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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 22 février 2005




¿ 0905
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         L'hon. Frank McKenna (ambassadeur désigné aux États-Unis d'Amérique, à titre personnel)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le président
V         Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC)
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)

¿ 0920
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna

¿ 0925
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         L'hon. Frank McKenna

¿ 0930
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         L'hon. Frank McKenna

¿ 0935
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna

¿ 0940
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.)
V         L'hon. Frank McKenna
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.)

¿ 0945
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         M. Jack Layton (Toronto—Danforth, NPD)
V         L'hon. Frank McKenna
V         M. Jack Layton
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna

¿ 0950
V         M. Jack Layton
V         L'hon. Frank McKenna
V         M. Jack Layton
V         L'hon. Frank McKenna
V         M. Jack Layton
V         L'hon. Frank McKenna
V         M. Jack Layton
V         L'hon. Frank McKenna

¿ 0955
V         M. Jack Layton
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         M. Jack Layton
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna

À 1000
V         L'hon. Denis Coderre
V         L'hon. Frank McKenna
V         L'hon. Denis Coderre
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         Mme Belinda Stronach

À 1005
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         M. Ted Menzies
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna

À 1010
V         Le président
V         M. Roger Valley (Kenora, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Frank McKenna

À 1015
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Mme Francine Lalonde
V         L'hon. Frank McKenna
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président

À 1020
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Frank McKenna
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Frank McKenna
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna

À 1025
V         Mme Alexa McDonough
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         L'hon. Frank McKenna
V         Le président
V         Le président
V         M. Steven Staples (directeur , Projet sur l'état de la sécurité commerciale, Institut Polaris)

À 1040
V         Le président
V         M. Steven Staples
V         Le président
V         M. Steven Staples

À 1045
V         Le président
V         M. Joseph Buckley (professeur de physique, Collège militaire royal du Canada)

À 1050

À 1055
V         Le président
V         M. Michael Byers (directeur universitaire, Liu Institute for Global Issues, Université de la Colombie-Britannique)
V         L'hon. Dan McTeague

Á 1100
V         M. Michael Byers
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Michael Byers
V         Le président
V         M. Michael Byers

Á 1105

Á 1110
V         Le président
V         M. Ross M. Neil (chercheur universitaire, Liu Centre for Global Issues, Université de la Colombie-Britannique)
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Ross M. Neil
V         Le président
V         M. Ross M. Neil

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Michael Byers

Á 1125
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Michael Byers

Á 1130
V         Le président
V         M. Joseph Buckley
V         Le président
V         M. Steven Staples
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

Á 1135
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Ross M. Neil
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Ross M. Neil
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Michael Byers

Á 1140
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Steven Staples
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Steven Staples

Á 1145
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Steven Staples
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Steven Staples
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Michael Byers
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Michael Byers
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

Á 1150
V         Le président
V         M. Joseph Buckley
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Michael Byers

Á 1155
V         Le président
V         M. Ross M. Neil
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président

 1200
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Français]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bienvenue à vous tous.

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons procéder à l'examen de la nomination au poste d'ambassadeur du Canada aux États-Unis d'Amérique.

[Traduction]

    Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin l'honorable Franck McKenna, ambassadeur désigné aux États-Unis d'Amérique. Bienvenue, monsieur l'ambassadeur.

    Je précise tout de suite que notre comité a produit en décembre 2002 un rapport intitulé « Partenaires en Amérique du Nord : Cultiver les relations du Canada avec les États-Unis et le Mexique ».

    Nous sommes très heureux de vous accueillir ce matin et je vous laisse tout de suite la parole pour votre déclaration liminaire.

+-

    L'hon. Frank McKenna (ambassadeur désigné aux États-Unis d'Amérique, à titre personnel): Merci, monsieur le président. Bonjour.

    Je suis très fier et très honoré de me présenter devant vous à titre d'ambassadeur désigné du Canada aux États-Unis d'Amérique. Je vous remercie de m'avoir invité. Je vais essayer de répondre de mon mieux à vos questions. J'espère également avoir des relations étroites avec votre comité tant que j'assumerai mes fonctions d'ambassadeur, alors que nous remplirons notre obligation mutuelle de protéger la souveraineté du Canada tout en profitant des bonnes relations commerciales et culturelles que nous avons établies avec les États-Unis.

    Nous coexistons depuis des générations comme voisins et amis. Nos relations sont un exemple extraordinaire de bonne volonté entre deux démocraties d'optique commune séparées par la plus longue frontière non militarisée du monde.

    Le volume de l'activité quotidienne entre eux nos deux pays est énorme. Nous savons tous que nos échanges commerciaux atteignent 1,2 milliard de dollars par jour, que nos relations commerciales sont les plus importantes au monde, qu'un camion traverse la frontière toutes les deux secondes, et que le seul poste frontalier de Windsor- Detroit voit passer plus de marchandises que les États-Unis n'en échangent avec presque n'importe quel autre pays.

    Moins spectaculaires, nos relations de tous les jours transcendent la frontière officielle. Comme premier ministre du Nouveau-Brunswick, j'ai vu des résidents de St.-Stephen passer la frontière pour aller à Calais acheter une pinte de lait et des résidents de Calais se rendre à St.-Stephen pour y acheter du poulet canadien. À Edmunston, l'usine de pâte à papier de Fraser produit de la pâte d'un côté de la rivière et l'expédie par pipeline immergé vers le côté américain. À Aroostook, les golfeurs prennent le départ dans un pays et envoient souvent leurs balles dans l'autre.

[Français]

    Ces relations se multiplient à des milliers d'exemplaires tout le long de la frontière.

    J'ai également été témoin d'irritants qui ont causé bien des désagréments. J'ai participé aux débats sur le bois d'oeuvre résineux et à celui sur les pommes de terre. J'ai discuté avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre pour essayer de réduire les niveaux de pluies acides venant des États-Unis. J'ai participé au débat sur le libre-échange et j'ai vu de grandes réalisations et des sources constantes d'irritation.

    Comme homme d'affaires et avocat, j'ai représenté des clients des deux côtés de la frontière. J'ai fait partie de conseils d'administration dans les deux pays et j'ai collaboré avec des administrateurs canadiens et américains. J'ai pu constater que les différences sont assez rares et les points communs très nombreux. J'ai eu le plaisir de rencontrer beaucoup de dirigeants politiques américains et j'ai pu me rendre compte que, de bien des façons, leurs espoirs et leurs aspirations ne sont pas très différentes des nôtres.

[Traduction]

    Les relations Canada États-Unis sont un phénomène dynamique : de nouvelles questions se posent constamment, les anciennes semblent avoir neuf vies et le contexte mondial évolue aujourd'hui plus rapidement qu'à n'importe quel autre moment depuis la fin de la guerre froide.

    Pour le Canada, la plus grande occasion à saisir est de continuer à tirer parti des succès déjà obtenus aux États-Unis. La gestion des différences et des désaccords ne devrait pas devenir une caractéristique de nos relations. La plupart du temps, nous arrivons assez facilement à résoudre les problèmes grâce aux contacts et à la négociation. Maintenir le dialogue et éviter les surprises sont des facteurs importants pour minimiser les difficultés.

    Le nouveau partenariat de l'Amérique du Nord est le moyen dont nous comptons nous servir pour faire progresser nos relations avec les États-Unis et avec l'Amérique du Nord. Cette initiative a défini les principaux domaines de progrès et de coopération : un programme de prospérité grâce à une plus grande compétitivité en Amérique du Nord, la défense et la sécurité, ainsi qu'une meilleure qualité de vie pour tous nos citoyens.

    Maintenant qu'une aussi grande partie de notre économie dépend des exportations, une frontière qui fonctionne bien revêt une importance cruciale. Nous avons obtenu de bons résultats avec l'initiative de la frontière intelligente mais nous avons d'autres défis à relever : les programmes américains d'identification des visiteurs, la sécurité des conteneurs et le précontrôle terrestre seront des secteurs clés. Des deux côtés de la frontière, les responsables se rendent de plus en plus compte qu'investir dans l'infrastructure des principaux postes frontaliers est essentiel pour notre prospérité mutuelle.

    La politique canadienne de sécurité nationale est une réaction énergique et bien pensée à la réalité actuelle. Les États-Unis en sont d'ailleurs convenus. D'autres collaborations transfrontalières quotidiennes contre le terrorisme, le trafic des personnes et les cartels de la drogue représentent l'un des points forts de nos relations.

    Les différends commerciaux, comme celui du bois d'oeuvre, restent parmi les problèmes à résoudre. Nous continuerons de chercher des solutions sans pour autant laisser les irritants dominer nos relations. Nous devons persévérer, en nous efforçant de faire accepter une approche fondée sur la science et sur les faits. Nous avons réalisé des progrès non négligeables dans le dossier de l'ESB. En même temps, nous devons revendiquer nos droits en vertu des règles commerciales internationales, comme le gouvernement le fait dans le cas des droits sur le bois d'oeuvre que les États-Unis n'ont pas restitués.

    L'environnement est important pour les Canadiens. Nous avons la possibilité de faire avancer certains dossiers environnementaux avec les États-Unis et, même s'ils n'ont pas adhéré au protocole de Kyoto. Washington a lancé des initiatives d'assainissement de l'air et de l'eau. À cet égard, nous avons été et continuerons d'être des partenaires enthousiastes.

¿  +-(0910)  

[Français]

    Sur la scène internationale, le Canada et les États-Unis ont souvent l'occasion de faire front commun: pays démocratiques à économie de marché ayant souvent défendu en commun les valeurs démocratiques et la liberté. Nous avons l'intention de maintenir notre collaboration. Nous continuerons à travailler aussi bien au niveau bilatéral.

[Traduction]

    Je travaillerai en étroite collaboration avec notre extraordinaire équipe aux États-Unis : l'ambassade, les consulats généraux et les autres bureaux canadiens qui travaillent de concert avec Affaires étrangères Canada et d'autres ministères fédéraux pour défendre les intérêts canadiens et influer sur les processus de décision.

    L'initiative de représentation accrue est un concept innovateur destiné à rattacher les Affaires étrangères et les ministères partenaires au travail de toutes nos missions aux États-Unis. Il s'agit d'une approche pangouvernementale de la représentation du Canada aux États-Unis, notamment dans le sud et dans l'ouest où nous sommes sous-représentés.

    Je manquerais à mon devoir, surtout dans cette salle, si je ne mentionnais pas le fait que les parlementaires fédéraux ont une tradition d'interaction avec leurs homologues américains. Le Secrétariat de Washington, établi à l'ambassade, répond au besoin exprimé par le premier ministre de rendre cette interaction aussi efficace que possible et de la mettre au service des grands objectifs du Canada.

[Français]

    Le secrétariat collabore étroitement avec le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis ainsi qu'avec les comités parlementaires comme le vôtre. Les échanges d'information ont été intensifiés, l'objectif étant d'aider le Parlement à accroître l'efficacité de son interaction avec le Congrès, tout en préservant son indépendance.

    L'Alberta a été la première province à affecter un haut fonctionnaire au secrétariat et à le charger de s'occuper des dossiers économiques de la province, notamment dans le domaine de l'énergie. Dans l'ensemble, le rôle du représentant provincial devrait se conformer à l'entente négociée entre l'Alberta et Ottawa. D'autres provinces pourraient décider de se joindre au secrétariat.

[Traduction]

    Le Canada et les États-Unis sont un refuge et un phare symbolisant l'espoir pour les peuples du monde. Cela n'est pas l'effet du hasard, c'est le résultat de nos valeurs communes, de notre engagement envers la primauté du droit, et de nos efforts en faveur d'une bonne gouvernance. À titre d'ambassadeur, je serai très heureux de travailler avec les parlementaires et avec les autres Canadiens pour poursuivre une tradition bien établie de réalisation et de succès.

    En conclusion, je tiens à rendre hommage à notre ambassadeur actuel, Michael Kergin, et à son épouse, Margarita. Il s'est acquitté de ses fonctions avec professionnalisme et enthousiasme dans des circonstances difficiles. Lui et sa femme font preuve d'une extrême courtoisie envers Julie et moi alors que nous nous préparons à assumer nos nouvelles responsabilités.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Monsieur McKenna.

    Nous allons commencer la période des questions. Je rappelle à mes collègues qu'ils auront dix minutes pour le premier tour et que je serai très strict à cet égard. Le deuxième tour sera de cinq minutes. M. McKenna est avec nous jusqu'à 10 h 30.

    Monsieur Sorenson, s'il vous plaît.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur McKenna, de comparaître aujourd'hui devant notre comité. Vous étiez hier en Alberta et vous êtes aujourd'hui devant notre comité. Je ne vois pas dans quels meilleurs endroits vous auriez pu être.

    Je dois dire d'abord que le parti conservateur a appuyé la motion vous convoquant devant le comité car nous croyons fermement, comme la plupart des députés de l'Opposition, que toutes les nominations devraient être examinées par le comité adéquat. Je tenais à le préciser pour que vous ne pensiez pas que nous vous avons choisi tout particulièrement parce que vous êtes l'ambassadeur désigné aux États-Unis.

    En consultant un site Web ce matin, j'ai constaté, comme d'autres avant moi, que vous avez travaillé pour le groupe Carlyle, considéré comme l'un des plus gros fournisseurs du Département de la défense des États-Unis dont il a obtenu 1,2 milliard de dollars de contrats en 2000. Or, un examen récent du site Web m'a montré que vous faites toujours partie du conseil d'administration de Carlyle Canada.

    Ma première question est donc celle-ci : faites-vous toujours partie du conseil d'administration de ce groupe? Avez-vous démissionné? Si vous ne l'avez pas fait, beaucoup de gens vont douter de l'intégrité de la politique étrangère du Canada que vous serez chargé de défendre.

    Deuxièmement, selon un reportage de CBC de février 2002, vous auriez déclaré devant l'Association du barreau canadien : « Les États-Unis veulent créer une structure de défense continentale. Je ne tournerai pas autour du pot, cette idée ne me trouble pas. Personnellement, je ne pense pas que notre souveraineté soit menacée par notre participation à un tel exercice ».

    Avez-vous discuté de défense continentale et, surtout, du système de défense antimissiles avec le premier ministre ou avec des membres de son cabinet?

    Quand vous aurez répondu à ces questions, je laisserai la parole à Mme Stronach et à plusieurs autres de mes collègues qui souhaitent aussi vous interroger. Si vous ne pouvez pas répondre tout de suite à toutes les questions, nous vous serions reconnaissants de répondre plus tard par écrit.

+-

    Le président: Madame Stronach.

+-

    Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC): Merci et bienvenue, monsieur l'ambassadeur.

    Le gouvernement parle depuis plusieurs années de décriminaliser la marijuana. Nous savons que cela inquiète beaucoup les Américains. Votre homologue américain sur le départ, Paul Celluci, a prévenu le gouvernement à plusieurs reprises de s'attendre à une réaction américaine à une telle mesure, ce qui pourrait entraîner d'autres ralentissements aux frontières.

    Monsieur l'ambassadeur, étant donné votre expérience passée, vous savez que nous n'avons pas les moyens de faire face à une aggravation des problèmes aux frontières. Celles-ci sont déjà assez fragiles comme ça. Cette question de la marijuana m'inquiète car elle risque de causer beaucoup de dégâts. La culture de marijuana est un secteur criminel en plein essor dans ma collectivité et dans les collectivités environnantes. J'ai entendu des histoires d'horreur à ce sujet, dans ma collectivité même, je le répète, et je crains que la décriminalisation n'entraîne un accroissement de la demande et de l'offre.

    Comment pensez-vous rassurer les Américains, monsieur l'ambassadeur, et les convaincre que nous contrôlons cette situation quand ils entendent ce genre de discours?

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur McKenna.

    Comme vous le voyez, nous essayons d'être le plus succincts possible. Si vous n'avez pas le temps de répondre à toutes nos questions ce matin, nous vous serions reconnaissants de nous envoyer les réponses par écrit.

    Je vous remercie de comparaître aujourd'hui. Comme j'ai déjà travaillé avec vous au palier provincial, je sais que vous représenterez fort bien le Canada. Toutefois, nous n'approuvons évidemment pas votre processus de nomination et, malheureusement, votre efficacité risque d'en être affectée pendant un certain temps.

    Vous avez dit que le Canada et les États-Unis sont un refuge et un phare pour des gens du monde entier. Vous semblez penser que le Canada est dans une certaine mesure allié aux États-Unis à cet égard. Les Nations Unies sombrent de plus en plus dans l'inutilité. Le nombre de groupes nationaux et d'alliances qui sont contrôlés par des régimes non démocratiques ou des dictatures, voire des États en déshérence, nuit à l'influence de nations libres comme le Canada et les États-Unis. Quelle influence allez-vous pouvoir exercer pour faire en sorte que cette relation Canada- États-Unis dont vous venez de parler puisse faire contrepoids aux alliances non démocratiques?

    Évidemment, les Nations Unies sont plus que jamais un nid de corruption et de scandales, ce qui nuit à leur efficacité. En collaboration avec nos partenaires au sein de cette organisation, allez vous encourager notre gouvernement à faire tout son possible pour régler les allégations de participation canadienne au scandale du programme pétrole contre alimentation en Irak? La corruption aux Nations Unies ne peut être réglée que par la transparence, et le Canada devrait y contribuer.

    Voilà les questions que je voulais vous poser.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Day.

    Je rappelle simplement qu'il sera notre ambassadeur à Washington, pas aux Nations Unies.

+-

    M. Stockwell Day: Ma question provenait de son affirmation, monsieur le président, que « le Canada et les États-Unis sont un refuge et un phare pour des gens du monde entier ». Il peut y contribuer.

+-

    Le président: Bien.

    Monsieur Menzies.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Nous vous posons toutes ces questions maintenant et, comme nous vous l'avons dit, vous pourrez répondre à certaines plus tard, par écrit.

    Vous avez dit ici dans votre déclaration que « la plupart du temps, nous arrivons assez facilement à résoudre les problèmes grâce aux contacts et à la négociation ». J'aimerais vous parler de l'ESB, question importante dans ma circonscription. Notre ministre de l'Agriculture est allé à Washington confirmer que nous pourrions reprendre l'exportation de bétail sur pied de moins de 30 mois et de viande de boeuf de plus de 30 mois le 7 mars. Hélas, quelque chose a déraillé et il est revenu avec beaucoup moins que ça. En fait, il n'y aura pas d'exportation de boeuf de plus de 30 mois.

    Voici ma question : qu'allez-vous pouvoir apporter à la communication et à la négociation pour contrer un CPM qui semble être distrait et, selon certains, tergiverser? Nous n'avons même pas encore reçu la révision de la politique internationale. Que pouvez-vous nous dire pour nous assurer que vous serez entendus par ceux, aux États-Unis, qui ont le pouvoir d'apporter ces changements?

+-

    Le président: Merci, monsieur Menzies.

    Monsieur McKenna, vous avez trois minutes pour répondre à toutes ces questions. Nous pourrons aussi y revenir plus tard.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Nous allons essayer de faire vite.

+-

    Le président: Non, répondez aussi lentement que vous voulez, c'est votre privilège.

+-

    L'hon. Frank McKenna: En ce qui concerne le groupe Carlyle, j'ai présenté ma démission et le conseil consultatif du groupe au Canada a été démantelé. Il était inactif depuis deux ou trois ans. Je crois qu'il ne s'était réuni qu'une seule fois en trois ans mais, de toute façon, il a maintenant été démantelé.

    En ce qui concerne la défense continentale, je m'adressais à un comité de l'Association du barreau canadien au sujet du périmètre de défense et j'ai exprimé l'opinion que nous faisons déjà cause commune à de nombreux égards, notamment parce que nous avons la plus longue frontière non militarisée au monde. Il y a également d'autres initiatives en cours, par exemple pour accélérer le passage à la frontière, pour garantir la sécurité des conteneurs, pour permettre à des représentants de l'autre pays de faire des inspections, etc., ce qui témoigne d'une volonté commune en matière de défense continentale.

    En ce qui concerne la criminalisation de la marijuana, c'est un problème intérieur dont je ne veux pas parler. Je suppose que cela tombe dans mon mandat du point de vue de la réaction des États-Unis. Il est incontestable que notre position reflète une philosophie différente de celle du gouvernement américain mais je pense que l'on pourrait dire aussi, si on voulait, que les États-Unis ont une approche différente du Canada à l'égard du contrôle des armes à feu. Or, l'un des plus graves problèmes du Canada est que des armes à feu qui entrent au pays en provenance des États-Unis servent à commettre des crimes. Nous pourrions dire que chacun a droit à sa propre politique intérieure, même si cela a des répercussions sur l'autre pays, et que nous ne faisons certainement pas grand cas de l'absence de contrôle des armes à feu aux États-Unis, même si cela a des répercussions chez nous.

    Je voudrais vous rappeler une statistique—que je crois exacte—que j'ai mentionnée l'autre jour. Sur les 2 millions de livres de contrebande confisquée aux frontières, seulement 44 000 livres l'ont été à la frontière entre le Canada et les États-Unis. En termes de gravité, cela ne me semble pas particulièrement important.

    En ce qui concerne le rôle du Canada et des États-Unis comme alliance démocratique, il est certain que nous avons des objectifs communs. Je laisse à notre ambassadeur aux Nations Unies le soin de vous parler de ce qui se fait là-bas mais l'initiative du premier ministre visant à regrouper 20 pays aux vues communes n'est qu'un exemple de création d'une nouvelle alliance. Il faudrait être vraiment très distrait pour penser que les Nations Unies, dans toutes leurs manifestations, sont efficaces pour régler tous les problèmes du monde. Le Canada, grâce à sa crédibilité, pourrait être un pont pour les gens qui cherchent des solutions.

    En ce qui concerne l'ESB...

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: C'et tout, c'est tout.

    Nous passons maintenant à Mme Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, monsieur McKenna.

    Monsieur McKenna, le premier ministre, en vous désignant, a rompu avec une longue tradition qui avait amené les premiers ministres canadiens à nommer à Washington des ambassadeurs qui étaient des diplomates de haut niveau, les plus brillants parmi les plus brillants de leur diplomatie, généralement au faîte de leur carrière. Pourquoi? Parce que les États-Unis, aujourd'hui peut-être encore plus qu'avant, sont la puissance dominante qui, d'une certaine manière, gère les relations étrangères et la sécurité du monde. Avec le Canada, ils ont des enjeux commerciaux majeurs non réglés qui ont signifié des milliers de pertes d'emplois. D'autres problèmes se pointent à l'horizon. Entre autres, l'enjeu de Kyoto sera extrêmement présent.

    En ce qui concerne la question du bouclier antimissile, nous, parlementaires, savons qu'il est extrêmement difficile, sinon impossible, d'agir aux États-Unis sans réseau. Par ailleurs, ces réseaux sont multiples et s'alimentent à diverses sources.

    Vous avez été un très brillant politicien provincial. Vous n'avez jamais agi de façon importante sur la scène internationale. On vous soumet à des causes nombreuses et difficiles, sans préparation véritable. C'est du moins le point de vue que l'on peut avoir.

    Ne trouvez-vous pas, monsieur McKenna, que le premier ministre Martin s'est trompé en vous nommant à ce poste?

+-

    Le président: Est-ce que je peux vous suggérer une réponse?

+-

    Mme Francine Lalonde: Laissez-le faire. Il aura à subir des choses beaucoup plus difficile que cela.

[Traduction]

+-

    L'hon. Frank McKenna: Le temps seul nous dira si le premier ministre a fait une erreur ou non. Je ne saurais le dire. Je n'ai pas sollicité ce poste et je ne m'attendais pas à ce qu'il me soit proposé. En réalité, j'ai été très surpris de l'accepter car ma vie actuelle me convenait très bien—elle était privée et il y avait des défis. J'ai toutefois pensé que c'était une mission importante et, comme la période que j'ai déjà passée au service de la population a été la plus enrichissante de ma vie, je me suis dit que j'allais peut-être retrouver un peu de ça.

    Je pense que vos critiques sont légitimes. Nous avons eu des diplomates de carrière dans le passé. Je crois cependant pouvoir dire qu'il s'agissait dans tous les cas de nominations politiques car ils avaient des relations spéciales avec leur premier ministre—Derek Burney, chef de cabinet; Raymond Chrétien, neveu du premier ministre; Michael Kergin, conseiller. À Washington, ils étaient sans doute perçus comme des politiques.

    Cela dit, je ne pense pas qu'il soit juste pour vous de dire que je n'ai aucune expérience internationale. Je ne prétends certainement pas en avoir autant qu'un diplomate de carrière mais j'ai participé au débat sur le libre-échange—ALE et ALENA—comme l'un des acteurs principaux au Canada, ce qui est très important. J'ai été l'un des acteurs principaux des débats sur les pluies acides et sur le bois d'oeuvre, à titre de premier ministre du Nouveau-Brunswick. En outre, une société canadienne m'a choisi comme candidat pour faire partie d'un comité de l'ALENA sur le bois d'oeuvre et j'ai passé des mois à me préparer avant être expulsé sans cérémonie par les Américains. Je connais bien le problème de la pomme de terre et certains aspects du problème du porc.

    N'oubliez pas non plus que je suis membre du groupe des premiers ministres canadiens de l'Est et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, ce qui m'a donné une certaine expérience avec mes homologues, et j'ai été chef de mission lors de Sommets de la francophonie. Pendant 10 ans, j'ai participé aux Sommets de la francophonie avec des chefs d'État francophones, des gens comme Mitterand, Mobutu et Aristide, dans plusieurs régions différentes du monde car, comme vous le savez, le Nouveau-Brunswick jouit avec le Québec d'un statut officiel au sein de la francophonie. J'ai aussi participé à des missions d'Équipe Canada et j'ai rencontré des présidents, des premiers ministres et des rois de toute la planète.

    J'ai fait partie du Comité de surveillance du SCRS, notre service de renseignement, ce qui m'a permis de recueillir beaucoup d'informations sur les organismes de renseignement du monde entier. J'ai participé aux conférences de Bilderberg. J'y participerai d'ailleurs dans quelques semaines pour la troisième fois et j'aurais alors l'occasion de débattre avec d'autres leaders d'Europe, des États-Unis et du Canada.

    J'ai prononcé des discours dans le monde entier sur toutes sortes de questions. J'ai représenté des clients, à titre d'avocat, des deux côtés de la frontière, et j'ai fait partie de conseils d'administration des deux côtés de la frontière. Depuis quatre ans, je suis l'hôte d'une conférence organisée dans les provinces maritimes qui a déjà accueilli le premier ministre Martin, une fois, l'ex-premier ministre Major, une fois, l'ex-président Bush, une fois, et l'ex-président Clinton, une fois.

    Tout cela démontre à mon avis que je m'intéresse aux questions internationales et que j'ai établi certains contacts.

¿  +-(0930)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Paquette.

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur McKenna, de votre présence ici. Nous l'apprécions grandement.

    J'ai été un peu surpris de voir que vous faisiez allusion, dans votre présentation, au fait que vous avez participé aux débats sur le libre-échange: nous y avons tous participé, je crois.

    Vous avez évoqué le conflit du bois d'oeuvre en passant, alors qu'à mon avis, il s'agit d'un conflit extrêmement important. Comme vous le savez, il y a eu six décisions, trois à l'ALENA et trois à l'OMC, en faveur du Canada. Je partage en partie l'avis de plusieurs à l'effet que les Américains sont prêts à appliquer les règles sur le plan commercial quand elles font leur affaire. Or, dans ce cas-ci, il y a une contestation extraordinaire dans le cadre de l'ALENA. Il s'agit d'une contestation qui n'a été utilisée, d'ailleurs, que par les autorités américaines depuis la signature de l'accord. Dans le cadre de l'amendement Bird, vous le savez, le Congrès américain n'a pas bougé du tout. Les autorités américaines, à part quelques voeux pieux, n'ont pas montré qu'elles avaient un plan pour respecter la décision de l'OMC, ce qui menace les 3,5 milliards de dollars en droits compensatoires qui ont été illégalement prélevés par les Américains sur nos producteurs de bois d'oeuvre.

    Pensez-vous que le dénouement de la crise du bois d'oeuvre sera un test majeur quant à la capacité de l'Accord de libre-échange nord-américain d'établir de véritables règles du jeu pour les trois partenaires? En particulier, si le chapitre 19 sur le règlement des différends ne donne plus aucun résultat, l'accord comme tel perd une grosse partie de sa substance. Donc, pensez-vous que le dénouement de cette crise sera extrêmement important pour le futur de l'Accord de libre-échange nord-américain?

    Deuxièmement, comme nouvel ambassadeur, qu'entendez-vous faire pour que ce conflit se règle rapidement à l'avantage du Canada?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je partage votre préoccupation.

[Traduction]

Je partage votre préoccupation à ce sujet mais je pense qu'il serait faux de dire que ce sera le critère fondamental de la qualité de la relation commerciale entre le Canada et les États-Unis. En fait, le critère sera plutôt l'expansion spectaculaire de la relation pendant la durée de l'entente. Je pense que les critiques même les plus sévères du libre-échange conviennent que le nombre de différends est relativement faible par rapport au volume énorme des échanges.

    Il est incontestable que cette question, qui en est maintenant à sa quatrième manifestation, est difficile à résoudre. Cela s'explique en partie parce que nous n'avons pas pu obtenir d'accord final sur les recours commerciaux lors de nos négociations de l'ALENA. Je crois cependant que le Canada est sur la bonne voie. Nous avons réussi à utiliser les procédures établies, de l'OMC et de l'ALENA, ce qui garantit au moins une certaine règle de droit.

    Comme vous, je suis très préoccupé par l'application de l'amendement Byrd. À mes yeux, c'est une confiscation de biens et une entrave à la règle de droit. Dans tous nos autres différends avec les États-Unis, si nous avions obtenu gain de cause, l'argent nous aurait été en remboursé. La situation actuelle est donc une anomalie. Nous ne savons pas encore si l'amendement sera définitivement confirmé et si les Américains tenteront de confisquer cet argent. Je pense que ce serait une transgression très grave du droit international qui justifierait des mesures de rétorsion.

    Comme vous le savez, nous avons demandé non seulement la création d'un comité pour examiner la réponse des États-Unis mais aussi la permission de prendre des mesures de rétorsion. Ce n'est pas ce que souhaite le Canada mais nous avons demandé la permission de prendre de telles mesures commerciales auxquelles nous avons droit.

    Ce n'est peut-être pas grand-chose mais nous pouvons tirer un certain espoir du fait que l'amendement Byrd ne jouit pas d'un appui universel aux États-Unis. L'Administration elle-même semble s'y opposer et comprendre qu'il agit d'une entorse très grave au droit commercial. Nous devrons simplement essayer d'en convaincre suffisamment de sénateurs.

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci d'être venu aujourd'hui, monsieur McKenna. Je tiens à vous dire que la demande était en fait unanime, comme l'a dit M. Sorenson, et je pense que votre témoignage est la preuve de notre sagesse collective. À mon sens, votre réponse à Mme Lalonde démontre bien que vos qualifications sont impeccables et feraient l'envie de beaucoup parmi nous. Quand vous avez quitté le Nouveau-Brunswick, comme vous l'aviez promis 10 ans auparavant, la province a eu le sentiment de subir une perte. Je n'ai aucune hésitation à vous dire aujourd'hui que la perte du Nouveau-Brunswick est un gain pour le Canada et que nous sommes impatients de voir toutes les bonnes choses que vous allez faire.

    Nous serons trois ou quatre à partager ce temps de parole et je pose donc tout de suite ma question. Vous semblez avoir plusieurs domaines d'intérêt dans le cadre de cet effort assez herculéen qu'exige la gestion de la prospérité du Canada au sein de la relation commerciale la plus grande au monde. D'après vous, quels seront vos plus grands défis? Vous avez parlé de la sécurité en disant que c'est la principale préoccupation des Américains alors que, pour les Canadiens, c'est le commerce. Pourriez-vous développer cette idée?

    Je laisse le reste de mon temps de parole à trois autres membres de mon parti.

+-

    Le président: Vous pouvez répondre. Nous interviendrons individuellement.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je vais essayer de répondre rapidement.

    Le plus grand défi? C'est un premier ministre britannique qui a dit un jour : « Les événements, mon cher, les événements! » ou quelque chose comme ça. Je pense que le plus gros défi sera de faire face à un flot continu d'événements imprévus.

    On peut en prévoir deux d'ordre transactionnel—des choses comme l'ESB. Comme je tiens à bien répondre à votre question, je peux vous dire que le Secrétaire américain a exprimé l'intention de régler le problème du boeuf âgé sur pied ou transformé, et que nous pouvons donc espérer obtenir finalement le résultat que nous souhaitons. Je crois qu'on a déjà fait de bons progrès à ce sujet.

    L'autre problème général de celui de notre relation globale avec les Américains qui, je crois, sont en grande mesure indifférents envers les Canadiens et ne nous connaissent pas. Je crois que notre rôle sera de les sensibiliser à la valeur de leur relation avec nous. Nous leur apportons beaucoup, je pense que c'est compris. Je crois cependant que nous devons aussi continuer à communiquer le même message aux Canadiens. Les questions transactionnelles dominantes seront donc les questions environnementales, si vous voulez, celles qui permettront d'établir un meilleur environnement entre nos deux pays.

¿  +-(0940)  

+-

    L'hon. Dan McTeague: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Bevilacqua.

+-

    M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Merci beaucoup de comparaître devant le comité.

    La question fondamentale qui m'intéresse est celle-ci : que souhaitez-vous accomplir comme ambassadeur aux États-Unis? En outre, comme vous vous intéressez beaucoup à l'espace économique nord-américain, chose sur laquelle nous avons besoin de réfléchir attentivement, que pensez-vous de choses telles qu'une union douanière et une frontière fluide? Du point de vue de la sécurité nationale, croyez-vous que la sécurité continentale est une condition indispensable à la croissance économique en Amérique du Nord?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Voici beaucoup de questions importantes en rafale.

    Quel serait le signe d'un progrès? À un niveau très général, ce serait une plus grande prospérité et plus de sécurité pour les citoyens de nos deux pays. J'aimerais pour ma part que les Canadiens relèvent le défi de la productivité et s'efforcent de combler l'écart qui existe à ce chapitre entre les deux pays. Cela permettrait au gouvernement d'avoir une masse d'argent énorme à dépenser. Si nous collaborons, nous pourrons peut-être arriver à une forme plus commune de productivité.

    En ce qui concerne une frontière fluide, j'aimerais beaucoup qu'elle le soit le plus possible. Des efforts sont déjà déployés dans ce sens, sur le plan de l'infrastructure, et ils y contribueront. Je pense aussi que la technologie aura un rôle important à jouer. Elle permet déjà d'examiner électroniquement les camions et d'assurer le passage rapide des personnes. Je pense que nous devons faire appel à la technologie dans ce domaine.

    Aujourd'hui, nous bénéficions d'un accès très spécial que nous tenons pour acquis. Si je ne me trompe, à la frontière du sud des États-Unis, les Mexicains sont obligés d'avoir un visa pour entrer. Nous, nous pouvons entrer avec un simple permis de conduire provincial. Il n'y a aucun autre endroit au monde où existe ce genre d'accès et nous devons donc faire tout notre possible pour le préserver.

    Je crois que cela signifie que nous devons montrer aux Américains que nous prenons la sécurité au sérieux et que nous sommes prêts à faire notre part pour assurer la sécurité de nos aéroports, des port d'entrée et de tous les autres points d'accès au Canada pour qu'ils sachent qu'ils peuvent se fier aux produits et aux personnes venant du Canada. Je pense que nous avons déjà beaucoup avancé dans cette voie mais il reste de gros défis à relever. Si nous voulons continuer à bénéficier de la prospérité que nous tirons de notre commerce avec cet énorme partenaire, nous devons admettre que, si notre préoccupation est le commerce, la leur, c'est la sécurité. Donc, la nôtre, c'est la sécurité et le commerce.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Comme vous avez beaucoup voyagé au Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde, pensez-vous que les Canadiens comprennent bien l'impact que le 11 septembre a eu sur la psychologie des Américains en ce qui concerne leur sécurité nationale?

+-

    Le président: Monsieur McKenna.

+-

    L'hon. Frank McKenna: C'est une question intéressante.

    Je crois que les Canadiens, peut-être plus que les ressortissants de n'importe quel autre pays, ressentent une sympathie et une affinité extraordinaires avec les Américains au sujet du 11 septembre. Il n'y a certainement aucun manque d'empathie, comme nous avons pu le voir dans les Maritimes, à Halifax, à Moncton, à Gander.

    Toutefois, comprennent-ils vraiment le traumatisme qu'ont ressenti les Américains et dans quelle mesure c'est devenu le moteur de leurs politiques publiques? Je ne le pense pas.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur MacAulay

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Bienvenue, monsieur McKenna. Je suppose que vous savez que votre vie privée est maintenant chose du passé, et j'en suis heureux. Je suis très heureux de votre nomination. Je pense que vous serez excellent. Si vous pouvez connaître ne serait-ce qu'une partie du succès que vous avez eu dans votre vie privée au Nouveau-Brunswick, ce sera excellent pour notre nation.

    Que pensez-vous pouvoir faire au sujet des irritants, comme vous avez dit dans votre déclaration liminaire? Ils causent beaucoup de tort dans certains secteurs, comme la pêche et l'agriculture, lorsque les Américains décident de fermer la frontière. Certes, vous n'allez pas là-bas comme lobbyiste mais avez-vous l'intention d'adopter une attitude différente, car il est important que nos produits ne soient pas arrêtés et que nous n'ayons pas à recourir au mécanisme de règlement des différends car il n'empêche pas que du tort nous soit causé? Avez-vous une idée de la manière dont vous allez traiter avec les membres du Congrès pour leur faire comprendre combien il est important, pour eux comme pour nous, que nos produits ne soient pas bloqués? Je crois que cela est relié à la question de la sécurité aux États-Unis mais ils doivent bien comprendre qu'ils ne peuvent pas mettre nos agriculteurs en faillite, comme certains pensent qu'ils le font pour des raisons d'ordre politique.

    Je pense pas que vous alliez là-bas comme lobbyiste mais quelle sera votre approche avec le Congrès et avec Washington? Vous allez occuper l'emplacement le plus prisé à Washington.

¿  +-(0945)  

+-

    L'hon. Frank McKenna: Il y a évidemment beaucoup de choses différentes que l'on peut faire quant un différend éclate, par exemple dans le cadre juridique de l'ALENA, mais la meilleure solution sera toujours, et de loin, la prévention. Je peux pas vous garantir que j'empêcherai les différends commerciaux. En dernière analyse, c'est à nous tous, collectivement, Canadiens et Américains, de faire en sorte que cette relation fonctionne bien.

    Je crois cependant que l'on peut faire certaines choses utiles pour gérer les problèmes que vous évoquez. Je songe notamment à une chose que nous ne semblons par avoir bien faite jusqu'à présent : faire comprendre aux Américains dans quelle mesure leurs intérêts concordent avec les nôtres. Comme politicien, je dois penser à l'intérêt des personnes que je représente et je tiens à ce que les Américains comprennent que nous avons des intérêts communs. Si bloquer le bois d'oeuvre, par exemple, fait monter le prix d'une maison de 7 000 $ ou 9 000 $, nous devrions avoir des alliés aux États-Unis. Si bloquer nos produits agricoles a un effet sur le coût et la qualité de leurs propres produits, ils devraient être de notre côté.

    Et il faut aussi qu'ils comprennent que nous représentons le plus gros marché au monde pour quelque 39 de leurs États. Il faut qu'ils comprennent que nous sommes le plus gros marché au monde pour leurs produits agricoles. Je crois que nous consommons quatre fois plus de leurs produits agricoles par habitant que probablement n'importe quel autre pays. Autrement dit, nous sommes pour eux un marché énorme et, comme ces différends frontaliers jouent dans les deux sens, il faut qu'ils comprennent qu'il est dans notre intérêt commun de faciliter l'accès entre nos deux pays.

    Une partie de mon rôle consistera donc à faire du conditionnement éducatif pour que nous arrivions à faire cause commune. L'un des conseils que j'ai reçus, qui me sera sans doute très utile, est de chercher des alliés du côté américain au sujet de nos problèmes. Sinon, ils sont écrasés par leurs propres préoccupations. J'ai l'intention d'y consacrer beaucoup d'efforts.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant à M. Layton.

+-

    M. Jack Layton (Toronto—Danforth, NPD): Bonjour, monsieur McKenna.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Merci. J'espère que vous allez mieux.

+-

    M. Jack Layton: Bienvenue et merci, monsieur le président, de me donner cette occasion.

    Il y a peut-être un nuage au-dessus de nos têtes en ce moment dans la mesure où cette séance se tient dans le cadre d'une promesse brisée dans la mesure où il avait été entendu que ces audiences se tiendraient avant les nominations. Je comprends bien que vous n'y êtes pour rien mais je tenais à le souligner, comme d'autres l'ont déjà fait. Cela dit, nous sommes heureux de pouvoir vous poser quelques questions et j'en ai préparé quatre ou cinq pour mes dix minutes.

    En 2002, vous avez dit à l'Association du barreau canadien que vous n'étiez pas « troublé par la notion d'une structure de défense continentale dirigée par les États-Unis, et que notre participation ne mettrait pas la souveraineté canadienne en danger ». Vous avez dit aussi que les règles de l 'OMC « représentent probablement une délégation de souveraineté plus grande que la plupart des mesures envisagées ». Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné le nouveau partenariat de l'Amérique du Nord qui est, si je ne me trompe—et si c'est le cas, vous me corrigerez—une idée avancée par M. d'Aquino. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez des pressions actuellement exercées sur le Canada pour harmoniser nos diverses lois sur l'immigration, la défense, l'environnement et la protection de la vie privée? Quels mécanismes existent pour d'éviter que la souveraineté canadienne ne soit encore plus compromise?

+-

    Le président: Allez-y, s'il vous plaît, monsieur McKenna.

+-

    L'hon. Frank McKenna: L'idée du partenariat, je crois, vient de la rencontre du président Bush avec le premier ministre Martin. Elle certainement pas été emprunté au Conseil canadien des chefs d'entreprise.

    Je crois que la souveraineté du Canada est importante. Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que Canadien qui prononce discours après discours comme patriote. Je pense que nous avons quelque chose de très spécial à offrir au monde et que nous devons le préserver. Je crois aussi que nous pourrons trouver des accommodements avec nos partenaires—pas accepter la subjugation mais trouver des accommodements—comme nous le faisons déjà souvent sans compromettre notre souveraineté. Nous le faisons aux Nations unies, nous le faisons à l'OTAN et avec NORAD.

    Je crois n'avoir jamais vu nos deux pays être si différents. Nous semblons être préoccupés par notre souveraineté mais nous nous engageons dans une voie très différente des États-Unis d'Amérique—ceci dit sans présumer de l'avenir—avec les mariages gais, la décriminalisation de la marijuana et, certainement, le contrôle des armes à feu. Toute notre approche concernant la préservation de la sécurité sociale est radicalement différente de celle des États-Unis. À maints égards, nous semblons être plus éloignés que jamais.

    Mon opinion est que nous avons bien fait pour protéger notre intégrité culturelle et notre souveraineté tout en coopérant à la frontière. Je crois savoir qu'il y a des agents américains qui examinent les marchandises dans le port de Halifax. Nous envisageons de placer des agents de chaque pays de l'autre côté de leur frontière, ce qui réduira un peu l'espace frontalier et facilitera le commerce. Je ne sache pas qu'aucune de ces choses réduise vraiment notre souveraineté telle que je la conçois.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Jack Layton: Voyez-vous une menace quelconque pour la souveraineté canadienne dans ce qu'on appelle l'intégration profonde, et comment pouvons-nous nous protéger contre cette menace ?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Certes, l'intégration pourrait atteindre un niveau tel qu'elle deviendrait une menace. Je ne peux vous donner d'exemples aujourd'hui mais, si quelqu'un voulait une monnaie commune, nous perdrions beaucoup de pouvoir dans un domaine très important. Cela m'inquiéterait. Je devrais me demander si c'est dans notre intérêt. Dans d'autres secteurs, on peut certainement envisager que le Canada dise non, nous ne sommes pas prêts à aller jusque-là.

+-

    M. Jack Layton: Vous avez dit que vous n'étiez pas troublé par l'idée d'une structure de défense continentale dirigée par les États-Unis. C'était dans le discours dont je parlais.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je suis pas sûr que « dirigée par les États-Unis » était dans le texte.

+-

    M. Jack Layton: Je vais vous donner la possibilité de vous expliquer. Ce n'était certainement pas dans ce texte-ci; je parle d'un discours prononcé devant l'Association du barreau canadien. Voici l'occasion de préciser votre pensée.

    Un élément de cette structure serait la défense antimissiles. N'y a-t-il rien qui vous trouble dans ce projet?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je pense qu'il est prématuré de poser cette question. Je ne suis même pas encore l'ambassadeur. Je n'irai à Washington que dans une semaine et il m'en faudra peut-être encore plusieurs autres pour présenter mes lettres de créance. Je ne pense pas qu'il soit juste de me demander une opinion alors que le gouvernement n'a pas encore exprimé la sienne et que le parlement sera saisi de la question.

    Je crois qu'il faut aussi comprendre le point de vue américain. J'ai beaucoup lu sur le point de vue canadien mais, très honnêtement, je n'ai pas encore pu découvrir ce que les Américains attendent de nous en la matière. J'essaye de comprendre ce qu'ils demandent et quelle est l'importance de la question à leurs yeux. J'ai beaucoup d'opinions disparates sur la défense antimissiles et j'ai déjà réuni beaucoup d'informations à ce sujet mais je ne pense pas avoir encore la totalité.

+-

    M. Jack Layton: Quel est l'état actuel de votre réflexion? Quels sont les aspects qui vous préoccupent ?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Les aspects dont on a parlé publiquement sont qu'il n'y ait pas d'intercepteurs sur le sol canadien. Si je comprends bien, les Américains disent : « Non, ce n'est pas ce que nous demandons; nous allons les installer en Alaska et en Californie ».

    Le deuxième aspect concerne une éventuelle contribution financière du Canada et, si je comprends bien, nous n'aurons à en fournir une. Je ne peux pas le vérifier mais je crois que les Américains disent qu'ils ne nous demandent aucune contribution financière. Je pense que les Canadiens disent que nous préférerions tenter de résoudre cette question de menace des missiles balistiques par le désarmement ainsi que par la non-prolifération et par des activités au niveau international.

    D'après moi, les Américains disent : « Peut-être bien mais nous allons de toute façon construire ce système, que ça vous plaise ou non, et notre préoccupation ne concerne pas les menaces conventionnelles mais les menaces asymétriques d'États voyous ». Or, je ne vous apprendrai rien en disant que la Corée du Nord et l'Iran ont tous deux indiqué qu'ils mettent au point des armes de longue portée, des missiles balistiques intercontinentaux.

    Je comprends tout ça.

    La question est alors de savoir ce que les Américains attendent de nous. Je pense que leur avons donné en grande mesure ce qu'ils souhaitent, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser NORAD et ses informations d'interception afin de cibler leurs armes.

    Veuillez m'excuser si je ne réponds pas bien à votre question.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Jack Layton: Si vous me permettez d'intervenir, car je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. Paul Wolfowitz, le secrétaire d'État à la défense, a dit, et je cite : « l'espace offre des options attrayantes pas seulement pour la défense antimissiles mais aussi pour un large éventail de missions civiles et militaires reliées. Je pense que c'est le point ultime de haute altitude. »

    Êtes-vous d'accord avec son analyse du rôle de l'espace dans la défense de l'Amérique du Nord?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Non, j'accepte la position du Canada qui s'oppose à la militarisation de l'espace.

    Je crois comprendre que les États-Unis n'ont pas l'intention actuellement de militariser l'espace. Toutefois, c'est une préoccupation légitime et j'accepte la position canadienne à cet égard.

+-

    Le président: Une dernière brève question, monsieur Layton.

+-

    M. Jack Layton: Très bien.

    Au sujet de Kyoto, que les Américains n'ont pas signé, vous avez dit que nous pourrions collaborer étroitement avec eux. Pouvez-vous nous expliquer comment nous allons atteindre les objectifs de Kyoto et atteindre nos obligations internationales et nos obligations envers les Canadiens face à la résistance américaine, de cette Administration en tout cas, et considérant que nous sommes actuellement leur plus grande source d'énergie importée, si je ne me trompe?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Si vous voulez une réponse à toute votre question, je pense que vous allez devoir faire appel à quelqu'un qui est beaucoup plus payé que moi. Pour ce qui est de pouvoir collaborer avec les États-Unis d'Amérique, il est clair que nos deux pays sont capables de coopérer pour mettre au point des technologies de réduction de la consommation de combustibles fossiles et, dans la mesure où les Américains innovent, je pense que les Canadiens devraient participer à cette innovation et vice versa.

    Il y aura un agenda post-Kyoto et il faut non seulement que le Canada en soit un participant très actif mais aussi qu'il agisse comme pont pour y amener les États-Unis et les autres pays qui n'ont pas encore adopté Kyoto.

    Cela dit, c'est dans tout ce domaine de la technologie que les Américains et nous pouvons avoir les liens les plus étroits.

+-

    Le président: Merci, monsieur McKenna.

    Nous passons maintenant à M. Coderre.

    Je rappelle à mes collègues que nous en sommes maintenant à des tours de cinq minutes.

    Monsieur Coderre.

[Français]

+-

    L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Merci, monsieur McKenna. Bienvenue.

    Premièrement, j'aimerais poursuivre sur la question du bouclier antimissile. Les libéraux du Québec sont très inquiets à ce sujet. Pensez-vous qu'un refus de la part du gouvernement de participer au bouclier antimissile aura un impact négatif sur notre économie?

    Deuxièmement, j'aimerais vous parler également d'immigration. Nous avons signé l'entente sur les tiers pays sûrs. Cette entente fait en sorte que les réfugiés provenant des États-Unis qui veulent traverser le Canada doivent retourner aux États-Unis. Croyez-vous que votre rôle consistera à éduquer également la population américaine et canadienne sur les politiques d'immigration, et notamment sur la question de la protection des réfugiés?

    Finalement, Haïti nous intéresse énormément, comme vous le savez. Quel rôle entendez-vous jouer comme ambassadeur du Canada aux États-Unis sur la question même d'Haïti? Avez-vous déjà un point de vue sur la question haïtienne?

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur McKenna.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Vous venez de poser au moins trois questions.

    En ce qui concerne la défense antimissiles, la décision sera prise par le gouvernement du Canada avec la contribution du Parlement du Canada. Vous me demandez ce que sera la réaction des Américains? Je ne le sais pas, je n'y suis pas encore mais je soupçonne que je le saurais très rapidement.

    En ce qui concerne l'immigration et la question des tiers pays sûrs, je ne suis pas informé et je préfère ne pas répondre pour le moment. Je ne connais pas la réponse.

    En ce qui concerne Haïti, je pense que c'est un merveilleux exemple du rôle important que peut jouer le Canada et, dans le cadre de mon nouveau poste d'ambassadeur aux États-Unis, le fait que nous ayons joué un rôle de pointe dans ce pays pourra être très utile pour la relation. Nous sommes là-bas en grand nombre. Nous sommes capables de parler la langue des Haïtiens et je pense que nous sommes un tiers pays respecté. Je pense que les Américains jugent que nous sommes très utiles en Haïti et, dans ce sens, cette relation peut être utilisée comme modèle exemplaire de la manière dont le Canada peut collaborer avec les États-Unis dans d'autres régions du monde.

    Je suis très fier du rôle de mon pays en Haïti et du fait que le premier ministre ait choisi de s'y rendre personnellement pour voir ce que nous y faisons.

À  +-(1000)  

+-

    L'hon. Denis Coderre: Sur une note personnelle, comment envisagez-vous votre rôle d'ambassadeur? Il y a certains ambassadeurs qui veulent mettre leur nez dans les affaires internes du pays. Ils y en a qui veulent s'occuper de tout.

    Croyez-vous que vous pourrez, dans votre rôle d'ambassadeur, donner votre opinion personnelle sur certaines politiques américaines ou pensez-vous que votre rôle doit plutôt être simplement d'être le vecteur de l'opinion du gouvernement du Canada? Pensez-vous jouir d'un poste privilégié que nous pouvons utiliser pour leur faire comprendre nos positions?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Pour ce qui est de mon style personnel, je pense que les dirigeants qui se concentrent sur un petit nombre de questions très importantes sont ceux qui gouvernent le mieux. Je n'ai jamais réussi à m'imposer cette limite et je ne fais donc pas partie de cette catégorie.

    Personnellement, j'ai tendance à être très impatient. J'aime que les choses soient faites très rapidement. J'ai tendance à intervenir dans un large éventail de questions et à essayer de les régler le plus vite possible.

    Je crois que mon style rendra mon adaptation difficile aux États-Unis mais, en contrepartie, j'ai une expérience politique et j'espère que cela me permettra de parler à des gens qui partagent nos vues et qui manquent de temps pour résoudre plus rapidement les problèmes. C'est ce que je découvrirai.

    Ayant été avocat, politicien et homme d'affaires, je sais que les gens parlent différemment. Je parle différemment quand je m'adresse à d'autres avocats. Comme politicien... c'est presque comme si les représentants de tous les partis avaient des manières particulières de communiquer. J'espère que je serai capable de parler aux autres de manière à vraiment communiquer.

+-

    L'hon. Denis Coderre: Il y a beaucoup de désinformation. J'espère que vous pourrez régler cela.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Coderre.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson: Très brièvement. Hier, Paul Heinbecker, l'ex-ambassadeur du Canada aux Nations unies, a déclaré—et ceci n'est pas une paraphrase, j'ai noté ce qu'il disait à la télévision—« Il faut que les États-Unis internationalisent l'Irak s'ils veulent en sortir. Il a besoin de l'Europe ». Il a conclu en disant qu'il a besoin de la participation de tout le monde.

    Pensez-vous que le Canada a un rôle à jouer, un rôle plus grand que celui que nous jouons en Irak à l'heure actuelle? Avant votre nomination, avez-vous discuté de politique étrangère avec le premier ministre?

    Je pense que Mme Stronach a une question.

+-

    Le président: Madame Stronach.

+-

    Mme Belinda Stronach: Merci.

    Il y avait hier dans le journal un article intéressant d'Alan Gotlieb sur le rôle d'un ambassadeur—être le porte-parole du Canada mais aussi recueillir des renseignements sur les intérêts nationaux des États-Unis et veiller à ce que le Canada participe à la prise de décision sur les affaires mondiales. J'irai même plus loin en en disant qu'il doit y avoir à Ottawa une capacité politique sophistiquée pour recevoir ces informations.

    Pensez-vous être parvenu avec le premier ministre à une entente vous donnant l'assurance que vos conseils et avis seront entendus par lui-même et par le cabinet? Quels mécanismes avez-vous l'intention d'utiliser pour l'informer?

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame Stronach.

    Vous pouvez certainement répondre par écrit plus tard mais vous vous débrouillez très bien oralement jusqu'à maintenant. En 1938, dans un discours célèbre à Queens, le président Roosevelt avait dit que les États-Unis ne resteraient jamais passifs si le territoire Canadien était menacé. Comme vous le savez, dans une réponse aussi célèbre, Mackenzie King avait dit que le territoire canadien ne serait jamais utilisé par des forces ennemies... par terre, par mer ou par air pour aller aux États-Unis. Cela déboucha sur la conférence d'Ogdensburg, la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis, et Norad. Vous avez donc raison de parler de sécurité et de commerce au sujet des États-Unis.

    Envisagez-vous de faire un lien en disant ans à nos amis américains que nous en avons assez de leurs litiges commerciaux alors que nous gagnons à la cour du Commerce mondial, par exemple sur le bois d'oeuvre? Nous continuons pourtant d'être pénalisés. Les Canadiens ne comprennent pas pourquoi, quand ils traversent la frontière, ils doivent encore payer quelque chose pour ce qu'ils ont acheté aux États-Unis—il y a toutes sortes d'irritants commerciaux. Votre déclaration montre que vous êtes sensible à l'importance de la sécurité pour les Américains et du commerce pour nous. Pensez-vous relier les deux, par la négociation?

+-

    Le président: Monsieur McKenna. Certains membres de notre cabinet... [Note de la rédaction : inaudible]... une question mais c'est vous qui décidez.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Très rapidement, sur l'internationalisation de l'Irak, il ne fait aucun doute qu'on s'en va dans cette voie. Le Canada joue un rôle utile. Près de 300 millions de dollars ont été engagés, ce qui est une très importante contribution de notre part, et nous participons à des exercices d'entraînement. Nous acceptons donc une responsabilité là-bas.

    En ce qui concerne l'approche de l'ex-ambassadeur Gotlieb, je crois que je trouverai une oreille attentive à Ottawa. Avant d'accepter ma nomination, j'ai demandé au premier ministre s'il était engagé envers cette relation car des gens que je respecte m'ont dit que, si le premier ministre et le président ne gèrent pas cette relation à leur propre niveau, tout ce que je pourrais faire serait inutile. Il m'a répondu que cette relation était extrêmement importante pour lui et il a attiré mon attention sur le secrétariat du BCP, le comité du cabinet qui a été créé, les initiatives parlementaires, etc., comme preuves de son engagement.

    En ce qui concerne un lien entre le commerce et la sécurité, il existe déjà, d'après moi : le commerce est notre préoccupation, la sécurité est la leur. Si nous voulons préserver ce commerce robuste qui touche des millions d'emplois au Canada, nous devons respecter leur besoin de sécurité. En ce sens, nous devons travailler avec eux, comme nous le faisons au sujet de la frontière intelligente par exemple, en veillant à faire tout notre possible pour préserver la relation commerciale et leur sentiment de sécurité. Il ne fait aucun doute que l'insécurité provoquée par le 11 septembre n'est pas encore disparue.

+-

    Le président: Monsieur Menzies, pour une brève question.

+-

    M. Ted Menzies: Je voudrais revenir aux défis commerciaux. Nous avons eu beaucoup de problèmes au cours des 20 dernières années—ESB, environ 7 milliards de dollars; droits de douane de 17 p. 100 sur le blé; près de 4 milliards de dollars sur le bois d'oeuvre; contestation des tarifs sur la viande de porc; contestation sur le lait; exportations de pommes de terre. Je sais que vous vous êtes occupés de certains de ces dossiers qui peuvent tous provoquer des étincelles dans la relation commerciale. Pouvez-vous nous dire lesquelles de vos qualités vous permettront d'éviter et de gérer ces défis, et dans quelle mesure vous comprenez le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA?

+-

    Le président: Monsieur McKenna, brièvement.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je prétends pas être supérieur aux personnes que nous avons envoyées à Washington car nous y avons eu d'excellents ambassadeurs. Les gens que je connais, Derek Burney, Raymond Chrétien, Michael Kergin ont fait un excellent travail en utilisant tour leur pouvoir de persuasion pour essayer de résoudre ces litiges. Mais il y a aussi la règle de droit, qui se trouve dans l'ALENA. Notre problème est que c'est un mécanisme très imparfait pour trouver des solutions définitives.

    L'une des choses dont nous devons donc nous occuper sera de rehausser l'efficacité du mécanisme. Au lieu de faire continuellement du lobbying pour tenter de résoudre les problèmes, nous pourrions nous tourner vers la règle de droit si le mécanisme était rendu plus efficace. On s'intéresse déjà de près à cette question. Le président et le premier ministre vont certainement se concentrer là-dessus pour tenter d'améliorer le cadre juridique.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Bien. Nous passons maintenant à M. Valley.

+-

    M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci monsieur McKenna.

    Nous avons parlé de la relation globale entre les deux pays en disant que ni les Canadiens et les Américains ne comprennent pas vraiment leur valeur mutuelle les uns pour les autres. Bien que je ne sois à Ottawa depuis très de temps, j'ai déjà constaté que, plus je passe de temps ici, moins je comprends ce qui se passe dans les rues de ma circonscription. J'aimerais donc savoir comment vous pensez pouvoir sensibiliser les citoyens des deux pays sur la valeur que revêt la relation pour chacun.

+-

    Le président: Nous allons accepter trois questions.

    Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur McKenna, au nom de ceux d'entre nous qui voulaient vous voir ici, d'un point de vue unanime, nous ne voulions certainement pas donner l'impression que certains pourraient marquer des points politiques. Comprenez-le bien.

    Vous avez fait une offre et nous espérons que vous maintiendrez une relation étroite avec ce comité. Peut-être pourriez-vous envisager de venir nous voir une fois par an pour faire le point de la situation? Ce n'est pas une question mais plutôt une offre en réponse à la proposition très généreuse que vous avez faite au début.

    J'aimerais maintenant aborder deux choses qui nous préoccupent.

    Au sujet de la défense antimissiles et de la souveraineté, il sera un peu bizarre d'avoir une série de stations d'interception autour autre du Canada même si c'est l'espace aérien canadien qui risque finalement de faire l'objet d'une attaque.

    Un autre facteur à prendre en considération est la décision des États-Unis d'aller au-delà de Kyoto en améliorant leur capacité à brûler des combustibles fossiles—notamment du charbon—en ne produisant aucune émission. Ce projet existe aux États-Unis où l'on croit, considérant l'importance du charbon—la source d'énergie la plus efficiente au monde—que l'on trouvera une solution à ce problème. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet du point de vue de la pollution transfrontalière?

+-

    Le président: Monsieur McKenna.

+-

    L'hon. Frank McKenna: D'abord, au sujet de la valeur de la relation, devons continuer à travailler pour nous éduquer continuellement. Cela ne veut pas dire que devions être à la merci les uns des autres. Nous pouvons faire ce que nous voulons dans toutes sortes de situations mais nous devons admettre que nous partageons une frontière et que nous sommes de très bons voisins.

    On a parfois l'impression, quand un problème apparaît, que certaines remarques gratuites sont faites pour attiser les flammes. La plupart d'entre nous avons de la famille, des amis ou des connaissances de chaque côté de la frontière et, au niveau individuel, les relations sont solides. À nous d'assurer la même chose au niveau collectif.

    En ce qui concerne une comparution annuelle devant votre comité, cela me paraît raisonnable. C'est quelque chose que j'aimerais beaucoup faire si cela pourrait vous être utile. J'espère d'ailleurs que je pourrais vous être plus utile dans un an qu'aujourd'hui.

    Vous avez parlé de la technologie du charbon propre. J'ai eu l'occasion de m'y intéresser dans le passé. À mon avis, partager la technologie est une méthode très importante pour surmonter les différences entre le Canada et les États-Unis au sujet de Kyoto et après.

+-

    Le président: Monsieur Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci, monsieur le président.

    Je suis très intéressé par cette question d'intégration économique nord-américaine, à la condition qu'elle ne menace pas la souveraineté du Canada. Je me demande si vous vous considérez comme un gradualiste à ce sujet ou vous préférez plutôt les grands coups?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Tout dépend de ce que vous entendez par « grands coups ». Si c'est un grand coup qui va me réduire en miettes...

À  +-(1015)  

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Ce que je veux dire...

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je suppose que dans le contexte actuel—et je sais que beaucoup ne seront pas d'accord avec moi—je suis probablement plutôt un gradualiste. Il faudrait voir quelle est la nature de ce grand coup et préparer nos deux populations avant de nous embarquer dans un programme plus ambitieux. Pour le moment, nous avons de très bonnes institutions et, si nous pouvons continuer de les améliorer, je pense que cela donnera de bons résultats. Il faut s'assurer que le climat est favorable avant de se lancer dans un projet très ambitieux pour frapper « un grand coup » comme vous dites.

    Cela dit, je me laisse cette porte de sortie : s'il s'agissait d'un bon projet, d'un projet bon pour les deux nations, je pense que nous aurions l'obligation de mener le débat public et de convaincre la population que c'est la bonne chose à faire. Mon rôle à moi serait de convaincre mon gouvernement, et notre rôle comme gouvernement serait de convaincre la population. Par contre, sans avoir ce que pourrait être ce projet ambitieux, il m'est difficile de vous donner une réponse plus précise.

+-

    Le président: Merci, monsieur McKenna.

    Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur McKenna.

    Je vais revenir sur les questions d'affaires internationales. Dans votre texte, à la page 10 de la version française, vous dites:

Les deux pays croient qu'il est nécessaire de renforcer les nouvelles démocraties et de prendre des mesures dans le cas des États défaillants et en déroute pour éviter qu'ils ne deviennent des lieux de désespoir qui favorisent l'éclosion du terrorisme.

    Sans le dire, vous parlez de l'Iran. Or, sur la question de l'Iran, beaucoup d'interrogations s'imposent à nous. D'une part, M. Bush collabore en ce moment avec l'Allemagne, l'Angleterre et la France, qui négocient avec l'Iran. Par ailleurs, on sait que des commandos sont allés en Iran s'informer sur les endroits stratégiques où il pourrait y avoir des frappes.

    Quand vous dites que les deux pays croient qu'il faut prendre des mesures, êtes-vous en train de nous dire que le Canada pourrait approuver des frappes préventives sur l'Iran?

    Toute cette question des affaires étrangères, à un autre niveau que celui du commerce, trouble ou peut troubler profondément les rapports entre les deux pays. Comment entendez-vous agir sur ces questions, précisément au sujet de l'Iran?

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur McKenna, je ne sais pas si une question sur l'Iran est recevable. Vous verrez bien si vous voulez y répondre car...

+-

    L'hon. Frank McKenna: Cela ne relève absolument pas de mon mandat et je pense qu'il est parfaitement évident que le Canada n'appuierait pas une attaque préventive contre l'Iran; en fait, nous appuyons le dialogue trinational en cours et nous espérons qu'il produira des résultats. Nous jouons un rôle spécial dans ce contexte car je crois que nous présidons actuellement l'Agence internationale de l'énergie atomique qui que se penche sur cette question. Je crois pouvoir dire que notre espoir le plus fervent est que les fortes relations que ces pays entretiennent avec l'Iran produiront une désescalade de cette situation potentiellement dangereuse, avec l'appui actif de toutes les nations pacifistes.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Est-ce là ce que vous voulez dire quand vous dites: « Les deux pays croient qu'il est nécessaire de renforcer les nouvelles démocraties et de prendre des mesures... »? Qu'est-ce que vous voulez dire? C'est dans votre texte.

[Traduction]

+-

    L'hon. Frank McKenna: Il y a de nombreux exemples d'intervention dans le monde. Ainsi, le Canada est intervenu en Haïti, et les États-Unis aussi. Le Kosovo est un autre exemple où, sous l'égide de l'OTAN, le Canada et d'autres nations sont intervenus. Même chose pour l'Afghanistan, où le Canada est intervenu avec d'autres pays.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Donc, vous n'écartez pas la possibilité de frappes sur l'Iran.

[Traduction]

+-

    Le président: Cette question n'est pas recevable, madame Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: C'est un sujet qui le touche directement, il sera notre ambassadeur.

+-

    Le président: Monsieur Paquette, vous avez le temps de poser une question sans préambule.

À  +-(1020)  

+-

    M. Pierre Paquette: Ce sera très facile. M. Duceppe a l'intention de faire une tournée de l'est des États-Unis. Nous avons eu la collaboration de l'ambassade américaine ici, à Ottawa.

    Est-ce qu'on peut compter sur la collaboration de l'ambassade canadienne à Washington et de son nouvel ambassadeur?

+-

    Le président: Je connais la réponse, mais je vais laisser l'ambassadeur vous la donner.

+-

    M. Pierre Paquette: Ne soufflez pas les réponses, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    L'hon. Frank McKenna: Voulez-vous parler de l'accueillir quand il ira aux États-Unis ?

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Seriez-vous prêt à lui faciliter l'organisation de rencontres avec des représentants américains des milieux d'affaires ou des milieux institutionnels.

[Traduction]

+-

    L'hon. Frank McKenna: Je l'espère. Je pense que nous sommes prêts à accueillir tous les représentants du Canada aux États-Unis. Ce serait bon pour nos intérêts mutuels.

    En fait, le nombre de gens qui s'y rendent est incroyable. Lundi prochain—et certains d'entre vous en ferez peut-être partie—une délégation géante de parlementaires doit arriver à Washington, et deux comités sénatoriaux doivent arriver mardi. Nous avons aussi un certain nombre de premiers ministres provinciaux qui doivent venir et je pense qu'un autre représentant...

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Vous pouvez noter à votre agenda que cela aura lieu la dernière semaine d'avril.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough, s'il vous plaît.

+-

    L'hon. Frank McKenna: J'en prends note.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, monsieur McKenna. Comme je suis moi aussi des Maritimes, je dois vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'il existe une relation très forte entre les Canadiens et les Américains au plan individuel et familial.

    Je voudrais revenir directement sur nos différences en politique étrangère. Il ne fait aucun doute que le Canada jouit d'une réputation distinguée et largement méritée de pays qui trace un chemin indépendant et plus progressiste en politique étrangère, indépendamment des diktats des États-Unis et en jouant fièrement un rôle plus axé sur le multilatéralisme, le maintien de la paix et le pacifisme. Je suis sûre que vous savez fort bien que, plus les Canadiens entendent parler de défense antimissiles, plus ils s'opposent à toute participation de leur pays, et même à la folie de ce projet.

    Dans vos remarques liminaires, vous avez longuement parlé de la relation commerciale. Elle est importante, bien sûr, et plus même que la relation de politique étrangère, et j'aimerais donc comprendre un peu mieux comment vous voyez le lien entre le les différends commerciaux interminables que les Américains ne semblent jamais prêts à régler, concernant par exemple l'ESB et le bois d'oeuvre. Croyez-vous que l'impression qu'ont un grand nombre de Canadiens que nous sommes pénalisés pour ne pas avoir participé à la guerre en Irak est fondée? Si tel est le cas, pensez-vous qu'une décision du Canada de ne pas participer à la défense antimissiles endommagerait encore plus notre relation commerciale avec les Américains?

+-

    Le président: Monsieur McKenna.

+-

    L'hon. Frank McKenna: C'est une excellente question. Pour commencer, je suis d'accord avec vous sur nos relations. À mon avis, il n'y a pas deux endroits plus proches au monde que Halifax et Boston. Vous savez bien que les Maritimes sont très proches de ce que nous appelons « les États de Boston ».

    En ce qui concerne votre question, je pense que les litiges commerciaux sont provoqués par des facteurs complètement différents de notre non-participation à la guerre en Irak. Je précise en passant que je suis d'accord avec la décision de notre gouvernement de ne pas y avoir participé. Je suis pas d'accord avec la manière dont la décision a été communiquée mais j'appuie sans réserve la décision.

    Je crois que les litiges commerciaux ont tendance à émaner des intérêts commerciaux.

    R-CALF USA est un puissant lobby aux États-Unis sur la question de l'ESB, comme le savent les producteurs de l'Ouest. Les têtes d'affiche au Congrès qui viennent de l'Ouest y attachent beaucoup d'importance. Il ne serait pas juste cependant de dire que nous n'avons pas fait de progrès. Nous en avons fait beaucoup. Pour des raisons d'ordre scientifique, nous avons obtenu l'accès pour le bétail sur pied et la viande de boeuf de moins de 30 mois, et nous avons l'engagement qu'il y aura des progrès pour le reste.

    En ce qui concerne le bois d'oeuvre, les intérêts sont très puissants mais, il faut l'admettre, c'est le quatrième litige à ce sujet. J'ai déjà dû m'occuper d'un gros litige sur le bois d'oeuvre quand j'étais premier ministre de ma province, et il n'y avait pas de guerre en Irak à cette époque-là.

    Je ne pense donc pas que nous soyons punis pour cela. Je crois que l'atmosphère est un peu troublée à cause de cela mais pas que nous en soyons punis.

    Allons-nous être punis pour la décision que nous prendrons sur la défense antimissiles? Je ne connais pas la réponse à cette question. La raison en est que je ne connais pas l'importance de la question aux États-Unis. C'est une question importante chez nous mais est-ce la même chose là-bas? Est-ce que ce sera le critère ultime de notre relation ? Je n'en sais rien.

À  +-(1025)  

+-

    Mme Alexa McDonough: J'aimerais revenir sur votre approbation de la décision du Canada de ne pas participer à la guerre en Irak et votre désapprobation de la manière dont elle a été communiquée. J'aimerais votre avis là-dessus dans le contexte de comment, quand et pourquoi le Canada pourrait communiquer aux États-Unis toute décision de ne pas participer à la défense antimissiles.

+-

    L'hon. Frank McKenna: Il s'agit simplement d'une question de respect. Je crois comprendre—mais je me trompe peut-être—que les États-Unis ont été sincèrement surpris du moment où ils ont appris notre décision. Autrement dit, il n'y avait pas eu suffisamment de communication préalable et ils ont appris la décision de manière presque brutale et gênante. Ensuite, il y a eu beaucoup de commentaires que certains Américains ont trouvé choquants.

    Je ne pense pas non plus que nous ayons assez bien communiqué notre appui dans d'autres domaines. Par exemple, nous avons eu plusieurs milliers de soldats en Afghanistan, ce qui est plus que n'importe quel autre pays et a permis aux États-Unis de retirer certains de leurs soldats pour les envoyer en Irak. Nous avons beaucoup contribué à la défense du Golfe avec nos frégates de patrouille, par exemple, sans participer directement à la guerre en Irak. Nous aurions donc pu indiquer de nombreuses manières aux États-Unis que, même si nous ne voulions pas participer militairement en Irak, nous leur donnions notre appui de nombreuses autres manières.

    Voilà ce que je suis prêt à vous dire quant à la manière dont nous aurions dû communiquer et préparer les Américains à l'annonce de notre décision.

+-

    Le président: C'est terminé pour vous, madame McDonough. Merci.

    Avant de conclure, monsieur McKenna, je veux vous poser une question. Dans notre rapport de 2002, « Partenaires en Amérique du Nord : Cultiver les relations du Canada avec les États-Unis et le Mexique », nous faisions 39 recommandations. Ce matin, cependant, vous avez dit que les institutions et accords existants ont largement rempli leur promesse. Voulez-vous dire qu'aucune amélioration n'est nécessaire à l'ALENA ou à n'importe quel autre aspect de la relation? Ou, si certaines améliorations sont nécessaires, lesquelles devraient être prioritaires?

+-

    L'hon. Frank McKenna: Ils est certain qu'améliorer le mécanisme de résolution des différends serait utile. Nous sommes tous des politiciens et nous savons comment l'électorat et les préoccupations locales peuvent nous pousser à l'action. Dans le cas des États-Unis, et c'est peut-être à cause de la manière dont le pouvoir est réparti, les gens détiennent un pouvoir considérable sur leurs représentants au Congrès, au Sénat et dans l'Administration. À titre de législateurs, nous avons le devoir de prendre ces préoccupations au sérieux.

    Avoir une règle de droit, un ensemble de règles pour régler les différends, c'est une merveilleuse manière de résoudre les problèmes. À mes yeux, bien que nous ayons un ensemble de règles qui fonctionnent pour la plupart des différents, elles ne fonctionnent pas dans tous les cas et nous devons donc continuer nos efforts pour les améliorer.

    Nous devons également faire comprendre aux Américains que l'amendement Byrd n'est tout simplement pas un exercice acceptable de leurs prérogatives et qu'ils devraient l'abroger. Pour nous et pour beaucoup d'autres pays, c'est une atteinte très grave à la règle de droit.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur McKenna. Merci d'être venu témoigner devant le comité. Je vous souhaite beaucoup de succès.

    Lorsque le premier ministre et le gouvernement nous donneront le mandat d'examiner la RPE, j'espère que nous irons à Washington discuter avec les membres du Congrès.

    Merci beaucoup.

    Nous faisons une pause de cinq minutes.

À  +-(1029)  


À  +-(1039)  

+-

    Le président: Le point suivant à l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 7 décembre 2004, est le projet de loi C-25, Loi régissant l'exploitation des systèmes de télédétection spatiale.

    Nous avons le plaisir d'accueillir comme témoins M. Steven Staples, directeur du Projet sur l'état de la sécurité commerciale, à l'Institut Polaris, et M. Joseph Buckley, professeur de physique au Collège militaire royal du Canada.

[Français]

de l'Université de la Colombie-Britannique, M. Michael Byers, qui est le directeur universitaire du Liu Institute for Global Issues; ainsi que M. Ross M. Neal, chercheur universitaire du Liu Centre for Global Issues.

[Traduction]

    Nous allons commencer avec M. Staples.

+-

    M. Steven Staples (directeur , Projet sur l'état de la sécurité commerciale, Institut Polaris): Merci beaucoup.

    Je tiens d'abord, monsieur le président, à vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui et je félicite votre comité d'avoir sollicité l'opinion des organisations de la société civile sur une question très importante.

    L'Institut Polaris est un organisme de recherche d'intérêt public basé à Ottawa dont je dirige l'un des projets, concernant les questions de sécurité, et je suis donc très heureux de pouvoir parler aujourd'hui du projet de loi C-25.

    À nos yeux, la télédétection spatiale est une arme à double tranchant. L'avènement des satellites de télédétection a eu beaucoup de retombées positives dans des domaines aussi divers que la cartographie, la gestion des ressources, la gestion des crises, la météorologie et la surveillance environnementale. Il est dans l'intérêt du Canada et du monde entier que cette information soit aussi largement disponible que possible.

    Toutefois, l'exportation et l'utilisation de données de télédétection ont aussi des conséquences sur la sécurité nationale, comme nous l'avons vu. L'utilisation militaire de ces données est très variée et bon nombre des applications, par exemple la surveillance des crises, la vérification, la détection précoce et le renforcement de la confiance peuvent contribuer à la sécurité nationale, régionale ou mondiale. Mais les données de télédétection utiles sur le plan militaire peuvent également être utilisées par des États ou des acteurs non étatiques pour l'exécution et la planification stratégique, opérationnelle et tactique de guerres, ainsi que pour d'autres opérations militaires. Un exemple bien connu est celui de l'imagerie satellitaire liée au champ de bataille fournie à l'Irak et provenant de satellites de reconnaissance photographique américains pendant la guerre entre l'Iran et l'Irak dans les années 80, qui a donné à l'Irak a l'avantage décisif sur l'Iran.

    J'en profite pour dire que nous avons apporté de brochures produites par RADARSAT, MacDonald Detwiller et l'Agence spatiale canadienne faisant la promotion des utilisations de RADARSAT-1 et -2. La première reflète assez bien ce que les Canadiens attendent des satellites RADARSAT, c'est-à-dire l'exploration pétrolière hauturière et continentale, la surveillance des récoltes, la cartographie glaciaire et la surveillance des catastrophes. C'est ce que j'appelle les utilisations « vertes » des satellites RADARSAT-1 et -2 et ce que les Canadiens pensent que fait leur agence spatiale.

    Il y a cependant une autre application, et il y a une autre brochure qui accompagne celle que MacDonald Detwiller a produite pour promouvoir les utilisations de RADARSAT-1 et -2. Il s'agit de leurs systèmes de défense. On y indique que MacDonald Detwiller envisage la technologie spatiale pour des systèmes de surveillance et de contrôle du commandement, et l'on y dit ceci : « Nous sommes une nouvelle race d'entrepreneurs de la défense—qui utilisent la technologie commerciale spatiale de gestion de l'information pour résoudre les problèmes de surveillance et de contrôle du commandement des clients de la Défense ». Je crains en réalité que nous assistions, avec notre Agence spatiale, à une réduction des utilisations vertes de notre technologie satellitaire au profit de ses utilisations noires—militaires—ce qui devrait inquiéter sérieusement les Canadiens.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Monsieur Staples, avez-vous des exemplaires de ces documents ?

+-

    M. Steven Staples: Non, mais je peux distribuer les miens ou en faire faire des copies et vous les envoyer.

+-

    Le président: Pouvez-vous voir ça avec le greffier ?

    Merci.

    Continuez.

+-

    M. Steven Staples: Considérant ces développements, je pense qu'il est de plus en plus probable que fournir des données de télédétection à une partie ou à une autre dans un conflit armé sera équivalent à lui fournir des armes ou de l'équipement militaire, ce qui compromettrait la neutralité canadienne dans le conflit. Comme on peut s'attendre à ce que les conflits soient généralement contraires aux valeurs régionales ou mondiales du Canada et à ses intérêts, voire illégaux en droit international, il faut que le Canada conserve le pouvoir de contrôler l'exportation de cette information.

    Nous appuyons les objectifs de réglementation du projet de loi C-25 mais nous irions plus loin. En vertu des lignes directrices du Canada sur le contrôle des exportations militaires, nous contrôlons étroitement l'exportation d'équipement et de technologie militaires vers des pays constituant une menace pour le Canada, impliqués dans un risque de déclenchement imminent d'hostilités, soumis à des sanctions de l'ONU ou dont les gouvernements transgressent gravement les droits humains. Les données de télédétection commerciale ne sont normalement pas considérées comme des biens militaires mais nous pensons qu'elles devraient l'être pour être assujetties à ce type de contrôle. Le système d'interruption envisagé dans le projet de loi, s'il était accompagné de lignes directrices adéquates et correctement appliquées, pourrait nous donner le degré de contrôle nécessaire sur les exportations de données de télédétection menaçantes sur le plan militaire.

    Je voudrais examiner rapidement cinq domaines de préoccupation et vous présenter nos recommandations. Tout d'abord, nous pensons que le Canada devrait prendre des mesures positives pour limiter l'accès aux données de télédétection menaçantes sur le plan militaire dans le cas des pays impliqués dans une menace imminente d'hostilités ou sous une menace aux valeurs et intérêts du Canada. Polaris recommande que le gouvernement prépare des lignes directrices analogues à celles qui assurent le contrôle des exportations militaires afin de régir la mise en oeuvre du contrôle de l'interruption de l'exportation de ces données, et que ces lignes directrices soient communiquées au parlement et à la population avant l'adoption du projet de loi.

    En outre, pour assurer la transparence des opérations, Polaris recommande que le gouvernement publie un rapport annuel sur les lignes directrices canadiennes de contrôle de l'interruption en expliquant tout changement pouvant y avoir été apporté, en décrivant comment elles ont été mises en application et en donnant le détail des décisions prises durant l'année à ce sujet. Polaris recommande de plus que ces exigences de divulgation soient intégrées au projet de loi C-25.

    Il est très important de prévoir l'application universelle de ces lignes directrices. Chacun sait il y a actuellement une échappatoire dans les règles canadiennes d'exportation de produits militaires qui exempte les États-Unis. Je pense qu'il faut éliminer cette échappatoire et faire de même pour ce satellite. Certes, nos politiques étrangères sont généralement en harmonie avec celles des États-Unis mais ce n'est pas toujours le cas, comme l'Irak l'a démontré. Selon certaines informations, des données de télédétection produites par RADARSAT-1 ont peut-être été exportées aux États-Unis pour appuyer leurs opérations en Irak. Si vous consultez le site Web international de RADARSAT, comme je l'ai fait hier soir, vous y verrez un certain nombre de photographies de l'Irak prises par RADARSAT-1. Polaris recommande que les lignes directrices canadiennes de contrôle de l'interruption du service s'appliquent à tous les pays, États-Unis compris.

    En 2001, MacDonald Dettwiler and Associates a produit un communiqué de presse que nous avons trouvé très déconcertant. Le titre était : « MDA fournit une carte 3-D de la Colombie à l'agence de cartographie du gouvernement américain ». Cela concernait un contrat, dont le montant n'était pas divulgué, indiquant que MacDonald Dettwiler, grâce à RADARSAT-1, avait produit une carte en trois dimensions de tout le pays et l'avait fournie à l'armée américaine par le truchement de son agence nationale d'imagerie et cartographie.

    Comme vous le savez, la Colombie est sur la liste des pays qui transgressent les droits humains. Elle est déchirée par une guerre civile sanglante. Le gouvernement a été accusé d'être en collusion avec des groupes extraparlementaires d'extrême droite. Selon l'Organisation internationale du travail, c'est le pays où il est le plus dangereux d'être un militant syndical. Malgré cela, on a fourni une carte en trois dimensions. Cela fait manifestement partie de l'appui des Américains au gouvernement colombien dans son programme anti-insurrection. Je pense que cela justifie que les États-Unis soient également assujettis aux lignes directrices.

    J'en reste là et je serai très heureux de répondre aux questions. Vous trouverez d'autres recommandations dans notre mémoire.

    Merci beaucoup.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Staples.

    Nous passons maintenant au professeur Buckley.

+-

    M. Joseph Buckley (professeur de physique, Collège militaire royal du Canada): Merci, monsieur le président.

    Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant le comité.

    J'ai lu les témoignages que vous avez déjà recueillis et je pense qu'il y a certains aspects de la télédétection dont vous devriez être informés.

    En tant qu'universitaire et scientifique qui s'intéresse à la télédétection depuis de nombreuses années, je tiens à vous parler des répercussions de ce projet de loi sur les scientifiques, l'enseignement et la recherche dans le domaine spatial au Canada. Je ne suis pas ici pour parler de politique, je veux simplement parler de science.

    Si je comprends bien, le but général de ce projet de loi est de veiller à ce que l'exploitation des systèmes satellitaires au Canada réponde à des normes raisonnables de sécurité et que les conditions imposées à cet égard ne causent pas de problèmes importants au monde universitaire et de la recherche du Canada. En fait, RADARSAT-2 nous donne une occasion remarquable de faire des progrès dans le secteur de la recherche. Toutefois, ce projet de loi est précisément orienté vers RADARSAT-2 et les satellites semblables. Les satellites dont le but général est de contribuer à la recherche ou à l'enseignement constituent un créneau tout à fait différent qui n'est pas touché par le projet de loi.

    Permettez-moi de vous présenter rapidement le genre de satellites dont nous parlons. À titre de comparaison, songez que RADARSAT-2, qui a coûté un demi milliard de dollars, a à peu près la taille et le poids d'un Ford Explorer. Les satellites scientifiques sont généralement plus petits. Il y en a en gros trois catégories—les petits, de 100 à 200 kg, les micros, d'une dizaine de kilos, et les picos, d'un kilo.

    Un petit satellite typique est le SCISAT, de 150 kilos, que le gouvernement canadien a lancé en 2003 pour surveiller l'ozone atmosphérique. Le coût total de ce programme était de l'ordre de 60 millions de dollars, soit 1/10e du coût de RADARSAT.

    Le satellite MOST est sensiblement plus petit. Vous en avez entendu parler lors d'une séance précédente. C'est un télescope spatial de 50 kilos de la taille d'une valise. Le coût total de ce programme était de moins de 10 millions de dollars. Ses fabricants—Dynacon, de Toronto—m'ont dit que les satellites suivants construits aux mêmes spécifications coûteront sensiblement moins cher.

    Dans la catégorie suivante, on trouve les CubeSats, qui sont des cubes d'une dizaine de centimètres de côté. Chacun pèse environ un kilo et le coût total du programme, comprenant la construction, le lancement et l'exploitation, est de moins de 100 000 $. Des consortiums d'universités, et même d'écoles secondaires, en construisent actuellement dans le monde entier et les lancent dans le cadre de leurs programmes éducatifs.

    Je vous donne ces informations techniques pour vous montrer qu'il est tout à fait possible que de nombreux petits satellites scientifiques soient lancés durant le temps nécessaire pour concevoir, construire, tester et lancer un gros satellite dispendieux comme RADARSAT-2.

    Avec le projet de loi, l'octroi de licences pour ces satellites sera assez difficile. Ce qui manque, d'abord, c'est une évaluation des répercussions éventuelles sur la sécurité des données qu'ils recueilleront. Dans le cas de la majorité des satellites scientifiques, il n'y a aucun problème touchant la sécurité nationale ou les traités internationaux et toute la procédure de licence pourrait être considérablement simplifiée.

    Si le but du projet de loi est de satisfaire les besoins législatifs du RADARSAT-2, le texte actuel est adéquat. Par contre, s'il s'agit de mesures générales concernant un système de licences pour les satellites canadiens, y compris ceux dont le but n'est pas de faire de la télédétection de la surface terrestre, le projet de loi est trop restrictif. Il convient à RADARSAT-2, mais il ne correspond exactement qu'à RADARSAT-2.

    L'un des principaux problèmes concerne la transmission et l'archivage des données. Bon nombre de satellites de cette catégorie sont trop petits pour avoir un système d'archivage à bord et ils transmettent donc leurs données en continu, généralement sans les crypter. Quiconque possède un récepteur approprié y avoir accès. Ce type de transmission est explicitement interdit en vertu des alinéas 8(4)d ) et e) puisque le détenteur de licence n'a aucun contrôle sur la diffusion des données. Bien sûr, le ministre peut suspendre les restrictions imposées à la diffusion des données au titre du paragraphe 8(6).

À  +-(1050)  

    L'archivage des données est un élément critique de l'exploitation d'un satellite de télédétection. Au titre du sous-alinéa 9(2)a)(iii), toutes les données ou produits doivent être éliminés à l'expiration de la licence. À moins que l'élimination des données ne prenne la forme d'un transfert sur un système d'archivage, le progrès de la science risque d'être singulièrement limité.

    Je vais vous donner deux exemples d'utilisation peut-être imprévue d'imagerie de télédétection archivée. Des satellites météorologiques américains sont en orbite depuis environ 1978. Chaque image qu'ils recueillent est conservée dans une archive privée aux États-Unis, parrainée par le gouvernement. Ces dernières années, l'analyse de ces 30 années de données a révélé des tendances importantes de réchauffement de la planète, chose que l'on n'aurait pas pu prévoir à l'époque où les images ont été recueillies.

    Récemment, l'imagerie de satellites espions American Keyhole recueillie dans les années 60 a été déclassifiée et rendue publique. À titre de rédacteur en chef du Canadian Journal of Remote Sensing, j'ai produit un article, actuellement en révision, qui utilise ces données en même temps que d'autres plus récentes pour évaluer la régénération d'une forêt de la Colombie-Britannique. Autrement dit, des données vieilles de plus de 40 ans ont encore une grande valeur scientifique.

    Il conviendrait de reformuler le sous-alinéa 9(2)a)(iii) pour exiger explicitement un plan d'archivage au lieu d'un plan d'élimination.

    J'arrive à ma conclusion. L'article 2, qui contient des définitions, comprend des termes trop restrictifs. Par exemple, la définition d'un satellite de télédétection parle seulement de « détection de la surface terrestre ». Je suis sûr que vous avez tous vu des prévisions météorologiques à la télévision. Vous voyez leurs images de télédétection et ce ne sont pas des images de la Terre mais plutôt des nuages au-dessus de la Terre. Ce projet de loi ne couvre pas cette situation.

    Dans le passé, d'autres détecteurs atmosphériques ont été utilisés pour, par exemple, repérer des nuages de vapeurs de génératrices des grottes de l'Est de l'Afghanistan. D'autres ont servi à identifier des lancements de fusées. Ces cas devraient être prévus dans le projet de loi mais ils ne le sont pas. Bien sûr, RADARSAT-2 n'est pas un satellite possédant ces capacités et ce projet de loi ne pose donc aucun problème dans son cas. Il n'empêche qu'il faudrait probablement ajouter à l'article 2, à la définition de satellite de télédétection, le mot « atmosphère » à « surface terrestre ».

    Au même article, la définition d'une personne devrait probablement inclure l'expression « établissement d'enseignement » qui, selon moi, ne correspond à aucune des autres catégories.

    J'aimerais dire un mot sur l'utilisation du RADARSAT-2 dans le cadre de la défense antimissiles. Certaines études effectuées dans notre propre laboratoire ont montré que ce satellite est non seulement incapable de pister des missiles mais aussi de pister des navires dans l'Arctique. Il est certainement capable de les identifier mais pas de les pister. Donc, les discussions que vous avez eues antérieurement sur le fait que RADARSAT-2 ne fait pas partie d'un scénario de défense antimissiles tactique sont tout à fait justes.

    Le paragraphe 16 (1), qui prévoit que des ordres ne peuvent pas être donnés de l'extérieur du pays à moins qu'il n'y ait une possibilité de les annuler à partir du Canada, n'est pas vraiment applicable en réalité. Selon ce critère, RADARSAT-1 ne pourrait pas fonctionner légalement étant donné qu'il utilise des stations terrestres dans le monde entier. Des ordres ne peuvent être donnés à un satellite que s'il est visible de la station terrestre, c'est-à-dire quand il passe au-dessus. Donc, si un satellite passe au-dessus d'une station terrestre à Singapour, les stations terrestres du Canada ne peuvent lui donner l'ordre de ne pas transmettre de données à Singapour. Elles le pourront la prochaine fois qu'il passera au-dessus du Canada mais, à ce moment-là, le dommage aura peut-être déjà été fait. En conséquence, je recommande que l'on ajoute un nouvel alinéa 16(1)c) disant quelque chose comme « à moins que ce ne soit autorisé par la licence ».

    Autre question : pourquoi ce projet de loi s'applique-t-il uniquement aux satellites de télédétection ? Bien que les autres ne posent peut-être pas les problèmes de sécurité nationale que posent les satellites d'imagerie, tous posent des problèmes de sécurité publique. Vous avez entendu parler du satellite russe qui est tombé dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce n'était pas nécessairement un satellite de télédétection. Tout satellite peut tomber et poser un problème de sécurité publique.

    Actuellement, avant tout lancement de satellite, on doit dresser un plan opérationnel cohérent et un plan d'élimination. S'il est dressé par un organisme privé, le gouvernement devrait pouvoir surveiller et agréer ce type de satellite.

    Finalement, je ne trouve nulle part dans le projet de loi de définition du caractère canadien d'un système de télédétection. Quels satellites seront en fait touchés par ce projet de loi ? Nous pouvons certainement convenir que RADARSAT-2 est un satellite canadien mais bon nombre de ses éléments ont été construits à l'étranger.

À  +-(1055)  

    Je crois que les articles 5 et 6 méritent une réflexion plus approfondie.

    Ceci met fin à mes remarques. Merci de m'avoir écouté. Je suis prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci, professeur Buckley.

    Monsieur Byers, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Michael Byers (directeur universitaire, Liu Institute for Global Issues, Université de la Colombie-Britannique): Merci.

    Bonjour, mesdames et messieurs les députés.

[Traduction]

    Je suis très heureux d'être ici, notamment parce que nous venons après la session très intéressante de ce matin. J'étais directeur des études canadiennes à l'Université Duke jusqu'en juillet dernier et j'étais donc très intéressé par ce que M. McKenna avait à dire.

    Je suis également ravi de voir que deux membres du comité sont du sud de l'Alberta. Je suis un fier produit du Lethbridge Collegiate Institute et je suis sûr que mes remarques les intéresseront.

    Je veux faire au sujet du projet de loi C-25 trois remarques concernant directement la question de savoir s'il devrait être adopté.

    La première concerne le fait que M. David Emerson, le ministre de l'Industrie, est l'un des quatre parrains du projet de loi au cabinet. Les membres du comité doivent savoir que M. Emerson était en 2000 l'un des administrateurs de MacDonald Dettwiler Associates, la société propriétaire et exploitante de RADARSAT-2 et parente de RADARSAT International. Vous pouvez aller sur le site Web de MDA pour vérifier dans son rapport annuel.

    M. Emerson a donc fait partie du conseil d'administration de MacDonald Dettwiler Associates l'année même où elle a obtenu 167 millions de dollars de crédits fédéraux pour RADARSAT-2, somme qui s'ajoutait...

+-

    L'hon. Dan McTeague: Un rappel au Règlement, monsieur le président. M. Byers attaque la crédibilité d'un ministre qui n'est pas ici pour se défendre et je pense que son témoignage devrait être éliminé. C'est ridicule.

Á  +-(1100)  

+-

    M. Michael Byers: Je n'attaque pas du tout l'intégrité de M. Emerson. Comme professeur de droit et de sciences politiques, j'ai indiqué qu'il y a une apparence de conflit d'intérêts, c'est tout.

+-

    Le président: J'allais vous poser une question. Comme nous sommes saisis d'un projet de loi, de quel article voulez-vous parler quand vous faites référence au ministre ? Je voudrais une réponse à cette question.

+-

    M. Kevin Sorenson: Ce rappel au Règlement n'est pas pertinent. Je pense que le témoignage de M. Byers est pertinent mais qu'il faut aussi tenir compte du fait que M. Emerson n'était pas un politicien en 2000. Je ne pense pas que M. Byers suggère que les activités passées d'un politicien... tout cela est public et je ne vois pas la pertinence de l'information. Par contre, s'il fait encore partie du conseil d'administration, c'est autre chose.

+-

    M. Michael Byers: Je n'attaque pas l'intégrité de M. Emerson. En fait, j'admire beaucoup le ministre de l'Industrie. Je dis cela simplement pour indiquer que M. Emerson favoriserait le travail du comité et s'il se retirait comme l'un des parrains du projet de loi. Ce texte pourrait continuer avec les trois ministres restants. À mon avis, les députés de l'Opposition au sein du comité voudront peut-être faire cette recommandation à M. Emerson pour lui éviter la moindre apparence de préjugé. Bien sûr, M. Emerson est un ministre exceptionnel et personne n'a de raison de penser qu'il a mal agi mais il s'agit d'une question qui touche à la fois la politique et le droit.

+-

    Le président: Vous êtes avocat, pas moi. Dieu merci, je suis médecin. Je précise seulement qu'un projet de loi présenté en Chambre est toujours parrainé par un ministre. Celui-ci l'a été par le ministre des Affaires étrangères. Je n'ai jamais entendu parler de quatre ministres parrainant un texte. C'est simplement pour la forme. Je ne suis même pas sûr que M. Emerson sache qu'il est l'un des quatre parrains.

    Continuez.

+-

    M. Michael Byers: Je continue mais je voulais attirer votre attention sur ce fait.

    Ma deuxième remarque concerne le traité bilatéral conclu en 2000 et intitulé « Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique concernant l'exploitation de systèmes commerciaux de télédétection par satellite », avec annexes. On le trouve dans le Recueil des traités du Canada, série CTS2000/14. J'en ai un exemplaire avec moi et je crois comprendre que des exemplaires dans les deux langues officielles ont été distribués aux membres du comité.

    Ce traité revêt une importance considérable dans le contexte du projet de loi C-25 car beaucoup des dispositions de ce dernier renvoient aux obligations internationales du Canada. En particulier, le ministre des Affaires étrangères peut exercer ses pouvoirs en matière d'interruption de service, en vertu de l'article 14, et d'accès prioritaire, en vertu de l'article 15, dès qu'il estime que les obligations internationales du Canada l'exigent.

    Quand il a comparu devant votre comité, le 1er février 2005, M. Robert McDougall, directeur de la Direction de la non-prolifération et du contrôle des armes et du désarmement au ministère des Affaires étrangères, a déclaré :

Pour ce qui est de nos obligations internationales, l'expression désigne essentiellement pour nous celles qui nous incombent en vertu des traités, notamment, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, le traité que nous avons expressément signé avec les États-Unis en 2000 à l'égard des satellites de télédétection.

    Je conviens avec M. McDougall et avec le ministère des Affaires étrangères que le traité bilatéral de 2000 avec les États-Unis contient des obligations internationales d'une importance considérable du point de vue du projet de loi C-25. Ce traité porte sur les satellites de télédétection, comme le projet de loi. Il concerne RADARSAT-2, comme le projet de loi. Comme l'a dit M. McDougall, il est au centre de la problématique.

    Le traité ne contient que quatre brefs articles opérationnels. Les premiers sont assez standards, comme le quatrième. Je vais par contre m'arrêter au troisième, et aussi au cinquième, qui lui est relié. L'article 3 est assez confus, à cause d'une mauvaise rédaction, mais en voici le texte :

Le Canada accepte de procéder aux contrôles prévus dans le présent Accord—et énoncés à l'annexe II à l'Accord, laquelle n'est pas publiée parce que commercialement confidentielle—à l'égard de l'exploitant de RADARSAT-2.

    Ce que cela veut dire, c'est que le Canada accepte, dans le cadre de ses obligations juridiques au titre du traité, tout ce que peut contenir l'annexe II. Or, nous ne savons pas ce qu'il y a dans cette annexe parce qu'elle est commercialement confidentielle. Ce que nous savons, c'est qu'elle concerne l'exploitation de RADARSAT-2. Ce qui est important ici—et je veux pas trop insister—c'est que l'annexe II qui fait partie de ce traité bilatéral et contient des obligations internationales à l'égard desquelles le ministre des Affaires étrangères, en vertu du projet de loi C-25, peut et doit exercer un pouvoir d'interruption de service et d'octroi d'un accès prioritaire, a été jugée commercialement confidentielle, n'a pas été publiée et n'a pas été portée à la connaissance de votre comité.

    Le caractère secret de l'annexe II contrevient à l'esprit et, fort probablement, à la lettre du droit international. L'article 80 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, que le Canada a ratifiée, dispose que : « Après leur entrée en vigueur, les traités sont transmis au Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies aux fins d'enregistrement ou de classement et inscription au répertoire, selon le cas, ainsi que de publication ». Selon l'ouvrage magistral du professeur Ian Brownlie intitulé Principles of Public International Law, publié par Oxford University Press, « cette disposition vise à décourager la diplomatie secrète et à assurer la disponibilité des textes et des accords ».

    L'annexe II n'est évidemment qu'une partie du traité de 2000, mais c'en est une partie importante. Je ne suis pas prêt à conclure de manière absolue que le fait qu'elle n'a pas été publiée constitue une infraction au droit international mais je soupçonne que tel est le cas et je ne voudrais pas devoir m'en remettre à ce traité devant une Cour internationale. Au minimum, le fait qu'elle n'ait pas été publiée est éminemment inusité.

Á  +-(1105)  

    On peut évidemment spéculer sur son contenu. Elle concerne certainement les États-Unis et les pouvoirs éventuels qu'ils détiennent sur les opérations de RADARSAT-2. Elle leur donne probablement le droit d'empêcher d'autres parties d'obtenir des images des installations militaires américaines et de théâtres d'opérations réels ou potentiels obtenues par RADARSAT-2. C'est probablement une disposition qu'il était raisonnable d'inclure dans cette annexe.

    Elle confère probablement aussi aux États-Unis le droit continu d'empêcher que RADARSAT-2 soit utilisé pour obtenir des images en haute résolution d'Israël. Israël et les États-Unis ont un traité bilatéral ayant le même effet, et les États-Unis ont adopté une loi limitant l'usage d'images d'Israël obtenues par satellite. C'est probablement une disposition qu'il était raisonnable d'inclure dans cette annexe.

    Mais, avec cette annexe secrète, les États-Unis ont peut-être aussi obtenu le pouvoir, au titre du droit d'accès prioritaire du Canada, de réquisitionner RADARSAT-2 à l'appui de leurs activités de renseignement et de leurs opérations militaires. Si tel est le cas, cela pourrait nous causer un jour de graves problèmes. Par exemple, cela pourrait permettre aux États-Unis d'exiger que RADARSAT-2 soit utilisé pour prendre des images en préparation d'une intervention militaire à laquelle le Canada s'opposerait. C'est une situation hypothétique mais envisageable. En fait, le satellite pourrait même être utilisé pour prendre des images en préparation d'une guerre illégale en droit international.

    Ceci est important pour le Canada car, comme l'a dit Steve Staples, cela rendrait le Canada partie à cette guerre. Nous perdrions ainsi notre statut de neutralité en donnant une capacité d'imagerie satellitaire pour appuyer une telle intervention. Nous deviendrions à toutes fins pratiques complices de toute violation de la Charte des Nations Unies qui pourrait être commise.

    Il est même possible que les États-Unis aient obtenu un droit d'accès prioritaire à RADARSAT-2 primant sur celui du Canada. Mon argument est tout simplement que vous, membre de ce comité, n'avez aucun moyen de le savoir car l'annexe II n'a pas été publiée. Donc, même si vous pensez que vous seriez d'accord avec la teneur de l'annexe—et je suppose que c'est le cas de mes deux collègues du sud de l'Alberta—le facteur important est que cela pose des problèmes de démocratie, de transparence et de bon gouvernement.

    On vous demande de recommander l'adoption d'un projet de loi concernant des obligations internationales qui sont secrètes. Je suppose que le gouvernement s'opposerait probablement à toute demande destiné à vous permettre de voir ce que contient l'annexe II, étant donné les questions de sécurité que cela pourrait soulever. Cependant, j'estime que les principes de démocratie, de transparence et de bon gouvernement exigent que vous puissiez voir ce qu'il y a dans cette annexe. Croyez-moi, si le gouvernement le veut, il y a bien des moyens pour vous y autoriser.

    Je vous remercie beaucoup de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Byers.

    Nous passons maintenant à M. Neil.

+-

    M. Ross M. Neil (chercheur universitaire, Liu Centre for Global Issues, Université de la Colombie-Britannique): Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet de ce projet de loi important.

    J'espère vous proposer plusieurs idées pour améliorer le projet de loi C-25. Pour gagner du temps, j'ai remis un mémoire et des propositions d'amendements qui vous seront distribués.

    Je tiens à reconnaître tout d'abord que le gouvernement canadien a appuyé avec sagesse la création d'une industrie solide de la télédétection au Canada.

+-

    Mme Alexa McDonough: Veuillez m'excuser, je voudrais faire un rappel au Règlement. Avez-vous dit que votre mémoire a été distribué ou qu'il le sera ?

+-

    M. Ross M. Neil: Il a été remis au greffier ce matin. Il est en cours de traduction, je crois.

+-

    Le président: S'il n'est pas bilingue, il n'est pas distribué. Le greffier va le faire traduire et c'est ensuite qu'il sera distribué aux membres du comité, conformément à nos règles.

    Continuez, monsieur Neil.

+-

    M. Ross M. Neil: Comme je le disais, je tiens à reconnaître que le gouvernement canadien a appuyé avec sagesse la création d'une industrie solide de la télédétection au Canada, une industrie qui est compétitive mondialement et a beaucoup contribué au développement de nouvelles technologies et applications ailleurs.

    Nous savons que RADARSAT est utile pour surveiller les changements que connaissent nos régions septentrionales. La télédétection par satellite nous a fourni des données probantes pour le Protocole de Montréal sur les substances épuisant la couche d'ozone, de 1987. Il s'agissait là de l'un des efforts internationaux les plus d'exhaustifs visant à préserver le caractère habitable de la planète. La technologie canadienne de télédétection par satellite a également permis de surveiller des déversements de pétrole en mer, de lutter contre des inondations et d'appuyer des efforts humanitaires, comme on l'a vu récemment avec le tsunami catastrophique de décembre 2004.

    Toutefois, nous savons aussi que l'imagerie satellitaire est utile aux organisations de défense et de renseignement voulant surveiller des adversaires éventuels ou planifier et exécuter des opérations. L'absence délibérée de programme spatial spécifiquement militaire au Canada, loin de nous nuire, a permis à notre expertise technique et scientifique de se concentrer sur des objectifs tels que la compréhension de l'environnement mondial et la gestion de nos ressources économiques.

    Comme l'agence spatiale canadienne le disait dans son rapport annuel de 1999, le plus grand bénéficiaire du programme RADARSAT a été la planète elle-même. Mon espoir est que le projet de loi envisagé aujourd'hui pour régir la télédétection satellitaire et les autres systèmes satellitaires qui entrent dans le secteur privé continuera de concentrer nos efforts sur les bienfaits publics de cette technologie et de ses produits.

    Je crois que la manière dont le Canada va légiférer dans ce domaine important est cruciale non seulement pour le succès de l'industrie mais aussi pour la trajectoire que suivront les développements technologiques et pratiques. Les décisions que le Canada a prises dans le passé au sujet de l'usage acceptable des technologiques et de l'information stratégiques ont contribué à fixer le caractère national du Canada et les valeurs qu'il exprime sur la scène mondiale.

    Par exemple, le Canada a été le premier pays doté d'une capacité nucléaire importante à rejeter les armes nucléaires et il se limite maintenant strictement et activement à la promotion internationale de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Le Canada a également choisi de ne pas se doter de capacité de lancement indépendante dans son programme spatial et de s'en remettre plutôt à des efforts précieux de collaboration internationale pour atteindre ses objectifs spatiaux.

    Ceci m'amène à ma première préoccupation d'ordre général avec le projet de loi C-25. Ce texte ne contient aucun message normatif sur ce que le Canada estime être les utilisations acceptables de la technologie et des données de télédétection satellitaire. Au lieu d'identifier les secteurs d'application que le gouvernement souhaite appuyer pour le bien public, il produit l'incertitude générale.

    Si les efforts canadiens en télédétection ont jusqu'à présent été concentrés sur les applications scientifiques et la surveillance environnementale à l'appui de nos ressources économiques, pourquoi voit-on des firmes privées de télédétection prédire que leurs principaux clients seront bientôt les agences américaines de la défense et du renseignement ? Pourquoi veut-on donner au ministre des Affaires étrangères de larges pouvoirs alors que l'Agence spatiale canadienne est particulièrement qualifiée pour exécuter une telle fonction de réglementation ? Pourquoi les dispositions d'accès prioritaire du projet de loi ne s'étendent-elles pas aux ministres de l'Environnement, des Ressources naturelles ou de la Coopération internationale qui sont aussi des utilisateurs clés des produits de la télédétection satellitaire canadienne ?

    Le projet de loi ne suit pas non plus une approche de la réglementation éclairée par le risque. L'imagerie de la Terre par satellite à haute résolution largement disponible ne posera aucune menace importante à la sécurité nationale mais on trouve quand même dans le projet de loi des pouvoirs extraordinaires pour contrôle un accès plus large.

    Des analyses stratégiques sérieuses des menaces posées par l'imagerie satellitaire commerciale sur le plan de la sécurité de l'État ont conclu que le risque que des terroristes ou d'autres adversaires aient le temps, les ressources, les finances, les capacités techniques, la volonté ou le besoin d'utiliser de l'imagerie satellitaire pour leurs projets hostiles est minime. Une étude récente de RAND, donc je parle dans mon mémoire, démontre clairement que l'information géospatiale librement disponible, même à haute résolution, ne pose aucune menace importante pour les gouvernements.

    L'imagerie satellitaire n'est qu'une de nombreuses sources de données exigeant un niveau élevé de sophistication humaine et technique pour produire des informations utiles. Le seul aspect profondément différent des technologies de télédétection satellitaire, par rapport aux satellites de navigation ou de télécommunications, est l'attrait visuel et cognitif immédiat de leurs produits.

Á  +-(1115)  

    Cet attrait cognitif ne doit pas être minimisé car, comme nous l'avons vu avec la surveillance satellitaire des trous d'ozone ou des catastrophes naturelles, il peut engendrer une coopération et une bonne volonté internationales sans précédent. En revanche, comme on s'en souviendra avec l'utilisation d'imagerie satellitaire commerciale par le Secrétaire d'État américain Colin Powell au conseil de sécurité de l'ONU au début de 2003, les erreurs d'omission ou d'exécution peuvent être suffisamment graves pour donner un faux prétexte pour aller en guerre.

    Un appétit apparemment irrépressible d'imagerie satellitaire vient des États-Unis pour des activités de défense, de renseignement et de sécurité, ce qui promet d'exercer une influence profonde sur les approches de marketing et de développement d'applications des entreprises canadiennes de ce secteur. Le souci de sécurité nationale et de souveraineté relié à la prééminence de l'industrie spatiale et à la protection du territoire a traditionnellement limité la viabilité internationale d'un secteur commercial de télédétection aux États-Unis. Tout comme des intérêts de sécurité limités et étroitement définis peuvent exercer une influence négative sur de nombreux aspects de nos vies, des réponses politiques étroitement définies à la commercialisation de l'espace orbital peuvent limiter le genre de marché qui apparaîtra pour les sociétés canadiennes de télédétection et limiter le genre de responsabilité nécessaire de la part des gouvernements et des sociétés privées oeuvrant dans l'espace orbital commun de l'humanité.

    Les auteurs de ce projet de loi ont fait face au problème particulier que pose le fait que l'espace orbital devient une arène géostratégique importante, avec des technologies telles que la télédétection satellitaire qui offrent des données précieuses pour la gouvernance environnementale en donnant à des groupes puissants le moyen de poursuivre des intérêts économiques, politiques ou étatiques à une échelle régionale ou planétaire. Certes, une législation est nécessaire, mais il importe que les politiques et textes de lois régissant l'utilisation de la technologie spatiale reflètent une approche plus large de la sécurité que celle qui ressort du projet de loi C-25.

    J'ai ajouté à la fin de mon mémoire un tableau contenant plusieurs recommandations. Certaines concernent la diffusion opportune de rapports d'inspection, la nécessité d'une délégation de pouvoir limitée, et la nécessité de préserver les données pendant longtemps dans des système d'archivage sûrs, de préférence en les rendant facilement accessibles au public de manière électronique. D'autres concernent des amendements plus fondamentalement reliés à ce que les parlementaires canadiens choisiront de faire pour assurer l'indépendance du Canada. En appliquant une politique d'assurance de l'accès plutôt qu'une politique de contrôle de l'accès à l'imagerie et aux données satellitaires, je pense que le gouvernement pourrait non seulement engendrer certitude et confiance dans l'industrie de télédétection du Canada avec un marché dynamique d'applications répondant au bien public mais aussi influer de manière importante sur la trajectoire du discours géopolitique concernant les technologies orbitales et leurs utilisations acceptées.

    Je tiens à attirer notamment votre attention sur la modification que je propose à l'article 3 pour créer une agence indépendante d'octroi de licences pour des systèmes de télédétection et d'autres systèmes satellitaires, ainsi que pour créer un régime fondé sur des normes afin de réglementer les utilisations appropriées des données, basé sur le principe du risque éclairé.

    J'attire également votre attention sur ma recommandation de modification à l'article 20 pour permettre l'adoption de règlements régissant les utilisations finales spécifiques acceptables des données géospatiales et des produits de l'imagerie. En précisant clairement les secteurs dans lesquels les opérateurs de systèmes canadiens de télédétection spatiale excelleront, la communauté mondiale saura où s'adresser pour avoir accès à ces produits et services. Si le marché reste vague, les firmes privées risquent d'aller là où existe un but lucratif substantiel. Autrement dit, cela va les orienter vers les services de défense et de renseignement du gouvernement américain, qui comptent pour 95 p. 100 de l'investissement global dans la technologie et l'information spatiales militaires.

    John MacDonald, président émérite de MacDonald-Dettwiler and Associates, a déclaré publiquement que, pour son entreprise, « un client est un client », ce qui explique pourquoi le secteur spatial commercial ne se préoccupe nullement de savoir si les utilisations de ses produits sont pacifiques ou non. Des sociétés comme MDA iront donc logiquement et légitimement là où résident les profits, et le projet de loi C-25 ne contient pas les incitations ou certitudes nécessaires pour promouvoir une industrie simultanément rentable et offrant des biens publics aux Canadiens.

    Merci beaucoup de votre attention. Je suis prêt à répondre aux questions.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Neil.

    Nous passons à la période des questions et je rappelle à mes collègues que c'est un tour de cinq minutes.

    Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins qui ont pris la peine de venir s'adresser à nous aujourd'hui. Je sais qu'ils ont été invités très tardivement, ce dont nous nous excusons. Je pense que leur présence était extrêmement utile.

    Ma première question s'adresse au président du comité ou au greffier. M. Byers a dit que nous n'avons pas accès à l'annexe II. Y a-t-il un moyen quelconque pour notre comité d'y avoir accès, que ce soit publiquement au à huis clos? Je ne sais pas pourquoi ce document est confidentiel.

+-

    Le président: Je vous réponds que nous allons faire la demande et que nous attendrons la réponse. Je ne peux rien faire d'autre.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci, monsieur le président.

    À ce sujet, j'ai deux questions à poser à M. Byers. Premièrement, comme vous l'avez dit, l'article 3 dispose que « le Canada accepte de procéder aux contrôles prévus dans le présent Accord—et énoncés à l'Annexe II à l'Accord—laquelle n'est pas publiée parce que commercialement confidentielle ». Vous avez dit à ce sujet que « les États-Unis ont peut-être aussi obtenu le pouvoir, au titre du droit d'accès prioritaire du Canada, de réquisitionner RADARSAT-2 à l'appui de leurs activités de renseignement et de leurs opérations militaires ». Vous avez donné ensuite un exemple de ce que cela pourrait représenter—je parle du problème juridique qui pourrait en découler.

    Pourquoi ceci est-il jugé commercialement sensible, ou pourquoi est-ce commercialement censuré? Ça semble être plus des questions de sécurité quand on voit ce que vous avez indiqué.

    Ce sont donc mes questions. Pourquoi serait-ce censuré commercialement et pas pour des raisons de sécurité nationale?

    En outre, plusieurs d'entre vous avez mentionné que l'armée américaine utilise les informations que nous obtenons avec nos satellites, et M. Buckley a dit qu'il a lu les témoignages d'autres témoins. Si tel est le cas, vous savez que différentes sociétés canadiennes ne font aucun secret qu'elles vendent ces informations à beaucoup de sociétés américaines différentes, comme à des sociétés d'autres pays, et qu'elles espèrent que cela ne va pas s'arrêter. Évidemment, elles en tirent des profits.

    Comme notre comité tente de trouver des moyens pour permettre aux Canadiens de prospérer... À part les informations sensibles que l'on ne devrait pas avoir le droit de vendre, n'est-ce pas de ça qu'il s'agit? Nous voulons que les sociétés canadiennes prospèrent.

    Pouvez-vous répondre à ces trois questions?

+-

    Le président: Qui veut répondre à la première?

    Monsieur Byers.

+-

    M. Michael Byers: Je vais commencer.

    Je serais beaucoup plus à l'aise si le comité pouvait voir l'annexe, peut-être à huis clos, et conclure que l'on n'a aucune raison de s'inquiéter. Si vous recommandez l'adoption de ce projet de loi après l'avoir vue, cela me mettra beaucoup plus à l'aise. Mon argument concerne essentiellement la transparence et l'étude des propositions gouvernementales par les partis d'opposition.

    Qu'est-ce qui m'inquiète dans les mots « commercialement confidentielle »? Deux choses.

    La première est qu'il s'agit d'un traité entre le Canada et les États-Unis. La politique canadienne de contrôle de l'accès, qui a été adoptée par le cabinet en 1999, a été publiée sous la forme de l'annexe I. Autrement dit, la politique canadienne n'est pas considérée comme étant commercialement confidentielle.

    Toutes les limites imposées par le gouvernement canadien à MacDonald Dettwiler sont connues de tous, ce qui oblige à se demander pourquoi ce n'est pas la même chose du côté américain. Pourquoi l'annexe II n'est-elle pas la réciproque de l'annexe I? C'est la première chose.

    Si vos réussissez à voir l'annexe II et concluez qu'il n'y a pas de problème, je serai très heureux que vous l'indiquiez, dans une semaine ou deux.

    Ma deuxième préoccupation avec « commercialement confidentielle » est que, si des limites sont imposées dans l'intérêt des États-Unis, que ce soit pour interrompre les services ou pour l'accès prioritaire, elles feront en sorte que RADARSAT-2 ou même n'importe quel autre satellite canadien de télédétection ne sera plus accessible à MacDonald Dettwiler ni aux clients internationaux réguliers de RADARSAT quand les États-Unis décideront qu'ils veulent s'en servir.

    Supposons que vous soyez Barrick Gold et que vous ayez acheté RADARSAT-2 pour faire de la télédétection dans les Territoires du Nord-Ouest—activité parfaitement légitime. Vous êtes une société canadienne privée. Vous avez prévu des activités de télédétection la semaine prochaine parce que vous voulez que vos géologues aillent sur place dans trois semaines pour poursuivre les études.

    Les États-Unis décident qu'ils ont besoin des services de RADARSAT-2 au sujet de l'Iran et que l'annexe II les autorise à passer avant Barrick et à réorienter le satellite pour prendre des images de l'Iran, alors que vous—Peter Munck—en avez besoin pour votre activité commerciale dans les Territoires du Nord-Ouest.

    Cela a des conséquences commerciales pas seulement pour Barrick Gold mais aussi pour MacDonald Dettwiler et RADARSAT International.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Je ne vous suis pas. Si ce satellite passe au dessus du territoire souhaité par Barrick, ça ne présentera aucun intérêt pour... vous savez, prendre des photos de l'Iran en même temps.

+-

    M. Michael Byers: Si je comprends bien—et le professeur Buckley me corrigera si je me trompe—il faut parfois repositionner le satellite pour prendre certaines images. Par exemple, RADARSAT-1 a été légèrement déplacé par rapport à son orbite régulière pour cartographier l'Antarctique, ce qui l'a rendu indisponible pour ses activités normales sur son orbite régulière à une certaine période. Dans certaines circonstances, certes hypothétiques—comme celles que je vous ai présentées—il n'y aura pas de conséquences mais, dans d'autres, il pourrait y en avoir. C'est précisément pourquoi cela aurait une importance commerciale et serait commercialement confidentiel.

    Autre exemple : que se passerait-il si Barrick Gold voulait faire de l'exploration dans le Caucase qui se situe au même point de sa trajectoire orbitale que l'Irak? Il y aurait alors un impact direct, même si ce n'était pas une question de possibilité séquentielle comme celle que vous avez décrite.

    Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des cas hypothétiques très réels où les États-Unis, ou même le gouvernement du Canada, pourraient exercer leur pouvoir d'interdiction ou d'accès prioritaire en ayant un impact sur l'utilisation commerciale du satellite et, par conséquent, sur les sociétés en aval, MacDonald Dettwiler et RADARSAT International. Voilà pourquoi cela a un impact commercial.

    Nous connaissons cependant, puisque ce n'est pas protégé commercialement, les limitations canadiennes mais nous ne connaissons pas les limitations américaines.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président: Vos collègues veulent-ils ajouter quelque chose?

    Monsieur Buckley.

+-

    M. Joseph Buckley: J'aimerais répondre aux préoccupations concernant le changement de mode car on se demandait si RADARSAT-1 pourrait changer rapidement de mode d'imagerie, c'est-à-dire de configuration selon les besoins des clients. Ces préoccupations ont été réglées avec RADARSAT-2 dont la seule limitation importante est qu'il couvrira environ 10 km de territoire pendant qu'il change d'un mode à un autre. Donc, à moins que le secteur intéressant Barrick Gold ne soit à moins de 10 km d'une région sensible pour les Américains du point de vue de la sécurité, il n'y aurait pas de problème.

    Le problème que vous évoquez a été réglé à l'étape de la conception de RADARSAT-2.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Staples.

+-

    M. Steven Staples: Merci.

    La société veut continuer à faire ça et nous avons entendu des représentants du Département de la défense dire que, depuis l'avènement des satellites de télédétection commerciaux, l'armée est devenue le plus gros client de leurs produits.

    À notre avis, je pense qu'il faut analyser attentivement l'effet de ce projet de loi qui va légitimer la militarisation de notre programme spatial. Quand nous avons décidé de privatiser, nous avons laissé au marché le droit de décider. Voilà pourquoi les valeurs que partagent les Canadiens concernant le fait qu'il s'agit d'une machine merveilleuse pour suivre les changements climatiques sont maintenant supplantées par les intérêts militaires.

    Il y a maintenant une concurrence entre les intérêts commerciaux et l'intérêt public, que ce soit du point de vue de la sécurité nationale ou des valeurs canadiennes. J'ai été très surpris d'entendre un représentant d'entreprise affirmer qu'il devrait être indemnisé parce que nous avons installé le mécanisme d'interruption des services que le gouvernement dit être sensible. J'ai pensé que c'était vraiment exagéré. En effet, nous avons pris une décision en fonction de nos intérêts de sécurité et nous devrions indemniser le fournisseur commercial parce que nous assurons notre propre sécurité ?

    Les États-Unis comprennent bien que la sécurité prime sur le commerce. Dans le cas présent, je pense que nous devrions considérer qu'il s'agit d'exportations militaires et adopter des lignes directrices pour garantir que cette information ne transgresse pas notre appui aux droits humains ni notre politique étrangère indépendante, que ce soit sur l'Irak, l'Iran ou ailleurs, et la militarisation de l'espace.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Staples.

    Nous allons maintenant passer à Mme Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: J'aimerais vous remercier tous les quatre. J'ai malheureusement manqué une intervention et la moitié d'une autre: je me rattraperai en lisant les « bleus ».

    À force de chercher, on a trouvé quelques experts. J'en ai pour ma part rencontré un autre et j'ai parlé à un autre encore. D'après ce qu'on comprend, la seule expérience du Canada à cet égard se résumait à RADARSAT-1. Dans ce contexte, le gouvernement administrait les données et remettait les données brutes non utilisées à l'entreprise privée. Ici, la différence sera que la compagnie va produire et administrer les données, pour ensuite redonner au ministère--il s'agira en effet de commandes provenant des ministères--ce que ce dernier lui aura demandé. Or, toutes sortes de questions restent à éclaircir.

    Je n'ai jamais vu ce genre de système en fonction, alors si je saisis mal les faits, dites-le moi. Selon ce que je comprends, il reste que ce sont les techniciens de la compagnie qui vont devoir faire défiler les images et faire des choix, selon les commandes, tout en respectant ce qu'on appelle les contrôles.

    On se retrouve maintenant avec RADARSAT-2, qui aura coûté 430 millions de dollars au gouvernement et 92 millions de dollars à cette compagnie entièrement privée qui peut être appelée à répondre à des commandes de la Défense américaine.

    On n'a pas encore parlé des provinces, qui ont pourtant participé au projet RADARSAT-2. Où sont-elles? Comment tout cela va-t-il s'agencer et fonctionner? Est-ce que ce projet de loi est suffisant? Comment pourrait-il être rédigé? En arrivez-vous à la conclusion que cela n'aurait pas dû être privatisé? Le cas échéant, que fait-on?

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, madame Lalonde.

    Monsieur Neil.

+-

    M. Ross M. Neil: Je veux faire une brève remarque sur la manière dont le processus de surveillance gouvernemental fonctionnerait pour savoir à quoi serait destinée chaque demande de données.

    M. Staples a avancé l'idée de règles, et c'est ce que je voulais dire quand je parlais d'approche normative de la réglementation. Il n'y a rien...

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Mais cela n'existe pas pour le moment. C'est exact?

+-

    M. Ross M. Neil: En effet, cela n'existe pas.

[Traduction]

    Je pense que le ton du projet de loi tend à sécuriser la question des technologies orbitales et des produits, au lieu de mettre l'accent sur les aspects positifs de cette technologie importante et de créer un marché durable au Canada pour les produits... au lieu d'avoir beaucoup d'incertitude lorsque le seul titulaire de licence, comme vous l'avez dit, ira probablement là où sont les plus gros budgets militaires. C'est ce que nous voyons, comme l'indique le plan de commercialisation de RADARSAT International.

    Je crois qu'il faut fixer des règles claires et qu'on doit le faire par une législation intelligente, pas par un contrôle excessif de cette industrie.

    Pour ce qui est des obligations canadiennes concernant les utilisations finales, du point de vue de l'imposition d'obligations sur les autres exportations stratégiques, je ne sais pas comment cela marcherait. Je ne sais pas comment le Canada pourrait s'assurer que la chaîne d'approvisionnement des données importantes est sécurisée.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Byers.

+-

    M. Michael Byers: Une autre petite question suite aux commentaires du professeur Buckley.

    Même si RADARSAT-2 a la capacité de changer assez rapidement, je connais assez bien les militaires pour savoir qu'ils voudront simplement acheter une tranche de 10 milles; ils achèteront une tranche beaucoup plus grande pour dissimuler ce qui les intéressait vraiment. S'ils s'intéressent à l'Iran, ils achèteront probablement ce qui se trouve entre le Népal et la Turquie, par exemple, pour qu'on ne puisse pas deviner ce qu'ils voulaient.

    Comme l'armée américaine a des poches très profondes, on peut concevoir que, si elle commençait à utiliser RADARSAT-2 trop fréquemment, les clients commerciaux comme MacDonald Dettwiler pourraient être privés d'une partie importante de leur activité. Voilà ce qui me préoccupe et pourquoi vous devez voir ce qu'il y a dans l'annexe II.

    En réponse à la question de Mme Lalonde, je dois dire que je suis pas opposé aux initiatives publiques-privées comme celle-ci. Dans certains cas, elles marchent fort bien. Cette fois, cependant, il y a eu un certain nombre de problèmes. Quand les États-Unis ont réalisé l'excellence de RADARSAT-2 dans la prise d'images, quand ils ont réalisé que nous allions avoir une résolution de trois mètres à travers les nuages, la nuit, ils ont commencé à mettre des bâtons dans les roues pour que RADARSAT-2 ne devienne pas un satellite privé.

    Par exemple, la NASA a dénoncé une entente de lancement du satellite en contrepartie de données gratuites. MacDonald Dettwiler a dû aller ailleurs pour assurer le lancement commercial du satellite et le gouvernement du Canada a dû payer 100 millions de dollars de plus pour assurer le lancement privé. Le gouvernement américain a imposé des contrôles à l'exportation de la technologie des armes à cause de RADARSAT-2. Il y a donc eu énormément de problèmes. Ce sont ces bâtons dans les roues qui ont finalement amené à conclure le traité bilatéral de 2000. Les États-Unis étaient inquiets de voir qu'un satellite aussi excellent ne leur appartenait pas, et même appartenait à une société privée, et que des acheteurs commerciaux pourraient avoir accès à ses données. Le fait qu'il s'agissait d'un satellite privé non américain a causé toutes sortes de problèmes, y compris l'adoption de cette annexe secrète dont nous ne savons rien.

    Donc, pour répondre à votre question, je ne suis pas opposé aux initiatives publiques-privées mais celle-ci a soulevé des questions de sécurité qui ont amené à certaines choses que nous ne connaissons pas du point de vue des obligations auxquelles nous sommes assujettis et qui deviendront légalement pertinentes si le projet de loi C-25 entre en vigueur.

Á  +-(1140)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Staples.

+-

    M. Steven Staples: Il y a au Canada une industrie de l'armement qui vaut des milliards de dollars. Elle est dirigée par des sociétés privées comme General Dynamics et Bombardier. Tout ce qu'elle fait relève de la réglementation des exportations. Si vous voulez, je peux vous lire le règlement, puisque vous avez demandé comment on peut contrôler ça :

Le Canada contrôle rigoureusement les exportations de marchandises et de technologies militaires vers les pays :a) qui constituent une menace pour le Canada et ses alliés; b) qui sont engagés dans un conflit ou qui risquent de l'être sous peu; c) qui font l'objet de sanctions de la part du Conseil de sécurité des Nations Unies; d) où les droits des citoyens font l'objet de violations sérieuses et répétées de la part du gouvernement, à moins qu'il puisse être démontré qu'il n'y a aucun risque raisonnable pour la population.

    Il y a des échappatoires dans ce règlement. Comme je l'ai dit, il ne touche pas les États-Unis. Même si nous avions une mise en oeuvre absolument parfaite de ce règlement sur la technologie satellitaire—qui devrait selon moi être considérée comme un bien militaire puisqu'elle est vendue à des clients militaires—cette échappatoire américaine n'aurait pas empêché MacDonald, Dettwiler and Associates de vendre une carte de la Colombie en trois dimensions pour aider dans la guerre contre-insurrectionnelle que les États-Unis appuient en transgressant les droits humains.

    Adoptons donc des lignes directrices sur le contrôle des exportations militaires du Canada et non pas cette annexe secrète qui est censée remplacer ça, je crois. Fermons cette échappatoire qui profite aux États-Unis.

+-

    Le président: Merci, monsieur Staples.

[Français]

    Nous allons maintenant passer à M. McTeague.

[Traduction]

+-

    L'hon. Dan McTeague: Avant d'interroger les témoins situés aux extrêmes, pas seulement dans la salle mais au sujet de cette question, je voudrais revenir sur la suggestion de M. Sorenson concernant l'annexe II dont M. Byers a beaucoup parlé.

    Je pense que nous devrions obtenir un avis juridique car, même si le comité pense qu'il est légitime pour lui de voir cette annexe—et je lui laisse le soin de prendre cette décision—cela exigerait... Je crois que l'une des conditions serait que le contenu ne soit pas divulgué à d'autres, à moins que quelqu'un ne soit prêt à faire l'objet de poursuites, et je ne voudrais certainement pas aller dans ce sens.

    Je passe à ma première question. Monsieur Staples, vous avez présenté une image à la Darth Vader de ce qu'est la télédétection satellitaire et, si je peux m'exprimer brutalement, il me semble que vous ne voulez pas que les satellites soient réglementés. Cela étant, ne pensez-vous pas qu'il serait prudent pour le gouvernement du Canada d'établir des lignes directrices réglementaires ou voulez-vous que ce soit l'anarchie dans l'espace? Je pense que M. Buckley faisait allusion à ça quand il parlait de satellites qui ne seront peut-être pas touchés par la réglementation.

    Vous avez parlé d'utilisations noires et d'utilisations vertes durant votre petit exposé. Pourquoi n'êtes-vous cependant pas prêt à appuyer le projet de loi C-25 pour qu'on puisse aller de l'avant avec ses utilisations prudentes et légitimes, notamment en ce qui concerne quelque chose que vous avez montré, je crois, par des exemples que vous avez donnés—vous l'avez fait deux fois maintenant—sur ce qui s'est passé en Colombie? Selon les rapports, plusieurs personnes ont été tuées pendant cette fin de semaine par les insurgés des FARC. Nous connaissons tout le contrôle exercé par le cartel de Medellín. Je ne suis pas sûr que ce que vous avez dit soit pertinent dans le contexte de la télédétection par satellite mais peut-être pourriez-vous essayer de m'en convaincre.

    Je passerai ensuite à M. Byers.

+-

    M. Steven Staples: Tout d'abord, monsieur McTeague, merci de me donner l'occasion de préciser mes remarques car je pense qu'il y a eu un petit malentendu.

    J'approuve le projet de loi C-25 mais je pense qu'il ne va pas assez loin. Je pense que c'est un premier pas. De fait, la première recommandation concernant l'instauration d'un cadre de réglementation invite le gouvernement à préparer des lignes directrices analogues à celles qui contrôlent les exportations militaires de façon à régir les interruptions de service et les exportations de données menaçantes sur le plan militaire.

    Sur ce point, je pense que nous sommes d'accord mais le texte ne va pas assez loin.

Á  +-(1145)  

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Staples, ne pensez-vous pas qu'il soit suffisant que le ministre des Affaires étrangères détienne le droit exclusif d'appliquer les dispositions d'interruption, avec l'obligation de rendre des comptes devant le parlement?

+-

    M. Steven Staples: Non, je ne pense pas que cela suffit. Nous recommandons aussi que l'on rende des comptes à la population.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Ce serait précisément le cas. Le ministre des Affaires étrangères rend compte tous les jours de ses activités. Je le remplace aujourd'hui et Mme McDonough ou n'importe quel autre député peut me poser des questions.

+-

    M. Steven Staples: J'entends bien mais le ministre des Affaires étrangères assume également la responsabilité de la réglementation et de l'octroi de licences pour les exportations militaires, et il n'y a pas de mécanisme de reddition de comptes annuelle à ce sujet. Le système n'est pas aussi complet que nous le voudrions et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas appliquer les mêmes dispositions tout en respectant la confidentialité que MacDonald Dettwiler souhaiterait.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Comme il me reste peu de temps, je vous interrogerai peut-être à nouveau au deuxième tour. Je m'adresse maintenant à M. Byers qui a parlé des droits de propriété.

    Il a mentionné sa préoccupation sur le fait que c'est secret. Je pense que c'est secret pour plusieurs bonnes raisons, notamment protéger les entreprises—leurs données et les informations logistiques correspondantes—contre les concurrents. Nous savons tous que le vol d'informations comme celles-là représenterait une infraction très grave à la sécurité, sans parler d'une infraction aux pactes et traités qui ont été signés à ce sujet.

    Voulez-vous dire, monsieur Byers, que les secrets commerciaux et les utilisations satellitaires devraient être dévoilée aux sociétés concurrentes ?

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Byers.

+-

    M. Michael Byers: Non, vous ne m'avez pas compris. Je dois dire que je ressens une certaine affinité avec MacDonald Dettwiler qui est un employeur très important pour les diplômés de l'Université de la Colombie-Britannique, qui se trouve à Richmond.

+-

    L'hon. Dan McTeague: On ne vous accusera quand même pas de préjugé.

+-

    M. Michael Byers: Non, mais cela pourrait en donner l'apparence et vous devez y réfléchir.

    Je considère idée qu'il faut protéger les informations commercialement sensibles des entreprises face à leur concurrence et au grand public. Le problème de l'annexe II est qu'elle ne semble pas porter là-dessus, mais nous n'en savons rien. On vous demande d'adresser une recommandation d'adoption de ce projet de loi et je pense qu'il serait tout à fait légitime que vous puissiez formuler cette recommandation après avoir eu accès à toutes les données pertinentes. Il y a certainement des solutions. Si le gouvernement le voulait, il pourrait faire de tous les membres de ce comité des membres du Conseil privé, ce qui réglerait d'un seul coup le problème. Ce serait peut-être une solution un peu extrême mais vous ne devez pas accepter que l'on vous dise que c'est impossible. C'est possible, il s'agit de trouver un moyen terme.

    Une dernière remarque là-dessus. Je me suis laissé dire—et je ne suis pas le seul dans ce cas—qu'un autre droit que les États-Unis ont peut être obtenu par l'annexe serait celui de bloquer l'accès de tierces parties à du temps de satellite. Autrement dit, si les États-Unis étaient en conflit avec un autre pays, ils pourraient dire au gouvernement canadien et à MacDonald Dettwiler que tel ou tel pays n'a pas le droit d'avoir accès à tel ou tel satellite.

    Chacun sait que nous avons une politique étrangère bien différente de celle des États-Unis à l'égard de certains pays, comme Cuba. Les États-Unis pourraient-ils nous interdire, en vertu de l'annexe II, de vendre à Cuba du temps de RADARSAT-2 ? Je n'en sais rien mais cela confirme une fois de plus que le problème vient du caractère secret de l'annexe.

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    Je sais pas si je dois remercier les témoins de nous avoir écrasés de leur expertise mais je sais en tout cas que nous avons beaucoup de travail à faire avant d'adopter ce projet de loi. Je devrais peut-être plutôt les remercier d'avoir fait litière des remarques choquantes du secrétaire parlementaire selon qui je voulais vous faire témoigner pour vous impliquer dans le débat sur la défense antimissiles. Je suis très heureuse que nous sachions maintenant de quoi nous sommes saisis au sein de ce comité.

    Très rapidement, j'ai tenté de résumer cet exposé massif en cinq ou six éléments qui, si je vous comprends bien, méritent toute notre attention. Le premier est le caractère secret de l'annexe II. Il nous faudra manifestement un avis juridique à ce sujet.

    Le deuxième concerne l'importance d'établir un cadre normatif—autrement dit, indiquer que ce texte est destiné à protéger l'intérêt public tout en autorisant les usages commerciaux. Je me demande si vous pourriez nous donner quelques précisions là-dessus.

    Le troisième est la création d'une agence indépendante d'octroi des licences. Je ne sais plus qui en a parlé mais quelqu'un a dit qu'il n'y a apparemment aucune raison pour que ce projet de loi traite uniquement de la télédétection et qu'on devrait peut-être en étendre la portée à tous les satellites. J'aimerais en savoir un peu plus là-dessus.

    Le quatrième est la question de savoir quel ministre contrôlera l'accès et l'interruption des services, et l'idée que ce pouvoir soit octroyé également aux ministres de l'Environnement, des Ressources naturelles, voire de la Coopération internationale. Cela me semble un peu lourd comme mécanisme mais vous pouvez peut-être nous donner un peu plus d'explications. Pourrait-on prévoir, par exemple, que deux des quatre ou cinq devraient être consultés ? Faut-il prévoir une formule quelconque à ce sujet ?

    Finalement, il y a la question du resserrement du contrôle des exportations militaires, ou plutôt la nécessité de veiller à ce qu'il s'applique ici car il semble que c'est essentiellement de ça qu'on parle. Il s'agit d'exportation de renseignements militaires, ou ce pourrait en tout cas être ça, et on prévoit largement que ce sera ça.

    Je ne sais pas qui parmi vous veut répondre à ces questions assez écrasantes auxquelles nous sommes confrontés.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Professeur Buckley, puis monsieur Byers.

+-

    M. Joseph Buckley: Je vais répondre rapidement à l'une de vos questions concernant tous les satellites par rapport à ce groupe relativement petit de satellites de télédétection. Mon argument est qu'il y a là deux questions fondamentales de sécurité nationale et de sécurité publique. Un satellite qui envoie des images de la surface de la Terre ou de l'atmosphère pourrait poser des questions de sécurité nationale. Il faudrait donc élargir la définition de la télédétection par satellite pour y prévoir à la fois l'atmosphère, la terre et les mers.

    L'autre question est que tout satellite placé en orbite peut s'effondrer, ce qui soulève un problème de sécurité publique. Nous devrions peut-être envisager de réglementer la sécurité publique dans le cas des satellites qui sont lancés avec une quelconque participation canadienne.

+-

    Mme Alexa McDonough: Si tel était le cas, pensez-vous qu'il faudrait apporter des changements massifs à ce texte?

+-

    Le président: S'il vous plaît, madame McDonough!

    C'est au tour de M. Byers, puis de M. Neil. Je veux que tous puissent répondre.

    Monsieur Byers.

+-

    M. Michael Byers: Il est dommage qu'un membre du comité soit déjà parti car ce que je vais dire maintenant l'aurait très intéressé.

    Bien qu'il n'y ait rien dans le projet de loi sur la défense antimissiles, il a quelque chose à voir avec la militarisation de l'espace. Il ne s'agit pas d'un lien direct mais plutôt indirect et je pense que vous devez en être conscients.

    Mon collègue Ross Neil a dit qu'il y a un débat en cours entre une vision des satellites et de la télédétection axée sur l'intérêt public et une vision axée sur la sécurité. Le projet de loi ne prend pas parti entre l'intérêt public et la sécurité. Et je dis cela en ne formulant aucune objection à l'utilisation de RADARSAT-2 pour appuyer des interventions militaires légales. C'était le satellite idéal pour prendre des images du Darfur avant l'intervention humanitaire ou pour prendre des images de l'Irak avant la guerre du Golfe de 1991, ce qui était une opération totalement légale à laquelle le Canada a participé avec grand honneur.

    Il faut donc trouver un équilibre entre l'intérêt public et la sécurité de l'espace. C'est parce qu'ils privilégient la sécurité de l'espace que les États-Unis ont des préoccupations au sujet de la sécurité de leurs satellites—leurs satellites exclusifs ou potentiellement exclusifs de télédétection militarisée. Le développement d'une capacité anti-satellites, les débats que l'on peut lire dans les documents du Pentagone concernant la guerre des étoiles, tout cela procède du désir de protéger le réseau américain de satellites militaires et de communication. Dans la mesure où le projet de loi C-25 est plus axé sur la notion de valeur publique que de sécurité, le comité et le Parlement peuvent nous aider à éviter de tomber encore plus vers le modèle de militarisation sécuritaire de l'espace et nous maintenir dans notre position traditionnelle qui est que l'espace et les satellites sont un bien public pouvant faire du bien sur les plans commercial et environnemental mais aussi dans les forums militaires et juridiques légitimes.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Neil.

+-

    M. Ross M. Neil: En ce qui concerne l'octroi du pouvoir aux ministres de l'Environnement, des Ressources naturelles, etc., ce n'est pas ce que je recommande. En fait, je me demande même essentiellement pourquoi on a prévu ce pouvoir quand ce que veut le gouvernement, c'est favoriser une industrie commerciale dynamique.

    Voyez les trois principales firmes de télédétection par satellite des États-Unis et les plans commerciaux de MacDonald Dettwiler, vous verrez que chacun a l'option de payer un peu plus pour obtenir un accès prioritaire. Il me semble que la seule raison pour laquelle on accorde un accès prioritaire à ces ministres est de leur permettre de garder secrètes les raisons pour lesquelles ils ont acheté les images, ce qui pose à nouveau le problème de la transparence. Cela sera-t-il divulgué publiquement, d'une manière quelconque ? Est-ce que ce sera archivé pour l'avenir ? Est-ce que ce sera conservé dans les dossiers de mission des satellites ? Ce sont des questions auxquelles on n'a pas répondu.

    En ce qui concerne une agence indépendante, nous savons que l'Agence spatiale canadienne est déjà très active dans l'industrie spatiale, et il serait peut-être approprié d'envisager un organisme d'octroi de licences qui pourrait tenir des audiences et répondre aux besoins à la fois de l'industrie, des autres parties prenantes et du public.

    Il y a beaucoup d'exemples de commissions indépendantes. Certes, on ne prévoit qu'un petit nombre de licences qui seront délivrées dans un avenir proche mais, comme l'a laissé entendre M. Buckley, il y a beaucoup d'autres types de projets de satellites en cours et, si l'on élargit la définition de la télédétection par satellite, cela pourrait justifier une agence que nous pourrions qualifier de mécanisme spécifiquement canadien de réglementation de cette activité importante. Nous pourrions l'appeler l'Agence canadienne des satellites d'observation terrestre, par exemple; elle serait tenue de faire rapport au Parlement par le truchement d'un ministre et elle aurait des inspecteurs pour vérifier les activités des détenteurs de licence. Il me semble que c'est un modèle qui a déjà été discuté aux Nations Unies au sujet d'une agence internationale de surveillance des satellites, et beaucoup de pays semblent l'appuyer.

    En ce qui concerne une approche spécifiquement canadienne de la réglementation, je pense qu'il ne serait pas sage de supposer que nous devrions automatiquement adopter une approche législative similaire à celle des États-Unis simplement parce que ceux-ci sont les chefs de file dans le domaine spatial.

+-

    Le président: Merci.

    Veuillez m'excuser, votre temps de parole est écoulé.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Un rappel au Règlement, monsieur le président. Je tiens à souligner que, pendant que j'étais en dehors de la salle pour répondre à un journaliste, comme l'a fait Mme McDonough, M. Byers a fait remarquer que j'étais sorti pendant quelques secondes. C'est vrai, monsieur Byers, et je précise que nous parlons de satellites canadiens, pas américains.

    Si vous tenez à souligner en public que quelqu'un quitte la salle, comme vous l'avez fait, vous pourriez peut-être dire aussi que Mme McDonough a manqué les 20 premières minutes de la séance.

+-

    Le président: Monsieur McTeague, personne n'a identifié qui était sorti de la salle. Les gens sortent quand ils pensent qu'ils doivent sortir.

    Monsieur MacAulay, je suis désolé mais j'ai besoin de vous pendant 30 secondes de plus.

    Je tiens à remercier beaucoup nos témoins—M. Staples, M. Buckley, M. Neil et M. Byers.

    Monsieur Paquette, j'ai besoin de vous pour une motion.

    Jeudi prochain, nous sommes censés avoir le PNUD, le Fonds de développement des Nations unies. Nous sommes également censés faire l'étude article par article du projet de loi C-25 mais, à la demande de Mme Lalonde, qui a trouvé d'autres témoins à l'Université de Sherbrooke, nous entendrons ces témoins ce jour-là, si vous êtes tous d'accord.

    Nous ferons l'étude article par article et donnerons beaucoup de temps... Si l'un des membres du comité veut proposer des amendements, il devra le faire à notre retour, le 8 mars.

    Monsieur Sorenson.

  -(1200)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Donc, de neuf heures à 10 heures, nous entendrons les témoins de Mme Lalonde, après quoi nous passerons à l'étude article par article?

+-

    Le président: Non. Jeudi, nous traiterons du projet de loi C-25 de neuf heures à 10 heures, puis nous entendrons les représentants du PNUD, le Fonds de développement des Nations unies, de 10 heures à 11 heures. C'est ce qui est prévu.

    Le 8 mars, à notre retour, nous procéderons à l'étude article par article. Toute la matinée de mardi sera consacrée à cela.

+-

    M. Kevin Sorenson: Ma question devrait peut-être être adressée au secrétaire parlementaire mais savons-nous s'il y aura des propositions d'amendement?

+-

    Le président: Tout ce que je sais, c'est qu'il y en aura certaines du Bloc québécois mais, pour ce qui est du gouvernement, nous ne le savons pas encore. Cela nous donnera du temps car, si vous voulez des amendements—puisque beaucoup de témoins en ont suggéré—nous devrons les faire examiner attentivement par le ministère. Cela veut dire que tout cela prendra plus de 10 jours.

+-

    M. Kevin Sorenson: Autre question pour Mme Lalonde.

    Les témoins que vous avez proposés, de l'Université de Sherbrooke, sont-ils des experts en télédétection?

+-

    Le président: Oui.

+-

    M. Kevin Sorenson: Très bien. Merci.

+-

    Le président: Ça vous convient?

+-

    M. Kevin Sorenson: Oui.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: En quelques minutes, nous avons découvert qu'il existait à Sherbrooke un des plus grands instituts de télédétection du Canada. Nous n'avions pas de satellite pour le détecter, mais il reste que nous l'avons trouvé.

[Traduction]

+-

    Le président: Tout le monde est d'accord?

    Des voix : D'accord.

[Français]

-

    Le président: Merci beaucoup.

    La séance est levée.