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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 23 novembre 2004




¹ 1535
V         Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.))
V         M. Adam Holbrook (directeur associé et professeur adjoint, Centre for Policy Research on Science and Technology (CPROST), Université Simon Fraser, À titre individuel)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         M. Jack Mintz (président et directeur général, Institut C.D. Howe, À titre individuel)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. David Wolfe (sciences politiques à l’Université de Toronto et coordonnateur national du Réseau national sur les systèmes régionaux d’innovation (RNSI), À titre individuel)

º 1600

º 1605
V         Le président
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC)

º 1610
V         Le président
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. Jack Mintz

º 1615
V         Le président
V         M. David Wolfe
V         Le président
V         M. David Wolfe

º 1620
V         Le président
V         M. Adam Holbrook
V         Le président
V         M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ)
V         M. Adam Holbrook

º 1625
V         M. Marc Boulianne
V         Le président
V         M. Marc Boulianne
V         Le président
V         L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.)

º 1630
V         Le président
V         M. David Wolfe

º 1635
V         Le président
V         M. Jack Mintz

º 1640
V         Le président
V         M. Adam Holbrook
V         Le président
V         M. David Wolfe
V         Le président
V         M. David Wolfe
V         Le président
V         M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD)

º 1645
V         M. Adam Holbrook
V         Le président
V         M. Jack Mintz

º 1650
V         Le président
V         M. David Wolfe
V         M. Jack Mintz

º 1655
V         M. David Wolfe
V         M. Jack Mintz
V         M. David Wolfe
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Peter Julian
V         Le président
V         M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC)
V         Le président
V         M. Werner Schmidt
V         Le président

» 1700
V         M. Jack Mintz
V         M. Adam Holbrook
V         Le président
V         M. David Wolfe

» 1705
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.)
V         M. Jack Mintz

» 1710
V         Le président
V         M. Adam Holbrook

» 1715
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ)
V         Le président
V         M. David Wolfe

» 1720
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Adam Holbrook
V         Le président
V         M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC)

» 1725
V         M. Jack Mintz
V         M. Michael Chong
V         M. Jack Mintz
V         M. Michael Chong
V         M. Jack Mintz
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 009 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Bonjour tout le monde.

    Je déclare ouverte la séance du 23 novembre du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie.

    Nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui trois témoins de qualité—deux que nous allons entendre par vidéoconférence et un, en personne. Nous avons ici avec nous M. Adam J. Holbrook, du Centre for Policy Research on Science and Technology de l'Université Simon Fraser, et par vidéoconférence, Jack Mintz, président et directeur général de l'Institut C.D. Howe, et David Wolfe, professeur de science politique à l'Université de Toronto.

    Je rappelle à mes collègues qu'ils devront poser leurs questions un peu plus lentement, à cause de la vidéoconférence, et aussi préciser à qui s'adresse leur question, lorsque nous aurons terminé les exposés d'ouverture. Indiquez très clairement à qui vous adressez votre question.

    Je vous souhaite donc la bienvenue à tous—M. Holbrook, M. Mintz et M. Wolfe. Nous entamons une vaste étude de la politique industrielle du Canada, il y en a aussi qui utilisent une autre expression, et nous espérons qu'avec votre aide, à partir d'aujourd'hui, et avec l'aide des témoins que nous allons entendre au cours des semaines et des mois qui viennent, nous saurons mieux où se situe le Canada pour ce qui est de sa stratégie ou de sa politique industrielle et nous pourrons présenter des propositions avec votre aide.

    Cela dit, nous allons suivre l'ordre du jour, et je vais donc inviter M. Holbrook à commencer.

    Si vous pouviez prendre une dizaine de minutes pour commencer, cela serait parfait. Monsieur Holbrook, allez-y.

    Monsieur Mintz ou monsieur Wolfe, si vous ne nous entendez pas, faites-nous des signes; il y a un technicien ici. Nous pensons que tout va très bien se passer mais si ce n'est pas le cas, nous regarderons si vous nous faites des signes. D'accord? Merci.

    Monsieur Holbrook.

+-

    M. Adam Holbrook (directeur associé et professeur adjoint, Centre for Policy Research on Science and Technology (CPROST), Université Simon Fraser, À titre individuel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité afin de vous aider à examiner les enjeux entourant la stratégie industrielle du Canada. En fait, je vais vous entretenir cet après-midi d'éléments qui sont à la base de ce débat, et j'espère et je crois que ce débat s'inspirera en partie de ce que j'aurai exposé dans ma déclaration.

    Je suis codirecteur du Centre de recherche stratégique sur les sciences et la technologie (CPROST) de l'Université Simon Fraser et je suis également professeur auxiliaire à l'école de communication.

    Le Centre a pour mission de mener des recherches sur la relation entre la politique gouvernementale et la technologie. Le CPROST étudie depuis plus de dix ans l'innovation et ses incidences sur le rendement industriel. Au cours des sept dernières années, ces études ont été exécutées dans le cadre d'une initiative nationale de l'Innovations Systems Research Network, l'ISRN pour faire plus court, un réseau national de chercheurs universitaires commandité par le Conseil de recherche en sciences humaines.

    Ce réseau a été chargé d'examiner les différences régionales au chapitre de l'innovation au Canada et de déterminer si les politiques d'innovation devaient tenir compte de ces différences. Le réseau est organisé par région; je suis à la tête du sous-réseau de l'Ouest et M. Wolfe est le directeur national de l'ISRN. Je vous parle en mon nom personnel, à titre de chercheur universitaire, et non comme représentant de mon université ou de ce réseau de recherche.

    J'aimerais commencer en établissant une distinction entre l'invention et l'innovation. L'invention est le processus de création d'un produit ou d'un procédé, souvent grâce à l'application de la recherche. L'innovation est le processus de mise en marché ou de commercialisation d'une invention. Ainsi, la recherche et le développement (R et D) constitue une composante nécessaire mais pas suffisante de l'innovation.

    Les entreprises peuvent être très innovatrices sans avoir nécessairement des installations ou des programmes de R et D. Les entreprises acquièrent la connaissance par la recherche, en concluant des transactions commerciales ou en embauchant du capital humain. La connaissance est un produit unique, car elle peut être créée mais elle ne peut pas être détruite. Elle peut également être transférée, mais la source conserve tout ce qu'elle transmet au destinataire, même si les droits de propriété intellectuelle sont transférés. La connaissance peut passer d'un établissement à un autre, par l'intermédiaire des personnes ou par les flux financiers qui permettent de créer la connaissance dans l'établissement destinataire.

    Les études sur l'innovation sont exécutées habituellement à l'échelon national, mais au Canada, les données sur les effectifs industriels faussent les résultats nationaux sous l'influence de la situation en Ontario et au Québec. Qu'advient-il dans les régions dont le secteur prédominant n'est pas la fabrication? Par exemple, la C.-B. est en train de passer directement d'une économie de ressources à une économie de services; mais à l'extérieur du lower mainland, les PME, les laboratoires du fédéral et les collèges communautaires sont des acteurs clés de l'économie. Cela ne veut pas dire que nous prétendons qu'il y a deux Canada. Il faut simplement tenir compte du fait que, lorsqu'on examine l'ensemble du Canada, on ne voit que l'image que nous en donnent les données statistiques de Statistique Canada. Au niveau régional, il faut aller un échelon en dessous.

    À la conférence InnoWest qui s'est déroulée à Calgary la semaine dernière, la question suivante a été posée: la rente schumpétérienne (rendement économique fondé sur l'innovation) va-t-elle remplacer la rente tirée des ressources? Je devrais préciser que nous n'avons pas trouvé la réponse à cette question mais elle était bien formulée.

    L'ISRN a été créé afin de rassembler les chercheurs de plusieurs disciplines, qui vont de la chimie à la géographie économique, afin d'étudier les grappes industrielles et leur rôle dans les systèmes d'innovation régionaux. Le système d'innovation national est constitué d'un certain nombre de systèmes régionaux et la politique sur l'innovation industrielle doit être taillée pour répondre à des besoins régionaux précis. L'ISRN s'est attaché à étudier les grappes industrielles, car elles représentent les fondements des systèmes d'innovation régionaux, qui créent à leur tour la croissance économique et sociale.

    Nous avons d'abord utilisé la définition de grappe industrielle qu'a formulée Michael Porter, mais nous avons relevé plusieurs variations de ce modèle dans les différentes régions du pays. Les enjeux examinés comprennent la masse critique, la densité critique, c'est-à-dire le nombre d'entreprises rassemblées dans un secteur géographique donné, le rôle des champions de l'innovation et le rôle du gouvernement, tant fédéral que provincial, comme fournisseur d'infrastructure.

    Quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes qui favorisent la formation d'une grappe au Canada? Sont-elles propres aux régions?

¹  +-(1540)  

Nos résultats montrent que les conditions nécessaires à l'existence d'une grappe au Canada comprennent la présence d'un établissement du secteur public au centre, habituellement un laboratoire universitaire, ou gouvernemental dans certains cas, et un bon accès au capital humain. Les conditions suffisantes au maintien de la grappe comprennent au moins une entreprise privée d'envergure internationale et, bien sûr, un soutien substantiel provenant du secteur public.

    Nous avons examiné le test qui permet de vérifier la solidité d'une grappe industrielle, à savoir sa capacité de survivre à la perte catastrophique d'un noeud ou d'un acteur. La grappe des technologies de l'information d'Ottawa a survécu à plusieurs réductions d'effectif et en est ressortie renforcée à chaque fois.

    Nos études montrent que l'innovation diffère selon les régions. Dans l'Ouest, les régions produisent souvent des biens intellectuels plutôt que des produits manufacturés. La biotechnologie et les nouveaux médias en sont de bons exemples. Il s'agit de grappes importantes, particulièrement à Vancouver et Calgary. On a constaté que Vancouver, par exemple, comptait un plus grand nombre de chercheurs étoiles dans le domaine de la biotechnologie que Montréal ou Toronto et pourtant, il n'y a pas d'entreprise de fabrication à Vancouver, ni de société pharmaceutique multinationale.

    La grappe biotechnologique de Saskatoon est un autre exemple, car elle est très différente de la définition classique de grappe; la connaissance nécessaire à l'innovation et à la production est, dans son cas, principalement acquise par des transactions commerciales.

    Le lieu est déterminant. Les villes dont les marchés de l'emploi sont attrayants pour le capital humain qualifié sont plus susceptibles de créer des grappes. Ce n'est pas une constatation qui est particulière au Canada; M. Richard Florida aux États-Unis est probablement le chef de file de ce genre d'étude.

    Nous avons découvert que les associations industrielles jouaient un rôle important; elles ne sont pas seulement les champions d'une industrie, elles créent des possibilités de partage informel de la connaissance—réseautage, apprentissage—qui sont une condition préalable essentielle à l'innovation.

    Nous avons également remarqué que les entreprises considèrent que le processus d'innovation est en soit une propriété intellectuelle. Ce processus ne peut être commercialisé en utilisant les transactions habituelles mais les entreprises nous disent souvent que le processus d'innovation est plus important que l'innovation elle-même. Les entreprises de haute technologie considèrent la R et D, les clients et leurs services de marketing comme des sources d'innovation importantes. Les entreprises de ressources tendent à considérer les fournisseurs, leurs services de gestion et de production comme des composantes essentielles du processus d'innovation—probablement en raison de leur volonté d'améliorer les procédés plutôt que les produits. Aucun groupe n'a jugé que la R et D externe, ou coopérative, était une source d'innovation importante.

    Dans le cadre de nos études en C.-B., nous avons observé—aspect très important—qu'il y avait plus de similitude entre les entreprises innovatrice, peu importe leur secteur d'activité, qu'entre les entreprises innovatrices et non innovatrices d'un même secteur. Il y a des entreprises de haute technologie qui sont innovatrices mais il y a aussi dans ce domaine des entreprises qui ne le sont pas. Parallèlement, les entreprises innovatrices du secteur des ressources ressemblent davantage aux entreprises innovatrices du secteur de la haute technologie que les entreprises qui ne sont pas innovatrices.

    L'OCDE a mentionné que l'étude des systèmes d'innovation nationaux permet de dégager de nouvelles justifications à l'élaboration de politiques gouvernementales en matière de technologie et, par extension, en matière d'innovation et d'industrie. Dans le passé, les politiques gouvernementales visant l'innovation traitaient principalement les déficiences du marché. Les études portant sur les systèmes d'innovation peuvent identifier les déficiences systémiques. Antérieurement, la politique canadienne pour le secteur industriel et l'innovation cherchait à mettre en évidence des champions industriels, comme le secteur de l'aérospatiale, ou les secteurs dans lesquels nous ne pensions pas posséder une capacité. La question que nous devrions nous poser est de savoir quelles sont les contraintes systémiques qui bloquent le développement de ces capacités.

    Dans une fédération comme le Canada, le système d'innovation national est la somme de plusieurs systèmes régionaux. Je dirais que, pour mieux comprendre le système d'innovation national, et par extension, notre politique nationale industrielle, il faut identifier les innovateurs et les innovations. Il faut distinguer les inventeurs, les innovateurs et les réalisateurs; il faut également positionner l'infrastructure publique qui soutient l'innovation.

¹  +-(1545)  

    On a souvent laissé entendre que le Canada n'avait pas de stratégie d'innovation. Je ne partage pas ce point de vue; cela vient tout simplement du fait que cette stratégie ne figure pas dans un document.

    Au cours de la dernière décennie, le gouvernement a mis en place un certain nombre de politiques dont la combinaison forme un ensemble cohérent. Elles comprennent notamment le soutien direct de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée préliminaire dans le secteur universitaire, la création d'organismes de subvention spécialisés et décentralisés gérés par les intervenants, comme les réseaux des centres d'excellence, la transition du soutien direct à la science et à la technologie industrielles grâce à des programmes directs ou des programmes directs du type Industrie Canada, à des méthodes indirectes, comme le programme de crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, la réorientation des dépenses de R et D dans les laboratoires gouvernementaux, dans le but de soutenir des missions gouvernementales très ciblées. Nous recrutons également activement du personnel spécialisé grâce au rapatriement d'immigrants canadiens—le programme canadien des chaires de recherche—et nous encourageons bien sûr l'immigration. Enfin, nous participons activement à des consortiums internationaux liés à des projets majeurs en S et T, notamment le programme du bras canadien de la NASA, qui est probablement une des grandes réussites technologiques multinationales à laquelle le Canada ait participé.

    J'aimerais terminer en soulignant que le tableau de l'innovation industrielle au Canada possède une caractéristique unique, à savoir un volume important de R et D industrielle financée par des sociétés étrangères. Statistique Canada a révélé qu'en 2002, sur un total de 20,7 milliards de dollars en dépenses de R et D, le financement étranger représentait 3,5 milliards de dollars, dont la plus grande partie était affectée à des laboratoires industriels. Ce montant indique que, pour les investisseurs étrangers, le Canada est un endroit rentable pour effectuer de la recherche—bien que la hausse qu'a connue le dollar canadien depuis 2002 puisse avoir réduit cet avantage concurrentiel.

    Cette activité est un secteur de services en soi. Le fait que les droits de propriété intellectuelle puissent être exportés n'empêche pas que la connaissance demeure au Canada et qu'elle peut être utilisée pour d'autres inventions et innovations. Des études sur la balance des paiements technologiques montrent qu'au cours des dernières années au moins, le Canada a atteint un équilibre quant au transfert des brevets, des licences et de la propriété intellectuelle.

    Une stratégie industrielle doit commencer par une stratégie de l'invention et de l'innovation. Certaines composantes de base sont en place. Je suis convaincu que vos travaux donneront lieu à la formulation d'une stratégie complète et harmonisée pour le Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Holbrook.

    Nous allons entendre maintenant M. Mintz.

+-

    M. Jack Mintz (président et directeur général, Institut C.D. Howe, À titre individuel): Merci. Je suis heureux d'être ici à l'Université de Toronto. Je devrais également ajouter que je suis également professeur—mon autre activité professionnelle—et un collègue de David Wolfe, que vous allez entendre dans un moment. J'aimerais commencer par faire la remarque suivante qui ne plaira peut-être pas à votre comité.

    Le Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes fait, d'après moi, fausse route avec son examen de la stratégie industrielle du Canada. Il est certes logique d'examiner comment les politiques de réglementation, de réforme fiscale et d'innovation peuvent accroître la compétitivité concurrentielle des entreprises et le niveau de vie des Canadiens, mais l'examen porte principalement sur trois industries: l'industrie pétrolière et gazière, l'industrie du textile et du vêtement et l'industrie automobile. Sans vouloir dénigrer l'importance de chacun de ces secteurs au Canada, n'y aurait-il pas lieu d'examiner d'autres industries essentielles à la croissance du Canada comme l'industrie manufacturière en général, le secteur minier, la construction, les services publics, les transports, le commerce, la foresterie et l'agriculture?

    Une fois de plus, nos politiciens sont tombés dans le piège de croire qu'ils savent mieux que le autres quels sont les secteurs qui sortiront gagnants, laissant entendre ainsi que les autres secteurs ne jouent pas un rôle important dans la croissance économique. Malheureusement, une telle approche sélective à la politique industrielle est souvent vouée à l'échec pour la raison suivante. Arnold Harberger, l'économiste américain bien connu, a démontré qu'il est difficile de prédire quelle sera l'industrie dominante pendant une décennie donnée. Depuis toujours, certaines industries ont eu un rendement exceptionnel pendant une décennie, mais un rendement tout au plus médiocre avant ou après. Pensons, par exemple, au transport qui était le secteur de pointe au cours des années 1950 et à la haute technologie pendant les années 1990.

    Fait plus important, au sein de chaque industrie à haut rendement, les résultats varient considérablement d'une entreprise à l'autre; seules quelques-unes connaissent un véritable succès tandis que la majorité ne valent pas grand-chose. Compte tenu de la difficulté de savoir quelles seront les entreprises qui réussiront, les politiques du gouvernement ciblent souvent les mauvaises sociétés, ce qui entraîne un échec de la politique industrielle. Les ressources sont affectées aux entreprises les moins productives de l'économie, ce qui compromet la croissance économique globale et la création d'emplois dans l'ensemble du marché.

    Le Canada compte plusieurs exemples de sociétés peu rentables qui ont profité des largesses du gouvernement—Aciers Algoma en Ontario, le centre de traitement de matières dangereuses de Swan Hills en Alberta, les centres de production de concombre à Terre-Neuve et Michelin en Nouvelle-Écosse. Je pourrais également ajouter la grappe du plastique au Nouveau-Brunswick. Bien sûr, il existe aussi des exemples d'entreprises subventionnées qui ont réussi, mais il reste à savoir si les profits générés par une entreprise sont plus élevés que les frais liés à la subvention.

    Quand il s'agit de cibler l'appui destiné à certaines entreprises, les politiques entraînent des coûts considérables pour trois raisons. L'aide accordée à certaines entreprises peut favoriser leur croissance au détriment de leurs concurrentes. La subvention a beaucoup moins de répercussion sur la croissance globale, étant donné que les entreprises deviennent moins concurrentielles et doivent procéder à des mises à pied.

    Les subventions ou l'allégement fiscal accordé à certaines entreprises entraînent souvent une augmentation des loyers, des salaires et d'autres coûts plutôt que de favoriser la croissance. Par exemple, le congé fiscal consenti aux tours Internet à Montréal a donné lieu à une augmentation des loyers plutôt qu'à une augmentation de la capacité de concurrence des entreprises de haute technologie qui se sont installées dans ces locaux.

    Les subventions accordées à certaines entreprises doivent être financées par l'impôt payé par les autres entreprises ou par les contribuables. En conséquence, des services efficaces, notamment dans le domaine de l'éducation et de l'infrastructure, qui favorisent la croissance économique, pourraient s'en trouver défavorisés.

    Une politique industrielle intelligente se préoccupe moins d'appuyer des grappes que de supprimer les obstacles à l'entrepreneurship et au développement des entreprises.

    Il y aurait lieu de supprimer plusieurs obstacles à la productivité du Canada. Il faudrait tout d'abord encourager les entreprises canadiennes à appuyer davantage la recherche. Même si la recherche et le développement bénéficient de généreuses mesures d'allégement fiscal et d'aide financière, l'adoption de nouvelles technologies laisse beaucoup à désirer en raison de l'investissement insuffisant des entreprises qui est bien inférieur à celui que de nombreux autres pays consacrent à la recherche.

    J'aimerais ajouter à ce sujet qu'un pays frère, l'Australie, dont l'économie est basée sur les ressources, comme le nôtre, se situe à un niveau très proche du Canada pour ce qui est de la recherche et du développement. En fait, l'Australie fait un peu moins bien que nous. Cependant, pendant les années 1990, sa productivité était au même niveau que celle des États-Unis. La principale raison de cette situation, comme un rapport de l'OCDE le signalait, est que l'Australie a un excellent taux d'adoption des nouvelles technologies, qui est largement supérieur à celui du Canada. Cette comparaison fait ressortir un aspect auquel nous devrions nous intéresser davantage.

¹  +-(1550)  

    Deuxièmement, il faudrait alléger le fardeau lié à la réglementation et encourager une concurrence accrue entre les entreprises. Il est difficile de comprendre ce que visent à protéger les restrictions relatives à la participation étrangère dans des industries comme le transport aérien et les télécommunications. Le fardeau très lourd lié à la réglementation qu'imposent divers ministères fédéraux en ce qui a trait à l'exploitation extracôtière du pétrole et du gaz naturel en est un bon exemple.

    Troisièmement, il faudrait entreprendre une réforme fiscale qui favorise la croissance en élargissant les assiettes fiscales et en réduisant les taux d'imposition. Dans un document que s'apprête à publier l'Institute for Competitiveness and Prosperity—qui, je le précise, doit l'être demain—, Duanjie Chen et moi démontrons que le fardeau fiscal des entreprises en Ontario est nettement plus lourd que celui de cinq États américains, à savoir la Californie, la Géorgie, l'Illinois, le Massachusetts et le Michigan. Une fois pris en compte les subventions fiscales touchant la recherche, l'infrastructure, la santé et l'éducation, les taxes et l'impôt (sur le revenu, les ventes, les salaires et le capital), on constate que les politiques des gouvernements fédéral et provincial augmentent le coût des biens vendus en Ontario de près de 30 p. 100, contre 15 p. 100 aux États-Unis.

    La plupart des industries canadiennes sont fiscalement désavantagées non seulement par rapport aux États-Unis, mais aussi par rapport à beaucoup d'autres pays comme l'Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande et la Suède. Le problème ne touche pas seulement quelques secteurs isolés, favorisés par les politiques du gouvernement.

    L'approche intelligente à l'égard de la politique industrielle consiste à améliorer nos politiques de réglementation et les politiques microéconomiques afin de rendre plus efficace l'économie canadienne dans son ensemble. Il ne faudrait pas réserver l'aide à certains secteurs mais plutôt tenter de réformer les politiques qui pourraient favoriser un plus grand nombre d'industries.

    Je vous remercie.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Mintz.

    Maintenant, monsieur Wolfe, nous vous invitons à partager votre réflexion avec nous.

+-

    M. David Wolfe (sciences politiques à l’Université de Toronto et coordonnateur national du Réseau national sur les systèmes régionaux d’innovation (RNSI), À titre individuel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais également vous remercier de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous cet après-midi.

    J'ai distribué une série de diapositives qui, je crois, ont été traduites. Je ne vais pas les examiner toutes en détail mais plutôt aborder un certain nombre de grands sujets.

    Comme l'a dit Adam Holbrook, nous faisons partie d'un vaste réseau national de chercheurs qui étudient l'innovation au Canada depuis 1998, avec l'appui d'un des organismes subventionnaires fédéral, le Conseil des recherches en sciences humaines, et celui d'un certain nombre d'organismes fédéraux et provinciaux.

    J'aimerais examiner rapidement avec vous les différences constatées au Canada entre ce que nous avons appelé la stratégie ou la politique industrielle et le passage, en particulier à partir du milieu et de la fin des années 80, à une politique d'innovation et au genre de répercussions que cette politique a eues d'après notre recherche, ce qui peut intéresser les travaux du comité.

    Je vais commencer par donner une définition très brève de ce qu'est une politique industrielle, à savoir tout programme public qui touche directement l'activité économique d'une industrie, d'une société ou d'une usine ou, deuxièmement, les politiques conçues pour modifier les structures, les comportements ou le rendement des agents économiques.

    Les études portant sur les politiques industrielles ont tendance à répartir ces dernières en trois groupes: les politiques innovatrices, conçues pour promouvoir la croissance et le développement en encourageant la promotion des technologies nouvelles au niveau des produits et des procédés, les politiques défensives qui tentent de protéger des entreprises, des secteurs ou des régions contre des changements économiques non désirés et les politiques adaptatives qui tentent de faciliter l'adaptation par la réaffectation vers les secteurs porteurs du capital et des ressources humaines des secteurs en déclin.

    Historiquement, la politique industrielle du Canada, en particulier celle qui était en vigueur au cours des années 1970 et 1980, qui s'est reflétée dans un certain nombre d'exemples mentionnés par M. Mintz, était principalement composée de politiques défensives et adaptatives. Dès le milieu des années 1980, le consensus parmi les chercheurs était que ce genre de politique avait donné des résultats peu satisfaisants dans des industries comme le textile, la construction navale, l'exploitation forestière et d'autres secteurs où l'intervention du gouvernement n'avait pas eu les effets désirés.

    Le débat sur la politique industrielle a connu, sur certains points, un temps d'arrêt avec la commission Macdonald vers le milieu des années 1980. Dans son rapport, la commission a très justement proposé de mettre fin à l'utilisation accrue de politiques industrielles, et expliquait que, dans une petite économie ouverte comme celle du Canada, la politique industrielle et la politique commerciale se confondaient.

    La commission n'a toutefois pas tenu compte des conclusions d'un de ses propres chercheurs, qui soutenait que, dans une petite économie ouverte comme celle du Canada, où les économies d'échelle sont beaucoup plus faibles que celles dont bénéficient certains de nos principaux partenaires commerciaux, il faut également envisager sérieusement d'adopter des politiques destinées à appuyer l'innovation. Limitées à leurs propres moyens, les entreprises ne possèdent bien souvent pas la motivation ou les ressources pour investir suffisamment dans l'innovation et, si l'on veut favoriser et promouvoir la libéralisation des échanges commerciaux, il faut des politiques appuyant la recherche et l'innovation de façon à compenser la faiblesse structurelle de l'économie canadienne.

    Parallèlement, vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, quelques provinces ont commencé à revoir en profondeur leur propre stratégie industrielle. Il y a eu en Ontario plusieurs rapports du conseil du premier ministre à la fin des années 1980 et au début des années 1990, cette province a adopté un cadre pour la politique industrielle de l'Ontario.

    Pendant cette période, sous la direction de M. Tremblay, ministre de l'Industrie, le Québec a élaboré l'Atlas industriel du Québec, qui regroupait l'ensemble de l'économie québécoise en 12 grappes industrielles, selon les méthodes de recherche de Michael Porter.

    Au cours de cette même période, des analystes des politiques aux États-Unis, qui s'intéressaient particulièrement au développement économique au niveau des États, ont isolé un certain nombre d'étapes par lesquelles ces politiques étaient passées: passage de la chasse aux usines, à savoir les politiques axées sur le souci d'attirer des entreprises industrielles dans certains États, à une deuxième étape axée sur le renforcement de l'infrastructure de recherche dans certains États et, à une troisième étape, précisée à partir des années 1990, qui s'intéressait aux questions liées à l'intégration de ces politiques. On pensait qu'il était insuffisant d'axer l'action du gouvernement sur une question ou sur un problème particulier de politique industrielle. L'essentiel était d'harmoniser et d'intégrer la mise en oeuvre de ces politiques.

    Ce genre de réflexion a amené un certain nombre de chercheurs à adopter et à utiliser ce que l'on appelle l'approche systémique à l'innovation. Elle insiste sur l'interaction entre les composantes ou les institutions clés de l'économie nationale ou régionale, qui contribuent ensemble au processus d'innovation. L'accent est mis ici sur l'efficacité de l'interaction des différentes composantes du système d'innovation. Je vous ai remis un diagramme du système national d'innovation tiré d'une publication de l'OCDE, que je ne vais même pas commencer à aborder avec vous mais je serais heureux de répondre à vos questions à ce sujet.

º  +-(1600)  

    Autre aspect, un certain nombre de chercheurs au niveau régional, qui travaillent avec la perspective dont parlait M. Holbrook, ont commencé à souligner l'importance du niveau régional pour l'innovation. Ils avaient en effet constaté que, de plus en plus, l'innovation doit être ancrée dans un milieu; si la recherche s'effectue de plus en plus au niveau mondial, le genre de flux de connaissance qui contribue à l'innovation existe dans un contexte social, politique et institutionnel qui reflète une région particulière. En outre, la proximité géographique facilite la communication de la connaissance et renforce la capacité d'apprentissage localisé, un aspect essentiel de l'innovation. Enfin, ce genre d'apprentissage localisé est souvent facilité par la présence d'un ensemble commun d'institutions régionales, comme les associations commerciales régionales ou locales, les associations industrielles, ou encore un marché du travail et des institutions de formation.

    Comme Adam l'a mentionné, nous avons étudié le rôle et la nature des grappes industrielles au Canada. Nous avons étudié au total 26 grappes au Canada, et avons appris un certain nombre de choses sur la façon dont elles fonctionnent, et quels en sont les avantages et les désavantages.

    Je vais vous décrire brièvement certaines études qui ont porté sur des industries traditionnelles: l'acier, l'automobile, l'aérospatiale, et en particulier, les fournitures et les services dans le secteur minier. Nos chercheurs ont constaté un certain nombre de choses, notamment un certain dégroupage des services des entreprises. Une bonne partie des fonctions de coordination et de conception qui étaient traditionnellement exercées au sein de chaque entreprise de ces secteurs industriels en pleine maturité sont maintenant décentralisées et la conception de la recherche et de l'élaboration de nouveaux produits est aujourd'hui attribuée à des fournisseurs clés—dans l'industrie automobile, on parle souvent d'entreprises de premier niveau—à qui l'ont confie davantage de responsabilités. On observe le même genre de processus dans l'industrie aérospatiale.

    Il y a un élément qui est essentiel pour ces industries, qui ancre ces entreprises dans un lieu géographique donné, c'est la présence de talents et de capacités dont elles ont besoin pour effectuer les tâches de conception et de production. Ce qui différencie les entreprises canadiennes et qui rend leurs produits concurrentiels sur les marchés de plus en plus mondialisés—en particulier dans l'automobile et l'aérospatiale—c'est la qualité du marché du travail canadien. Traditionnellement, le dynamisme de notre marché du travail nous a donné un avantage compétitif dans ces industries, mais cela est en train de changer. Les dirigeants des principales entreprises ont compris l'importance nouvelle de la recherche et du développement pour conserver leur personnel et justifier d'autres investissements dans ces industries. Je serais heureux de vous donner des précisions là-dessus.

    Enfin, si me demandiez quelles sont les répercussions de tout cela pour une politique, j'en mentionnerais trois en particulier. Un système d'innovation combiné à une méthode axée sur les grappes privilégie naturellement le réseautage au sein du système—non pas une politique particulière visant une entreprise ou une industrie particulière mais un système qui s'attache à la façon dont les politiques facilitent et renforcent le réseautage entre entreprises.

    De ce point de vue, si nous regardons les subventions industrielles—si nous regardons un programme comme Partenariat technologique Canada—et si nous nous demandons quels sont les aspects d'un programme comme celui-là qui seraient importants dans une perspective d'élaboration d'un système d'innovation, je dirais que le principal élément ne devrait pas être l'avantage conféré à la firme particulière qui reçoit une subvention dans le cadre de ce programme mais plutôt la façon dont cette subvention peut servir à multiplier les activités le long de la chaîne d'approvisionnement dans une industrie particulière ou à favoriser la croissance de l'activité économique dans un réseau d'entreprises faisant partie d'une grappe précise ou d'une région géographique donnée.

    Le dernier point que j'aimerais souligner est l'importance d'harmoniser les politiques et les programmes. Si on examine en détail, comme l'ont fait certains de nos chercheurs, la façon dont fonctionne l'ensemble des programmes et des politiques fédéraux, concrètement, dans des collectivités et dans des régions particulières du pays, on constate, comme Adam l'a dit, que le gouvernement met en oeuvre une stratégie d'innovation et de développement économique très complète.

º  +-(1605)  

    Cette stratégie comporte par contre une lacune, à savoir que les programmes et les organismes gouvernementaux n'harmonisent pas suffisamment leur action, tout comme les gouvernements fédéral, provinciaux et locaux. Si vous me demandiez comment obtenir de la valeur ajoutée en matière de politique et de stratégie d'innovation au Canada, je vous dirais qu'il faudrait harmoniser davantage les différents politiques et programmes qui sont mis en oeuvre actuellement au Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Wolfe, et merci à tous.

    Nous allons maintenant passer à la partie de la séance consacrée aux questions et réponses. Nous allons commencer par John Duncan.

    John, à moins que votre question ne s'adresse à tous les témoins, veuillez indiquer à qui vous posez votre question.

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC): Eh bien, je vais adresser ma question à Jack Mintz. Je vous ai choisi parce que c'est vous qui avez été le plus critique et le plus direct au sujet de la voie dans laquelle le comité semble, d'après vous, s'engager. Nous sommes au début du processus. Je ne sais pas quel est le mandat que l'on vous a remis aujourd'hui, parce que ce n'est pas moi qui l'ai préparé, mais il y a quatre ou cinq partis assis autour de la table, et il y a toujours un peu de négociation et de compromis.

    Cette étude est axée, de mon point de vue et, je crois, du point de vue du comité, sur la mise en place d'un cadre réglementaire intelligent—l'annonce faite le 23 septembre du rapport du Conseil privé qui se donnait pour objectif de supprimer en 15 mois l'obstacle que constitue la lourdeur du cadre réglementaire canadien—de l'administration au niveau politique, dans l'intérêt du Canada. J'ai rencontré plus de 50 associations industrielles, et elles m'ont toutes fait savoir que si le comité se penchait sur la réglementation intelligente, ce serait utile pour tout le monde. Par exemple, si nous décidons d'examiner le secteur de l'énergie, nous constaterons que tout le monde produit, transporte ou consomme de l'énergie.

    Le deuxième aspect qui est au centre de cet examen porte sur les projets à long terme du Canada dans le domaine de l'énergie—énergies renouvelables, non renouvelables, conventionnelles et non conventionnelles. Toute notre industrie, tout notre appareil économique en dépend; nous avons des engagements aux termes de l'ALENA; nous avons un lourd fardeau réglementaire, comme vous l'avez mentionné vous-même, pour ce qui est des activités extracôtières. Le projet de la vallée du Mackenzie, un projet très important pour le Canada, est complètement bloqué.

    Ce sont là les deux principaux axes de cette étude pour le Parti conservateur.

    Je crois que l'aspect communication a peut-être eu quelques ratés. Je vais en conclure que je devrais communiquer à nouveau avec les associations industrielles.

    Vous avez indiqué que nous ne devrions pas mettre de côté le secteur des transports, de la forêt et d'autres. En fait, ces secteurs figurent sur la liste des témoins que nous avons invités à comparaître devant le comité. Nous avons dû modifier quelque peu le cadre de notre étude, mais ils savent qu'ils doivent adapter leurs objectifs pour qu'ils puissent s'harmoniser avec notre mandat, qui est plus vaste.

    Voilà la direction dans laquelle nous nous sommes engagés. Je ne pense pas que le comité va recommander la mise sur pied d'un régime de subventions ou quelque chose du genre. Nous essayons surtout d'améliorer le climat de façon à alléger le fardeau de l'industrie, et nous ne demandons pas au gouvernement de renforcer ses interventions.

    Ai-je une question à poser à partir de tout cela? C'est le message que je voulais transmettre. Évidemment, il s'adresse à un public plus large.

    Je suis content que vous ayez parlé du fardeau réglementaire ainsi que du fardeau fiscal dans votre document. Par contre, la réglementation intelligente est un des aspects importants au sujet duquel nous aimerions avoir des commentaires.

º  +-(1610)  

    Si vous étudiez l'initiative relative à la réglementation intelligente, vous constaterez que le groupe qui a préparé ce rapport—je crois que c'est un document de 150 pages environ—a été obligé d'utiliser des cas précis pour pouvoir faire son travail. En un sens, c'est ce que nous essayons de faire ici; nous n'essayons pas de deviner qui seront les perdants et les gagnants, mais tout simplement de préciser le mandat de notre étude.

+-

    Le président: Pour revenir sur vos commentaires d'il y a un instant, je dirais que nous sommes tous dans une phase d'apprentissage.

+-

    M. John Duncan: Exactement. Nous en sommes au début.

+-

    Le président: Nous avons demandé à un comité de dessiner un chameau et c'est ce que nous avons, les quatre bosses et les six jambes, ou à peu près.

+-

    M. John Duncan: Oui.

    J'aimerais avoir vos commentaires, si cela vous convient.

+-

    Le président: Exactement. Peut-être un autre commentaire, et d'autres plus tard, au sujet de notre mandat; nous voulons avoir un mandat qui se tienne. C'était notre premier effort et je dirais un bon effort, étant donné que nous venons tous d'horizons très différents.

    Si vous, monsieur Mintz, avez d'autres commentaires à faire concernant la critique positive que vous avez faite de notre mandat, nous en serions heureux.

+-

    M. Jack Mintz: Merci beaucoup.

    Le document que j'avais était intitulé, je crois, étude sur la stratégie industrielle, et je vais simplement vous en citer une ligne. C'est le passage qui m'a préoccupé, et que je visais avec mes commentaires:

L'étude sera axée sur les secteurs de l'énergie, de la fabrication et des services, en particulier l'industrie du pétrole et du gaz, les industries du vêtement et du textile, et le sous-secteur de l'automobile...

    C'est ce passage en particulier qui m'a inquiété parce que je pensais que l'on estimait que certains secteurs étaient plus importants que les autres. Je suis très heureux d'entendre que vous avez adopté une approche générale à la stratégie industrielle; je reconnais que c'est la chose à faire.

    Permettez-moi de prendre le domaine de la fiscalité, qui est ma spécialité, pour aborder cette question. Nous avons progressivement élaboré un régime fiscal, une structure de l'impôt sur les entreprises, qui était gravement discriminatoire à l'endroit du secteur des services par rapport au secteur de la fabrication et des ressources. En 1998, lorsque le Rapport du Comité technique de la fiscalité des entreprises est paru, un comité que j'ai présidé, dans lequel nous demandions l'uniformisation des règles appliquées au secteur des services et aux autres secteurs de l'économie, cela a débouché sur une modification structurelle de l'impôt sur le revenu des sociétés. Je félicite le gouvernement de l'avoir fait, d'avoir supprimé certaines inégalités sur le plan de l'impôt des sociétés, en particulier à l'égard des services, de la fabrication et du revenu provenant de ressources.

    Il y a encore beaucoup à faire. En fait, le rapport mentionnait un certain nombre de domaines à améliorer. Qu'il s'agisse des droits environnementaux, de recherche et développement, du traitement accordé aux petites entreprises, il y a encore un certain nombre de choses que l'on peut faire sur le plan fiscal pour améliorer notre régime si nous décidions de le modifier. Un de mes sujets favoris est le régime d'assurance-chômage, ou ce que nous appelons au Canada de façon positive l'assurance-emploi.

    Le point de vue que j'ai déjà exprimé—et il figure également dans le rapport, qui a été accepté par tous les membres du comité—était qu'il fallait introduire la notion de taux particulier dans l'assurance-chômage pour encourager les entreprises à conserver leurs travailleurs. En fait, le système d'assurance-chômage actuel pénalise les entreprises qui conservent leurs travailleurs, parce qu'en fin de compte ces entreprises paient les mêmes cotisations que celles qui congédient souvent leurs travailleurs. Nous avions donc proposé la mise en place de taux particuliers, ce qui existe dans d'autres pays, de façon à améliorer le fonctionnement du régime d'assurance-emploi. Il existe des données qui montrent que nous pourrions réduire le taux de chômage et mieux utiliser notre main-d'oeuvre de cette façon.

    Il y a donc toutes sortes de réformes possibles. Je ne les ai pas toutes étudiées en détail, mais je vous invite à examiner ces différentes choses. Revenons à mon exemple de l'Australie. L'Australie a réussi à grandement améliorer son efficacité au cours des années 1980 et 1990, en modifiant la façon dont elle élaborait ses politiques. En particulier, elle a entrepris un certain nombre de projets de réforme du marché du travail pour assouplir ses marchés. Ce pays a également entrepris des réformes fiscales, il a notamment introduit une taxe sur la valeur ajoutée pour remplacer l'ancienne taxe sur le commerce en gros, mais il a également réduit les taux d'impôt sur le revenu. Il a également profondément modifié ses politiques commerciales. L'Australie a en fait pris toute une série de mesures qui en ont fait un pays qui a obtenu de bons résultats dans les années 1990. On pourrait dire que la plupart de ces politiques reflétaient une stratégie industrielle visant à faciliter le développement des entreprises dans ce pays.

º  +-(1615)  

+-

    Le président: Monsieur Holbrook ou monsieur Wolfe, avez-vous des commentaires à faire sur au moins la formulation initiale de notre mandat, avant de passer à Marc?

+-

    M. David Wolfe: Là encore, je ne sais pas si Adam souhaite intervenir, alors je vais me décider.

+-

    Le président: Désolé.

    Nous allons donner la parole à M. Wolfe, et ensuite à M. Holbrook.

+-

    M. David Wolfe: Les étiquettes ont des sens très particuliers et je crois que le comité devrait être prudent. Bien évidemment, lorsque certains d'entre nous examinons l'expression «stratégie industrielle», nous en tirons certaines conclusions, notamment le fait que cela englobe beaucoup plus que la réglementation intelligente. Il faut donc préciser clairement sur quoi doit porter votre étude et quelles sont, d'après vous, les variables essentielles en matière de politique qui sont en jeu ici.

    J'aimerais souligner une chose au sujet du mandat; c'est que le gouvernement du Canada a déjà adopté toute une série de politiques et de programmes qui touchent d'une façon générale l'innovation et le développement économique. Cela comprend les règlements et le genre de politiques fiscales dont parlait M. Mintz; mais cela comprend également les politiques en matière de recherche et de développement auxquelles M. Holbrook a fait référence, entre autres. Il y a aussi le financement accordé aux organismes de développement régional et les programmes destinés aux entreprises, comme le PTC, et divers autres.

    Ce qui me gêne, c'est que chacun de ces programmes a été mis en place dans un but précis—bien souvent, un but souhaitable ou louable. Mais je n'ai pas le sentiment que ces programmes sont mis en oeuvre de façon cohérente, de façon à maximiser les avantages économiques qui en découlent. Il est rare qu'on se demande si notre pays—y compris les deux principaux paliers de gouvernement, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux—pourrait obtenir davantage de retombées économiques en améliorant l'harmonisation et la coordination de ses politiques et de ses programmes—dans le domaine réglementaire, fiscal, dans la recherche et les subventions. C'est le point central que je vous invite à examiner.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Très bien.

    Je pense que M. Holbrook veut intervenir sur la question du mandat.

+-

    M. Adam Holbrook: Oui. J'aimerais poursuivre sur ce que disait David au sujet de la nécessité d'élaborer une politique cohérente ou une politique globale. J'ai mentionné dans mes notes les cas où notre politique en matière de R et D avait été cohérente, mais je crois que cela s'est produit plutôt par hasard que de façon délibérée.

    Il est tout à fait vrai que nous avons besoin d'avoir une vue d'ensemble des différents éléments de la politique industrielle du Canada. Je vais vous donner un exemple. Vous utilisez l'expression «réglementation intelligente». J'ajouterais un sous-ensemble de cette catégorie, la question de l'élaboration de normes.

    Dans le monde de la science et de la technologie, les pays qui s'occupent activement de fixer des normes pour les nouvelles technologies se procurent ainsi bien souvent un avantage compétitif. Par exemple, nous pourrions probablement jouer un rôle plus important si nous adoptions un rôle plus actif—dans certains cas, nous faisons déjà beaucoup de choses—dans l'élaboration de normes internationales, qu'il s'agisse de téléphones portables sans fil ou d'autres types d'appareils mécaniques et électriques. Cela me paraît une des choses qu'il conviendrait d'examiner.

    L'autre aspect, sans vouloir trop insister sur la question des régions, est la nécessité d'adopter une approche intégrée aux infrastructures du gouvernement. En Colombie-Britannique, il y a quelques bureaux de développement économique de l'Ouest, il y a les bureaux d'Industrie Canada, il y a les bureaux du PARI du CNRC. Au niveau individuel, les fonctionnaires travaillent très bien ensemble. En fait, je dois les en féliciter. Dans les diverses régions de la Colombie-Britannique, ces fonctionnaires collaborent très bien entre eux, compte tenu des ressources limitées dont ils disposent. Par contre, au niveau supérieur, il n'y a pas beaucoup de coordination; il est rare qu'on s'assure que les services qu'ils offrent forment un ensemble efficace. C'est pourquoi j'estime que le comité devrait au moins essayer d'examiner l'aspect général de la politique industrielle, peut-être en renonçant à examiner certains secteurs particuliers.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Bienvenue au comité, monsieur Boulianne. Allez-vous prendre la parole?

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue aux trois témoins. Ma question s'adresse au professeur Holbrook.

    Évidemment, on a compris--c'est très clair dans votre texte--que l'innovation se réalise autour de grappes industrielles. À mon avis, c'est essentiel.

    Lorsque vous parliez de régions, on a compris aussi que vous parliez de l'Ouest. Qu'en est-il des petites régions des régions?

    On a compris enfin qu'il y a des conditions nécessaires à la formation de grappes industrielles: un centre universitaire, une entreprise d'envergure, du capital humain. Ce sont là des gages de réussite.

    Toutefois, dans une ville comme la mienne, Thetford Mines, où il y a un centre de recherche extrêmement important en oléochimie, on a beaucoup de difficulté à faire face à l'innovation. C'est dû à un manque de subventions ainsi qu'à l'absence de plusieurs conditions. Croyez-vous qu'il puisse y avoir des chances de succès dans des petites municipalités qui ne répondent pas aux conditions?

    On nous recommande, depuis quelques années, de déménager le centre de recherche dans une grande ville où seraient réunies toutes ces conditions. Quelles seraient, selon vous, les améliorations ou les conditions qu'on pourrait apporter pour avoir un gage de succès dans des régions éloignées comme la nôtre, où il y a de l'innovation à faire?

[Traduction]

+-

    M. Adam Holbrook: Merci.

    Dans certaines conditions bien précises, il est tout à fait possible que de petites régions—quelle que soit la façon dont on définit ce qu'est une région—soient des réussites. Là encore, je vais prendre un exemple que je connais bien, celui de la partie centrale de la vallée de l'Okanagan, qui comprend la ville de Kelowna et la région environnante où on a réussi à créer une grappe et demie. La première grappe, la plus évidente bien sûr, est celle de l'industrie du vin. C'est un bon exemple d'un cas où une initiative du gouvernement fédéral, lancée par le bureau d'Agriculture et Agroalimentaire Canada de Summerland, a démarré la création d'une industrie du vin.

    Bien sûr, vous pouvez me dire que ce n'est pas de la haute technologie. En fait, c'est tout à fait le cas. Deuxièmement, c'est une grappe étroitement intégrée parce que de nos jours, elle ne comprend pas seulement la production du vin mais également les activités touristiques connexes. Il est donc possible de dire que, dans ce contexte particulier, on a réussi à développer une grappe industrielle.

    Il y a également une variation intéressante en matière d'élaboration de grappes dans ce domaine, c'est le lancement—et je ne peux pas dire que cela constitue à l'heure actuelle déjà une grappe complète—d'une petite industrie de services de logiciel. Cela s'explique uniquement par le fait que la vallée de l'Okanagan est un endroit où les gens aiment vivre. C'est l'aspect capital humain qui a joué un rôle essentiel.

    La grande question pour les petites régions est donc de savoir si ce sont des endroits où les gens veulent vivre. Tout le monde ne veut pas vivre dans une grande ville. Tout le monde ne veut pas vivre dans la vallée de l'Okanagan, mais il y a des gens qui veulent le faire.

    Dans le cas de Kelowna, la participation active, au niveau municipal, de la Central Okanagan Economic Development Commission, qui a beaucoup fait pour agrandir et mettre à niveau les installations de l'aéroport de cette ville, a joué un rôle essentiel dans le démarrage de cette industrie du logiciel. Certains fonctionnaires de l'aéroport nous ont dit qu'il était plus rapide de se rendre dans l'édifice des départs internationaux de l'aéroport de Vancouver à partir de Kelowna que d'y aller à partir de Vancouver-Nord, à cause de la circulation, de la sécurité et du reste. Une entreprise d'envergure mondiale pourrait donc tout aussi bien s'établir dans une ville comme Kelowna qu'à Vancouver-Nord.

    Je suis sûr qu'on pourrait retrouver des situations comparables ailleurs au Canada. Cela n'est pas particulier à cette région, c'est pourquoi je pense que, dans des circonstances très particulières, il est possible de le faire, mais il faut que les conditions s'y prêtent. Les industries doivent pouvoir utiliser ce que la région est capable de leur offrir. Je ne veux pas vous présenter un contre-exemple mais, bien évidemment, l'industrie du vin s'intègre très bien au profil économique, agricole et géographique de l'Okanagan. Il ne faudrait pas essayer de faire pousser de la vigne à Yellowknife, par exemple.

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Mintz ou M. Wolfe veulent-ils faire des commentaires sur la question de M. Boulianne? Non. Très bien.

+-

    M. Marc Boulianne: Merci.

+-

    Le président: C'est bon. Merci.

    Denis Coderre, allez-y.

+-

    L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Bonjour.

    Tout d'abord, monsieur Mintz, je crois que nous sommes capables de faire deux choses à la fois. Il est de bonne guerre, en particulier sur la Colline, de s'en prendre aux politiciens. Franchement, je vous dirais que le rôle du comité de l'industrie est, premièrement, d'examiner l'environnement et, deuxièmement, de se concentrer sur certaines industries, tout en trouvant les moyens de nous adapter à une nouvelle réalité. Je vous pardonne donc pour le moment. Je sais qu'à la fin, vous vous êtes un peu amélioré, alors je vais en rester là.

    Ma question s'adresse à nos trois amis ici. Nous parlons beaucoup d'innovation, nous parlons beaucoup de productivité, nous parlons beaucoup d'environnement. La difficulté est ici de... Bien sûr, lorsque nous avons parlé de réglementation intelligente et d'élaboration de normes, ou de l'intégration de tous les intéressés... Franchement, il s'agit de savoir s'il est possible de nous adapter à de nouvelles réalités tout en demeurant Canadien.

    Bien sûr, nous sommes obligés de nous adapter à certaines normes internationales pour progresser. Parallèlement, nous sommes en train de constater—et j'ai été particulièrement heureux d'entendre M. Wolfe parler de l'élément social... On ne peut pas parler de mondialisation et d'innovation sans parler également de l'environnement de nos travailleurs et de leurs conditions de travail. Pensez-vous que puisque nous avons abandonné en partie le capitalisme sauvage, les gens vont avoir une conscience sociale plus aiguisée? Lorsque nous parlons d'investissement ou de nous adapter à de nouvelles réalités, il n'est plus possible de laisser de côté l'aspect social. Nous ne pourrons pas uniquement parler de grappes, nous devrions également parler des gens qui y travaillent. Comment adopter une approche équilibrée entre la volonté de demeurer Canadien et celle de développer les domaines où nous sommes compétitifs tout en essayant de protéger nos acquis?

    Nous avons beaucoup parlé des industries en pleine maturité; cela est tout un sujet. Nous savons que la mondialisation, en particulier dans l'industrie du textile, a obligé beaucoup de gens à s'adapter, ce qui n'est pas toujours facile, en particulier dans certaines régions. Notre ami, Marc Boulianne, a également parlé des petites collectivités.

    Ce sont là les différents sujets dont j'aimerais parler. Il y a peut-être une question générale, comment arriver à concilier la nécessité de nous adapter à de nouvelles réalités, tout en essayant de prendre des initiatives et aménager un environnement qui nous convienne? De la même façon, comment pouvons-nous protéger nos acquis sans être protectionnistes dans les secteurs que nous devrions protéger—parce que des milliers d'emplois en dépendent?

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Qui veut commencer?

    Monsieur Wolfe.

+-

    M. David Wolfe: Je vais commencer.

    Le député a soulevé plusieurs questions tout à fait essentielles. Pour commencer, comment aider les industries qui subissent des pressions? Ces industries doivent essayer de se différencier sur les marchés mondiaux. C'est la leçon que l'on peut tirer de ce qui est arrivé depuis une vingtaine d'années au Canada dans divers secteurs industriels qui étaient relativement protégés. Certains d'entre eux ont relevé le défi et ont très bien fait; d'autres n'ont pas réussi. L'industrie du textile subit des pressions depuis la fin des années 1970 et elle est toujours en difficulté.

    L'industrie du meuble a une histoire très différente. Au début des années 1990, il y avait pas mal de gens en Ontario, notamment dans l'industrie, au gouvernement et ailleurs, qui pensaient que l'industrie du meuble en Ontario allait disparaître. Ce secteur faisait face à une vive concurrence après l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange: le coût des matières premières était plus élevé que dans les États américains du Sud, tout comme le coût de la main-d'oeuvre. Eh bien, si vous regardez la situation de l'industrie du meuble aujourd'hui, vous constaterez qu'elle est très bonne, et en tout cas, bien meilleure aujourd'hui que la plupart des experts le prédisaient en 1991-1992. Ce résultat a été obtenu en améliorant la conception des produits. Les entreprises ont réussi à trouver des créneaux où elles étaient excellentes. Elles y sont également parvenues en améliorant les processus de production.

    C'est la dynamique concurrentielle du capitalisme. Ce n'est pas un système particulièrement joli, mais ce système permet d'obtenir ce que nous voulons tous, à savoir l'amélioration du niveau de vie. La façon d'y parvenir est de faire quelque chose mieux que les autres. C'est fondamentalement de l'innovation. L'industrie du meuble en Ontario a innové, elle s'est améliorée et elle a survécu. C'est la raison pour laquelle l'innovation est une question aussi importante.

    Pour ce qui est de l'aspect social, lorsque l'on parle de grappes et d'innovation, il y a beaucoup de gens qui pensent que cela est peut-être très bon pour les entreprises, les économistes et les industrialistes, mais qui se demandent si c'est également bon pour les gens. C'est une question que l'on pose souvent.

    Pour moi, la réponse est très simple. L'élément essentiel de l'innovation—et cela peut également se faire avec des grappes—, l'élément clé est le capital humain. Les entreprises veulent s'implanter dans les endroits où elles vont trouver des gens instruits, formés et compétents. Dans le monde où nous vivons, où les facteurs de production et le capital sont de plus en plus mobiles, ce qui nous différencie, c'est la qualité des travailleurs, la qualité de notre main-d'oeuvre.

    Lorsqu'on étudie la grappe aérospatiale de Montréal, que trouvons-nous? Nous constatons que cela n'est pas vraiment une grappe. Il n'y a pas beaucoup de liens entre les entreprises, comme le voudraient les théories traditionnelles. Il est évident qu'il n'y a pas de clients dans la région, un élément qui, selon la théorie des grappes, est un élément essentiel. Qu'est-ce qui a donc permis d'ancrer ce groupe d'entreprises dans la région de Montréal? C'est un marché du travail très riche en possibilités avec une main-d'oeuvre très spécialisée, très talentueuse et qui a beaucoup d'expérience.

    Je crois que je renforce une des remarques qu'a faite Adam il y a quelques minutes. Si vous me demandiez comment aider les collectivités marginales à améliorer leur situation économique et comment intégrer l'aspect économique et l'aspect social, je dirais que c'est en améliorant la qualité de la main-d'oeuvre, en insistant sur le rôle de formation des établissements d'enseignement.

    Nous avons un excellent système d'établissements d'enseignement postsecondaire au Canada, aussi bien les universités que les collèges, et d'autres établissements spécialisés. C'est là un aspect clé. Ces établissements sont la clé de notre avenir économique, mais il faut nous assurer qu'ils sont bien intégrés aux bases économiques des régions où ils se trouvent. Existe-t-il des liens étroits entre ces établissements et les collectivités où ils sont situés, avec les entreprises et les industries qu'ils doivent aider à se développer?

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Vouliez-vous répondre à la question de Denis?

+-

    M. Jack Mintz: Pourrais-je ajouter quelques éléments, monsieur le président?

    Je pense qu'effectivement les points que vous avez soulevés sont importants, mais j'aimerais vous donner un point de vue légèrement différent de celui de mon collègue, David Wolfe.

    Premièrement, j'ai une grande confiance dans les Canadiens. Cela fait des siècles que les Canadiens font du commerce international et nous avons prouvé que nous pouvions commercer dans le monde entier. En fait, il y a un autre pays qui a toujours très bien réussi dans le commerce international, ce sont les Pays-Bas. Si vous regardez ce que nous avons fait avec l'ALENA et l'Accord de libre échange avec les États-Unis, vous constaterez que nous avons obtenu d'excellents résultats avec des deux ententes. Les exportations ont augmenté de façon considérable; il y a beaucoup d'industries qui ont obtenu d'excellents résultats dans ce contexte. En fait, il y a des industries qui devaient connaître de grosses difficultés, d'après ce que nous pensions, qui ont finalement très bien fait, comme l'industrie du vin, ce qui a été signalé. Je pensais que l'industrie du vin disparaîtrait, mais le vin canadien s'est très bien défendu.

    Cela montre qu'il y a des éléments qui ressortent. Premièrement, la concurrence est un facteur très important. Il faut être prudent lorsqu'on parle de mieux intégrer nos systèmes... Je pense que les gouvernements doivent effectivement avoir des systèmes plus intégrés. Je ne voudrais pas perdre l'aspect concurrentiel des marchés, parce que cela oblige les gens à mieux faire et à essayer d'innover, et nous ne voudrions pas perdre cette motivation.

    L'autre aspect essentiel que vous avez soulevé touche les normes environnementales et les normes de travail. Est-ce que ces normes compromettent notre compétitivité et peuvent donc avoir un effet négatif sur une industrie? Premièrement, il y a des études qui montrent que les pays peuvent adopter les normes qui leur conviennent, sans nécessairement compromettre leur compétitivité. L'adoption de certaines normes peut obliger les industries à assumer des coûts supplémentaires mais, tant que nous adoptons des politiques pour veiller à ce que les entreprises aient accès aux capitaux dont elles ont besoin, pour qu'elles puissent se développer et adopter de nouvelles technologies, ce qui est très important, alors on peut vraiment obtenir d'excellents résultats. En fin de compte, les normes ne constituent pas nécessairement un obstacle, pourvu que nous ayons les politiques dont nous avons besoin pour être sûrs que nos entreprises ont les moyens d'investir et d'adopter les technologies dont elles ont besoin.

    C'est la raison pour laquelle j'insiste souvent sur la nécessité d'examiner l'effet de nos politiques fiscales et réglementaires sur les investissements. J'estime qu'il est beaucoup plus important pour nous au Canada de réfléchir à la façon d'adopter les nouvelles technologies que simplement d'essayer de trouver des idées nouvelles, ce que nous avons essayé de favoriser avec de bonnes politiques ces dernières années.

    Enfin, j'aime toujours rappeler aux gens que la croissance économique permet seule d'adopter des politiques sociales. En l'absence de croissance économique, il est évident que nos programmes sociaux vont souffrir. Je l'ai déjà constaté. J'aime toujours rappeler à mes collègues que j'ai beaucoup travaillé pour la Banque mondiale et le FMI et que je n'ai jamais vu un pays pauvre posséder un système de santé ou d'éducation de première classe. Seuls les pays riches peuvent se le permettre.

    Une autre brève remarque au sujet du développement régional. La Banque mondiale a publié l'année dernière une étude qui montre que le dossier des programmes de développement régional n'est pas très positif. Ces programmes n'ont pas donné de très bons résultats dans la plupart des pays. On mentionne certaines réussites et, plus récemment, on a moins parlé d'innovation et de grappes mais plutôt d'essayer de mieux relier les petites régions avec les régions plus importantes. Par exemple, en Europe, on s'est surtout attaché à essayer d'améliore les systèmes de transport et de communication. Au Canada, il a été important de rendre la technologie des larges bandes accessible à l'ensemble du pays, de façon à pouvoir relier les petites régions aux régions plus importantes.

    De plus, on essaie davantage depuis quelque temps de supprimer les obstacles administratifs, qui se posent lorsqu'il existe de nombreuses petites municipalités voisines dans une région à forte densité démographique.

º  +-(1640)  

    Les gouvernements, les gouvernements provinciaux—par exemple, l'Alberta—essaient depuis peu de supprimer ces obstacles, ces obstacles administratifs, en incitant les petites municipalités à se regrouper et à mettre en commun certaines ressources, pour élaborer une stratégie, pour essayer d'attirer les entreprises et pour conserver la main-d'oeuvre dans leur région. Sherwood Park près d'Edmonton est un excellent exemple de ce genre d'action; c'est une petite ville qui a très bien réussi à attirer plusieurs entreprises, qui ne sont pas nécessairement reliées à l'innovation ou à la haute technologie, mais cela a eu pour effet d'attirer d'autres entreprises. Les responsables travaillent également avec d'autres municipalités pour créer ensemble une zone industrielle unique et pour adopter d'autres politiques qui peuvent inciter les petites municipalités à collaborer.

+-

    Le président: Monsieur Holbrook.

+-

    M. Adam Holbrook: Je vais faire deux remarques, dont l'une porte sur le sujet qu'a abordé David Wolfe.

    Au Canada, il est très important de savoir que les industries et les grappes industrielles qui réussissent concentrent souvent leurs efforts sur des créneaux très précis; nous ne construisons pas toutes sortes d'avions, mais des types très particuliers. C'est un bon exemple. Nous n'exerçons pas des activités biotechniques très diversifiées; nous travaillons sur un nombre très restreint de technologies biotechniques et ces technologies diffèrent d'un centre à l'autre, de sorte que ces régions ne se font pas toujours concurrence.

    Un des principaux avantages compétitifs du Canada est son capital humain et sa force dans l'adversité. Là encore, il y a l'exemple d'Ottawa. Il y a eu les hauts et les bas de Kanata, qui ont suivi les hauts et les bas de Nortel et il y a des entreprises qui sont venues et qui sont reparties; néanmoins, chaque fois qu'il y a eu un coup dur, tel un phoenix qui renaît de ses cendres, de nouvelles entreprises sont apparues, pour la simple raison que les travailleurs spécialisés vivant dans la région ont constaté qu'ils pouvaient occuper des créneaux spécialisés.

    J'aimerais également faire un commentaire sur la remarque de M. Mintz au sujet de la nécessité de faire participer les municipalités à ce processus. Une des grandes questions qui va se poser au cours des prochaines années est celle de l'eau potable et des technologies qui permettent d'en produire; cela se fait habituellement au niveau municipal. Le Canada possède un certain nombre de technologies dans ce domaine et il a la possibilité d'occuper certains créneaux, encore une fois dans ce secteur particulier. Le marché international est encore relativement ouvert en ce moment. Nous avons donc la possibilité, grâce à des politiques industrielles appropriées, de cibler des créneaux très précis et de faire notre marque dans ce secteur.

+-

    Le président: Nous allons passer à...

+-

    M. David Wolfe: Puis-je ajouter un bref commentaire, monsieur le président?

+-

    Le président: Oui.

+-

    M. David Wolfe: Je voulais ajouter un bref commentaire au sujet des règlements et des normes.

    Il existe de nombreuses études portant sur différentes industries dans différents pays qui montrent que l'adoption de normes contraignantes dans certaines industries, en particulier l'industrie alimentaire ou celle du vin, ou la qualité de l'eau, dont parlait M. Holbrook, peut en fait stimuler l'innovation dans un secteur industriel. Le fait de fixer une norme réglementaire ou environnementale exigeante, de rationaliser le processus d'obtention des approbations, tout en fixant une norme de qualité élevée peut en fait stimuler l'innovation. Cela peut servir à différencier une industrie sur les marchés mondiaux et donner aux produits de cette industrie une qualité unique qui peut susciter une demande internationale. C'est une caractéristique que l'on a souvent attribué à l'industrie alimentaire danoise. On a certainement obtenu d'excellents résultats pour les industries du vin de l'Ontario et de la C.-B. lorsqu'on a adopté la norme VQA, qui a permis aux entreprises viticoles de se différencier sur les marchés mondiaux. M. Holbrook mentionnait qu'il y avait peut-être une possibilité pour nous, pour ce qui est de la qualité de l'eau, avec la technologie canadienne.

    Il faut donc être prudent lorsqu'on réfléchit au processus réglementaire et aux normes; il faut nous demander si le processus est efficace, si les entreprises ne perdent pas trop de temps à essayer de respecter la réglementation et, d'un autre côté, examiner si les normes ne peuvent pas encourager l'innovation et renforcer la compétitivité de nos entreprises sur les marchés mondiaux.

+-

    Le président: Merci. Voilà d'excellentes réponses à une excellente question, Denis.

    Nous allons passer à Peter Julian, ensuite à Werner et à Andy.

+-

    M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci à tous les trois d'être venus aujourd'hui.

    J'ai deux questions pour lesquelles j'aimerais avoir des réponses brèves et précises et j'aurai ensuite des commentaires à ce sujet.

    La première s'adresse à M. Holbrook. Vous avez parlé de la question du financement de la recherche et du développement et vous avez parlé de l'année 2002. J'aimerais savoir quelle a été l'évolution du financement de la R et D au Canada au cours des 5, 10 ou 15 dernières années, en termes réels.

    Maintenant, ma deuxième question. On a donné en exemple à plusieurs reprises des pays comme la Norvège, le Danemark, la Suède et la Finlande, que l'on appelle aussi les tigres de la Scandinavie et de la social-démocratie. J'aimerais savoir ce qu'ils font, quelles sont les politiques qu'ils ont adoptées—si vous avez des exemples qui vont au-delà de l'industrie alimentaire du Danemark—qui permettent à ces économies, qui sont petites mais efficaces, de prospérer et de promouvoir l'innovation.

º  +-(1645)  

+-

    M. Adam Holbrook: Premièrement, je n'ai pas ces chiffres avec moi. Ils sont faciles à obtenir et je pourrais certainement vous les procurer. On peut les trouver dans les documents publiés par Statistique Canada.

    Depuis une dizaine d'années, les dépenses du Canada en R et D ont augmenté, tout comme le pourcentage des dépenses en R et D par rapport au produit intérieur brut, même si l'on utilise parfois un peu trop ce chiffre. Nous essayons toujours d'augmenter les dépenses de recherche et de développement parce que les Américains y consacrent un plus fort pourcentage de leur PIB. Les Suédois et les Finlandais le font aussi, mais nous y reviendrons dans un instant.

    Je pense néanmoins que notre économie comporte toutes sortes de contraintes qui nous empêchent de dépenser autant que les États-Unis, en pourcentage du PIB.

    Nous avons constaté, à notre grande consternation, que les dépenses de R et D ont baissé depuis quelques années et, là encore, il faut savoir que c'est un fait statistique, étant donné que Nortel—et je ne pense pas que je vais vous apprendre quoi que ce soit—représente probablement près de 30 p. 100 de toutes les dépenses canadiennes en R et D et que, lorsque Nortel réduit ses dépenses, dans ce domaine, les chiffres nationaux s'en ressentent.

    Pour en venir à l'exemple de la Scandinavie, je dirais que la Scandinavie représente un groupe de pays très intéressant. Il faut regarder l'ensemble de ces pays, parce que ce sont presque comme des provinces du Canada, qui ont une approche commune et pourtant différente pour ce qui est du mode de vie, de l'organisation sociale, par exemple. Jusqu'à un certain point, on peut affirmer que ces pays ont obtenu un certain niveau de financement de la R et D grâce, d'une part, à l'intervention directe des gouvernements et, d'autre part, grâce aux décisions prises d'appuyer certaines industries. Ils ont également bénéficié de leur proximité avec des pays où se trouvent un grand nombre de consommateurs industriels, pour leur recherche—dans ce cas, l'Europe—, tout comme nous profitons pour notre R et D de notre proximité avec les États-Unis.

    Si vous me demandez si le Canada peut espérer atteindre le taux de R et D par rapport au PIB des pays scandinaves, je vous dirais que je n'en suis pas sûr. Je ne suis même pas sûr que nous devrions essayer de l'atteindre, compte tenu des différences qui existent dans notre structure économique. Par contre, il faudrait examiner en détail ce qu'ont fait les Suédois, et en particulier les Finlandais, et pourquoi ils l'ont fait.

    On ne peut que constater que Nokia, le fabricant de téléphones portables finlandais, est devenu un fabricant de téléphones portables alors que c'était auparavant une société d'équipement pour le secteur du papier. Cette transition va-t-elle durer, il faudra attendre pour le savoir mais cette entreprise a bénéficié de l'aide du gouvernement finlandais, sous la forme de politiques et de règlements, ce qui lui a permis d'effectuer cette transition.

+-

    Le président: Est-ce que M. Mintz et M. Wolfe souhaitent faire des commentaires sur la question de Peter?

+-

    M. Jack Mintz: Oui, en fait j'aimerais faire un commentaire important. J'ai déjà travaillé avec des européens et je connais assez bien ce qui s'est passé dans les pays scandinaves.

    Un des grands changements qu'a subis la politique gouvernementale en Scandinavie remonte au début des années 1990, avec l'adoption d'un double impôt sur le revenu dans ces pays. Ils ont en fait réduit l'impôt sur les investissements et l'épargne. Par exemple, ils ont fait passer le taux de l'impôt sur le revenu des sociétés de près de 50 p. 100 à moins de 30 p. 100 dans la plupart des pays, sauf au Danemark, qui avait un taux de 31 ou 32 p. 100 à l'époque. Ces pays ont également imposé les intérêts, les dividendes et les autres formes de revenu de placement à des taux comparables.

    Cela a eu un effet considérable sur les investissements des entreprises dans ces pays. Par exemple, pour la période 1998-2002, la Suède s'est placée au quatrième rang des pays bénéficiaires d'investissements étrangers directs, par rapport au PIB, comparé à tous les autres pays au monde. En fait, les sociétés suédoises sont également des exportatrices de capital importantes.

    Cela revient à la remarque que je faisais au sujet de l'adoption de l'innovation. Il ne suffit pas de parler d'essayer de mettre au point de nouvelles idées. Cela est important, mais il est également très important de veiller à ce que les sociétés adoptent ces idées et que cela influence les processus de production dans ces pays. Les Scandinaves ont estimé qu'il était très important de réduire les impôts sur les investissements, et c'est ce qui leur a permis de jouir du niveau de vie qu'ils ont eu, et cela fait plus de 12 ans que cela continue, grâce aux modifications apportées à leur politique fiscale.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Monsieur Wolfe, sur la question de Peter.

+-

    M. David Wolfe: Brièvement, sur deux points, sur le R et D, d'après mon souvenir, je serais un peu moins optimiste qu'Adam au sujet des données concernant la R et D. Je pense que les dépenses de R et D au Canada, exprimées en pourcentage du PIB, n'ont augmenté que très faiblement. Ces dépenses se situent autour de 1,78 p. 100 à 1,8 p. 100 du PIB depuis quatre ou cinq ans. Ce chiffre n'a certainement pas augmenté de façon significative depuis deux ou trois ans.

    Il y a une statistique plus troublante, qui est apparue récemment à la suite de la publication de données par Statistique Canada et l'ADRC, c'est que le nombre des entreprises qui effectuent de la R et D a en fait diminué depuis trois ou quatre ans et qu'il s'agit de petites entreprises qui effectuent un peu de R et D; ce ne sont pas les grosses sociétés spécialisées. Cela donne à penser à certains observateurs qu'au lieu de voir notre économie développer davantage la recherche, nous évoluons en sens contraire, et je dirais que ce phénomène n'a pas encore reçu d'explication. Cela est assez inquiétant.

    Pour ce qui est des pays scandinaves, en particulier de la Suède, ce qu'a dit M. Mintz au sujet de la suède ne correspond pas à ce qui s'est passé depuis 1990, même si effectivement la Suède a mis en place une réforme fiscale assez importante en 1990. Mais si on examine ce qu'ont fait les Suédois à partir des années 1950 jusque dans les années 1970, on constate qu'en réalité la Suède a combiné des taux d'imposition relativement faibles sur les sociétés et sur le capital avec des incitatifs fiscaux favorisant les investissements, les taux d'imposition étant beaucoup plus élevés pour les particuliers et le revenu. La Suède a lourdement imposé les particuliers et le revenu pour financer son système d'aide sociale très généreux, mais c'est la faiblesse des taxes sur le capital, les sociétés et les incitatifs puissants favorisant les investissements qui ont stimulé la croissance économique.

+-

    M. Jack Mintz: Je ne suis pas d'accord avec toi sur ce point, David.

º  +-(1655)  

+-

    M. David Wolfe: Historiquement, cependant, il y a des données...

+-

    M. Jack Mintz: Il y a eu un tournant important en 1990 qui a entraîné une réduction des impôts sur l'épargne et sur les investissements dans les pays scandinaves, par le biais de leur régime fiscal à deux vitesses et je pourrais vous fournir le titre d'études portant sur ce point.

+-

    M. David Wolfe: Très bien. Nous continuerons à ne pas être d'accord.

+-

    M. Jack Mintz: Puis-je soulever un dernier point au sujet de la performance du Canada en matière de R et D? Il est exact d'affirmer que les dépenses de R et D ont diminué. Cela n'est pas uniquement la faute de Nortel. En fait, c'est ce qui s'est produit chaque fois que nous avons connu une récession, comme nous en avons connu entre 2001 et 2003. En fait, les statistiques mondiales indiquent qu'il y a eu, d'une façon générale, une diminution des investissements du secteur privé et que la raison en est que la situation économique est beaucoup moins favorable. Lorsque les flux de trésorerie diminuent, cela entraîne également une diminution des dépenses d'investissement et de R et D. C'est en fait un problème même aux États-Unis, où certains craignent que ce pays n'arrivera pas à préserver sa productivité à cause de la chute des investissements et des dépenses de R et D du secteur privé depuis ces dernières années.

+-

    Le président: Merci.

    Peter, vous pouvez poser une brève question supplémentaire si vous le souhaitez.

+-

    M. Peter Julian: Ce n'est pas une question; c'est un commentaire, qui porte en particulier sur ceux de M. Wolfe et M. Holbrook. J'ai trouvé vos commentaires très intéressants parce qu'ils montrent que nous pouvons envisager d'adopter des normes plus élevées—si l'on pense à l'investissement public, à l'augmentation de l'investissement dans le capital humain dans nos collectivités de façon à améliorer la qualité de la vie—et que cela peut constituer l'élément central d'une stratégie industrielle efficace. En fait, à en juger par les revues commerciales, on parle souvent d'abaisser les normes—de diminuer nos attentes, et de diminuer la qualité de vie. Dans un sens très réel, il est encourageant d'avoir des exemples qui montrent que des normes plus élevées, une qualité de vie améliorée et une meilleure approche au capital humain ont pour effet de faciliter concrètement l'innovation.

    J'ai donc aimé vos deux séries de commentaires.

+-

    Le président: Merci, Peter.

    Nous allons passer à la ronde suivante. Je vais être un petit peu plus strict sur le temps. Je veux que tous ceux qui souhaitent intervenir puissent le faire.

    Werner.

+-

    M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Merci, monsieur le président, et merci messieurs de nous consacrer votre temps.

    Je suis particulièrement impressionné par l'utilisation de la technologie. Nous avons fait des progrès réels dans ce domaine, monsieur le président, et je crois que vous en êtes responsable en partie. Je me souviens, je crois que cela remonte à une dizaine d'années...

+-

    Le président: Ce n'est pas moi qui l'ai fait. Werner.

+-

    M. Werner Schmidt: Non, je sais que ce n'est pas vous qui l'avez fait, mais vous avez aidé quelqu'un à le faire. Je me souviens qu'il y a 10 ans, nous voulions faire quelque chose comme ceci et on nous avait dit que c'était tout à fait impossible, que nous n'y parviendrions pas. Nous avons découvert, après avoir insisté pour le faire, que cela était possible et c'est ce que nous avons fait en trois mois environ, mais il fallait arriver à modifier complètement l'attitude des entreprises à l'égard de la technologie. Cette technologie existait il y a 10 ans, nous l'avons maintenant perfectionnée et cela est agréable à constater.

    Je suis également très heureux que M. Holbrook connaisse le programme de partenariat qui a été mis sur pied dans la vallée de l'Okanagan et la grappe qui s'est développée dans cette région. J'ai participé au démarrage de ce partenariat et il est très satisfaisant de voir qu'il a donné de bons résultats et que cela est reconnu.

    Je souscris à la remarque qu'a faite M. Mintz lorsqu'il a déclaré qu'on ne pouvait isoler les problèmes fiscaux, monétaires et financiers sans renoncer à examiner certains aspects. Je reconnais également que certains disent que le Canada ne possède pas de stratégie industrielle mais que si nous pouvions simplement harmoniser les programmes que nous avons, nous aurions une politique. Cela est peut-être vrai, mais je pense qu'il existe un problème très grave au Canada, parce que, peu importe le secteur industriel avec lequel nous avons eu des discussions, que ce soient le gaz et le pétrole, les meubles, le textile ou l'agriculture, il y a un thème qui ressortait constamment: tout le monde reconnaissait la nécessité d'innover et d'adopter de nouvelles technologies, mais la réglementation les empêchaient de le faire; il y avait tellement de contraintes que cela ne valait pas la peine de faire l'effort d'adopter une idée nouvelle.

    Je me demande si un des aspects qui nous dérange n'est pas l'intrusion des gouvernements provinciaux et fédéral, mais en particulier le gouvernement fédéral, qui obligent les entreprises à surmonter des obstacles réglementaires pratiquement illimités que cela ne vaut pas la peine de faire de l'innovation et de l'adaptation. Je sais que j'ai présenté cette idée de façon un peu carrée, mais nous l'avons entendue trop souvent exprimée pour ne pas la mentionner. C'est pourquoi le comité a choisi ce sujet et s'est demandé si c'est bien là une des façons d'agir pour motiver les entreprises.

    Je suis convaincu qu'il faudrait également changer notre politique fiscale. Mais si nous n'intégrons pas à cette culture ou à cette attitude la volonté d'adopter les innovations et les nouvelles idées, alors il n'y aura pas d'argent pour la recherche et le développement parce que les idées n'apparaîtront pas. Les idées nouvelles, à elles seules, aussi bonnes soient-elles sur le plan théorique, et aussi encourageantes et excitantes qu'elles puissent être, n'ont absolument pas pour effet d'améliorer notre niveau de vie. Nous bénéficions tous ici d'un niveau de vie amélioré grâce au développement technologique et à l'adoption de nouvelles idées et nous pouvons aller encore plus loin. Quelle est la clé qui nous permettra d'aller plus loin et de le faire?

+-

    Le président: Avez-vous saisi la question, monsieur Mintz? Je pense qu'elle portait sur la réglementation, ou la surréglementation, comme Werner le dirait.

»  +-(1700)  

+-

    M. Jack Mintz: Je reconnais tout comme vous que la réglementation peut constituer un obstacle important. Je pense qu'un environnement favorable renforcerait l'esprit d'entreprise et les innovations; la réglementation est un des obstacles qui gênent parfois les activités des entreprises.

    Cela ne veut pas dire qu'il faille supprimer la réglementation. Je ne le pense pas. Je crois qu'il faut absolument avoir certains règlements pour que le marché fonctionne bien, et cela offre beaucoup d'avantages, mais nous faisons certaines choses qui sont, d'après moi... j'allais utiliser le mot «folles», mais c'est un peu fort.

    Permettez-moi de revenir sur la question de l'exploitation du gaz et du pétrole extracôtiers. Pour pouvoir exploiter ces gisements, que ce soit sur la côte ouest de la Colombie-Britannique ou au large de l'île de Sable et d'Hibernia, il faut faire affaire avec quatre ministères différents au niveau fédéral, sans parler du niveau provincial. Il faut donc coordonner ces choses avec le gouvernement fédéral. Il faut s'adresser au ministère de l'Environnement, au ministère des Pêches et des Océans, à celui des Ressources naturelles—cela en fait trois. Je pense qu'il y en a un autre, peut-être le Conseil privé ou un autre organisme. Je ne m'en souviens plus.

    Le point essentiel, c'est que cela retarde considérablement les entreprises qui veulent faire des investissements, parce que l'action de ces trois ou quatre ministère n'est pas coordonnée et cela ne facilite pas la réalisation des projets. Nous finissons ainsi par compromettre la capacité des entreprises de faire les investissements et de créer de la richesse pour les Canadiens parce que nous freinons ainsi la réalisation de grands projets.

    Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas besoin de certaines politiques et de certains règlements pour protéger les objectifs que les gouvernements souhaitent réaliser, mais il devrait y avoir une façon simple et rapide d'appliquer les règlements pour qu'il ne faille pas des années pour faire approuver un projet. En fait, il est tout à fait contraire à notre intérêt de mettre sur pied un cadre réglementaire aussi lourd pour réaliser des objectifs que les Canadiens souhaitent manifestement réaliser, comme posséder une source stable d'énergie et être en mesure de répondre à la forte demande d'énergie qui émane des entreprises canadiennes.

+-

    M. Adam Holbrook: J'aimerais établir une distinction entre les exemples que M. Mintz a cités dans le secteur des ressources et le rôle de la réglementation, et plus particulièrement celui des normes industrielles. Je pensais à quelques exemples. Le règlement sur le contrôle du trafic aérien a débouché sur l'élaboration de toutes sortes d'appareils électroniques qui ont permis au Canada d'acquérir une spécialité, avec des appareils très spécialisés, comme par exemple, les simulateurs de vol.

    L'autre aspect est qu'avec l'élaboration de règlements et de normes, pour en revenir à notre exemple de l'eau, nous sommes en train d'élaborer des normes très élevées, qui paraissent même pour le moment pratiquement impossibles à atteindre, mais qui vont probablement inciter l'industrie à innover de façon à ce que les municipalités puissent respecter les nouvelles normes.

    Est-ce une bonne chose? Eh bien certains diront peut-être que le prix de l'eau va augmenter pour les consommateurs parce qu'il faut respecter des normes beaucoup plus élevées. Cela pourrait faire l'objet d'une politique. On peut espérer que cela va rendre cette industrie plus concurrentielle, parce que cela donnerait au Canada la réputation d'avoir une industrie qui est capable de fournir un produit supérieur aux autres.

+-

    Le président: Monsieur Wolfe, avez-vous un commentaire sur la question de Werner concernant la réglementation?

+-

    M. David Wolfe: Je veux appuyer ce qu'a dit M. Mintz. Pour ce qui est de la question dont il parlait, celle de la répartition des compétences réglementaires, nous retrouvons dans d'autres secteurs les aspects qui intéressent l'examen d'une politique industrielle ou d'une stratégie de l'innovation, chaque fois que la responsabilité est partagée entre une série de ministères et organismes fédéraux et provinciaux, qui sont tous responsables devant le Parlement par l'intermédiaire de leur ministère respectif, mais cela a créé de graves obstacles administratifs qui nuisent à la coordination de la réalisation concrète de certains projets, dans une région et dans une industrie données.

    Lorsque j'ai parlé il y a un moment d'harmonisation, de la nécessité d'harmoniser davantage les politiques qui touchent une industrie ou une entreprise dans une région donnée, la même chose s'applique aux mesures réglementaires. Il y a deux séries de principes qui s'opposent sur ce point. Le premier est le principe de la responsabilité devant le Parlement par l'intermédiaire du ministre responsable, selon lequel, au sein des structures réglementaires et administratives, le pouvoir remonte la hiérarchie ministérielle jusqu'au ministre et au Parlement. L'autre est la nécessité d'améliorer la coordination horizontale sur le terrain pour des régions ou des industries particulières. C'est là qu'est le défi, d'après moi. C'est un lourd défi auquel doit répondre une politique de développement économique en général, et cela dépasse le simple domaine réglementaire.

»  +-(1705)  

+-

    M. Jack Mintz: Une brève remarque pour faire suite aux observations de M. Holbrook.

    On semble tenir pour acquis que tous les règlements sont bien faits. Je pense qu'une des choses que la plupart des entreprises ont constatées en exerçant leurs activités au Canada—je pense particulièrement aux entreprises multinationales—est qu'il y a des règlements qui n'ont pas pour effet de renforcer les normes. En fait, on pourrait même soutenir que ces règlements compromettent en réalité la compétitivité de l'économie canadienne sans apporter grand-chose.

    Michael Grimaldi de General Motors m'a fourni l'année dernière un excellent exemple de ce genre de chose. À cause d'un règlement sur la taille des ailes des automobiles, un certain type de voiture n'a pu être fabriqué au Canada, parce que le marché canadien est trop petit pour pouvoir construire ces voitures pour le seul marché canadien, de sorte que nous nous faisons du tort en agissant de cette façon.

    Lorsqu'on examine le but recherché par le règlement, on constate qu'en fait, il a souvent pour principal effet d'augmenter le prix des produits, ce qui nous empêche finalement d'avoir accès au marché international.

+-

    Le président: Merci, Werner.

    Andy et ensuite, Serge.

+-

    M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Messieurs, merci.

    Je dois admettre que j'ai dû relire la première phrase du deuxième paragraphe de votre mémoire. J'éprouve un grand respect pour vous, votre enseignement et votre institution, mais je n'en ai pas beaucoup pour votre façon de présenter les choses. Je vous propose donc d'aller de l'avant de façon productive. Nous aimerions collaborer avec les intéressés dans ce domaine, et nous nous attendons à ce que vous vouliez également collaborer, mais ce genre de critique n'est pas très productive.

    Au sujet de la R et D et de l'adoption de nouvelles technologies, vous avez parlé de l'expérience australienne. Le Canada fait un certain nombre de choses en matière de R e D, et l'une d'entre elles est, bien sûr, un régime de crédit d'impôt pour la R et D qui est très généreux, et que vous connaissez tous très bien. On peut dire que le PARI du CNRC a grandement facilité l'adoption de nouvelles technologies par les petites entreprises, en particulier. Le transfert de technologies est également un aspect qui me paraît essentiel pour ce qui est de l'adoption des nouvelles technologies.

    À propos de ce processus, vous avez mentionné, monsieur Mintz, que les entreprises n'investissaient pas suffisamment au Canada et que nous étions à la traîne de beaucoup d'autres pays.

    J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous pensez du rôle que peut jouer le gouvernement ou si le gouvernement devrait jouer un rôle, dans le domaine du transfert de technologies, des crédits d'impôt de R et D, du PARI et d'autres programmes. Quel devrait être, d'après vous, le rôle du gouvernement et avez-vous des suggestions sur la façon de supprimer les obstacles à l'adoption de technologies auxquels nous faisons face à l'heure actuelle?

+-

    M. Jack Mintz: Merci d'avoir posé cette question.

    J'ai peut-être été un peu vif dans mes critiques du deuxième paragraphe, mais je tenais simplement à vous faire savoir que j'aurais été très déçu de vous voir partir dans une mauvaise direction pour cette étude. Il m'arrive donc d'utiliser des termes un peu forts, mais c'est uniquement pour souligner quelque chose.

    Pour ce qui est de votre question—et ce n'est pas une question facile—, permettez-moi de commencer par dire que, si le crédit d'impôt de R et D est effectivement une excellente chose pour essayer de créer des idées, il ne facilite pas l'adoption de technologies au Canada.

    Je connais un certain nombre de projets de R et D dont la structure comprend un laboratoire situé, disons, en Colombie-Britannique, et la seule activité exercée au Canada est celle du laboratoire—le revenu du laboratoire vient de redevances provenant d'un pays étranger, que ce soit les États-Unis, les Bermudes ou le Royaume-Uni, et toutes les activités secondaires sont exercées ailleurs. Le crédit d'impôt de R et D ne favorise donc pas vraiment l'adoption de R et D dans notre secteur commercial. Ce crédit d'impôt favorise toutefois la création d'idées. Il me paraît important d'être bien clair sur ce point.

    Les entreprises adoptent des technologies en effectuant des investissements. C'est la principale façon—le genre de machines qu'elles achètent, le genre d'aménagements qu'elles installent dans leurs locaux, comme le câblage et des choses de ce genre. C'est de cette façon que les entreprises adoptent une technologie. Si elles ne font pas d'investissement, alors elles ne peuvent pas adopter les technologies les plus récentes.

    Les entreprises canadiennes sont non seulement en mesure d'utiliser les technologies développées au Canada, mais à cause du dynamisme de notre main-d'oeuvre, pour ce qui est du capital humain et du genre d'innovation qui débouche sur la création d'idées, elles sont en mesure d'utiliser des idées et des innovations créées ailleurs, pourvu qu'elles soient en mesure d'investir.

    Ces retombées provenant d'autres pays, en particulier des États-Unis, sont un facteur très important, d'après moi, qui favorise l'innovation dans les entreprises canadiennes. Cela est également associé aux genres de machines que ces entreprises achètent.

    Vous demandez pourquoi les investissements du secteur privé sont aussi faibles qu'ils le sont au Canada. En fait, lorsqu'on examine les chiffres de l'Ontario, du Québec, et d'autres régions du Canada, à l'exception de l'Alberta, on constate que le taux d'investissement exprimé en pourcentage du PIB dans ces provinces est plus faible que celui qui est enregistré aux États-Unis et dans la plupart des pays de l'OCDE. Je dirais que cela est inquiétant.

    Bien sûr, quelqu'un qui effectue constamment des calculs pour mesurer l'effet de la fiscalité sur les investissements du secteur commercial... Nous avons réalisé des progrès importants depuis cinq ans pour ce qui est de diminuer l'impôt sur l'investissement, mais notre taux effectif sur l'imposition du capital demeure relativement élevé par rapport à la plupart des autres pays. Malgré un taux d'impôt sur le revenu des sociétés qui a été réduit à 35 p. 100, nous figurons quand même parmi les cinq premiers pays de l'OCDE, pour ce qui est de ce pourcentage.

    Nous n'accordons pas non plus un traitement très généreux aux dépenses d'amortissement et aux frais d'inventaire. Il y a également l'impôt provincial sur le capital. Il y a encore la taxe fédérale sur le capital, même si le gouvernement fédéral a prévu de la supprimer d'ici 2008. Il y a également les taxes sur la vente au détail des provinces. Lorsqu'on ajoute tout cela, on constate que le taux d'imposition effectif du Canada sur le capital est relativement élevé par rapport aux autres pays de l'OCDE, y compris par rapport aux pays scandinaves que j'ai mentionnés plus tôt.

    C'est un domaine sur lequel il faudrait, je crois, travailler. Une partie relève des provinces, il n'y a pas que le gouvernement fédéral—je dirais même que cela représente une bonne partie de ce domaine.

    Là encore, la réglementation et le traitement dont fait l'objet l'investissement commercial jouent un rôle très important. Que l'on parle de la mise en oeuvre de certaines normes... Oui, il y a des normes qui encouragent l'innovation, les choses de ce genre, mais il y a des normes qui ne sont pas nécessairement des normes intelligentes.

    Il faut examiner très soigneusement le genre de normes que nous imposons aux entreprises et nous demandons si notre pays a véritablement besoin de ces normes et s'il ne serait pas possible de les harmoniser avec nos principaux partenaires commerciaux de façon à générer davantage d'investissement au Canada.

»  +-(1710)  

    Il faut examiner notre processus de réglementation—j'ai donné l'exemple du pétrole et du gaz—pour veiller à ce qu'il ne ralentisse pas l'investissement chez nous. Il faut veiller à ce que le processus réglementaire se déroule correctement, pour que les entreprises n'attendent pas des années avant de faire approuver un projet important, comme les projets de gazoducs et d'oléoducs dans la vallée du Mackenzie et pour l'exploitation d'autres gisements extracôtiers importants de pétrole et de gaz.

+-

    Le président: Je vais prendre les observations de M. Holbrook sur la question qu'a posée M. Savoy. Je vais ensuite essayer de donner la parole à Michael et à Serge avant de suspendre la séance.

+-

    M. Adam Holbrook: J'aurais un commentaire très bref à faire sur la remarque de M. Mintz au sujet du niveau de l'investissement.

    Lorsque nous pensons au niveau de l'investissement dans une industrie, nous pensons la plupart du temps à l'investissement consacré à de nouveaux produits. Je pense plutôt—et je vous invite à me corriger si je me trompe, monsieur Mintz—que la plus grande partie de l'investissement est en fait consacrée à l'achat de machinerie. Autrement dit, ce qui manque, c'est l'investissement consacré à l'achat de machines plus productives. L'innovation concernant un produit et l'innovation concernant un processus sont bien souvent deux choses différentes et nous devons nous demander si les politiques adoptées favorisent l'innovation du côté du processus plutôt que du côté du produit.

»  +-(1715)  

+-

    M. Jack Mintz: Puis-je répondre rapidement à ceci?

+-

    Le président: Très brièvement, monsieur Mintz. Nous allons essayer de répondre à d'autres questions.

+-

    M. Jack Mintz: C'est un aspect qui vient d'être soulevé.

    Monsieur Holbrook, vous parlez de recherche et développement. Les entreprises canadiennes ont tendance à investir dans la R et D qui touche les processus plutôt que la mise au point de nouveaux produits. Lorsque je parlais d'investissement privé, je parlais de l'adoption de nouvelles technologies grâce à l'investissement, qui est un aspect un peu différent de celui que je mentionnais.

+-

    Le président: Très bien, merci.

    Nous allons maintenant passer à Serge et ensuite, à Michael Chong. Nous allons essayer d'entendre ces deux interventions. Je ne sais pas très bien si la sonnerie va se déclencher à 17 h 30 et je veux être sûr d'avoir le temps de vous remercier.

    Serge.

[Français]

+-

    M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci, monsieur le président.

    D'abord, merci de votre présence, messieurs. C'est très intéressant. Depuis que je siège à des comités, j'ai rarement vu un groupe de représentants d'un ministère donné qui soient tous du même avis. Il y a une dynamique qui se crée dans votre discussion qui suscite beaucoup de questions.

    Je m'aperçois en vous écoutant que l'élaboration d'une stratégie industrielle globale est excessivement complexe. On a tendance à penser d'une façon ou d'une autre. D'ailleurs, je ne tiens pas rigueur à M. Mintz pour son deuxième paragraphe. Au contraire, c'est souvent un danger que de se prononcer de façon trop pointue sur certains éléments dans un sujet aussi vaste et aussi interrelié.

    Vous disiez donc qu'en bout de ligne, c'est l'invention et l'innovation qui font la différence à peu près dans tout. C'est évident aujourd'hui. Si on examine les processus industriels, quels qu'ils soient, il y a bien sûr les ressources naturelles de base, il y a également les processus de transformation, etc. Aujourd'hui, ce sont l'invention et l'innovation qui font la différence.

    Vous avez parlé tout à l'heure de Nokia. Au Département de génie de l'Université de Sherbrooke, on a invité un petit bidule qu'on trouve maintenant dans tous les téléphones Nokia. Il s'agit d'une invention, mais idéalement, on aurait aimé voir l'innovation, la fabrication et de la mise en marché de ce produit.

    Donc, dans une bonne stratégie industrielle, il y a bien sûr la vision globale, mais c'est aussi important d'agir plus localement. Quelqu'un a mentionné un autre élément. Ce qu'on vise en bout de ligne, c'est la croissance économique, pour pouvoir se donner des biens et des services, comme collectivité.

    On sait que la croissance économique est en fonction de la consommation. Comme on le disait autrefois, quand la construction va, tout va. Cependant, les gens ne doivent pas avoir une, deux ou même trois maisons pour que l'économie se porte bien. Par ailleurs, si on garde l'exemple de la construction, il y a des entreprises du Québec, et probablement du reste du Canada, qui se sont mises à faire de la construction mais à vendre des maisons préfabriquées à l'étranger. Donc, automatiquement, cela a mis en évidence l'invention de certains procédés et l'innovation.

    Dans le marché intérieur, les normes et la réglementation sont les mêmes pour tous, mais lorsqu'on veut faire une plus grande production et une plus grande distribution pour fins de consommation dans les marchés extérieurs, les normes et la réglementation dont différentes, tant sur le plan social que sur le plan environnemental.

    Alors, comment peut-on arriver à une stratégie industrielle globale qui touche autant le marché intérieur que les marchés extérieurs?

[Traduction]

+-

    Le président: Y a-t-il des volontaires?

    Est-ce que je vois des gens qui vous désignent, monsieur Wolfe?

+-

    M. David Wolfe: Nous ne savons pas très bien à qui s'adresse la question, mais je vais essayer d'y répondre très brièvement.

    Le défi que pose la mondialisation pour les entreprises canadiennes est qu'elle les oblige à développer à la fois la commercialisation de leur produits et une capacité de gestion pour être en mesure de livrer leurs produits ou leurs marchandises sur de nombreux marchés différents, en respectant les conditions nécessaires. La plupart des entreprises à qui j'ai parlé m'ont dit que la transition d'un certain niveau de production, d'un certain niveau de ventes adapté à un marché régional ou national vers un marché continental ou international pose un défi de gestion important.

    Certains ont insisté sur le défi qui se pose dans le domaine de la gestion. Un des collègues de M. Mintz aime nous rappeler constamment que nous devons améliorer la gestion et l'éducation au Canada si nous voulons que certaines entreprises atteignent ce niveau. C'est donc un défi complexe.

    Tout à l'heure, je voulais simplement faire remarquer que nous ne sommes pas obligés d'être toujours ceux qui appliquent des normes. Nos entreprises canadiennes ne sont pas obligées de fabriquer un produit selon une norme fixée par le marché mondial. Le fait d'avoir adopté, à l'échelle nationale, une norme de haute qualité leur donne parfois la possibilité de pénétrer sur le marché mondial en différenciant leurs produits des autres.

»  +-(1720)  

+-

    M. Jack Mintz: Encore une fois, je pense qu'il y a des mesures qui seraient faciles à prendre, par exemple, il serait facile de modifier des règlements ou des normes, sans compromettre vraiment les objectifs du gouvernement qui cherche à protéger certains intérêts en matière d'environnement, de sécurité ou d'autre nature.

    Laissez-moi vous donner un autre exemple. C'est un exemple différent mais important. Si vous regardez la structure du tarif des douanes entre le Canada et les États-Unis, vous constaterez que, pour la plupart des produits, les tarifs sont vraiment très proches. Il n'y a à peu près pas de différence. En fait, nous tenons pour acquis qu'avec l'ALENA, il n'y a pas de différence de tarif entre le Mexique, les États-Unis et le Canada pour ce qui est du matériel informatique. De cette façon, il n'est pas nécessaire d'appliquer les règles d'origine pour savoir si le produit a été fabriqué en Amérique du Nord ou dans un autre pays. Cela simplifie beaucoup le système.

    Nous pouvons procéder de cette façon avec d'autres produits sans compromettre notre indépendance politique, étant donné que les différences entre les tarifs sont déjà très faibles. Une différence très légère n'a guère d'effet sur ces produits. Nous pouvons donc faire un certain nombre de choses pour ce qui est de la réglementation, de la façon dont nous effectuons nos échanges commerciaux, sans compromettre nos objectifs politiques, ni notre indépendance. En fait, cela aurait pour effet de renforcer la compétitivité des entreprises canadiennes à l'échelle internationale, ce qui serait bon pour l'économie et bon pour l'ensemble du Canada, puisque la croissance de l'économie a un effet positif sur la confiance des Canadiens.

+-

    Le président: Une brève remarque, monsieur Holbrook, avant que je donne la parole au dernier intervenant.

+-

    M. Adam Holbrook: Oui. Je suis d'accord avec les remarques qu'a faites David au sujet des normes et je pense qu'il s'agit de savoir si nous pouvons utiliser des normes pour créer des marchés. Nous devrions considérer que le processus d'élaboration des normes fait partie de notre capacité à adopter des politiques qui renforceront la compétitivité du Canada.

+-

    Le président: Merci.

    Avant de donner la parole à Michael, je ne sais pas si le système s'arrête automatiquement à 17 h 30. Au cas où cela se produirait pendant que vous répondez aux questions de Michael, je tiens à vous remercier maintenant, juste au cas où cela s'arrêterait.

+-

    M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Merci d'être venus à cette séance.

    Ma question s'adresse à vous tous. Beaucoup considèrent que le fait que le PIB par Canadien est inférieur à celui de nos pays voisins, en particulier à celui des États américains proches de la frontière, constitue un problème. L'écart de PIB semble découler, si on lit le rapport de Roger Martin, d'un manque d'efficacité par rapport à ces autres États. Autrement dit, la production moyenne d'un travailleur est inférieure à ce qu'elle devrait être.

    Monsieur Mintz, je sais que vous avez mentionné dans vos remarques—et je tiens également à insister sur ce point—, et que Roger Martin a également mentionné dans son rapport, que les entreprises canadiennes semblent ne pas investir suffisamment dans leurs activités, que l'on parle de recherche et de développement ou de capital physique, par rapport aux États qui nous font concurrence.

    Je sais qu'il a également mentionné comme vous dans vos observations que cela vient du fait que la déduction pour amortissement est plus généreuse dans d'autres pays, que l'impôt sur le capital est plus faible ou nul, que les taxes de vente sur les biens d'équipement sont plus faibles ou nulles dans ces autres États. Les entreprises qui investissent dans le capital physique ou en R et D ont droit à un régime d'amortissement favorable.

    Si vous deviez classer les différents éléments que je viens de mentionner selon leur ordre de priorité, quels seraient ceux à qui vous accorderiez la priorité parce qu'ils inciteraient, sur le plan de la mise en oeuvre d'une politique nationale, les entreprises à investir davantage dans la R et D et l'équipement?

»  -(1725)  

+-

    M. Jack Mintz: Tout d'abord, il y a une étude de Statistique Canada qui a été effectuée il y a deux ans qui montre, par exemple, que notre régime d'amortissement applicable à la plupart des biens d'équipement est insuffisant, si l'on tient compte du véritable coût de l'amortissement d'un bien d'équipement. Cela s'applique particulièrement à plusieurs secteurs. Par exemple, les usines de transformation en sont un et je dirais également que les pipelines en sont un autre. L'amortissement fiscal ne tient pas compte de la rapidité avec laquelle les entreprises doivent remplacer leur équipement et ne tient pas compte non plus de l'effet de l'inflation et du risque sur les investissements.

    Je n'aime pas beaucoup que l'on s'en remette à l'amortissement accéléré. Je ne suis pas en faveur de cette mesure. Je n'aime pas créer des abris fiscaux et je n'aime pas que l'on modifie la neutralité de l'impôt sur le revenu des sociétés, un impôt basé sur le coût véritable de l'investissement, parce que j'estime que si l'on définit une assiette fiscale appropriée, nous pourrions essayer de lui appliquer le plus faible taux possible d'impôt sur le revenu des sociétés. Il y a deux raisons pour cela. La première est que c'est une approche plus neutre qui s'applique à toutes les entreprises et qui génère de l'investissement. Cela est également bon pour le gouvernement parce que, lorsque l'impôt sur le revenu des sociétés est élevé, et il l'est encore puisqu'il est à 35 p. 100—c'est la moyenne canadienne—, il y a beaucoup d'entreprises qui vont transférer leur revenu à l'étranger pour le placer dans d'autres pays où le taux d'imposition est plus faible. Lorsqu'on réduit le taux d'imposition du revenu des sociétés, on ne perd pas vraiment beaucoup de recettes.

    En fait, si l'on procède à une réduction dramatique, comme cela s'est fait en Irlande et en Suède, on constate que les recettes provenant de l'impôt sur les sociétés ont augmenté parce que l'assiette a été fortement élargie et que les entreprises transféraient auparavant leurs revenus dans d'autres pays.

+-

    M. Michael Chong: Puis-je demander une précision à ce sujet? Vous accorderiez la priorité à l'amortissement fiscal plutôt qu'à la suppression de l'impôt sur le capital. Par exemple, il faut payer un impôt sur le capital supérieur à 10 millions de dollars.

    Le comité doit classer les mesures par ordre de priorité et il vous paraît plus important de réformer l'amortissement fiscal que de supprimer l'impôt sur le capital.

+-

    M. Jack Mintz: Eh bien, au niveau fédéral, nous sommes de toute façon en train de supprimer l'impôt sur le capital...

+-

    M. Michael Chong: En cinq ans.

+-

    M. Jack Mintz: Oui. C'est une priorité pour les provinces.

    Je pense qu'il convient maintenant d'aborder la question de l'amortissement fiscal. Nous avons réduit le taux d'imposition du revenu des sociétés. J'aimerais même aller plus loin que cela. Notre régime de déductions pour amortissement n'est pas neutre et il faudrait se pencher sur cet aspect, dans la mesure où la déduction fiscale accordée n'est pas suffisante pour un bon nombre de biens d'équipement.

-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires par M. Wolfe ou M. Holbrook?

    Avez-vous quelque chose à ajouter, Michael?

    Eh bien, il est juste 17 h 30 et, comme je vous le dit, je ne sais pas si le système s'arrête automatiquement.

    Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier nos trois témoins avec qui nous avons passé une excellente après-midi. Vos réponses nous seront extrêmement utiles pour la suite de nos travaux. Nous allons réfléchir davantage au mandat que nous nous sommes donné et nous allons certainement utiliser les conseils que vous nous avez fournis aujourd'hui—et nous vous en sommes très reconnaissants.

    Avec cela, chers collègues, la séance est levée. Bonne journée.