Passer au contenu
;

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 avril 2002




¿ 0910
V         La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke--Lakeshore, Lib.))
V         

¿ 0915

¿ 0920
V         La présidente
V         M. Bill Graham
V         La présidente
V         M. Stockwell Day (Okanagan--Coquihalla, Alliance canadienne)

¿ 0925
V         La présidente
V         M. Bill Graham
V         M. Stockwell Day
V         M. Bill Graham
V         M. Stockwell Day
V         M. Bill Graham

¿ 0930
V         M. Stockwell Day
V         M. Bill Graham
V         La présidente
V         M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ)

¿ 0935
V         

¿ 0940
V         M. Bill Graham
V         La présidente
V         

¿ 0945
V         La présidente
V         M. Bill Graham
V         Mme Diane Marleau

¿ 0950
V         M. Bill Graham
V         Mme Diane Marleau
V         M. Bill Graham
V         Mme Diane Marleau
V         M. Bill Graham
V         Mme Diane Marleau
V         M. Bill Graham
V         La présidente
V         M. Bernard Patry (Pierrefonds--Dollard, Lib.)
V         M. Bill Graham

¿ 0955
V         M. Bernard Patry
V         M. Bill Graham

À 1000
V         La présidente
V         
V         M. Bill Graham

À 1005
V         M. Keith Martin
V         M. Bill Graham
V         La présidente
V         M. Bill Graham
V         Le président
V         M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia)

À 1010
V         M. Bill Graham
V         M. John Harvard
V         M. Bill Graham
V         Le président
V         
V         M. Bill Graham

À 1015
V         M. Bill Casey
V         M. Bill Graham
V         M. Bill Casey
V         M. Bill Graham
V         M. Bill Casey
V         M. Bill Graham

À 1020
V         Le président
V         

À 1025
V         La présidente
V         M. Bill Graham

À 1030
V         Le président
V         M. Bill Graham
V         M. James R. Wright (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)
V         Le président
V         M. Bill Graham
V         Le président
V         M. Bill Graham
V         Le président
V         M. Bill Graham
V         Le président
V         Le président
V         M. Chris Westdal (ambassadeur du Canada aux Nations Unies pour le désarmement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

À 1045

À 1050

À 1055

Á 1100
V         La présidente
V         M. Chris Westdal

Á 1105

Á 1110

Á 1115
V         La présidente
V         

Á 1120
V         M. Chris Westdal

Á 1125
V         M. Stockwell Day
V         M. Chris Westdal

Á 1130
V         La présidente
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Chris Westdal

Á 1135
V         La présidente
V         Mme Diane Marleau
V         La présidente
V         M. Chris Westdal

Á 1140
V         La présidente
V         

Á 1145
V         La présidente
V         M. Keith Martin

Á 1150
V         M. Chris Westdal
V         M. Keith Martin
V         M. Chris Westdal
V         M. Keith Martin
V         M. Chris Westdal

Á 1155
V         La présidente

 1200
V         M. Chris Westdal
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke--Lakeshore, Lib.)): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le programme du sommet du G-8 de 2002. Je souhaite la bienvenue à l'honorable Bill Graham, ministre des Affaires étrangères, qui est accompagné de Jim Wright, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, sous-ministre adjoint, politique mondiale et sécurité.

    Monsieur le ministre, nous avons prévu une rencontre d'une heure et demie. Nous vous invitons à présenter un exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères): Merci, madame la présidente. C'est un grand plaisir pour moi de revenir devant le comité après ma comparution de la semaine dernière. Je suis toujours très heureux de travailler avec vous.

[Français]

    Je crois que l'étude que l'on fait aujourd'hui du programme du Sommet du G-8 est très importante pour plusieurs raisons. Si ma mémoire est bonne, c'est une des rares fois où le premier ministre lui-même a demandé à un comité de faire une pareille étude. Je crois que ça signifie l'importance de cette étude pour le comité et pour le Parlement. Les parlementaires, à mon avis, ont un rôle clé à jouer en conseillant le gouvernement sur les priorités du sommet. J'attends donc avec un très grand intérêt les recommandations du comité. Je sais d'ailleurs que beaucoup de Canadiens sont très désireux de comparaître devant vous pour vous faire part de leurs points de vue.

[Traduction]

    Comme dans le cas du Sommet des Amériques, cependant, je m'attends à ce que votre étude aille au-delà des recommandations essentielles qu'elle produira au sujet des mesures à prendre avant le sommet. Je crois en effet qu'elle permettra de mettre en évidence les vues des représentants élus des Canadiens concernant les aspects des grandes questions mondiales de l'heure sur lesquelles notre société a formé un consensus.

[Français]

    À titre de président de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8, qui se tiendra cette année à Whistler, en Colombie-Britannique, les 12 et 13 juin, j'ai été invité à venir vous entretenir aujourd'hui au sujet de la prochaine rencontre du G-8 à Kananaskis et du rôle du processus des ministres des Affaires étrangères. Je sais que le représentant personnel du premier ministre pour le Sommet du G-8, M. Robert Fowler, vous a déjà parlé plus tôt cette semaine. J'essaierai donc d'éviter de répéter ce qu'il vous a déjà dit.

[Traduction]

    Permettez-moi de commencer par un petit historique des sommets. Comme vous le savez sans doute, le premier, auquel six pays ont participé, a fait suite aux inquiétudes suscitées par les problèmes économiques qui se posaient dans le monde dans les années 70. Il a eu lieu en 1975 à Rambouillet, en France. Depuis, le groupe a accueilli deux nouveaux membres ainsi que l'Union européenne, et le processus a évolué: consacré surtout au départ aux questions macroéconomiques, le sommet du G-8 s'est transformé en une rencontre annuelle dont l'ordre du jour s'étend à une vaste gamme de sujets économiques, politiques, sociaux et de sécurité.

[Français]

    Après le Sommet de Gênes l'année dernière, le premier ministre a dit clairement qu'il voulait un sommet différent, à savoir une rencontre pratique de type retraite, avec un ordre du jour précis, de petites délégations et un minimum de cérémonie. Comme vous le savez, le nombre de personnes qui viendront sera beaucoup plus restreint cette année. Il n'y aura pas de communiqué. Les leaders ne passeront donc pas énormément de temps à négocier un communiqué. Selon le voeu du premier ministre, tout le processus sera simplifié afin que les discussions puissent être plus fructueuses. J'ai d'ailleurs adopté la même formule pour la réunion des ministres des Affaires étrangères à Whistler.

[Traduction]

    L'ordre du jour de Kananaskis sera focalisé et portera sur des sujets concrets. Les discussions seront axées sur le renforcement de la croissance économique mondiale, la formation d'un nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique et la lutte contre le terrorisme.

[Français]

    Comme M. Fowler vous l'a certainement dit, le premier ministre est particulièrement déterminé à veiller à ce que les pays du G-8 adoptent un plan d'action concret pour collaborer avec les pays africains sur les grandes questions liées au développement, comme la gouvernance, la paix et la sécurité, le commerce et l'investissement, le savoir et la santé, ainsi que l'agriculture et l'eau.

[Traduction]

    L'objet de ce plan d'action est de donner suite au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique ou NPDA, initiative visionnaire visant à inverser la marginalisation de l'Afrique par rapport au processus de mondialisation. Le NPDA a été conçu par quelques-uns des dirigeants les plus progressistes du continent sous le titre de Nouvelle initiative africaine, que les dirigeants du G8 avaient appuyé avec enthousiasme lors du sommet de Gênes, en 2001. L'idée du premier ministre, qui me paraît tout à fait opportune, est qu'il faut agir immédiatement, qu'il faut saisir l'occasion de mettre au point des programmes d'aide qui répondent aux besoins des pays africains et qui favorisent la bonne gouvernance et de saines pratiques en Afrique, au moment où ces pays souhaitent travailler avec d'autres pays. Il me paraît particulièrement encourageant de constater que nous nous lançons dans cette direction en ce moment-ci.

    Depuis la création du groupe, les ministres des Affaires étrangères ont toujours joué un rôle clé dans le processus des sommets du G-7/G-8, d'abord en conseillant les dirigeants sur les questions politiques parallèlement au sommet même. Par exemple, depuis le sommet de Birmingham, en 1998, les ministres des Affaires étrangères tiennent des réunions distinctes avant le sommet et établissent leur propre ordre du jour. Ce forum réunit les principaux décideurs de politique étrangère des plus puissants pays du monde. Ces résultats influencent les questions politiques de l'heure et renseignent les dirigeants sur la situation avant leur arrivée au sommet du G-8.

    La réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 à Cologne, en 1999, illustre bien la valeur et l'importance de ces rencontres: les chefs de la diplomatie du G-8 ont joué un rôle central dans l'étude du conflit au Kosovo en négociant une résolution du conseil de sécurité des Nations Unies. Cette réunion a eu de profonds effets parce que, pour la première fois dans son histoire, le groupe est directement intervenu pour régler un conflit. Ce sont aussi les ministres des Affaires étrangères qui, sous la direction de l'Allemagne, ont imprimé une nouvelle orientation prometteuse au processus politique du G-8. Ils ont ainsi défini une nouvelle norme d'activisme, que nous ferons de notre mieux pour égaler et dépasser.

    Le 19 septembre dernier, les dirigeants du G-8 ont demandé aux ministres des Affaires étrangères ainsi qu'aux autres ministres compétents de dresser une liste de mesures précises à prendre pour renforcer la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Cette année, ce sera là un élément central de l'ordre du jour des ministres des Affaires étrangères du G-8. À part le contre-terrorisme, les autres questions dont nous discuterons comprennent l'Afghanistan après les Talibans, la non-prolifération nucléaire, le contrôle des armements et le désarmement ainsi que des questions régionales comme le proche Orient et le conflit indo-pakistanais. L'ordre du jour n'est cependant pas inflexible.

    Au cours des discussions que j'ai eues avec la plupart de mes homologues du G-8, nous avons convenu que la flexibilité est une caractéristique importante de notre ordre du jour. Nous devons être en mesure de réagir aux événements au fur et à mesure qu'ils se produisent dans le monde. Les ministres des Affaires étrangères ont à la fois les connaissances et le mandat nécessaires pour le faire. Ces dernières semaines, par exemple, j'ai discuté de la situation au proche Orient avec tous mes homologues du G-8, ainsi qu'avec les ministres des affaires étrangères de l'Égypte, de la Jordanie et de l'Arabie saoudite, de même qu'avec M. Peres et M. Shaath, qui agit à ce titre au sein de l'Autorité palestinienne. Je suis convaincu que le G-8 peut jouer un rôle extrêmement important en rapprochant toutes les parties intéressées et en les encourageant à choisir la voie de la paix.

¿  +-(0915)  

[Français]

    La situation en Afghanistan figurera également en bonne place à l'ordre du jour de la réunion des ministres des Affaires étrangères.

[Traduction]

    Le Canada a fermement pris position aux côtés de ceux qui ont reconnu la nécessité de réagir aux attentats terroristes du 11 septembre. La perte tragique de soldats canadiens la semaine dernière vient de nous rappeler l'importance de notre responsabilité et les graves risques que courent nos forces armées dans le combat pour la liberté.

[Français]

    Il y a, à cet égard, un élément tout aussi important: l'assistance que nous-mêmes et nos partenaires du G-8 fournissons à l'Afghanistan pour l'aider à se rétablir de plus de 20 ans de luttes intestines et de régimes oppresseurs et, plus récemment, de la sécheresse et des tremblements de terre. Comme vous le savez, le Canada a affecté 100 millions de dollars à l'aide à l'Afghanistan.

[Traduction]

    Ces efforts donnent à l'Administration intérimaire afghane la possibilité de faire les premiers pas critiques devant ouvrir la voie à la formation d'un gouvernement représentatif, démocratique et durable, pour qui la sécurité est un préalable indispensable.

[Français]

    Les experts du G-8 se sont entretenus avec les responsables des Nations Unies, ainsi qu'avec des personnalités afghanes au sujet de l'aide que le G-8 peut fournir dans des domaines tels que le développement d'un secteur afghan de la sécurité, le désarmement, la démobilisation et la réintégration des combattants et le problème de l'opium. Ensuite, les ministres des Affaires étrangères du G-8 devront, de concert avec l'administration intérimaire afghane, aider l'Afghanistan à créer les capacités nécessaires pour veiller à sa propre sécurité.

[Traduction]

    Chers collègues, j'ai pu rencontrer, M. Abdullah, le ministre afghan des Affaires étrangères, lorsque je me trouvais à Genève il y a quelques semaines et je serais heureux de vous faire part de ses vues sur les besoins de l'Afghanistan, si vous le souhaitez.

    Permettez-moi d'aborder maintenant les objectifs à long terme en matière de contre-terrorisme. Le G-8 travaillera, de concert avec le comité Contre-terrorisme des Nations Unies, au renforcement des capacités des pays qui ne sont pas en mesure de mettre en oeuvre la résolution 1373 du Conseil de sécurité, en leur offrant une formation technique et une aide juridique. Cette résolution comprend des mesures visant la suppression du financement des activités terroristes et la mise en oeuvre des 12 conventions antiterroristes des Nations Unies.

[Français]

    Comme vous le savez certainement, le Canada a ratifié, le 3 avril, la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. Cette convention donne aux pays le pouvoir de contrôler l'utilisation d'explosifs à des fins terroristes ou de destruction. Comme dans le cas d'autres instruments antiterroristes, le Canada et le G-8 ont joué un rôle de premier plan dans la rédaction du texte original de la convention. Nous avons dirigé les négociations et nous avons été parmi les premiers à la signer.

    Le contre-terrorisme constituera aussi un élément central de l'ordre du jour d'autres réunions ministérielles, particulièrement celles des ministres de la Justice et de l'Intérieur du G-8 et des ministres des Finances du G-7.

[Traduction]

    Il sera en même temps essentiel, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, de coordonner l'action internationale destinée à empêcher les terroristes de mettre la main sur des armes de destruction massive de nature chimique, biologique, radiologique ou nucléaire. Nous avons besoin, par exemple, de renforcer les contrôles à l'exportation et les mesures de sécurité touchant les matières dangereuses. Le G-8 a également un rôle à jouer sur ce plan.

    Chers collègues, je viens de vous donner un bref aperçu des questions les plus pressantes dont les ministres des Affaires étrangères du G-8 doivent s'occuper actuellement. D'ici juin prochain, il y aura beaucoup d'événements qui retiendront notre attention et contribueront à la définition de notre ordre du jour. Je peux citer comme principaux exemples les développements au proche Orient, l'examen des sanctions contre l'Irak, la rencontre Bush-Poutine en Russie au mois de mai, la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN en Islande, et également en mai, la fin du traité ABM sur la limitation des systèmes antimissiles balistiques en juin et la convocation de la Loya Jirga, également en juin.

[Français]

    Durant la période qui précédera directement la réunion de juin, je m'attends à m'entretenir encore avec mes homologues, en marge du Sommet Canada-Union européenne, à la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN en mai et à d'autres occasions.

[Traduction]

    Permettez-moi, en conclusion, de dire très clairement qu'au sein du G-8, nous sommes entre égaux: notre influence et notre contribution sont bien réelles, étant fondées sur une perspective proprement canadienne qui se caractérise par son sérieux, sa profondeur, sa qualité et sa valeur morale. Nous pouvons, par l'entremise du G-8, amplifier notre contribution à la communauté mondiale en exerçant une influence basée sur nos valeurs. En assumant la présidence du G-8 cette année, le Canada a l'occasion de jouer un rôle encore plus utile dans le monde. Nous avons l'intention de collaborer avec nos partenaires du G-8 pour restructurer le groupe de façon à faire fond sur ses points forts, et notamment, le leadership politique, la définition des priorités et l'action commune.

    Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous parler du processus des ministres des Affaires étrangères du G-8. J'espère que l'année sera couronnée de succès pour le G-8. Je tiens à vous remercier pour l'étude que vous effectuez et je serais heureux de répondre à vos questions.

    Merci, madame la présidente.

¿  +-(0920)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur le ministre.

    Vous avez déjà occupé mon poste; vous connaissiez donc parfaitement le nombre de minutes dont vous disposiez et vous ne vous êtes pas trompé.

+-

    M. Bill Graham: Pourquoi l'ai-je fait? Parce que je sais que les membres du comité préfèrent s'en prendre à moi que m'écouter, voilà comment je l'expliquerais.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan--Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    Je vais prendre langue avec le ministre et non pas m'en prendre à lui; je vais me limiter à quelques questions, et le ministre pourra y répondre dans le temps qui nous est attribué.

    Le ministre le sait, le coût des réunions du G-8 est inquiétant. Je ne le reproche pas au ministre, puisque ces coûts ne dépendent pas de lui. J'ai fait des commentaires à ce sujet et M. Fowler m'a répondu mais je vais poser la question. Ce coût est évalué à plus de 300 millions de dollars. Nous savons qu'à la réunion du G-8 qui s'est tenue au Japon, on avait prévu que les coûts seraient plus faibles qu'ils l'ont été en réalité, et le coût réel s'est élevé à près de 750 millions de dollars. C'est pourquoi je demande si le ministre et ses conseillers ont proposé des approches novatrices pour la tenue de ces réunions?

    Nous recevons toutes sortes de suggestions et je vais les lui mentionner, sans savoir si elles sont réalistes ou pas. L'une de ces suggestions consisterait à mieux utiliser les possibilités de la téléconférence. L'autre jour, M. Fowler a mentionné que les Canadiens exigeaient que les chefs du G-8 se rencontrent en personne. Je n'ai pas reçu ce genre de demande que ce soit de la part de mes électeurs ou de celle d'autres Canadiens. Les réunions du G-8 sont utiles, elles sont nécessaires. On a proposé qu'un pays, les États-Unis par exemple, organise cette réunion sur un porte-avion. Nous avons reçu toutes sortes de suggestions novatrices pour réduire ces coûts. Plutôt que de payer près de 300 millions de dollars—et nous pensons que l'on approchera le demi-milliard de dollars—on pourrait consacrer davantage de fonds à des questions reliées à la pauvreté, comme, par exemple, en Afrique. Je demande donc au ministre de dire à ses collègues s'il a des idées novatrices à présenter pour réduire les frais considérables qu'entraînent ces réunions?

    Deuxièmement, le ministre est-il prêt à s'engager au sujet de la responsabilité à l'égard des dommages que pourraient subir les entreprises de la région de Calgary et de Kananaskis? D'après ce que je sais—et je demanderais au ministre de me corriger si je me trompe—les compagnies d'assurances refusent d'assurer les dommages causés par les manifestations et le gouvernement fédéral ne s'est pas engagé clairement à indemniser les entreprises, en particulier dans la province de l'Alberta. Pourrions-nous avoir un commentaire sur ce point?

    Pour revenir au sujet de l'Afrique, j'ai fait quelques commentaires sur cette question il y a deux jours. Je sais que les dirigeants et les pays africains vont utiliser un processus d'autoévaluation pour déterminer, si je peux utiliser cette expression, s'ils ont droit à de l'aide. Le premier ministre a déclaré que l'aide devait être accordée aux pays qui ont une démocratie constitutionnelle, qui reconnaissent la suprématie du droit et le libre-échange. Un processus d'autoévaluation ne serait pas suffisant. Même avec les meilleures intentions, il est impossible de s'évaluer comme le ferait une personne indépendante. Quels sont les outils d'évaluation? Il serait certainement utile de mettre sur pied un processus d'évaluation par les pairs. Que va proposer le premier ministre et qui sera chargé d'évaluer les divers pays? Si vous demandez à Robert Mugabe ce qu'il pense de la situation, il dira que les élections se sont très bien déroulées. Si l'on remontait à quelques années et parlait à Idi Amin, il dirait que tout va très bien. En plein apartheid en Afrique du Sud, le gouvernement aurait également déclaré que la situation était très bonne. Il faut utiliser des outils d'évaluation externes pour décider s'il y a lieu d'accorder de l'aide à ces divers pays.

    Ma dernière question, madame la présidente, concerne le financement du terrorisme et les mesures prises à ce sujet par les membres du G-8. Le ministre a déclaré qu'il ne s'opposerait pas à ce que l'on réexamine le financement du Hezbollah. Je crois que notre gouvernement donne toujours au Hezbollah, et il a tort de le faire. Je connais bien la question des organismes charitables. Nous avons présenté des éléments indiquant qu'il est impossible de garantir que les dons ne seront pas transmis à des organisations terroristes au Liban. Quelle est la différence? Pourquoi le gouvernement a-t-il interdit les fonds destinés au Hamas, ce qui est très bien, et ne fait-il rien dans le cas du Hezbollah? Quelles sont les différences qui expliquent que le Canada interdise de lever des fonds pour le Hamas mais pas pour le Hezbollah?

    Merci, madame la présidente.

¿  +-(0925)  

+-

    La présidente: Monsieur le ministre.

+-

    M. Bill Graham: Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais répondre à vos questions dans l'ordre, monsieur Day.

    Je sais que les coûts sont préoccupants. Le premier ministre et le gouvernement s'inquiètent également de ces coûts. Je pense que les membres du comité sont d'accord avec moi pour dire que les événements du 11 septembre de New York ont complètement modifié la situation. Désormais, tous ces événements coûteront davantage, j'en suis certain. Je suis également certain que les mêmes questions se reposeront au sujet de la prochaine réunion de l'OMC. Toutes les réunions internationales de ce genre vont désormais coûter beaucoup plus cher qu'avant, à cause de ce que peut faire quelqu'un en transformant un avion civil ordinaire en une arme.

    Les coûts vont donc augmenter. Honnêtement, je ne peux pas vous donner un chiffre exact, parce que cela dépend des mesures que la police va prendre pour évaluer le risque réel et agir en conséquence. Nous ne connaîtrons donc vraiment le coût de cette réunion qu'après...

+-

    M. Stockwell Day: Madame la présidente, je demandais si le ministre et ses collaborateurs avaient découvert d'autres façons novatrices d'épargner de l'argent ou s'ils allaient chercher à en trouver.

+-

    M. Bill Graham: C'est une des choses que nous avons demandées au comité de proposer. Si vous avez de bonnes idées, n'hésitez pas à les reprendre dans votre rapport et le gouvernement les examinera.

    Le lieu qu'a choisi le premier ministre est assez isolé. Nous avons décidé de diminuer le nombre des participants. Par exemple, une des raisons pour lesquelles le coût de la réunion de Gênes ont été très élevés est que les Américains avaient 800 délégués. Dans ce cas-ci, le premier ministre a demandé à tous les chefs d'État de se limiter à 35 ou 36 personnes pour Kananaskis. Cela réduit automatiquement les frais de sécurité, d'hôtel. Voilà ce qu'a fait le premier ministre pour réduire ces coûts et rendre cette réunion plus fructueuse. Il est donc possible qu'en réduisant les coûts, la réunion soit plus fructueuse.

    Nous allons certainement examiner l'idée de recourir à des téléconférences, comme vous l'avez suggéré, mais même dans votre parti, vous pouvez utiliser cette méthode mais en fin de compte, il faut que les gens se rencontrent en personne. Il faut que les gens se réunissent pour parler de certaines choses.

+-

    M. Stockwell Day: La réunion de notre caucus est un autre débat.

+-

    M. Bill Graham: Je ne veux pas rappeler de mauvais souvenirs à qui que ce soit mais nos députés se rencontrent également. Je crois qu'il faut donc à un moment donné réunir ces personnes et c'est un aspect qui va devenir vraiment très important, à cause des questions que soulève la gouvernance mondiale. Je crois que le nombre de ces réunions va augmenter, parce que nous faisons face aux questions que soulève la gouvernance mondiale. Nous serions heureux que le comité nous fasse des suggestions sur la façon de réduire ces coûts mais je ne pense qu'il serait dans l'intérêt de la communauté internationale, ni même dans celui des Canadiens de ne pas tenir ce genre de réunions. Voilà donc mon point de vue là-dessus.

    Pour ce qui est du deuxième sujet, nous avons en ce moment des discussions avec l'Alberta au sujet des dommages que pourraient subir les commerces. Vous savez sans doute, monsieur Day, qu'après le sommet de Québec, le gouvernement a accepté d'indemniser les commerces de la ville de Québec. Je suis certain que l'on pourra prendre dans ce cas-ci le même genre de mesures et que le gouvernement assumera ses responsabilités dans les cas où les compagnies d'assurances ne sont pas prêtes à couvrir certains risques.

    Pour ce qui est de l'Afrique et du mécanisme d'autoévaluation, je dirais que l'aspect intéressant du NPDA était que l'on cherchait à éviter ce genre de néocolonialisme. On entend beaucoup de critiques au sujet du FMI: cet organisme dit aux pays bénéficiaires ce qu'il faut faire, il leur ordonne de réduire les prix, le reste, il refuse toute discussion et il leur dit que c'est à prendre ou à laisser. Les pays bénéficiaires de cette aide avaient souvent beaucoup de mal à s'ajuster. Il arrivait également que les politiques recommandées ne soient pas adaptées. Le NPDA favorise beaucoup plus le dialogue, ce qui est très encourageant pour la communauté internationale et l'aide internationale. Comme vous l'avez dit, il y aura certains aspects d'autoévaluation, mais les États ne seront pas chargés de s'évaluer eux-mêmes. On aura recours à un processus d'évaluation collectif.

    J'aimerais revenir sur ce qui s'est passé récemment au cours de la réunion des pays du Commonwealth. Beaucoup de gens ont été surpris quand M. Obasanjo et M. Mbeki ont reconnu avec les autres chefs des pays du Commonwealth qu'il fallait prendre des sanctions à l'égard de M. Mugabe. Il y a beaucoup de gens qui disent que les Africains ne se critiquent jamais, qu'ils ne le font jamais, mais ils l'ont pourtant fait. Je crois que les pays africains sont aujourd'hui prêts à reconnaître qu'il existe certains problèmes dans le domaine de la gouvernance. Nous allons toutefois devoir travailler avec eux et non pas simplement leur imposer certaines choses.

    Je suis donc très satisfait du mécanisme d'évaluation prévu par le NPDA. Le premier ministre pense qu'il faut saisir l'occasion d'agir et de diriger notre aide dans les domaines où elle est efficace, pour le sida, pour s'attaquer aux problèmes immenses qui se posent dans ces pays, mais nous allons le faire en partenariat avec les pays africains.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Stockwell Day: Je voulais dire que si l'on s'en remet uniquement à l'autoévaluation, on constatera, comme c'est le cas actuellement, que des voisins de M. Mugabe trouvent que les élections se sont très bien déroulées et sont prêts à l'appuyer. L'évaluation par les pairs est une bonne chose mais il faut un arbitre indépendant, si je peux m'exprimer ainsi, et un outil d'évaluation, une liste de vérification, un modèle auquel on peut se référer pour voir s'il est vraiment souhaitable d'envoyer dans ces pays l'argent durement gagné par les contribuables.

+-

    M. Bill Graham: Tout à fait. Un de ces aspects sera la sécurité, l'existence de troubles civils et la stabilité. Avec ce qui s'est passé ces dernières années, je ne pense pas que les pays soient disposés à investir de grosses sommes dans les infrastructures des pays où tous ces investissements risquent de sauter quelques mois plus tard. Les dirigeants africains vont devoir tenir compte de cette réalité et prendre des mesures dans ce domaine s'ils veulent recevoir de l'aide. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Je crois qu'il existe des signes encourageants et que les dirigeants africains eux-mêmes reconnaissent qu'ils doivent prendre certaines mesures et agir dans le domaine de la gouvernance et de la stabilité s'ils veulent être en mesure de recevoir cette aide.

    Ce n'est pas moi qui ai pris la décision concernant le Hamas et le Hezbollah. C'est une question précise à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre mais comme je vous l'ai dit lorsque j'ai comparu devant le comité la dernière fois, nous révisons constamment ce genre de choses. Comme vous le savez, depuis que ce processus a démarré, le Canada a inscrit 11 organisations terroristes sur cette liste, et je viens personnellement, avec M. Martin, d'ajouter sur cette liste le nom de certaines personnes. Nous recevons des rapports, nous prenons des décisions et continuons à réviser cette liste, tout en tenant compte de la situation et des considérations politiques de façon à prendre de bonnes décisions.

+-

    La présidente: Merci, monsieur le ministre.

    Nous allons maintenant passer à M. Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, madame la présidente.

    Bonjour, monsieur le ministre. On entend de plus en plus s'exprimer de l'inquiétude quant à la volonté réelle des pays occidentaux d'aider véritablement l'Afrique, obsédés qu'ils sont, notamment les États-Unis, par la lutte au terrorisme, laquelle se répand aussi dans tous les pays amis des États-Unis.

    Premièrement, qu'en est-il des véritables préoccupations que nous avons concernant le développement de l'Afrique, dans le contexte dramatique que l'on connaît?

    Il y a un deuxième point d'inquiétude. Dans quelle mesure sommes-nous vraiment intéressés à développer l'Afrique elle-même par rapport au développement de nos propres intérêts?

¿  +-(0935)  

+-

     Dans quelle mesure sommes-nous vraiment intéressés à privilégier ses intérêts plutôt que les nôtres? Nous servons-nous du développement comme prétexte pour imposer nos valeurs et nos façons de faire? L'Afrique, pour ceux qui la respectent, a quand même une culture bien à elle.

    Par ailleurs, avez-vous l'impression que nos partenaires occidentaux ont réellement la volonté d'atteindre ce que l'ONU souhaite, soit que chacun des pays consacre 0,7 p. 100 de son PIB à l'aide aux pays en voie de développement? C'était là ma première question

    Voici ma deuxième question. À Kananaskis, il faut prendre toutes les mesures pour sécuriser les participants, les chefs d'État et leurs délégations, mais dans quelle mesure se soucie-t-on de protéger le droit qu'ont les citoyens du monde d'exprimer leurs inquiétudes, pour ne pas dire leur désaccord, envers la mondialisation? Quelle place fait-on à la liberté d'expression et au droit de manifester dans ce contexte?

¿  +-(0940)  

+-

    M. Bill Graham: Vous me demandez si la lutte au terrorisme va primer sur toute autre discussion à Kananaskis. C'est certainement un souci, et je crois que le premier ministre, qui est le président de ce sommet, a clairement indiqué qu'on allait se pencher sur ce projet pour l'Afrique parce qu'il est absolument essentiel qu'il reçoive l'attention des leaders à Kananaskis. Le premier ministre a été très clair là-dessus lors de des conversations que j'ai eues avec lui. Il est absolument déterminé à faire en sorte qu'on n'ait pas uniquement une discussion sur les activités militaires et la lutte contre le terrorisme. Il faut aussi se pencher sur les causes profondes du désespoir des gens et de la pauvreté.

    L'Afrique est un cas spécial aujourd'hui, en raison notamment du problème du sida et du problème de la pauvreté. Il faut absolument que la communauté internationale fixe son attention là-dessus. Le premier ministre s'est exprimé clairement à cet égard, et j'ai bon espoir, monsieur Rocheleau, qu'on ne va pas perdre cet élément lors du sommet.

    Votre deuxième question portait sur le développement de l'Afrique. Devons-nous l'envisager dans notre propre optique ou dans la leur? Je reviens à la réponse que j'ai donnée à M. Day. Le NOPADA comporte une certaine notion de partenariat, n'est-ce pas? C'est cela que j'ai voulu dire à M. Day. C'est un signe encourageant. C'est un partenariat dans les deux sens. C'est d'abord un partenariat parce que les Africains vont déterminer jusqu'à un certain point quels sont leurs besoins et leurs perspectives. Ils vont aussi discuter avec nous de nos perspectives et s'assurer que l'aide soit efficace en faisant en sorte qu'elle soit appliquée dans un climat de bonne gouvernance, de responsabilité, etc. C'est là qu'est l'attraction de ce nouveau climat, si je puis dire. Je crois qu'il y a un nouveau climat. Il faut saisir le moment et travailler dans ce contexte. Il ne faut pas aborder cela dans un esprit de néo-colonialisme, mais il ne faut pas l'aborder non plus dans un esprit d'idéalisme irréaliste. C'est en discutant avec les gens, dans le cadre d'un partenariat, qu'on peut résoudre les problèmes. Dans ce contexte, la réunion du G-8 à Kananaskis sera très importante.

    Je crois qu'on peut déjà voir certains signes encourageants, notamment la déclaration de M. Bush à Monterey concernant l'augmentation de l'aide américaine, suivie d'une action en Europe et de la déclaration de notre premier ministre selon laquelle nous allons augmenter notre aide de 8 p. 100 par année. C'est encore assez loin de l'objectif de 0,75 p. 100, mais on recommence le processus. C'est ça qui est important. On est sur la bonne voie. Après l'assainissement de nos finances internes, on peut maintenant envisager d'augmenter notre aide. On s'est engagés à le faire. Je crois que c'est encourageant.

    En ce qui concerne les citoyens, évidemment, à Kananaskis même, il n'y aura pas beaucoup de place pour les manifestations, mais les citoyens auront l'occasion de s'exprimer. Nous sommes dans un pays libre, et les citoyens peuvent faire ce qu'ils veulent sans avoir à affronter les forces de l'ordre. J'ai dit que je serais à Calgary. On propose que je tienne certaines réunions avec les ONG et les autres organisations qui veulent exprimer leur opinion et dire au gouvernement quel est leur objectif. J'ai dit clairement que je serais disponible si les gens veulent me rencontrer. Je crois qu'il est prévu que je rencontre un très grand nombre d'ONG, comme on l'a fait au Québec, par exemple. Je pourrai entendre leurs opinions et les transmettre à M. Chrétien avant la réunion de Kananaskis afin que les leaders puissent avoir le bénéfice de leurs observations.

    Donc, on va mettre en branle un processus qui permettra aux gens d'exprimer leurs points de vue de façon efficace.

    M. Yves Rocheleau: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci, monsieur le ministre.

    Madame Marleau.

+-

    Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Bienvenue encore une fois à notre ministre des Affaires étrangères. Il est toujours agréable de vous voir ici. Je me sent un peu comme chez moi.

    Madame la présidente, j'ai écouté la question de M. Day au sujet du coût du sommet du G-8. Nous reconnaissons tous l'importance de ne pas trop dépenser mais il faut toujours payer quelque chose pour faire partie d'un club. Bien évidemment, si le Canada veut être l'hôte de la réunion du G-8, il doit assumer certains coûts. Si les gens de l'Ouest trouve que cela coûte trop cher, et qu'ils n'en veulent pas, les gens du nord de l'Ontario pensent que cela ferait beaucoup de bien à l'économie. Il y a non seulement le gouvernement fédéral qui dépense beaucoup d'argent, mais toutes les délégations dépensent énormément au Canada. Ce genre de sommet a de fortes retombées économiques pour la région qui accueille les participants à cette réunion. Si l'Ouest décidait qu'il ne voulait pas vraiment accueillir cette réunion, nous nous porterions immédiatement volontaires pour le faire.

    M. Stockwell Day: Il faut reconnaître que personne n'a dit cela.

    Mme Diane Marleau: Chaque fois que vous critiquez les coûts, je me pose des questions—c'est normal, reconnaissez-le.

    Il n'y a que les grandes puissances qui puissent faire bouger les choses. Dans certains de ces domaines, le G-8 a le pouvoir de faire des choses utiles.

    Je suis très heureuse de constater que les pays africains veulent participer au processus d'évaluation. M. Day devrait savoir que, parfois, les critiques les plus dures viennent des membres de son propre parti. Dans notre parti, lorsqu'on est au premier rang, la véritable opposition est bien souvent derrière vous et non pas en face. J'espère que l'on réussira à changer la situation en Afrique. Bien sûr, c'est nous qui continuerons à décider des mesures à prendre.

    Je suis un peu hors sujet ici. Tout le monde sait que mon sujet préféré est la corruption. La plupart des difficultés que connaît l'Afrique découlent directement de la corruption. Les pays du Nord font souvent les saintes nitouches. Dans l'ensemble, ils profitent énormément de toutes les mesures d'aide et des contrats destinés à l'Afrique. Sommes-nous disposés à exercer des pressions sur les autres membres du G-8 pour qu'ils prennent des mesures efficaces, non seulement pour lutter contre le terrorisme, mais aussi contre les transferts de fonds provenant de la corruption vers les paradis fiscaux et les pays adeptes du secret bancaire? Je suis absolument convaincue que les seuls pays qui puissent réellement faire quelque chose dans ces domaines sont ceux du G-8. Je sais que toutes sortes de résolutions ont été adoptées mais il y a parmi les grandes puissances des pays qui ne veulent pas vraiment les mettre en oeuvre, à cause des pressions politiques très vives exercées par les groupes qui utilisent ces comptes bancaires, ces réseaux d'évasions fiscales.

    C'est une question très grave lorsque l'on pense au 11 septembre. Nous savons qu'il est aujourd'hui très facile de préparer des listes. Il faut maintenant avoir la volonté de faire davantage que ce que nous avons fait après la réunion du G-8, de dire que nous avons les moyens et les outils nécessaires pour nous occuper nous-mêmes de tout cela. Nous allons dire aux Africains, occupez-vous des vôtres et nous nous occuperons des nôtres. Voilà ma première question.

    Ma deuxième question porte sur un sujet semblable et concerne le commerce des armes. J'ai posé cette question à M. Fowler. Là encore, il a déclaré que les grandes puissances ne voulaient pas parler d'armes légales et de ce genre de chose aux Africains. Il y a beaucoup de pays africains qui ont des armées très bien équipées, alors que la population n'a rien à manger et qui sont en état de guerre. Là encore, c'est un aspect sur lequel les pays du G-8 peuvent agir. Vous connaissez également mon sentiment sur cette question. J'espère que nous pourrons faire progresser davantage ces questions.

¿  +-(0945)  

    Troisièmement, je suis d'accord pour que l'on aide les pays africains qui font des progrès dans la voie de la démocratie et pour qui une aide est vraiment utile, mais j'espère que nous n'allons pas cesser d'aider les pays qui sont parmi les plus pauvres, arrêter de travailler avec ces pays mais au contraire travailler avec eux. Si nous les abandonnons complètement, d'autres prendront notre place. J'ai visité de nombreux pays. Lorsqu'un pays est si pauvre qu'il n'y a pas de programmes sociaux, ce sont d'autres groupes qui viennent s'occuper de programmes sociaux. Ce genre de situation ouvre la porte aux groupes extrémistes. Si nous tournons le dos aux pays les plus pauvres, nous verrons que d'autres forces viendront nous remplacer.

+-

    La présidente: Certains disent qu'il est impossible de communiquer: il y a ce que je dis, ce que vous m'avez entendu dire, ce que j'ai compris de ce que vous m'avez dit, et tout cela peut être très différent. J'ai compris que M. Day parlait de rechercher des façons novatrices de réduire les coûts. Je voulais éclaircir cela pour ne pas avoir à revenir sur cet aspect. Je comprends que Mme Marleau aimerait que cette réunion se tienne à Sudbury mais je pense que M. Day parlait d'un aspect dont nous aimerions tous parler à un moment donné.

    Monsieur le ministre, vous avez trois minutes et demie environ pour répondre aux diverses questions posées par Mme Marleau.

+-

    M. Bill Graham: Merci, madame la présidente.

    J'ai déduit de votre commentaire que vous ne souhaitez pas que j'utilise la moitié de mes trois minutes et demie pour parler des beautés de Sudbury, ce qui serait, bien sûr, toujours possible. J'ai effectivement compris sous cet angle la question que m'a posée M. Day et j'aimerais y revenir un instant parce que je pense que le point qu'a abordé M. Day est intéressant et parce que nous sommes en train d'y réfléchir. Une bonne partie du coût de ces sommets ne correspond pas uniquement aux journées pendant lesquels les dirigeants se réunissent mais aussi à tout ce qui se passe auparavant, à toutes les activités qui le précèdent. M. Wright me rappelait tout à l'heure qu'ils essaient d'utiliser davantage les nouvelles technologies. Il a eu hier une longue réunion avec tous ses homologues. Auparavant, toutes ces personnes se seraient rendues au même endroit et se seraient assises autour d'une table, mais aujourd'hui elles utilisent ces nouvelles méthodes. Comme je l'ai dit au comité, nous examinerons avec beaucoup d'attention les recommandations que vous nous présenterez et elles nous seront très utiles.

    Madame Marleau, pour ce qui est de la corruption, je dirais que c'est une question très grave. Ceux qui, par exemple, étaient à Doha, se souviendront qu'on a beaucoup parlé des initiatives commerciales et du fait qu'elles pouvaient être complètement bloquées dans les pays où le gouvernement est corrompu et où l'aide n'arrive pas à la population. Nous avons examiné cet aspect avec les pays des Amériques. C'est donc un problème très grave que l'on rencontre dans tous les pays. Il existe, je crois, des façons de lutter contre cela. M. Williams, par exemple, a conçu un projet qui consiste à demander aux députés de faire davantage pour exercer un contrôle sur leur gouvernement et pour lutter contre la corruption. Je suis personnellement très en faveur de cette initiative et je crois qu'il y a beaucoup de députés qui l'appuient dans cette démarche, parce que nous essayons de renforcer les pouvoirs des députés pour leur donner les moyens de lutter contre la corruption. À l'heure actuelle, ils n'ont même pas les moyens de savoir comment leur gouvernement utilise leurs fonds et à qui il les remette.

+-

    Mme Diane Marleau: Et les pays du Nord? Et nos propres pays? Lorsque nous parlons des Africains qui s'évalueraient mutuellement, ne pourrait-on pas également penser que les pays du G-8 pourraient faire la même chose? C'est la question que j'ai soulevée.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Bill Graham: Je pensais que vous aviez écarté cette possibilité en nous qualifiant de saintes nitouches.

    J'espère que vous ne suggérez pas que...

+-

    Mme Diane Marleau: Pas le Canada.

+-

    M. Bill Graham: ...les membres du G-8 sont corrompus.

+-

    Mme Diane Marleau: Non, mais il se passe beaucoup de choses dans les pays du Nord.

+-

    M. Bill Graham: J'aimerais revenir à ce que j'ai dit à M. Rocheleau en réponse à sa question.

+-

    Mme Diane Marleau: Je ne parle pas tant des gouvernements que des institutions financières.

+-

    M. Bill Graham: Ce qui me paraît encourageant avec le NPDA et avec l'initiative du premier ministre à Kananaskis, c'est que nous avons déclenché un dialogue et il va s'agir davantage de dialoguer entre égaux et non pas de donner des ordres ou de reprocher des choses aux autres. Nous allons dire et admettre qu'en fin de compte, la corruption n'est pas vraiment avantageuse. Et il y aura des dirigeants africains qui diront que cela est tout à fait exact. Il y a une nouvelle génération de dirigeants africains qui ont connu ce genre de situation. La présidente s'est récemment rendue en Afrique. Elle a rencontré un grand nombre de ces personnes et elle a vu quelle était la situation. Je crois qu'elle serait d'accord avec moi pour dire qu'il y a un nouveau climat dans cette région; les dirigeants ont reconnu qu'ils devraient essayer de régler ces problèmes de façon responsable, et d'assumer une certaine responsabilité, et qu'il leur fallait mettre de l'ordre dans leur propre maison au lieu de simplement demander de l'argent. Je crois que c'est une attitude positive que l'on retrouve actuellement et dont nous devons profiter pour aller de l'avant.

    Je crois que ces remarques s'appliquent également au deuxième sujet que vous avez soulevé. Les ressources publiques vont-elles être utilisées pour entretenir des armées ou pour fournir des ressources aux citoyens? Je dirais que, lorsqu'il n'y a pas de stabilité, les gouvernements utilisent ces ressources pour renforcer leur armée. C'est le vieil argument du choix à faire entre le beurre et les canons; il n'y a pas suffisamment d'argent pour acheter les deux. Avec l'intervention des pays du G-8 et la réduction des conflits, les armées sont moins nécessaires et les dépenses militaires peuvent diminuer. Il y a des choses comme l'initiative des Nations Unies sur la vente de diamants qui aidait à financer l'armée du Sri Lanka, les milices rebelles, avec l'instabilité que cela créait. Bien sûr, il y a encore des problèmes mais on peut voir des signes encourageants qui montrent qu'il y a des initiatives mondiales.

    Pour ce qui est des plus pauvres parmi les pauvres, si j'ai bien compris l'initiative du NPDA et celle du premier ministre, notre propre programme de 500 millions de dollars destiné à l'Afrique ne va pas remplacer les autres programmes d'aide. Il va venir s'y ajouter et par conséquent, encourager la bonne gouvernance en Afrique. Dans le cas des États qui ont échoué, comme vous le savez, il est très difficile de fournir de l'aide dans la région des Grands Lacs mais nous faisons ce que nous pouvons par l'entremise des ONG et d'organismes responsables et nous allons continuer à le faire. Les États qui pourront bénéficier de ces ressources supplémentaires seront ceux qui auront fait leur travail. C'est ce que je trouve encourageant et nous espérons que, lorsque les autres États verront ce qui se passe, ils se diront eh bien, il serait avantageux d'agir de cette façon, adoptons leurs pratiques. C'est ce que nous essayons d'obtenir.

+-

    La présidente: Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Patry, ce qui donnera à M. Casey le temps de réfléchir à sa question.

[Français]

+-

    M. Bernard Patry (Pierrefonds--Dollard, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Monsieur le ministre, merci d'être parmi nous ce matin concernant le G-8.

    Nous savons tous qu'il y a trois éléments essentiels à ce sommet: le terrorisme, l'économie et le NOPADA. J'ai deux questions. La première concerne l'Afghanistan.

    Dans votre énoncé, vous nous avez rappelé, avec justesse, que le Canada a affecté 100 millions de dollars à l'aide pour l'Afghanistan. Pouvez-vous me dire de quelle façon cette aide va se concrétiser? S'agit-il d'une aide à court terme pour les besoins essentiels de la population ou d'une aide pour l'établissement d'un État de droit? Comme toute la communauté internationale participe à cet effort, y a-t-il une concertation entre les partenaires afin qu'il n'y ait pas de duplication dans l'aide que toute la communauté internationale va donner à l'Afghanistan?

    Vous pouvez répondre à cette question, s'il vous plaît, et je vous poserai ensuite la deuxième.

+-

    M. Bill Graham: C'est une très bonne question. Si je comprends bien, cette somme de 100 millions de dollars qui a été promise sera affectée sur une période de deux ans. Ce ne sera pas nécessairement cinq ans parce que, comme vous le dites, il faut s'assurer que l'aide sera efficace. Il y a un débat là-dessus à l'heure actuelle. C'est un peu comme la poule et l'oeuf. Qu'est-ce qui vient d'abord? La sécurité ou l'aide? Par exemple, on a besoin d'un hôpital à Kaboul. Est-ce qu'on va construire un hôpital s'il est possible qu'on le fasse exploser d'ici deux mois dans une nouvelle flambée de violence? Est-ce qu'on va plutôt mettre l'accent d'abord sur la sécurité et ensuite sur l'aide à la reconstruction de l'infrastructure?

    Il manque peut-être un processus qui va de pair avec cela, mais pour le moment, la communauté internationale met l'accent sur la sécurité. C'est ce que m'a dit M. Abdoullah, lorsque je l'ai rencontré à Genève. Nous avons eu une longue conversation et il m'a dit qu'il fallait absolument qu'on se penche sur cette question des war lords, sur la question de la drogue qui finance les war lords. Il faut absolument qu'on fasse cela parallèlement à l'aide pour l'infrastructure. Sinon, toute l'aide que nous donnerons pour l'infrastructure sera gaspillée.

    Donc, le Canada et les autres pays veulent mettre l'accent sur le retour à la paix civile dans le pays et sur la sécurité, et ensuite poursuivre avec l'aide, cela en collaboration avec nos alliés afin qu'il n'y ait pas de duplication. M. Abdoullah m'a dit qu'à son avis, l'aide serait absolument nécessaire pour le développement des parties rurales du pays. Les gens doivent retourner à leurs fermes et travailler fructueusement. Ils ne doivent pas rester dans les villes à ne rien faire, etc.

    Le Canada a été assez innovateur quand il a essayé de donner de l'aide directement à la vice-première ministre pour qu'elle puisse réintégrer les femmes et s'assurer qu'on tienne compte de leurs droit dans les discussions politiques actuelles en Afghanistan, afin qu'il n'y ait pas de retour aux problèmes intérieurs.

    C'est énormément complexe, mais il s'agit d'abord d'assurer la sécurité et, deuxièmement, de rétablir l'infrastructure.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Bernard Patry: Merci.

    Ma deuxième question concerne le NOPADA. Nous savons que le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique a été fondé par l'Algérie, l'Égypte, le Nigeria, le Sénégal et l'Afrique du Sud. Il diffère, à mon point de vue, des précédents dans le développement africain sur un point très important: c'est qu'il est afro-africain.

    L'objectif à long terme du NOPADA est d'éradiquer la pauvreté en Afrique et de placer les pays africains, individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durable. Le programme du NOPADA est pour moi très ambitieux. Je pense notamment à la mortalité maternelle et infantile et à la scolarisation, Il y a beaucoup de problèmes.

    Ma question est très simple. Est-ce que les initiatives de ce programme seront régionales ou continentales?

+-

    M. Bill Graham: L'objectif est évidemment continental. Cependant, il s'agit d'un énorme continent et les conditions sont très différentes d'une région à l'autre. Dans la région des Grands Lacs, par exemple, les conditions sont très différentes de celles qui prévalent dans le Nord, où il y a l'Égypte et d'autres pays de tradition arabe, qui diffèrent des pays d'Afrique subsaharienne. Donc, bien que l'objectif soit global pour le continent africain...

    Par exemple, l'objectif de la scolarisation est très important. L'objectif est le même partout, mais les conditions d'application seront très différentes d'un pays à l'autre. Je pense aux besoins des jeunes femmes en matière d'éducation, etc. Cela diffère selon le niveau de développement des pays. L'Afrique du Sud est beaucoup plus sophistiquée à cet égard que d'autres pays. Donc, l'objectif de la scolarisation sera applicable à toute l'Afrique, mais les conditions d'application seront différentes d'un pays à l'autre et d'une région à l'autre.

    Que je sache, il n'y a pas d'appétit pour de grands projets régionaux. Par exemple, dans une réunion à laquelle j'assistais à Paris, je crois, on avait proposé la construction d'un barrage hydroélectrique qui servirait plusieurs pays. On peut parler de ce genre de projets, mais je ne crois pas que ce soit l'objectif du NOPADA. Le but du NOPADA est plutôt de se pencher sur les causes profondes des problèmes africains, comme vous le dites: scolarisation, sécurité, etc.

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci.

    Merci, M. Graham et M. Wright, d'avoir pris le temps de venir ici. Je vais simplement poser mes questions parce que mon temps de parole est limité et que je souhaite en poser un certain nombre.

    Pour ce qui est des problèmes et des pays dont nous nous occupons, bien souvent la population vit dans une extrême pauvreté alors que le pays est en fait très riche; la question de la gouvernance est donc essentielle. Est-ce que l'aide sera liée à la volonté du pays bénéficiaire d'assurer une bonne gouvernance, parce que le continent est dirigé par des hommes puissants qui ont tendance à oublier les petits?

    La deuxième question porte sur le Fonds Africa. Allez-vous élaborer des objectifs mesurables et allez-vous faire dépendre l'aide de la façon dont les pays réalisent ces objectifs? J'espère que non.

    La troisième question concerne le VIH. Si nous ne luttons pas contre le sida en Afrique, je dirais que nous ne servons à rien. Un tiers de la population est, comme vous le savez, séropositive. Cette pandémie va dévaster ce continent et aura des répercussions inimaginables. Allez-vous demander que les pays du G-8 s'engagent financièrement davantage dans la lutte contre le VIH, pour que l'on prenne d'autres mesures en matière d'accès et de distribution et pour qu'il encourage les dirigeants africains à lutter contre le VIH dans leur propre pays? Je mentionnerais des gens comme le président Mbeki et le président Mugabe dont les pays sont dévastés par cette maladie et qui pourtant refusent de l'admettre.

    Pour ce qui est du processus de Kimberley, il contient une lacune tellement énorme qu'il est absolument inutile. Il sera impossible d'obtenir des résultats si l'on ne met pas en place des mesures visant à contrôler l'importation et l'exportation des diamants, en particulier à Anvers et Tel Aviv; Tel Aviv, comme vous le savez, est une ville où l'on se livre sans aucune retenue au trafic de diamants.

    Enfin, pour ce qui est du point qu'a abordé Mme Marleau, allez-vous demander aux pays du G-8 et à l'UE de s'engager à créer un système d'enregistrement des armes légères, en particulier des armes automatiques? S'il faut faire un choix dans le domaine du contrôle des armes légères, il faut choisir les armes automatiques. Allons-nous aborder ce sujet au sommet du G-8?

    Merci. Je suis désolé d'avoir posé tant de questions.

+-

    M. Bill Graham: Je vais essayer d'y répondre rapidement.

    D'après ce que j'ai compris, l'initiative du NPDA et celle du G-8 qu'a lancée le premier ministre consistent précisément à relier cette aide supplémentaire aux questions de gouvernance. Je souscris totalement à votre analyse. C'est exactement ce que nous recherchons ici. Nous essayons de créer de nouvelles conditions, une nouvelle mentalité, une nouvelle culture, si vous voulez. Ce qui me plaît dans ce nouveau processus, c'est qu'il s'agira d'une attitude qui sera encouragée par le dialogue. Grâce au projet de NPDA et à notre projet, nous allons être incités à travailler ensemble sur ces questions, et à laisser de côté l'ancien modèle qui consistait à dire nous avons l'argent et nous vous le donnerons si vous faites ceci ou cela. Nous avons d'autres fonds pour faire d'autres choses et nous allons voir si, en réunissant les conditions favorables à cette nouvelle culture, nous allons pouvoir investir ces fonds. Il y a donc une condition à respecter. Voilà qui répond également, je crois, à votre deuxième point.

    Pour ce qui est du sida, je reconnais avec vous que ce problème est très grave. En Afrique, 700 millions de personnes souffrent du sida. La situation est horrible. Le ministre des affaires étrangères du Botswana m'a dit que, dans son pays, cette maladie touchait près de 40 p. 100 de la population. Si c'était le cas au Canada, plus rien ne fonctionnerait, notre pays serait dans un état lamentable. Nous devons absolument prendre des mesures dans ce domaine, cela fait partie du processus, cela est évident. On reconnaît aujourd'hui que cette question est très grave. Nous travaillons avec des gens comme Jeffrey Sacks d'Harvard et d'autres personnes qui essaient de sensibiliser la population. Je crois également que les États-Unis ont promis d'affecter 500 millions de dollars à la lutte contre le sida. C'est un aspect dont nous sommes conscients.

À  +-(1005)  

+-

    M. Keith Martin: Devrions-nous demander aux dirigeants africains de reconnaître qu'ils ont un problème et qu'il faut travailler ensemble pour le régler?

+-

    M. Bill Graham: Nous pouvons toujours le leur demander. Rien ne s'oppose à ce que ce sujet soit mentionné mais je ne peux pas obliger M. Mbeki à déclarer des choses qu'il croit fausses. Cela nous ramènerait à une époque où il n'y avait pas de partenariat et il faut respecter le jeu politique. Il se dit beaucoup de choses dans notre pays qui me paraissent stupides mais nous habitons dans un pays libre et les gens ont le droit d'exprimer leur opinion. Comment dire aux Africains qu'ils n'ont pas droit à leurs opinions? Il faut essayer de changer l'opinion des gens lorsque nous ne sommes pas d'accord avec eux mais je ne pense pas que nous puissions les y obliger. Nous travaillons régulièrement avec le gouvernement de l'Afrique du sud pour l'amener à adopter des mesures efficaces pour lutter contre le sida et je crois que vous avez vu récemment que la politique du gouvernement avait changé pour ce qui est de la distribution de médicaments aux femmes enceintes. Je vois que la présidente hoche la tête. Elle s'est trouvée dans ce pays plus récemment que moi.

    Il y a des choses qui se font. Lorsque M. Mugabe et M. Mbeki, ou d'autres dont vous pourriez mentionner les noms, rencontrent leurs homologues qui, comme mon homologue du Botswana, parlent de ce qu'ils font et de ce qu'ils essaient de faire dans leur pays, cela a une influence parce que ce sont des Africains qui parlent à des Africains. Voilà le genre de choses que nous devons faire.

+-

    La présidente: Je vous invite à terminer votre réponse.

+-

    M. Bill Graham: Je dirais rapidement au sujet du processus de Kimberly que nous suivons de près la situation. J'ai pris note de votre remarque au sujet de la nécessité de l'améliorer.

    Pour ce qui est du registre des armes légères et du G-8, il y a plusieurs membres du comité qui se souviennent que nous nous sommes rendus à New York il y a quelques années pour parler d'un registre des armes légères. Au niveau du G-8, cela suscite aux États-Unis la réaction d'un groupe très puissant appelé la NRA qui exerce une grande influence sur le gouvernement américain; nous continuons à soulever cette question et nous n'hésiterons pas à le faire encore.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Harvard.

+-

    M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia): Merci, madame la présidente.

    Bienvenue, monsieur le ministre. J'ai une question de nature géopolitique. Elle concerne le succès électoral de M. Le Pen cette fin de semaine et je vais essayer de faire le lien entre cet événement et la discussion de ce matin.

    On pourrait dire du Sommet du G-8 que c'est une opération qui permet aux principaux pays du monde de se réunir pour essayer de régler les problèmes mondiaux les plus pressants et pour moi, le succès qu'a obtenu M. Le Pen en France représente tout le contraire. C'est un mouvement isolationniste, xénophobe, qui affirme en fait se ficher du reste du monde. S'il n'y avait que Le Pen encore, ce ne serait peut-être pas trop grave, mais il y a d'autres choses, qui ne sont peut-être pas aussi dramatiques que ce qui est arrivé en France il y a quelques jours. On assiste à un renforcement de la droite, comme vous le savez, en Hollande, au Danemark et en Autriche et il y en a qui disent aujourd'hui que Schroeder risque de perdre son poste de chancelier en Allemagne; il a perdu une élection partielle importante il y a quelques jours.

    Nous avons dit que les dirigeants des pays du G-8 se réunissaient pour accomplir des choses qui n'étaient pas seulement très importantes mais pour lesquelles il fallait faire preuve d'imagination et d'initiative. Les politiciens ont beaucoup de mal—et vous le savez aussi bien que moi, Bill, parce que vous êtes également un homme politique—à prendre des initiatives courageuses lorsqu'ils doivent constamment se protéger. L'Union européenne exerce une certaine influence sur la réunion du G-8.

    Est-ce que tout cela a un effet sur le travail que vous accomplissez, que ce soit au niveau des ministres des Affaires étrangères ou à celui des chefs d'État? Lorsque vous répondrez à cette question, vous pourriez peut-être parler de l'appui qu'accordent les Canadiens à ce genre de chose. Pensez-vous que, lorsque vous irez à Kananaskis, les Canadiens approuveront les initiatives prises, en particulier par notre pays ou par notre premier ministre?

À  +-(1010)  

+-

    M. Bill Graham: Vous soulevez une question sur laquelle nous pourrions passer beaucoup de temps. Nous ne pourrons pas le faire mais je ne veux pas vous cacher que les résultats des élections en France m'ont inquiété. Pour replacer tout cela dans son contexte, il faut mentionner que M. Le Pen a obtenu autour de 17 p. 100 des votes. Il est vrai qu'il est arrivé au deuxième rang et qu'il a battu le Parti socialiste, mais la gauche était très divisée et présentait un grand nombre de candidats.

+-

    M. John Harvard: Cela est exact mais il y a aussi tous ces candidats marginaux qui représentent 47 p. 100 du vote à l'élection présidentielle, ce qui semble montrer que les principaux partis, les socialistes et les gaullistes, ne sont pas considérés comme spécialement attirants par les électeurs.

+-

    M. Bill Graham: Nous pourrions parler des élections en France mais voyons ce qui se passera dimanche prochain, au deuxième tour, et nous verrons ce que représente l'extrême-droite. Même si elle ne représentait que 20 p. 100, ce serait inquiétant. Comme vous le dites, si on ajoute cela à ce qui existe en Autriche, en Italie et dans d'autres pays, c'est inquiétant. Vous reliez cela à ce dont nous parlons aujourd'hui ici en disant qu'il va être difficile d'adopter des politiques généreuses à l'égard du reste du monde si nous cherchons en fait à nous isoler? Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, mais il s'agit là de pays étrangers et ce sont des questions de politique interne. Nous devons travailler avec les gens qui ont les mêmes idées que nous pour essayer de faire adopter les politiques appropriées.

    Je dirais que les Canadiens accordent un large appui à ce que nous essayons de faire. Quels que soient les désaccords qui opposent les partis qui sont représentés autour de cette table, je dirais que tous les partis qui sont ici et tous les députés du Parlement canadien reconnaissent que le Canada est une des sociétés les plus ouvertes au monde, non seulement du point de vue des échanges commerciaux, mais dans le domaine de l'immigration et de notre façon de fonctionner. Nous avons une ouverture d'esprit extraordinaire. Hier, j'ai reçu des journalistes espagnols dans mon bureau et ils m'ont demandé ce que nous faisions en matière d'immigration. Je leur ai dit que, dans ma circonscription électorale, il y avait 12 000 personnes qui parlaient 57 langues différentes et ils ont pris un air effaré et se demandaient comment cela était possible. Ils essaient de contrôler l'immigration dans leur pays. Ce sont des nations anciennes qui ont des traditions culturelles plus rigides que les nôtres et cela leur cause de graves problèmes. Mais Toronto est une ville tellement multiculturelle, Calgary, toutes les villes canadiennes sont aujourd'hui multiculturelles, d'un bout à l'autre du pays. Je crois que l'appui que nous accordons à des initiatives qui concernent toutes sortes de pays reflète cette situation. Il faut reconnaître que le Canada a un rôle à jouer dans ce domaine et que nous devons en tenir compte. C'est ce qui explique d'ailleurs, je crois, l'appui que nous recevons pour ce genre d'initiative. Je dirais que le genre de société que nous avons nous oblige à agir de cette façon et nous ne respecterions pas la volonté de nos électeurs si nous agissions différemment.

+-

    Le président: Merci.

    Êtes-vous prêt, monsieur Casey? C'est votre tour.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC): Merci.

    Je suis arrivé un peu en retard, mais je n'ai pas entendu prononcer le mot Zimbabwe. Va-t-on en parler au Sommet du G-8? Quelle est la position que le G-8 adoptera ou que le Canada recommandera au G-8 d'adopter pour ce qui est d'une action politique, d'une intervention, de la gouvernance ou de la démocratie au Zimbabwe?

+-

    M. Bill Graham: Je ne sais pas. Dans ce genre de réunion, les participants peuvent parler de n'importe quel sujet. Il est donc tout à fait possible que l'on parle du Zimbabwe, monsieur Casey. Je dirais néanmoins que le Zimbabwe représente un aspect important des discussions que nous aurons à Kananaskis par rapport à un sujet dont nous avons parlé un peu avant votre arrivée. L'objectif principal de l'initiative lancée par le premier ministre est d'inscrire l'Afrique à l'ordre du jour, de travailler avec le NPDA, d'essayer de créer une nouvelle culture politique en Afrique qui nous permettra d'augmenter l'aide, mais une aide assortie de bonne gouvernance, de programmes sociaux, une aide qui profitera à l'éducation, et directement à la population. Cette nouvelle initiative n'est pas spécialement destinée au Zimbabwe mais elle vise à répondre au genre de situation qu'on a constaté au cours des élections au Zimbabwe et des problèmes que cela crée. C'est pourquoi je suis convaincu que ce que nous faisons ici à l'échelle du continent va toucher en fait le Zimbabwe.

    Ce qui me plaît dans ce processus, et je le disais il y a un instant, c'est que les pays qui demandent de l'aide, que ce soit dans le cadre du NPDA, ou à travers le G-7 ou le G-8, ont accepté le processus choisi. Ces pays souhaitent devenir des partenaires de cette initiative. Ils ont reconnu qu'ils devaient nettoyer devant leur porte mais ils ne veulent pas qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire, ni recevoir des ordres reflétant une attitude néocolonialiste. Ils veulent être nos partenaires et choisir avec nous une façon de travailler sur ces questions, parce qu'ils reconnaissent qu'ils doivent s'améliorer sur le plan de la gouvernance, sur le plan de l'éducation des jeunes femmes, sur le plan du sida, parce que sans cela, ils ne survivront pas. Nous sommes donc prêts à travailler avec les pays africains qui ont adopté ce genre d'attitude et c'est ce que nous allons faire et, lorsque les autres pays verront les résultats obtenus grâce à ces nouveaux programmes, ils seront amenés à modifier leurs politiques pour pouvoir y participer. C'est là un des aspects positifs de ce que nous essayons d'obtenir avec cette nouvelle initiative.

À  +-(1015)  

+-

    M. Bill Casey: Vous avez choisi une approche globale. Seriez-vous prêt à aborder certains événements récents qui touchent certains pays où la situation est particulièrement choquante? Vous dites que les participants choisissent les sujets qu'ils désirent aborder. Le Canada ne pourrait-il pas soulever la question du Zimbabwe et parler de la possibilité d'une intervention ou de mesures qui pourraient renforcer la démocratie, comme nous le faisons pour d'autres régions du monde?

+-

    M. Bill Graham: Je vous invite à en parler dans le rapport du comité pour que le premier ministre puisse prendre connaissance de vos suggestions. Un des aspects intéressants de cette réunion du G-8 est que cinq dirigeants africains vont y assister, comme vous le savez, en plus de M. Kofi Annan. Je suis certain que l'on parlera de la question du Zimbabwe, parce qu'elle a fait récemment les manchettes et, comme je l'ai dit il y a un instant, je suis encouragé par les mesures prises par les pays du Commonwealth. Deux hommes d'État africains, M. Obasanjo et M. Mbeki, ont accepté que le Commonwealth prenne des sanctions contre le Zimbabwe à cause de la façon dont se sont déroulées les élections. Cela a beaucoup surpris les cyniques. C'est un signe très encourageant et lorsque des dirigeants africains participeront au processus du sommet et parleront du NPDA, je suis certain que l'on fournira des exemples de ce genre de problème, comme l'insécurité dans la région des Grands Lacs. Il est impossible de parler de développement dans cette région tant que le conflit perdurera, en particulier un conflit qui est alimenté par des forces extérieures. Les dirigeants africains vont devoir faire quelque chose dans ce domaine s'ils veulent améliorer les infrastructures de cette région.

+-

    M. Bill Casey: Je m'intéresse particulièrement au Zimbabwe parce que je m'en suis occupé il y a quelque temps. Un certain nombre de députés ont été jumelés avec des membres de l'opposition au Zimbabwe. J'ai été en communication avec mon homologue avant, pendant et après les élections et je lui ai demandé ce que le Canada pouvait faire. Il a dit qu'il était très important que le Canada exerce des pressions sur les autres pays africains pour qu'ils encouragent la démocratie. Il faut que cela vienne des autres pays africains, mais un pays comme le Canada peut influencer les autres pays et il nous a expressément demandé de le faire. Après notre discussion, je vous ai envoyé un mot pour voir si le Canada ne pourrait pas exercer certaines pressions sur les pays de la région pour qu'ils demandent à M. Mugabe de réexaminer certaines positions qu'il a adoptées, voire même procéder à de nouvelles élections.

    Pourrait-on inclure cela dans le programme du G-8, à savoir essayer d'influencer tous les pays pour qu'ils travaillent en ce sens? C'est ce dont vous parliez il y a un instant, mais cela s'applique directement au Zimbabwe.

+-

    M. Bill Graham: Comme je le dis, c'est un aspect extrêmement utile du système des comités. Vous allez débattre de ces questions, d'autres membres du comité seront peut-être d'accord avec vous et si vous faites une recommandation en ce sens, je sais que le premier ministre l'examinera.

    Dans une certaine mesure, nous faisons ce que vous suggérez. Pour revenir à la réunion des pays du Commonwealth, je pense qu'elle a donné d'excellents résultats. Deux dirigeants africains, ainsi que le premier ministre australien dans ce cas-ci, ont porté un jugement sur les élections au Zimbabwe, sur leur déroulement, et comme vous le dites, c'est ce qui a rendu ce jugement si efficace. Des Africains ont parlé aux Africains. Si cela avait été uniquement le Canada, si vous voulez, je ne pense pas que cela aurait eu le même effet.

    Nous essayons d'agir de la même façon au sein de la Francophonie. À l'heure actuelle, la Francophonie n'est pas simplement une organisation culturelle chargée de défendre la langue française mais plutôt une organisation qui protège, sous la direction du secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, les droits de la personne. Un des aspects positifs du Commonwealth et de la Francophonie est que les dirigeants africains en font partie. Ils participent aux réunions. Ils sont amenés à rencontrer personnellement leurs homologues et à gagner leur respect. Voilà comment nous agissons dans ce domaine en utilisant les diverses organisations internationales.

+-

    M. Bill Casey: Le député avec lequel je parle régulièrement m'a dit qu'il avait félicité les deux pays africains qui les avaient appuyés mais il en faudrait d'autres.

+-

    M. Bill Graham: Je tiens à vous mentionner en passant, chers collègues, que nous avons une réunion la semaine prochaine, je crois, avec les présidents de comité et toutes les personnes qui s'occupent des associations parlementaires. L'intervention que vous venez de faire est le fruit de ce que l'on peut appeler la diplomatie parlementaire. En renforçant nos liens avec nos homologues des autres pays, pour travailler avec eux, pour parler avec eux, pour assister aux réunions de l'OSCE et pour mettre en oeuvre les initiatives africaines que la présidente a lancées avec les parlementaires africains, nous aurons non seulement d'excellents contacts avec ces pays mais nous pourrons également les influencer. Je ne voudrais pas minimiser l'influence que peuvent avoir tous ceux qui travaillent avec les Africains sur ces questions. Comme je l'ai dit, le projet de M. Williams et les choses de ce genre sont très importants.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Casey. Merci, monsieur le ministre.

    Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.): Merci pour votre exposé, monsieur le ministre. J'ai été frappée par le fait qu'au cours des dernières semaines, vous avez parlé de la question du Proche-Orient avec vos homologues du G-8, ainsi qu'avec les ministres des Affaires étrangères de l'Égypte, de la Jordanie, de l'Arabie saoudite, avec M. Peres d'Israël et M. Shaath, qui est l'équivalent du ministre des Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne. Vous avez également mentionné que le G-8 travaillait en étroite collaboration avec le comité contre-terrorisme des Nations Unies. Compte tenu de la situation au Proche-Orient et du fait que M. Annan a récemment annoncé la création d'un comité tripartite chargé d'établir les faits survenus à Jenin et ailleurs dans les territoires relevant de l'autorité palestinienne et les actions de l'armée israélienne, est-ce que les ministres des Affaires étrangères du G-8 ont parlé du fait qu'Israël accepte la création d'une mission impartiale d'établissement des faits mais demande qu'elle soit composée de spécialistes militaires et de la lutte contre le terrorisme? Est-ce que cet aspect a été abordé au cours de vos discussions avec les ministres des Affaires étrangères du G8? Dans le cas contraire, pourquoi?

    Ma deuxième question porte sur la situation de l'Église de la Nativité et sur le fait que ce sont des Palestiniens qui ont demandé asile dans cette église. Les églises et les autres lieux de culte sont traditionnellement considérés comme des lieux d'asile, mais pour des personnes non armées. Il semble établi qu'il se trouve près de 200 Palestiniens armés dans cette église, et ce, depuis le 2 avril. Avez-vous abordé la question de ces individus armés, et du fait qu'ils ont conservé leurs armes alors qu'ils se trouvent dans le sanctuaire de l'église?

    Mes derniers commentaires portent sur le NPDA. Je suis très heureuse que les pays africains aient pris cette initiative. C'est un programme qui paraît très prometteur pour l'avenir du continent africain. Il y a néanmoins certains aspects qui m'inquiètent. Un des aspects qui m'inquiète est que le NPDA a été conçu par les dirigeants et que les populations n'ont pas participé à la création du NPDA, et jusqu'à tout récemment, n'en connaissaient même pas l'existence. J'aimerais donc savoir ce qu'a fait le Canada pour veiller à ce que les populations connaissent le NPDA et comprennent ce que cette initiative pourrait leur apporter.

    Deuxièmement, sur la même question, a-t-on parlé du fait qu'il existe certains pays africains qui ont peut-être signé le NPDA, ou qui, s'ils ne l'ont pas fait, souhaiteraient en retirer certains avantages, mais qui pratiquent l'esclavage à l'intérieur de leurs frontières? Si ces gouvernements ne pratiquent pas eux-mêmes l'esclavage, ils ne protègent pas leur population contre l'esclavage qui est pratiqué sur leur territoire. A-t-on abordé au cours de cette discussion le problème que pose ce genre de gouvernements, de façon à ce qu'ils ne puissent participer à cette initiative tant que des problèmes aussi fondamentaux que celui que je viens de mentionner n'auront pas été réglés de façon satisfaisante?

À  +-(1025)  

+-

    La présidente: Monsieur le ministre, vous avez environ une minute et demie pour répondre à ces questions très simples.

+-

    M. Bill Graham: Pour ce qui est de savoir si j'ai personnellement parlé de ces deux questions avez mes homologues, je vous dirais que non, à cause du manque de temps. Bien sûr, je ne suis pas le seul à avoir ce genre de discussions, il y a les fonctionnaires du ministère et ils sont en contact avec toutes ces personnes. M. Wright m'informe, par exemple, qu'ils ont parlé avec les membres du G-8 de toute la question du Proche-Orient et de ce que nous pouvions faire. La question de l'Église de la Nativité et la mission d'établissement des faits est reliée dans une certaine mesure à la résolution du Conseil de sécurité ordonnant à Israël de se retirer des territoires occupés et ordonnant aux Palestiniens de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à tous les actes de terrorisme. Nous parlons donc de ces sujets. Je crois qu'en particulier la question de l'Église de la Nativité est étroitement reliée à tout ceci parce qu'Israël a indiqué qu'il ne retirerait pas son armée tant que cette situation ne serait pas résolue. Nous voulons donc tous que cette situation soit résolue rapidement. Comme vous l'avez signalé, le droit d'asile appartient aux personnes qui ne portent pas d'armes, et non pas à des personnes qui utilisent l'église parce que ses murs sont épais et arrêtent les balles. Ce n'est pas ce que veut dire le droit d'asile.

    Pour ce qui est de la mission d'établissement des faits qui serait envoyée dans les territoires palestiniens, j'y suis très favorable parce que je pense, et la plupart d'entre nous le pensent également, que l'on a fait toutes sortes d'affirmations à ce sujet et qu'il est très important de confier cette tâche à un organisme neutre. Je pense que la façon dont M. Annan collabore avec Israël et veille à ce que cette commission ait pleinement accès aux éléments dont elle a besoin et travaille en collaboration avec le gouvernement israélien est excellente. Je pense que cela va donner des résultats. Je suis convaincu que la commission va pouvoir commencer à travailler d'ici la fin de semaine. Je peux comprendre pourquoi les Israéliens souhaitent qu'elle soit composée de personnes ayant une formation militaire, parce que, lorsque l'on détruit quelque chose, il faut se demander si cela était raisonnable dans les circonstances. Il faut donc des personnes qui comprennent ce genre de situation, de façon à en tenir compte. Je suis convaincu que M. Annan réussira à s'entendre avec le gouvernement israélien sur la composition de cette commission et que la communauté internationale va enfin savoir ce qui s'est passé. Il me paraît très important que nous le sachions.

    J'ai trouvé intéressant que vous ayez dit que le NPDA venait d'en haut. Nous pensions que, d'une certaine façon, il venait davantage des populations parce qu'il vient des Africains et que la notion de dirigeant et de population a beaucoup changé. Je reconnais avec vous que, pour que cette initiative réussisse, il ne suffira pas qu'un dirigeant affirme vouloir faire quelque chose, il faut une base culturelle plus large. C'est peut-être une des choses que nous allons essayer d'obtenir en insistant sur la gouvernance avec les pays africains, de façon à modifier le climat et à travailler plus directement avec les populations, en les invitant à prendre des décisions et à en assumer la responsabilité. Les personnes qui vivent dans les sociétés démocratiques savent que les choix politiques comportent des conséquences. Une des retombées de cette initiative sera, je l'espère, d'amener les populations à participer davantage aux activités démocratiques dans leur pays, en particulier en instruisant les jeunes femmes qui ont été écartées de ces aspects de la vie sociale. Ce sont des défis considérables mais cela représente, je crois, un début encourageant.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre. Merci, madame Jennings.

    Monsieur le ministre, j'aimerais avoir une précision. Vous avez dit que nous avions ratifié le 3 avril la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. Quelque temps auparavant, à un moment où M. Wright était ici je crois, nous avons parlé d'une nouvelle convention générale des Nations Unies contre le terrorisme. Je me demandais quel était le statut de cette convention et si nous en étions arrivés à une définition générale du terrorisme.

+-

    M. Bill Graham: Je vais laisser M. Wright répondre à cette question parce qu'il a directement participé à ces discussions; vous avez néanmoins signalé une difficulté rencontrée au cours de ces négociations. Pour avoir une convention générale, il faut arriver à définir ce qu'est un terroriste, que ce soit une définition objective ou une définition subjective par rapport à un conflit donné, et c'est là une des difficultés.

+-

    M. James R. Wright (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Madame la présidente, le Canada a signé et ratifié les 12 conventions des Nations Unies sur le terrorisme. Nous sommes peut-être le seul pays membre du G-8 qui l'ait fait. Nous travaillons très fort au sein de la communauté des Nations Unies, par l'intermédiaire du comité contre-terrorisme, par l'intermédiaire des initiatives de renforcement des capacités que nous examinons dans le contexte de la réunion du G-8, une question que le ministre abordera à Whistler, dans le but d'encourager les autres pays à signer et à mettre en oeuvre les 12 conventions des Nations Unies concernant le terrorisme.

    Pour ce qui est de la convention générale, madame la présidente, nous travaillons au sein des Nations Unies pour essayer de faire avancer les choses. Il n'existe pas encore d'accord à ce sujet. La plus grosse difficulté que pose cette convention générale est l'incapacité de la communauté internationale à définir ce qu'est un terroriste. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour encourager les autres pays à essayer de régler cette question de façon constructive mais nous sommes obligés de constater qu'il existe de fortes divergences d'opinions au sein de la communauté internationale à ce sujet et que c'est un des aspects qui empêche tout progrès sur la convention générale. Il me paraît irréaliste d'espérer à court terme voir débloquer cette question aux Nations Unies. Nous continuons néanmoins à essayer de faire avancer les choses, madame la présidente.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Et merci, monsieur le ministre, de nous avoir consacré votre temps. Nous savons que nous pouvons vous demander de revenir n'importe quand pour nous aider dans nos travaux.

+-

    M. Bill Graham: N'importe quand? J'aime beaucoup votre comité, mais...

+-

    Le président: Pas autant que cela.

+-

    M. Bill Graham: Je préférerais rester ici, mais je dois assister à une réunion du conseil des ministres. Merci beaucoup, chers collègues. Je serai heureux de revenir devant votre comité. Je crois savoir que je reviendrai très bientôt pour le budget.

+-

    Le président: C'est exact.

+-

    M. Bill Graham: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Nous allons suspendre la séance quelques minutes.

À  +-(1034)  


À  +-(1041)  

+-

    Le président: Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous passons à l'étude de la politique de non-prolifération nucléaire, de contrôle des armes et de désarmement du Canada.

    Je souhaite la bienvenue à M. l'ambassadeur Chris Westdal, ainsi qu'au directeur adjoint de la Direction de la non-prolifération et du contrôle des armements et du désarmement, M. Proudfoot, ainsi qu'à Mme Holland, qui fait partie de la même direction.

    Je ne sais pas si mes collègues se rappellent que nous avons publié en 1998 une étude intitulée «Le Canada et le défi nucléaire: réduire l'importance politique de l'arme nucléaire au XXIe siècle». Une des recommandations figurant à la page 13 du document, la recommandation no 2, indiquait clairement que nous devions rencontrer chaque année l'ambassadeur du Canada aux Nations Unies pour le désarmement. Cette invitation à venir nous rencontrer fait partie de notre mandat, monsieur l'ambassadeur.

    Je vous invite à présenter vos observations et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité. Bienvenue. Nous sommes toujours très heureux de vous voir.

+-

    M. Chris Westdal (ambassadeur du Canada aux Nations Unies pour le désarmement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs les députés.

    Comme vous l'avez mentionné, j'ai le devoir, conformément au rapport de votre comité—permettez-moi de prendre un instant pour vous dire que ce rapport m'a été extrêmement utile ainsi qu'à mes collaborateurs depuis sa publication—mais également l'honneur de comparaître devant vous. C'est maintenant la troisième fois que je le fais. Mes observations vont être plus brèves qu'elles ne l'ont été l'année dernière, ce qui nous laissera davantage de temps pour avoir une discussion et pour vous permettre de poser des questions auxquelles j'essaierai de répondre.

[Français]

    Je parlerai en anglais, ma langue maternelle, afin de m'exprimer clairement, mais, bien sûr, je comprends le français et nous pourrons parler dans cette langue également.

À  +-(1045)  

[Traduction]

    Je vais résumer l'effet qu'a eu le 11 septembre sur notre travail. Je vais passer en revue les répercussions du retrait américain du traité concernant la limitation des systèmes antimissiles balistiques. Je vais également brièvement mentionner le blocage de la conférence sur le désarmement à Genève et son effet sur notre espoir d'empêcher une course aux armements, dans l'espace, en particulier. Enfin, je vous présenterai un bref rapport sur la première session, à laquelle j'ai assisté à New York et qui s'est terminée la semaine dernière, du comité préparatoire à la conférence de révision du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui doit se tenir en 2005. J'espère faire tout cela, madame la présidente, en une quinzaine de minutes, en utilisant des termes simples et en évitant le plus possible les acronymes qui pullulent dans ce domaine.

    La dernière fois que j'ai comparu devant vous remonte à un an, presque jour pour jour, c'était le 8 mai 2001, et l'année qui s'est écoulée depuis a été fort occupée. Évidemment, les événements du 11 septembre ont créé un nouveau contexte pour le système mondial de non-prolifération, de contrôle des armes et de désarmement. Les attentats commis contre les deux tours et le Pentagone ont certainement renforcé notre volonté d'en arriver au désarmement nucléaire. Les explosions qu'a connues New York représentent moins d'une kilotonne, soit la puissance dégagée par l'explosion de 1 000 tonnes de TNT. Il faut replacer ce chiffre dans son contexte, tout comme cette catastrophe, en la comparant à une attaque nucléaire.

    Les bombes atomiques qui ont anéanti Nagasaki et Hiroshima représentaient l'équivalent d'environ 12 à 15 000 tonnes de TNT, contre moins de mille tonnes pour New York. Les bombes à hydrogène, les bombes thermonucléaires sont des bombes mégatonnes, qui représentent des millions de tonnes de TNT. On passe donc de 500 tonnes à 12 ou 15 000 tonnes, puissance qui donne l'image la plus courante de ce que peut faire une bombe nucléaire, pour arriver à une bombe mégatonnique dont la plus grosse qui ait jamais explosé était de 52 mégatonnes, soit l'équivalent de 52 millions de tonnes de TNT. Il me paraît important de garder à l'esprit ces aspects effrayants des armes nucléaires. Les victimes ne se compteraient pas par milliers mais par millions. Nous ne parlerions pas de la chute de quelques tours à Manhattan mais de la destruction de toute cette île. Voilà le genre de puissance qu'ont les armes nucléaires.

    Il est évident que cette explosion—qui n'était pas d'ailleurs accompagnée de retombées radioactives—nous a fait réfléchir sur ce que voudrait dire l'utilisation d'armes nucléaires. Ces attentats ont également fait ressortir l'urgence de contrôler les matières fissiles, qui sont l'uranium ou du plutonium enrichis de façon à être utilisables à des fins militaires, et d'autres composants des armes de destruction de masse.

    Dans ce contexte, je devrais mentionner qu'étant donné que nous assumons la présidence du G-8 cette année, nous avons élaboré des mesures destinées à contrôler les matières fissiles, en particulier le programme d'élimination du plutonium dont vous avez entendu parler, qui prévoit l'utilisation de plutonium et d'uranium enrichi venant des ogives nucléaires russes et soviétiques.

    Ces événements ont également renforcé la tendance qui existait déjà au sein de l'administration américaine de privilégier la flexibilité et d'éviter ce qu'elle appelle les contraintes du multilatéralisme. Le Canada comprend les préoccupations manifestées par le gouvernement américain au sujet de la capacité de vérifier le respect des traités multilatéraux et d'en assurer l'application. On pourrait peut-être qualifier notre approche de multilatéralisme renforcé. Nous savons que dans notre monde actuel, avec ces institutions mondiales et tout ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire, le multilatéralisme est nécessaire et essentiel mais pas suffisant. C'est pourquoi nous souhaitons aller au-delà du multilatéralisme. Je m'explique; nous avons le traité contre la prolifération des armes nucléaires et en plus, il y a l'AEIA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, ainsi que d'autres garanties. Il y a le comité Zangger, qui est chargé de définir les matières visées par les articles 1 et 2 du traité de non-prolifération qui réglemente le transfert. Il y a les groupes de fournisseurs de matières nucléaires. Parallèlement, outre la convention sur les armes chimiques et la convention sur les armes biologiques et à toxines, il y a des contrôles sur l'exportation dans des groupes comme le groupe de l'Australie. Nous avons renforcé notre loi nationale de mise en oeuvre, avec le projet de loi C-45, qui a été présenté à la Chambre; cette mesure renforcerait la mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques et à toxines—et ainsi de suite: un multilatéralisme renforcé.

    La décision que l'on considère comme étant peut-être le meilleur exemple d'unilatéralisme de la part des États-Unis a été l'annonce en décembre du retrait des États-Unis, qui prendra effet au mois de juin, du traité bilatéral concernant la limitation des systèmes antimissiles balistiques. L'année dernière, j'ai déclaré devant le comité qu'il ne fallait pas trop exagérer l'importance du traité ABM, qu'il avait eu l'effet contraire de celui qui était recherché et qu'il serait sans doute même dangereux de surévaluer l'importance actuelle de ce traité. Il va disparaître au mois de juin si le retrait des États-Unis s'effectue comme prévu, mais c'était un traité qui assurait la vulnérabilité des parties, et qui était une composante essentielle d'un système de destruction mutuelle par les armes nucléaires. C'est pourquoi il était dès le départ contraire à l'idée de désarmement nucléaire. Néanmoins, l'annonce par les États-Unis de son retrait de ce traité a troublé la communauté internationale, y compris le Canada, à cause des répercussions possibles sur les accords multilatéraux.

À  +-(1050)  

    Je répète qu'il s'agissait là d'un traité bilatéral et non pas multilatéral mais le traité ABM avait introduit une stabilité et une certaine confiance dans les relations stratégiques entre les États-Unis et la Russie pendant les années de la guerre froide et on a craint une nouvelle course aux armements. On a craint que le retrait américain amène les Russes à «remirver» leurs missiles, de façon à contrer les moyens de défense prévus en utilisant la méthode traditionnelle qui consiste à renforcer les armes offensives. En fait, les relations entre les États-Unis et les Russes—ce qui était déjà vrai avant le 9/11 et l'est encore davantage depuis—sont remarquablement amicales, ce qui est étonnant compte tenu des antécédents; elles sont meilleures qu'elles ne l'ont jamais été depuis la Seconde Guerre mondiale. Les deux pays ont annoncé leur intention de réduire la taille de leurs arsenaux, de leurs arsenaux stratégiques en particulier, et de réduire le statut opérationnel des autres missiles faisant partie de leurs arsenaux, en les entreposant progressivement. Ils ont également annoncé—je ne sais pas si cela s'explique par nos pressions mais cela va certainement dans le sens des demandes que nous et d'autres leur avons faites—que ces réductions seraient codifiées. Elles ne prendraient peut-être pas la forme d'un traité mais celle d'un instrument juridique contraignant; elles pourraient faire l'objet de vérifications en utilisant les techniques qui ont été élaborées pour la négociation des START I et START II.

    Le Canada a invité la Russie et les États-Unis à élaborer un nouveau cadre stratégique susceptible d'offrir la confiance, la prévisibilité et la stabilité qu'apportait le traité ABM dans un contexte différent, celui de la guerre froide. Nous voulons que ce nouveau cadre stratégique soit juridiquement contraignant, nous voulons qu'il soit transparent, que les mesures prises ne puissent être rapportées—certaines peuvent l'être et d'autres pas—et nous voulons que les mesures prises puissent faire l'objet de vérification.

    Je vais maintenant aborder d'autres dimensions d'une année bien occupée pour dire que l'année dernière a été particulièrement difficile pour la convention sur les armes biologiques et à toxines. Les négociations sur le protocole de cette convention ont achoppé en juillet dernier. La conférence de révision quinquennale de cette convention qui a débuté en novembre dernier a été suspendue parce que les États-Unis ont proposé une formulation qui n'était manifestement pas susceptible de déboucher sur un consensus. Cette session reprendra en novembre prochain, mais nous ne savons pas très bien ce qu'il va advenir. Cette convention interdit toute une catégorie d'armes qui, selon son préambule, «répugne à la conscience de l'humanité» mais elle ne contient aucune mesure concrète, ni aucun outil permettant de vérifier l'application de cette convention.

    Nous avons toutefois fait quelques progrès sur un autre front, celui des armes légères. Il y a eu en juillet dernier une conférence des Nations Unies qui a débouché sur un plan d'action particulièrement impressionnant. Nous essayons maintenant d'en favoriser la mise en oeuvre en mettant en place des mesures de contrôle d'exportation renforcées visant les armes légères, en ayant recours au marquage et au traçage de ces armes ou à leur collecte et à leur destruction dans les zones de conflit.

    Nous assumons la présidence depuis septembre dernier dans un autre domaine, celui du régime de contrôle de la technologie des missiles, où ont démarré des négociations sur le premier instrument concernant le comportement à l'égard des missiles, le Code international de conduite, qui comprend des mesures assurant la transparence et le renforcement de la confiance, comme par exemple, l'avis de lancement d'un missile.

    Vous vous souvenez que le ministre des Affaires étrangères de l'époque, M. John Manley, dirigeait le comité et la délégation qui ont assisté à la conférence d'entrée en vigueur du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le CTBT. Quarante-sept ministres des Affaires étrangères ont réaffirmé à cette conférence leur détermination de voir ce traité entrer en vigueur et de préserver le moratoire actuel en matière d'essais nucléaires en attendant cette entrée en vigueur. Vous savez que l'administration Bush a annoncé qu'elle ne présenterait pas le CTBT au Sénat pour ratification mais elle a réaffirmé sa volonté de respecter le moratoire sur les essais nucléaires. Nous pensons que cette décision américaine va donner le ton. Nous ne pensons pas que d'autres parties soient prêtes à encourir les coûts politiques qu'entraînerait une reprise de ces essais. Nous voulons préserver ce moratoire. Il nous paraît d'une importance critique. Nous voulons que tous les pays sachent que la décision d'effectuer des essais aurait de très graves répercussions et le rôle des États-Unis dans ce domaine est essentiel.

À  +-(1055)  

    Nous ne sommes toujours pas sortis de l’impasse de la conférence sur le désarmement à Genève. J’en ai d’ailleurs parlé au comité, l’année dernière. La situation est frustrante, parce que tout le monde reconnaît que nous devrions commencer à négocier le Traité sur l’interdiction de la production de matière fissile, le TIPMF. Comme son nom l’indique, ce traité est destiné à interdire la production de matière fissile ou d’autres matières explosives. Il a été convenu, mais rien n’est garanti, que le Canada présiderait les négociations sur le TIPMF au nom du groupe occidental. Lors de l’Assemblée générale de l’automne dernier, nous avons piloté l’adoption d’une résolution demandant la tenue de ces négociations, mais notre démarche a échoué parce que certains pays font un lien entre le TIPMF et d’autres questions.

    Pour vous parler un peu du TIPMF en des termes compréhensibles—il faut dire que ce domaine est bourré d’acronymes, mais nous pouvons simplifier tout cela—je dirais que, grâce à ce nouveau traité ainsi qu’au TNP et au CTBT, nous commencerions par bloquer la prolifération des armes nucléaires avant de mettre un terme aux essais d’armes nucléaires, puis d’arrêter la production de matière servant à fabriquer l’arme nucléaire. Plus simplement, disons qu’il s’agit-là d’une série d’étapes nécessaires sur la voie du désarmement nucléaire.

    Si la CD adoptait la proposition de programme de travail combiné—baptisée proposition Amorim du nom de mon homologue brésilien à la CD—elle s’intéresserait aussi à la question des assurances négatives. En vertu de ces assurances, les États possédant l’arme nucléaire, les EDAN, s’engageraient à ne pas l’utiliser et donc à ne pas menacer de l’utiliser contre d’autres États à moins que ces derniers n’aient, eux-mêmes, menacé d’employer l’arme nucléaire contre les pays en question. Une partie de ce programme de travail exigerait qu’on examine les fondements juridiques des assurances négatives. Il serait également question de désarmement nucléaire et de prévention de la course aux armements dans l’espace.

    Comme l’a déclaré Bill Graham, notre ministre des Affaires étrangère, devant la Conférence sur le désarmement le mois dernier, nous accordons une grande priorité à la prévention de l’arsenalisation de l’espace, phénomène qu’il faut distinguer de la militarisation qui a déjà eu lieu. À ce sujet, nous avons déposé des documents de travail devant la CD et nous continuerons de recourir à cette tribune, à moins que nous ne nous tournions vers d’autres organisations si celle-ci n’était pas efficace, pour parvenir à interdire l’arsenalisation de l’espace. Nous avons l’intention d’organiser un séminaire sur ce sujet à Genève, l’automne prochain. Je me dois de préciser au passage que, pour le Canada et d’autres pays, tout cela ne se limite pas à une question de sécurité mais que c’est aussi une question économique. Notre pays a d’énormes intérêts dans les satellites, surtout quand on songe aux caractéristiques géographiques de notre pays, de même qu’aux autres technologies spatiales, autant d’aspects que nous ne voudrions pas voir menacés.

    Selon moi, ce sont les arguments en faveur de la création d’un sanctuaire spatial, d’où les armes seront exclues, qui finiront par l’emporter sur tous les autres. Cependnat, il nous faudra être clairs sur les intérêts de sécurité susceptibles d’être servis ou au contraire compromis par une telle interdiction de l’arsenalisation de l’espace, de même que sur les répercussions économiques croissantes que représente, pour le monde entier, notre dépendance accrue à l’égard des satellites.

Á  +-(1100)  

+-

    La présidente: Vous venez de me voler ma théorie, monsieur l’ambassadeur.

+-

    M. Chris Westdal: Veuillez m’en excuser.

    La notion de sanctuaire a, bien sûr, une certaine résonance politique, mais je ne crois pas que cela suffise à convaincre les analystes de sécurité qui ne font pas de sentiment et qui sont en poste dans les organisations qui ont du poids.

    Pour terminer, madame la présidente, laissez-moi vous dire quelques mots sur le TNP. Comme je vous le disais, je rentre juste de New York où j’ai assisté à la première réunion du comité préparatoire. Il s’agissait donc de la première d’une série de trois réunions devant déboucher sur la Conférence d’examen de 2005. Je pense que nous sommes partis du bon pied. L’ambiance qui a régné lors de cette première rencontre était étonnamment constructive. Toutes les parties signataires du TNP, les EDAN et les autres—soit dit en passant, tout le monde se retrouve dans ces deux groupes à l’exception de Cuba, de l’Inde, d’Israël et du Pakistan—considèrent que ce traité est fondamental à la non prolifération de l’arme nucléaire dans le monde, à la poursuite du désarmement nucléaire et à leur sécurité. Pour l’essentiel, la discussion a été profitable et ouverte, malgré les craintes qu’on avait eues. On a craint, pendant longtemps, que le traité ne soit pas universel et que certains pays ne se conforment pas à ses dispositions, surtout l’Irak et la Corée du Nord.

    Comme on pouvait s’y attendre, les États-Unis ont réitéré leur ferme opposition au traité ABM et leur intention de s’en retirer, de même que leur réticence à soumettre le CTB à la ratification du Sénat, remettant dès lors en question leur appui au plan d’action sur le désarmement à propos duquel le Canada a joué un rôle actif lors de son adoption à l’occasion de la Conférence d’examen du TNP en 2000. Quoi qu’il en soit, nous avons accompli de véritables progrès et il est édifiant de voir que les réunions sur le TNP ont, jusqu’ici, permis de tirer le meilleur des EDAN. Ainsi, les cinq EDAN ont réitéré leurs assurances négatives. Rappelons que ces pays ont joué un rôle important dans les négociations de 1995 quand le TNP a été étendu pour une durée indéfinie, et qu’ils ont pris part à la résolution du Conseil de sécurité adoptée à la veille de la prolongation indéfinie de ce traité.

    Le comité préparatoire est passé à deux doigts de disparaître à cause d’un désaccord sur l’ampleur des mesures prises lors de la dernière conférence d’examen, en 2000, et du sens à donner à ces mesures. Il est évident que cela était dû à un problème de procédure, soit le temps attribué et les sujets sur lesquels il fallait se concentrer pendant nos réunions. La présidence suédoise nous a demandé de jouer les médiateurs pour parvenir à un compromis, surtout avec les États-Unis mais aussi avec d’autres EDAN, principalement l’Égypte, et avec des États non dotés d’armes nucléaires, les ENDAN, en majorité situés dans cette région. Nous avons travaillé d’arrache-pied pendant trois jours et trois nuits et nous sommes parvenus à éviter le déraillement.

    Le rôle que le Canada a joué à l’invitation de la présidence suédoise—comme celui que nous avait confié la présidence algérienne en 2000 et qui avait consisté à arbitrer un différend entre certaines parties—en dit long sur notre capacité et montre bien que notre point de vue est respecté, non pas parce qu’il est neutre—notre position étant bien connue—mais parce que nous n’en demeurons pas moins objectifs, indépendants et dignes de confiance. Voilà, je crois, des qualités et des perceptions valables que nous devrions entretenir. Tout cela contredit certaines idées voulant que nous nous contentons de faire écho aux points de vue et aux positions d’autres États, surtout de notre puissant voisin.

Á  +-(1105)  

    Lors de cette rencontre, le Canada s’était fixé pour priorité de concrétiser le principe de la reddition de comptes, de faire en sorte que celui-ci soit appliqué par tous les membres signataires du TNP, essentiellement pour donner plus de transparence aux mesures prises par ces pays dans la mise en œuvre du traité en question. Pour cela, nous avons décidé d’élaborer les critères de reddition de comptes énoncés à l’étape 12 du plan d’action du TNP. Tout cela semble fort monotone et ennuyeux, mais ça ne l’est pas. Vous savez fort bien que la reddition de comptes passe nécessairement par la transparence des comptes rendus. C’est d’ailleurs un Canadien, spécialisé dans le domaine des droits de la personne, John Holmes, qui a dit un jour que la honte organisée est le plus vieux moteur du progrès humain. Autrement dit, c’est l’écart dénoncé entre ce qui a été promis et ce qui a été accompli qui constitue le plus vieux moteur de progrès qui soit, moteur qui est au cœur même des mécanismes de reddition de comptes. Nous avons donc beaucoup insisté pour que les rapports déposés soient authentiques et qu’ils n’aboutissent pas sur les tablettes des archives de l’ONU, mais qu’ils soient lus, examinés, passés à la loupe et largement diffusés. Nous estimons que les pays signataires du TNP ont un important rôle à jouer à cet égard, mais il faut que la société civile aussi intervienne pour que les exigences relatives aux comptes rendus contribuent au respect de la reddition de comptes.

    Par ailleurs, nous avons beaucoup travaillé pour que les ONG aient un meilleur accès au processus du TNP. Ainsi, deux représentants d’ONG faisaient partie de notre délégation. Nous étions le seul pays a avoir fait cela dans le cas du TNP et nous continuons à chercher des façons, dans cette tribune et ailleurs, d’améliorer la participation de la société civile.

    Je vais terminer, madame la présidente, par un bref résumé des 13 étapes dont j’ai parlé afin de vous rappeler ce qu’est le plan d’action qui a été adopté en 2000.

    La première étape concerne l’entrée en vigueur du traité d’interdiction des essais nucléaires, le CTBT. Je vous ai dit que ce processus était en train de dérailler puisque les États-Unis, qui font partie des 13 pays devant encore ratifier ce texte, ne sont pas disposés à soumettre ce document au Sénat.

    La deuxième étape, directement liée à la première, consiste à maintenir le moratoire sur les essais d’armes nucléaires en attendant que le traité soit pleinement en vigueur. Nous estimons que ce moratoire est crucial et je pense pouvoir dire qu’il serait très regrettable de lire un jour dans les journaux qu’un nouvel essai nucléaire a eu lieu.

    La troisième étape est la négociation du traité sur l’interdiction de la production de matière fissile devant être employée dans les armes nucléaires. Le Canada est étroitement associé ;a cette négociation puisque nous avons présidé le groupe qui s’en est occupé à la fin de 1998. Ce groupe avait été investi du mandat Shannon, du nom d’un de mes prédécesseurs. Le Canada a donc été étroitement associé à cette mesure qui rejoignait l’idée d’enrayer la course aux armes nucléaires, qu’avait eue le Premier ministre Trudeau dans les années 80.

    La quatrième étape porte sur la mise sur pied d’un organisme chargé de «traiter du désarmement nucléaire à la CD». Nous ne sommes jamais parvenus à un accord sur la façon de négocier le désarmement nucléaire au sein de cet organisme, mais nous nous sommes au moins efforcés d’en parler et de traiter de cette question.

    La cinquième étape concerne le caractère irréversible des mesures de contrôle et de réduction de l’arme nucléaire qui, comme leur nom le laisse entendre, seraient très difficiles à renverser. Nous préférons que les têtes nucléaires, les missiles ou les bombardiers soient retirés du service et détruits plutôt que d’être stockés ou stationnés quelque part en bordure d’une piste, ne serait-ce que pour qu’il soit très difficile de renverser ces mesures. Nous préférons que les matières fissiles soient transformées en un produit ne pouvant être utilisé dans les armes nucléaires que de permettre leur maintien dans leur forme actuelle. C’est cela qu’on entend par caractère irréversible des mesures.

    Il a beaucoup été question de la sixième étape dans les journaux. Il s’agit de la détermination univoque des EDAN de parvenir à l’élimination complète de leur arsenal nucléaire en vue d’un désarmement nucléaire complet. Il faut voir dans cette détermination sans précédent l’intention des EDAN de parvenir au désarmement nucléaire. Je dois vous préciser que, dans le TNP, la non prolifération et le désarmement sont deux choses différentes, ce qui est d’ailleurs tout à fait logique. En effet, on ne peut envisager d’enrayer la prolifération des armes nucléaires que si l’on se débarrasse complètement de ces armes. Pour cela, il faut appliquer certaines règles à certains pays et d’autres règles à d’autres pays et cette discrimination inhérente, qui agace un grand nombre d’ENDAN, ne peut être acceptable que dans le contexte global d’un engagement crédible marqué par des progrès véritables dans le sens du désarmement nucléaire. Je ne sais pas ce que cela donnera en termes d’échéances et de mesures spécifiques, mais une chose est sûre, c’est que les pays doivent véritablement s’engager dans ce sens.

Á  +-(1110)  

    La septième étape est celle de l’entrée en vigueur de START II et de la conclusion de START III, tout en maintenant et en renforçant le traité ABM. De toute évidence, cette étape n’a pas été respectée même si, comme je le disais, nous nous réjouissons de voir que tout ce qui entoure le traité ABM semble être codifié, vérifiable et être en partie irréversible et sujet à des techniques de vérification que nous avons élaborées lors des négociations des START I et II.

    La huitième étape concerne l’élimination des matières fissiles excédentaires. Cet aspect fait l’objet d’une entente trilatérale entre la Russie, les États-Unis et l’Agence internationale de l’énergie atomique qui est chargée de veiller à l’application des assurances.

    La neuvième étape était importante. Je vous ai parlé des autres mesures pratiques prises par les EDAN, notamment en ce qui concerne les réductions unilatérales. D’aucuns ont critiqué le récent dispositif nucléaire américain et le fait que certaines mesures annoncées ont été unilatérales, mais il convient de remarquer ici que le plan d’action prévoit et encourage même les réductions unilatérales ainsi qu’une amélioration de la transparence et une réduction du nombre d’armes nucléaires tactiques. La discussion porte en grande partie sur les armes nucléaires stratégiques lourdes, mais il existe des milliers d’armes nucléaires tactiques plus petites qui n’ont pas autant retenu l’attention et qui n’ont pas non plus fait l’objet d’autant de transparence. Comme ces armes tactiques sont tout de même beaucoup plus grosses en moyenne que celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki, il convient de les prendre très au sérieux. Il faut réduire le statut opérationnel des systèmes d’arme nucléaire et, même si certains regrettent, par exemple, que les étapes annoncées prévoient que certaines têtes nucléaires seront entreposées plutôt que d’être détruites ou dénucléarisées, il faut tout de même y voir une importante réduction de leur statut opérationnel. En effet, quand elles sont entreposées quelque part, elles ne risquent pas d’être utilisées de façon intempestive. Il est vrai qu’elles peuvent toujours être retirées des entrepôts pour être installées sur des missiles, mais cela ne se fait pas en dix secondes. Dans le cas de cette étape, l’alerte constitue donc un élément important.

    Le plan d’action, le comité et le Canada militent en faveur d’une limitation du rôle du nucléaire dans les politiques de sécurité, et d’une réduction du profil de ces armes et de leur valeur politique. Tout cela nous ramène au statut que l’arme nucléaire semble conférer aux États, étant donné que tous les membres permanents du Conseil de sécurité sont des EDAN. Des pays comme ceux de l’Asie du Sud et d’autres n’ont pas manqué de remarquer cela, eux qui se préoccupent de la façon dont ils sont perçus par le reste du monde. Nous avons demandé une réduction de la prédominance et de la valeur de l’arme nucléaire sur le plan politique. C’est d’ailleurs le titre du rapport de notre comité.

    La dixième étape consistait à faire en sorte que les matières fissiles excédentaires soient visées par les modalités de vérification de l’AIEA qui veillerait à leur élimination. Tout à l’heure, quand je vous ai parlé du programme d’élimination du plutonium, j’ai fait allusion à l’initiative globale de réduction de la menace et de la Loi Nunn-Lugar qui ont pour objet de mieux contrôler l’élimination des matières fissiles. Dans ce cas, il est question d’éliminer les matières fissiles déclarées excédentaires par rapport aux besoins de sécurité d’un pays. Il faudra d’abord contrôler ces matières, puis prendre les dispositions nécessaires pour les transformer afin qu’elles soient plus utilisables dans des armes.

    Sur l’insistance des EDAN, la onzième étape est une confirmation de l’engagement pris de parvenir à un «désarmement général et complet», disposition qui est toujours apparue dans les traités qui est une façon de neutraliser, en quelque sorte, le concept même de désarmement nucléaire, les armes nucléaires faisant partie de l’armement en général et le désarmement nucléaire ne pouvant intervenir que lorsque le monde se sera complètement débarrassé de tout ce qui est bâton et lance-pierres. Voilà pourquoi il était aussi important d’obtenir un engagement univoque, parce que le désarmement nucléaire échappe maintenant à cette conception chimérique.

Á  +-(1115)  

    L’avant-dernière étape a fait l’objet de rapports réguliers par les membres du TNP relativement à la mise en œuvre de l’article VI, soit l’engagement à pratiquer le désarmement.

    La dernière étape a consisté à raffiner les capacités de vérification nécessaires pour garantir la conformité. Une chose est certaine: les capacités technologiques mises en œuvre pour la vérification ont été considérablement améliorées. Certains moyens actuellement disponibles sont ceux utilisés par l’organisation chargée de l’application du traité d’interdiction complète des armes nucléaires, soit toute la série de détecteurs installés dans le monde entier, qu’il s’agisse de sismographes, de sondes radio et d’autres moyens de détection et donc de contrôle et de vérification de la non prolifération et du désarmement nucléaire.

    Voilà donc quelles sont les 13 étapes prévues au plan d’action sur lequel nous nous sommes entendus en 2000 et qui vont nous servir à mesurer les progrès du désarmement.

    Je vais m’arrêter ici, madame la présidente, et je serai heureux d’entendre vos réactions et de répondre à vos éventuelles questions.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur l’ambassadeur. Vous nous avez dressé un excellent tableau de vos diverses activités. Je me permets de parler au nom de mes collègues en vous disant que nous sommes absolument étonnés par la façon dont vous maîtriser toutes ces initiales et tous ces acronymes.

    Nous allons passer aux questions en commençant par l’Opposition avec M. Day.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame la présidente. Vous avez raison en disant que les traités de non prolifération nucléaire ont donné lieu à une prolifération d’acronymes dont les victimes, tout comme dans une guerre nucléaire, sont presque incapables d’agir ou de réagir tant il y en a. Cependant, notre ambassadeur s’en est très bien sorti en nous expliquant tous ces acronymes et je l’apprécie d’autant. Le néophyte que je suis se contenterais d’utiliser, pour tout sigle, des choses comme OK! OK! Nous devons agir APS et soumettre une politique PDR à l’ONU avant de nous retrouver tous K.O. ou HS.

    J’ai apprécié les informations que nous a communiquées l’ambassadeur et je vais d’ailleurs faire un lien entre ce qu’il a dit et une déclaration faite par le ministre des Affaires étrangères juste avant son départ. Ensuite, je ferai une remarque et je poserai deux questions.

    Le ministre a dit qu’il fallait veiller à moins compter sur les armées et donc à réduire les budgets militaires pour, je reprends ses propres mots, qu’il y en ait plus pour acheter du beurre. J’apprécie ce genre de propos, mais l’histoire de l’humanité nous montre que les périodes de paix généralisées—j’entends par-là une paix à l’échelle de la planète ou du moins du monde tel qu’on le connaissait dans le passé—sont normalement associées à un déséquilibre des pouvoirs où les États voyous ou encore les seigneurs de la guerre avides de pouvoir n’osent pas bouger parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne parviendront jamais à vaincre la puissance militaire de leur cible. La Pax Romana a été une période de paix remarquable caractérisée par une abondance relative—et je pèse mes termes—tant que les ennemis politiques de l’Empire romain ont été convaincus de la capacité militaire et de la volonté politique de l’État romain. Je ne recommande pas l’adoption d’un régime impérial à la César, assorti de sénateurs—sénateurs que nous avons d’ailleurs aujourd’hui—mais je veux simplement dire qu’historiquement le maintien de la capacité militaire par les pays pacifistes recherchant la stabilité a toujours été un ingrédient nécessaire de la paix et de la sécurité dans le monde.

    Nous pouvons faire un parallèle entre la Pax Romana et la situation de paix relative qui a régné dans le monde durant la période de la Guerre froide. Malgré toutes les tensions de l’époque, cette paix a été rendue possible parce que les pays du bloc de l’Est ont été freinés dans leurs desseins impérialistes par leur impression que l’OTAN, les Alliés et les États-Unis disposaient d’une formidable puissance et d’une impressionnante capacité militaire. J’espère que notre pays s’en souvient et que nous ne nous enfoncerons jamais dans ce terrain philosophique miné consistant à dire qu’il suffit de transformer nos lances en charrues pour parvenir à la paix. Il y aura toujours des pays voyous dans le village global, des pays qui seront prêts à s’attaquer à ceux qu’ils jugeront incapables de se défendre.

    Cela étant posé, quand on parle d’armes nucléaires, de prolifération et de réduction, est-il vraiment souhaitable de formuler une déclaration globale? On emploie des tas de termes explosifs à ce sujet, mais le sujet lui-même est explosif. Prenons le cas de l’arsenalisation de l’espace. S’il est question d’étudier—et là encore, je choisis soigneusement le terme—un système défensif fondé sur l’utilisation d’un laser raisonnablement efficace pour éliminer tout missile surface-surface, surface-air ou autre, au point de rendre ces armes militairement désuètes, est-il vraiment sage de vouloir s’entendre sur une déclaration globale selon laquelle nous ne voulons pas être associés à un système défensif auquel pourrait contribuer l’ensemble des pays pacifiques? Je voudrais que nous répondions à cette question. A-t-on vraiment étudié cela?

    Deuxièmement, pour en revenir à ce que le ministre a dit, est-ce que vos services, votre ministère, cherchent à convaincre le gouvernement que la réduction de nos forces armées et des budgets militaires n’ont rien pour favoriser la paix mais risquent plutôt d’être une invitation à une agression par d’autres pays qui pourraient nous juger faibles? Ce faisant, ne faut-il pas veiller à disposer de forces armées efficaces, qui n’utiliseraient toutefois pas l’arme nucléaire?

Á  +-(1120)  

+-

    M. Chris Westdal: Merci.

    Voilà des questions très profondes auxquelles je ne pourrais pas répondre pleinement étant donné le peu de temps que nous avons, mais je me contenterai de commencer par affirmer une chose. Je ne pense pas que nos analyses de la lutte contre l’armement et du désarmement soient naïves au sens où vous l’entendez. Il n’existe pas de conflit entre, d’une part, les objectifs que poursuivent les ambassadeurs sur la voie du désarmement, ceux que préconisent les défenseurs du désarmement et de la lutte contre l’armement et les objectifs généraux du gouvernement qui intègrent sa responsabilité première consistant à assurer la sécurité de ses citoyens et à veiller à la bonne santé du ministère de la Défense nationale et de nos armées. Nous voulons tous la sécurité et nous sommes bien conscients qu’il faut déployer une certaine force pour défendre les libertés que nous chérissons ainsi que la paix. La question n’est pas là. La question est de savoir comment parvenir à défendre au mieux la sécurité. Toute forme de sécurité à laquelle nous pouvons parvenir par le truchement de la diplomatie, des négociations, de la signature d’ententes – comme les accords négociés lors de la conférence sur le désarmement, par exemple – sont des mesures de sécurité que notre pays et d’autres n’ont pas à chercher à obtenir par d’autres moyens, notamment par le recours aux armes. Nous poursuivons donc tous le même but.

    Vous pouvez effectivement citer des catastrophes dues au fait que des pays n’ont pas su maintenir une capacité militaire dissuasive. Mais vous pourriez aussi citer des cas où des budgets militaires excessifs ont conduit à un effondrement de l’économie, l’Union soviétique en étant le meilleur exemple. Ce n’est toutefois pas le seul puisque Paul Kennedy dans son récent ouvrage en cite bien d’autres. Il faut donc parvenir à un certain équilibre ici.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Stockwell Day: C’est exactement ce que je veux dire. Voilà un autre cas où une puissance s’est effondrée notamment parce qu’elle était convaincue de la supériorité militaire de son vis-à-vis et qu’elle savait ne pas être à la hauteur. C’est là l’essentiel de ma thèse. Pour reprendre ce que vous avez dit, monsieur, les relations américano-russes sont devenues incroyablement amicales parce qu’un côté a fini par être convaincu, hors de tout doute, de son infériorité militaire.

+-

    M. Chris Westdal: Tout ce que je veux dire, c’est qu’il est toujours possible de pécher par excès, d’un côté comme de l’autre. On peut pécher en n’investissant pas assez dans la sécurité, notamment dans la diplomatie et dans l’armement, mais on peut aussi pécher par excès de l’autre côté. Par exemple, on peut avoir la réaction inverse à la réaction militaire provoquée par les récents actes de terrorisme, en prétendant qu’il faut faire preuve d’une plus grande compréhension. D’ailleurs, j’ai l’impression que nous vivons dans un monde où il faut effectivement faire preuve de plus de compréhension, de vision et de compassion, dans un monde où les pouvoirs en place vont devoir offrir une aide véritable à ceux qui en ont besoin. Ainsi, il est intéressant de comparer l’augmentation de 46 milliards de dollars du budget du Pentagone—puisque vous avez parlé de dépenses militaires—aux sommes totales consacrées à l’aide au développement dans le monde, qui représentent 50 milliards de dollars. J’estime que nous serions beaucoup plus en sécurité dans un monde qui bouillonnerait moins de ressentiments et de colère à cause de la distribution des richesses et des chances qu’ont les uns plutôt que les autres. Nous serions plus en sécurité dans un monde inspiré par ce que je qualifierais de vision et de compassion véritables de la part des pouvoirs en place, qu’ils soient économiques ou militaires.

    Je vais vous retourner la question au sujet de l’arsenalisation de l’espace. Il est vrai qu’une déclaration globale contre ce phénomène ne suffit pas. On peut soutenir qu’il y a un certain avantage à placer des armes dans l’espace. On peut toujours imaginer qu’il serait plus intéressant de disposer d’un système d’arme spatial capable d’abattre un missile très rapidement, plutôt que de s’en remettre à des capteurs spatiaux, comme ceux qui existent déjà. On pourrait voir certains avantages dans l’utilisation d’un système d’arme spatial destiné à attaquer d’autres objets dans l’espace, à supposer qu’il faille en venir là. On pourrait entrevoir les avantages que représenterait le fait de pouvoir attaquer des cibles sur terre à partir d’une position on ne peu plus dominante. Mais encore faudrait-il peser ces avantages—qu’il conviendrait d’analyser de façon froide—en regard des coûts financiers énormes qu’ils représentent. Il faudrait en effet réaliser une montée en puissance de tout l’équipement disponible et assumer d’importants coûts de lancement. En outre, il faudrait tenir compte de l’effet boomerang des coûts de la technologie militaire, le phénomène étant aussi vieux que l’histoire: un camp met au point une certaine technologie pour se rendre compte, peu de temps après, que le camp d’en face utilise la même technologie mais à un coût moindre. Voilà une des conséquences du développement des armes dans l’espace dont il faudrait également tenir compte.

    D’après notre analyse, les coûts de l’arsenalisation de l’espace dépasseraient de loin les avantages militaires que représenterait ce genre de bond technologique. Ce sont là des questions qu’il faut étudier plus à fond et c’est d’ailleurs ce que nous recommandons.

Á  +-(1130)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.

    Merci de votre exposé. C'est la première fois que j'assistais à une de vos présentations, et je m'aperçois qu'il y a énormément d'information et de matériel. Je suis loin d'être un spécialiste en la matière même si je me suis toujours préoccupé de cette question de la prolifération des armes nucléaires et du nucléaire en général.

    Je vais rester à un niveau assez général. Une impression qui est de plus en plus partagée au Québec et au Canada, c'est que la nouvelle administration américaine, peut-être à cause de la personnalité de M. Bush et aussi des événements du 11 septembre, semble de plus en plus considérer qu'elle a la ligne juste et chercher à l'imposer au monde. On sent de plus en plus une espèce d'unilatéralisme chez les Américains. Cet unilatéralisme pourrait prochainement se manifester par le projet du bouclier antimissile qui va revenir sur la table. Les Américains semblent y tenir beaucoup. J'ai l'impression que cette attitude pourrait nuire beaucoup à la réduction des armes nucléaires.

    D'abord, aux États-Unis mêmes, j'ai l'impression qu'il y a un lobby très fort au Pentagone pour reprendre la course à l'armement contre un ennemi maintenant inconnu et donc moins identifiable. Deuxièmement, j'ai l'impression qu'on cherche à amener certains pays comme la Chine ou la Russie à reprendre la course aux armements tout simplement pour garder un équilibre avec les Américains, même si, évidemment, l'équilibre ne sera plus jamais le même.

    Je ne sais pas si vous, en votre qualité d'ambassadeur aux Nations Unies, et l'ensemble de vos collègues sentez cet unilatéralisme américain. S'il y a effectivement un sentiment de cet ordre, est-ce que cela pourrait être un frein au travail qui se fait en vue de la réduction des armes nucléaires?

[Traduction]

+-

    M. Chris Westdal: En introduction, je vous ai parlé de la propension de l’administration Bush à l’unilatéralisme, propension qu’on constatait avant le 11 septembre mais qui est encore plus marquée depuis. Je pense que cette administration a tiré les enseignements qu’il fallait des événements du 11 septembre. Comme je le disais tout à l’heure, le multilatéralisme doit être efficace. L’administration Bush n’a certainement pas envie de pratiquer un multilatéralisme inefficace, ce dont elle doit se garder d’ailleurs, ni de se berner en prétendant qu’il existe des mesures qui vont donner des résultats.

    Voilà pourquoi nous parlons maintenant de «multilatéralisme plus» et du fait qu’il est nécessaire, voire essentiel, mais pas suffisant, de mener un multilatéralisme très pointu. D’ailleurs, l’un des plus grands défis auxquels nous soyons confrontés sur le plan intellectuel consiste à réconcilier les valeurs, les institutions et les moyens associés au multilatéralisme—multilatéralisme nécessaire, mais pas suffisant—avec les valeurs, les institutions et les moyens associés à des approches beaucoup moins multilatérales, notamment à des approches unilatérales et plurilatérales. Ces approches sont également nécessaires et essentielles, mais elles ne suffisent pas plus que le multilatéralisme. Dans le monde réel, qui est brouillon, confus et difficile à comprendre, il nous faut trouver une façon de réconcilier ces deux approches, parce que nous devons pouvoir les appliquer toutes deux. Cela est très clair au lendemain des événements du 11 septembre.

    Il est tout aussi clair, au lendemain du 11 septembre, qu’aucune nation, aussi puissante soit-elle—comme les États-Unis—ne peut agir seule. Il faut que les gouvernements collaborent pleinement pour s’attaquer à la menace répandue que représente le fait que des terroristes puissent s’emparer d’armes de destruction de masse ou d’autres moyens du genre que nous n’avions pas imaginé possibles, comme des avions de ligne remplis de carburant. Or, il ne sera pas possible d’obtenir la collaboration des gouvernements par la force ni par la menace de la force. Pour l’obtenir, il faudra passer par le droit international et la coopération internationale. Cette leçon aussi est très claire pour l’administration américaine après le 11 septembre.

    Nous restons attachés à l’idée d’un cadre multilatéral. Cet attachement fait partie de nos fibres, comme il fait partie des fibres de toutes les autres nations qui sont très loin d’être aussi puissantes que les États-Unis. À ce sujet, il me vient à l’esprit un mot du Premier ministre Brian Mulroney qui, dans un entretien avec le président Bush père, a déclaré: «La puissance américaine doit s’exercer dans un certain respect des idées entretenues par le reste du monde». Je suis, quant à moi, convaincu que cette administration est consciente qu’elle doit maintenir une puissance unique, puisqu’elle est confrontée à des menaces uniques et qu’elle doit assumer des responsabilités également uniques, mais elle sait qu’elle doit aussi faire preuve de respect envers les idées du reste du monde et amener les autres gouvernements à collaborer de façon efficace. Or, elle n’y parviendra qu’en appliquant la formule du multilatéralisme.

    Je pense que l’équilibre dont vous parlez sera atteint et j’estime que nous avons un rôle à jouer, d’abord par respect envers les États-Unis, mais aussi plus généralement parce que nous voulons maintenir en place le multilatéralisme efficace que nous avons créé.

Á  +-(1135)  

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Marleau.

+-

    Mme Diane Marleau: Oui, madame la présidente.

    Soit dit en passant, j’ai déjà eu l’occasion de travailler avec l’ambassadeur Westdal. Je dois dire que c’est une personne enthousiaste. Si quelqu’un peut faire quelque chose dans cette fonction, c’est certainement lui. D’ailleurs, je crois qu’il y est parvenu.

    Je voudrais que nous parlions des actuels arsenaux nucléaires. Je voudrais que nous parlions des progrès réalisés pour contrôler les têtes nucléaires qui sont encore à bord de sous-marins gisant au fond de l’océan dans un des ports de l’ex-URSS. Jusqu’à quel point êtes-vous persuadée que cette matière fissile n’est pas en train d’être écoulée sur le marché noir pour se retrouver dans des pays comme la Corée du Nord, l’Irak ou le Pakistan? N’y aurait-il pas d’autres mesures de protection à adopter pour contrôler cette matière? Cette question me préoccupe autant que vous. J’aimerais savoir quel progrès nous avons réalisé sur ce plan.

    Je voudrais aussi que nous parlions des bombes sales et du fait que l’on retrouve de la matière fissile un peu partout dans le monde—peut-être même ici au Canada—matière fissile grâce à laquelle il serait possible de produire ce qu’on appelle des bombes sales. N’y aurait-il pas lieu d’appliquer des contrôles plus stricts sur ce produit?

+-

    La présidente: Monsieur l’ambassadeur.

+-

    M. Chris Westdal: Voici de très bonnes questions, fort judicieuses.

    Nous aimerions, bien sûr, être absolument certains que la matière fissile est gardée bien en sécurité par des gens responsables. C’est qu’il en existe des montagnes qui représentent donc un énorme problème. Vous voulez savoir jusqu'à quel point je suis persuadé qu’il n’y a pas de danger? Je vous dirais que je suis plus confiant aujourd’hui qu’avant le 11 septembre, parce que les événements de septembre nous ont violemment rappelés à la réalité du danger que représenteraient ces matières fissiles dans des mains criminelles. Il faut être bien conscient d’une chose. Il en a coûté des billions de dollars pour constituer tout ces arsenaux et l’élimination de leurs résidus va également coûter énormément d’argent. C’est que nous avons appris en essayant d’appliquer le programme d’élimination du plutonium dont je vous ai parlé. Nous nous en sommes fait une idée en voyant ce qu’il en coûtait pour appliquer la loi Nunn-Lugar.

    Ce sont, toutefois, des mesures qu’il convenait de prendre et que nous avons prises pour renforcer la sécurité physique en Russie. Plus de pays ont maintenant signé et appliqué les accords relatifs aux sauvegardes de l’AIEA, surtout les protocoles additionnels et les garanties renforcées. Nous avons nous-mêmes ratifié nos garanties renforcées l’année dernière. Il est donc possible d’adopter des mesures supplémentaires. Il n’y a rien de mystérieux là-dedans, mais ces mesures sont très dispendieuses. C’est John Manley, je crois, qui a dit un jour, quand il était encore notre ministre, que dans les réunions du G-8 il valait mieux ne pas traîner dans les toilettes quand on bat le rappel pour une séance. Les factures à payer sont énormes et il faut se faire à cette idée. Si nous voulons appliquer des mesures efficaces dans ce domaine essentiel, il nous faudra déployer de véritables moyens.

    La question des bombes sales est effectivement liée à celle-ci. Les bombes salles sont des bombes classiques qui, en explosant, relâchent dans l’atmosphère des matières radiologiques. Ces matières sont actuellement très répandues et elles doivent faire l’objet d’un contrôle prudent. Cependant, il est, je crois, inutile d’agiter l’épouvantail de la bombette atomique fabriquée par monsieur Tout-le-monde à partir de plans et de recettes du niveau «sciences 101» trouvés sur Internet. En réalité, on n’a constaté que très peu de trafic de matières fissiles sur le marché noir, pour ne pas dire aucun, parce que les autorités du monde entier sont tout à fait conscientes des dangers que représentent ces matières et qu’elles sont très ouvertes au problème, surtout depuis l’automne dernier. Les gouvernements du monde sont déterminés à exercer un contrôle étroit sur les matières fissiles.

    Les menaces que vous invoquées sont réelles et les moyens à mettre en œuvre pour les juguler sont synonymes de coûts réels, de coûts importants.

Á  +-(1140)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur l’ambassadeur, vous avez parlé d’impasse dans les négociations de la conférence sur le désarmement et vous avez dit que cette impasse était liées à d’autres questions. Pourriez-vous nous parler un peu plus de ces autres questions, du genre de progrès qu’on a réalisé depuis et de ce qui se fait pour essayer de permettre aux pays de sortir de cette impasse?

+-

    M. Chris Westdal: Bien sûr! et j’éviterai d’employer des acronymes pour vous dire que le programme de travail que nous étions sur le point d’approuver s’articule autour de quatre thèmes qui sont étroitement liés les uns aux autres: le désarmement nucléaire; la prévention d’une course au armement dans l’espace, l’interdiction de la production de matière fissile, avec le TIPMF, et les assurances négatives. Il est actuellement proposé de mettre sur pied quatre groupes de travail dont deux seraient investis d’un mandat de négociation et deux d’un mandat de discussion. Les mandats de négociation concerneraient les TIPMF, auquel nous accordons la grande priorité, et les assurances négatives. Quant aux mandats de discussion, il concernerait le désarmement nucléaire et la prévention d’une course aux armements dans l’espace. Voici donc les quatre thèmes actuellement proposés.

    Ces thèmes sont inextricablement liés les uns aux autres et certaines des raisons et objections avancées par quelques pays ne sont pas fondées, mais elles n’en cachent pas moins une véritable réticence. Nous savons, par exemple, que les EDAN sont les pays qui renâclent le plus à négocier multilatéralement le désarmement nucléaire. Ils ne veulent surtout pas qu’on parle de désarmement nucléaire en un lieu comme la CD, parce que le mandat de la Conférence se limite à la négociation.

    Nous savons aussi que les États-Unis refusent d’approuver un mandat de négociation qui s’apparenterait à la prévention d’une course aux armements dans l’espace. Autrement, les Américains refusent toute forme de limitation de la technologie spatiale, tandis que d’autres, notamment les Chinois, n’accepteront aucun mandat qui ne comporterait pas la notion de négociation. La prévention de la course aux armements dans l’espace est donc l’objet d’un désaccord ouvert.

    Nous savons que les EDAN—certes, pas tous, mais au moins le Canada, le Royaume-Uni et la France—ont accordé une grande priorité à l’interdiction de la production de matière fissile, tandis que d’autres parties de la CD, comme le Pakistan—mais je pourrai vous en citer d’autres—ne veulent pas négocier une telle interdiction sur la production de matière fissile parce qu’ils sont en train de produire ce genre de matière pour leurs armements et qu’ils veulent améliorer leurs arsenaux.

    Nous sommes donc face à un certain nombre de désaccords avoués et à d’autres qui ne le sont pas. Les parties préfèrent en effet exprimer leur réticence en insistant, par exemple, sur une négociation qui viserait à interdire l’arsenalisation dans l’espace plutôt que d’exprimer leur désir de continuer à produire de la matière fissile. Certaines raisons sont plus faciles à exprimer et à défendre que d’autres.

    Qu’avons-nous fait pour débloquer cette impasse? Eh bien, grâce à l’alphabet qui a amené le Canada à assumer la présidence de la CD il y a un peu plus d’un an, je me suis rendu dans les cinq capitales pour les implorer d’accepter les compromis—que nous ne jugeons pas énormes—nécessaires pour que le travail recommence à la CD, mais nous avons échoué. Nous sommes ici aux prises avec des questions de sécurité fondamentales et les pays ne veulent pas modifier leur position parce qu’ils trouvent regrettables que la CD n’est pas utilisée à sa pleine capacité. Dans un discours que j’ai prononcé devant la CD il y a quelques mois, j’ai déclaré que nous ne devions pas perdre une chose de vue: nous sommes des instruments employés dans un atelier qui a produit une excellente marchandise dans le passé, une marchandise appelée «bien public» et que nous pourrions recommencer à produire. J’ai rappelé que seul un mauvais ouvrier blâme ses outils. Ce n’est pas Genève qu’il faut blâmer pour le manque de résultats à la CD, mais l’absence de volonté de certains membres, surtout des EDAN, qui freinent les négociations visant à restreindre la militarisation de l’espace et à appliquer une véritable interdiction sur la production de matière fissile.

Á  +-(1145)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Keith Martin: Merci à vous-même monsieur l’ambassadeur Westdal et à vos collaborateurs, M. Proudfoot et Mlle Holland.

    Je vais tout de suite passer à mes questions. La première fait suite à celle de Mme Marleau et concerne le contrôle des matières fissiles dont il est question aux points 8, 9 et 10 de votre plan d’action. La boîte de Pandore est ouverte et des personnages très louches sont en train de faire main basse sur la matière fissile. Pourriez-vous nous expliquer ce que les Américains et les autres pays font pour retracer cette matière qui tombe dans des mains criminelles, surtout celles de la mafia russe qui la revend à des groupes du Proche Orient.

    Deuxièmement, j’espère que vous comptez recommander à M. Fowler, qui est le sherpa du premier ministre au G-8, que les membres présents à ce sommet adoptent un registre des petites armes automatiques. C’est là un aspect sur lequel il y a lieu de se concentrer.

    L’autre question est de savoir si vous envisagez ou non de faire interdire l’utilisation d’uranium appauvri et de bombes à dispersion, qui n’ont pas le même effet que les mines terrestres, mais tout de même.

    Enfin, j’estime que la Chine nous présente un certain visage, celui d’un pays à la population très nombreuse mais, en arrière on se rend compte qu’elle dispose d’un complexe militaro-industriel qui tourne à plein régime et qui alimente une armée forte faisant l’objet d’un soutien politique très agressif. Dites-nous ce que la communauté internationale pourrait faire, selon vous, pour parvenir à convaincre les Chinois à s’engager sur la voie de la démilitarisation, surtout dans le cas de l’arme nucléaire.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Chris Westdal: S’agissant des matières fissiles, surtout de celles qu’on trouve dans l’ex-Union soviétique, les mesures en vigueur sont très claires. Comme je le disais, elles n’ont rien de mystérieux en ce sens qu’elles visent simplement à assurer la sécurité physique des installations, notamment par la pause de clôtures et de verrous sur les portes et par le recours à des gardes et à d’autres mesures efficaces comme la centralisation des caches de matière fissile dispersées ou, comme je les appelle, des caches orphelines. Il s’agit-là d’un processus de sécurité physique qui est coûteux, qui exige beaucoup d’efforts et de temps de même que des talents d’organisation. Tout cela fait l’objet de mesures financées dans le cadre de la loi Nunn-Lugar.

    Par ailleurs, il est question de transformer la matière fissile en produits dégradés ne pouvant être utilisés dans des armes…

+-

    M. Keith Martin: Ambassadeur Westdal, je parle de la matière fissile qui a déjà disparu des entrepôts de l’ex-Union soviétique.

+-

    M. Chris Westdal: Je ne suis pas au courant que de la matière fissile manque. J’ai lu à propos de registres qui se contredisent, ce qui explique peut-être la matière perdue. Récemment, j’ai appris que des bergers avaient eu la malchance de tomber sur une batterie nucléaire abandonnée, batterie qui représente donc une autre source de matière perdue.

+-

    M. Keith Martin: Excusez-moi de vous interrompre, mais c’est bien la police russe qui a appréhendé plusieurs individus qui essayaient de vendre de la matière fissile à des acheteurs du Proche-Orient et qui a déclaré avoir perdu de grandes quantités de matière fissile mais ne pas en savoir plus, ne pas savoir où elle était passée. J’aimerais que vous nous disiez, d’après ce que vous savez, ce qu’on fait pour essayer de retracer cette matière et arrêter les trafiquants?

+-

    M. Chris Westdal: Nous misons sur la coopération entre la Russie, les États-Unis et de nombreux autres pays, entre les armées de ces pays mais aussi entre les corps policiers. Interpol et d’autres organismes du genre accordent une grande priorité au repérage de réseaux susceptibles d’écouler de la matière fissile sur le marché noir et de criminels. Sinon, je ne suis pas au courant d’autres mesures d’ordre pratique et nous espérons que cette coopération entre les institutions sera assez efficace. Il est évident que toutes les personnes concernées veulent absolument mettre un terme à ce genre de disparition de matière fissile. Je n’ai cependant pas l’impression que nous ayons la preuve que d’importantes quantités de matière fissile se retrouvent sur le marché noir. Il y a bien eu quelques histoires qui ont couru mais je pense qu’on a démontré dans la majorité des cas qu’il s’agissait de farce ou de façon de tester ce qui n’allait pas dans les systèmes de sécurité.

    J’aillais attirer votre attention sur un autre aspect de ce problème qui concerne directement le Canada. J’ai été directement concerné par cela quand j’étais ambassadeur en Ukraine. À Moscou et à Kiev, il existe des centres de science et de technologie bien établis qui emploient des scientifiques ayant jadis pris part à la production d’armes de destruction de masse. C’était justement le critère de recrutement appliqué et les programmes en question étaient fondés sur le principe bien simple voulant que, pour éviter que les scientifiques ayant travaillé dans le nucléaire se retrouvent employés par des gens peu recommandables, le mieux était de les recruter et de les faire travailler sur des produits susceptibles de trouver une application scientifique ou commerciale.

    Quant à l’autre question que vous avez soulevée, il est vrai qu’au G-8 mais aussi dans d’autres tribunes, nous militons en faveur de l’adoption de registres de petites armes à feu, surtout des armes automatiques. Vous savez que nous avons toujours insisté pour que le G-8 adopte une approche globale susceptible de mettre un terme à la circulation illégale d’armes légères et de petites armes à feu, mais aussi de régler le problème du commerce et de l’écoulement tout à fait légal mais néanmoins problématique des petites armes et des armes légères.

    S’agissant de l’interdiction d’utilisation de l’uranium appauvri, nous avons étudié la question et en sommes venus à la conclusion que rien n’établit que l’utilisation de munitions employant de l’uranium appauvri a eu un effet nocif sur la santé d’êtres humains. Je sais que certains allèguent qu’il y a eu de tels effets et que la recherche médicale se poursuit, mais jusqu’ici je ne dispose d’aucune preuve établissant que l’uranium appauvri a eu l’un des effets craints ou allégués.

    Nous avons parlé des bombes à dispersion dans le contexte de la convention relative à certaines armes conventionnelles. Dans ce cas, le danger concerne les munitions n’ayant pas explosé ou plutôt de ce qui reste après que ces munitions ont été employées en tant que bombes à dispersion. Ces bombes ont une utilité militaire que nos armées et nous-mêmes reconnaissons. Ce que nous voulons, c’est de commencer par éviter que le problème n’apparaisse en concevant et en assemblant ces munitions de sorte à réduire la proportion d’éléments qui n’explosent pas, ce qui réglerait le problème pour commencer; deuxièmement, nous voulons alerter les civils. Ces menaces sont différentes de celles que posent les mines terrestres. En général, ces munitions explosent au-dessus du sol et elles sont faciles à repérer, parce qu’elles ne sont pas enterrées de façon intentionnelle. Par ailleurs, nous voulons insister pour que les pays ayant utilisé des munitions à dispersion dans le passé soient tenus de nettoyer les zones.

Á  +-(1155)  

    Enfin, pour ce qui est de la Chine, je ne pense pas qu’on puisse dire que ce pays est un complexe militaro-industriel qui tourne à plein régime. Dans leur programme d’armement nucléaire, les Chinois n’ont pas affiché d’attitude provoquante, quand on tient compte des milliers d’armes stratégiques et tactiques recensées dans le monde. Les Chinois se sont dotés d’un arsenal modeste comportant tout au plus quelques dizaines d’armes stratégiques et rien n’indique qu’ils envisagent d’augmenter ce nombre de façon marquée même si l’on pense qu’ils sont en train de moderniser leur arsenal. Pour en revenir à certaines des questions soulevées par M. Day, je dirai que les Chinois prennent grand soin à dissimuler le véritable pourcentage de produit national brut qu’ils consacrent à leur armée, sans doute parce qu’ils ont beaucoup plus à gagner sur le plan de la sécurité en investissant autant qu’ils le peuvent dans leur croissance future et dans la progression de leur prospérité et de leur base économique. Je ne crois donc pas que l’idée voulant qu’ils disposent d’un complexe militaro-industriel en train de surchauffer soit fondée, compte tenu de la façon dont ils perçoivent leurs intérêts sur le plan de la sécurité et de la façon dont ils se sont comportés à cet égard jusqu’ici.

+-

    La présidente: Merci, beaucoup, monsieur l’ambassadeur, pour le temps que vous avez bien voulu nous consacrer, pour avoir su décrire en des mots très simples des sujets qui sont aussi complexes. Nous apprécions beaucoup votre travail. Nous savons qu’il est difficile mais que les intérêts du Canada sont bien servis grâce à ce que vous faites, vous-même, votre personnel et d’autres. Je tiens donc à vous remercier de vous être rendu à notre invitation. Notre mandat prévoit que nous nous reverrons l’année prochaine.

  -(1200)  

+-

    M. Chris Westdal: Merci beaucoup, j’ai hâte de vous revoir.

-

    La présidente: Par ailleurs, je tiens tout de même à remercier vos collaborateurs qui vous ont accompagné, même s’ils n’ont pas eu l’occasion de prendre la parole.

    Nous avons une petite chose à régler et je vais demander l’unanimité des membres pour traiter de cette question. Il s’agit d’une motion qui se lit ainsi: sans égard aux motions du mardi 20 février 2001 et du mardi 2 octobre 2001 relatives aux déplacements du sous-comité du commerce international, des règlements commerciaux et de l’investissement en Amérique du Sud, du 28 avril au 11 mai 2002, les députés d’opposition appelés à participer sont Rick Casson, Gary Lunn et Ghislain Lebel.

    (La motion est adoptée)

    La présidente: Merci.

    La séance est levée.