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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


Témoignages du comité

TABLE DE MATIÈRE

Le jeudi 21 février 2002




¿ 0915
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Nord-Centre, Lib.))
V         Mme Nancy Hughes Anthony (présidente-directrice générale de la Chambre de commerce du Canada)

¿ 0920
V         Le président
V         M. Mark Boudreau (directeur principal, Politique et recherche, Manufacturiers et exportateurs canadiens)
V          Mme Margot Booth (directrice, Communications et recherche, Manufacturiers et exportateurs canadiens)

¿ 0925
V         M. Mark Boudreau

¿ 0930
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer (président national, International Association of Immigration Practitioners)

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer

¿ 0945
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

¿ 0950
V         Le président
V         Mme Nancy Hughes Anthony
V         M. Benjamin Trister (président, Groupe de travail sur le droit et la politique d'immigration, Chambre de commerce du Canada)

¿ 0955
V         Le président
V         Mme Margot Booth
V         M. Mark Boudreau
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         Le président
V         Mme Margot Booth

À 1000
V         Mme Anita Neville
V         M. Benjamin Trister
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         M. Mark Boudreau
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         Mme Nancy Hughes Anthony
V         M. Benjamin Trister

À 1005
V         Mme Anita Neville
V         M. Benjamin Trister
V         Le président
V         M. Benjamin Trister
V         Le président
V         M. Benjamin Trister
V         Le président
V         Mme Margot Booth
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         M. Benjamin Trister

À 1010
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Yvon Charbonneau
V         Le président
V         M. Benjamin Trister

À 1015
V         Le président
V         Mme Nancy Hughes Anthony
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président
V         M. Mark Assad (Gatineau, Lib.)

À 1020
V         M. Mark Boudreau
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. Benjamin Trister

À 1025
V         Le président
V         M. Benjamin Trister
V         M. Mark Boudreau
V         Le président
V         M. Mark Boudreau
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président

À 1030
V         M. Benjamin Trister
V         Le président
V         M. Mark Boudreau
V         Le président
V         M. Ramesh Dheer
V         Le président
V         Le président
V          L'hon. sénatrice Anne Cools (Ontario, Lib.)
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         M. Roger Gallaway (Sarnia--Lambton, Lib.)

À 1045

À 1050
V         La sénatrice Anne Cools

À 1055

Á 1100
V         Le président
V         L'hon. Anne Cools

Á 1105

Á 1110
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         M. Roger Gallaway

Á 1115
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools

Á 1120
V         Le président
V         M. Yvon Charbonneau
V         L'hon. Anne Cools
V         Le président
V         M. Roger Gallaway

Á 1125
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         M. Roger Gallaway
V         Le président
V         M. Roger Gallaway
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président

Á 1130
V         M. Roger Gallaway
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         M. Roger Gallaway
V         Le président
V         M. Roger Gallaway
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         M. Roger Gallaway
V         La sénatrice Anne Cools

Á 1135
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         L'hon. Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président
V         La sénatrice Anne Cools
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

Témoignages du comité

Le jeudi 21 février 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0915)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Nord-Centre, Lib.)): Bonjour à tous.

    Nous poursuivons l'étude du règlement.

    Nous accueillons ce matin M. Ben Trister et Mme Nancy Hughes Anthony, représentants de la Chambre de commerce du Canada. Soyez les bienvenus. Nous avons également parmi nous M. Mark Boudreau et Mme Margot Booth, qui représentent un organisme que nous connaissons bien, les Manufacturiers et exportateurs du Canada. Nous accueillons également M. Ramesh Dheer, au nom de l'International Association of Immigration Practitioners. Soyez tous les bienvenus.

    Je vous remercie de votre participation à l'étude du projet de loi C-11. Vous savez probablement que nous en sommes maintenant à l'étude exhaustive du règlement. Nous sommes impatients de connaître vos commentaires, suggestions et recommandations à ce sujet.

    Je crois que certains d'entre vous nous avez fourni un mémoire. J'aimerais que vous preniez sept ou huit minutes pour en faire un résumé et expliquer brièvement vos recommandations. Si vous n'avez pas traité de l'opportunité de réglementer les activités des consultants en immigration, nous aimerions aussi connaître votre point de vue à ce sujet.

    Nous entendrons d'abord les représentants de la Chambre de commerce du Canada. Bienvenue à vous, Nancy.

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony (présidente-directrice générale de la Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité.

    Je m'appelle Nancy Hughes Anthony et je suis présidente-directrice générale de la Chambre de commerce du Canada. Je suis accompagnée de Ben Trister, président du groupe de travail sur la loi et la politique d'immigration de la Chambre de commerce.

    Je crois que vous avez tous un exemplaire de notre mémoire.

[Français]

    Vous avez aussi un exemplaire de la présentation de la Chambre de commerce, je crois.

[Traduction]

    Je ne vais pas lire le mémoire en détail, mais je me contenterai d'en faire un survol.

[Français]

    Pour commencer, la Chambre de commerce du Canada, comme vous le savez peut-être, est l'association la plus importante et la plus représentative des milieux d'affaires du Canada. Elle représente plus de 170 000 entreprises de tous les secteurs et régions du Canada, ainsi que les chambres et bureaux de commerce dans des centaines de collectivités du pays. La grande majorité de ses membres sont des employeurs qui s'intéressent vivement aux questions d'immigration.

[Traduction]

    La semaine dernière, le gouvernement fédéral a dévoilé la stratégie d'innovation du Canada. Selon cette stratégie, la priorité absolue du gouvernement est «de former, attirer et retenir les personnes hautement qualifiées dont le Canada a besoin pour pouvoir performer dans le domaine de l'innovation.» C'est ce qu'a déclaré le ministre Rock dans son discours. Pour y arriver, le gouvernement s'est donné comme objectif de faire en sorte que le Canada continue d'attirer les immigrants qualifiés dont il a besoin et aide les immigrants à réaliser leur plein potentiel sur le marché du travail et dans la société canadienne. La Chambre de commerce du Canada souscrit entièrement à cet objectif.

    Nous avons cependant des doutes sérieux quant à la capacité du gouvernement de réaliser cet objectif ambitieux. Dans sa forme actuelle, le règlement d'application de la loi ne cadre pas bien avec le programme d'innovation et d'acquisition de compétences. Nous pensons même que certaines dispositions vont à l'encontre des intérêts économiques du Canada.

    S'ils sont adoptés, les critères de sélection proposés, qui sont actuellement à l'étude au Parlement, modifieraient considérablement, et pas pour le mieux, l'immigration au Canada. Comme vous le savez, les critères de sélection proposés dans le règlement agréeraient les candidats qui obtiennent 80 points ou plus dans la nouvelle grille de sélection. Mais un candidat parlant très bien l'anglais, qui a le bon âge, soit entre 21 et 44 ans selon Citoyenneté et Immigration Canada, qui possède l'expérience professionnelle minimale requise, soit quatre ans, et un baccalauréat échouait à moins d'avoir obtenu le maximum de points pour l'adaptabilité ou un emploi réservé auprès d'un employeur canadien. Ces critères ne nous semblent pas acceptables car ils privaient le Canada de personnes possédant des compétences et des connaissances précieuses.

[Français]

    Dans les versions antérieures du modèle de sélection proposé, l'adaptabilité servait à récupérer les points perdus dans un autre domaine, mais elle fait désormais partie des critères de base et la perte de points dans n'importe quel domaine ferait échouer la demande. Ce nouvel ensemble de critères représente un changement majeur et, à notre avis, essentiellement injustifié.

[Traduction]

    De plus, les nouveaux critères de sélection qui sont proposés feront en sorte qu'il sera extrêmement difficile d'attirer des étudiants étrangers au Canada car il leur serait très difficile d'immigrer chez nous. Les nouveaux diplômés, de quelque pays qu'ils soient y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, éprouveraient également beaucoup de difficulté à immigrer au Canada, même s'ils ont une formation qui correspond souvent de très près à celle qui est dispensée au Canada. Même les travailleurs qualifiés possédant de nombreuses années d'expérience pourraient difficilement se qualifier.

    Pire encore, le gouvernement voudrait imposer les critères de sélection de façon rétroactive. Plus de 100 000 personnes verraient, de ce fait, leur demande rejetée, bien qu'on leur ait dit qu'une fois leur demande remplie, toute modification ultérieure des critères de sélection n'affecterait pas leur admissibilité. Le gouvernement cherche à modifier les règles de façon injuste et sans préavis.

    De plus, le gouvernement cherche à pouvoir faire un usage continue de la rétroactivité afin de refuser des candidats. S'il obtient ce pouvoir, il sera littéralement impossible aux candidats de savoir selon quels critères leur demande aura été évaluée.

    Cela soulève un certain nombre de questions dans notre milieu. Par exemple, pourquoi quelqu'un choisirait-il de participer à un système d'immigration dont les règles ne peuvent être connues, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays? Comment les employeurs canadiens pourront-ils attirer des travailleurs qualifiés au Canada s'ils ne peuvent leur donner une certaine garantie qu'ils pourront immigrer au Canada?

    Il est d'une importance cruciale pour le Canada de pouvoir attirer des travailleurs possédant divers niveaux de compétence et d'être perçus par les immigrants qualifiés, et je suis sûr que vous serez d'accord avec moi sur ce point, comme une destination de choix. Comme le montre la stratégie canadienne pour l'innovation, dans 10 ans l'immigration sera responsable de 100 p. 100 de la croissance de la main-d'oeuvre canadienne. Or, l'économie canadienne a besoin d'immigrants qui possèdent un vaste éventail de compétences, et non seulement des diplômés universitaires ayant des conjoints instruits et des contacts au Canada.

    La Chambre de commerce du Canada croit que le nouveau système de sélection entravera sérieusement la croissance et le perfectionnement de la main-d'oeuvre du Canada, minant ainsi le potentiel de croissance à long terme de l'économie, notre compétitivité future, ainsi que notre prospérité et notre niveau de vie.

    Avant d'apporter des changements aussi importants aux critères de sélection, le gouvernement doit mieux comprendre les besoins des employeurs canadiens. Il sera ainsi mieux à même d'élaborer une stratégie cohérente permettant d'accueillir des immigrants possédant les compétences requises. Le nouveau ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration devrait assurément travailler avec les milieux d'affaires canadiens en vue de mettre au point une politique d'immigration qui contribue à la prospérité économique future du Canada.

    Monsieur le président, vous trouverez dans notre mémoire plus d'information sur les questions qui nous préoccupent. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

    Merci.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Très bien. Merci beaucoup, Nancy.

    Nous entendrons le directeur principal des Manufacturiers et exportateurs canadiens. Es-ce Mark ou Margot qui va...?

    Mark, vous avez la parole.

+-

    M. Mark Boudreau (directeur principal, Politique et recherche, Manufacturiers et exportateurs canadiens): Merci, monsieur le président, nous ferons écho à bon nombre des points de vue exprimés par nos collègues de la Chambre de commerce.

    Les Manufacturiers et exportateurs canadiens sont heureux de vous faire part de leur point de vue au sujet des parties 1 à 17 du projet de règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les MEC fournissent un point de vue important de l'industrie sur l'élaboration des lois et des politiques en matière d'immigration. Afin de pallier les pénuries croissantes de main-d'oeuvre au pays, les membres de cet organisme, qui représentent 75 p. 100 de la production manufacturière canadienne, 90 p. 100 de ses exportations et environ 2,4 millions d'emplois au Canada, comptent de plus en plus sur les compétences de nouveaux arrivés pour innover, pour augmenter leur productivité et pour faire concurrence et réussir au niveau international.

    Monsieur le président, nous limiterons nos observations, ce matin, à deux grands thèmes: les critères de sélection touchant les demandes de résidence permanente de travailleurs qualifiés et la rétroactivité des règlements proposés. Cela ne signifie pas que les MEC n'ont pas de réserve au sujet d'autres dispositions du projet de règlement, notamment celles qui concernent les mesures de renvoi et l'étude préalable à l'expulsion. Nous ne nous croyons cependant qualifiés pour commenter ces aspects, pour l'instant.

    Je parlerai tout d'abord des raisons pour lesquelles la question des travailleurs immigrants qualifiés revêt une telle importante pour les manufacturiers canadiens. Ma collègue, Margot, parlera ensuite de nos préoccupations concernant les critères de sélection et la règle de rétroactivité. Je terminerai ensuite par des observations et recommandations de nature générale.

    Compte tenu du vieillissement de la population, les entreprises canadiennes ne peuvent compter sur les Canadiens pour combler tous leurs besoins en travailleurs qualifiés. Nous devrons de plus en plus recruter des travailleurs qualifiés à l'étranger. Les responsables gouvernementaux reconnaissent déjà que l'immigration représente 75 p. 100 de la croissance de la main-d'oeuvre au Canada, et dans 10 ans ce sera 100 p. 100.

    Au même moment, le Canada fait concurrence à d'autres pays pour recruter des travailleurs qualifiés pouvant fonctionner dans des usines de fabrication à haute technologie d'aujourd'hui. Si le système d'immigration canadien est jugé trop restrictif ou imprévisible, par exemple en raison de l'application rétroactive du nouveau règlement, de nombreux immigrants qualifiés iront travailler ailleurs. Comme vous le savez, monsieur le président, l'investissement a tendance à suivre la main-d'oeuvre qualifiée.

    Ma collègue, Margot, va maintenant vous parler des préoccupations des MEC concernant les critères de sélection proposés à l'intention des travailleurs qualifiés et elle vous parlera également de la question de la rétroactivité.

+-

     Mme Margot Booth (directrice, Communications et recherche, Manufacturiers et exportateurs canadiens): Monsieur le président, membres du comité, les MCE sont conscients de la nécessité d'une réglementation sur l'immigration et la protection des réfugiés qui reflète les préoccupations et la réalité moderne. Nous sommes également conscients de la difficulté que peuvent poser la conception et la mise en oeuvre d'une telle réglementation, et nous félicitons Citoyenneté et Immigration pour ses efforts. Nous avons cependant constaté un écart troublant entre l'intention annoncée du projet de règlement et les effets qu'il aura vraisemblablement dans certains domaines. Nous croyons qu'il y a encore beaucoup d'améliorations à y apporter, en particulier en ce qui concerne les critères de sélection des travailleurs qualifiés et la règle de la rétroactivité.

    En ce qui a trait à la sélection des travailleurs qualifiés, nous avons des réserves au sujet des exigences relatives aux études, du facteur d'adaptabilité et des exigences relatives aux fonds transférables. Je vais maintenant vous parler brièvement de ces trois points, en commençant par les exigences relatives aux études.

    La nouvelle grille de points favorise considérablement les études formelles. En effet, on accorde un maximum de 25 points aux candidats titulaires d'un doctorat ou d'une maîtrise. Une personne de métier qualifiée peut espérer obtenir un maximum de 20 points, et ce uniquement si elle est titulaire, et je cite ici le projet de règlement, «d'un diplôme ou d'un certificat de compétence ou si elle a fait un apprentissage constitué de trois années d'études à temps plein et d'un total de 15 années d'études/formation à temps plein.» Puisqu'il est extrêmement rare pour des personnes de métier qualifiées, y compris bon nombre de celles qui sont formées au Canada, d'avoir fait 15 années d'études formelles, elles seraient considérablement désavantagées par les critères de sélection proposés.

    Une personne de métier qualifiée ayant fait 14 années d'études formelles n'obtiendrait que 15 points et un candidat ayant fait 13 années d'études formelles n'en obtiendrait que 10. Puisque les études représentent jusqu'à 25 p. 100 d'un maximum de 100 points et que les candidats doivent obtenir 80 points pour être acceptés, la plupart des personnes de métier qualifiées auraient de la difficulté à compenser dans les autres domaines.

    Le second point est le facteur d'adaptabilité. L'introduction de ce nouveau facteur de base représente un changement dramatique du système dont les conséquences seraient sérieuses et profondes. Jusqu'à 10 points, sur un maximum possible de 100, seraient accordés aux candidats dont le conjoint est éduqué, qui a de la parenté au Canada, qui a travaillé ou étudié au Canada ou qui bénéficie d'un emploi réservé. Les personnes n'ayant aucune soi-disant qualification en matière d'acceptabilité viseraient un maximum de 80 points sur un total possible de seulement 90 points, même si le fait d'avoir un conjoint instruit ou des relations au Canada n'ont aucune répercussion sur la capacité du candidat à répondre aux besoins canadiens en matière d'emploi. Les MEC considèrent cette mesure comme discriminatoire et nuisible et nous estimons que l'acceptabilité ne devrait pas être considérée comme un facteur de base.

    Le troisième point concerne les exigences relatives aux fonds transférables. En vertu du projet de règlement, les candidats, y compris ceux qui ont un emploi réservé et ceux qui travaillent déjà au Canada, doivent avoir l'équivalent, en fonds transférables, du montant correspondant au seuil du faible revenu de leur situation familiale. Nous croyons que cette mesure aura un effet discriminatoire sur les candidats, en particulier sur les jeunes travailleurs et les candidats originaires des pays en voie de développement, qui n'ont vraisemblablement pas suffisamment de fonds disponibles ou d'avoirs convertibles pour répondre aux exigences relatives au montant nécessaire en dollars canadiens.

    Quant à la rétroactivité, les MEC sont préoccupés pour deux raisons. Premièrement, l'application de ce critère se traduirait par le refus de nombreuses demandes qui sont déjà à l'étude. Le projet de règlement prévoit également l'utilisation permanente de la rétroactivité en obligeant les candidats à répondre aux critères au moment de l'établissement, de l'évaluation faite par l'agent des visas, de la délivrance du visa et, bien entendu, de la demande.

    Selon certains, le gouvernement utilise la rétroactivité pour réduire le nombre de demandes de statut en attente de traitement provenant de travailleurs qualifiés. Selon certaines estimations, cette mesure pourrait éliminer jusqu'à 80 p. 100 des demandes des personnes se trouvant dans cette situation. Bien que nous soyons conscients du problème administratif auquel le gouvernement fait face, nous ne sommes pas convaincus qu'il pourra ainsi gagner du temps, réaliser des économies ou réduire l'arriéré. Il est probable que de nombreux candidats iront en appel et/ou présenteront à nouveau leur demande en vertu du nouveau règlement, de sorte que le gouvernement devra faire face à un arriéré de la même envergure. Entre-temps, le gouvernement risque toutefois de compromettre l'intégrité du système d'immigration utilisé pour traiter les demandes des travailleurs qualifiés. Dans ce cas, l'application de la rétroactivité équivaudrait à jeter le bébé avec l'eau du bain.

    L'application rétroactive du règlement proposé ferait planer une grande incertitude sur le système d'immigration du Canada et nuirait à ses intérêts économiques, compte tenu de la concurrence grandissante à laquelle nous devons faire face pour trouver des travailleurs qualifiés. Si nous voulons réussir à attirer de la main-d'oeuvre qualifiée, le Canada ne peut créer un système qui ne repose pas sur la prévisibilité.

    Je laisse le mot de la fin à mon collègue, Mark.

¿  +-(0925)  

+-

    M. Mark Boudreau: Monsieur le président, le règlement proposé, qui régit l'obtention du statut de résident permanent par les travailleurs étrangers, n'est pas suffisamment souple pour répondre aux besoins de l'industrie de la fabrication, qui fait face à une pénurie croissance de main-d'oeuvre qualifiée.

    En ce qui a trait aux critères de sélection des travailleurs qualifiés et à la rétroactivité, le règlement est sans fondement et doit absolument être révisé. L'utilisation d'une main-d'oeuvre qualifiée est non seulement essentielle à la compétitivité à long terme du Canada, mais elle est aussi un facteur important pour la prise de décisions ultérieures en matière d'investissement, car les entreprises visitent plusieurs pays avant de s'établir. Comme je le disais plus tôt, l'investissement a tendance à suivre la main-d'oeuvre qualifiée. C'est pourquoi il est si important d'avoir une politique en matière d'immigration qui respecte les droits des travailleurs étrangers.

    Selon les MEC, le règlement proposé, dans sa forme actuelle, empêchera le Canada d'atteindre cet objectif. Le gouvernement fédéral a indiqué que le règlement entrerait en vigueur le 28 juin 2002. Les MEC recommandent vivement au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration d'en retarder l'entrée en vigueur, pour permettre au gouvernement de consulter d'autres groupes de l'industrie, et d'amender le règlement en conséquence.

    Les MEC et de nombreux autres groupes qui ont comparu devant votre comité ont relevé de graves lacunes dans le projet de règlement. Il faudra remédier à ces lacunes avant qu'elles ne provoquent une crise au sein de notre système d'immigration de travailleurs qualifiés. Notre organisation ne prétend pas être particulièrement versée dans les questions d'immigration et elle n'a donc pas l'intention de dicter des solutions au gouvernement, mais nous nous attendons à ce qu'il examine plusieurs solutions lorsqu'il refera ses devoirs, ce qu'il ne manquera sûrement pas de faire.

    Selon nous, un bon nombre des problèmes concernant la capacité des travailleurs qualifiés, y compris les travailleurs de métier, de se qualifier pourraient être résolus en abaissant la note de passage à un niveau plus raisonnable. Les candidats n'ayant pas de diplôme universitaire auraient ainsi plus de chance d'être acceptés. Une autre solution consisterait à créer deux catégories pour les fins de sélection des travailleurs qualifiés, des critères ou des notes de passage distincts s'appliquant aux candidats ayant un diplôme universitaire et aux travailleurs de métier qualifiés.

    Le facteur d'adaptabilité doit aussi être réexaminé. Au lieu de l'éliminer purement et simplement, ce critère pourrait constituer une grille de points bonis plutôt qu'un facteur de base. Des candidats pourraient ainsi compenser le nombre de points insuffisants obtenus dans un autre domaine, sans que cela ne désavantage les autres candidats.

    En ce qui concerne les exigences relatives aux fonds transférables, cette règle devrait être éliminée ou modifiée de façon à être moins rigoureuse, par exemple en exigeant d'avoir l'équivalent d'au plus la moitié du montant correspondant au seuil du faible revenu annuel, comme l'ont d'ailleurs recommandé certains groupes.

    Enfin, les MEC recommandent vivement que le nouveau règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés ne s'applique rétroactivement ni maintenant ni dans l'avenir.

    Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Mark et Margot.

    Nous entendrons maintenant Ramesh Dheer.

+-

    M. Ramesh Dheer (président national, International Association of Immigration Practitioners): Monsieur Joe Fontana, président du Comité parlementaire de la citoyenneté et de l'immigration et honorables membres du comité, mesdames et messieurs, mes salutations.

    Je crois que Joe m'a déjà présenté. Je m'appelle Ramesh Dheer et je suis président national de l'International Association of Immigration Practitioners, qui regroupe des avocats et consultants d'un peu partout au Canada. Je vous transmets les salutations des membres de notre association.

    Je crois que les membres du comité ont déjà des exemplaires de notre mémoire, dont je ferai néanmoins un survol. En fait, mes collègues qui ont pris la parole ce matin ont déjà abordé en grande partie ce dont je voulais traiter. Je commencerai par la question de la rétroactivité.

    Comme on l'a dit, la rétroactivité n'aidera en rien les choses, car entre 70 p. 100 et 80 p. 100 des travailleurs qualifiés et professionnels de la catégorie des travailleurs autonomes ne se qualifieront pas. D'ailleurs, cette exigence est déloyale. Je pratique le droit de l'immigration depuis 26 ans, et c'est la première fois que je vois le facteur de rétroactivité imposé à de nouveaux immigrants. Cela me paraît déloyal. De plus, si nous appliquons cette exigence, nous risquons de perdre de nombreux immigrants compétents qui aimeraient venir s'établir au Canada. Ils iront vers des pays comme les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou ailleurs.

    Passons maintenant aux nouveaux critères de sélection. En vertu de ces critères, même un candidat qui aurait une maîtrise ou un doctorat ne serait pas assuré d'être accepté, à moins de pouvoir compter sur l'aide de parents vivant au Canada et sur d'autres facteurs. Je pense que les personnes qui désirent venir s'établir au Canada devraient être évaluées en fonction de leurs qualifications et de leur expérience et ne devraient pas avoir à compter sur d'autres éléments secondaires, comme la présence de parents, et autres facteurs semblables.

    En ce qui concerne les demandeurs gens d'affaires, je crois savoir qu'ils devront posséder, en vertu des nouvelles exigences, un diplôme d'études postsecondaires, avoir de l'expérience en tant que cadres de gestion, commander un personnel d'au moins 50 membres et avoir un chiffre d'affaires d'au moins 40 millions de dollars. Nous avons toujours eu pour devise: «Le Canada veut faire des affaires». Je ne sais pas dans quelle mesure c'est encore le cas à la lumière de ce nouveau critère. Je crois que les règles qui sont proposées devraient être plus conformes à ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, afin que nous puissions continuer d'attirer des gens d'affaires chevronnés. Bien entendu, nous souhaitons qu'ils apportent des capitaux avec eux, mais nous ne tenons pas à leur imposer des conditions aussi rigoureuses.

    Permettez-moi maintenant de parler des exigences en matière de liquidités. Une famille de trois personnes devra apporter avec elle au moins 27 000 $ pour pouvoir venir s'établir au Canada. Cette exigence est aussi très injuste car, selon nous, les travailleurs qualifiés et professionnels doivent être évalués à la lumière de leurs compétences et non pas de leur compte en banque. Aussi j'estime que cette exigence devrait être éliminée.

    Le point suivant concerne la croissance démographique canadienne et la politique d'immigration. On a souvent dit que l'immigration devrait représenter 1 p. 100 de la population canadienne, soit environ 300 000 immigrants par année. Si ces critères et conditions rigoureux sont appliqués, nous ne voyons pas comment nous réussirons à maintenir un niveau d'immigration de 300 000 personnes par année, en dépit de la baisse démographique. Aussi, si nous voulons recevoir suffisamment d'immigrants, les critères de sélection doivent être adaptés aux besoins en main-d'oeuvre, comme par le passé.

¿  +-(0935)  

La politique actuelle, qui est en vigueur depuis longtemps, a donné de bons résultats. Pourquoi la modifier maintenant?

    Le point suivant porte sur les certificats d'étude et les exigences linguistiques. Pourquoi faudrait-il qu'un outilleur-ajusteur, dont nous avons un urgent besoin au Canada, détienne un diplôme? À ma connaissance, je ne crois pas qu'il existe, où que ce soit dans le monde, une université qui décerne un diplôme d'outilleur-ajusteur. Nous croyons que les critères de sélection applicables aux demandeurs du statut d'immigrant devraient être équitables, pour que les candidats puissent se qualifier tout en étant utiles à notre pays.

    La nouvelle note de passage est de 80 sur 100. La précédente était de 70 sur 110. Sans entrer dans les détails, mon association et moi-même pensons que la nouvelle note devrait être de 65 sur 100, ou encore de 70 sur 110 comme dans le passé.

    Le point suivant concerne la pénurie de travailleurs qualifiés et de professionnels, c'est-à-dire en grande partie le genre de travailleurs dont nous avons besoin au Canada. Par exemple, l'employeur pourrait avoir besoin d'un machiniste, d'un analyste en informatique ou d'un autre type de travailleur qualifié et vouloir le faire venir au Canada immédiatement de façon à ne pas ralentir la bonne marche de ses affaires. Nous croyons que le ministère de l'Immigration devrait établir un lien étroit avec le ministère des Ressources humaines, de sorte que si un employeur désire faire venir rapidement un travailleur temporaire, il puisse compter sur le ministère de l'Immigration pour lui accorder un permis de travail. L'industrie éviterait ainsi les inconvénients liés au manque de travailleurs qualifiés.

    Dans le passé, le système de parrainage familial comportait une catégorie dite de «désignation», conforme à la politique de réunification familiale du Canada. Nous croyons que les frères, soeurs, fils et filles mariés devraient être admis dans cette catégorie, comme c'était le cas il y a 10 ou 12 ans.

    En ce qui concerne le dernier membre restant de la famille, la version préliminaire originale du nouveau règlement comprenait ce membre, mais on l'a éliminé. Nous suggérons que cette disposition soit restaurée, car il n'est pas logique qu'un dernier membre restant de la famille demeure à l'étranger quand tout le reste de la famille a immigré au Canada.

    Nous croyons également que le personnel de l'immigration devrait considérer l'entrée des membres de la famille avec souplesse et commisération à l'égard des personnes qui pourraient éprouver des difficultés mineures d'ordre médical.

    Nous estimons également que les autres membres de la famille qui parrainent, depuis le Canada, des personnes apparentées devraient pouvoir signer un engagement commun pour permettre à ces dernières de satisfaire aux exigences relatives au SFR. Ces exigences devraient être fondées sur le revenu actuel de la famille qui parraine, et non pas sur son revenu des 12 derniers mois, étant donné que les circonstances changent.

    Au sujet de la durée de l'engagement, nous croyons qu'elle devrait être de trois ans pour toute la famille.

¿  +-(0940)  

    Les règles du système devraient être assouplies de façon à permettre aux étudiants étrangers de venir au Canada et de recevoir une formation à leurs propres frais. Nos collèges et universités en bénéficieraient. Une fois leurs études terminées, ces étudiants devraient recevoir une autorisation de travail, puis être autorisés à demander le statut de résident permanent au Canada, pour éviter qu'ils ne partent vers d'autres pays.

    Les aides-familiaux résidants doivent actuellement avoir complété au moins une 12eannée d'études. Nous croyons que 10 ans d'études devraient suffire et que l'expérience de travail de ces personnes devrait être reconnue.

    Lorsqu'une personne obtient sa réhabilitation, nous croyons que...

+-

    Le président: Veuillez m'excuser, Ramesh. Nous avons votre mémoire. Nous voulions que vous en fassiez un survol parce que nous l'avons déjà lu et nous aimerions beaucoup vous poser des questions.

+-

    M. Ramesh Dheer: D'accord. Je voudrais cependant, si vous me le permettez maintenant ou plus tard, dire quelque chose au sujet de la réglementation des activités des praticiens de l'immigration.

    Le président: Allez-y.

    M. Ramesh Dheer: D'après les recherches que nous avons effectuées, il y aurait environ 2 500 consultants en immigration au Canada. Certains d'entre eux sont des gens très honorables et qualifiés, qui pratiquent leur métier depuis plus de 20 ans. Toutefois, afin de protéger adéquatement les consommateurs et pour préserver l'éthique au sein de la profession, j'estime que les consultants en immigration devraient obligatoirement détenir un permis. Il en a déjà été question dans le passé.

    Il y a une dizaine d'années, j'avais écrit au ministre de l'Immigration. Je vous ferai parvenir une copie de cette lettre dès mon retour à Toronto, aujourd'hui. Nous avons indiqué que notre association était prête à dresser une liste de contrôle de tous les consultants en immigration au Canada. Nous pourrions également tenir une conférence ou un congrès national d'ici deux mois. Nous pourrions aussi créer une sorte de collège ou d'école nationale qui délivrerait les permis de pratique aux consultants en immigration.

    Notre association s'est déjà dotée d'un code de déontologie, mais il y a encore possibilité de l'améliorer. Nous recommandons également à nos membres qu'ils adhèrent à une assurance-responsabilité professionnelle contre les erreurs, omissions et cas d'inconduite. Nous leur avons aussi demandé d'ouvrir des comptes en fiducie, et lorsque les services d'un expert-conseil ou d'un consultant sont retenus, nous leur demandons de signer un contrat ou une entente avec le client, pour que ce dernier sache à quoi s'en tenir.

    Nous souscrivons sans réserve à cette pratique. Nous avons obtenu une charte du ministère fédéral de l'Industrie. Notre association compte trois catégories de membres: les membres licenciés, les membres associés et les membres étudiants. Les membres licenciés détiennent soit un baccalauréat de n'importe quel... Il ne s'agit pas nécessairement d'avocats, mais de personnes ayant une formation en droit ou ayant obtenu un diplôme dans le domaine de l'immigration dans un établissement d'enseignement situé au Canada, ou possédant entre 15 et 20 ans d'expérience. Notre association compte également un jury d'examen, qui évalue les candidats et leur accorde leur licence.

    Viennent ensuite les membres associés, qui ne possèdent pas suffisamment d'expérience. Ces personnes n'ont pas de licence. Nous les confions à des gens sous l'autorité de qui ils travaillent.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Ramesh, vous aurez l'occasion de donner des détails plus tard. Je dois poursuivre, par souci d'équité pour les autres.

+-

    M. Ramesh Dheer: D'accord. Je vous ferai parvenir une copie de la lettre et j'espère ensuite entendre parler de vous pour que nous puissions lancer le processus.

+-

    Le président: Merci. Nous passons maintenant aux questions.

    Madeleine, vous êtes la première aujourd'hui.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je veux tout d'abord vous remercier d'être ici ce matin. Disons que c'est la quatrième ou la troisième semaine où on a la chance d'entendre ce que pensent les gens directement intéressés à toute cette réalité de l'immigration.

    Avant même qu'on ait commencé à entendre des témoins, plusieurs parlementaires de cette Chambre avaient manifesté des inquiétudes extrêmement sérieuses, notamment par rapport à la nouvelle grille et par rapport à la note de passage. C'est une chose assez étonnante de voir que des gens de divers horizons s'entendent sur ces règlements, qui sont inacceptables pour plusieurs.

    Alors, cela dit, je pense que vous allez comprendre que le comité va mener une bataille très sérieuse--si je me trompe, mon président va me le dire, c'est sûr--pour que ces règlements correspondent à une réalité et non pas à une vue de l'esprit. C'est la première chose.

    Deuxièmement, il nous apparaît, compte tenu de la façon dont on évalue les règlements, que la date du 28 juin pour leur mise en application n'a vraiment pas de bon sens. Je ne peux pas vous jurer qu'on réussira à faire changer d'idée le ministère à ce sujet, mais je ne pense pas me tromper si je dis qu'on va également travailler là-dessus. Alors, ce sont deux choses claires.

    Je voudrais revenir sur des éléments qui n'ont pas été apportés par d'autres intervenants. Il y en a un qui a été amené, je crois, par la Chambre de commerce du Canada. Vous avez mentionné qu'au moment où on a étudié la loi, on avait envisagé et reçu de façon intéressante, du moins de la part des gens qui étaient autour de la table du comité, le fait que des demandes d'immigration, de résidence permanente, pourraient, avec la nouvelle loi, être déposées au Canada, notamment pour des gens qui sont déjà ici en vertu d'un visa d'étudiant ou d'un visa de travailleur temporaire. Or, on ne le retrouve pas dans les règlements actuels. J'aimerais vous entendre sur les avantages que vous avez vus et que vous voyez toujours à ce qu'il y ait une disposition réglementaire qui autorise effectivement des étudiants ou des travailleurs temporaires à déposer leur demande à partir du Canada.

    Ma deuxième question sera davantage un commentaire. Si vous avez pris le temps de regarder les bleus, vous aurez vu que je me suis fortement objectée à l'âge absolument extraordinaire de 44 ans. Je trouve ça bien joli 44 ans, mais j'y voyais très clairement une discrimination, et une discrimination qui n'avait pas de sens, parce qu'on sait tous que la retraite à 55 ans, c'est comme fini et que les gens, notamment ceux qui auront une formation et une expérience, vont travailler jusqu'à au moins 70 ans. Donc, la durée de vie active va commencer à 30 ans et se continuer jusqu'à 70 ans. Ça, c'est une chose à laquelle nous avons été très sensibles, et je trouve que la suggestion qui est soumise est intéressante.

    Alors, avant que mon président ne m'arrête de parler, je vais vous demander de répondre à ces quelques questions.

¿  +-(0950)  

[Traduction]

+-

    Le président: Oui, commençons.

    Nancy.

[Français]

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony: Je dirai pour commencer que ça me fait effectivement un grand plaisir d'entendre que le comité se penche sur des changements parce que, à notre avis, ce sont des règlements de base pour l'économie canadienne et qu'on doit prendre le temps nécessaire pour modifier les règlements afin d'avoir un processus d'immigration qui soit vraiment concurrentiel à l'échelle mondiale. Alors, ça nous encourage beaucoup de vous entendre.

    Sur les deux points, je vais laisser répondre mon collègue, M. Trister. Évidemment, la première application à l'intérieur du Canada est une lacune que nous avons identifiée dans les règlements actuels. En anglais, on appelle cela le Buffalo Shuffle, les gens qui sont obligés d'aller pour des voyages presque inutiles.

    Je suis complètement d'accord aussi sur la question de la discrimination en vertu de l'âge. Ce n'est pas le moment d'avoir une bonne candidate ou un bon candidat de 45 ans qui n'est pas qualifié.

    Peut-être Ben peut-il ajouter quelque chose.

[Traduction]

+-

    M. Benjamin Trister (président, Groupe de travail sur le droit et la politique d'immigration, Chambre de commerce du Canada): Tout d'abord, en ce qui concerne l'âge, il n'existe à notre connaissance aucune donnée qui justifie la fourchette de 21 ans à 44 ans, mais ce qui est encore peut-être plus important c'est que nous n'avons rien trouvé qui justifie qu'on accorde deux points de moins pour chaque année au-delà de l'âge de 44 ans. Selon ce système, si la note de passage est de 80, une personne pourrait obtenir la note maximale pour l'adaptabilité dans tous les autres cas, mais parce qu'elle aurait 45 ans elle n'obtiendrait que 79 points, soit moins que la note de passage.

    Ce critère n'est pas très sensé du point de vue des entreprises, car si l'objectif est de sélectionner des gens sur la base de leur adaptabilité pour les faire participer au marché du travail, des employeurs ne feraient certainement pas preuve de discrimination fondée sur l'âge dans le cas d'une personne âgée de 44, 45 ou 46 ans. La Chambre de commerce propose plutôt de donner 10 points jusqu'à l'âge de 50 ans, puis cinq points entre 50 et 55 ans. C'est simple et plus conforme à la façon dont les entreprises évaluent les candidats.

    En ce qui concerne la catégorie des demandeurs au Canada, la question est intéressante. Les aides familiaux résidants peuvent obtenir le statut d'immigrant reçu une fois qu'ils ont fait ce travail pendant deux ans. Nous appliquons cette règle aux aides familiaux résidants parce que nous avons besoin de cette forme de main-d'oeuvre et nous voulons encourager ces personnes à venir travailler chez nous. On se demande pourquoi on n'appliquerait pas la même règle aux outilleurs-ajusteurs ou à un président d'entreprise.

    Nous espérions que les personnes de la catégorie des demandeurs au Canada puissent effectuer la transition après avoir passé un certain nombre d'années dans un emploi et à condition d'avoir une offre d'emploi. Une personne qui a réussi à s'établir au pays devrait pouvoir obtenir le statut d'immigrant reçu sans avoir à se soucier du système de points. Nous aimerions que l'ancien système soit rétabli.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: En ce qui concerne la catégorie des demandeurs au Canada, on peut affirmer, comme le disait Madeleine, que le projet de loi C-11 prévoit, et le ministre et le ministère ont insisté là-dessus, qu'il serait plus facile aux gens, une fois qu'ils sont ici pour une raison ou l'autre, de faire leur demande au Canada plutôt que de devoir se rendre à Buffalo ou à Detroit, car il était absolument ridicule de suggérer... C'est pourquoi nous sommes aussi étonnés que vous à ce sujet. Le libellé est tellement flou qu'il faudra y apporter des éclaircissements, d'une façon ou de l'autre.

    Je sais que Mark, Margot et Ramesh ont parlé de... Avez-vous quelque chose à ajouter sur ce point ou au sujet de l'âge...?

[Français]

+-

    Mme Margot Booth: Oui, j'aimerais faire quelques commentaires.

    À première vue, nous avons trouvé très rassurants vos commentaires sur le sérieux avec lequel vous vous attaquez à ces questions.

    Au sujet du processus d'application à l'intérieur du pays, il me semble que l'ancien ministre a fait quelques annonces dans le passé à ce sujet, mais il ne s'est rien passé. Je pense qu'on a manqué une occasion très importante de combler ce vide lorsque ces règlements ont été formulés.

    Sur la question de la discrimination basée sur l'âge, Manufacturiers et exportateurs du Canada mène à chaque année une enquête auprès de ses membres et leur demande quelles sont leurs préoccupations, leurs inquiétudes en ce qui concerne leurs employés. On a constaté que ce n'est pas seulement un manque de talent dans les domaines techniques, mais aussi l'expérience. Si on met un plafond de 44 ans, ce n'est pas très âgé, moins âgé, selon moi, que ce que c'était il y a quelques années. Il faut aussi tenir compte de l'expérience.

    Je ne sais pas si Mark a des choses à ajouter.

[Traduction]

+-

    M. Mark Boudreau: Le pays se dirige vers un débat sur l'opportunité de porter l'âge de la retraite de 65 à 67 ou 68 ans.

    Le président: J'espère bien que non.

    M. Mark Boudreau: Dans ce cas, pourquoi pratiquer ce genre de discrimination à l'égard des immigrants? Comme le disait Margot, le secteur de la fabrication recherche des gens qui ont de l'expérience.

    Le président: Anita.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci beaucoup pour vos exposés. La plupart des choses dont vous avez parlé ont déjà été abordées par les autres; en fait, vous mettez encore davantage en évidence ce que nous avons déjà entendu.

    J'ai trouvé intéressant la suggestion des MEC d'accorder des points bonis pour l'adaptabilité. Je ne sais pas si l'idée avait été évoquée, mais elle me plaît, bien que je sois consciente de la difficulté de modifier une grille.

+-

    Le président: Anita, puis-je ajouter quelque chose?

    J'ai écrit exactement la même chose, mais je ne suis pas certain... et, Margot, peut-être voudrez-vous clarifier les choses pour Anita et moi. J'ai eu l'impression que vous n'étiez pas très favorable à la note correspondant à l'adaptabilité. Je voulais vous demander la même chose. Pensez-vous que le niveau est trop élevé ou trop faible?

    Anita a cru vous entendre parler de points bonis. Je n'ai rien entendu de tel. Peut-être vous et Nancy pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet.

+-

    Mme Margot Booth: Je suis heureuse que vous ayez eu l'impression que nous n'étions pas satisfaites du facteur adaptabilité en tant que facteur de base. Effectivement, cela ne nous satisfait pas.

    Nous avons envisagé la possibilité d'éliminer complètement le facteur de l'adaptabilité, mais d'autre part nous estimons qu'il a son utilité. Par exemple, si un demandeur n'obtient pas tous les points en ce qui concerne les aptitudes linguistiques... et, de toute façon, une fois arrivé ici, il pourra parfaire sa connaissance de la langue. Ce n'est pas quelque chose d'immuable, comme l'âge, par exemple. Le facteur d'adaptabilité pourrait servir à accumuler des points bonis en guise de compensation. Il ne faudrait pas appliquer ce facteur en tant que facteur de base à tous les demandeurs, car cela serait désavantageux.

À  +-(1000)  

+-

    Mme Anita Neville: C'est ce que j'ai compris.

+-

    M. Benjamin Trister: Je participe depuis des années aux discussions concernant cette mesure avec le ministère, et c'est la première fois que l'adaptabilité est présentée comme un facteur de base. D'après ce que je me rappelle des discussions passées, l'adaptabilité a toujours été perçue dans l'optique de Margot, c'est-à-dire comme une mesure de compensation. Même si la note de passage est fixée à 70, on insiste tout de même sur la maîtrise, le maximum de points étant attribué pour l'âge, l'expérience, et l'éducation.

    Si une personne n'a pas accumulé suffisamment de points, si elle n'est pas hautement fonctionnelle mais qu'elle l'est suffisamment pour entrer sur le marché du travail, nous pourrions utiliser les points bonis pour compenser cette lacune mineure.

+-

    Le président: Au sujet de la question de l'adaptabilité...?

+-

    M. Ramesh Dheer: Je suis d'accord avec mes collègues sur ce point. Les cinq points accordés pour la présence de parents au Canada et les quelques autres points relatifs aux qualifications du conjoint, et ainsi de suite, devraient constituer des points additionnels. En ce qui concerne l'adaptabilité, cependant, il devrait s'agir de points bonis si l'agent des visas estime que le demandeur satisfait aux exigences, possède toutes les qualifications mais a besoin d'un coup de pouce. Les points devraient davantage être accordés à titre de points bonis si l'agent des visas estime que le demandeur en tirera profit au Canada. Je pense que c'est ainsi qu'il faudrait faire, et je suis entièrement d'accord avec mes collègues.

+-

    M. Mark Boudreau: Je pense que le problème majeur que pose la grille, c'est qu'on applique les mêmes règles à tout le monde. Bien sûr, le Canada veut attirer les meilleurs et les plus brillants, qu'il s'agisse de détenteurs de doctorats en physique ou dans d'autres disciplines. Il faudrait peut-être évaluer ces derniers selon certains critères, et les ouvriers qualifiés comme les outilleurs-ajusteurs et les machinistes, selon d'autres critères. Le système serait ainsi plus souple.

    En un sens, le gouvernement essaie d'appliquer le même modèle de grille à tous. Il y a des différences considérables entre les détenteurs de doctorats et les ouvriers qualifiés ayant 15 ou 20 ans d'expérience, que nous voulons attirer au Canada. Je crois que le gouvernement devrait s'attaquer à ce problème.

+-

    Le président: Nous reviendrons certainement sur ce point, mais il y a d'autres sujets à aborder.

    Anita.

+-

    Mme Anita Neville: Permettez-moi de poser mes questions, et vous pourrez ensuite y répondre comme bon vous semblera.

    Mark, vous venez d'aborder le point dont je voulais traiter. Je me demande si d'autres ont parlé de la possibilité de créer deux catégories de travailleurs qualifiés. Je pense que la question mérite d'être examinée.

    J'aurais deux autres courtes questions à poser, après quoi je pourrai peut-être participer à une autre ronde. La chambre de commerce a dit savoir que des entreprises perdent des recrues à cause de l'intention du gouvernement d'appliquer le critère de rétroactivité. J'aimerais connaître l'ampleur du phénomène et savoir ce qui se passe.

    J'aimerais aussi que la chambre et les MEC me disent dans quelle mesure vos organisations et leurs membres utilisent les programmes de désignation provinciaux pour recruter des ouvriers qualifiés. Je laisserai ensuite à quelqu'un d'autre la possibilité d'intervenir.

+-

    Le président: Nancy.

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony: Je laisserai Benjamin répondre.

+-

    M. Benjamin Trister: En ce qui concerne les catégories, vous serez peut-être intéressés d'apprendre qu'il y a quelques années, le ministère a proposé un plan élaboré qu'il a appelé un programme de vases communiquants. Cette initiative s'inscrivait dans le cadre d'un programme de réglementation qui n'a pas vraiment réussi, mais pour des raisons différentes. Il ne serait donc pas très difficile de demander au gouvernement de soumettre cette proposition. Il pourrait au moins vous informer de la façon dont le projet fonctionnerait. C'était une bonne idée, qui aurait pu être viable si on avait eu les ressources nécessaires pour la mettre en oeuvre.

    En ce qui concerne la perte de recrues, j'ignore l'ampleur du phénomène, mais un certain nombre d'entreprises nous ont déjà fait savoir que la simple perspective d'une application rétroactive du règlement affecte déjà leur capacité d'attirer des candidats. Les gens refusent de venir chez nous sans avoir une certaine garantie qu'ils pourront effectivement immigrer. C'est ce qu'on nous a dit.

À  +-(1005)  

+-

    Mme Anita Neville: Si je peux me permettre de vous interrompre, accepteraient-ils de venir en tant que travailleurs temporaires s'ils avaient la possibilité d'obtenir leur statut de résident permanent? Je ne comprends pas.

+-

    M. Benjamin Trister: Lorsque des employeurs essaient d'attirer des étrangers, si ces derniers ont des familles qui risquent de devoir s'expatrier ils ne voudront pas venir sans savoir s'il existe des possibilités à long terme pour eux. On sait bien que les permis de travail temporaires ont une durée limitée et que leurs titulaires ne peuvent obtenir qu'un nombre restreint de prolongations. Par exemple, un employé d'entreprise spécialisé qui viendrait travailler au Canada à titre de stagiaire dans le cadre de l'ALENA ne pourrait effectuer un séjour de plus de cinq ans.

    Étant donné la durée limitée des permis, beaucoup de gens veulent savoir s'ils ont les qualités que recherche le Canada pour pouvoir les accepter en tant qu'immigrants, au cas où ils décidaient de rester plus longtemps chez nous. Les personnes qui ont refusé de l'emploi au Canada craignaient justement de ne pas pouvoir prolonger leur séjour au pays. Elles n'ont pas voulu déraciner leurs familles simplement pour obtenir un permis de travail de durée limitée.

+-

    Le président: J'ai une question au sujet des programmes de désignation provinciaux. Pourriez-vous tous me dire si ces programmes sont utiles, plus utiles ou moins utiles?

+-

    M. Benjamin Trister: Leur nombre est très limité. Si ces programmes étaient plus nombreux, je suis convaincu qu'ils seraient utiles. L'Ontario, d'où je viens, n'a pas de programme de ce genre. Elle n'a même pas de politique d'immigration à proprement parler.

+-

    Le président: Et ils ont une opinion bien arrêtée.

+-

    M. Benjamin Trister: Dernièrement, oui.

    Le nombre pourrait donc être accru. Je pense que les provinces ont un rôle à jouer pour satisfaire à leurs propres besoins. Franchement, l'un de nos plus gros problèmes a été de répartir équitablement les immigrants dans tout le pays. À cette fin, le Programme des candidats de la province est fort utile.

+-

    Le président: Mark ou Margot.

+-

    Mme Margot Booth: Je voudrais faire écho aux observations de Ben à cet égard. Il s'y connaît certes mieux en la matière que nous, mais j'estime que nos membres profiteraient sans doute d'un élargissement.

+-

    Le président: Ramesh.

+-

    M. Ramesh Dheer: D'après mon expérience, en toute honnêteté, je pense que le Programme des candidats de la province n'est pas bien efficace. À moins qu'il ne soit rendu vraiment efficace et que les provinces... Je ne pense pas que les provinces soient bien préparées aux questions liées à l'immigration. Je crois qu'elles estiment que c'est une responsabilité fédérale. Je ne crois donc pas que le programme ait bien de l'effet.

+-

    Le président: Une dernière question.

+-

    Mme Anita Neville: Ma question porte sur le Programme des candidats de la province. Ben a parlé de dispersion. Ma province, le Manitoba, a un programme efficace qu'elle voudrait élargir. Je suppose que ce que je veux savoir, c'est si un nombre notable d'immigrants voulaient venir au Manitoba ou ailleurs—je sais que Terre-Neuve songe à élargir son programme—, vos membres utiliseraient-ils ce programme comme moyen de promouvoir l'immigration et d'attirer des travailleurs qualifiés?

    C'est une question régie par l'offre et la demande, je suppose. Si vos membres avaient recours au programme, les provinces pourraient invoquer ce facteur pour augmenter le nombre. Pour le Manitoba et d'autres provinces, c'est très important.

+-

    M. Benjamin Trister: Dans certains cas, ces programmes étaient axés sur la profession, de sorte que, dans la mesure où un employé répond au critère de la profession... Les entreprises choisissent toujours l'option où la résistance est moindre. Si ces programmes sont élargis pour comprendre plus de professions, par exemple, ou s'ils sont modifiés de manière à pouvoir, par exemple, être utilisés comme...

    Vous êtes au courant de la proposition du gouvernement relative à l'autorisation d'emploi visant à faciliter les ententes avec des employeurs ayant des besoins particuliers. Eh bien, les programmes de candidats de la province pourraient peut-être être adaptés afin que les provinces deviennent essentiellement des partenaires d'importantes entreprises et conçoivent des programmes adaptés à leurs besoins. Il existe une foule de bonnes idées qui pourraient être utilisées afin de faciliter l'immigration.

    Je voudrais ajouter un dernier point au sujet de la dispersion. L'une des idées intéressantes consiste à accorder des points d'adaptabilité à ceux qui ont étudié ou qui ont acquis de l'expérience ou qui ont de la famille dans des provinces accueillant moins d'immigrants que les autres ou qui n'obtiennent pas une part équitable d'immigrants. Même si cela ne garantit pas que les immigrants vont y aller, il est fort possible que s'ils ont des liens familiaux dans la province en cause ou s'ils y ont travaillé et la connaissent bien, ils s'établiront là. Pourquoi ne pas leur accorder de trois à cinq points pour cela?

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Madeleine a la parole pour poser une question complémentaire.

    Je voudrais signaler aux membres du comité que les grilles de points des autres provinces—je pense que vous les avez en main—et, celle du Québec notamment, sont beaucoup plus libérales, si je puis employer ce terme, pour attirer des immigrants. D'ailleurs, la grille de points du Manitoba est bien plus libérale que celle proposée.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je voulais justement faire un commentaire sur la situation au Québec. Il y a une entente Canada-Québec en matière d'immigration qui date déjà de plusieurs années et dont on est très contents au Québec. Ce que j'entends--et j'imagine que Mark et Yvon pourront confirmer ce que je dis--, c'est que le Québec est responsable de faire la sélection de ses immigrants dans le cas des travailleurs qualifiés.

    Le processus, d'après ce qu'on entend, semble très bien rodé, semble être très efficace et correspondre au besoin de main-d'oeuvre au Québec. Alors, j'étais absolument ravie de réaliser que les règlements qui sont devant nous n'influenceront pas la grille utilisée au Québec. Ce qu'on a entendu des intervenants qui venaient du Québec et d'autres, c'est qu'il y a, dans la façon, dans le regard qui est jeté par le ministère responsable de l'immigration au Québec, comme un aspect... Autrement dit, la grille est un instrument, mais ce n'est pas l'instrument. C'est toute la différence.

    Cela étant dit, ça n'empêche pas, même si nous venons du Québec, que nous allons quand même, mes collègues et moi, faire la bataille pour que ces règlements soient acceptables et, par la suite, efficaces et utiles.

[Traduction]

+-

    Le président: Yvon.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, en effet, je dois souscrire aux propos de Madeleine. C'est une expérience qui ne date pas d'hier.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vingt-cinq ans à peu près.

+-

    M. Yvon Charbonneau: La première entente remonte à 1979 et elle a été mise à jour à quelques reprises. Donc, il y a de l'expérience derrière cette entente. Pour des raisons politiques, culturelles, linguistiques, il est sûr que l'intérêt de la province de Québec, comme province, est probablement plus grand pour les questions d'immigration que pour certaines autres provinces. Il n'en reste pas moins que cette grille est une source de référence qui doit être examinée par nous qui devons maintenant regarder cette question de règlements fédéraux.

    Nous sommes devant trois organisations qui nous ont présenté leur appréciation du projet de règlements en nous disant essentiellement que la rétroactivité n'a pas de bons sens, que c'est injuste, etc.  Vous n'êtes pas les premiers et nous avons bien pris note de vos commentaires.

    Vous nous avez apporté plusieurs suggestions qui vont toutes dans le sens de plus flexibilité, plus d'ouverture, plus de compréhension face aux besoins du Canada ou face à la réalité des immigrants ou des candidats à l'immigration qui frappent à nos portes. Dans l'ensemble, vos suggestions, si elles étaient acceptées, contribueraient à ouvrir les portes davantage tout en le faisant de manière soigneuse et systématique. Je voudrais vous remercier de cette contribution.

    Je voudrais vous demander si, à votre avis, ce projet de règlements va vraiment dans le sens de la loi C-11 qui a été adoptée, ou s'il vient plutôt à rebours, un peu à l'encontre des ouvertures manifestées par C-11?

    Deuxièmement, pour ce qui est de la consultation qui a mené à la rédaction de ces règlements, est-ce que vous avez été associés, d'une manière ou d'une autre, à cette version des règlements? Avez-vous tenté de l'être et on ne vous a pas ouvert la porte, ou, si vous avez été entendus, est-ce que vous avez été compris?

[Traduction]

+-

    Le président: Commençons par ces excellentes questions, dont l'une porte sur la consulation avant la rédaction de ces...

    Allez-y

+-

    M. Benjamin Trister: En ce qui concerne la question de savoir si les règlements sont conformes au projet de loi C-11, je dirai que ce projet de loi est une loi cadre. Sauf le respect que je vous dois, je pense qu'une question plus claire serait celle de savoir si les règlements sont conformes à ce que le gouvernement a dit qu'il ferait lorsqu'il réexaminerait le projet de loi C-11.

    Le président: Fidèle à l'esprit du projet de loi.

    M. Benjamin Trister: Je pense que les critères de sélection et l'absence d'une catégorie de demandeurs au Canada viennent en contradiction avec l'orientation que le gouvernement projetait d'adopter au cours des audiences à la Chambre et au Sénat.

    Quant aux consultations, vous portez votre attention sur les points chauds, je suppose. Dernièrement, après la présentation du projet de loi C-11 notamment, le milieu des affaires a beaucoup appris au sujet des tenants et aboutissants de l'immigration, de sorte que nous sommes de plus en plus en mesure de faire des observations. Nous n'avons pas été consultés ces dernières années en matière d'immigration. Nancy me corrigera si je me trompe, mais je pense qu'historiquement nous sommes plus liés au ministère de l'Industrie, et ce dernier commence tout juste à s'intéresser à l'immigration. Et nous sommes heureux qu'il le fasse.

    Je pense que nous avons plus à offrir maintenant et que nous sommes mieux placés pour le faire. Nous espérons que le gouvernement nous consultera.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: La réponse à cette question, pour les entreprises, est donc non. Est-ce bien ce que je dois comprendre? Si vous voulez répondre non, Ben ou Nancy, faites-le. Nous tentons de déterminer si le milieu des affaires a été consulté sur ces règlements avant leur rédaction.

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony: La réponse est non. Je pense qu'on peut dire que nous aurions dû exercer des pressions, mais le fait est que, en ce qui concerne les consultations sur d'autres questions, nous avons été assez surpris des résultats.

+-

    Le président: Nous cherchons à déterminer qui a été consulté. C'est un processus d'élimination.

+-

    M. Ramesh Dheer: Monsieur le président, oui, nous n'avons pas été consultés, et de un, et...

+-

    Le président: Vous dite que non, vous n'avez pas été consultés.

+-

    M. Ramesh Dheer: Nous n'avons pas été consultés. Je sais aussi qu'un grand nombre de collectivités avec lesquelles nous traitons ne l'ont pas été non plus.

    Je voudrais ajouter également, comme vous l'avez souligné il y a quelques instants, qu'avant que le projet de loi ne devienne loi, la perception donnée par le ministre précédent était que ce serait une excellente loi. Mais lorsque les règlements proposés sont sortis, ils ont fait l'effet d'une bombe, croyez-moi.

    Je voudrais ajouter un dernier point avant de terminer. Sauf tout le respect que je dois aux fonctionnaires, je pense, à l'instar de notre association, qu'un organisme consultatif non gouvernemental devrait être choisi ou nommé pour donner des conseils. Les critères de sélection devraient être fondés sur les aspects pratiques des marchés canadiens. Ils devraient être fondés sur la réalité, sur la façon dont le Canada a été édifié jusqu'à maintenant.

    Il y a trente ans, quand je suis arrivé au Canada, un ami m'a fait visiter Toronto. Il m'a dit: «Ramesh, sais-tu qui a construit ces grands édifices à Toronto? Ce sont des Italiens.» Et les Italiens à cette époque ne parlaient guère anglais. Si ces immeubles pouvaient parler, c'est en italien qu'ils le feraient, pas en anglais, croyez-moi.

+-

    Le président: Je les entends souvent quand je me promène au centre-ville.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Ramesh Dheer: Je le répète, monsieur, un comité consultatif mixte non gouvernemental devrait être désigné pour concevoir des critères de sélection pertinents pour le Canada, qui seraient fondés, je le répète, sur les réalités du Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Ramesh, je vous remercie de le souligner, mais je voudrais faire ressortir que telle est la fonction des politiques et du comité. Si nous tenons des audiences publiques auxquelles nous invitons des témoins experts comme vous, c'est justement pour savoir si ce qui est proposé est praticable.

    Je vous souhaite la bienvenue, Lynne. Je vous donnerai l'occasion de poser des questions avant que nous passions aux prochains témoins.

    Mark.

+-

    M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Très brièvement, je pense que vous avez confirmé ce que nous avons entendu au sujet de la grille de points et de la note de passage, notamment le fait qu'il n'y a pas eu de consultations et tout cela. Cela a été très instructif.

    J'ai une question à poser aux Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Il y a un point que j'ai soulevé dans le passé... et j'ai même eu l'occasion de comparaître devant le SCRS pour poser quelques questions. Je n'ai pas obtenu beaucoup de réponses, laissez-moi vous le dire. Je sais que nombre de pays envoient des étudiants dans notre pays, et j'ai souvent pensé que plus nous accueillons d'étudiants étrangers, plus ils penseront aux produits, aux méthodes, au savoir-faire et aux services canadiens lorsqu'ils retourneront dans leur pays. Toutefois, au fil des ans, je constate que de moins en moins d'étudiants étrangers viennent au Canada.

    Nous avons toujours soutenu que le Canada est un pays largement—et le mot n'est pas trop fort—tributaire des exportations. Si nous accueillions davantage d'étudiants étrangers au Canada, nous en profiterions plus tard. Pouvez-vous me dire pourquoi nous n'arrivons pas à faire passer ce message?

À  +-(1020)  

+-

    M. Mark Boudreau: Pour commencer, comme vous le savez, le secteur de l'éducation est de plus en plus concurrentiel. La dernière mission d'Équipe Canada dont je sois au courant, celle qui a eu lieu en Chine, comprenait quelque 30 à 40 maisons d'enseignement tentant d'attirer des étudiants étrangers et de conclure des ententes de coopération avec d'autres universités et collèges, etc. Partout dans le monde, toutes ces maisons d'enseignement s'arrachent ces étudiants étrangers aujourd'hui. La concurrence est féroce.

    Il faut donc tout considérer, des droits de scolarité au délai d'obtention d'un visa. Il faut être concurrentiel.

+-

    Le président: Je ne risque pas de me tromper en disant, Mark, que, de toute évidence, le SCRS n'est pas l'organe de commercialisation d'Immigration Canada. On peut peut-être faire en sorte qu'il le devienne.

    À vous la parole, Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): J'ai manqué la plupart des discours, mais j'ai trouvé intéressante la perception négative de la sélection. Tout semblait mauvais dans le processus de sélection. Si on travaillait sur l'adaptabilité, où pourrions-nous apporter des améliorations? Si des changements doivent être apportés, c'est bien en ce qui concerne l'adaptabilité, à mon avis. Sur quoi donc faut-il mettre l'accent pour que la grille soit davantage conforme à vos souhaits?

    Je suppose que les points—j'ai manqué cela—sont trop élevés. Préfériez-vous l'ancienne grille en ce qui concerne la sélection de carrière? Je me demande presque s'il devrait y avoir réexamen tous les ans.

    Vous avez parlé des changements qui ont touché les Canadiens. Si on remontait dans le temps, on constaterait que c'était des Italiens qui... Quant aux marchés et au Canada, tout change sans cesse. Si le processus était gelé dans le ciment pour 20 ans, il ne conviendrait pas. Il serait peut-être adapté à la situation actuelle. Qui sait? La grille de sélection devrait-elle être réexaminée et modifiée presque tous les ans? Avez-vous des suggestions à faire à cet égard?

+-

    Le président: Qui veut répondre à la question? Ben ou Nancy, Margot ou Ramesh?

+-

    M. Benjamin Trister: Bien sûr. J'ignore si vous avez entendu notre point de vue—c'est aussi celui de MEC—selon lequel l'adaptabilité ne devrait pas être un facteur clé. Et si on en faisait un facteur complémentaire, il faudrait alors examiner une foule de choses. Le gouvernement en a examiné beaucoup. À un certain point, nous avons même pensé accorder des points d'adaptabilité à quiconque dispose d'un ordinateur à la maison, pour le motif que cela renforce l'adaptabilité de l'intéressé au marché du travail.

    Des voix: Oh, oh!

    Le président: Laissez-moi écrire cela.

    M. Benjamin Trister:Je ne proposerais pas une telle chose.

    La Chambre n'approuve guère l'idée des offres d'emploi non officielles. Nous pensons que cela laisse trop la porte ouverte aux fraudes. Nous préférerions que cette option soit retirée, et que le facteur d'emploi arrangé passe à 15 points. Si vous avez un emploi et que vous ayez prouvé que vous êtes payé au salaire courant et que ce soit une offre d'emploi d'une durée indéterminée, si vous répondez aux critères établis dans les règlements, cela devrait valoir beaucoup parce que vous venez au Canada en ayant déjà un emploi.

    Nous avons parlé avant de la notion d'accorder des points à quiconque a des liens dans une région éloignée du Canada—je ne devrais pas dire éloignée, excusez-moi. Je veux dire plutôt une région du Canada qui obtient moins que sa juste part d'immigrants.

    Nous nous préoccupons également de l'adaptabilité en ce qui a trait au fait d'accorder des points à quiconque a un conjoint instruit, parce que c'est injuste pour ceux qui ne sont pas mariés et pour ceux dont le conjoint n'est pas instruit. Nous ne savons pas, vraiment, à quel point il importe que le conjoint ait un diplôme postsecondaire.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Ben, il commence à y avoir des répétitions...

    Vous pourriez peut-être répondre à la question. Le point de passage—après que tout a été examiné—doit-il être réexaminé tous les ans? Devrait-il servir à réduire ou à augmenter le nombre d'immigrants tous les ans ou tous les deux ans?

    Mme Lynne Yelich: Tous les cinq ans.

    Le président: Oui. Veuillez, s'il vous plaît, répondre spécifiquement à la question.

+-

    M. Benjamin Trister: D'accord. Le système d'admission est un problème crucial qui pousse à la hausse le niveau de passage. Si nous convenons que 65 doit être le niveau de passage, comme un témoin l'a proposé, on sera alors inondé, et il faudra 10 ans pour venir au Canada.

    Notre point de vue, c'est que, sans préciser quel mécanisme d'admission pourrait être utilisé—et nous avons des réflexions à vous communiquer—, pour l'essentiel, l'un ne va pas sans l'autre. Si on fixe le seuil à un niveau si élevé que l'adaptabilité doive être un facteur clé, il va falloir rejeter des gens au profil intéressant et on ne va pas obtenir les immigrants dont le Canada a besoin. Il faut fixer le seuil un peu plus bas, mais pas au point où il faille attendre des années et des années avant de venir au Canada.

    C'est pourquoi l'idée des vases communicants nous aidera à certains égards pour résoudre ce problème. J'exhorte le comité à étudier divers modèles de système d'admission. Je sais que la ministre précédente était consciente de la question et qu'elle examinait le problème au moment où elle a quitté son poste. Je pense que le point de vue de la Chambre, c'est qu'il faut trouver la bonne solution parce que si le seuil est trop élevé, nos besoins ne seront pas remplis.

+-

    M. Mark Boudreau: Je pense que le facteur d'adaptabilité entre en...

+-

    Le président: Pourriez-vous répondre non pas sur cette question, mais sur celle de l'examen continu du seuil?

+-

    M. Mark Boudreau: Oui, je le veux bien. Mais je voudrais d'abord souligner que nous avons amorcé cette étude parce que les immigrants venant au Canada n'offraient pas un rendement économique équivalent à celui des générations précédentes.

    Je ne doute pas que l'industrie est consciente, et le gouvernement canadien l'est de plus en plus, du fait qu'elle doit en faire plus pour assurer le succès de ces immigrants au Canada.

    Je pense que vous êtes tous conscients du fait que... combien de fois avez-vous un chauffeur de taxi...? Quand je leur parle et qu'ils me disent qu'ils sont ingénieurs, je me dis qu'il y a quelque chose qui cloche quelque part. Que s'est-il passé? Ne vous a-t-on pas parlé des qualifications en génie avant votre venue au Canada? Les exigences relatives aux ingénieurs au Canada sont peut-être différentes de celles d'autres pays.

    Nous devons faire un meilleur travail au chapitre des équivalences. Et c'est là qu'entre en jeu le facteur d'adaptabilité.

    Le président: Un par organisme.

    Ramesh, il va falloir que vous passiez à autre chose.

+-

    M. Ramesh Dheer: Je pense, Joe, que la grille de points devrait être réexaminée non pas tous les ans, mais tous les quatre ou cinq ans.

    Ensuite, j'estime qu'on ne devrait pas laisser aux fonctionnaires le soin de la modifier arbitrairement. Je pense qu'un comité comme le nôtre devrait être consulté avant qu'un tel changement soit apporté.

+-

    Le président: Juste avant de vous remercier, je vais ajouter quelques mots.

    En ce qui concerne l'adaptabilité, je crois que le comité a jugé qu'on pourrait en fait y recourir pour accorder des points en prime; ainsi, si un demandeur a des frères et des soeurs—certains d'entre nous estiment que le Canada devrait accepter les frères et les soeurs—ou s'il possède un certain nombre de facteurs positifs, cela entrerait en ligne de compte.

    Nous devrons déterminer si cela devrait ou non faire partie du système. Je vous dirai tout de suite que, si on supprime ce facteur, on retranche 10 points. Il en reste donc 90. Si le système n'est censé être qu'un système de points de prime... je crois que c'est ce que nous voulions, que l'objectif visait à accorder des points en prime, tout comme le modèle d'aptitudes prévu dans le règlement actuel était en fait un système de points en prime.

    Nous allons devoir déterminer si cela devrait ou non faire partie du système, mais être considéré comme un facteur positif, et non négatif. Je crois que certains d'entre nous ont dit que, par adaptabilité, on entend que, si des candidats possèdent des facteurs positifs, ce serait un moyen de leur donner un coup de pouce, si nous modifions la grille et tout le reste.

    J'ai quelques questions à poser précisément à la Chambre de commerce. Je sais que tout le monde a présenté des mémoires très complets. Mais je dois vous poser des questions au sujet de... car je n'ai pas entendu grand-chose à propos d'entrepreneuriat. Je crois que Ramesh en a parlé un peu. Habituellement, les grandes entreprises découlent de petites entreprises, et nous pouvons attirer de très bons entrepreneurs venant de l'étranger.

    À mon avis, le secteur des entreprises a toujours été préoccupé par deux aspects.

    J'aimerais avoir vos commentaires sur la valeur nette d'un entrepreneur en particulier que nous voudrions attirer.

    Ensuite, à propos des petites entreprises, il s'agit parfois d'entreprises familiales, de sorte qu'il faut attirer un membre d'une famille qui habite à l'étranger, mais qui aidera à faire prospérer l'entreprise. Je crains un peu que le mécanisme actuel ne disparaisse.

    Enfin, en ce qui concerne ces deux et cinq ans, je suis toujours préoccupé—je sais que vous en parlez dans votre mémoire—parce que nous vivons dans une économie mondiale et que nous devons admettre que des gens habitent au Canada et travaillent à l'étranger. Et c'est bien. Je veux dire que nous voulons de bons Canadiens pour travailler dans un grand nombre de secteurs dans le monde et, espérons-le, pour faire croître des entreprises.

    Je suis quelque peu préoccupé. Je sais que vous avez dit que maintenir une résidence permanente signifie qu'il faut essentiellement habiter au Canada deux ans sur cinq, sinon on risque de perdre le statut de résident permanent, ce qui, à mon avis, n'aide pas à attirer des gens.

    Pourriez-vous commenter les aspects concernant les entrepreneurs et les entreprises, ainsi que ceux qui portent sur les petites entreprises et la formule de deux ans sur cinq?

    Nous allons commencer par Ben ou Nancy.

À  +-(1030)  

+-

    M. Benjamin Trister: À notre avis, le règlement proposé à l'égard des entrepreneurs fera disparaître le programme fédéral d'immigration des entrepreneurs, purement et simplement. Personne ne voudra y recourir. Il y a d'autres façons de venir au Canada, et on peut immigrer dans d'autres pays dont les normes sont différentes. C'est là un autre exemple où le gouvernement élève la barre beaucoup trop haut. Il est donc juste de dire que nous serions beaucoup plus heureux si le gouvernement appliquait les normes actuelles au lieu de les modifier. Bref, nous voudrions que le système demeure le même.

    Il en va de même pour la fiducie familiale, le Programme concernant les entreprises familiales, peu importe le nom qu'on lui donne. S'il n'est pas vraiment défectueux, pourquoi le modifier? En fait, ce que nous avons constaté récemment, c'est que, en raison de l'attitude négative du ministère envers ce programme, les agents des visas appliquent déjà des normes différentes et rejettent des demandes comme jamais ils ne l'ont fait auparavant, en insistant pour que les antécédents professionnels du demandeur concordent avec l'emploi qui est offert, critère qui n'était pas obligatoire auparavant.

    Au sujet du critère de résidence, j'ai rencontré, au nom de la Chambre de commerce, un grand nombre de députés au cours des discussions portant sur le projet de loi C-11. Personne—personne—, peu importe le parti, n'a dit qu'il était formidable d'empêcher des gens de faire ce qu'ils doivent faire à l'étranger, pour les mêmes raisons que M. Assad, je crois, a mentionnées. Si on se rend à l'étranger et qu'on a des contacts au Canada, cela facilitera le commerce.

    Donc, de toute évidence, nous estimons qu'un pouvoir discrétionnaire devrait être exercé. À l'heure actuelle, ces agents ont le pouvoir discrétionnaire d'accorder au demandeur un permis de retour pour résident permanent s'ils estiment que son objectif est justifiable dans l'intérêt du Canada, ou dans les intérêts supérieurs de sa famille ou dans ses intérêts personnels. Le règlement supprime ce pouvoir discrétionnaire. Nous voudrions qu'il demeure dans le règlement.

    Peut-être que vous-même, monsieur le président, avez posé la question au ministère au cours des audiences sur le projet de loi C-11. Vous avez peut-être dit: «J'essaie de comprendre; si une personne se rend à l'étranger pour prendre soin d'un parent malade ou pour y poursuivre des études, le nouveau système lui permettra de le faire.» Les autorités ont dit que ce serait possible, mais ce règlement ne le permet pas. C'est la raison pour laquelle nous en parlons dans notre mémoire. Nous voulions attirer votre attention sur cet aspect.

+-

    Le président: Mark.

+-

    M. Mark Boudreau: Nous sommes d'accord.

+-

    Le président: Tous les trois?

+-

    M. Ramesh Dheer: Je suis d'accord avec mes collègues.

+-

    Le président: C'est absolument fantastique. Nous sommes tous d'accord. Si nous pouvons maintenant convaincre le ministre et ses collaborateurs, nous allons célébrer cela.

    Je vous remercie beaucoup d'avoir parlé non seulement du projet de loi C-11, mais aussi du règlement, ce qui est plus important. Si vous avez d'autres observations à faire, signalez-le-nous. Vos mémoires sont très complets, et nous vous remercions de votre participation.

    Nous allons passer rapidement aux témoins suivants, la sénatrice Anne Cools et Roger Gallaway. Nous allons leur donner le temps de prendre leur fauteuil.

À  +-(1035)  


À  +-(1040)  

+-

    Le président: Chers collègues, je suis heureux de pouvoir accueillir la sénatrice Anne Cools et notre collègue, Roger Gallaway, député de Sarnia—Lambton.

    Je saisis l'occasion pour vous féliciter et vous remercier tous deux du travail approfondi que vous avez accompli auprès du comité mixte de la Chambre et du Sénat sur la garde et le droit de visite des enfants.

    Bienvenue au comité. Nous sommes impatients d'entendre vos observations.

    Je dois avouer que j'ignore si vous avez des mémoires, ou si vous allez tout simplement nous présenter des observations.

    Qui désire commencer? Madame la sénatrice?

+-

     L'hon. sénatrice Anne Cools (Ontario, Lib.): Chers collègues, tout d'abord, je voudrais dire que je suis ravie d'être parmi vous. Je vois beaucoup de gens de mon parti aux réunions de mon groupe parlementaire, à l'occasion, et certaines gens des autres partis, ici et là dans les corridors. Mais je ne comparais pas très souvent devant des comités du Sénat. C'est donc pour moi une occasion rare, merveilleuse et excitante.

    En outre, je suis demeurée assise pendant quelques minutes, en attendant que vienne notre tour de nous adresser au comité, et je dois dire que j'ai été très touchée et profondément impressionnée par la minutie dont témoigne le comité.

    Monsieur Fontana, je ne vous ai pas vu à l'oeuvre en tant que président d'un comité, mais je dois vous dire que je proposerais votre candidature à la présidence de n'importe quel comité, si j'en avais l'occasion. Nous sommes au Parlement, et il est très important que nous écoutions sérieusement et attentivement, et que nous ayons une interaction avec des membres de la population qui comparaissent comme témoins. Je voulais donc juste dire que j'ai été très touchée. Continuez de faire du bon travail.

+-

    Le président: Nous avons un groupe très qualifié autour de la table. Je pourrais dire que nous en savons plus sur l'immigration que le ministre et ses collaborateurs.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Eh bien, si vous le voulez, je vais...

+-

    Le président: Je ne devrais pas parler ainsi du ministre. Il connaîtra le dossier tôt ou tard.

+-

    La sénatrice Anne Cools: L'autre chose que je voudrais dire, c'est que je sais que, en tant que sénatrice, j'ai une certaine préséance, mais j'estime aussi que M. Gallaway devrait prendre la parole le premier, car il est député de votre Chambre. En outre, M. Gallaway a eu l'occasion insigne d'être un des coprésidents du Comité mixte spécial du Sénat et des Communes sur la garde et le droit de visite des enfants. Je suis sûre que vous êtes tous au courant des résultats des travaux du comité et de l'énorme appui que les recommandations de ce comité ont recueilli auprès de la population.

    J'estime sincèrement que le travail qu'a accompli M. Gallaway auprès de ce comité a été extrêmement utile et exceptionnel. Et comme il est député, je vais lui laisser la parole.

+-

    Le président: Roger.

+-

    M. Roger Gallaway (Sarnia--Lambton, Lib.): Merci, madame la sénatrice.

    Je voudrais dire tout d'abord que nous sommes tous deux ici aujourd'hui parce que le règlement qui a été publié dans la Gazette du Canada nous intéresse beaucoup. Nous ne voulons traiter que deux parties du règlement.

    Nous nous opposons farouchement à l'insertion dans le règlement d'application du projet de loi C-11 d'une disposition selon laquelle les personnes qui manquent à une obligation alimentaire imposée par un tribunal ne peuvent pas parrainer des membres de leur famille, à moins qu'elles ne puissent prouver que la question a été réglée à la satisfaction de la province. Ensuite, le règlement interdirait à des personnes condamnées pour un crime de violence familiale pour lequel aucun pardon n'a été accordé, ou qui ont été condamnées à l'étranger et qu'il est impossible de prouver qu'il y a eu réadaptation, de parrainer un membre de la catégorie du regroupement familial.

    Je voudrais d'abord examiner le problème général du manquement à un engagement de parrainage. Le 28 octobre 1999, l'ancienne ministre de l'Immigration a présenté le point de vue de son ministère au sujet de l'ampleur de ces manquements. Elle a répondu à une question posée à la Chambre au sujet de déclarations qu'aurait faites le premier ministre de l'Ontario, Mike Harris. Il prétendait que la majorité des répondants manquent à leur engagement de parrainage.

    Elle a dit:

Le gouvernement Harris et d'autres préfèrent mettre l'accent sur les manquements. Voici les faits: à Toronto, 86 p. 100 des demandes de parrainage sont honorées et, à l'échelle du pays, le taux de réussite est de 90 p. 100. Quand j'allais à l'école, si on nous donnait 86 ou 90 p. 100, nous avions un A et c'était très bon.

    Tels sont les propos de l'ancienne ministre de l'Immigration. Compte tenu de ce A ou d'un taux de réussite de 90 p. 100 dans les engagements de parrainage, nous voulons passer à la première disposition du règlement selon laquelle les personnes qui ont manqué à une obligation alimentaire imposée par un tribunal ne peuvent pas parrainer des membres de leur famille.

    À mon avis, le comité doit examiner très sérieusement au moins deux facteurs. Il y a d'abord la véracité des dossiers provinciaux des paiements de pension alimentaire. Pourquoi un ministère fédéral, comme celui de l'Immigration, devrait-il se fier aux dossiers de dix provinces, alors que les preuves sont nombreuses que leurs méthodes de comptabilité et de présentation de rapports varient considérablement d'une province à l'autre? Bref, il n'existe pas de normes nationales.

    Par exemple, en Ontario, le Bureau des obligations familiales est, selon bien des rapports, en retard, ses dossiers sont inexacts, et surtout, ils est difficile, sinon impossible d'avoir accès à des renseignements par écrit.

    Il existe de nombreux rapports documentés de graves inexactitudes. Elles ont été publiées dans la presse. Des comités parlementaires ont fait des observations au sujet du problème. Pourtant, une loi fédérale, c'est-à-dire le projet de loi C-11, propose de lier l'admissibilité au parrainage d'immigrants à des dossiers provinciaux très suspects. Fait-on ses paiements de pension alimentaire? Pour cette seule raison, nous suggérons au comité de s'opposer à cette disposition.

    Dans le même contexte, la référence aux obligations alimentaires pour les enfants ne se limite pas à la Loi fédérale sur le divorce. Des obligations alimentaires peuvent être imposées en vertu de lois provinciales lorsque les parties au litige ne sont pas mariées, ou sont mariées mais séparées, ou lorsque la paternité est mise en cause.

    Je recommande au comité de lire le discours qu'a prononcé le regretté sénateur Eugene Forsey, il y a presque 25 ans, ironie du sort, le 8 février 1977. Il a parlé des textes réglementaires, des règlements et, ce qui est le plus important, de la délégation par le Parlement de son pouvoir au moyen du processus de réglementation, c'est-à-dire de l'établissement de règlements.

À  +-(1045)  

Ses observations très significatives débutent à la page 379 des Débats du Sénat du 8 février 1977. À la page 381, on voit qu'il a dit ceci:

Comme nous le savons tous, il arrive souvent à l'heure actuelle que le Parlement se contente d'adopter une loi qui constitue une sorte de cadre, et que ce soient les instruments statutaires ou les organismes de réglementation qui s'occupent des détails et de l'application de la loi.

    Dans la même allocution, le sénateur Forsey a prévenu les parlementaires qu'ils doivent être eux-mêmes convaincus que les règlements sont d'abord intra vires—qu'ils relèvent de la compétence du gouvernement fédéral— et, ce qui est plus important, qu'il existe une loi fédérale autorisant le Parlement à agir comme il se propose de le faire. Il a fait remarquer que les règlements «ne devraient pas receler de contradictions».

    Je vous souligne que cette disposition—les obligations alimentaires pour enfants—relève à toute première vue de la compétence du gouvernement fédéral, mais la loi fédérale autorisant le Parlement à agir, c'est-à-dire cette partie du projet de loi C-11, est pleine de contradictions. D'une part, le règlement peut être lié à la Loi sur le divorce, qui est manifestement une loi fédérale, mais, d'autre part, il peut aussi très clairement être lié aux lois provinciales sur les pensions alimentaires versées aux enfants et aux conjoints, à la dizaine de lois en ce sens, dont aucune n'est identique, de même qu'à la dizaine de lois provinciales sur la recherche en paternité, dont aucune n'est uniforme ni identique. Le règlement est truffé de contradictions.

    En outre, le régime réglementaire qui concerne ces lois — je parle ici des lois provinciales sur les pensions alimentaires et sur la recherche en paternité — est la création exclusive des dix provinces ou des territoires, qui ne font absolument pas l'objet de l'examen ou de l'influence du gouvernement fédéral. Je vous le demande! Il existe au moins 20 lois différentes sur les pensions alimentaires pour enfants, ainsi que 20 régimes de réglementation différents et, par le pouvoir de délégation énoncé dans le projet de loi C-11, notre pouvoir de délégation serait désormais lié aux règlements provinciaux. Nous ne pouvons pas accepter cela. C'est inacceptable pour deux raisons.

    D'abord, il n'existe aucune norme nationale uniforme. Nous aurions une mosaïque, en mettant les choses au mieux, de différentes lois provinciales, dont aucune ne serait identique à une autre ou à la loi fédérale. On déléguerait à des fonctionnaires fédéraux, et cela est encore pire, le droit de prendre des décisions—à savoir, si une personne peut parrainer quelqu'un aux termes du projet de loi C-11—, et ces décisions seraient fondées sur des règlements provinciaux et sur des dossiers tenus selon des règlements provinciaux.

    Il s'agit là d'une tendance dangereuse qui va à l'encontre de la règle la plus fondamentale: il est interdit à une personne à qui le Parlement a délégué un pouvoir de déléguer à son tour ce pouvoir à quelqu'un d'autre. Ce serait une sous-délégation d'un pouvoir à des autorités provinciales. Pour cette seule raison, vous devriez, à notre avis, rejeter cette proposition énoncée dans le règlement.

    Il est ironique que l'ancienne ministre fédérale de l'Immigration ait rejeté, le 28 octobre 1999, l'affirmation du premier ministre de l'Ontario, Mike Harris, selon laquelle la majorité des répondants manquent à leur engagement, puis qu'elle soit intervenue et ait autorisé un régime de réglementation lié aux dossiers et aux règlements des provinces. Si la suprématie et le rôle du Parlement vous tiennent à coeur, vous allez rejeter cette disposition sans équivoque.

    Ensuite, et ce qui est plus important, le ministère de l'Immigration, en proposant cette disposition réglementaire, choisit ponctuellement une partie d'une ordonnance ou d'un jugement d'un tribunal et fait fi d'une autre, qui concerne le divorce ou la séparation.

    Si la Loi sur l'immigration doit être un mécanisme auxiliaire d'application du droit sur le divorce ou sur la famille, pourquoi ne pas l'élargir et être cohérent?Pourquoi ne pas élargir la portée du règlement pour y inclure les répondants qui manquent à leur engagement de visiter leurs enfants? Pourquoi ne pas examiner une ordonnance de divorce ou de soutien alimentaire aux termes d'une loi fédérale ou provinciale? Supposons que la garde des enfants est confiée à X, et que Y a un droit de visite et doit verser une pension alimentaire pour enfants de 1 000 $ par mois. Au cours de la prise de bec qui s'ensuivrait inévitablement, X refuserait le droit de visite; Y refuserait de payer la pension. Les deux conjoints manqueraient à leur engagement. Y voudrait parrainer sa mère qui est veuve et qui habite en Europe; selon le régime, sa demande serait rejetée. X voudrait parrainer sa mère; sa demande serait acceptée.

À  +-(1050)  

    Donc, si la Loi sur le divorce ou les lois sur la famille ou sur la recherche en paternité doivent servir de critères, quel pouvoir autorise le Parlement à dire que tout cela fait partie d'un jugement du tribunal? Cette disposition précise sur le paiement d'une pension est plus importante que celle qui porte sur le maintien d'une relation, sur le droit de visite.

    Le Parlement applique un principe dangereux, et je dirais même inacceptable, lorsque ce Parlement—nous, les parlementaires—recourt à une loi pour appliquer une partie d'une ordonnance d'un tribunal—c'est-à-dire en privant un répondant de son droit—tout en faisant fi d'une autre partie de ce jugement. Si l'importance et le caractère sacré des ordonnances du tribunal nous tiennent vraiment à coeur, nous allons rejeter ce règlement.

    Madame la sénatrice.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup.

    Je voudrais également dire qu'il y a un membre du comité qui a siégé aussi au comité mixte. Je voulais souligner cela et le remercier aussi.

    Je voudrais ajouter quelques observations à celles de mon collègue, M. Gallaway, puis développer un peu plus longuement une partie de ses propos.

    Nous demandons au comité d'adopter la position selon laquelle la Loi sur l'immigration est la loi habilitante qui porte sur les ressortissants étrangers qui veulent entrer au Canada. Elle ne devrait pas être transformée en un autre instrument juridique portant sur la réglementation des mariages et de tous les incidents ou éléments auxiliaires et accessoires au mariage. Si le comité procédait ainsi, il agirait certes à la dérobée, car l'intention du Parlement, dans le projet de loi qu'il veut adopter, est censée être on ne peut plus claire, et il est censé agir comme il dit qu'il le fera, il est censé dire ce qu'il pense et penser ce qu'il dit. Voilà mon premier argument.

    Le deuxième argument que je voudrais présenter—encore une fois en m'appuyant sur l'exposé de M. Gallaway—, c'est que les règlements ont un objectif constitutionnel unique et font partie d'une ordonnance constitutionnelle. Si vous lisez, par exemple, la Loi sur les textes réglementaires, vous constaterez que l'article 2 présente la définition de «règlement» et son objectif.

    Je voudrais citer un extrait de l'article 2:

    2. (1)Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

(Version anglaise seulement) «prescribed» means prescribed by regulations made pursuant to this Act;

«règlement» Texte réglementaire

a) soit pris dans l'exercice d'un pouvoir législatif conféré sous le régime d'une loi fédérale;

    Je soutiens devant les collègues autour de la table que ces dispositions du règlement, tel que projeté—et permettez-moi d'être très claire—ces dispositions dont nous parlons, ces deux dispositions étroites, ne sont pas prises dans l'exercice d'un pouvoir législatif conféré sous le régime de la Loi sur l'immigration. En fait, ces dispositions y ont été ajoutées pour des motifs qui me sont inconnus et qui, jusqu'ici, sont nébuleux et inconnus du Parlement. Ainsi, rien ne nous indique pourquoi ces deux dispositions ont été soudainement ajoutées au règlement.

    Maintenant, si nous comprenons très clairement qu'un règlement ne peut pas appliquer des dispositions que la loi ne lui demande pas d'appliquer, nous comprenons donc que nous sommes témoins d'une forme de corruption dans le recours à un cadre réglementaire pour obtenir un résultat et d'une décision que quelqu'un, quelque part, veut prendre, mais n'a ni le cran, ni la force, ni le courage, ni la transparence nécessaires pour l'insérer dans le projet de loi, afin que nous puissions tous nous prononcer sur ce dernier.

    Si je peux vous renvoyer encore une fois aux mêmes documents dont... j'ai failli dire le sénateur Gallaway...

    M. Roger Gallaway:Oh! il n'y a aucun risque que cela se produise, je peux vous l'affirmer; absolument aucun. J'en suis certain.

    La sénatrice Anne Cools:... dont M. Gallaway a parlé, car il y a eu un long débat à l'époque sur le recours aux textes réglementaires et aux règlements, car on parle de «mesures législatives subordonnées». Je voudrais citer les propos du sénateur Lang qui, comme vous le savez, est un sénateur très bien connu de Michener. Le 16 mars de la même année, 1977, il a dit, et ses propos sont consignés à la page 509: 

... l'exercice du pouvoir bureaucratique au-delà de l'autorisation accordée par le Parlement au moment de l'adoption d'une loi.

À  +-(1055)  

Il dit également que des règlements ne doivent pas être utilisés pour exercer un pouvoir que la loi elle-même n'a pas conféré par édiction ou ne prévoyait pas conférer. Voilà mon premier argument.

    Ensuite, encore une fois, je voudrais parler des éléments choisis dans la rupture d'un mariage ou dans la séparation, car bon nombre de ces éléments ne font pas nécessairement partie du mariage; ils peuvent relever de lois provinciales. On a dit que les rédacteurs du règlement entraveront la capacité de certaines personnes de parrainer des membres de leur famille en invoquant le non-respect des ordonnances du tribunal; qu'ils ont choisi un ensemble d'ordonnances du tribunal à partir des mêmes entités dans une relation, en excluant les autres.

    Celle qu'ils ont choisie est manifestement la pension alimentaire pour enfants, et celle qu'ils ont exclue est le droit de visite des enfants. Je vous dis que l'une ou l'une partie sera incitée à manquer aux règles et se servira tôt ou tard de ce moyen pour tout simplement emmener son enfant d'un pays à l'autre.

    Je vous exhorte donc à considérer qu'il s'agit là d'un encouragement à manquer aux règles. Si les rédacteurs de ce règlement s'étaient dit: «Nous allons invoquer le non-respect de toutes les ordonnances du tribunal ou la désobéissance à ces dernières», la prémisse aurait été différente. Mais dans ce cas-ci, ils ont choisi, je le dis bien franchement, les arguments fondés sur l'argent. Nous savons tous que, dans ces choix fondés sur l'argent, on parle implicitement des hommes. Donc, le règlement, tel que rédigé, constitue une agression très voilée contre les hommes en tant que pères, à mon avis.

    Je vais passer à autre chose. J'ai une autre citation du sénateur Forsey sur le fait que les règlements vont au-delà des pouvoirs de l'organisme de réglementation. Avant de continuer, je devrais peut-être faire valoir cet argument, pour vous donner matière à réfléchir.

    Dans un article intitulé «Delegated Legislation in Canada», on trouve une liste qui énumère clairement les objectifs et les pouvoirs que des règlements ne devraient pas conférer. Je veux que vous sachiez que ce recours aux règlements dérange le Parlement et les parlementaires, et nous tourmente depuis très longtemps. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai été très enthousiasmée lorsque j'ai appris que le comité se chargeait d'étudier cette réglementation.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: J'ai vu Eugene Forsey en rêve et il m'a dit: «Faites cette étude.»

+-

    L'hon. Anne Cools: Je peux seulement vous dire de continuer de rêver, car ce sont les rêves qui aboutissent à un bon Parlement et à de bonnes lois.

    Des règlements ne devraient pas conférer des pouvoirs de faire beaucoup de choses. Par exemple, une de ces choses, c'est qu'on ne pourrait pas modifier une autre loi par règlement, mais il y en a deux dont je voudrais parler. L'une est de prendre des règlements qui risquent d'empiéter indûment sur les droits et les libertés de la personne. La deuxième est de prendre des règlements qui renferment des questions de politique ou de principe.

    À mon avis, la première est assez claire et je n'ai pas besoin de l'expliquer. Mais le fait est que ces règlements, tels que rédigés, ne peuvent pas être invoqués pour empiéter sur les droits des citoyens canadiens. Les droits d'un citoyen ne peuvent pas être entravés ou modifiés par un règlement comme celui-ci. Ce que nous disons, c'est que certains citoyens du Canada risquent de ne pas être autorisés à parrainer leur grand-mère âgée de la Yougoslavie, ou d'un autre pays, et le règlement ne peut pas interdire cela. Cela n'est pas réglementaire. Les cadres de réglementation sont censés décrire des processus et des règles, et non viser des résultats.

    L'autre question importante, c'est que les rédacteurs ne sont pas autorisés à rédiger des règlements qui renferment des questions de politique ou de principe. Honorables collègues, il s'agit ici de questions de politique, non seulement de questions de politique contenues dans ce règlement, mais également de questions de politique qui n'ont pas été débattues et discutées pendant que nous étions saisis du projet de loi. Voilà mon argument.

    Je vais poursuivre très rapidement, car je veux qu'il nous reste amplement de temps pour les questions. Je voudrais vous parler de toute la question de la violence familiale et des agressions familiales. Dans le règlement, on n'emploie pas le terme «violence». On ne parle pas de «crimes», mais plutôt d'«agressions». Je soutiens que ce terme, tel qu'il paraît dans le règlement, n'a aucun sens légal, n'a pas été interprété et risque de laisser place à toutes sortes d'interprétations.

    Par-dessus tout, honorables collègues, sur ce point, je soutiens que la politique de tolérance zéro a créé plus de problèmes dans la loi et dans la politique gouvernementale qu'aucun de nous ne peut l'imaginer. Je vous implore de demander qu'il y ait équité et équilibre dans le droit de la famille. Je dis cela parce que je comprends parfaitement que les conditions juridiques et sociales qui entourent la violence familiale sont obscures. Cette situation obscure est renforcée parce que certaines autorités ne sont pas disposées à accepter l'évidence: la violence et les agressions sont des problèmes humains, et non des problèmes propres à un sexe ou à l'autre.

    Je vous demande d'examiner la thèse voulant que ces maux soient causés par des hommes et des femmes, et non seulement par des hommes. Il s'agit là de problèmes humains, et non de problèmes propres à un sexe seulement. Toutes les données montrent que les hommes et les femmes sont tout aussi violents les uns envers les autres, et envers les enfants. Je vous demande d'examiner la thèse selon laquelle les hommes et les femmes sont tout aussi capables de vices et de vertus, et que la vertu est une qualité humaine, et non une qualité propre à un seul sexe.

    Autrement dit, honorables collègues, les thèses contenues dans ce règlement sont fondées—j'ai lu des documents d'information sur leur insertion dans le règlement—sur ce que j'estime être une notion de patriarcat très boiteuse, et aujourd'hui moralement et intellectuellement vide, et sur la notion selon laquelle les relations humaines sont axées sur la domination et le contrôle, au sens patriarcal.

    À mon avis, la violence, et tout autre tort causé dans une relation, est davantage une pathologie de l'intimité qu'un problème de patriarcat.

Á  +-(1105)  

    C'est l'argument que je vous présente. À mon avis, il s'agit de déclarations de principe qui n'ont pas leur place dans ce règlement, d'autant plus qu'elles n'ont pas été débattues.

    Je voudrais vous lire les propos d'un juge sur toute cette question de tolérance zéro en matière de violence familiale, car il se trouve actuellement que, si la femme frappe l'homme et qu'il saigne du nez, la police intervient et arrête l'homme. Cette situation est très courante dans notre société, et il faut y voir et en parler.

    Je vous renvoie à une cause en particulier,Regina c. Ghanem, dans laquelle une femme a accusé faussement son conjoint de l'avoir agressée. Elle avait employé cette stratégie parce qu'ils étaient en instance de divorce. L'homme a été acquitté, bien sûr, après une expérience très longue et très désagréable et sans doute beaucoup de souffrances. En l'acquittant, le juge a tenu ces propos. Je veux les citer aux fins du compte rendu. Il s'agit du juge Fraser. La causeRegina c. Ghanema été entendue très récemment, en 1998. Il a dit ceci:

J'estime que les éléments de preuve présentés par la plaignante et sa mère sont contradictoires, portent à confusion, entrent en conflit, sont inconciliables et, bien franchement, sont faux.

Par «plaignante», il entendait la femme.

    Il a continué de parler de la politique de tolérance zéro. Voici les propos du juge Fraser qu'on trouve dans le paragraphe 21 de son jugement:

Je désire faire deux autres observations, car on peut se demander comment un homme peut être faussement accusé dans ces circonstances, jusqu'à devoir subir un procès. Les motifs m'apparaissent évidents et inquiétants. D'abord, la police semble avoir une politique de tolérance zéro dans les cas d'agressions familiales. Or, toute politique de tolérance zéro est dangereuse. Elle est particulièrement dangereuse lorsqu'elle est mal appliquée.

    Je voudrais terminer ici pour que vous puissiez poser des questions. En fin de compte, il s'agit là de questions de politique qui méritent de faire l'objet d'une discussion et d'une décision. Elles ne devraient pas être glissées d'une manière inconvenante dans un ensemble de règlements.

    Merci, honorables collègues.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Merci à tous deux de vos exposés. Je dois avouer que c'est la première fois que nous entendons des témoins parler de ces dispositions, quoique des témoins aient analysé quelque peu notre règlement sous l'angle du sexe et de la race. Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ces questions.

    Certains d'entre nous se demandaient quelle intervention divine a amené notre comité à accomplir une tâche plutôt exceptionnelle, soit examiner les règlements. Je présume que certaines choses ne changent jamais, même après 25 ans. Les parlementaires sont encore très soupçonneux et très soucieux lorsque des règlements se substituent à des lois. Mais Eugene Forsey est peut-être encore de ce monde.

    Nous allons commencer par Madeleine.

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.

    Le président: Et merci de votre travail acharné à l'autre comité.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Vous avez travaillé très fort. Permettez-moi de brancher mes écouteurs pour la traduction, car mon français... j'y travaille toujours, vous savez, mais c'est...

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien.

    La sénatrice Anne Cools: C'est vrai. Je suis mes leçons toutes les semaines, mais je ne suis pas encore prête à vous parler en français.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Comme les compliments pleuvent, je me permets de dire devant le comité que la sénatrice Cools continue à se distinguer par la ferveur et le dynamisme avec lesquels elle défend ses idées, et disons que ça me rassure beaucoup sur la santé mentale du Sénat.

    Je pense que c'est une première, les règlements devant nécessairement être déposés devant le comité. Cela a été inclus dans la Loi sur l'immigration et, de tous les articles de la loi, c'est peut-être, au bout du compte, le plus important, parce qu'on réalise que les règlements ne satisfont personne.

    Vous nous avez amené, comme Joe l'a dit, des éléments qui n'ont pas été repris par les gens. Alors, j'aimerais savoir si, d'une part, le texte de Roger sera disponible. J'ai vu qu'il avait des feuilles et qu'il lisait cela de façon très sérieuse. Ce serait intéressant de l'avoir en main.

    Puisqu'on a beaucoup parlé de parrainage, il est hors de question dans les règlements que quelqu'un sur l'aide sociale puisse parrainer. J'aimerais beaucoup vous entendre tous les deux sur la valeur accordée dans les règlements à l'aspect économique. On sait très bien que le soutien qui doit exister à l'intérieur de la famille n'a pas nécessairement à voir avec l'argent. On peut être très riche et être absolument incapable ou pas intéressé à donner du soutien à ses proches. J'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Roger.

+-

    M. Roger Gallaway: Au sujet de cette notion—et nous n'avons pas abordé la question centrale du règlement projeté au sujet des assistés sociaux—vous soulevez un argument valable, car, si nous voulons parler de la capacité économique, si je peux m'exprimer ainsi, soit des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins d'un membre de la famille qui entre au Canada, je crois qu'il faudrait encore plus de règlements, mais que le ciel nous en préserve!

    Qu'en est-il d'une personne qui doit 500 000 $ à Revenu Canada? Je n'arrive pas à trouver de tels cas dans le régime de réglementation. Qu'en est-il d'une personne qui ne bénéficie pas de l'aide sociale, mais qui fait partie de ce que nous appelons généralement la catégorie des «travailleurs pauvres»? Les «travailleurs pauvres» gagnent souvent l'équivalent de ce que touchent les assistés sociaux. En fait, j'ai entendu une brève discussion hier. Une personne qui, paradoxalement—et ce n'est pas une critique—habite au Québec, touche environ 11 000 $ en prestations d'aide sociale, alors qu'un travailleur qui gagne un revenu de seulement 13 000 $... lorsqu'on tient compte d'une foule d'autres avantages, on constate que le bénéficiaire de l'aide sociale s'en tire beaucoup mieux.

    Le président: Je crois que c'est également le cas en Ontario.

    M. Roger Gallaway: Qu'est-ce que tout cela signifie? Cela signifie que les propositions sont, à mon avis, vouées à l'incertitude, car aucun principe perceptible n'en ressort. C'est tout ce que j'ai besoin de dire à cet égard.

Á  +-(1115)  

+-

    La sénatrice Anne Cools: Je suis venue ici pour parler de ces deux questions étroites, mais j'estime que vous soulevez un argument très important.

    Il me dérange quelque peu. Je ne suis pas certaine d'avoir une solution, mais, par exemple, je vois qu'on dit dans le règlement: «toute personne touchant de l'aide sociale, pour tout motif autre que l'invalidité». Tout d'abord, la personne qui touche de l'aide sociale en touchera-t-elle toute sa vie, ou temporairement?

    Autrement dit, une personne—et ces exemples sont courants et réels—essaie de parrainer un parent âgé, son père ou sa mère, qui vivent en Ukraine ou ailleurs et, entre-temps, elle joue un peu de malchance et perd son emploi. Elle n'est plus sur le marché du travail, mais cherche activement un emploi. Admettons, par exemple, que la demande progressait et que cette personne a perdu son emploi pendant quelques mois. Le règlement s'applique-t-il dans ce cas?

    C'est la raison pour laquelle je me méfie beaucoup d'un grand nombre de règlements. Si le règlement vise à empêcher des gens de venir au Canada parce qu'ils ont l'intention, par exemple, de joindre les rangs des assistés sociaux, c'est différent. Mais je dois vous dire que, si c'est ce que vise le règlement, la façon dont il est rédigé actuellement ne tient pas compte de ce fait, car il vise un objectif en particulier.

    Je ne suis pas certaine de vous être très utile, mais le comité devrait réfléchir à cette question, car, à mon sens, l'élément essentiel du regroupement familial a toujours constitué un facteur dans les politiques d'immigration canadiennes, surtout en ce qui concerne des membres de la famille qui sont peut-être demeurés seuls dans le pays d'origine et qui ont besoin de passer les dernières années de leur vie avec leurs proches qui sont au Canada.

    Je vais également vous confier un petit secret. Je ne crois pas que nos coffres se videraient, bien franchement, si un bénéficiaire de l'aide sociale faisait venir sa mère de 95 ans au Canada pour qu'elle y passe les deux dernières années de sa vie. Je ne crois que notre fonds d'aide sociale s'épuiserait.

    Comme je vous l'ai dit, vous avez soulevé une très grande question, et cette seule question pourrait faire l'objet d'une discussion. Vous confirmez mon argument, en ce sens qu'il faut discuter de ces grandes questions de politique.

+-

    Le président: Certains de nos témoins ont parlé des aspects discriminatoires du règlement, des bénéficiaires de l'aide sociale qui ne peuvent pas parrainer quelqu'un. De toute évidence, notre comité prend cette question à coeur, et nous songeons...

    La sénatrice Anne Cools: Mais il y a des problèmes.

    Le président: Bien sûr qu'il y a des problèmes, et je dois vous dire que certains d'entre nous sont un peu... vous savez, les provinces ont leur mot à dire sur ce que nos politiques d'immigration devraient être. Et il y a beaucoup de mythes selon lesquels un grand nombre d'immigrants bénéficient de l'aide sociale, et cela n'a pas été prouvé. Un grand nombre d'immigrants sont censés... comme vous l'avez dit, Roger, on a parlé de manquements au parrainage, alors que le taux de réussite s'élève à 90 p. 100.

    Yvon, si vous pouviez...

+-

    La sénatrice Anne Cools: Très bien, mais nous voulons revenir à notre argument.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Dans un instant.

    Allez-y, Yvon.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau: Merci à nos deux collègues parlementaires d'avoir attiré notre attention de manière encore plus poussée sur certains aspects de certaines questions. D'autres témoins ont abordé ces questions, mais vous l'avez fait d'une manière que je qualifierais de plus technique et de plus articulée, et c'est avec une grande attention que, pour ma part, je relierai votre témoignage, parce que vous vous êtes expliqués en vous référant à des lois qui ne me sont pas toujours aussi familières qu'à vous.

    Ma question s'adresse surtout à la sénatrice Cools. Vous avez cité M. Forsey et d'autres sources en disant de faire attention, qu'un règlement ne doit pas excéder le champ couvert par la loi, qu'il ne doit pas être en contradiction avec l'esprit de la loi dont il relève, qu'un règlement ne doit pas disposer de principes ou de politiques qui n'ont pas été débattus ou dont on doit discuter ailleurs, de toute façon.

    Est-ce à dire que, selon votre interprétation, ces règlements pourraient être contestables sur le plan constitutionnel? Si certains aspects de ces règlements que vous avez soulevés, certaines contradictions que vous avez mises en relief étaient maintenus dans les règlements, est-ce que, d'après votre expérience juridique, cela pourrait donner ouverture à une contestation devant les hautes autorités du système judiciaire?

[Traduction]

+-

    L'hon. Anne Cools: Oui, et nous aussi... nous pouvons partager, monsieur le président. Hier soir, lorsque nous avons effectué une recherche sur le sujet, nous avons déniché les travaux du sénateur Forsey. Nous serions heureux de vous les remettre, car c'est une mine de renseignements.

+-

    Le président: Très bien. Je suis certain que ce sera une intéressante lecture de chevet.

+-

    M. Roger Gallaway: Nous revenons ici un peu à l'histoire du droit pour savoir d'où est issu le pouvoir de réglementation. Bien sûr, il est issu de la tradition britannique, du droit britannique et du Parlement britannique. En 1688—je commence à parler comme un historien—il y a eu une déclaration des droits. Ce n'était ni la déclaration des droits de John Diefenbaker ni celle des droits des États-Unis. C'est la déclaration des droits de la Grande-Bretagne qui a lancé le bal.

    Il existe une foule de merveilleux ouvrages sur la prolifération des lois. Dans les années 50, l'Assemblée législative de l'Ontario a adopté plus de textes réglementaires que le Parlement britannique n'en a adoptés au cours de ses centaines d'années d'existence.

    Alors, lorsque j'entends des commentaires sur les 379 pages de règlement d'application de ce projet de loi, tout cela ne peut que rendre très nerveux.

    La question que M. Charbonneau a soulevé portait sur la constitutionnalité du règlement. Je vous dirais que le terme «Constitution» a, à bien des égards, plusieurs connotations et significations. La constitutionnalité peut signifier plusieurs choses, qu'elle soit dans les limites des compétences du Parlement du Canada ou au-delà de ses compétences. Ce sont là les anciens arguments.

    Mais il y a d'autres anciens arguments sur la constitutionnalité qui entrent en ligne de compte. Lors de la réforme du Parlement britannique, à la fin des années 1700, des débats ont eu lieu sur le pouvoir du Parlement de déléguer ce pouvoir. On s'était demandé si, en ce faisant, il avait débattu, envisagé et prévu les mauvais tours que pourraient jouer les fonctionnaires dans l'interprétation des règlements.

    Un de ces règlements peut faire référence à des agressions familiales, mais cette notion n'existe pas dans les lois. Pourtant, dans les règlements, les fonctionnaires seront autorisés à donner leur interprétation de ces actes.

    Si le Parlement craint que des Canadiens ou des résidents permanents parrainent des gens et que ces répondants ont des casiers judiciaires, c'est une chose. Mais les agressions familiales signifient bien des choses. Par exemple, le projet de loi 117, en Ontario, parle d'agressions familiales. Cette notion ne fait pas partie du droit pénal. Mais un fonctionnaire pourrait dire qu'une personne a été reconnue coupable sous le régime du projet de loi 117. C'est tout à fait absurde, mais ni le droit pénal ni le Code criminel n'en parlent. Une personne pourrait être reconnue coupable d'un crime d'agression familiale aux termes du projet de loi 117, et il lui serait interdit de parrainer quelqu'un. Cette question est au-delà des compétences du Parlement du Canada.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Yvon, j'ai une question complémentaire à la suite de la vôtre.

    Roger, j'accepte votre argument. Mais pour être bien précis, j'ai constaté que l'alinéa 130(1)f) du règlement n'utilise nulle part le terme «agression». En fait, ce que vous lisez peut-être, c'est l'étude d'impact de la réglementation, où l'on utilise l'expression «violence familiale». Mais le règlement dit:

f) n'a pas été, au cours des cinq ans précédant la demande de parrainage, déclaré coupable d'une infraction d'ordre sexuel ou contre la personne à l'encontre d'une personne à sa charge prévue au Code criminel.

    On n'y emploie pas le terme «agression». On l'emploie dans les documents d'information, mais on ne parle nulle part dans le règlement d'«agression familiale», quoique nous comprenions bien votre argument. Vous pourriez peut-être aborder cette question.

    En outre, le règlement ne fait pas de différence entre les sexes, dans une certaine mesure... Il y a un autre aspect du parrainage qui concerne non pas les agressions familiales, mais les pensions alimentaires pour enfants. C'est sur cela que repose votre argument.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Pouvons-nous en avoir un exemplaire?

+-

    Le président: Voici le règlement, dont je vous donnerai des exemplaires, bien sûr.

    L'alinéa 130(1)h) du règlement traite de tout ce que vous dites au sujet de l'obligation alimentaire et des paiements de pension alimentaire. Je suis d'accord avec vous pour dire que le droit de visite des enfants est tout aussi important que les paiements de pension alimentaire pour enfants. Le sous-alinéa 130(1)h)(ii) dit: «soit à une obligation alimentaire imposée par un tribunal canadien». Roger, je me demande pourquoi on ne dit pas «cour provinciale» et «une obligation alimentaire imposée par une cour provinciale» On dit: «soit à une obligation alimentaire imposée par un tribunal canadien». Je me demande si cela est utile ou si cela ne change... 

+-

    M. Roger Gallaway: Nous parlons toujours d'une mosaïque de dix provinces. Elles ont toutes des cours canadiennes qui rendent des ordonnances aux termes de différentes lois. Ces lois ne sont pas toutes uniformes. Tous les règlements sont différents. Par exemple, une personne pourrait être reconnue coupable d'avoir manqué à ses obligations en Ontario, car pour annuler une ordonnance de la cour en Ontario—autrement dit, une obligation de payer—il faut retourner devant la cour, tandis qu'en Alberta, lorsqu'il y a entente, on peut signer un formulaire disant qu'on n'a plus besoin de cet argent. Il suffit de remplir le formulaire. Donc, un résident de l'Ontario doit souvent attendre un an avant de retourner en cour et de faire modifier l'ordonnance, tandis qu'en Alberta, cela peut se faire le même jour.

+-

    Le président: Quelle solution proposez-vous? Voulez-vous faire disparaître du règlement toute la notion de pensions alimentaires?

+-

    M. Roger Gallaway: Absolument.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Oui. J'estime que tout article de ce règlement qui est censé régir les relations civiles entre des couples, particulièrement au moment d'un divorce, devrait être supprimé. Ces articles ne devraient pas être insérés dans le règlement, car ces actes ne sont ni des infractions ni des crimes. Avant qu'ils ne puissent être insérés dans le règlement, il faudrait que nous tenions un débat au Parlement pour déterminer s'il s'agit d'infractions. Ces articles devraient donc être supprimés.

+-

    Le président: Les renseignements fournis par les provinces ne sont peut-être ni à jour ni exacts, et ils sont différents.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Roger Gallaway: Il n'y a aucune norme nationale.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Je vais vous donner un exemple. Un père est venu me voir. Il manquait toujours à ses paiements de pension alimentaire, en raison de la façon dont ils étaient échelonnés, mais il n'a encore jamais manqué à son engagement. Comme il recevait toujours son chèque de paie deux jours après la date du versement de la pension alimentaire, son chèque de pension alimentaire arrivait deux jours plus tard. D'après ce que disaient les agents, cet homme—il était journalier d'origine italienne—manquait toujours à son engagement, alors qu'il n'y avait jamais manqué.

    Si notre Parlement n'examine pas ce qui se passe dans les bureaux des obligations familiales, nous ne pouvons tout simplement pas les croire sur parole. Il y a un problème dans ces bureaux.

+-

    Le président: Nous comprenons bien.

    Maintenant, en ce qui a trait au terme «agression»...

+-

    La sénatrice Anne Cools: Vous dites que ce problème est différent.

+-

    M. Roger Gallaway: Permettez-moi de vous renvoyer à la partie I de la Gazette du Canadadu 15 décembre 2001:

ç Dans le cas de l'exécution des engagements de parrainage, les dispositions réglementaires:



...empêchent de parrainer un membre de leur famille les personnes reconnues coupables de violence familiale...

    C'est de ce document que je tire cet extrait.

+-

    Le président: On parle de l'intention coupable, vous avez raison, mais le règlement lui-même, soit le règlement 130...

+-

    M. Roger Gallaway: Permettez-moi de répondre à cela. Selon le paragraphe 13(1) du projet de loi C-11, tout citoyen canadien peut, sous réserve des règlements, parrainer l'étranger de la catégorie «regroupement familial». Ensuite, à l'alinéa 14(2)d) du projet de loi, on dit que les règlements portent notamment sur les conditions qui peuvent ou doivent être imposées quant aux résidents permanents et aux étrangers.

    Si une personne est reconnue coupable d'un crime lié à une relation de couple, ces droits de citoyenneté sont réduits. Qu'en est-il d'une personne reconnue coupable d'avoir causé une bagarre dans un bar? Comment cette situation est-elle différente?

+-

    La sénatrice Anne Cools: Ainsi, une personne reconnue coupable de meurtre, ou d'une grave infraction dans une bagarre dans un bar, ne fait pas l'objet de restrictions sur le parrainage. La vraie question que nous devons nous poser est celle-ci: pourquoi ce spécimen du genre humain a-t-il été choisi pour bénéficier d'un traitement différent?

    Autrement dit, des centaines de méfaits peuvent être commis. Ce n'est pas comme si les rédacteurs du règlement disaient que le parrainage est interdit pour les personnes qui ont eu des casiers judiciaires au cours des cinq dernières années. Ils n'oseraient pas le faire, car ils savent que le monde entier s'en prendrait à eux. Or, comme il s'agit de relations entre un homme et une femme, ils estiment pouvoir en parler dans le règlement.

    Pourquoi ces créatures coupables de graves infractions devraient-elles être élevées au-dessus de toutes les autres? Voilà ce qui me dérange. Cela fait partie, encore une fois, de cette politique de tolérance zéro, plus...

+-

    Le président: Je crois que vous soulevez de très bons arguments, mais vous ne traitez que d'un seul aspect du règlement. Si vous lisez tout l'article 130, que vous avez sous les yeux—vous venez de dire que, si une personne a été reconnue coupable—si une personne est détenue dans un pénitencier, une prison ou une maison de détention, elle ne peut manifestement pas parrainer quelqu'un.

+-

    M. Roger Gallaway: Il y a beaucoup de gens dans les rues qui ont été reconnus coupables de crimes.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Laissez-moi vous donner un exemple. Je pourrais concevoir que le règlement fonctionnerait si nous parlions de personnes qui entrent au Canada. Je pourrais concevoir que nous puissions avoir un règlement disant que, si une personne qui entre au Canada a été reconnue coupable de ces infractions, elle ne pourrait pas immigrer au Canada.

    Mais il s'agit ici de personnes qui sont déjà au Canada et qui veulent parrainer des proches. Ce sont des résidents permanents ou des citoyens canadiens. Il n'y a rien qu'on puisse faire pour restreindre les droits d'un citoyen du Canada—même s'il a été reconnu coupable d'une infraction—simplement par règlement. C'est l'argument essentiel.

    En outre, les rédacteurs n'ont choisi que deux genres d'infraction. Qu'en est-il des autres? La question est très complexe. Ce que vous me dites, c'est que cette disposition se trouve dans le règlement et qu'elle n'a pas été débattue.

Á  -(1135)  

+-

    Le président: Puis-je vous demander quelles sont vos solutions sur toute la question d'agression familiale? On n'en parle pas dans le règlement; on en parle peut-être bien dans le document d'information. Je crois que vous avez présenté des arguments à ce sujet.

    Vous n'êtes pas obligés de le faire maintenant, car le comité examinera la question pendant deux ou trois semaines. Je voudrais beaucoup entendre votre point de vue et vos solutions sur la façon de traiter toute la question d'agression familiale de manière plus approfondie.

+-

    La sénatrice Anne Cools: Vous avez absolument raison. À l'alinéa 130f), tel que publié dans la Gazette du Canada, on parle d'une déclaration de culpabilité en vertu du Code criminel.

    Le président: Oui. On y lit les mots...

    La sénatrice Anne Cools: Mais on parle ici de cas de violence familiale. Nous pourrions vous en reparler après une étude un peu plus approfondie de la question.

    Vous avez encore un problème, et nous pouvons l'examiner plus à fond, mais en quoi le fait qu'une personne ait eu...? Disons-le franchement, une déclaration de culpabilité pour une infraction d'ordre sexuel n'est plus ce qu'elle était. Il fut une époque où l'on savait très clairement ce que viol voulait dire et quelles étaient les infractions en cause, mais aujourd'hui, il peut arriver que quelqu'un pince la poitrine ou le derrière d'une autre personne et ça devient une agression sexuelle. Tout le phénomène des agressions sexuelles s'est élargi à la va comme je te pousse.

    Quoi qu'il en soit, je crois toujours que nous devons répondre à la question essentielle de savoir pourquoi une catégorie d'infraction en particulier est mentionnée. Autrement dit, si la personne avait été reconnue coupable de vol de banque ou même, allons-y gaiement, de meurtre... Mais non, ça parle d'infraction contre la personne. Mais ce n'est pas clair. Il est évident que nous devons étudier la question plus à fond.

+-

    Le président: Nous avons énormément de réactions sur ce règlement, et je suis heureux que le comité ait décidé de s'attaquer à la question. Mais réfléchissez-y davantage...

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    La sénatrice Anne Cools: C'est ce que nous ferons.

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    Le président: ...en fonction de ce que vous avez. Ce livre est à votre disposition, Anne, et cela s'adresse aussi à vous, Roger.

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    L'hon. Anne Cools: Oui, merci.

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    Le président: Nous vous le ferons parvenir et attendrons de nouvelles observations de votre part, ainsi qu'une proposition de libellé et des possibilités de solutions sur ces deux points.

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    La sénatrice Anne Cools: Bien sûr. Nous reviendrons.

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    Le président: Je sais que la solution que vous proposez à l'égard de l'obligation alimentaire est assez claire...

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    La sénatrice Anne Cools: Claire comme de l'eau de roche.

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    Le président: ...juste pour régler la question: est-ce ce que vous proposez?

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    La sénatrice Anne Cools: Oui, c'est bien ça.

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    Le président: Très bien, je vous remercie sincèrement.

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    La sénatrice Anne Cools: Merci. Je voudrais signaler encore une fois que ce qui se passe ici est ce qu'il y a de plus excitant actuellement dans l'ensemble des travaux des comités parlementaires.

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    Le président: Merci.

    Le comité s'ajourne jusqu'à mardi prochain.