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PACP Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des comptes publics


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 14 décembre 2004




¹ 1540
V         Le président (M. John Williams (Edmonton—St. Albert, PCC))
V         M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Sébastien Gagnon (Jonquière—Alma, BQ)
V         Le président
V         M. Gary Carr (Halton, Lib.)
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks (professeur émérite de sciences politiques, Université Queen, À titre personnel)

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks

º 1600
V         Le président
V         M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings, PCC)
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Daryl Kramp

º 1605
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks

º 1610
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks

º 1615
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks

º 1620
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. Gary Carr
V         M. C.E.S. Franks

º 1625
V         M. Gary Carr
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Gary Carr

º 1630
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. David Christopherson (Hamilton-Centre, NPD)
V         M. C.E.S. Franks
V         M. David Christopherson
V         M. C.E.S. Franks

º 1635
V         M. David Christopherson
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         M. C.E.S. Franks
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. Dean Allison (Niagara-Ouest—Glanbrook, PCC)
V         M. C.E.S. Franks

º 1640
V         M. Dean Allison
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Dean Allison
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Dean Allison
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Dean Allison

º 1645
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. Dean Allison
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Dean Allison
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Dean Allison
V         Le président
V         M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.)
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Mark Holland
V         M. C.E.S. Franks

º 1650
V         M. Mark Holland
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Mark Holland
V         M. C.E.S. Franks

º 1655
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, PCC)
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick

» 1700
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         L'hon. Shawn Murphy (Charlottetown, Lib.)
V         M. C.E.S. Franks

» 1705
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks

» 1710
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président

» 1715
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. David Christopherson

» 1720
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         L'hon. Shawn Murphy
V         Le président
V         L'hon. Shawn Murphy
V         Le président
V         M. Mark Holland
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président










CANADA

Comité permanent des comptes publics


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 14 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Williams (Edmonton—St. Albert, PCC)): La séance est ouverte. Conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement, nous étudions aujourd'hui la gouvernance et l'imputabilité dans la fonction publique fédérale, en mettant l'accent sur la responsabilité des ministres et sous-ministres.

    Nous accueillons aujourd'hui un témoin à titre personnel : M. C.E.S. Franks, professeur émérite de sciences politiques à l'Université Queen's.

    Aux termes de l'alinéa 108(3)g) du Règlement, nous examinons aussi les Comptes publics du Canada 2004, document qui a été renvoyé au comité le 21 octobre 2004, et un projet de rapport. Habituellement, nous abordons les projets de rapport à huis clos, mais il n'y a qu'une seule modification, qui a été apportée au tout dernier paragraphe. Je pense que tous seront d'accord pour approuver le dernier paragraphe modifié et pour faire circuler le document. Est-ce d'accord?

    Des voix : D'accord.

    Le président : C'est adopté.

    Très bien, nous passons aux motions habituelles.

    Premièrement, que le comité adopte l'ébauche d'un rapport comme...

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le président, puisqu'on avait discuté--mes amis vont s'en rappeler--relativement longuement d'une nouvelle recommandation 1 lors de la dernière séance du comité, pourrait-on tout simplement nous la lire?

[Traduction]

+-

    Le président: Habituellement, nous ne le faisons pas. Je le répète, lorsque nous enlevons des passages, nous continuons.

    Selon le libellé d'une motion, dans la mesure où cela ne modifie pas le contenu du rapport, le président, le greffier et les attachés de recherche seraient autorisés à apporter au rapport les modifications jugées nécessaires en ce qui concerne les erreurs de grammaire et de style. C'est la procédure habituelle au Comité des comptes publics.

    Si nous souhaitons modifier cela, je devrai soumettre cette question au comité à huis clos, comme nous le faisons en règle générale, et non pas au cours d'une séance publique.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Non, je ne veux pas ouvrir la discussion. Vous nous avez fait parvenir la nouvelle conclusion au début de la séance. Cela ne nous pose pas de problème. Toutefois, je n'ai pas vu la nouvelle recommandation 1. Je ne veux pas en discuter ni la débattre, je veux la voir, avant de l'accepter.

+-

    M. Sébastien Gagnon (Jonquière—Alma, BQ): D'autant plus que vous étiez supposé nous la présenter.

[Traduction]

+-

    Le président: Oui, monsieur Carr.

+-

    M. Gary Carr (Halton, Lib.): Nous pourrions mener à terme la séance pour nous pencher ensuite rapidement sur cette question à huis clos, si vous le souhaitez. Nous avons essayé, mais ce fut en vain.

+-

    Le président: Très bien, je suspendrai donc cette partie de la séance. Nous nous réunirons à huis clos peut-être à la fin. Ensuite, nous passerons à la partie publique. Tous doivent en être au courant si j'ai des échanges avec quelqu'un, ce qui lance le débat. Naturellement, nous nous sommes entendus sur le fait que nous allons toujours de l'avant. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Ce sont là les règles que nous avons toujours respectées.

    Nous entendrons donc l'exposé du professeur Franks, notre témoin de cet après-midi. Nous examinons la gouvernance. M. Franks est un éminent spécialiste en matière de gouvernance au Canada; il est un professeur émérite à l'Université Queen's.

    Vous connaissez bien le Parlement et le Comité des comptes publics. De plus, nous avons toujours été heureux de recevoir vos conseils et vos observations. Nous attendons avec impatience votre témoignage d'aujourd'hui.

    Vous avez la parole, professeur Franks.

+-

    M. C.E.S. Franks (professeur émérite de sciences politiques, Université Queen, À titre personnel): Merci, monsieur le président.

    La dernière fois que j'ai comparu devant le comité, au printemps, j'ai indiqué que celui-ci avait réussi à accomplir quelque chose d'assez important en ne trouvant pas qui était responsable des problèmes du scandale des commandites. Je suis heureux que le comité se penche sur la gouvernance et la reddition des comptes, parce qu'il est susceptible de s'attaquer d'une façon très utile à cette question et de déboucher sur une solution qui revêtira une grande importance aux yeux des Canadiens, des parlementaires et des membres du Comité des comptes publics.

    À ma connaissance, c'est la première fois qu'un comité parlementaire canadien examine la gouvernance et la reddition des comptes. C'est une initiative très pertinente et essentielle, qui pourrait devenir la plus grande réussite du Comité des comptes publics. Ce faisant, vous donnez suite à une recommandation pressante de la vérificatrice générale qui a décelé un manque de clarté dans les examens portant sur la responsabilité et la reddition des comptes. De plus, elle a exhorté le Parlement à intervenir, étant donné que « les parlementaires ont un rôle primordial à jouer à cet égard, car ils sont peut-être les mieux placés pour faciliter le passage à l'étape suivante en encourageant le gouvernement à résoudre rapidement ces questions ».

    Jusqu'à présent, le Bureau du Conseil privé a été la seule principale institution gouvernementale à aborder la doctrine de la responsabilité ministérielle. Ce n'est qu'une seule voix, alors qu'il faudrait entendre plusieurs voix de concert. Ce sera maintenant au tour du Comité des comptes publics, je l'espère, de se faire entendre, pour que le Parlement, l'autre principal acteur dans la gouvernance de l'État, puisse s'engager dans ce débat afin que nous profitions d'un véritable dialogue.

    Je n'aborderai qu'un aspect du problème, soit la responsabilité et la reddition des comptes des ministres et des sous-ministres, mais je pense qu'il s'agissait là du véritable enjeu, lorsque le comité s'est penché sur le programme des commandites au printemps.

    Je m'attarderai surtout à la responsabilité des sous-ministres, car il me semble que la responsabilité des ministres ne comporte essentiellement aucune ambiguïté à l'exception des relations avec la fonction publique, particulièrement à ce lien clé entre l'aspect politique et le côté administratif, la fonction publique représentée par les sous-ministres et les administrateurs généraux des ministères—comme on les désigne parfois—, qui relèvent des ministres.

    Je veux vous faire valoir que la responsabilité et la reddition des comptes sont des concepts étroitement liés. Dans les deux cas, il s'agit d'assumer les responsabilités et de rendre des comptes. Pour qu'une personne puisse rendre des comptes, elle doit assumer des responsabilités, c'est-à-dire être autorisée à agir. Quant à elle, la responsabilité est davantage un espoir et un désir qu'un fait si elle n'est pas encadrée de processus de reddition des comptes.

    Voici les trois étapes essentielles d'un régime efficace de responsabilité et de reddition des comptes : premièrement, la responsabilité des tâches à accomplir doit être attribuée à des personnes; deuxièmement, ces personnes doivent rendre des comptes aux autorités pertinentes sur l'exercice de ces attributions; troisièmement, il faut pouvoir punir ou récompenser correctement la façon dont les personnes les exercent.

    Dans notre régime parlementaire, il est tout à fait normal que des personnes différentes soient responsables de ces étapes distinctes. Par exemple, en ce qui concerne la responsabilité ministérielle, le premier ministre nomme les ministres par décret, mais ceux-ci doivent rendre des comptes à la Chambre des communes. De plus, les ministres ne sont pas nommés ou renvoyés par la Chambre, comme certains le pensent. C'est la prérogative du premier ministre. Cependant, les comptes que les ministres doivent rendre à la Chambre des communes exercent une grande influence sur leur carrière. Au bout du compte, les ministres, tout comme les députés, ont des comptes à rendre à la population canadienne lors des élections.

¹  +-(1545)  

    Par conséquent, au moins la Chambre des communes, les électeurs et le premier ministre participent à ce processus pour les ministres. C'est également compliqué pour les sous-ministres. Je le répète, c'est le point sur lequel j'insisterai, car, selon moi, c'est sur cet aspect que le comité devrait axer beaucoup d'efforts.

    Le Bureau du Conseil privé a proposé la règle générale, qui est, à mon avis, utile la plupart du temps : les fonctionnaires rendent des comptes aux comités parlementaires, mais ils le font uniquement au nom de leur ministre respectif. Autrement dit, le ministre détient la responsabilité, et le fonctionnaire parle au nom de celui-ci et non pas comme détenteur de cette responsabilité. Ce processus vaut jusqu'au niveau de sous-ministre.

    Je dois vous informer que je m'éloigne de l'interprétation donnée par le Bureau du Conseil privé à la responsabilité et à la reddition des comptes des sous-ministres, car je ne souscris pas à cette interprétation. Je souhaite simplement vous présenter un point de vue que vous pourrez examiner.

    Lorsque les sous-ministres comparaissent devant le Comité des comptes publics, ils se retrouvent dans une position particulière, puisqu'on y examine des questions liées à l'administration et non aux politiques. Il est clair qu'un sous-ministre ne fait qu'expliquer les politiques au nom du ministre. Il le fait simplement pour le compte de celui-ci sans défendre la politique examinée ni aborder les solutions de rechange. Il ne fait qu'expliquer une situation.

    Les choses sont toutefois différentes pour le sous-ministre, sur le plan de l'administration. Aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, les sous-ministres disposent de vastes pouvoirs délégués en matière d'administration des ressources financières et humaines. Ils reçoivent également des pouvoirs délégués en vertu d'autres lois, notamment la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et la Loi sur les langues officielles.

    Je ne traiterai pas exhaustivement des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques. L'une des principales est le paragraphe 34(1), aux termes duquel tout paiement d'un secteur de l'administration publique fédérale est subordonné à une attestation de l'adjoint ou du délégué du ministre compétent selon laquelle les travaux ont été exécutés, le paiement est conforme au marché et la demande de paiement est raisonnable. Il me semble que ces dispositions portent sur la plupart des questions que le comité a examinées à l'égard du programme des commandites.

    Je veux signaler que le sous-ministre est personnellement responsable de ces fonctions en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, le ministre ne détenant qu'un pouvoir très restreint de désigner une autre personne pour attester que les travaux ont été exécutés.

    J'ajouterai, sans entrer dans les détails, que cette loi contient d'autres dispositions régissant les aspects financiers, mais qu'elle encadre plus explicitement l'attribution des responsabilités au sous-ministre en matière de gestion des ressources humaines. Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques est ainsi libellé :

Le Conseil du Trésor peut, aux conditions et selon les modalités qu'il fixe, déléguer tel de ses pouvoirs en matière de gestion du personnel de la fonction publique à l'administrateur général d'un ministère ou au premier dirigeant d'un secteur de la fonction publique; cette délégation peut être annulée, modifiée ou rétablie à discrétion.

    Autrement dit, les pouvoirs plutôt vastes du Conseil du Trésor en matière de gestion du personnel sont explicitement délégués au sous-ministre, et non au ministre. Il n'est nullement question du ministre dans ce paragraphe.

    J'insiste sur le point suivant parce que je pense qu'il faut préciser très clairement que la Loi sur la gestion des finances publiques et les autres lois attribuent aux sous-ministres des pouvoirs à part entière.

    En raison de ces dispositions, la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité, la Commission Lambert, a conclu ce qui suit :

Il est très clair alors que la Loi sur la gestion des finances publiques confie à l'administrateur général [le ministre] la responsabilité de la gestion financière, de l'administration et du fonctionnement du Ministère. La Loi lui accorde le pouvoir de signature final nécessaire au versement de tout paiement. Cependant, dans la pratique, ce pouvoir est délégué au sous-ministre et aux agents financiers du Ministère...

    Il faut alors se poser les questions suivantes : comment les sous-ministres rendent-ils compte de leurs responsabilités aux termes de ces lois? Quel est le rôle du Parlement et, en particulier, quel est celui du Comité des comptes publics par rapport à la reddition des comptes concernant les pouvoirs dont disposent les sous-ministres?

¹  +-(1550)  

    Selon la doctrine du Bureau du Conseil privé, la relation entre les sous-ministres et les comités parlementaires en matière de pouvoirs délégués est la même pour le sous-ministre que pour tout autre fonctionnaire. Au nom de leur ministre respectif, les sous-ministres sont redevables aux comités parlementaires, y compris celui des comptes publics. C'est également l'opinion que Gordon Osbaldeston, ancien greffier du Conseil privé, a formulée dans son étude sur les sous-ministres. Je vous en lis un passage:

... les sous-ministres sont d'avis qu'ils assistent aux séances du Comité des comptes publics pour le compte de leur ministre respectif et du gouvernement, et non pour leur propre compte.

    Trois points se dégagent particulièrement de la description faite par Osbaldeston de la reddition des comptes des sous-ministres devant le Comité des comptes publics: premièrement, il ne mentionne pas les responsabilités délégués exercées par les sous-ministres pour leur propre compte; deuxièmement, il cerne les domaines où les ministres ont une influence importante sur les méthodes et les décisions de gestion, soit exactement là d'où sont surgis les problèmes du programme des commandites, en l'occurrence les contrats et les subventions; troisièmement, et ce qui est plus important à l'égard de la responsabilité et de la reddition des comptes des sous-ministres au Parlement, les sous-ministres croient qu'ils comparaissent devant le Comité des comptes publics pour représenter leur ministre et le gouvernement, et non pas pour leur propre compte.

    Sans entrer dans trop de détails, il me semble que c'est-là le noeud du problème pour le Comité des comptes publics. Si nous poussons la logique jusqu'au bout, cette interprétation de la responsabilité et de la reddition des comptes des sous-ministres signifie que ces derniers témoignent devant le Comité des comptes publics uniquement pour être redevables ou non de leurs ministres respectifs. Les ministres ne peuvent répondre qu'au nom des personnes qui assument des responsabilités déléguées pour leur propre compte. Ils ne seraient redevables qu'au comité parce qu'ils ne détiennent pas ces responsabilités déléguées. C'est une situation absurde, mais il semble que ce soit la façon dont le Bureau du Conseil privé envisage le rôle du sous-ministre devant le Comité des comptes publics.

    Cette confusion est à l'origine d'une grande part de l'ambiguïté qui règne au sujet de la responsabilité et de la reddition des comptes. C'est ce qui permet aux ministres et aux sous-ministres de nier qu'ils assument de telles responsabilités. Une telle confusion au sujet des rôles respectifs des ministres et des sous-ministres ne permet de rendre compte efficacement de la gestion financière au Parlement.

    Dans le document plus long que j'ai transmis au comité, j'ai abordé le rôle des agents comptables en Grande-Bretagne, rôle qui est assez différent. Ces agents comptables assument très clairement des responsabilités pour leur propre compte et doivent rendre compte au comité de la façon dont ils exercent ces responsabilités déléguées. Le ministre ne comparait pas devant le Comité des comptes publics britannique à moins qu'il n'ait contredit le sous-ministre par écrit sur ces questions. Le cas échéant, il doit le faire par écrit à l'intention du Trésor britannique, du contrôleur et du vérificateur général, sinon c'est le sous-ministre qui assume cette responsabilité et qui doit rendre des comptes puisqu'il est l'agent comptable en Angleterre.

    Un agent comptable britannique a qualifié de terrifiante son expérience par rapport à l'obligation de rendre des comptes au Comité des comptes publics ou d'être relevable, selon l'expression canadienne.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: L'agent comptable britannique doit rendre des comptes?

+-

    M. C.E.S. Franks: Les agents comptables britanniques considèrent que comparaître devant le Comité des comptes publics est une expérience qui est terrifiante ou qui peut l'être, en fonction, je suppose, de ce qu'ils ont fait.

    Je le souligne parce que le régime britannique se démarque nettement du nôtre, car il me semble que nous ignorons souvent qui a vraiment pris la décision et qui devrait en être responsable sur les plans juridique et constitutionnel et a fortiori sur le plan parlementaire, devant le comité.

    Encore une fois je ne veux pas entrer dans les détails. J'ai rédigé, à l'intention du comité, deux exposés, dont l'un, que vous avez peut-être, porte sur le système britannique, qui est si différent du nôtre, mais qui mérite d'être examiné très attentivement. L'autre exposé traite plus exhaustivement des problèmes du système canadien que je souligne aujourd'hui.

    Je tiens à souligner que l'écart entre le rôle des agents comptables britanniques et celui des sous-ministres canadiens devant leur comité des comptes publics respectif n'est pas imputable aux pouvoirs délégués des agents comptables britanniques. Le poste d'agent comptable a été créé de concert par le Trésor et le Comité des comptes publics britanniques, sans que ces agents comptables ne soient mentionnés dans aucune loi à ce moment-là. Aujourd'hui, les lois britanniques en font encore peu mention.

    Par rapport aux agents comptables britanniques, les sous-ministres canadiens disposent en fait de plus de pouvoirs délégués, par l'intermédiaire de la Loi sur la gestion des finances publiques et d'autres lois. Pourtant, le gouvernement canadien nie que les sous-ministres sont redevables au comité à titre distinct, tandis que le Comité des comptes publics britannique oblige les agents comptables, les homologues de nos sous-ministres, à comparaître dans la crainte extrême pour répondre de leurs lacunes à titre distinct. J'ai été étonné de l'écart entre les deux régimes. Les pouvoirs délégués sont beaucoup plus forts au Canada qu'en Grande-Bretagne. Pourtant, la responsabilité d'un agent comptable britannique est, dans les faits, beaucoup mieux définie, beaucoup plus importante et beaucoup plus examinée exhaustivement par le Trésor et le Comité des comptes publics.

    Je terminerai en disant qu'il y a trois questions importantes qui, selon moi, doivent être envisagées par le comité dans son étude de la gouvernance et de la reddition des comptes. Premièrement, les responsabilités et la reddition des comptes des sous-ministres ainsi que leur rôle par rapport au Comité des comptes publics; deuxièmement, la reddition des comptes interne des sous-ministres, en particulier les comptes qu'ils doivent rendre au Conseil du Trésor sur la rentabilité, l'efficacité, la pertinence et la régularité de leurs décisions financières.

    Le Trésor britannique a assumé, au fil des ans, un rôle capital en exigeant que les agents comptables répondent aux questions du comité sur la régularité, la pertinence, l'efficacité et la rentabilité de leur gestion financière. Le Trésor canadien a fait très peu à cet égard, d'après ce que je peux constater. Cette remarque n'est pas tout à fait juste, mais je pense qu'elle mérite l'attention du Comité.

    Il y a une autre différence digne de mention: le Comité des comptes publics britannique peut compter sur le soutien du Trésor britannique pour assurer la régularité et la probité des décisions financières. À ma connaissance, le Comité des comptes publics canadien ne peut pas compter sur l'aide du Conseil du Trésor pour essayer d'assurer cette probité et cette régularité.

    Il y un autre point sur lequel le Comité devrait se pencher attentivement: la nécessité d'améliorer la reddition des comptes et la gestion financière. À cet égard, le Comité des comptes publics doit jouer un rôle capital au nom du Parlement et de la population canadienne. Jusqu'à présent, il a été plus efficace à cerner et à souligner les problèmes qu'à prendre les mesures correctives.

    En examinant la gouvernance et la reddition des comptes, le Comité peut réfléchir à son propre rôle et aux procédures liées à la reddition des comptes. Il pourrait se rendre compte qu'il existe de meilleures façons de remplir sa fonction essentielle, qui consiste à demander au gouvernement des comptes sur sa gestion financière.

º  +-(1600)  

    Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, professeur Franks.

    Votre expertise en la matière ne laisse planer aucun doute et nous n'arrivons pas à votre cheville. Nous sommes certes heureux que vous ayez comparu pour donner, selon vous, un aperçu de la situation, mais selon nous, une séance d'information enrichissante.

    La greffière m'a signalé que nous avons distribué un document aux membres du comité. Il s'agit d'un ouvrage bilingue qui a été publié par le Centre canadien de gestion et qui s'intitule  Le gouvernement responsable : Éclaircir l'essentiel, éliminer les mythes et explorer le changement. Les auteurs sont Peter Aucoin, Jennifer Smith et Geoff Dinsdale. Peter Aucoin et Jennifer Smith sont professeurs à l'Université Dalhousie. Geoff Dinsdale est chef du Programme de recherche en gouvernance du CCG. Vous avez également reçu dans les deux langues officielles l'ouvrage rédigé par le professeur Franks et intitulé La reddition de comptes en matière financière devant le Parlementdans le système britannique. Le document a été publié le 8 décembre 2004.

    Y a-t-il des questions?

    Monsieur Kramp, vous disposez de huit minutes.

+-

    M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings, PCC): Monsieur Franks, je suis...

+-

    Le président: Pardonnez-moi, monsieur Kramp.

    Monsieur Sauvageau.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Peut-être que je vois mal--il faudrait vérifier auprès de mes collègues--, mais les deux seuls documents que j'ai reçus sont celui de la Bibliothèque du Parlement et celui de M. Franks sur la reddition de comptes en matière financière devant le Parlement dans le système britannique. Je n'ai pas vu les deux autres textes dont vous avez fait mention. Je ne dis pas que je ne les ai pas reçus, mais je ne les ai pas vus. Je ne sais pas si c'est vrai pour mes collègues aussi.

[Traduction]

+-

    Le président: La greffière m'informe que ces documents ont été envoyés par courriel à votre bureau. Ils vous ont déjà été remis. Nous en avons apporté des copies supplémentaires pour ceux qui en auraient besoin. Mais comme je l'ai dit, ils ont été transmis par courriel à tous les bureaux avant la séance.

    Monsieur Kramp, je vous en prie. Vous disposez de huit minutes.

+-

    M. Daryl Kramp: Merci.

    Monsieur Franks, soyez le bienvenu parmi nous.

    J'aimerais aborder cette question dans une perspective légèrement différente, et certainement pas sous l'angle de l'expertise constitutionnelle, pour la bonne et simple raison que cela dépasse la majorité d'entre nous assis autour de cette table. Néanmoins, je suis très curieux de savoir quelle place vous accorderiez au comité des comptes publics et quel rôle il devrait jouer à ce chapitre, particulièrement face aux problèmes observés ces dernières années avec des gouvernements majoritaires, notamment en ce qui concerne l'ingérence politique, le manque éventuel de neutralité, même de la part des bureaucrates, etc.

    Je vois ici une occasion à saisir pour notre comité, du moins c'est à espérer, mais avant nous aurions besoin de conseils éclairés. Il va de soi que l'obligation de rendre compte est au coeur de nos travaux. Qu'il s'agisse d'assumer ou de confier des responsabilités, lorsqu'il y a des failles et que quelque chose ne fonctionne pas, nous sommes confrontés à un problème. Évidemment, non seulement la gouvernance n'est pas correctement assurée, mais en plus, le public perd confiance dans le système. Personnellement, ma plus grande inquiétude, et je pense que tout le monde la partage, concerne notre électorat. Si celui-ci estime que le gouvernement fonctionne mal, il se désengagera.

    D'ailleurs, on remarque un désintéressement croissant des électeurs. Est-ce parce qu'ils perdent foi dans le système? Est-ce parce qu'ils considèrent que cela n'a pas d'importance? Est-ce encore parce qu'ils pensent que nous ne pouvons réellement rien changer? Ou bien est-ce parce que les recommandations faites à ce comité sont sans cesse ignorées? À un moment donné, il faudra que quelqu'un décide si oui ou non nous allons véritablement réaliser les améliorations qui s'imposent.

    J'ai vu toutes vos propositions, mais j'ai manqué de temps pour les examiner en détail--je vous prie de m'en excuser. Je m'inquiète vraiment du fait que nous évoluons dans un environnement où nous avons laissé, au fil des ans et des administrations successives, que l'ensemble du processus se politise. Je me demandais si vous pouviez faire la lumière sur cette question. Nous voyons que le système britannique est différent. Est-ce qu'au départ, notre système était exactement le même que celui en place en Grande-Bretagne? Avons-nous progressivement transformé la responsabilité des sous-ministres ou bien était-ce un changement clair lorsque c'est arrivé? Est-ce que ce processus...?

    Comprenez-vous où je veux en venir? Pourriez-vous me donner un bref aperçu du processus? Comment nous sommes-nous tellement éloignés?

º  +-(1605)  

+-

    M. C.E.S. Franks: Premièrement, je dois vous dire que nous sommes partis de bases différentes. En 1867, la fonction publique canadienne était essentiellement une fonction publique où régnait le favoritisme et où les nominations étaient faites par le gouvernement du Canada. Il n'y avait pas non plus beaucoup de fonctionnaires. À cette époque, ils étaient autour de 1 200. Et il a fallu attendre de très, très nombreuses années, des décennies même, avant d'avoir une fonction publique non politisée où le gros des fonctionnaires étaient nommés selon leur mérite et faisaient de longues carrières. Les fonctionnaires observent la neutralité et assument leurs responsabilités dans le respect des lois et règlements. D'ailleurs, dans l'ensemble, la fonction publique canadienne fait un excellent travail. Je pense que nous sommes chanceux et que nous pouvons nous en réjouir.

    Le problème, c'est que 1 ou 2 p. 100 des dépenses ne sont pas justifiées ou faites selon les règles en vigueur, et puis ceux par qui le scandale arrive reçoivent toute l'attention.

+-

    M. Daryl Kramp: Un certain nombre de témoins nous ont dit qu'ils se sentaient, pour différentes raisons, soumis à certaines contraintes dans leurs décisions. Ce que je cherche, en tant que membre du comité, c'est une façon d'empêcher cela pour que ces gens aient la latitude et la liberté nécessaires pour exercer leurs responsabilités sans subir de pressions d'aucune sorte. Notre processus parlementaire le permet-il actuellement?

+-

    M. C.E.S. Franks: Oui, monsieur, et je crois que vous avez mis le doigt sur l'essentiel. J'ai peut-être utilisé de belles grandes phrases magistrales, mais étant donné que les sous-ministres doivent s'acquitter de responsabilités légales et que ce comité est habilité à examiner comment ceux-ci rendent des comptes sur la régularité et l'intégrité financières dans le cadre des obligations qui leur incombent, il appartient au comité de se demander : « Jusqu'à quel point ces personnes sont-elles à l'abri des pressions exercées par les politiciens? Jusqu'à quel point est-il clair, lorsqu'elles sont en désaccord avec les politiciens...? Oui, la responsabilité ministérielle est de permettre aux politiciens d'obtenir gain de cause, s'ils le veulent, mais jusqu'à quel point est-il clair que ces dérogations à ce que vous considérez être les règles, les procédures et les principes adéquats d'économie et d'efficacité sont portées à l'attention de la vérificatrice générale et du comité des comptes publics? ». Autrement dit, que fait ce comité pour protéger les fonctionnaires qui s'efforcent de respecter les règles, mais qui sont soumis à des pressions les poussant à agir autrement?

    Selon moi, c'est à ce genre de questions que cette étude sur la gouvernance et la reddition de comptes doit répondre.

+-

    M. Daryl Kramp: Ne pensez-vous pas qu'un gouvernement particulièrement persuasif, tenant fermement les rennes du pouvoir, sera très réticent à l'idée que le contrôle qu'il exerce soit limité de quelque façon que ce soit? Autrement dit, si nous proposons que le comité des comptes publics assume des responsabilités supplémentaires, essentiellement pour déterminer si oui ou non nous devons nous engager davantage dans le processus, il se peut que nous fassions face à une forte résistance sur bien des fronts.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je suis sûr que vous rencontrerez de la résistance, car si vous voulez changer le système, il faut que les gens changent aussi. Une chose ne peut pas aller sans l'autre. Il faut s'éloigner du : « plus ça change et plus c'est pareil ».

    Le problème, je crois, c'est que les liens entre les sous-ministres et les ministres risquent de devenir trop étroits. Cela donne lieu à des difficultés dans l'ensemble du système, comme vous avez pu le constater. Je tiens à ce que vous sachiez que le comité des comptes publics britannique a cerné le problème il y a plus de cent ans et qu'il a forcé l'équivalent de nos sous-ministres à bien se tenir et à agir dans le respect des règles.

º  +-(1610)  

+-

    M. Daryl Kramp: Très brièvement, pour résumer, votre approche est celle de la carotte et du bâton, de la récompense par rapport à la punition. Voyez-vous des directives particulières à appliquer dans ce sens ou pensez-vous qu'il faille accepter une sorte de compromis, ou faire un peu des deux, selon les circonstances?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je pense que c'est au comité, en bout de ligne, de décider jusqu'où il veut aller. Mais selon moi, la première étape consisterait à demander au Conseil du Trésor dans quelle mesure il tient ses sous-ministres responsables des obligations qui leur incombent et quels principes il applique pour leur demander des comptes. Vous pourriez ensuite voir si les réponses obtenues vous satisfont. Si ce n'est pas le cas, vous pourriez aller plus loin. Et lorsqu'un sous-ministre viendra témoigner devant ce comité, vous pourrez lui demander dans quelle mesure il doit répondre de ses actes compte tenu des responsabilités légales qui lui incombent.

+-

    Le président: Très bien, je vous remercie beaucoup, monsieur Kramp.

[Français]

    Monsieur Sauvageau, vous avez huit minutes.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Monsieur Franks, bienvenue et merci d'être parmi nous. J'ai examiné avec intérêt le document que vous nous avez fait parvenir avant la rencontre d'aujourd'hui.

    J'aimerais poser des questions concernant les agents comptables et la comparaison entre le modèle britannique et notre modèle. J'apprécie le fait que vous ayez dit dans votre présentation que le dossier de la reddition de comptes, la gouvernance et l'imputabilité est peut-être l'un des dossiers les plus importants du Comité permanent des comptes publics.

    Prenons un exemple concret et voyons comment, si on avait eu des agents comptables britanniques, cela aurait pu améliorer les choses dans notre système.

    Dans le dossier du scandale des commandites, des sous-ministres se sont dits non responsables ou ont dit s'être fait passer par-dessus la tête par les ministres. Si on avait appliqué ce modèle d'agents comptables britanniques, aurait-on pu contrôler au préalable les dépenses dans le cadre du programme de commandites?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: C'est une très bonne question, monsieur. Je crois que la réponse qui s'impose est la suivante : si nous appliquions le système de l'agent comptable, le sous-ministre se serait objecté à la façon dont les ministres proposaient de gérer le programme des commandites. Si les ministres avaient insisté, le sous-ministre aurait envoyé une lettre exprimant son désaccord et son refus d'obtempérer. Les ministres auraient dû passer outre et cette lettre aurait immédiatement été transmise au Conseil du Trésor et à la vérificatrice générale.

    La particularité de ce système, c'est qu'il ne peut empêcher les ministres de faire ce qu'ils veulent, et c'est très bien ainsi car, en bout de ligne, ce sont eux qui doivent rendre des comptes aux Canadiens. Cela ne signifie pas pour autant que la question doit être traitée très rapidement par les membres du comité des comptes publics. Après tout, le but d'un processus de reddition de comptes sérieux n'est pas de punir les délinquants, mais plutôt de dissuader les gens de commettre des délits parce qu'ils savent qu'ils peuvent se faire prendre. C'est là que le système britannique a réussi et que le nôtre a échoué.

    Alors la réponse à votre question, monsieur, est oui.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Concernant ce dossier particulier, si le premier ministre du pays refuse les avis et les mentions de la greffière du Conseil privé--c'était elle à cette époque--, cela ne signifie-t-il pas que le premier ministre et la greffière ou le greffier du Conseil privé sont au-dessus des agents comptables? Faudrait-il un super agent comptable, au-dessus des agents comptables, pour vérifier même le premier ministre?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne crois pas, monsieur, parce que les dépenses ont été engagées et les contrats passés par le ministère des Travaux publics. Si le sous-ministre des Travaux publics avait été tenu personnellement responsable de ces dépenses et de ces contrats, il aurait pu dire : « J'ai agi selon les instructions de mon ministre », si ce dernier avait donné par écrit des indications contraires aux règles. En outre, si l'agent comptable avait dit : « Oui, je vais faire ce que demandez, » sans que la décision soit contestée, le sous-ministre aurait alors été tenu responsable et considéré redevable. Cela aurait pu avoir des conséquences très néfastes sur sa carrière professionnelle.

    Voilà donc l'objet principal du processus consistant à faire rapidement état de ce genre de pratiques et à veiller à ce que ces anomalies soient dénoncées au grand jour.

º  +-(1615)  

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: D'accord.

    Je vous donnerai un autre exemple, et vous me direz si, selon vous, c'est le sous-ministre, le ministre ou le Comité permanent des comptes publics qui est responsable.

    Le Bureau du Canada pour le millénaire devait publier un rapport sur le rendement pour 2001-2002. Il en avait fait la promesse dans son Rapport sur le rendement de 2000-2001. Ce rapport sur le rendement n'a jamais été rendu public, n'a jamais été déposé.

    Le Comité permanent des comptes publics, le Conseil du Trésor ou qui que ce soit n'aurait-il pas dû aviser quelqu'un de l'absence d'un tel rapport?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne connais pas très bien ce dossier mais, autant que je sache, le comité des comptes publics peut prendre plusieurs mesures. Il peut inviter le ministre ou le sous-ministre concerné—je préférerais que ce soit le sous-ministre—à venir lui expliquer où en est le rapport. Il pourrait également proposer à la vérificatrice générale d'intervenir.

    Je ne peux répondre à cette question car j'ignore dans le détail qui a promis de faire rapport et à qui incombent les responsabilités en la matière.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Si vous le permettez, on parle d'argent, mais la reddition de comptes n'est pas que pour l'argent. Je sais que nous sommes au Comité permanent des comptes publics, mais je vais poser une question sur les langues officielles, car il y a quand même des similitudes entre les deux.

    Chaque ministère doit déposer son rapport annuel, avec les plans et les actions qu'il a posées en matière de langues officielles, auprès du Conseil du Trésor, qui doit en faire le suivi.

    Je donne un autre exemple. Puisque dans l'armée canadienne, à la Défense nationale, 60 p. 100 des postes désignés bilingues sont occupés par des personnes unilingues anglophones, où y a-t-il eu un manque de suivi, de reddition de comptes ou une mauvaise gouvernance? C'est vrai en ce qui concerne les comptes publics, mais le manquement ou l'absence de reddition de comptes est aussi généralisé.

    Chacun des ministères dépose ses rapports annuels. Or, même si, dans le rapport annuel, on a des énormités comme celle-là--60 p. 100 des postes désignés bilingues sont occupés par des unilingues anglophones--, le ministère ne fait rien. Est-ce qu'on doit accuser le ministère, le sous-ministre, le Comité permanent des comptes publics ou, dans ce cas-là, le Comité des langues officielles, de ne pas faire le suivi de ces rapports?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: Monsieur, je n'ai pas examiné en profondeur les dispositions de la Loi sur les langues officielles. Les sous-ministres sont personnellement responsables du respect de certains aspects de la politique sur les langues officielles au sein des ministères. Toutefois, je ne sais pas dans quelle mesure.

    Les sous-ministres sont aussi clairement responsables de l'administration du personnel. À ce propos, j'ai lu les dispositions applicables de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il suffit de faire quelques petites recherches pour savoir qui est responsable. À mon avis, c'est le sous-ministre; c'est donc à lui qu'il faut poser les questions. Je ne suis pas sûr que ce comité soit habilité à faire ce genre de choses.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: J'aurais deux dernières questions, toujours en rapport avec la reddition de comptes. Notre comité est supposé être un comité important de la Chambre. Que pensez-vous du fait que les recommandations du rapport unanime déposé année après année par un comité comme le nôtre ne sont jamais suivies? Est-ce que le comité devrait toujours revenir à la charge, même si le gouvernement ne fait rien? Est-ce que c'est le sous-ministre qui devrait nous dire pourquoi, au cours des cinq dernières années, il n'a jamais respecté les recommandations du comité? Est-ce plutôt le ministre qui devrait le faire?

    Voici ma dernière question: seriez-vous davantage d'accord avec Alfonso Gagliano, qui disait qu'un ministre n'est pas responsable de son ministère, ou avec Reg Alcock, qui disait qu'un ministre est responsable de son ministère?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: Permettez-moi de répondre d'abord à votre dernière question. Je vais vous donner une réponse tout à fait futile, mais c'est la seule qui me vient à l'esprit.

    Il faut comprendre deux règles au sujet des responsabilités et des obligations concernant la reddition de comptes des ministres et des sous-ministres. Si vous êtes capables de comprendre ces règles, vous pouvez comprendre le système. La règle numéro un est que les ministres sont responsables et redevables pour tout, sauf lorsqu'ils ne le sont pas. La règle numéro deux est que les fonctionnaires ne sont responsables et redevables de rien, sauf lorsqu'ils le sont.

º  +-(1620)  

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Et voilà.

[Traduction]

+-

    Le président: Sur ces sages paroles...

+-

    M. C.E.S. Franks: Monsieur, puis-je répondre à la première question?

+-

    Le président: Oui, certainement.

+-

    M. C.E.S. Franks: Merci.

    La première question est très importante. Pour y répondre, permettez-moi de vous parler du système britannique. La Grande-Bretagne a adopté un système en vertu duquel le Trésor, l'équivalent de notre Conseil du Trésor, doit donner suite aux recommandations du comité. En fait, en Grande-Bretagne, le comité des comptes publics fait de la réponse du Trésor son premier point à l'ordre du jour chaque année.

    Je crois que nous devrions établir un système semblable au Canada. Nous obtenons une réponse de la vérificatrice générale, mais celle-ci est une vérificatrice externe, elle ne fait pas partie du système. Par contre, le Trésor britannique fait partie du système.

    Le Trésor britannique peut être en désaccord avec le comité des comptes publics. En fait, il est arrivé que les deux se lancent dans des débats sur un aspect de la reddition de comptes ou de la responsabilité qui ont duré parfois des décennies. Je le répète, il me semble que notre système fait défaut à ce chapitre. Je crois que vous avez mis le doigt sur une question très importante qui mérite d'être examinée.

+-

    Le président: Merci, monsieur Sauvageau.

    C'est une remarque intéressante. Nous avons laissé le soin à la vérificatrice générale d'assurer le suivi des rapports envoyés par le gouvernement en réponse à nos propres rapports. Nous devrions peut-être demander aux ministres ou aux ministères de venir nous expliquer ce qu'ils entendent faire, si tant est que nous ayons l'assurance qu'ils agiront vraiment. Lorsque la vérificatrice générale revient à la charge et s'aperçoit que rien n'a changé, c'est à nous d'intervenir.

    Qui plus est, j'ai demandé à nos attachés de recherche de voir quelles étaient les exigences légales auxquelles devaient se conformer les sous-ministres et de nous en faire rapport. Il se peut que nous voulions déposer ce rapport devant la Chambre des communes et l'envoyer au greffier du Conseil privé pour que tous les sous-ministres soient informés. Ainsi, lorsqu'ils se présenteraient devant ce comité, nous pourrions leur demander s'ils connaissent bien leurs obligations légales et leurs responsabilités administratives.

    Voilà ce que nous pouvons faire en tant que comité. Je pense que ce serait une expérience très instructive et essentielle qui rendrait nos travaux plus efficaces.

    Monsieur Carr, allez-y, vous disposez de huit minutes.

+-

    M. Gary Carr: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    Tout d'abord, merci beaucoup pour votre déclaration que j'ai trouvée fort intéressante.

    J'aimerais poursuivre dans la même veine que les propos du président et de M. Sauvageau. Je suis content que vous ayez parlé de responsabilités et de reddition de comptes. Comme je l'ai déjà dit, nous qui représentons le pouvoir législatif devons tenir le pouvoir exécutif pour redevable, et c'est ce que nous faisons par l'intermédiaire de ce comité.

    Je ne pense pas qu'il faille changer le système; il suffit d'un peu de volonté politique pour que les députés demandent des comptes, et cela ne s'est pas vu. Je l'ai constaté en Ontario; il ne s'est rien passé. Le comité des comptes publics n'a pas fonctionné correctement, quel que soit le parti. Ceci dit, et en assumant le fait que ce comité prend la responsabilité de dire que nous allons demander des comptes à l'exécutif—et vous avez entendu quelques exemples illustrant le fait que les choses ne changent pas...

    Au tout début, dans votre deuxième intervention, vous avez parlé de sanctions. Si je comprends bien, c'est le pouvoir législatif qui vous pose problème. Aucune sanction n'est prévue. Nous pouvons rédiger un rapport et dire tout ce que nous voulons, mais il n'y a pas de véritables sanctions parce qu'en bout de ligne, le gouvernement au pouvoir devra rendre des comptes aux prochaines élections. Il pourrait en sortir gagnant, mais aussi perdre. Voilà la sanction ultime à laquelle s'expose le gouvernement.

    Étant donné que vous avez soulevé la question des sanctions, avez-vous des suggestions à nous faire, ou pouvez-vous nous dire ce qui se fait en Grande-Bretagne où les règles semblent être un peu plus fermes...? Y a-t-il des sanctions que pourrait appliquer le comité des comptes publics, le pouvoir législatif, pour demander des comptes au pouvoir exécutif lorsqu'il estime que les choses n'ont pas été faites correctement, autres que celles que propose le président, c'est-à-dire appeler le ministre et le sous-ministre à comparaître, après leur avoir demandé trois fois sans résultat de donner suite au rapport de la vérificatrice, pour leur demander de s'expliquer. Est-il possible d'appliquer des sanctions ou est-ce impensable?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je pense que vous devez régler cette question en vous adressant d'abord au Conseil du Trésor puis au Bureau du Conseil privé. Mais vous devez demander au Conseil du Trésor quoi faire pour exiger des comptes aux sous-ministres lorsqu'ils faillissent à leurs obligations légales. Il me semble que la principale force du comité est de pouvoir rendre publics ces manquements aux règles; cela devrait encourager le gouvernement à assurer correctement l'administration financière.

    Ça vaut ce que ça vaut, mais sachez qu'au XIXe siècle, le comité des comptes publics de Grande-Bretagne avait tenté d'infliger des sanctions à des agents comptables en leur disant que si les dépenses qu'ils faisaient n'étaient pas préalablement approuvées en vertu de la loi, ils devraient rendre des comptes.

    L'exemple dont je me souviens le mieux est celui d'un colonel britannique qui avait été pris en otage par des brigands en Grèce et pour lequel on avait demandé une rançon de 500 livres en échange de sa libération, ce qui représentait beaucoup d'argent pour l'époque. L'ambassadeur de Grande-Bretagne en Grèce avait payé ces 500 livres puis envoyé la facture au Trésor. Le comité des comptes publics avait alors déclaré que cette dépense n'était pas prévue dans les crédits et demandé à l'ambassadeur de rembourser ces 500 livres au Trésor. Le Trésor n'était pas d'accord et il a finalement eu gain de cause.

    Le comité n'applique donc aucune sanction de la sorte. Il arrive à ses fins grâce au sérieux de ses enquêtes sur le comportement répréhensible des agents comptables. Cela peut avoir d'immenses répercussions sur la carrière de ces agents.

    Au Canada, le problème est différent avec les sous-ministres, d'abord parce qu'il me semble que leurs principales obligations de rendre compte et leurs responsabilités internes sont à l'égard du Bureau du Conseil privé; ensuite, et cela est lié au premier point—je possède un document plus long là-dessus que je n'ai pas ici—, au Canada, un sous-ministre reste en poste en moyenne environ deux ans et demi ou moins. Le Conseil du Trésor en est lui-même à son neuvième secrétaire en 20 ans, ce qui porte à croire que ces derniers sont restés en poste un peu moins de deux ans et demi chacun.

    Gordon Osbaldeston, qui est un ancien greffier du Conseil privé, a dit qu'il pensait que les sous-ministres devaient rester au moins trois ans en poste pour pouvoir faire du bon travail. Cela signifie que la plupart des sous-ministres au Canada quittent leur poste avant d'avoir vraiment appris comment bien faire. Selon moi, c'est une question qui devrait inquiéter le comité car cela prouve que la plupart des sous-ministres ne restent pas assez longtemps en poste. À mon avis, c'est le début d'un problème parce que s'ils ne restent pas assez longtemps en poste pour justifier leurs actions devant le comité et vivre avec les conséquences de leurs actes, s'ils sont promus et transférés avant même d'avoir eu le temps de gérer leur ministère, devant qui sont-ils responsables et redevables en premier lieu? Ce n'est certainement pas devant le ministère pour lequel ils travaillent ni devant le comité des comptes publics.

    Je pense que nous sommes face à un problème étant donné que dans les très hautes sphères, nos fonctionnaires font face à des difficultés complexes car ils doivent répondre de leurs actes à la fois devant les politiciens et devant la fonction publique. Il existe le risque que les politiciens soient colonisés par la fonction publique, mais il y a aussi le risque contraire. À ce stade-ci, je crains que nous soyons allés trop loin en direction de la politisation et de la colonisation de la très haute fonction publique par les politiciens.

º  +-(1625)  

+-

    M. Gary Carr: Vous avez dit que les sous-ministres ne restaient pas suffisamment longtemps en poste pour bien apprendre leur travail, mais je pense qu'on pourrait dire la même chose des ministres. Eux non plus ne sont pas à l'abri de changements soudains.

+-

    M. C.E.S. Franks: Monsieur, ces deux dernières années...

+-

    M. Gary Carr: Si vous permettez, je vais poser ma question très rapidement, puis vous laisser répondre.

    Je m'intéresse à toute cette histoire de ministre et de sous-ministre. Je ne crois pas que quiconque à la table ait été ministre, sauf mon collègue, M. Christopherson, qui a été ministre au sein du gouvernement de l'Ontario. Je vais d'ailleurs prendre le gouvernement de l'Ontario comme exemple, mais il s'agit d'une autre adminsitration, celle de M. Harris.

    Je ne révèle pas de secret -- c'est du domaine public, et il en a même été question dans certains livres --, mais tout de suite après l'accession au pouvoir du gouvernement Harris, le Cabinet du premier ministre de la province a fait venir tous les sous-ministres pour leur dire qu'ils relevaient du premier ministre, non pas du ministre. Ainsi, les ministres se sont trouvés exclus. Ils savaient que leurs sous-ministres ne relevaient pas d'eux.

    Donc, quand les ministres ont l'obligation de rendre des comptes, le principe veut que le gouvernement rende des comptes de ce qu'il fait et que le sous-ministre rende des comptes par l'intermédiaire du ministre. Si vous permettez au sous-ministre de prendre des décisions en dehors de ce processus, comment peut-on alors exiger des comptes du gouvernement de l'heure?

    Avec un peu de chance, vous avez compris ma question. Comme nous n'avons plus beaucoup de temps, je n'ai peut-être pas été aussi clair que je l'aurais aimé. Comment peut-on obliger le gouvernement à rendre des comptes si le sous-ministre est autorisé à agir seul, à faire comme bon lui semble?

º  +-(1630)  

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne crois pas qu'il soit aussi simple pour les sous-ministres de recevoir leurs instructions de personnes autres que leur ministre. Pour en revenir à mon exemple du Conseil du Trésor, il y a eu douze ministres différents à la tête de ce ministère au cours des vingt dernières années, ce qui donne en moyenne un mandat de 1,75 année. Ce n'est pas assez long, là non plus.C'est une source de problème, et le mandat du comité l'autorise à exprimer des préoccupations au sujet de l'impact qu'a ce court mandat tant sur la gestion que sur la responsabilisation.

    En fait, c'est Osbaldeston, je crois, qui a constaté que la durée moyenne du mandat d'une équipe de sous-ministres et de ministres au sein du gouvernement du Canada était d'une année. Je le répète: il y a donc, effectivement, un problème.

+-

    Le président: Monsieur Carr, je vous remercie.

    Monsieur Christopherson, je vous prie, pour huit minutes.

+-

    M. David Christopherson (Hamilton-Centre, NPD): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    Professeur, je vous remercie également. Je sais que d'aucuns trouvent le sujet aride, mais pour certains d'entre nous, la procédure parlementaire et la façon dont nous fonctionnons sont absolument fascinantes. Les affaires du peuple nous captivent. Donc, tout comme le président, je vous suis très reconnaissant de prendre la peine de venir nous expliquer vos réflexions fort appréciées en la matière.

    Je n'ai pas de question dans un ordre particulier, simplement quelques réflexions qui me sont venues pendant que j'écoutais.

    J'aimerais tout d'abord revenir à ce qu'a dit un de mes collègues, M. Carr peut-être, sur la question de savoir si, oui ou non, un changement s'impose, ce qui souligne toute la question de son à-propos et du fait que nous avons un gouvernement minoritaire. Est-ce bien le moment de le faire? Nous avons un président qui a beaucoup d'expérience. Notre comité compte autant de députés aguerris que de nouveaux députés. C'est peut-être le moment ou jamais.

    Faut-il apporter des changements sans plus attendre pour profiter de l'occasion et bâtir sur ce que nous avons déjà fait? Ou les systèmes et les processus, de même que les freins et contrepoids, sont-ils en place, et il faut simplement avoir la volonté politique de les laisser fonctionner tels que conçus à l'origine?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne suis pas convaincu que, si vous acceptez l'interprétation faite par le Bureau du Conseil privé de la responsabilité du ministre et du sous-ministre, vous aurez un système efficace de contrôle par le biais du comité des comptes publics et que vous arriverez à voir à ce qu'ils aient un bon comportement. Donc, effectivement, je crois qu'un changement s'impose.

    Je crois effectivement que votre comité est un élément clé du processus. De plus, étant donné l'indignation qu'ont suscité les dossiers de RHDC et du programme des commandites, je soupçonne que les fonctionnaires eux-mêmes commencent à s'inquiéter de leur réputation et de ce qui se passe.

    C'est la constatation vers laquelle semble se diriger la commission d'enquête Gomery. Les travaux antérieurs de votre comité vont également en ce sens. La vérificatrice générale a encouragé ce genre de choses. C'est la première fois, depuis plus de 40 ans que j'examine cette question, qu'il existe un véritable espoir de changement en la matière. Je vous encourage donc, en tant que comité, à en faire le plus possible.

+-

    M. David Christopherson: D'accord. Je vous remercie.

    Bien entendu, il va à ce moment-là falloir trouver quels changements s'imposent. Nous aurons probablement besoin de plus de conseils à cet égard, si nos travaux atteignent ce stade.

    Je vais maintenant passer à mon autre point. Durant les témoignages qui ont mené à la création de l'enquête Gomery, je n'étais pas ici, mais en les relisant, j'ai l'impression que le sous-ministre affirmait qu'au bureau, M. Guité, à la tête du ministère, agissait en quelque sorte seul.

    Je me suis fait une note quand vous avez dit que des ministres ne pouvaient pas facilement réaffecter les tâches d'un sous-ministre à d'autres. Je suppose que cela signifie des dossiers qui relèvent d'eux. Quelles sont vos réflexions à ce sujet? Qu'aurait-il fallu faire pour éviter que cela ne se produise? Il semble qu'un sous-ministre a fait exactement ce que vous avez dit qu'un ministre—j'étends donc la notion à un sous-ministre—ne peut faire facilement, c'est-à-dire confier à un autre les responsabilités que lui réserve la loi, à moins d'être explicitement autorisé à le faire.

+-

    M. C.E.S. Franks: J'ai trouvé cet aspect de l'enquête menée par votre comité très déroutant. En fait, j'étais tout aussi confus lorsque j'ai suivi les travaux de la commission Gomery. Je ne puis vous offrir que deux réponses.

    L'une d'elles, c'est que l'interprétation de la responsabilité ministérielle et de la responsabilité du sous-ministre faite par le Bureau du Conseil privé tient l'obligation du sous-ministre de rendre des comptes au ministre comme étant si importante que c'est le ministre lui-même qui vérifie que le sous-ministre a satisfait aux exigences législatives, non pas le Conseil du Trésor ou le comité des comptes publics. Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation. C'est là un des points qui à mon avis doit être contesté et examiné par votre comité.

    À ce stade-ci, j'estime que toute la question est si confuse qu'elle a occulté qui est responsable, qui rend des comptes. Il ne s'agit pas seulement de savoir à qui attribuer le blâme, mais, fait plus important, de savoir comment on peut réparer le système. Voilà le problème.

º  +-(1635)  

+-

    M. David Christopherson: D'accord.

    Voici une question générale sur ce que vous avez dit. J'aurai quelques questions plus précises par la suite, si j'en ai le temps.

    Elle concerne la responsabilité ministérielle et de savoir à quel moment le ministre devrait, comme le veut l'usage, démissionner. Cela n'est jamais précisé comme tel. Ce que je crains, c'est que si nous nous éloignons du principe de la responsabilisation du ministre, imposons-nous la reddition de comptes aux fonctionnaires, de sorte qu'ils assument désormais des responsabilités qui relevaient auparavant du ministre?

    Jusqu'où pourrait-on aller en ce sens? Si vous êtes un ministre en place et qu'un incident sans rapport avec vous se produit quelque 5 000 kilomètres plus loin—vous n'avez rien fait dans ce dossier, mais le scandale est énorme, et l'érosion du système a été systémique—où réside la responsabilité, en théorie? Relève-t-elle du sous-ministre, qui est censé voir à la bonne administration, ou du ministre, qui en fin de compte est celui qui est responsable de tout?

+-

    M. C.E.S. Franks: J'en parle un peu dans mon document le plus long, que vous n'avez pas encore reçu parce qu'il n'a pas été traduit. La réponse à cette question n'est pas simple. Habituellement, les ministres ne démissionnent pas pour des erreurs commises par des fonctionnaires. Toutefois, il existe des exceptions. Si le fonctionnaire a commis l'erreur en suivant les instructions que lui a personnellement données le ministre ou en se conformant à une politique approuvée par le ministre, celui-ci est alors clairement responsable et doit en répondre. Si l'erreur est commise par un fonctionnaire qui n'a pas respecté les politiques énoncées par le ministre et sans que le ministre en soit auparavant informé, c'est alors lui qui est responsable et qui doit rendre des comptes. La responsabilité du ministre est alors de dire qu'il reconnaît qu'une erreur a été commise et qu'il a pris des mesures pour redresser la situation.

    L'usage veut, des deux côtés de l'Atlantique, que les ministres ne démissionnent pas pour les erreurs commises par des fonctionnaires alors qu'ils n'étaient pas au courant au préalable de ce qui se préparait et que l'acte allait à l'encontre des politiques du ministère.

+-

    Le président: Il vous reste une minute.

+-

    M. David Christopherson: Merci, monsieur le président.

    Poussons un peu plus loin. Qu'en est-il des sous-ministres? Ils sont plus directement responsables de la véritable administration. À nouveau, est-ce simplement devenu une question de discipline ou cela est-il fonction du fait qu'ils suivent les politiques ou qu'ils agissent de leur propre chef, comme des rebelles?

+-

    M. C.E.S. Franks: Ma question au sujet du programme des commandites est de savoir dans quelle mesure le sous-ministre a informé le ministre des problèmes d'administration du programme et dans quelle mesure le sous-ministre n'a pas respecté son obligation aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques? J'ignore la réponse à ces deux questions. Votre comité pourrait peut-être la trouver.

+-

    M. David Christopherson: Il ne me reste plus assez de temps pour poser une autre question. C'est donc tout ce que j'avais à dire, monsieur le président, et je vous suis très reconnaissant de vos réponses, professeur.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Christopherson.

    Monsieur Allison, vous avez huit minutes.

+-

    M. Dean Allison (Niagara-Ouest—Glanbrook, PCC): J'aimerais en revenir à la question qui a été abordée quelques fois, que M. Christopherson a également mentionnée, soit que le moment est peut-être propice, étant donné que le gouvernement est minoritaire, d'examiner des domaines où nous pourrions être plus efficaces en tant que comité sur le plan de la responsabilisation et de la reddition de comptes. Revenons à cette question pour quelques instants. Je me rends compte qu'en huit minutes, vous ne pouvez probablement pas nous parler de tous ses aspects, mais je crois que nous sommes ici sur une piste que j'aimerais que vous étoffiez un peu plus.

    Nous comprenons qu'il faut qu'il y ait une volonté politique. La question est de savoir, si la volonté politique n'est pas au rendez-vous, quel genre de choses nous pouvons faire pour avancer dans ce sens?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vais faire une analogie avec la chasse. Si les ministres sont le « gros gibier » et les sous-ministres, le « petit gibier », il faut se demander ce qu'on chasse au juste. Si vous optez pour les ministres, vous visez constamment une cible politique; la chasse va toujours devenir politique. Par contre, si vous optez pour les sous-ministres—le petit gibier— afin de faire en sorte qu'ils rendent des comptes, alors vous pouvez espérer qu'en fin de compte, il ne sera pas question de politique. Vous traitez à ce moment-là de questions administratives et vous devez faire en sorte que, dans le domaine de la gestion des finances et de la gestion tout court, les sous-ministres respectent les règles fixées dans les lois et énoncées par le Conseil du Trésor. Ce sont là des questions d'efficacité et d'économie, de rentabilité, de conformité aux règles, de régularité et de bienséance du comportement. Ces questions n'ont pas le même intérêt que la chasse au gros gibier: il est difficile de clouer une tête de bécassine au mur comme vous le feriez d'une tête d'orignal ou de chevreuil.

    Toutefois, je vous ferais une autre réponse. Quand vous partez à la chasse du gros gibier, l'autre côté, c'est-à-dire le parti ministériel, se protège, et vous n'aboutissez à rien. En fait, en quelque cent ans d'existence, le comité des comptes publics au Canada n'a connu qu'une série d'échecs, parce qu'il est toujours parti à la chasse à la suite de scandales et qu'il n'a jamais réussi à tuer son gibier. Si jamais le comité des comptes publics parvient à agir par décision consensuelle—je ne dis pas qu'il faut être impartial, parce que vous êtes motivés par des influences partisanes de même que par votre désir de servir les Canadiens et les Canadiennes, sans quoi vous ne seriez pas là—en vue de frapper un équilibre entre le désir du parti ministériel de protéger le gouvernement et celui de l'opposition, soit la tenue d'une véritable enquête, vous pourriez finir par enquêter sur ces questions, c'est-à-dire sur la gouvernance, et essayer d'insister pour que le système se réforme lui-même, ce qui ne s'est jamais produit jusqu'ici.

    J'espère avoir répondu à votre question, monsieur.

º  +-(1640)  

+-

    M. Dean Allison: Vous y avez répondu.

    À mesure qu'avancent nos travaux, comment s'y prendre pour le faire? L'unanimité suffit-elle ou faut-il que les deux côtés se rencontrent et décident qu'il faut...? Comment passe-t-on, en fin de compte, à la phase concrète?

+-

    M. C.E.S. Franks: La première chose à faire est de mener une bonne étude. Ensuite, il faut produire un bon rapport, après quoi il faut inviter des hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor, du Conseil privé, du Bureau de la vérificatrice générale peut-être, à venir le commenter -- de même que d'autres intéressés. Par après, il faut affirmer que vous demeurez convaincus du bien-fondé de vos recommandations et que vous attendez que suite leur soit donnée.

    Je vais ajouter une chose que je ne devrais peut-être pas dire. Votre calendrier est plutôt serré, étant donné que le gouvernement est minoritaire, parce qu'il ne dure habituellement pas aussi longtemps qu'un gouvernement majoritaire.

+-

    M. Dean Allison: Sans vouloir trop simplifier, ce que j'ai compris, c'est que, plutôt que d'examiner des scandales, nous devrions nous pencher sur le processus.

+-

    M. C.E.S. Franks: Ce n'est pas une question de l'un ou de l'autre. L'objectif n'est pas forcément d'exposer le mauvais comportement de politiciens ou de fonctionnaires, puis de tout laisser tomber, de dire qu'on s'est acquitté de sa tâche, qu'on a exprimé son indignation et que les Canadiens ont perdu confiance en leur gouvernement. En réalité, il me semble qu'une de vos obligations en tant que parlementaires, au nom du Parlement et du peuple canadien, est de réclamer qu'on répare le système de manière à vous rendre plus utiles, qu'on cesse de vous demander de seulement examiner des scandales, parce que vous avez autre chose à faire au nom des Canadiens et des Canadiennes, soit faire en sorte que les programmes et les politiques sont bons. Il ne suffit plus de s'attarder à ces questions d'administration qui finalement ont moins d'importance, mais qui retiennent tant l'attention de la presse.

+-

    M. Dean Allison: Ce que vous dites, c'est qu'il faut passer à l'étape suivante, essayer de réparer le système et d'aller aux racines du mal, plutôt que de toujours s'en tenir aux symptômes.

+-

    M. C.E.S. Franks: Oui, monsieur.

+-

    M. Dean Allison: Vous avez parlé de poser la question au Conseil du Trésor au sujet de la responsabilité des sous-ministres. Comment, selon vous, les sous-ministres sont-ils tenus de rendre des comptes actuellement par le Conseil du Trésor?

º  +-(1645)  

+-

    M. C.E.S. Franks: Je m'intéresse surtout au Conseil du Trésor. J'estime qu'il représente le maillon faible de la chaîne au sein du gouvernement pour ce qui est de la reddition de comptes des sous-ministres. Or, à mon avis, il faudrait au contraire qu'il soit le chaînon le plus fort, parce qu'il s'agit d'un des organismes centraux qui a les mêmes préoccupations -- tout comme les ministres, d'ailleurs -- que votre comité au sujet de la régularité et de l'intégrité, au sujet de l'économie, de l'efficacité et de la rentabilité. Le point auquel il faut que votre comité s'attaque -- ou pour employer des mots plus justes -- qu'il examine au sujet du Conseil du Trésor est de savoir comment il oblige les sous-ministres à rendre des comptes internes en fonction de ces objectifs. Pour ma part, je l'ignore.

+-

    Le président: Il vous reste une minute et demie.

+-

    M. Dean Allison: Poursuivez, je vous prie.

+-

    M. C.E.S. Franks: Non, je pourrais m'arrêter ici, parce que c'est là, selon moi, l'enjeu principal. Le Bureau du Conseil privé se préoccupe de questions politiques, du gouvernement dans son ensemble, de l'élaboration de politiques. Le Conseil du Trésor se préoccupe d'une bonne gestion des finances et du personnel. Voilà sur quoi devrait insister votre examen.

+-

    M. Dean Allison: Vous nous suggérez donc, comme possibilité, d'inviter des représentants du Conseil du Trésor et de leur demander de quelle façon ils obligent les sous-ministres à rendre des comptes.

+-

    M. C.E.S. Franks: De leur demander non seulement comment il les oblige à rendre des comptes, mais également comment des scandales comme celui du programme des commandites peuvent se produire au départ et durer si longtemps. Est-il au courant d'autres situations comme celle-là dont vous n'êtes pas informés? Le problème, selon moi, c'est que les mécanismes de contrôle internes n'ont pas bien fonctionné dans ce programme, entre autres.

+-

    M. Dean Allison: Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Allison, c'est tout le temps dont vous disposiez.

    Monsieur Holland, vous avez huit minutes.

+-

    M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur Franks, je vous suis reconnaissant d'être ici. J'ai quelques points à faire valoir, le premier étant davantage une mise en garde. Je tiens à m'assurer que j'ai bien compris ce que vous avez dit et qu'il n'y a pas de confusion.

    C'est M. Sauvageau, je crois, qui a dit, au sujet de l'affaire des commandites, que si le sous-ministre avait été obligé de rendre des comptes, il n'y aurait jamais eu de scandale. Je ne suis certes pas contre l'idée de faire un examen de la reddition de comptes ou de l'intensifier par rapport aux sous-ministres. C'est important. Toutefois, en fin de compte, en dépit du meilleur mécanisme de reddition de comptes, si le sous-ministre n'est pas une personne probe qui atteint bien les objectifs de son poste, il est fort possible que le problème se répète. Nous nous servons de la Grande-Bretagne comme exemple, mais elle n'est peut-être pas blanche comme neige. Elle aussi est souvent aux prises avec des scandales.

    Je vous mettrais donc en garde: nous pouvons poser tous ces gestes, mais si une mesure en particulier est en place et que tous décident de bien se comporter et de rendre des comptes complets...

    Toutefois, il s'agit davantage d'une mise en garde. J'ignore si vous avez un commentaire à faire à ce sujet.

+-

    M. C.E.S. Franks: Non, j'accepte ce que vous dites, bien que je crois qu'en Grande-Bretagne, la force dissuasive est beaucoup plus forte, au sein du compte des comités publics.

    On ne peut jamais prévenir tous les scandales. Si les gens tiennent à mal se conduire, ils le feront. Toutefois, vous pouvez leur faire prendre conscience que des conséquences graves sont prévues pour les actes répréhensibles et qu'ils devront les assumer plus tôt que tard, d'une manière plus grave qu'insignifiante et publiquement plutôt qu'en privé. Voilà ce que le comité des comptes publics britannique réussit à faire.

+-

    M. Mark Holland: Vous avez fait une observation avec laquelle je suis entièrement d'accord, soit qu'il faut aller au-delà des scandales et chercher vraiment à améliorer la mécanique des divers processus, de faire en sorte que ces erreurs... et je le répète, qu'il s'agisse de la reddition de comptes ou d'autres choses.

    Le problème est énorme. En bout de ligne, il y a une raison pour laquelle ces choses sont politisées. Cela fait partie du processus. Manifestement, il y a beaucoup à gagner d'un scandale juteux qui sera d'une certaine façon perçu comme désavantageux pour le gouvernement de l'heure. Étant donné cet arrière-plan, comment...?

    Vous avez mentionné les sous-ministres. Il est toujours possible, je suppose, qu'une partie de ce processus politique s'applique tacitement aux sous-ministres. Comment en arriver à un équilibre entre obtenir une véritable reddition de comptes et aller au fond des choses, puisque c'est ainsi qu'on va améliorer le processus?

    Ensuite, vous avez dit à quel point, en Angleterre, l'idée de témoigner devant le comité terrorisait. C'est une bonne chose, je suppose, si on a fait quelque chose de mal, mais ce n'est pas si bon si c'est parce que le milieu est très politisé et qu'on craint d'être mis en pièces, d'être contre-interrogé et d'être utilisé pour parvenir à des fins politiques. Il y a un équilibre fragile à maintenir. Comment y arriverait-on selon vous?

+-

    M. C.E.S. Franks: Tout d'abord, les agents comptables doivent comparaître devant le comité des comptes publics seulement lorsque le vérificateur général indique qu'ils ont fait quelque chose de répréhensible. Autrement dit, il faut que le rapport du vérificateur général en fasse déjà mention. Ainsi donc, leur crainte découle d'actes qu'ils ont eux-mêmes commis.

    La situation est très différente là-bas: le comité des comptes publics et le Conseil du Trésor britanniques insistent pour que les sous-ministres, soit les agents comptables, souscrivent au rapport du vérificateur général. Lorsque le rapport est soumis au comité, il a déjà obtenu le consentement de tous ou, sinon, un rapport dissident y est joint. S'il y a dissidence, c'est l'agent comptable qui est en cause, et non le vérificateur général.

    Il va de soi que les députés britanniques, à l'instar de leurs homologues canadiens, sont membres de partis et ont des motivations politiques, mais le comité fonctionne suivant une formule de consensus. Il n'y a jamais de rapport minoritaire. Règle générale, les membres du comité s'entendent sur les mesures à prendre parce qu'ils partagent tous la responsabilité de préserver la fonction publique et les normes de saine gestion financière au nom de leurs concitoyens et de leur Parlement.

    Dans le système britannique, comme dans le nôtre, les députés de l'opposition membres du comité ont pour objectif de former le gouvernement un jour ou l'autre. Ils souhaitent que les fonctionnaires puissent les servir tout aussi efficacement qu'ils l'ont fait pour le gouvernement précédent. Ils ne veulent pas que la fonction publique soit entachée de partisanerie. Ils ont donc tout intérêt à s'assurer que la fonction publique est mise à l'abri des influences politiques inappropriées.

º  +-(1650)  

+-

    M. Mark Holland: Peut-être pourrez-vous éclairer ma lanterne. Il est bien évident que je ne vous demande pas de vous faire le porte-parole du Conseil privé, mais comme nous n'avons pas la chance de leur demander directement pour quelle raison ils ne croient pas que ce soit la ligne de conduite à adopter, auriez-vous l'obligeance de m'indiquer, étant donné que je n'ai encore rien entendu à ce sujet, quels sont les motifs de leur prise de position à cet égard? Quels arguments font-ils valoir et quelle est votre réponse à ces arguments?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je pourrais justifier leur décision sous un aspect et vous l'expliquer sous un autre.

    Cette prise de position peut-être justifiable compte tenu de l'enthousiasme dont font montre le Parlement canadien et ses comités parlementaires y compris, dans le passé, le Comité des comptes publics, quand il s'agit de faire la chasse au scandale. Dans un tel contexte, il est tout naturel que le gouvernement fasse le nécessaire pour se protéger. Pour ce faire, il a défini les responsabilités de telle sorte que les ministres puissent rendre des comptes au Parlement et mettre ainsi le reste du système à l'abri des attaques.

    L'autre justification, qui est un peu moins convaincante pour moi, alors que je pourrais être favorable à la première, réside dans la longue durée de vie de nos gouvernements au Canada, tant pour les partis que pour les premiers ministres. Les premiers ministres canadiens, tout au moins ceux qui durent un tant soit peu, restent au pouvoir beaucoup plus longtemps que leurs homologues britanniques. Cette situation favorise la création de liens entre les hauts fonctionnaires et le parti au pouvoir, ce qui rend d'autant plus difficile pour un nouveau parti de prendre en charge le système et de faire confiance aux fonctionnaires. Il est également très difficile pour les députés de l'opposition de penser en tant que futurs ministres. C'est une partie de notre problème.

+-

    M. Mark Holland: J'en ai déjà un peu parlé tout à l'heure, mais une des choses qui m'inquiètent vraiment par rapport à l'attribution de pouvoirs plus directs aux comités pour stimuler leurs efforts dans le cadre de ces chasses au scandale... bien que parfois cela produit de bons résultats... Il arrive en effet que des comités fassent ressortir des choses qu'il convient de changer. Cependant, ces efforts drainent une quantité énorme d'attention, d'énergie et de ressources qui auraient pu être utilisées autrement.

    Si on accorde aux comités ce pouvoir supplémentaire, comment pouvons-nous nous assurer qu'ils ne s'en serviront pas pour perpétuer ce qui est devenu, comme vous l'avez signalé avec raison, une sorte de tradition pour le Parlement canadien, en mettant à contribution la totalité du temps, de l'énergie et des ressources à leur disposition pour déterrer ces histoires croustillantes qui pourront être reprises dans les journaux et servir à des fins très politiques? Comment peut-on éviter cela? C'est plutôt inquiétant. C'est une question que je pose pour la forme, d'abord et avant tout.

    Concernant la seconde observation que vous avez formulée, l'envers de la médaille, c'est que les députés canadiens—les députés comme moi, par exemple—ont un des taux de roulement les plus élevés parmi les pays occidentaux. Il est plus haut qu'en Italie, par exemple. Il semble donc que, d'une manière générale, les députés soient moins choyés que les premiers ministres.

    C'est une simple précision que je voulais apporter.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vous dirais que les députés du Parlement actuel ont, dans l'ensemble, des états de service plus longs que tous ceux qui les ont précédés dans l'histoire du Canada. Il est vrai qu'en 1993, nous avons atteint un taux de roulement sans précédent, presque 70 p. 100, mais la situation s'est replacée et j'ose espérer que le taux se maintiendra à des niveaux plus raisonnables.

    Ce taux de roulement élevé s'explique notamment par le fait que, à l'occasion de la plupart des élections, entre 15 p. 100 et 20 p. 100 des députés choisissent de partir. C'est ce que j'appelle les retraites volontaires ou les décisions personnelles, et cela dépasse la proportion des départs attribuables à la combinaison de trois facteurs—défaite, décision personnelle et décès—dans la plupart des parlements, et assurément dans ceux de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Nous avons donc un problème.

    Si je puis me permettre, encore une fois, un commentaire personnel, je dirais que l'un des principaux facteurs influant sur la décision d'un député de demeurer en poste est le niveau de rémunération. Si votre travail au Parlement vous fait perdre de l'argent, vous avez moins de raisons de rester que de partir. C'est un mode de vie qui n'est pas du tout facile et j'ai beaucoup de sympathie pour les députés à cet égard.

    Je peux répondre très brièvement et très facilement à votre question précédente quant aux moyens à prendre pour s'assurer qu'un comité ne part pas à la chasse au scandale alors qu'il a des travaux importants à accomplir. Il faut simplement que les membres du comité conviennent que ces travaux sont importants et qu'ils doivent s'y consacrer entièrement.

    J'ai déjà vu bien des comités parlementaires canadiens s'attaquer à l'étude de questions importantes liées à la gouvernance, mais je n'ai jamais été aussi optimiste qu'actuellement quant aux résultats à escompter. Je vous souhaite la meilleure des chances.

º  +-(1655)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Holland.

    Monsieur Fitzpatrick, c'est à vous.

    Nous en sommes maintenant à la deuxième série d'interventions; vous avez donc cinq minutes.

+-

    M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, PCC): Je suppose qu'il nous faut notamment éviter que tout le monde se renvoie la balle et veiller à ce que chacun soit responsable de son travail.

    Si nous formulons des recommandations relativement à la gouvernance en vue d'améliorer le système... J'ai noté différents points, et j'aimerais que vous nous indiquiez si vous estimez nous devrions aller de l'avant pour chacun d'eux. La première recommandation voudrait que les sous-ministres assument les responsabilités et les obligations que leur impose la loi, sauf dans les cas où le ministre fait valoir ses prérogatives politiques. Pensez-vous que nous devrions nous pencher sérieusement sur cette possibilité?

+-

    M. C.E.S. Franks: Tout à fait. Je crois également qu'il est essentiel dans le cadre de ce processus de bien préciser quelles sont les responsabilités statutaires ou autres.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Le deuxième élément que j'ai noté concerne les comparutions d'un sous-ministre devant ce comité. Nous sommes maîtres chez nous ici, alors les sous-ministres devraient être tenus de répondre de toutes les obligations que leur impose clairement la loi lorsqu'ils comparaissent comme témoins devant ce comité.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je suis d'accord. Il s'agit de la seconde étape du processus de responsabilisation dont je vous ai parlé. C'est à cette étape qu'ils sont effectivement tenus de rendre des comptes relativement à leurs agissements ou aux mesures qu'ils ont négligé de prendre. Vous avez raison. Je crois qu'ils devraient répondre eux-mêmes de leurs actes étant donné qu'ils en sont responsables.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: J'ai ensuite noté différentes choses concernant le Conseil du Trésor. Il me semble que cela se traduirait par une transformation radicale des modes de fonctionnement du Conseil du Trésor. Voici ce que j'ai noté : mettre en oeuvre les recommandations et, dans certains cas, imposer des sanctions aux sous-ministres qui ne se sont pas acquittés de leurs obligations légales.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne suis pas convaincu que le Conseil du Trésor a le pouvoir d'imposer des sanctions. Le fait est qu'en Grande-Bretagne, le Trésor combine les fonctions du Bureau du Conseil privé et du Conseil du Trésor au Canada.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Alors, qui devrait s'en charger, si ce n'est pas le Conseil du Trésor?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je suppose que ce devrait être le Bureau du Conseil privé ou le premier ministre. Selon moi, il ne fait aucun doute que le Conseil du Trésor devrait s'employer davantage à insister auprès des sous-ministres pour qu'ils respectent les exigences que leur imposent les lois et les règlements.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Monsieur Franks, j'ai pratiqué le droit dans une petite ville pendant 25 ans. Si quelqu'un prenait l'argent de quelqu'un d'autre sans y être autorisé pour l'utiliser à son profit ou au bénéfice d'une tierce partie, je lui dirais qu'il s'est placé dans une situation très problématique. Je lui dirais même qu'il risque un séjour derrière les barreaux. Mais dès qu'on se retrouve dans cet environnement-ci, il me semble que la situation est bien différente. J'ai l'impression qu'il n'y a aucune sanction pour des gestes pour lesquels les responsables payeraient le fort prix dans la vie de tous les jours.

»  +-(1700)  

+-

    M. C.E.S. Franks: J'ai abordé cette question de façon plus détaillée dans mes observations. Par exemple, un des problèmes que j'ai relevés—et qui devrait plaire à l'avocat en vous—est que le Bureau du Conseil privé définit la responsabilité personnelle comme étant la responsabilité rattachée à la personne elle-même. Pour un avocat qui signe un document, cela signifie qu'il demeure responsable de sa signature. Peu importe s'il va travailler pour une autre firme; il en sera toujours responsable.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Seriez-vous d'avis que le Conseil du Trésor devrait communiquer régulièrement aux sous-ministres des lignes directrices claires quant à la teneur de leurs responsabilités?

+-

    M. C.E.S. Franks: Oui, et on devrait les rappeler à l'ordre lorsqu'ils ne s'en acquittent pas.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: J'ai une dernière question. J'ai parlé à une personne qui a travaillé longtemps au sein d'un ministère fédéral il y a bien des années; sans doute au temps de C.D. Howe. Si mon souvenir est bon, il disait que les sous-ministres et les gens des ministères étaient alors terrifiés par le Conseil du Trésor. Peut-être qu'à l'époque de C.D. Howe, certains des principes britanniques étaient appliqués ici, mais les choses ont certes changé depuis.

+-

    M. C.E.S. Franks: C'est peut -être de C.D. Howe lui-même qu'ils avaient peur, plutôt que du Conseil du Trésor. Vous savez, le Conseil du Trésor faisait partie du ministère des Finances à ce moment-là.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais faire une dernière observation.

+-

    Le président: Très rapidement. Je me sens généreux aujourd'hui.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: On a parlé à quelques reprises du système britannique, mais ils ne sont pas sans tache à ce chapitre. Il me semble que la plupart des scandales politiques qui ont touché des ministres britanniques s'apparentaient davantage aux problèmes qu'a vécus le président Clinton aux États-Unis, plutôt qu'à des scandales majeurs concernant une mauvaise utilisation des fonds publics. Il est possible que je fasse erreur; si quelqu'un peut me signaler un scandale important touchant une mauvaise utilisation des deniers publics à mon époque, qu'il soit le bienvenu. J'aimerai bien le savoir.

+-

    Le président: Monsieur Franks.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je veux seulement répondre brièvement. Il ne fait aucun doute que les ministres sont personnellement responsables de leurs actions et de leurs décisions personnelles. Je note avec intérêt que les Britanniques semblent s'intéresser de près à la vie privée de leurs politiciens, ce qui n'est pas le cas des médias canadiens. Peut-être les Britanniques sont-ils simplement différents de nous; je ne sais pas.

+-

    Le président: Monsieur Murphy, vous avez cinq minutes.

+-

    L'hon. Shawn Murphy (Charlottetown, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous, monsieur Franks.

    J'étais membre du comité en avril dernier lorsque vous nous avez fait votre première présentation. J'ai certes apprécié cet exposé, et il en va de même de celui-ci. Il ne fait aucun doute que je suis d'accord avec les recommandations fondamentales que vous avez formulées devant nous aujourd'hui.

    J'ai une question qui nous ramènera peut-être à l'expérience britannique. Nous avons ici un ministre qui semble s'être engagé dans des activités auxquelles il n'aurait pas dû participer auprès de son ministère. Nous avons aussi un sous-ministre qui nous a dit avoir été mis de côté par rapport à ces activités et ne pas voir le rôle qu'il avait à jouer dans le cadre de ce processus.

    Nous avons également une autre fonction qui aurait pu empêcher le train de dérailler totalement, et c'est celle de la vérification interne. Nous avions devant nous une situation—et j'ai travaillé sur ce dossier en janvier, février, mars, avril et mai—qui avait été clairement mise au jour par une vérification, laquelle traitait de la nécessité de distinguer les rôles respectifs de chacun. Selon moi, si cela avait été fait, le problème se serait réglé de lui-même. Les responsables du ministère des Travaux publics ont répondu qu'ils n'allaient pas le faire.

    Ma question porte sur la situation en Grande-Bretagne. Je sais que vous ne pouvez pas entrer dans les détails. Je pourrais vous demander ce qui se serait produit si on avait suivi les recommandations de la vérification...mais ce ne fut pas le cas. La seconde vérification a été effectuée par un expert de l'extérieur, mais il semble que, pour utiliser vos propres termes, elle ait été « colonisée » par les hauts fonctionnaires du ministère; voilà donc deux occasions de perdues. Comme vous avez effectué de toute évidence une étude exhaustive de ce dossier, je vous prie de nous indiquer de quelle façon on donne suite à une vérification interne dans le système britannique et quels changements nous pourrions recommander en nous inspirant de ce système pour améliorer les choses dans un cas comme celui-ci?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne suis pas un expert de la vérification interne, mais je crois que je peux vous donner une réponse satisfaisante. En Grande-Bretagne, il est établi très clairement que le sous-ministre peut déléguer à d'autres fonctionnaires des responsabilités internes en matière de vérification, d'administration et de transactions financières. C'est tout à fait clair. Mais il s'agit uniquement d'une délégation de responsabilités administratives à l'interne et l'agent comptable demeure responsable du comportement financier du ministère dans son ensemble, quels que soient les pouvoirs délégués.

    Si on traduisait cela dans le contexte canadien, il en résulterait que le sous-ministre n'aurait pas pu être laissé hors circuit, sans égard aux pouvoirs délégués ou aux personnes s'occupant de tel ou tel dossier. Si, malgré tout, il avait été mis de côté, c'est tout de même à lui que le problème et la faute auraient incombé et il en serait demeuré responsable. J'estime que la vérification interne devient un processus beaucoup plus efficace si la personne pour qui elle est faite—soit le sous-ministre, le gestionnaire principal du ministère—demeure toujours responsable.

»  +-(1705)  

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Mais dans le système britannique, la vérification interne relève-t-elle de l'agent comptable?

+-

    M. C.E.S. Franks: La vérification interne est un élément de l'administration financière du ministère, laquelle relève effectivement, en bout de ligne, de l'agent comptable.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Je conviens avec vous que si le sous-ministre devait rendre des comptes au Parlement quant au bon fonctionnement, à la probité et à l'efficience des opérations du ministère, il est probable qu'on aurait pu exercer un bien meilleur contrôle de la situation. Je suis tout à fait d'accord.

    Mais dans la situation qui nous intéresse, le sous-ministre aurait relevé du greffier du Conseil privé et aurait été légalement tenu d'administrer le ministère en se soumettant aux mécanismes de contrôle habituels du Conseil du Trésor conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, ce qu'il n'a pas fait, de toute évidence .

    N'existe-t-il pas une chaîne de responsabilisation menant jusqu'au greffier du Conseil privé?

+-

    M. C.E.S. Franks: Il en existe une, en théorie.

    En Grande-Bretagne, les agents comptables ne s'en prévaudraient pas en leur qualité de responsables de la saine gestion financière, de l'efficience, de la propriété, etc. C'est leur responsabilité; c'est à eux qu'il incombe de dire : « Non, monsieur le ministre », et le message est ensuite transmis afin que tout le monde soit au courant.

    Il est très rare que l'on fasse appel au greffier du Conseil privé en Grande-Bretagne et c'est habituellement pour d'autres questions.

    Ce qui m'inquiète au Canada, c'est que cette démarche s'inscrit également dans le processus de colonisation de l'appareil bureaucratique par les politiciens, étant donné que le chef de la fonction publique canadienne, le greffier du Conseil privé, exerce deux fonctions. Il doit s'adresser au nom de la fonction publique aux politiciens, et au premier ministre en particulier; et communiquer avec les fonctionnaires au nom du premier ministre. Il est très difficile de maintenir un juste équilibre à ce chapitre et je ne suis pas convaincu que nous y parvenons toujours. Selon moi, cela fait en sorte qu'il devient moins pertinent de faire appel au greffier du Conseil privé.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: À bien des égards, il n'y avait donc pas de chaîne de responsabilisation qui nous ramenait au Parlement?

+-

    M. C.E.S. Franks: Il n'y avait pas de trace documentaire d'une telle chaîne.

+-

    Le président: Merci, monsieur Murphy.

[Français]

    Monsieur Sauvageau, s'il vous plaît, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Monsieur Franks, si vous avez déjà répondu à ma question, j'en suis désolé. Pour obtenir des agents comptables, comme vous le proposez, faudrait-il tout simplement une modification législative?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: C'est une question qui m'a donné de la difficulté. La réponse que je fournis dans mon rapport—que vous n'avez pas encore en main—est que nous avons déjà, comparativement à la Grande-Bretagne, un plus grand nombre de dispositions législatives favorables à l'approche de l'agent comptable; les Britanniques ont créé la fonction d'agent comptable sans avoir recours à la loi. Si nous devions instaurer un tel poste au Canada, je crois qu'il faudrait d'abord et avant tout ajouter une disposition à la Loi sur la gestion des finances publiques précisant qu'un ministre peut annuler un avis ou une décision d'un sous-ministre avec lequel il n'est pas d'accord, mais doit pour ce faire procéder par écrit et transmettre sa décision au Conseil du Trésor et au vérificateur général. Cette précision me semble essentielle parce qu'elle permet d'établir clairement que c'et le sous-ministre qui est responsable, à moins que le ministre ne choisisse d'aller à l'encontre de sa décision.

    La seconde exigence consisterait simplement à préciser les responsabilités générales des sous-ministres en matière de gestion financière, de propriété et de saine administration.

    Je ne suis pas certain que cela soit nécessaire, mais si nous voulons aller de l'avant, ce serait les deux exigences à remplir.

»  +-(1710)  

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Sauvageau.

[Traduction]

    J'ai moi-même quelques questions, après quoi nous pourrons sans doute conclure. Nous pourrons peut-être alors examiner l'avis de motion de M. Christopherson avant de poursuivre la séance à huis clos pour essayer de mettre la dernière main au rapport du comité.

    Monsieur Franks, il semble que le gouvernement ait essayé de penser à tout. J'en reviens à l'époque où le commissaire à la vie privée dépensait des fonds qui n'avaient pas encore été alloués par le Parlement; il soutenait essentiellement qu'il allait puiser dans le budget de l'année suivante, mais il s'agissait bien sûr de sommes non encore affectées par le Parlement. Il a dépassé son budget d'environ un quart de million de dollars. J'ai invoqué le Règlement à la Chambre des communes parce que je croyais qu'il fallait préparer un budget supplémentaire pour justifier le quart de million de dollars dépensé en trop pour cette année-là et régulariser la situation. On m'a bien sûr répondu que la Loi sur la gestion des finances publiques prévoyait une exemption à l'égard des sommes dépensées sans avoir été allouées par le Parlement; alors, il n'y avait pas de problème.

    Il semble que nous nous heurtons sans cesse à ce problème; il y a toujours quelqu'un qui prend les devants. Auriez-vous de sages conseils à nous donner à ce sujet?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je peux vous dire que c'est l'une des principales sources de préoccupation pour le comité britannique des comptes publics depuis des décennies. Au début du XXe siècle, après avoir jonglé avec le problème pendant une cinquantaine d'années, on a finalement réussi à ramener le recours à cette pratique à des proportions raisonnables.

    C'est effectivement problématique pour le Canada. C'est une question sur laquelle le Comité des comptes publics devrait se pencher. Le problème au Canada, comme pour bien d'autres dossiers relevant du Comité des comptes publics, c'est le suivi. Encore là, il faut se demander quelles sont les responsabilités du Conseil du Trésor à cet égard et dans quelle mesure il parvient à s'en acquitter. Je vous suggérerais d'examiner cet aspect de la situation.

+-

    Le président: Vous avez dit que le but visé est de motiver les ministres et les sous-ministres à rester dans les limites étroites de l'honnêteté et de l'intégrité plutôt que de crier au feu quand tout est déjà consumé. Une suggestion qui a été faite, et qui vise plus les ministres et pas tellement les sous-ministres, c'est que si un ministre demande au sous-ministre de faire quelque chose que ce dernier considère contraire à l'éthique, qu'ils ne s'accordent pas sur le fait que c'est contraire à l'éthique mais que le sous-ministre insiste pour dire que ce l'est, selon lui, il devrait écrire à son employeur, c'est-à-dire le premier ministre, avec copie à ce comité-ci, le Comité des comptes publics. Il dirait quelque chose du genre « Monsieur le ministre, je trouve que votre proposition est ceci et cela, et si nous ne pouvons trouver un terrain d'entente, eh bien, à mon avis, c'est contraire à l'éthique ».

    C'est quelque chose qui inciterait sérieusement le ministre à envisager de faire marche arrière, parce que si la lettre se rend au comité des comptes publics, elle devient du domaine public, alors peut-être le ministre laissera-t-il tomber. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce genre de motivation?

+-

    M. C.E.S. Franks: Oui. En général, j'ai l'impression que les sous-ministres du Canada ne sont pas tellement d'accord avec moi là-dessus. Je m'en étonne parce que je pense que ce genre de structure leur faciliterait la vie. Ce serait très clair qu'ils suivent les règles et les principes d'une bonne gestion financière, et ce serait très clair, lorsqu'ils ne le font pas, que ce n'est pas leur problème, que quelqu'un est passé par dessus eux. Ils n'ont pas l'air de l'apprécier. Encore une fois, je me demande pourquoi, mais il me semble que cela leur faciliterait la vie.

+-

    Le président: Il est certain que les choses seraient plus claires pour eux. Cela ne fait aucun doute. Je suis d'accord avec vous, c'est plus facile. C'est un mécanisme; une voie d'échappement. S'ils ne peuvent pas se mettre d'accord et que le sous-ministre insiste qu'à son avis c'est contraire à l'éthique, au moins il y a quelque chose qu'il peut faire à ce sujet.

+-

    M. C.E.S. Franks: Oui, il y a des cas assez clairs, disons quand ont fait des paiements alors qu'on n'a aucune preuve que le travail a été fait. Il y a des cas plus troubles de doute sur la valeur du service rendu pour la somme demandée, et là, on commence vraiment à empiéter sur les politiques, et c'est loin d'être aussi clair. Il y a eu ce genre de problème en Grande-Bretagne, et les plus importants étaient bien clairs, et c'était vraiment une question de suivre les règles ou d'assurer une gestion honnête; mais pas les cas plus troubles.

+-

    Le président: Monsieur Christopherson.

»  +-(1715)  

+-

    M. David Christopherson: Puis-je glisser une question, brièvement? Vous avez dit au début de la séance que vous auriez peut-être l'occasion de m'accorder quelques instants au deuxième tour. Je ne voudrais poser qu'une question.

+-

    Le président: Sommes-nous d'accord pour accorder quelques instants à M. Christopherson?

    Des voix : D'accord.

    Le président : Monsieur Christopherson.

    Une voix : Dans l'esprit des Fêtes.

+-

    M. David Christopherson: Merci beaucoup, je l'apprécie.

    Dans l'esprit des Fêtes... Eh bien, j'ai prévu un geste semblable pour vous plus tard, avant la fin de la séance, en retour, et vous serez bien contents d'avoir été si généreux. Je vous en remercie.

    J'ai eu la possibilité, très rapidement, de jeter un coup d'oeil sur le document que vous avez déposé peu après que nous nous soyons entretenus, vous et moi. J'ai vu à la page 18 que vous dites qu'il y avait trois principaux facteurs qui permettent au comité britannique des comptes publics de garder tout son prestige. Alors une fois qu'il règle le problème, comment est-ce qu'il s'assure que la situation reste correcte? Qu'est-ce qui permet, au plan politique, de le faire? Vous parlez d'un moyen. Vous dites que pour commencer, ce comité est composé de députés compétents et chevronnés. Je vous cite :

Il est très prestigieux d'être nommé au Comité et les membres doivent attendre qu'il y ait un poste vacant avant de pouvoir être pris en considération pour être nommés. Une fois qu'ils sont nommés au Comité, ils y restent très longtemps.

    Nous avons un exemple que nous connaissons en la personne de notre président, à qui on pourrait dire que ce critère s'applique, mais à part cela, le comité est composé en majorité non seulement de nouveaux-venus au comité, mais de nouveaux-arrivants sur la scène parlementaire.

    Avez-vous un avis sur la manière de codifier cela? C'est le problème que je vois.

+-

    M. C.E.S. Franks: Il y a un historique. Si vous retournez au rapport spécial du Comité McGrath sur la réforme de la Chambre des communes de 1985, vous verrez qu'ils ont fait une recommandation que les membres soient désignés pour servir un comité pour toute la législature. Cela n' a pas duré très longtemps, seulement jusqu'à ce que le parti décide que s'il avait envie de changer la composition d'un comité, il le pouvait, et on est revenus à la formule antérieure.

    Lorsque je parle de colonisation, l'un des problèmes réels des comités parlementaires comme celui-ci, c'est que parfois, ils se font coloniser par les partis. Donc, ce n'est pas vraiment un comité de membres qui travaillent de concert vers un objectif unique ou un objectif sur lequel ils se sont entendus, ce sont des membres de différents partis, avec différents intérêts, qui s'affrontent devant le comité. Pour l'instant, je ne peux que vous signaler les recommandations de ce comité, et la question qui se pose, c'est est-ce que nous pouvons le faire? Cela dépend du Parlement.

+-

    Le président: D'accord, merci beaucoup.

    À ce propos, j'ai toujours dit qu'on a assez à faire avec l'imputabilité, à ce comité, sans qu'on ait à se préoccuper de politiques partisanes. Si nous nous en tenons au sujet de l'imputabilité, nous pouvons nous concentrer sur la nature, comme l'a dit le professeur Franks, du rôle de ce comité particulier.

    Professeur Franks, je tiens à vous remercier encore d'être ici aujourd'hui. Nous apprécions toujours vos connaissances, votre perspicacité. Encore une fois, aujourd'hui, vous vous êtes surpassé. Vous nous avez donné beaucoup à réfléchir, avec votre présentation, alors nous vous en sommes reconnaissants.

+-

    M. C.E.S. Franks: Merci, monsieur, de m'avoir offert cette possibilité. Je vous souhaite à tous un joyeux Noël.

+-

    Le président: Nous vous souhaitons aussi, ainsi qu'à votre famille, un joyeux Noël.

    Nous allons recevoir un avis de motion de M. Christopherson, puis nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, le temps d'éteindre les caméras, pour nous réunir à huis clos et en finir avec le rapport.

    Monsieur Christopherson.

+-

    M. David Christopherson: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais savoir deux choses. Tout d'abord, de quel avis de motion parlez-vous, est-ce celui que j'ai présenté la semaine dernière, ou celui que je dépose aujourd'hui?

+-

    Le président: L'avis de motion que vous avez présenté la semaine dernière a été reçu. Il s'agit de l'autre, le nouvel avis que vous êtes censé déposer aujourd'hui.

+-

    M. David Christopherson: D'accord. J'ai effectivement consulté le président plus tôt. Pour diverses raisons, je suis prêt à reporter l'avis de motion que j'ai déposé il y a deux semaines jusqu'à la première réunion de la nouvelle année. Si le comité le veut bien, je voudrais le retirer.

+-

    Le président: Je l'inscrirai donc à l'ordre du jour de la réunion de la nouvelle année.

    (La motion est reportée.)

+-

    M. David Christopherson: Voilà ma dette réglée, monsieur Carr. J'ai retiré un point à l'ordre du jour qui nous aurait retenus un bon moment; cela n'arrivera pas maintenant. Joyeux Noël.

    La prochaine question, je ne suis pas sûr...

    Des voix : Oh!

+-

    Le président: C'est bon, silence.

    Monsieur Christopherson, veuillez poursuivre.

+-

    M. David Christopherson: Merci, monsieur le président.

    Si vous permettez, j'aimerais avoir une précision. Selon l'avis de motion, le Comité permanent des comptes publics demande que la vérificatrice générale du Canada réalise une étude sur le Bureau du Canada pour le millénaire et fasse rapport de ses conclusions au Parlement.

    Si vous permettez, monsieur le président, j'ai sincèrement besoin d'aide, ici. Les gens savent ce qui se passent. Vous le savez, je ne connais personne qui aurait rien prétendu, mais il est certain que je n'ai fait aucune allégation à ce sujet. C'est seulement que des questions ont été soulevées, auxquelles nous avons essayé de répondre. J'ai sincèrement besoin d'aide, parce que ce que je comprends, cela le débat pourrait s'éterniser si nous empruntons cette voie.

    Là où nous en sommes maintenant, à ce que je comprends, c'est qu'à l'avant-dernière réunion, j'ai demandé à notre équipe de recherche si elle pouvait voir si la vérificatrice générale avait entrepris une vérification, ou s'il y avait eu de vérifications internes qui nous donneraient la possibilité d'examiner cela, pour que nous puissions rapidement nous faire une idée s'il y avait matière à préoccupation, qui justifierait que nous poursuivions notre démarche, ou est-ce que tout a l'air si beau et bien fait qu'il n'y a pas de problème, que nous n'avons pas besoin d'aller en ce sens et que nous pouvons considérer le sujet clos?

    Le rapport est revenu. La vérificatrice générale n'a fait aucune vérification, et il n'y a pas eu de vérifications internes.

»  -(1720)  

+-

    Le président: Que voulez-vous savoir exactement? On dirait que vous avez déjà entrepris de défendre votre motion; c'est exactement ce que vous faites.

+-

    M. David Christopherson: Je l'ai située en contexte pour ceux qui n'ont pas suivi la question de très près, puisqu'il y avait au moins un autre membre.

    Tout ce que je voudrais c'est... Le ministre a dit qu'une vérification était en cours. Il a employé ce terme, je crois à la Chambre. On n'en a encore rien vu. À ce que je comprends, le personnel du comité fait des recherches pour voir si cette vérification existe. Ce qui me préoccupe, c'est que s'il n'y en a pas... S'il y en a, tout se règle de soi-même. La vérification déterminera s'il y a problème ou non. S'il n'y en a pas, alors...

+-

    Le président: Voici ce que je vous propose. Nous allons en congé des Fêtes aujourd'hui, et nous ne revenons pas avant le 31 janvier. Je suis sûr que notre équipe de Service de recherche pourra trouver le rapport dont a parlé le ministre, et pourra le faire circuler. Si c'est le cas et que vous en êtes satisfaits, il sera inutile de présenter la motion. Si vous n'en êtes pas satisfait, alors, vous pourrez la présenter.

    Vous nous avez donné un avis de motion...

+-

    M. David Christopherson: Et s'il n'y a pas de rapport? Et s'il n'y a pas de vérification? À ce que je comprends, cela pourrait prendre un certain temps. Est-ce que nous pourrions simplement convoquer le ministre, le sous-ministre ou quelqu'un de pertinent, pour...

+-

    Le président: Oui, vous pouvez le proposer au comité de direction. Ce comité fonctionne par consensus. S'il n'y a pas consensus—c.-à-d., s'il n'est pas d'accord avec vous—vous amenez la question devant le comité plénier, et à ce moment-là il faut un vote. Alors, si c'est ce que vous voulez, vous pouvez aborder la question d'un angle différent.

+-

    M. David Christopherson: En ce moment, alors, c'est prévu à l'ordre du jour de la prochaine réunion. Entre temps, le personnel de recherche continuera à travailler avec le ministre pour essayer de trouver cette vérification?

+-

    Le président: C'est bien cela.

    D'accord, alors, nous avons reçu un avis de motion.

    M. Murphy et M. Holland ont quelque chose à dire.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Monsieur le président, j'aimerais obtenir des précisions au sujet de la première motion de M. Christopherson. Je voudrais une précision sur le premier paragraphe, et vous êtes probablement, monsieur le président, la personne la plus indiquée pour répondre à ma question. C'est au sujet des nominations, qui sont soumises à un examen de la part du Comité permanent des comptes publics. Je siège au comité depuis maintenant trois ans, et il ne me semble pas que nous en ayons examiné. Est-ce que vous en avez eu, monsieur le président?

+-

    Le président: Une seule, et c'était pour la vérificatrice générale du Canada. À ce que je comprends, comme l'a dit M. Christopherson, c'est une motion standard qui a été présentée à chaque comité. Ce comité-ci n'examine qu'une nomination, celle du vérificateur général.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Donc, la prochaine fois qu'il faudra désigner un vérificateur général, nous suivrons cette procédure?

+-

    Le président: Cela arrive une fois tous les dix ans, parce que c'est un mandat de dix ans, non renouvelable.

    M. Holland, puis M. Sauvageau.

+-

    M. Mark Holland: Non, ça va. J'avais une question, mais j'ai eu ma réponse.

+-

    Le président: D'accord. Monsieur Sauvageau.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: J'aimerais demander à M. Christopherson s'il est d'accord, au paragraphe 4... Mais ma question n'a peut-être pas de sens. On ne peut pas l'amender, mais j'aurais quand même une question. Est-ce qu'on parle bien de l'avis de motion qui comporte quatre paragraphes?

[Traduction]

-

    Le président: L'avis de motion a été déposé à la dernière réunion. Nous n'avons pas à en discuter maintenant. Par conséquent, je vais déclarer vos questions inadmissibles. Nous en parlerons en janvier, si M. Christopherson veut présenter sa motion à ce moment-là.

    Je vais suspendre la séance pendant deux minutes pour éteindre les caméras, puis j'espère que nous pourrons nous réunir à huis clos pendant quelques minutes pour traiter de la partie finale du rapport.

    [La réunion se poursuit à huis clos.]