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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 octobre 2001

• 0900

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Bonjour tout le monde.

La séance est ouverte et je vous souhaite tous la bienvenue. C'est notre premier groupe de témoins dans cette magnifique ville de Montréal.

Conformément à l'article 83.1 du Règlement, le comité, comme vous le savez, a entrepris de consulter la population dans tout le pays sur les grands enjeux économiques et sociaux du jour avant de préparer son rapport à la Chambre des communes et au ministre des Finances sur les priorités dont il faudrait tenir compte dans le prochain budget qui devrait être déposé à un moment ou à un autre avant ou durant le mois de février.

Nous avons le plaisir de recevoir les organisations et personnes suivantes: la Centrale des syndicats démocratiques, avec son président François Vaudreuil et Jean-Guy Ouellet; pour la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, Catherine Guillemette, membre du conseil, pour l'Association des produits forestiers du Canada, Frank Dottori, président-directeur général, et Ashok Narang, président du conseil de Papier Masson Ltée.

Comparaît aussi l'Association de l'industrie touristique du Canada avec Christena Keon Sirsly, premier agent de stratégie, VIA Rail Canada Inc. et vice-président du conseil d'administration de l'AITC et M. Charles Lapointe, président-directeur général de Tourisme Montréal qui est également vice-président du conseil d'administration de l'AITC et président du comité des politiques de l'AITC.

Nombre d'entre vous ont déjà comparu devant notre comité et vous savez donc que vous disposez d'environ cinq à sept minutes pour faire vos exposés, après quoi, nous passerons à une période de questions.

Nous allons donc commencer par la Centrale des syndicats démocratiques.

[Français]

Monsieur Vaudreuil, la parole est à vous.

M. François Vaudreuil (président, Centrale des syndicats démocratiques): Merci, monsieur le président.

Je voudrais apporter une correction. Je suis accompagné de M. Jean-Guy Ouellet qui est avocat-conseil. Il interviendra ultérieurement, après la présentation que je vais faire.

Dans un premier temps, avant de chercher à faire des surplus pour l'avenir, le simple fait de comprendre la source de ces surplus permet de bien orienter les débats. Comme les surplus budgétaires sont composés en grande partie des surplus de la caisse de l'assurance-emploi, quoi de plus légitime que d'exiger que ces sommes soient affectées à rétablir le régime dans ses préceptes de base, à savoir la couverture du risque de chômage des assurés.

Avec ces sommes, le régime peut être sensiblement amélioré. Les normes d'admissibilité doivent être abaissées, la durée des prestations doit être allongée, le calcul des prestations doit être amélioré en faveur des prestataires, le seuil de remboursement des prestations doit être relevé, les circonstances entourant une démission ou un congédiement pour inconduite doivent pouvoir être entendues pour permettre d'éviter, le cas échéant, l'exclusion totale, et les prestations d'emploi doivent devenir véritablement un droit.

Pour nous, le niveau de cotisation actuel ne pose pas de problèmes. C'est le fait que les surplus que ces cotisations permettent de tirer ne sont pas affectés à leurs fins premières qui en pose un. Avant de réviser le taux de cotisation, le gouvernement doit procéder au rétablissement du régime. C'est seulement à ce moment-là que pourra s'enclencher le débat sur le taux de cotisation. C'est une des raisons pour lesquelles nous pensons que le fait de ramener les cotisations des employeurs au niveau de celles des travailleurs nous paraît injustifié. C'est injustifié aussi parce que le niveau des charges sociales au pays est, somme toute, relativement faible par rapport à la moyenne de l'OCDE, et parce que de 1980 à 1997, les recettes fiscales provenant des particuliers ont augmenté 30 fois plus que celles provenant des sociétés.

Il faut aussi penser au sort des travailleurs âgés qui perdent leur emploi. Il n'existe plus de programmes particuliers pour eux depuis l'abolition du Programme d'adaptation des travailleurs âgés en mars 1997. Or, les mesures actives d'insertion au marché du travail sont souvent, pour eux, un leurre, parce que les employeurs n'engageront pas, de toute façon, quelqu'un qui a 55 ans ou plus et qui a passé la majeure partie de sa vie active dans un secteur précis fût-il le mieux formé des individus. Il faut donc de toute urgence engager le débat sur les meilleures façons de leur venir en aide afin de mettre sur pied rapidement un programme de soutien du revenu pour les travailleurs âgés.

• 0905

De plus, nous revendiquons le fait que le financement de la santé et des programmes sociaux doit cesser d'être fait selon la formule des enveloppes budgétaires fermées pour revenir à un financement en fonction des droits reconnus. Les enveloppes budgétaires fermées mènent tout droit au sous-financement de la plupart des programmes sociaux qui veillent à la mise en application des droits qui deviennent par conséquent des droits de plus en plus théoriques.

Enfin, bien que nous n'ayons pas le temps de développer ces aspects à la CSD, nous croyons fermement que les réductions d'impôt ne font qu'accélérer le développement d'une société à deux vitesses où les liens de solidarité entre les différentes composantes de la société se font de plus en plus ténus. C'est pourquoi nous disons que la priorité du gouvernement ne doit certes pas être à ce niveau, notamment parce que les réductions déjà accordées sont suffisantes pour l'instant.

Il en va de même pour la réduction de la dette. La reprise de la croissance économique au cours des dernières années alliée au fait que le ministre des Finances a appliqué la majeure partie des surplus à la réduction de la dette récemment fait en sorte que l'importance de la dette en proportion du PIB a été fortement réduite. Aujourd'hui, la dette ne vient plus grever les cotes financières du pays comme elle le faisait il n'y a pas si longtemps. C'est pourquoi nous affirmons que la priorité du gouvernement ne doit pas être la réduction de la dette non plus. Le gouvernement ne devrait jamais y consacrer plus du tiers des surplus annuels, et certainement y consacrer beaucoup moins au cours des prochaines années, afin d'en arriver à se consacrer aux priorités que nous avons identifiées.

Pour la CSD, il importe de retisser le lien de solidarité sociale entre toutes les couches de la société canadienne. Si le législateur acquiesce aux propositions que nous venons de faire sur le Régime d'assurance-emploi, c'est-à-dire le soutien du revenu des travailleurs âgés et le financement de la santé et des programmes sociaux, nous croyons sincèrement que le taux de pauvreté au pays sera considérablement abaissé et que le Canada pourra accéder à nouveau au premier rang des pays où il fait bon vivre.

Je vous remercie.

Je pourrais peut-être ajouter que la vérificatrice générale du Canada a clairement indiqué qu'elle ne pouvait conclure que la Commission de l'assurance-emploi avait respecté l'esprit de la loi pour ce qui est des taux de cotisation de 2001 en raison des surplus accumulés de 36 milliards de dollars au 31 mars 2001. Inutile de vous rappeler que l'actuaire en chef du Développement des ressources humaines du Canada estime que, malgré la possibilité d'une récession, un surplus accumulé de 10 à 15 milliards de dollars, au maximum 15 milliards de dollars, serait nettement suffisant pour assurer la solvabilité du régime et sa pérennité.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (Montréal), Catherine Guillemette, membre du conseil.

Allez-y.

[Français]

Mme Catherine Guillemette (membre du conseil d'administration, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (Montréal)): Merci beaucoup.

J'aimerais d'abord rappeler que le Canada est le premier pays occidental à avoir signé la Convention sur la diversité écologique en 1992 à Rio. Il s'est alors engagé à protéger la biodiversité et à établir un réseau d'aires protégées. Malgré cela, le Canada se situe seulement au 36e rang dans le monde pour ce qui est des aires légalement protégées contre le développement industriel. Toutefois, il est encore temps pour le Canada de remplir ses engagements et de sauver la réputation canadienne pour la rencontre de Rio+10 qui aura lieu l'an prochain. Il suffit d'assurer un financement adéquat qui permettra au gouvernement d'étendre davantage le réseau des parcs nationaux et aires marines de conservation d'ici 2002.

Pour les Québécois, les parcs nationaux sont très importants. Selon une étude faite par Statistique Canada en l'an 2000, plus de 2,3 millions de Québécois visitent les milieux naturels chaque année. Ce nombre pourrait doubler dans les années à venir.

• 0910

Voici quelques chiffres quant au nombre de visiteurs dans les parcs nationaux québécois: pour le Parc national de la Mauricie, 179 305 visiteurs; la Réserve de l'Archipel-de-Mingan, 29 525; le Parc national de Forillon, 172 678; le Parc marin du Saguenay—Saint-Laurent, 433 255. Cela équivaut à 814 758 visiteurs dans les parcs nationaux du Québec pour l'année 2000-2001.

De plus, les aires protégées contribuent à l'économie du Québec. Les Québécois dépensent plus de 1,2 milliard de dollars par année pour leurs activités de plein air dans les milieux naturels.

Le Québec a besoin de ces aires protégées. Parmi les 14 millions de Canadiens qui pratiquent des activités de plein air et d'observation de la faune, la majorité visitent des aires protégées pour le faire. Les niveaux croissants d'activité humaine dans la plupart des parcs nationaux ont toutefois donné lieu à une fréquentation excessive, à une surutilisation des infrastructures, au surdéveloppement et à plusieurs autres problèmes qui entraînent la dégradation des habitats fauniques. Si nous voulons que nos parcs supportent l'activité humaine, il faut absolument élargir le réseau des aires protégées.

Au Québec, seulement 0,5 p. 100 du territoire est légalement protégé de toute exploitation industrielle, comparativement à 8,8 p. 100 en Ontario, 9,8 p. 100 en Alberta et 11,2 p. 100 en Colombie-Britannique. C'est donc le plus petit pourcentage au Canada.

Le Québec fait donc piètre figure dans le portrait international des réseaux de territoires protégés. Son réseau d'aires protégées est loin d'être complété. On voit que 99,5 p. 100 du territoire québécois est présentement susceptible d'être affecté par l'exploitation industrielle. Afin de conserver la biodiversité, il est essentiel d'établir un réseau d'aires protégées.

De plus, toutes les régions naturelles du territoire devraient être représentées. En 1990, le gouvernement fédéral promettait de représenter chacune des 39 régions naturelles canadiennes par un parc national. À la fin de 1999, 14 régions naturelles n'étaient toujours pas représentées. C'est au Québec que nous avons le moins de régions naturelles représentées: trois régions naturelles sur dix sont représentées au Québec. L'apport des parcs nationaux au parachèvement d'un réseau d'aires protégées est donc essentiel.

Le Québec possède la plus vaste étendue de forêt boréale au Canada. Sachant que la presque totalité de cette forêt a été allouée pour la coupe forestière et l'exploitation minière, il est urgent de se mettre à l'action. Le gouvernement peut agir, car 93,6 p. 100 du territoire québécois est public et donc sous sa responsabilité. Il y a encore de grandes étendues sauvages à protéger au Québec. Nous possédons un des plus gros troupeaux de caribous au monde et quelques-unes des plus puissantes rivières sauvages du continent.

Il devient urgent d'établir de nouvelles aires de protection de nature sauvage et d'améliorer la gestion des parcs existants en protégeant leur intégrité écologique. La Loi sur les parcs nationaux de 1988 exige que l'intégrité écologique et la préservation des ressources soient les critères prédominants de la gestion d'un parc. Toutefois, les membres de la Commission sur l'intégrité écologique ont constaté des problèmes et facteurs de stress qui menacent nos parcs nationaux et donc leur intégrité écologique.

L'être humain laisse son empreinte partout. Le Canada et nos parcs nationaux font partie d'un monde où les perturbations sont nombreuses. Même si ces dernières prennent leur origine à l'extérieur des parcs nationaux, elles influent sur les écosystèmes des parcs. La notion de nature sauvage est un élément dominant de notre identité nationale. Nos parcs nationaux sont des symboles de cette identité, mais aussi des indicateurs écologiques qui nous avertissent de la présence d'agressions beaucoup plus répandues qui se répercutent déjà sur une bonne partie du territoire canadien.

Voici quelques exemples. Dans le Parc de la Mauricie, les populations de loups restantes survivent difficilement. Elles sont constamment menacées par des facteurs de stress tels que l'activité humaine.

Concernant la pollution atmosphérique, le sud du Québec étant baptisé «le tuyau d'échappement de l'Amérique du Nord», le Parc de la Mauricie demeure exposé à un risque d'acidification qui surpasse la capacité du milieu à tamponner les sulfates et autres composés acides.

Du côté des pesticides, une étude menée dans le Parc national de la Mauricie a démontré que le sang et les plumes des huards du parc contiennent de hauts niveaux de mercure; le niveau de mercure dans les plumes y est plus élevé qu'à tous les autres endroits où des tests ont été effectués en Amérique du Nord.

• 0915

Contribuons à la réputation du Canada en faisant preuve de leadership pour la préservation de nos parcs en tant que patrimoine canadien et mondial et en tant que lieux spéciaux qui méritent d'être protégés aussi pour leur valeur intrinsèque.

Les aires protégées nous tiennent à coeur. La seule façon de protéger la nature sauvage est de prendre des mesures durables. Il appartient aux Canadiens et à notre gouvernement de prendre un engagement clair et prévoyant en faveur des valeurs véhiculées par les parcs nationaux. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Nous passons maintenant à l'Association des produits forestiers du Canada et entendrons le président-directeur général de Tembec Inc. Frank Dottori.

M. Ashok Narang (président, Papier Masson Ltée; Association des produits forestiers du Canada): Peut-être me permettrez-vous de commencer.

Le président: C'est Ashok Narang qui va commencer.

M. Ashok Narang: Vous avez tous reçu notre exposé que je ne vais pas vous le relire entièrement.

Voici maintenant un an que nous avons pris le nom d'Association des produits forestiers du Canada. Nous étions avant l'Association canadienne des pâtes et papiers (ACPP). Le gros changement est que, auparavant, nous représentions essentiellement les producteurs de pâtes et papiers et que maintenant nous combinons les pâtes et papiers et les produits du bois. Nous représentons une majorité de producteurs au Canada et nous sommes une grosse organisation. Tout est expliqué là-dedans.

Je m'appelle Ashok Narang, président de Papier Masson et je suis également président du comité du commerce extérieur et de la compétitivité. Frank Dottori est président-directeur général de Tembec. Il occupait mes fonctions il y a très longtemps, et avant cela il était président de l'ACPP. Il fait donc partie de la hiérarchie. Nous avons aussi un vice-président des relations gouvernementales avec nous, si bien que nous pourrons répondre à vos questions à ce sujet, si vous le souhaitez.

Nous réalisons que ce n'est jamais le moment de venir vous dire que nous aurions besoin d'un allégement fiscal ou d'une aide quelconque, et le moment est encore plus mal choisi aujourd'hui qu'en temps normal. Toutes nos priorités ont en effet changé depuis le 11 septembre alors que nous devons tous participer à cet effort de guerre, il peut sembler étrange que nous venions vous demander de l'aide. De toute façon, ce n'est jamais le moment.

Donc, nous voici et nous avons beaucoup de choses à dire au gouvernement fédéral. Nous l'avons fait par écrit et, tout récemment, notre groupe s'est allié une coalition qui est venue vous présenter certaines recommandations.

J'aimerais en particulier mettre l'accent sur le fait que nous avons dans ce pays un impôt sur le capital. C'est un impôt qui me rappelle les impôts qui existent dans les pays du tiers monde où le gouvernement impose le capital parce qu'il pense que tout revenu tiré de cet argent s'envole ailleurs. Comme les gens ne paient pas d'impôt sur ces revenus, il faut imposer le capital.

L'impôt sur le capital fait trois choses. Dans les pays économiquement sous-développés, les gens cachent le capital pour ne payer aucun impôt. On ne peut pas faire cela ici; pas question de cacher. La deuxième chose, c'est que chaque fois que l'on investit dans quelque chose de gros, on dit, il va me falloir trois ans pour que cette usine tourne suffisamment pour rapporter, mais il faut payer l'impôt dès le premier jour.

En plus, tout le monde le sait—je n'ai donc pas à vous l'expliquer—le secteur des pâtes et papiers est probablement l'un des secteurs les plus cycliques qui existent. Nous gagnons quelquefois de l'argent mais, la plupart du temps, ces jours-ci surtout, nous en perdons. Durant les périodes de ralentissement, lorsque les marchés chutent, les prix chutent mais on paie toujours des impôts. Nous sommes donc tout à fait contre un impôt sur le capital dans un secteur cyclique à forte concentration de capitaux.

Maintenant, qu'est-ce que cela veut dire pour l'ensemble du régime fiscal? C'est une autre question. Toutefois, nous trouvons très lourd d'avoir à payer cet impôt lorsque nous perdons de l'argent. C'est parfaitement injuste.

C'est tout ce que j'avais à dire et Frank va continuer.

• 0920

M. Frank Dottori (président-directeur général, Tembec Inc.; Association des produits forestiers du Canada): Monsieur le président, je crois que vous avez déjà entendu ce que j'ai à vous dire, que vous ayez lu ma correspondance ou autrement, à propos des budgets, mais j'aimerais vous signaler quelque chose que je trouve assez décourageant, à savoir la façon dont on traite au Canada le secteur des pâtes et papiers et des produits forestiers. Nous existons depuis un siècle. Nous sommes une richesse pour le Canada. C'est essentiellement nous qui payons les prestations sociales qui existent au Canada parce que nous avons toujours été le secteur qui contribue le plus à la balance commerciale. En fait, c'est comme rentrer avec un chèque de paie.

On a tendance à ne pas tenir compte de nous parce que l'on pense que nous ne pouvons pas déménager comme le secteur de la haute technologie, qui peut charger un camion ou transférer son personnel en Californie. Nous avons des milliards de dollars d'investissement et devons rester ici, si bien qu'on nous ignore. Je vais vous donner certains chiffres nouveaux pour que vous compreniez bien.

Ce secteur a représenté 60 milliards de dollars pour notre balance commerciale en l'an 2000. Vous pouvez obtenir le rapport de Price Waterhouse. Nous avons rapporté au Canada 37,4 milliards de dollars que nous avons partagés avec la population et le gouvernement canadien. Nous avons payé 13,3 milliards de dollars d'impôts, ce que, là encore, la majorité des gens ne reconnaissent pas. Une partie—1,8 milliard de dollars—consistait en droit de coupe, et quelque 10 milliards de dollars représentaient des impôts sur le revenu et autres.

Nous créons des emplois qui paient 54 000 $ par an en moyenne, plus 16 000 $ d'avantages sociaux. Cela fait 70 000 $ par an pour ceux qui travaillent dans notre secteur. C'est le salaire moyen le plus élevé de tout le secteur, à l'exception probablement des courtiers en Bourse de Toronto. C'est un secteur que le gouvernement canadien et tous les gouvernements ne devraient pas négliger à notre avis. N'allez pas tuer la poule aux oeufs d'or qui rapporte et pond des oeufs d'or. Aidez les gagnants à continuer; bâtissez sur de bonnes bases.

Ce secteur existe depuis un siècle. Nous serons là pendant encore un siècle, si vous nous traitez équitablement. L'impôt sur le capital est injuste pour notre secteur. Le gouvernement touche 1,3 milliard de dollars de cet impôt injuste, qui décourage l'investissement. Pourquoi dépenser 100 millions de dollars—nos projets représentent 1 milliard de dollars, pour une seule entreprise—et se faire prélever 20 millions de dollars par an en impôt, même quand on ne gagne pas d'argent? C'est un impôt totalement injuste.

Levez-le sur les liquidités, comme je vous le disais. Levez cet impôt sur quelque chose d'autre si vous devez absolument percevoir ce butin. Mais la façon dont c'est structuré actuellement décourage l'investissement. Ce secteur crée de la richesse pour le Canada et vous l'imposez, ce qui nous décourage de réinvestir au Canada. Nous avons vendu notre secteur pétrolier, et le secteur de la haute technologie n'existe pas. Nous, nous sommes encore ici et je pense que vous devriez nous traiter équitablement, comme on le fait partout ailleurs dans le monde où il n'y a pas d'impôt sur le capital, sauf dans certains des pays du tiers monde et nous pensons que nous ne devrions pas en avoir non plus au Canada.

Quand à l'impôt des sociétés, je sais qu'il y a des gens qui disent: «Ma foi, il est passé de 28 à 21 p. 100.» N'oubliez pas que nous avons eu un impôt sur la conversion qualitative des bois de 7 p. 100. Ainsi, vous baissez de 1 p. 100 d'un côté et remontez de 1 p. 100 de l'autre. C'est bon pour les relations publiques. La population dit: «Regardez-les: ils se plaignent toujours et pourtant vous diminuez leurs impôts.» En fait, vous diminuez de 1 p. 100 d'un côté et vous augmentez de 1 p. 100 de l'autre, ce dont personne ne parle.

Soixante pour cent de nos coûts sont contrôlés directement ou indirectement par le gouvernement, qu'il s'agisse de la main- d'oeuvre, de l'énergie, des transports, du bois ou de l'accès aux marchés. Pensez juste au cas récent du bois d'oeuvre. Nous ne pouvons pas vendre nos produits à valeur ajoutée à cause des tarifs sur les exportations en Europe, des tarifs sur les exportations en Chine, des tarifs sur les exportations en Indonésie. Toutefois, le gouvernement déclare: «Investissez dans la valeur ajoutée». Écoutez, vous devez aussi nous permettre d'accéder aux marchés, c'est une responsabilité gouvernementale.

Ce que nous aimerions que vous fassiez, c'est d'éliminer cet impôt. C'est ce que fait la Colombie-Britannique; l'Ontario a dit qu'il allait le faire; l'Alberta l'a fait. Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait commencer à le faire pour les matières premières qui créent des emplois. Ce serait à mon avis un message positif.

Nous pensons que nous entrons dans une période de dépression économique, comme entre 1980 et 1982 et entre 1990 et 1992. Nous pensons que la situation va être très difficile pendant un certain temps. Cela fait un an que cela dure, cela n'a pas commencé le 11 septembre. Le 11 septembre est une bonne excuse dont se servent des tas de gens. La situation a empiré après le 11 septembre mais je puis vous dire que nous vivons un ralentissement économique depuis l'année dernière et que cela va encore durer au moins un an ou un an et demi.

Mon conseil au gouvernement est de faire attention à ses sous. De ne pas dépenser. De garder ses sous ou, s'il veut dépenser, d'envisager de stimuler un climat d'investissement positif afin que nous puissions créer des emplois parce que nous allons connaître une situation très difficile ces deux prochaines années.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à l'Association de l'industrie touristique du Canada, Christena Keon Sirsly et Charles Lapointe.

Mme Christena Keon Sirsly (première agente de stratégie, VIA Rail Canada Inc.; vice-présidente, Association de l'industrie touristique du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité des finances. Je vous remercie de me donner cette occasion de présenter le point de vue de notre association alors que vous préparez votre rapport sur les consultations prébudgétaires à l'intention du ministre des Finances.

• 0925

[Français]

L'Association de l'industrie touristique du Canada est le principal organisme de promotion des intérêts du secteur privé pour les politiques et les programmes essentiels à la viabilité et à la durabilité de l'industrie touristique du Canada. Nos efforts de promotion des intérêts visent principalement l'élimination des lois restrictives et des obstacles réglementaires à la croissance et à l'expansion de l'industrie touristique du Canada.

Au Canada, notre industrie est un secteur économique de premier plan. En 2000, les recettes se sont accrues d'environ 8 p. 100 par rapport à l'année précédente, se chiffrant à plus de 54 milliards de dollars. L'industrie compte 159 000 entreprises qui emploient plus de 540 personnes directement. Du point de vue du gouvernement, l'industrie touristique produit un revenu estimé à 16,7 milliards de dollars en impôts.

[Traduction]

Les événements tragiques du 11 septembre ont eu une répercussion profonde sur le monde entier. Bien que nos pensées aillent tout d'abord à ceux qui sont directement touchés par ces actes de terrorisme, il est évident qu'il y aura des répercussions pour le tourisme au Canada et dans le monde entier.

Sachant que ces événements ont ébranlé la confiance des consommateurs et des entreprises, il est essentiel que le gouvernement adopte des politiques et des priorités qui favorisent la productivité, la compétitivité, la croissance économique et la création d'emplois. L'AITC croit que la façon la plus efficace d'y parvenir est de continuer à diminuer les impôts.

[Français]

Ainsi, notre association recommande vivement que le gouvernement donne suite à son plan quinquennal de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers et des entreprises. Pendant des périodes de ralentissement économique, les réductions fiscales sont un stimulant et devraient rester une priorité pour le gouvernement. Grâce à des réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers et à une réduction de l'impôt sur les gains en capital, les Canadiens auront plus de revenu disponible pour les dépenses discrétionnaires. Cela aura des incidences positives sur les entreprises touristiques partout au pays.

[Traduction]

Une autre façon dont le gouvernement peut jouer un rôle positif pour aider les entreprises canadiennes à demeurer viables, en particulier au cours de cette période, serait de réduire les charges sociales. Celles-ci sont la forme d'impôt la plus régressive parce que ceux qui sont tout au bas de l'échelle salariale sont ceux qui en paient proportionnellement le plus. Cela a un effet négatif sur les secteurs à forte concentration de main- d'oeuvre comme le tourisme.

Pour que l'assurance-emploi devienne plus progressive, l'AITC recommande deux réformes.

Tout d'abord, nous recommandons la péréquation des primes employeur-employé au moyen d'une réduction graduelle du multiplicateur d'assurance-emploi. Cela diminuerait sensiblement les charges sociales des entreprises et rendrait ainsi le climat plus propice à la croissance et à la création d'emplois.

Notre deuxième recommandation serait de créer une exemption de base annuelle (ou EBA) sur les primes payées à l'assurance-emploi. En convertissant le seuil actuel de gains en EBA et en l'accordant aux employeurs, on favoriserait les travailleurs à temps partiel, saisonniers et à faible revenu et en stimulerait les petites entreprises à forte concentration de main-d'oeuvre, qui sont dans le secteur du tourisme.

Je donne maintenant la parole à Charles.

M. Charles Lapointe (président et PDG, Tourisme Montréal; président, Comité de la politique de l'AITC, vice-président, Association de l'industrie touristique du Canada): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.

Une autre question très importante pour l'industrie touristique est le renouvellement et l'entretien de l'infrastructure routière canadienne. Depuis les événements tragiques du 11 septembre, elle revêt une importance accrue, parce que le grand marché à notre disposition est celui du «pneu», marché qui pourrait s'accroître de façon considérable.

[Français]

Actuellement, le gouvernement du Canada perçoit plus de 4,5 milliards de dollars par an en taxe sur l'essence. Moins de 6 p. 100, soit 270 millions de dollars, sont réinvestis dans le système routier sous forme de projets de construction ou d'entretien. Le renouvellement du système routier au Canada permettra d'améliorer l'efficacité et la sécurité, de stimuler l'expansion économique, le tourisme et le commerce, et d'accroître la concurrence et la productivité économique.

• 0930

L'Association de l'industrie touristique du Canada recommande que les gouvernements fédéral et provinciaux approuvent un stratégie d'investissement à long terme dans le secteur des transports, à l'échelle nationale, qui comportera assez de fonds pour l'entretien et la construction en cours du système routier national au Canada.

[Traduction]

La dernière question que nous voulons aborder est celle du financement de la Commission canadienne du tourisme. À la fin septembre, la Commission a rencontré le ministère des Finances pour demander un financement additionnel immédiat pour accroître la commercialisation du tourisme au lendemain des actes terroristes. L'AITC appuie pleinement la demande la Commission et soutient toutes les initiatives de commercialisation qui seront nécessaires à l'industrie du tourisme pour relever les défis qu'elle connaîtra dans les mois à venir.

En outre, l'AITC demande ces fonds additionnels de 25 millions de dollars par an pour permettre à la Commission canadienne du tourisme de prendre de nouvelles initiatives de commercialisation. On accroîtrait ainsi son financement à plus de 100 millions de dollars par an et il se fonde sur trois considérations clés. D'abord, l'importance économique grandissante du tourisme. La principale concurrence que le Canada doit affronter sur les marchés internationaux pour maintenir sa position—pour vous donner un exemple—c'est que la ville de New York à elle seule a accordé la semaine dernière un budget spécial de 40 millions de dollars US pour contrer le ralentissement de l'industrie touristique. Deuxièmement, il existe de nombreuses possibilités d'investissement, qui sont soutenues par l'industrie touristique. Finalement, étant donné les priorités accrues du gouvernement en matière de sécurité, notre association soutiendra les efforts qui seront déployés pour accroître la sécurité aux frontières canadiennes tout en tenant compte de la nécessité de gérer efficacement le flot de voyageurs.

[Français]

En conclusion, notre industrie a été durement touchée par les attaques terroristes du 11 septembre. Il est nécessaire de rétablir la confiance des consommateurs et des entreprises. Cela est essentiel pour stimuler la reprise dans le secteur du tourisme. Notre association encourage le gouvernement du Canada à adopter et à mettre en oeuvre des politiques et des priorités qui permettront de rétablir la confiance des consommateurs et aideront nos entreprises à survivre à cette période difficile.

[Traduction]

Nous tenons à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue et nous serons impatients de prendre connaissance de votre rapport cet automne.

Merci.

Le président: Merci.

Nous remercions en fait tous les participants. Vous avez certes présenté des points de vue très intéressants et je suis sûr que nous aurons bien des questions à vous poser.

Nous allons commencer par M. Jaffer. Chaque membre du comité aura cinq minutes.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Merci.

Merci, monsieur le président, et merci à tous de vos exposés. Je n'ai que quelques questions à poser à certains des participants.

Je m'adresse d'abord à Mme Guillemette de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.

J'ai jeté un coup d'oeil à votre mémoire. Vous y mentionnez différents défis qui se posent à Parcs Canada, et vous proposez aussi des solutions. Mais ce qui me semble manquer, ou peut-être que je ne l'ai pas vu, c'est un montant concret. Votre organisation a peut-être fait une étude sur les montants qui seraient nécessaires pour relever certains des défis ou pour régler certains des problèmes que vous signalez dans votre mémoire. Y a-t-il un montant que vous proposeriez à Patrimoine Canada ou à Parcs Canada pour pouvoir régler certains de ces problèmes?

Mme Catherine Guillemette: Oui. D'autres groupes environnementaux ont déjà cité un montant... 493 millions de dollars pour les cinq prochaines années. Ce budget serait réservé à l'intégrité écologique et à la création de nouveaux parcs.

M. Rahim Jaffer: Ma prochaine question s'adresse au représentant de l'Association des produits forestiers du Canada.

Vous avez mentionné certains des secteurs que le gouvernement doit considérer pour alléger le fardeau fiscal de votre industrie, et je suis d'accord sur de nombreux points.

Toutefois, compte tenu des défis que nous avons aussi à relever, vous dites dans votre mémoire que votre plus grand marché est celui des États-Unis, comme c'est souvent le cas ici au Canada. Quels sont certains des défis qui se posent actuellement pour vous à la frontière, ou que vous prévoyez, surtout en ce qui concerne les embouteillages ou les retards ou les craintes que vous pourriez avoir concernant les décisions que nous aurons peut-être à prendre pour permettre d'accélérer le commerce de vos produits vers le sud? Avez-vous des inquiétudes à ce sujet?

Le président: Frank, je pense que c'est trop, mais allez-y.

M. Frank Dottori: Pour ce qui est du secteur des pâtes et papiers ou du secteur chimique, nous ne prévoyons aucune difficulté. On a pris des mesures de sécurité additionnelles, mais nous devons nous assurer de ne pas aller trop loin. Cela prend une demi-heure de plus environ, donc cela ne nous semble pas être un problème.

• 0935

Notre sujet d'inquiétude maintenant, comme vous le savez, c'est le bois d'oeuvre. Je crois que la position du gouvernement canadien—jusqu'à récemment—a été excellente, compte tenu du fait que les États-Unis jouent les durs sur le plan économique. Ils imposent les règles et il faut s'y plier. Le Canada devrait faire front commun face aux États-Unis. Je trouve regrettable que le gouvernement canadien ait décidé de laisser le Bureau du représentant américain au commerce venir ici et négocier individuellement avec chaque province. Nous ne pouvons même pas combattre les États-Unis ensemble, et la négociation province par province nous semble catastrophique.

Mon propos n'est pas objectif puisque je suis le président du Free Trade Lumber Council, qui bien sûr est en quelque sorte une organisation militante qui souhaite le libre-échange comme dans le cadre de l'ALENA que nous avons signé. Comme vous le savez, le bois d'oeuvre est exclu de l'ALENA. Nous pensons qu'il devrait être inclus et que nous devrions avoir accès au marché américain. Nous sommes agacés de voir que le gouvernement canadien n'adopte pas une position carrément militante. Ils sont, paraît-il, censés être nos amis. S'ils le sont, qu'ils le montrent, surtout maintenant, au lieu d'agir à notre détriment. Cette situation nous bouleverse pas mal.

L'autre chose, comme je le disais, c'est que le gouvernement canadien nous sermonne continuellement et nous considère comme une industrie d'arrière-garde, alors que nous sommes en fait une des industries les plus technologiquement avancées au Canada. Je vous invite tous à venir visiter nos scieries qui sont gérées par ordinateur et où on ne voit pas le moindre employé. Si l'on facture la valeur ajoutée, c'est parce que les ressources sont limitées, puisqu'on en a besoin pour les parcs et tout le reste. Il faut faire plus avec moins.

J'ai une grosse usine de carton couché, et je dois verser des droits tarifaires de 10 p. 100 si je les vend à l'extérieur du Canada. Alors que puis-je faire? Je n'ai pas de clients au Canada, et je dois payer des droits tarifaires de 10 p. 100. L'Europe protège ses propres producteurs. La Chine impose un droit tarifaire e 39 p. 100, pourtant l'ACDI et tout le monde qui leur donne des fonds de développement. Alors ils construisent une usine de carton couché qu'ils exportent au Canada. C'est dément.

Nous devons avoir accès aux marchés. Et le Canada—c'est une des principales choses qu'on doit faire—doit se montrer très dynamique. Je dois reconnaître, n'étant pas politicien, que le gouvernement libéral a fait de l'excellent travail depuis deux ou trois ans en affirmant sa position. Mais de notre point de vue, ce n'est pas suffisant. Il faudrait débarrasser des droits tarifaires imposés à nos produits afin que nous puissions les exporter. Au lieu d'en exporter pour 60 milliards nous en exporterions pour 70 milliards. C'est ainsi que nous ferons prospérer notre économie et créerons des emplois.

M. Rahim Jaffer: J'ai une courte et dernière question à poser aux représentants de l'industrie du tourisme.

J'ai remarqué que vous avez proposé parmi les modifications à cette loi qu'on modifie l'assurance-emploi et qu'on introduise une exemption de base annuelle (EBA). Je sais, à la suite d'entretiens que j'ai eus avec certains de vos amis du secteur de la restauration et de l'alimentation qu'ils ont proposé un seuil analogue. Ils ont proposé un montant d'environ 2 000 $, il me semble. Pourriez-vous nous dire quel devrait, selon l'industrie du tourisme, être ce seuil d'exemption de base annuelle.

M. Charles Lapointe: Nous pensons que le seuil devrait être de 3 000 $. Il y a une importante et solide coalition au Canada qui s'entend sur ce montant, notamment l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, notre association soit l'AITC, l'Association des hôtels du Canada, l'Association canadienne de la construction, l'Union internationale des employés d'hôtels et de restaurants, l'Organisation nationale antipauvreté et le Conseil canadien du commerce de détail.

M. Rahim Jaffer: C'est parfait. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

J'ai une première question pour M. Vaudreuil. J'aimerais que vous nous donniez des trucs. Nous avons tout essayé depuis des années, depuis que la caisse de l'assurance-emploi fait des surplus, c'est-à-dire depuis environ sept ans. Je vous dis qu'on a tout essayé. Je pense que vous allez convenir avec nous qu'on n'a pas essayé à peu près. On a montré un consensus incroyable au Québec et au Canada quant à la nécessité de réformer l'assurance-emploi et de faire en sorte que ça ne devienne pas la vache à lait du gouvernement fédéral.

M. Martin a toujours fait la sourde oreille, même si, comme vous l'avez mentionné, l'ancien vérificateur général l'a dénoncé. Et la vérificatrice générale qui vient d'entrer en fonction le dénonce aussi, à sa façon, parce qu'un vérificateur général ne dénoncera jamais une situation comme le fait un porte-parole du Bloc québécois, par exemple. On fait la constatation que c'est un vol qualifié qu'on fait à la caisse de l'assurance-emploi. Comme vous l'avez mentionné, c'est la partie la plus importante des surplus annuels du gouvernement fédéral.

Cette année, on a refait nos évaluations. Même en tenant compte d'une récession pour les six derniers mois du présent exercice, on sait que M. Martin va se retrouver avec un surplus de 13 milliards de dollars. Il va vous dire, comme à tous les ans, qu'il n'y a pas de surplus ou que ce surplus sera de 2 ou 3 milliards de dollars, mais tous ceux qui le connaissent savent de quoi il en retourne. À tous les ans, il fait des erreurs d'estimation de 300 p. 100.

• 0940

Donc, il y aura 13 milliards de dollars et, de ce montant, plus de 7 milliards de dollars vont provenir de la caisse de l'assurance-emploi. Comment faire pour convaincre un gouvernement qui ne veut rien savoir? On se lève à tous les jours à la Chambre des communes pour réclamer qu'on redonne aux gens qui en ont besoin au moins une partie de ces surplus. La ministre du Développement des ressources humaines, avec sa suffisance habituelle, se lève en disant qu'il n'en est pas question, que le régime a été réformé et que c'est bon maintenant.

Alors, donnez-nous un truc, parce que nous sommes un peu dépassés. Comme vous l'avez mentionné, chez les travailleurs âgés, il y a encore plein de mises à pied massives aujourd'hui. Il n'y en a pas comme il y en a eu au cours des 20 dernières années, mais il y a beaucoup de mises à pied individuelles. On a un problème avec ça. Il n'y a plus de PATA ou quoi que ce soit d'autre pour eux.

J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. François Vaudreuil: Évidemment, il n'y a pas de formule miracle ou de solution magique. Je pense que, malgré les changements profonds, les transformations majeures que vit notre société, il faut faire la promotion d'une plus grande justice et d'une plus grande protection contre les risques de la vie, notamment la perte de son emploi.

On sait combien la situation de l'emploi est volatile et précaire aujourd'hui. À cet égard, un véritable régime d'assurance est absolument nécessaire en l'an 2001. Il faut être déconnecté de la réalité pour ne pas voir les drames humains qui se vivent dans plusieurs localités, dans plusieurs régions où des gens perdent leur emploi.

Je pourrais vous en citer plusieurs, parce qu'à la CSD, 90 p. 100 de nos membres sont concentrés dans les petites et moyennes entreprises du Québec, qui sont situées principalement dans les régions. Dans chaque région, on vit des drames. Un des problèmes, c'est qu'on a oublié ce qu'était la société il y a 30 ou 40 ans, par exemple quand on parle des travailleurs âgés.

L'exemple suivant illustre bien toute une problématique. Il y a une usine de chaussures qui fermera prochainement à Richmond. Il y a là près de 60 personnes qui ont plus de 50 ans. Ce sont des gens qui ont peu de scolarité, qui ont peut-être une troisième ou une quatrième année et qui, à l'âge de 60 ou 61 ans, disent qu'ils ont travaillé pendant 42 ans dans cette usine et que le plus haut salaire qu'ils ont gagné en 42 ans est 23 000 $. Ils sont parvenus à s'acheter une maison et à épargner un peu d'argent. Il leur reste 800 $ dans leur compte de caisse. Ils nous demandent ce qu'ils vont faire, de quoi ils vont vivre.

C'est une question de dignité. Le drame, c'est que les gens ne se lèvent pas, mais se replient sur eux-mêmes et cachent cet appauvrissement. Donc, il faut agir. Il faut agir de toute urgence.

Pour revenir à votre question, même s'il n'y a pas de solution miracle, il faut absolument continuer le débat. Il faut persévérer parce que c'est une question de justice fondamentale. On vit trop de drames.

Je suis accompagné de M. Jean-Guy Ouellet, qui va compléter ma réponse. Jean-Guy pratique quotidiennement depuis une vingtaine d'années auprès des gens qui perdent leur emploi et qui ont à se présenter à l'assurance-emploi. Il sera en mesure de témoigner de ce que ces gens vivent.

Il y a un autre élément sur lequel il y a actuellement un profond déséquilibre dans notre société. Au début de la dernière décennie, on a décidé de passer des mesures passives, c'est-à-dire des mesures d'assurance, aux mesures actives. C'est un principe qui, en soi, est fort louable. Au Québec, actuellement, il se fait beaucoup de travail au niveau des mesures actives, et ça réussit. Cependant, lorsqu'on a fait ça, on est passé d'un extrême à l'autre dans notre société et on se retrouve aujourd'hui dans une situation où on a des laissés-pour-compte, souvent chez les travailleurs âgés. Il faut donc établir un nouvel équilibre pour permettre à ces gens de vivre dans la dignité.

Je vais demander à Jean-Guy de compléter.

Me Jean-Guy Ouellet (avocat-conseil, Centrale des syndicats démocratiques): Naturellement, un changement législatif peut se faire par la volonté politique ou par les tribunaux. Il y a un recours par rapport à l'inconstitutionnalité de l'utilisation de la caisse. Je crois que c'est actuellement en cour. Comme la vérificatrice générale l'a dit le 27 septembre dernier, dans ses commentaires sur les Comptes publics, il est clair que les surplus actuels sont contraires à l'esprit de la loi; d'autre part, ils sont aussi inconstitutionnels.

• 0945

Lors de la première tentative faite en vue d'adopter une loi sur l'assurance-chômage au Canada, la Cour suprême et le Conseil privé avaient indiqué qu'un régime d'assurance-chômage ne pouvait être instauré en raison du pouvoir de taxer, ni en raison du pouvoir de dépenser, mais bien en raison d'un pouvoir spécifique. En 1940, on a transféré ce pouvoir spécifique au fédéral. Tout dernièrement, dans une cause soutenue devant la Cour suprême, celle-ci a dit que les mesures actives découlaient du pouvoir de dépenser. Il est donc clair que le pouvoir d'aller chercher des cotisations repose sur le fait d'instaurer un régime d'assurance-chômage et ne peut être établi à d'autres fins.

Il faudrait peut-être rappeler que Mackenzie King, lorsqu'il a adopté la loi en 1940, a clairement indiqué, dans un débat à la Chambre des communes—et je pourrai vous lire le passage si vous le désirez— que dans les échanges avec les provinces, la loi ne devait être appliquée qu'en vue du Régime d'assurance-chômage, parce que les provinces n'auraient pas autorisé autre chose. Le ministre de l'époque, M. McLarty, avait indiqué que cela ne pouvait pas servir à des fins d'assurance-santé ou même à régler le problème de pauvreté due au chômage sauf, éventuellement, pour assurer le risque de chômage.

Il faudrait aussi rappeler au gouvernement, et je vois M. Bevilacqua... J'ai eu, dans les années 1993, des contacts avec le Parti libéral et avec des organisations de chômeurs quant aux réformes appliquées par les conservateurs. M. Bevilacqua était très actif dans cette lutte et il a rappelé qu'en 1989, 1992, 1993 et 1994, tous les gouvernements avaient dit que les changements apportés à la Loi sur l'assurance-chômage visaient à répartir l'effort contre le déficit. J'ai à ma disposition les références de tous les passages dans tous les discours du budget de tous ces gouvernements que je pourrai transmettre aux recherchistes.

Or, essentiellement, il n'y a plus de déficit. La vérificatrice générale dit qu'on est rendus à 35 milliards de dollars, soit 20 milliards de dollars de plus que les 15 milliards de dollars prévus comme maximum par l'actuaire en chef. Par conséquent, on se dirige, selon les prévisions économiques de M. Martin, vers 70 milliards de dollars de surplus en 2005-2006. Cela n'a aucun sens.

Pendant ce temps, il y a des gens qui ne se qualifient pas au régime, à cause d'une augmentation substantielle, et qui vivent dans la pauvreté. Selon des documents récents publiés par Statistique Canada, des statistiques démontrent actuellement qu'il y a des gens qui vivent sous le seuil de faible revenu, et que l'écart dans la pauvreté augmente à cause des gens qui sont en deçà du seuil de faible revenu, dont les pertes de mille et quelques cents dollars de revenu sont directement attribuables aux coupures dans le Régime d'assurance-emploi.

Il y a donc une augmentation de l'écart de pauvreté et cela, sans parler naturellement du vécu des gens. Nous recevons à nos bureaux des personnes qui n'ont plus de prestations de chômage ou qui ne se qualifient pas pour en toucher. Ce sont leurs économies qui s'en vont, leur famille qui éclate, la violence conjugale qui s'installe et, souvent, la vente à rabais de leur maison. Tout cela parce qu'ils ne se qualifient pas pour l'aide sociale, ce qui est un nouveau nom pour l'assistance publique.

On assiste véritablement à une dégradation. Le Comité permanent du Développement des ressources humaines a indiqué qu'il fallait corriger la situation. Je pense que, par rapport au 11 septembre 2001, une façon de répondre à l'insécurité économique qui vient de se créer, c'est de rétablir la confiance des consommateurs. Or, les consommateurs, ce sont des travailleurs. Et s'ils vivent dans l'insécurité par rapport à leur emploi, il est temps de rétablir un régime d'assurance-emploi qui leur permette, au moins éventuellement, de consommer.

On a dit plus tôt que des gens gagnaient 70 000 $ dans le secteur forestier. Le maximum assurable est actuellement de 39 000 $; il est gelé depuis 1996. Selon M. Kerr, qui est recherchiste au Parlement, il le restera pendant encore 10 ans. Dans le futur, pour les gens du secteur forestier qui vont perdre leur emploi, ce sera toute une dégringolade quand leur revenu tombera à 413,00 $ semaine, ce qui est le maximum, même s'ils touchent un salaire annuel de 70 000 $. Il faut augmenter le maximum assurable; le comité l'a mentionné.

Quant aux exemptions ou [Note de la rédaction: Inaudible], des chiffres démontrent que ce sont les particuliers qui ont écopé et que l'augmentation des impôts a été très importante au Canada, alors que pour les sociétés, ils sont en-deçà du niveau des pays du G-7. Donc, cela ne semble pas être une priorité. S'il y a une priorité, c'est de mettre de l'argent dans les poches des travailleurs qui vont, éventuellement, perdre leur emploi. Il y a 20 milliards de dollars de plus.

• 0950

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Nous allons commencer par M. Discepola, puis ce sera à Mme Guarnieri et à M. Murphy.

[Français]

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser ma question à la Confédération des syndicats nationaux. Je n'ai pas eu votre présentation en français. Dans la lecture que j'ai faite brièvement, vous utilisez assez souvent le mot misappropriation. Je me demande si vous vous rendez vraiment compte du contexte actuel. Il faut savoir que les événements du 11 septembre 2001 ont chambardé les priorités des gouvernements ainsi que les priorités que nous devons nous donner dans nos recommandations prochaines au ministre des Finances.

Ma question est très simple. Le débat sur la réforme de l'assurance-emploi dure déjà depuis quatre ou cinq ans. On a apporté certaines améliorations et modifications au régime après que diverses représentations et revendications nous aient été faites. Je me demande encore si vous croyez vraiment qu'on doive utiliser tous nos surplus pour corriger davantage certaines lacunes.

Vous faites aussi mention du fait que le vérificateur général serait en désaccord sur la manière dont le ministre des Finances utilise les fonds de l'assurance-emploi. À toutes fins utiles, il n'existe pas de compte, à part un compte fictif, dont on pourrait dire qu'il affiche un surplus. L'argent fait partie de revenus consolidés. Par conséquent, je vois mal que je puisse accepter aujourd'hui, dans le contexte actuel...

Au Québec, on a entendu, hier, que même le ministre des Finances de notre belle province prévoit des pertes de revenus et des dépenses additionnelles qui pourraient atteindre jusqu'à deux milliards de dollars. Je ne crois pas qu'on ait la latitude qu'on avait il y a peut-être trois mois ou deux ans. Six cents millions fois trois, cela fait combien?

M. Yvan Loubier: Non, pas du tout,...

M. Nick Discepola: Vous aurez l'occasion, monsieur Loubier...

M. Yvan Loubier: ...ce n'est pas ça...

[Traduction]

Le président: Est-ce qu'on pourrait le laisser répondre?

[Français]

M. François Vaudreuil: Je pense que quand on discute du dossier de l'assurance-emploi, ce qui est dramatique, c'est que ce n'est jamais le temps. Je me rappelle avoir rencontré le ministre Pierre Pettigrew, au printemps 1997, au moment où le gouvernement avait décidé de mettre fin aux programmes d'aide aux travailleurs âgés. À ce moment-là, au Canada, il y avait une possibilité de poursuite en raison du sang contaminé. Ce n'était donc pas le temps. Actuellement, à cause des événements du 11 septembre 2001, ce n'est pas le temps.

Je regrette infiniment de devoir rappeler que l'argent, les surplus qui ont été dégagés l'ont été à même les cotisations des travailleuses, des travailleurs et des employeurs. C'était pour mettre sur pied un véritable régime d'assurance qui les protégerait. On avait au Canada, auparavant, un régime de droit. Maintenant, on a un régime de dernier recours, et on se retrouve avec une foule de gens qui ne peuvent en bénéficier. Quotidiennement, nous, nous vivons ces réalités, celle des travailleuses et des travailleurs qui, par exemple, viennent nous voir pour nous dire que le fonctionnaire de l'assurance-emploi leur a expliqué que leurs prestations pourraient être retardées et qu'ils devraient normalement, dans la vie, avoir trois mois de salaire de côté pour prévoir les coups durs.

Et ce même travailleur nous demande comment il se fait que le gouvernement peut prêter une oreille attentive à une compagnie d'aviation qui, après une dizaine de jours, demande de l'aide et comment il se fait que le gouvernement soit sensible à ce problème. Pourtant, nous demandons depuis des années au gouvernement de venir en aide aux personnes qui triment dur pour gagner leur vie et n'ont pas de moyens de toucher des assurances qui ont du bon sens.

L'autre argument en vertu duquel on s'adresse à vous, ce matin, c'est que depuis le projet de loi C-2, le ministre des Finances a le pouvoir de fixer les cotisations d'assurance-emploi. L'histoire récente des finances publiques au Canada nous démontre que plusieurs changements sont intervenus dans le cadre du processus budgétaire; on pense notamment aux réformes de 1994 et de l'an 2000.

• 0955

Pour nous, la solidarité d'une société doit prendre aussi son sens pendant les périodes difficiles qu'on vit actuellement et non seulement pendant les années de croissance. Il est toujours à propos de discuter des questions de solidarité. Et, pour nous, c'est une question de solidarité. Ce régime d'assurance-chômage, qu'on a détruit au début des années 1990, c'était une des forces du Canada. Alors il faut rebâtir cette solidarité-là.

Monsieur Ouellet.

Me Jean-Guy Ouellet: Parlons chiffres. Vous parlez de la capacité financière, du surplus de la caisse. Je comprends que l'argent a été détourné à d'autres fins, mais essentiellement, et selon les principes comptables des Comptes publics, il y a quand même un montant de 1,506 milliard de dollars en intérêts qui est prévu par l'actuaire en chef sur la dette contractée par le gouvernement envers la caisse de l'assurance-emploi pour l'année 2001. Ce sont là les chiffres dont l'actuaire en chef a fait état en septembre 2001. Donc, sur une somme inexistante, il y a quand même de l'intérêt qui court et cela constitue un élément majeur; cela signifie que, véritablement, légalement et constitutionnellement, cet argent-là ne doit être versé que pour le chômage.

Par ailleurs, par rapport à la situation du 11 septembre, toujours selon les chiffres cités par l'actuaire en chef en septembre 2001, depuis 1960, la moyenne calculée du taux de chômage a été de 7,6 p. 100. Pour un 1 p. 100 d'augmentation du taux de chômage, l'actuaire en chef calcule que ça coûterait deux milliards de dollars. Le surplus prévu pour l'année prochaine est de 6,170 millions de dollars, toujours si un surplus est prévu.

Donc, a priori, lorsqu'on écrit dans les journaux—moi, je ne suis pas économiste, je suis avocat—que la reprise va éventuellement se produire au milieu de l'année 2002... Mais il n'y aura pas une augmentation importante du taux de chômage. Par conséquent, vous avez encore une marge de quatre milliards de dollars qui, de toute façon, n'appartiennent pas au gouvernement, pour rétablir un régime. Ils appartiennent au Régime d'assurance-chômage et le gouvernement les détourne à d'autres fins inconstitutionnellement et, comme le dit la vérificatrice générale, illégalement par rapport même à sa propre loi.

[Traduction]

Le président: Il faudrait resserrer les questions et même les réponses, ce qui nous permettra d'en avoir plus.

[Français]

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Votre histoire personnelle, ce que vous avez raconté nous a touchés. Comme vous l'avez dit, il n'y a pas de solution magique ou facile, mais nous allons sûrement nous pencher là-dessus. Mais vous comprendrez, bien sûr, que le 11 septembre a changé beaucoup de choses et beaucoup de programmes. Enfin,...

J'ai deux questions, une qui s'adresse à l'Association de l'industrie touristique du Canada,

[Traduction]

et une pour l'Association des produits forestiers du Canada.

[Français]

Monsieur Lapointe et madame Sirsly, vous avez parlé des problèmes importants et complexes qui demandent à être corrigés en ce qui a trait à la rentabilité de l'industrie touristique. Il est notamment question de problèmes de douane et d'immigration qui congestionnent la frontière canado-américaine. Depuis les événements tragiques du 11 septembre, comment votre industrie échappe-t-elle aux craintes des Canadiens en ce qui a trait à la sécurité de la frontière et à l'incidence du tourisme sur l'économie canadienne? Est-ce que vous avez un plan pour affronter les préoccupations des Canadiens?

Mme Christena Keon Sirsly: Oui. Notre secteur est très conscient que, par rapport aux voyageurs, qu'ils soient Canadiens ou étrangers, la sécurité est primordiale. Ce que l'on propose, c'est d'encourager les Canadiens à voyager et les Américains qui vivent dans les États limitrophes du Canada à venir nous voir. Il s'agit de lancer le message, avec la Commission canadienne de tourisme et nos partenaires dans l'industrie, que le Canada est une destination d'abord intéressante et, deuxièmement, très sécuritaire. Il faut dire que c'est un message un peu... Il faut être très circonspect. Cependant, on pense que le Canada va être une destination favorite des Américains et des Canadiens.

• 1000

Quant aux problèmes de... Je vais parler en anglais.

[Traduction]

Les questions du franchissement des frontières et du renforcement de la sécurité dans les transports préoccupent évidemment notre industrie, car le renforcement de la sécurité occasionne des retards. Cependant, il semble que jusqu'à maintenant, la plupart des voyageurs en soient satisfaits.

Reste à savoir jusqu'à quand va durer cette tolérance. Les voyageurs veulent être en sécurité et ils se sentent en sécurité lorsqu'ils voient qu'on s'efforce d'assurer la sécurité dans les transports. Je pense pourtant que cette tolérance ne sera pas éternelle. Quoi qu'il en soit, c'est la situation actuelle, qui devrait se maintenir au cours des prochains mois.

Mme Albina Guarnieri: Je suis certaine que les Canadiens font passer la sécurité avant la vitesse. Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez favorables aux mesures de sécurité que le gouvernement va adopter. Votre organisme peut-il proposer des solutions concrètes qui favoriseraient particulièrement le secteur touristique?

M. Charles Lapointe: J'ai parfois l'impression de m'adresser au monde entier. Par exemple, la semaine dernière, nous avons consulté à Chicago les grands forfaitistes américains pour parler des questions de marchés qui intéressent le Canada et les États- Unis, ainsi que de certains problèmes frontaliers. Nous essayons d'apporter des améliorations ici et là pour qu'un plus grand nombre d'Américains viennent au Canada.

En ce qui concerne les mesures spécifiques, nous participons à de nombreux groupes de consultation auprès des autorités aéroportuaires canadiennes, des compagnies aériennes, ferroviaires et des compagnies d'autocars, ces démarches faisant suite aux événement du 11 septembre. Nous avons eu des échanges avec Revenu Canada, Douanes Canada et Immigration Canada pour bien préciser que si nous sommes favorables à un renforcement des mesures de sécurité, nous affirmons aussi qu'il convient également de penser à la circulation des personnes.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

Je voudrais poser une question à l'Association des produits forestiers du Canada. Je sais que notre ancien collègue, Ron MacDonald, a endoctriné tous les députés libéraux de ce comité en ce qui concerne l'industrie forestière. Nous savons, par exemple, que les défis commerciaux vont bien au-delà de la crise actuelle du bois d'oeuvre.

Vous avez parlé tout à l'heure de la Chine, et je considère que ce thème devrait être particulièrement enthousiasmant pour le Canada. La Chine nous offre d'intéressantes perspectives de marché. J'aimerais savoir comment on peut cultiver ce marché. Je crois que nous avons participé à l'élaboration des normes chinoises du bâtiment. Êtes-vous intervenu dans ce domaine et quelles autres perspectives envisagez-vous en Chine pour le Canada?

M. Frank Dottori: Je suppose que vous voulez parler du bois d'oeuvre...

Mme Albina Guarnieri: C'est exact.

M. Frank Dottori: Les associations chinoises envisagent d'adopter des normes semblables à celles du Japon.

Nous sommes présents en Chine. Nous avons une société commerciale, qui nous appartient en propre.

J'aimerais me placer dans une perspective très large. La Chine applique des droits tarifaires au papier et aux produits à valeur ajoutée; elle permet au Canada de lui envoyer de la pulpe, ce qui lui permet de construire des machines à valeur ajoutée et de nous renvoyer les produits finis, ce qui est bien caractéristique de ce genre de pays. Le Canada peut bien se préoccuper du bien-être social de ses citoyens, de l'assurance-chômage et de la nécessité d'être bien gentil avec tout le monde, mais en définitive, si nous ne réussissons pas à protéger nos emplois, il n'y aura plus de recettes fiscales pour être bien gentil avec tout le monde. Voilà le problème.

• 1005

Sur la question de l'ouverture du marché aux matériaux de construction, n'oublions pas qu'il s'agit d'un marché à long terme. Traditionnellement, on utilise du bois franc. On se sert beaucoup de bois franc en ameublement, ce qui donne lieu à un commerce assez important. Mais dans le domaine des matériaux de construction, les mentalités évoluent, même si elles n'évoluent que lentement. Je pense qu'il s'agit là d'un programme de 20 ans.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

Pour revenir à l'Amérique du Nord, nous sommes dans une situation paradoxale: le conflit canado-américain se transforme en réalité en conflit entre sociétés américaines. Je sais qu'un nombre croissant de scieries canadiennes appartiennent à des sociétés américaines. Mais j'aimerais savoir jusqu'à quand vont durer ces conflits avant de disparaître. Les mêmes sociétés américaines disposeront de ressources de part et d'autre de la frontière, et il serait absurde, pour les Américains, d'imposer la moitié de leurs propres sociétés.

Pensez-vous qu'il serait utile d'augmenter la propriété américaine pour atténuer les conflits commerciaux? Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?

M. Frank Dottori: Ce genre d'argument m'irrite un peu, même si je sais que ce n'était pas votre propos. Si nous vendons notre industrie aux Américains, nous allons leur appartenir, et de quoi devraient-il alors s'inquiéter? Nous deviendrons le 51e État, si l'on veut bien pousser l'argument...

Mme Albina Guarnieri: Ce n'est pas ce que je préconise, j'aimerais savoir si c'est une tendance que vous constatez.

M. Frank Dottori: C'est effectivement une tendance. On est en train de vendre le Canada. Comme vous le voyez, je suis un nationaliste canadien. Nous sommes en train de vendre notre pays. L'industrie pétrolière est partie; Calgary n'existe plus en tant que centre financier. La prochaine fois, ce sera Toronto. Nous vendons toutes nos industries par fragments. Quand les Américains posséderont tout, pourquoi iraient-ils se poignarder eux-mêmes? Ils n'ont aucune raison de le faire.

Il y a ici des Canadiens qui préconisent une taxe de 15 p. 100, donc en tant que société canadienne, je vais devoir payer une taxe de 15 p. 100. La société américaine va mettre l'argent dans sa poche, va avoir des liquidités et pourra nous racheter d'ici quelques années. C'est déjà ce qui se passe.

On dirait que parfois, les Canadiens ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. On est en pleine guerre économique. Les Américains sont peut-être nos amis, mais ils ont des outils économiques qui font de nos rapports une véritable guerre économique. Ils ont des avions, mais ils ont aussi des outils, comme les mesures antidumping, qu'ils entendent nous imposer d'ici la fin de l'année, avec un taux de 19,3 p. 100. Cette mesure est tout à fait illégale dans le cadre de l'OMC, ce qui ne les empêche pas de l'imposer à leurs meilleurs amis.

Et nous nous contentons de dire: «Mon Dieu, soyons gentils et voyons comment on peut contourner le problème». Je pense qu'il est temps de répliquer vigoureusement. Nous avons des ressources énergétiques et d'autres atouts. Il est temps de faire volte-face et de dire: «Un instant!» Voilà ce qu'il faut faire.

Si j'étais à la place de Weyerhaeuser, je ne m'en ferais pas. Je paierais 15 p. 100 au Canada sur 2 milliards de pieds de planche, j'en aurais 3 milliards aux États-Unis et je mettrais 15 p. 100 dans ma poche, ce qui me donnerait un peu d'argent pour aller ensuite acheter Tembec.

Mme Albina Guarnieri: J'ai toujours considéré que l'ingéniosité canadienne permettait de contourner n'importe quel problème. Merci.

M. Frank Dottori: Si le gouvernement canadien nous aide, nous réussirons.

M. Albina Guarnieri: Nous sommes ici pour vous aider.

M. Frank Dottori: C'est cela.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

Le président: Monsieur Murphy.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci.

Je tiens à vous remercier pour vos mémoires et pour votre comparution devant ce comité.

Je voudrais poser une question à M. Dottori et à M. Narang. Pour placer les choses dans leur contexte et voir le chemin parcouru depuis neuf ans, nous avions alors un déficit assez important que nous avons résorbé, au prix d'un effort douloureux de la part de vos sociétés et de leurs employés, qui sont représentés ici aujourd'hui.

Je crois, monsieur Dottori, que la dernière phrase de votre mémoire à ce comité, c'était: «Faites attention à vos sous». Vous recommandiez notamment l'élimination de l'impôt sur le capital et un allégement supplémentaire de l'impôt sur le revenu des sociétés. De telles mesures coûteraient certainement une jolie somme d'argent.

Je ne dis pas qu'il faille y renoncer. Je suis prêt à accepter une bonne partie de votre argumentaire sur l'élimination de l'impôt sur le capital, mais avez-vous une idée de ce qui devra remplacer ces recettes? Comme tous les Canadiens, notre comité éprouve une réticence naturelle envers un éventuel retour au déficit ou à la situation que nous connaissions en 1993.

M. Ashok Narang: On peut se placer de deux points de vue.

• 1010

Tout d'abord, quand un groupe présente une demande, vous dites: «Bien, on vous l'accorde, mais donnez-nous quelque chose en échange.» C'est une attitude qu'on peut effectivement adopter.

Deuxièmement, on peut considérer que le fardeau doit être supporté par l'ensemble du pays, et qu'il faut donc le répartir. Dans notre mémoire, nous montrons l'état actuel de l'impôt sur les sociétés, qu'il faudrait réduire pour le rendre comparable à l'impôt américain.

Nous avons une demande en deux volets. Le premier concerne l'impôt sur le capital, sur lequel nous avons insisté aujourd'hui. Le deuxième concerne l'ensemble du régime d'imposition de notre industrie, qui devrait être comparable ou inférieur aux régimes étrangers. De mon point de vue, je ne peux pas dire: «Gelez mes autres impôts et accordez-moi un répit sur ce point». Il faut répartir le prélèvement sur l'ensemble des recettes. Je ne peux pas vous désigner de poste budgétaire particulier.

Était-ce bien le sens de votre question?

M. Shawn Murphy: Oui, c'était bien ma question.

M. Frank Dottori: Encore une fois, il faut considérer l'argument de façon globale. S'il n'y a pas de clients, il n'y a pas d'affaires et il n'y a pas d'emplois. Nous sommes un élément de l'économie mondiale. Ainsi, notre société exporte 90 p. 100 de sa production. Je n'ai que quelques clients canadiens qui acceptent des 2x4 à Montréal et à Toronto. Le reste est vendu en Chine et dans 50 autres pays. Qu'est-ce qu'il me faut? Il me faut un client. La priorité absolue pour nous, c'est l'accès au marché sur une base concurrentielle.

Ensuite, il nous faut une position concurrentielle, c'est-à-dire la possibilité de nous confronter à nos concurrents. Nous ne voulons pas concurrencer nos amis ici présents; nous sommes en concurrence avec des sociétés étrangères. Mais nous voulons être sur un pied d'égalité avec elles. C'est tout ce que nous demandons.

Vous voulez savoir ce qui se passera si nous renonçons. Notre industrie verse 220 millions de dollars en impôt sur le capital. Comme vous le savez, j'ai lancé Tembec à Temiscaming, qui était sur le point de fermer. Aujourd'hui, notre société vaut 4 milliards de dollars. Je décide de ce qu'il faut faire de notre argent, quand il faut investir et quand il faut éviter d'investir. Je fais encore partie de ceux qui signent les bons de commande.

Vous devriez regarder les gens comme moi et vous posez des questions: comment créer un environnement où nous serons prêts à investir, à signer un chèque de 1 milliard de dollars, à créer une société Gaspesia ou à investir dans une machine à papier au Manitoba. Demandez-vous ce dont nous avons besoin pour prendre une telle décision.

J'affirme qu'il me faut être sur un pied d'égalité avec les autres pour concurrencer Weyerhaeuser, Asia Pacific ou Stora. Voilà ce que je veux. J'aime croire que je suis plus avisé qu'eux, mais ce n'est pas le cas. Je veux simplement être sur un pied d'égalité avec eux, et je pourrais alors les affronter. Les Canadiens peuvent les affronter. Nous le ferons, mais mettez-nous sur un pied d'égalité.

Éliminez ces mesures qui m'irritent. Cela m'horripile de payer cet impôt alors que je perds de l'argent. Je cherche 1 million de dollars et je dois signer un chèque de 20 millions de dollars au gouvernement alors que je pourrais m'en servir pour créer de l'emploi et vous procurer des recettes fiscales que vous pourriez ensuite distribuer aux chômeurs et à la population. Voilà ce dont nous avons besoin, et c'est ce que nous vous demandons.

Il faut créer un climat propice aux affaires. Je reconnais que le gouvernement a fait du bon travail à cet égard ces dernières années. Il lui reste cependant quelques mesures à prendre. Le sacré impôt sur le capital est ce qui irrite le plus des gens comme moi. Je crois que le président le sait étant donné le nombre de lettres que je lui ai déjà fait parvenir sur la question. Chaque fois qu'on confie à un comité la tâche d'étudier la question des impôts, je lui fais parvenir une lettre pour lui faire savoir à quel point cet impôt est irritant.

Comme on l'a déjà mentionné, il faut aussi examiner toute la question de l'imposition des gains en capitaux. Il ne faudrait pas que cet impôt existe simplement pour m'empêcher de revendre avec un profit de 10 millions de dollars, un bien immobilier que j'aurais acheté la veille. Le gouvernement peut imposer des restrictions. Ainsi, il pourrait exiger que je garde ce bien trois ou cinq ans avant que je puisse récupérer ma mise. Il s'agit de créer un climat qui incite les gens à investir au pays. Des mesures en ce sens créeront des emplois et permettront au gouvernement d'accumuler des excédents.

Les deux prochaines années vont être difficiles. Je signalais récemment dans une lettre que j'ai fait parvenir au comité que l'économie allait ralentir. Nous cherchons tous à expliquer ce ralentissement par les événements survenus le 11 septembre, mais le fait est que l'économie connaissait déjà un fléchissement—que confirmeront les statistiques qui seront dévoilées sous peu—depuis mai de l'an dernier.

M. Shawn Murphy: Vous ne recommandez pas un déficit, n'est-ce pas?

M. Frank Dottori: Absolument pas. Je suis d'avis que le gouvernement doit faire des économies et qu'il ne doit pas élargir pour le moment ses programmes sociaux. Ces programmes seront sans doute nécessaires si l'économie stagne pendant deux ans, et c'est pourquoi il convient donc d'y apporter les changements voulus. Comme nous le ferons tous, le gouvernement doit pour l'instant surveiller ses sous et se serrer la ceinture.

M. Shawn Murphy: J'ai une dernière question à poser. Vous pouvez y répondre ou M. Narang peut le faire. Je vais vous inviter à vous joindre à la discussion que nous avons eue ce matin.

Cette discussion portait sur le programme d'assurance-emploi. Certains proposent une exemption de base annuelle (EBA) pour ce qui est des cotisations. Selon votre mémoire, votre secteur emploie directement et indirectement environ 1 million de personnes.

Ma question est double. Avez-vous des observations à faire sur le programme et sur la façon dont il pourrait être amélioré? Deuxièmement, pour ce qui est de toute la question de la formation et du perfectionnement des travailleurs, avez-vous du mal à trouver des travailleurs qualifiés? Y a-t-il une mesure à cet égard que vous aimeriez que le gouvernement envisage?

• 1015

M. Frank Dottori: Vous posez une question dangereuse à quelqu'un qui mène une croisade sur la question depuis 20 ans.

Le Québec est un bon exemple. Le gouvernement devrait imposer la formation et se débarrasser du ministère des Ressources humaines qui dépense des milliards de dollars chaque année. Exigez que les entreprises dépensent une certaine proportion de leurs recettes ou de leur masse salariale au titre de la formation, sinon vous percevrez cette somme. Il ne faut pas tout un appareil administratif pour cela. Il suffirait d'envoyer cette somme au moment où l'on présente sa déclaration d'impôt. Il faudrait que cette formation ait lieu dans des salles de cours et non pas sur le tas pour éviter que les entreprises ne trichent. Il devrait donc s'agir d'une formation en classe.

Pourquoi devrais-je payer au titre de l'assurance-emploi un impôt de 2 à 3 p. 100 qui est ensuite traité par un millier de fonctionnaires? Je dois ensuite me traîner à genou pour obtenir une subvention—laquelle me sera peut-être accordée si je connais quelqu'un d'influent ou non—et qui me rapportera 0,50c. sur chaque dollar. Au lieu de cela, pourquoi ne pas me dire de m'entendre avec le syndicat pour mettre sur pied un programme de formation? Si l'entreprise dépense moins de 1 p. 100—ou quel que soit le taux qui sera fixé, ce dont nous pourrions discuter—, le gouvernement pourrait alors prélever un impôt au titre de la formation.

Je suis sûr que les syndicats et les entreprises s'entendront et sauront affecter les fonds dont ils disposent pour répondre à leurs besoins réels... J'ai déjà siégé au comité fédéral de la formation de la main-d'oeuvre, et je me suis rendu compte que deux ans s'écoulent avant qu'on ait établi les compétences nécessaires; entre-temps, l'économie a évolué, et ces compétences ne sont plus les mêmes. Si le ministre change, deux autres années s'écoulent avant que le programme soit mis en vigueur. Il y a ensuite les élections. Oubliez ce système. Appliquez simplement un impôt. Je sais que ce n'est pas ce que le milieu des affaires recommande, mais c'est mon opinion personnelle.

M. Shawn Murphy: Est-ce la position de votre association?

M. Ashok Narang: Non. Nous sommes très heureux du système en place au Québec. Il répond aux besoins de notre entreprise. Nous ne manquons jamais d'employés; nous engageons des gens et nous les formons.

Le président: Je vous remercie, monsieur Murphy.

J'aimerais préciser, monsieur Dottori, que notre comité a recommandé à plusieurs reprises la réduction et l'élimination de l'impôt sur le capital.

M. Frank Dottori: Je le sais. M. Martin pense que c'est aussi une bonne idée, mais ça ne semble pas se faire pour une raison quelconque.

Le président: Vous avez raison.

Madame Bennett, je crois que vous voulez poser une question.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Oui. J'écoutais avec intérêt l'exposé de la Société pour la nature et les parcs du Canada. Il est assez impressionnant de voir que le nombre de parcs au Québec dépasse la moyenne nationale.

Auriez-vous quelques recommandations à formuler au comité? Y a-t-il des régions que vous connaissez où on attend seulement d'obtenir l'accord de Parcs Canada ainsi que des fonds pour créer des parcs? J'ai aussi cru comprendre que l'Association du tourisme pense qu'il convient d'investir dans le réseau de parcs nationaux.

Certains parcs sont-ils donc prêts à être aménagés? Il est parfois utile de faire des recommandations concrètes au lieu de simplement formuler une idée.

Mme Catherine Guillemette: Oui. La région de la Basse-Côte-Nord au Québec compte beaucoup de forêts et est toujours un milieu sauvage. Nous voudrions investir beaucoup dans cette région et voir où il serait possible de créer de grands parcs où les animaux peuvent survivre. Si les parcs sont trop petits...

[Français]

Ils ne peuvent pas survivre seuls, parce qu'ils sont trop petits et que les animaux doivent...

[Traduction]

[...] aller dans des régions non protégées. Il y a donc la Basse-Côte-Nord et il y a aussi beaucoup de petites rivières dans cette région qu'il convient de protéger.

Mme Carolyn Bennett: Qu'en est-il des loups de la Marsee?

Proposez-vous de faire des parcs plus grands pour que l'incidence des activités humaines ne soit pas...? Quelle serait la solution? Il est dommage qu'il y ait des régions... ou vouliez-vous que le gouvernement achète davantage de terres? Quelle serait la solution que vous proposeriez?

Mme Catherine Guillemette: Il faudrait sensibiliser les utilisateurs des parcs ainsi que ceux qui mènent des activités autour des parcs sur les conséquences négatives que ces activités peuvent avoir sur les parcs. Il faut donc examiner les activités qui ont lieu à proximité des parcs.

Je pourrais vous donner des exemples de parcs qui ne sont pas situés au Québec et qui sont entourés par des mines ou des exploitations forestières. Comme ces activités peuvent avoir une incidence négative sur les parcs, il faut créer des parcs dans des régions où il n'y a pas ce genre d'activité industrielle.

• 1020

Le président: Je vous remercie.

MM. Nystrom et Brison vont poser les dernières questions.

[Français]

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président. J'ai deux questions. Je commencerai d'abord par poser une question à M. Ouellet.

Est-ce que vous êtes d'accord avec M. Dottori sur la question du training et du ministère du Développement des Ressources humaines?

Me Jean-Guy Ouellet: Je vais vous inviter à vous référer au Rapport de Grandpré de 1993, qui indiquait qu'on ne devait pas piger dans la caisse de l'assurance-emploi pour la formation, mais qui proposait une taxe de 1 p. 100 sur la masse salariale.

À ce sujet, je pense que les cotisations à l'assurance-emploi devraient être financées par autre chose, par le fonds consolidé, ça, c'est clair, et non pas par les cotisations. Donc, je pense que pour une fois, peut-être que le patronat et les syndicats se rejoignent sur ce terrain-là.

M. Yvan Loubier: C'est intéressant. C'est un vrai consensus, ça.

M. Lorne Nystrom: C'est une nouvelle alliance canadienne, n'est-ce pas?

M. Frank Dottori: [Note de la rédaction: inaudible]

M. Lorne Nystrom: Je une question pour M. Lapointe. Bienvenue à notre comité. M. Lapointe est un ancien député. Il a longtemps siégé au Parlement. C'est un un ancien ministre du Conseil des ministres de M. Trudeau. C'était en 1983-1984, si je me souviens bien.

M. Charles Lapointe: C'était de 1980 à 1984.

M. Lorne Nystrom: D'accord. Vous y étiez pendant quatre ans.

Si vous pouvez, monsieur Lapointe, enlevez votre chapeau de représentant du tourisme maintenant. Est-ce que vous avez un conseil ou un avis à donner au comité sur ce que nous pouvons faire maintenant? Devrions-nous avoir une autre réduction de taxes, une autre réduction de la dette nationale ou plus de dépenses pour les programmes sociaux et d'autres programmes du gouvernement fédéral? Il y a un équilibre très difficile à maintenir avec une économie qui est plus lente que l'année dernière. Quel est votre avis en tant que personne très sage, en tant qu'ancien député et ancien ministre?

M. Charles Lapointe: Je vous rappellerai, mon ami M. Nystrom et anciens collègues, que je suis ici avec mon chapeau de l'industrie touristique. Alors, c'est difficile pour moi de l'enlever.

Je suis incapable de répondre à votre question. J'ai quelques idées personnelles, mais je pense que ça ne serait pas approprié de les mettre devant vous à ce moment-ci.

Certainement, il y a une dépense qu'il faut faire, et ça, je le constate au Mexique. Je vous ai parlé de New York tout à l'heure. Je ne vous ai pas parlé de tout ce que font les autres États américains. On a un problème de confiance à l'heure actuelle chez les consommateurs, autant pour les dépenses de commerce de détail que pour les voyages, que pour le transport par avion. Il faut trouver les meilleurs moyens pour recréer la confiance. Il y en a quelques-uns. La sécurité en est un, et je pense qu'on est sur le bon chemin à cet effet. On fait des dépenses pour améliorer la sécurité dans les aéroports et aux frontières, mais il faut que les gouvernements ou des organismes comme le mien et comme la ville de New York ou comme tous les États américains bombardent les consommateurs du message suivant: «Remettez-vous à vivre, les gars et les filles». Il faut qu'on continue à faire tourner l'économie, et c'est pour ça qu'on recommande que la Commission canadienne du tourisme jouisse très rapidement de 25 millions de dollars additionnels afin de passer le message, de dire aux consommateurs canadiens et américains de se remettre à voyager.

Autrement, je pense qu'avec la sagesse que vous avez acquise au cours de toutes ces années où vous avez siégé au Parlement, le comité est entre bonnes mains et que vous allez pouvoir le conseiller adéquatement.

M. Lorne Nystrom: Quel diplomate!

[Traduction]

Le président: Ça importe tout de même.

[Français]

M. Lorne Nystrom: Oui, je suis d'accord là-dessus.

[Traduction]

J'adresse ma toute dernière question à M. Dottori.

Il est question de la création d'un périmètre nord-américain et d'une intégration plus étroite de notre pays et des États-Unis au plan économique notamment. Il est même question de la possibilité que nous adoptions le dollar américain. Je ne suis pas de ceux qui pensent que ce serait une bonne chose.

Comment pensez-vous que ce processus pourrait être accéléré?

• 1025

M. Frank Dottori: Pour ma part, j'aime le système européen. Je ne pense pas que nous devrions renoncer au dollar canadien. Je parle peut-être comme un nationaliste, mais dans ce cas, aussi bien devenir le 51e État américain. Je pense cependant qu'on devrait éliminer les formalités douanières comme on l'a fait en France.

Comme Canadien, je peux aller en France et en Allemagne et dans tous les pays européens sans même devoir présenter un passeport. Comme j'ai pu m'en rendre compte la semaine dernière, je peux entrer dans tous les pays européens sans devoir présenter un passeport contrairement à ce qui est le cas aux États-Unis. On devrait éliminer les douanes et les frontières entre le Canada et les États-Unis et créer un certain type de périmètre et adopter le système qu'on a adopté en Europe. Ce serait une bonne chose pour l'économie et les affaires.

Je recommanderais également qu'on élimine les obstacles au commerce entre les provinces. Comme vous le savez, ces obstacles sont plus importants entre le Québec et l'Ontario qu'entre le Canada et les États-Unis. Le gouvernement fédéral devrait faire preuve de leadership dans ce domaine et supprimer les obstacles au commerce entre les provinces. Il faudrait d'abord régler le problème qui se pose à cet égard au Canada, avant de vouloir libéraliser les échanges avec d'autres pays comme les États-Unis.

Le président: C'est une véritable profession de foi nationaliste.

Je vous remercie, monsieur Nystrom.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/DR): Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais aussi remercier tous nos témoins d'aujourd'hui pour l'exposé qu'il nous ont fait.

Tant les représentants de l'industrie touristique que ceux de l'industrie forestière nous ont présenté des arguments convaincants pour montrer les dangers des impôts sur les bénéfices des sociétés. L'industrie touristique a mentionné les charges sociales et l'industrie forestière, l'impôt sur le capital. En ce qui touche la compétitivité, on pourrait invoquer deux ou trois arguments solides pour défendre la thèse voulant que l'impôt sur le capital nuise encore davantage à court terme à la productivité que les charges sociales. Je voudrais connaître votre avis à ce sujet étant donné que si l'on compare le Canada à d'autres pays, on constate que les charges sociales sont moins élevées que l'impôt sur le capital. En fait, l'impôt sur le capital n'existe pas dans la plupart des pays industrialisés.

Il ne serait pas non plus aussi coûteux d'éliminer l'impôt sur le capital étant donné qu'il ne génère pour le gouvernement que 1,3 milliard de dollars. Enfin, il n'y a pas d'impôt plus coûteux pour l'économie que l'impôt sur le capital étant donné son incidence. Chaque dollar perçu par le gouvernement en impôt sur le capital coûte à l'économie 1,50 $ d'après la plupart des analystes.

L'impôt sur le capital réduit les investissements et, par conséquent, la productivité. Toute baisse de la productivité se répercute sur le dollar canadien étant donné qu'il n'y a pas de meilleure mesure de la productivité d'un pays que sa devise. Étant donné les avantages à court terme que représente pour les entreprises le faible cours de notre devise, cela ne les incite pas non plus à être plus productives. Cette situation ne fait que favoriser les mainmises étrangères sur les entreprises canadiennes, qu'il s'agisse d'entreprises pétrolières à Calgary ou d'entreprises forestières comme MacMillan Bloedel qui a été achetée par Weyerhaeuser.

Bien que ces deux types d'impôt soient très importants, il faut les examiner ensemble. Il serait cependant plus facile d'éliminer à court terme l'impôt sur le capital. J'aimerais donc connaître votre avis sur la question.

Il serait aussi possible d'avancer des arguments économiques solides à l'appui de la thèse voulant que les taxes à la consommation soient beaucoup moins nocives à la croissance, à la productivité et la prospérité que les impôts sur les bénéfices. En fait, il y a des taxes à la consommation qui sont préférables à l'impôt sur le revenu.

Seriez-vous favorable à long terme à un régime fiscal qui accorde de plus en plus place aux taxes à la consommation et de moins en moins, voire pas du tout, à l'impôt sur le revenu? J'aimerais connaître le point de vue de vos deux secteurs sur cette question.

M. Frank Dottori: Je voulais faire ressortir un point que les études gouvernementales confirment, si je ne m'abuse. Le public préfère l'industrie manufacturière. C'est la seule industrie au Canada qui est plus productive qu'aux États-Unis. Selon les analyses, elle est de 15 à 30 p. 100 plus productive en moyenne qu'aux États-Unis, alors que les autres industries canadiennes sont de 15 à 30 p. 100 moins productives que les industries nord- américaines.

• 1030

À mon avis, l'impôt sur le capital est plus important. Personnellement, je crois que l'impôt sur le revenu et les charges sociales ont une incidence négative et que la taxe à la consommation leur est préférable. Il s'agit d'une taxe plus efficace. C'est une taxe qui est bonne pour l'économie. En Europe, la taxe à la valeur ajoutée oscille entre 20 et 24 p. 100. L'impôt sur le revenu est aussi élevé en Europe, mais je crois que cet impôt est maintenant moins élevé qu'il ne l'est au Canada.

Je ne suis pas un politique, mais d'après ce que je lis dans les journaux... Vous vous souvenez du problème que vous avez eu avec la TPS. Voulez-vous la faire doubler et passer à 20 p. 100, et être ensuite réélus? Je crois que vous êtes là face à un problème politique canadien. Mais je pense que ce serait la bonne voie à suivre. Je pense que cette bonne voie c'est d'augmenter l'impôt, donc de garder l'argent, et ensuite de payer quant on le dépense. Je pense que c'est la façon la plus efficace de procéder. Évidemment ce sera difficile à faire accepter au Canada, à moins que vous ne commenciez très tôt à brancher les médias là-dessus pour vous faire de la publicité.

Mme Christena Keon Sirsly: Notre secteur est composé de grandes et de petites entreprises, et de toute évidence pour cette part de notre secteur qui a besoin de capitaux importants les impôts sur le capital restent un problème. Cependant, je suis sûre que vous savez tous qu'une partie importante de l'emploi dans le secteur touristique, je parle de la croissance de l'emploi depuis quelques années, est le fait des petites entreprises, qui n'exigent nécessairement pas de gros capitaux. Mais les charges sociales sont un fardeau important pour ces petites entreprises, et la réduction de ces charges sociales pourrait être un ballon d'oxygène leur permettant de recruter du personnel ou de multiplier leurs activités.

Je vous rappellerai ce que M. Chrétien, le premier ministre, a dit lorsqu'il a créé l'Association de l'industrie touristique du Canada, et qu'il en discutait avec le premier ministre d'Israël. Celui-ci a déclaré: «Si vous voulez créer de l'emploi, ne parlez pas de haute technologie, mais tournez-vous vers le tourisme. C'est bien le secteur le plus créateur d'emplois de toute l'activité économique.»

Si donc c'est l'emploi qui vous intéresse, l'industrie touristique peut faire beaucoup et rapidement, si elle est en bonne santé.

Pour revenir la taxe à la consommation, bien sûr nos clients détestent cet impôt. C'est une question politique encore. Mais nous sommes d'accord pour dire, dans notre secteur, que c'est sans doute la bonne solution, mais évidemment il est difficile de faire accepter ces impôts indirects aux voyageurs.

M. Scott Brison: Comme membre du Parti conservateur je peux effectivement avouer que mon parti n'a pas toujours su bien faire comprendre la taxe à la consommation, et a payé le prix fort, beaucoup plus fort que ce que les consommateurs canadiens ont pu payer en taxes, mais ça c'est encore une autre histoire.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Au nom du comité, nous vous remercions.

Monsieur Dottori, avant que vous ne partiez, j'ai entendu dire que vous vous présentiez comme un nationaliste canadien, et c'est effectivement le sentiment que vous avez. Ai-je bien compris par ailleurs que vous voudriez rendre perméable la frontière entre le Canada et les États-Unis, étant donné les avantages économiques que cela représente?

M. Frank Dottori: C'est bien cela. Je pense qu'on peut avoir les deux à la fois.

Le président: Vous voulez donc rester nationaliste tout en vous faisant l'avocat de frontières aussi perméables que possible, cela vous paraît compatible?

M. Frank Dottori: Oui.

Le président: Moi aussi.

Une voix: Que cela figure bien au compte rendu de séance.

Le président: C'est noté.

Pour revenir à la taxe à la consommation, l'idée ce serait d'abaisser l'impôt sur le revenu et de conserver la TPS au même niveau. Il y a alors un déplacement en faveur de la taxe à la consommation, qui est logique.

Je vais clore en disant que chaque groupe de témoins nous fait profiter de ses lumières, et vous pouvez être certains que nous avons écouté avec attention et pris bonne note de tout ce que vous avez dit. Chaque année vous nous faites part de façon éloquente de vos positions, ça a toujours aidé le comité à rédiger des recommandations qui sont en phase avec les besoins et les aspirations des Canadiens, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Merci.

Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes environ.

• 1034




• 1049

Le président: Je déclare la séance ouverte, et nous allons reprendre avec notre second groupe de témoins. Nous avons le plaisir de recevoir ce matin, de la Confédération des syndicats nationaux, Claudette Carbonneau, première vice-présidente, et François Bélanger, conseiller à la recherche au Service des relations du travail; et de l'Université McGill, le vice-principal à la recherche, Pierre Bélanger, et le vice-principal de l'Administration et des finances, Morty Yalovsky.

• 1050

Comme on vous l'a déjà dit, vous avez à peu près cinq à sept minutes pour faire votre exposé; ensuite, nous passerons aux questions et réponses. Nous allons d'abord donner la parole à la Confédération des syndicats nationaux. Vous êtes les bienvenus. Allez-y.

[Français]

Mme Claudette Carbonneau (première vice-présidente, Confédération des syndicats nationaux): Bonjour. Merci de nous entendre ce matin. Je souhaiterais vous présenter la personne qui m'accompagne; il s'agit de François Bélanger, qui est économiste au service des relations du travail chez nous.

Évidemment, le temps alloué pour la présentation est court, alors vous me permettrez d'y aller un peu en style schématique. Je souhaite vous dire, d'entrée de jeu, qu'à la CSN, on considère tout à fait inacceptable qu'après l'élimination du déficit, alors qu'on est en période où il y a des surplus très considérables au niveau du gouvernement fédéral, ce dernier continue de privilégier des baisses d'impôt et le remboursement de la dette, alors que les services publiques et les dépenses de programmes ont connu, à la faveur de la lutte au déficit, des compressions inégalées dans l'histoire.

Il y a une donnée nouvelle aussi, qui est celle du ralentissement économique. De notre point de vue, ça appelle l'application de mesures anticycliques. Aucune intervention budgétaire à ce jour n'a été prise par le gouvernement fédéral si ce n'est quelques réactions liées de façon très immédiate aux attentats du 11 septembre dernier.

Du point de vue de la CSN, on ne peut s'en remettre strictement à la politique monétaire de la Banque du Canada, qui pratique d'ailleurs une politique heureuse. Mais, de notre point de vue, ce n'est pas suffisant dans la conjoncture actuelle, et nous souhaitons que le gouvernement fédéral procède au dépôt d'un nouveau budget et qu'il entame au besoin les réserves accumulées pour éventualités. La situation financière du gouvernement fédéral, selon nous, le permet largement. On n'a qu'à voir, entre avril et août de l'année 2001, le surplus de 11,1 milliards de dollars.

On a procédé, dans la dernière année budgétaire, à un remboursement de la dette à hauteur de 17 milliards de dollars, et je cite aussi en exemple les prévisions du FMI, qui prévoit pour les prochaines années des surplus structurels de l'ordre de 10 milliards de dollars.

En conséquence, la CSN invite le gouvernement fédéral à revoir ses priorités. L'accent mis sur les réductions d'impôt appelle quelques commentaires. Le premier, c'est qu'à réduire les impôts, on laisse aux individus le soin de répondre seuls à leurs besoins essentiels alors que, de notre point de vue, il serait beaucoup plus équitable et efficace de répondre à ces besoins essentiels par le biais de dépenses de programmes.

D'autre part, ce qu'on constate, c'est que les réductions d'impôt ont rendu la fiscalité fédérale beaucoup plus régressive. J'en veux pour preuve le fait qu'un tiers des personnes à faible revenu n'ont retrouvé un retour d'impôt que de l'ordre de 4 p. 100; le tiers de la classe moyenne, un retour d'impôt de 13 p. 100, et les plus riches de notre société ont encaissé la part du lion avec 83 p. 100 des retours d'impôt.

Le remboursement de la dette qui a été effectué nous apparaît nettement démesuré, et c'est, notamment dans la conjoncture économique, la mesure qui, à notre avis, s'avère la moins appropriée dans les circonstances.

Ce qu'on souhaite, à titre de réinvestissement, c'est d'abord de restaurer tous les paiements de transfert aux provinces. Là, je souligne que malgré l'entente de septembre 2000, les transferts demeurent en deçà de ce qu'ils étaient en 1994-1995, ce qui explique en bonne partie l'énorme pression qui pèse, notamment sur le système de santé.

• 1055

Ce qu'on souhaite, ce sont des solutions plus stables avec un financement stable et prévisible qui permette aux provinces d'assumer leurs principales dépenses sociales. À cet égard, on va privilégier au premier titre le remplacement du transfert financier via le TCSPS par un transfert de points d'impôt équivalent à au moins 18 p. 100 des dépenses sociales des provinces.

On sait, bien sûr, que le transfert de points d'impôt est mieux adapté à la situation des provinces les plus populeuses. Voilà pourquoi on reprend à notre compte le consensus des provinces quant à la nécessité d'éliminer de façon immédiate le plafond à la péréquation et de rechercher une formule plus équitable en matière de péréquation.

Si on devait continuer à vivre avec des transferts, on souhaite vraiment que ceux-ci soient majorés à 18 p. 100 des dépenses sociales des provinces afin de retrouver le niveau de financement de 1994-1995, et qu'on trouve une formule d'indexation adéquate. Quelle que soit la formule retenue, on insiste sur la nécessité de maintenir un droit de retrait avec compensation pour les provinces. On y voit la seule façon de concilier le pouvoir fédéral de dépenser et le respect des compétences constitutionnelles des provinces.

Un autre champ dans lequel on souhaite voir des investissements, bien sûr, c'est celui de l'assurance-emploi. Je vous rappelle que les revenus de cette caisse sont largement supérieurs aux dépenses en prestations et qu'on assiste depuis nombre d'années à un véritable détournement à l'intérieur de cette caisse. J'en veux pour preuve un surplus de 34,6 milliards de dollars au 31 mars dernier. Ça dépasse largement ce qu'il en faut à titre de réserve pour stabiliser la cotisation. On souhaite donc qu'il y ait amélioration des couvertures, amélioration du taux de remplacement et allongement de la durée des prestations. Il nous apparaît impérieux d'ajuster les dépenses à la hauteur des revenus pour respecter la délégation de pouvoir qui a été faite au fédéral par les provinces et surtout pour respecter la finalité du régime. On appuie, en ce sens, la résolution unanime du comité parlementaire qui propose de majorer les prestations à l'assurance-emploi, à l'exception—et il y a les détails—de la mesure visant la révision de la cotisation des employeurs.

Une autre priorité pour la CSN, c'est tout ce qui concerne l'assurance parentale. On tient à rappeler la nécessité qu'a le gouvernement fédéral de s'ouvrir à la négociation avec le gouvernement du Québec. On ne demande pas mer et monde. On demande tout simplement que le fédéral respecte sa propre loi, notamment le paragraphe 69(2), qui permet effectivement de transférer aux provinces des sommes lorsqu'elles mettent de l'avant un programme qui est plus avantageux. La Loi 140 adoptée par le Québec assure une meilleure accessibilité. Elle couvre les temps partiels et les travailleurs autonomes plus adéquatement. Elle majore les indemnités. Elle offre aussi un congé plus substantiel aux pères, ce qui, de notre point de vue, est beaucoup plus intéressant. On pense donc qu'il faut cesser, avec ces dispositions-là, de faire de la petite politique et laisser aux provinces le soin d'établir des programmes sociaux qui sont plus avantageux pour leur population.

Une autre dépense qu'on souhaiterait que le gouvernement fédéral envisage, c'est celle de l'aide à apporter aux travailleuses et aux travailleurs âgés. Je tiens à rappeler que c'est une catégorie de la main-d'oeuvre qui est lourdement frappée. D'une part, elle est souvent moins formée que les autres catégories de travailleuses et travailleurs. Elle connaît un chômage important et quand elle se retrouve en chômage, c'est souvent pour de longues durées. On invite donc le gouvernement à examiner un certain nombre d'hypothèses.

Même si notre mémoire ne va pas dans le fin détail au niveau des coûts et des paramètres, on l'invite, entre autres, à regarder la perspective d'allonger, pour cette catégorie de travailleurs, la durée des prestations d'assurance-emploi, d'envisager la mise en place d'un nouveau programme d'adaptation pour les travailleurs âgés et d'y aller de mesures pour favoriser la retraite progressive. Il y a des mesures qui existent dans la législation québécoise à cet égard-là, et on souhaite que, au-delà de ça, une partie des surplus accumulés par le fédéral serve à compenser les pertes de revenus des travailleurs âgés pour faciliter un accès à la retraite progressive.

Un autre domaine dans lequel il est impérieux de réinvestir, c'est dans toute la dynamique du logement social. On connaît une crise du logement. Je tiens à rappeler que le fédéral, à la faveur de la lutte au déficit, s'est retiré de ce champ depuis 1994. Investir dans le logement social, c'est investir dans la construction. Quand on pense au ralentissement économique, c'est un coup de pouce appréciable au-delà d'être une mesure sociale fort intéressante.

• 1100

Je rappelle que même l'ONU avait critiqué le gouvernement du Canada parce qu'il s'écartait des dispositions du pacte concernant les droits économiques, sociaux et culturels. Je rappelle aussi qu'actuellement, au Canada, plus d'un demi-million de personnes dépensent à cet égard entre 30 et 50 p. 100 de leur revenu, ce qui est nettement exagéré. Pour les seuls besoins du Québec, il faudrait construire plus de 8 000 logements sociaux.

Je rappelle, en conclusion, qu'on assiste, ces dernières années, à un véritable dérapage des objectifs politiques du gouvernement. On s'écarte des promesses électorales où on garantissait le réinvestissement à plus de 50 p. 100 dans les dépenses de programmes. Ce détournement se joue en faveur d'une réduction des impôts qui demeure régressive, d'un remboursement disproportionné de la dette, et ce, au détriment des dépenses sociales, des services publics et du nécessaire coup de pouce pour se sortir du ralentissement économique qu'on connaît maintenant.

Je vais m'arrêter ici.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, madame Carbonneau.

Nous allons maintenant entendre, de l'Université McGill, Pierre Bélanger et Morty Yalovsky. Soyez vous aussi les bienvenus.

M. Pierre Bélanger (vice-principal, Recherche, Université McGill): Merci, monsieur le président.

Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de se classer au cinquième rang mondial en matière de recherche et développement. Si l'on se reporte aux chiffres du DBRD, c'est-à-dire les dépenses brutes en recherche et développement, il est clair qu'une partie de l'augmentation de l'enveloppe de recherche devra venir du secteur privé, mais le gouvernement comprend bien sûr qu'une augmentation de la part de l'État est nécessaire si l'on veut atteindre cet objectif. La décision à prendre ensuite est celle de l'affectation de ces crédits.

Je vais faire un plaidoyer pour demander qu'une partie de ces crédits soit précisément affectée au remboursement des coûts indirects de la recherche dans les universités. Je n'ai pas besoin de vous expliquer ce que sont les coûts indirects. Il s'agit de ce que coûte au jour le jour l'exécution d'un projet. Comme par exemple à la fin d'une semaine la facture d'un ingénieur. Les coûts indirects seraient donc des coûts de gestion, les coûts des services administratifs, etc. Les activités de recherche d'une université ne sont pas en cela différentes de ce que cela peut être ailleurs.

Une étude américaine de Arthur Andersen en 1995 précisait qu'aux États-Unis 45 p. 100 des coûts directs sont en réalité des coûts indirects de recherche. De fait, les universités américaines négocient avec le NIH et la NSF, leur pourcentage de frais généraux, et ceux-ci se situent entre 45 et 70 p. 100. De plus, beaucoup d'organismes fédéraux des États-Unis permettent que les salaires soient facturés sous forme de crédits de recherche, je parle des salaires des chercheurs, des professeurs, or ce n'est pas le cas au Canada, ce qui fait que les universités américaines sont mieux financées de façon directe, et de ce fait elles peuvent aussi augmenter la facture des coûts indirects.

Je devrais peut-être vous décrire plus en détail ce que sont ces coûts indirects, étant donné que le secteur de la recherche est un secteur tout à fait particulier. Que sont en réalité ces coûts indirects pour une université? Il y a deux façons de considérer la chose, car ils émergent sous deux rubriques. Il y a d'une part ceux qu'on appelle les coûts de laboratoire, que l'étude Arthur Andersen dont je parlais, évalue à peu près un quart des frais généraux, et il y a ensuite les frais généraux de l'administration centrale.

Lorsque je me penche sur le cas du laboratoire, et de l'infrastructure humaine dont on a besoin, il s'agit là d'un coût indirect, je parle des professeurs, des chercheurs, qui vont par exemple faire tourner un laboratoire avec 500 000 $ par an. Vous pouvez alors en avoir deux ou trois regroupés... Et il n'est pas rare que des laboratoires aient un budget de 1 ou de 2 millions de dollars par an en dépenses directes. Bien sûr il faut ajouter à cela la gestion, cela coûte également très cher. Vous avez besoin de gérer votre budget, de gérer vos ressources humaines, et pour continuer à fonctionner vous demandez des subventions, vous avez alors besoin de gens qui rédigent les dossiers de demandes, surtout lorsqu'il s'agit de subventions faisant appel à plusieurs institutions subventionnaires. Il faut ajouter à cela les visites organisées des scientifiques et des industriels, pour assurer l'interface.

Il ne faut pas non plus oublier les animaleries. Chaque université en a besoin, cela fait encore une infrastructure supplémentaire. Ensuite il y a les infrastructures à proprement parler physiques. Ensuite il y a les équipements courants. Dans un laboratoire en milieu humide vous aurez des capuches protectrices contre les émanations, il y a évidemment les microscopes, et les installations d'eau distillée en autoclave. Pour les laboratoires en milieu sec nous avons des instruments électroniques divers, et bien sûr tout le monde a ses ordinateurs, ce qui n'est même plus un outil particulièrement spécialisé; voilà en gros ce que vous trouverez. Le coût de tous ces matériels est un coût indirect.

• 1105

La création de nouveaux laboratoires, en grande partie, émarge également au titre de coût indirect. La FCI va évidemment financer certains équipements et matériels spécialisés, mais n'oublions pas que, de façon générale, une partie importante des laboratoires aura besoin d'être renouvelée, rénovée. N'oubliez pas que nous recrutons chaque année une centaine de nouveaux professeurs pour remplacer ceux qui nous quittent, et pour nous agrandir. Ils arrivent tous en qualité de chercheurs, et la plupart d'entre eux, au moins dans les disciplines scientifiques, veulent des laboratoires et ont besoin de ces laboratoires.

Du côté central il y a une infrastructure humaine. Assurément, mon bureau d'administration de la recherche fait face à des coûts supplémentaires depuis quelques années. Quelle est sa fonction? Le bureau s'assure que les demandeurs de subventions respectent toutes les règles. Une fois que la subvention est consentie, le bureau doit vérifier que tous les protocoles ont été approuvés, notamment les expériences sur des humains ou des animaux. Tout cela doit être fait.

Le personnel de ce bureau doit connaître les règles. On a constaté une multiplication des programmes, des organismes subventionnaires—nous faisons plus de travail maintenant aux États-Unis—et en outre, il y a une centaine de nouveaux professeurs par année, néophytes donc, qui ont besoin d'être guidés, ce qui prend plus de temps.

Les révisions déontologiques sont plus rigoureuses. La responsabilisation également. Nous avons maintenant des unités pour la sécurité radiologique et environnementales. Il faut former les gens, ils doivent obtenir une licence, et c'est évidemment un coût indirect. Il y a également d'autres unités, comme le bureau du transfert technologique, qui s'occupent de la commercialisation et de la liaison avec les industriels. Cette liaison implique du travail juridique. Ce travail de rédaction de contrats et de licences est plus intense que jamais.

En terminant, les universités se rendent compte maintenant qu'il leur faut communiquer les résultats de leur recherche et tenir les Canadiens au courant de ce qu'elles font. Les Canadiens veulent savoir où l'argent est dépensé et jusqu'à présent, nos communications avec le public n'ont pas été excellentes. Il nous faut descendre de la tour d'ivoire. Les dépenses sur le plan des communications sont donc en hausse et cela touche l'infrastructure également—l'infrastructure physique.

Ce sont les besoins en matière de recherche qui influent sur le coût des bibliothèques. Une université qui n'offre que le premier cycle fait face à des coûts de bibliothèque beaucoup moins élevés. Nous offrons une gamme de supports maintenant. Nous offrons des journaux sur support électronique avec texte intégral comme nous offrons des manuscrits. Les bibliothèques ne se contentent pas désormais de mettre des livres à la disposition du public mais toutes sortes de choses. Les bibliothécaires ne sont pas seulement les gardiens du texte écrit car ils doivent en plus former les professeurs, les étudiants et les clients à l'utilisation du nouveau matériel. Avec l'électronique, qui est la colonne vertébrale informatique de l'université, qui permet à l'université de communiquer avec le monde extérieur, cet aspect est important. McGill a reçu de l'argent de la FCI pour édifier cette colonne vertébrale mais il faut en assurer l'entretien.

J'ai parlé tout à l'heure de la responsabilisation. Il faut que nos rapports soient améliorés, ce qui signifie l'achat de nouveaux logiciels, de nouvelles bases de données, afin de nous conformer aux exigences des divers organismes subventionnaires concernant la communication de rapports.

Il y a évidemment les coûts généraux centraux, les immeubles, l'administration, le chauffage, l'éclairage, etc. Je vais citer les chiffres que l'on utilise couramment, soit que 40 p. 100 du temps d'un professeur est consacré à la recherche, et que l'on peut donc attribuer 40 p. 100 des coûts centraux aux frais généraux.

Il arrive que l'on assimile les activités de commercialisation à des coûts indirects. Je ne pense pas qu'on ait raison de le faire. Il ne s'agit en rien de coûts indirects. La commercialisation est l'étape qui suit la recherche, de sorte que c'est un coût en aval. Je suis convaincu que les universités ont besoin d'aide pour la commercialisation. Le rapport Fortier cite l'avis du groupe d'experts du Comité consultatif pour la formation scientifique et technique qui s'est prononcé là-dessus il y a quelques années. Cette recommandation était à mon avis excellente et je vous exhorte à apporter un appui financier à la commercialisation, qui ne soit pas tiré de la même enveloppe que les coûts indirects.

Enfin, les universités canadiennes reçoivent actuellement un appui pour défrayer 10 à 20 p. 100 des coûts indirects pour lesquels elles accusent un déficit de 30 à 40 p. 100. Nous plaidons notre cause depuis des années auprès du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, mais en vain. Le gouvernement du Québec a fait un effort louable en reconnaissant le besoin d'accorder un soutien à la recherche dans les universités et il assume certains coûts indirects depuis plusieurs années. À l'occasion de la nouvelle politique, la question des coûts indirects a été soulevée de nouveau et le gouvernement provincial a exprimé l'intention d'assumer la totalité de ces coûts, à savoir 40 p. 100. Nous savons qu'essentiellement les provinces ne disposent pas de moyens suffisants pour accueillir favorablement les nombreuses demandes concurrentielles et valables pour des deniers publics et que la question des coûts indirects est débattue depuis plusieurs années.

• 1110

Traditionnellement, le gouvernement fédéral a toujours considéré qu'il avait pour rôle de financer les coûts directs de la recherche mais n'a jamais reconnu que les coûts indirects sont des dépenses légitimes qu'il devrait aussi prendre en charge, comme le font les gouvernements de la majorité des autres pays. Dans la conjoncture économique actuelle où les avancées de la connaissance sont la clé de la prospérité économique et sociale, il est essentiel que le gouvernement fédéral règle cette question dans l'intérêt des Canadiens.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélanger.

Nous passons à la période de questions et de réponses de cinq minutes pour chaque membre du comité. Nous commençons par M. Jaffer puis ce sera à M. Loubier.

M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président, et merci messieurs et mesdames les témoins.

Ma première question s'adresse à la CSN. J'ai parcouru votre mémoire et de toute évidence vous préconisez une augmentation des dépenses dans toutes sortes de domaines. Pour nombre d'entre elles me semblent tout à fait légitimes et il est évident qu'il faut le considérer à la lumière de certains des défis que nous posent les dépenses sociales.

Compte tenu des années de sacrifice que les Canadiens ont accepté pour réduire les déficits et rembourser lentement mais sûrement la dette nationale, il est évident que les événements du 11 septembre nous posent un défi. La sécurité est devenue une priorité, et il nous faut sérieusement envisager une augmentation des budgets sur ce front. Comme vous le signalez dans votre document—tout comme d'autres aussi—nos excédents n'ont peut-être plus tout à fait la même valeur compte tenu de certains des nouveaux risques auxquels nous sommes confrontés.

Vu l'importance des dépenses sociales, et compte tenu des nouveaux défis qui se posent à nous sur le plan de la sécurité, seriez-vous disposer à ce que le Canada retourne à une situation de déficit? Ou, plutôt, encourageriez-vous les décideurs politiques à proposer un budget qui évite un retour à une situation de déficit en équilibrant nos ressources entre les dépenses de programme et les exigences qu'entraînent les nouveaux risques pour notre sécurité? J'aimerais avoir votre opinion sur ces questions.

[Français]

Mme Claudette Carbonneau: D'entrée de jeu, je vous dirai là-dessus que nous ne croyons pas qu'il y a, même si le gouvernement devait répondre à l'ensemble de ces besoins, un risque imminent de se retrouver en déficit. Il me semble que de tous les gouvernements au Canada, celui qui, au contraire, se trouve en situation de générer des surplus structurels, c'est bien le gouvernement fédéral. Or, en ce sens-là, on ne croit pas du tout à cette hypothèse.

Vous disiez: «satisfaire à un certain nombre de dépenses sociales». Je tiens à rappeler que ce que vous appelez dépenses sociales peut s'avérer aussi des investissements, particulièrement dans une période de ralentissement économique où ce n'est pas détestable, loin de là, de pouvoir à la fois répondre à des besoins sociaux et soutenir aussi efficacement l'emploi.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: Ma question suivante est très brève. Vous avez soulevé une question assez intéressante quand vous avez parlé des défis des universités, notamment au niveau du financement des infrastructures. L'Université de l'Alberta se trouve dans ma circonscription, je suis donc très au courant des problèmes et des défis que doivent relever les universités. C'est un problème qui revient sans cesse, les universités sont toujours à la recherche d'investissement pour renouveler leurs infrastructures ou, comme vous le dites dans votre mémoire, financer les autres coûts indirects qui souvent ne sont pas pris en considération.

Toutefois, je sais que l'Université de l'Alberta a obtenu des résultats probants dans un domaine. Selon ses responsables, bien entendu, cela ne résoudra pas tous les problèmes mais à propos de cette notion de commercialisation dont vous avez parlé, ils ont créé ce département de liaison avec l'industrie qui est chargé tout particulièrement des aspects commerciaux. Il semble avoir réussi à mélanger avec succès les sources d'investissement pour la recherche et pour un certain nombre d'autres initiatives et font subir progressivement au produit toutes les étapes de développement dans le but ultime d'une commercialisation éventuelle. Selon eux, investir uniquement dans les infrastructures ne suffit pas.

Vous avez dit que c'est un problème qui se pose à beaucoup d'universités. J'aimerais savoir comment l'Université McGill aborde la question et, au cas où elle a trouvé une solution, comment cette dernière lui permet de régler certains des autres problèmes. Ou encore, est-ce la solution inévitable pour les universités tout particulièrement quand il devient nécessaire d'assurer un équilibre en commercialisant les investissements et la recherche?

• 1115

M. Pierre Bélanger: Il se trouve que je connais très bien la situation de l'Université de l'Alberta. Je connais très bien Jim Murray et vous devez probablement aussi le connaître. L'Université de l'Alberta avec l'Université de Colombie-Britannique et l'Université de Calgary sont les universités qui ont obtenu les meilleurs résultats dans ce domaine. La raison en est très simple, cela fait maintenant quelques années qu'elles sont soutenues par leurs gouvernements provinciaux respectifs ce qui leur a permis d'embaucher le personnel nécessaire à l'élaboration d'initiatives de ce genre.

Cela ne s'est pas fait partout au Canada. Au Québec, oui, cela fait un certain nombre d'années maintenant que nous avons un bureau de transfert technologique, et nous sommes à l'origine d'une trentaine de compagnies. Les redevances que nous touchons ne sont pas encore comparables à celles de l'Alberta. Je crois que nous atteignons en brut 1,2 million de dollars par an, mais cela progresse tous les ans.

Le gouvernement provincial a en fait contribué à la création de quatre compagnies, des sociétés de valorisation, comme ils les appellent, qui sont censées commercialiser les résultats de la recherche universitaire. Les nôtres seront probablement lancées d'ici une semaine ou deux avec 15 millions de capitaux fournis par le gouvernement québécois, une petite participation de l'université et, nous l'espérons, aussi des capitaux privés. L'objectif principal, avec la participation des sociétés d'investissement en capital risque, qui sont nombreuses au Québec, c'est la création de compagnies dérivées.

Nous considérons ce concept comme un moyen d'autofinancement mais n'oubliez pas que même si vous regardez du côté des États-Unis, vous n'arriverez pas vraiment à régler les problèmes budgétaires des universités de cette manière sans tête d'affiche comme Gatorade, par exemple.

Le président: Merci, monsieur Jaffer.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Bienvenue au Comité des finances.

Madame Carbonneau, vous misez beaucoup sur toute la question du déséquilibre fiscal entre Ottawa et le Québec et les provinces canadiennes. Pour le bénéfice de mes collègues, qui trouvent le concept drôle lorsqu'on parle de déséquilibre fiscal, pourriez-vous expliquer quelle est la nature de ce déséquilibre fiscal? Je pense qu'ils vont plus vous croire que si je leur explique cela moi-même.

Deuxièmement, qu'est-ce que ça provoque au Québec, par exemple, lorsque vient le temps pour le gouvernement du Québec d'offrir de véritables services à la population du Québec?

Je vais vous avouer qu'on a eu une journée de débat, avant l'ajournement d'été, sur la question du retour de points d'impôt auprès du gouvernement du Québec et des provinces qui le désirent, puisque certaines n'en veulent pas. On a entendu des énormités telles que vous ne pouvez pas imaginer sur l'inexistence de l'équilibre fiscal. On nous a dit qu'il fallait que les surplus s'accumulent dans les coffres du gouvernement fédéral pour démontrer la force du gouvernement canadien, pour respecter ses obligations, alors que la Constitution est bien claire. On sépare les champs d'intervention, et là, le calcul est facile à faire, il y a trop d'argent pour les responsabilités que le gouvernement fédéral a à assumer.

Alors, j'aimerais que vous nous fassiez un exercice pédagogique pour le bénéfice de mes collègues.

Mme Claudette Carbonneau: Si vous le permettez, on va se diviser ce petit débat à deux. Quant à moi, je commencerais peut-être par les conséquences dramatiques que l'on observe au quotidien. Je vais cibler un secteur en particulier qui est très cher aux Québécoises et aux Québécois, mais qui, je crois, correspond aussi aux valeurs de l'ensemble des Canadiens: celui du secteur de la santé.

On a connu, au Québec comme partout ailleurs, des réformes importantes dues aux nouvelles technologies, aux changements structurels dans la composition de la population. Malheureusement, il y a eu énormément de ratés dans la mise en place de la réforme de la santé, faute de moyens financiers nécessaires pour opérer les virages qui s'opéraient.

On a fermé un très grand nombre d'hôpitaux. C'est un débat que les nouvelles technologies peuvent peut-être permettre, mais ça suppose qu'on déplace une partie des dépenses et que l'on peut, par exemple, subvenir aux besoins d'aide à domicile ou aux besoins de maintien de ces patients par le recours à des services à domicile adéquats. Là-dessus, il y a un sous-financement chronique et c'est absolument dramatique. Malgré des efforts d'adaptation au nouveau contexte, c'est quelque chose qui fait déraper de bonnes idées. La longueur des listes d'attente, les patients pour des maladies aussi terribles que le cancer qu'on doit maintenant référer aux États-Unis sont des exemples extrêmement criants des dérapages majeurs qu'on connaît à l'intérieur de ce réseau.

• 1120

Dans le réseau de l'éducation, on tente aussi de procéder à une réforme. On manque actuellement de ressources, on manque de matériel, on manque un peu de tout pour atteindre nos objectifs. Alors, en ce sens-là, ce n'est absolument pas une vue de l'esprit. Il s'agit de circuler parmi la population québécoise pour voir à quel point ces besoins-là sont criants. Et l'absence de ressources fait actuellement défaut, d'autant plus que, quand on parle de missions comme la santé, il n'y a qu'à voir toute la problématique du médicament. Ça monte en flèche. D'une part, ça occupe plus d'espace dans les thérapies des personnes et, d'autre part, la croissance des coûts est totalement hors contrôle.

Alors, il est bien évident qu'on ne peut pas répondre à l'ensemble de ces besoins-là et contribuer à des missions tout à fait essentielles pour les citoyennes et les citoyens, leur garantir une espérance de vie en santé et répondre à certaines problématiques en termes de besoins sociaux.

Sur le déséquilibre fiscal, je vais demander à François de compléter.

M. François Bélanger (conseiller à la recherche au Service des relations du travail, Confédération des syndicats nationaux): D'accord.

Je vais essayer de faire brièvement l'inventaire des raisons qui font en sorte qu'on observe effectivement un déséquilibre fiscal, que les économistes taxent de déséquilibre fiscal vertical, entre les deux ordres de gouvernement, c'est-à-dire entre les gouvernement provinciaux et le fédéral. Donc, ce n'est pas vraiment une question qui concerne exclusivement le Québec par opposition à Ottawa. Ce n'est pas un débat Ottawa-Québec. Toutes les provinces sont touchées par ce déséquilibre entre les ressources financières disponibles aux deux paliers de gouvernement pour assumer leurs responsabilités dans leurs champs de compétences constitutionnelles.

Premièrement, il faut dire qu'au chapitre des revenus, le gouvernement du Québec est défavorisé de deux façons. Depuis un bon moment, mais de façon plus marquée depuis le milieu des années 1990, il est défavorisé par la diminution importante des transferts en termes nominaux qui a été imposée par le gouvernement fédéral à toutes les provinces, principalement au chapitre du TCSPS, le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui, finalement, ne représente plus maintenant que 14 p. 100 des dépenses sociales des provinces alors qu'il représentait 18 p. 100 des dépenses sociales des provinces, en moyenne, en 1994-1995.

Il y a eu l'Entente fédérale-provinciale sur la santé de septembre 2000 qui rétablira un peu le financement à compter du prochain exercice financier, mais encore là, en termes nominaux, on ne rejoindra même pas exactement les sommes qui étaient consenties en 1994-1995. Donc, on parle ici de 18,7 milliards de dollars. On ne rejoint même pas encore ces niveaux-là. Donc, en termes réels, ça signifie encore moins d'argent pour acheter des médicaments, des fournitures scolaires, pour investir dans les réseaux qu'on en avait en 1994-1995, compte tenu de l'inflation. C'est un aspect fort important de la contrainte financière à laquelle font face les provinces, dont le Québec.

Il y a aussi le fait, du côté des provinces, et particulièrement du côté du Québec, que les revenus autonomes progressent moins rapidement que ceux du gouvernement fédéral pour la bonne raison que le gouvernement du Québec a accès à une plus petite part du champ de taxation, de l'impôt sur le revenu des particuliers. Donc, c'est le champ de taxation qui croît le plus rapidement avec la croissance économique du fait, justement, de la progressivité de la structure d'imposition. Le Québec ayant accès à une plus petite partie de cette assiette fiscale, la croissance de ses revenus est moindre que celle qu'on trouve au gouvernement fédéral.

Le gouvernement du Québec a évalué, justement, le partage de ces assiettes comme suit, une fois déduit ce qu'on appelle l'abattement fiscal du Québec, qui est en fait un transfert de points d'impôt, mais qui est récupéré par le fédéral au moyen d'une déduction sur le transfert social canadien, ce qui fait qu'en termes nets, même s'il impose plus le revenu des particuliers, le gouvernement n'y gagne pas en termes de revenus agrégés. Donc, l'estimé du gouvernement provincial du Québec pour l'impôt sur le revenu des particuliers, c'est qu'il y a 58 p. 100 de ce champ de taxation qui est contrôlé par le gouvernement fédéral alors que le Québec, en définitive, en contrôle 42 p. 100. C'est l'origine de la croissance moins rapide des revenus autonomes pour le gouvernement du Québec.

Il y a donc deux facteurs, du côté des revenus, qui handicapent les provinces et le Québec: la croissance moins rapide des revenus autonomes du fait du partage des assiettes fiscales entre les ordres de gouvernement au Canada et le fait aussi qu'il y a eu des coupures très importantes lors de la période d'assainissement des finances publiques au Canada, lors de la marche vers l'équilibre budgétaire du gouvernement fédéral. Cet argent n'a toujours pas été remis aux provinces, ni en termes nominaux ni en termes réels.

• 1125

Du côté des dépenses, il y a aussi des facteurs aggravants pour les provinces. Cela s'exprime, entres autres, dans les dépenses de santé, qui sont de responsabilité provinciale. Dans ce secteur, les dépenses augmentent très rapidement. Ce sont d'ailleurs les dépenses qui sont le plus fortement touchées, entre autres par les nouvelles technologies et par le vieillissement de la population.

Pour vous en donner une idée, je vous dirai qu'il y a eu une croissance des dépenses de santé fort importante au Québec. Elles sont maintenant passées à presque 16 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral, de son côté, a relativement peu de dépenses de programmes qui sont sensibles au vieillissement de la population. On peut parler simplement des prestations aux aînés, mais principalement de la prestation de la sécurité de la vieillesse. Ces dépenses du gouvernement fédéral représentent assez peu par rapport au total de ses dépenses. Les prestations de la sécurité de la vieillesse représentent environ 10 p. 100 des dépenses totales du gouvernement fédéral, alors que les dépenses sensibles au vieillissement de la population et à d'autres impacts, en santé notamment, représentent un pourcentage beaucoup plus élevé que 10 p. 100 de l'ensemble des dépenses provinciales. C'est la même chose pour le Québec.

On peut ajouter que les dépenses en éducation, même si les populations croissent moins rapidement, ne diminuent pas autant qu'on aurait pu le penser sous l'effet du vieillissement de la population. En fait, il y a un ralentissement beaucoup moindre de ces dépenses, notamment en raison des besoins de formation liés à la nouvelle économie et à l'économie du savoir. Donc, il n'y a pas beaucoup d'économies qui peuvent être transférées de l'éducation vers la santé.

C'est ce qui explique que les provinces ont des soldes budgétaires beaucoup plus serrés que ceux qu'on retrouve au gouvernement fédéral à l'heure actuelle et pour l'avenir prévisible. C'est ce qui explique aussi que le gouvernement fédéral a les moyens, et ne s'en prive pas, d'empiéter sur les champs de compétence des provinces dans plusieurs domaines.

Voilà, j'ai fait le tour des facteurs de déséquilibre fiscal que je peux identifier rapidement.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Loubier.

Nous passons maintenant à Mme Bennett, suivie de M. Discepola.

Mme Carolyn Bennett: je ne pense pas que nous ayons entendu cela souvent. Généralement dans ce genre d'audience de comité il y a un thème qui revient, comme le canard dans les spectacles de Groucho Marx, avec un panneau qui descend du plafond. Vous êtes peut-être trop jeune pour vous en souvenir.

Pratiquement chaque groupe de témoins nous a parlé des coûts indirects de la recherche. Nous nous sommes durement battus pour avoir certains de ces programmes et pour qu'ils soient financés. Certains d'entre nous comme moi, sont connus pour avoir réclamé un budget d'un milliard de dollars dès que possible pour les Instituts de recherche en santé du Canada.

En cette ère d'après 11 septembre, il nous faut des recommandations précises. Préféreriez-vous de l'argent pour couvrir les coûts indirects ou plus d'argent pour la recherche proprement dite? Ou préféreriez-vous renoncer à...? Que devrions-nous recommander dans notre rapport? Voulez-vous que nous recommandions moins d'argent pour la recherche afin qu'il y en a plus pour couvrir les coûts indirects?

Certains d'entre nous ont toujours cru que le TCSPS pour l'éducation postsecondaire devait servir à couvrir ces coûts indirects et c'est la raison pour laquelle je vous pose ma deuxième question: Pensez-vous que vous tirez du TCSPS l'argent destiné à l'éducation postsecondaire que vous devriez recevoir des gouvernements provinciaux?

M. Pierre Bélanger: Je répondrai à la première partie de votre question, et je demanderai à mon collègue de répondre à la deuxième partie.

Il est certain qu'augmenter le financement des conseils subventionnaires est vital car chaque année nous embauchons 100 nouveaux professeurs, et tous ont une carrière de recherche active. Entre-temps, ceux qui se retrouvent au bout de la table et qui se préparent à la retraite ont ralenti leurs activités, par conséquent l'argent pour couvrir leurs besoins en recherche n'est pas aussi élevé.

• 1130

Je suggérerais qu'il n'est pas nécessaire de financer l'un ou l'autre à 100 p. 100, mais plutôt de financer partiellement les deux. À quelle hauteur, je n'en sais rien, mais un engagement progressif devrait être pris et il faudrait fixer un objectif à atteindre sur un nombre X d'années. Ce pourrait être une solution à envisager.

Mme Carolyn Bennett: Nous avons entendu deux versions différentes. Certains réclament un fonds distinct pour les coûts indirects alors que d'autres estiment que cela devrait être rattaché aux montants consacrés à la recherche. Avez-vous une préférence?

M. Pierre Bélanger: Le premier coût c'était une enveloppe distincte. Aux États-Unis c'est un pourcentage qui est directement ajouté.

Mme Carolyn Bennett: Vous pensez au NIH.

M. Pierre Bélanger: Au NIH et à la NSF. C'est comme ça que fonctionnent les agences américaines. Je pense que ce serait probablement préférable plutôt que d'avoir un fonds distinct avec toute la comptabilité et toutes les vérifications inhérentes que cela entraîne.

Mme Carolyn Bennett: Pour la commercialisation, est-il ou n'est-il pas possible d'utiliser certains des dollars d'Industrie Canada?

M. Pierre Bélanger: Industrie Canada? Non, ce n'est pas possible—pas pour le moment, du moins.

Vous voulez répondre à l'autre question?

M. Morty Yalovsky (vice-principal, Administration et finance, Université McGill): Certainement. J'essaierai même peut-être de répondre en partie à la première question.

Je conviens certes avec Pierre que les objectifs que nous recherchons sont assez difficiles à atteindre. Cependant, c'est l'objectif ultime, et il faudrait essayer de l'atteindre sur une certaine période de temps, pas forcément dans l'immédiat, étant donné les autres difficultés.

Il faut également comprendre qu'en termes de recherche, nous avons vu beaucoup d'argent aller dans des domaines comme les sciences, la médecine, le génie, domaines où justement les coûts indirects de la recherche sont extrêmement élevés. S'il faut financer ces coûts indirects avec les budgets de fonctionnement, les budgets que nous recevons de la province—au Québec nous recevons nous-mêmes un montant raisonnable pour les coûts indirects—ce sont alors les autres programmes qui ne concernent ni les sciences, ni la médecine, ni le génie qui en subiront les conséquences, et nos universités ne peuvent se le permettre.

Il y a d'un côté les financements ponctuels et d'un autre les investissements universitaires qui contrairement à ce qui se passe dans les hôpitaux, par exemple, où les patients veulent être immédiatement traités pour une certaine maladie, les investissements se font sur le long terme. Nous investissons aujourd'hui, et les résultats ne se feront pas sentir nécessairement cette année mais dans quelques années. Ma perspective, c'est le long terme.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Discepola.

[Français]

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Bélanger.

Comme économiste, avez-vous fait des études pour savoir si on est sur le point d'entrer en récession et pour savoir quel sera le taux de croissance économique, si cela est possible, pour les six prochains mois ou la prochaine année? Avez-vous des prévisions là-dessus?

M. François Bélanger: Disons que la CSN ne produit pas de prévisions, évidemment, mais la Banque Toronto-Dominion en produit et elle vient de publier un rapport. C'est dans la même veine que ce que les Caisses Desjardins prévoient. Évidemment, il va falloir attendre les données du mois prochain pour évaluer de façon plus complète l'impact de la catastrophe du 11 septembre, parce que nous n'avons pour l'instant que le portrait partiel, mais les économistes prévoient en général, au niveau des banques comme ailleurs, un ralentissement économique relativement modéré. Il y aurait une reprise économique au milieu de 2002, à compter du troisième trimestre de 2002.

Je voudrais revenir sur une des analyses que j'ai lues. Les économistes de la Banque Toronto-Dominion ne parlent pas d'une récession. Ils parlent d'un ralentissement prononcé et d'un redémarrage de l'économie à compter de 2002. Encore là, c'est peut-être un peu tôt pour le dire.

M. Nick Discepola: Encore une fois, comme économiste, quand on prévoit un ralentissement économique, ne devrait-on pas être prudent au lieu de commencer à dépenser à gauche et à droite?

M. François Bélanger: Notre message est assez simple. D'un point de vue économique, il y a actuellement une espèce d'hypothèque sur la confiance des consommateurs. De ce côté-là, il y a un ralentissement qui se manifeste dans certains secteurs, même si dans d'autres secteurs, les choses continuent de fonctionner.

• 1135

Déjà, avant la catastrophe du 11 septembre, on ne pouvait pas compter sur l'investissement. L'investissement a été un driver de la croissance économique pendant les deux années passées, mais cette année, ce n'était pas dans les cartes que ce soit possible que l'investissement attire la croissance.

Au niveau des exportations nettes, ça va assez bien. Le Canada a un surplus commercial encore relativement important, mais qui est en légère décroissance par rapport aux excellents résultats de l'année précédente. Donc, c'est évident que dans l'équation économique standard, il ne reste que le secteur gouvernemental. Si le secteur gouvernemental ne se débrouille pas pour être capable d'attirer l'économie, c'est évident qu'on va avoir un ralentissement un peu plus prononcé.

Donc, sans compromettre votre planification fiscale et générer nécessairement à nouveau des déficits, vous avez une marge suffisante, même sans déficit, pour intervenir de façon un peu plus marquée pour soutenir l'économie avec des mesures de dépenses dans plusieurs secteurs où c'est nécessaire, comme on l'a démontré. Vous avez clairement les moyens de faire cela. Lors de la mise à jour économique de l'an dernier, vous avez promis d'affecter 100 milliards de dollars à la réduction des impôts pour les cinq prochaines années. Il y a certainement possibilité de moduler un peu l'entrée en vigueur de ces baisses d'impôt. J'imagine que s'il y avait une catastrophe, vous le feriez. C'est possible de récupérer des sommes pour les dépenser actuellement, de la même manière que la réserve pour éventualités a été conçue initialement pour qu'on puisse l'utiliser, non pas en cas de catastrophe économique, mais en cas...

M. Nick Discepola: Mon temps est limité. Le président va me couper la parole bientôt. Comme économiste, croyez-vous qu'il faut être prudent et que le Canada ne doit pas ramener une situation telle qu'il risque de faire un autre déficit, oui ou non?

Vous dites qu'on a une marge de manoeuvre. D'accord. On va voir ce qu'on devrait prendre. Mais, selon vous, est-ce qu'on devrait éviter un autre déficit à tout prix?

M. François Bélanger: Je crois que la question ne se pose pas actuellement. Je crois que vous pouvez intervenir au niveau des dépenses de programmes.

M. Nick Discepola: Donc, on a amplement d'argent, selon vous.

M. François Bélanger: Je ne parle pas d'un énorme...

M. Nick Discepola: Madame Carbonneau, quand vous faites une présentation comme première vice-présidente, la faites-vous au nom de l'exécutif de la CSN ou au nom de vos membres?

Mme Claudette Carbonneau: Je vous dirai que des présentations de ce type sont toujours soumises à des instances très larges à l'intérieur de la CSN. Dans notre cas, c'est l'instance la plus large entre les congrès qui a disposé du type de représentation qu'on fait. Je vous dirai qu'on fait régulièrement des tournées auprès des syndicats affiliés et qu'il y a des débats constants. Les préoccupations qu'on soulève ici, c'est le quotidien de notre monde.

M. Nick Discepola: Est-ce que vous avez des membres qui habitent Vaudreuil—Soulanges?

Mme Claudette Carbonneau: Certainement. Nous avons des membres partout au Québec.

M. Nick Discepola: Je voudrais vous rappeler certaines choses.

D'abord, sur la formation de la main-d'oeuvre, une entente a été signée par les gouvernements du Québec et du Canada et 2,5 millions de dollars ont été transférés. Et là, vous réclamez encore une fois l'intervention du gouvernement, surtout pour les personnes âgées. Je suis d'accord là-dessus, mais je ne suis pas sûr que le gouvernement du Québec serait d'accord, cela à cause de l'entente.

En ce qui a trait au logement social, vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait faire davantage. C'est sûr. Même aux élections locales, les maires en parlent parce que c'est un besoin. Je dois vous rappeler que le gouvernement du Canada a signé avec le gouvernement du Québec une entente de 1,3 milliard de dollars et que Mme Harel était très ouverte quant à la flexibilité de l'entente.

Les premiers ministres des 10 provinces se sont entendus sur les besoins des provinces en termes de santé. Ils ont eu ce qu'ils voulaient. En termes de transfert social, ils ont eu ce qu'ils voulaient. Donc, je comprends mal que vous reveniez encore une fois nous parler du droit de retrait et du transfert des points d'impôt. Vous dites représenter des membres de Vaudreuil—Soulanges. Il me semble que si ces gens avaient eu des revendications à cet égard, ils m'en auraient parlé.

• 1140

Je dois vous dire que, pour mes commettants, le fait qu'on a baissé les impôts est la chose la plus importante. Je vous entends dire qu'on devrait peut-être arrêter la baisse des impôts qu'on a annoncée et dépenser davantage. Chez nous, on n'a pas du tout le goût qu'il y ait des dépenses. Il faut être prudent par les temps qui courent.

Mme Claudette Carbonneau: Quand vous me demandez si je débats de ces questions avec mes membres, j'ai tendance à vous demander si vous écoutez la télévision. Vous me dites que, quelque part, les premiers ministres ont conclu une entente avec le fédéral sur la question de la santé. C'était en septembre 2000. Depuis, il y a eu Victoria. Il y a eu quelques émissions de télévision là-dessus, du moins au Québec. J'imagine que vous avez dû pouvoir les capter aussi. De ce côté-là, bon nombre des questions qu'on ramène aujourd'hui reflètent ce consensus des provinces.

Vous me dites que les gens sont heureux des réductions d'impôts. On ne vous fait pas la lutte tous azimuts. On n'est pas contre toute forme de réduction d'impôts. On dit que ça doit être mesuré en fonction des conjonctures et ne pas compromettre d'autres objectifs qui sont chers aux membres. Dans tous les cas de figure, au moment où ont été faites les réductions d'impôts, ce qu'on questionnait, surtout avant la situation du 11 septembre, c'était le caractère régressif des choix qui avaient été faits.

Vous n'allez pas me dire que cela tient la route, quand on dit que le tiers des plus démunis de la population se retrouvent avec un remboursement d'impôt de 4 p. 100. Je vous rappelle que les personnes les plus pauvres dans la société sont celles qui ne payent pas d'impôts. Elles n'ont rien retrouvé avec ces modalités. Parmi les bas et les moyens salariés, il y a beaucoup de membres de la CSN. C'est le reflet de la population en général. De ce côté-là, il y a certainement place, y compris dans une perspective de réduction d'impôts, pour conserver une fiscalité qui soit moins régressive que les dernières tendances qu'on a pu observer.

Vous me dites que les citoyennes et les citoyens de votre comté n'ont pas le goût qu'on réinvestisse. Eh bien, n'importe quand, quand vous serez à votre bureau dans votre circonscription, on ira faire la tournée des hôpitaux ensemble. Je vais vous faire entendre d'autres sons de cloche, non seulement parmi les membres, mais aussi parmi les usagers. On peut sortir des hôpitaux. On peut aussi aller dans les centres pour personnes âgées. Quand on entend les débats qu'il y a au Québec et quand on sait que des personnes seront privées du seul bain qu'elles ont chaque semaine, on se dit qu'il y a certainement de la place pour vous faire entendre autre chose.

M. Nick Discepola: Est-ce la responsabilité du gouvernement du Canada?

Mme Claudette Carbonneau: De ce côté-là, j'ai toujours salué les grandes dispositions de la loi canadienne en matière de gratuité, d'accessibilité, d'excellence des services et le caractère public de ces services, mais on finit par constater qu'il y a quelque chose de fort hypocrite quand on n'y consacre pas les ressources nécessaires. On impose des exigences très élevées, mais on n'y consacre pas les ressources nécessaires. De ce côté-là, oui, il y a une responsabilité canadienne en matière de transfert.

M. Nick Discepola: [Note de la rédaction: inaudible] ...la responsabilité vis-à-vis des provinces... Il faut que je continue.

[Traduction]

Le président: Il va falloir poursuivre parce que votre conversation se transforme en débat. Cela ne me dérange pas, mais il y a d'autres personnes qui veulent poser des questions. Je vais vous laisser conclure, vous laisser faire une dernière remarque.

[Français]

M. Nick Discepola: Je parle de priorités du gouvernement fédéral. Les provinces ont les mêmes responsabilités. Il y a quatre ou cinq ans, M. Klein avait choisi de fermer des hôpitaux et il a maintenant des surplus exorbitants. M. Harris avait décidé de fermer des écoles et des hôpitaux. Il avait des surplus et il avait endetté la province pour accorder des baisses d'impôts. Ce n'est pas la faute du gouvernement fédéral. C'est le choix que ces premiers ministres avaient fait pour leur province.

Chez nous, le gouvernement du Québec avait décidé de donner une retraite anticipée aux médecins, ce qui devait lui faire épargner 800 millions de dollars. Aujourd'hui, on a une pénurie de professionnels. Ce n'est pas la faute du système lui-même. Ils ont eu l'argent qu'ils voulaient, mais ils ont décidé de mettre en oeuvre leurs priorités pour leurs provinces, ce qui est tout à fait normal.

Mme Claudette Carbonneau: Je fais aussi régulièrement des représentations au gouvernement du Québec. Les positions de la CSN ne portent pas intégralement sur les choix pointus que le gouvernement du Québec doit faire en santé, en éducation et dans d'autres secteurs.

Cela étant dit, il y a quand même une réalité objective. Pour combler un certain nombre de besoins, il faut avoir accès à des ressources qui soient suffisantes. De ce côté-là, je vous renvoie à la réponse qu'on faisait sur le déséquilibre fiscal. Ce n'est pas une vue de l'esprit; c'est une réalité.

• 1145

[Traduction]

Le président: Très bien.

M. Brison est le dernier.

M. Scott Brison: Ma question pour les gens de McGill concerne la participation des compagnies de capital à risque du secteur privé dans les transferts des technologies et la commercialisation.

J'aimerais que vous me donniez une meilleure idée de votre point de vue du degré de participation active des compagnies de capital à risque privé dans les campus canadiens, surtout les sociétés à capital de risque de travailleurs.

De plus, j'aimerais que vous me disiez comment se compare l'environnement de la commercialisation et du transfert des technologies au Canada avec celui des États-Unis.

Troisièmement, il y a une politique qui relève de la compétence provinciale, et j'aimerais savoir si elle vous convient. Le gouvernement provincial du Québec, si je ne m'abuse, a un programme en vertu duquel les titulaires d'un doctorat en recherche, qui acceptent de s'installer dans la province, sont exonérés de l'impôt provincial, ce qui me semble du point de vue stratégique très novateur et très concurrentiel. J'aimerais que vous m'en donniez les résultats afin de déterminer si je pourrais en toute quiétude en faire la recommandation à mes collègues provinciaux de Nouvelle-Écosse—le berceau de l'éducation supérieure au Canada, si je peux me permettre de l'ajouter. J'attends vos réponses.

M. Pierre Bélanger: Pour commencer, pour ce qui est de la présence et de l'activité sur nos campus des capitalistes à risque, nous traitons avec toutes sortes de capitalistes à risque, surtout dans le domaine de la santé dans lequel, je crois, évolue la majorité de nos compagnies dérivées.

Il y a des capitalistes à risque liés à la Caisse de dépôt, en particulier celle intitulée T2/C2 qui est financée en partie par la Caisse de dépôt mais aussi par MDS. Il y a aussi d'autres capitalistes à risque plus spécifiques dans le domaine médical, comme Medtech, qui est une compagnie MDS; BioCapital, GenChem, etc., etc. C'est en gros avec ce genre de compagnies que notre bureau de transfert des technologies traite. Ce sont celles auxquelles nous nous adressons lorsque nous essayons de créer une nouvelle compagnie dérivée. Nous essayons de rassembler ces gens autour de la table.

Comme je le signalais, la province nous a aidés à créer cette autre société qui sera, au fond, une société en commandite. Elle fonctionnera comme un fonds de lancement à durée définie et sera le courtier principal d'une première série de financement en vue de la création de ces nouvelles sociétés.

Comment nous comparons-nous aux États-Unis? Pas si bien que cela. En fait, l'argent que nous a avancé le gouvernement provincial pour former les quatre sociétés de valorisation nous est parvenu à la suite d'un rapport effectué par la Chambre de commerce de Montréal dans lequel on comparait la situation aux États-Unis et au Canada. Il se trouve que nous avons publié par habitant autant que les Américains, mais que nous avons pris beaucoup de retard dans le nombre de licences issues de ces publications. C'est d'ailleurs cette différence qui a convaincu le gouvernement provincial d'investir pour aider les universités à commercialiser les résultats de leur recherche.

Le temps dira si nous avons réussi ou pas. Mais je crois qu'ici même, au Québec, les efforts du gouvernement provincial ont porté fruit. Maintenant, il nous faudrait un fonds d'exploitation pour notre bureau interne de transfert des technologies, et voilà pourquoi je me reportais au rapport Fortier et aux conclusions du groupe d'experts sur la commercialisation.

Mon collègue Morty Yalovsky va répondre à votre troisième question.

M. Morty Yalovsky: Le gouvernement provincial a été, à mon avis, très progressiste dans l'aide qu'il a accordée non seulement au secteur industriel mais aussi à l'éducation.

Comme le signalait mon collègue, nous embauchons actuellement des centaines de personnes pour notre corps professoral—et même un peu plus depuis deux ans—afin de pouvoir nous développer et de combler les départs enregistrés ces deux dernières année; de plus, cela devrait nous permettre de faire face aux retraites prochaines, puisqu'au cours des 10 prochaines années, près de 50 p. 100 des membres de notre faculté pourront prendre leur retraite, s'ils choisissent de le faire à 65 ans, comme cela leur est permis.

C'est en tentant de recruter des professeurs de l'extérieur du Québec et du Canada que nous nous sommes rendu compte à quel point le poids de notre fiscalité était lourd. C'est pourquoi nous avons pressenti le gouvernement provincial qui a lancé l'année dernière un programme s'appliquant dans certaines régions choisies, c'est-à- dire là ou il est extrêmement difficile de recruter des gens, comme au Québec ou dans certaines autres régions du Canada. En vertu de ce programme, les membres du corps professoral, et pas seulement les chercheurs des différents secteurs industriels, qui sont embauchés dans le domaine de la finance, comme le financement des entreprises ou le financement des investissements... En fait, ce programme ne s'applique pas à d'autres secteurs de la gestion comme la comptabilité ou la mise en marché. Donc, certains secteurs de la technologie de la médecine obtiennent un allégement de la taxe provinciale pendant cinq ans. On peut ainsi embaucher, par exemple, des Canadiens qui sont à l'étranger, même si la règle stipule qu'ils doivent avoir résidé à l'extérieur du Canada pendant un certain temps. Le programme nous a donc aidés considérablement dans notre recrutement, puisque nous avons réussi à aller chercher les chercheurs de plus haut calibre dont certains ont même été embauchés au Programme des chaires de recherche du Canada.

• 1150

Prenons, par exemple, le Programme des chaires de recherche du Canada que le gouvernement fédéral a lancé dans le secteur de l'éducation—l'Université McGill a décidé qu'il ne faudrait combler les postes qu'avec des gens de l'extérieur du système. Autrement dit, il s'agit d'attirer de plus en plus d'individus au Québec et au Canada.

M. Scott Brison: Merci beaucoup.

M. Pierre Bélanger: Les allégements fiscaux s'appliquent également aux bourses de doctorat et aux bourses de recherche postdoctorales.

M. Scott Brison: Je suis ravi d'entendre dire que ce programme est un succès. J'avais entendu parler de sa création, mais je ne savais pas à quel point c'était une réussite. Cela fait plaisir à entendre.

M. Morty Yalovsky: L'an dernier, une trentaine sur la centaine de personnes qui ont été embauchées, l'ont été à McGill.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brison. Au nom du comité, j'aimerais exprimer ma plus vive gratitude à l'égard de tous ceux qui ont comparu. Nous avons à coeur d'entendre des Canadiens qui jettent une lumière différente sur les questions qui nous intéressent. Nous devrons, bien sûr, évaluer tout ce qui nous a été suggéré en termes de solutions et d'idées, afin de présenter au ministre des Finances nos recommandations.

Merci beaucoup de votre comparution.

Nous suspendons les travaux jusqu'à 13 h 30 et nous nous retrouverons dans la même pièce.

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