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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 28 février 2002




¿ 0930
V         La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke--Lakeshore, Lib.))

¿ 0935
V         M. Rocheleau

¿ 0940
V         M. Blair Doucet (président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick)
V         

¿ 0945
V         

¿ 0950
V         

¿ 0955
V         La présidente
V         M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ)
V         M. Rocheleau

À 1000
V         M. Blair Doucet
V         La présidente

À 1005
V         Mme Dee Dee Daigle (représentante d'action politique, région de l'Atlantique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick)
V         Mme Carroll
V         Mme Carroll
V         Mme Carroll
V         Mme Dee Dee Daigle
V         La présidente
V         M. Bill Farren (membre du conseil exécutif, Fédération des travailleurs et des travailleuses du Nouveau-Brunswick)
V         M. Bill Farren

À 1010
V         La présidente
V         Mme Aileen Carroll

À 1015
V         M. Blair Doucet
V         Ms. Carroll
V         M. Blair Doucet
V         

À 1020
V         La présidente
V         M. Bill Farren
V         

À 1025
V         La présidente
V         M. Blair Doucet
V         La présidente
V         M. Baker
V         

À 1030
V         M. Blair Doucet
V         

À 1035
V         Mme Aileen Carroll
V         Ms. Carroll
V         M. Rocheleau
V         Mme Dee Dee Daigle
V         M. Yves Rocheleau
V         La présidente
V         M. Bill Farren
V         M. Abbott

À 1040
V         Ms. Carroll
V         M. Bill Farren
V         Ms. Carroll
V         M. Blair Doucet
V         La présidente
V         M. Blair Doucet
V         La présidente
V         La présidente

À 1045
V         M. Rod Hill (professeur, Département d'économie, Université du Nouveau-Brunswick)
V         

À 1050
V         La présidente
V         M. Rod Hill
V         Ms. Carroll
V         Le greffier du comité
V         M. Rod Hill

À 1055
V         La présidente

Á 1100
V         M. Rocheleau
V         M. Rod Hill
V         M. Rocheleau
V         M. Rod Hill

Á 1105
V         La présidente
V         Mme Carroll

Á 1110
V         M. Rod Hill
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill

Á 1115
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         M. Rod Hill

Á 1120
V         La présidente
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         M. Rod Hill

Á 1125
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         M. Rod Hill
V         

Á 1130
V         La présidente
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         Ms. Carroll
V         M. Rod Hill
V         

Á 1135
V         La présidente
V         M. Rocheleau
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         

Á 1140
V         M. Rod Hill
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir (députée à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, chef du Nouveau parti démocratique du Nouveau-Brunswick)
V         

Á 1145
V         La présidente
V         M. Rocheleau
V         Mme Elizabeth Weir

Á 1150
V         La présidente
V         M. Yves Rocheleau
V         Mme Elizabeth Weir

Á 1155
V         La présidente
V         M. Baker
V         

 1200
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         

 1205
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Aileen Carroll
V         Mme Elizabeth Weir
V         Mme Aileen Carroll
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         Mme Elizabeth Weir
V         La présidente
V         La présidente

· 1340
V         M. Gerry O'Brien (président sortant, Chambre de commerce de Saint John)
V         

· 1345
V         

· 1350
V         La présidente
V         M. John Furey (Deuxième vice-président, Chambre de commerce de Saint John)
V         

· 1355
V         

¸ 1400
V         La présidente
V         M. Rocheleau
V         M. John Furey
V         M. Gerry O'Brien
V         M. Rocheleau

¸ 1405
V         M. John Furey
V         La présidente
V         Ms. Carroll
V         Ms. Carroll
V         Ms. Carroll
V         Ms. Carroll
V         M. Gerry O'Brien
V         Ms. Carroll
V         Ms. Carroll
V         

¸ 1410
V         Ms. Carroll
V         M. John Furey
V         Ms. Carroll
V         M. John Furey
V         Ms. Carroll
V         M. John Furey
V         La présidente

¸ 1415
V         Ms. Carroll
V         La présidente
V         Ms. Carroll
V         La présidente
V         M. Baker
V         M. John Furey
V         M. Baker
V         M. John Furey
V         M. Baker
V         M. John Furey
V         M. George Baker

¸ 1420
V         M. Gerry O'Brien
V         La présidente
V         M. Gerry O'Brien
V         La présidente
V         Mme Carroll
V         M. George Baker

¸ 1425
V         La présidente
V         M. Gerry O'Brien
V         La présidente
V         M. John Furey
V         Mme Carroll
V         M. John Furey
V         Mme Carroll
V         La présidente
V         M. John Furey
V         

¸ 1430
V         La présidente
V         M. Gerry O'Brien
V         La présidente
V         M. Yves Rocheleau
V         M. John Furey
V         M. Gerry O'Brien
V         

¸ 1435
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 février 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0930)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke--Lakeshore, Lib.)): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, ces audiences publiques portent sur l'étude de l'intégration nord-américaine et le rôle du Canada face aux nouveaux défis que pose la sécurité et sur l'étude du programme du Sommet du G-8 de 2002.

    Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins qui viennent rencontrer ce matin le comité qui poursuit son étude de deux questions très importantes sur lesquelles doit se pencher le Canada et qui portent sur son rôle dans le monde et en Amérique du Nord.

    Les députés ont hâte d'entendre les commentaires des Canadiens de toutes les régions du pays sur les défis cruciaux qui se posent en matière de politique étrangère au G-8 dans le contexte nord-américain.

    Le Canada va présider le G-8 cette année et sera l'hôte du sommet qui aura lieu en Alberta au mois de juin. Les grandes priorités du sommet ont été définies comme suit: l'amélioration de la situation économique mondiale, l'établissement de nouveaux partenariats visant le développement de l'Afrique, ainsi que la lutte internationale contre le terrorisme. Le Canada insiste tout particulièrement sur l'élaboration et la promotion d'un plan d'action pour l'Afrique.

    Le comité a été prié de faire connaître ses conclusions et recommandations au gouvernement d'ici la fin d'avril. La présentation d'un tel rapport nécessite la consultation des Canadiens. Cette semaine, notre groupe sera des vôtres alors qu'un autre se trouve au Québec. Nous entendrons des témoins dans l'Ouest et en Ontario pour terminer cette étude pancanadienne.

    En raison des contraintes de temps et budgetaires, nous profitons également de cette occasion pour demander aux Canadiens comment, d'après eux, les rapports entre les pays d'Amérique du Nord devraient évoluer. On peut donc aborder tous les aspects des relations Canada-États-Unis, Canada-Mexique, les questions du continent nord-américain et les liens trilatéraux, car tout cela fera l'objet d'un rapport qui sera déposé cette année.

    Ces réunions amorcent le dialogue. Vous pouvez obtenir de plus amples renseignements sur les deux études en consultant le site Web du comité. Nous invitons tous les Canadiens intéressés à nous faire part de leur opinion, et de nous faire parvenir leurs commentaires sur l'étude portant sur le G-8 d'ici la mi-avril et sur l'étude sur l'Amérique du Nord d'ici fin juin.

¿  +-(0935)  

+-

     Se joignent à nous ce matin la secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Mme Aileen Carroll, députée de Barrie--Simcoe--Bradford et M. Yves Rocheleau, le député du Bloc québécois de Trois-Rivières.

    Nous entendrons tout d'abord les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick. Nous accueillons le président, M. Blair Doucet, et deux membres du conseil exécutif, M. Bill Farren et Mme Dee Dee Daigle.

    Veuillez commencer votre exposé. Nous disposons d'environ 45 minutes; nous vous demanderons donc de consacrer environ 10 minutes à votre exposé et le reste de cette période sera réservé aux questions des députés qui voudront avoir plus de renseignements et aux réponses que vous voudrez bien leur donner.

    Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer.

    Monsieur Doucet.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Blair Doucet (président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick): Merci, madame la présidente.

    Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Comme vous l'avez signalé, il s'agit de la première d'une série d'audiences qui commencent dans la région atlantique, à Terre-Neuve, et qui se dérouleront également au Québec. Je crois que notre exposé portera sur les questions que vous avez déjà définies.

    Au lieu de lire notre mémoire, ce qui prendrait certainement plus de 10 minutes, j'aimerais vous présenter l'analyse effectuée par la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Nouveau-Brunswick de la situation qui existe actuellement au Nouveau-Brunswick.

    La Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick est fière de représenter les employés non syndiqués, en parlant au nom de ceux qui touchent le minimum vital, qui occupent des emplois saisonniers, ou qui malheureusement reçoivent de l' aide sociale. Même si la Fédération compte quelque 32 000 membres, elle parle au nom de beaucoup plus de gens.

    J'aimerais dire quelques mots sur l'accord original de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je crois qu'il importe de parler de cet accord pour mieux illustrer les commentaires que je ferai ce matin. Vous avez de toute façon notre mémoire. Il a été distribué et je sais que les députés le liront et en examineront les conclusions ou nous poserons des questions pour obtenir de plus amples renseignements.

    À l'origine, nous jugions que tout se déroulait trop dans le secret—et quand je dis «nous», j'entends la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick d'alors, les simples citoyens, leurs représentants, et j'inclus évidemment les travailleurs. Ce qu'on retrouvait dans les médias et qui était communiqué aux simples citoyens, y compris les travailleurs, ce qu'on nous disait sur le libre-échange, ce dont on parlait dans les cafés-restaurants et ailleurs,c'était que les travailleurs, les Canadiens, pourraient peut-être acheter des articles à prix élevé. Les médias en ont beaucoup parlé. C'est ce dont parlaient les gens en prenant le café, au travail qui y voyaient simplement l'occasion d'économiser de l'argent dans les transactions avec les États-Unis.

    Permettez-moi de prendre l'exemple du bagel. Vous savez à quel point nous aimons tous les bagels au Canada et aux États-Unis. Puisqu'il serait plus économique d'en acheter là-bas, on s'est dit que ce serait intéressant, ne pensant pas évidemment à la valeur du dollar canadien, à son cours actuel.

    Je ne pense même pas que ces avantages économiques se sont concrétisés, et nous nous en réjouissons parce qu'on aurait perdu beaucoup plus d'emplois dans le secteur manufacturier. Mais il faut le reconnaître, monsieur tout le monde se demandait comment économiser un dollar? On pensait que cet accord serait donc très avantageux pour nous.

    Je crois que c'est le message que le gouvernement d'alors, le gouvernement Mulroney, a accepté, sans tenir compte de ce que disaient les organisations...et nous avions des craintes. Nous craignions la perte d'emplois, de nos programmes sociaux, et la déréglementation qui s'ensuivrait pour permettre au Canada de vraiment livrer concurrence aux États-Unis.

+-

     Voilà en quelques mots ce qu'était le concept original du libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Tout se déroulait en secret. Je l'ai déjà dit, et je ne veux pas minimiser l'importance de cet aspect. Les travailleurs, en participant davantage aux activités de leurs syndicats et en écoutant un peu plus ce qu'on disait, ont appris beaucoup plus sur ce libre-échange. Je dois dire que je crois que le gouvernement fédéral a très peu fait pour renseigner les simples citoyens, les travailleurs du Canada. N'oubliez pas, ces gens dépendent énormément de leurs représentants élus pour bien les représenter, mais en fait c'est tout le contraire qui se passait à l'époque.

    L'éducation devient un facteur très important, et c'est pourquoi je suis très heureux que le comité soit ici aujourd'hui. Je crois que d'autres intervenants doivent avoir l'occasion de faire connaître leur opinion. C'est bien joli de dire que vous les représentez, mais il ne faut pas se contenter d'écouter ce qu'on dit dans les cafés- restaurants. Il faut organiser des séances ouvertes, offrir des occasions à ces gens de communiquer leur opinion mais il faut d'abord les éduquer.

    Il y aura des échanges, des conversations. Quand vous me dites «comment vas-tu ce matin?» à mes yeux c'est une question très chargée. Si vous parlez du milieu de travail ou des gens que je représente, je pourrais passer la moitié de la matinée à vous répondre. Mais si vous parlez de mon opinion personnelle, de ma santé, ma réponse sera plutôt polie.

    Permettez-moi de prendre l'exemple de ce qui s'est passé, à notre avis, avec l'accord de libre-échange original et ce que nous appelons, par l'entremise du congrès, la déréglementation. Le meilleur exemple que je puisse vous donner sur la perte d'emplois au Canada est ce qu'on a vécu en Ontario, où l'économie à l'époque était en train de s'effondrer et les entreprises déménageaient vers les États déréglementés des États-Unis. Les chances n'étaient pas égales partout.

    Encore une fois, on s'inquiétait des programmes sociaux à l'époque; en fait les organisations, celles qu'on a embauchées pour préparer des exposés en notre nom et pour éduquer les travailleurs, s'inquiétaient de cette situation. Tout cela ne se fait pas du jour au lendemain. Dans certains cas, les gens veulent simplement faire la sourde oreille parce qu'ils sont des travailleurs, des simples citoyens, et qui veulent simplement vivre leur vie. C'est à ce moment-là qu'interviennent les organisations qui cherchent à défendre ces intérêts.

    Même si je n'étais pas toujours un intervenant, je me souviens de ceux qui demandaient si ce problème n'avait pas été inventé par nos organisations. Ce n'était pas le cas. On le savait. On avait anticipé ce qu'on vit aujourd'hui.

    Je me souviens d'avoir suivi les échanges à la télévision pendant cette période, et je dois dire que le leader de l'opposition, qui est aujourd'hui le premier ministre, M. Chrétien, avait dit quelque chose comme «aucun accord de libre-échange». C'est ce qu'il avait dit.

    Tout cela maintenant a été élargi. J'en vient maintenant à l'événement central. Nous sommes alors passés à l'Accord de libre-échange nord-américain qui inclut le Mexique. Je n'ai pas besoin de répéter ce que j'ai déjà dit. C'est la même situation: les priorités des grandes entreprises c'est de trouver l'endroit où il est plus facile de faire des profits. C'est clairement ce qui s'est produit. Je crois que le mécanisme employé... Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

    Devant les tribunaux, en raison des échanges.... Prenons un seul exemple au Canada. Je crois que c'était la Ethyl Corporation, mais je me trompe peut-être. Il y avait un additif d'essence. Une entreprise américaine essayait de faire affaires avec le Canada, mais on refusait ses propositions parce que cet additif était un carcinogène. En fait, lorsqu'on s'est adressé au tribunal, évidemment, on a réglé l'affaire à l'amiable et cet additif s'est retrouvé dans l'essence au Canada.

    Il y a un exemple au Mexique, où l'on déversait des déchets. En fait, on a eu recours au tribunal et les Américains ont eu gain de cause.

¿  +-(0945)  

+-

     Cela étant, je suis sûr qu'il y a toutes sortes de cas dans lesquels nous avons gagné et d'autres dans lesquels ils ont gagné, mais en réalité, il semble que ce soit toujours le plus gros qui l'emporte, alors même que la situation de l'emploi au Nouveau-Brunswick—nous parlons maintenant du Nouveau-Brunswick plutôt que du Canada—est extrêmement importante.

    Notre province connaît un taux de chômage extrêmement élevé. Pour ma part, je suis originaire du nord de la province, et même si les statistiques font état d'un taux de chômage de 20 p. 100, c'est un chiffre que je vais contester jusqu'au jour où j'irai là où je ne veux pas aller, parce que ce chiffre est extrêmement élevé. Il y a énormément d'emplois saisonniers. Il y a la pêche et il y a le bois. Dans le nord de la province, les industries sont extrêmement rares et je puis vous affirmer que 20 p. 100 n'est pas un chiffre réaliste. Je dirais que c'est plutôt 50 ou 60 p. 100 des gens qui sont sans emploi à longueur d'année.

    Au bout du compte, nous finissons évidemment par parler de l'OMC et de l'Accord de libre-échange nord-américain, de l'ouverture du marché panaméricaine et de la perspective d'autres unions économiques dans notre hémisphère. Ici aussi, le secret était omniprésent et c'est la raison pour laquelle, comme l'ont d'ailleurs montré les médias, les gens... Bien sûr, cela explique toutes ces manifestations qui se sont produites un peu partout au Canada. J'ai signalé le cas de Seattle et je pourrais également parler de Québec. En fait, j'étais moi-même à Québec. Dans le cas des mouvements ouvriers et de bon nombre d'autres groupes d'action sociale, les manifestations ont été à mon avis tout à fait pacifiques. On a monté en épingle quelques rares cas dont nous nous dissocions, mais nous avons également pu constater, autour de la clôture érigée dans le centre-ville de Québec, à quel point les pouvoirs publics avaient utilisé une force excessive. Nous constatons d'ailleurs que dans certains cas, la grande entreprise a pu franchir la clôture, alors que certains de nos membres élus se sont faits refouler. Nous avons eu du mal à accepter cela. Nous avons eu du mal à accepter que ce à quoi nous croyons... et il faut espérer que ce soit là un revirement, dont nous avons d'ailleurs bien besoin.

    Tout le secret qui a entouré la chose, parce qu'on en parlait un peu partout dans les cafés... et peu importe tout ce qu'on a pu dire... les représentants des organisations comme le CTC et les autres mouvements ouvriers, toutes ces fédérations nationales, eh bien on nous a dit que nous ne représentions pas la population canadienne, ce qui à mon sens est entièrement faux.

    Au moins nos groupes—et je vous ai déjà dit que les fédérations parlent de ceux que nous représentons, soit les non-syndiqués, les chômeurs et les assistés sociaux. Nous savons simplement que l'entreprise parle pour elle-même, pour une augmentation de ses bénéfices, et d'après ce que je sais, c'est l'entreprise qui était représentée de l'autre côté de la clôture.

    Ce qui nous tracasse, c'est ce qui se passe aujourd'hui, ce qui se passe dans notre province—et si vous le désirez, je peux faire le lien. Nos ressources naturelles—les ressources en eau, par exemple, et ce que nous vivons actuellement à Moncton, dans notre province, et les questions qui tournent autour de cela.

    Même si notre province est petite, elle est riche en ressources naturelles. Je le sais. Avant le libre-échange, il n'y avait aucune différence, mais il nous serait maintenant extrêmement difficile d'attirer des industries du secteur secondaire et tertiaire dans la foulée de nos industries primaires parce que nous ne voulons pas devoir composer avec des règles inégales, avec une déréglementation, pour pouvoir attirer des industries créatrices d'emplois. Nous ne voulons pas aller jusque-là.

    Je vais vous donner quelques exemples. J'ai participé à une tournée d'étude conjointe Amérique du Nord-Suède sur les méthodes d'exploitation minière. Depuis les années 60, lorsque les Américains ont mis le pied sur la Lune, j'ai toujours eu le sentiment que tout était possible. Et en voyant un peu partout au Canada des mineurs se faire tuer par des éboulements dans les mines, je me demande pourquoi il ne serait pas possible d'avoir dans les mines une protection contre les effondrements étant donné que lorsqu'on purge un front de taille ou un ciel de carrière, on le fait à la main.

¿  +-(0950)  

+-

     Partout, au Canada et aux États-Unis, j'ai posé la même question lors de chacune de nos visites. C'est une notion inconnue et, d'ailleurs, beaucoup de mineurs et beaucoup d'entreprises vous diraient que ce serait trop difficile, que cela reduirait leurs bénéfices et la productivité. Mais vous savez quoi? Je l'ai vu dans une mine en Suède. Tous les gens que j'ai rencontrés lors de cette visite avaient ce genre de protection, qui existait d'ailleurs depuis 25 ans. Inutile de dire qu'ils avaient un nouveau protocole, mais nous, nous serions très heureux de pouvoir avoir ce genre de protection dont ils bénéficient depuis 25 ans.

    Dans un État très réglementé, l'une des responsabilités... et cela ne me dérangerait pas de vous parler de la responsabilité interne des travailleurs et des entreprises, mais il faut qu'il y ait une réglementation. Nous ne pouvons pas être sous-réglementés pour pouvoir être concurrentiels sur les marchés mondiaux. Nous ne sommes pas contre le libre-échange. Ne pensez pas un seul instant que nous sommes contre le libre-échange dans une situation économique égalitaire.

    À un moment donné, notre premier ministre—pas celui-ci, le précédent—avait dit publiquement partout au Canada: «venez ouvrir votre entreprise au Nouveau-Brunswick, c'est nous qui avons les taux de rémunération les plus faibles au Canada». Comment cela était-il possible? Ce n'était pas juste. Nous en étions arrivés là parce que le gouvernement avait imposé, par voie de réglementation, des taux de rémunération inférieurs au détriment des travailleurs.

    Nous ne voulons pas de l'exploitation, mais nous pensons qu'à l'heure actuelle, il y en a. Je pourrais dire qu'il y a exploitation du Canada par les États-Unis et vice versa, je pourrais également dire que le Mexique est exploité par les deux pays ou encore par les États-Unis. Nous espérons que tout cela pourra changer grâce à un partage et à un dialogue.

    Mais pour commencer—et j'en reviens à l'argument—il faut éduquer les gens. On ne peut pas se contenter de leur demander leur avis en espérant qu'ils vont le donner. Ce sont les gens instruits, ce sont les organisations qui viennent donner leur avis, mais pour que le peuple participe à la discussion, il faut commencer par lui donner matière à réflexion. Le gouvernement pourrait le faire, nos élus pourraient le faire, ou encore ceux qui font partie du système, les organisations syndicales, les groupes d'action sociale et ainsi de suite. Mais c'est tout à fait indispensable de le faire parce qu'il faut éliminer ce sentiment que tout se fait dans le secret.

    Encore une fois, je vous remercie d'être venus et de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer devant vous ce matin.

    Que voulons-nous en fin de compte? Bien sûr, nous voulons une meilleure législation ouvrière. En fait, je dirais que cela revient à égaliser les chances pour tout le monde. Nous ne voulons pas nous retrouver avec un pays où tout cela n'existe pas. Nous voulons de meilleures lois pour la protection des droits humains. Nous voulons de meilleures lois en matière de santé et de sécurité. Nous voulons que nos ressources naturelles soient protégées et non pas exploitées, et nous voulons des lois qui protègent l'environnement.

    Il y a par contre des choses auxquelles nous ne voulons pas qu'on touche, le régime de santé et le système d'éducation. Vous me direz que vous n'avez pas l'intention de vous en prendre à la santé ou à l'éducation, mais c'est pourtant ce que les gens craignent, c'est ce qu'ils pensent, et il y a toujours ce secret qui entoure tout. Nous ignorons ce qui se passe en coulisses.

    Pour terminer, je voudrais féliciter le gouvernement du Canada pour son intervention dans le dossier africain. Nous pensons que c'est dans ce sens qu'il faut aller. C'est quelque chose dont nous nous félicitons, et nous espérons que cela va se concrétiser. Comme nous le disons chez nous dans nos campagnes, on verra ce qu'on verra.

    C'est sur cette note que je terminerai ce bref exposé. J'espère qu'il a été suffisamment court.

¿  +-(0955)  

+-

    La présidente: J'ai été très généreuse à votre endroit et je vous ai laissé terminer votre argumentation. J'avais en effet le sentiment que vous aviez des choses importantes à dire, des choses que nous devions selon vous entendre, de sorte que nous avons amplement dépassé les 10 minutes réglementaires.

    Monsieur Doucet, madame Daigle et monsieur Farren, nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Yves Rocheleau, le représentant du Bloc québécois.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, madame la présidente.

    Bonjour, monsieur Doucet. Je vous félicite pour votre excellent mémoire, que j'ai lu tout en vous écoutant. Il fait le tour de presque toutes les préoccupations du comité. Je me réjouis de voir que vous êtes en faveur de l'établissement éventuel de la taxe Tobin, notamment. Je pense que ça réglerait beaucoup de problèmes en ce bas monde. Comme vous le dites, il y a beaucoup d'hypocrisie, de secrets ou de pensée unique qui sont des embûches qui font que cette réflexion se fait moins vite qu'elle ne le devrait dans les instances qui sont censées se préoccuper de cela.

+-

     Ma question comporte deux volets.

    Dans votre exposé, vous parlez du projet de privatisation de l'eau à Moncton. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus et que vous nous expliquiez dans quel contexte cela se situe. Quelle est la problématique? Quels sont ceux qui sont en faveur et ceux qui sont contre? Où est l'intérêt public de privatiser l'eau à Moncton, comme le disent sans doute certains?

    Deuxièmement, vous dites que nous devons combattre le terrorisme avec les Américains, mais que nous ne devons pas nous laisser terroriser par les visées américaines. 

    Si, comme on l'entend de plus en plus, les Américains décidaient d'attaquer d'autres pays comme l'Iran, Irak, et même les Philippines et le Soudan, quelle devrait être la position canadienne face à une telle réalité?

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    M. Blair Doucet: Je vous remercie.

    Permettez-moi de vous éclairer au sujet de la situation à Moncton. Il y a un certain temps de cela, il y avait beaucoup de problèmes concernant l'eau à Moncton. Le système d'adduction était ancien. D'ailleurs, il était impossible de se brosser les dents avec l'eau du robinet dans un hôtel de Moncton, l'hôtel devait fournir de l'eau en bouteille pour le faire. Il a fini par se savoir que le système était vétuste et qu'il fallait faire quelque chose. Mais évidemment, il s'agissait néanmoins toujours d'un service public.

    Depuis lors, une compagnie américaine a fait une soumission de sorte qu'on a privatisé le système d'adduction d'eau et cela a immédiatement causé problème, principalement parce qu'une compagnie privée n'est pas là pour fournir un service public. Il faut qu'elle fasse des bénéfices, soit sur le dos des gens—et cela ne va pas plus loin—soit en passant par les tribunaux lorsqu'elle ne parvient pas à faire des bénéfices selon les modalités du contrat, de sorte qu'au bout du compte, c'est nous qui finissons par payer avec nos taxes.

    À l'heure actuelle, les gens de Moncton ne sont pas contents—et ils s'expriment à ce sujet par la voix des différents conseils syndicaux, fédérations et autres organisations—que ce service ait été ainsi privatisé, alors qu'il s'agit essentiellement d'un service public.

    Pour ce qui est de votre seconde question, qu'est-ce que le Canada devrait faire, nous ne défendons pas le terrorisme. Il est certain que les événements du 11 septembre ont été une terrible mascarade. Ont-ils été le résultat de la situation économique? Je ne saurais vous répondre. Chacun aura sa petite idée là-dessus jusqu'à ce que les poules aient des dents. Pour l'instant, tout le monde a raison et personne n'a tort, la question demeure entière.

    Je pense que nous ne devons nous contenter de la parole des États-Unis lorsque nous devrons décider d'intervenir ou non, qu'il s'agisse de lutter contre le terrorisme en Iraq ou en Iran. Je pense qu'il ne faut pas se limiter au point de vue d'un seul pays. Le Canada est un pays épris de paix, tout le monde le sait. J'espère que nous pourrons préserver cette image et la faire valoir auprès d'autres pays au lieu de nous lancer dans l'arène.

    Lorsque ces événements se sont produits, les babines ont suivi les bottines, j'ai entendu ce qui se disait et j'ai presque honte de le répéter. On disait alors: «Il faut leur rentrer dedans». Et bien, en réalité, c'est souvent ce qui se produit en Afghanistan. Le résultat, c'est que des gens comme vous et moi se font tuer. Mais arriverons-nous vraiment au résultat que nous souhaitons? Et au détriment de qui? Des terroristes? Oui, dans certains cas, lorsqu'on parvient à les attraper—ce sont eux qui en font les frais. Mais dans les pays défavorisés comme l'Afghanistan, ce sont souvent les innocents, les femmes et les enfants, qui sont les victimes.

    Nous ne voulons pas de cela. Nous sommes un pays épris de paix, du moins nous l'espérons. Nous militons pour la paix, et je pense qu'il y a toujours une façon pacifique de régler les problèmes.

[Français]

+-

    La présidente: Madame Daigle.

À  +-(1005)  

+-

    Mme Dee Dee Daigle (représentante d'action politique, région de l'Atlantique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick): J'aimerais ajouter quelques mots sur la situation à Moncton parce que je suis citoyenne de Moncton.

    À Moncton, on se pose beaucoup de questions auxquelles le maire et la Ville ne peuvent répondre. D'abord, si la Ville de Moncton décide de privatiser l'eau, que feront les autres villes de la province et du Canada? Dans le cadre des différents accords commerciaux, il y a beaucoup de choses qu'on ne voit pas. Il ne s'agit pas seulement de la Ville de Moncton, parce qu'on ne sait pas ce qui va arriver dans les autres villes.

    Il y a différents groupes à Moncton. Après ce qui s'est passé à Walkerton, il y a des citoyens qui ont un peu peur de la privatisation de l'eau. Qui sera responsable de s'assurer que l'eau sera potable et que les citoyens ne seront pas en danger?

    Il y a un autre groupe de citoyens qui a formé un comité. La Ville a décidé de faire affaire avec une entreprise américaine. On se demande s'il n'y avait aucune autre entreprise de la région de Moncton, du Nouveau-Brunswick ou même du Canada qui pouvait faire la même chose. Pourquoi la Ville a-t-elle appelé seulement cette entreprise? Cela soulève une autre question. Quand une décision doit être prise, il ne faut pas la prendre en isolation, mais en consultation avec d'autres. On n'a aucune idée de ce qui va se produire.

    Également, les conseillers de la Ville de Moncton ne sont pas tous d'accord. C'est surtout le maire Murphy qui pousse cette chose, mais il y a aussi des conseillers qui cherchent à obtenir des réponses à nos questions.

    Merci.

+-

    Mme Aileen Carroll (Barrie--Simcoe--Bradford, Lib.): Qui va prendre la décision?

+-

    Mme Dee Dee Daigle: Le conseil de la Ville.

+-

    Mme Aileen Carroll: Au niveau municipal.

+-

    Mme Dee Dee Daigle: Oui. Si on prend cette décision de privatiser l'eau au niveau municipal, qu'est-ce que cela veut dire pour la province du Nouveau-Brunswick et les autres provinces canadiennes? Est-ce que cela peut forcer d'autres municipalités à ouvrir la question de la privatisation de l'eau?

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Farren.

+-

    M. Bill Farren (membre du conseil exécutif, Fédération des travailleurs et des travailleuses du Nouveau-Brunswick): Excusez-moi si je ne vous réponds pas dans votre langue, mais je suis un peu limité en français.

    Je voudrais insister sur la situation à laquelle nous sommes arrivés avec cet élément de peur au niveau de l'homme de la rue—lorsque je parle de l'homme de la rue, je ne dis pas cela de façon péjorative pour la classe ouvrière. L'homme de la rue a peur de cette privatisation du système de distribution d'eau à Moncton parce que, pour un Canadien, c'est quelque chose de nouveau. En effet, nous avons toujours eu le privilège de pouvoir bénéficier de régie publique administrée par l'État.

    Allez où vous voulez au Canada et voyez vous-même là où ces partenariats entre le secteur public et le secteur privé n'ont pas fonctionné. Ainsi, en Colombie-Britannique, les routes ont été privatisées mais il a fallu à grand frais faire marche arrière et reprendre possession du service parce que le partenariat avec le secteur privé n'avait pas bien fonctionné.

    Regardez ce qui s'est passé cet été et cet automne en Californie avec la privatisation de la distribution de l'électricité. Voyez le chaos que cela a produit. Vous pouvez trouver des cas du même genre partout en Amérique du Nord. Lorsqu'il s'agit de quelque chose qui est aussi essentiel pour l'être humain—peu importe son revenu d'ailleurs... Que vous viviez dans une boîte en carton sur un trottoir ou dans un palais, il vous faut de l'eau. C'est un besoin fondamental. C'est cela, l'élément de peur. Et c'est un peur qui est tout à fait réelle selon moi et selon beaucoup d'autres Canadiens. Ce ne sont pas des fantômes que nous voyons. Ces fantômes sont bien réels d'après ce que nous avons pu voir et entendre dans d'autres régions du pays,sur le continent et dans toute l'Amérique du Nord.

+-

    M. Bill Farren: Comme l'a déjà dit M. Doucet, il faut qu'il s'agisse également d'un outil éducatif.

    Vous avez demandé ce que le Canada devrait faire si les Américains attaquaient un autre pays. C'est la même chose dans le cas de votre eau. Nous espérons que les Canadiens le fassent pour la bonne cause. Nous ne voulons pas nous en prendre maintenant à un autre pays parce que nous allons leur venir en aide. Malheureusement, la seule aide que le Canada puisse leur donner, c'est une aide de principe. Nous participons. Nous envoyons quelques soldats, mais cela sous-tend une influence plus grande. Tout le monde sait, à l'échelle planétaire, que le Canada est de la partie ainsi que d'autres pays.

    Si nous le faisons, ce n'est pas pour corriger les problèmes que nous jugeons injustifiés dans le monde entier, qu'il s'agisse de l'attentat contre le World Trade Center ou de quoi que ce soit d'autre. Si nous intervenons pour ces raisons-là, c'est peut-être une version de la chose. Si nous le faisons simplement pour aider les États-Unis, pour qu'ils nous donnent quelque chose en échange, ce n'est pas moral et cela n'est pas non plus politiquement correct.

    Il y a des pactes comme ceux-là qui se nouent tout le temps. Nous avons le sentiment que si c'est ainsi, eh bien nous ne voulons pas en être. Si le Canada parvient à justifier son intervention dans une guerre comme celle-là, si cela s'inscrit dans le droit fil de nos valeurs sociales et si vous nous éduquez dans ce sens, eh bien peut-être alors voudrons-nous prendre fait et cause.

    Il en va de même pour l'eau. Si vous nous dites que c'est la meilleure solution possible—mais j'ignore comment diable vous allez parvenir à nous le prouver. Mais si c'est la meilleure solution, alors peut-être pouvons-nous le faire.

    Éclairez la population comme il se doit, sans oeillères, au lieu de s'arranger pour faire faire les choses en secret, c'est cela qu'il faut faire et non pas cette attitude potentiellement dangereuse qui fait qu'on ne dit aux gens que la moitié de ce qu'ils doivent savoir en leur cachant le reste.

À  +-(1010)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Farren.

    Madame Carroll.

[Français]

+-

    Mme Aileen Carroll: Je vais vous poser quelques questions, si vous le voulez bien.

[Traduction]

    Le mémoire et votre exposé ont été très instructifs. Je suis très reconnaissante, comme mes collègues d'ailleurs, que vous ayez pris le temps de venir nous voir. Nous sommes en tournée et nous devons choisir une ville par province. Si vous habitez à l'extérieur de cette ville, vous êtes prêts à vous déplacer pour venir nous voir. Vous nous avez dit que vous venez du nord du Nouveau-Brunswick, de Bathurst.

    Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, mais je voudrais me faire l'avocate du diable.

    À la page 3 de votre exposé, vous dites à propos de la mondialisation: «nous ne sommes pas contre les Américains comme tels»—et d'après ce que vous dites, cela est tout à fait évident—«mais nous sommes contre le poids disproportionné du capital américain dans l'économie mondiale.»

    Je pense qu'à bien des égards, la tâche qui nous attend nous politiques et qui vous attend vous, dirigeants syndicaux, est déjà suffisamment difficile à mon sens pour ne pas nous donner des objectifs impossibles à atteindre. Tentons plutôt de nous bagarrer pour ceux que nous avons la possibilité de réaliser, influençons les choses là où nous pouvons les influencer et créons tous ensemble la meilleure politique publique possible. Voilà la réalité.

    À mon avis, c'est un peu comme si on voulait se battre contre le temps qu'il fait. J'aurais préféré avoir aujourd'hui des conditions plus clémentes qui m'auraient permis de visiter le port et de profiter de la ville de St-Jean.

    Les Américains contrôlent une fraction disproportionnée du capital mondial. Mais à mon avis, nous n'obtiendrons rien en nous opposant à cet état de choses.

    Comment faire donc? Dans cette étude que nous conduisons actuellement, comment composer avec l'intégration des économies? Jusqu'où faut-il aller? Jusqu'où sommes-nous déjà parvenus? Quelles sont les conséquences? À votre avis, jusqu'où devons-nous aller et jusqu'où ne devrions-nous pas aller?

    Et juste pour vous provoquer un peu, laissez-moi vous dire que j'ai du mal à croire que nous puissions faire quoi que ce soit.

À  +-(1015)  

+-

    M. Blair Doucet: Je ne suis pas contre la richesse. Je m'oppose à certaines façons par lesquelles on accède à la richesse—toutes les tractations qui aboutissent à brader notre pays, ou par lesquelles des étrangers procèdent à la transformation secondaire ou tertiaire, ou à la faire faire aux États-Unis.

    Prenez le cas de Brian Tobin aujourd'hui à Terre-Neuve. Il me faut lui accorder le mérite de sa position en ce qui concerne la situation—et je sais que ce n'est qu'une analogie. Toutefois, je pense que vous trouverez là réponse à votre question—à savoir ce à quoi il fait face, une société multinationale majeure, INCO, avec la découverte du filon de Voisey Bay et les pressions qu'il subit, étant donné la situation de l'emploi à Terre-Neuve, sans parler de la situation dans la région alors qu'il affirme: «une fois le minerai extrait, il sera transformé ici à Terre-Neuve». Quand j'entends de tels propos, sans partisanerie aucune, cela me met du baume au coeur. Cela est tout à fait pertinent à ce dont nous discutons, quand en présence d'une richesse, on accepte de l'exporter, pour le gain que cela représente. Cela me met mal à l'aise. Brian Tobin subit d'énormes pressions.

+-

    Mme Aileen Carroll: Votre argument est tout à fait percutant, et je n'en disconviens pas. Moi aussi je représente une circonscription de l'Ontario mais je suis née à Halifax et ma famille y habite encore. Nous avons sans doute une optique commune. Par conséquent, comme les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, je souhaite que dans cette région, on cesse d'expatrier nos ressources naturelles. C'est ce que l'on a fait de plus de plus. Il faut songer à la valeur ajoutée. Je souhaite que ces ressources naturelles soient transformées ici, que la fabrication se fasse ici, que les emplois profitent aux gens d'ici. Je suis tout entière avec vous.

    Je redirai ce que j'ai essayé de dire: ç'est un fait que les États-Unis possèdent un pouvoir économique certain. Il faut nous en accommoder. Tous les autres arguments que vous avez évoqués sont tout à fait valables et j'adhère à nombre d'entre eux.

    Permettez-moi d'aborder les choses sous un autre angle. Ensuite, je laisserai la parole à mon collègue car il a quantité d'autres questions à vous poser. Il est intéressant de constater que vous donnez du Nouveau-Brunswick de ces dernières années une description très différente de celle que donnait Frank McKenna. Je dirais qu'en général au Canada on estime qu'il a apporté beaucoup de changements à l'économie, et nombreux sont ceux qui pensent que c'était pour le mieux. Vous comprenez que nous devons entendre le point de vue de tous. Vous avez présenté des faits intéressants. Pour ma part, je suis ravie que vous ayez critiqué le chapitre 11 de l'ALENA. À cet égard, vous avez la même opinion que certains collègues d'autres provinces de l'Atlantique.

    Je voudrais aborder une autre question. Je souhaiterais en aborder bien d'autres mais mon temps est limité. Je constate que la présidente sourit mais elle est sévère.

    Tout comme M. Farren, vous avez parlé de la nécessité d'éclairer la population. J'ai pris quelques notes, rapidement, monsieur Doucet, et vous avez dit qu'il faut avant tout éclairer la population: «Il faut instruire les gens». Monsieur Farren, vous avez dit: «l'éducation, c'est ce qu'il y a de mieux». Qui procède à cette éducation? Qui est censé en avoir la responsabilité? Je dirais que si c'était moi, femme politique, qui tenait ces propos, on me taxerait de paternaliste avec un peu de chance, et de condescendante, avec moins de chance. Qui va assumer ce rôle?

+-

    M. Blair Doucet: Je serai bref. Je sais que M. Farren ronge son frein et je vais lui laisser la chance de répondre. En fait, je pense que c'est une combinaison d'éléments, et je l'ai dit dans mon exposé. On ne peut pas prétendre s'adresser à une assemblée en sachant quel en sera le résultat parce que l'on ne peut pas manipuler les gens. Selon moi, l'instruction est un partenariat quand il s'agit de notre pays. Soyez assurés que si vous invitez le CTC à participer à l'éducation du public, et que vous lui donniez l'occasion de le faire, nous obtiendrions des résultats parce que ce sont les gens qui nous intéressent.

+-

     Je ne suis pas très renseigné à ce sujet mais je peux vous dire que certaines personnes... Rappelez-vous ma première analogie à propos d'un article très coûteux. Il s'agit bien de cela. Nous avons tiré une conclusion à ce propos. Il vaut mieux que je m'abstienne de constater les conséquences des pertes d'emplois.

    Je pense que la tâche est laborieuse et qu'elle ne sera pas accomplie facilement. Il faut toutefois courir la chance. J'affirme que ce serait possible mais si cela se faisait en partenariat... Les entreprises ont un programme établi et nous aurons un programme établi. Dès lors, la situation devient un dialogue ou un débat, mais il faut savoir dès le départ où fixer la limite. Il faudra peut-être beaucoup de temps avant d'obtenir un consensus et pour avoir siégé à des conseils d'administration et à des commissions, je sais que le consensus est supérieur au vote car une fois qu'un vote est tenu... Je semble provincial. J'ai réussi à convaincre mais je n'ai pas réussi à obtenir les fonds.

    Mme Aileen Carroll: Merci.

À  +-(1020)  

+-

    La présidente: Nous avons entendu les témoignages de Mme Price de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador. Nous avons entendu le témoignage de M. Clark en Nouvelle-Écosse. Nous avons leurs mémoires que nous étudions.

    Je souhaiterais que nous fassions progresser la discussion actuelle pour aborder la question de nos engagements à Kyoto. Hier, à Halifax, le comité a entendu le témoignage de représentants de diverses organisations d'hommes et de femmes d'affaires qui nous ont dit que la ratification de l'accord de Kyoto entraverait le développement économique de cette région et occasionnerait des pertes d'emplois. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez? Quelle est votre position? En avez-vous parlé? Avez-vous réfléchi aux façons dont l'accord de Kyoto pourrait avoir une éventuelle incidence sur la région de l'Atlantique?

+-

    M. Bill Farren: Quand des sociétés se réunissent, il est toujours question d'emplois. Je travaille ici à la brasserie locale, Moosehead Breweries. J'y travaille depuis 27 ans et j'ai pu constater que la technologie a abouti à la suppression d'emplois.

    Ma famille est dans les affaires et nous avons une entreprise depuis des années. Chaque fois que nous avions des discussions familiales autour de la table dans la cuisine, et cela se produisait plusieurs fois par semaine, on disait que l'impôt et une trop grande intervention du gouvernement nous causaient énormément de tort et que si seulement nous pouvions nous débarrasser d'une partie de la paperasserie pour faire ceci ou cela, nous pourrions créer plus d'emplois.

    Mon père, Dieu le garde, s'est employé à le faire. Il ne s'est pas précipité pour acheter un yacht plus gros. Il a créé cette entreprise. Elle s'est développée et certains de ses associés ont fait la même chose.

    Qu'il s'agisse d'une brasserie, d'une exploitation minière ou forestière, leurs dirigeants vous diront qu'il leur faut la liberté nécessaire pour créer plus d'emplois et faire davantage, mais comme j'ai la main à la pâte depuis des années, je peux dire que cela ne se produit plus actuellement. En effet, on utilise l'argent épargné pour acheter de nouvelles technologies. À l'usine où je travaille, comme on ne pouvait pas obtenir cette technologie, on l'a élaborée sur place. Une seule machine a entraîné la mise à pied d'une douzaine de travailleurs, et cela ne touchait qu'une équipe de huit heures. Il y a l'effet multiplicateur qui se propage dans tout le secteur.

+-

     La foresterie, c'est la même chose. Avant, on allait en forêt avec une tronçonneuse. Je ne dis pas qu'il faut retourner au Moyen-âge. Les entreprises ont le droit d'introduire ces changements mais elles ont aussi une obligation sociale à l'endroit des travailleurs; il faut qu'elles procèdent graduellement quand elles éliminent ces emplois et non pas virer les gens comme des malpropres. Mais les grandes entreprises—et c'est ce qui me fait peur—nous disent que ce n'est pas possible.

    Il est arrivé la même chose dans les usines de pâte à papier au début des années 70. Trudeau leur a promis tant de milliards de dollars à investir en matériel antipollution. Cela a emballé l'industrie qui a vite emboîté le pas. Ils ont chanté les louanges du gouvernement Trudeau et des libéraux. C'était leur coqueluche. «Voyez tout ce qu'ils font pour nous». La population elle aussi s'est enthousiasmée parce que, comme chacun le sait, à l'époque, les usines de pâte à papier comptaient parmi les plus gros pollueurs. Une fois qu'elles eurent mis la main sur le fric, par contre, là, désolé. «Pour lutter avec nos concurrents du sud et du reste du monde, nous devons moderniser. Alors au diable la pollution, le matériel et l'argent qui est venu avec; on l'empoche et on le dépense ailleurs.»

    Mon camarade va peut-être me corriger sur ce point, mais ces dernières années le monde syndical, dans notre province en tout cas, a décidé qu'il n'allait plus accepter des emplois à tout prix. Nous voulons assurer la survie de la planète, de nous-mêmes et de nos enfants. Ici même, dans notre ville, des gens ont succombé à des maladies respiratoires dont nous combattons les causes. Qu'allons-nous faire? Allons-nous accepter des emplois qui vont me tuer, moi ou mon voisin? Non merci; je ne suis pas un martyr. Je préfère rester chez moi sans emploi. Avec un peu de chance, il restera encore un peu d'assistance sociale pour moi.

    Voilà ce avec quoi l'État doit composer. La question de savoir si nous allons faire la guerre à un autre pays. Voilà les problèmes. Est-ce que c'est vraiment cela qui compte?

    Actuellement, le débat dans la province est de savoir si l'on va utiliser l'Orimulsion vénézuélien dans une centrale électrique. Pendant des années, les gouvernements fédéral et provincial, les entreprises et tous les autres nous ont dit que le gaz naturel est la solution de l'avenir. Aujourd'hui ils nous disent que leur émulsion coûte beaucoup moins cher parce que l'on peut passer à un marché échelonné sur vingt ans. Et, au fait, les émissions de carbone vont augmenter. Il y aura 70 p. 100 d'émissions, mais il y aura une petite réduction ailleurs. Rien que l'idée de crédits environnementaux...Allons donc. Est-ce qu'on s'engage dans une voie ou bien dans une autre?

    Évidemment, la réglementation peut varier d'une province à une autre et il peut y avoir différentes périodes d'adaptation. Il y a des années que l'on pollue—et je ne pense pas qu'on m'en voudra pour ce que je vais dire—mais la période d'adaptation pour chaque province peut être différente en fonction de son industrie lourde. L'Ontario est très bien positionnée sur le plan de son énergie nucléaire. Cela déplait à beaucoup de gens, mais elle pollue peu même si je ne sais pas comment elle se compare aux combustibles fossiles. Chaque province dépend un peu plus que d'autres de tel ou tel combustible, de sorte que chacune peut se situer à un niveau différent pourvu que l'on n'attende à l'an 3002 pour atteindre l'objectif.

À  +-(1025)  

+-

    La présidente: Eh bien, merci.

    J'aimerais poser la question suivante au président de la fédération: pardonnera-t-il à M. Farren s'il a tenu des propos auxquels il ne souscrit pas?

+-

    M. Blair Doucet: Nous avons une grande affection pour le camarade Farren et jamais je ne voudrais lui gâcher son plaisir.

+-

    La présidente: Allons demander son avis à M. Baker. Si vous ne voulez pas, vous pourrez toujours l'accompagner à Terre-Neuve.

+-

    M. George Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): J'ai une courte question à poser et une observation à faire, madame la présidente.

+-

     Tout ce que nous disons ici aujourd'hui est retransmis en direct à Ottawa. Pendant votre intervention, monsieur Doucet... Au fait, madame la présidente, je tiens à féliciter M. Doucet de sa contribution au mouvement syndical, notamment pour avoir fait comprendre à la population qu'il n'y a pas si longtemps encore, à peine quelques années, le gouvernement se vantait d'avoir le filet de sécurité le plus mince du pays, aux prestations les moins généreuses. Il n'y avait vraiment pas de quoi se vanter.

    Si je reviens à ce que M. Doucet disait il y a un instant à propos de l'exploitation forestière et de la retransmission à Ottawa... Le nord du Nouveau-Brunswick a apporté beaucoup à l'économie du pays si l'on regarde les exploitations par habitant. Dans la région reconnue pour être la plus pauvre, le nord-est ou le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, vous, par habitant, vous exportez je crois plus que toute autre région du pays, une grande contribution a été apportée par ceux qui travaillent en forêt et dans le secteur primaire.

    Ma question porte sur une chose qui a été mentionnée par deux des témoins ici aujourd'hui. Auriez-vous des recommandations à faire à d'autres pays qui envisageraient de remplacer le travail manuel, l'abattage des arbres à la tronçonneuse par exemple, par le travail à la machinerie lourde?

    Auriez-vous des conseils à donner au producteur forestier à propos de l'environnement? Pensez-vous que la forêt est bien servie sur le plan environnemental, où qu'elle soit dans le monde, après que les arbres ont été coupés? En quoi l'exploitation mécanique est-elle différente de l'abattage à la main?

À  +-(1030)  

+-

    M. Blair Doucet: Il se trouve que j'aime me retrouver en pleine nature. J'ai ma propre cabane en forêt. Le combat contre le virage technologique est dur, c'est certain. J'ai vu des écologistes, il y a un groupe de vigilance appelé le Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick... Comme simple citoyen qui aime la forêt, j'ai vu les ravages causés par l'équipement mécanique dans certains secteurs. Et ce n'est pas pour débroussailler; c'est pour faire du dégât et maximiser les profits. C'est certain.

    Quant à savoir si on peut y mettre fin, je dirais que c'est déjà là et que ça s'aggrave. Il y a une autre compagnie qui veut venir de Miramichi et qui va remplacer beaucoup de bûcherons. Oui, nous exportons beaucoup de produits bruts, mais est-ce qu'on va commencer à le transformer davantage?

    J'espère que la bataille n'est pas perdue parce qu'on a cruellement besoin d'emplois dans notre province comme toutes celles qui exportent la totalité de leurs produits. C'est pourquoi je répète constamment ce que je pense de Tobin; il fait du travail magnifique. J'espère qu'il va continuer. J'espère qu'il ne cédera pas aux pressions.

    Il est certain que cela nuit à l'environnement. Est-ce qu'il va y avoir une autre machine qui va venir remettre les choses en état? Je ne sais pas. Je n'en ai jamais vu. Mais je me pose la question, est-ce qu'on a les règlements qu'il faut pour forcer les compagnies à laisser les forêts en état de durer?

+-

     D'après ce que j'entends, ce ne sera pas le cas.

    Jusqu'à ce qu'ils trouvent un emploi pour le bois dur, nous devions épuiser nos forêts autour de 2006 ou 2007. Est-ce que ça va quand même se produire? Je ne sais pas. Je peux vous dire que les forêts ont été ravagées.

À  +-(1035)  

[Français]

+-

    Mme Aileen Carroll: Avez-vous pu voir le film québécois qui s'appelleL'Erreur boréale?

[Traduction]

+-

     Je vous invite à consulter la page 10. Vous constaterez que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick a pris clairement position contre l'alignement des politiques d'immigration canadiennes sur celles des États-Unis et que cela recoupe précisément le thème des discussions, à savoir l'intégration nord-américaine. Vu les échanges que nous avons eus, je ne voulais pas qu'on l'oublie.

    La présidente: C'est noté.

    Monsieur Rocheleau, et ce sera la dernière question.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Concernant la privatisation de l'eau à Moncton, compte tenu qu'il s'agit d'un service essentiel, est-ce qu'il y a un débat musclé? Est-ce qu'il y a un groupe organisé qui fait pression auprès des autorités de la Ville de Moncton pour qu'on y réfléchisse à deux fois?

    La privatisation n'est pas encore dans nos moeurs. Au Québec, il est sporadiquement question de privatiser Hydro-Québec, par exemple, mais les forces social-démocrates, dont nous sommes, exercent immédiatement des pressions pour qu'on conserve ce bijou. Je pense qu'il en va de même pour l'eau. Est-ce qu'il y a au moins un débat à ce sujet?

+-

    Mme Dee Dee Daigle: Oui, des présentations ont été faites aux réunions du conseil de ville. Également, il y a deux ou trois semaines, des représentations ont été faites par la Coalition contre la privatisation de l'eau. On a eu un atelier à l'Université de Moncton, auquel plus de 80 personnes s'étaient inscrites.

    Je n'y ai pas assisté puisque j'étais à l'extérieur de la ville, mais j'ai parlé avec quelques personnes qui y avaient assisté. Les citoyens de Moncton trouvent que la Ville de Moncton n'a pas fait assez bien ses devoirs, qu'elle n'a pas fait assez de recherche. Quand on pose des questions, surtout sur l'ALENA, sur la façon dont cet accord ouvre la porte à la privatisation de l'eau et sur ce que vont faire le reste des villes, personne de la Ville de Moncton ne peut nous répondre.

    Il y a toujours des questions. Il y a une coalition qui devient de plus en plus forte. Il y a plus de membres qui assistent aux réunions du conseil de ville et qui posent des questions aux conseillers et au maire.

+-

    M. Yves Rocheleau: Vous savez qu'il y a un courant incarné par M. Ricardo Petrella...

    Mme Dee Dee Daigle: C'est lui qui a fait l'atelier à l'université.

    M. Yves Rocheleau: ...qui voudrait que l'eau soit considérée comme un bien mondial appartenant à l'humanité et non pas à quelque entreprise privée que ce soit et qu'idéalement, elle soit un jour gérée par l'ONU. Il faut que ce soit considéré par tous, dans le monde entier, comme étant un bien vu qu'il s'agit d'un service essentiel et qu'en plus, ce bien est en dégradation. L'eau potable est de plus en plus rare et pourra peut-être faire l'objet de guerres bientôt.

[Traduction]

+-

    La présidente: Nous ne voulons pas que ça finisse en une guerre mondiale.

    Je tiens à vous dire combien nous avons apprécié votre témoignage.

+-

    M. Bill Farren: Est-ce que je peux faire un bref commentaire à propos de ce qu'a dit le député de l'Ontario?

    Je veux revenir sur la sensibilisation. On réalise, avez-vous dit, que les États-Unis ont une immense puissance économique. Ce n'est pas cela que nous combattons, c'est de nous mettre au lit contre une si grosse entité. C'est des avantages et des inconvénients de cela qu'il faut informer les petits pays comme le Canada.

+-

     Cela ne sert les intérêts de personne de ne pas faire ce travail pédagogique.

    Au moment où l'ALENA a été adopté, on a posé une question au ministre à propos de l'accord. Il a dit: «Vous n'y pensez pas? Ce document est trop long. Je ne le lirai jamais en entier». Quand j'entends cela, quelle garantie est-ce que j'ai comme Canadien que mes intérêts de citoyen sont protégés? Vous, comme élu, vous avez ce droit... Enfin, pas un droit, mais le privilège. Vous avez le privilège de m'informer. Moi, comme élu dans mon poste, j'ai le privilège et l'honneur de représenter ceux qui m'ont placé là, tout comme vous, et de les informer comme vous vous devez nous informer.

À  +-(1040)  

+-

    Mme Aileen Carroll: C'est une discussion passionnante. Dommage que nous ne puissions pas partir bavarder devant un café.

+-

    M. Bill Farren: Ou une bière Moosehead.

+-

    Mme Aileen Carroll: Mieux encore. Molson a quitté Barrie alors j'accepterais bien une Moosehead.

    Je pense que la question de la sensibilisation est très importante. À cause de mes gènes, je me méfie de l'information qui vient d'une seule source, qu'il s'agisse du Congrès du travail du Canada ou du gouvernement fédéral. Je pense que vous et moi avons la responsabilité de nous informer à diverses sources. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons avoir voix au chapitre.

    D'après des études récentes—et ça me trouble beaucoup—en ce qui concerne la culture civique—c'est l'expression qui désigne être au fait de l'actualité en général—le Canada est en avant-dernière place, devant les États-Unis. Nous sommes en avant-dernière place en matière de culture civique. D'après les experts qui ont réalisé l'étude, de plus en plus d'entre nous se contentent de la télévision. Un coup d'oeil en passant, 20 secondes à l'écoute de CNN puis vous êtes informés. Non: vous êtes manipulés.

    Je ne dis pas cela seulement à cause de CNN. Il nous appartient tous de ramasser le journal, de faire ce qu'il faut pour rester à la fine pointe de l'actualité et d'avoir de bonnes connaissances générales. Il y aurait un lien entre cela et la faible participation au scrutin. Plus votre culture civique est médiocre, moins vous allez voter. Pourquoi? Ils ne sont pas convaincus que les politiques ont une influence. Tout cela entre en ligne de compte.

    Venir ici pour engager le dialogue tel que nous le faisons aujourd'hui est un élément très important de ce processus, qui vient s'ajouter à l'étude et aux questions qui nous intéressent.

+-

    M. Blair Doucet: Tout à fait. Pour améliorer cette sensibilisation, pour aller au-delà du topo de 20 secondes sur CNN ou RDI...

    Ça ne rend pas service aux Canadiens de voir qu'une série de ces négociations va se tenir dans une province de l'ouest, dans une ville où il n'y a qu'une seule route d'accès. Pourquoi agit-on ainsi? Pour que des gens comme moi soient tenus le plus à l'écart possible des travaux. Or, si des gens comme moi n'y participent pas, il y aura toujours des gens qui ne sont pas informés et il y aura toujours de la méfiance.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous avons été très généreux dans l'utilisation du temps. Nous avons parlé de la sensibilisation mais il faut aussi parler de gestion du temps.

+-

    M. Blair Doucet: Je voulais juste terminer en disant, madame la présidente, que je viens de passer le week-end avec mon conseil exécutif, dont le camarade Farren fait partie, et qu'il nous arrive effectivement à l'occasion de lui gâcher son plaisir.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    La présidente: Merci beaucoup, cela a été agréable de vous rencontrer.

    C'est le moment de faire une césure. Comme nos témoins sont ici, nous allons leur demander de s'installer.

À  +-(1039)  


À  +-(1044)  

+-

    La présidente: Nous allons maintenant reprendre l'audition des témoins.

    Nous recevons le professeur Rod Hill du département d'économie de l'Université du Nouveau-Brunswick. Je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de 10 minutes pour nous faire un exposé, après quoi les députés vous poseront des questions.

    Merci.

À  +-(1045)  

+-

    M. Rod Hill (professeur, Département d'économie, Université du Nouveau-Brunswick): Bonjour. Mon exposé ne va pas durer 10 minutes. J'imagine que c'est ce que disent toujours les témoins avant de se mettre à discourir sans fin jusqu'à ce que vous les interrompiez.

    Je ferai d'abord des observations d'ordre général à propos de l'avenir des relations entre les pays d'Amérique du Nord, un des éléments de votre étude. Mes propos sont à la fois ceux d'un citoyen et d'un économiste.

+-

     Je ferai ensuite certaines observations sur l'aspect économique de certains des enjeux et questions abordés dans votre document d'information. Vous pourrez ensuite me poser toutes les questions que vous voudrez.

    La première chose qui m'a frappé lorsque j'ai lu votre document, c'est que ces enjeux et questions dont vous parlez me semblent réellement effrayants. Effrayants pour quiconque s'intéresse à l'avenir de notre pays et à sa survie.

    Il semble qu'on nous demande maintenant d'envisager sérieusement la possibilité d'une union douanière avec les États-Unis ou d'un marché commun ou peut-être même d'une véritable union économique. On nous demande d'envisager d'adopter le dollar américain et de réfléchir à ce qu'on entend par communauté nord-américaine.

    J'ai suffisamment de bouteilles pour me rappeler qu'il y a 20 ans une telle idée n'aurait jamais pu être avancée ni prise au sérieux. Pratiquement personne n'y aurait pensé. Je n'ai pas oublié cela. Je me demande donc pourquoi on en discute maintenant.

    Je doute que cela ait quoi que ce soit à voir avec l'intérêt économique infime que cela représenterait. Il s'agit plutôt du pouvoir croissant au Canada de ceux qui préféreraient en général les politiques et institutions américaines. Ces gens-là ont probablement renoncé à l'idée d'obtenir ces politiques et institutions en remportant des élections fédérales au Canada. Leur objectif est de préconiser une plus grande intégration avec les États-Unis ou ce que l'on appelle parfois de façon euphémique l'«harmonisation», ce qui revient tout simplement à adopter les politiques américaines. Ce qui m'effraie, c'est que les intégrationnistes aient suffisamment d'influence pour que ces choses soient à l'ordre du jour.

    Je croyais personnellement autrefois au libre-échange. J'ai travaillé à la commission Macdonald au milieu des années 80 qui a recommandé un accord de libre-échange avec les États-Unis.

    J'ai appuyé l'accord de libre-échange aux élections de 1988 et j'ai réfuté les arguments de ceux qui disaient alors que ce pourrait être le début d'un processus qui mènerait à la disparition du Canada. Or, j'ai changé d'avis.

    Même si l'accord de libre-échange a mené à une plus grande interdépendance économique avec les États-Unis, ceci ne déclenche pas en soi un processus inévitable ou désirable d'intégration accrue. C'est ce que je pensais en 1988 et j'en demeure convaincu. Toutefois, la victoire des défenseurs de l'accord de libre-échange en 1988 a simplement ouvert l'appétit des intégrationnistes. Leur nombre et leurs ressources ont augmenté comme je ne l'aurais jamais prévu en 1988. Je me souviens d'ailleurs qu'en 1988 je ne croyais pas qu'il y avait beaucoup de partisans d'une telle intégration.

    La majorité des Canadiens, à mon avis, ne voient pas d'intérêt à des programmes intégrationnistes, ni du point de vue politique ni du point de vue économique. Ils reconnaissent me semble-t-il ce qui se passe et ne veulent pas une plus grande intégration avec les États-Unis. Je suis fermement convaincu que nous avons le choix.

    Les intégrationnistes prétendent que cela va nous coûter très cher. Or les faits ne le prouvent pas. Ils essaient aussi de rétrécir la portée du débat, d'insister sur ce qu'il en coûterait de ne pas poursuivre cette intégration, tout en négligeant les avantages qu'il y aurait à conserver notre économie, avantages qui ne sont pas facilement quantifiables mais qui n'en sont pas pour autant moins importants.

    Je dirais que les arguments contre une intégration accrue ont été considérablement renforcés ces dernières années par les recherches faites sur l'économie internationale. En partie par le travail de votre collègue John McCallum publié en 1995, de façon assez ironique, dans l'American Economic Review.

    Je recommanderais fortement au comité de parler au professeur John Halliwell de l'Université de la Colombie-Britannique—son nom est dans mon texte. Je ne pense pas que vous soyez encore allés à Vancouver.

À  +-(1050)  

+-

    La présidente: Non.

+-

    M. Rod Hill: Non.

    C'est l'expert en la matière. Ce serait quelqu'un d'extrêmement intéressant à entendre.

+-

    Mme Aileen Carroll: Doit-il comparaître devant le comité?

    M. Rod Hill: Je suis sûr qu'il se ferait un plaisir de comparaître.

+-

    Le greffier du comité: Je l'ajouterai certainement à la liste.

+-

    M. Rod Hill: Je lui enverrai un courriel pour lui dire que je lui ai fait un peu de publicité gratuite. Cet échange devrait être très intéressant pour vous.

    Je vais vous donner un avant-goût de ce qu'il pourrait vous dire afin que vous puissiez y réfléchir. Ma propre réflexion a été fortement influencée par ses travaux récents.

    Il voit ce qu'il appelle un rendement décroissant à une plus grande ouverture, c'est-à-dire à une plus grande intégration soit à l'économie d'un autre pays soit à l'économie mondiale. Autrement dit, une plus grande intégration n'apporte pas de gros avantages, en particulier lorsqu'il y a déjà un bon niveau d'intégration. C'est évidemment le cas entre le Canada et les États-Unis.

    Il n'y a évidemment encore rien de certain pour le moment, mais c'est peut-être la raison pour laquelle il est si difficile, en fait même impossible, de constater des gains globaux de productivité ou des gains en salaires réels qui résulteraient de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Cela fait déjà très longtemps, mais il est impossible de constater une amélioration même si c'est ce que l'on disait au milieu des années 80 lorsque l'on réfléchissait à cet accord.

    Voilà ce qu'écrit Helliwell: «Il existe peut-être un niveau optimal d'ouverture, assorti d'un même degré de séparation nationale»—c'est-à-dire, des pouvoirs et politiques séparés dans les deux pays—«qui permet aux gouvernements nationaux de faire leurs propres choix, expériences et erreurs».

    Il ajoute quelque chose qui me semble très important et dont on ne discute pas souvent dans ce genre de situation. Ce que ce genre d'accord de libre-échange promet souvent, c'est une amélioration du niveau de vie, une augmentation, si l'on veut, de la production par habitant au Canada en quelque sorte. Mais Halliwell signale que les augmentations de niveau moyen de revenu ont en fait très peu d'influence sur le bien-être que ressentent les gens. Mais, poursuit-il... «Des mesures individuelles et collectives en matière d'éducation, de santé, d'emploi et de capital social donnent des résultats durables», c'est-à-dire durables quant à la façon dont les gens évaluent leur niveau de satisfaction face à la vie et leur bonheur.

    Donc, en résumé, cela revient à dire que si l'on considère ceux qui jouent vraiment sur le bien-être des gens et sur leur satisfaction face à la vie, on s'aperçoit que les niveaux de revenu moyens sont assez peu importants, même peut-être pas du tout, dans un pays où les niveaux moyens de revenu sont aussi élevés qu'ici. Cela n'est pas vrai pour un pays tel que le Nicaragua où il y a énormément de pauvreté. Toutefois, si quelqu'un essaie de vous dire qu'une plus grande intégration à l'économie américaine va accroître les niveaux de revenu canadiens de 5 p. 100 ou quelque chose du genre, ces 5 p. 100 ne vaudraient pas grand-chose à en croire certaines recherches économiques récentes. Si l'on compare ces 5 p. 100 à ce qu'il en coûte d'y parvenir, cela représente peut-être beaucoup.

    Helliwell ajoute:

Il n'est pas nécessaire de se hâter à élargir le programme de libre-échange dans des secteurs qui pourraient limiter la capacité des gouvernements locaux et nationaux et des organisations bénévoles locales à assurer l'éducation et la santé et à maintenir les liens horizontaux qui semblent assurer un fondement solide au bien-être individuel et collectif.

    Je terminerai par une dernière citation de Halliwell qui touche directement à l'un des sujets qui vous intéressent. Il déclare:

Si le Canada doit faire un choix de politique étrangère entre une politique orientée sur le monde et une autre qui consisterait essentiellement à poursuivre les efforts visant à harmoniser nos politiques à celles des États-Unis, je pense que la décision est évidente... Cette dernière politique serait à la fois un mauvais choix économique et un mauvais choix politique.

    Je suis entièrement d'accord avec lui.

    C'est donc tout ce que je vais vous dire dans cette déclaration très générale. Il y a des tas de points précis sur lesquels vous voudrez peut-être m'interroger et je me ferai un plaisir de vous répondre si je pense avoir les éléments pour le faire.

À  +-(1055)  

+-

    La présidente: Merci, professeur.

    Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par le député du Bloc Québécois, Yves Rocheleau.

Á  +-(1100)  

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Merci, madame la présidente. Merci pour votre témoignage, monsieur Hill.

    Vous êtes professeur d'économie. Compte tenu de la valeur du dollar canadien par les temps qui courent, j'ai le goût de vous demander ce que vous pensez de l'hypothèse voulant qu'il faille à tout le moins réfléchir de façon structurée à l'éventualité d'une monnaie commune pour le Canada et les États-Unis, et peut-être même pour le Canada, les États-Unis et le Mexique.

[Traduction]

+-

    M. Rod Hill: J'ai lu le chapitre dans votre document d'information qui discute de la question de la monnaie et je crois que les renseignements qui s'y trouvent sont très exacts et résument bien les enjeux. Personnellement, je considère que l'idée d'une monnaie commune est simplement vouée à l'échec. On indique de façon assez exacte dans le document de discussion que les États-Unis ne s'intéresseront jamais à une monnaie commune. Par conséquent, nous devrions peut-être nous demander s'il nous intéresse d'adopter le dollar américain. C'est là la vraie question.

    Comme l'indiquent également vos notes d'information, il y a une leçon à tirer je crois de l'expérience européenne. La création européenne de l'euro a été principalement motivée par le désir de favoriser l'intégration politique en Europe, l'unité européenne. Je crois que c'est assez clair. Les arguments économiques étaient secondaires et très souvent peu valables. La leçon que nous pouvons en tirer c'est qu'au moins de l'avis des chefs d'État européens, une devise représente une forme de symbole politique puissant, et je suis d'accord. L'adoption du dollar américain serait un puissant symbole du commencement de la fin de notre pays. Cela signifierait également que nous céderions l'un de nos plus puissants outils de politique dont nous disposons, à savoir notre politique monétaire, aux États-Unis, à une personne qui n'est responsable que devant le Congrès américain.

    Pourquoi diable voudrions-nous agir ainsi? Nous ne voudrions le faire que si la politique canadienne était si atroce qu'il serait préférable d'en céder le contrôle aux États-Unis. Si la Banque du Canada avait été administrée comme la banque de l'Argentine ou d'une façon de ce genre, cela serait alors peut-être logique. Je crois que la Banque du Canada a fait de très mauvais choix en ce qui concerne la politique monétaire au cours des 20 dernières années, mais ils n'étaient pas mauvais au point où je serais prêt à ce que le contrôle de notre politique monétaire soit cédé à un pays étranger.

    C'est d'ailleurs le genre d'initiative qui déclenche le processus d'intégration politique car à un certain stade quelqu'un dira, eh bien les Américains sont en train de prendre pour nous tous ces choix importants en matière de politique mais nous n'avons aucune représentation à Washington; nous devrions peut-être y voir. Si les choses vont mal, il ne m'étonnerait pas que d'ici la fin de ma vie, on soulève sérieusement ce genre de question.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Mais on dit de plus en plus que la faiblesse du dollar canadien entraîne ou cache un manque de productivité assez important des entreprises canadiennes. Si je comprends bien, si le dollar canadien était au pair avec celui des Américains, cela démontrerait, à l'évidence, la faiblesse de la productivité d'un bon nombre d'entreprises canadiennes. Est-ce vrai?

    Deuxièmement, que faites-vous des témoignages d'individus importants au Canada, notamment de M. Paul Tellier, président du Canadien National et grand ami du premier ministre, qui dit ouvertement qu'il faut commencer à songer sérieusement à adopter le dollar américain, compte tenu de la faiblesse du dollar canadien?

[Traduction]

+-

    M. Rod Hill: Il y a deux aspects que vous abordez et je suppose qu'il y en a un auquel je n'ai pas répondu correctement lors de votre première question.

    La documentation que vous avez mentionne une étude publiée par l'Institut C.D. Howe. Elle a été faite par le professeur David Laidler, qui se trouve à être un de mes anciens enseignants, sur l'objectif d'un dollar canadien flottant. M. Laidler présente de bons arguments. Vous devriez peut-être lui parler à lui aussi si vous passez par London, en Ontario.

    La faiblesse du dollar canadien ne m'inquiète pas vraiment. Il est bien connu, si vous examinez toute l'histoire des taux de change flottants, que le système de taux de change flottants pose parfois des problèmes. Parfois les mouvements du taux de change sont réellement trop importants. Cependant, tout système de taux de change présente des problèmes. Les taux de change fixes posent aussi des problèmes.

    Je ne crois pas que la faiblesse du dollar canadien traduise l'existence de problèmes de productivité au Canada. Il n'y a aucun rapport entre ces deux aspects. En fait, je ne suis au courant d'aucune théorie de détermination du taux de change qui lie ces deux facteurs.

    Dans les notes d'information, on indique que les fluctuations du dollar canadien peuvent être vraisemblablement attribuées au changement du cours mondial des produits de base. C'est relativement logique car si vous songez à la façon dont le cours mondial des produits de base est déterminé, il est déterminé de façon très différente que l'est le prix des automobiles. Le cours des produits de base est beaucoup plus volatil. Il fluctue en fonction du cycle économique pour des raisons assez évidentes.

    La faiblesse actuelle du dollar canadien contribue à modifier le prix relatif des marchandises canadiennes et des marchandises étrangères d'une manière qui permettra d'atténuer les répercussions des changements de la demande internationale sur l'économie canadienne.

    On pourrait très bien faire valoir, par exemple, que le taux de chômage sera plus faible au Canada à cause de la faiblesse du dollar canadien que ce ne serait le cas, par exemple, si nous avions un taux de change fixe avec les États-Unis.

    J'aimerais aborder la deuxième partie de votre question.

    Vous avez parlé des commentaires faits par M. Paul Tellier. Si je me souviens bien, il a prétendu que l'adoption du dollar américain était inévitable, que c'était dans l'ordre des choses.

    Quand on utilise le terme «inévitable»—et une plus grande intégration est inévitable, il est inévitable que nous adopterons le dollar américain—je crois que c'est un terme, pour m'exprimer poliment, que l'on utilise pour donner aux gens l'impression que nous n'avons pas notre mot à dire en ce qui concerne nos institutions, et c'est complètement faux. C'est une tactique utilisée pour faire croire à vos adversaires qu'il est inutile de même discuter de quelque chose qui est inévitable. C'est un peu comme si on disait «le soleil va-t-il se lever demain matin?». C'est inévitable, donc pourquoi en discuter?

    Il n'y a simplement aucune raison pour que le dollar canadien disparaisse, pas plus qu'il n'y a de raison pour que la monnaie de l'Islande disparaisse. Cette raison n'existe tout simplement pas.

    M. Tellier et d'autres gens d'affaires ne se soucient peut-être pas de certains aspects dont se préoccupent d'autres Canadiens pour ce qui est de notre autonomie politique. Pour bien des membres de l'industrie du courtage ou de son industrie, qu'importe que le dollar canadien existe ou non? Cela les oblige à payer des frais de transaction donc ils pourraient dire que leurs profits augmenteront. Il parle au nom de ses actionnaires après tout. C'est son travail, ce qui est très bien, mais cela ne reflète pas l'opinion de l'ensemble du pays.

    Donc non, je ne crois pas que ce soit un argument valable.

Á  +-(1105)  

+-

    La présidente: Madame Carroll.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je vous remercie, madame la présidente.

    Il ne faut pas confondre actionnaire et citoyen.

Á  +-(1110)  

+-

    M. Rod Hill: Exactement.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je tiens à vous remercier, monsieur Hill, pour un exposé très intéressant.

    Je crois que vous avez très bien réussi à cerner les différents aspects de la dynamique qui existe dans le cadre de ce débat. C'est-à-dire que plus tôt dans vos observations vous avez dit qu'il existe une école de pensée—et je n'avais pas votre document à ce moment-là—qui cherche à influencer notre orientation sur cette question. Comme ils n'ont pas la possibilité d'accéder au pouvoir politique, ils utiliseront d'autres stratégies. C'est légitime. Nous sommes une société ouverte. Comme nous en avons discuté plus tôt avec les membres de la Fédération canadienne du travail, ce travail nécessaire de sensibilisation comporte la responsabilité d'avoir accès à des sources d'information différentes de celles susceptibles de correspondre à nos convictions. Il est très bien que vous soyez venu ici aujourd'hui pour nous présenter ce point de vue.

    Je conviens avec vous que si nous utilisons suffisamment longtemps le terme «inévitable», cela devient un mantra—et dans certains secteurs je dirais que c'est déjà le cas—et qu'il sous-entend alors une absence de choix, ce qui est une hérésie. Il existe bel et bien un choix, du début à la fin.

    Aujourd'hui, je crois que nous sommes arrivés à notre quatrième journée et j'aimerais entendre certaines conclusions. Mais je suis heureuse de vous entendre préciser aujourd'hui—et il est important qu'on le précise, et je fais rarement preuve de partisanerie au sein de ce comité, mais je crois qu'il est important que les bloquistes comprennent—qu'il n'existe aucune théorie économique qui établisse un lien entre la productivité et la faiblesse du dollar. Car il s'agit là aussi de désinformation.

    Il est donc très utile de prendre connaissance de vos opinions. On pourrait dire que c'est parce qu'elles correspondent aux miennes, et ce serait probablement vrai aussi, comme celles de M. McCallum. Mais comme vous êtes un professeur d'économie, vous nous apportez un point de vue indépendant et des connaissances que je ne possède pas. Je vous en suis donc reconnaissante.

    Je considère aussi très important l'argument que vous faites valoir à propos de l'énorme symbole politique que représente la monnaie, et que l'adoption d'une monnaie unique par l'Union européenne est une initiative essentielle pour certains gouvernements avant qu'ils atteignent l'objectif visé—et l'objectif qu'ils ont atteint pour ce qui est d'une monnaie commune. Je crois que vos propos traduisent également le malaise des citoyens britanniques quant à l'opportunité d'adopter l'euro.

    Je ne fais que reprendre les opinions que vous avez exprimées, mais j'estime que ce sont des éléments très importants que nous devrons étudier, et je suis très heureuse que vous nous en ayez parlé clairement. Vos antécédents sont intéressants, surtout auprès de la commission Macdonald. Cela permet au comité de constater que vous vous intéressez à ces questions depuis longtemps. Pour certains d'entre nous et certains de nos présentateurs, notre intérêt pour ces questions est assez récent. Cela ne mine en rien leur crédibilité, mais on ne peut faire autrement que d'accorder une grande crédibilité à une personne comme vous qui étudie ces questions depuis un certain temps.

    Effectivement, notre monnaie est un puissant instrument financier. Ce n'est pas une question d'opinion mais bien une question de fait. Elle nous permet de contrôler notre politique monétaire. Si nous en cédons le contrôle, nous nous trouvons à renoncer à notre souveraineté. Je crois, comme on en a discuté hier—il aurait été très intéressant que vous soyez ici en même temps que M. Frank Harvey de Dalhousie. Cela aurait donné lieu à une discussion passionnante.

+-

    M. Rod Hill: Je ne le connais pas.

+-

    Mme Aileen Carroll: Nous vous remettrons peut-être des exemplaires des documents qu'il a préparés afin que vous ayez une idée des autres points de vue qui sont exprimés.

    Je ne suis pas d'accord avec lui sur un certain nombre de questions, mais je suis sûre que cela ne l'empêchera pas de dormir. Mais l'un des aspects sur lequel nous nous entendons, c'est que l'on brandit l'étendard de la souveraineté avant même d'être confronté à une situation où la souveraineté est réellement en jeu. On veut nous faire croire que la souveraineté est menacée bien avant, je dirais—et c'est sans doute l'avis de M. Harvey—que cela devienne réellement un problème. Mais j'estime qu'aujourd'hui vous avez très bien cerné un aspect qui relève de la souveraineté, où les décisions que nous prendrons—car c'est à nous de les prendre—détermineront si nous renonçons à notre souveraineté ou si nous la conservons.

+-

    M. Rod Hill: Oui, et naturellement on ne peut pas se laisser prendre au genre de chose que je lis dans leNational Post—auquel je suis abonné pour une raison mystérieuse—c'est-à-dire que, si nous y renonçons volontairement, c'est un exercice de souveraineté, de sorte que nous gardons notre souveraineté même si on y renonce, car il s'agit là d'un libre choix.

Á  +-(1115)  

+-

    Mme Aileen Carroll: Absolument, c'est ce qu'on entend à Ottawa, que c'est une question de choix.

+-

    M. Rod Hill: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette idée.

    Nous avons parlé un peu du dollar, mais je pense que la question d'une union douanière avec les États-Unis, qui serait l'étape suivante de l'argument intégrationniste, est tout aussi problématique. C'est peut-être un peu plus dangereux car c'est moins évident, tandis que la monnaie c'est quelque chose que tout le monde a devant les yeux chaque jour. Le fait que la politique commerciale soit établie à Washington, n'est pas exactement aussi évident.

    Par ailleurs—et encore une fois, le fait même que nous parlions d'une telle chose fait peur—si on songe à la façon dont une union douanière pourrait être négociée avec les États-Unis, je peux imaginer tous les autres éléments que cela comporterait. Comme on le fait remarquer avec raison dans ce document d'information, l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et l'ALENA n'exemptent pas l'industrie canadienne des mesures compensatoires et anti-dumping américaines.

    Je me rappelle très bien que les économistes canadiens qui étaient tout à fait en faveur de promouvoir un accord de libre-échange au milieu des années 80 se préoccupaient beaucoup de cette question. Je me rappelle avoir parlé avec un d'entre eux qui avait passé la majeure partie de sa vie professionnelle à se préoccuper de cette question. Il était horrifié du fait que lorsque l'accord de libre-échange a été négocié, nous n'ayons tout simplement pas obtenu cela, mais il a dit que puisque c'était tout ce que nous pouvions obtenir, il allait falloir signer. On pourrait maintenant faire valoir l'argument que nous devrons passer à une étape suivante avant qu'ils puissent nous accorder cela. Mais à quel prix?

    Il suffit de regarder par exemple le litige à l'heure actuelle en ce qui a trait au bois d'oeuvre. Je ne suis pas un expert dans ce dossier, mais cela montre bien que dans ce cas-ci les politiques provinciales ont un impact sur le commerce international et sont tout au moins perçues comme ayant un impact disons, sur le bien-être de l'industrie américaine. Supposons alors qu'on puisse obtenir une exemption des mesures commerciales américaines; mais à quel prix? Et étant donné la façon dont le prix du bois est établi au Canada, je présume que l'industrie du bois d'oeuvre américaine exigerait que des changements permanents soient apportés d'une façon ou d'une autre. Ce ne serait qu'une chose, et il y aurait toutes sortes d'autres choses à négocier. Ce serait un véritable fiasco. Ce serait cela, ou bien on ne pourrait obtenir d'exemption contre les lois anti-dumping américaines.

+-

    La présidente: Mais, monsieur, je pense qu'il faut poser la question au sujet d'une communauté de coopération régionale. Qu'en est-il de la coopération nord-américaine, notamment avec le Mexique, dans des domaines autres que les deux que nous avons mentionnés, les douanes et la monnaie? Comment à votre avis, cette collaboration, cette coopération et ce partenariat nord-américain peuvent-ils évoluer dans le contexte de votre exposé?

+-

    M. Rod Hill: Il s'agit de ce qu'on appelle ici en quelque sorte une communauté nord-américaine, qui va au-delà des strictes relations économiques. Je ne comprends pas tout à fait pourquoi c'est à l'ordre du jour. Je n'en vois vraiment pas l'importance.

+-

    La présidente: Prenons par exemple ce qu'a dit le président du Mexique au sujet de la cohésion sociale et du fait qu'il doit se tourner vers le Nord en raison de nos ententes. Il est d'avis qu'il est important pour nous de travailler ensemble. À votre avis, est-il possible pour nous de commencer à nous considérer comme Nord-Américains ou bien est-ce ce que le Canada se considère—je ne veux pas utiliser le mot «isolationniste»—comme agissant en tant que pays sans nous voir dans le contexte de l'Amérique du Nord? Voilà ce que je veux savoir.

+-

    M. Rod Hill: Je ne vois aucune raison pour que nous commencions à nous considérer comme des Nord-Américains. Encore une fois, c'est en quelque sorte une mentalité intégrationniste.

    Si on regarde les faits, et c'est l'une des choses que j'ai apprises du travail de Helliwell—le flot d'informations, les communications et les réseaux sociaux au Canada sont très denses par rapport à ceux qui existent entre le Canada et les États-Unis. En d'autres termes, tout indique que le Canada est un vrai pays; c'est une vraie communauté en un certain sens. La communauté nord-américaine n'existe pas dans ces flux d'informations et il y a très peu de mouvements de gens, d'idées et de communications entre le nord et le sud.

Á  +-(1120)  

+-

    La présidente: Mais après les événements du 11 septembre, il me semble que l'approche que nous devons adopter du fait que ces événements nous ont tous affectés le 11 septembre exige que nous fassions un peu plus.

+-

    M. Rod Hill: Je ne suis pas vraiment d'accord. J'ai remarqué entre autres qu'il manquait une chose dans le document d'information—cela ne manque peut-être pas tout à fait—plutôt que de nous considérer comme Nord-Américains, pourquoi ne nous considérons-nous pas comme citoyens du monde, soit le Canada ou le monde? Où est passé l'internationalisme pearsonien?

    Je suis d'accord pour dire que nous devons songer aux liens avec le Mexique, mais nous devons songer à des liens avec la Colombie ou avec l'Égypte, ou tout autre endroit dans le monde. Ce n'est pas parce que le Mexique se trouve sur le même continent géographique que nos relations doivent être spéciales. Je pense que nous devrions nous considérer comme des citoyens du monde plutôt que de promouvoir l'idée que nous sommes en quelque sorte des Nord-Américains, car ce n'est pas le cas.

    À mon avis, nous devrions renforcer notre propre communauté interne; il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau. Au Canada, nous avons de nombreux exemples de petite mentalité, de régionalisme, de ce genre de problèmes. Je pense que nous pouvons faire du travail ici au pays, mais nous pourrions par ailleurs renforcer notre propre point de vue en tant que citoyens du monde. À mon avis, cela pourrait aider à préserver la viabilité à long terme de notre pays. Je pense que l'idée d'une communauté nord-américaine que proposent certaines personnes n'est qu'une autre façon de faire valoir l'intégrationnisme selon une autre dimension. C'est tout. Et je ne pense pas que je sois paranoïaque.

    Permettez-moi d'ajouter une autre chose. Il me semble qu'au cours des six derniers mois, depuis le 11 septembre, les forces intégrationnistes se sont servies de ce qui s'est passé aux États-Unis d'une façon très opportuniste pour redoubler leurs efforts de revendication. En fait, personnellement—et encore une fois je parle ici en tant que citoyen, non pas en tant qu'économiste—cela m'a tout simplement doublement convaincu qu'il est encore plus important que jamais de garder nos distances avec les États-Unis.

+-

    La présidente: L'idée d'une communauté de coopération régionale a été proposée par un ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy. Je ne pense pas que l'on puisse accuser Lloyd de vouloir que le Canada adopte toutes les politiques américaines.

    M. Rod Hill:Je ne l'accuserais pas d'une telle chose, non.

    La présidente:Cependant, pour des raisons économiques et autres, je pense qu'il est important pour nous de ne pas rejeter toute discussion au sujet d'un contexte continental en disant qu'il s'agit uniquement d'une approche intégrationniste.

+-

    M. Rod Hill: Il faudrait que je sache si vous songez à quelque chose de précis. Il s'agit là d'un aspect de la discussion que je n'ai pas vraiment suivi en détail personnellement. Je ne suis donc pas tout à fait certain de ce que l'on entend par coopération sur le plan de la culture et de l'éducation. Il me semble que nous sommes considérablement influencés ici par les États-Unis au niveau de la culture, mais que nous n'avons pas de nombreux liens avec le Mexique.

+-

    La présidente: Devrions-nous?

+-

    M. Rod Hill: Non, je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit de spécial au sujet du Mexique qu'on ne pourrait dire du Venezuela, du Chili, du Nigéria ou d'un autre pays.

Á  +-(1125)  

+-

    Mme Aileen Carroll: Permettez-moi d'intervenir ici. Vous avez tout à fait raison de dire que les événements du 11 septembre ont peut-être alimenté les arguments intégrationnistes...

+-

    M. Rod Hill: Eh bien, tout au moins à certains égards, notamment sur le plan militaire.

+-

    Mme Aileen Carroll: Cela me fait songer à ce dont nous avons parlé à Halifax également. Si nous voulons examiner l'intégration nord-américaine—et c'est justement le sujet de notre étude—peut-être qu'à la lumière de vos observations nous devrions dire «audiences publiques pour l'étude de l'intégration nord-américaine par opposition à l'approche multilatéraliste de Pearson». Mais à tort ou à raison, c'est l'étude que nous avons entreprise. Il s'agit peut-être là d'un exemple d'un groupe qui a été influencé comme vous venez de le décrire, mais je pense que la raison pour laquelle nous introduisons le Mexique dans notre conversation est peut-être qu'il y a un point commun—et j'aimerais vous demander ce que vous en pensez—entre le Canada et le Mexique, si ce n'est que pour la simple raison que nous partageons un continent avec un éléphant et que cela nous affecte de différentes façons. Ou peut-être que cela nous affecte de la même façon lorsque l'éléphant prend trop de place.

+-

    M. Rod Hill: Certainement, je suppose qu'il y a un point commun en ce sens. Je suppose que ce n'est pas évident pour moi, si on fait par exemple une analogie avec l'Europe, que le Mexique et le Canada ensemble puissent faire vraiment contrepoids aux États-Unis. Ce n'est pas comme si on pouvait avoir une certaine alliance d'intérêts communs avec le Mexique qui nous permette d'une certaine façon d'égaliser les relations au sein d'une communauté nord-américaine, qu'il s'agisse d'une communauté économique ou peu importe comment on veut l'appeler. Bien que nous ayons peut-être certains intérêts communs, je ne pense pas qu'ils suffisent à contrebalancer les disparités de taille et de pouvoir qui existent en Amérique du Nord.

    Par ailleurs, il me semble que sans doute bon nombre des questions bilatérales entre les États-Unis et le Mexique sont d'une nature tout à fait différente de celles entre le Canada et les États-Unis. Le Mexique, en tant que pays en voie de développement , a des problèmes particuliers, et ses rapports avec les États-Unis ainsi que la question de l'émigration mexicaine, légale ou illégale, aux États-Unis, seront des choses...

+-

    La présidente: Mais à votre avis, le Canada n'a-t-il pas un rôle à jouer à cet égard, n'y a-t-il pas un lien? Vous venez tout juste de soulever une question, celle du mouvement des gens.

+-

    M. Rod Hill: Non, pas directement. C'est une question qui intéresse directement les États-Unis, sur le plan de sa politique d'immigration. Je ne vois pas comment cela pourrait nous concerner directement, à moins qu'il y ait quelque chose qui m'échappe ici.

+-

    La présidente: Il me semble que le message que je reçois, c'est tout ou rien; nous poursuivons tout simplement comme d'habitude. Et non seulement dans le contexte économique, mais aussi en ce qui a trait aux relations, à l'immigration, aux questions frontalières, au mouvement de gens, des services, etc., je pense que nous avons un rôle à jouer. Je pense que nous devons avoir un rôle à jouer. Je tente tout simplement de savoir si vous voyez un lien quelconque. Il me semble que vous dites que nous devrions tout simplement tirer le rideau et nous occuper de nos propres affaires—nous voir dans un contexte mondial, non pas dans un contexte continental. J'essaie tout simplement de comprendre certaines choses que vous dites.

+-

    M. Rod Hill: Il y a des réalités continentales évidentes dont nous devons tenir compte, de sorte qu'il est extrêmement important d'entretenir de bonnes relations amicales avec les États-Unis.

+-

     Bon nombre des questions frontalières qui sont abordées dans votre document de travail sont, à mon avis, des questions qui peuvent être réglées par des gens raisonnables pour accélérer le mouvement des biens et des voyageurs d'affaires à la frontière et ce genre de choses. Ce sont vraiment des questions administratives qui peuvent être réglées. Il s'agit d'améliorer l'infrastructure ou d'avoir davantage de gens à la frontière pour contrôler et s'assurer que le mouvement se fait sans problème.

    Il s'agit certainement là de questions dont nous devons nous préoccuper. Mais je serais très inquiet si les États-Unis avaient disons une influence sur nos politiques d'immigration, nos politiques en ce qui a trait aux réfugiés.

Á  +-(1130)  

+-

    La présidente: Oh, moi aussi je serais préoccupée.

+-

    M. Rod Hill: Ce sont là des questions dont il faudrait se préoccuper si l'on songeait disons à revenir à l'idée d'un marché commun, où l'on aurait un libre mouvement de travailleurs de part et d'autre de la frontière et comme en Europe, un passeport nord-américain de sorte qu'un résident des États-Unis pourrait venir travailler au Canada et vice-versa. Je ne pense pas que l'on puisse en arriver à une telle situation sans en fait renoncer à contrôler qui pourra vivre au Canada—en fait, sans renoncer à notre politique d'immigration.

    Encore une fois, je reviens à la question suivante: qu'avons-nous à gagner? Quels seraient pour nous les avantages d'une plus grande intégration? Je ne pense pas qu'il y ait quelque avantage que ce soit pour nous. Je ne dis pas que c'est tout ou rien, mais essentiellement je pense que le statu quo est une option raisonnable si c'est ce que nous voulons—ou essentiellement le statu quo.

    Un argument que vous entendrez j'en suis certain et que vous entendez constamment, c'est que l'économie canadienne s'intègre de plus en plus à l'économie américaine et que cela cause certaines pressions, certaines forces qui signifient qu'il est nécessaire ou souhaitable d'avoir une plus grande intégration. À mon avis, ce n'est pas du tout le cas.

+-

    La présidente: Merci.

+-

    Mme Aileen Carroll: J'aurais une toute petite question, monsieur Hill.

    Les événements du 11 septembre, qui, on le comprend bien, ont tant blessé le psyché de l'éléphant comme on l'a décrit...? À votre avis, d'après ce qu'on comprend du dialogue ouvert avec les Américains au sujet de leurs plans en vue de créer un périmètre... compte tenu de leurs options, où à leur avis le périmètre soit traverse le continent, soit traverse le 49e parallèle, et étant donné que 87 p. 100 de notre commerce se fait avec les États-Unis—à votre avis, cela ne devrait pas déclencher de changement dans notre position. Cela ne devrait pas, de toute évidence, comme vous l'avez dit, nous obliger à nous intégrer davantage sans examiner de plus près les raisons pour lesquelles nous le faisons.

    De façon générale, vous en arrivez à la conclusion qu'il n'est pas nécessaire de changer quoi que ce soit à la suite des changements que moi-même et d'autres constatons dans l'approche américaine. Les Américains n'ont plus le même sentiment de satisfaction qu'auparavant en ce qui concerne la frontière. Que devons-nous donc faire à ce sujet?

+-

    M. Rod Hill: Vous posez là une question qui échappe à mon domaine de compétences, mais il y a des niveaux de coopération au niveau de la police, du renseignement et ce genre de choses qui pourraient aider à les rassurer au sujet de ce qui se passe au Canada.

    Il me semble que si nous nous préoccupons du mouvement des biens, du mouvement des pièces automobiles ou autres, à la frontière, c'est là tout à fait différent que de dire qui peut entrer au Canada en tant que réfugié, quelqu'un qui pourrait ensuite essayer de se faufiler à la frontière. Il me semble qu'il y a des façons... Encore une fois, permettez-moi de revenir à ce que je disais précédemment au sujet des problèmes administratifs pour accélérer le mouvement des produits à la frontière. Ce sont des questions qu'il serait possible de régler. On pourrait notamment donner des documents spéciaux aux voyageurs d'affaires fréquents ou encore aux gens qui vont aux États-Unis en tant que touristes.

+-

     Le mouvement à la frontière comporte des éléments tout à fait différents. Les Américains se préoccupent surtout du troisième groupe, des gens qui traversent tout simplement la frontière pour entrer aux États-Unis.

    À mon avis, ces questions ont très peu d'importance sur le plan économique pour le Canada. Si les gens veulent attendre une heure de plus pour aller faire du tourisme aux États-Unis, cela ne nous fait pas vraiment tort. Si le mouvement des produits juste à temps dans l'industrie de l'automobile est perturbé, cela va causer beaucoup de problèmes. À mon avis, il ne devrait pas y avoir de lien pourtant entre ces deux choses. Je ne le vois tout simplement pas.

Á  +-(1135)  

+-

    La présidente: La dernière question sera posée par M. Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Ma question ne s'adresse pas tant à l'économiste qu'au citoyen éclairé que vous êtes, au citoyen canadien et au citoyen du monde. Si, dans quelques jours, dans quelques semaines ou dans quelques mois, les Américains décidaient d'attaquer ce qu'ils appellent les États voyous, c'est-à-dire l'Irak, l'Iran, peut-être la Somalie, peut-être les Philippines, quelle serait votre réaction, comme citoyen canadien éclairé, face à une telle initiative?

[Traduction]

+-

    M. Rod Hill: Ma réaction comme Canadien, c'est que j'espère que le gouvernement canadien s'opposerait fermement à une telle mesure, clairement et sans condition, un point c'est tout.

    Je dirais la même chose en général non seulement en ce qui a trait à cette question, mais aussi pour les questions commerciales. Bon nombre de gens soulignent qu'il est particulièrement important pour les pays relativement petits—le Canada n'est pas vraiment un petit pays; c'est un grand pays du point de vue géographique, mais par rapport à sa population, il n'est pas si grand—d'assurer la primauté du droit international. Je suis certain que vous avez tous entendu cela à de nombreuses reprises. C'est vrai non seulement sur le plan du commerce international mais aussi en ce qui concerne d'autres types de lois internationales, notamment la Charte des Nations Unies.

    Notre planète a été assujettie à la loi de la jungle pendant des millions d'années. Ce n'est en réalité qu'au XXe siècle que nous avons tenté de mettre en place des règles internationales pour essayer de contraindre dans la mesure du possible les grandes puissances du monde. Il est tout à fait dans notre intérêt de tenter de maintenir et de renforcer une telle structure de règles.

    Lorsqu'on se retrouve dans une situation comme celle-ci, celle à laquelle vous faites allusion, c'est-à-dire que les États-Unis menacent tout simplement de faire fi de ces règles pour faire ce qu'ils veulent, le premier ministre a sans doute raison lorsqu'il dit que nous ne pouvons pas vraiment les en empêcher. Nous ne devrions pas cependant les appuyer.

    Par ailleurs, il faut faire bien attention de ne pas établir de liens ou de rapports—par exemple, lorsque les États-Unis disent : «Vous avez avantage à nous appuyer dans ce domaine en particulier, sinon nous vous punirons dans ce domaine». Si les traités et accords commerciaux que nous avons signés avec les États-Unis sont autre chose que des bouts de papier, alors ils nous protègent contre ce genre de pouvoir arbitraire. Il faudrait nous assurer d'utiliser ces mécanismes, ou les protections dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, afin de nous assurer que nos relations économiques ne seront pas endommagées par les mesures indépendantes que nous prenons sur le front diplomatique.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hill. Votre témoignage a été très stimulant.

+-

     J'imagine que les membres de notre personnel communiqueront avec les personnes que vous avez proposées qui pourraient nous aider dans notre étude.

    Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui. Merci beaucoup.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Rod Hill: Tout le plaisir est pour moi.

+-

    La présidente: Notre témoin suivant, Mme Elizabeth Weir, est députée provinciale et chef du Nouveau Parti démocratique du Nouveau-Brunswick.

    Bienvenue. C'est pour nous un plaisir que vous soyez ici aujourd'hui.

+-

    Mme Elizabeth Weir (députée à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, chef du Nouveau parti démocratique du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup et bienvenue à tous à Saint John.

    Je vous remercie de me donner l'occasion de faire de brèves observations aux membres du comité. Je sais que vous avez un mandat assez vaste et que vous examinez les questions entourant les relations entre le Canada et les États-Unis et d'autres dossiers. Et je viens tout juste de prendre connaissance de votre premier rapport.

    Comme je l'ai dit, je serai très brève, parce que vous savez pertinemment, en tant que députés élus, que nous avons environ 10 000 tâches par jour à accomplir et je dois me rendre dans une autre région de la province aujourd'hui.

    Je suppose que mon plaidoyer aux membres du comité serait celui-ci, pour ce qui est de votre travail. Comme il semble qu'il y ait de nouvelles questions à examiner pour ce qui est de nos relations avec les États-Unis, je pense qu'il y a des dossiers clés et controversés de politique publique qui demeurent en suspens et qu'il faut examiner. Je sais qu'il est question d'une période post-ALENA, mais en réalité, nous commençons à peine à vivre l'ALENA et il est donc encore trop tôt pour parler d'une période post-ALENA.

    Je voudrais vous parler d'une étude de cas qui a lieu dans notre province en ce moment même et qui soulève vraiment des questions quant à la vulnérabilité des valeurs canadiennes et de la politique publique canadienne en l'absence de ce que j'appellerais une protection et un examen suffisamment rigoureux de certaines de ces questions.

    Vous savez peut-être que la Ville de Moncton négocie actuellement avec une compagnie appelée USFilter. Elle appartient à Vivendi Water, qui est une grande multinationale dans le secteur des services d'eau. Dans certains cas, la compagnie possède carrément les réseaux nationaux. Par exemple, le Niger a remis tout son réseau d'approvisionnement en eau à la compagnie Vivendi.

    Quoi qu'il en soit, la Ville de Moncton est en négociations pour la gestion et l'exploitation de l'infrastructure et l'amélioration de son réseau d'approvisionnement en eau, et il semble que la ville soit sur le point de signer un contrat avec cette compagnie. Ce sera le plus gros marché privé de l'eau au Canada.

    Je m'inquiète beaucoup des conséquences de ce contrat qui soulève des questions quant à la capacité des Canadiens, des municipalités canadiennes, de continuer à s'occuper de la prestation des services publics. Il faut se demander si cette entente ne déclencherait pas le fameux chapitre 11 de l'ALENA traitant des droits des investisseurs.

    Ce contratIl n' a fait l'objet d'aucune forme d'examen public. Récemment, le gouvernement provincial a ordonné à la ville de ne pas signer le contrat parce qu'il est très clair qu'elle n'a pas respecté la loi provinciale sur les achats publics. J'ai demandé au ministre des Entreprises du Nouveau-Brunswick, qui est responsable de la politique commerciale, d'examiner l'entente sous l'angle des répercussions dans le contexte de l'ALENA.

    Vous vous trouvez en ce moment dans la plus ancienne cité constituée du Canada. Je sais que notre ami de Terre-Neuve a peut-être un point de vue différent... mais oui, c'est bien une cité constituée. Notre infrastructure municipale est plus ancienne que celle de Moncton.

    Notre cité a toutefois adopté la position que nous continuerons à faire les améliorations et les travaux qui doivent être faits pour ce qui est du réseau d'égouts, en appliquant un système d'appel d'offres et de services publics. La question est de savoir si, en concluant un contrat avec USFilter, la Ville de Moncton déclenchera l'application du chapitre 11. Nous serons alors vulnérables aux compagnies américaines qui pourront soutenir qu'elles ont perdu des occasions d'affaires et des profits et qu'elles ont le droit de présenter des offres pour s'occuper des travaux dans d'autres municipalités.

+-

     Je soulève cette question parce que cet aspect de ce contrat n'a fait l'objet d'à peu près aucun examen. Cela pourrait avoir des conséquences, non seulement pour les citoyens de ma province, mais pour l'ensemble du pays. L'une des caractéristiques remarquables du développement de notre pays, c'est que nous avons bien compris qu'il y a place pour des services publics et que de tels services peuvent, à bien des égards, être mieux administrés dans un régime public.

    À titre d'exemple, nous avons été l'incubateur pour les partenariats publics-privés. Nous avons un établissement pour jeunes délinquants dans la région de Miramichi, et les citoyens du Nouveau-Brunswick vont payer, sur une période de 30 ans, 10 millions de dollars à la compagnie Wackenhut Corrections Corporation. Nous ne posséderons pas l'immeuble à la fin des 30 années. Nous aurions pu le construire nous-mêmes et le posséder au coût de 20 millions de dollars. Par conséquent, notre expérience des partenariats publics-privés est pour le moins chambranlante.

    Je veux vraiment attirer l'attention là-dessus parce qu'il me semble qu'il y a tout simplement absence totale d'examen de certaines ententes qui ont de très vastes conséquences sur le plan des affaires publiques. Je ne dis pas nécessairement que c'est une responsabilité fédérale ou provinciale, mais il est clair que si nous voulons garantir le maintien de nos propres valeurs, il y a des questions en suspens que nous devons encore examiner, en plus des dossiers qui surgiront dans le cadre de nouvelles relations.

    Je sais que mon exposé a été très court et il est clair que vous aurez peut-être des questions à poser, mais je veux vraiment attirer votre attention là-dessus, à titre d'exemple de travail qui reste à faire et qu'il faut faire, à mon avis, avant de nous tourner vers certaines autres questions qui se posent au sujet de nouvelles relations.

    J'ai réussi à entendre une partie de l'exposé du dernier intervenant et des questions qui ont suivi. Évidemment, si vous avez d'autres questions à nous poser au sujet de notre position, je peux vous parler de ma propre expérience à l'assemblée législative.

    Le secteur des pâtes et papiers est bien sûr le principal secteur de notre économie. Nous faisons des échanges internationaux, pas seulement avec les États-Unis, depuis le début du siècle dernier, dans notre secteur des pâtes et papiers. Notre vision du développement économique est certainement très étendue et date de très longtemps chez nous, en plus des relations familiales et commerciales avec le nord-est des États-Unis.

    Mais mon message, qui est très bref, c'est que nous avons encore du travail à faire pour résoudre les questions qui demeurent en suspens dans le dossier de l'ALENA et qui nous rendent vraiment vulnérables sur le plan des valeurs canadiennes.

Á  +-(1145)  

+-

    La présidente: Merci. C'était très clair. La Fédération du travail était notre premier témoin et le dossier de l'eau était l'une de leurs premières préoccupations.

    Nous allons faire un tour de table pour les questions. Ensuite, nous aurons peut-être quelques questions à vous poser sur d'autres dossiers, sur d'autres sujets. Nous espérons pouvoir vous libérer d'ici 11 h 30.

    Monsieur Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Merci, madame la présidente.

    Merci de votre témoignage, madame Weir. On a été sensibilisés par vos amis de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick au cas de la privatisation de l'eau à Moncton. Une chose m'intrigue dans votre exposé. Dans cette affaire, quelle est l'attitude ou quel est le rôle du gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick, dont c'est la juridiction première? Étant donné la mentalité du gouvernement fédéral canadien, si le gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick ne s'en occupait pas, la porte pourrait être ouverte à une nouvelle intervention qui serait sûrement dénoncée au Québec.

    Le gouvernement du Québec, du temps de M. Bouchard, avait adopté une position très tranchée concernant la privatisation de l'eau. Au Québec, il y a aussi des projets de vente d'eau potable en provenance de Sept-Îles, si ma mémoire est bonne. On veut envoyer cette eau à l'extérieur, dans un autre continent, par d'immenses paquebots.

    Donc, quel est le rôle du gouvernement provincial dans ce dossier?

    Deuxièmement, comment trouvez-vous que le gouvernement fédéral se comporte--je pense notamment à M. Pettigrew--face à l'interprétation ou à l'application de l'article 11? Êtes-vous satisfaite? Je sais que M. Pettigrew a affirmé que jamais on ne laisserait s'appliquer l'article 11 comme certains le prétendent, mais en pratique, il me semble que cela ne va pas plus loin que le discours et que le discours est plutôt timide.

[Traduction]

+-

    Mme Elizabeth Weir: Pour répondre à votre première question sur le rôle du gouvernement provincial, notre gouvernement provincial a pris position publiquement contre les exportations d'eau en vrac. Le ministre de l'Environnement a envoyé une lettre à la Ville de Moncton pour lui rappeler que dans ces dossiers, la question de la propriété de l'eau est la prérogative de la province. Donc, quelle que soit l'issue des négociations à Moncton, la ville ne peut pas donner la propriété de la ressource, dont la plus grande partie vient de toute manière d'un bassin hydrographique qui se situe à l'extérieur des limites municipales.

    Mais ce qui est inquiétant, c'est que personne ne sait vraiment ce qui se négocie à la table. Tout cela a été fait par des représentants de la Ville de Moncton et des avocats de Vivendi, dont on peut supposer qu'ils sont très bons. C'est seulement depuis que l'affaire est devenue publique... Je pense que le gouvernement a tout simplement été somnambule dans tout ce dossier et ne s'est pas rendu compte de ses conséquences.

    J'ai demandé au ministre des Entreprises du Nouveau-Brunswick, qui est chargé du dossier de la politique commerciale, d'examiner cette affaire sous l'angle de l'application possible du chapitre 11 et d'autres conséquences. Nous n'avons eu aucune réponse jusqu'à maintenant. Par ailleurs, notre province a des ressources très limitées. Mais c'est toujours la question la plus chaudement débattue qui accapare l'attention des politiques.

    Au sujet de l'article 11 et des assurances données par le ministre fédéral, quel mécanisme d'examen existe-t-il? Il ne semble y avoir aucune obligation, quand on conclut une entente qui pourrait déclencher l'application de l'article 11. Il n'y a aucun organisme, aucune exigence que le marché en question soit examiné avant d'être signé. Nous savons que dans le cas d'une multinationale, une fois que la signature est au bas de la page, la responsabilité est plus grande.

    Dans notre situation, nous sommes inquiets parce que Saint John est unique. En effet, aux termes de notre charte, nous sommes une entité indépendante, tandis que les autres municipalités de la province dépendent du bon vouloir de la province. Elles obtiennent l'essentiel de leurs fonds, à part l'impôt foncier, de transferts provinciaux. Ce ne serait donc pas difficile d'imaginer que Vivendi puisse poursuivre à un moment donné parce qu'elle n'obtiendrait pas assez d'eau dans son réseau, ou bien la compagnie pourrait prétendre que le contrat a été violé. Je m'attends à ce qu'ils cherchent à se joindre à la province du Nouveau-Brunswick pour entreprendre une action quelconque. Par conséquent, nos citoyens pourraient assumer une responsabilité financière, sans compter d'autres problèmes de souveraineté.

    Il n'y a littéralement aucun examen indépendant qui est fait de ce marché. Je suppose que c'est ça qui m'inquiète. Si nous disons que nous allons veiller à ce que l'article 11 ne soit pas utilisé arbitrairement, il faut qu'il y ait un quelconque mécanisme d'examen; autrement, des contrats seront signés et la responsabilité sera déclenchée, ainsi que l'article 11.

Á  +-(1150)  

+-

    La présidente: Monsieur Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Ce qui me frappe dans ce que vous dites, c'est le secret qui entoure les négociations. Cela caractérise ce milieu-là, comme on l'a vu dans le cas de l'Accord multilatéral sur l'investissement. C'est presque un accident de parcours. On a appris que l'article 11 avait été généré dans le cadre de l'Accord multilatéral.

    Le même secret entoure les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques. Il faut faire très attention lorsqu'on parle de Vivendi parce qu'il s'agit d'un joueur majeur sur la planète actuellement. On sait que Vivendi a acheté l'an passé Seagram, je pense, une très grande compagnie canadienne qui faisait partie de l'indice composite TSE 300.

    Quand on fraie avec ce genre d'intervenant, il faut être très prudent, et je pense que vous avez parfaitement raison de vous inquiéter. Je suppose que ce sont ces gens qui sont au Niger. Ce sont probablement des Français. C'est une compagnie française.

    Je vous félicite car cela pourrait créer un précédent. C'est là qu'est le danger pour le Canada et pour le Québec. Si Vivendi réussit là, d'autres pourront réussir par la suite.

[Traduction]

+-

    Mme Elizabeth Weir: Absolument. En fait, j'occupais le fauteuil de la présidence dans le cadre d'une formation parlementaire quand on m'a remis une très belle brochure sur des initiatives de privatisation. J'ai ouvert ce document et j'y ai lu une description mirifique de l'accord qu'ils venaient littéralement tout juste de signer avec des représentants de Vivendi. Je ne veux pas dénigrer les qualités des juristes de la Ville de Moncton, mais je sais que l'essentiel se trouve dans les petites écritures, comme on dit, et vous pouvez être certain que cela va favoriser Vivendi dans ses négociations.

    Je trouve qu'il y a là une grave lacune dans la protection du public. Je ne préconise pas nécessairement une sorte de police commerciale qui interviendrait tout le temps, mais sûrement, dans un contrat comme celui-ci, qui peut avoir des conséquences tellement vastes en termes de responsabilités et de souveraineté, il devrait y avoir une quelconque obligation de faire examiner ce contrat par des observateurs indépendants avant de le signer. Compte tenu de la nature de l'entente, cela devrait probablement se faire au niveau fédéral. Je voulais seulement attirer votre attention là-dessus. C'est une question d'affaires publiques qui reste à régler.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Baker.

+-

    M. George Baker: Premièrement, je tiens à féliciter le témoin. Elle a certainement connu beaucoup de succès dans sa carrière politique dans cette province. Je dois admettre que j'ai suivi en partie sa carrière et qu'elle a fait des déclarations assez impressionnantes.

    Au sujet de la question qu'elle a soulevée, le dossier de l'eau à Moncton, il y a beaucoup de Canadiens qui croient que nous devrions permettre l'exportation de notre eau vers les assoiffés du monde—surtout dans les pays où il n'y a pas d'eau potable—en grande quantité. Bien sûr, tous les partis politiques du Canada, y compris le mien, se sont prononcés catégoriquement contre ce projet. Certaines compagnies ont préparé des propositions pour l'exportation d'eau en vrac à des fins agricoles dans des pays d'Afrique du Nord qui ont besoin d'eau.

    Bien sûr, ce n'est pas possible à cause de la position adoptée par tous les gouvernements au Canada. Mais en même temps, nous devons reconnaître qu'il y a beaucoup de gens qui croient, pour des raisons très valables, que nous devrions peut-être fournir de l'eau aux gens qui en manquent, que ce soit à des fins agricoles ou pour boire.

    Je voudrais toutefois vous poser la question suivante, qui découle d'une question qui vous a été posée par le Bloc. La politique du gouvernement du Canada est bien sûr influencée par les partis politiques à la Chambre des communes. L'opinion du Bloc à la Chambre des communes est que le gouvernement fédéral ne devrait jamais s'ingérer dans le pouvoir du gouvernement provincial de réglementer l'eau. Le Bloc dit que le gouvernement fédéral ne doit jamais mettre le petit doigt dans quelque dossier que ce soit, dès lors qu'il relève de la responsabilité du gouvernement provincial, et le gouvernement fédéral n'ose pas adopter la moindre loi ou se mêler d'une quelconque entente dans le dossier de l'eau, ou bloquer l'exportation d'eau, parce que cela relève du gouvernement provincial.

    Le député du Bloc pourra bien sûr me reprendre si je me trompe dans cette interprétation, mais je ne pense pas faire erreur, à moins qu'il ne propose ici même aujourd'hui que le gouvernement fédéral s'ingère dans le pouvoir du gouvernement du Québec de réglementer son eau.

+-

     Le gouvernement fédéral, quand il élabore un projet de loi pour interdire l'exportation d'eau en vrac, doit s'adresser à chaque gouvernement provincial et mendier son approbation, en disant: «Auriez-vous l'obligeance de signer un bout de papier disant que vous êtes d'accord pour interdire l'exportation d'eau en vrac?», parce qu'aux termes de la Constitution du Canada, nous pouvons réglementer seulement l'eau qui chevauche une frontière, par exemple l'eau des Grands Lacs. Nous n'avons absolument aucun pouvoir, au gouvernement fédéral, pour ce qui est de l'eau qui se trouve en territoire provincial.

    Que pensez-vous de cette réalité au Canada et des opinions exprimées par certains de nos grands partis politiques, qui disent que le gouvernement fédéral ne doit exercer aucun contrôle ni pouvoir sur des questions provinciales, ou bien que pensez-vous de la Constitution du Canada, qui stipule que chaque goutte d'eau, qu'elle soit en surface ou souterraine, dès lors qu'elle se trouve à l'intérieur du territoire d'une province du Canada, relève exclusivement de la responsabilité du gouvernement provincial?

  +-(1200)  

+-

    Mme Elizabeth Weir: Permettez-moi d'aborder le sujet d'un point de vue particulier, c'est-à-dire, évidemment du point de vue de la politique provinciale puisque c'est le domaine que j'ai choisi, étant donné que je m'intéresse passionnément aux domaines qui relèvent de la compétence provinciale et qui ont une incidence directe sur la vie du simple citoyen; je ne suis pas disposée à renoncer aux pouvoirs provinciaux concernant l'eau, particulièrement au profit d'un gouvernement fédéral qui n'applique pratiquement aucune mesure de protection de l'environnement sur les ressources qui relèvent actuellement de sa compétence.

    Notre gouvernement fait pour l'essentiel un travail déplorable sur la qualité de l'air et de l'eau, mais c'est quand même beaucoup mieux que ce qu'a fait le gouvernement fédéral dans ses domaines de compétence au Nouveau-Brunswick. Je suis sur place, je m'en occupe et j'ai pu le constater personnellement. Pour moi, la question est non pas de savoir qui a le pouvoir d'agir, mais plutôt qui va prendre des mesures ou qui manifeste le plus d'engagement. Nous, au moins, nous sommes sur place.

    C'est pourtant, de toute évidence, un problème que les hommes politiques de toutes allégeances, aussi bien au niveau fédéral que provincial, doivent aborder avec beaucoup de clairvoyance et de bonne volonté. Pour moi, une courtepointe des normes applicables à l'eau potable dans l'ensemble du pays n'a aucun sens. Voilà un exemple de domaine où la coordination nationale est nécessaire, où il faut fixer des normes nationales. J'y suis tout à fait favorable. Quant au pouvoir décisionnel sur les ressources, je ne suis pas d'accord pour étendre la compétence du gouvernement fédéral sur les ressources en eau.

    Dans notre province, l'accès au gaz naturel est très limité, même si les Canadiens ont donné des milliards de dollars pour l'exploiter; actuellement, le gaz naturel est acheminé vers le nord-est des États-Unis où il crée de l'emploi et génère de l'énergie. À mon avis, tout dépend donc de la conception qu'on se fait du pays, des ressources et de la souveraineté des citoyens, mais sur cette question, je crains fort de pencher en faveur des provinces. Je suis convaincue qu'il faut s'efforcer d'aborder de façon plus réfléchie ces questions qui, trop souvent, s'empêtrent dans des querelles de familles, au détriment des ressources et de l'intérêt des citoyens.

    Je suis certaine que vous êtes déçus par ma réponse.

+-

    La présidente Merci.

    Si nous avions le temps, je vous demanderais votre opinion sur ce que nous a dit hier l'Atlantic Institute for Market Studies à propos des défis que présente le transport...

    Mme Elizabeth Weir: J'imagine bien ce qu'on vous a dit.

    La présidente: ...dans cette région; pourriez-vous nous éclairer sur...

+-

    Mme Elizabeth Weir: En matière de commerce?

+-

    La présidente: Oui, en matière de commerce, en matière de moyens de transport et d'itinéraires de transport: que faut-il faire, qui doit payer et comment assurer la collaboration et la coopération?

+-

    Mme Elizabeth Weir: Encore une fois, nous sommes dans une province où le décompte des victimes de la route augmente chaque mois à cause de l'état de la transcanadienne. En revanche, notre gouvernement provincial a décidé de prélever 100 millions de dollars de son budget de l'année dernière pour créer un fonds de prévoyance.

+-

     Il n'est donc pas entièrement irréprochable en ce qui concerne le transport des marchandises en provenance ou à destination de Halifax. Cette décision a été prise au détriment de l'environnement, de la sécurité publique sur notre réseau routier... Nos routes sont très abîmées par les camions, mais la province en est partiellement responsable, car au Nouveau-Brunswick, les camions de pulpe peuvent transporter une charge plus lourde qu'au Québec par exemple, où en outre les normes de construction des routes sont bien supérieures. Donc, en ce qui concerne l'état du réseau routier, personne n'est entièrement irréprochable.

  +-(1205)  

+-

    La présidente: Je crois que nous parlions essentiellement des itinéraires de transport de biens et de services à travers la région jusqu'au Maine et aux États-Unis.

+-

    Mme Elizabeth Weir: Le nouvel itinéraire qui traverse le Maine.

+-

    La présidente: Oui. À votre avis, qui devrait en assumer les frais?

+-

    Mme Elizabeth Weir: Si nous avons un réseau national d'autoroutes, dans la mesure où tous les citoyens y ont accès, c'est à eux d'en assumer les frais. Mais quitte à faire de l'esprit de clocher, je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire que la route qui traverse les forêts du Maine soit d'un grand intérêt pour les gens du Nouveau-Brunswick.

+-

    La présidente: Finalement, parlez-nous un peu du protocole de Kyoto.

+-

    Mme Elizabeth Weir: Il faut le signer. Le Canada doit l'adopter.

+-

    La présidente: Et votre province?

+-

    Mme Elizabeth Weir: Qui sait ce qu'en pense la province? Ceux qui s'interrogent encore sur le changement climatique n'avaient qu'à faire un tour à l'extérieur ici même à Saint John hier—nous n'avons jamais eu un temps pareil—pour constater son effet sur l'écosystème de la baie de Fundy.

+-

    La présidente: Merci.

+-

    Mme Aileen Carroll: Une courte question.

    J'ajoute, pour ceux qui doutent de l'existence même du changement climatique, que j'aurai moi-même quelques bricoles à leur vendre.

    Madame Weir, j'avoue d'emblée que je ne connaissais rien à la question de la privatisation de l'eau à Moncton avant de venir ici aujourd'hui. On devrait donc éviter de faire comme moi et de formuler un commentaire, il vaut mieux apprendre sa leçon d'abord. C'est généralement ce que j'ai tendance à faire, mais je voudrais quand même saisir l'occasion.

    Comme vous êtes satisfaite du régime de compétence concernant l'eau, comme vous l'avez dit à mon collègue M. Baker, qu'allez-vous faire au niveau provincial si une municipalité conclut une entente avec une société américaine pour privatiser son eau? Quelles provinces sont prêtes à faire le pas? D'après la Constitution, l'eau relève de votre compétence.

+-

    Mme Elizabeth Weir: Absolument! En tant que citoyenne je suis satisfaite de la compétence de la province sur l'eau, mais je suis beaucoup moins convaincue du bien-fondé de l'action du gouvernement provincial dans ce domaine, qui relève de la compétence partagée, puisqu'il s'agit à la fois de commerce et de ressources.

    Je le répète, je pense que la province s'est endormie au volant. Dans la Loi sur les achats publics, on a mis un terme à ces ventes, mais je pense que la province aurait besoin d'un autre mécanisme—et il en va sans doute de même au niveau fédéral—pour «filtrer» ces contrats avant qu'ils ne deviennent exécutoires. Je vais continuer à en parler avec le ministre et le premier ministre. Nous avons ici une affaire en cours, et je ne pense pas que les citoyens soient conscients de ses conséquences.

+-

    Mme Aileen Carroll: J'irais même jusqu'à dire qu'il y a sans doute des leçons à tirer de cette affaire dans l'ensemble du Canada. Elle ne concerne pas uniquement le Nouveau-Brunswick.

+-

    Mme Elizabeth Weir: Souhaitons qu'il n'en résulte rien de fâcheux.

+-

    La présidente: Merci beaucoup de vous être jointe à nous aujourd'hui. Je sais que votre emploi du temps doit être chargé et nous sommes donc très heureux que vous ayez trouvé du temps à nous consacrer.

+-

    Mme Elizabeth Weir: La gestion des affaires publiques est une lourde tâche pour nous tous. Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos délibérations et dans l'étude de ces questions épineuses qui tourmentent constamment les Canadiens.

    Merci.

+-

    La présidente Merci beaucoup.

    Nous allons suspendre la séance pour le déjeuner. Nous reviendrons à 13 heures pour entendre la Chambre de commerce de Saint John.

    Merci.

  +-(1235)  


·  +-(1337)  

+-

    La présidente: La séance reprend.

    Nous allons commencer la séance de cet après-midi en écoutant des témoins de la Chambre de commerce de Saint John: John Furey, deuxième vice-président et Gerry O'Brien, président sortant.

    Messieurs, soyez les bienvenus. Nous terminons notre journée à Saint John et nous sommes très heureux de vous accueillir devant le comité. Nous avons une heure à vous consacrer. Vous avez de 10 à 15 minutes pour votre exposé, et vous pouvez vous répartir ce temps comme vous le souhaitez; ensuite, les membres du comité vous poseront des questions et vous pourrez dialoguer avec eux.

    M. Yves Rocheleau est député du Bloc québécois, Mme Aileen Carroll est secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères; l'honorable George Baker est le ministre qui vient de Gander, à Terre-Neuve et je m'appelle Jean Augustine, je suis la députée d'Etobicoke—Lakeshore, à Toronto.

    Soyez les bienvenus.

·  +-(1340)  

+-

    M. Gerry O'Brien (président sortant, Chambre de commerce de Saint John): Merci.

    Je veux tout d'abord vous souhaiter à tous la bienvenue à Saint John, la plus vieille ville constituée en corporation du Canada.

    Nous représentons la Chambre de commerce de Saint John et au nom de notre président, Bill MacMackin, je vous transmets ses excuses, puisqu'il ne pouvait vous rencontrer ici, en raison d'un voyage à l'extérieur de la ville. Ils ont cherché quelqu'un qui avait déjà occupé ce poste et m'ont trouvé. Habituellement, les anciens présidents sont difficiles à trouver.

    J'aimerais prendre quelques instants pour vous parler de l'histoire de notre chambre de commerce, de ce qu'elle fait pour le milieu des affaires et de la façon dont elle a collaboré jusqu'ici avec le gouvernement.

+-

     La Chambre de commerce de Saint John a pris diverses initiatives. Ainsi, elle a mené la lutte contre l'inclusion des taxes dans les prix, avec l'avènement de la TVH. Nous étions parmi les chefs de file dans les efforts visant la mise en oeuvre d'une politique nationale de construction navale, dans le transfert de l'aéroport de Saint John à l'administration aéroportuaire locale et dans le cadre de diverses autres initiatives des dernières années.

    L'une des initiatives pour lesquelles j'ai le plus de respect, c'est celle relative aux soins de santé primaires, qui a débuté à Saint John. C'était en fait une mesure provinciale, mais qui faisait l'objet d'une coalition entre divers secteurs de notre collectivité, allant des soupes populaires aux entreprises, et qui était financée substantiellement par le milieu des affaires.

    Nous sommes très fiers de notre travail dans le milieu des affaires et nous sommes ravis de cette occasion de vous parler aujourd'hui. Il y a diverses questions qui se rapportent à Saint John et au Nouveau-Brunswick et que vous devez prendre en compte, à notre avis.

    Maintenant que la leçon d'histoire est terminée, nous allons parler en gros de trois sujets: le bois d'oeuvre, les lignes aériennes pour ce qui touche Saint John et les petites collectivités du pays et les frontières du Canada et leur effet sur le commerce. John Furey parlera de ces deux dernières questions. Moi, je parlerai de la construction navale.

    Je tiens à dire que la question du bois d'oeuvre doit être prise très au sérieux, quand on pense au Nouveau-Brunswick. Nous comprenons que diverses initiatives ont fait l'objet d'exemptions, à court terme, pour le secteur du bois d'oeuvre dans la région Atlantique. Il faut que ça continue.

    Historiquement, dans les provinces atlantiques, le secteur du bois d'oeuvre était axé sur le marché. Environ 75 p. 100 de nos produits de bois viennent de boisés privés, appartenant à plus de 115 000 propriétaires, dans la région. Rien n'a changé depuis 1996 et, par conséquent, nous voulons que vous sachiez qu'il faut garder cette position et que le secteur du bois d'oeuvre de l'Atlantique doit être exempté des mesures américaines. C'est une question très importante pour notre région, pour l'économie de cette ville et de la province.

    Saint John est une collectivité et le bien-être économique dépendent beaucoup du secteur des produits forestiers. C'est aussi de que viennent les bateaux qui transportent le bois pour les usines de pâtes et papiers qui emploient plus de 900 citoyens, soit une masse salariale annuelle de plus de 75 millions de dollars. Saint John est aussi un carrefour du transport ferroviaire, maritime et routier pour le bois des Maritimes à destination des États-Unis. La plupart des navires qui quittent le port de Saint John transportent en fait du bois et des produits forestiers vers les États-Unis et les Caraïbes. Les chemins de fer et notre important secteur du camionnage dépendent aussi de la liberté des échanges de produits du bois dont jouit notre région depuis des générations.

    L'élimination du commerce libre et juste dont nous profitons depuis longtemps avec nos voisins étatsuniens nuirait indûment et de manière importante à notre communauté. Nous vous demandons d'envisager les recommandations suivantes portant sur les négociations commerciales sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis.

    Les États-Unis n'ont pas porté plainte ni d'accusation au sujet de subventions injustes sur les droits de coupe dans notre région du pays.

·  +-(1345)  

+-

     L'exploitation forestière dans la région Atlantique repose sur des bases assez différentes du reste du Canada. La prédominance de terres privées nous fait plus ressembler à la situation aux États-Unis; en conséquence, toute solution pan-canadienne ignorerait une réalité qui nous permet depuis des années d'éviter le problème qui se pose aux autres régions forestières du Canada. La région du Canada atlantique ne devrait pas être pénalisée parce qu'elle est la plus axée sur le marché.

    La diligence raisonnable des exploitants forestiers de notre région démontrée par la participation à leur programme volontaire de certificat d'origine est la preuve que nous faisons tout pour respecter et protéger le libre-échange avec les États-Unis dans ce secteur. Aucune autre région du pays n'a autant fait pour contrôler ses activités d'exportation et en rendre compte.

    Ce programme de certificat d'origine a été rigoureusement vérifié par l'Organisation internationale de normalisation. Plus important encore, le système de contrôle est régulièrement examiné par les douanes américaines et par le département du Commerce américain. Il n'y a pas longtemps, le département du Commerce américain a cité notre programme comme modèle de contrôle des échanges transfrontaliers.

    La part de 7 p. 100 du Canada atlantique du commerce de bois d'oeuvre avec les États-Unis n'est rien comparativement à près de 54 p. 100 de part du marché de la Colombie-Britannique; cependant, la perte de ces 7 p. 100 aurait des conséquences graves et injustifiées pour la santé économique et le niveau de chômage de notre région. Nous vous demandons en conséquence de tout faire pour que le gouvernement du Canada garantisse à la région Atlantique le maintien du statut dont elle jouit actuellement.

    Merci.

·  +-(1350)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Furey.

+-

    M. John Furey (Deuxième vice-président, Chambre de commerce de Saint John): Merci beaucoup.

    Pour ce qui est des questions d'accès aérien, un expert-conseil en développement économique m'a fait la semaine dernière une excellente analogie. L'accès par voie aérienne aujourd'hui est analogue à l'accès par voie fluviale d'il y a 200 ans. Son importance est liée à la circulation des biens et des marchandises, quel que soit le moyen ou l'itinéraire suivi existant.

    La région Atlantique, surtout les petits marchés comme Saint John, est actuellement désavantagée sur le plan économique et sur le plan concurrentiel par le nombre de liaisons et la tarification. C'est une question capitale pour le développement économique local et c'est la raison pour laquelle nous aimerions vous en parler aujourd'hui.

    Il est incontestable que la plus grande partie du pays est assujettie à une situation de monopole virtuel s'agissant des services aériens. À notre avis, il est rare que des monopoles offrent les meilleurs services à des prix défiant toute concurrence à leurs clients. Nous en sommes la preuve vivante.

    Selon nous, plus il y a de fournisseurs, plus la qualité du service est grande. Il n'y aura pas d'amélioration de la qualité du service, au niveau du nombre de vols comme à celui de la tarification, tant qu'il n'y aura pas de concurrence non seulement sur les principaux marchés du pays mais aussi sur les plus petits marchés comme celui que nous représentons aujourd'hui.

    J'aimerais donc vous proposer un certain nombre de solutions qui selon nous devraient permettre d'ouvrir le secteur à la concurrence nécessaire tant sur le plan national que sur le plan régional eu égard tout particulièrement aux petits marchés.

    La première est tout simplement d'autoriser la cabotage. Actuellement, il est interdit aux transporteurs étrangers de transporter des passagers canadiens entre deux points sur le territoire canadien. Autant il est possible que cette politique ait eu des objectifs louables par le passé, autant elle ne répond plus à la réalité actuelle.

    Nous vous suggérons d'envisager sérieusement d'abolir ces règles et d'autoriser les compagnies étrangères à pratiquer le cabotage si c'est la seule source de concurrence accessible pour les petits marchés.

+-

     Une solution de rechange au cabotage—et j'insiste, ce n'est qu'une solution de rechange—serait de permettre aux transporteurs étrangers d'avoir des filiales canadiennes. Actuellement, un transporteur étranger ne peut avoir qu'une participation de 25 p. 100 dans une compagnie aérienne canadienne. Que nous autorisions le cabotage ou la création de filiales à 100 p.100, nous avons absolument besoin de cette concurrence étrangère, surtout dans les petits marchés.

    Saint John, par exemple, souffre d'un manque d'accès aux points de destination canadiens, mais nous avons encore plus de difficulté et c'est encore plus important au niveau de liaisons faciles avec nos marchés américains. C'est pour ces raisons que nous estimons que la solution c'est la concurrence étrangère. Saint John, en particulier, a besoin de pouvoir accéder facilement par voie aérienne au marché américain.

    Nous préférons autoriser le cabotage plutôt que d'autoriser l'implantation de filiales de compagnies de transport étrangères au Canada car le cabotage permettrait de résoudre plus rapidement le problème. Il pourrait se passer du temps avant que les transporteurs américains ou étrangers décident d'ouvrir des filiales canadiennes alors qu'il faudra relativement moins de temps pour décider d'ouvrir des liaisons entre les points de destination canadiens.

    La troisième solution potentielle, ou solution partielle, à ce problème du Canada atlantique est pour l'essentiel une résolution antitrust. Il s'agirait de dissocier les transporteurs régionaux de notre unique transporteur national actuel et de permettre à ces deux ou plusieurs entités indépendantes de se concurrencer sur le même marché. Donc, dans le contexte du Canada atlantique, ce serait Air Nova et Air Canada qui se concurrenceraient sur ce marché.

    Encore une fois, je ne rappellerai jamais assez l'importance d'accès facile à des services aériens pour le développement économique de notre région, et en particulier pour la région de Saint John. Pour ces raisons, nous vous demandons d'examiner sérieusement une ou peut-être plusieurs de nos suggestions de résolution de ce problème de concurrence.

    Si vous avez des questions à nous poser sur ces sujets, c'est avec le plus grand plaisir que nous y répondrons du mieux que nous le pourrons.

    Je suppose qu'il ne nous reste probablement plus beaucoup de temps et je vous parlerai donc très brièvement de la dernière question dont on nous a demandé de vous parler.

    Je ne la considère pas tant comme une question de sécurité que comme une question de transport de marchandises. Il est indubitable que depuis le 11 septembre, les autorités canadiennes et américaines accordent beaucoup plus d'importance à la sécurité qu'avant. Et c'est tout à fait normal; personne n'en disconvient. Nous estimons cependant qu'il y a une question secondaire importante qu'il ne faut pas oublier. C'est une question nationale car elle touche toutes les économies régionales du Canada. Nous estimons qu'elle touche le Nouveau-Brunswick en sa qualité d'exportateur d'une manière particulière.

    Nous vous demandons de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la frontière canado-américaine reste perméable afin que le libre accès de nos exportateurs au marché américain et le libre passage des marchandises à la frontière soient gênés le moins possible.

    En passant, j'ai entendu aux nouvelles ce matin que 100 gardes nationaux supplémentaires seront déployés le long de la frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick à partir du mois de mars. Les longues files d'attente deviendront plus longues et les retards deviendront plus longs. Les risques pour notre économie sont de plus en plus réels. En particulier, cela pourrait avoir des conséquences très négatives sur l'exportation des produits frais—notamment du poisson frais. Cela nous inquiète donc beaucoup.

    Tout comme je crois la Chambre de commerce du Canada, nous sommes favorables à une plus grande intégration des efforts de sécurité du côté canadien à ceux de nos voisins américains afin que l'Amérique ne ressente pas la nécessité—légitime ou imaginaire—de déployer des contingents de gardes frontaliers de plus en plus importants qui finiront nécessairement par perturber la libre circulation des biens à la frontière.

·  +-(1355)  

+-

     Nous avons le privilège au Canada d'avoir la plus longue frontière non défendue du monde avec notre plus gros partenaire commercial, probablement depuis la guerre de 1812. Nous demandons simplement à ce que les mesures nécessaires pour ne pas perdre ce privilège soient prises.

    Encore une fois, nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudrez nous poser. Nous vous remercions de nous avoir invités à venir vous parler.

¸  +-(1400)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Merci, madame la présidente.

    Merci, messieurs, pour votre exposé. J'ai une question concernant le transport qui s'adresse à M. Furey. Est-ce que la disparition de Canadian a eu un impact ici, au Nouveau-Brunswick, notamment à Saint-Jean?

[Traduction]

+-

    M. John Furey: Certainement. La disparition des Lignes aériennes Canadien a de toute évidence affecté notre accès à d'autres points du Canada, ce qui indirectement a affecté notre accès aux destinations américaines.

    Mais la perte des Lignes aériennes Canadien n'est pas la seule question en cause. Même avant la perte de cette société aérienne, nous avions des problèmes avec la majorité de nos principaux marchés, dont beaucoup sont encore aux États-Unis d'Amérique. Étant un petit marché, il nous a toujours été extrêmement difficile d'exporter nos biens, voire même d'envoyer sur nos marchés des spécialistes en passant par Toronto ou, dans certains cas, par Halifax. Cela a toujours été un problème supplémentaire et dans le sud du Nouveau-Brunswick, nous avons toujours ressenti la nécessité de pouvoir mieux pénétrer le marché américain ou, inversement, la nécessité pour les transporteurs américains de pouvoir venir au Canada.

    Donc, oui, cette disparition a aggravé le problème. Nous avons perdu des vols mais il ne faudrait pas minimiser le fait qu'avant même la disparition des Lignes aériennes Canadien nous avions déjà un gros problème.

+-

    M. Gerry O'Brien: J'ajouterai que dans mon secteur je représente un certain nombre de compagnies américaines et qu'il y a un certain nombre de compagnies à Saint John qui travaillent avec les États-Unis. Pour les compagnies qui envisagent de s'établir à Saint John, le manque de liaisons aériennes avec la côte est des États-Unis crée d'énormes problèmes et ne les incite pas à mener leur projet à terme.

    Par exemple, je représente un client du midwest des États-Unis. Rallier Bangor dans le Maine ne lui prend pratiquement pas plus de temps que rallier Saint John à partir de Bangor parce qu'il faut le faire par la route. C'est un sérieux désavantage économique pour Saint John et pour le Nouveau-Brunswick en général. Ce sont des exemples réels.

    Nos échanges commerciaux traditionnels suivent des axes nord-sud depuis des années par opposition à des axes est-ouest au Canada. Il faudrait apporter des remèdes à d'autres désavantages commerciaux dont souffre le Nouveau-Brunswick ou le Canada atlantique.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Je veux m'assurer de bien comprendre. Est-ce que cela veut dire que la région de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, a des besoins en termes de liaison directe avec certaines villes américaines comme Boston ou New York, et que non seulement vous ne pouvez pas satisfaire à ce besoin par une liaison directe Saint-Jean--Boston ou Saint-Jean--New York, mais que vous devez passer par Air Canada qui, elle, passe par Halifax, Montréal ou Toronto pour vous permettre de faire du commerce avec les États-Unis? C'est cela, la problématique?

¸  +-(1405)  

[Traduction]

+-

    M. John Furey: C'est exactement le problème. Nous essayons depuis quelque temps par le biais d'initiatives de nos autorités aéroportuaires locales, appuyées par la Chambre de commerce de Saint John, d'encourager un transporteur américain à établir une liaison avec Saint John. Jusqu'à présent nous n'avons pas eu de succès mais nous considérons que c'est un facteur d'une importance critique.

    Il n'est pas nécessaire que cela soit Boston ou New York, mais il faut que cela soit une plaque tournante du système américain dans le nord-est. Une possibilité qui a été envisagée à Manchester au New Hampshire—mais n'importe quel aéroport faisant office de plaque tournante ferait l'affaire. C'est indispensable si nous voulons poursuivre notre développement économique.

    Comme M. O'Brien l'a rappelé, nous avons des exemples très réels de compagnies américaines qui ont renoncé à s'installer à Saint John à cause de ce manque d'accès. Personnellement, j'ai dû faire venir des gens de diverses régions des États-Unis. Il a fallu plus de deux jours pour les faire venir de la majorité des points aux États-Unis à Saint John au Nouveau-Brunswick. De nos jours, c'est un obstacle à la concurrence que nous aimerions voir disparaître.

    Du point de vue du public, du point de vue de la population, permettez-moi de vous dire que la disparition des Lignes aériennes Canadien n'a pas entraîné une augmentation spectaculaire des tarifs, mais par contre une diminution spectaculaire du nombre de sièges disponibles pendant les soldes de places. Même comparativement aux autres marchés du Canada atlantique, Saint John n'a plus accès au même nombre de sièges en promotion qu'auparavant. Pour répondre à votre question sur la disparition des Lignes aériennes Canadien, c'est une conséquence supplémentaire.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Carroll.

+-

    Mme Aileen Carroll: Merci, madame la présidente.

    Mais si nous revenons à la période d'avant les Lignes aériennes Canadien dans les Maritimes, à la période où il n'y avait qu'Air Canada, y avait-il des vols directs de Saint John à New York ou à Boston?

    M. Gerry O'Brien: Oh, oui.

+-

    Mme Aileen Carroll: Il y en avait. Avant les Lignes aériennes Canadien.

    M. Gerry O'Brien: Oui, avant les Lignes aériennes Canadien. Permettez-moi de faire un rappel historique.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je vous accompagne.

    M. Gerry O'Brien: Au début, il y avait Eastern Provincial Airway, EPA. Eastern Provincial offrait un service au Canada. Cependant, il y avait une liaison quotidienne avec Boston.

+-

    Mme Aileen Carroll: Et c'était avec Air Canada.

+-

    M. Gerry O'Brien: Avec Air Canada, vous avez raison. Mais c'était avant la déréglementation. L'accès à la côte est des États-Unis était bien meilleur.

    Comme John l'a mentionné, en plus de cela il y a un certain nombre de très grosses entreprises de notre communauté qui travaillent avec les États-Unis. Leurs gros salariés sont souvent envoyés de Saint John à Boston ou de Saint John ailleurs en Nouvelle Angleterre. Qu'il faille à ces gens un jour de plus pour voyager leur coûte très cher.

+-

    Mme Aileen Carroll: Tout le débat sur les transports aériens s'est considérablement animé. Je suis très heureuse que vous profitiez d'une de nos audiences pour nous donner le point de vue de Saint John. Certains de vos arguments concernant le cabotage sont très intéressants.

    Si la loi fédérale était modifiée et permettait à des filiales 100 p. 100 indépendantes de se dissocier d'Air Canada et de lui faire concurrence—et les Lignes aériennes Canadien régional en seraient aussi une—cela vous satisferait-il? Pensez-vous qu'Air Nova, par exemple, pourrait effectivement concurrencer Air Canada? Ces lignes régionales peuvent-elles vraiment être concurrentielles? Je ne devrais pas les qualifier de régionales parce qu'il est possible qu'elles perdent leur statut régional. Y a-t-il suffisamment de clients? Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Gerry O'Brien: Des études ont été faites. Avant la disparition de Canada 3000, la Chambre de commerce de Saint John, de concert avec toute la collectivité, a réussi à attirer CanJet, une autre ligne régionale, à Saint John.

    Nous n'y étions pas plutôt arrivés qu'elle a fusionné avec Canada 3000. Je me demande si elle en est vraiment heureuse. Mais quoi qu'il en soit, nous avons réussi à faire venir CanJet à Saint John. C'était le résultat d'un effort véritablement collectif.

+-

     Ce service n'a duré qu'un mois après la fusion et c'était fort malheureux à cause des réservations de CanJet à partir de Saint John—et c'était simplement pour les déplacements au Canada. Ils étaient débordés. Ils n'arrivaient pas à croire à la quantité de réservations qui étaient faites à l'avance.

    Il y a donc un marché pour les points de destination canadiens. Il est évident qu'il faut qu'il y ait un marché. Autrement dit, si la demande était le seul facteur déterminant, nous sommes persuadés qu'il y aurait une liaison avec les États-Unis, assurée soit par une compagnie étrangère, soit par une compagnie locale.

    Il y a certaines choses qui se passent en ce moment dont je ne suis pas en mesure de parler, mais il y a des gens qui sont à la recherche de quelqu'un pour offrir ce genre de service à Saint John tout particulièrement.

¸  +-(1410)  

+-

    Mme Aileen Carroll: Merci beaucoup.

    On sait que le transport a toujours eu des répercussions importantes sur notre développement économique. Ma question porte sur le transport par conteneurs dans le contexte des nouvelles exigences de sécurité américaines. J'ai posé la question à Halifax, je ne me souviens plus à qui. Je ne crois pas que c'était aux représentants du groupe Atlantica, mais c'était à l'un des témoins, car j'ai été étonnée que personne ne nous signale cette question. Je m'attendais à en entendre beaucoup parler, de même que des conséquences pour Saint John et Halifax.

    L'autorité portuaire d'Halifax nous en aurait sans doute parlé, je dois dire, mais nous ne l'avons pas entendu.

    Quelles sont vos préoccupations? Ce sujet vous inquiète-t-il, quels seront ses effets?

+-

    M. John Furey: Ce n'est pas une question que nous discutons beaucoup à notre chambre de commerce et je devrai donc me limiter à mon opinion personnelle.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je signale aux fins du compte rendu que vous êtes autorisé à improviser puisque ma question ne porte pas sur vos compétences à vous.

+-

    M. John Furey: Les préoccupations sont toujours doubles, dans toutes les villes portuaires. Il y a évidemment des préoccupations de sécurité. Il y a également des préoccupations commerciales au sujet des coûts supplémentaires qu'entraînent ces nouvelles exigences de sécurité, pas seulement au niveau des coûts directs—ce qu'il faut payer pour la sécurité supplémentaire à votre port, par exemple—mais aussi les coûts liés aux débouchés, si votre transport est retardé, les coûts liés aux transactions que vous perdez et aux effets pour votre réputation d'affaires.

    Je suis loin d'être un expert et je ne suis peut-être pas la personne la mieux en mesure de répondre à cette question, mais l'une des solutions dont j'ai entendu parler consiste en un système étendu de mise en conteneurs. Je suis sûr que c'est de cela que vous parlez, d'un système où la sécurité est appliquée dès le début. Il existe une méthode pour sceller les conteneurs de façon à ce qu'il soit impossible ou presque d'en modifier le contenu durant le voyage. De cette façon, du moins, les problèmes de sécurité sont diminués durant le voyage. Cela entraîne des coûts et la question est de savoir qui paiera ces coûts?

    À mon avis, ces coûts devraient être payés par la société en général, tout comme la société paie les coûts de la sécurité accrue à nos frontières, le coût de l'augmentation des services policiers et de la présence militaire, là où c'est nécessaire, si cette mesure de sécurité est rendue nécessaire par les exigences accrues découlant des événements du 11 septembre. Ces coûts ne devraient pas être payés par chaque exportateur. Certains d'entre eux ne pourront peut-être pas demeurer en affaires s'ils doivent payer les coûts de cette sécurité supplémentaire.

    Je ne sais pas si c'est la réponse que vous vouliez, mais c'est une façon de voir cela.

+-

    M. Aileen Carroll: Je voulais seulement...et je ne me rendais pas compte que je vous mettais en boîte.

+-

    M. John Furey: Non, non, je ne dis pas que vous me mettez en boîte. Je voulais simplement dire au départ que nous représentons la Chambre de commerce de Saint John, qui représente les gens d'affaires de la région métropolitaine de Saint John. Je ne prétends certes pas me prononcer sur une question dont, en fait, nous n'avons pas...

+-

    La présidente: Je me dois de signaler que l'autorité portuaire de Saint John est actuellement à Ottawa pour témoigner, alors que nous sommes dans son territoire. C'est ainsi.

¸  +-(1415)  

+-

    Mme Aileen Carroll: Madame la présidente, l'autorité portuaire témoigne devant un des comités permanents? Celui du transport?

+-

    La présidente: Oui, je crois qu'il s'agit du Comité des transports. Je suis sure qu'on nous enverra une copie du mémoire et nous aurons également l'occasion de lire le témoignage présenté au Comité des transports. Nous devrons tenir compte de tout cela.

    Monsieur Baker.

+-

    M. George Baker: Je dirai à notre ministre en second, la secrétaire parlementaire du ministre, qu'elle n'a pas à...

+-

    La présidente: Rappelez-vous que nos délibérations sont présentement télédiffusées.

+-

    M. George Baker: Oui, nous sommes diffusés en direct à Ottawa. Et c'est pourquoi je lui dirai qu'elle n'a pas à se sentir mal à l'aise en posant une question à M. Furey, puisque celui-ci est diplômé de l'École de droit Osgoode Hall et qu'il était l'un de nos avocats les plus célèbres à Terre-Neuve jusqu'à ce que Saint John, Nouveau-Brunswick, nous le vole. Vous n'avez donc pas à craindre de le mettre en boîte.

    Je tiens également à féliciter M. O'Brien et la Chambre de commerce de Saint John. Quelle autre chambre de commerce au Canada serait en mesure de comparaître simultanément devant deux comités du Parlement? Je soumets qu'aucune autre chambre de commerce du Canada n'a été aussi active que celle de Saint John.

    La Chambre de commerce de Saint John a par le passé représenté la région de l'Atlantique à l'extérieur de cette ville dont il n'est pas nécessaire de faire la publicité, et je parle de Halifax. Vous allez souvent dans bon nombre d'autres localités des provinces de l'Atlantique qui ont besoin de l'appui solide que peut leur fournir la Chambre de commerce de Saint John, chambre de commerce à laquelle M. O'Brien participe depuis des années.

    Permettez-moi de vous poser une question relativement simple. Saint John, Nouveau-Brunswick, compte l'un de nos principaux ports d'exportation au pays pour les produits forestiers et diverses autres denrées. Et votre aéroport, pourtant, parce que comme M. Furey l'a expliqué, il existe un monopole dans le transport aérien... Je suppose que le transport se fait principalement par Dash-8. Pourriez-vous expliquer au comité et aux gens d'Ottawa qui écoutent nos délibérations ou liront les transcriptions, en quoi il est désavantageux d'offrir un transport par Dash-8 dans votre aéroport alors que les entreprises s'attendent à pouvoir transporter des produits et des approvisionnements?

+-

    M. John Furey: Monsieur O'Brien, vous pouvez répondre également si vous le voulez.

    La réponse est très simple, monsieur Baker. Les Dash-8 ne sont pas en mesure de transporter des quantités suffisantes de produits. Il est donc impossible de faire le transport aérien des marchandises.

+-

    M. George Baker: Cela signifie qu'une société aérienne a décidé de n'offrir ses services que dans une ville des provinces de l'Atlantique, c'est-à-dire Halifax en Nouvelle-Écosse. Si j'ai bien compris, toutes les marchandises destinées au Nouveau-Brunswick doivent d'abord être transportées en apport à Halifax, aller à l'est pour retourner ensuite à l'ouest. Est-ce exact?

+-

    M. John Furey: Ou au nord, ou au sud.

+-

    M. George Baker: Ou au nord, ou au sud. Vous n'avez donc pas le choix. J'imagine que la fréquence du service est satisfaisante, mais la taille des appareils est insuffisante.

+-

    M. John Furey: C'est exact.

    Mais comprenez-moi bien. Je ne connais pas le nombre exact de correspondances vers Toronto par semaine en vols directs, sur des avions plus gros. Ça n'a pas d'importance, mais je ne voudrais pas qu'Air Canada ait l'impression que je médis sur son compte. Il y a du transport aérien, mais les appareils ne sont pas de taille suffisante pour le transport des marchandises.

+-

    M. George Baker: J'ai essayé de faire des réservations pour me rendre ailleurs au Canada, et je peux comprendre le problème.

    La présidente:Monsieur O'Brien.

¸  +-(1420)  

+-

    M. Gerry O'Brien: À notre sens, tout service additionnel qu'entraînerait l'arrivée d'autres lignes aériennes à Saint John ne devrait pas être offert parce que Saint John est désavantagée, parce que nous devrions avoir accès à ces services ou parce que, comme province du Canada, nous les méritons. Plutôt, nous estimons qu'il faut laisser les forces du marché s'exercer. Autrement dit, si ce n'est pas rentable et que ces services ne sont pas utilisés, nous ne les méritons pas.

    Mais comme John Furey l'a dit plus tôt, premièrement, pour les voyages d'affaires entre Saint John et les États-Unis ou Saint John et Toronto... le nombre de voyages d'affaires à partir de Saint John est extrêmement élevé et, compte tenu des tarifs, le service n'est pas fameux. À mon avis, nous payons davantage par mille parcouru que les habitants de la plupart des autres villes du pays.

    Nous ne réclamons pas de meilleurs services aériens sans raison. S'il n'est pas rentable pour les compagnies aériennes d'offrir ces services, ça va. Si ça signifie que nous devons nous contenter d'un Dash-8 ou d'un petit réacté, pourquoi pas. Si nous voulons que notre économie continue de croître comme elle le fait depuis 12 ou 15 ans, il nous faut un meilleur accès. Si on nous donne un accès amélioré, nos gens d'affaires sauront faire croître l'économie.

    Il y a aussi des obstacles artificiels tels que la réglementation qui constitue un problème pour bien des régions du pays depuis longtemps. Avant le libre-échange, nous étions désavantagés parce que nos liens naturels vers le sud n'étaient pas reconnus. Nous ne demandons pas qu'on nous fasse la charité. Nous sommes prêts à payer.

+-

    La présidente: Avant de passer au témoin suivant, j'aimerais vous poser deux questions. La première porte sur le comité qui sera à Washington le mois prochain, juste avant que le département du Commerce américain ne rende sa décision définitive dans le dossier du bois d'oeuvre. Je crois que l'échéance est le 21 mars.

    Vous avez sûrement vu M. Pettigrew à la télévision récemment; il a fermement l'intention d'invoquer l'ALENA ou de s'adresser à l'OMC. Êtes-vous d'accord avec cette décision du gouvernement? Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Gerry O'Brien: Vous avez ici deux avocats. Ils monteraient probablement aux barricades.

    Il est important d'adopter une position ferme dans ce dossier, car, après tout, notre pays compte 29 millions d'habitants.

    Combien de fois le Canada se plaint-il des pratiques commerciales injustes des États-Unis dans ses relations avec nos voisins du sud? Les échanges commerciaux ne semblent se faire que dans un sens. Si je me trompe, surtout, dites-le moi. Nous, nous sommes de grands défenseurs des États-Unis. Nous les avons appuyés dans bon nombre de leurs entreprises ces dernières années. Mais on dirait que nous leur appartenons.

+-

    La présidente: Deuxièmement, ce matin, nous avons entendu le témoignage du professeur d'économie Rod Hill. J'ai encore ses remarques en tête. Il a fait valoir qu'une plus grande intégration économique du Canada avec les États-Unis ne serait pas avantageuse pour cette région-ci ou pour le Canada dans son ensemble.

    Êtes-vous de cet avis? Quels seraient les principaux avantages et inconvénients de liens plus étroits entre les pays nord-américains? Ce professeur voit le Canada non pas en fonction de sa présence en Amérique du Nord, mais plutôt dans un contexte plus mondial.

+-

    Mme Aileen Carroll: Pour être précise, madame la présidente, il a dit que nous avions atteint le point de saturation, et que, dorénavant, il fallait s'en remettre aux lois de... [Note de la rédaction—Inaudible].

+-

    M. George Baker: La présidente veut simplement susciter la discussion.

¸  +-(1425)  

+-

    La présidente: Allez-y.

+-

    M. Gerry O'Brien: J'ai vu à CTV une entrevue de Pamela Wallin avec l'ancien premier ministre de l'Alberta, Peter Lougheed, qui est généralement considéré comme conservateur—avec un c minuscule, mais peut-être aussi d'un autre genre.

    J'ai été choqué de l'entendre dire que le recours récent à la Loi sur Investissement Canada a été irresponsable, autrement dit, que cette loi n'a eu aucune influence. Il est d'avis que la mondialisation est très importante pour l'économie mondiale et pour l'économie canadienne; toutefois, certains secteurs de notre économie doivent être protégés. Je crois qu'il a fait allusion, entre autres choses, à l'eau. Selon lui, nous devons être très prudents dans la gestion et la vente de nos ressources naturelles.

    Cette entrevue a été diffusée à minuit et je n'avais pas l'intention de la regarder, mais ses propos allaient contre toutes mes attentes et étaient très intéressants.

    Je suis moi-même un partisan du marché libre, du laisser-faire et de la non-intervention du gouvernement, mais je n'en estime pas moins que notre pays se doit de protéger nos secteurs d'importance nationale.

+-

    La présidente: La relation nord-américaine...?

+-

    M. John Furey: Je n'ai pas entendu l'exposé de M. Hill, mais s'il affirme que, en tant que pays exportateur, nous devrions garder l'oeil sur le marché mondial, je suis absolument d'accord avec lui. S'il est d'avis que nous devons faire fi de certaines possibilités pour préserver nos relations avec notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis, je ne suis pas d'accord. Toutefois, pour être juste envers lui, je dois reconnaître que je ne sais pas précisément ce qu'il a dit.

    Il est essentiel que nous restions en mesure de maintenir nos relations commerciales avec les États-Unis. Pour assurer le développement économique, il est tout aussi essentiel que nous continuions d'explorer d'autres marchés sans pour autant abandonner nos relations existantes.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je sais que cela ne relève pas vraiment de votre champ de compétence, néanmoins...

+-

    M. John Furey: Ça ne fait rien. Nous sommes avocats. Nous pouvons nous faire passer pour des experts dans n'importe quel domaine.

+-

    Mme Aileen Carroll: Vous êtes un homme à tout faire.

    Vous êtes venu nous présenter le point de vue libre-échangiste, et vous l'avez très bien fait. Je vous suis reconnaissante d'avoir pris le temps de venir nous faire part du fruit de vos réflexions.

    Une question est constamment soulevée, autant dans les cercles politiques d'Ottawa qu'au cours de nos audiences d'aujourd'hui et des derniers jours, c'est de savoir jusqu'où nous pouvons aller avant de nous heurter à des problèmes de souveraineté. Je le reconnais, je vous amène maintenant dans l'arène politique.

    Vous êtes venu témoigner comme citoyen du Nouveau-Brunswick et citoyen du Canada. Êtes-vous inquiet? Jusqu'où pouvons-nous aller sans mettre en danger notre souveraineté? Croyez-vous que cette question de la souveraineté est un peu galvaudée? J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

+-

    La présidente: C'est pousser dans leur direction sans employer le mot tabou.

+-

    M. John Furey: J'ai un exemple précis de ce dont vous parlez. Un fabricant d'un additif pour l'essence de Californie—dont j'ignore le nom—a déposé une plainte aux termes de l'ALENA contre la réglementation canadienne qui diffère de celle des États-Unis. Le règlement canadien interdit cet additif et on a donc intenté cette poursuite en dommages-intérêts en vertu de l'ALENA.

+-

     Certains font valoir qu'il nous faut absolument être en mesure de conserver nos normes différentes. Peut-être que le Canada est plus sensibilisé aux questions écologiques ou même à une autre question, et si les échanges commerciaux influent sur notre capacité de légiférer selon une orientation différente de celle des Américains, c'est préoccupant. Voilà un point de vue.

    On pourrait aussi prétendre que rien nous empêche de légiférer comme nous le voulons. Nous n'avons nullement renoncé à notre souveraineté, car il s'agit seulement d'un coût qu'il faut assumer et le libre-échange avec les États-Unis comporte des avantages qui compensent grandement les rares cas où des poursuites de ce genre pourront être intentées.

    Encore une fois, il s'agit d'un point de vue personnel, car nous n'avons pas sollicité les vues de nos membres à ce sujet, mais je suis plutôt de cet avis-ci. Dans de rares circonstances, ce genre de poursuite pourra être intenté et cela pourra être considéré comme un danger pour la souveraineté canadienne, pour la capacité du gouvernement fédéral de légiférer dans certains domaines qui pourraient faire l'objet de contestations aux termes de l'ALENA, mais c'est tout simplement la rançon des affaires.

¸  +-(1430)  

+-

    La présidente: Monsieur O'Brien, vous avez la parole.

+-

    M. Gerry O'Brien: En ce qui concerne la souveraineté, nous devons aussi penser à l'Europe. La Communauté européenne est allée beaucoup plus loin sur la voie de l'union économique et de l'union en général que nous, mais on n'a pas jugé que la souveraineté des pays européens était menacée. Chacun de ces pays reste souverain.

    Certains tels que la Norvège, qui a préféré ne pas adhérer à cette union, sont fermement convaincus que... À mon avis, leur cas est lié au pétrole. Je ne crois pas que nous devrions laisser la question de la souveraineté primer notre intérêt économique et les avantages que présente pour les citoyens canadiens la croissance économique.

+-

    La présidente: Monsieur Rocheleau, avez-vous une question à poser?

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Concernant la souveraineté, vous avez abordé la question des frontières en disant que c'était pénible, actuellement, pour le transport des marchandises. Que pensez-vous du scénario, du projet ou de l'hypothèse d'un périmètre nord-américain englobant le Canada, les États-Unis et même le Mexique pour l'entrée des personnes surtout? On peut imaginer que les Américains seraient alors présents en territoire canadien pour surveiller leurs intérêts. Jusqu'où peut-on aller en termes de concessions à la souveraineté?

[Traduction]

+-

    M. John Furey: À certains égards, nous en sommes déjà là. Je pense au précédent du réseau d'alerte avancé établi sous l'égide de NORAD, qui prévoit une certaine présence américaine en sol canadien. Ce n'est donc pas sans précédent. Cela n'implique pas nécessairement un effectif américain très important, mais cela permet de convaincre les autorités américaines que ce que nous faisons au Canada avec les ressources canadiennes satisfera aux normes. Si nous pouvons faire cela, et c'est ce que nous disons, je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour les Américains d'accroître leur présence au Canada.

    J'ignore si cela répond à votre question, mais, en résumé, je ne crois pas que ce soit nécessaire.

+-

    M. Gerry O'Brien: Nos deux pays sont si semblables à bien des égards; ne suffirait-il pas d'élaborer une norme commune qui serait acceptable aux yeux des deux pays? Si nous ne nous entendons pas sur une norme canadienne pour la sécurité de nos citoyens et de notre pays, nous ne pourrons nous entendre sur quoi que ce soit d'autre.

    Certains croient que les Américains réclameront une norme beaucoup plus stricte que les Canadiens, mais il faut une norme commune pour toute la zone continentale. Avec une norme commune, nous pourrions assurer la libre circulation des biens vers le nord et vers le sud.

+-

     Le Canada est le plus important partenaire commercial des États-Unis; le président Bush l'oublie peut-être parfois, mais nous continuerons de le lui rappeler. Si nous n'en venons pas à une entente sur la sécurité en Amérique du Nord, la situation sera très problématique, car nous savons tous à quel point nous comptons sur les États-Unis pour la sécurité du continent nord-américain.

¸  -(1435)  

-

    La présidente: Merci beaucoup. C'est une bonne façon de terminer nos délibérations dans votre province et dans cette ville. Nous vous remercions beaucoup d'être venus. Le moment est venu de mettre fin à notre séance. Merci à tous.

    La séance est levée.