niveau de croissance et de prospérité économiques. Permettez-moi de vous donner un exemple.

La stratégie fiscale de l'Irlande est axée en bonne partie sur les entreprises—mais pas uniquement. Il y a d'autres décisions qui ont joué un rôle, y compris un système d'éducation abordable, ce qui constitue une stratégie à plus long terme. Mais en dix ans, l'Irlande a vu son PIB par habitant augmenter de 92 p. 100, comparativement à 5 p. 100 pour le Canada pendant la même période. Donc, les impôts des entreprises font une grande différence.

Pour ce qui est des impôts sans égard aux bénéfices, vous avez évoqué notamment les charges fiscales. J'aimerais avoir votre point de vue sur la question de l'impôt sur le capital parce que, tout comme les charges sociales—et surtout le système régressif que nous avons ici au Canada—découragent les entreprises d'embaucher du personnel, l'impôt sur le capital les dissuade d'investir dans les outils qui leur permettraient d'augmenter leur productivité et qui pourraient faire une différence. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'impôt sur le capital.

M. Joseph Polito: Ce que ces économistes disent, essentiellement—et ce n'est pas moi qui le dis, je me fais tout simplement l'écho de ces économistes—, c'est que toutes ces réductions favoriseront la croissance du secteur privé. Elles permettent toutes d'augmenter les bénéfices nets. Que ce soit une réduction des charges sociales, des impôts des entreprises ou de l'impôt sur le capital, tout cela va aider.

Soit dit en passant, l'Irlande a également aboli les frais de scolarité. C'est un autre élément de sa stratégie fondée sur la nouvelle économie.

Mais le principal thème qui se dégage à mon avis des propos de ces économistes, c'est que ce n'est pas seulement la nature des impôts qui compte, c'est aussi leur structure. C'est comme les taxes sur les cigarettes et l'alcool. C'est une façon de lutter contre ces comportements. Ces économistes disent que la structure actuelle de nos charges sociales favorise en fait le chômage, et qu'il faut changer cette structure elle-même. M. Scarth a même dit que sa première proposition était une politique qui ne coûterait rien au gouvernement. Il voulait seulement changer la structure.

Maintenant qu'il y a un peu plus d'argent dans le système, ces économistes veulent que cette structure devienne beaucoup plus progressive. Cela permettra aussi aux entreprises d'économiser de l'argent, tout comme une intervention au niveau des impôts des entreprises ou de l'impôt sur le capital. Et cela amènera le plein emploi, contrairement aux deux autres mesures. Mais ce sont tous d'excellents moyens.

• 1620

J'ai parlé à un certain nombre de gens d'affaires qui seraient très contents que leurs charges sociales soient réduites et qui disent que cela les aiderait autant que le reste. La différence, c'est que cela aiderait également à atteindre les trois objectifs du comité.

Comme je l'ai déjà dit, il y a une foule de choses de ce genre aux États-Unis. C'est la nation la plus prospère au monde, et il y a là-bas d'autres problèmes de pathologie sociale, auxquels les impôts ne changent pas grand-chose. C'est vraiment l'approche qui a été adoptée, mais effectivement, la question de l'impôt sur le capital est très intéressante également.

M. Scott Brison: J'ai une question pour M. Easton, et les autres pourront y répondre eux aussi. Certains des groupes qui se sont présentés devant le Comité des finances ont suggéré que les frais de scolarité soient plafonnés au Canada, mais c'est une idée qui pose un problème sérieux à mon avis. Je vais vous donner un exemple.

Je représente la circonscription de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, où se trouve l'université Acadia, que le magazine Maclean's a qualifiée ces deux dernières années—si je ne me trompe pas—d'université de premier cycle la plus innovatrice au pays. Or, Acadia a les frais de scolarité les plus élevés de toutes les universités de premier cycle au Canada, et pourtant le nombre d'inscriptions augmente chaque année. Nous avons donc là une université qui a amélioré sensiblement ses programmes et ses services sur le campus, et qui a investi beaucoup. Les frais de scolarité montent, mais les inscriptions aussi. Donc, j'ai de sérieuses réserves au sujet d'une stratégie nationale visant à plafonner les frais de scolarité. C'est une approche trop interventionniste parce que nous avons le potentiel nécessaire, au Canada, pour avoir des universités de haut de gamme très innovatrices et que nous ne devrions pas chercher à décourager ce genre d'expérimentation et d'innovation.

M. William Easton: Encore une fois, permettez-moi de répondre d'abord à votre deuxième commentaire. Je reconnais qu'Acadia est très bien cotée, mais le problème, dans les facultés qui forment des professionnels, ne vient pas du bassin d'étudiants potentiels. C'est une question de nature, de qualité et de nombre. Toutes les études réalisées récemment indiquent qu'il y a un nombre à peu près infini d'étudiants potentiels pour ces facultés, mais que le genre de personnes qui cherchent à s'y inscrire est en train de changer.

Il est probable qu'on pourrait porter les frais de scolarité en médecine ou en art dentaire à 25 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $ et qu'il y aurait quand même une foule de gens prêts à s'y inscrire. Ce qui nous inquiète, c'est que ces candidats viendraient d'un bassin très différent et que, en définitive, quand ces gens commenceraient à pratiquer leur profession, quelle qu'elle soit, le choix de l'endroit où ils offriraient leurs services serait influencé par leur lieu d'origine. Donc, le montant des frais de scolarité n'a rien à voir avec la question de l'accès équitable.

Vous trouverez en annexe à notre mémoire l'énoncé de position de la coalition, qui dit au deuxième point que toute augmentation des frais de scolarité doit être réglementée et raisonnable. Je ne suis pas certain de pouvoir vous dire aujourd'hui comment elle devrait être réglementée, mais il faut une certaine logique, une certaine volonté de rendre les études de ce niveau accessibles à la vaste majorité des Canadiens dûment qualifiés, qui devront ensuite fournir des services dans des communautés très diverses. Il faut que ce soit raisonnable. Je ne sais pas exactement ce qui serait raisonnable, je n'ai pas de chiffres, mais je sais que nous en sommes rendus à un point tel, dans certaines des facultés formant des professionnels, qu'il n'y a pas de raisons purement économiques pour inciter les jeunes Canadiens hautement qualifiés à s'y inscrire.

C'est la raison pour laquelle notre groupe s'est constitué. Nous estimons que les choses sont rendues trop loin dans certaines provinces et qu'il faut examiner précisément les questions que vous avez soulevées. Qu'est-ce qui est raisonnable? Quel est le seuil acceptable? Comment peut-on fournir de l'aide préférentielle et ciblée aux provinces? Par le TCSPS? Je ne sais pas comment vous pourriez vous y prendre—vous connaissez la question mieux que moi. Mais ce qui est inquiétant, c'est que nous commençons à avoir un système d'éducation pour les riches, difficile d'accès pour ceux qui ont des moyens limités, et que cela aura un effet plus tard sur les services qui seront offerts aux Canadiens.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brison. Merci, monsieur Easton.

Madame Bennett.

• 1625

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

Ma question se rattache à ce qu'a dit M. Easton. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'indicateur mentionné par M. Polito, à savoir le revenu des familles des étudiants en médecine, parce que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants nous a apporté un graphique montrant que ce revenu a augmenté considérablement. Nous avons traîné le premier ministre dans le hall pour lui montrer que ce n'était pas une tendance souhaitable dans un pays qui essaie de rendre l'éducation plus accessible. Que nous abolissions ou non les frais de scolarité à l'université, ce qui semble avoir très bien fonctionné en Irlande, nous devrions au moins chercher au Canada à avoir des programmes de qualité et d'accessibilité comparables.

Si nous mesurions cet indicateur pour l'ensemble du pays—le revenu des parents d'étudiants—, ce serait certainement un bon moyen de savoir si nous dissuadons des gens qualifiés parce qu'ils craignent de s'endetter ou pour les autres raisons que vous avez mentionnées. Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous sait s'il existe des chiffres comparatifs entre les provinces, par exemple au sujet du revenu moyen des parents d'étudiants en médecine, ou si nous avons surtout des données sur l'Ontario, où nous savons que la situation est déplorable?

Quand on regarde l'Accord-cadre sur l'union sociale, on se rend compte qu'il y est beaucoup question de résultats; on y insiste beaucoup sur la mesure de la transparence, sur la reddition de comptes et sur les programmes de qualité comparable. Donc, si nous renégocions cet accord, ou si nous pouvions négocier avec les provinces le versement de sommes supplémentaires au titre de l'éducation postsecondaire... Le véritable problème, c'est que nos universités sont sous-financées, surtout dans certaines provinces, et qu'elles ont dû hausser leurs frais de scolarité. Nous donnons de l'argent aux provinces dans le cadre du TCSPS, et elles décident de ne pas financer les universités; nous n'avons aucun contrôle.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a réclamé quelque chose d'équivalent à la Loi canadienne sur la santé pour l'éducation postsecondaire, quelque chose qui garantirait l'accès, la portabilité et tous les autres critères de la Loi canadienne sur la santé. Est-ce que cela aiderait?

M. William Easton: Je pense qu'une loi de cette nature serait utile. Vous avez absolument raison de dire, madame Bennett, que les universités canadiennes ont été gravement sous-financées ces dernières années et que l'augmentation exponentielle des frais de scolarité à laquelle nous avons assistée depuis la déréglementation de 1998 en Ontario reflète le fait que les facultés ont besoin de cet argent pour continuer à offrir leurs programmes professionnels à un niveau relativement élevé.

Quand la coalition a été formée, nous avons reçu un certain nombre de lettres exprimant les vives inquiétudes des doyens de diverses facultés de tout le pays, et il nous a fallu un certain temps pour les rassurer. À notre avis, les coupables, ce ne sont pas les universités. En fait, nous aimerions les aider à régler leurs problèmes de financement, ce qui réduirait ainsi la nécessité de hausser les frais de scolarité indéfiniment. Il n'y a toujours pas de limite à ce qu'ils pourraient atteindre. Je ne sais pas s'il devrait y en avoir une, mais ils vont continuer d'augmenter.

Les données de Western qui, comme vous le savez, révèlent des changements dans le revenu familial des étudiants inscrits en première année de médecine, demeurent jusqu'ici anecdotiques, mais elles ne semblent à peu près pas contestées. Certaines des données les plus intéressantes sur cette question viendront probablement de la Fédération des étudiants en médecine du Canada, qui effectue en ce moment un sondage pancanadien à ce sujet-là. L'AMC est l'hôte du secrétariat de notre coalition, et je suis sûr que nous pourrions communiquer avec la fédération et vous fournir ces données quand elles seront disponibles.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Polito.

M. Joseph Polito: Le recensement pourrait aussi fournir de l'information à cet égard. Je pense qu'il permet de recueillir des données sur le pourcentage des dépenses consacrées par les familles aux études postsecondaires et j'ai vu des statistiques montrant que l'augmentation la plus rapide s'est produite dans le quartile de revenu supérieur pour ce qui est des dépenses consacrées à l'éducation postsecondaire au cours des dix dernières années. Je suis sûr que vous pouvez obtenir cette information des gens du recensement et de Statistique Canada.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

• 1630

C'est M. Cullen qui va poser la dernière question.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Polito, mais avant de la poser, je voudrais simplement préciser pour le compte rendu que je n'ai pas eu la même réaction que mon collègue de l'autre côté à la présentation des gens de KAIROS.

J'en ai retiré deux messages: premièrement, qu'une vie est une vie, où que ce soit; et deuxièmement, que dans nos efforts pour garantir notre sécurité nationale—ce qui est important—, nous ne devons pas oublier que nous avons aussi d'autres problèmes sérieux à régler.

Monsieur Polito, cher concitoyen d'Etobicoke, vous n'avez probablement pas vu la proposition d'un certain nombre de groupes d'intérêt—l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, l'industrie touristique et toute une gamme d'associations industrielles—qui préconisent une exemption annuelle de base pour l'assurance-emploi. Ce que ces groupes disent, et qui se rapproche de votre proposition, c'est que c'est un élément dissuasif pour les employeurs, en particulier dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, et pour les étudiants... Ces entreprises essaient en fait d'éviter ces charges sociales et cela nuit à la création d'emplois. Pensez-vous que c'est une idée intéressante?

M. Joseph Polito: Oui. C'est une variation sur le même thème. Les gens du ministère des Finances m'ont déjà dit qu'une exemption était un peu difficile à appliquer parce que, théoriquement, il s'agit de primes plutôt que d'impôts. Mais c'est un autre exemple de système fortement progressif.

William Scarth, de McMaster, a donné l'exemple de ce qui se passe aux États-Unis, et l'économiste Gene Epstein, de Barron's, qui est évidemment un périodique bien connu pour son soutien aux entreprises, aux États-Unis, a dit qu'il fallait éliminer les cotisations sociales sur la première tranche de salaire de 10 000 $ (15 000 $ en dollars américains). Et il a ajouté: «Comme ces cotisations sont particulièrement lourdes pour les petits salariés, elles sont exceptionnellement cruelles, et leur élimination permettrait d'ajouter plusieurs centaines de dollars au chèque de paie de ceux qui en ont le plus besoin.»

L'approche de M. Phelps, qui est assez similaire, a reçu l'appui du magazine The Economist.

Donc, encore une fois, c'est une approche très favorable au marché. Elle donne les mêmes résultats que les interventions touchant les impôts des entreprises, par exemple, mais elle favorise l'emploi et réduit l'écart au niveau des salaires.

Il convient de souligner que la réduction des charges sociales est actuellement un des premiers choix des décideurs américains pour stimuler l'économie à la suite des attentats du 11 septembre.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen.

Au nom du comité, je remercie tous ceux qui ont participé à notre dernière table ronde ici à Toronto.

Je tiens à préciser que nous avons tenu des audiences à Ottawa avant de venir à Toronto. Nous allons ensuite nous rendre à Montréal, puis à Halifax, Vancouver, Edmonton et Winnipeg, après quoi nous serons de retour à Ottawa.

Si vous me permettez une petite récapitulation, je constate que la plupart des témoins veulent nous voir continuer à prendre des décisions prudentes et responsables sur le plan fiscal. Je n'ai pas l'impression que les gens veulent que nous nous retrouvions de nouveau en déficit. Ils comprennent que cela affaiblirait sérieusement la confiance des consommateurs et des entreprises.

J'ai aussi le sentiment que les gens veulent que nous conservions notre objectif de réduction des impôts de 100 milliards de dollars. C'est assez généralisé. Bien sûr, tout le monde insiste sur la nécessité de faire preuve de discipline.

Cela dit, notre comité tient à favoriser la croissance, pas seulement parce que nous aimons la croissance, mais parce que nous comprenons que, même si ce n'est pas une fin en soi, c'est seulement en créant de la richesse que nous pouvons ensuite redistribuer cette richesse.

Donc, quand nous parlons de discipline fiscale, de faibles taux d'intérêt et de toutes les autres mesures favorables à la croissance, nous continuons à chercher les meilleurs moyens d'améliorer le niveau de vie des Canadiens et de créer le genre de richesse qui nous permettra d'offrir les programmes sociaux que les Canadiens chérissent depuis des années. Ce qui ne veut pas dire que nous devons maintenir les programmes traditionnels, parce que même les programmes sociaux doivent évoluer avec leur temps.

Mais, cela dit, nous demeurons résolus à atteindre les trois objectifs énoncés dans la lettre que je vous ai envoyée pour vous inviter à comparaître. Ils demeurent au coeur même de tout ce que nous cherchons à faire. Certains témoins ont soulevé des questions sur lesquelles nous voulons nous pencher et qui se rattachent à l'émergence d'une nouvelle communauté nord-américaine, qui a pris de l'importance au cours de nos audiences.

• 1635

J'espère vous avoir donné une assez bonne idée de notre orientation. Mais ce qui m'impressionne particulièrement, c'est le dévouement des gens comme vous qui donnent vraiment le meilleur d'eux-mêmes à leur communauté, et même à leur pays, et qui épatent chaque année les membres du comité par leur clairvoyance. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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