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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 8 mai 2002




½ 0745
V         La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.))

½ 0750
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)
V         M. Richard H. Chenoweth (président et chef de la direction, Securitas Canada)
V         M. Richard H. Chenoweth

½ 0755
V         La présidente
V         M. Richard H. Chenoweth
V         

¾ 0800
V         

¾ 0805
V         La présidente
V         M. Day

¾ 0810
V         M. Richard H. Chenoweth
V         M. Stockwell Day
V         M. Richard H. Chenoweth
V         M. Stockwell Day

¾ 0815
V         M. Richard H. Chenoweth
V         La présidente
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Richard H. Chenoweth
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Richard H. Chenoweth
V         

¾ 0820
V         M. Sarkis Assadourian
V         La présidente
V         Mme Henriette Thompson (gestionnaire de programme régional pour l'Afrique de l'est, Vision mondiale Canada)
V         

¾ 0825
V         Mme Linda Tripp (vice-présidente, Défense des droits et relations gouvernementales, Vision mondiale Canada)
V         

¾ 0830
V         Mme Henriette Thompson
V         

¾ 0835
V         Mme Linda Tripp
V         Mme Henriette Thompson
V         Mme Linda Tripp
V         La présidente
V         

¾ 0840
V         M. Stockwell Day
V         Mme Linda Tripp
V         M. Stockwell Day
V         La présidente
V         M. Sarkis Assadourian
V         Mme Linda Tripp

¾ 0845
V         M. Sarkis Assadourian
V         La présidente
V         Mme Linda Tripp
V         La présidente
V         M. Jack Granatstein (coprésident, Council for Canadian Security in the 21st Century)
V         La présidente
V         M. Jack Granatstein
V         La présidente
V         M. Jack Granatstein
V         

¾ 0850
V         

¾ 0855
V         La présidente
V         M. Stockwell Day
V         M. Jack Granatstein
V         M. Stockwell Day
V         M. Jack Granatstein
V         M. Stockwell Day
V         M. Jack Granatstein
V         

¿ 0900
V         M. Stockwell Day
V         La présidente
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Day
V         M. Jack Granatstein
V         La présidente
V         M. Jack Granatstein
V         La présidente
V         M. Jack Granatstein
V         

¿ 0905
V         La présidente
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Jack Granatstein
V         La présidente
V         M. Stockwell Day
V         La présidente
V         M. John Kirton (directeur, Groupe de recherche du G-8, Université de Toronto)
V         

¿ 0910
V         

¿ 0915
V         

¿ 0920
V         

¿ 0925
V         

¿ 0930
V         La présidente
V         M. Stockwell Day
V         M. John Kirton

¿ 0950
V         

¿ 0955
V         M. Stockwell Day
V         M. John Kirton
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. John Kirton
V         

À 1000
V         La présidente
V         M. John Kirton
V         La présidente
V         M. John Kirton
V         La présidente
V         M. Wayne Samuelson (président, Fédération du travail de l'Ontario)
V         La présidente
V         M. Wayne Samuelson

À 1005
V         

À 1010
V         

À 1015
V         La présidente
V         

À 1020
V         M. Stockwell Day
V         M. Wayne Samuelson
V         

À 1025
V         M. Stockwell Day
V         M. Wayne Samuelson
V         M. Stockwell Day
V         M. Wayne Samuelson
V         

À 1030
V         M. Day
V         M. Wayne Samuelson
V         M. Stockwell Day
V         M. Wayne Samuelson
V         M. Stockwell Day
V         La présidente
V         M. Wayne Samuelson
V         La présidente
V         M. Derek Paul (ancien président et coordonnateur des groupes de travail, Science et paix)
V         

À 1040
V         

À 1045
V         La présidente

À 1050
V         M. Helmut Burkhardt (ancien président, Science et paix)
V         La présidente
V         M. Helmut Burkhardt
V         La présidente
V         M. Grahame Russell (représentant, Rights Action)
V         

À 1055
V         

Á 1100
V         La présidente
V         M. Grahame Russell
V         La présidente
V         M. Nicaises Lola (coordonnateur, Groupe de réflexion sur la reconstruction de la République démocratique du Congo, Action et développement des projets communautaires (ADPCO))
V         

Á 1105
V         La présidente
V         M. Day

Á 1115
V         

Á 1120
V         La présidente
V         M. Derek Paul
V         

Á 1125
V         La présidente
V         M. Grahame Russell
V         La présidente
V         M. Grahame Russell
V         M. Derek Paul
V         La présidente

Á 1130
V         Mme Lina Bamfumu (secrétaire, Groupe de réflexion sur la reconstruction du Congo, Action et développement des projets communautaires (ADPCO))
V         La présidente
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Derek Paul
V         M. Stockwell Day

Á 1135
V         La présidente
V         Mme Rhonda Kimberley-Young (vice-présidente, Fédération des enseignants et enseignantes des écoles secondaires de l'Ontario)
V         

Á 1140
V         

Á 1150
V         

Á 1155
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bassett (coordonnatrice, Alliance canadienne pour la paix (Toronto))
V         

 1200
V         

 1205
V         La présidente
V         

 1210
V         Mme Rhonda Kimberley-Young
V         La présidente
V         M. Stockwell Day
V         La présidente
V         Mme Rhonda Kimberley-Young
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bassett
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 079 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 mai 2002

[Enregistrement électronique]

½  +(0745)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons des audiences publiques pour l'étude de l'intégration nord-américaine et le rôle du Canada face aux nouveaux défis que pose la sécurité et pour l'étude du programme du Sommet du G-8 de 2002.

    Nous accueillons aujourd'hui, mercredi le 8 mai, un représentant de Securitas Canada, M. Richard Chenoweth, président et chef de la direction.

    Premièrement, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux témoins venus contribuer à l'étude par le comité de deux questions très importantes auxquelles le Canada se trouve confronté quant à son rôle dans le monde et en Amérique du Nord. Nous considérons qu'il est en ce moment essentiel que nous attendions directement de la bouche de citoyens partout au pays leurs réactions à un certain nombre de défis clé en matière de politiques étrangères qui se posent dans le contexte du Sommet du G-8 qui aura lieu sous peu et de nos relations avec nos voisins du continent nord-américain.

    Comme vous le savez, le Canada préside cette année le G-8 qui va tenir son sommet fin juin à Kananaskis, en Alberta. En plus de se pencher sur la situation économique mondiale et la lutte internationale contre le terrorisme, le Canada met un accent tout particulier sur l'avancement d'un plan d'action pour l'Afrique, fondé sur l'initiative africaine en vue d'un nouveau partenariat pour le développement.

    Les audiences publiques du comité sur le programme du Sommet du G-8 et sur la façon dont notre relation nord-américaine devrait évoluer se poursuivent simultanément, compte tenu de considérations temporelles et budgétaires. Nous avons déjà tenu des audiences dans la région de l'Atlantique et au Québec ainsi qu'à Ottawa et, cette semaine, dans le but de mener à bien le processus national, un groupe de membres du comité siège au Manitoba et en Ontario, tandis qu'un autre se rend dans les trois provinces les plus à l'Ouest du pays afin d'y entendre le public.

    Pour ce qui est des questions relatives au G-8, le comité va déposer son rapport d'ici la fin du mois, avant les réunions préparatoires finales en prévision du sommet. Dans le cas de l'étude sur le contexte nord-américain, pourront être examinés tous les aspects des relations Canada-États-Unis, Canada-Mexique ainsi que trilatérales et il est prévu que notre rapport final soit prêt pour l'automne.

    Vous aurez peut-être vu un article dans les journaux il n'y a pas très longtemps dont l'auteur disait que le comité avait préjugé des résultats de ces consultations. Ce n'est certainement pas le cas. Nous essayons d'entendre les citoyens, comme vous, et nous tiendrons compte de tout ce que nous avons entendu lors de la formulation de nos recommandations.

    Je désire vous souhaiter la bienvenue. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer si tôt le matin pour contribuer ainsi aux délibérations du comité. Je vous invite à faire vos remarques liminaires après quoi nous passerons à la période des questions. Merci beaucoup.

    Monsieur Chenoweth, vous avez la parole.

½  +-(0750)  

+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Puis-je présenter une requête aux témoins?

    Avant que vous ne fassiez vos commentaires liminaires, pourriez-vous nous dire quelques mots sur l'organisation que vous représentez? Je vous en serais reconnaissant.

+-

    M. Richard H. Chenoweth (président et chef de la direction, Securitas Canada): Dans les documents que j'ai fournis, j'ai inclus notre rapport annuel qui vient juste d'être publié. Vous trouverez une description détaillée de la société dans les 20 à 25 premières pages.

    Securitas Canada est le plus gros fournisseur de services de sécurité en Europe et en Amérique du Nord. Nous sommes en fait une multinationale, offrant nos services principalement dans le monde occidental. Nous sommes le plus gros fournisseur de services de sécurité ici au Canada, aux États-Unis et dans la majorité des pays d'Europe, soit le plus important fournisseur au monde. Nous offrons divers types de services de sécurité dans différents pays, mais Securitas offre pratiquement tous les types de sécurité auxquels vous pouvez penser, des réacteurs nucléaires et aéroports aux institutions gouvernementales en passant par la protection de réserves d'or, de fonds en transit, d'édifices à bureaux et ainsi de suite.

    M. Sarkis Assadourian: Merci.

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Madame la présidente, avant de commencer ma déclaration préliminaire, j'aimerais signaler que notre entreprise a perdu quatre employés dans la tragédie du 11 septembre à New York. Beaucoup d'autres ne seront peut-être jamais capables de reprendre leur travail chez nous, à cause du traumatisme qu'ils ont subi lors de ces événements.

    Je témoigne ici à titre de citoyen canadien, de dirigeant d'une entreprise au Canada et de spécialiste de la sécurité. Ma présence ici s'explique également par ma profonde volonté d'améliorer le système de sécurité en Amérique du Nord.

½  +-(0755)  

+-

    La présidente: Veuillez transmettre mes condoléances aux familles de vos employés et de vos collègues. Nous espérons que, par nos discussions et par nos actes, nous pourrons améliorer la sécurité non seulement pour vos employés mais aussi pour nous tous.

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Merci, madame la présidente.

    Je suis heureux de prendre la parole devant vous ce matin pour exprimer mon opinion sur le Canada et le rôle qu'il devra jouer en Amérique du Nord.

    Je présenterai mon exposé en anglais seulement, mais j'en ai fourni des exemplaires dans les deux langues officielles. J'ai également joint, à titre d'information, un exemplaire du rapport annuel le plus récent de mon entreprise. J'aimerais que vous preniez connaissance non pas de données financières, mais plutôt de la vue d'ensemble, des commentaires, de l'information sur les questions de sécurité et des renseignements sur des enjeux mondiaux qu'il contient.

    J'ai également joint à la documentation, à l'intention des membres du comité, une revue hors commerce. Vous y trouverez plusieurs articles et renseignements très sérieux sur les courants et les enjeux dans le domaine de la sécurité aux États-Unis, dans l'Union européenne et dans les pays occidentaux, dont le Canada. Je vous encourage à parcourir cette revue.

    L'un des principaux obstacles auquel votre comité et d'autres comités semblables dans d'autres pays se heurtent est l'absence de données et de coordination de l'information. Securitas s'efforce de recueillir des renseignements à l'échelle mondiale.

    Je suis le président-directeur général de Securitas Canada, le plus grand fournisseur de services de sécurité du secteur privé. J'espère que mon exposé aidera les membres du comité à formuler des recommandations sur les moyens d'améliorer la sécurité intérieure du Canada. À mon avis, les rapports que le Canada entretiendra à long terme avec ses partenaires nord-américains dépendront largement de la réforme, de la réglementation et de la législation qui s'appliquent au secteur de la sécurité au Canada.

    J'ai déjà expliqué la nature de l'entreprise que je représente. Permettez-moi d'ajouter cependant que Securitas Canada offre des services de sécurité axés sur la protection des domiciles, des lieux de travail et de lieux publics. Comme nous comptons parmi nos clients bon nombre des plus grandes organisations publiques et entreprises du Canada, ainsi que le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités, la raison d'être de Securitas consiste essentiellement à garantir la sécurité des Canadiens, objectif qu'elle partage avec le gouvernement du Canada.

    Étant donné la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons depuis le 11 septembre, la population canadienne comprend que certaines questions de sécurité revêtent désormais une importance capitale, aussi bien dans les lieux publics que privés. Au cours des jours qui ont suivi le 11 septembre, l'honorable John Manley, qui était ministre des Affaires étrangères à l'époque et qui est maintenant vice-premier ministre, a tenu les propos suivants: «Les attentats terroristes survenus aux États-Unis ont des répercussions profondes sur la sécurité et la prospérité du Canada, sur son gouvernement et sur la vie des Canadiens et des Canadiennes».

+-

     Je souscris entièrement à cette déclaration du vice-premier ministre, mais j'estime en outre que les attentats terroristes ont de profondes implications en ce qui concerne la responsabilité qui incombe au Canada d'assurer la sécurité de ses partenaires nord-américains. Plus que jamais auparavant, le Canada doit non seulement comprendre le rôle qui lui incombe dans ce partenariat nord-américain, mais aussi chercher des moyens de le renforcer.

    En tant que président du plus gros fournisseur de services de sécurité privés au Canada, j'estime qu'il faut renforcer le rôle du Canada dans le partenariat nord-américain. Et nous devons le faire d'abord chez nous, à l'intérieur de nos frontières.

    Selon les spécialistes qui ont analysé les événements tragiques du 11 septembre, on aurait pu contenir et peut-être même prévenir les attentats terroristes de New York et de Washington, si les ressources de sécurité de l'État et du secteur privé avaient davantage collaboré et mieux coordonné leurs interventions. Avec les résultats tragiques que l'on connaît, le modèle de sécurité en place aux États-Unis n'a pas permis le degré de collaboration nécessaire entre le secteur public et le secteur privé, entre le gouvernement national et les autres paliers du gouvernement, et encore moins entre les États-Unis et les pays voisins. Selon des experts américains, et sans doute canadiens aussi, si les municipalités, les États, le gouvernement fédéral et les gouvernements étrangers, de même que les forces policières intérieures et internationales, avaient simplifié et rationalisé les modalités de la sécurité intérieure, les événements du 11 septembre auraient pu être évités.

    Ce n'est qu'après ces événements tragiques et dévastateurs que les responsables politiques américains se sont mis à la recherche de modèles de sécurité intérieure mieux coordonnés. Je suis pour ma part persuadé que le Canada doit faire de même. Au lendemain des événements du 11 septembre, les Américains se sont interrogés sur l'efficacité du modèle de sécurité intérieure du Canada. Une bonne part des critiques visait la circulation de personnes et de biens aux frontières, mais je pense que pour pouvoir remplir ses obligations dans le cadre d'un partenariat nord-américain, le Canada doit avant tout corriger les lacunes fondamentales de son réseau de sécurité intérieure. Securitas Canada estime depuis longtemps que le modèle de sécurité intérieure appliqué au Canada est très déficient. Au cours des derniers mois, j'ai écrit au solliciteur général du Canada, l'honorable Lawrence MacAulay, de même qu'à tous ses homologues provinciaux pour leur proposer des améliorations au secteur de la sécurité au Canada.

    Par souci de concision, j'ai annexé à mon mémoire la liste de mes principales recommandations.

    Je trouve regrettable que la législation et la réglementation qui visent le secteur des services de sécurité privés au Canada relèvent des provinces plutôt que du gouvernement fédéral. Or, en dépit de ces questions de compétence, je pense que nos voisins du sud exerceront de plus en plus de pression pour nous inciter à corriger les déficiences de notre modèle de sécurité intérieure. J'invite le comité à chercher les meilleurs moyens d'amener les gouvernements provinciaux à agir dans ce domaine. J'espère que le comité recommandera aux provinces de songer sérieusement à harmoniser les règlements et les lois qui s'appliquent au secteur des services de sécurité privés des différentes provinces.

    Permettez-moi de souligner certaines questions dont le comité pourrait tenir compte au moment de formuler ses recommandations.

    Premièrement, l'absence totale de normes interprovinciales harmonisées, uniformes ou communes sur le plan des modalités et du rendement contribue sensiblement à la faiblesse du secteur des services de sécurité privés.

¾  +-(0800)  

+-

     Je signale en passant, madame la présidente, que cette revue contient beaucoup d'information sur le modèle de sécurité existant dans d'autres pays.

    Cette diversité des approches des provinces et le manque d'uniformité qui en résulte vont à l'encontre du modèle jugé approprié et efficace dans la plupart des pays européens. Dans les dix provinces du Canada, on trouve dix approches réglementaires et législatives différentes en ce qui concerne les contrôles de sécurité, l'accréditation, la formation professionnelle obligatoire et les normes de rémunération des employés des services de sécurité privés.

    Deuxièmement, les lois provinciales qui s'appliquent aux travailleurs des services de sécurité privés sont tout à fait déficientes. Il faut absolument inscrire dans des lois et faire respecter les normes professionnelles et les conditions fondamentales nécessaires pour répondre aux besoins du Canada en matière de sécurité. Je signale à cet égard que beaucoup de lois provinciales datent de plus de 30 ans. La plupart de ces lois ne s'appliquent pas aux dizaines de milliers de personnes qui travaillent comme gardes de sécurité ou qui veillent au fonctionnement de systèmes de sécurité. Par conséquent, des milliers d'employés ne subissent pas le moindre contrôle de sécurité, et ne sont pas non plus assujettis à la moindre vérification en matière d'accréditation, de formation ou de rendement.

    Troisièmement, presque toutes les lois provinciales qui régissent les services de sécurité privés sont sans rapport avec la législation fédérale et provinciale qui définit les pouvoirs et les obligations des organismes publics chargés de l'application de la loi. Cette lacune entrave l'utilisation efficace et économique de ressources de sécurité privées et publiques, ce qui entraîne des coûts pour les contribuables et les employeurs dans le secteur de la sécurité, ainsi que le gaspillage de millions de dollars chaque année.

    Quatrièmement, j'ai eu des entretiens directs avec certains fonctionnaires provinciaux qui ont commencé à mettre en place un mécanisme accéléré de modification des lois et des règlements qui régissent les services de sécurité privés. J'ai ainsi appris que les provinces de l'Atlantique sont les seules à envisager d'harmoniser la réglementation et la législation dans ce domaine. Les autres provinces semblent privilégier des démarches qui ne comportent aucune consultation des autres provinces. Elles ne songent même pas à définir une norme nationale cohérente, efficace et économique qui s'appliquerait aux ressources de sécurité privées du Canada.

    À l'heure actuelle, plus de 100 000 personnes travaillent pour des services de sécurité privés au Canada. D'après notre estimation personnelle, et mes chiffres sont modestes, au moins 25  p. 100 des employés de services de sécurité privés au Canada ne sont pas agréés. Ils échappent donc à toute mesure législative actuelle, et encore plus aux lois qu'on pourrait envisager à l'avenir.

    La présidente: Monsieur Chenoweth, je vous signale qu'il ne vous reste que deux minutes.

    M. Richard H. Chenoweth: Le modèle de services de sécurité privés au Canada présente de graves lacunes. Je prie instamment le gouvernement de cesser de fermer les yeux sur cette situation dangereuse et d'intervenir activement pour encourager les provinces à harmoniser la législation dans ce domaine.

    En terminant, j'attire votre attention sur la dernière annexe de mon mémoire; un graphique en couleur. Ce graphique illustre les conclusions de recherches menées par Securitas en octobre 2001. Il s'agissait d'une étude rudimentaire qui visait à comparer l'industrie de la sécurité au Canada à celles d'autres pays d'Amérique du Nord et du sud de l'Europe. Comme le graphique l'illustre, cette recherche a révélé que l'industrie de la sécurité au Canada est immature, inefficace, inefficiente et de beaucoup inférieure à celle de la plupart des autres pays démocratiques.

    Je vous remercie de votre attention.

¾  +-(0805)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Chenoweth.

    Passons tout de suite aux questions.

    Si je vous ai bien compris, les services de sécurité relèvent de la compétence des provinces et sont donc assujettis à la législation et à la réglementation provinciales.

    Nous garderons cela à l'esprit en vous posant des questions. Monsieur Day, vous avez la parole.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    Je vous remercie de votre exposé.

    Pouvez-vous nous décrire le degré de coordination interprovinciale qui existe actuellement dans votre secteur? Comme vous le savez sans doute, dans certains secteurs, il existe des associations qui regroupent des représentants de toutes les provinces. Ces associations peuvent s'entendre sur divers sujets, par exemple les codes ou les salaires minimums.

¾  +-(0810)  

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Il n'existe pas de telles associations assurant une certaine réglementation, ni une association d'employés ou de fournisseurs de services dans ce domaine. L'absence de telles associations dans le secteur privé s'explique par le fait qu'il n'y a pas d'organisme national. Autrement dit, chaque fois que des représentants de ce secteur ont présenté des revendications au gouvernement fédéral au sujet de problèmes pancanadiens, on leur a demandé de s'adresser à chaque province.

    Jusqu'à maintenant, aucune province ne semble souhaiter savoir ce qui se passe dans les autres provinces. Le secteur des services de sécurité est fragmenté parce qu'il existe dans chaque province une réglementation, des modalités d'accréditation et des pratiques d'affaires différentes. C'est pourquoi il y a très très peu de fournisseurs pancanadiens. La situation est extrêmement inefficace et illogique. En fait, Securitas est la seule entreprise de sécurité qui offre ses services partout au Canada.

+-

    M. Stockwell Day: Des domaines aussi complexes que le code du bâtiment, commercial et résidentiel, relèvent de la législation provinciale. Les diverses associations du bâtiment et de la construction, de métiers et de compétences diverses—en électricité ou autres—se sont regroupées il y a un certain nombre d'années, sous l'impulsion d'un certain nombre de chefs de file du secteur, à tel point que... Chaque province a son code, mais ils sont harmonisés dans une large mesure du fait que certains chefs de file ont eu un effet d'entraînement sur les autres.

    Ainsi, compte tenu de l'importance de votre main-d'oeuvre et de votre entreprise, ne profiteriez-vous pas du même genre d'avantages si vous étiez en mesure de lancer la discussion et de regrouper les autres intervenants? Et je veux parler ici d'avantages dans le sens le plus constructif du terme.

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Je ne puis parler qu'au nom de Securitas. J'ai fait des efforts en ce sens depuis plus d'un an et je n'ai pas abouti à grand-chose jusqu'à maintenant. Cependant, je vais poursuivre mes efforts. Dans bon nombre de provinces, il n'existe pas d'association sectorielle.

    Je comprends votre point de vue. Cependant, on constate que, dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest, les modèles de sécurité n'ont pas abouti à une régionalisation des rôles, des responsabilités, des mesures d'efficacité, de la formation, de la sélection, des critères de professionnalisme et de la détermination des fonctions en matière de services de sécurité privés.

    Prenons le Canada, par exemple. On parle de plus de 100 000 personnes. Il s'agit d'une ressource considérable en matière de sécurité. Le processus d'harmonisation entre les provinces risque d'être long et ardu. À un moment donné, par souci d'efficacité, il devient nécessaire d'aller au-delà des intérêts régionaux et locaux et d'agir de façon claire et constructive. À titre de partenaires en Amérique du Nord, nous allons faire l'objet de pressions grandissantes en ce sens, selon moi.

+-

    M. Stockwell Day: Je vous encourage certainement à poursuivre vos efforts et je suis d'accord avec vous pour dire que nous reprochons toujours au gouvernement de se mêler de compétences provinciales alors que nous pensons qu'il devrait mettre l'accent sur les domaines de compétence fédérale. Je vous invite donc certainement à exercer votre influence dans cette perspective.

    J'aurais une question. Avez-vous des échanges ou des discussions avec la GRC ou le SCRS, ou encore collaborez-vous avec ces organismes, ou bien certains de vos agents sont-ils présents dans des situations qui relèvent de leurs compétences?

¾  +-(0815)  

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Oui. À l'heure actuelle au Canada, les services de sécurité privés sont tout à fait en bas de la chaîne alimentaire, derrière l'amibe et les protozoaires. À titre d'exemple, depuis le 11 septembre, en dépit du fait que je représente plus de 8 000 professionnels du domaine de la sécurité un peu partout au pays, soit la plus grande entreprise de sécurité au Canada, et que j'assure la protection de biens et de ressources du secteur privé aussi bien que public, aucun organisme, que ce soit le SCRS, la GRC, d'autres comités ou services de protection, ne m'a invité à des discussions ou des consultations concernant la sécurité nationale. Et j'ajouterai qu'il en va de même à l'échelle provinciale.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Assadourian.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

    Plus tôt, avant votre exposé, je vous ai demandé de nous donner certains renseignements au sujet de votre société. J'ai parcouru votre rapport annuel et je dois dire à regret que, à moins que je ne me trompe, le mot «Canada» n'y figure que lorsque vous parlez des intérêts financiers que vous détenez dans ce pays.

    M. Richard H. Chenoweth: Pourriez-vous me dire de quelle page vous parlez, monsieur?

    M. Sarkis Assadourian: Il s'agit d'une observation générale sur ce document. Vous n'employez le mot «Canada» que lorsqu'il est question de vos intérêts financiers au Canada, et non pas de vos activités au Canada.

    M. Richard H. Chenoweth: Non.

    M. Sarkis Assadourian: Je voulais m'en assurer...

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Il s'agit du rapport annuel de la société mère.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Cela dit, j'ai une autre question concernant cette revue. À la page 57, vous donnez la ventilation pour l'Europe, pays par pays, du nombre d'entreprises de sécurité, d'employés et d'effectifs policiers.

    M. Richard H. Chenoweth: En effet.

    M. Sarkis Assadourian: Je constate—et il y a peut-être une explication à cela—qu'en République tchèque, en Hongrie et en Slovénie, soit des pays de l'Europe de l'Est ou d'ex-pays communistes, les effectifs de sécurité sont supérieurs à ceux des forces policières. Est-ce parce que les forces policières locales sont corrompues, ou parce que vous êtes plus fiables qu'elles? Pouvez-vous me fournir une explication? Dans les autres pays, les effectifs sont du double, du triple ou du quadruple. On ne donne aucune information au sujet du Canada, je le reconnais; il n'y a que la ventilation pour l'Europe. Donc, comment se fait-il qu'en Europe de l'Est ou dans les anciens pays communistes, la proportion des agents de sécurité par rapport aux agents de police est tellement supérieure à celle d'un pays comme le Canada?

+-

    M. Richard H. Chenoweth: Si nous prenons un pays comme la Pologne, où il existe à peu près 200 entreprises privées de sécurité et où il y a à peu près deux fois moins d'agents de police que d'agents de sécurité, l'agent de sécurité privé doit recevoir, dès le départ, un minimum de 100 heures de formation de qualité supérieure. Et il ne s'agit là que d'une exigence de base.

    Selon le modèle polonais, on a décidé de miser sur un niveau élevé de compétences et de formation professionnelle, du genre qui caractériserait au Canada nos agents de police... On s'est fié au secteur privé. Ainsi, en Pologne, des agents de police privés sont en mesure de diriger la circulation ou de donner des contraventions, d'assurer certaines fonctions de gestion de la circulation qui sont confiées ici à nos forces policières et qui sont interdites par la loi aux agents de sécurité privés.

+-

     S'il faut, par exemple, diriger la circulation dans le terrain de stationnement d'un grand centre commercial à cause d'une vente à rabais ou pour une raison quelconque, on ne peut faire appel à des agents de sécurité privés. La tâche doit être confiée aux professionnels, à savoir les agents de police.

    La Pologne est l'un de ces pays où l'on a imposé aux agents de sécurité privés des exigences très considérables en matière de professionnalisme et de compétence. On a donc pu les affecter à un grand nombre de tâches, de sorte que les agents de police ont pu mettre l'accent sur leurs rôles traditionnels d'arrestation, etc.

    Avez-vous compris ce que...?

¾  +-(0820)  

+-

    M. Sarkis Assadourian: Non, je n'ai pas compris. Nous pourrons en reparler plus tard, de toute façon.

+-

    La présidente: Je tiens à vous remercier de cette question.

    Monsieur Chenoweth, nous avons consigné votre exposé au procès-verbal. Il va figurer sur notre site Web et nous allons nous en inspirer au moment de formuler nos recommandations. Les responsables d'autres ministères voudront également en prendre connaissance, je suppose.

    Nous vous remercions d'avoir participé à nos délibérations à cette heure matinale.

    M. Richard H. Chenoweth: Merci beaucoup, madame la présidente.

    La présidente: Nos témoins suivants représentent Vision mondiale Canada. Il s'agit de Linda Tripp, vice-présidente aux Affaires publiques et aux Relations gouvernementales, et Henriette Thompson, gestionnaire de programme pour la région de l'Afrique de l'Est.

    Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d'être avec nous ce matin et de vous adapter à notre changement de programme.

    Linda, c'est toujours un plaisir de vous revoir. Je vous prie de commencer. Vous aurez environ 10 minutes pour votre exposé et par la suite, les députés poseront des questions. Ayant déjà comparu devant le comité à plusieurs reprises, vous connaissez bien notre façon de fonctionner.

    Tout sera enregistré et relu. Ainsi, sachez que même si les députés ne sont pas nombreux à poser des questions, ils le font au nom de tous les autres membres du comité.

+-

    Mme Henriette Thompson (gestionnaire de programme régional pour l'Afrique de l'est, Vision mondiale Canada): Bonjour et merci à vous, madame la présidente, et aux membres du comité. Je m'appelle Henriette Thompson, et ma collègue Linda Tripp et moi-même sommes ici pour représenter aujourd'hui Vision mondiale, l'une des plus grande ONG internationale établie au Canada.

    Il y a à peine deux semaines, à Arusha, en Tanzanie, j'ai pris part avec 40 autres personnes à un atelier destiné à mettre au point les nouvelles orientations stratégiques des efforts déployés par Vision mondiale en Afrique de l'Est. Ces participants incluaient les dirigeants de neuf bureaux nationaux de Vision mondiale en Afrique de l'Est, de même que des gestionnaires de programme comme moi représentant divers bureaux des pays occidentaux.

    Lors d'une séance matinale inspirante, on nous a demandé de réfléchir à ce que l'on entendait par commencer par l'avenir. Autrement dit, on voulait savoir quel était l'élément que préconisait le développement: est-ce l'infrastructure matérielle, la durabilité économique, la compétence technique, ou l'appropriation par la collectivité?

    On peut dire en quelque sorte que les discussions menant au Sommet du G-8 posent les mêmes questions: quel genre d'avenir envisagent les Africains et comment peuvent-ils commencer à marcher vers cet avenir? Quels sont les objectifs mutuels que l'on préconise par rapport aux autres? Voilà pourquoi la réunion d'aujourd'hui à laquelle on nous demande notre avis sur le plan d'action pour l'Afrique du G-8 est à ce point une belle occasion à saisir. Je remercie donc le comité de nous permettre de continuer à faire progresser le dialogue sur l'Afrique.

    Vision mondiale remercie également le gouvernement du Canada d'avoir invité deux de nos collègues d'Éthiopie et du Sénégal à prendre part aux consultations de l'ACDI qui se sont tenues à Montréal au cours du dernier week-end. Nous sommes très encouragés par l'engagement qu'a pris le gouvernement de ménager une place pour les Africains au Sommet du G-8.

+-

     Depuis plus de 50 ans, Vision mondiale et des milliers d'adhérents canadiens ont fait de l'Afrique le centre de leur attention. Le partenariat mondial de Vision mondiale investit dans l'ensemble environ 40 p. 100 de son budget, soit quelque 400 millions de dollars US, dans 26 des pays pauvres en développement de l'Afrique. Au Canada, environ 40 p. 100 de dons privés en comptant et de biens représentant plus de 64 millions de dollars CAN pour l'année prochaine ont été distribués à l'Afrique. Pour que les équipes par pays assument davantage la maîtrise des programmes de développement en Afrique, Vision mondiale fonctionne comme une fédération, chaque bureau national déterminant ses propres stratégies. Certains de nos partenaires africains recueillent eux-mêmes une partie de leur budget, augmentant ainsi leur capacité à long terme de gérer leur propre développement.

    Grâce à ces réseaux de programmes de développement de la région, Vision mondiale met en oeuvre une approche intégrée du développement local et de district. Pour que l'effet se fasse mieux sentir, les partenaires de Vision mondiale prennent une part de plus en plus active à l'élaboration de la politique à l'échelle locale, nationale et internationale. Ainsi, Vision mondiale peut mieux contribuer aux stratégies de développement national telles que les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, ou CSLP, et tels qu'une plus grande participation de la société civile aux structures de gouvernance qui émergent en Afrique. C'est fort de cette expérience et de cette pratique que nous répondons aux questions posées par le Comité permanent sur le plan d'action du G-8 pour l'Afrique.

¾  +-(0825)  

+-

    Mme Linda Tripp (vice-présidente, Défense des droits et relations gouvernementales, Vision mondiale Canada): J'aimerais maintenant aborder certains des volets des objectifs du plan d'action pour l'Afrique. En vue de ce plan d'action, Vision mondiale a préparé un document intitulé Obuntu, que nous vous avons distribué à tous. Le terme Bantu obuntu signifie prospérité pour tous, riches et pauvres. Ce document propose huit nouvelles lignes de conduite au G-8 et a été distribué au premier ministre et à M. Fowler. Il a également été distribué à nos bureaux de Vision mondiale dans les autres pays du G-8 pour qu'il soit transmis aux gouvernements respectifs.

    Nous vous demandons de sérieusement tenir compte des propositions qui s'y trouvent et que je voudrais reprendre en partie. Tout d'abord, on propose d'appuyer la paix et la prévention des conflits. Autrement dit, il faut cesser d'expédier des armes vers l'Afrique, et particulièrement les armes légères, qui contribuent considérablement à l'utilisation des enfants dans les conflits armés. Mais cela, il faudrait l'aborder un autre jour.

    Nous proposons d'appuyer des règles commerciales équitables et de cesser l'exploitation des ressources, et je pense particulièrement aux industries extractives telles que celles du pétrole et des diamants en Afrique.

    Il faut inclure les jeunes gens et les femmes et rompre l'exclusion sociale. Nous savons que les femmes ont un rôle important à jouer, particulièrement dans le cadre d'initiatives pour la paix.

    Enfin, il faut traiter les maladies évitables et mettre un frein aux morts inutiles parmi les enfants.

    Nous envoyons ce feuillet d'une page à des milliers de Canadiens, qui forment notre clientèle partout au pays, comme annexe à deux grandes publications que nous envoyons régulièrement, en vue de demander à la population de faire savoir à notre gouvernement qu'elle appuie ces huit propositions et encourage notre gouvernement à le faire aussi.

    Enfin, vous avez reçu un exemplaire de la revue Global Futures, publiée par notre bureau international de Vision mondiale, mais à laquelle le Canada contribue considérablement. Le numéro que nous vous avons distribué est intitulé «Le financement du développement». Vous y trouverez des articles signés par James Wolfensohn de la Banque mondiale, Gordon Brown, chancelier de l'Échiquier du Royaume-Uni, Jean-Claude Faure, président du comité de l'aide au développement de l'OCDE, et du directeur au développement de la Communauté européenne, Koos Richelle. Je vous suggère de regarder sérieusement certaines des questions qui y sont abordées.

    Lorsqu'on parle d'avenir, il faut bien commencer par les enfants. Souvent, la pauvreté des enfants génère des objectifs qui, dans les discussions sur l'éradication de la pauvreté, semblent être des réflexions survenues après coup. Investir dans le capital humain ou social des pays pauvres semble souvent un objectif subordonné aux impératifs du numéraire. Or, investir dans ce secteur est la clé même de tout progrès en matière de développement. Vision mondiale, qui s'est engagée à offrir aux enfants du monde un avenir plus rose, recommande une vision exhaustive des enfants et du développement qui évalue non seulement s'ils ont accès aux services fondamentaux mais aussi si leurs droits sont respectés.

+-

     De façon plus générale, nous avons appris au cours des trois dernières décennies que l'instruction, les soins de santé de base et les ressources en vue de générer du revenu peuvent servir grandement à réduire la pauvreté locale. Lorsque ces facteurs sont associés à une stabilité économique, à une bonne distribution de revenu et à des apports stables d'aide, ils peuvent être la pierre angulaire du progrès économique et social.

    De fait, l'un des aspects communs aux études de cas entreprises dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et menées par Vision mondiale Sénégal et Vision mondiale Éthiopie, c'est l'importance de l'économie rurale pour la majorité des pauvres et d'un enjeu aussi central que la disparité entre les hommes et les femmes. En demandant aux pays de renouveler leur engagement en matière d'éducation et de santé et de lutter tout particulièrement contre le VIH et le sida qui sont des fléaux à l'échelle locale, et en demandant aux donateurs de renouveler leurs ressources et d'aider les pays africains à alléger le service de leur dette en vue de stratégies à long terme, on peut accroître considérablement les chances d'avoir un jour un développement humain durable en Afrique.

    À toi Henriette.

¾  +-(0830)  

+-

    Mme Henriette Thompson: Nous avons supposé que des niveaux d'aide étaient nécessaires et pourtant, on parle beaucoup du montant et du type d'aide. C'est la question que j'aimerais maintenant aborder.

    Au cours des dix dernières années, les organisations africaines et internationales ont travaillé fort pour élaborer des objectifs réalistes, en ce qui a trait au développement humain. Ces objectifs ont été officiellement adoptés par tous les gouvernements qui étaient représentés à l'Assemblée générale des Nations Unies du millénaire. Le fait que les pays industrialisés ne respectent pas ces engagements mine la confiance des Africains face à toute perspective de traitement équitable dans l'économie mondiale. Par ailleurs, l'écart croissant entre les riches et les pauvres montre bien qu'il est nécessaire d'accorder une attention particulière à la distribution et à la création de la richesse.

    Le manque de ressources dans les pays industrialisés n'est pas une excuse. Plusieurs propositions ont été déposées et montrent qu'il est possible de trouver les ressources nécessaires si la volonté politique y est. On a trouvé des milliards de dollars pour les budgets de la défense à court préavis l'an dernier, malgré le fait que l'on reconnaisse de façon générale que la force militaire à elle seule ne peut éliminer le terrorisme ni instaurer une juste paix. Il faut un leadership politique pour allouer des ressources afin de lutter contre les causes plus profondes de conflit. Si l'on veut instaurer la paix de façon efficace, il ne faut pas lier une aide accrue à des objectifs militaires spécifiques.

    Bien que les pays du G-8 se considèrent comme étant généreux à l'égard de l'Afrique, bon nombre de politiques en matière d'aide sont conçues pour retourner les avantages économiques aux pays donateurs plutôt que d'établir la capacité à long terme des Africains. Des études révèlent que l'aide conditionnelle peut ajouter entre 15 et 30 p. 100 de coûts et saper les producteurs locaux. Malgré cela, une partie importante de l'aide publique au développement international destinée à l'Afrique est toujours liée aux achats de produits et services dans les pays industrialisés. Par exemple, plus de 50 p. 100 de l'aide canadienne est liée aux achats canadiens.

    Les annonces récentes d'aide accrue de la part de gouvernements individuels, notamment ceux du Canada, des États-Unis et de la Grande-Bretagne, sont des messages positifs. Le plan d'action pour l'Afrique peut s'appuyer sur ces dernières afin d'identifier et d'allouer les ressources adéquates pour respecter les engagements internationaux existants, raisonnables, notamment à l'égard de l'enseignement primaire pour tous d'ici 2015, d'une réduction de deux tiers des taux de mortalité infantile avant 2015 et d'une réduction de 50 p. 100 du nombre de personnes vivant avec moins de 1 $ par jour avant 2015.

    Le plan d'action pour l'Afrique devrait par ailleurs décourager l'aide conditionnelle et offrir des ressources pour appuyer la production locale et régionale, un changement qui se fait attendre depuis longtemps et qui est assez facile à réaliser. Cela serait une première étape pratique vers une politique d'aide plus efficace. Le plan d'action peut renforcer les mécanismes permettant aux gens de surveiller eux-mêmes la mise en oeuvre de bonnes stratégies de réduction de la pauvreté.

    Alors que les dirigeants africains mettent avec raison au défi les donateurs des pays du Nord de réformer les mécanismes d'exécution de l'APD et de respecter l'objectif de 0,7 p. 100 du PIB établi par les Nations Unies, le G-8 a déjà indiqué que le NEPAD sera utilisé uniquement pour accorder de l'aide à une liste restreinte de gagnants en Afrique. Un tel triage se traduira sans doute par d'autres réductions de l'aide accordée aux pays les plus désavantagés par l'économie mondiale. Une approche plus prometteuse serait de renforcer la gouvernance et la démocratie en redirigeant une beaucoup plus grande part de l'APD, par exemple aux syndicats, aux associations et aux groupes africains de défense des droits de la personne .

+-

     Il faudrait surveiller et évaluer les progrès accomplis. Par ailleurs, dans le cadre de cette approche, il faudrait attirer et former des agents compétents, solidifier la primauté du droit, lutter contre la corruption et mettre en place des institutions et une infrastructure. Par ailleurs, le respect et l'inclusion de la riche vie communautaire et associationnelle du peuple africain sont essentiels à la gouvernance démocratique en Afrique.

¾  +-(0835)  

+-

    Mme Linda Tripp: J'aimerais aborder brièvement la question de la coordination des donateurs. Des études récentes révèlent l'importance critique d'un flux d'aide constant et d'une coordination entre les donateurs. Cette coordination pourrait réduire les coûts de transaction des États récipiendaires. Un bon exemple de cela est encore une fois le CSLP, un plan national visant à réduire la pauvreté dans chaque pays qui permet une conditionnalité rationalisée. Un cadre stratégie de lutte contre la pauvreté révisé permettrait d'élaborer des systèmes de comptabilité, particulièrement grâce au renforcement des capacités de la société civile locale dans ce domaine.

    Il est essentiel d'avoir l'appui populaire pour le plan d'action en Afrique et dans le nord. Jusqu'à présent, l'absence de réforme importante du commerce international, de l'investissement et des régimes politiques a fait en sorte que seule une minorité d'Africains profitaient d'une plus grande intégration à l'économie mondiale. Beaucoup sont désenchantés du modèle actuel de mondialisation économique face à l'augmentation de la pauvreté et à la perte des moyens de subsistance. Il faudra encore du temps et un engagement avant que le plan d'action se traduise par un nouveau partenariat, par l'engagement réel des Africains pour mettre sur pied un nouveau partenariat bien après les assemblées du G-8.

    Au Canada, alors que de nouveaux rôles émergent relativement à nos homologues du Sud, les Canadiens doivent jouer un rôle plus important au niveau du partage de l'information, de l'apprentissage structuré et de la mise en place de capacités stratégiques et de recherche. Les Canadiens peuvent appuyer les plans d'action en renforçant les liens nord-sud; en exposant directement les Canadiens à des projets communautaires à l'étranger et à des initiatives de changement de politiques découlant de ces projets; en adoptant une approche que l'on appelle dialogue délibératif, qui permet d'en arriver à des valeurs partagées grâce à un débat structuré; en utilisant une technologie de l'information et des communications pour faciliter l'apprentissage collaboratif, les réseaux de solidarité et une participation accrue aux échanges culturels et aux dialogues politiques; et en établissant de nouveaux partenariats diversifiés faisant intervenir des programmes de placement pour les jeunes et pour les bénévoles.

+-

    Mme Henriette Thompson: Comme je l'ai mentionné précédemment, au cours des dernières semaines nous avons assisté à des discussions intenses en Afrique concernant le NEPAD. La visite du premier ministre en avril a donné davantage d'élan au débat sur les orientations futures pour l'Afrique, et le week-end dernier, les consultations de l'ACDI à Montréal ont donné l'occasion aux ONG et à d'autres intervenants de participer activement à des discussions individuelles et de groupe. Bref, nos collègues ont exprimé les observations et les recommandations suivantes.

    Premièrement, le NEPAD ne fait pas espérer un nouveau partenariat, mais il exige d'autres discussions concernant certains aspects comme l'examen par les pairs. Par ailleurs, nos collègues estiment que dans le cadre du plan d'action pour l'Afrique, il faut accorder davantage d'attention à l'atténuation du problème du VIH/sida. Ce thème a continué de s'avérer comme étant un sujet clé tout à fait essentiel. Par ailleurs, ils voulaient voir davantage d'attention accordée au rôle des femmes et du développement, et aux besoins critiques de la sécurité alimentaire. Enfin, nos collègues ont dit que le plan d'action devait accroître la participation de la société civile à la mise en oeuvre du NEPAD.

+-

    Mme Linda Tripp: Pour résumer, mesdames est messieurs, Vision mondiale propose que le plan d'action pour l'Afrique continue d'inviter la pleine participation des dirigeants politiques africains, mais plus particulièrement des dirigeants de la société civile, dans les discussions futures; qu'il y ait un équilibre entre les besoins financiers et sociaux des collectivités des pays; que nous appuyions la promotion de la paix et la prévention des conflits; et qu'il y ait une augmentation des ressources coordonnées et nouvelles.

    En tant qu'organisme chrétien, Vision mondiale agit selon les principes bibliques de la justice. Les pauvres ont le droit de recevoir une part de la richesse mondiale afin qu'ils puissent eux aussi investir dans un avenir plus prospère. Une loi des écritures hébreux demande que le peuple d'Israël consacre au moins 10 p. 100 de ses revenus au service des pauvres. La combinaison de cette dîme a une portion appropriée de la récolte représenterait un investissement important par les membres de la société dans l'avenir des pauvres, un investissement qui devrait certainement être supérieur à 0,23 p. 100 du PIB que les pays de l'OCDE consacrent actuellement à l'aide à l'étranger. Nous croyons qu'il s'agit là d'une politique qui mérite d'être imitée, tout comme l'année du jubilé.

    Je vous remercie de votre attention, et je vous souhaite bonne chance dans cette importante entreprise.

+-

    La présidente: Nous voulons nous aussi vous remercier de nous avoir si clairement exposé ces questions. Obuntu 8 pour le G-8 a été distribué à nos collègues. Nous avons tous ce document depuis un certain temps, de sorte que nous savons très bien ce que vous demandez. Par ailleurs, la campagne publique nous a envoyé ces cartes postales. Nous savons que la campagne est en cours encore une fois, et qu'on répète votre message. Votre message est incorporé à l'élaboration des documents du NEPAD. J'espère que nous pourrons travailler ensemble dans un partenariat afin de nous assurer que ce sera fait. Je pense que ce dont vous parlez vraiment, c'est des valeurs canadiennes et du bien-être de nous tous dans ce village global. Je vous en remercie.

+-

     Votre document a fait son chemin grâce aux audiences de notre comité. Il se trouve maintenant sur le site Web, avec tous les autres documents présentés au comité. La population est donc informée des huit éléments.

    Je demande à mes collègues d'être brefs dans leurs questions afin que nous puissions terminer à temps.

¾  +-(0840)  

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame la présidente.

    Merci à Vision mondiale Canada des efforts qu'elle déploie tant au Canada qu'à l'étranger. Merci du bon travail que vous avez fait.

    Pour commencer, j'ai deux observations à faire. Vous constaterez que beaucoup de gens s'entendent sur la question de l'aide, surtout dans les pays les plus pauvres, pour répondre aux besoins les plus fondamentaux, entre autres la santé, l'éducation, l'enseignement primaire et l'approvisionnement sûr en aliments dans les régions où, pour une raison quelconque, la population n'y a pas accès.

    De plus, il existe un climat d'encouragement suffisant pour que les leaders africains—et ils le disent eux-mêmes—exercent des pressions positives dans leur pays en vue d'une réforme démocratique. Cette réforme entraînera une réforme économique qui permettra à la population de commencer à répondre elle-même à ses besoins.

    Quand vous parlez des groupes de la société civile, cela comprend-il pour vous les entrepreneurs locaux prospères, des gens de l'endroit qui ont réussi à répondre aux moins à leurs propres besoins et sont en mesure d'en faire profiter les autres? Ici, nous parlerions d'une chambre de commerce, mais cela pourrait être différent dans d'autres cultures.

+-

    Mme Linda Tripp: Vision mondiale Tanzanie mène de nombreuses campagnes de collecte de fonds en Tanzanie, surtout en partenariat avec des entreprises locales et d'autres choses de ce genre. À cela s'ajoute notre travail pour la mise sur pied de micro-entreprises, qui consiste à accorder des petits prêts aux gens de la localité. Ces prêts permettent la création de nombreux groupes locaux et d'initiatives locales. C'est un peu comme nos chambres de commerce, sans être toutefois identique. Oui, ces entreprises sont incluses.

+-

    M. Stockwell Day: Merci.

+-

    La présidente: M. Assadourian.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

    Je félicite moi aussi Vision mondiale Canada de son excellent travail. Chaque fois que j'écoute la télévision, l'annonce publicitaire retient mon attention. C'est une annonce très émouvante. J'appuie pleinement votre travail. Vous prêtez main-forte non seulement aux populations d'Afrique mais aussi à celles de tous les pays en conflit.

    Pourriez-vous s'il vous plaît m'en dire davantage sur le premier élément de votre proposition, c'est-à-dire appuyer la paix et la prévention des conflits? Vous ajoutez qu'il faut mettre fin aux envois d'armes en Afrique. Je suis d'accord avec vous. Mais que peut-on faire pour prévenir les conflits?

+-

    Mme Linda Tripp: Si vous examinez les répercussions que ces conflits ont eu sur les enfants et toute la question des enfants qui se trouvent en situation de guerre, vous vous rendez compte que ce phénomène n'a été possible qu'à cause de la prolifération des armes légères. Nous disons dans notre document Obuntu qu'en Angola, il est plus facile à un enfant de se procurer un fusil qu'un manuel scolaire. Le Canada n'est pas directement en cause, mais nous demandons au Canada d'exercer toute l'influence possible auprès des autres pays pour mettre fin à ce trafic d'armes légères en Afrique. Cela contribuerait grandement à résoudre certains conflits intérieurs.

    Dans une région d'Éthiopie, posséder une arme à feu était considéré comme un symbole de réussite sociale. Grâce au travail de Vision mondiale et de l'un de nos programmes de développement local visant à promouvoir l'éducation, la situation a été corrigée et le fait d'envoyer son enfant à l'école est devenu le nouveau symbole de statut social. Comme le veut la loi de l'offre et de la demande, la demande en fusils a diminué et le problème des armes a perdu de son ampleur dans la région. Grâce à des initiatives d'ONG comme Vision mondiale et grâce à l'influence que le Canada peut exercer auprès des pays qui vendent légalement ou non leurs armes, nous croyons que le Canada devrait se montrer plus ferme.

¾  +-(0845)  

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci beaucoup de vous être jointes à nous ce matin et merci d'avoir accepté le changement à notre ordre du jour.

+-

    Mme Linda Tripp: Merci, madame Augustine. Merci également aux membres du comité.

+-

    La présidente: Nous allons maintenant inviter le professeur Jack Granatstein à prendre place.

+-

    M. Jack Granatstein (coprésident, Council for Canadian Security in the 21st Century): Je ne suis plus professeur.

+-

    La présidente: Professeur un jour, professeur toujours.

+-

    M. Jack Granatstein: J'ai tout fait pour en sortir.

+-

    La présidente: Bienvenue et merci de vous joindre à nous ce matin.

    Je signale aux fins du compte rendu que le témoin est Jack Granatstein, coprésident du Council for Canadian Security in the 21st Century.

    Vous avez dix minutes pour faire votre exposé. Ensuite, je vous demanderai de répondre aux questions des membres du comité. Nous avons déjà lu certains de vos documents. Une partie de notre comité tient des audiences dans l'Ouest et un article que vous avez récemment publié a suscité certaines répliques. Vous aurez donc peut-être ainsi l'occasion de réfuter ces répliques.

+-

    M. Jack Granatstein: Il est très facile de réfuter ce que disent M. Axworthy et ses semblables, madame la présidente.

    Merci beaucoup de m'avoir invité. C'est un plaisir pour moi de participer à cette réunion. À cause d'un certain nombre de questions qui précèdent les événements du 11 septembre ou en découlent, le Canada connaît certaines difficultés immédiates et à long terme dans ses relations avec la superpuissance voisine. Ces questions doivent être débattues par la population et les parlementaires car elle sont toutes importantes et les Canadiens doivent en être informés. Au nom du Council for Canadian Security in the 21st Century, permettez-moi de n'en discuter que deux aujourd'hui, et la première de ces questions est le système national de défense antimissile, ou NMD.

    La défense contre les missiles balistiques intercontinentaux est l'une des grandes préoccupations des États-Unis, depuis des années, même si le traité de 1972 entre les États-Unis et l'URSS concernant la limitation des systèmes antimissile balistique a limité les recherches pendant des années. Le gouvernement Bush a manifesté son intention de se retirer de ce traité et d'effectuer le plus rapidement possible des recherches pour mettre au point, d'ici 2005, un système de défense contre les ICBM venant d'États hors la loi comme la Corée du Nord, l'Iraq et d'autres. Les Russes et les Chinois s'y opposent, et c'est bien naturel, tout comme bon nombre de Canadiens. Les États-Unis ne doutent pas de pouvoir accélérer les recherches et de pouvoir déployer un système NMD si on peut en mettre un au point, ce qui est loin d'être assuré.

    Quelle position le Canada devrait-il adopter devant la détermination des Américains, une détermination que les événements du 11 septembre n'ont fait que renforcer? Pour la plupart, les représentants canadiens minimisent la menace des États hors la loi et s'inquiètent de l'unilatéralisme américain. L'échec des recherches à produire un système de défense utile ne ferait verser de larmes à personne ou presque. Mais si les recherches sont fructueuses, le Canada est depuis 1957-1958 un des partenaires du NORAD, dont l'administration centrale se trouve à Cheyenne Mountain, au Colorado. Le Canada a depuis renouvelé tous les cinq ans sa participation à cet accord. Le changement d'orientation du NORAD a été illustré par le remplacement, il y a de cela quelques années, de l'appellation «défense aérienne» par «défense aérospatiale». Il est très probable que les États-Unis confieront au NORAD le contrôle du système NMD afin de profiter des systèmes d'alerte que possède déjà le NORAD et que le personnel militaire canadien peut aider à diriger.

    Si le Canada décide de s'opposer au système de défense NMD pour des raisons morales, les Canadiens au NORAD ne pourront plus participer pleinement au processus d'alerte et d'évaluation. Les conséquences sont claires: les Américains pourraient préférer mettre fin au commandement intégré que représente le NORAD ou confier le système NMD à leur commandement spatial, et peut-être même l'intégrer à leur commandement stratégique. À toutes fins pratiques, le démantèlement du NORAD priverait le Canada de toute influence sur la défense aérienne continentale et aurait presque à coup sûr des répercussions sur l'énorme quantité de renseignements de sécurité que le Canada reçoit de sources américaines.

+-

     Par ailleurs, si le Canada accepte le système NMD, que celui-ci est intégré au NORAD, l'influence canadienne pourrait augmenter. Personne ne croit que le Canada acquerra l'autorité absolue quant au système NMD si c'est le NORAD qui mène le jeu. Mais le Canada a droit à la consultation, droit à la participation et aura sa place à la table des décisions.

    Comme les États-Unis sont presque certains d'aller de l'avant, le Canada doit choisir entre le sens moral et le sens pratique, et dans les circonstances actuelles, alors que la valeur morale ne fera qu'irriter l'administration Bush et nuire aux intérêts canadiens, il n'y a pas de choix. Il est peut-être trop tard pour en retirer un avantage maximum, cependant, plus tôt le Canada conviendra d'appuyer la décision sur le système NMD, mieux ce sera.

    La question du Commandement du Nord est semblable à l'énigme NMD/NORAD. Il s'agit du nouveau supercommandement militaire des États-Unis, annoncé le mois dernier. NORTHCOM doit être activé le 1er octobre et doit être dirigé par le général américain qui commande le NORAD. NORTHCOM sera également situé près du NORAD, au Colorado. Voilà longtemps qu'une telle organisation était suggérée aux États-Unis, surtout à des fins de coordination entre les services américains revêches.

    Évidemment, la défense du pays préoccupe grandement les Américains et il devrait en être ainsi pour les Canadiens. Toutefois, NORTHCOM est un commandement national américain et il est très improbable que le Canada soit invité à participer à la planification ou au commandement. Mais Ottawa devrait, en toute logique, pousser la création d'un accord NORAD élargi couvrant les forces terrestres et navales des deux pays et préservant le statut du Canada dans le NORAD national.

    Ces suggestions vont à l'encontre des préoccupations du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international au sujet de la souveraineté et de l'autonomie, et le ministère des Finances craint probablement que si le Canada élargit le NORAD pour couvrir la défense intérieure, les pressions américaines pour une défense beaucoup plus importante pourraient être trop fortes pour être laissées de côté. Toutefois, il faut aborder la question exactement comme pour le système NMD. Les États-Unis sont déterminés à améliorer leur défense intérieure et vont certainement aborder cette question, comme ils le doivent, dans une perspective continentale.

    Le communiqué de presse annonçant la création du Commandement du Nord indiquait que son secteur de responsabilité engloberait tout le continent nord-américain, y compris le Canada, et a attribué au commandant en chef du Commandement du Nord la tâche d'assurer la coopération de la sécurité et la coordination militaire avec les autres pays. Ainsi le Canada a le choix de laisser les Américains planifier l'utilisation du territoire canadien ou de participer aux décisions.

    La réponse instinctive du premier ministre était de dire, avec raison, que le Commandement du Nord était l'affaire des Américains, mais il a ensuite ajouté que la défense du Canada sera assurée par le gouvernement canadien et non par le gouvernement américain. Son cabinet a émis un communiqué selon lequel les discussions informelles du cas présent ne comprenait pas la création possible d'un nouveau commandement conjoint avec des forces permanentes qui lui sont attribuées.

    Votre ancien président, le ministre actuel des Affaires étrangères, était plus réservé en mentionnant que le gouvernement avait avisé les États-Unis qu'une fois qu'ils auront annoncé leur plan, nous l'étudierions et déterminerions dans quelle mesure nous souhaitons que le Canada y participe ou s'il serait bon pour le Canada d'y participer.

    Une fois de plus, il n'y a pas de véritable choix. Les partisans du Canada d'abord proclameront que le Canada s'attelle au bout du chariot américain s'il élargit le NORAD ou affecte des fonctionnaires au Commandement du Nord qui pourraient le faire à l'avenir, mais les décisions fondamentales ont été prises dans la déclaration d'Ogdensberg de 1940 et ont été confirmées par une succession d'accords relatifs à la défense et au commerce. Voulons-nous mener des consultations ou n'en avoir aucune sur des enjeux concernant la sécurité canadienne autant que la sécurité américaine?

    Certains ont souligné les différences entre la politique canadienne et la politique américaine en s'opposant à l'extension du NORAD. «Que fait un soldat canadien?», demandait l'honorable Lloyd Axworthy, «si on lui demande de poser des mines terrestres sur le sol canadien contrairement aux engagements du traité? Que se passe-t-il si nous appréhendons une personne considérée criminelle de guerre? La loi américaine empêcherait qu'on la transfère tandis que nos obligations l'exigent.» Ce sont des questions importantes, mais elles seraient plus percutantes si les forces aériennes du Canada et des États-Unis n'avaient pas réussi à travailler ensemble 35 ans dans le NORAD et si les Forces maritimes du Canada et des États-Unis n'avaient pas été intégrées harmonieusement, résolvant chaque jour des problèmes d'une complexité égale. Tant que nos troupes demeureront sous le commandement canadien, avec des Canadiens capables de décider quoi faire et, s'il y a lieu, quand se placer sous le contrôle opérationnel des États-Unis, notre pays aura suffisamment de pouvoir pour influencer sa destinée militaire.

¾  +-(0850)  

+-

     Si le contrôle opérationnel est accordé aux commandants américains, il peut être retiré à tout moment. En outre, un NORAD élargi serait obligé de demander des forces canadiennes pour des missions particulières, le gouvernement canadien aurait le choix d'y consentir après évaluation de tous les facteurs. C'est ce qui se passe avec le NORAD actuel.

    Les préoccupations de M. Axworthy sont tout simplement erronées; elles ne sont certainement pas dans l'intérêt de la défense du Canada et du continent. En effet, les Canadiens doivent se soucier de l'intégration élargie avec les militaires des États-Unis, mais dans leur volonté de demeurer une nation souveraine, ils ne doivent pas oublier les enjeux. Avec presque 90 p. 100 de notre commerce allant aux États-Unis ou transitant par ces derniers, notre bien-être dépend des bonnes relations avec notre superpuissance voisine.

    Je m'arrête ici, madame la présidente. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

¾  +-(0855)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Il vous restait encore une minute.

    Nous allons passer directement aux questions.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame la présidente. Merci, monsieur, de votre exposé approfondi.

    J'ai une observation à faire avant de poser ma question. Je ne sais pas si vous avez choisi intentionnellement vos mots, mais vous dites à la page 2 «... le Canada doit choisir entre le sens moral et le sens pratique». Vous dites ensuite «... alors que la valeur morale ne fera qu'irriter l'administration Bush». Nous avons entendu les témoignages d'associations aux opinions diamétralement opposées; certaines estimaient qu'il en valait la peine d'envisager le système NMD, d'autres non. Je ne crois pas qu'un camp se soit fondé sur des valeurs morales plus élevées que l'autre, puisque tous fondaient leur opinion sur l'intérêt supérieur du Canada.

    Je le mentionne simplement. Le fait que l'administration Bush penche davantage d'un côté ne signifie pas nécessairement que le caractère immoral...

+-

    M. Jack Granatstein: Il ne me viendrait jamais à l'idée de dire que la position américaine ou la position canadienne est «immorale». Je dis simplement que l'attitude canadienne qui consiste à toujours prétendre être une superpuissance morale irrite le reste du monde et surtout Washington.

    Il y a près de 50 ans, Dean Acheson avait dit que le Canada était «la fille sévère de la voix de Dieu», puisque même à cette époque, nous prêchions constamment. Cela fatigue un peu les États-Unis car les Américains estiment faire preuve d'autant de moralité que les Canadiens.

+-

    M. Stockwell Day: C'est exactement ce que je dis. Merci de l'avoir précisé. Effectivement, c'est souvent l'idée qui a été projetée, surtout par l'ancien ministre Axworthy, qui essayait d'attacher une haute valeur morale à une position au lieu d'examiner concrètement ce qui valait mieux pour les Canadiens.

    À ce sujet, croyez-vous que le manque actuel de participation, du moins en apparence, dans ce projet du NORTHCOM vient de la crainte du gouvernement qu'on lui demande d'investir davantage de ressources alors qu'il n'a pas manifesté par le passé une tendance à le faire?

+-

    M. Jack Granatstein: N'oubliez pas, comme je l'ai dit, nous ne serons pas invités à participer au NORTHCOM. Il s'agit d'un commandement national américain, comme le commandement européen, comme le commandement de l'Atlantique, le commandement du Pacifique ou le commandement du Sud. Les Américains ont toute une gamme de commandements militaires dans diverses partie du monde. Ces commandements sont entièrement américains. Il peut y avoir une certaine coopération. Des officiers d'autres pays peuvent y participer, mais NORTHCOM est exclusivement américain.

    Il ne s'agit pas pour nous de déterminer comment nous allons coopérer avec NORTHCOM; ce que nous devons décider, c'est comment nous collaborerons à la défense continentale, une défense qui, à mon avis, nécessite un NORAD accru—pour que le NORAD couvre les trois services plutôt que simplement les forces aériennes.

    L'opinion canadienne a été faussée par les médias—et, à vrai dire, par le très mauvais article de M. Axworthy—car on a laissé entendre qu'on nous demande de participer à NORTHCOM. Ce n'est pas le cas.

+-

    M. Stockwell Day: J'ai une autre question, madame la présidente.

    À votre avis, le Canada devrait-il attendre de voir comment la situation évolue, quelle sorte de plan est dressé, ou devrions-nous signaler aux États-Unis que puisqu'ils planifient des choses, certains éléments devraient être pris en considération?

+-

    M. Jack Granatstein: À mon avis, la défense continentale relève et du Canada et des États-Unis. Depuis le 11 septembre 2001, nous sommes tous menacés. Si nous avons une opinion sur la façon dont le continent devrait être défendu, sur la façon dont les Canadiens devraient être défendus, nous devrions demander à participer aux réunions le plus tôt possible afin de mettre en place un accord étendu de défense pour tout le continent.

+-

     Je crois que nous devrions prendre l'initiative. À vrai dire, nous savons qu'il y a déjà des discussions en cours à un niveau inférieur sur la façon dont on pourrait agrandir le NORAD, mais je ne sais pas si le gouvernement adopterait cette orientation. Nous devons évoluer vers une nouvelle étape de nos relations de défense avec les États-Unis.

¿  +-(0900)  

+-

    M. Stockwell Day: Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Assadourian.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci.

    Tout d'abord, je n'ai pas été convaincu par votre explication sur le fait d'irriter l'administration Bush. Mais c'est mon opinion.

    J'aimerais connaître votre opinion sur une déclaration de l'ancien premier ministre Trudeau sur le fait que les États-Unis n'auraient pas d'autre choix que de nous défendre en cas de menaces d'attaque par l'URSS.

    Qu'en pensez-vous? Est-ce encore vrai?

+-

    M. Jack Granatstein: Il ne fait aucune doute à mon avis que les États-Unis auront à nous défendre. Ils doivent nous défendre parce que nous sommes l'une des voies d'accès à leur pays. Ce qu'il faut déterminer, c'est si c'est une position satisfaisante pour une nation souveraine.

    Les Américains prétendent toujours qu'ils ne défendent pas le Canada alors que les Canadiens prétendent qu'ils le font. Je préférerais que le Canada soit un État souverain, qu'il agisse comme un État souverain et qu'il possède des forces militaires respectables capables de défendre réellement le Canada.

    Durant la majeure partie de notre histoire, à l'exception des deux guerres mondiales et peut-être des dix premières années de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, dont nous avons contribué à la création, le Canada a été un pique-assiette. Nous nous en sommes remis aux États-Unis. Nous avons économisé l'argent que nous aurions dû consacrer à la défense et nous l'avons utilisé à d'autres choses. Pendant cet temps, les Américains nous ont défendus. Comment peut-on parler de souveraineté dans une telle situation?

+-

    M. Sarkis Assadourian: Ma dernière question est la suivante. La population des États-Unis est de plus de 300 millions d'habitants...

    M. Jack Granatstein: Elle est dix fois supérieure à la nôtre.

    M. Sarkis Assadourian: Peut-on en déduire que nos forces devraient être 90 fois moins grandes que celles des Américains?

+-

    M. Jack Granatstein: On pourrait supposer que notre armée devrait correspondre à 10 p. 100 à celle des États-Unis.

    M. Sarkis Assadourian: Est-ce le cas?

    M. Jack Granatstein: Non, loin de là. Notre armée compte 60 000 membres, la leur, 1,5 million. Nous sommes donc loin de ces 10 p. 100 . Nous consacrons 1,1 p. 100 de notre PIB à la défense, soit 7 milliards de dollars américains par année. Les Américains y consacrent près de 400 milliards de dollars. Nous ne faisons pas notre part.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Diriez-vous également que c'est peut-être parce que les États-Unis sont la seule superpuissance qui existe encore? Quelle comparaison peut-on faire avec d'autres pays de 30 millions d'habitants?

+-

    M. Jack Granatstein: Nous faisons moins qu'à peu près tous les autres pays au sein de l'OTAN. Nous sommes au dernier rang à l'exception du Luxembourg en ce qui a trait au pourcentage du PIB.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Nous étions au sixième rang de l'OTAN quant au budget de défense.

+-

    M. Jack Granatstein: En dollars peut-être, mais par habitant et en pourcentage de PIB, nous venons juste avant le Luxembourg. Nous ne faisons pas notre part; nous n'avons pas fait notre part. Voilà déjà 40 ans que notre pays est à la remorque des autres. Pour un pays qui prétend jouer son rôle dans le monde, c'est vraiment pitoyable. Nous ne pouvons même plus faire notre part de façon satisfaisante dans le maintien de la paix. À l'heure actuelle, nous sommes au 34e rang des contributions des Nations Unies au maintien de la paix.

    Nous ne sommes pas très efficaces. Notre influence a diminué et continue de diminuer dans le monde.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Quel est le rang des États-Unis, dans les contributions au maintien de la paix?

+-

    M. Jack Granatstein: Je ne saurais vous fournir de chiffres précis, mais les Américains ont plus de soldats que nous affectés à des opérations de maintien de la paix.

    M. Sarkis Assadourian: Merci.

+-

    M. Stockwell Day: Madame la présidente, je ferai remarquer que, d'après toutes les études que nous avons réalisées, c'est une réalité statistique. Seul le pays mentionné par M. Granatstein fait moins que le Canada et c'est pour cela que nous perdons notre influence au sein de l'OTAN. Notre influence au sein de l'OTAN a diminué au cours des 10 dernières années.

+-

    M. Jack Granatstein: Cela ne fait aucun doute. Nous nous sommes retirés de l'OTAN, bien sûr; nous avons retiré nos troupes de l'Europe et notre influence là-bas a énormément diminué. Nous pourrons peut-être augmenter notre influence en Europe si nous participons à cette entente que nous négocions avec l'Union européenne, mais nous n'avons pas de gens à envoyer là-bas. Nous ne pourrons probablement pas remplacer notre bataillon en Afghanistan parce que nous n'avons pas d'autre bataillon d'infanterie à y envoyer. Nous n'avons pas suffisamment de ressources, du point de vue militaire, pour les fonctions que nous voulons assumer.

+-

    La présidente: J'ai deux questions à vous poser avant de vous laisser partir, monsieur Granatstein.

    Il s'agit d'un argument qui a été présenté au comité dans l'Ouest. On a dit que si on mettait sur pied un accord accru de sécurité pour l'Amérique du Nord comprenant une coopération militaire, le Canada devrait insister pour que le Mexique y participe officiellement.

    Vous n'avez pas parlé du Mexique dans votre brève discussion avec nous. Que pensez-vous de la participation officielle du Mexique à tout cela?

+-

    M. Jack Granatstein: Les forces armées mexicaines sont, malgré leur nombre, une année lumière derrière les Forces canadiennes et deux années lumière derrière les forces américaines pour ce qui est des technologies de pointe et des ressources modernes de combat. Il s'agit plutôt d'une force de sécurité intérieure chargée de soumettre la population mexicaine—pardonnez-moi, mais c'est vrai.

    Je ne crois pas que la défense de l'Amérique du Nord doit se faire au moyen d'une entente tripartite. Le commerce peut être tripartite, mais du point de vue militaire, la défense de l'Amérique du Nord relève principalement des Américains et, de façon secondaire, des Canadiens et des Américains. Ce serait une erreur pour nous de prétendre autre chose.

+-

    La présidente: Enfin, pourriez-vous commenter ce dont nous avons tous entendu parler—et je ne suis pas certaine si le comité en a reçu un avis officiel—c'est-à-dire que M. Eggleton, notre ministre de la Défense, envisage de faire un examen de la défense?

    Y a-t-il convergence de toutes ces questions vers une défense possible? Avez-vous des recommandations à faire à ce sujet? Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Jack Granatstein: Le Conseil pour la sécurité canadienne a publié un rapport en novembre dernier dans lequel était lancé un appel en faveur d'un examen de la défense. Nous sommes donc heureux que le gouvernement se soit engagé dans cette voie. À quoi aboutira cet examen? Pour le conseil, il faudra davantage de crédits pour la défense, plus de personnel et plus de matériel.

    J'aimerais que nous atteignions le plus tôt possible la moyenne des dépenses des pays de l'OTAN pour la défense, c'est-à-dire le double de ce que nous y consacrons, 2,2 p. 100 du PIB au lieu de 1,1 p. 100. Si nous le faisons, portons le nombre de nos soldats de 80 000 à 85 000: 10 000 de plus dans l'armée, entre 5 000 et 8 000 de plus dans la marine et les 10 000 autres dans l'aviation. Procurons-nous le nouveau matériel dont nous avons besoin. Alors seulement aurons-nous la capacité de jouer un rôle dans le monde. Il ne s'agira plus uniquement d'assurer le maintien de la paix; nous jouerons un rôle dans la défense de l'Amérique du Nord et un meilleur rôle dans les opérations de l'OTAN en Bosnie, et peut-être ailleurs. Cela nous est impossible aujourd'hui sans exercer de terribles pressions sur nos hommes et nos femmes des forces armées.

+-

     La qualité de vie des Forces canadiennes s'est spectaculairement dégradée. Les chiffres ne peuvent pas être maintenus au niveau actuel de 54 000, ce qui est le véritable effectif des Forces canadiennes. D'ici deux ou trois ans, nous allons perdre un grand nombre de nos sous-officiers et de nos officiers, qui ont atteint la limite d'âge.

    La vérité, c'est que nous sommes sur le point de devenir virtuellement sans défense. Si cela se produit, il ne sera plus question de défendre l'Amérique du Nord ni notre souveraineté. Il faudra tout simplement compter sur les Américains pour tout. Nous ne pouvons pas rester un État souverain dans ces conditions.

¿  +-(0905)  

+-

    La présidente: Pourriez-vous faire une déclaration optimiste en guise de conclusion? Je ne veux pas finir sur cette note.

+-

    M. Sarkis Assadourian: J'ai une courte question.

    La présidente: Oui.

    M. Sarkis Assadourian: Je vais vous lire ce paragraphe tiré de mes notes. Tout accord doit aussi engager expressément les États-Unis à demander l'autorisation expresse du Canada avant qu'un soldat ou du matériel américain pénètre dans l'Arctique ou dans le Passage du Nord-Ouest. Si les États-Unis font fi de cette exigence, et font entrer leurs sous-marins ou autres bâtiments dans le Passage du Nord-Ouest, vous attendez-vous à ce que nous attaquions les États-Unis pour défendre notre souveraineté?

+-

    M. Jack Granatstein: Évidemment pas.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Alors dites-moi contre qui nous allons nous battre.

+-

    M. Jack Granatstein: Où étiez-vous le 11 septembre, monsieur? Est-ce que l'Amérique du Nord n'a pas été attaquée? N'y a-t-il pas toujours une menace d'attentat?

+-

    M. Sarkis Assadourian: Vous teniez le même discours avant le 11 septembre, n'est-ce pas?

    M. Jack Granatstein: Oui.

    M. Sarkis Assadourian: Une défense plus importante?

    M. Jack Granatstein: Oui.

    M. Sarkis Assadourian: Quelle était votre justification à l'époque?

    M. Jack Granatstein: La justification, c'est que nous ne faisons pas notre part. La justification aujourd'hui, c'est que nous sommes menacés d'une attaque.

    M. Sarkis Assadourian: Vous êtes donc en train de dire que si nous avions une armée et que si les États-Unis passaient outre à notre souveraineté et empruntaient le Passage du Nord-Ouest nous ne devrions pas les attaquer? À quoi rime la souveraineté alors?

+-

    M. Jack Granatstein: Eh bien, je pensais que la souveraineté c'était la position du Parti libéral. Je me trompe peut-être.

    Je suppose que la défense de la souveraineté canadienne, c'est la capacité de revendiquer et de protéger notre territoire. De toute évidence, nous n'allons pas attaquer militairement un navire américain qui emprunte le Passage du Nord-Ouest. Nous devrions toutefois attaquer un navire américain qui emprunte le Passage en faisant usage de toutes les armes diplomatiques de notre arsenal. Le problème, c'est que nous avons très peu d'armes diplomatiques dans notre arsenal contre les États-Unis parce que, essentiellement, nous n'avons pas d'armes militaires. Il arrive que la puissance se manifeste avec le canon d'un fusil. Il n'est pas nécessaire d'en faire usage, mais si on l'a, il arrive que l'on n'ait plus de puissance. Nous perdons notre force morale auprès des États-Unis et la capacité de les convaincre que nous sommes un pays sérieux quand nous ne faisons pas notre part du travail de défense.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Vous pensez que si nous avons une poignée d'avions de plus George Bush va avoir peur de nous?

+-

    M. Jack Granatstein: Non, George Bush ne va pas avoir peur de nous. Nous n'aurons jamais rien qui ressemble aux forces militaires américaines. Par contre, nous pouvons prouver que nous faisons notre part, que nous assumons 10 p. 100 de la défense—ce qui devrait être notre part—et pour ainsi montrer, preuve à l'appui, que nous ne sommes pas des resquilleurs qui comptent sur les États-Unis.

    Cela a des répercussions sur toute la gamme de nos rapports avec les États-Unis. Le document de M. Axworthy a soulevé la question du couplage. Il a dit que nous perdrions notre autorité dans le Nord si nous ne refusons pas de joindre le commandement du Nord—et il a tout à fait tort de dire que nous le souhaitons ou le pouvons. Le fait est que si vous établissez un lien entre ces éléments, peut-être trouvera-t-on une explication au manque de progrès dans le dossier du bois d'oeuvre ou celui des subventions agricoles. C'est parce que nous n'assumons pas notre responsabilité dans celui de la défense. Quand votre pays n'est pas pris au sérieux dans certains secteurs, il n'est pas pris au sérieux dans d'autres. Voilà la difficulté.

+-

    La présidente: Merci.

    Puisque vous avez demandé un examen du secteur de la défense, pouvons-nous le faire sans aussi examiner la politique étrangère?

    M. Jack Granatstein: Non, ce n'est pas possible.

    La présidente: Merci.

    M. Jack Granatstein: Que je sache, toutefois, il y a un examen de la politique étrangère en cours actuellement. Malheureusement, c'est un examen qui se fait à l'interne. Il n'y a pas d'audiences publiques, ce que je trouve renversant, mais c'est ainsi.

    La présidente: Je tiens à vous remercier du temps que vous nous avez consacré ce matin et de vous être plié à notre emploi du temps. Cela a été un plaisir de vous recevoir. Merci, monsieur Granatstein.

    M. Jack Granatstein: Merci, madame la présidente.

+-

    M. Stockwell Day: Madame la présidente, j'aimerais ajouter ceci. Nous devrions obtenir une clarification du ministre à propos d'un examen de la politique étrangère. Des témoins nous ont dit qu'un examen est en cours mais en secret.

    Le ministre a déjà dit qu'il voudrait qu'il y ait un examen. Il nous serait utile d'obtenir des précisions pour savoir où nous en sommes.

+-

    La présidente: Merci.

    J'invite maintenant à la table notre prochain témoin, M. John Kirton directeur du groupe de recherche du G-8 à l'Université de Toronto.

    Vous avez déjà comparu ici et vous savez que nous nous attendons à ce que vous preniez une dizaine de minutes et à ce que vous répondiez aux questions des députés. Tout ce que vous direz ici est enregistré et sera sur notre site Web. Après quoi vous n'avez plus de droits.

+-

    M. John Kirton (directeur, Groupe de recherche du G-8, Université de Toronto): Merci, madame la présidente et félicitations pour votre nomination.

    Je vous suis particulièrement reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité et je tiens à vous remercier d'avoir inclus la question du G-8 du Sommet de Kananaskis à votre programme de travail déjà très chargé en sus de l'intérêt que vous portez toujours aux relations entre le Canada et les États-Unis.

    Le groupe de recherche sur le G-8 est une institution que j'ai créée avec votre ancien collègue, Bill Graham, à l'Université de Toronto en 1987-1988, lorsque le Canada a accueilli le sommet dans cette ville à cette époque. Chose importante, nous avons obtenu pour cela l'aide financière d'Art Eggleton alors maire de Toronto.

    Comme son origine l'indique, nous avons créé une institution qui a pour mandat de servir de source principale d'information et d'analyse du monde sur les thèmes de discussion, les institutions et les membres du G-8. Nous avons donc une sorte de parti pris. Nous faisons partie de la société civile.

+-

     Dans le cadre de nos fonctions nous avons participé à tous les sommets depuis 1988 comme membres des média, en partie pour aider nos médias à mieux comprendre et interpréter l'événement. Avec le temps, nous avons réussi à comprendre le fonctionnement du sommet, en particulier le visage public du sommet et la façon dont il communique avec les citoyens à l'extérieur.

    La question a évidemment acquis de l' importance ces dernières années dans l'ensemble des institutions internationales, à commencer par la réunion ministérielle de l'OMC à Seattle en 1999. Dans l'année qui vient de s'écouler, les Canadiens se souviennent du Sommet des Amériques tenu à Québec et des protestations de la société civile qui s'y sont tenues et la réunion du G-8 l'an dernier à Gênes en Italie où quelque 200 protestataires de la société civile se sont rassemblés à l'occasion d'une manifestation qui a malheureusement abouti à la mort de l'un d'entre eux.

    Reconnaissant que d'autres se sont penchés sur le programme de Kananaskis, en particulier la réduction de la pauvreté en Afrique, j'examinerai la question de savoir comment aborder le problème politique intérieur, du rapprochement de la société civile avec le G-8 d'une manière mutuellement productive.

    Je vais commencer par un paradoxe. Depuis ses débuts relativement modestes en 1975, le régime de gouvernance mondiale du G-7/G-8 est vraiment devenu le véritable centre de la gouvernance mondiale. On le sait peu dans un monde où l'attention est retenue par le système de l'ONU, beaucoup plus visible et plus connu. En fait, avec ses institutions administratives et ses réunions, la majorité des ministres et des administrations de notre pays et de nos partenaires participent en permanence au système du G-8. C'est un appareil qui fonctionne quotidiennement tout au long de l'année et je pourrai vous parler de ses réalisations si vous le souhaitez.

    Pourtant, cette institution est l'une des plus invisibles, des moins connues, des moins bien comprises. Il y a donc un paradoxe entre son importance, d'une part, et ce que l'on sait et ce que l'on comprend d'elle d'autre part.

    Le paradoxe est d'autant plus criant que le G-8 repose depuis sa création sur un fondement unique très différent de celui de l'ONU, à savoir la démocratie et, en corollaire, la liberté individuelle et le progrès social. Telle est la mission première, la raison d'être du G-8.

¿  +-(0910)  

+-

     Cela étant, comment réduire le déficit démocratique au moment où s'aggravent les inquiétudes de la société civile? Dans l'année qui vient de s'écouler, j'ai réfléchi à ma propre expérience et en particulier au rythme des préparatifs en vue de Kananaskis et je vous présente ce que j'appelle modestement un programme en dix points de propositions pratiques. Il s'agit d'une liste de mesures à prendre immédiatement et dans les mois à venir—notamment immédiatement après la fin du sommet—pour combler le fossé entre la société civile et le G-8.

    Depuis l'automne dernier, à la suite de la mort d'un manifestant, des protestations massives et des actes de violence à Gênes, puis à la suite du 11 septembre et de la réalisation soudaine des risques sécuritaires entourant le sommet, on tient beaucoup à ce que le sommet soit petit et soit tenu en secret à l'écart de la société civile. Le gouvernement risque ainsi à mon avis de faire une grosse erreur. Avec le passage du temps depuis le 11 septembre et au fur et à mesure que les préparatifs ont progressé, les craintes se sont apaisées. Toutefois, un certain nombre de mesures importantes peuvent être prises.

    Les voici brièvement.

    Premièrement, Il ne faut jamais oublier la mission démocratique mondiale du G-8: la protection et la promotion de la démocratie dans les pays du G-8 et dans le monde. Dès le début, il s'agissait d'une institution très envahissante. Comme je l'ai dit, sa sphère d'action s'est élargie au point d'englober la quasi totalité des questions qui faisaient l'objet de politiques nationales. Il est parfaitement compréhensible que les citoyens souhaitent y participer à fond parce que cette institution influe sur des questions comme le vieillissement des sociétés et les caisses de retraite. Elle devient alors un centre réel de gouvernance.

¿  +-(0915)  

+-

     Mon deuxième point porte sur ce que j'appelle «l'avantage de l'Alberta»: détendez-vous et ne vous en faites pas trop à la perspective de protestations. Pour un certain nombre de raisons, même avant le 11 septembre et son cortège de mesures de sécurité, il était très peu probable que l'Alberta serait le théâtre de protestations du genre de celles que l'on a vues à Gênes ou même à Québec. De fait, à Gênes, lorsque l'on a annoncé que le prochain site serait Kananaskis et que beaucoup de nos collègues des médias voulaient savoir où cela se trouvait, instinctivement, je me suis dit «Dieu merci pour l'Alberta» parce que enfin on va mettre un terme à cet échauffement et reprendre des échanges civilisés.

    Troisièmement, informer le public par des moyens très modestes. Comme vous le savez, chaque année, c'est un pays différent qui accueille le sommet. Normalement, le pays d'accueil crée son site Web pour un an et le désactive dès sa clôture, ce qui crée un grand vide. Dans la pratique, cela laisse le champ libre toute l'année durant aux protestataires, qui eux ne chôment pas. Ils ont le monopole de l'information. Le déséquilibre de l'information est patent.

    Le gouvernement du Canada est parti du bon pied, comme on pouvait s'y attendre et l'espérer. Ce que nous proposons, c'est qu'il collabore avec le pays d'accueil de l'an prochain pour éviter ce hiatus de six mois. Dans les mois qui ont suivi Gênes, ce silence a été particulièrement dommageable parce que la mort du protestataire et les manifestations ont continué de défrayer la chronique et maintenu le déséquilibre de l'information.

    La mesure suivante est: «Mettez les parlementaires dans le coup». C'est vous les experts, mais je vous pose la question. Les parlementaires canadiens font partie de nombreux groupes interparlementaires internationaux, y compris quatre grandes institutions internationales comme le Commonwealth, l'OTAN, l'ONU... Récemment, en partie à la suite du Sommet des Amériques à Québec, un autre rassemblement de démocraties, semblables à un sommet, le Groupe interparlementaire pour les Amériques, a été créé grâce à vos bon offices et avec l'appui du comité. Ma question est la suivante: Pourquoi n'y en a-t-il pas un pour le G-8?

    Je pense qu'il y a un rôle à jouer ici, même malgré votre emploi du temps chargé. Une possibilité serait de rester en activité une fois remplies nos responsabilités de pays d'accueil pour collaborer avec vos collègues des autres pays et peut-être les encourager à prendre des mesures semblables. Collectivement, comme parlementaires du G-8, ils pourraient jouer un rôle important, donner des conseils sur les orientations à suivre et communiquer avec leurs commettants et les citoyens pour expliquer le forum et en faire le bilan.

    Une autre idée est de créer des centres d'études. Je sais que le Forum de coopération économique Asie-Pacifique, qui comme G8 tient une réunion annuelle de ses dirigeants, a créé à ses débuts au moins un centre d'études de l'APEC dans chacun des pays membres. Dans le cas du G-8, il n'y a rien de semblable. Il y a un certain nombre d'experts dans les divers pays, et certains d'entre eux font partie de notre Conseil consultatif professionnel et sont associés à notre réseau, mais il s'agit d'efforts individuels et non d'une organisation bien financée.

    La création de centres d'étude du G-8 pourrait jouer un rôle important dans la préparation d'un fondement analytique pour une partie du travail du G-8 mais aussi pour surveiller le respect des engagements pris chaque année. S'agit-il uniquement d'un week-end de discours oubliés dès que les dirigeants ont tourné le dos ou bien d'engagements que le gouvernement met en oeuvre dans les années qui suivent? Je pense que les citoyens et les dirigeants aimeraient savoir dans quelle mesure ces engagements sont respectés.

¿  +-(0920)  

+-

     Des bourses du G-8. Je pense à quelque chose de semblable à celles du Commonwealth, du programme Fulbright, dans un monde où les Canadiens ont besoin de mieux comprendre la famille du G-7/G-8... Même s'il peut nous paraître normal de penser que nous comprenons bien tel ou tel membre-- par exemple, les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France--je sais par expérience que même les meilleurs étudiants canadiens n'ont que des connaissances rudimentaires du Japon, la deuxième économie mondiale et un pays qui souscrit à un grand nombre de valeurs canadiennes.

    Une autre possibilité serait de donner une formation multilingue à nos citoyens. Je pense ici à des cours, évidemment. Le gouvernement du Canada fait de l'excellent travail cette année au niveau secondaire et universitaire. C'est un effort qu'il faut poursuivre après Kananaskis et ne plus nous limiter à la langue dominante, l'anglais et le français cette année pour pouvoir communiquer directement aux citoyens du G-8 dans leur langue.

    Même au Canada, nous avons du mal à donner la même importance à notre deuxième langue officielle. Mais, au-delà, il y a quantité d'autres langues, sans compter celle des pays dont les intérêts sont liés à l'oeuvre du G-8.

    Une autre chose serait d'amadouer les médias, si vous me passez l'expression. Il est essentiel que l'on donne aux journalistes toute une série de séances d'information, faciles d'accès, au sommet annuel. Ce sont eux qui disent à la planète ce qui se passe au sommet. S'ils n'ont pas facilement accès à de l'information de qualité ils se concentreront naturellement sur l'unique véhicule incendié par les manifestants, ce qui a dominé la couverture des médias à Gênes, comme l'a déploré le Premier ministre. À cause de l'emplacement de Kananaskis, le gouvernement du Canada s'oriente vers des séances d'information plus fermées et moins instructives pour les médias, ce qu'il faut à mon avis éviter à tout prix.

    Il faut aussi clarifier le communiqué. Certains de nos organisateurs du sommet ont laissé entendre que le gouvernement canadien veut omettre le communiqué traditionnel préparé à l'avance qui a plus de rédacteurs que de lecteurs. C'est sans doute vrai pour certains passages mais nous savons par la fréquentation des sites Web qui l'affichent que des millions de gens dans le monde lisent le communiqué. C'est dans ce texte que les chefs d'Etat et de gouvernement répètent des lieux communs mais prennent aussi des engagements ambitieux, importants, mesurés qui comptent parce que de plus en plus, ces dernières années, leurs promesses sont tenues.

    Il est important que les dirigeants soient seuls pour discuter ensemble mais ce sommet est bien davantage qu'une retraite pour eux. C'est là où se prennent collectivement des engagements et des décisions et nous ne sommes plus à l'époque des décisions secrètes prises de façon occulte. Il faut que les citoyens sachent en détail en quoi consistent ces engagements, ce qui fait leur nouveauté et comment les gouvernements vont les mettre en oeuvre dans les années qui suivent.

¿  +-(0925)  

+-

     Pour conclure, il faudrait faire une place à la société civile sur les lieux du sommet. Cela a été la tendance ces dernières années. Les Japonais y sont très bien parvenus à Okinawa il y a deux ans. On doit au Canada l'une des grandes innovations des rencontres du sommet, le Forum des citoyens qui s'est tenu il y a un peu plus d'un an en parallèle avec le Sommet des Amériques. C'est le président à l'époque du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Bill Graham, qui a admirablement présidé ces travaux. Le Forum a rencontré les ministres des pays participants à l'occasion d'un dialogue avec la société civile auquel j'ai eu la chance de participer. Je pense que ce dialogue a été enrichissant de part et d'autre.

    Ce que nous avons fait pour la famille démocratique des 34 pays des Amériques à Québec ne peut-il pas et ne devrait-il pas être répété pour la famille démocratique des pays du G-8 en Alberta malgré les importantes préoccupations sécuritaires? Une possibilité, même à cette heure tardive, est d'organiser une rencontre des dirigeants de la société civile, peut-être à Calgary, avec les ministres des pays du sommet au moment où les délégations quittent Calgary pour se rendre à Kananaskis.

    Merci, madame la présidente.

¿  +-(0930)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup. C'est un excellent document que vous nous avez remis, y compris vos recommandations.

    Je vais demander aux députés d'être brefs dans leurs interventions.

    Monsieur Day, voulez-vous commencer?

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame la présidente et M. Kirton.

    Ce sont des recommandations pratiques et réalisables. Je ne vois rien qui ira à l'encontre du désir d'être ouvert et transparent. Évidemment, comme député de l'opposition, je trouve que le gouvernement n'est pas aussi ouvert et transparent qu'il le devrait dans bien des domaines. Des livres entiers ont été écrits à propos de l'absence de véritable parlementarisme dans notre pays; je ne suis donc pas le seul à formuler ce reproche.

    Quand vous parlez de société civile et dites qu'elle pourrait être présente sur les lieux—ce qui est faisable—et, chose plus importante, via Internet, je ne saurais imaginer de discussions à Québec qui pourraient présenter un risque pour la sécurité. À moins évidemment que certains échanges portent précisément sur la sécurité... Je ne vois pas pourquoi ils ne sont pas visibles simultanément en direct. CPAC ou un autre organe de communication devrait pouvoir faire la transmission librement.

    Comme vous le savez, dans certains groupes de la société civile, on soupçonne que certains sujets sont débattus et que quelque chose d'imprévu surgira qui mettra la société en péril. La transparence est donc essentielle.

    Mais dans ces groupes de la société civile, y a-t-il des groupes légitimes qui ne devraient pas...? Y a-t-il des groupes qui disent appartenir à la société civile qui devraient y être? Est-ce que cela devrait être le critère, s'ils se voient eux-mêmes comme appartenant à la société civile?

+-

    M. John Kirton: Ce sont des considérations importantes. Je suis du même avis que vous à propos du Sommet des Amériques de Québec. C'était un cas de la loi des grands nombres. Quand il y a 34 pays, chacun ayant ses traditions politiques... parfois le sommet ressemblait davantage à l'ONU: lecture de discours officiels au lieu de contacts authentiques entre dirigeants comme c'est habituellement le cas au G-7 ou au G-8.

    Quand on parle des gens qui forment la société civile, la première chose qu'il faut savoir c'est qu'ils se choisissent eux-mêmes. Les 200 000 participants à Gênes ont eux-mêmes décidé de s'y rendre. Les dirigeants de la société civile au Forum de Québec se trouvaient à être là. Il y en avait tellement qu'ils avaient spontanément manifesté leur intérêt et organisé des conférences, des programmes et des activités de recherche en préparation du sommet que le critère de sélection pour le gouvernement était relativement simple: «vous avez déjà montré votre intérêt et votre engagement». Tel était le critère—même si les activités émanaient d'une vaste portion de l'éventail politique.

¿  +-(0950)  

+-

     Je sais d'expérience, et mes collègues aussi et je pense, que les manifestants de la société civile sont pour l'essentiel des étudiants ordinaires qui ont entendu parler de la mondialisation et qui veulent essentiellement voir ce qu'il en est. Ce ne sont pas des irréductibles de tel ou tel camp en cause dans un dialogue à caractère idéologique. J'aurais donc tendance à pencher en faveur d'une ouverture et d'une invitation à l'endroit d'une partie de la société civile, tant que celle-ci ne présente pas un danger clair et immédiat pour la sécurité physique des personnes en cause.

    Une dernière chose: il faut se souvenir que le réseau al-Qaïda cible les sommets du G-7 ou du G-8 depuis 1996 puisque ces sommets sont pour lui la meilleure occasion d'assassiner des dirigeants qui sont tous rassemblés au même endroit, au même moment, un endroit et un moment qui sont connus un an d'avance. Par conséquent, même si le reste du monde a peut-être découvert le 11 septembre seulement le danger que ce réseau représente, ce danger est déjà une réalité pour le G-7 ou le G-8 depuis au moins cinq ans. Les autorités se sont rendues à cette réalité même si, depuis Okinawa, elles ont résolu de faire intervenir la société civile par l'entremise de divers mécanismes.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Stockwell Day: Même si cela n'a jamais été l'intention des dirigeants du G-8, le sommet lui-même ainsi que les possibilités de violence qui y sont associées ont fait la manchette. C'est devenu un genre de cirque, et cela malgré toutes les meilleures intentions des dirigeants. Il faudrait que ce sommet soit l'aboutissement d'un discours clair et transparent, il faudrait que les pays fassent ce que nous faisons ici et aient également recours à d'autres mécanismes, mais également poursuivre le mouvement d'information par la suite. Cela permettrait d'éviter de donner cet espoir que quelque chose de grand en découlera, que tous les problèmes du monde vont pouvoir être réglés, alors qu'en fait, une fois le sommet terminé, tout le monde rentre chez soi jusqu'à la prochaine fois.

    En réalité, le sommet lui-même n'est qu'une d'une série ininterrompue de discussions. L'événement en soi ne devrait pas être secret mais bien retransmis par la télévision et être ainsi perçu comme n'était qu'une composante d'une série de rencontres. Ainsi, on pourrait peut-être restreindre un petit peu son envergure et limiter les mesures de sécurité. Lorsqu'on sait qu'il y aura un sommet dans un an, comme vous le dites, al-Qaïda et les autres organismes du même acabit ont tout le temps voulu pour se préparer.

+-

    M. John Kirton: Je suis tout à fait d'accord. Dans la gouvernance planétaire, le G-8 est un processus permanent. Son agenda dépasse de beaucoup ce qui peut être fait dans un laps de temps de deux jours qui représente 30 heures.

    Cela étant, je vous ferai remarquer que le gouvernement du Canada a choisi l'un des thèmes les plus ambitieux qui soient pour ce sommet-ci, en l'occurrence la réduction de la pauvreté en Afrique. Si on voulait vraiment avoir un sommet sécuritaire, c'est précisément le sujet qu'on n'aurait pas choisi étant donné le palmarès des 20 ou 30 dernières années.

    C'est donc un thème compréhensible et louable, mais il n'empêche qu'il reste encore beaucoup à faire.

    La présidente: Monsieur Assadourian, rapidement.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Je vous remercie.

    Cette fois-ci, les discussions seront axées sur trois thèmes: l'économie, l'Afrique et le terrorisme ou la sécurité. Pensez-vous que ce soit une bonne façon de procéder, dans le cadre d'une conférence internationale comme le Sommet du G-8 ou qu'il faudrait étoffer davantage l'agenda?

    Personnellement, j'ai le sentiment que c'est la meilleure façon de procéder parce que, lorsqu'on ne cible qu'un, deux ou trois thèmes, on en est que plus productif, alors que si on essaie de couvrir toute la carte, on finit par n'être bon à rien ou mauvais à tout.

    Pourriez-vous me dire rapidement ce que vous en pensez?

+-

    M. John Kirton: Dans ce grand débat qui entoure le sommet, j'ai tendance à me rallier à ceux qui préfèrent un agenda fourni à un agenda plus sélectif.

    Pour toute une série de raisons, j'aurais préféré à Kananaskis un sommet de trois jours complets au lieu de deux fractions de journées. Il faut que les dirigeants se sentent tout à fait libres de discuter de ce qu'ils veulent. Par exemple, si une nouvelle crise éclate la veille au Moyen-Orient, 30 heures ne donnent pas beaucoup de temps pour en parler, pour traiter le dossier africain, voire pour aborder deux ou trois thèmes. Les dirigeants souffrent du décalage horaire, certains peuvent être malades, et il faut donc suffisamment de temps pour qu'ils puissent s'acclimater et se mettre en forme pour pouvoir faire leur boulot.

+-

     Comme le faisait très justement valoir M. Day en parlant d'un processus permanent, je pense qu'il faudrait trouver une façon plus systématique d'avoir des conférences ministérielles permettant de traiter un agenda plus fourni.

    Je constate d'ailleurs ici un porte-à-faux. Les ministres des Finances du G-7 se réunissent trois ou quatre fois par an, mais pas nos ministres des Affaires étrangères. En réalité, ils ne se réunissent qu'une seule fois à l'occasion d'un dîner qui a lieu à la fin de septembre, à l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations Unies. Certes, il y a aussi eu cette année leur conférence de Whistler qui était un préalable au sommet. S'ils se réunissaient deux fois plus souvent, ils seraient à la hauteur de ce que font les ministres des Finances du G-7, et ils seraient ainsi mieux à même de porter toute l'année un jugement au niveau politique sur un bon nombre des grands dossiers qui interpellent le monde.

    Il y a eu une année—1999 à 2000—pendant laquelle une initiative importante prise par le Canada a permis aux ministres du G-8 de se réunir quatre ou cinq fois pendant cette année-là pour parler surtout de la prévention d'un conflit au Kosovo. Mais depuis lors, le processus qui réunit les ministres des Affaires étrangères du G-8 s'est atrophié. Étant donné que les ministres des Affaires étrangères participaient au premier sommet sur un pied d'égalité avec les ministres des Finances je ne vois pas pourquoi le Canada n'aurait pas pu faire intervenir les ministres des Affaires étrangères de la même façon que les ministres des Finances à ce sommet-ci.

    Lorsqu'on fait valoir ce genre de choses devant d'autres forums, on se fait dire bien sûr qu'il y a toujours le Conseil de sécurité des Nations Unies. Mais moi qui suis Canadien, je ne peux m'empêcher de songer au fait que les cinq membres permanents de ce conseil de sécurité, ceux qui ont droit de veto, sont tous des pays dotés d'un arsenal nucléaire indépendant. C'est là quelque chose qui ne correspond pas du tout à la façon dont le Canada voit la sécurité. Le Conseil de sécurité des Nations Unies s'est trouvé par exemple bien en peine de traiter de la question de la prévention des conflits. Par ailleurs, il se réunit rarement au niveau ministériel.

    Je pense donc que le Canada aurait fortement intérêt à favoriser un forum des ministres des Affaires étrangères du G-8 qui seraient appelés à traiter d'une plus vaste palette de dossiers. Il y aurait par exemple le Moyen-Orient et la sécurité régionale dans les Balkans, et ailleurs aussi, autant de dossiers qui intéressent vivement le Canada.

À  +-(1000)  

+-

    La présidente: Je vous remercie, monsieur Kirton.

    Lorsque nous vous avions entendu en novembre, nous vous avions interrogés au sujet d'un examen de la politique étrangère, et vous nous aviez répondu qu'un tel examen ne s'imposait pas vraiment pour l'instant. Avez-vous changé d'avis? Oui ou non?

    Comme le temps file, je vais arrêter le tour de questions ici, avec M. Assadourian.

+-

    M. John Kirton: La réponse est oui, en date du 28 juin 2002 nous avons effectivement besoin d'un examen de notre politique étrangère.

    Mais jusque là, nous devrions à mon avis nous concentrer très fort, un peu comme un rayon au laser, sur cette tâche ambitieuse qu'est la réduction de la pauvreté en Afrique, ainsi que sur les autres thèmes-clés du sommet de Kananaskis. Lorsque nous aurons réussi, nous pourrons à ce moment-là penser plus librement à un examen de la politique étrangère qui tirerait ainsi partie des réussites de Kananaskis.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur et bonne journée.

+-

    M. John Kirton: Je vous remercie.

+-

    La présidente: Nous allons maintenant entendre M. Wayne Samuelson, président de la Fédération du travail de l'Ontario, ainsi que M. Christopher Schenk, le directeur des services de recherche de la fédération.

    Merci d'avoir bien voulu patienter, messieurs. Nous sommes très heureux de vous accueillir. Vous savez, je n'en doute pas, que nous avons déjà entendu plusieurs de vos homologues du mouvement ouvrier canadien.

+-

    M. Wayne Samuelson (président, Fédération du travail de l'Ontario): Effectivement, madame la présidente, nous le savons.

+-

    La présidente: Nous vous remercions d'être venus.

    L'autre partie de notre comité tient actuellement des audiences dans l'Ouest et nous, nous sommes en Ontario et allons de Toronto jusqu'à Windsor.

    Vous avez 10 minutes pour nous faire un exposé, si vous voulez bien, après quoi vous pourrez répondre à quelques questions.

+-

    M. Wayne Samuelson: Je vous remercie beaucoup, madame la présidente, et je remercie également les membres du comité. Je me félicite d'avoir ainsi l'occasion de passer un peu de temps avec vous ce matin.

    Je vais vous parler de certaines questions qui ont très nettement de l'importance pour mes membres et pour les collectivités de la province. Je vous ai fait remettre un texte qui s'inscrit, je n'en doute pas, dans le droit fil de ce dont vous ont déjà parlé le Congrès du travail du Canada et d'autres organismes. Il s'agit de toute une palette de dossiers dont la situation économique mondiale, le problème de la sécurité après le 11 septembre et les politiques destinées à améliorer le sort des nations les moins développées.

À  +-(1005)  

+-

     Au lieu de vous lire mon texte, je vais vous dire quelques mots ce matin au sujet du débat et, si vous me le permettez, vous livrer quelques opinions personnelles basées sur mon vécu et sur mon propre travail dans les grands dossiers d'intérêt public concernant le commerce.

    D'emblée, il faut que je vous dise qu'avant même d'avoir 20 ans, j'ai commencé à travailler dans une usine de pneus. Je n'y étais pas depuis trois jours que j'étais actif dans le mouvement syndical. Depuis 30 ans, j'ai participé à bien des débats nationaux et je me souviens très clairement des débats auxquels le commerce avait donné lieu dans les années 80, et je pense que c'est également le cas pour la majorité d'entre nous. Je me souviens très clairement avoir entendu dire—et je vais d'ailleurs évoquer ici plus particulièrement le genre de travail que je faisais en ma qualité de représentant du syndicat des travailleurs du caoutchouc—que notre industrie allait connaître prospérité, croissance et sécurité. À l'époque, nos employeurs nous décrivaient clairement de quelle façon l'industrie allait prospérer.

    Je dois également vous dire que, lorsque je me rends dans ma ville natale qui est à une centaine de kilomètres, je ne peux que constater que ces grosses usines qui devaient prospérer, croître et donner la sécurité d'emploi à ses travailleurs sont pour la plupart désertes aujourd'hui. Souvent, il n'y a plus là qu'un terrain vague. Mais plus important encore que ces bâtiments, il y a les gens avec lesquels je travaillais. Lorsque je me promène en ville, je me rends compte que beaucoup de ces gens n'ont jamais réussi à obtenir un bon emploi bien rémunéré après la fermeture de toutes ces usines et de tous ces bureaux.

    Comme je l'ai déjà dit un peu plus tôt, à la fin de mon adolescence, j'ai commencé à travailler dans le secteur secondaire. Tous mes enfants se débrouillent en cumulant des petits boulots à mi-temps qui leur offrent très peu de sécurité, ce qui m'amène donc directement à ce qui nous réunit ici. La réalité est que j'ai le sentiment, tout comme vous j'imagine, qu'il n'y a pas de véritable débat au sujet de ce qui se passe dans notre pays et de nos rapports avec les autres pays en ce qui concerne le commerce, mais également toute une palette d'autres questions.

    J'étais à Seattle et j'étais également à Québec l'an dernier. Je pense pouvoir dire avec une relative certitude que le sentiment de découragement et de colère qu'on constate chez les gens est très réel. La personne qui m'a précédé a parlé d'abondance des stratégies qui favoriseraient davantage d'ouverture, et notamment de l'organisation d'un plus grand nombre de conférence avant les sommets, et cela m'a beaucoup intéressé. Croyez-moi, en Ontario, nous savons très bien ce que c'est que de se faire tasser par un gouvernement à ce point arrogant qu'il ne veut même plus entendre ce que les autres ont à dire.

    Sur un plan personnel, j'en ai assez de m'entendre dire que notre système de santé est menacé par tel ou tel accord commercial, par telle ou telle négociation qui a déjà eu lieu et à laquelle je n'ai pas pu moi-même participer.

À  +-(1010)  

+-

     Il en va de même pour notre système d'éducation et les changements dont nous entendons constamment parler. En Ontario, on parle publiquement aujourd'hui du pouvoir populaire et de son impact, sans même parler de l'érosion de notre base industrielle. J'ai l'impression que beaucoup de gens ont le sentiment que souvent, ces sommets sont dictés par les pressions exercées par les spéculateurs internationaux qui veulent imposer à un gouvernement certaines choses qui les privent de la possibilité de choisir eux-mêmes, en toute autonomie, ce qu'il faut faire pour que leur pays corresponde à leurs aspirations. En deux mots, je trouve cela répugnant.

    À bien des égards, je constate que tout ce que mes parents ont construit est en train d'être détruit, et je rejette l'essentiel du blâme sur nos systèmes de tribunaux internationaux et sur les spéculateurs dont les décisions ont une influence sur moi. Et je n'ai moi absolument aucun moyen de les influencer. Alors je dois me demander qui est de mon côté. Qui défend vraiment ma collectivité? Y a-t-il quelqu'un pour affronter le capital international tout puissant dont l'agenda ne correspond pas du tout à celui qui, à mon avis, devrait être adopté pour notre pays?

    Je suis constamment découragé en voyant qu'on essaie de plus en plus d'ériger des clôtures toujours plus hautes ou de trouver des exutoires aux mécontentements, au lieu d'ouvrir davantage le processus et d'offrir un véritable débat national au sujet de l'avenir de nos programmes, ainsi que de nos rapports avec ceux qui ont beaucoup d'argent et qui, bien souvent, ne résident même pas au Canada.

    Je vous ai donc offert cette explication technique des problèmes dont vous discutez, mais je pense qu'il y a également une autre composante à tout cela, une composante qui parle de démocratie, de la possibilité que j'ai, comme des millions d'autres gens, de me sentir vraiment un intervenant dans le débat. Je dois le reconnaître, je pense qu'il est important que les politiciens de toutes les allégeances écoutent ce que les gens ont à dire, mais je pense que vous avez une autre responsabilité encore, en ce sens qu'il vous appartient à vous de susciter un débat sur ce à quoi notre pays devrait ressembler.

    Une dernière chose encore, je voudrais préciser sans aucune ambiguïté que, même si le commerce est un volet important de l'économie, et si les relations avec les autres pays constituent un volet important de l'économie—le Canada de toute évidence a un rôle à jouer pour que nous puissions aider les autres pays—je crois également que notre pays souffre depuis 20 ou 25 ans de l'absence d'un véritable débat à ce sujet. À mon sens, un très grand nombre des changements qui sont survenus depuis ma naissance sont la source même de la majorité des dissensions et du découragement qu'on constate actuellement.

    Je serais très heureux de répondre à vos questions, comme Chris Schenk, qui m'accompagne aujourd'hui.

    Je vous remercie.

À  +-(1015)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Samuelson. La présidence est très émue par le caractère réfléchi de vos propos. Nous sommes en tournée et nous entendons de vive voix de nombreux témoins, et c'est effectivement ce que nous devons faire lorsque nous sortons de la capitale. Nous devons régulièrement, je crois, nous faire rappeler toutes ces problèmes dont vous venez de nous parler en évoquant les valeurs qui nous sont propres, notre participation au processus et la faculté que nous avons d'intervenir de façon transparente et ouverte dans le cadre de notre travail. Ce matin, c'est sur ces mots que vous avez lancé la discussion, en plus du mémoire que vous nous avez remis, et je vous en remercie.

    Nous allons rapidement faire un tour de table pour que les députés puissent vous poser quelques questions. Nous allons bien entendu lire également votre mémoire. Tout ce que vous avez dit a été enregistré et la transcription sera affichée sur le Web avec les autres documents et mémoires qui nous sont parvenus.

+-

     Monsieur Day, avez-vous des questions?

À  +-(1020)  

+-

    M. Stockwell Day: Je vous remercie, madame la présidente.

    Je vous remercie aussi, monsieur, pour votre exposé mûrement réfléchi. Je suis d'accord avec vous pour ce qui est des relations avec les autres pays. Ces relations sont tout à fait essentielles et doivent être développées. Il faut que le processus du G-8 soit ouvert à tous et toutes, comme vous l'avez vous-même entendu dans le cadre de l'exposé précédent. Nous avons assurément les moyens techniques de le faire et nous devrions également avoir la volonté démocratique nécessaire. Nous avons sans doute vous et moi les mêmes préoccupations en ce sens qu'avec le gouvernement actuel, cette expression démocratique ne s'est pas pleinement épanouie.

    Après cette introduction, je voudrais vous poser quelques questions auxquelles vous ne pourrez peut-être pas nécessairement répondre immédiatement, mais qui pourraient faire l'objet d'un échange de correspondance entre nous plus tard.

    Pour commencer, lorsqu'on dit que l'économie américaine occasionne des problèmes au reste du monde à cause de son déficit commercial, à mon avis, on peut voir cela sous différents angles. Dès lors qu'on importe d'un autre pays, on exporte aussi quelque chose. On exporte de l'argent—on exporte une richesse qui a été créée sur le plan local, régional ou national.

    Cela étant entendu, pour revenir à ce que vous disiez à la page 2 de votre texte, en l'occurrence que nous devrions favoriser des stratégies économiques qui réduiraient notre dépendance à l'endroit des produits et services américains, ce ne sont pas les pays qui commercent, sauf évidemment si les gouvernements eux-mêmes décident stupidement de le faire, ce sont les gens, les organisations et les compagnies qui font du commerce. Quelles sont donc les entreprises canadiennes, femmes d'affaires, groupes corporatifs ou autres, à qui vous diriez de freiner leurs relations commerciales avec les États-Unis? En effet, je le répète, ce ne sont pas les pays qui commercent, ce sont les habitants de ces pays. Comment dire à ces gens de ne pas tirer parti d'un marché voisin, et comment procéder pour y arriver?

    Et a-t-on vraiment le droit d'empêcher un citoyen d'acheter une couverture pour mettre sur son lit s'il peut obtenir un meilleur prix en Zambie qu'au Canada? Comment dire à ces gens que vous allez le leur interdire, et que même si la couverture zambienne est moins chère, vous allez leur interdire d'aider l'économie de la Zambie et qu'ils vont plutôt devoir acheter leur couverture auprès du fabricant local?

    Voilà pour la première question.

    Pour ce qui est d'imposer une taxe sur les transactions financières internationales pour constituer un genre de fonds, je ne vais pas me lancer dans de débat-là, mais je vais tout de même proposer quelque chose. Lorsqu'un Canadien ou une Canadienne, ma mère par exemple, réussit à faire quelques économies par son travail, mettons 10 000 $, ne devrait-elle pas pouvoir échanger ces dollars pour des dollars américains si elle a le sentiment que cela lui serait profitable, ne devrait-elle pas pouvoir vendre ses dollars canadiens qu'elle a gagnés à la sueur de son front pour acheter des devises américaines? Parce que cela, en fait, représente une transaction financière internationale. Doit-on l'en empêcher?

    Si la réponse est non, devrions-nous empêcher quelqu'un qui a l'intelligence et les connaissances nécessaires pour pouvoir prédire quelles sont les devises dont la cote va augmenter dans l'avenir, et qui pourraient donc par exemple changer des yens et marks? Devons-nous empêcher cela? Et à quel endroit?

    En second lieu, si nous taxons ces transactions, elles vont disparaître. Les gens vont, dans une certaine mesure, arrêter de changer de l'argent, ou alors ces transactions vont devenir souterraines et ce fonds dont vous parlez n'existera pas. Je pense donc que cette hypothèse d'une économie est fausse à la base, et que, si on se contente d'intervenir au niveau fiscal, les gens vont continuer à risquer leurs dollars, que ce soit ma mère avec 10 000 $ ou un courtier professionnel avec 100 000 $. Que faire pour composer avec cela?

    C'est une question que je vous pose en toute honnêteté et en toute sincérité.

+-

    M. Wayne Samuelson: D'accord, très bien. Moi aussi, c'est avec honnêteté et sincérité que je vais vous répondre.

    Pour commencer, prenons votre première question. Parfois, le débat se situe au niveau de l'achat de quelque chose de fondamental comme une couverture, et je vous le concède. Par contre, je pense aussi qu'il y a d'autres questions, plus larges, à poser au sujet de la faculté que nous avons de contrôler notre propre économie.

+-

     Dès qu'on a des politiques qui ont pour résultat d'empêcher notre économie de prendre sa part de marché au profit d'économies étrangères, qu'il s'agisse de couvertures ou d'automobiles, peu importe, on commence à ne plus avoir non plus le moyen d'offrir les services dont nous avons besoin.

À  +-(1025)  

+-

    M. Stockwell Day: Mais comment cela? Si j'ai la possibilité d'acheter ma couverture d'un producteur zambien, je peux utiliser l'argent que j'ai économisé pour acheter un produit canadien à ma convenance.

+-

    M. Wayne Samuelson: Peut-être bien, mais à un moment donné, des segments entiers de l'économie commencent à être contrôlés depuis l'étranger.

    M. Stockwell Day: Un tisseur de couvertures zambien?

    M. Wayne Samuelson: Non, mais c'est l'étranger qui va vous dicter ce que vous allez pouvoir acheter. Parallèlement, cela a également un impact sur la faculté qu'a le pays d'élaborer des politiques qui répondent à son intérêt.

    Je pense qu'il faut absolument un débat national, comme il en existe un depuis plusieurs années au Canada, sur la faculté que nous avons vraiment, en tant que pays, de contrôler notre propre destinée. Il est évident qu'à mesure que ce contrôle passe à l'étranger, cela devient de plus en plus difficile.

    Par conséquent, M. Day, bien sûr je comprends votre argument, mais j'espère que vous comprenez également le mien. Ce qu'il faut espérer, c'est qu'un débat sur toutes ces questions permettra aux gens de mieux comprendre.

    Je terminerai en disant que l'avenir m'intéresse vraiment beaucoup et que je tiens absolument à avoir personnellement un peu le contrôle de ce qui se passe dans ma collectivité. Ramener tout cela à une simple question de gros sous, se contenter de demander si on va continuer à pouvoir acheter à l'étranger, tout cela conduit à une économie qui échappe à mon influence.

    Pour ce qui est de votre deuxième question, lorsque vous parlez de votre mère qui voudrait investir son argent, je peux vous dire que ma mère à moi n'aurait pas pu faire cela pour la bonne raison qu'elle n'avait pas d'argent. Mais je pense que le débat concernant une taxe sur les transactions financières et les mouvements de capitaux qui vont en s'accélérant commencent à prendre de l'ampleur. C'est un principe qui a de plus en plus de défenseurs. Ici encore, je pense que cela a davantage à voir avec le pouvoir du grand capital, cette faculté qu'il a de se déplacer si rapidement qu'il finit par influer sur notre nationalisme et la capacité que nous avons de prendre des décisions.

    Donc il ne s'agit pas vraiment de votre mère ou de la mienne ou de celle de n'importe qui, mais plutôt de cette faculté qu'a le grand capital d'influer sur les politiques de l'État, et aussi de trouver le moyen d'imposer certaines conditions à ces mouvements de capitaux, tout en aidant le reste du monde.

    Là aussi, c'est un débat qui se poursuivra pendant très, très longtemps à mon avis.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame la présidente.

    J'espère que dans ce débat que nous avons aujourd'hui vous pourrez répondre à certaines des questions. En toute déférence, vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée au sujet de ma mère. Vous n'avez pas répondu à ma question lorsque je vous parlais de ceux qui réussissent fort bien à faire ce genre de choses.

    Je me hérisse un peu lorsque vous dites «notre pays». Ce serait plutôt «nous, les citoyens» qui devrions être libres d'acheter quelque chose de l'autre côté de la rue, de l'autre côté de la clôture, de l'autre côté de la rivière ou de l'autre côté d'une ligne imaginaire tracée sur une carte. Alors, je vous en prie, lorsque vous participerez au débat, n'oubliez pas qu'il s'agit des citoyens. Quels sont les libertés que vous voulez arracher à nos concitoyens, libertés de faire des choix dont dépendra leur avenir, l'avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants?

+-

    M. Wayne Samuelson: Ne vous méprenez pas. Peut-être y a-t-il des citoyens qui veulent acheter des dollars américains. Mais je pense qu'il y en a beaucoup plus qui préfèrent un bon régime de santé, d'assurance maladie, qui préfèrent que le pouvoir de prendre des décisions au sujet de notre économie ne soit pas confié aux spéculateurs qui jouent sur les devises.

    Pour être franc avec vous, même si je vous admire de tenter ainsi de ramener l'équation à l'individu, il ne s'agit pas simplement d'individus qui déplacent des capitaux.

+-

     Il s'agit plutôt de gens qui ont énormément d'argent et qui l'utilise pour influer sur les politiques à leur avantage. Je ne vois absolument pas pourquoi un pays comme le nôtre—ou comme les pays qui vont dans le même sens que nous—ne devraient pas essayer de trouver le moyen non seulement de contrôler ce genre d'activités, mais aussi d'en retirer un avantage.

À  +-(1030)  

+-

    M. Stockwell Day: Vous ne pensez pas que les gens dans d'autres pays devraient pouvoir... leurs gouvernements devraient les empêcher d'acheter des produits faits ici, au Canada. C'est ce que vous dites.

+-

    M. Wayne Samuelson: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

+-

    M. Stockwell Day: Si vous nous empêchez d'acheter des produits américains, il faut permettre à d'autres pays de dire à leurs citoyens de ne pas acheter ces horribles produits canadiens.

+-

    M. Wayne Samuelson: Non, ce n'est pas ce que je dis.

+-

    M. Stockwell Day: Merci.

+-

    La présidente: Je vous accorde le dernier mot.

+-

    M. Wayne Samuelson: Bonne chance, et merci.

    En terminant, je pourrais dire que le commerce, ce n'est pas l'achat de couvertures. Il ne s'agit pas de savoir si votre mère peut acheter des devises étrangères. Il s'agit de notre capacité de décider de notre destin. C'est un débat qui dure depuis longtemps, dans notre pays. Quant aux questions qui aboutissent en fait à accroître notre dépendance des capitaux internationaux, je crois que nous perdons le contrôle, au bout du compte. À long terme, cela a un effet négatif, non seulement pour moi-même et mon ami Chris, mais pour nos enfants et notre pays.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Samuelson. Vous pouvez constater que cette discussion doit se poursuivre. Merci d'y avoir participé avec nous aujourd'hui.

    Nous vous remercions aussi, monsieur Schenk, pour votre mémoire.

    Je sais très bien que les députés doivent être à Ottawa cet après-midi pour un vote important auquel nous devons tous participer. C'est pourquoi nous avons commencé plus tôt qu'à l'habitude. Nous avons demandé la collaboration des témoins, qui devaient venir plus tôt que prévu.

    Nous apprécions les efforts que vous avez faits et d'avoir patiemment attendu. Pour que vos propos soient consignés au compte rendu, pendant que nous avons le quorum nécessaire, je vais faire venir à la table les groupes qui sont dans la salle. Chacun sera entendu officiellement. Vos propos seront enregistrés et figureront sur notre site Web. Vos recommandations et tout ce que vous direz sera pris en considération quand nous rédigerons notre rapport. Tout sera documenté. Même si les questions ne sont pas très longues ni nombreuses pour vous, sachez que vous serez entendus, lus et relus et que votre documentation sera prise en compte.

    Je vais maintenant demander aux groupes qui sont présents de s'installer à la table. Nous avons d'abord Science et paix, représenté par son ancien président et coordonnateur des groupes de travail, monsieur Derek Paul. Je demande aussi à M. Grahame Russell qui représente Rights Action, de se joindre à nous, de même que Mme Lina Bamfumu, secrétaire d'Action et développement des projets communautaires. Et je crois que Carolyn Basset, de l'Alliance canadienne pour la paix, n'est pas encore arrivée.

    Nous donnerons à chacun une dizaine de minutes. Une fois que vous aurez tous parlé et que vos propos seront consignés, le reste du temps sera consacré aux questions. Elles pourront être posées à une personne ou à l'ensemble des témoins.

    Commençons par M. Derek Paul, l'ancien président et coordonnateur des groupes de travail de Science et paix

+-

    M. Derek Paul (ancien président et coordonnateur des groupes de travail, Science et paix): Bonjour. Je considère comme un grand privilège d'être ici.

    Notre groupe est composé surtout de scientifiques. Nous ne sommes pas en majorité des décideurs, même si, parmi nos membres, nous comptons notamment des politologues.

+-

     Comme scientifiques,-- personnellement j'ai passé trois années dans le secteur privé et 42 ans dans des départements de physique de divers établissements d'enseignement-- nous avons le loisir à ce titre de nous pencher sur des questions fondamentales. J'ai constaté que les gens qui sont dans d'autres domaines ne le font pas, même s'ils croient souvent le faire.

    Je vous exhorte à lire au moins les deux premières sections de notre mémoire, même si vous n'avez que le temps de lire le résumé. Dans le mémoire principal, assez volumineux, soit 15 pages en plus des notes, les deux premières sections sont essentielles. Il y a eu un grand changement depuis ma naissance, depuis le début du XXe siècle. Il y avait à l'époque moins de deux milliards de personnes dans le monde et vous constaterez, à mesure que je parlerai, quelle différence cela peut faire, quand on passe à six milliards de personnes.

    Nous avons cherché à analyser les choses dans une optique d'ordre et de désordre. On peut s'en servir comme d'excellents critères de jugement et nous proposons essentiellement que les décideurs les adoptent lorsqu'ils ont des décisions à prendre. La politique étrangère du Canada a plutôt été en faveur des Nations Unies, et il se trouve que c'est une bonne chose pour maintenir l'ordre.

    Le désordre et l'ordre sont des termes scientifiques. La thermodynamique porte notamment sur le concept de désordre, qui concorde tout à fait avec le désordre dans le sens habituel du terme, de même que dans le sens médical. Il y a donc une compatibilité totale entre la façon dont un physicien se sert du terme «désordre technique» et quand on constate qu'il y a dans le monde du «désordre».

    Je vais vous donner un exemple très simple. Il y a quelques années, dans une revue de géographie, il y avait une merveilleuse photo qui montrait la savane africaine, sur laquelle empiète le désert. Le désert représente le désordre maximum alors que la savane représente moins de désordre et un niveau d'ordre nettement supérieur. Sur la photo, on pouvait voir des animaux paître dans la savane, mais rien dans le désert.

    Au sujet de l'augmentation de la population mondiale, toutes les politiques devraient viser à améliorer l'ordre mondial.

À  +-(1040)  

+-

     D'ailleurs, si on songe à l'Afghanistan, après toutes ces années de guerre, par exemple, il s'y trouve beaucoup de désordre. Les gens commencent à créer l'ordre, et on y voit des signes très positifs, surtout dans les changements apportés à l'éducation.

    Je vais revenir à la situation des populations, maintenant. Quand j'étais à l'école secondaire, on m'a appris que les États-Unis avaient franchi un cap incontournable dans les années 20, date à compter de laquelle ce pays ne pouvait plus dépendre uniquement de ses propres ressources pour maintenir son niveau de vie. Ce concept de «point de non-retour» et la notion de ce qui est nécessaire au maintien du niveau de vie a été récemment mis en lumière par Wackernagel et Rees, dans un livre que nous citons dans notre mémoire, en parlant de l'empreinte écologique. Mon empreinte écologique correspond à la superficie de terre nécessaire pour assurer mon niveau de vie.

    Nous avons reproduit une partie du tableau dans notre mémoire, qui permet de voir que les pays développés, à l'exception du Canada, ont largement dépassé leur empreinte écologique. En d'autres mots, l'empreinte écologique des Pays-Bas est beaucoup plus grande que la superficie du pays. Cela signifie que les Pays-Bas dépendent d'autres pays, d'autres terres et d'autres ressources, pour maintenir son niveau de vie. C'est aussi vrai pour la Suisse, et pour toute l'Europe.

    Le Canada est l'exception donc, en tant que Canadiens nous pouvons considérer nos vastes territoires et la quantité de terres agricoles inutilisées, et nous sentir optimistes. Mais partout ailleurs, ce n'est pas le cas, et le monde dans son ensemble a dépassé son empreinte écologique d'environ 80 p. 100.

    Cela signifie, en pratique, que le monde vit de son capital. Il ne vit pas de ses revenus, et ceux d'entre vous qui sont capitalistes ou qui du moins comprennent les affaires savent que cette situation ne saurait durer indéfiniment.

    Toutes les conclusions et recommandations de notre mémoire découlent de ce genre de considération et nous avons intégré dans la partie préliminaire et dans les deux premières sections de notre mémoire ce que nous appelons la liste des politiques tendant à la mort ou célébrant la vie. Il y a des choses qui améliorent la vie et son abondance et d'autres, qui mènent à la mort, peut-être même la mort universelle.

    À nos yeux, ces listes sont importantes, de même que le concept d'empreinte écologique. Il n'est pas nécessaire d'y croire. Wackernagel et Rees n'avaient peut-être pas complètement raison, mais si c'est le cas, si leurs idées sont exagérées et inacceptables, c'est tout de même un sujet suffisamment important pour qu'on l'étudie. S'il y a du scepticisme au sujet de ces concepts, ils valent certainement la peine qu'on encourage une étude indépendante à leur sujet.

    Pour ce qui est des politiques, quand on comprend ces sujets, il est facile de voir quel genre de politiques célèbrent la vie et quel genre de politiques tendent à la mort.

    Puisque nous avons peu de temps, préférez-vous que je m'arrête ici, pour répondre à des questions précises?

À  +-(1045)  

+-

    La présidente: Nous vous en remercions.

    Je constate que votre collègue s'est joint à vous. Bienvenue, monsieur Burkhardt.

    C'est un mémoire très détaillé et je vous signale que nous avons des attachés de recherche qui ont justement pour tâche de lire ces mémoires. Les mémoires seront certainement lus.

    Vous attirez notre attention sur votre premier paragraphe, et je vous en remercie. Nous vous poserons des questions, après avoir écouté les autres témoins à la table.

    Nous passons maintenant à Grahame Russell, de Rights Action.

À  +-(1050)  

+-

    M. Helmut Burkhardt (ancien président, Science et paix): J'ai quelques commentaires à formuler, si vous voulez bien.

+-

    La présidente: D'accord.

    Monsieur Russell, pourriez-vous le laisser parler d'abord?

    Veuillez être bref, monsieur Burkhardt.

+-

    M. Helmut Burkhardt: Oui.

    L'une des questions portait sur les relations nord-américaines. À mon avis, le mieux que puisse faire le gouvernement canadien serait de tendre la main aux États-Unis pour sortir ce pays de sa moyenâgeuse politique de la force. Je crois que ce pays est perdu, et qu'il a besoin de nos conseils.

    On pense là-bas qu'on peut faire la guerre aux criminels. Les guerres sont justement en dehors de la loi, alors que la police est censée amener les criminels devant la justice. De par sa nature, la police est bienveillante et travaille dans les limites de la loi. La guerre est en dehors de la loi. En situation de guerre, les États souverains ont tendance à faire fi du droit international.

    Il me semble que les Américains sont nombreux à croire que la puissance militaire peut garantir la sécurité. À notre époque où les armes de destruction massive sont facilement disponibles, j'estime que la puissance militaire crée l'insécurité. Il n'y a pas d'autre solution que la coopération des pays de la communauté internationale, pour adopter une politique rationnelle et humaine.

    Ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'à mon avis, nos voisins sont dans l'erreur. Ils devraient soutenir les Nations Unies pour leur donner la force nécessaire pour lutter contre le terrorisme, au lieu de déclarer unilatéralement la guerre au terrorisme.

    J'ai un autre commentaire à formuler au sujet du G8. Comme le disait Derek, les pays riches ont tendance, à mon avis, à aller au-delà des limites de leur empreinte écologique. On ne peut pas plus se moquer de ces impératifs écologiques que des lois de la physique ou les lois de la nature. Les pays qui le font, le font à leurs dépens. En compromettant la survie d'un écosystème sain, on compromet la survie de l'espèce humaine.

    Pour le G-8, il ne faudrait pas que les politiciens fassent comme le roi Canute qui commandait à la marée de rester basse mais qui montait de toute façon. Il faut reconnaître les impératifs écologiques et prendre des mesures économiques adaptées à ces impératifs. C'est le principal message que j'ai à livrer. Nous ne pouvons sans péril faire fi des lois de la nature. Les lois économiques doivent être assujetties aux lois de la nature.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Burkhardt.

    Monsieur Russell, nous allons maintenant vous demander de faire votre exposé. Si vous pouviez vous en tenir à moins de 10 minutes, je vous en serais reconnaissante.

+-

    M. Grahame Russell (représentant, Rights Action): Oui. Je vais vous parler du G-8 et du rôle du Canada dans le G-8.

    Je travaille à Rights Action. Nos activités se situent dans le sud du Mexique et en Amérique centrale. J'habite là-bas depuis sept ans. Je suis avocat de formation. Nous faisons beaucoup de travail dans le domaine des droits de la personne et du développement communautaire en Amérique centrale, dans le sud du Mexique et aussi au Pérou.

+-

     Par conséquent, ma compréhension des questions mondiales est en grande partie fondée sur mon expérience de travail en Amérique latine et au Mexique, plus précisément dans le sud du Mexique, en Amérique centrale et un peu en Amérique du sud.

    Au sujet du G-8, je voudrais dire que c'est avec certaines réserves que je viens témoigner ici et je ne veux pas prêter de mauvaises intentions à quiconque. Je cite John Manley, qui a dit que «Le débat public et l'engagement de la société civile est utile comme moyen de renforcer la légitimité du processus du G-8».

    J'ai de très grandes réserves là-dessus parce que, comme vous le constaterez, je suis très critique envers le G-8. J'hésitais à venir ici et à consacrer beaucoup de temps et d'énergie à me préparer en vue de cette comparution, parce que je ne crois pas que tout cela va avoir la moindre influence significative; et la plus grande partie de notre travail et de nos efforts porteront sur l'éducation et l'activisme dans la rue. Je pense que les processus politiques en place ne permettent pas un débat de fond, en dépit de ce que nous faisons ici-même aujourd'hui et sans vouloir prêter de mauvaises intentions à quiconque est venu ici.

    Mais je prends au mot M. Manley et les propos que j'ai cités et qui ont été publiés sur le Web. Je ne le cite pas hors contexte. Il y avait aussi autre chose et il n'a pas dit seulement cela, mais c'est cet aspect de ces audiences qui me préoccupe.

    Mes réserves à l'égard de ma comparution ici ont à voir avec le profond malentendu quant aux hypothèses de base sur la façon dont fonctionnent les différents éléments de l'ordre mondial. Je vais donc faire de brèves observations fondées sur ce document-ci qui a été distribué. J'ignore s'il reflète la position officielle du gouvernement canadien, mais il a été distribué et je vais donc m'en inspirer.

    D'après ce document, quatre principaux dossiers seront abordés au G-8. Le premier concerne l'Afrique; il y a ensuite le terrorisme; puis la gouvernance mondiale; et enfin, l'ordre économique mondial, pris dans un sens général.

    Je ne m'attarderai pas sur la question de l'Afrique. Je ne suis absolument pas d'accord avec certaines hypothèses de base que l'on fait ici, mais on ne cesse de répéter que nous devons établir un nouveau partenariat avec l'Afrique. Je pose donc la question au comité: à votre avis, quel était donc l'ancien partenariat?

    Je pense que ce qui manque dans tout cela, ce sont les hypothèses sous-jacentes. Donc, nous nous rendons compte une fois de plus qu'il y a un véritable gâchis en Afrique--et c'est évidemment une généralisation--mais quelle est notre compréhension des causes de cette situation? Je pense que les pays du G-8 en particulier ferment souvent les yeux sur certains éléments historiques pour tenter de peindre un tableau prometteur de l'avenir, sans reconnaître le rôle que nous avons même joué dans le passé pour créer ces problèmes. Je voudrais donc savoir en quoi consistait, de l'avis des membres du comité, nos anciennes relations avec l'Afrique.

    Pour ce qui est de la gouvernance mondiale, ma position de départ, que j'aurais dû l'énoncer dès le début, est que la meilleure chose que le Canada puisse faire relativement au G-8, c'est de s'en retirer. Je pense qu'il s'agit d'une organisation illégitime, vu ce qu'elle prétend être. Je ne veux pas dire illégale; c'est évidemment une entité légalement constituée. Mais d'après ces documents, on utilise le mot «élite». À mes yeux, c'est simplement un club élitiste de pays riches et puissants, et les membres du G-8 sont les mêmes pays riches et puissants qui occupent cette situation privilégiée depuis environ 500 ans.

    C'est encore une généralisation quelque peu abusive, et il y a eu d'autres pays puissants qui sont apparus pour disparaître ensuite, mais je considère le G-8 comme tout simplement un club élitiste qui se réunit derrière des portes closes pour prendre des décisions économiques et militaires ayant de profondes répercussions. Je pense que la seule chose profondément utile que le Canada pourrait faire, serait de se retirer du G-8. Je sais qu'il ne le fera pas, mais cela m'amène à la première question que je pose au sujet du dossier de l'Afrique, à savoir si le Canada aura une discussion en profondeur à Kananaskis ou ailleurs sur la question suivante: «Quel était donc l'ancien partenariat avec l'Afrique?»

    Je passe maintenant à la gouvernance mondiale. Je ne pense pas que le G-8 ait un rôle à jouer dans la gouvernance mondiale. Il ne le devrait pas et il ne le peut pas; c'est chaque pays, pris individuellement, qui doit jouer un rôle. Je pense que les membres du G-8 ont violé le droit international à maintes et maintes reprises depuis 50 ans, pour jeter un bref regard sur l'histoire récente. Cela ne veut pas dire que d'autres pays n'ont pas eux aussi violé le droit international, les droits de la personne, etc., mais les pays du G-8 se sont mis particulièrement en évidence à cet égard.

    Ce n'est pas la responsabilité du G-8. C'est la responsabilité de chacune de ces nations, et ensuite, espérons-le, peut-être qu'un jour ce sera le rôle des Nations Unies.

    J'ai encore toute une liste de critiques quant à la façon dont fonctionnent les Nations Unies, mais il y a une évidence qui saute aux yeux, à savoir que le Conseil de sécurité est l'institution la plus anti-démocratique du monde entier, au point que cela dépasse l'entendement, et la raison pour laquelle le Conseil de sécurité est anti-démocratique, c'est que les pays du G-8 veulent qu'il en soit ainsi.

À  +-(1055)  

+-

     Donc, si les pays du G-8 veulent prendre une décision utile, même dans une institution aussi faible que les Nations Unies, qu'ils en fassent un instrument démocratique. Ce sont les pays du G-8 qui s'opposent à faire du Conseil de sécurité une institution démocratique au niveau mondial, et le G-8 constitue en quelque sorte la seule entité politique qui fonctionne au niveau mondial. Il y a donc une politique de deux poids deux mesures, une véritable hypocrisie. Le Canada recommanderait-il aux pays du G-8 de démocratiser le Conseil de sécurité? J'en doute, mais j'aimerais bien avoir la réponse à cette question par écrit.

    Le troisième point est la guerre contre le terrorisme, dont on va discuter--en discute déjà d'ailleurs. Il y a manifestement un problème de terrorisme. Je tiens à dire clairement que les attentats du 11 septembre étaient des actes terroristes qui ont causé d'épouvantables souffrances humaines. Je le dis publiquement parce que, dès l'instant où on commence à critiquer le rôle des États-Unis ou des mesures qu'ils ont prises et le rôle du Canada, les gens ne manquent pas de dire que l'on se trouve en quelque sorte à justifier ce qui est arrivé à New York. J'espère que l'on entendra pas durant cette audience pareil langage manipulateur destiné à brouiller les pistes. C'était du terrorisme.

    Mais si l'on prend les documents que nous avons ici, sans vouloir en faire l'historique, je trouve ironique, pour ne pas dire plus, que l'on dise dans ces documents que le G-8 a commencé à prendre l'initiative de la lutte contre le terrorisme en 1978. C'est plus qu'ironique; c'est insultant. Le Canada adoptera-t-il au G-8 une position consistant à réclamer une étude en profondeur du rôle du gouvernement des États-Unis dans le soutien des régimes terroristes partout en Amérique latine, sans même parler de l'Afrique, après 1978, au début des années 80 et même au début des années 1990? Non, cela n'arrivera pas. Pourquoi pas? Voilà l'hypocrisie.

    En disant cela, je ne veux nullement dire que d'autres pays n'ont pas commis des actes de terrorisme, ni que ce n'est pas le cas même en ce moment, et qu'ils ne nous attaquent pas; c'est un fait qu'ils nous attaquent. Mais c'est de l'hypocrisie de publier des documents officiels dans lesquels on affirme que nous avons pris l'initiative de la lutte contre le terrorisme, alors même que les États-Unis ont clairement parrainé et appuyé le terrorisme, et que le Canada l'a fait aussi indirectement. Pendant vos audiences, aurez-vous une discussion complète sur cette notion voulant que l'on ait aidé et favorisé le terrorisme?

    Le Canada, mais surtout les États-Unis, ont financé les terroristes partout dans le monde. Que dire des Talibans? Que dire de l'Iraq durant les années 1980? Cela n'arrivera pas. On n'en souffle mot dans nos médias et il serait très étonnant que la question soit abordée à Kananaskis.

    J'en reviens donc à certaines hypothèses de base que l'on fait ici, et l'on pourrait avoir toute une discussion là-dessus.

    Le dernier point qui sera abordé sera celui de l'économie mondiale. La principale hypothèse de base dans ce document, avec laquelle je suis profondément en désaccord, est qu'une économie en croissance continue est exactement ce dont nous avons besoin.

    Je pense que mes observations rejoignent un peu celles des écologistes. Le gouvernement canadien laisse-t-il entendre que ce qu'il faut faire, c'est amener les 6 milliards d'habitants de notre planète au niveau de consommation et de production que nous avons ici? Ce serait catastrophique, nous le savons. Par conséquent, au sujet de cette hypothèse de base voulant qu'une bonne économie soit une économie croissance perpétuelle, on ne remet même pas en question ce modèle. Toute la discussion, tous les documents qu'on nous envoie sont fondés sur l'hypothèse que ce qu'il faut, c'est une économie en croissance continue.

    Je pourrais faire encore beaucoup d'observations sur cette question, mais c'est l'immense croquemitaine sous-jacent qu'il faut remettre en question, sans même aborder tout le problème de la distribution de la richesse, dont il n'est même pas fait mention ici. Nous avons des systèmes grotesques de distribution de la richesse dans le monde, à l'intérieur des pays et entre les pays, sans même parler de l'hypothèse selon laquelle ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'alimenter et d'accélérer toujours plus la production, la consommation et la croissance. Il faut que cela cesse.

    Je vous remercie encore une fois de votre temps et nous allons nous en tenir là.

Á  +-(1100)  

+-

    La présidente: Dans tout cela, avez-vous trouvé une seule chose qui était bien, un seul élément positif?

+-

    M. Grahame Russell: Je vais répondre à cela pendant la période des questions.

+-

    La présidente: Bon.

    Nous allons donc passer à notre témoin suivant, M. Lola.

[Français]

+-

    M. Nicaises Lola (coordonnateur, Groupe de réflexion sur la reconstruction de la République démocratique du Congo, Action et développement des projets communautaires (ADPCO)): Je vous remercie. Je m'appelle Nicaises Lola et je suis membre du groupe Action et développement des projets communautaires. Au sein de l'organisme, nous faisons partie du Groupe de réflexion sur la reconstruction de la République démocratique du Congo, dont l'objectif principal est de réfléchir aux voies et moyens pouvant aider la République démocratique du Congo à sortir de sa crise infernale.

+-

     C'est avec grand plaisir que nous avons appris la tenue d'audiences publiques organisées par le Parlement du Canada. Nous saisissons cette occasion pour exposer nos préoccupations à cette auguste assemblée.

    Mesdames et messieurs les députés, nous voudrions d'abord saluer l'initiative du premier ministre en ce qui concerne cette consultation populaire et surtout la volonté et l'intérêt du gouvernement canadien à s'engager dans la défense de l'Afrique.

    Vous n'êtes pas sans ignorer que, depuis août 1998, la République démocratique du Congo est déchirée par une guerre qui oppose des forces rebelles appuyées par les armées rwandaise, ougandaise et burundaise. Durant ce conflit, il y a eu 3,5 millions de morts, de civils congolais qui ont été victimes de ces massacres, d'après le rapport publié par le Comité de secours international en avril 2001. Ce chiffre est tellement éloquent qu'on ne le trouve nulle part ailleurs au monde, dans d'autres conflits d'une aussi courte durée.

    Au moment où je vous parle, plus de la moitié de la République démocratique du Congo est occupée par les troupes rebelles soutenues par les armées mercenaires du Rwanda, du Burundi et de l'Ouganda. Durant cette invasion, deux villages entiers ont été rasés, des centaines de millions de personnes ont été déplacées, les infrastructures ont été détruites et les systèmes administratifs ont été paralysés. En conséquence, le pays doit faire face aux épidémies, à la famine et aux nombreux problèmes sociaux qui en résultent.

    Diverses enquêtes effectuées par plusieurs organisations, des organismes non gouvernementaux et l'ONU démontrent que la cause principale du conflit à l'est de la République démocratique du Congo est le contrôle des richesses naturelles du pays.

    L'obsession prédatrice des entreprises multinationales et de certains pays étrangers comme le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda a été mise à jour par la commission d'enquête de l'ONU dirigée par Mme Safiatou Ba-N'Daw sur le pillage du patrimoine congolais et l'exploitation illégale de ses ressources naturelles. En tant que Congolais d'origine canadienne, nous voudrions demander au gouvernement du Canada, notre pays d'adoption, d'user de son privilège de président et hôte du Sommet du G-8 pour inscrire expressément à l'ordre du jour la situation en République démocratique du Congo. Il est urgent et de l'intérêt de la communauté internationale de se pencher enfin sur cette crise, si on vise réellement une paix durable dans cette partie du monde. Une telle détermination a d'ailleurs été démontrée par le passé dans le cas du Kosovo, du Timor-Oriental et, récemment encore, de l'Afghanistan.

    En conséquence, nous avons quelques recommandations à formuler. Nous demandons au gouvernement canadien: premièrement, d'user de tout son poids pour soutenir le retour de la paix en République démocratique du Congo, vu son importance et son rôle géostratégique dans la région; deuxièmement, d'encourager le processus démocratique et la mise en place d'un gouvernement responsable; troisièmement, de traduire en justice les auteurs des massacres et des pillages des ressources naturelles de la RDC devant le Tribunal pénal international; et, quatrièmement, de prévoir un plan de reconstruction de la RDC dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique. Nous pensons que la forme d'aide la plus appropriée serait un programme de coopération auquel la diaspora congolo-canadienne participerait. En terminant, je vous remercie de votre attention.

Á  +-(1105)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer aux questions.

    Monsieur Day, je vais vous limiter à cinq minutes pour les questions et les réponses.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, madame la présidente.

    Je vais poser rapidement mes questions en moins de cinq minutes, si j'y arrive, et je vais vous laisser le temps d'y répondre.

    L'exposé de Science et Paix m'a beaucoup plu. Vous me reprendrez si je me trompe, car je ne suis pas un scientifique, mais la deuxième loi de la thermodynamique dit que la matière a tendance à se désorganiser plutôt qu'à s'organiser. En tenant compte de cela, nous devons examiner quels facteurs apportent la cohésion dans une société. Autrement, ce sera le chaos et la désorganisation qui existent d'ailleurs dans un certain nombre d'endroits du globe.

    Quant à vos commentaires sur l'empreinte écologique, j'aimerais avoir l'occasion d'approfondir cette question à un moment donné. Comme vous le savez, il y a plus d'un siècle, Thomas Malthus a dit que notre destin était scellé parce que nous ne pouvions pas produire assez de nourriture; comme notre production de nourriture pouvait seulement augmenter à un rythme arithmétique, nous ne pourrions jamais suivre la croissance de la population et nous étions tous destinés à mourir faute d'être capables de nous nourrir. Pourtant, grâce à une certaine prise de conscience écologique—qui n'est pas suffisante—et grâce aux progrès technologiques, nous avons acquis la capacité non seulement de nourrir le monde, mais de nourrir une population mondiale encore beaucoup plus nombreuse que la population actuelle, si nous procédons avec prudence. Je vous remercie de vos observations à cet égard.

    Au sujet de la densité de population et de toute cette notion de chaos, bien sûr, certains endroits du monde les plus densément peuplés ont aussi un niveau de vie très élevé. On peut citer le cas de Hong Kong, Tokyo ou Londres... ce ne sont pas des exemples parfaits, mais le niveau de vie y est relativement élevé. Maintenant, c'est l'inverse dans des villes comme Mexico et Calcutta, et je suis certain que M. Russell pourrait nous en parler. Nous devons voir quels sont les facteurs qui permettent à certaines sociétés dont la densité de population est très grande d'avoir un niveau de vie relativement élevé, notamment en matière de santé et d'éducation, tandis que d'autres ne semblent pas y parvenir. Nous vous serions certes reconnaissants de tous conseils que vous pourriez nous donner dans ce domaine.

    Je peux dire à M. Russell qu'en tant que député de l'opposition, je partage son scepticisme quant aux capacités démocratiques du gouvernement actuel. C'est d'ailleurs pourquoi je suis député de l'opposition.

    Je pense effectivement que ce sommet du G-8-- et nous en avons déjà parlé tout à l'heure--ne devrait pas être simplement une réunion, une assemblée fastueuse de huit dirigeants, baignant dans une atmosphère de cirque qui fait en sorte que beaucoup de gens se sentent laissés pour compte. C'est pourquoi, dans de telles réunions, l'utilisation de technologie et de l'Internet tout au long de l'année nous permettrait d'avoir une participation très étendue.

    Il se trouve que je partage les mêmes préoccupations. Je ne pense pas que le sommet devrait avoir lieu à huis clos. Il devrait y avoir des caméras dans toutes les pièces et chacun devrait pouvoir suivre ce dont les dirigeants discutent, à moins qu'il y ait des questions de sécurité en matière de terrorisme. Mais ces réunions devraient être ouvertes.

Á  +-(1115)  

+-

     Je ne crois pas que nous devrions nous retirer simplement à cause de l'histoire de certains pays du G-8 qui ont violé les droits de la personne. Tous les pays en cause ont violé ces droits à un moment ou à un autre. Il est certain que l'Allemagne et le Japon l'ont fait pendant la Seconde guerre mondiale, de même que l'Italie, dans une certaine mesure, puisqu'ils avaient oblitéré les droits de l'homme et même le droit à la vie. Il y a évidemment l'URSS, l'un des gouvernements les plus criminels du siècle pour ce qui est de la violation des droits de la personne.

    Si l'on remonte encore plus loin, la Grande-Bretagne a appuyé l'esclavage à une certaine époque, de même que les États-Unis et un certain nombre d'États africains. Certains États africains préconisent encore l'esclavage, de sorte qu'aucun pays n'est totalement innocent.

    Mais le progrès est évident; c'est l'aspect positif de la nature humaine. L'Allemagne, le Japon et la Russie ne pratiquent plus les atrocités dont ils se sont rendus coupables sur le plan des droits de la personne. Il y a eu des progrès. Se retirer purement et simplement à cause de l'histoire ancienne--même l'histoire du Canada n'est pas sans tache--ne devrait même pas être envisagé, parce qu'il y a eu des progrès importants et des réussites éclatantes.

[Français]

    Monsieur, vous avez décrit d'une manière très claire la grande tragédie de votre pays, et je pense que vous avez suggéré quelques points qui sont importants. Je pense que le plus important est d'encourager un processus démocratique et la mise en place d'un gouvernement responsable. Après cela, on pourra faire les autres choses, bien sûr.

    Merci bien de votre recommandation.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Y a-t-il des commentaires?

+-

    M. Derek Paul: Je voudrais répondre à l'observation selon laquelle nous pouvons nourrir plus de monde qu'il n'y en a aujourd'hui dans le monde. C'est vrai, mais l'agro-industrie est particulièrement instable.

    Et j'ai deux autres commentaires à faire. Le premier est que les pratiques agricoles du dernier siècle ont provoqué une érosion considérable des sols. On en trouve par exemple en Saskatchewan où la teneur en azote du sol est très faible en comparaison de ce qu'elle était il a un siècle. Il y a encore un deuxième facteur. Peut-être que la situation semble assez bonne actuellement, mais nous devons nous poser la question: Dans quelle mesure sommes-nous en train d'épuiser notre capital? Je songe notamment au fait que l'on utilise des ressources non renouvelables pour alimenter des tracteurs, etc.

    Mais je reconnais que de nourrir la situation ne sera pas nécessairement le problème le plus difficile à résoudre. Certains indices montrent toutefois que tout ne va pas pour le mieux, par exemple la disparition de la morue, qui était extraordinairement abondante dans mon enfance. On peut encore acheter de la morue dans les magasins aujourd'hui, mais c'est devenu assez cher. Ce n'est qu'un exemple.

    Puisqu'on parle de nourrir la population, cela m'amène à une autre question. Notre mémoire comporte deux chapitres sur le changement climatique. Les gens qui avancent des arguments pour ou contre les accords de Kyoto évitent généralement de se reporter aux documents originaux qui émanent du programme des Nations Unies pour l'environnement. En tant que scientifique, j'accorde moins d'importance à ces commentaires qu'aux documents originaux et aux modèles scientifiques éprouvés.

    Les modèles, malheureusement, doivent adopter un scénario. Pour prédire ce qui va se passer en l'an 2100, il faut savoir combien de ceci ou de cela sera rejeté dans l'atmosphère par la race humaine, et les chiffres choisis dépendent du scénario. À l'heure actuelle, la race humaine progresse selon une courbe très peu souhaitable et les meilleurs modèles canadiens pour le reste du siècle font voir que d'ici l'an 2090, le climat mondial se sera considérablement réchauffé, surtout dans l'Arctique.

+-

     Le réchauffement sera donc beaucoup plus prononcé dans l'Arctique qu'ailleurs, en moyenne. L'hémisphère sud pas beaucoup, mais la zone de réchauffement descend jusqu'en Sibérie d'un côté du globe et s'avance de le centre de l'Amérique du Nord de l'autre côté.

    Le réchauffement de la planète va s'accompagner d'un changement de la pluviométrie. Les prévisions de pluviométrie pour l'an 2090 dans le sud-est des États-Unis montrent une baisse considérable de la quantité de pluie. Il y aura donc une forte augmentation de température accompagnée d'une diminution des précipitations, ce qui pose la question de savoir à partir de quel point, dans ce processus, le sud des États-Unis deviendra-t-il un désert couvert de poussière où l'agriculture sera impossible.

    Nous ne pouvons donc pas compter sur tous les pâturages, sur la totalité des terres agricoles que nous avons maintenant, jusqu'à la fin du siècle, si les habitudes actuelles ne changent pas dans notre façon de faire les choses.

    Je voulais simplement ajouter ces observations à ce que M. Day a dit.

Á  +-(1125)  

+-

    La présidente: Merci.

    Est-ce que quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose?

    Monsieur Russell.

+-

    M. Grahame Russell: À ce propos, j'ai une brève remarque à faire. Vous avez demandé s'il y avait quelque chose de positif dans tout cela. À mon avis, le seul élément positif est le fait qu'il y a discussion et débat. Si j'ai fait toutes ces critiques, c'est que, selon moi, il y aurait désaccord quant à la façon dont s'ordonnent les choses à l'échelle mondiale, et je l'ai signalé dans mes critiques.

    Je ne vois donc rien de bon pour la planète dans le système G-8. Je pense que c'est un système élitiste, antidémocratique pour les raisons que j'ai exposées, et pour d'autres raisons encore.

+-

    La présidente: Convenez-vous que le G-8 cherche peut-être l'ordre?

+-

    M. Grahame Russell: Il existe déjà un ordre mondial. Je pense que cet ordre mondial est très solide et qu'il est très injuste. Encore une fois, c'est une déclaration à l'emporte-pièce mais je suis convaincu qu'il existe un ordre mondial, un ordre très injuste.

    On peut expliquer pourquoi les Zambiens produisent des textiles pour quelques sous par jour. C'est l'ordre. Cela fait partie du système. Ainsi fonctionnent les choses. Et l'on peut expliquer pourquoi quelqu'un peut produire des textiles au Canada ou aux États-Unis à un coût beaucoup plus élevé et jouir d'un niveau de vie bien meilleur.

    Ce n'est pas par hasard que les gens en Zambie ou au Honduras, où je travaille, touchent 1 $ par jour. Ainsi fonctionnent les choses. C'est un ordre. C'est tout simplement un ordre injuste.

    Je voudrais ajouter un complément d'information à propos du G-8. Une des questions que l'on posera--et je tiens à le dire--lors de la session économique est la suivante: Comment le G-8 devrait-il interagir avec les autres organisations internationales comme les Nations Unies, le G-20, le FMI, ou la Banque mondiale? Il y a une hypothèse que l'on pose et que je voudrais rappeler. Le FMI et la Banque mondiale ne sont pas des institutions externes. Ce sont des mandataires des nations qui les contrôlent. Une fausse conception fait que lorsque le FMI fait une erreur, le gouvernement du Canada dit qu'il reconnaît que le FMI fait une erreur. Le FMI impose la politique canadienne. C'est un mandataire de notre gouvernement. Le Canada n'est pas plus grande puissance derrière le FMI, ce sont le Japon et les États-Unis, mais c'est le G-8 qui dirige le FMI concrètement par l'intermédiaire du ministère des Finances ou du ministère du Trésor, ou d'un autre organisme. L'exécutif de ces organisations est constitué par nos nations.

    Ainsi, quand on constate la pauvreté qui existe sur la planète, et quand on dit que cela est dû à une erreur de la Banque mondiale ou du FMI, cela revient à dire que ce sont nos erreurs d'orientation. C'est nous qui avons décidé de maintenir les programmes d'adaptation structurelle, les projets de privatisation, la notion que l'exportation va permettre de sortir de la pauvreté. Ce sont nos décisions à nous.

    Voici où je veux en venir: Au sein du G-8, il n'y a pas de mécanisme d'imputabilité. C'est volontairement que nous tenons à ce que le FMI ne soit pas doté d'un mécanisme d'imputabilité. Nous l'érigeons en entité extraterritoriale, disant «il est là». Eh bien non, le fonds applique nos politiques et la population du Honduras, de la Zambie ou du Nicaragua ne peut absolument pas demander au FMI de rendre des comptes, pas plus qu'à la Banque mondiale, pour les politiques et les programmes instaurés.

    Je tiens à dire cependant que la Banque mondiale a de temps à autre de bons projets. Je ne dis pas que la Banque mondiale fait tout de travers, mais ses politiques d'ensemble--et notamment les politiques d'ensemble qui figurent ici--sont néfastes pour la planète, en partie pour les raisons qui sont expliquées ici, la consommation et la production à outrance, et en partie parce que dans ce document, on n'a pas le courage d'aborder le problème de la distribution de la richesse entre nations et à l'intérieur des nations.

    Nous vivons dans un monde où Bill Gates peut gagner 40 milliards de dollars par année et une femme zambienne qui fabrique des couvertures peut gagner 1 $ par jour et nous ne trouvons rien à redire à cela. Notre ordre mondial, politique, culturel et économique dicte que les choses doivent se passer ainsi. C'est un problème grave et réel.

+-

    M. Derek Paul: Puis-je intervenir?

+-

    La présidente: Non, je surveille la pendule de près. Mes collègues ont des vols et ils doivent partir. Je veux m'assurer que chacun puisse se faire entendre.

    Madame Bamfumu, avez-vous des petits mots pour nous?

Á  +-(1130)  

[Français]

+-

    Mme Lina Bamfumu (secrétaire, Groupe de réflexion sur la reconstruction du Congo, Action et développement des projets communautaires (ADPCO)): J'aimerais faire un petit commentaire. Les gens se demandent peut-être pourquoi on doit encore plaider pour l'Afrique ou le Congo quand on est Canadien. Je dirais que c'est justement dans de cadre de la coopération internationale, dans le cadre même des actions de la communauté internationale, et non en tant que Canadiens, qu'on peut encore parler pour l'Afrique aujourd'hui.

    Cela me fait du mal de voir la communauté internationale agir d'une façon subjective. Je ne sais pas exactement quels sont les critères. Je ne sais pas comment les pays occidentaux décident d'intervenir au Timor-Oriental, et pas au Congo. On va intervenir en Afghanistan, et pas au Congo. On se dit que c'est peut-être la proximité. Le Timor-Oriental, c'est très loin. L'Afghanistan, c'est très loin par rapport au Canada. C'est comme la République démocratique du Congo.

    Alors, on s'est demandé quels étaient nos critères. Sur quoi se base-t-on pour décider d'aller aider les Afghans, et non les Congolais?

    J'aimerais que le Canada en tienne vraiment compte parce qu'aujourd'hui, nous, les Canadiens, sommes en Afghanistan. Je me demande d'ailleurs pourquoi on est là. Pourquoi ne peut-on pas être en Afrique?

    C'était là mon petit commentaire.

    Une voix: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

[Traduction]

+-

    La présidente: Je pense que c'est une bonne question, une excellente façon d'introduire la question du Congo dans la discussion. Jusqu'à présent, nous avons surtout parlé du MPDA mais la résolution des différends est placée très haut dans l'ordre prioritaire des initiatives décrites dans ce document.

    Nous allons garder cette question présente à l'esprit. Des sections de groupes que vous représentez ont comparu devant le Sous-comité des droits de la personne à Ottawa. À plusieurs reprises, des particuliers et des organisations soulèvent la question du Congo auprès des parlementaires, et je tiens à vous encourager vous-mêmes, en tant que Canadiens de descendance congolaise, car vous jouez un rôle important, à savoir maintenir présente la question de la résolution pacifique des conflits.

    En terminant, je vous remercie.

    Monsieur Assadourian.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Ma question s'adresse au représentant de Science pour la paix. J'ai lu ce que vous dites à la page 14 de votre document. J'accepte la plupart des faits historiques que vous rappelez concernant Israël et la Palestine. Je pense que votre évaluation de l'injustice passée commise à l'égard de Palestiniens est tout à fait à propos. Je voudrais vous poser une question à propos du dernier paragraphe, deuxième phrase et je cite:

Israël ne peut pas maintenir indéfiniment le contrôle des colonies de peuplement palestiniennes sans entreprendre un programme visant à les supprimer entièrement de la Cisjordanie et ses voisins arabes ne toléreraient pas cela.

    Quand vous dites «les supprimer entièrement de la Cisjordanie», songez-vous à des activités semblables à ce que l'on a vu à Jenin, où l'on a supprimé une partie de la population? Pensez-vous que ce genre de difficultés pourrait s'étendre à toute la Cisjordanie? La résolution du problème en supprimant la situation, comme l'ont fait d'autres gouvernements par le passé, l'URSS, les Nazis, les Turcs sont les Arméniens, les Japonais contre les Chinois--était-ce la solution à laquelle vous songez?

+-

    M. Derek Paul: Bien entendu, je ne peux pas prévoir l'avenir, pas plus que quiconque, mais la politique d'Israël depuis environ 10 ans a été d'isoler les colonies de peuplement arabes ou palestiniennes, et d'empêcher la circulation de ces populations? En même temps, à petite échelle, Israël a continué de coloniser cette région.

    Les choses se sont tellement envenimées que ces villes ou villages palestiniens ne sont plus viables. Je ne pense pas qu'ils aient un avenir économique. Quel que soit l'aboutissement, que ces populations se déplacent, meurent, que sais-je encore, il me semble que les Palestiniens n'ont pas d'avenir dans l'état actuel des choses. Voila explique pourquoi cette jeune mère, il y a quelques mois, s'est fait sauter à la bombe sur une place publique en Israël. On commence à se rendre compte qu'il n'y a pas du tout d'avenir.

    Je ne pense pas que le grand public se rende compte à quel point ces colonies de peuplement palestiniennes sont marginalisées, car elles ne sont pas reliées, et elles sont séparées par de très larges autoroutes qui sont patrouillées...

    M. Sarkis Assadourian: Des postes de contrôle.

    M. Derek Paul: ... oui, des postes de contrôle-- de sorte que les colonies de peuplement palestiniennes sont isolées l'une de l'autre. Aucune d'entre elles, que je sache, n'a une économie véritablement viable et autonome.

    C'est une situation impossible qui doit aboutir à un changement. L'issue en sera-t-elle tragique? Je n'en sais rien mais à mon avis, le maintien de l'occupation israélienne en Cisjordanie n'est pas une situation internationale viable et acceptable.

    M. Sarkis Assadourian: Merci.

+-

    M. Stockwell Day: Madame la présidente, je sais que le temps presse.

    Il serait fort utile d'examiner où les milliards de dollars d'aide acheminés à la population palestinienne--par l'intermédiaire de l'Autorité palestinienne--sont allés. On n'a pas pu constater le développement d'infrastructures, la construction d'hôpitaux ou la construction de réseaux d'adduction d'eau. Ce sont des questions... sur le plan économique, les Palestiniens vivent encore dans un état totalitaire, et ils ne peuvent pas songer à progresser sur le plan économique. Il faudrait étudier cela.

Á  +-(1135)  

+-

    La présidente: Merci.

    Nous pourrions continuer cette discussion. Comme on le constate, les enjeux sont discutables et méritent certes un débat.

    Je tiens à vous remercier tous d'être venus. Je le répète, vos mémoires seront lus et votre participation sera prise en compte. Notre comité vous remercie de nous avoir accordé votre temps. Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant inviter un dernier groupe, la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario, en la personne de sa vice-présidente, Mme Rhonda Kimberley-Young, accompagnée de son adjoint, M. Rod Albert et également de Mme Carolyn Bassett, de l'Alliance canadienne pour la paix.

    Vous avez au plus 10 minutes chacun pour présenter votre mémoire. Merci.

+-

    Mme Rhonda Kimberley-Young (vice-présidente, Fédération des enseignants et enseignantes des écoles secondaires de l'Ontario): Merci.

    Permettez-moi tout d'abord de vous présenter notre organisation. La Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario représente 50 000 enseignants des écoles secondaires publiques de l'Ontario, de même que le personnel de soutien--à savoir les psychologues, les psychométriciens, les aides enseignants et certains employés de bureau et de soutien--des commissions scolaires publiques de langue anglaise, des commissions scolaires catholiques de langue anglaise et des commissions scolaires publiques et catholiques de langue française. Nous avons du personnel de soutien dans tout le système d'éducation ontarien.

+-

     Notre organisation existe depuis 1919. Vous comprendrez aisément qu'étant donné que nous sommes une organisation provinciale, nous ne saisissons pas souvent l'occasion ou nous n'avons pas souvent l'occasion de faire un exposé au niveau fédéral, et nous sommes ravis de pouvoir le faire aujourd'hui.

    Notre Fédération est membre du Congrès du travail du Canada et de la Fédération du travail de l'Ontario. Nous savons que ces deux organisations vous ont présenté des mémoires.

    Depuis des années, nous nous occupons de divers projets internationaux. À l'interne, nous avons un fonds d'aide que notre comité des droits de la personne administre, et nous participons à divers projets avec nos partenaires en éducation en Amérique centrale et du Sud. Nous ne sommes certainement pas des experts en développement international, mais nous avons toujours cru que c'était un domaine important, dont nous avons fait un objectif, et nous essayons, dans la mesure du possible, d'apporter une petite contribution pour combler les énormes besoins qui existent en éducation et en développement en général.

    Nous sommes ravis de comparaître pour vous parler du G-8 et de l'étude sur l'Amérique du Nord. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas souvent l'occasion de parler au niveau fédéral. Nous avons bien examiné le mémoire du Congrès du travail du Canada et nous adhérons assurément aux recommandations qu'il contient. Dans notre mémoire, nous nous attardons, puisque nous sommes une fédération d'enseignants, aux aspects que nous connaissons le mieux et pour lesquels nous avons des suggestions.

    Sur le plan de l'aide, le Congrès du travail du Canada a bien expliqué qu'il estimait qu'il faudrait établir un échéancier clair pour mettre en oeuvre l'objectif de l'aide publique au développement, à savoir 0,7 p. 100 du PIB. Nous sommes pleinement d'accord. Nous savons que les sommes dépensées actuellement par les pays développés sont bien inférieures à cet objectif, aux alentours de 0,39 p. 100 sans doute, et nous pensons qu'il est crucial que les pays développés et riches fassent tous les efforts possibles pour apporter de l'aide.

    Vous constaterez que notre mémoire se réfère à quelques reprises au mémoire du CTC de même qu'à d'autres études. La Banque mondiale elle-même reconnaît le fossé énorme creusé entre riches et pauvres et prend conscience des problèmes que causent ces situations, non seulement pour les pays concernés mais pour les pays développés également.

    Nous savons que le G-8 croit que l'investissement et le trafic libre aboutissent à la croissance mondiale et à une réduction de la pauvreté et que favoriser l'investissement privé est le moyen permettant d'y parvenir. Mais nous n'en sommes pas convaincus. En fait, nous pensons que favoriser ces objectifs contribue très peu à réduire la pauvreté et à réduire les écarts de richesse et de revenu entre les pays et à l'échelle du monde.

    Une étude de la Banque mondiale portant sur 91 pays montre que les 50 millions de personnes les plus riches du monde détiennent autant de richesse que les 2,7 milliards les plus pauvres. Quatre cinquièmes de la population du monde vit au-dessous de ce que l'Amérique et l'Europe considèrent comme le seuil de pauvreté. À l'instar du Centre canadien de politiques alternatives, que nous citons dans notre mémoire, nous nous demandons combien de temps ces inégalités pourront se maintenir.

    De 1999 à 2000, les pays du G-7 ont réduit leur aide publique au développement de 5 p. 100. Nous sommes convaincus qu'il faut d'abord contribuer au développement et que le commerce s'ensuivra. Le développement durable doit être notre objectif. Devant les écarts de revenu entre pays développés et pays en développement, on songe à la sagesse de Ghandi qui a dit: «La pauvreté est la pire forme de violence».

    Nous demandons instamment un allégement inconditionnel de la dette pour les pays les plus pauvres et nous pensons que le G-8 devrait préconiser l'allégement de la dette pour venir en aide aux pays en développement. L'initiative concernant les pays lourdement endettés est assortie de trop de conditions et elle n'offre qu'un allégement partiel et imparfait à ces pays. Tout comme le CTC, nous pensons que le Canada pourrait faire davantage à cet égard. En fait, les pays du G-8 dans leur ensemble pourraient faire davantage.

    Je vais m'attarder davantage sur les questions d'éducation parce que c'est notre domaine d'intérêt et de compétence. Nous pensons que l'éducation est la méthode de choix pour mettre un terme à la pauvreté.

Á  +-(1140)  

+-

     Le programme Éducation pour tous, appuyé par le Congrès du travail du Canada et par l'Internationale de l'éducation, repose sur la notion que l'éducation est le moyen d'aider les enfants à sortir de la pauvreté, et nous en sommes convaincus.

    En 2002, au Brésil, lors du Forum social mondial, s'est déroulé un séminaire spécial sur l'éducation auquel nous avons participé. Notre communication à cette occasion est annexée à notre mémoire. Naturellement, les participants ont souligné leurs inquiétudes et leurs objectifs en matière d'éducation: le souhait de financer comme il se doit l'éducation de la petite enfance; l'éducation financée par l'État pour un minimum de neuf ans; un meilleur accès à l'éducation postsecondaire, l'éducation en tant qu'outil pour prévenir les problèmes de santé, y compris la propagation du sida. C'était une prise de position claire et l'expression du souhait que des principes de base soient adoptés en matière d'éducation publique à l'échelle du monde. On a mis l'accent sur les systèmes d'éducation démocratiques et le développement d'un esprit libre et critique chez les étudiants.

    Nous demandons aux pays du G-8 et au Canada de prendre des mesures concrètes pour éliminer la pauvreté qui afflige des centaines de millions d'enfants. Aujourd'hui, près de 250 millions d'enfants doivent travailler pour survivre. Des millions d'entre eux sont exploités, vivent dans les rues, sont réduits à la prostitution ou à l'esclavage, ou sont forcés de prendre les armes. Le Forum social mondial estime qu'il y a plus d'un million d'enfants qui n'ont pas accès à l'instruction. La majorité de ces enfants sont des filles. En outre, 900 millions de personnes--presque un adulte sur trois--sont analphabètes.

    En tant que déléguée au séminaire mondial sur l'éducation, notre fédération déplore le déséquilibre qui existe entre les intérêts commerciaux et sociétaux au titre de l'éducation.

    Nous voudrions maintenant aborder ce que nous considérons être la réification de l'enseignement public. Nous sommes fermement convaincus que l'éducation est un droit et un mandat public. Nous nous opposons à la réification de l'éducation, mais il est évident que l'éducation est considérée comme un bien dans le monde des affaires. Selon Merrill Lynch, à l'échelle mondiale, l'éducation représente 3 billions de dollars par année, 60 milliards de dollars pour le seul compte des États-Unis. Le Réseau des centres d'éducation canadiens évalue pour le Canada l'éducation internationale à 3,5 milliards de dollars.

    Les entreprises considèrent les écoles comme des marchés pour écouler produits et services reliés à l'école. Plus récemment, elles les considéraient comme des concentrations de consommateurs. Dans les pays et grâce au commerce international, l'éducation et les services éducatifs constituent des débouchés attrayants. Nous pensons que l'enseignement public doit être exclu des négociations commerciales et que les étudiants comme l'intégrité du réseau scolaire public doivent être protégés contre les intérêts des sociétés.

    Même dans un pays riche, dans une province riche--comme l'Ontario--on a réduit les ressources consacrées à l'enseignement public. Cela a entraîné une réduction massive du financement et la recherche de fonds provenant d'autres sources. Nous avons constaté une plus grande incursion des sociétés dans les salles de classe et dans le domaine de l'éducation.

    Nous sommes contre la commercialisation de nos salles de classe, surtout quand les étudiants deviennent un auditoire captif des prédateurs commerciaux. La détermination des sociétés à exploiter les jeunes de nos écoles publiques est sans limite. La commercialisation du berceau à la tombe s'intensifie, et les entreprises ciblent les écoles car elles abritent des millions de consommateurs en puissance.

Á  +-(1150)  

+-

     Notre fédération estime que nos écoles doivent être financées adéquatement afin que les enseignants ne se sentent pas contraints de signer des partenariats ou des commandites avec des intérêts commerciaux qui souhaitent intensifier leur influence auprès de nos étudiants.

    J'ai inclus quelques citations dans notre mémoire. Je pense qu'elles résument très bien nos convictions en ce qui concerne la valeur de l'instruction publique et l'importance de la régir au sein des pays dans l'intérêt des citoyens de ces pays.

    Malheureusement, nous constatons que le crédit d'impôt accordé par l'Ontario pour frais de scolarité versés aux écoles privées représente l'une des tentatives les plus dangereuses prises par un gouvernement nord-américain pour privatiser l'éducation et nous exhortons nos représentants au Sommet du G-8 à ne pas réifier l'éducation. Nous avons les mêmes convictions en ce qui concerne les autres services publics; les soins de santé primaires par exemple.

    À la page 5 de notre mémoire, nous abordons brièvement la question du libre-échange. Encore une fois, nous réitérons que les soins de santé, l'éducation, la culture et les services publics doivent être exclus de tout accord commercial étant donné leur importance et leur nature spéciales. En effet, ils forment la pierre angulaire d'une société démocratique, et inclure ces services nationaux dans des négociations commerciales ne devrait être envisagé qu'après un débat et un examen approfondis.

    L'ouverture et la transparence sont essentiels. Nous félicitons le comité qui, grâce à ses audiences, donne au public l'occasion de se prononcer sur l'ordre du jour du G-8, mais nous espérons que la même ouverture et la même transparence seront de rigueur lors des discussions au G-8 et dans les décisions qui s'ensuivront.

    Nous pensons que ces services devraient être exclus des ententes internationales et qu'on ne devrait pas en faire des produits quelconques car ce faisant, les bénéfices prendront le pas sur le droit souverain d'un gouvernement de gouverner.

    Bien des gens qui s'occupent de l'éducation craignent que l'accord général sur le commerce des services de l'OMC ne menace l'instruction financée à même les deniers publics au Canada. Le gouvernement canadien et le G-8 devraient s'employer à faire en sorte que l'instruction publique demeure exclue de toute négociation commerciale.

    J'ai quelques remarques à faire là-dessus et je conclurai ensuite sur les questions concernant l'Amérique du Nord.

    Nous avons décrit ce que nous, syndicats, adoptons comme position sur le commerce équitable. Nous ne disons pas qu'on devrait interdire le libre-échange, mais des droits fondamentaux et des normes fondamentales de travail devraient être maintenus.

    Je voudrais conclure en rappelant ce que le CTC dit dans sa déclaration liminaire, à savoir que le monde n'a pas besoin de plus d'ententes économiques pour libéraliser davantage le commerce et l'investissement, mais d'une stratégie de développement crédible et cohérente qui fait passer avant tout l'amélioration du niveau de vie des travailleurs, surtout les plus pauvres.

    Merci.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: Merci. Merci de votre collaboration. Vous avez présenté un excellent mémoire et il est dommage que nous ayons dû vous demander de faire vite.

    Mme Rhonda Kimberley-Young: Merci beaucoup.

    La présidente: Nous donnons la parole à Mme Bassett maintenant.

    Madame Bassett, essayez d'être brève. Vous avez présenté un mémoire complet, faisant six pages, que nous avons. Si vous pouviez vous en tenir aux points principaux, pendant 10 minutes, s'il vous plaît.

    Merci.

+-

    Mme Carolyn Bassett (coordonnatrice, Alliance canadienne pour la paix (Toronto)): Merci.

    Bonjour. Je m'appelle Carolyn Bassett et je suis la coordonnatrice de l'Alliance canadienne pour la paix. Nous sommes l'organisation de paix la plus grande au Canada qui chapeaute des groupes membres d'un bout à l'autre du pays. Nous travaillons pour le désarmement mondial, l'abolition de la guerre et le réacheminement des fonds affectés à des fins militaires pour qu'ils servent à combler les besoins des hommes.

    Merci de nous donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. Je vais exposer aujourd'hui ce que l'Alliance canadienne pour la paix préconise comme moyen pour combattre le terrorisme quand le sujet sera abordé par le Canada au Sommet du G-8 qui aura lieu à Kananaskis.

    Les réunions du G-8 offrent au Canada l'occasion d'intervenir sur le plan multilatéral pour aider à réorienter la démarche visant à combattre le terrorisme. Nous pensons que le gouvernement du Canada va saisir l'occasion qu'offre Kananaskis pour redire l'importance d'une approche commune ou humaine en matière de sécurité et pour se détourner de la dépendance envers les moyens militaires.

    Je tiens tout d'abord à rappeler que les armes nucléaires continuent de constituer une menace à la sécurité de tous. Nous ne voulons jamais connaître le résultat d'une attaque semblable à celle du 11 septembre perpétrée par un groupe terroriste se servant d'armes nucléaires.

+-

     Il faut mettre l'accent sur la prévention. La seule façon de nous assurer que les organisations terroristes ne puissent mettre la main sur des armes nucléaires, c'est d'éliminer celles-ci complètement de la terre.

    Il est impossible de créer un dispositif nucléaire explosif sans matière fissile, c'est-à-dire soit de l'uranium très enrichi, soit du plutonium. Il est essentiel pour nous protéger de toute attaque nucléaire délibérée ou accidentelle d'identifier ce matériel, de l'obtenir et de l'immobiliser.

    L'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, dresse de façon efficace des inventaires de matière fissile, et inspecte les sites nucléaires. Bien que ces aspects de son mandat donnent des résultats, le budget de l'organisation pour ce travail demeure inadéquat, limitant ainsi sa capacité. Les contributions volontaires à l'AIEA peuvent être ciblées expressément aux fins de ces inspections et du travail de vérification critiques. Le Canada devrait faire une contribution volontaire considérable pour ce travail et exhorter les autres États membres du G-8 à faire de même. Une somme appropriée pour la contribution du Canada pourrait être de 500 millions de dollars sur trois ans.

    Le mandat de l'AIEA de dresser des inventaires et de faire des inspections ne vise que les États qui n'ont pas d'armes nucléaires et qui sont partie au traité de non-prolifération. Pourtant, l'AIEA pourrait dresser des inventaires et entreprendre des activités d'inspection dans les puissances nucléaires aussi. Le gouvernement du Canada devrait tenter de créer un consensus au G-8 en vue d'étendre le mandat de l'AIEA à ces États.

    La matière fissile russe provenant de têtes explosives démontées inquiète tout particulièrement. L'Alliance canadienne pour la paix encourage le gouvernement du Canada à contribuer aux activités de réduction de la menace en Russie, en immobilisant de façon irréversible ces matières fissiles. C'est la seule façon de retirer ces matériaux explosifs de la circulation. Les pays du G-7--le reste du G-8--pourraient s'engager immédiatement à fournir une aide financière à la Russie afin qu'on puisse identifier et bloquer la matière fissile excédentaire sous une forme quelconque comme la vitrification, ce qui signifie encastrer dans des blocs de verre la matière de façon à ce qu'on ne puisse plus l'extraire ou l'utiliser à nouveau.

    Une telle aide à la Russie réduirait considérablement le risque que quelqu'un d'autre qu'un État puisse obtenir la matière fissile nécessaire à la création d'un engin nucléaire. Même si toutes les matières nucléaires étaient pleinement protégées autant que possible contre le risque de tomber entre les mains des terroristes, nous aurions toujours à craindre que des États utilisent des armes nucléaires de façon délibérée ou accidentelle. Pourtant il ne faut pas oublier, et c'est assez ironique, que l'utilité de posséder des dispositifs nucléaires a été réaffirmée après le 11 septembre par l'État même qui avait été victime des attaques terroristes.

    Les politiques présentées dans l'examen du dispositif nucléaire américain réaffirment que les armes nucléaires sont au centre même de la politique américaine en matière de sécurité et tentent d'élargir le rôle des armes nucléaires. Il est à noter aussi que cet examen préconise la possibilité d'avoir recours aux armes nucléaires, comme un outil parmi bien d'autres dans des conflits armés. Les principes fondamentaux de cet examen vont directement à l'encontre de ceux de l'actuelle politique canadienne en matière de désarmement, et plus précisément l'engagement de conclure des traités multilatéraux pour réduire irréversiblement le nombre d'armes nucléaires et finir par les éliminer.

    La rencontre de Kananaskis offre au Canada et aux États membres du G-8 la possibilité d'exprimer aux États-Unis leurs préoccupations face à cet examen de leur position nucléaire. Le gouvernement du Canada doit utiliser la rencontre des pays du G-8 pour rappeler à ses homologues l'importance primordiale de prendre des mesures en vue d'éliminer les armes nucléaires. N'oublions pas que dans un sondage Angus Reid de 1998, 93 p. 100 des Canadiens voulaient que le gouvernement du Canada prenne l'initiative pour débarrasser le monde des armes nucléaires.

    L'Alliance canadienne pour la paix estime que tous les États, surtout le Canada, ont l'obligation de favoriser l'utilisation de mécanismes de règlement de conflits sans recours à la force. La possibilité existe maintenant de renforcer la structure qui permettra de faire face au terrorisme international à l'avenir. L'Alliance canadienne pour la paix souscrit à l'appui sans réserve du gouvernement du Canada à la Cour pénale internationale.

    Une fois la CPI organisée et en fonction, son mandat pourrait être élargi pour inclure les actes de terrorisme au nombre des crimes contre l'humanité. On disposerait ainsi d'un mécanisme pour juger les poursuites qui ne peuvent pas être intentées en vertu du droit national et on renforcerait le principe que les actes de terrorisme doivent faire l'objet de poursuites et non pas de mesures de rétorsion.

  +-(1200)  

+-

     Dans ce contexte, l'Alliance canadienne pour la paix estime que la position du gouvernement des États-Unis en ce qui concerne la CPI est malheureuse et exhorte le gouvernement du Canada à soulever à la question à la réunion des pays du G-8.

    Depuis le 11 septembre 2001, la sixième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies s'est engagée encore une fois à rédiger une convention exhaustive sur le terrorisme qui inclurait une définition générale du terrorisme. En fait, l'absence d'une définition généralement acceptée du terrorisme est l'une des principales raisons qui a empêché la CPI d'inclure les actes de terrorisme à l'échelle internationale dans sa liste de crimes contre l'humanité.

    L'Alliance canadienne pour la paix convient qu'il est prioritaire d'avoir une définition reconnue à l'échelle internationale du terrorisme. Nous estimons que la réunion du G-8 pourrait fournir l'occasion d'avancer sur le plan d'une telle définition. Nous nous inquiétons toutefois que tout consensus puisse ne pas refléter adéquatement l'opinion des États qui ne font pas partie du processus du G-8.

    Nous notons que la définition de «terrorisme» utilisée au Canada rejette la possibilité que des États puissent se livrer à des actes de terrorisme et en même temps assimile presque toute utilisation de la force par d'autres que les États, à des fins politiques, à du terrorisme. Une telle définition ne semble pas susceptible de permettre un consensus international.

    Bien que les réunions du G-8 puissent jouer un rôle utile, c'est aux Nations Unies qu'il semble le plus approprié de discuter de nouveaux mécanismes internationaux et de nouvelles approches afin de faire face aux problèmes du terrorisme. Le G-8 manque de la transparence voulue et de la représentation adéquate ainsi que du contrôle démocratique et n'a aucun statut juridique permanent. Nous espérons par conséquent que le G-8 ne prendra pas en charge un nouveau secteur important de la gouvernance politique mondiale.

    À l'Alliance canadienne pour la paix, nous avons été surpris d'apprendre que le G-8 avait un plan d'action en 25 points sur le terrorisme que le Canada met en oeuvre, apparemment, mais qui n'a pas encore été rendu public. C'est ce que nous avons appris en lisant le témoignage du sous-ministre adjoint M. James Wright devant ce même comité, le 17 janvier 2002. Vous vous rappellerez qu'il a dit aux membres du comité que le Canada jouait un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre du plan d'action exhaustif du G-8 sur le contre-terrorisme, mais ce plan n'est pas affiché sur le site Internet du gouvernement du Canada et l'information sur le G-8 n'apparaît nulle part sur le site du gouvernement du Canada. Comme vous le savez, le G-8 n'a pas de secrétariat et donc ce n'est pas disponible là non plus.

    Nous croyons que les résidents du Canada ont le droit de savoir quelles sont les politiques de notre gouvernement. Nous pensons que les parlementaires, le groupe de Canadiens élus pour surveiller l'élaboration des politiques au Canada, devraient être mesure de voir ce plan et d'en discuter le bien-fondé. Nous espérons que notre gouvernement exercera des pressions pour qu'il y ait plus de transparence au G-8 au niveau des rapports sur les plans et programmes puisque ce serait un premier pas vers une meilleure reddition de comptes.

    L'Alliance canadienne pour la paix estime que le gouvernement du Canada peut promouvoir dans une plus large mesure un climat qui réduise les risques d'actes de terrorisme. L'aide humanitaire, une répartition internationale plus juste des revenus de la richesse, une application équitable du droit international sont essentielles pour éliminer les conditions qui favorisent le terrorisme.

    Comme l'ont clairement démontré les événements du 11 septembre 2001, la sécurité ne dépend pas de la puissance militaire. La plus grande puissance militaire jamais vue n'a pas empêché les attaques terroristes aux États-Unis et n'aurait pas pu le faire. Aucune capacité militaire ne peut empêcher un terroriste-suicide déterminé d'agir, mais un effort concerté des pays du G-8 en vue de promouvoir la sécurité de la personne et un régime international équitable et transparent pouvant offrir des mécanismes efficaces de règlement des conflits pourrait faire beaucoup pour empêcher les gens de devenir des terroristes-suicide.

    Merci.

  +-(1205)  

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    La présidente: Merci. Vous avez là une mémoire très complet et vous avez abordé de nombreuses questions qui intéressent les membres du comité. J'ai également aimé la façon dont vous avez intégré vos recommandations que nous allons certainement examiner plus avant.

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     Comme vous le savez--je vais le répéter--nous retournons à Ottawa. Nous tentons d'entendre tous ceux que nous pouvons. Puisque tout est enregistré, vous avez l'occasion d'apporter des précisions ou de souligner certains points. Nous vous donnerons le temps de le faire.

    Vous pouvez faire quelques remarques encore pour revenir sur ce que vous avez dit rapidement alors que vous tentiez de faire consigner tout votre mémoire au procès-verbal. Par contre, nous pouvons continuer en vous posant des questions et en discutant avec vous.

    Madame Kimberley-Young, vous avez la possibilité de faire quelques commentaires encore.

  -(1210)  

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    Mme Rhonda Kimberley-Young: Merci beaucoup.

    S'il y a quelque chose dans notre mémoire sur lequel nous aimerions revenir, c'est sur le programme du G-8. Nous pensons que l'objectif de 0,7 p. 100 d'aide est critique et qu'il est essentiel d'y ajouter l'allégement de la dette si nous voulons vraiment faire quelque chose pour soulager une partie de la pauvreté dans les pays en voie de développement, pauvreté, j'ajouterai, qui provient autant de la structure que d'autre chose.

    Nous avons évidemment des préoccupations quant aux politiques et procédures du FMI et de la Banque mondiale et nous considérons que l'allégement inconditionnel de la dette, associé à une aide appropriée, est le premier pas essentiel pour soulager cette pauvreté.

    Au niveau des services publics, j'ai parlé de l'éducation parce que c'est le secteur que nous connaissons le mieux. Nous nous préoccupons du fait que dans les accords commerciaux précédents et tout particulièrement au GATT, il est possible de contester notre souveraineté et les décisions prises par nos gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral au niveau de l'éducation. Nous voyons de plus en plus un mouvement vers la privatisation de l'éducation et vers sa transformation en produit.

    En Ontario, nous constatons des tendances inquiétantes au niveau d'une commercialisation accrue et de l'infiltration de plus en plus commune des sociétés dans la salle de classe par du matériel gratuit, des programmes gratuits et d'autres choses qui rendent leurs offres de plus en plus attrayantes dans un climat où il y a de moins en moins d'argent et de moins en moins de ressources dans le domaine de l'éducation. Si nous constatons ces tendances ici dans les pays industrialisés, dans un pays très riche comparé aux autres pays du monde, nous devons certainement nous préoccuper de ce que cela signifie pour les pays qui sont moins riches.

    Nous n'avons pas parlé très longuement des services publics en général, mais nous avons également des opinions bien arrêtées en ce qui concerne la culture, la santé, etc. Les gouvernements existent pour une raison, c'est-à-dire prendre des décisions pour leurs citoyens, et nous croyons qu'un gouvernement a le droit de gouverner sans entraves imposées par des accords commerciaux qui pourraient nuire à sa capacité de prendre des décisions dans les domaines des soins de santé, de l'éducation, et d'autres services sociaux et publics.

    Nous considérons vraiment...

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    La présidente: Excusez-moi.

    Monsieur Day, avant de partir, voulez-vous poser des questions?

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    M. Stockwell Day: Les exposés étaient excellents, le reflet de bien des choses que nous avons entendues. Ils appuient nombre de positions qu'on nous a déjà présentées.

    Dans le domaine de l'éducation--à titre de renseignement---des représentants de pays africains, surtout dans ce domaine, nous ont dit que l'enseignement primaire les préoccupe vraiment. Je sais que vous avez parlé de l'enseignement secondaire, mais l'accent est mi s sur l'enseignement primaire et je tenais simplement à le faire remarquer.

    J'ose espérer aussi que nous n'exportons rien qui limite les choix en éducation. De nombreuses familles, des milliers, au Canada et aux États-Unis, pour le bien public, éduquent leurs enfants eux-mêmes--selon certaines normes, bien sûr--ou dans leurs propres écoles. On a certainement démontré dans des endroits comme Detroit et Chicago que de nombreux enfants qui ne semblaient pas faire de progrès ont réussi à en faire parce que leurs parents pouvaient faire un choix de systèmes d'éducation qui, évidemment, devaient respecter certaines normes de base.

    Il ne faudrait pas oublier que lorsqu'on a une approche monopolistique ou monolithique, il y a tendance à l'inefficacité et à la médiocrité. Il ne faudrait pas oublier que nous songeons à aider d'autres pays par nos idées.

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    La présidente: Merci, monsieur Day. Vous allez recevoir une réponse par écrit.

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    Mme Rhonda Kimberley-Young: En ce qui concerne ce que nous avons dit sur l'éducation, nous appuyons la déclaration mondiale relative à l'éducation, qui se concentre sur la scolarité dès la petite enfance et sur la scolarité des petits enfants financée par l'État. Par conséquent, nous ne nions surtout pas l'importance de l'éducation secondaire, mais nous pensons qu'il faut bien scolariser les jeunes enfants au primaire pour leur donner les outils dont ils ont besoin pour bien réussir au niveau secondaire.

    En ce qui concerne la question d'offrir un choix, nous ne voyons sûrement pas le système scolaire public comme un monopole. Nous le voyons comme un mandat public et comme un investissement public.

    Nous sommes en faveur de disposer de choix, d'autant plus si les autres systèmes ne sont pas financés par les fonds publics. Le cas échéant, nous nous attendrions à ce qu'ils se conforment aux mêmes normes et aux mêmes critères que le système public. Malheureusement, ici en Ontario, ce n'est pas ce que nous avons constaté en ce qui concerne le crédit d'impôt pour les écoles privées.

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    La présidente: Merci.

    Madame Bassett, je ne sais pas si vous avez suivi tout le débat qui entoure la question du bouclier antimissiles, NORAD, les déclarations de M. Axworthy, la position de M. Granatstein et le commandement du Nord. Dans le contexte de nos discussions sur les relations entre le Canada et les États-Unis, pourriez-vous formuler des observations sur les questions que je viens d'énumérer? Néanmoins, si vous préférez réfléchir à toutes ces questions, vous pourriez toujours nous répondre par écrit.

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    Mme Carolyn Bassett: J'aurais voulu vous soumettre un mémoire écrit traitant spécifiquement des relations dans le contexte nord-américain. Malheureusement, je n'ai pas disposé de suffisamment de temps pour vous préparer un exposé sur les deux questions.

    La présidente: Nous comprenons cela.

    Mme Carolyn Bassett: Néanmoins, j'aimerais brièvement aborder la question du bouclier antimissiles dans le contexte des attentats terroristes. Au cours de la période qui a suivi les événements du 11 septembre, nous avons été très surpris de constater un intérêt renouvelé envers l'élaboration du projet de bouclier antimissiles. Surtout quand on sait que le bouclier antimissiles n'aurait pas du tout empêché les attentats de ce jour-là, et que ce mécanisme serait tout à fait inapte à protéger les États-Unis contre une attaque nucléaire par une organisation terroriste.

    Je ne l'ai pas dit aujourd'hui, mais dans mon mémoire écrit, je fais référence au bouclier antimissiles. Je fais valoir que même si ce mécanisme fonctionnait, il est conçu pour intercepter des armes nucléaires lancées d'un territoire très éloigné. Par conséquent, une organisation terroriste quelconque ne pourrait pas élaborer un tel dispositif de lancement. Il serait d'ailleurs impossible d'élaborer un tel mécanisme en secret. Tout projet de cet ordre serait de notoriété publique et serait, vraisemblablement, étouffé bien avant que l'organisation ait la capacité de lancer des armes nucléaires.

    Selon nous, le coût que représente l'élaboration d'un tel mécanisme, qui est le bouclier antimissiles, n'a pas de sens, surtout quand l'on considère cet argent pourrait être affecté à d'autres projets qui auraient un résultat beaucoup plus immédiat et positif sur la sécurité nord-américaine et en fait, mondiale.

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    La présidente: D'accord, merci.

    J'aimerais encore une fois vous remercier de votre exposé devant ce comité aujourd'hui, et je vous invite à nous faire parvenir toute autre information que vous considérez pertinente.

    J'aimerais remercier la Fédération des enseignants; poursuivez votre bon travail. J'ai enseigné pendant 35 ans moi-même et donc, j'ai une certaine affinité avec vous. J'ai été très heureuse d'écouter les points de vue exprimés par les membres de la Fédération.

    Mme Rhonda Kimberley-Young: Merci de nous avoir invités.

    La présidente: Pour ceux d'entre vous qui font la promotion de la paix dans le monde, continuez sur votre élan et n'oubliez pas de nous tenir au courant de vos exposés. Merci beaucoup.

    Mme Carolyn Bassett: Merci beaucoup.

    La présidente: La séance est levée.