PACP Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des comptes publics
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 21 février 2005
¹ | 1535 |
Le président (M. John Williams (Edmonton—St. Albert, PCC)) |
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ) |
Le président |
M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.) |
Le président |
L'hon. Shawn Murphy (Charlottetown, Lib.) |
¹ | 1540 |
Le président |
L'hon. Shawn Murphy |
Le président |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
Le président |
M. Mark Holland |
Le président |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Arthur Kroeger (à titre personnel) |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, PCC) |
M. Arthur Kroeger |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
¹ | 1555 |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
M. Brian Fitzpatrick |
º | 1600 |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ) |
M. Arthur Kroeger |
M. Louis Plamondon |
M. Arthur Kroeger |
º | 1605 |
M. Louis Plamondon |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Mark Holland |
Le président |
M. Mark Holland |
M. Arthur Kroeger |
M. Mark Holland |
º | 1610 |
M. Arthur Kroeger |
M. Mark Holland |
M. Arthur Kroeger |
M. Mark Holland |
M. Arthur Kroeger |
º | 1615 |
Le président |
M. Dean Allison (Niagara-Ouest—Glanbrook, PCC) |
M. Arthur Kroeger |
M. Dean Allison |
M. Arthur Kroeger |
º | 1620 |
M. Dean Allison |
M. Arthur Kroeger |
M. Dean Allison |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
º | 1625 |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
L'hon. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.) |
º | 1630 |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Walt Lastewka |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Walt Lastewka |
º | 1635 |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Walt Lastewka |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
º | 1640 |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
L'hon. Shawn Murphy |
º | 1645 |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Shawn Murphy |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Shawn Murphy |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Shawn Murphy |
º | 1650 |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Louis Plamondon |
M. Arthur Kroeger |
M. Louis Plamondon |
M. Arthur Kroeger |
M. Louis Plamondon |
º | 1655 |
M. Arthur Kroeger |
M. Louis Plamondon |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
L'hon. Walt Lastewka |
M. Arthur Kroeger |
» | 1700 |
L'hon. Walt Lastewka |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Walt Lastewka |
M. Arthur Kroeger |
L'hon. Walt Lastewka |
M. Arthur Kroeger |
» | 1705 |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
» | 1710 |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
» | 1715 |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
» | 1720 |
M. Arthur Kroeger |
Le président |
CANADA
Comité permanent des comptes publics |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 21 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. John Williams (Edmonton—St. Albert, PCC)): Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous examinons aujourd'hui la gouvernance et l'imputabilité dans la fonction publique fédérale en mettant l'accent sur la responsabilité des ministres et des sous-ministres.
Nous recevons aujourd'hui M. Arthur Kroeger, à titre personnel, qui est bien connu à Ottawa.
Monsieur Kroeger, avant de vous donner la parole, j'espère que vous nous permettrez de régler une question. J'avais prévu tenir une séance du comité de direction avant de commencer. Comme je me suis retrouvé dans la mauvaise salle, cela n'a donc pas été possible. Certaines questions seront donc abordées ici au comité principal.
J'ai ici une motion dont M. Sauvageau a donné avis jeudi dernier et qui est la suivante : que le Comité permanent des comptes publics, compte tenu de la décision du 10 février 2005 du commissaire Gomery à l'effet que les contrats de recherche sur l'opinion publique et les conseils stratégiques (le chapitre 5 du rapport de novembre 2003 du vérificateur général) ne font pas l'objet de la Commission Gomery (pages 12 788 et 12 789 des témoignages), entreprenne de faire enquête et fasse rapport sur la question des mandats de recherche et de conseils.
Monsieur Sauvageau, parlez-nous de votre motion.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le président, vous vous rappelez sûrement que lors des travaux du comité sur le scandale des commandites, les délibérations portaient sur les chapitres 3 et 4 du rapport de la vérificatrice générale. Il était également question, au chapitre 5 du rapport, des mandats de recherche, de conseils concernant les contrats de recherche sur l'opinion publique et de conseils stratégiques, dont certains auraient été livrés verbalement.
Au chapitre 5, dans l'ensemble, la vérificatrice générale se disait satisfaite. Cependant, il y avait aussi plusieurs particularités spécifiques à l'intérieur du chapitre 5 concernant, entre autres, Earnscliffe et le ministère des Finances. La vérificatrice générale laissait planer certains doutes à ce sujet. Plusieurs mois après avoir demandé au juge Gomery s'il était possible de poser aussi des questions sur le chapitre 5 du rapport de la vérificatrice générale et qu'il ait répondu non parce que cela n'était pas dans son mandat, je crois, puisque cela ne relève de son mandat, qu'on ne doit pas laisser en suspens cette importante partie du chapitre 5 du rapport de la vérificatrice générale.
Je propose donc que le Comité des comptes publics prenne le relais de la commission Gomery et qu'il fasse enquête et rapport sur la question. C'est ce que je demande au comité de faire.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sauvageau.
Je ne veux pas étirer le débat indéfiniment. Je pensais peut-être à un intervenant par parti—est-ce que cela vous convient? Nous devrons ensuite voter.
Monsieur Holland.
M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aurais quelques observations à faire. Je n'ai pas de problème à ce que l'on fasse enquête sur le chapitre 5, mais je ne vois vraiment pas quel en serait l'avantage. Je pense que nous devons être très prudents. De toute évidence, le temps du comité est extrêmement précieux.
Nous avons un certain nombre de questions—je vais les énumérer rapidement—que nous sommes censés examiner. Naturellement, il y a la question de la gouvernance dont le comité est saisi aujourd'hui. Nous devons par ailleurs examiner le rapport concernant l'affaire des commandites. Il y a aussi le dernier rapport de la vérificatrice générale et les chapitres que nous allons décider d'examiner.
Ce qui me préoccupe surtout, c'est que nous revenions en arrière pour examiner un chapitre qui—je cite la vérificatrice générale dans sa conclusion au paragraphe 5.41 : « En règle générale, nous avons constaté que le gouvernement fédéral gérait la recherche sur l'opinion publique de manière transparente et à l'aide de contrôles adéquats ».
S'il y avait une question urgente, une question qui justifierait que le comité laisse de côté tout son travail pour s'en occuper, je pourrais être d'accord, je pourrais dire que cela est tout à fait logique. La vérificatrice générale a dit que les choses vont assez bien, que nous allons dans la bonne direction.
Donc, si nous ne suivons pas l'ordre du jour, si nous commençons à inviter des témoins sur une autre question et si nous laissons de côté toutes les autres questions importantes comme la gouvernance, qui est vraiment au coeur de tout le dossier des commandites et qui mérite vraiment que le comité y consacre du temps, et nous entendrons aujourd'hui des témoins...
Franchement, qu'allons-nous faire? Je peux revenir à 2001 ou 2002 et trouver des chapitres en particulier dont la vérificatrice générale se disait généralement satisfaite et dire oui, mais nous avions une ou deux questions, réexaminons le dossier. Ce qui se passera, avec l'enthousiasme de M. Anders, c'est que le comité consacrera tout son temps pour revenir sur des chapitres dont la vérificatrice générale est déjà satisfaite et faire dérailler l'ordre du jour que nous devons suivre si nous voulons aborder les questions plus générales.
Merci.
Le président: Monsieur Murphy.
L'hon. Shawn Murphy (Charlottetown, Lib.): Je voudrais faire quelques observations, monsieur le président, et je ne me prononcerai pas sur la motion.
J'aimerais que nous suivions le processus. Ma première observation est la suivante : est-ce que le comité de direction a une recommandation à cet effet?
Ma deuxième observation, c'est qu'en février, en mars, en avril et en mai de l'année dernière, je siégeais quatre jours par semaine, vous aussi, au sujet des commandites. C'était une urgence. Nous devions siéger deux fois par jour. C'est tout ce que j'ai fait. Ensuite, je suis revenu ici en janvier et cela semblait avoir perdu... Pourquoi n'examinons-nous pas cette question pour la tirer au clair? Pourquoi cette affaire a-t-elle perdu son importance?
Monsieur le président, j'ai dressé une petite liste. Il nous reste environ 20 séances jusqu'à l'ajournement d'été. Certains en seront peut-être surpris. Lorsque nous aurons un cadre de travail, j'aimerais que le comité de direction recommande ce que nous pouvons faire au cours de ces 20 séances afin que nous fassions ce que nous sommes censés faire. La première chose serait de tirer au clair--et je sais que nous y travaillons aujourd'hui--les questions concernant le rapport sur les commandites. Si nous avons le temps de le faire, je n'ai vraiment pas de problème avec cela.
J'aimerais que le comité de direction examine toute la liste. Que devons-nous faire? Quelles sont nos priorités? Il nous reste 20 séances. Que devons-nous faire?
¹ (1540)
Le président: Pour répondre à votre première question, monsieur Murphy, comme je l'ai dit, j'avais l'intention de tenir une séance du comité de direction à 15 h 15. Je me suis rendu au mauvais endroit, et par conséquent, la séance n'a pas eu lieu. Mon intention était que la question soit abordée au cours de la séance du comité de direction, et j'ai décidé d'aborder la question au comité principal. Si vous êtes d'avis qu'il faudrait en parler plus en détail au comité de direction, alors, naturellement, il faudrait déposer une motion à cet effet.
L'hon. Shawn Murphy: J'aimerais déposer une motion à cet effet.
Le président: Très bien. On ne peut débattre d'une telle motion. Par conséquent, je mets la motion aux voix.
Tous ceux qui sont en faveur de la motion de M. Murphy afin que la question soit renvoyée au comité de direction.
(La motion est rejetée.)
Le président: Quelqu'un d'autre voudrait-il intervenir au sujet de la motion principale?
Madame Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Je ne siège pas à votre comité à l'heure actuelle, je ne suis ici que pour cette séance. J'ai siégé au comité pendant quatre mois l'an dernier. Comme M. Murphy l'a expliqué, nous avons siégé pendant de très longues heures.
Lorsque la vérificatrice générale dit que ce chapitre en particulier est transparent et comporte des contrôles adéquats, et lorsque le juge dit qu'étant donné que la vérificatrice générale ne voyait pas de problème, il ne voyait pas lui non plus de problème particulier, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de l'examiner... Je me demandais tout simplement ce que le comité répondrait au grand public s'il vous demandait pourquoi vous examinez une question qu'il n'est pas nécessaire d'examiner davantage, selon la vérificatrice générale et selon le juge.
Le président: Je vais conclure le débat en permettant à M. Sauvageau, qui a proposé la motion, de faire quelques observations en conclusion.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je vais répondre directement à Mme Phinney. Voici les explications que je donnerais à la population. Je lui dirais tout simplement que comme son chef, le premier ministre du Canada, a dit qu'il voulait faire toute la lumière sur le scandale des commandites, soit les chapitres 3, 4 et 5, je réponds favorablement à sa demande. Je répondrais aussi que son chef, alors qu'il était ministre des Finances, a alloué à Earnscliffe des contrats ouverts de 15 000 $ par mois pendant plus de trois ans. Je répondrais enfin que son chef a laissé sous-entendre qu'il avait eu des rapports verbaux avec les représentants d'Earnscliffe, de même qu'avec des représentants d'Ekos, laquelle a reçu d'autres contrats.
Puisque M. Gomery nous a dit que l'enquête sur le chapitre 5 ne relevait pas de son mandat et puisque le premier ministre du Canada et chef du Parti libéral nous a dit qu'on devait faire toute la lumière sur cette histoire, je saisis tout simplement la balle lancée par le premier ministre au bond. En présentant cette motion, je dis qu'il nous faut cette fois respecter sa parole, puisqu'il est rare qu'il la tienne, et faire la lumière sur l'ensemble de ce dossier. C'est tout simplement pour cette raison que j'ai déposé cette motion.
[Traduction]
Le président: M. Holland a demandé une très brève intervention sur la procédure, je crois.
M. Mark Holland: Monsieur le président, si cette motion est adoptée, ce qui est fort probable, alors je pense que le comité de direction devra se réunir pour déterminer quelles questions devront être éliminées de l'ordre du jour, puisque nous ne pourrons pas les examiner étant donné que nous examinerons cette question-ci. Je pense que le comité de direction devra se réunir pour aborder la question qui a été soulevée par Mme Phinney.
Le président: Le comité de direction doit examiner le rapport de la vérificatrice générale. Il a été déposé la semaine dernière. Nous envisageons de tenir une séance cette semaine, si cela est possible.
Très bien. Le débat est clos. Je mets la question aux voix.
(La motion est adoptée.)
¹ (1545)
Le président: Monsieur Kroeger, toutes mes excuses pour le retard.
Comme je l'ai dit, vous êtes bien connu sur la colline du Parlement. Vous avez eu une longue et brillante carrière au sein de la fonction publique. Vous êtes par ailleurs chancelier de l'Université Carleton, n'est-ce pas?
M. Arthur Kroeger (à titre personnel): Je l'étais.
Le président: Vous avez reçu de nombreuses marques d'appréciation au cours de votre carrière. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité pour nous parler de la gouvernance.
Nous avons maintenant laissé la question de l'enquête sur les commandites pour examiner comment nous pouvons faire en sorte que la situation ne se reproduise plus. Nous nous préoccupons des responsabilités et de l'obligation de rendre compte des ministres et des sous-ministres. Vous avez occupé de tels postes. Vous savez exactement comment les choses se passent. Le comité a besoin de vos bons conseils car nous nous apprêtons à rédiger un rapport sur la façon dont nous devrions modifier les choses aux échelons supérieurs afin de nous assurer que la situation ne se reproduise plus.
Nous vous invitons à faire vos observations.
M. Arthur Kroeger: Merci, monsieur le président.
Je sais que le comité avait invité M. Gordon Robertson à comparaître avec moi aujourd'hui. M. Robertson était d'avis qu'étant donné qu'il a quitté le gouvernement maintenant depuis 25 ans, il ne serait sans doute pas aussi utile au comité qu'il aurait aimé, mais j'ai eu avec un certain nombre de conversations et j'ai distribué—je crois que les membres du comité l'ont reçu—un document de trois pages que j'ai préparé. M. Robertson m'a demandé de dire au comité qu'il est d'accord avec le contenu du document, de sorte que ce document reflète son point de vue aussi bien que le mien.
La responsabilité et la responsabilisation, deux questions sur lesquelles le comité se penche, sont des questions très complexes. Je pense qu'il vaut la peine de prendre le temps d'examiner ces questions qui sont régulièrement soulevées à l'heure actuelle.
Selon l'expérience que j'ai de ces questions, je suis frappé surtout par la façon dont diverses expressions sont utilisées de façon interchangeable alors qu'en réalité leur sens est très différent. Il y a souvent confusion entre la responsabilisation et la responsabilité, le blâme et l'obligation de rendre compte, quatre termes qui, à mon avis, ont un sens tout à fait différent. Je ne vais pas lire tout le document que je vous ai remis, monsieur le président. Les membres du comité pourront le consulter à loisir.
Brièvement, pour aider à cerner ce concept, il est utile de considérer que la responsabilité signifie que quelqu'un est responsable d'une organisation ou d'une fonction. Donc, le ministre responsable est le ministre qui est responsable d'un ministère ou d'un domaine d'activité. Le fait d'être responsable ne veut pas dire un certain nombre d'autres choses. Cela ne veut pas dire que le ministre est au courant de tout ce qui se passe dans un ministère et qu'il peut le contrôler. Cela ne veut pas dire qu'il doit être blâmé pour tout ce qui se produit et cela ne veut pas dire, comme on le laisse entendre parfois, qu'un ministre devrait démissionner si des fonctionnaires ou des membres de son personnel ont commis une erreur.
La responsabilité n'est pas en fonction de la taille de l'organisation que l'on dirige. Qu'il s'agisse du bureau d'un député ou d'un très gros ministère du gouvernement, le principe est le même : il n'est pas nécessaire de tout savoir, mais on est responsable, et si quelque chose tourne mal, c'est votre responsabilité de vous en occuper et d'expliquer quelles mesures ont été prises pour corriger la situation.
Le deuxième terme qui est utilisé est la responsabilisation. Si une personne est responsable d'une organisation, cette personne doit alors être prête à rendre compte de la façon dont elle utilise les pouvoirs qui lui ont été conférés. Il y a une certaine ambiguïté, ici, car les gens parlent souvent de la responsabilisation au sens très général du mot, et c'est en partie la façon dont le gouvernement fonctionne aujourd'hui. Le grand public veut des réponses du ministère. Il veut des réponses des députés, des fonctionnaires, et des entités du secteur privé. Si quelque chose va mal chez Dow Chemical, le grand public demande des explications, et Dow Chemical doit les fournir. C'est une fonction très importante, et c'est une fonction qui est fondamentale au fonctionnement du Parlement. Lorsque les gens disent que les fonctionnaires devraient rendre des comptes aux comités parlementaires et au Parlement, je suis tout à fait d'accord. Je ne pense pas que le Parlement puisse fonctionner à moins qu'il ait pleinement accès aux connaissances de la fonction publique, et vous pourrez sans doute trouver des façons d'élargir l'accès que vous avez aux compétences que l'on retrouve dans la fonction publique.
Cependant, les gens utilisent ce terme dans un autre sens lorsqu'ils disent que les fonctionnaires devraient avoir des comptes à rendre à un comité parlementaire. Cela a une signification différente, car au sens strict et étroit du mot, on ne peut rendre des comptes qu'à une seule entité, soit à la personne qui vous a conféré un pouvoir. Un ministre a l'obligation de rendre compte au premier ministre, qui l'a nommé. Un sous-ministre a l'obligation de rendre compte au ministre. Mais si vous dites que les fonctionnaires devraient rendre des comptes à un comité parlementaire, il y a un conflit. Est-ce le ministre ou le comité parlementaire qui est le patron? Je ne pense pas que bien des gens diraient sérieusement qu'un comité parlementaire puisse donner des directives aux fonctionnaires, mais c'est ce qu'ont laissé entendre certains vérificateurs généraux par le passé, et la Commission Lambert également, et je dirais qu'il est important d'établir une distinction entre l'obligation de rendre compte des fonctionnaires et leur responsabilisation, devant le ministre pour les fonctionnaires et devant leurs supérieurs pour les autres. C'est là un principe important du fonctionnement normal d'une organisation.
¹ (1550)
Par contre, il est très important que les fonctionnaires répondent aux divers comités du Parlement et j'espère que vous trouverez une façon de diriger les choses en ce sens.
Je m'arrête là, monsieur le président, parce que je crois que j'aimerais entendre ce qui intéresse le plus le comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kroeger. Votre rapport, qui est disponible dans les deux langues officielles, vient d'être déposé auprès du greffier et tous ceux qui veulent en obtenir un exemplaire n'ont qu'à en faire la demande. Merci beaucoup.
Monsieur Fitzpatrick, huit minutes, s'il vous plaît.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, PCC): J'ai lu votre déclaration, monsieur. Elle est très concise et très claire et tout le reste, mais j'ai de la difficulté à tout caser dans ces belles petites boîtes dont vous avez parlé.
Vous dites qu'il y a un lien direct entre la responsabilité et celui qui vous a accordé le poste. Cependant, il ne s'agit pas ici de l'entreprise privée, vous faites partie du gouvernement et je ne vois aucun ministère... Les règles qui s'appliquent dans le cas du fonctionnaire découlent d'une loi adoptée par le Parlement, etc. À mon avis, tout cela engage aussi votre responsabilité. Vous n'êtes pas comptable seulement à la personne qui vous a accordé le poste. La loi précise que votre travail est de veiller à ce que la loi soit observée et que si les gens n'observent pas la loi, il me semble que vous devez alors retourner voir ceux qui ont créé la loi, c'est-à-dire le Parlement du Canada. Le Parlement doit avoir son mot à dire. Voilà ce que j'avais à dire à ce propos.
À mon avis, il y a beaucoup de patrons différents. Comme vous l'avez dit, c'est simple : vous rendez des comptes à un seul patron. À votre avis, le sous-ministre rend-il ses comptes au ministre?
M. Arthur Kroeger: Oui.
M. Brian Fitzpatrick: En vérité, de la façon dont les choses se déroulent dans cette ville, on ne s'attend pas à ce que le sous-ministre passe outre son ministre pour savoir ce que le greffier du Conseil privé et le Cabinet du premier ministre peuvent penser de son travail.
M. Arthur Kroeger: C'est une préoccupation qu'a toujours un sous-ministre parce que c'est le premier ministre qui le nomme et non pas son ministre. Lorsqu'on parle de responsabilisation, c'est le premier ministre qui donne au sous-ministre son autorité. Mais le premier ministre s'attend à ce que le ministre soit le premier servi par le sous-ministre et c'est là-dessus qu'il devra porter son attention.
Il ne fait aucun doute que les fonctionnaires ont le devoir de respecter la loi en tout temps. Ils ont le devoir de respecter toutes sortes de règlements. La véritable question, au bout du compte, c'est de savoir qui est le vrai patron, le patron ultime. Il est sûr que l'opinion des comités parlementaires est toujours importante et doit toujours être prise en compte, mais s'il y a conflit entre ce que veut un comité parlementaire et ce que veut le ministre, le ministre est le patron et au bout du compte, le ministre décide...
¹ (1555)
M. Brian Fitzpatrick: L'important, monsieur, c'est que si un ministère ne fait pas ce à quoi la loi l'oblige, alors notre comité ou tout autre comité devrait pouvoir demander à ce fonctionnaire de rendre des comptes au comité et expliquer pourquoi le ministère n'accomplit pas le devoir que lui dicte la loi.
M. Arthur Kroeger: D'accord.
M. Brian Fitzpatrick: À mon avis, que l'on se cache derrière une certaine relation avec le ministre ne constitue pas une réponse suffisante dans ce genre de situation. C'est ce que je voulais faire comprendre.
M. Arthur Kroeger: Si vous le permettez, il ne s'agit pas de se cacher derrière le ministre; il s'agit de faire ce que vous ordonne votre patron et il n'y a qu'un seul patron.
M. Brian Fitzpatrick: Alors, venons-en au fait, parce que sans aller dans les détails, ma véritable préoccupation porte sur la situation où la procédure établie dans un ministère, les voies hiérarchiques, la responsabilisation et tout le reste sont court-circuitées. Les maîtres politiques, peu importe la raison, décident de court-circuiter l'opération, de créer leur propre petite cellule ou opération et d'exercer des pressions sur tous les subalternes afin qu'ils ferment les yeux ou qu'ils fassent des choses avec lesquelles ils ne sont pas d'accord. Motus et bouche cousue ou, en cas de doute, on fait aller sa langue de bois afin d'éviter toute responsabilité en la matière.
Avec votre longue expérience dans la fonction publique, vous devez avoir une idée sur comment le fonctionnaire professionnel peut se protéger de ce genre d'ingérence dans les activités d'un ministère. Nous cherchons vraiment à obtenir la réponse à cette question parce que je crois que tous ceux que l'on voit ici...
J'ai lu le témoignage de M. Cutler—je ne faisais pas partie du comité—et j'ai beaucoup de sympathie pour lui. J'ai vu là un homme très professionnel plongé dans une situation qui lui était inacceptable. Je ne pense pas qu'un fonctionnaire doive avoir à poser des gestes douteux ou illégaux, etc. Au procès de Nuremberg on a dit aux gens : « obéir aux ordres n'excuse pas ».
Qu'est-ce qui constitue votre principale recommandation sur la façon dont les fonctionnaires de carrière peuvent être protégés contre ce genre d'ingérence par des maîtres politiques qui demandent aux gens de faire des choses tout à fait douteuses?
M. Arthur Kroeger: Quand votre ministre vous donne instruction de faire quelque chose qui, à votre avis, ne devrait pas se faire, votre devoir est de souligner au ministre quelles en seront les conséquences, quels en sont les aspects possiblement douteux et de donner au ministre les meilleurs conseils possibles. Mais au bout du compte, s'il ne s'agit pas d'une chose illégale, le ministre, à titre de responsable d'un ministère, doit prendre la décision ultime et en assumer la responsabilité. Si le ministre ordonne à ses fonctionnaires de faire quelque chose, tant et aussi longtemps que ces choses ne contreviennent pas à la loi, habituellement, ces fonctionnaires, ayant fourni les conseils qui s'imposent et débattu de la chose, devront faire ce qu'on leur dit. Si jamais on en arrive au point où il y a clivage entre la fonction publique du Canada et les élus, alors ceux qui nous gouverneront ne seront pas ceux qui ont été élus pour le faire. En réalité, vous les investissez alors d'un pouvoir...
M. Brian Fitzpatrick: Je comprends tout cela. Mais si la loi est très claire quant à ce qu'est la fonction publique, lorsque vient le temps de mettre en oeuvre la loi et les politiques, alors le jeu est faussé si les maîtres politiques essaient de se mettre le nez où ils n'ont pas d'affaire et pratiquent une certaine ingérence. Il y a quelque chose qui ne marche plus à ce moment-là.
J'ai autre chose qui me préoccupe. Il y a un procès important qui se déroule aux États-Unis impliquant WorldCom et son PDG, Bernie Ebbers. L'important est de savoir s'il était responsable des gestes douteux qui ont été posés et s'il en avait connaissance. Je suis tout à fait sûr que les avocats vont dire : « Vous auriez dû savoir ce qui se passait. Dire que vous n'étiez pas au courant ne constitue pas une bonne excuse puisqu'à votre niveau, vous auriez dû savoir ce qui se passait ». Il me semble que lorsque le public paie le gros prix pour des gens ou des soi-disant compétents pour gérer les opérations du gouvernement, etc., alors le public s'attend à un très haut niveau de compétence de leur part.
Sur cette question de responsabilité des ministres, vous avez dit qu'ils ne peuvent pas tout connaître. Mais ne croyez-vous pas qu'on devrait les tenir responsables des choses qu'ils auraient dû connaître?
º (1600)
M. Arthur Kroeger: Tout à fait. Lorsque se présente une situation prêtant à controverse, il faut fonder son jugement sur ce que le ministre a fait ou n'a pas fait à la lumière de ce qu'aurait dû raisonnablement savoir le ministre.
S'il se passe quelque chose au bureau de district de Nelson en Colombie-Britannique, on ne pourrait pas s'attendre à ce que le ministre du Développement des ressources humaines en ait connaissance et prête ainsi flanc à la critique, même si le ministre est responsable du ministère et que le ministre doit informer le Parlement de ce qui s'est passé. Par ailleurs, si le ministre donne des instructions et que les choses vont mal, la faute en incombe alors au ministre qui doit composer avec le Parlement. Mais il ne fait aucun doute que les ministres ont toujours à répondre lorsque survient quelque chose.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick.
Monsieur Plamondon, vous avez huit minutes.
[Français]
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas si j'ai bien compris la problématique de la responsabilité. Je vais vous poser une question simple. Si, par exemple, un sous-ministre informe son ministre que la décision qu'il a prise aura pour conséquence de contourner des règles administratives et de ne pas suivre la voie normale de l'administration, a-t-il, ce sous-ministre, un recours connu, légal, pour contrer l'action du ministre?
M. Arthur Kroeger: Cela dépend de la décision exacte. Si le ministre n'a pas pris une décision illégale, mais une décision qui n'est peut-être pas normale, le sous-ministre doit aviser le ministre des conséquences graves qui pourraient en résulter. Il devrait lui conseiller de bien y réfléchir, mais à la fin, un sous-ministre n'a pas le droit de contredire son ministre, si ce que ce dernier veut faire n'est pas illégal.
On doit donner des conseils, fournir tous les arguments au ministre pour l'informer clairement des conséquences. Cependant, en bout de ligne, c'est le ministre qui est responsable du ministère. Il peut donc prendre la décision et en assumer les conséquences.
M. Louis Plamondon: S'il y a toujours eu, non pas dans la tradition mais dans la façon d'administrer l'État, une façon très réglementaire de procéder à la soumission de contrats et que, tout à coup, le ministre dit qu'il va passer complètement à côté de cela, ce n'est peut-être pas illégal, mais c'est peut-être immoral. Cela m'apparaît contraire à la saine administration de l'État. Cela m'apparaît aussi être la voie qui, à un certaine moment, conduira à l'illégalité.
Alors, dans pareil cas, le sous-ministre ne doit-il pas alerter l'opinion publique ou la vérificatrice générale, l'informer que quelque chose d'anormal se produit?
M. Arthur Kroeger: La réaction normale du sous-ministre consisterait à aller voir le greffier du Conseil privé et à discuter de la situation avec lui. Normalement, le greffier du Conseil privé en informerait le premier ministre.
Il y a eu des situations de désaccord entre un ministre et un sous-ministre où le sous-ministre insistait pour dire que la question était tellement importante que le premier ministre devait régler l'affaire. C'est très rare, mais ce serait le moyen normal d'agir dans une telle situation. Si ça devenait une pratique normale pour un sous-ministre, un fonctionnaire, d'aller simplement au Globe and Mail et de déclarer qu'il n'aime pas ce que dit le ministre ou même d'aller voir le vérificateur général, cela entraînerait de graves problèmes.
º (1605)
M. Louis Plamondon: Le sous-ministre va voir le greffier du Conseil privé et ce dernier va, en dernier recours, avertir le premier ministre. Or, si c'est le premier ministre qui veut contourner les règles, quel est le recours? Si le premier ministre a décidé de contourner les règles et de faire quelque chose de malhonnête ou qui va conduire à quelque chose de malhonnête, il n'y a donc plus de recours: le premier ministre a tous les droits, puisque le greffier ne peut pas lui demander de se punir lui-même.
M. Arthur Kroeger: Il y a une distinction très importante à faire. Si le premier ministre veut contrevenir à la loi, c'est illégal. Dans de telles circonstances, un sous-ministre devrait démissionner. Toutefois, si le premier ministre veut simplement exercer une certaine discrétion, tout en sachant ce que disent les règles, et qu'il considère qu'il s'agit d'une situation pas du tout normale qui l'amène à conclure que les circonstances justifient une telle décision, le ministre et le sous-ministre ont le droit de prendre cette décision, si ce n'est pas illégal, pourvu qu'ils en assument les conséquences face au public et, surtout, face au Parlement.
Cependant, ce qui est très important, c'est la distinction entre les décisions qui vont contre la loi et celles qui constituent un exercice de discrétion politique.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Plamondon.
Monsieur Holland, vous avez huit minutes.
M. Mark Holland: Merci, monsieur le président.
Monsieur Kroeger, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir à propos de cette question importante aujourd'hui. J'espère seulement que nous pourrons traiter de la question de la gouvernance maintenant que notre comité se voit saisi d'autres questions.
Avec la permission du président, j'aimerais dire que je trouve que c'est très frustrant de voir quelques députés de l'opposition venir changer l'ordre des travaux du comité pour disparaître aussitôt en nous laissant ramasser les pots cassés.
Le président: Monsieur Holland, je tiens juste à souligner que vous auriez dû être ici au printemps de l'an dernier lorsque les motions fusaient de toute part, et ce, pendant des semaines. De toute façon, c'est du passé. C'est le genre de situation avec laquelle le président doit composer.
M. Mark Holland: C'est la vie, monsieur le président.
J'ai bien aimé le rapport. Vers la fin, il y a certaines observations pertinentes concernant les difficultés dans le domaine de la responsabilisation, surtout au niveau de ce qui est exprimé ici, puisque le processus décisionnel devient de plus en plus complexe et cette complexité même fait qu'il est difficile de savoir quelles sont les parties en cause. Il peut souvent y avoir de nombreuses parties en cause dans certains échecs.
À la fin, vous parlez des modifications et vous dites qu'en tenant compte des contraintes mentionnées, il vaut la peine d'examiner la possibilité de modifier le système de responsabilisation. Mais il est improbable que des modifications aient d'autres conséquences que l'atténuation du problème fondamental : la responsabilité partagée, un aspect de la gouvernance du XXIe siècle, a souvent pour conséquence une responsabilité partagée.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, parce que je crois que c'est un bon contexte pour le débat dans lequel nous allons nous engager, soit les limites de la responsabilisation. Nous parlons de responsabilisation. Nous voulons qu'il y ait responsabilisation. C'est extrêmement important que nous puissions aussi comprendre quelles en sont les limites dans le contexte actuel.
M. Arthur Kroeger: Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur ce que vous entendez par « les limites de la responsabilisation »?
M. Mark Holland: Eh bien, vous dites dans votre rapport que vous ne pourrez qu'atténuer le problème fondamental; j'en conclus donc qu'il y a certaines questions que vous ne pourrez pas aborder. Puisque nous nous lançons dans cette aventure plein d'énergie et de dynamisme, impatients de nous assurer que tous auront des comptes à rendre, je crois qu'il est important aussi de comprendre quelles sont les limites à tout cela et quelles sont les causes de ces limites.
º (1610)
M. Arthur Kroeger: Le public et les parlementaires aussi, me semble-t-il, trouvent qu'il est très frustrant d'essayer de savoir pourquoi quelque chose déraille, lorsque ça déraille, et il y a tellement de parties en cause qu'il est impossible de pointer une seule personne du doigt.
Au gouvernement, lorsqu'on est saisi d'une initiative d'importance, il faut évidemment en parler au ministère des Finances. Habituellement, le Conseil du Trésor s'en mêle aussi. La Commission de la fonction publique a peut-être des idées sur les mesures de dotation. Puis il y a interaction entre un certain nombre d'autres ministères. Chacun a son point de vue. Il faut tout peser pour essayer d'en arriver à une sorte de décision consensuelle. Au bout du compte, le produit est le fruit d'une action collective mais personne ne peut pointer quelqu'un du doigt en disant que « Voilà le grand responsable ».
Je lisais un rapport sur un sondage effectué auprès de sous-ministres très récemment par un professeur de l'Université de Montréal, si ma mémoire est bonne, et quelque chose m'a frappé : il a constaté que 30 p. 100 du temps d'un sous-ministre est maintenant consacré à des activités extraministérielles : discussions interministérielles, consultations, etc. Cela montre à quel point l'« horizontalité » a maintenant prise puisque l'on passe plus de temps à se consulter d'un ministère à l'autre pour faire un travail collectif.
C'est essentiel parce qu'on ne peut pas faire fi des divers intéressés mais il est maintenant plus difficile de dire : « Voilà où la décision a été prise ».
M. Mark Holland: Avec toute cette série de responsabilités, de complexités et de consultations, qu'arrive-t-il de la responsabilisation dans ce contexte? Comment pouvons-nous nous assurer que la responsabilisation existe et qu'on ne puisse pas tout simplement dire que 10 p. 100 de la faute revient à celui-là et 5 p. 100 à l'autre et qu'en bout de ligne ce n'est la faute de personne?
M. Arthur Kroeger: Je crois que les parlementaires doivent examiner la responsabilité collective comme celle du gouvernement dans son ensemble plutôt que de dire que c'est la faute d'un tel ministre ou d'un tel fonctionnaire parce que tellement de décisions sont maintenant prises par le conseil des ministres. Et même là, le problème n'est pas vraiment réglé parce que dans bien des cas il y a aussi des intervenants de l'extérieur. S'il est question de l'industrie forestière en Colombie-Britannique, cela n'intéresse pas seulement Ressources naturelles Canada ou quelques autres ministères, les Autochtones ont leurs propres intérêts dans l'affaire ainsi que les écologistes, les International Woodworkers of America et n'oublions pas le gouvernement provincial. Il faut donc tenir compte de tout cela aussi. On ne peut pas arriver avec ses gros sabots en dictant une ligne de conduite; il faut essayer de négocier la chose. C'est donc beaucoup plus difficile de dire à qui la faute si les choses tournent mal.
M. Mark Holland: Notre défi sera donc de décider de la responsabilisation. Il nous faut comprendre ce qui a mal tourné afin d'apporter les correctifs nécessaires pour que cela ne se reproduise plus sans oublier d'instaurer, au départ, les mécanismes appropriés pour que les problèmes ne se produisent même pas. Pensez-vous que l'on met trop d'efforts à chercher la personne qui devra porter le blâme ou même à essayer de trouver la potion magique plutôt que de nous occuper de la question plus générale qui est de savoir comment nous y prendre pour que les problèmes ne voient même pas le jour tout en faisant avancer les dossiers?
M. Arthur Kroeger: À mon avis, les comités parlementaires comme le vôtre devront étudier ce que j'appelle des problèmes de système, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'une personne qui n'était pas très compétente ou qui a fait quelque chose de mal ou qui a agi à mauvais escient, ou quelque chose du genre. Dans la série d'événements qui vous ont conduit du point A à la décision, quelles ont été les diverses étapes? Où sont les maillons faibles de cette chaîne? Est-ce parce que le ministère des Finances a tellement de pouvoir qu'il peut imposer un veto arbitraire? Est-ce parce que le Secrétariat du Conseil du Trésor est insensible aux problèmes des ministères? Si un comité en arrivait à l'importante conclusion qu'il existe une tendance récurrente indiquant que le gouvernement gère mal ses affaires, ce serait probablement plus utile que de tout simplement pointer du doigt un fonctionnaire ou un ministre précis. Un comité parlementaire, après étude d'une situation, pourrait en arriver à la conclusion qu'il existe une faille dans la machinerie administrative.
Au début des années 70, lorsque la question de l'environnement est devenue de plus en plus importante, un comité parlementaire aurait pu étudier les problèmes qui émergeaient et dire : « La responsabilité pour l'environnement est éparpillée dans tous les ministères du gouvernement. Pourquoi ne pas créer un ministère précis pour s'en occuper? » Évidemment, c'est ce qui a été fait dans cette situation précise. Ce genre d'évaluation d'un système peut parfois se révéler plus profitable que d'essayer tout simplement de jeter le blâme sur quelqu'un.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Holland.
Monsieur Allison, vous avez huit minutes.
M. Dean Allison (Niagara-Ouest—Glanbrook, PCC): Merci.
Merci d'être venu aujourd'hui.
Je lis votre quatrième paragraphe et je suis d'accord avec ce que vous dites :
Lorsque vous êtes le ministre qui contrôle un ministère, vous êtes tenu de surveiller et de diriger ses activités. Lorsque des problèmes surgissent, vous devez en déterminer les causes, expliquer ce qui s'est passé au Parlement et faire en sorte que des mesures correctives soient prises. Mais la responsabilité ne signifie pas que vous êtes tenu de connaître et de contrôler tout ce qui se passe en tout temps. |
À mon avis, c'est logique. Comment peut-on toujours savoir tout ce qui se passe?
Cependant, dans ce contexte, si nous nous tournons vers ce qui s'est passé au printemps dans le cadre des commandites, un ancien ministre des Travaux publics, un ancien sous-ministre et à peu près tous ceux qui ont oeuvré à ce programme ont comparu devant nous et pas un seul de ces témoins n'a pris sur lui d'accepter la responsabilité pour ce qui s'était passé. Comment empêcher qu'une telle situation se reproduise?
M. Arthur Kroeger: Je ne sais pas s'il existe une façon automatique de faire cela.
D'après ce que j'ai compris de l'affaire des commandites, elle s'est produite parce qu'il y avait un certain sentiment de crise. Après le référendum de 1995, d'urgentes décisions ont été prises au plus haut niveau pour contrecarrer le genre de menace qui avait vu le jour et certains arrangements inhabituels ont été approuvés. On ne peut pas dire : « Eh bien, vous n'aviez qu'à ne pas vous écarter de la procédure habituelle ». Lorsqu'il s'agit d'une situation inhabituelle, il faut parfois avoir recours à une solution inhabituelle.
On dirait qu'il y a eu un problème au niveau des contrôles administratifs dans le cas des commandites. Je ne sais que ce que j'ai appris par les journaux. Quelqu'un aurait dû s'apercevoir, et beaucoup plus tôt, qu'un certain nombre de choses se produisaient qui n'auraient pas dû se produire et il aurait fallu alors prendre des mesures pour redresser la situation. Vu de l'extérieur, il me semble que cela ne s'est pas produit ainsi à cause de la situation inhabituelle et de la solution inhabituelle adoptée, ce qui a mené à l'adoption de méthodes irrégulières et de façons irrégulières de faire les choses, ce qui, à son tour, a donné lieu à la situation qui nous préoccupe tant depuis quelques mois.
M. Dean Allison: Vous nous dites qu'on justifie tout cela en disant que les circonstances étaient inhabituelles et qu'il n'était pas nécessaire de suivre les règles habituelles. Il y avait donc des circonstances atténuantes, c'est-à-dire que la question de responsabilité n'était guère importante à cause de ce qui se passait.
M. Arthur Kroeger: Je crois qu'on pensait qu'il était urgent d'agir. Personne n'a jamais dit : « Mettons de côté la Loi sur la gestion des finances publiques ». Il me semble que M. Chrétien a dit, devant le juge Gomery, qu'il avait dit dans ses directives au Conseil du Trésor qu'il s'attendait à ce que les procédures et règles normales s'appliqueraient. On semble les avoir oubliées dans le feu de l'action. En rétrospective, personne n'aurait voulu que cela se passe ainsi, mais je crois que cela s'est produit à cause de la nature inhabituelle de la situation.
Tout le domaine de la publicité et des sondages a toujours été géré, par le gouvernement, de façon différente de la norme qui s'applique généralement en matière de passation de contrats. Le cas qui nous occupe est un cas extrême.
º (1620)
M. Dean Allison: Le directeur exécutif relevait directement de l'ancien ministre. Est-ce habituel?
M. Arthur Kroeger: Pas du tout. Cela peut se faire.
Le sous-ministre ne veut pas créer d'engorgement en disant que rien ne doit se rendre chez le ministre à moins de passer par le bureau du sous-ministre. La norme est plutôt du genre : « Écoutez, certains des hauts fonctionnaires peuvent avoir des relations directes avec le bureau du ministre et parfois même avec le ministre, mais je veux quand même que l'on me dise ce qui se passe ». Voilà ce qui est important. Ainsi, on peut voir ce qui se passe et si des problèmes devaient surgir, on peut toujours amorcer des correctifs. Ce n'est pas nécessairement mauvais qu'un sous-ministre adjoint soit en relation directe avec le ministre dans certains cas précis, si le sous-ministre adjoint a une certaine expertise--en science, par exemple. Mais le sous-ministre veut quand même toujours avoir l'oeil sur ce qui se passe pour s'assurer que tout se fait à l'intérieur des limites normales et convenables.
M. Dean Allison: Croyez-vous que les sous-ministres devraient rendre compte de leurs responsabilités à des comités comme le nôtre?
M. Arthur Kroeger: Oui, quoique je préférerais qu'ils viennent rendre des comptes, si vous me permettez cette distinction. C'est de cette importante distinction qu'il était question tout à l'heure.
Pour couper au plus court, il est essentiel que les comités parlementaires aient plein accès aux fonctionnaires pour pouvoir leur poser des questions sur à peu près n'importe quoi. Les fonctionnaires savent toujours se montrer discrets si on les amène sur un terrain trop glissant.
Ma première comparution devant un comité du Parlement a eu lieu il y a plus de 30 ans, lorsque je n'étais pas encore sous-ministre. J'ai toujours l'impression aujourd'hui, comme par le passé, que les fonctionnaires sont toujours fortement sollicités et qu'on leur pose des questions sur toute une gamme de sujets. Je crois que c'est tout à fait souhaitable—et essentiel.
Le président: Monsieur Fitzpatrick, s'il vous plaît.
M. Brian Fitzpatrick: Vous avez parlé d'une certaine discrétion du premier ministre ou même d'un ministre qui peut décider de créer ses propres programmes et opérations. Peut-être que la faculté de droit que j'ai fréquentée n'était pas très forte, mais j'ai toujours cru que la loi devait nous autoriser à poser certains gestes. Si le cabinet du premier ministre ou si un ministre décide du jour au lendemain qu'ils vont dépenser des fonds qui n'étaient pas prévus au budget et créer une unité spéciale ou une opération distincte, il me semble que c'est là une question sérieuse. Si aucune loi ou aucun règlement n'autorise cette façon de faire, il me semble que quelqu'un, quelque part, devrait voir s'allumer un feu rouge.
Je soulève cette question parce qu'elle me semble élémentaire. Nous vivons dans un système où tout est fondé sur le respect de la loi, ce qui signifie qu'on ne peut pas tout simplement décider d'en faire à sa tête lorsqu'on en a envie. Ça ne marche pas comme ça.
J'ai une question très précise à ce propos. Supposons qu'un sous-ministre se trouve dans une situation plus que délicate parce que son patron lui donne des ordres qui lui semblent plus ou moins réguliers et que ça le préoccupe. Le professeur Franks est venu nous expliquer comment les Britanniques règlent ce problème. En gros, s'il juge la chose assez sérieuse, le sous-ministre se sert d'un mécanisme formel qui sert à protéger son poste. La question est présentée au ministre qui répond alors par écrit, prenant ainsi à son compte la responsabilité, la responsabilisation et la reddition de comptes. Ce principe du système britannique me semble excellent et notre pays devrait y jeter un coup d'oeil.
Qu'en pensez-vous, monsieur?
M. Arthur Kroeger: Je diviserai ma réponse en deux parties.
Tout d'abord, je tiens à préciser que tout au long de cette discussion j'ai toujours fait la distinction entre un acte qui est illégal et l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. On ne peut pas de toute évidence prendre une mesure qui est illégale. C'est le type de situation que l'on soumet au premier ministre qui doit alors se prononcer.
Bien sûr il faut qu'il y ait un fondement en droit. Il faut qu'il y ait une loi de crédit si l'on veut dépenser de l'argent. Tous ces éléments s'appliquent. La seule distinction que je ferai concerne une situation où les choses sont nettes, où il est écrit noir sur blanc qu'une telle mesure est interdite. La distinction que je ferai c'est qu'il n'existe pas de règlement pris par le gouverneur en conseil, s'il n'existe pas de lois, s'il existe une façon habituelle de procéder mais qu'un ministre ou un premier ministre décide, compte tenu de la situation, d'agir différemment, il a au bout du compte le droit de le faire. L'exercice du pouvoir discrétionnaire n'est pas toujours une mauvaise chose.
L'argument que je voulais faire valoir en ce qui concerne les fonctionnaires, c'est que si on en arrive à un point où un fonctionnaire peut dire à un ministre qu'il n'est pas d'accord avec une mesure et qu'il ne la prendra pas même si elle est légale, on risque alors de se retrouver avec un gouvernement contrôlé par des personnes non élues. Il me semble fondamental que le pouvoir demeure concentré entre les mains des représentants élus qui doivent alors rendre compte au Parlement des décisions qu'ils ont prises et des mesures qu'ils ont choisies de prendre ou non.
En ce qui concerne le modèle d'agent comptable qui existe en Grande-Bretagne, il ne m'inspire pas de réserves particulières, mais il existe d'autres moyens de traiter du même type de situation. Au Canada, si vous avez de réelles difficultés avec votre ministre pas sur des questions qui sont illégales--car c'est alors assez simple--mais parce que votre ministre veut prendre des mesures qui vont tout à fait à l'encontre de la politique gouvernementale ou parce que votre ministre veut prendre des mesures qui risqueront de gravement embarrasser le gouvernement, dans ce genre de situation, il faudrait qu'un sous-ministre s'entretienne avec le greffier du Conseil privé. Si le greffier est pleinement mis au courant de la situation, il pourra alors prendre une décision, en parler au premier ministre et le premier ministre pourra alors se prononcer. Tant qu'il ne s'agit pas d'une mesure illégale, tant qu'elle n'enfreint pas de règlements ou de lois, s'il s'agit d'un exercice normal du pouvoir discrétionnaire politique, au bout du compte, le premier ministre ou le ministre a alors le droit de prendre la décision et d'en être tenu responsable. C'est leur travail, ce sont eux qui prennent la décision et ils doivent en répondre.
º (1625)
Le président: Je vous remercie, Monsieur Fitzpatrick.
Sur cette question, monsieur Kroeger, il ne s'agit pas d'une division claire entre une mesure illégale et une mesure discrétionnaire. Il y a également des questions d'éthique qui interviennent. Si un sous-ministre a été chargé de prendre une mesure qu'il juge contraire à l'éthique, même si elle relève du pouvoir discrétionnaire politique du ministre et n'est pas illégale, cela le met vraiment dans une situation gênante. C'est le genre de choses auxquelles nous devons faire face.
M. Arthur Kroeger: C'est la situation la plus courante, et c'est l'une des plus difficiles à résoudre parce qu'il faut respecter les prérogatives de ceux qui se font élire, contrairement à vous.
Cela dit, j'ai dit il y a un instant que la question n'est pas simplement de déterminer s'il s'agit d'une mesure illégale. S'il s'agit d'une mesure qui va à l'encontre de la politique gouvernementale, qui risque de causer de l'embarras ou que vous considérez contraire à l'éthique, il faut alors s'adresser au greffier. Si le premier ministre décide en fin de compte que cette mesure devra quand même être prise, vous avez alors le choix de dire très bien, c'est vous le patron et je le ferai, ou de démissionner. Ce sont les seuls choix qui s'offrent à vous dans une telle situation.
Et vous pouvez démissionner, mais vous devez respecter les prérogatives de ceux qui occupent une charge à laquelle vous n'avez pas été élu.
Le président: Monsieur Lastewka, vous avez huit minutes.
L'hon. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, monsieur Kroeger, de vous joindre à nous aujourd'hui pour nous aider à faire la lumière sur cette question complexe de gouvernance.
À une époque, lorsque je travaillais pour une entreprise que vous mentionnez à la page 2, j'avais un petit écriteau sur mon bureau qui se lisait comme suit « Responsabilité, obligation de rendre compte, honnêteté, sincérité, équité et fermeté. »
Je ne suis pas sûr que les sous-ministres et les ministres comprennent ce qu'ils doivent faire et ne pas faire dans le cadre de leurs responsabilités et de leur obligation de rendre compte. Un gouvernement arrive au pouvoir et compte un nombre donné de sous-ministres et les ministres commencent à travailler avec les sous-ministres. J'ai l'impression qu'il existe de nombreuses interprétations de la responsabilité et de l'obligation de rendre compte, tandis que dans le secteur privé elles sont énoncées un peu plus clairement. Je suis conscient que dans un cas il s'agit du gouvernement et dans l'autre du secteur privé, mais il me semble que cela devrait être d'autant plus clair au gouvernement que dans le secteur privé en raison de l'importance des enjeux en cause.
Je crains que les responsabilités et l'obligation de rendre compte des sous-ministres et des ministres ne soient pas claires. Auprès de qui les sous-ministres et les ministres obtiennent-ils des conseils ou vérifient-ils qu'ils respectent les responsabilités et l'obligation de rendre compte qui viennent avec leurs fonctions? Est-ce que cela relève du greffier du Conseil privé?
º (1630)
M. Arthur Kroeger: Pas toujours; cela dépend.
J'aimerais tout d'abord faire une observation à propos de la différence qui existe entre le secteur privé et le secteur public. Mon impression du secteur privé c'est qu'il a le net avantage de pouvoir déléguer plus pleinement. Vous pouvez dire au vice-président responsable de la région Atlantique du Canada, c'est votre travail; voici les résultats que j'attends de vous; prenez les mesures nécessaires. Au gouvernement, le problème c'est que pratiquement n'importe quel type de situation peut être examiné par un comité parlementaire et même être abordé à la période des questions. Par conséquent, on ne peut jamais déléguer de façon aussi simple et directe qu'on le ferait dans le secteur privé en disant « c'est votre travail; faites-le ». Il faut réfléchir à ce qu'en pense le caucus de l'Atlantique et tenir compte de l'opinion du gouvernement provincial. Il y a toutes sortes de facteurs dont vous devez tenir compte, ce qui complique un peu plus les choses.
En ce qui concerne la deuxième partie de la question, auprès de qui obtenir des conseils, cela dépend de la question, mais dans les cas vraiment graves, c'est auprès du greffier ou du premier ministre.
Il existe toutes sortes d'autres moyens, comme le Conseil du Trésor. La Loi sur la gestion des finances publiques renferme certaines dispositions assez claires sur la façon dont les choses sont censées fonctionner. En cas de doute, un fonctionnaire peut s'adresser au Secrétariat du Conseil du Trésor. Son ministre peut en parler également au président du Conseil du Trésor. Le ministre de la Justice peut parfois vous donner des conseils ou peut-être le commissaire à l'éthique.
Il existe donc un certain nombre de personnes au gouvernement que l'on peut consulter et il est habituellement prudent d'en consulter un certain nombre lorsque des questions d'une certaine importance surgissent, parce que si les choses tournent mal, ce sera trop tard. Il n'y a pas un endroit en particulier au gouvernement où vous pouvez obtenir des conseils à propos de tout, mais il est certainement important d'être au courant des différentes instances que vous devriez consulter lorsqu'une question importante intervient.
L'hon. Walt Lastewka: Vous avez à certaines reprises utilisé des termes comme « pourrait » mais pas « devrait » ou vous avez dit « cela dépend ». Il me semble que si nous voulons améliorer la gouvernance au gouvernement dans son ensemble, nous devons alors établir avec beaucoup plus de précision en quoi consistent les responsabilités et l'obligation de rendre compte. J'ai de la difficulté à accepter qu'un sous-ministre refuse d'assumer toute responsabilité lorsque quelque chose se produit, comme dans le cas du programme des commandites. J'ignore comment on peut régler ce problème. Comment peut-on responsabiliser des personnes qui esquivent leurs responsabilités en prétextant être occupées dans d'autres domaines. Je crois que c'est ce qui s'est produit.
M. Arthur Kroeger: Il est possible d'utiliser toutes sortes de prétextes. Dire qu'on est occupé n'est pas une bonne réponse. Cependant, le fait que le ministre ait décidé de le faire représente habituellement une assez bonne réponse tant que cela demeure dans les limites de ce qui est permis. Parfois, la réponse c'est qu'il n'y avait tout simplement pas suffisamment de ressources en raison d'une série récente de compressions budgétaires, par exemple. Il existe de nombreuses situations qui influent sur un résultat. On peut expliquer en quoi consistent ces facteurs, et il faut les expliquer au public et à un comité parlementaire.
L'hon. Walt Lastewka: Vous avez parlé de projets ou de programmes qui s'appliquent à plusieurs ministères. Je trouve très décevant qu'au gouvernement nous ignorons comment travailler dans un cadre où de nombreux programmes s'appliquent à plusieurs ministères. Nous avons beaucoup de difficultés à respecter le ministère responsable d'un programme.
º (1635)
M. Arthur Kroeger: Beaucoup de gens s'interrogent sur la façon dont les gouvernements doivent fonctionner au XXIe siècle. Lorsque Mme Bourgon était greffière du Conseil privé, elle a constitué un comité de sous-ministres chargé de déterminer comment l'horizontalité était censée fonctionner. Comment procède-t-on? Vous avez dix ministères et chacun s'intéresse à une question en particulier. Comment cela est-il censé fonctionner?
Il y a toujours eu des questions qui concernent plusieurs ministères et elles semblent beaucoup plus nombreuses aujourd'hui. J'ai l'impression qu'il y a encore beaucoup de travail à faire au gouvernement pour déterminer comment on s'occupe des questions qui s'appliquent à plusieurs ministères. Nous n'avons pas encore trouvé de solution.
L'hon. Walt Lastewka: J'aimerais faire un commentaire et être inscrit pour le prochain tour.
J'ai l'impression que notre comité est en train de tomber dans le même piège dont vous avez parlé, c'est-à-dire de trouver un coupable que l'on pourra présenter en dix secondes aux actualités, bien que la vérificatrice générale ait indiqué très clairement que nous devrions examiner les procédures, les pratiques, les politiques, les vérifications précédentes et les rapports des vérifications précédentes. Monsieur le président, j'ai l'impression que c'est un aspect que notre comité des comptes publics a négligé dans le cadre de ses délibérations.
Lorsque la vérificatrice générale a parlé d'un système qui a dérapé, nous ne nous sommes pas dit voilà un système qui a dérapé au gouvernement, donc quelles sont les raisons pour lesquelles le système a dérapé et comment notre comité, le comité des comptes publics, peut-il remédier à la situation? J'aimerais approfondir cette question lors du prochain tour si vous me le permettez.
M. Arthur Kroeger: Pour répondre à la question de M. Holland, je pourrais dire que parfois il est tout simplement impossible de blâmer qui que ce soit. Il s'agit plutôt d'un problème dans le système; d'une faiblesse dans la procédure. C'est précisément ce dont la vérificatrice générale a parlé et je suis tout à fait d'accord avec cela. Il me semble que dans un système moderne de gouvernance, les choses sont beaucoup plus compliquées et on ne peut pas essayer de trouver quelqu'un à blâmer. Ces procédures collectives existent, elles représentent une réalité, et l'importance, c'est de les évaluer, de déterminer là où elles présentent des lacunes et de prendre des mesures correctives.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Lastewka.
Monsieur Fitzpatrick, je vous prie.
Nous passons maintenant au deuxième tour, qui est de cinq minutes.
M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais enchaîner sur cette question en présentant une situation hypothétique. Il faut que j'inscrive ce genre de discussion dans un contexte.
Supposons un instant que le premier ministre est saisi d'une situation urgente et doit décider de mesures à prendre et crée un service d'opérations spéciales dans un ministère, chargé de s'occuper de cette situation urgente. Supposons que la loi lui permette de le faire et qu'il s'agit d'une mesure légale et ainsi de suite. Le sous-ministre a donc mis au courant de la situation et on lui dit, « on est en train de constituer cette opération spéciale qui relèvera directement du ministre, et vous n'avez pas à vous en occuper ». Mais supposons que par la suite, le sous-ministre et ses collaborateurs découvrent que des millions de dollars sont en train d'être dépensés, et qu'on ne respecte pas les pratiques commerciales et les règles qui sont normalement prévues, et qu'il est très difficile de déterminer si cet argent est utilisé de façon optimale. En fait, on s'interroge sérieusement sur la légalité de la procédure en question. Le sous-ministre porte cette question à l'attention du ministre qui lui répond, « Ne vous inquiétez pas. Nous nous en occupons ».
Selon le scénario que vous présentez, le sous-ministre a une option. Il peut s'adresser au greffier du Conseil privé. À mon avis, je dirais qu'il ne s'agit pas d'une décision qui favorisera l'avancement professionnel du sous-ministre. Mais je préférerais nettement l'option britannique, selon laquelle le sous-ministre en question pourrait porter cette question à l'attention du ministre et faire en sorte que le ministre accepte par écrit la responsabilité, la responsabilisation et l'obligation de rendre compte de cette mesure. Le fonctionnaire professionnel ne sera plus le type qui doit assumer une partie de la responsabilité pour une mesure sur laquelle il n'exerce aucun contrôle.
Je considère que cette solution britannique est très valable. Je ne crois pas qu'il faudrait s'empresser de s'adresser au greffier du Conseil privé; vous devriez pouvoir traiter avec votre ministre de cette question et l'en rendre responsable. Si cela ne lui plaît pas, il peut alors s'adresser au greffier du Conseil privé et au premier ministre et leur dire, « Je suppose que je devrai mettre cela par écrit ». C'est l'option que je préférerais.
M. Arthur Kroeger: Pour ce qui est de déterminer ce qui favorise l'avancement professionnel ou non, je peux vous dire que si vous n'informez pas le greffier d'une très mauvaise situation, vous risquez d'avoir de graves difficultés. C'est une question de jugement, mais vous devez...
º (1640)
M. Brian Fitzpatrick: Vous pourriez envoyer au greffier du Conseil privé et au premier ministre une copie de la lettre que vous avez remise à votre ministre et dans laquelle vous lui exprimez votre préoccupation, pour les tenir au courant.
M. Arthur Kroeger: On ne traite pas directement avec le Cabinet du premier ministre. On traite avec le représentant de la fonction publique et il s'agit du greffier. Autrement, si vous commencez à faire des manoeuvres politiques, cela risque de poser de graves problèmes.
Pour ce qui est d'obtenir une instruction par écrit, oui, c'est très bien. C'est ce que nous avons fait lorsque j'étais sous-ministre des Transports, parce qu'il existait un programme pour la construction d'aéroports locaux pour lequel aucun critère n'était prévu. Il existait un petit montant d'argent qui pouvait être utilisé pour améliorer un aéroport qui se trouvait dans un centre éloigné, et comme le vérificateur général de l'époque critiquait assez ce genre de chose et avait tendance à blâmer les fonctionnaires, nous avons demandé à notre ministre de signer une directive. Nous l'avons probablement fait une vingtaine ou une trentaine de fois.
Je ne vois pas tellement de différence entre cette façon de procéder et le fait de débattre simplement de la chose avec le ministre. Si le ministre dit, écoutez, voici comment les choses se feront et pas autrement...
M. Brian Fitzpatrick: Je dirais que si la règle britannique avait été utilisée ici dans l'affaire des commandites, nous n'aurions pas traité avec tous les fonctionnaires du ministère. Il y aurait eu un ministre à ce comité qui aurait dû répondre aux questions parce qu'il aurait assumé l'entière responsabilité du programme, et qu'il serait donc impossible de rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre. À mon avis, cela éviterait aux membres professionnels de la fonction publique de voir leur réputation souillée par le scandale suscité par ce programme.
M. Arthur Kroeger: C'est une opinion légitime, mais personnellement je crois qu'il est utile de réfléchir aux relations de travail qui existent entre le sous-ministre et le ministre. Ils sont constamment en rapport l'un avec l'autre, et si on commence à demander des instructions écrites à propos de tout, cela modifie toute la dynamique de la relation. Je sais que la question des commandites...
M. Brian Fitzpatrick: Peut-être que le ministre réfléchirait à deux fois avant de tâcher d'imposer une telle chose au ministère.
M. Arthur Kroeger: Oui, mais une relation entre un sous-ministre et un ministre est idéalement un partenariat; il ne s'agit pas d'un affrontement. Vous ne dites pas, « Je ne le ferai pas tant que vous ne l'aurez pas mis par écrit ». Vous tâchez tous deux de vous débattre avec des problèmes quotidiens, que ce soit au ministère de l'Agriculture, au ministère de l'Environnement ou ailleurs. Ce ne sont pas des problèmes faciles à résoudre et idéalement il faut travailler dans la collaboration.
Je sais que le problème des commandites préoccupe tout le monde, ce n'est pas la façon dont fonctionne une relation normale entre un ministre et un sous-ministre. Partout au gouvernement et dans les gouvernements précédents, cette relation était fondée, jour après jour, sur la coopération. Si vous commencez à dire, « Je veux des instructions par écrit sinon j'avertis le vérificateur général »... Permettez-moi de demander aux membres du comité, si vous essayez de donner des instructions aux propres membres de votre personnel et qu'on vous répond, « Je veux que cela soit par écrit sinon je vais avertir le vérificateur général », que penseriez-vous de cette personne?
Le président: Je ne crois pas qu'elle ferait partie du personnel, monsieur Kroeger.
Je vous remercie, monsieur Fitzpatrick.
Monsieur Murphy, je vous prie; vous avez cinq minutes.
L'hon. Shawn Murphy: Je vous remercie, monsieur le président, et je tiens à vous remercier, monsieur Kroeger, d'être ici et de votre exposé.
Avant de commencer, j'aimerais simplement avoir un éclaircissement. J'aimerais citer deux phrases tirées de votre document. À la deuxième page, il y a une phrase qui se lit comme suit : « Vous devenez tout simplement comptable envers votre patron ». Puis, à la troisième page, vous faites la déclaration suivante : « Vous êtes comptable envers votre patron et il est impossible d'avoir deux patrons en même temps pour les mêmes fonctions ».
Ma question concerne, ici à Ottawa—et c'est ce que ne comprends pas bien—, le rôle des sous-ministres. Cela n'était peut-être pas le cas il y a 30 ans, mais d'après ce que je peux comprendre, un sous-ministre est nommé par le greffier du Conseil privé, est essentiellement comptable envers le greffier du Conseil privé, est transféré par le greffier du Conseil privé—rétrogradé, ou quoi que ce soit—et tout changement de carrière relève de la décision du greffier du Conseil privé. Le ministre n'a pas vraiment son mot à dire dans le choix de son sous-ministre. Le ministre n'a pas le pouvoir discrétionnaire de congédier le sous-ministre, de changer de sous-ministre ou de prendre des mesures disciplinaires à l'égard des sous-ministres. Il me semble, à la lecture de votre document, que le sous-ministre est uniquement responsable devant le ministre, mais cela ne correspond pas à la structure qui existe ici à Ottawa.
Avez-vous des éclaircissements à apporter à ce sujet?
º (1645)
M. Arthur Kroeger: Oui, il y a plusieurs explications que je peux vous donner à ce sujet.
Lorsque l'on dit que ce n'est pas le greffier du Conseil privé qui vous nomme mais le premier ministre, ce n'est pas simplement une question de forme. Le premier ministre procède aux nominations sur les conseils du greffier, mais un premier ministre peut avoir et dans bien des cas a sa propre opinion. Donc, cette décision, cette nomination, relève du premier ministre. De même, si vous êtes renvoyé ou promu, c'est le premier ministre qui a le dernier mot à ce sujet. Le greffier peut dire, je crois qu'il serait préférable de transférer Mme X d'ici à là, et le premier ministre écoutera l'explication et dira « Oui, vous pouvez le faire » ou « Non, je ne suis pas d'accord », mais la décision appartient au premier ministre.
Par ailleurs, on prend très au sérieux l'opinion des ministres. Il existe une institution connue sous le nom de Comité de hauts fonctionnaires qui chaque année fait l'évaluation du rendement des sous-ministres. Il existe tout un processus selon lequel il demande au ministère des Finances ce qu'il pense de la façon dont le sous-ministre de l'Environnement s'acquitte de son travail, et pose la question à la Commission de la fonction publique et ils pose la question au ministre, et aussi au Conseil du Trésor. On rend donc compte du point de vue des ministres.
Il ne faut pas oublier non plus bien sûr qu'un ministre a directement accès au premier ministre, et que si un ministre est très insatisfait du travail du sous-ministre, le ministre peut certainement le faire valoir auprès du premier ministre. Quant à savoir si le premier ministre suivra ses conseils, c'est une autre question, mais les ministres ne sont pas vraiment écartés de ce processus.
L'hon. Shawn Murphy: Pardonnez-moi de vous interrompre. Essentiellement, vous êtes en train de dire que les sous-ministres—et je vois la nuance que vous faites ici, que le greffier est essentiellement l'intermédiaire entre le sous-ministre et le premier ministre—sont comptables devant le premier ministre. Dans une structure organisationnelle normale, même si vous avez fait observer qu'on ne peut pas avoir deux patrons, si je travaille pour quelqu'un et que cette personne m'a engagé, peut me renvoyer et peut prendre des mesures disciplinaires à mon égard, et que la personne à qui je rends des comptes n'exerce pas de telles fonctions... Je sais qu'il peut s'adresser au premier ministre, mais je ne crois pas qu'un ministre de second rang puisse le faire.
Je ne crois pas que c'était le système qui existait à l'époque de C.D. Howe. Je considère qu'il existe un problème systémique fondamental lorsqu'il existe une organisation gouvernementale qui embauche, renvoie, sanctionne, établit les salaires et les primes ou quelle que rémunération que ce soit, la lettre de mandat qui sera signée par le premier ministre ou le greffier, et pourtant vous dites que leur seul patron est le sous-ministre. Je trouve cela difficile à comprendre.
M. Arthur Kroeger: C'est un point important, et vous avez mis le doigt sur une nette ambigüité. Effectivement, les sous-ministres sont nommés par le premier ministre sur les conseils du greffier, et le premier ministre est le grand patron. Je dirais que le premier ministre est le patron et il dit « Je veux que vous travailliez constamment avec le ministre que je vous donne. C'est là où vous êtes censé concentrer votre attention, c'est là où vous obtenez vos instructions, c'est la personne avec laquelle vous êtes censé travailler ».
C'est exact. Il s'agit d'une nette ambigüité. Dans la pratique, cela n'intervient pas très souvent.
L'hon. Shawn Murphy: J'ai une autre question.
Vous parlez de sous-ministres qui comparaissent devant des comités parlementaires au sujet de l'administration du ministère. D'autres personnes ont recommandé que les sous-ministres soient responsables de l'administration du ministère—essentiellement, la Loi sur la gestion des finances publiques et les directives du Conseil du Trésor—et non de l'orientation stratégique. Ils ne pourraient pas se présenter devant le ministère des Affaires indiennes et obtenir une orientation stratégique de la part d'un comité de 12 députés. Cela irait tout à fait à l'encontre du principe de Westminster. Mais cela, d'après ce que je crois comprendre, existe en Grande-Bretagne depuis 1872. D'après les renseignements dont je dispose—je ne suis pas un spécialiste—, cela a très bien fonctionné. Pourquoi croyez-vous que cela ne fonctionnerait pas au Canada?
M. Arthur Kroeger: Qu'est-ce qui ne fonctionnerait pas?
L'hon. Shawn Murphy: Que les sous-ministres soient responsables devant le Parlement de l'administration directe et non pas de l'ensemble de la politique et de tout ce qu'ils font, ni de la façon dont ils le font, ni des malversations dans certains ministères en Colombie-Britannique ou à Terre-Neuve, mais de l'administration de leur ministère, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, aux lignes directrices du Conseil du Trésor, ce qui ne s'est pas produit dans l'affaire des commandites.
º (1650)
M. Arthur Kroeger: C'est tout à fait une question d'actualité. Elle est très intéressante, car au Canada, on n'a jamais fait la distinction entre la gestion et les politiques ou l'orientation politique, et ce, pour différentes raisons. Le pays s'organise en régions et les ministres se sont toujours beaucoup intéressés aux questions d'administration de nature plutôt locale, pour savoir s'il fallait ou non fermer le bureau de Gananoque, par exemple.
Il se pourrait que cela change, et que le mouvement de changement s'amorce en réaction à l'affaire des commandites, car il est clair désormais qu'on a assisté à une interaction malsaine entre l'orientation politique et les mesures administratives. Il se pourrait que l'affaire des commandites amène les parlementaires et le gouvernement à conclure qu'il faut séparer davantage les fonctions, c'est-à-dire que les ministres et les parlementaires ont pour rôle de fixer les orientations politiques et leur intervention au niveau administratif doit être plus limitée qu'avant.
À mon avis, cette tendance pourrait bien prendre de l'importance et s'avérer utile, en fonction de l'ampleur qu'on lui laissera prendre. On ne pourra jamais dissocier totalement les politiques de l'administration, car une décision administrative peut soudain susciter une controverse politique, voire même des problèmes d'ordre politique.
En s'inspirant de ce qui se fait ailleurs, on peut sans doute séparer les deux plus qu'on ne l'a fait au Canada. J'ai l'impression, par exemple, que les députés britanniques interviennent beaucoup moins dans les questions administratives que ne l'ont fait les députés canadiens jusqu'à maintenant et il serait important que comme l'a dit M. Murphy, on sépare les deux éléments.
J'ai été frappé par certains propos de l'ancien ministre des Travaux publics qui a dit qu'il avait donné des orientations politiques, qu'il appartenait à ses fonctionnaires de les concrétiser et qu'il n'avait pas besoin de savoir en détail comment ils allaient le faire. Ça n'a pas toujours été le cas.
Le président: Très bien.
Merci beaucoup, monsieur Murphy.
[Français]
Monsieur Plamondon, c'est à vous.
M. Louis Plamondon: Votre dernière réponse rejoint un peu ma question. Au lieu de parler des responsabilités des sous-ministres, parlons de ce qui suit. Selon vous, si un ministre donne la directive à son sous-ministre d'agir de façon tout à fait différente du point de vue administratif, de contourner les règles et, comme dans le cas du scandale des commandites par exemple, d'agir de telle façon, peut-il, après avoir donné cette directive, dire qu'il n'est pas responsable de ce qui s'est passé, alors que c'est lui qui a donné l'ordre de contourner ainsi les règles?
M. Arthur Kroeger: Si un ministre ordonne de ne pas observer les règles ou les conventions...
M. Louis Plamondon: Je parle d'une situation où le ministre donne l'ordre de ne pas respecter les règles et les conventions.
M. Arthur Kroeger: Oui.
M. Louis Plamondon: Peut-il ensuite dire en toute honnêteté qu'il n'est pas responsable de ce qui s'est passé, qu'il n'a fait que donner des ordres? Est-il responsable?
º (1655)
M. Arthur Kroeger: Certainement. S'il a ordonné de faire une telle chose, évidemment, la responsabilité est celle du ministre.
M. Louis Plamondon: Lorsque j'entends les témoignages à la commission Gomery, j'ai l'impression que la seule chose qu'on découvre, c'est que la mémoire est une faculté qui oublie. Pour le reste, personne n'est responsable de quoi que ce soit.
Si je m'en tiens à la réponse que vous m'avez donnée tout à l'heure, il y a des gens qui étaient ministres ou premier ministre et qui n'avaient aucune idée de ce qu'étaient leurs responsabilités par rapport aux fonctions qu'ils occupaient, n'est-ce pas? C'est une remarque. Ce n'est pas une question.
J'aurais une question peut-être plus pertinente. Pourquoi, dans notre système, l'imputabilité et la responsabilité sont-elles rattachées à la fonction plutôt qu'à la personne? Lorsqu'un ministre change de portefeuille--et c'est la même chose pour un sous-ministre--pourquoi ne peut-il être tenu responsable de ce qui s'est passé dans le ministère dont il avait la responsabilité?
Je prends pour exemple le scandale au ministère du Développement des Ressources humaines, dont M. Pettigrew était responsable. Tous les scandales se sont passés lorsqu'il était ministre. Or, dès que Mme Stewart l'a remplacé à ce poste, le ministre Pettigrew n'avait plus aucune responsabilité relativement à son poste précédent. Il n'avait même pas besoin de répondre aux questions à la Chambre ni de témoigner où que ce soit. C'était la nouvelle ministre qui était devenue responsable.
Y aurait-il moyen de faire en sorte que l'imputabilité soit rattachée à la personne plutôt qu'à la fonction?
M. Arthur Kroeger: On pourrait changer le système. Il serait possible de le faire. Le concept actuel veut que le ministre soit perçu comme une institution, et non pas comme une personne chargée de la direction d'un ministère. Peu importe qui est ministre, c'est la personne en poste qui doit répondre aux questions.
D'autres systèmes seraient possibles, mais jusqu'ici, n'importe quel gouvernement aurait pu trouver qu'il serait bon de faire de tels changements. Il y avait eu une exception dans l'affaire du ministère du Développement des Ressources humaines. Le greffier du Conseil privé était l'ancien sous-ministre de ce ministère et il a comparu devant une commission parlementaire pour répondre à des questions. C'est la seule fois, à ma connaissance, que cela s'est passé.
On pourrait dire que M. Pettigrew n'était plus le ministre du Développement des Ressources humaines et qu'en conséquence, la tâche de corriger ce qui était mauvais revenait à Mme Stewart, parce que c'était elle, dorénavant, qui avait l'autorité pour le faire.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Plamondon.
Monsieur Lastewka, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
L'hon. Walt Lastewka: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur la période où vous êtes devenu sous-ministre et sur ce qui a changé depuis.
Il me semble que les sous-ministres changent de poste plus souvent qu'avant. Les changements de sous-ministres et de sous-ministres adjoints sont désormais un phénomène annuel. L'uniformité s'effrite lentement dans les ministères, ce qui signifie souvent que l'on perd de vue l'ensemble des responsabilités du ministère. Il me semble qu'on se préoccupe davantage de promotions et de tout ce qui peut paraître avantageux sur un CV que de stabilité au sein du ministère et du bon déroulement des activités ministérielles.
Pourriez-vous nous parler des mouvements de personnel et de la stabilité à l'époque où vous étiez sous-ministre, par rapport à la situation actuelle, ainsi que de la voie hiérarchique? Est-ce que vous releviez du ministre ou du premier ministre? Comment fonctionnaient les rapports hiérarchiques à l'époque et comment fonctionnent-ils aujourd'hui?
M. Arthur Kroeger: Le problème du roulement a toujours existé. C'est un problème sérieux. Le roulement crée toutes les difficultés que vous avez mentionnées, notamment l'instabilité et la perte de mémoire institutionnelle. Tout le monde reconnaît que le problème existe, mais pour différentes raisons, il perdure.
À la fin des années 70, peu après que je fus devenu sous-ministre, quelqu'un a fait une étude et a constaté que la durée moyenne de collaboration entre un sous-ministre et un ministre était de 11 mois, ce qui n'avait aucun sens. À l'époque, on a reconnu que cela n'avait aucun sens. On s'est efforcé de ralentir le mouvement. En fait, j'ai l'impression que le roulement est moins rapide actuellement qu'il y a 20 ans. Je ne veux pas dire que la situation actuelle soit bonne, je reconnais que le roulement pose de graves problèmes mais j'ai l'impression que c'était encore pire à la fin des années 70 et au début des années 80.
Je dois dire que j'ai quitté le gouvernement il y a 12 ans et je ne peux pas vous dire exactement comment les choses se passent aujourd'hui, mais à d'autres égards, j'ai l'impression que les relations n'ont pas tellement changé. Le sous-ministre travaille pour son ministre. Je crois que pendant les 17 ans où j'ai été sous-ministre, j'ai dû avoir deux conversations avec le premier ministre, et c'était à son initiative, et non à la mienne; il devait discuter d'une question avec moi. Le sous-ministre travaille pour son ministre. Il tient le greffier au courant de l'actualité. La voie normale pour accéder au premier ministre, c'est le greffier.
Je considère que le système présente un bon niveau de continuité. Il serait difficile de s'en écarter. On ne peut pas concevoir que des fonctionnaires court-circuitent leur ministre pour s'adresser constamment au premier ministre et le premier ministre ne souhaite pas qu'ils le fassent, car cela rendrait la gestion du gouvernement à peu près impossible.
» (1700)
L'hon. Walt Lastewka: Changeons de sujet. Lorsqu'on fait une vérification interne dans un secteur donné, on en annonce immédiatement les résultats. À mon avis, on semble avoir perdu l'objectif initial, à savoir que la vérification interne devrait être un outil de gestion pour le directeur général, le sous-ministre adjoint ou le sous-ministre.
Que pensez-vous de la vérification interne, de la façon dont on la pratique aujourd'hui par rapport à ce qu'elle était autrefois? Est-ce qu'elle a perdu sa fonction d'outil de gestion?
M. Arthur Kroeger: Elle a peut-être acquis davantage de prestige.
La vérification interne est l'un des outils les plus importants dont dispose un sous-ministre. C'est ce qui lui permet de constater l'existence d'un problème. C'est parce que celui qui était alors sous-ministre du Développement des ressources humaines s'est inquiété de l'évolution du programme des subventions et contributions qu'il a demandé une vérification interne. La plupart des sous-ministres vous diront que c'est pour eux un instrument de gestion indispensable.
Je ne pense pas que la vérification interne soit moins importante qu'autrefois mais je pense qu'en tout cas, à cause du contrôle exercé sur des questions comme les commandites, le développement des ressources humaines, les armes à feu, etc., la vérification interne occupe désormais une position plus centrale que du temps où j'étais sous-ministre.
D'autres seraient sans doute plus compétents que moi pour vous répondre.
L'hon. Walt Lastewka: Quand un sous-ministre procède à un changement structurel et que ce secteur n'est pas soumis aussitôt à une vérification interne, n'est-ce pas le sous-ministre qui devrait en assumer la responsabilité?
M. Arthur Kroeger: Le sous-ministre est toujours responsable en ce sens qu'il dirige le ministère et il est responsable de tout ce qui s'y produit parce que c'est son ministère, même s'il n'en assume pas nécessairement le blâme.
En ce qui concerne le changement de structure, d'habitude, on ne fait pas immédiatement appel à ses vérificateurs pour quelque chose qui vient tout juste de commencer.
L'hon. Walt Lastewka: Non, mais si on est déjà six mois ou un an plus tard?
M. Arthur Kroeger: Peut-être, s'il semble y avoir un problème.
D'habitude, la nécessité d'une vérification va au-delà des ressources disponibles et le comité de vérification est présidé par le sous-ministre. Il comporte également des hauts fonctionnaires du ministère. Le Bureau du vérificateur général est toujours invité à envoyer un représentant lorsque le comité de vérification siège.
Le sous-ministre rencontre ses hauts fonctionnaires, auxquels il demande d'indiquer les secteurs où des problèmes se sont produits. Il en vient à la conclusion qu'il est préférable de faire intervenir des vérificateurs. Il peut le faire dans un secteur relativement nouveau, pour s'assurer que le départ a été bon. Plus généralement, il laisse s'écouler une certaine période de façon à avoir suffisamment de données à analyser. Six mois, c'est un peu court. Tout dépend des circonstances et généralement, le vérificateur général du Canada n'analyse pas une fonction entièrement nouvelle avant d'avoir eu le temps de se faire une idée de son rendement.
» (1705)
Le président: Bien, merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Kroeger, j'aurais moi-même quelques questions à vous poser.
Comme vous le savez, nous traitons ici de gouvernance, et je me plais à croire que nous essayons de déterminer s'il est possible de définir des éléments de motivation susceptibles d'empêcher qu'une telle situation ne se produise de nouveau; peut-être faut-il modifier les éléments de motivation et les résultats. Nous ne sommes pas vraiment fiers de ce qui s'est produit au ministère des Travaux publics.
Nous avons vu que les sous-ministres sont responsables devant le greffier du Conseil privé, qui reçoit des ordres du premier ministre. Par conséquent, on peut supposer que le premier ministre intervient directement dans la procédure de nomination des sous-ministres. Les ministres du Cabinet occupent leurs fonctions à la discrétion du premier ministre. Ils ne sont pas véritablement responsables devant le Parlement. C'est le gouvernement et le premier ministre qui sont responsables devant le Parlement. Celui-ci peut adopter une motion de non-confiance envers le gouvernement, auquel cas le gouvernement tombe, mais il ne peut pas adopter de motion de non-confiance envers un ministre, car on considérerait qu'elle vise tout le gouvernement. Le Parlement dispose donc d'un seul très gros bâton. Il n'en a pas de plus petit qu'il pourrait utiliser pour frapper sur un petit clou.
Le gouvernement doit avoir l'autorité nécessaire pour gouverner, car c'est ce qu'il est censé faire, et les parlementaires doivent le tenir responsable de la façon dont il gouverne. Voilà notre rôle. Il y a donc tout un jeu de pouvoirs, de responsabilités, d'imputabilités et d'échange d'information. Lorsque le Parlement obtient de l'information—je parle ici du programme des commandites, par exemple, une fois qu'il a obtenu cette information, les perspectives s'inversent et les parlementaires se demandent comment remettre le train sur ses rails. Mais au départ, on a continué à faire comme d'habitude et par la suite, le gouvernement s'est rendu compte qu'il fallait remettre le couvercle sur la marmite. Évidemment, l'affaire s'était déjà ébruitée.
M. Fitzpatrick parle de l'agent d'imputabilité au Royaume-Uni. La formule présente un certain intérêt, parce qu'il ne faut pas que les ministres puissent dire : « Tout est parfait, c'est de la responsabilité du sous-ministre, cela ne me concerne pas », ni que le sous-ministre puisse dire : « Je ne suis que sous-ministre et ce n'est pas de ma responsabilité ». Tout le monde essaie d'accuser son voisin. C'est ce qu'il faut éviter lorsqu'un problème se pose. Il faut définir des agents de motivation de façon que les fonctionnaires soient motivés à empêcher que le train ne déraille.
Dans le cas de l'agent d'imputabilité du Royaume-Uni, qui doit mettre les choses par écrit? J'aimerais voir cette lettre...parce que c'est le résultat final. C'est comme le gros bâton du Parlement. Le sous-ministre a ce gros bâton qui lui permet de dire au ministre : « Non, il ne faut pas prendre cette direction ». Cela met sans doute un terme à la relation entre les deux, aucun doute là, mais il ne faut pas que cela se passe en privé, de façon que le premier ministre puisse dire : « C'est très bien, il suffit de l'envoyer dans un autre ministère, et le ministre se trouvera quelqu'un de plus conciliant qui lui permettra d'agir comme il l'entend », ce qui est contraire à l'éthique, même si ce n'est pas illégal.
Si un sous-ministre reçoit l'ordre de faire quelque chose qu'il juge contraire à l'éthique et qu'il ne puisse pas résoudre le problème avec son ministre—comme vous le dites, c'est évidemment une relation de coopération—, il a la possibilité d'écrire au premier ministre, avec copie conforme au comité des comptes publics, pour lui dire que son ministre lui demande de faire quelque chose qu'il juge contraire à l'éthique. Je puis vous assurer que dès que je reçois cette lettre ou qu'elle parvient au président du comité des comptes publics, elle cesse d'être privée. Par définition, ce doit être une lettre publique. Ainsi, le ministre saura qu'il a intérêt à régler le problème avec son sous-ministre, à défaut de quoi, l'affaire va s'ébruiter, n'est-ce pas?
M. Arthur Kroeger: C'est comme une arme nucléaire.
Le président: Oui, je sais.
M. Arthur Kroeger: Ils ne s'en serviraient pas plus qu'une fois. C'est une mesure assez extrême que de dire à votre ministre que vous allez rendre quelque chose public, que vous allez le divulguer au Parlement ou à La Presse, au National Post, ou n'importe.
» (1710)
Le président: Venez au Parlement et nous l'enverrons ensuite au National Post et à La Presse.
M. Arthur Kroeger: Je crois qu'il y a très peu d'organismes à ma connaissance qui pourraient fonctionner ainsi tous les jours.
Le président: Comme vous dites, c'est une bombe nucléaire. C'est le dernier recours.
Sans doute il y aura des discussions, peut-être même des discussions assez intenses, entre le député et le ministre, à l'effet que telle chose n'est pas opportune et que cela ne se fait pas, mais si vous insistez, vous savez ce qu'ils doivent faire. Le ministre ira peut-être voir le premier ministre. Si le premier ministre insiste pour dire que quelque chose est contraire à l'éthique, alors le pays doit savoir ce qui se passe.
M. Arthur Kroeger: D'abord, pour vous dire jusqu'à quel point c'est rare, j'ai été sous-ministre pendant 17 ans dans six ministères, et on ne m'a jamais donné une directive avec laquelle je ne pouvais pas vivre. Cela n'arrive pas tous les jours.
Le président: C'est ce que j'essaie de dire. Je ne m'attendrais pas à voir ça chaque jour ou même chaque année.
M. Arthur Kroeger: Mais si cela se passait, je crois que je préférerais que le premier ministre prenne la décision finale à propos du ministre, plutôt que de rendre la chose publique. Rendre publique une directive d'un ministre va à l'encontre de cela. Même dans le système britannique... on parle beaucoup de ce concept d'agent comptable. Quelqu'un m'a dit que cette mesure selon laquelle on obtient une directive écrite qui se rend au vérificateur général a été utilisée trois fois depuis la dernière guerre.
Le président: Je crois que c'est M. Himelfarb, le greffier du Conseil privé, qui nous a dit qu'à trois reprises sous sa direction des sous-ministres lui avaient demandé de clarifier une demande d'un ministre qui allait à l'encontre de l'éthique ou dont il ne pouvait s'accommoder. Peut-être que c'est plus fréquent maintenant.
M. Arthur Kroeger: Je ne pourrais vous le dire.
Le président: Je sais, mais ce que j'essaie de dire c'est que si on rend une chose publique, cela devient tout de suite une question importante qu'il faut résoudre.
M. Arthur Kroeger: Il y a souvent plusieurs façons d'arriver au même but, y compris une loi sur l'accès à l'information, qui fournit beaucoup de renseignements en fait.
Le président: Seulement si vous savez quelle question poser. Si nous ne sommes pas au courant, alors peut-être que nous allons obtenir une fuite de quelqu'un et ensuite nous ferons une demande d'accès à l'information. Le but encore, bien sûr, est celui de rendre la chose publique et de faire en sorte que le gouvernement se penche là-dessus, apporte des changements, et trouve une solution.
Comme vous pouvez le voir, dans une démocratie, si on rend publiques des choses qui sont contraires à l'éthique, cela force la gouvernement à s'en occuper tout de suite. Donc, à mon avis, dans une démocratie, on doit avoir l'arme nucléaire, ce qui dit que vous pouvez rendre des choses publiques et que vous avez une responsabilité, en tant que sous-ministre, de rendre la chose publique. Je peux faire rapport au Comité parlementaire des comptes publics, qui est un organisme public qui s'adresse au pays et qui, donc, a un facteur motivant.
Souvenez-vous que nous sommes en train de parler de facteurs motivants. Ces facteurs motivants sont beaucoup plus efficaces pour maintenir le gouvernement sur le droit chemin que des choses comme des enquêtes Gomery qui essaient de ramener le gouvernement sur le droit chemin après coup. Il s'agit de facteurs motivants.
M. Arthur Kroeger: Cela est tellement contraire à l'éthos de base de toute la fonction publique du Canada. La loyauté au gouvernement que vous ont donné les électeurs est fondamentale à la façon dont on fonctionne.
Le président: Je sais, mais nous avons eu la loyauté. M. Ranald Quail, sous-ministre des Travaux publics, nous a dit qu'il n'était pas dans le coup. Les choses étaient ainsi. Le ministre a dit qu'il ne donnait pas les directives et le chef de cabinet du premier ministre a dit qu'ils étaient peut-être davantage impliqués qu'on nous l'a laissé entendre au début.
La loyauté n'est pas saine dans un environnement clos. C'est ça la démocratie. La démocratie consiste à informer les gens et à les laisser prendre les décisions. Nous savons tous que le grand public bien éclairé n'a jamais aimé que les gens profitent de leurs postes, fassent des choses contraires à l'éthique, illégales, etc. Par conséquent, si le gouvernement sait que ces choses seront rendues publiques, et qu'il existe en fait un modèle institutionnalisé pour obliger que ces choses sortent au grand jour, alors ils sont motivés à dire qu'ils ne feront pas cela.
» (1715)
M. Arthur Kroeger: À chacun d'en juger. Cela me dérange de penser que des fonctionnaires puissent décider de rendre quelque chose public en réponse à quelqu'un qui a des pouvoirs légitimes et qui a été dûment élu.
Le président: Je crois que vous disiez que les sous-ministres pourraient être tenus de rendre compte à un comité parlementaire, peut-être même ce comité-ci. La commission Lambert avait dit qu'ils pourraient être tenus de rendre des comptes à notre comité. Il semblerait qu'il y ait une reconnaissance de plus en plus répandue voulant que les sous-ministres aient l'obligation de s'exprimer publiquement.
Selon moi, les sous-ministres ne devraient pas avoir à rendre des comptes à un comité parlementaire. Comme je l'ai dit, nous sommes un organisme de reddition de comptes, et non pas un organisme de gestion. Comme vous dites, un comité ne peut pas dire à un sous-ministre comment faire son travail. C'est aux ministres de le faire, parce qu'ils représentent le gouvernement. Mais il faudrait avoir un mécanisme qui encourage les ministres à éviter les situations irrégulières ou immorales, et d'habitude au sein d'une démocratie cela veut dire avoir un processus qui rend la chose publique.
M. Arthur Kroeger: C'est un jugement, monsieur le président. Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée moi-même, mais chacun a droit à son opinion. L'idée que les fonctionnaires utilisent des tactiques d'évitement pour contourner les élus me laisse mal à l'aise.
Le président: Je ne suggérerais pas une échappatoire. C'est quand on se trouve dans l'impasse. Comme M. Fitzpatrick disait, au Royaume-Uni, le sous-ministre dirait, « Couchez cela par écrit et je ferai ce que vous me dites de faire, même si je ne suis pas d'accord ». Essentiellement, nous ajoutons une autre étape en disant que cette lettre serait rendue publique, et que dorénavant on saurait à quoi s'attendre. Comme nous le savons, les gouvernements partout dans le monde font des choses en secret que le peuple ne voudrait jamais qu'ils fassent.
Heureusement, au Canada, nous avons le bonheur d'avoir une démocratie saine et prospère, et la prospérité découle d'une démocratie qui se porte bien. Mais il nous arrive d'avoir à peaufiner et à revoir ces questions, parce que les choses n'ont pas fonctionné comme il faut. Peut-être que cela ne fonctionne pas bien dans des situations que nous ignorons. M. Himelfarb a dit que trois fois dans le passé, des sous-ministres sont venus le voir en disant, « Pouvez-vous régler le problème que j'ai avec mon ministre? »
On pense à Enron et à WorldCom dans le secteur privé, et il y a la loi Sarbanes-Oxley, qui prend les grands moyens pour s'en prendre au secteur privé parce qu'ils ont abusé de leurs privilèges. Il va falloir trouver les moyens ici aussi.
M. Arthur Kroeger: En ce qui concerne les trois cas invoqués par Alex Himelfarb, je présume que cette technique était plutôt efficace dans le sens que ces personnes sont allées le voir, il était au courant de la situation, il en a discuté avec le premier ministre, et j'aurais cru qu'on avait résolu le problème.
Le président: Nous ne savons pas. Peut-être que le premier ministre était du côté du ministre.
M. Arthur Kroeger: C'est possible.
Je ne suis pas certain de pouvoir faire la lumière sur la question. À mon sens, le remède proposé pourrait être pire que le mal. Mais il y a peut-être d'autres perspectives.
Le président: Je crains également que les sous-ministres puissent exercer un chantage sur les ministres. Le premier ministre et les ministres ont le pouvoir de gouverner. C'est un fait. Ils n'ont pas besoin de voir leur autorité sapée par un sous-ministre qui a peut-être un autre objectif. Il faut qu'ils aient confiance dans la fonction publique. Comme vous avez dit, il y a un équilibre.
Je crois qu'il faudra que le comité s'attaque à ce problème et qu'il fasse des recommandations. Le système ne fonctionnait pas. Il incombe donc au Parlement, en tant qu'institution responsable, de demander des comptes au gouvernement, de dire quelque chose, et je pense que nous aurons quelque chose à dire à ce sujet.
Nous voulons vous remercier d'être venu cet après-midi. Votre perspicacité et votre expérience ont été beaucoup appréciées. Nous espérons que vous allez—je ne dirai pas « être d'accord »—nous faire part de vos commentaires sur ce que dit le comité en temps voulu.
» (1720)
M. Arthur Kroeger: Merci, monsieur le président.
Je souhaite bonne chance au comité dans ses travaux. Il s'agit d'un engagement important.
Le président: La séance est levée.