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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 27 octobre 2005




Á 1110
V         Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.))
V         M. David Rudd (président et directeur administratif, Institut canadien des études stratégiques)

Á 1115
V         Le président
V         M. David Rudd

Á 1120
V         Le président
V         M. Ernie Regehr (conseiller principal en politiques, Project Ploughshares)

Á 1125

Á 1130
V         Le président
V         M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC)
V         M. David Rudd

Á 1135
V         M. Ernie Regehr

Á 1140
V         M. Gordon O'Connor
V         Le président
V         M. Gordon O'Connor
V         Le président
V         Mr. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)
V         M. David Rudd
V         M. Claude Bachand
V         M. Ernie Regehr

Á 1145
V         M. Claude Bachand
V         Le président
V         M. Claude Bachand
V         Le président
V         M. David Rudd
V         M. Claude Bachand
V         M. David Rudd
V         M. Claude Bachand
V         M. David Rudd
V         Le président
V         M. Ernie Regehr

Á 1150
V         Le président
V         L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.)
V         Le président
V         M. David Rudd
V         L'hon. Keith Martin
V         M. David Rudd
V         M. Claude Bachand
V         M. David Rudd

Á 1155
V         M. Ernie Regehr

 1200
V         L'hon. Keith Martin
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, PCC)
V         M. David Rudd

 1205
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. Ernie Regehr
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. Ernie Regehr
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         M. Ernie Regehr
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Ernie Regehr
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC)
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Ernie Regehr

 1210
V         M. David Rudd

 1215
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. David Rudd
V         Le président
V         M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ)
V         M. David Rudd
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. David Rudd

 1220
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. Ernie Regehr
V         Le président
V         M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.)
V         M. Ernie Regehr
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd

 1225
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         M. Anthony Rota
V         M. David Rudd
V         Le président
V         M. Gordon O'Connor
V         M. David Rudd
V         M. Ernie Regehr

 1230
V         M. David Rudd
V         Le président
V         M. Ernie Regehr

 1235
V         Le président
V         M. David Rudd
V         L'hon. Keith Martin
V         M. David Rudd
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte.

    Bonjour et bienvenue à la réunion du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Nous poursuivons notre examen des questions touchant la politique de défense.

    Nous accueillons aujourd'hui M. David Rudd, président et directeur administratif de l'Institut canadien des études stratégiques, et M. Ernie Regehr, conseiller principal en matière de politiques du Projet Ploughshares. Messieurs, bienvenue.

    Vous avez droit à dix minutes au maximum pour vos exposés, après quoi, nous passons aux questions. Nous allons avoir un premier tour de sept minutes, un deuxième, de cinq minutes, et un troisième, de cinq minutes également.

    Monsieur Rudd, nous vous écoutons.

[Français]

+-

    M. David Rudd (président et directeur administratif, Institut canadien des études stratégiques): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.

[Traduction]

    S'il n'y a pas d'objections, je discuterai des rapports avec l'OTAN quand nous passerons aux questions. Je ne savais pas vraiment quels angles d'approche et enjeux le comité voulait explorer. Je pense que vous reçu mon exposé. Encore une fois, si vous voulez me poser des questions à ce sujet, n'hésitez pas à le faire.

    J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'énoncé de la politique de défense — je tiens à préciser que j'exprime ici mon opinion personnelle, et non pas celle de l'organisme que je représente. C'est Dave Rudd qui parle, et personne d'autre.

    Cela dit, je suis heureux de voir que le gouvernement a non publié un énoncé de la politique de défense, après plusieurs hésitations, mais qu'il a également officiellement reconnu le lien qui existe entre la défense, la diplomatie et le développement. L'équation est très simple. La sécurité assurée par des forces militaires solides et bien équipées dans des pays déchirés par les conflits ouvre la voie à la reconstruction des institutions gouvernementales et favorise le développement socio-économique, ce qui, en retour, renforce la sécurité. Bien entendu, je suppose qu'il y a également une dimension nationale à tout cela.

    L'énoncé de la politique de défense est, dans l'ensemble, bien pensé. J'aurais aimé, toutefois, que l'on se fonde davantage sur l'opinion d'experts pour justifier certaines décisions et observations. Nos cousins britanniques, eux, ont publié, à l'intention du public, une série d'études d'appui préparées par des experts quand ils ont dévoilé, récemment, leur politique de défense.

    Par ailleurs, il semble y avoir un lien très étroit entre les grands objectifs de la politique de défense, ceux-ci étant la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord en collaboration avec les États-Unis, et les contributions à la sécurité internationale. On semble, dans le cas de la sécurité internationale, mettre l'accent sur la stabilisation des États en déroute ou défaillants, un objectif à mon avis fort raisonnable. Veuillez m'excuser d'employer ce terme, mais j'ai l'impression que nous sommes en train de créer une « niche » sur le plan du savoir-faire et des opérations à l'échelle internationale.

    Nous parlons des forces qui sont prêtes au combat, mais avez-vous remarqué qu'il n'est jamais question, dans l'énoncé de la politique de défense, des forces qui « participent au combat »? Je pense que l'on a délibérément choisi de laisser cette expression de côté. Il est vrai que la stabilisation des États en déroute ou défaillants passe par la mise en échec, disons, de l'insurrection armée. Toutefois, le fait qu'on ne parle pas de combats interétatiques, ou de guerres au sens traditionnel du terme, résulte d'une décision qui, à mon avis, est très délibérée, une décision qui reflète l'adoption d'une approche quasi post-moderne à l'égard des relations internationales. On a peut-être voulu, aussi, envoyer le message suivant aux Canadiens: les militaires ont pour mandat de servir les intérêts nationaux, et je ne parle pas ici des intérêts exclusivement locaux, mais aussi les intérêts internationaux plus grands qui existent. Autrement dit, nous prenons possession d'un territoire dans le seul but de le remettre intact, ou encore dans un meilleur état, à un gouvernement qui a été marqué par l'instabilité ou que l'on a fait tomber.

    Bien sûr, les deux autres objectifs de l'énoncé restent entiers. Nous allons collaborer avec les Américains, d'où la possibilité que l'on élargisse le NORAD pour y inclure les opérations maritimes — ce qui est noble en soi, dans la mesure où cela nous permet de renforcer nos ressources de défense plutôt modestes en les unissant à celles des Américains et, par conséquent, d'atteindre des objectifs jugés auparavant trop coûteux. Est-ce que cela va nous obliger à céder une partie de notre souveraineté? Il y a lieu de se poser la question.

    L'énoncé de politique soulève, chez moi, plusieurs inquiétudes.

    J'aimerais vous parler brièvement des ressources humaines. Elles constituent, selon moi, la pierre angulaire des plans du gouvernement. Nous pouvons parler d'équipement, de ceci, de cela, mais si nous n'avons pas de politique sur les ressources humaines... Si vous n'avez pas suffisamment d'effectifs, de personnes bien formées et bien encadrées, que ce soit dans la force régulière ou dans la réserve, rien de tout cela ne sera possible, que vous soyez ou non d'accord avec ce que dit l'énoncé. Vous aurez besoin d'effectifs si vous voulez que les forces armées accomplissent d'autres tâches.

    Est-il possible de recruter 5 000 membres de plus pour la force régulière, ou encore 3 000 membres de plus pour la réserve? Je ne le sais pas. Il s'agit là d'un objectif fort ambitieux que l'on prévoit atteindre au cours des cinq prochaines années. Nous parlons de défense, de diplomatie et de développement — les trois D. Je pense que le comité devrait plutôt s'intéresser aux trois R : le recrutement, la rétention et le rengagement — je fais allusion, dans ce dernier cas, aux militaires qui veulent reprendre du service, que ce soit dans la force régulière ou dans la réserve. Nous devons supprimer les obstacles bureaucratiques qui les empêchent de le faire.

    Donc, comme je l'ai mentionné, les ressources humaines constituent notre principale priorité. Nous pouvons, si nous voulons, remplacer tous les avions désuets que nous avons. Toutefois, si nous n'avons pas de pilotes ou encore de techniciens pour s'en occuper, nous n'irons nulle part.

    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Il vous reste environ cinq minutes et demie.

+-

    M. David Rudd: Pour ce qui est des capacités individuelles, je pense que l'amélioration du soutien logistique apporté aux opérations militaires canadiennes, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, est un objectif louable. Le gouvernement et les Forces canadiennes ont raison d'accélérer les programmes de recapitalisation qui mettent l'accent sur la logistique — des camions pour l'armée, des navires de soutien pour la marine, des avions de transport pour les forces aériennes —, et pas seulement parce ces dernières sont appelées à mener des opérations utilitaires et à l'étranger. Le général Hillier prône, à juste titre, une stratégie qui a pour devise « Le Canada d'abord ». À preuve : la création du Commandement Canada. Nous devons également fournir les ressources matérielles nécessaires qui vont nous permettre d'assumer notre responsabilité première, qui est, bien sûr, la sécurité de notre propre pays.

    Donc, pendant que nos militaires préparent leur premier plan d'investissement dans les capacités de défense, qui devrait être déposé en décembre ou en janvier, le comité, lui, devrait examiner de près les capacités qui sont considérées comme étant prioritaires. S'il n'en tenait qu'à moi, je mettrais l'accent sur les capacités qui sont jugées pertinentes sur le plan national, mais également sur le plan international, les capacités qui nous permettent de participer aux missions de soutien aux autorités civiles au Canada, et aux missions de stabilisation à l'étranger.

    L'énoncé de la politique de défense repose, à mon avis, sur une vision qui est juste, une vision qui est réalisable. Les crédits prévus dans le dernier budget constituent, selon moi, un point de départ. Le comité ne doit se faire aucune illusion au sujet de la gravité du problème concernant les ressources humaines et l'équipement. Par conséquent, cette somme additionnelle de 12,8 milliards de dollars, un chiffre formidable sur papier, devrait être considérée comme la première étape d'un effort plus important et soutenu, si nous voulons que ces objectifs modestes, mais louables, soient atteints.

    Je crois — et encore une fois, je ne lance la pierre à personne — que le MDN et les FC sont très conscients du contexte politique dans lequel nous évoluons. Le gouvernement a débloqué des fonds non seulement parce que la cadence opérationnelle des troupes est trop exigeante, mais également parce qu'il estime qu'après 10 ans, le sous-financement des forces armées est devenu une source d'embarras politique sur la scène nationale.

    Je répète ce que je viens de dire. Si l'on a débloqué des sommes supplémentaires, et si ce dossier suscite beaucoup d'intérêt sur le plan politique, c'est parce que la question est devenue une sources d'embarras. Je crains que le prochain gouvernement, qu'il soit minoritaire ou majoritaire — peu importe le parti au pouvoir —, convaincu qu'il a éteint le feu par cette injection de fonds supplémentaires, ne redevienne complaisant.

    Il est donc possible, à moyen terme — c'est-à-dire au cours des cinq ou six prochaines années —, que l'on reprenne toute cette démarche de nouveau. Autrement dit, une fois que l'optimisme initial, que le regain d'intérêt manifesté par le gouvernement se sera dissipé, nous allons retomber dans un état de semi-complaisance.

    Enfin, nous avons du retard à rattraper sur le plan de la recapitalisation, et surtout, des ressources humaines. Ce dernier point constituera le principal obstacle à la réalisation de ces objectifs.

Á  +-(1120)  

    Les objectifs, à mon avis, sont bien définis. Ils servent les intérêts du Canada et ceux, plus vastes, de la communauté internationale. Nous devons surveiller de près les relations que nous entretenons avec les États-Unis sur le plan de la sécurité. Nous ne devons pas chercher à apaiser Washington, mais plutôt prendre des initiatives et élargir ces relations, si elles servent l'intérêt national.

    Toutefois, il faut s'attaquer aux problèmes qui existent sur les plans de la recapitalisation et des ressources humaines. Si nous voulons que la communauté internationale compte davantage sur le Canada, nous devrons être prêts à faire un peu plus que ce que nous nous sommes engagés à faire.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Rudd.

    Monsieur Regehr.

+-

    M. Ernie Regehr (conseiller principal en politiques, Project Ploughshares): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de participer aux réunions que tient le comité dans le cadre de son examen sur l'énoncé de politique internationale.

    Je compte surtout vous parler, comme l'a fait David, de la politique en général, de la pertinence de la politique en général, comme l'indique l'invitation. J'ai l'intention de mettre l'accent sur la contribution des militaires à la paix et à la sécurité internationales. Je n'aborderai pas la question de la défense du Canada et de l'Amérique du Nord.

    Il y a trois points en particulier que je désire porter à votre attention. D'abord, nous devons accroître le financement des mesures de sécurité non-militaires pour régler le problème que pose la défaillance des États. Ensuite, nous devons améliorer les capacités et les méthodes militaires afin de mieux protéger les populations en péril à l'échelle internationale. Enfin, nous devons, sur le front diplomatique, consacrer plus d'efforts à l'élaboration d'un processus d'intervention opportun et crédible à l'échelle internationale pour protéger les populations.

    L'énoncé de politique, et surtout les chapitres consacrés à la défense, mettent l'accent, à juste titre, sur les États en déroute ou défaillants. Ces États ont un impact sur les intérêts du Canada. Ils compromettent l'ordre international stable, fondé sur des règles, dont dépend la sécurité du Canada. Tout aussi important, ils constituent une sérieuse menace à la sécurité humaine et préoccupent le Canada pour une raison fort simple mais convaincante : comme le précise l'énoncé de politique, la souffrance qu'ils engendrent constitue un affront aux valeurs canadiennes.

    La défaillance des États n'est pas attribuable à des raisons essentiellement militaires. La préparation militaire n'est pas, non plus, la principale solution à ce problème. Il est vrai qu'il est nécessaire de faire appel aux militaires dans des situations d'urgence, pour faire face à l'instabilité accrue qui existe, protéger les populations vulnérables et rétablir l'ordre. Toutefois, la capacité militaire ne peut, à elle seule, assurer l'efficacité de ces interventions.

    Par ailleurs, comme l'indique la politique de sécurité nationale d'avril 2004, le Canada mise surtout sur la prévention — par des programmes de développement, un appui aux droits de la personne et à la démocratie, un recours à la diplomatie pour prévenir les conflits et des contributions à la sécurité humaine.

    Ce sont là des mesures dites de sécurité : elles favorisent la stabilité économique, la promotion du développement, le respect des droits, le rétablissement de la confiance du peuple — autrement dit, la démocratie. Le contrôle des armements, et surtout des armes légères, moyen par lequel les griefs politiques et l'anarchie dans certains pays dégénèrent en violence — autrement dit, le désarmement — constitue lui aussi une mesure de sécurité. Il faut également appuyer davantage la diplomatie pour encourager la réalisation de ces autres objectifs et assurer le règlement pacifique des conflits.

    Ces quatre priorités en matière de sécurité peuvent nous aider à venir à bout des États défaillants. Toutefois, elles ne constituent pas des priorités de dépense en matière de sécurité. Il y a 50 ans, Lester Pearson, dans son discours d'acceptation du prix Nobel, déclarait que nous nous préparons à la guerre comme des géants précoces et à la paix comme des pygmées attardés.

    Est-ce que ces mesures de sécurité constituent des priorités de dépense pour le Canada? Le budget de février a ceci de positif qu'il promet d'accroître les dépenses militaires. Toutefois, il n'arrive pas à établir un juste équilibre entre l'ensemble des mesures de sécurité qui sont proposées.

    Prenons, par exemple, les dépenses consacrées à la défense par rapport au développement. Le ratio, à l'heure actuelle, est d'environ 4:1 — autrement dit, on consacre quatre fois plus d'argent à la défense qu'au développement. Il est vrai qu'on s'attend à ce que la défense coûte plus cher en raison des besoins qui existent côté logistique, ressources humaines et équipement.

    Si le Canada consacrait, comme prévu, 0,7 p. 100 du PIB à l'APD et qu'il augmentait ses dépenses militaires de manière à ce qu'elles passent de 1,1 p. 100 à 1,4 p 100 ou 1,5 p. 100 du PIB, on augmenterait de façon considérable l'enveloppe globale de la sécurité au Canada. Le rapport entre la défense et le développement s'établirait donc à 2:1, comme dans la plupart des États nordiques — la Suède, la Norvège, le Danemark— , et les Pays-Bas. Ce rapport constituerait une réponse beaucoup plus pertinente aux impératifs de sécurité clairement définis dans l'énoncé de politique internationale.

Á  +-(1125)  

    Au lieu de cela, on prévoit consacrer, dans le budget de février, 0,33 p. 100 du PIB, d'ici 2010, à l'APD, et de porter les dépenses de défense à 1,6 p. 100 du PIB, ce qui donne un rapport entre la défense et le développement de 4:1. Il y a lieu de se poser la question suivante: est-ce que cette tendance va nous permettre d'apporter une aide plus efficace aux États en déroute ou défaillants, et de mettre l'accent, comme on s'est engagé à le faire, sur la prévention?

    Il est vrai que la promotion de la sécurité et du bien-être des personnes dans leurs demeures et dans les communautés comporte une dimension militaire importante. Il est sans doute inutile de rappeler qu'il est impossible de régler rapidement le problème que pose la défaillance des États — que ce soit par la voie militaire ou diplomatique. L'épuisement du sol, la rareté de l'eau, l'absence de soins de santé et d'infrastructures de base, l'exclusion politique, les conflits religieux et ethniques, l'abondance des armes — ces facteurs contribuent, ensemble, à produire des États défaillants. Il faut, pour y venir à bout, des stratégies à long terme de consolidation de la paix.

    Qu'en est-il, entre-temps, des besoins militaires? L'énoncé de la politique précise que « la capacité de réagir aux défis que posent les États en déroute ou défaillants servira de point de repère aux Forces canadiennes ». Il y a lieu de se demander quel genre de préparation militaire pertinente nous permettra de remplir cette mission.

    Le rapport de 2001 de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États, la CIISE, propose quelques réponses. Elle insiste sur la nécessité de définir les rôles particuliers et les objectifs des forces qui sont appelées à protéger les populations vulnérables —  qui attendent l'adoption de stratégies à long terme de consolidation de la paix pour changer le milieu de sécurité dans lequel elles évoluent. Pour ce qui est de la responsabilité de protéger, le rapport de la CIISE précise que le défi consiste à définir « les tactiques et les stratégies d'intervention militaire propres à combler le vide qui existe actuellement entre des conceptions périmées du maintien de la paix et des opérations militaires à grande échelle qui peuvent avoir des répercussions délétères sur les civils ». On précise plus loin « qu'une intervention militaire à des fins de protection humaine correspond à une forme d'action militaire nettement plus circonscrite et ciblée qu'une guerre totale ». Toujours selon le rapport:

Pour obtenir le concours de la population civile, les chefs militaires doivent s'imposer certaines limites et démontrer, par leur retenue, que l'opération n'est pas un acte de guerre visant à provoquer la défaite d'un État, mais plutôt une intervention destinée à protéger les populations se trouvant sur le territoire de cet État contre le harcèlement, la persécution ou l'extermination.

    L'énoncé de politique semble abonder dans le même sens. Il reconnaît que « nos soldats, marins et aviateurs sont de plus en plus appelés à travailler dans des milieux où la démarcation entre la guerre et la paix est devenue floue ». Il énumère ensuite divers instruments, « comme la négociation, les compromis, une sensibilité aux réalités culturelles, voire même des armes de précision », mais sans trop préciser comment il faudra remanier l'instruction, l'équipement et les règles d'engagement afin de privilégier, comme on le dit dans l'énoncé, « le caractère sacré de la vie humaine ». Tout cela fait partie du plan d'investissement dans les capacités de défense auquel David a fait allusion.

    Malheureusement, la préparation militaire, y compris la force de réaction de l'OTAN, ne garantit pas une intervention précoce. L'incapacité de la communauté internationale d'intervenir efficacement pour aider une population en péril au Darfour et ailleurs n'est pas attribuable à un manque de capacités militaires, mais plutôt au fait que la communauté internationale est incapable de prendre des décisions cohérentes en temps opportun.

Á  +-(1130)  

    Je crains que l'Énoncé de politique international ne laisse largement de côté ce problème fondamental de la réaction face aux États en déroute. En fait, compte tenu de l'importance accordée à l'OTAN ainsi qu'aux Nations Unies, il est quasiment sous-entendu que l'OTAN peut mettre sur pied une force d'intervention et s'appuyer sur sa propre prise de décision. L'OTAN et les Nations Unies semblent être pratiquement équivalentes d'après l'Énoncé, vu que ces deux organisations internationales sont régulièrement mentionnées ensemble comme étant importantes pour le Canada.

    Toutefois, l'OTAN n'est pas bien sûr une organisation régionale du système des Nations Unies, elle n'est donc pas, contrairement à l'Union africaine ou à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, un organisme géographiquement et politiquement inclusif chargé de représenter les intérêts régionaux et de prendre des décisions qui les favorisent. Au contraire, sur la scène internationale, l'OTAN est en fait une coalition de partenaires pour une même cause. C'est le point essentiel. Elle ne peut pas être l'auteur de sa propre légitimité, elle nécessite une confirmation externe de sa légitimité et, à cet égard, se fonde sur la Charte des Nations Unies relative au droit de défendre. Elle se fonde sur le Conseil de sécurité lui-même, et, dans certaines circonstances, sur les décisions d'organisations régionales de bonne foi et politiquement inclusives.

    C'est en fait la prise de décision assurée et opportune au sein de ces organisations aux États-Unis et dans les organisations régionales qui est la clé de l'opportunité de toute action, intervention et appui aux populations dans les États en déroute et défaillants. Si nous n'avons pas les moyens nécessaires pour assurer une prise de décision opportune et responsable, le réalignement, la réadaptation et le développement militaires dans le monde ne vont pas changer et c'est-là le problème fondamental.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur.

    Nous allons passer aux membres du comité et commencer par M. O'Connor.

    Monsieur O'Connor.

+-

    M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): Merci, monsieur le président.

    J'imagine que je pourrais vous demander à tous les deux de répondre à cette question, mais c'est M. Rudd qui l'a soulevée. Au sujet de l'expansion du NORAD, des négociations binationales en cours, je me demande ce que vous pensez de l'avenir de cette activité et de l'orientation qui selon vous devrait être la sienne.

+-

    M. David Rudd: Je dois avouer que je n'y crois pas trop. La transformation la plus importante au sujet de l'avenir du NORAD, ou la suggestion qui en est faite, sous-entend l'élargissement du mandat afin de couvrir la sphère maritime, en d'autres termes, l'espace aérospatial et maritime.

    Si l'on peut prouver que les approches maritimes du Canada peuvent être mieux protégées grâce au regroupement des ressources avec les États-Unis... Comme nous le savons, leurs ressources sont considérablement plus importantes que les nôtres. Je renvoie, par exemple, au projet américain Deepwater, qui vise à rééquiper toute la U.S. Coast Guard, l'une des marines les plus importantes du monde. S'il est jugé pertinent que les navires canadiens et américains aient accès aux deux territoires, bien qu'au service des deux gouvernements, peut-être est-ce un point que nous serions enclins à approuver.

    J'ai l'impression toutefois que le débat au sujet de l'avenir du NORAD va dans une grande mesure être faussé, puisque l'on détecte une certaine appréhension au sujet des prévisions en matière de politique étrangère de l'administration américaine. Tout effort visant à élargir le mandat de l'organisation, même d'une façon qui, objectivement, pourrait sembler servir l'intérêt du Canada, va subir un revers, simplement parce que nous ne voulons pas présenter quoi que ce soit aux Canadiens qui leur ferait croire que nous abandonnons notre souveraineté au profit des Américains.

    Je suis d'un optimisme prudent et pense que non seulement l'organisation va survivre, mais que son mandat sera quelque peu modifié pour que nous puissions tirer parti des ressources américaines plus que nous ne le faisons actuellement. La solution de rechange pourrait être assez coûteuse — un programme de recapitalisation des secteurs maritimes de la structure nationale de sécurité.

    Ceci étant dit, je ne suis pas certain de l'orientation du NORAD. En fait, mis à part l'examen de son image interne, je n'en suis pas sûr. Il est très bien d'examiner l'avenir du NORAD, mais n'oublions pas non plus qu'on procède actuellement à une autre refonte des commandements, je veux parler de la création de Commandement Canada. Il s'agit d'une organisation qui va s'occuper de la situation intérieure, mais qui s'accompagnera probablement d'une organisation institutionnelle correspondante au sein du U.S. Northern Command.

    Par conséquent, tout en parlant des ententes coopératives avec les États-Unis, ne nous contentons pas de parler simplement du NORAD, mais des liens entre CANCOM et NORTHCOM, par exemple, en cas d'incident, qu'il s'agisse d'un tremblement de terre ou d'une bombe sale, dans les zones frontalières. Je pense qu'il faut commencer à parler de la façon dont notre nouveau commandement va s'articuler avec le leur, car si quelque chose arrive, les Canadiens vont non seulement manifester leur impatience, mais aussi exiger des mesures très efficaces. Si ces ententes institutionnelles ne sont pas conclues, les répercussions politiques pour ceux qui sont au pouvoir vont être graves.

    J'espère avoir répondu à votre question et l'avoir développée.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Ernie Regehr: Merci.

    En règle générale et selon de grands principes, il est évidemment fort important pour des États voisins — le Canada et les États-Unis, le Mexique, et en particulier l'Amérique du Nord — d'avoir des ententes coopératives en matière de sécurité, afin de coopérer les uns avec les autres de façon significative.

    L'un des engagements fondamentaux que nous prenons à l'égard des États-Unis consiste à les assurer de façon crédible que les menaces à leur sécurité ne vont pas provenir de notre territoire et que nous nous attendons à la même chose en retour. La coopération s'impose donc. Je ne pense pas que cela se traduise nécessairement par des ententes de commandement mixte. Si l'on créait le NORAD aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y aurait une entente de commandement mixte; nous aurions une coopération entre, comme l'a dit David, le Commandement Canada et NORTHCOM. Je ne vois pas de raison impérieuse qui nous pousserait à conclure des ententes de commandement mixte en mer.

    Fondamentalement, je crois, vous coopérez avec notre voisin, mais vous le faites en gardant votre indépendance et votre capacité d'agir indépendamment et à l'étranger. Il est très important que le Canada mette sur pied ce centre d'évaluation des menaces. Le Canada doit avoir la capacité d'évaluer les menaces de façon indépendante en Amérique du Nord et à l'échelle internationale pour comprendre l'environnement en matière de sécurité, surtout d'un point de vue canadien. Nous devons disposer d'une interopérabilité qui soit multilatérale, et être en mesure de travailler collectivement non seulement avec les forces américaines mais avec les forces internationales, car lorsque nous intervenons dans un État en déroute, cela risque de ne pas être avec l'armée américaine, mais plutôt avec d'autres.

    Par conséquent, l'interopérabilité doit être non pas nord-américaine, mais multilatérale; l'évaluation des menaces doit se faire de façon indépendante et il faut assurer la capacité de fonctionner indépendamment dans le monde, sans être trop lié aux caprices ou priorités d'une administration américaine donnée.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Gordon O'Connor: Me reste-t-il du temps?

+-

    Le président: Il vous reste près de 33 secondes.

+-

    M. Gordon O'Connor: Je ne vais pas les utiliser, parce que ma question est trop longue.

+-

    Le président: D'accord et merci de respecter votre temps de parole.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    Mr. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Premièrement, je veux vous remercier pour votre présentation. On voit que vous connaissez bien le sujet. Je crois qu'il est important que nous puissions côtoyer des gens comme vous afin de bien se faire une idée de la direction que l'on veut emprunter en ce qui concerne la politique de défense.

    Je veux revenir sur la question de NORAD, car il y a un sujet qui n'a pas été traité. Je suis en faveur de l'expansion maritime. Je crois que nous devrions voir ce qui s'approche des côtes de l'Amérique du Nord, etc.

    Cependant, il y a un aspect sur lequel je voudrais que vous m'entreteniez. Je veux parler de NORTHCOM, du nouvel amendement de NORAD. Il y a eu un amendement au mois d'août de l'année dernière qui permet maintenant à NORAD d'envoyer l'information à NORTHCOM, qui est relié, naturellement, au bouclier antimissile. Lorsqu'on a visité NORAD, on nous a dit que si le Canada avait dit oui, une place qui est maintenant occupée par un Américain serait occupée par un Canadien.

    Alors, il y a deux écoles de pensée au sujet de NORAD. D'ailleurs, M. McKenna partage probablement le point de vue de l'une de ces écoles de pensée, à savoir que si le Canada apporte sa participation à la détection de missiles antibalistiques, cela signifie qu'il ne fait pas partie du bouclier antimissile, qu'il ne fait que participer à la détection.

    À mon avis, M. McKenna voulait signifier que nous faisons fait déjà partie du bouclier antimissile, puisque nous faisons la détection. Cependant, le Canada n'est pas celui qui va appuyer sur le bouton pour une contre-attaque; ce sont les Américains de NORTHCOM qui le feront, et non pas NORAD.

    Alors, j'aimerais avoir votre opinion. Participe-t-on ou ne participe-t-on pas au bouclier antimissile. Je serais porté à penser que nous en sommes, puisque nous utilisons notre territoire pour faire la détection et que nous disons ensuite que nous ne nous en mêlons plus, que c'est NORTHCOM qui va agir.

+-

    M. David Rudd: Je ne sais pas de quelle façon traduire l'expression « plausible deniability ». À mon avis, nous faisons partie de la mission contre les missiles, parce que la détection des missiles antibalistiques fait partie de la mission de les détruire. Je crois donc que le gouvernement a tort de dire que ce n'est pas notre responsabilité et que c'est la responsabilité de la US Air Force seulement. J'en doute.

+-

    M. Claude Bachand: J'aimerais avoir l'avis de M. Regehr. Vous êtes un représentant des églises, des groupes sociaux, etc. Alors, j'imagine que vous êtes contre le bouclier antimissile.

[Traduction]

+-

    M. Ernie Regehr: Je pense que cela reste quelque peu ambigu, mais une distinction s'impose. Pendant la guerre froide, le Canada a toujours participé à la détection des missiles. L'information était transmise au U.S. Strategic Command et les Américains décidaient alors des mesures à prendre. Nous ne faisions pas partie du processus de décision au cours de la guerre froide et n'avions rien à dire au sujet de la façon dont les États-Unis useraient de représailles en cas d'attaque de missile; nous ne participerions pas non plus aujourd'hui aux décisions américaines sur les mesures de représailles, qu'il s'agisse d'une attaque de représailles ou d'une tentative d'interception. C'est une mission américaine. En fait, la modification apportée en août au NORAD était un peu redondante, car les commandements américains ont toujours eu accès à toute l'information du NORAD. Il était inutile d'apporter une modification au NORAD pour donner à NORTHCOM l'accès à l'information. C'était un peu de la comédie.

    Le Canada fait partie du processus de détection et de compréhension des menaces, mais c'est aux États-Unis de décider de la façon dont ils vont réagir. Le Canada doit prendre une décision nationale pour savoir s'il veut un commandement mixte dans le cadre d'une opération de défense antimissile ou non.

    Soit dit en passant, l'enthousiasme américain pour le système terrestre en Alaska se refroidit considérablement.

Á  +-(1145)  

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: J'ai deux courtes questions pour chacun d'entre vous.

    Monsieur Rudd, vous aviez des réserves face aux 13 milliards de dollars. Comme vous l'avez dit — ou je vais vous l'apprendre —, pour les premières années, c'est quand même un apport budgétaire assez restreint. Comment voyez-vous une planification stratégique à long terme, alors que nous, les députés, sommes obligés de voter annuellement un budget de défense? C'est beau de dire qu'on va augmenter le budget de 13 milliards de dollars sur cinq ans, mais dans deux ans, si le gouvernement actuel n'est plus là et que son remplaçant change de cap, qu'en sera-t-il? La planification stratégique est-elle compatible avec le type de Parlement que nous avons, où on doit voter annuellement sur les budgets?

    Monsieur Regehr, vous avez parlé du ratio deux pour un. J'aimerais savoir si vous avez basé ce ratio seulement sur les pays nordiques ou si c'est le ratio général. Quand vous parlez de ce ratio, cela correspond à la défense versus l'aide internationale. J'aimerais aussi vous entendre parler de la diplomatie, qui est le troisième d.

    Actuellement, à Kandahar, avec l'EPR, le ratio est de 99 p. 100 pour la défense et d'environ 1 p. 100 pour la diplomatie et l'aide internationale. Je crois qu'il faudra revoir ce ratio. Comment faites-vous entrer là-dedans le devoir de protéger, puisque c'est en cours? Il faudra agir. Peut-on agir tout seul, compte tenu du devoir de protéger?

[Traduction]

+-

    Le président: Nous aimerions avoir le temps d'entendre la réponse.

+-

    M. Claude Bachand: Eh bien, peut-être pourra-t-il répondre au moment du deuxième tour de table.

+-

    Le président: Non, s'il vous plaît, nous voulons quelques réponses rapides.

[Français]

+-

    M. David Rudd: Je veux m'assurer que j'ai bien compris votre question. Vous m'avez demandé s'il faut voter sur le budget de défense chaque année?

+-

    M. Claude Bachand: Nous votons sur le budget de défense chaque année.

+-

    M. David Rudd: Les députés?

+-

    M. Claude Bachand: Oui. Comment conciliez-vous cela avec la planification stratégique à long terme? Est-il possible de faire les deux?

[Traduction]

+-

    M. David Rudd: Je crois que cela se ferait davantage dans le cadre des évaluations pluriannuelles, en raison de ce que l'on appelle les « fluctuations de la vie politique » — j'adore cette expression. Ces fluctuations sont tellement prononcées dans notre processus politique — c'est une observation et non un reproche — qu'à mon avis on est probablement confronté à trop de caprices politiques. Par opposition, c'est grâce à la stabilité du budget que nous pouvons le mieux atteindre ces objectifs valables et modestes. Par conséquent, si l'on se déchire chaque année à ce sujet, on court le risque qu'un budget, par exemple, soit paralysé simplement parce que les forces armées voudraient acheter, par exemple, un équipement et que cela devienne un sujet fort controversé. Je n'aimerais pas que le budget soit paralysé à cause d'un poste budgétaire. Ce serait tout à fait contre-productif.

+-

    Le président: Monsieur Regehr, veuillez répondre rapidement.

+-

    M. Ernie Regehr: Merci.

    Permettez-moi simplement de parler des fluctuations de la vie politique; selon moi, l'un des gros avantages des évaluations annuelles, c'est qu'elles obligent le processus politique à parvenir à un consensus constant en matière de sécurité. Il faut que tout un chacun prenne conscience des priorités en matière de sécurité. Je pense que c'est la discipline qui découle obligatoirement du financement annuel.

    Pour ce qui est du ratio deux pour un, il s'agit d'une comparaison entre les pays du nord de l'OCDE qui contribuent à l'aide au développement. C'est une comparaison arbitraire, mais qui permet de comparer l'engagement relatif de chacun d'eux.

    Je crois également qu'on peut en dire long au sujet des équipes de reconstruction ainsi que des avantages et des écueils qu'elles représentent. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il arrive très souvent que la diplomatie et la promotion de la démocratie et du développement exigent un appui militaire, pour bâtir un environnement sécuritaire. Il est également vrai que pour que le militaire parvienne à créer un environnement sécuritaire de manière efficace, il a besoin du soutien fort actif de la diplomatie, de la restructuration financière, du développement démocratique institutionnel, etc.; les deux vont de pair. Dans les États en déroute, il y a intérêt à ce que cet équilibre existe.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons à M. Martin.

+-

    L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Ernie et Dave, je suis content de vous voir et merci beaucoup de passer du temps avec nous.

    David, je vais vous poser la première question, qui porte sur la priorité ou le point le plus important que vous avez abordé, comment régler le problème des déficits en ressources humaines auquel nous sommes confrontés? Peut-être pourriez-vous nous donner des solutions très précises et constructives sur la façon dont nous pourrions améliorer le recrutement, le maintien et le réengagement dans les forces. Si vous ne les avez pas maintenant et que vous souhaitez y réfléchir, peut-être pourriez-vous revenir et présenter à nos attachés de recherche des solutions très précises, car notre comité tient véritablement à essayer de régler ces problèmes.

    Ernie, nous nous connaissons depuis au moins 10 ans et nous nous sommes attaqués aux défaillances de la collectivité internationale: comment renforcer le droit de protéger? Vous-même et bon nombre de vos collègues n'avez pas ménagé vos efforts à cet égard. Nous avons été témoins des difficultés que le Canada a connues pour simplement faire adopter le rapport intitulé La responsabilité de protéger dans le cadre des récentes négociations des Nations-Unies si bien que je vous demanderais si vous avez des solutions précises à proposer dans deux domaines.

    Premièrement, quelles initiatives précises le Canada peut-il prendre pour convaincre la communauté internationale, puisqu'il s'agit d'une question de volonté politique, de la façon dont nous pouvons renforcer le droit de protéger, afin que ce ne soit plus simplement un autre document sans effet, incapable de prévenir le carnage auquel on assiste dans le monde actuellement?

    Deuxièmement, le registre des armes légères des Nations-Unies. Avez-vous une solution à proposer quant à ce que le Canada peut faire pour essayer de l'appuyer et de l'étayer, pour qu'il devienne un registre important, véritablement capable de régler le problème du trafic des armes légères? Si vous ne disposez pas de suffisamment de temps et si vous voulez réfléchir, nous serions heureux de recevoir vos suggestions.

    Merci.

+-

    Le président: Vous pouvez les envoyer au greffier et nous en transmettrons copie à tous les membres du comité. Il serait bon que ce soit dans les deux langues officielles, sinon, nous les ferons traduire.

+-

    M. David Rudd: Keith, puis-je vous faire part de certains points que j'ai soulevés auprès du sénateur Kenny la semaine dernière à propos de...

+-

    L'hon. Keith Martin: Si c'était quelqu'un d'autre, je serais d'accord, mais...

[Français]

+-

    M. David Rudd: D'accord, messieurs, je m'en vais.

[Traduction]

+-

    M. Claude Bachand: Pour moi, c'est le ministre non élu.

+-

    M. David Rudd: Je ne vous chante pas la même chanson que celle que j'ai chantée la semaine dernière.

    Recrutement, maintien, réengagement, tels sont les trois principes fondamentaux. Comment y arriver? Je ne peux pas vous dire que je connais parfaitement tous les obstacles bureaucratiques et administratifs au réengagement ou au transfert interéléments, c'est-à-dire le transfert entre la force régulière pour quelqu'un qui souhaite entrer dans les réserves — disons une certaine catégorie de réserve. Si, par exemple, une femme de 30 ans qui est militaire de la force régulière veut créer une famille ou poursuivre une carrière civile, sans toutefois quitter les forces canadiennes, quels sont les obstacles à son transfert vers la réserve? Si je ne me trompe, le chef d'État-major de la Défense s'est penché sur la question et a négocié avec les parties en cause, si bien qu'au lieu que ce processus prenne de cinq à six mois, il ne prend que de trois à quatre semaines. Je le répète, je ne connais pas vraiment ces obstacles, mais je crois qu'il serait utile que le comité les examine.

    Je pense que l'un des principaux défis ici, et l'un des points les plus importants que votre comité pourrait encourager, c'est que lorsque nous déployons nos forces dans le monde entier pour assumer nos responsabilités, nous nous rendons compte que nous devons augmenter le nombre de nos militaires, ce que nous faisons par le système de recrutement et d'entraînement. N'oublions pas l'entraînement.

    Tout d'abord, la publicité doit être mieux faite. Nous devons mieux communiquer avec les collectivités, y compris les diverses collectivités minoritaires visibles. Je vis à Toronto et je vois des réservistes qui ne sont sûrement pas d'origine caucasienne sortir du métro. Le métro est l'un des meilleurs outils de recrutement, mais lorsque je prends le métro dans la plus grande ville du Canada, je ne vois pas d'annonces publicitaires. On m'a dit — et je l'ai appris indirectement — que c'est à cause des craintes au sujet des allégations Gomery que le gouvernement a retiré toute la publicité de recrutement des forces armées. Je n'ai vu que quelques publicités à la télévision récemment et j'ai remarqué avec cynisme que ces publicités reviennent uniquement parce que la NHL est de retour. Il reste que la publicité est un point d'importance.

    Deuxièmement — et je ne le soulignerais jamais assez — il faut préserver notre système d'entraînement. Il faut cesser de puiser dans les unités d'entraînement pour augmenter les unités envoyées outremer. Ce faisant, vous mangez vos petits. Il faut cesser de procéder de la sorte. On ne peut prendre à Pierre pour donner à Paul. Laissez Pierre tranquille, donnez à Paul plus de ressources ou ne l'envoyez pas à l'étranger. Par conséquent, laissez le système d'entraînement tranquille.

    Pour en revenir au transfert interéléments, si on peut le faire correctement, c'est-à-dire permettre à des gens de passer sans heurts de la force régulière à la force de réserve, et inversement, je crois alors que le troisième point, le réengagement, ne sera pas nécessaire. Si on peut les conserver dans la réserve comme réservistes de classe A ou B, il n'y aura plus lieu de s'inquiéter puisque nous n'aurons pas rejeté ces gens-là des forces armées et nous ne les aurons pas obligés à choisir entre une carrière militaire ou civile. À mon avis, c'est un choix qui n'en n'est pas un et qui n'est à l'avantage de personne.

    Désolé d'avoir pris un peu plus de temps que je ne l'aurais dû.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Ernie Regehr: Merci.

    Comment faire de la responsabilité de protéger un véritable engagement? À mon avis, à force de pratique, de précédent, plus que de déclaration. Je pense que l'un des grands services que pourrait rendre le Centre intégré d'évaluation des menaces du Canada consisterait à faire une analyse et une surveillance détaillées des situations des États en déroute et défaillants où la population civile est en grand danger et d'invoquer les seuils précisés dans le document intitulé La responsabilité de protéger— la formulation du Sommet de la terre en était légèrement différente — et ensuite faire intervenir le Conseil de sécurité. On peut envisager également une coopération avec les milieux non gouvernementaux. Il faudrait un genre de surveillance du Conseil de sécurité appuyée par un service de renseignement et des travaux de recherche éclairé, signalant les domaines où les civils sont en danger ou sur le point de l'être, et demander alors au Conseil de sécurité d'assumer ses responsabilités et de prendre des mesures pour protéger les populations vulnérables. À mon avis, le Centre d'évaluation des menaces a un rôle à jouer à cet égard.

    Pour ce qui est des armes légères, deux points doivent être soulignés. Tout d'abord, le désarmement, la démobilisation et la réintégration —  DD et R. Comme vous le savez, c'est une proposition très coûteuse mais absolument essentielle. S'il n'y a pas de démobilisation réelle des anciens combattants dans le sud du Soudan actuellement, et en Somalie — espérons que la situation va devenir un peu plus stable — mais dans le sud du Soudan, qui est stable, il n'y a pas de combat actuellement, s'il n'y a pas de démobilisation réelle, si les armes qui se trouvent dans ce secteur ne sont pas récupérées, cette région du monde sera tellement exposée à la déstabilisation que ses perspectives ne seront pas très bonnes.

    C'est beaucoup d'argent, car il faudra mettre sur pied des projets de développement afin de donner aux anciens combattants quelque chose de constructif à faire, etc. Par conséquent, les ressources au sol jouent un rôle considérable à cet égard. Le PNUD a tout un plan pour le sud du Soudan à l'heure actuelle, mais il n'est pas financé. C'est donc tout à fait essentiel, il faut financer DD et R, pour s'assurer que dans les endroits où sont menées des opérations pour la paix, les armes légères soient récupérées.

    Pour ce qui est de la diplomatie, je pense qu'il faut continuer à oeuvrer dans ce sens dans ces régions. La conférence d'examen du programme d'action des armes légères est prévue en juillet 2006. Il est essentiel de prévoir dans ce programme d'action une série de critères permettant de limiter le transfert international des armes et de serrer la vis tout en imposant des restrictions à cet égard.

  +-(1200)  

+-

    L'hon. Keith Martin: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Il ne nous reste presque plus de temps.

    Nous passons au deuxième tour de table et cédons la parole à Mme Gallant.

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, PCC): Tout d'abord, j'aimerais que M. Rudd explique quelles missions de l'armée pourraient être considérées comme servant l'intérêt national, tout en en donnant des exemples. Comment pouvez-vous dire qu'une mission sert l'intérêt national? Par exemple, expliquez comment le déploiement de troupes en Haïti a servi notre intérêt national, tout comme le déploiement de notre armée au Darfour? Est-ce que cela permet au gouvernement de gagner des voix? Dans quelle mesure cela sert-il notre intérêt national?

+-

    M. David Rudd: Je ne peux pas présumer de ce que seraient exactement les objectifs du gouvernement.

    En Haïti, je pense que l'intérêt va bien au-delà de la surveillance de notre propre hémisphère. Je ne crois pas du tout que ce soit une question de proximité géographique. Si c'était le cas, nous ne serions probablement jamais allés en Afghanistan, ni en Somalie, pour aider les victimes de la famine, ou dans le bassin de l'Océan indien dévasté par le tsunami. Si je ne m'abuse, Haïti est une plaque tournante pour le trafic de stupéfiants, et la fragilité de ce pays est vraiment inquiétante pour nous, ne serait-ce à cause du trafic de drogue.

    J'ai été plutôt surpris que nous allions au Timor oriental, non pas parce que nous n'étions pas favorables à ce qu'un nouvel État se forme de façon démocratique, mais plutôt parce que notre contribution là-bas a été très limitée et ce, pour des raisons que j'ai trouvé à l'époque plutôt spécieuses. Je crois que toute la souffrance que les caméras de télévision de Radio-Canada nous ont stratégiquement montrée a peut-être incité le gouvernement à envoyer environ 150 soldats sur place pour très peu de temps. Nous ne pouvons pas être partout à la fois, et je pense qu'il était raisonnable que les Australiens prennent la direction des opérations là-bas.

    Je ne veux pas donner l'impression au comité que nos missions devraient être déterminées par une realpolitik cynique ou même un moralisme irréfléchi. Je pense que l'intérêt national est large, dans le sens où une menace à la sécurité de notre pays doit être évidente, comme dans le cas des drogues qui transitent par Haïti et la possibilité que l'Afghanistan retombe dans l'anarchie et serve d'incubateur ou de moteur à la terreur internationale.

    J'ai indiqué dans ma déclaration, et je crois dans le mémoire que vous avez peut-être lu, que ce sont les intérêts personnels bien compris qui semblent l'emporter, et qu'on reconnaît que beaucoup de ces crises nous engagent à différents niveaux — notamment sur le plan matériel dans le cas des drogues ou du terrorisme, mais aussi parce qu'il est dans notre intérêt qu'une région se relève, étant donné que le Canada pourrait y investir plus tard. Si nous ne faisons rien et laissons la situation s'envenimer, les problèmes pourraient entraîner d'importants mouvements de réfugiés, non seulement dans les pays voisins mais aussi chez nous.

    Je crois que nous venons d'arrêter un Rwandais qui est entré au Canada par des moyens légaux, mais qui a été reconnu coupable de crimes de guerre. Si nous étions intervenus plus rapidement au Rwanda, nous aurions pu sauver bien des vies, mais aussi éviter ces problèmes inusités et imprévus, comme les vagues de réfugiés et les personnes qui ont fui leur pays pour venir mener une vie normale et confortable chez nous alors qu'ils devraient être traduits devant la justice chez eux.

    Je suis désolé de cette longue explication pour vous dire que l'intérêt national a, à mon avis, un sens assez large. Les ressources sont limitées et il faut admettre que l'attention de nos gouvernements est de courte durée. Je ne peux pas vous indiquer précisément dans quelles conditions nous devrions ou non déployer nos militaires, parce que les gouvernements n'ont pas toujours tenu compte de ces conditions par le passé.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Je dois dire que le temps file.

    Nous allons faire preuve de souplesse.

    Allez-y.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Monsieur Regehr, j'aimerais connaître votre définition des États non viables. Est-ce que les pays ayant un régime de dictature absolue en sont aussi?

+-

    M. Ernie Regehr: En général, les États non viables sont des pays où les gens ne font plus confiance aux institutions publiques pour assurer leur sécurité et qui, pour répondre à leurs besoins essentiels, doivent se débrouiller seuls, et parfois affronter d'autres groupes pour se protéger, en se procurant des armes... et le reste.

    C'est une question intéressante. Dans les pays d'Amérique latine des années 1970, qui exerçaient un pouvoir absolu sur les institutions nationales, mais où des milliers de personnes étaient portées disparues, la population n'était évidemment pas en sécurité. Ces pays ont évidemment manqué à leurs devoirs à l'égard de leurs citoyens, mais je ne suis pas certain qu'ils entrent dans la définition actuelle de pays non viables et en déroute. Je crois que ces termes désignent plutôt des pays qui sont incapables de mettre en place des institutions et des services nationaux qui peuvent répondre aux besoins de la population.

+-

    Le président: Nous devons poursuivre.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Est-ce que l'Irak répondrait à la définition de « pays non viable »?

+-

    M. Ernie Regehr: Avant son invasion? Je dirais que non, selon la définition actuelle.

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer à M. Bagnell.

+-

    L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci d'être venus nous rencontrer.

    Monsieur Regehr, vous avez dit que le ratio du Canada était à peu près de quatre pour un. Quel est celui des États-Unis?

+-

    M. Ernie Regehr: Il est de vingt-quatre pour un.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: On se classe donc assez bien à ce sujet.

+-

    M. Ernie Regehr: Pour votre information, celui du Luxembourg est de un pour un.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: J'ai une question à poser à chacun d'entre vous. Je vais poser mes deux questions tout de suite et vous laisser répondre.

    Monsieur Regehr, le rôle principal du ministère de la Défense est évidemment de défendre le Canada, et nous avons besoin d'importantes compétences et capacités pour le faire.

    J'ai quelques observations à faire pour les fins du compte rendu au sujet de l'objectif de 0,7 p. 100. On est encore en train de s'entendre sur les définitions, parce que la contribution du Canada à l'aide internationale est multiple, selon la façon dont on évalue les choses, mais je suis tout à fait favorable à ce que nous augmentions notre pourcentage plus vite que d'autres pays du monde.

    Je suis tout à fait d'accord avec vous sur les causes profondes du problème. En fait, j'étais au Capitole à Washington quand l'avion s'est écrasé sur le Pentagone et, une heure plus tard, je disais aux médias qu'il fallait chercher à éliminer les causes profondes à l'origine d'événements semblables.

    Vous nous avez parlé de l'incapacité de la communauté internationale à réagir. Je crois que vous prêchez à des convertis. Je pense que le Canada est à l'avant-garde, qu'il reconnaît la situation et qu'il essaie d'améliorer les choses, par l'entremise d'autres institutions quand ce n'est pas possible avec l'ONU, ou... Je me suis rendu aux Nations Unies en septembre et le rapport sur la Responsabilité à protéger à fait la joie de la délégation canadienne. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.

    Voici la question que je veux vous poser. Il y a à peu près cinq ans, en réfléchissant, j'ai eu une idée, qui ne venait pas du gouvernement...

+-

    M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC): C'est inquiétant.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Oui.

    Cela n'a rien à voir avec le Nord. C'est ma deuxième question.

    Disons qu'il y aurait deux ministères, un pour la guerre et la défense du Canada, et un autre pour le maintien de la paix, au sens large où nous l'entendons, ce qui comprendrait l'aide et les missions humanitaires auxquelles participent les militaires. David, pourriez-vous me décrire brièvement votre organisation et m'indiquer le pourcentage de temps qu'elle consacre, un, à la guerre et, deux, à la paix?

    Plus important encore, d'après votre organisation, qu'est-ce que les militaires devraient faire pour la souveraineté dans le Nord. Depuis quelques années, je mène une croisade — que mes pauvres collègues endurent — pour accroître notre capacité relativement à la souveraineté dans le Nord, particulièrement avec la fonte de la calotte polaire.

+-

    M. Ernie Regehr: Je vais répondre à votre question sur le ministère du maintien de la paix et le ministère de la guerre.

    Ma réflexion va dans l'autre sens, parce que je trouve que ce qu'il nous faut, c'est un ministère de la sécurité, qui regrouperait toutes les activités militaires et non militaires pour répondre de façon efficace et globale à la situation des États non viables. Proposer de séparer les guerriers et les gardiens de la paix ne me convainc pas. Le contexte de sécurité actuel ne nous permet pas de trancher pour dire qu'à tel endroit, il faut des chars d'assaut pour faire la guerre et, à tel autre endroit, il faut autre chose.

    Des gens ont revendiqué l'établissement d'un ministère de la paix. On pourrait croire que je verrais cela d'un bon oeil, mais ce n'est pas vraiment le cas. Nous ne devrions pas avoir un ministère de la paix distinct de celui de la défense. Un ministère de la sécurité humaine pourrait, j'imagine, satisfaire certains d'entre nous, mais ce qu'il faut, c'est mieux intégrer les activités de sécurité sur tous les plans plutôt que de les diviser; c'est ce que je verrais.

  +-(1210)  

+-

    M. David Rudd: J'aimerais ajouter quelque chose à cela, si vous me le permettez.

    Nous avons effectué des recherches sur le développement et la diplomatie de défense et le lien entre les deux. Nos travaux indiquent qu'on a eu un certain succès sur le terrain en Afghanistan. C'est plutôt le cloisonnement qui existe ici, à Ottawa, entre les Affaires étrangères, l'ACDI et le ministère de la Défense qu'il faut éliminer. Autrement dit, les gens peuvent être en désaccord ici, à l'administration centrale, mais très bien réagir sur le terrain parce qu'ils mettent tous l'épaule à la roue. Donc, si une réforme est nécessaire, je crois que c'est ici qu'elle doit se faire.

    Pour ce qui est de la souveraineté dans le Nord, je vais répéter ce que j'ai dit au début; c'est mon point de vue. L'institut canadien des études stratégiques n'a pas de point de vue officiel sur la façon d'établir la souveraineté dans le Nord. Certes, ce que le gouvernement a fait jusqu'ici pour soumettre l'Extrême-Arctique à la loi canadienne est utile. Je ne sais pas si nos revendications concernant le passage du Nord-Ouest et l'Extrême-Arctique nous obligent légalement à y assurer une présence permanente. Il faut se rappeler qu'il ne s'agit pas seulement d'une présence militaire, mais d'une présence gouvernementale.

    À propos de la souveraineté dans le Nord, il faut dire que la calotte polaire ne va pas disparaître du jour au lendemain. Il est à espérer du moins que ce ne soit pas le cas et que, s'il elle fond, ce sera de façon graduelle; par conséquent, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il y ait de la navigation commerciale dans cette région dans un avenir prévisible. Et si la glace se rompt, il y aura beaucoup de petits blocs de glace qui vont flotter, ce qui sera très dangereux même pour les navires commerciaux à double coque.

    Cependant, le ministère de la Défense n'a pas encore envisagé d'adopter une approche un peu plus globale pour établir et assurer cette présence dans le Nord. On peut discuter du nombre de vols des aéronefs Aurora et se demander si serait plus économique d'utiliser des véhicules aériens sans pilote. C'est évidemment une bonne chose de surveiller ce qui se passe, mais assurer une présence et assumer cette responsabilité, c'est une autre histoire.

    Je conseillerais, par exemple, au général Hillier, d'accorder plus d'importance aux activités de la marine et de la Garde côtière dans l'Extrême-Arctique quand il va planifier ses capacités de défense. La recapitalisation de la Garde côtière est tout aussi importante que celle de certaines capacités navales, et je crois qu'on l'a oublié. Rappelons-nous qu'il ne s'agit pas seulement d'une présence militaire, mais d'une présence gouvernementale.

    Un programme de recapitalisation de la marine devrait prévoir l'achat de navires ayant une coque résistante aux glaces. Ces navires seraient très modestement armés et serviraient plus à surveiller notre zone économique exclusive qu'à participer à des opérations internationales. Ils ne sortiraient peut-être jamais de nos eaux territoriales.

    Cela répond-il à votre question?

  +-(1215)  

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Vous n'avez pas décrit votre organisation.

+-

    M. David Rudd: C'est une organisation sans but lucratif dont les membres effectuent des recherches et des analyses sur toute une série de questions liées à la sécurité, pas seulement à la défense.

    D'ailleurs, je travaille beaucoup avec les médias et j'ai constaté que je consacre maintenant une très grande partie de mon temps à répondre à des demandes sur la sécurité nationale et la Loi antiterroriste, par exemple, plutôt que sur la sécurité extérieure ou les pressions exercées sur les militaires canadiens.

+-

    Le président: Nous devons poursuivre. Je m'excuse.

    Il y a un article intéressant sur la Garde côtière aujourd'hui dans le National Post, si vous voulez lire, Larry. Il traite de certaines des questions dont David vient de parler.

[Français]

    Monsieur Perron, la parole est à vous.

+-

    M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Mardi dernier, le Dr Bland, de l'Université Queen, était ici. En réponse à l'une de mes questions, il a dit que l'effectif des Forces canadiennes était environ à 2 p. 100 de celui des forces américaines. Considérant que notre population correspond à environ 10 p. 100 de la population américaine, les Canadiens devraient-ils envisager augmenter les effectifs de leurs forces armées à 10 p. 100 des forces américaines? Si oui, a-t-on les moyens financiers de le faire?

+-

    M. David Rudd: Non, je ne pense pas. On n'a ni les moyens ni la volonté de le faire.

    Il s'agit de la politique étrangère et de la politique de défense. Notre politique est très différente de celle des États-Unis. Nos cultures politique et militaire sont différentes.

[Traduction]

    Franchement, je ne pense pas qu'il faille s'arrêter aux chiffres ou nous comparer à d'autres pays. Ernie a fait des comparaisons avec certains pays nordiques. C'est possible de nous comparer à d'autres pays pour ce qui est du rapport entre la défense et l'aide internationale au développement.

    Je crois — et j'espère que c'est ce qui ressort du document que je vous ai remis, monsieur Perron — que les Canadiens sont satisfaits du modeste effort de défense que nous faisons. Nous sommes d'ardents multilatéralistes, nous comptons sur d'autres pour faire ce que nous ne sommes pas en mesure de faire, et je crois que nous préférons, pour paraphraser Theodore Roosevelt, marcher à pas feutrés mais frapper fort. Nous pourrions peut-être frapper un peu plus fort, mais ce n'est pas une raison pour conclure qu'il faudrait que nos effectifs militaires correspondent à un certain pourcentage de la population.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Dans ce cas, vous me rejoignez un peu. Vous préconiseriez plutôt une armée spécialisée dans une niche précise, par exemple une armée ou une force canadienne qui pourrait s'occuper plus activement de la sécurité interne. Cependant, on ne parle pratiquement pas de sécurité interne canadienne dans l'énoncé.

    Avez-vous un commentaire à faire à cet égard?

[Traduction]

+-

    M. David Rudd: À mon avis, un militaire polyvalent est notre meilleur moyen de défense dans toutes sortes d'éventualités. Je crois que le général Hillier a adopté la stratégie « du Canada d'abord » en partie parce qu'il est convaincu que, si les Canadiens ne voient pas l'utilité de l'armée canadienne — pas nécessairement au jour le jour, mais si son utilité ne leur est pas clairement expliquée — l'appui du public va s'effriter et, sans cet appui, il ne sera pas possible de reconstruire ou de recapitaliser les forces.

    Je crois que nous commençons à savoir quelles capacités devraient posséder les unités de réserve proches de leur milieu — la coopération civilo-militaire, les services psychologiques, la défense nucléaire, biologique et chimique. Je crois que ce sont des capacités de sécurité nationale qui conviennent tout à fait aux unités de réserve.

    Pour revenir à ce qu'Ernie disait plus tôt, je ne pense pas qu'on doive diviser les opérations pour avoir des militaires pour la sécurité nationale et d'autres pour la sécurité à l'étranger.

    M. Bagnall m'a posé une question sur notre organisation, et j'ai dit qu'on nous interrogeait davantage aujourd'hui sur la sécurité intérieure. Je pourrais vous en dire long autant sur la situation internationale que sur la situation nationale. C'est le mélange des deux qui est vraiment intéressant, et je pense que c'est ce qui doit faire l'objet de plus de recherches. Un militaire polyvalent qui peut travailler à la fois ici et à l'étranger est notre meilleur investissement.

    J'espère que cela répond en partie à votre question, monsieur.

  +-(1220)  

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Monsieur Regehr, quels sont vos commentaires?

[Traduction]

+-

    M. Ernie Regehr: J'aurais simplement un bref commentaire à faire.

    Le Canada est un pays très riche qui jouit d'une grande stabilité et d'une excellente sécurité intérieure. Il est dans son intérêt de contribuer à la stabilité et à la sécurité de l'ordre international. J'estime que le Canada est capable d'accroître sa contribution à la paix et à la sécurité internationales en respectant ses besoins intérieurs et ceux du continent nord-américain. Je crois que nous en avons les moyens.

    Le Canada a le grand privilège de ne pas être obligé de consacrer d'énormes ressources à la défense militaire de son territoire, ce qui signifie qu'il peut accroître sa contribution à la paix et à la sécurité internationales, voir aux éléments à la source des problèmes, aux causes mêmes de la défaillance ou de la déroute des États, une question qui, en termes internationaux, est cruellement sous-financée, par opposition au financement des interventions militaires dans ces situations.

    À mon avis, c'est là que se trouvent les possibilités, la valeur ajoutée pour le Canada.

+-

    Le président: Et, comme par hasard, la fin de votre intervention coïncide exactement avec l'épuisement du temps alloué.

    Nous allons maintenant céder la parole à M. Rota.

+-

    M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. J'écoutais tout à l'heure M. Regehr parler du ministère de la Paix et du ministère de la Guerre. Ses propos étaient dignes d'un roman orwellien. Un des points mentionnés m'inquiète. Vous avez parlé de tout regrouper, ce qui semble être une bonne idée. Nous nous orientons vers le Commandement Canada et la transformation.

    Pour ce qui est de cette dernière, on a l'intention de tout regrouper. Estimez-vous que c'est la bonne voie à prendre? Sommes-nous engagés dans la bonne voie? À quel point le faisons-nous bien et y a-t-il quoi que ce soit que vous feriez différemment de ce que prévoient les militaires?

+-

    M. Ernie Regehr: Je vais m'en remettre à David pour répondre aux questions précises sur l'intégration des services et tout le reste dans le contexte du Commandement Canada.

    La partie de l'intégration qui m'intéresse plus particulièrement est celle des éléments militaires, sociaux, économiques et politiques de la politique de la sécurité. Ce sont là des composantes de la politique de la sécurité, et il faut les intégrer et qu'ils jouissent d'appuis réciproques.

+-

    M. David Rudd: Désolé, pourriez-vous répéter la question?

+-

    M. Anthony Rota: Une transformation est en cours dans les forces, une transformation dans le cadre de laquelle vous intégrez ou regroupez une meilleure information, une meilleure transmission et une meilleure utilisation des forces existantes.

    Il existe un grand plan, mais il n'est pas tout à fait clair. D'après ce que vous en savez actuellement, souscrivez-vous à cette orientation? Et que voyez-vous pour l'avenir? Atteindra-t-on les objectifs visés? Dans la négative, que faudrait-il faire différemment?

+-

    M. David Rudd: Je me demande si vous faites allusion aux changements à la structure de commandement des Forces canadiennes.

+-

    M. Anthony Rota: C'est bien cela.

+-

    M. David Rudd: D'accord. En réalité, je n'ai pas apporté d'accessoires, mais simplement pour éclairer mes propos, je vais voir si j'ai...

+-

    M. Anthony Rota: C'est sur les trois D. Dans ce cas-là, c'est un peu plus facile.

+-

    M. David Rudd: Oh! Il est question des trois D, non pas de la structure de commandement, mais...

+-

    M. Anthony Rota: La structure de commandement tient-elle compte des trois D?

+-

    M. David Rudd: Je ne crois pas que ce soit forcément le cas. Les principaux aspects des changements envisagés à la structure de commandement comprennent l'établissement d'un Commandement Canada, le Commandement du Corps expéditionnaire canadien, le Groupe des opérations spéciales et les unités de soutien. Ce sont là les exécutants, ceux qui en réalité se rendent sur le théâtre des opérations.

    D'autre part, il y a ceux qui produisent les forces, qui sont responsables de la santé institutionnelle des trois corps armés. Nous avons encore des chefs d'état-major.

+-

    M. Anthony Rota: Il existe un lien entre les deux.

+-

    M. David Rudd: Oui. En réalité, ce qu'ils font... c'est un peu comme la radio, et j'essaie de faire quelque chose de visuel. C'est terrible. Les exécutants sont ici, ceux qui constituent les forces sont là, et, naturellement, tous rendent des comptes au CEMD qui chapeaute tout cela.

    Comme changement, du côté des exécutants, il y aura un commandant du développement des forces qui occupera, je suppose, un poste supérieur à celui des trois chefs environnementaux, même s'il est d'un rang inférieur.

    En quoi cela servira-t-il la cause du développement, de la diplomatie et de la défense? Je crois que la partie « défense » des trois D est réalisée essentiellement en ayant en réalité des troupes à déployer et en les formant de la façon actuelle, qui consiste à savoir quand lever son arme et quand la pointer vers le sol et amorcer le dialogue avec un éventuel adversaire.

    La structure de commandement doit nous permettre de mieux produire des forces et de les employer d'une manière qui est plus sage, étant donné le contexte de la sécurité qui existe. Quant à savoir si cette formule est efficace, tout dépend énormément d'éléments qui échappent au contrôle de la Défense nationale. J'ai mentionné tout à l'heure le cloisonnement auquel on se livre ici, au Canada. Je crois qu'il faut un niveau beaucoup plus grand, beaucoup plus élevé, d'intégration de la politique ou de l'orientation entre la Défense nationale, les Affaires étrangères et l'ACDI. La formule semble bien fonctionner sur le terrain. Je ne suis tout simplement pas sûr qu'elle fonctionne bien ici.

  +-(1225)  

+-

    M. Anthony Rota: Je suppose que cela faisait partie de ma question. Prévoyez-vous que les cloisons vont tomber et qu'il y aura un réel fusionnement?

+-

    M. David Rudd: Voilà une excellente question. Je ne crois pas forcément qu'un fusionnement est...

+-

    M. Anthony Rota: Peut-être le mot « fusionnement » est-il mal choisi.

+-

    M. David Rudd: Parlez-vous d'un mégaministère?

+-

    M. Anthony Rota: Oui.

+-

    M. David Rudd: Je ne vois pas de raison impérieuse de le faire. Le besoin de trouver un mécanisme quelconque qui permettrait de coordonner les activités est essentiel selon moi, mais pour ce qui est de créer un mégaministère, regardez ce qui est arrivé au ministère de la Sécurité intérieure, aux États-Unis. Il a été décrié, même par ceux qui à l'origine en appuyaient la création, pour sa lourdeur et son incapacité d'agir comme un tout.

    Non, je ne crois pas qu'une réforme bureaucratique à grande échelle va forcément régler notre problème. Il est beaucoup plus pratique, selon moi, d'essayer de coordonner les opérations, à l'aide peut-être d'un comité de haut niveau, mais influent, composé de représentants des trois ministères.

+-

    Le président: Nous allons maintenant céder la parole à M. O'Connor.

+-

    M. Gordon O'Connor: Ma question s'adresse aux deux témoins. Comme l'a mentionné tout à l'heure M. Rudd, les forces armées ont présenté une liste de capacités. Si vous aviez le choix, tous deux, quelles seraient selon vous les capacités les plus prioritaires que devraient avoir nos forces armées?

+-

    M. David Rudd: Du côté des ressources humaines, je canaliserais les fonds de manière à augmenter le nombre de ressources dans les métiers spécialisés — les techniciens d'électronique, le personnel médical, les logisticiens, les menuisiers. Ce sont-là ceux qui sont constamment déployés. Nous avons besoin d'un plus grand nombre d'entre eux. Malheureusement, ce sont ces mêmes compétences qui suscitent l'intérêt du secteur privé. Quels incitatifs pouvons-nous offrir pour les inciter à ne pas partir?

    Du côté matériel — vous connaissez sans doute l'expression populaire dans l'immobilier selon laquelle c'est l'emplacement qui compte avant tout —, pour moi, c'est la logistique qui compte: les ponts aériens, le transport maritime, les camions de transport de l'armée, qui sont finis et ont désespérément besoin d'être remplacés. Voilà où il faut à mon avis investir notre argent. Naturellement, l'avantage ici, c'est que, tout en nous permettant de mener des opérations internationales, cela nous permet aussi d'aider au Canada même les autorités civiles quand elles ont besoin d'aide. Ce sont-là les trois grands besoins.

+-

    M. Ernie Regehr: Je m'en remettrais certainement à l'expertise de David dans ce domaine. Pour ce qui est du transport aérien ou de la capacité de transport, je suppose qu'il faut en réalité en faire un élément de coopération. Il y a des limites à la capacité nationale de transport stratégique dont on peut se doter. L'OTAN en fait, de sorte qu'il y a un élément de coopération. L'énoncé de politique dit qu'il faut que nous ayons une capacité de transport ou accès à une pareille capacité, et je crois que c'est une sage décision.

    Je m'interroge au sujet de la formation des troupes pour les opérations dans des situations où, comme l'illustrent clairement les descriptions de la guerre à trois volets, une partie de l'opération se déroule en milieu urbain ou dans une zone peuplée en vue d'injecter une certaine stabilité et d'assurer la sécurité dans les secteurs où il n'y a pas de service policier. Les Forces canadiennes ont-elles ce genre de formation, qui se rapproche un peu plus, en un certain sens, d'un service de police communautaire que de la fonction de combat classique? C'est-là une source de préoccupation. L'énoncé de la politique de la défense parle beaucoup de fonctionner dans ce genre de milieux, dans ces zones grises où ce n'est ni la guerre, ni la paix. Je cite le document. Ce n'est pas moi qui l'affirme. L'action dans pareil milieu est importante, et il importe que les jeunes que nous y envoyons sont dans le bon état d'esprit.

  +-(1230)  

+-

    M. David Rudd: Si vous me permettez d'ajouter simplement une chose très rapidement, je crois que l'armée a un centre d'entraînement aux manoeuvres en Alberta. Je serais très curieux de savoir — en fait, je serais très curieux de le visiter — s'il inclut le combat en terrain urbain, parce que les manoeuvres pour attaquer le flanc de l'ennemi sont une chose, mais s'il faut aller dans des zones peuplées pour assumer la responsabilité de protéger, il faut créer une infrastructure matérielle qui nous permet de former des troupes à cette fin. L'installation de l'Alberta en inclut-elle? Y en a-t-il une à Petawawa? Je l'ignore, mais si un pareil centre n'existe pas, il faudrait le créer sans plus tarder.

+-

    Le président: Même s'il existe, comme nos travaux tirent à leur fin, nous sommes limités dans nos déplacements par un calendrier très chargé.

    Monsieur Regehr, vous avez fait observer tout à l'heure, et c'était la seconde fois que j'entendais ce commentaire puisqu'il a été fait aussi devant le comité antérieur, que le Canada est un pays très riche. Vous avez tout à fait raison de le dire actuellement, mais je ne crois pas que vous auriez pu le faire il y a une dizaine d'années, quand c'était le fouillis total, que le pays était littéralement en faillite, qu'il avait une dette élevée, un déficit élevé et un fort taux de chômage. Si la conjoncture avait été la même alors qu'actuellement, après les événements du 11 septembre, l'Afghanistan et tout le reste, je me demande comment nous aurions pu y faire face. Pourriez-vous simplement commenter? Si nous avions été dans cette situation, qu'aurions-nous pu faire, mettre fin à l'aide à Haïti, par exemple, ou au Darfour? Comment aurions-nous pu assumer ces obligations internationales, comme elles les appellent souvent?

+-

    M. Ernie Regehr: Dire que c'était le fouillis total, c'est relatif. Le fouillis canadien ne ressemble pas du tout au fouillis soudanais, si vous voyez où je veux en venir.

    Il y a 10 ou 15 ans, le Canada était un pays riche. Le revenu par tête était un des plus élevés au monde, et tout le reste. En termes relatifs, notre situation n'était pas si différente de ce qu'elle est actuellement, en termes mondiaux. Je ne conteste donc pas que notre situation économique est meilleure aujourd'hui. Les dépenses militaires ont baissé durant cette décennie, soit les années 1990, mais les dépenses consacrées à l'APD ont diminué deux fois plus vite que les dépenses militaires.

    Il est difficile d'émettre des conjectures quant à ce que nous aurions pu faire. Il est plus facile de déterminer un peu plus concrètement ce qu'il faut faire maintenant. On insiste beaucoup sur le rétablissement de notre capacité de contribuer efficacement à la paix et à la sécurité internationales. Je crains — et David a parlé de tout le gouvernement — qu'il ne s'agisse pas d'un rétablissement complet de cette capacité. Nous consacrons trop d'efforts au rétablissement d'une capacité militaire quand nous savons explicitement que, pour que les forces militaires soient efficaces dans des lieux comme l'Afghanistan, il faut qu'elles soient appuyées par l'intervention compétente et efficace de tous ces autres niveaux. C'est donc cet équilibre qui me préoccupe tout particulièrement.

  -(1235)  

+-

    Le président: David, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. David Rudd: Non. En fait, je suis tout à fait d'accord. J'ignore ce qu'est le calendrier ou si nous avons en réalité changé d'idée et sommes revenus à 0,7 p. 100 du PIB.

    Depuis combien d'années affichons-nous des surplus?

+-

    L'hon. Keith Martin: Quatre ans. Les budgets sont équilibrés depuis sept ans.

+-

    M. David Rudd: Je suis certainement d'accord avec Ernie quand il affirme que ce sera l'échec si nous nous bornons à un seul pilier des 3D. Il faut examiner le tout, ce qui signifie bien sûr que nous n'avons pas parlé des diplomates. En avons-nous en nombre suffisant? Sont-ils affectés aux bons endroits? Les pays où nous ouvrons des consulats et des ambassades sont-ils les bons? N'oublions pas ce pilier également.

    Nous avons parlé d'infanterie, de blindés, d'artillerie. Si vous enlevez un pied au tabouret, il est normal qu'il se renverse. Si l'on sous-finance un des autres piliers des 3D, le tabouret va tomber.

-

    Le président: Je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner devant le comité et d'avoir partagé avec nous vos vues et répondu à nos plus importantes questions.

    Je ne souhaite pas interrompre la séance, chers collègues. Je tiens simplement à vous rappeler, si vous me le permettez, qu'à compter du 3 novembre, nos séances commenceront à 10 heures et prendront fin à 13 heures. Par conséquent, la réunion du mardi 1er novembre — la présence des témoins est confirmée — se tiendra aux heures habituelles, soit de 11 heures à 13 heures.

    J'ai reçu une invitation, et je tiens simplement à vous en informer. Une délégation de divers présidents de comité sera en visite à Ottawa, et j'ai été prié d'être présent. Je tenais seulement à vous le faire savoir et, si le temps le permet... Comme rien n'est encore fixé, j'aimerais qu'un membre du personnel m'accompagne. La délégation souhaite simplement échanger... savoir comment fonctionnent nos comités et ainsi de suite. Il y aura donc des comités de divers ministères. Un d'entre eux est le comité de la défense nationale du Bangladesh.

    Si cela vous intéresse, vous êtes plus que bienvenus, et cela vient tout juste d'être confirmé. Y a-t-il des questions à ce sujet? Non?

    Je vous remercie beaucoup.

    La séance est levée.