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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 octobre 2001

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Collègues, la séance est ouverte. Le ministre est ici.

Le ministre n'a qu'une demi-heure à nous consacrer. Il est accompagné par M. Lavertu, qui est son sous-ministre, comme vous le savez, et par M. Wright, qui a passé plus de temps devant notre comité que dans son bureau à bien d'autres occasions.

Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'être venu. Vous assumez des responsabilités accrues. Nous savons que vous êtes extrêmement occupé et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître devant nous ce matin. Si j'ai bien compris, vous resterez une demi-heure et vous laisserez M. Lavertu et M. Wright pour le reste du temps.

Collègues, le ministre fera une déclaration liminaire d'une dizaine de minutes. Par la suite, je serai très vigilant dans ma répartition du temps. Comme à l'habitude, je passerai d'un côté à l'autre, mais je veillerai à ce que vous ne dépassiez pas les trois minutes allouées pour la question et la réponse pour qu'un plus grand nombre de députés puissent intervenir.

Désolé, le coup de marteau a été donné. Je prie donc les journalistes et les caméramen de quitter la salle. Merci beaucoup.

Monsieur le ministre.

L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis très heureux d'avoir été invité à vous rencontrer aujourd'hui. En raison du court préavis qui m'a été donné, je ne ferai qu'une brève apparition à la séance du comité. Croyez bien que j'en suis désolé, mais il va de soi que je reviendrai avec plaisir. Comme le président l'a dit, M. Wright et M. Lavertu pourront rester pour répondre à d'autres questions après mon départ.

Comme vous le savez, on m'a demandé d'assumer de nouvelles responsabilités en tant que président du nouveau Comité spécial des ministres sur la sécurité publique et la lutte anti-terrorisme. À ce titre, j'entends pleinement continuer de collaborer avec le comité, tout comme je le faisais en ma qualité de ministre des Affaires étrangères.

Trois semaines à peine se sont écoulées depuis les tragiques événements survenus aux États-Unis. Aujourd'hui, mes propos porteront sur trois thèmes: premièrement, la réponse du gouvernement à l'attaque terroriste contre les États-Unis; deuxièmement, les relations canado-américaines; et troisièmement, la situation internationale.

D'entrée de jeu, je dirai qu'en tant que parlementaires, les Canadiens souhaitent nous voir réagir promptement à une crise complexe mais très immédiate. La population canadienne est exigeante et mérite une réponse opportune, intelligente et réfléchie. Les enjeux ne sauraient être des plus élevés. Pour tout gouvernement, l'ultime priorité est d'assurer la sécurité de ses citoyens. Les événements du 11 septembre ont montré que l'on ne peut tenir pour acquise la sécurité des simples citoyens et qu'il convient de se mobiliser pour l'assurer.

Le gouvernement du Canada doit prendre des mesures vigoureuses, des initiatives qui transcendent le partage bureaucratique des activités gouvernementales et qui vont d'ajustements mineurs sur le plan de réglementation à une refonte en profondeur de notre action dans des domaines cruciaux, comme la sécurité publique dans notre pays.

• 0905

Les événements du 11 septembre ont frappé tout près de chez nous. Nous croyons savoir que le terrorisme a coûté la vie à 23 Canadiens ce jour-là. Au-delà de ces pertes tragiques, les autres victimes ont été le sentiment de sécurité des Canadiens et la confiance dans l'économie.

Devant cet état de fait, qu'allons-nous faire à l'échelle nationale pour relever ces défis? Le gouvernement a l'intention de prendre des mesures décisives. Lundi, le premier ministre a créé un comité spécial du cabinet sur la sécurité publique et la lutte anti-terrorisme. Ce comité, dont je serai le président, a déjà commencé à élaborer une stratégie en vue de répondre aux défis auxquels est confronté le gouvernement dans le domaine de la sécurité publique.

Mes collègues au sein de ce comité seront le vice-premier ministre, le solliciteur général, ainsi que les ministres des Transports, des Finances, de la Défense nationale, de la Justice, du Revenu national, des Affaires intergouvernementales et de la Citoyenneté et de l'Immigration. Nous passerons en revue l'orientation gouvernementale, la législation, la réglementation et les programmes du gouvernement afin d'en adapter tous les aspects à une optique axée sur la sécurité. Nous espérons présenter une mesure législative pertinente pour régler les problèmes liés à la sécurité des Canadiens dans le respect des valeurs canadiennes.

Parallèlement, les ministères continueront de travailler en étroite collaboration. Ainsi, Transports Canada, le SCRS, Citoyenneté et Immigration, la GRC, l'Agence des douanes et du revenu du Canada et les autorités aéroportuaires locales travailleront de concert pour assurer la sécurité de l'ensemble des Canadiens.

Le gouvernement a également accéléré l'évaluation et resserré la surveillance de secteurs clés de l'infrastructure névralgique du Canada, dont les centres de communication, les centrales nucléaires, etc. Tous ces efforts sont coordonnés par le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile, l'OCIPEP, organe qui avait été créé au début de 2001. Ce sigle n'est pas encore familier, mais il le deviendra.

Le président: Il est très facile à prononcer.

M. John Manley: Dans cette lutte contre le terrorisme, notre perspective a été et continuera d'être soutenue par notre adhésion à l'équilibre entre les droits individuels et la sécurité publique. Cela dit, je tiens à affirmer clairement que notre gouvernement fera la lutte contre le terrorisme aussi bien sur le front intérieur qu'à l'étranger. Nous allons renforcer la législation nationale pour qu'il soit plus difficile pour les terroristes et les criminels d'entrer au Canada ou d'y trouver refuge. Le projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger, impose des exigences de sélection plus rigoureuses destinées à empêcher les terroristes d'entrer au Canada en vue de demander le statut de réfugié.

Nous ferons également en sorte qu'il soit beaucoup plus difficile pour quiconque de participer à des activités liées au terrorisme au Canada, y compris le financement d'organisations terroristes sous le couvert de contributions à des organismes de charité (projet de loi C-16), ou d'utiliser les produits de la criminalité pour financer le terrorisme (projet de loi C-24). Nous continuerons de nous doter de meilleurs outils législatifs pour que les forces de l'ordre soient capables de lutter contre les réseaux terroristes qui opèrent dans l'ombre de la société.

Le message que je veux livrer au comité est clair: la sécurité des Canadiens est l'ultime priorité du gouvernement à l'heure actuelle. Nous ne pouvons nous permettre d'aborder cette tâche avec suffisance.

[Français]

Permettez-moi maintenant de vous brosser un portrait de notre engagement auprès des États-Unis depuis l'attaque du 11 septembre.

En premier lieu, je dois vous signaler à quel point il m'apparaît important de travailler en étroite collaboration avec Washington pour lutter contre le terrorisme. La population canadienne a exprimé sa solidarité avec la population américaine. Cela exige une coopération serrée et efficace, mais des distinctions s'imposent. Travailler étroitement avec les États-Unis ne signifie pas leur remettre les clés de la souveraineté canadienne en matière d'immigration, de contrôle des frontières ou de politique étrangère. La véritable question qui se pose est de déterminer comment nous, le Canada et les États-Unis, gérons notre interdépendance ici, en Amérique du Nord.

La libre circulation des biens à la frontière canado-américaine est une priorité immédiate pour le gouvernement. Comme le président Bush l'a indiqué au premier ministre, les nouvelles mesures de contrôle à la frontière ne doivent pas nuire aux économies du Canada et des États-Unis. Quatre-vingt-sept pour cent de nos exportations vont aux États-Unis et 30 p. 100 de leurs exportations vont au Canada. Ceci représente presque l'équivalent de 2 milliards de dollars de marchandises chaque jour. Il est donc absolument vital pour l'économie canadienne que nous maintenions la fluidité du commerce à la frontière.

• 0910

[Traduction]

Vous savez peut-être que je me suis entretenu le week-end dernier avec Tom Ridge, qui vient d'être nommé secrétaire d'État à la sécurité intérieure. Il aura ses bureaux à la Maison-Blanche. À mon avis, ce sera un ami et un allié puissant apte à nous aider à régler nos problèmes communs, y compris celui d'assurer le maintien du commerce transfrontalier.

Une fois que nous aurons mis en place toutes ces mesures, il faudra le faire savoir. En fait, nous sommes partie prenante de la solution.

Sur le plan international, on constate à l'heure actuelle un niveau d'unanimité remarquable. Les instances multilatérales, dont l'ONU, l'OTAN, la Communauté européenne, le G-8, l'OEA, la Ligue arabe et l'ASEAN, ont condamné les attaques. Essayez de vous rappeler une époque où le monde entier a été aussi uni dans sa dénonciation d'un acte de violence.

Cela signifie que nous avons collectivement une légitimité sans précédent pour réprimer vigoureusement le terrorisme mondial. Le terrorisme mondial représente une menace pour tous, et cela comprend le Canada. C'est une menace à la sécurité et à la stabilité du monde, au développement international et aux valeurs démocratiques. Le terrorisme est diamétralement opposé aux valeurs que nous défendons dans le monde.

Les États-Unis déploient la majeure partie de leurs efforts politiques par l'entremise de l'OTAN et des Nations Unies. Nous saluons cette approche. Elle est conforme à ce que bon nombre d'entre nous avons conseillé. Une large coalition est la seule façon de réussir à vaincre le terrorisme.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté vendredi dernier une résolution à la fois exhaustive et pratique. On y énonce les jalons précis que devraient embrasser tous les pays, le Canada compris, dans leur lutte intérieure contre le terrorisme. Elle exige un rapport sur la situation d'ici 90 jours.

Au sein de l'OTAN, l'invocation de l'article 5 signifie que cette attaque contre les États-Unis est une attaque contre tous les membres de l'OTAN. Les États-Unis ont fourni des renseignements montrant que l'attaque en question a été menée depuis l'étranger. Cela ne signifie pas que l'OTAN ou le Canada soit en guerre. Les États-Unis attachent à bâtir une coalition internationale autour de ces deux tribunes.

J'ai dit à Colin Powell que le Canada ferait front commun avec les États-Unis et que notre diplomatie serait au service de cet effort.

Pour ce qui est de la situation sur le terrain en Afghanistan, à l'exception d'un certain nombre de journalistes récemment arrivés dans la région, nous croyons qu'il n'y a pas de Canadiens en Afghanistan à l'heure actuelle. Il y a quelque 900 Canadiens enregistrés auprès de notre haut-commissariat au Pakistan, et probablement de 2 000 à 2 500 Canadiens dans le pays.

Le Canada a annoncé son intention d'alléger les sanctions imposées au Pakistan après les essais nucléaires de 1998 et ce, uniquement en raison de l'actuelle crise humanitaire. Le premier ministre et moi-même avons tous deux dit clairement au président Musharraf et au ministre des Affaires étrangères Sattar que nous souhaitions appuyer le Pakistan dans ce moment difficile, mais que nos inquiétudes concernant leur arsenal nucléaire et la prolifération des missiles demeurent élevées. Nous avons tenu le même discours en Inde.

Dans l'immédiat, ce qui importe, c'est le fait que l'Afghanistan est sur le point de sombrer dans une terrible catastrophe humanitaire puisque deux millions de personnes déplacées et des milliers d'autres franchissent la frontière prétendument fermée pour entrer au Pakistan. Le Canada contribue à l'aide humanitaire destinée aux Afghans. Le premier ministre a annoncé samedi cinq millions de dollars supplémentaires pour l'aide humanitaire, ce qui porte la contribution du Canada à la crise actuelle à 6 millions de dollars.

Le Canada fournit également une aide supplémentaire au Pakistan. Lundi, Maria Minna, ministre de la Coopération internationale, et moi-même avons annoncé de nouvelles mesures pour aider le Pakistan à la suite de la décision du président Musharraf de rallier la coalition internationale contre le terrorisme. Non content d'alléger les sanctions, le Canada convertira des prêts impayés du Pakistan à l'ACDI, de l'ordre de quelque 447 millions de dollars, en fonds destinés à la création de programmes de développement dans le secteur social.

Je vais m'en tenir là et répondre aux questions mais auparavant, permettez-moi de dire que dans ce qu'on appelle la guerre contre le terrorisme—et c'est une métaphore—nous n'avons pas affaire à un ennemi conventionnel. Par conséquent, notre campagne ne sera pas conventionnelle non plus. Elle comportera de nombreux volets différents: militaire, financier, juridique, diplomatique et renseignements. Elle exigera temps et patience et il va sans dire que je collaborerai volontiers avec le comité tout au long de son déroulement.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

• 0915

Comme vous le savez sans doute, le comité a commencé ses travaux sur ce sujet la semaine dernière. Vous êtes le premier témoin à venir comparaître devant nous. Mais je peux vous affirmer que toutes les personnes dans la salle sont déterminées à ce que notre comité assume au mieux sa responsabilité de traiter avec vous et avec vos hauts fonctionnaires afin que le Parlement soit partie prenante à la quête d'une solution au problème extrêmement complexe auquel nous sommes tous confrontés.

Comme vous le savez peut-être, nous avons fait une étude sur le Caucase l'année dernière. Certains de nos membres s'y sont rendus et nous y portons donc un intérêt personnel direct. Nous avons une certaine expérience de la région et du type de travail que nous devons faire.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le président, j'ai un très bref rappel au Règlement.

A l'instar du président, je suis reconnaissant au ministre de comparaître devant le comité, mais compte tenu de la gravité des enjeux, pourrions-nous lui demander de revenir immédiatement après la semaine de relâche? Il me semble évident qu'un tour de table de trois minutes sur des questions aussi importantes est bien en deçà de ce qui s'impose.

Pourrions-nous convenir d'inviter le ministre à revenir devant le comité le plus tôt possible? Il a déjà dit qu'il était d'accord pour le faire.

M. John Manley: Je reviendrai volontiers.

Le président: Certainement. Le ministre a dit qu'il consacrerait le plus de temps possible au comité, mais ce matin nous n'avons qu'une demi-heure. Nous n'avons que 15 minutes pour les questions, ce qui nous donnera environ cinq minutes chacun si nous sommes disciplinés.

Je donne la parole à M. Pallister.

M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Merci, monsieur le ministre. Vos propos sont les bienvenus. J'estime que vous méritez tout notre appui et que depuis le début, votre démarche face à cette crise a été empreinte d'intelligence et de clairvoyance. Je vous en remercie et je vous offre le soutien de nos collègues de la loyale opposition de Sa Majesté.

Cela dit, certains de vos collègues, particulièrement le premier ministre, livrent des messages variés qui sont confus et quelque peu dangereux pour les Canadiens qui se demandent avec quel degré de sincérité nous entreprenons cette entreprise gigantesque, si je puis l'appeler ainsi. L'idée qu'il existe une panacée qui permettrait à la population canadienne de se soustraire à ces problèmes est également dangereuse.

Je suis des plus encouragé par vos propos, monsieur. Encore une fois, je vous appuie dans vos efforts.

Convenez-vous qu'il est gênant pour notre pays de ne pas pouvoir offrir une contribution d'envergure à l'effort militaire pour éradiquer le terrorisme?

M. John Manley: Premièrement, il faut comprendre qu'il y aura sans doute un volet militaire en réponse à ce qui s'est passé. À ce sujet, je ne peux en dire trop long. Tout le monde s'attend à ce que cette lutte nécessite un effort à long terme dont le volet militaire, sans être le moins important, n'est certainement pas le plus important.

S'il doit y avoir un élément militaire, nous avons fait savoir clairement aux États-Unis que nous accueillerions favorablement toute demande d'utilisation des actifs militaires canadiens. Nous leur avons précisé qu'en pareille éventualité, nous avions l'habitude de consulter le Parlement et que nous avions l'intention de le faire. Mais il n'y a pas de raison de se sentir embarrassés. Nous avons déjà participé sur le plan militaire à des campagnes précédentes au Kosovo et pendant la guerre du Golfe. Nous sommes très actifs dans les Balkans. Nous possédons de l'équipement et une expertise qui pourraient être utiles.

M. Brian Pallister: Je voudrais pouvoir terminer mes questions.

Le président: Non, nous avons convenu d'interventions de trois minutes, de sorte qu'il me faut passer à quelqu'un d'autre.

M. Brian Pallister: Êtes-vous en train me dire que cela a pris trois minutes?

Le président: Oui. Est-ce exact? Monsieur, il vous reste 30 secondes.

M. Brian Pallister: Merci beaucoup.

Êtes-vous convaincu de la complicité de ben Laden dans cette attaque terroriste initiale, monsieur le ministre?

M. John Manley: Oui.

M. Brian Pallister: Avez-vous vu une preuve incontestable qui vous a convaincu de sa culpabilité? Est-ce ce qui vous a amené à tirer cette conclusion?

M. John Manley: Je ne suis pas devant un tribunal.

M. Brian Pallister: Non, je le sais.

M. John Manley: J'ai examiné la preuve, tout comme l'ont fait les dirigeants de nos agences de sécurité et de renseignement. Personnellement, je suis convaincu—et notre gouvernement l'est aussi—que cette preuve désigne ben Laden, Al Qaïda, et personne d'autre.

M. Brian Pallister: Étant donné que le président me coupera bientôt la parole, monsieur le ministre, je voudrais savoir si vous pourriez communiquer cette preuve à d'autres députés de la Chambre, comme des premiers ministres précédents l'ont fait notamment en faisant prêter aux chefs des partis d'opposition le serment de confidentialité du Conseil privé. Cela pourrait-il se faire? D'autres premiers ministres l'ont déjà fait. Seriez-vous en faveur d'une telle initiative, monsieur, pour que nous puissions présenter un front uni à l'échelle nationale?

M. John Manley: C'est une décision qui relève du premier ministre.

Cela pourrait être utile, monsieur le président. J'ai parlé au secrétaire Powell avant hier soir, et il continue d'espérer que leurs agences seront en mesure de rendre public un document recensant la majorité de la preuve accumulée qui pointe dans la direction de ben Laden.

• 0920

Le président: Merci beaucoup.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être ici.

Nous nous félicitons du fait que le gouvernement ait formé ce comité parce que, comme vous l'avez dit, la question numéro 1 qui se pose pour les citoyens ordinaires, dont nous sommes, est celle d'être rassurés.

Quels moyens allez-vous prendre pour informer régulièrement les citoyens de ce que le gouvernement a fait, de ce qu'il fait présentement et de ce qu'il entend faire pour que la population sente qu'il est aux commandes? C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur la fluidité du commerce entre les États-Unis et le Canada. On a parlé d'une aire commune. Dans le cas de l'Union européenne, il a fallu beaucoup de temps pour en arriver à cela. Il faut s'entendre sur des critères communs pour les réfugiés, les visas, etc. Donc, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. En attendant, est-ce que vous êtes sensible à la demande faite par le Bloc, hier, d'accélérer les moyens qui sont déjà proposés?

M. John Manley: D'abord, il sera certainement nécessaire d'utiliser tous les moyens de communication pour démontrer à la population que le gouvernement est vraiment en contrôle et qu'il n'y a pas de risques énormes qui existent. C'est le message qu'on veut livrer. On va nécessairement réagir à la situation. Nous considérons que la situation est plus grave que nous ne le croyions avant le 11 septembre.

Il faut maintenant que la population revienne à un mode de vie normal. Le risque n'est pas plus grand maintenant qu'il ne l'était auparavant. Je suis certainement prêt à encourager même les membres de ma famille à voyager en avion. Il n'y a pas là un risque extraordinaire. On peut revenir.

En ce qui concerne le commerce, la frontière et les changements, en Europe, il a fallu 40 ans pour qu'on en arrive à la région Schengen, mais c'est beaucoup plus compliqué quand il y a plusieurs États. Il y a en effet des discussions entre le Canada et les États-Unis, mais il faut comprendre que c'est une affaire entre les deux gouvernements. En ce moment, les États-Unis ne sont pas prêts à discuter de changements. Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai discuté avec M. Ridge, mais il n'entrera pas en fonction avant le 5 octobre. Dès qu'il sera prêt, je serai aussi prêt à discuter de la question de la frontière avec lui.

Mme Francine Lalonde: Mais en attendant...

Le président: Excusez-moi, madame Lalonde, mais votre temps est terminé.

Monsieur O'Brien.

[Traduction]

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu comparaître à deux jours d'avis seulement. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris du temps dans un horaire qui doit être des plus chargés. Vous allez avoir besoin de faire votre course matinale plus que jamais, j'en suis sûr.

M. John Manley: J'aurai peut-être besoin de vous pour assurer ma sécurité.

M. Pat O'Brien: Oui, c'est juste.

Je voudrais revenir sur un thème que vous avez évoqué, soit la confiance dans l'économie. Je viens du sud de l'Ontario, d'une région où la frontière est une réalité incontournable. La circulation des biens et des personnes dans les deux sens entre le Canada et les Etats-Unis représente environ 1,4 milliard de dollars par jour pour les marchandises et quelque 200 millions de personnes qui traversent aux postes frontières. Pouvez-vous nous donner un instantané des mouvements transfrontaliers à l'heure actuelle? Dans quelle mesure sommes-nous loin d'un retour à la normale? Je crois savoir qu'il reste des problèmes importants au poste frontière de Windsor.

Deuxièmement, tout en étant conscients de la nécessité d'une collaboration canado-américaine visant à renforcer la sécurité à la frontière, que pourrions-nous faire sans ralentir l'incroyable va-et-vient qu'on y observe.

M. John Manley: Selon mes renseignements, monsieur O'Brien, les délais d'attente se rapprochent de la normale, mais la circulation est beaucoup moins lourde. Évidemment le poste frontière Windsor-Detroit reste un des quatre principaux points de transit, surtout pour ce qui est du secteur de l'automobile. Le fait qu'il y ait baisse de volume reflète donc le ralentissement marqué de l'économie depuis le 11 septembre.

• 0925

Entre-temps, nous avons adopté des mesures extraordinaires pour faciliter le commerce transitaire. Les agents de douanes canadiens ont par exemple aidé leurs collègues américains à gérer le mouvement de marchandises vers les États-Unis. La collaboration aux postes frontières s'est avérée extraordinaire. Mais il ne fait aucun doute qu'éventuellement, il va nous falloir trouver moyen d'accélérer le débit.

J'en ai de fait discuté avec M. Cellucci, de même qu'avec Tom Ridge: il nous faut de nouvelles technologies pour identifier ceux qui traversent fréquemment les frontières. Nous pourrions peut-être ainsi faciliter les déplacements de personnes d'affaires. En contrepartie, elles seraient invitées à fournir davantage d'information au préalable, de sorte que nous puissions... Essayer d'intercepter une personne à risque à la frontière, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Les ressources dont nous disposons devraient donc servir à cibler ceux qui présentent le plus grand danger pour nous. Mais la collaboration s'impose.

Ça ne prendra peut-être qu'une seconde de plus. Je pense que ce qu'on a discuté hier au Senate Appropriations Committee des États-Unis n'est pas si mal. Si les États-Unis allouaient davantage de ressources aux douanes canadiennes, je pense que cela pourrait aider à accélérer la circulation, grâce à l'amélioration du service. C'est pourquoi nous ne cherchons certainement pas à les dissuader d'augmenter les ressources pertinentes. Toutes les sources officielles des États-Unis nous ont offert rien de moins que leur collaboration—le secrétaire d'État, M. Ridge, et M. Cellucci—et ils ne souhaitent qu'assurer un mouvement fluide de la circulation à la frontière.

Le président: Merci monsieur le ministre.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci monsieur le président.

Monsieur Richard Goldstone, le procureur en chef du Tribunal des crimes de guerre des Nations Unies pour l'ancienne Yougoslavie et le Rwanda a déclaré que si les puissances occidentales voulaient traduire en justice les responsables de l'hécatombe du 11 septembre en invoquant le droit international, elles devaient témoigner du respect de ce droit dans leurs propres actions.

Le ministre a à juste titre qualifié les attentats terroristes du 11 septembre de crime—de crime contre l'humanité, diraient plusieurs d'entre nous—et non pas d'acte de guerre. J'aimerais demander spécifiquement au ministre quelles sont les mesures que prend notre gouvernement pour s'assurer que ces criminels—et il a visé Ben Laden en laissant entendre que la preuve est concluante—soient traduits en justice devant un tribunal international, préférablement sous les auspices du Conseil de sécurité. Que fait le Canada en ce sens. Et quelle est la position du Canada sur la légalité d'assassinat de présumés criminels de guerre?

M. John Manley: Premièrement pour qu'un tribunal soit compétent à se saisir d'une telle question, il faut se référer au droit international. J'ai réfléchi à ce problème. Comme vous le savez, il n'existe aujourd'hui aucun tribunal qui pourrait...

M. Svend Robinson: Le Conseil de sécurité pourrait en constituer un, comme il l'a fait au Rwanda.

M. John Manley: Il ne fait aucun doute qu'en vertu du Traité de Rome, si le Tribunal pénal international existait déjà... Comme vous le savez, celui-ci ne pourrait pas agir rétroactivement, ou, le cas échéant, ne pourrait revendiquer compétence qu'en l'absence d'un tribunal national compétent.

Dans le cas qui nous occupe, nonobstant les événements du 11 septembre, Ben Laden a déjà été inculpé aux États-Unis pour des gestes passés. Compte tenu du degré de violence démontré le 11 septembre, je ne pense pas que quiconque prétendra—et aucun membre de la communauté internationale ne l'a fait—que l'on ne devrait pas donner aux États-Unis la possibilité de le traduire devant les tribunaux internes.

• 0930

M. Svend Robinson: Vous dites «traduisez-le en justice», et j'ai posé une question précise: quelle est la position du Canada en ce qui concerne la légalité des assassinats de présumés criminels de guerre, y compris ben Laden?

M. John Manley: Nous ne préconisons pas l'assassinat de qui que ce soit. Mais je pense que dans ce cas, nous avons affaire à un suspect—et la preuve pointe dans cette direction—qui a eu recours à une violence extraordinaire à plusieurs reprises pour atteindre ses objectifs. S'il était appréhendé, l'on pourrait s'attendre à des échanges violents. Je ne sais pas. Mais nous ne parlons pas ici d'assassinats commis au hasard, ou d'assassinats ciblés ou de sanctions extrajudiciaires. Nous parlons d'un besoin qui a été reconnu par la communauté internationale.

M. Svend Robinson: J'aurais une autre brève question.

Le président: Monsieur Robinson, votre temps est écoulé. Je vais maintenant céder la parole à M. Casey. Le ministre ne dispose que de quelques minutes de plus, je vais donc donner une chance à M. Casey. Ensuite nous allons passer à M. Keyes, si le temps le permet.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC/DR): M. Keyes va me céder son temps de parole, j'en suis certain.

Premièrement, j'aimerais remercier le ministre de nous avoir aidés à l'occasion de notre colloque pour la paix. Pour l'instant, nous estimons comprendre que cet événement se déroulera comme prévu. Les Palestiniens ont soumis une demande de visa pour venir au Canada, et pour l'instant, tout semble se dérouler selon les échéanciers prévus. Vous et votre ministère avez joué un rôle très utile.

Passons à la question qui nous intéresse, à savoir que la plus grande partie de la communauté d'affaires au Canada appuie certainement l'idée d'un périmètre continental, conformément à votre approche concernant la sécurité des Canadiens. Est-ce que nous avons commencé à examiner cette question? Est-ce à notre ordre du jour? Y a-t-il possibilité que nous participions avec les États- Unis à la mise en place d'un périmètre pour toute l'Amérique du Nord?

M. John Manley: Permettez-moi de vous dire qu'il y a quelque chose qui me préoccupe en ce qui concerne cette question de périmètre. Je pense qu'il s'agit là d'une simplification de la situation, mais je ne sais pas vraiment de quoi il s'agit.

Nous n'avons qu'une seule frontière internationale au Canada, et c'est celle que nous partageons avec les États-Unis. J'ai donc l'impression qu'il s'agit d'une question bilatérale à régler avec les États-Unis. Nous ne sommes pas en Europe, où 15 pays ou plus peuvent être en cause. Nous ne formons que deux pays. Les États-Unis ont deux frontières extrêmement poreuses, et nous nous sommes toujours targués d'avoir la plus longue frontière non défendue.

Vous savez, de nombreux présidents sont venus dans la Chambre qui se trouve au bout du corridor ici et ont parlé de cette frontière non défendue—et nous en avons toujours été fiers. Maintenant les gens en parlent comme s'il s'agissait d'un genre de problème. Ce n'est pas un problème; c'est un actif. Cela témoigne de l'ouverture d'esprit de nos deux sociétés qui vivent côte à côte de part et d'autre d'une frontière ouverte. Mais il me semble un peu simpliste de penser que nous pouvons résoudre un présumé problème par la mise en place d'un tel «périmètre».

Je pense qu'il nous faut nous pencher sur les vrais problèmes. Où sont les risques accrus pour notre société? Voyons si nous ne pourrions pas améliorer notre sécurité sur ces points, étape par étape. Ce faisant, nous allons certainement améliorer le sentiment de sécurité des Américains.

Pour l'instant, ils ne sont pas encore en position pour nous parler de périmètres ou de tout autre genre de frontière. M. Ridge n'entrera pas en fonction avant le 5 octobre, comme je l'ai déjà dit. Avant de sauter aux conclusions, identifions le problème.

M. Bill Casey: Je pense que le problème découle du manque d'uniformité des commentaires des États-Unis. Certains hauts fonctionnaires disent une chose, certains politiciens en disent une autre. Ils ont porté de nombreuses accusations concernant la porosité de cette frontière et sur le fait que bon nombre de leurs problèmes passent par le Canada. Je pense que cela fait partie intégrante du problème.

Passons à un autre petit point, un autobus a été attaqué au Tennessee hier.

Le président: Je m'excuse, monsieur Casey, suite à ces observations, le temps de parole qui vous était alloué est écoulé.

M. Bill Casey: Merci beaucoup.

Le président: Si le ministre pouvait disposer d'une autre minute...

M. John Manley: Pourrais-je en contrepartie vous signaler que je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Casey. Je pense que le fait que les États-Unis croient naturellement que nous sommes la source de problèmes devrait grandement nous préoccuper. Par l'entremise de notre ambassade et de nos consulats aux États-Unis, nous avons rapidement réagi à certains bulletins de nouvelles qui laissent entendre que le problème vient d'ici. Nous demandons à la population de s'en tenir au fait.

Il est incontestable que des personnes soient entrées illégalement aux États-Unis à partir du Canada. Il n'y a également pas de doute que l'inverse ne se soit produit. Cependant, ce qui est clair pour l'instant, c'est qu'il n'existe encore aucune preuve que l'un ou l'autre des auteurs des attentats du 11 septembre soient entrés aux États-Unis à partir du Canada, comme on l'a prétendu.

• 0935

Je crois donc qu'il nous faut reconnaître que le terrorisme est une maladie contre laquelle personne d'entre nous n'est immunisé—certainement pas les États-Unis, le Canada, l'Allemagne ou la France. C'est la raison pour laquelle nous avons tenté de former une coalition internationale pour tenter d'y faire face.

Mais il y a une chose que les États-Unis et le Canada ne devraient pas perdre de vue en ce qui a trait à notre frontière: en laissant les terroristes paralyser les composantes importantes de notre économie continentale, nous les laissons triompher.

Le président: Merci.

Avez-vous le temps de répondre à une autre question de M. Keyes?

M. John Manley: Oui.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Je veux remercier le ministre de comparaître devant le comité et de son exposé.

Monsieur le ministre, je vais faire reculer d'un cran cette discussion et vous poser une question de procédure. Étant donné l'approche prudente du gouvernement à l'égard de la législation et de la réglementation, un tant soit peu à pas de tortue, est-ce que les changements que prépare votre comité seront de nature législative ou réglementaire?

Et étant donné que, comme vous le dites vous-même, la sécurité des Canadiens est primordiale, en vertu de quelle autorité le gouvernement peut-il mettre en oeuvre ces changements apportés à la réglementation ou la législation et les mettre en vigueur rapidement?

M. John Manley: La première chose que nous avons faite ce fut d'adopter des règlements aux termes de la Loi sur les Nations Unies, qui est entrée en vigueur mardi et qui met en oeuvre la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée vendredi dernier. Il s'est agi de la première étape. La ministre de la Justice déposera un train de mesures législatives qui, je l'espère, seront prêtes dès le 15 octobre, jour de rentrée parlementaire après le congé de l'Action de grâce. Il y aura certains changements de nature législative.

En attendant, j'espère que nous serons en mesure d'annoncer une série de mesures visant à améliorer la sécurité des divers organismes par l'acquisition immédiate de matériel ou de technologie approprié. Nous pouvons ainsi accélérer la sécurité des documents d'identification comme les passeports qui relèvent de mon propre ministère. Nous pouvons aussi améliorer la capacité des organismes à échanger l'information au sujet de personnes qui pourraient être dangereuses. Cela peut se faire rapidement.

Les meilleures politiques du monde ne donneront rien si leur mise en oeuvre et leurs modalités d'application laissent à désirer. Nous devons donc, dans un premier temps, nous attacher à mettre en oeuvre nos politiques en vigueur. À plus long terme, nous devons nous pencher sur certaines de ces politiques afin de déterminer si des améliorations s'imposent.

Un ensemble de modifications initiales au Code criminel et à d'autres lois seront certainement déposées devant le Parlement au cours du mois.

M. Stan Keyes: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

M. John Manley: Je m'excuse auprès de vous et des membres du comité d'une visite aussi brève. Mais je m'engage à revenir après la pause parlementaire. J'espère que M. Wright et M. Lavertu seront en mesure de répondre à certaines questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous vous savons gré d'être venu ce matin en dépit de votre horaire très chargé.

Chers collègues, pour M. Lavertu et M. Wright, je pense que nous allons revenir à notre façon normale de procéder, c'est-à-dire par questions de cinq minutes. Nous allons donc tout recommencer. Nous pouvons peut-être approfondir les questions que nous avons pu aborder avec le ministre.

Le prochain sur ma liste est M. Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Bonjour, monsieur Lavertu et monsieur Wright. Merci beaucoup de comparaître ce matin avec le ministre.

Comme l'a laissé entendre le ministre, il y a vraiment une guérilla sans frontières. À mon avis, il faudra pour la contrer adopter une approche complexe qui fera intervenir les leviers militaires, diplomatiques et économiques.

• 0940

Personnellement je crois que le moment est très propice. Nous avons véritablement l'occasion de nous intéresser à certains des grands fossés géopolitiques qui, jusqu'à maintenant, se sont creusés, qu'il s'agisse des Arabes et de l'Ouest ou de la CEI-Russie et l'Ouest. De concert avec nos partenaires internationaux, j'espère que nous adopterons cette approche complexe pour essayer de bâtir ces alliances, en nous servant tant des leviers économiques que diplomatiques. Nous avons là une belle occasion, au fur et à mesure que se forme cette coalition pour lutter contre le terrorisme et que sont intégrés ces autres groupes, de les faire participer d'autres façons et de bâtir ces alliances, observant une cohésion que nous n'avons peut-être jamais vue auparavant.

Mes questions comportent donc trois volets. Premièrement, en ce qui concerne la sécurité de notre frontière, allez-vous préconiser, de concert avec le ministre de l'Immigration, des cartes d'identité avec photo non seulement pour les immigrants reçus et les réfugiés mais aussi pour les citoyens canadiens ou allez-vous exercer des pressions en ce sens?

Deuxièmement, à la réunion des ministres de la Défense il y a un peu plus d'un an, je crois que le Canada s'est fait taper sur les doigts parce qu'il n'avait pas respecter ses engagements. Nous ne le faisons pas depuis un bon moment. Étant donné que nos forces armées constitueront un des très importants leviers qu'utilisera le ministère des Affaires étrangères pour s'attaquer à ce problème, êtes-vous su que nous pouvons respecter nos engagements envers l'OTAN de même que les engagements qui figuraient dans le Livre blanc de 1994 du gouvernement?

Enfin, M. ben Laden et ses acolytes ont été en mesure d'attirer des candidats au suicide en partie en diffusant des messages vraiment violents et odieux et de la propagande dans ces collectivités désespérées de pauvres déplacés, habituellement des jeunes hommes, qui n'ont rien à perdre. La vérité est une des façons de contrer cet outil de propagande. Ces groupes captent un seul message. Un précurseur au conflit et un précurseur au racolage de ces personnes est l'utilisation de la propagande et de la communication comme un levier de haine. Le seul moyen dont nous disposons pour contrer ce mouvement, selon moi, c'est de communiquer de façon positive de l'autre côté. Allez-vous collaborer avec nos partenaires multinationaux pour pénétrer dans ces régions où ces jeunes gens sont incités à prendre les armes d'une manière très périlleuse contre l'Ouest?

M. Gaëtan Lavertu (sous-ministre des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est la première fois que je comparais devant ce comité et j'en suis très heureux. J'aimerais dire immédiatement que les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères sont à votre entière disposition tout au long de cette crise pour informer les membres du comité lorsqu'ils le jugeront bon.

Il s'agit bel et bien d'une crise aux nombreuses répercussions géopolitiques. Hier, le 3 octobre, nous avons célébré le 11e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Ce qui s'est produit le 11 septembre est tout aussi important que cet événement. Il nous reste encore à évaluer pleinement les répercussions géopolitiques de ce qui s'est passé, mais le monde ne sera plus jamais le même. Il y aura un changement—un changement du centre de l'attention, un changement dans les rapports de domination, un changement dans les coalitions.

Le Canada est assurément prêt à jouer son rôle pour réduire les tensions, comme vous l'avez suggéré, et c'est ce que nous faisons à l'heure actuelle. Nous n'avons pas ménagé les consultations avec un certain nombre de pays au cours des dernières semaines. Le premier ministre s'est entretenu par téléphone avec de nombreux dirigeants, en plus d'avoir rendu visite au président Bush. Au cours des quatre ou cinq derniers jours, M. Manley a parlé à environ 30 ministres des Affaires étrangères et nous restons en contact avec nos amis américains relativement à certaines interventions qui pourraient être utiles, du point de vue de la politique étrangère canadienne, dans le contexte de la formation d'une coalition pour aider à lutter contre le terrorisme.

• 0945

En ce qui concerne la sécurité de la frontière, vous avez fait allusion à la possibilité d'une nouvelle technologie. Nous convenons tout à fait avec vous qu'il s'agit d'une avenue qu'il faut exploiter à fond. La même chose s'applique pour les passeports, par exemple, là où nous devons améliorer leur sécurité, non seulement le livret mais aussi les documents qui sont fournis au moment de la demande. Nous devons utiliser la technologie disponible pour améliorer la sécurité de ces documents et faciliter l'échange d'information entre les divers organismes à l'intérieur du Canada de même qu'entre le Canada et les États-Unis ou d'autres organismes.

En ce qui concerne la défense, le Canada est en mesure de contribuer de façon significative à cet effort. L'article 5 de l'accord de l'OTAN a été invoqué et l'OTAN a décidé qu'un certain nombre de ressources seraient utilisées ou libérées dans le contexte de cette crise pour nos amis américains. Le Canada contribue grandement à ces ressources. Pour vous donner un exemple, le personnel militaire canadien représente à l'heure actuelle environ 10 p. 100 de la capacité du système AWACS de l'OTAN. Si l'OTAN devait mettre ces ressources à la disposition des États-Unis, notre contribution serait très importante.

Nous pouvons donc prêter main-forte de bien des façons dans cette crise. Je ne vais pas entrer dans les détails de la planification militaire, mais nous sommes convaincus que nous pouvons aider beaucoup dans cette crise et respecter nos engagements dans l'ensemble.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites qu'il faut nous intéresser aux dimensions à plus long terme de cette situation. À part déterminer qui sont les responsables des actes perpétrés le 11 septembre, nous devons nous attaquer aux nombreuses causes du terrorisme dont la pauvreté. La propagande haineuse en est une autre tout comme le fanatisme religieux. Nous devons réfléchir sur les conditions qui ont suscité ce problème et collaborer avec nos partenaires pour y faire face.

Le président: Merci, les cinq minutes sont écoulées.

Monsieur Lavertu, je devrais peut-être vous expliquer comment les choses fonctionnent au sein de comité. Une partie du problème c'est que souvent les membres posent des questions et que les réponses prennent aussi du temps.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, alors, je vais vous arrêter là et vous souhaiter la bienvenue au nom du comité, à l'occasion de votre première comparution. Nous vous savons gré d'être ici. Je suis sûr que nous collaborerons longtemps et étroitement avec vous, bien que pas aussi étroitement qu'avec M. Wright. Comme le ministre l'a dit, lorsqu'il ne peut trouver M. Wright, il sait où il est. S'il advenait que vous manquiez tous les deux l'appel, je suis convaincu qu'il y aura un grave problème à l'édifice Pearson. Nous promettons de ne pas vous retenir trop ici.

Quoi qu'il en soit, nous vous savons gré d'être ici.

Monsieur Paquette.

[Français]

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci à vous deux d'être présents devant le comité. Monsieur Lavertu, c'est peut-être votre première fois, mais on peut vous assurer que ce ne sera pas la dernière fois, dans le contexte actuel, qu'on aura l'occasion de se rencontrer en comité.

Je voudrais revenir sur la question du périmètre de sécurité parce que je pense que le ministre sous-estime beaucoup les pressions qui s'exercent au Canada, au Québec et aux États-Unis sur cette question. Hier, par exemple, le président des Manufacturiers et Exportateurs du Québec nous révélait que les exportations québécoises avaient baissé de 15 p. 100 depuis le 11 septembre et que cela représentait un manque à gagner de 8 milliards de dollars par année, et il appelait à la création d'un périmètre de sécurité pour satisfaire les Américains. Il allait jusqu'à cette expression-là.

Du côté des Américains, on a vu le procureur général des États-Unis proposer cette idée. Actuellement, les Américains contrôlent les marchandises non seulement à l'entrée des États-Unis, mais aussi à la sortie. C'est pour vous dire la confiance qu'ils ont dans le service des douanes canadien. Je partage l'avis du ministre, qui dit que les faits ne sont pas ce que sont les préjugés qui, disons-le, les déforment. Mais comment allons-nous être capables de convaincre à la fois les milieux d'affaires canadiens et québécois et les Américains de la réalité, des faits? Quels moyens allons-nous prendre? Je pense qu'un de ces moyens pourrait être, justement, d'ouvrir une véritable discussion sur un périmètre de sécurité nord-américain, avec les conditions, évidemment, que les Canadiens devraient y mettre compte tenu de leurs valeurs, en particulier par rapport aux responsabilités concernant les réfugiés.

• 0950

Alors, je me demande quels moyens vous entrevoyez pour véritablement refléter la réalité des choses. On sait, par exemple, qu'une grande part de nos réfugiés arrivent par les États-Unis, parce qu'il est beaucoup plus facile d'obtenir un visa de touriste aux États-Unis qu'au Canada. Donc, comment allez-vous vous y prendre? Est-ce que, finalement, un véritable débat sur les difficultés et les avantages d'un périmètre de sécurité ne serait pas préférable au fait de l'éloigner tout simplement du revers de la main, un peu comme le ministre l'a fait ce matin?

Deuxièmement, le Barreau canadien nous a dit que nous avions toutes les lois nécessaires pour contrôler le terrorisme, en particulier en ce qui a trait à l'immigration et au statut de réfugié, mais que ce qui manquait, c'étaient les ressources pour faire appliquer ces lois.

Dans le débat qui se tient présentement sur le projet de loi S-23, qui modifie la Loi sur les douanes, un des enjeux que le Bloc québécois a identifiés, c'est justement le fait qu'on ne prend pas d'engagement pour obtenir des ressources supplémentaires afin d'être capables de faire appliquer les nouvelles technologies, les nouvelles réglementations envisagées. Donc, n'y aurait-il pas lieu, au lieu de revoir tout notre système sous la pression interne et externe, d'injecter des ressources pour faire appliquer les lois actuelles?

M. Gaëtan Lavertu: Merci, monsieur Paquette.

Pour ce qui est du périmètre de sécurité, comme le disait le ministre, c'est un concept qu'il reste à définir. Je pense que l'intention des deux gouvernements, après les conversations qui ont eu lieu à divers niveaux, serait de faire en sorte, non pas qu'on élimine la frontière, ce qui serait absolument impensable et indésirable, mais que le maximum de sécurité existe des deux côtés de la frontière, dans les deux pays, en particulier aux points d'entrée.

Je pense que le concept d'un périmètre de sécurité sera atteint lorsque les deux pays auront défini en collaboration les mesures qu'il faut prendre de part et d'autre. Il faut bien se rendre compte que les États-Unis ont beaucoup à faire de leur côté, parce que la grande partie des problèmes émane de leur côté. Donc, ce concept sera atteint lorsque, de part et d'autre et de concert, nous aurons adopté des mesures qui ne seront pas nécessairement semblables ou harmonisées, mais qui seront mutuellement satisfaisantes, en ce sens que chacun aura confiance que les mesures prises par l'autre donneront les résultats escomptés.

Pour ce qui est de l'aspect législatif, le ministre Manley a déjà expliqué que tout un programme législatif sera mis en oeuvre au cours de l'automne. Le comité ad hoc qu'il préside est en train de revoir ce que pourrait être ce programme législatif. Il y a déjà diverses choses sur la table. D'autres mesures seront introduites au cours des prochaines semaines. Je pense qu'à la rentrée parlementaire du 15 octobre, il y aura de nouvelles propositions.

Il nous faut nous équiper davantage sur le plan législatif et réglementaire pour faire face à la situation, mais, en même temps, il faut mettre en oeuvre ce qu'on a déjà. La mise en oeuvre est extrêmement importante, et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut appliquer des ressources additionnelles. Je pense que l'intention du gouvernement est de veiller à ce que des ressources additionnelles soient investies afin de rehausser notre situation en matière de sécurité publique au Canada.

Le président: Merci.

[Traduction]

Nous allons passer à M. Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur Lavertu et monsieur Wright.

On est actuellement engagés dans la lutte contre le terrorisme, mais la lutte semble concentrée, à la suite des événements du 11 septembre, contre un groupe très bien identifié, celui de ben Laden. Mais il existe plusieurs cellules terroristes qui sont dormantes actuellement dans plusieurs pays, et certains groupes de terroristes s'activent aussi dans d'autres pays—je pense à l'Algérie et au Cachemire—souvent avec l'aide de plusieurs pays qui sont actuellement d'accord pour aller en Afghanistan et pour contrer ou diminuer le terrorisme dans le monde.

• 0955

Ma question est peut-être hypothétique, mais si d'ici quelques mois on réussit à capturer ben Laden et si le gouvernement actuel de l'Afghanistan est renversé et remplacé par un autre gouvernement, tel un gouvernement de coalition, qu'arrivera-t-il à ce moment-là? Actuellement, en Amérique, on veut capturer ben Laden, mais qu'adviendra-t-il du terrorisme? Est-ce qu'il y a vraiment une volonté d'en finir complètement, dans tous les pays du monde, avec le terrorisme, ou est-ce qu'on dira, à ce moment-là, que ben Laden a été arrêté et que c'est donc pratiquement terminé?

M. Gaëtan Lavertu: Vous avez tout à fait raison de souligner l'ampleur du phénomène. L'épisode du 11 septembre et tout ce qui s'ensuit nous sensibilisent au fait que nous avons là un problème très grave. En fait, le problème était là depuis longtemps et faisait l'objet d'une conscientisation toujours plus grande. Il existe dans une foule de pays. Il existe non seulement sous la forme de manifestations extrêmes de l'intégrisme musulman, mais aussi dans d'autres religions. Aucun pays n'est épargné. Même le Canada a eu ses propres problèmes sur ce plan.

Je ne nommerai pas tous les pays qui sont victimes de terrorisme en ce moment, mais ils sont, bien sûr, très nombreux. Ce n'est pas là un phénomène qui va disparaître. C'est une lutte qui va durer très longtemps. Je n'en vois pas la fin. Je ne crois pas qu'on pourrait dire, si M. ben Laden était arrêté, que ce serait la fin. Ce ne serait certainement pas la fin de son organisation parce que c'est une organisation tentaculaire, qui a une présence dans 60 ou 70 pays. Et ce n'est qu'une organisation; il y en a d'autres. Ces autres organisations sont également très actives.

Alors, il faut travailler de plus en plus avec nos partenaires, particulièrement avec les États-Unis, mais avec d'autres partenaires, par exemple dans le cadre du G-8 ou dans le cadre des Nations Unies, pour prendre des mesures au niveau international qui seront susceptibles de renforcer la lutte contre le terrorisme. C'est un défi que nous allons avoir pendant plusieurs années encore, de façon indéfinie, en fait.

Le président: Merci.

[Traduction]

M. Robinson est le prochain, mais avant de lui céder la parole, je me demande si je puis prendre un peu de temps du comité, disons une minute, pour traiter de questions de procédure qui nous préoccupent, parce qu'il arrive parfois que n'ayons plus le quorum à la fin.

Chers collègues, vous avez sous les yeux le rapport du comité de direction qui s'est réuni hier pour autoriser le comité à amorcer l'étude du projet de loi C-31, qui modifierait la Loi sur l'expansion des exportations et pour établir un calendrier pour cette étude. Est-ce que j'ai votre approbation?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

Deuxièmement, M. Harb a signalé que nos règles en ce qui concerne les sous-comités—cela s'appliquerait à ceux des droits de la personne et du développement international de même qu'au Sous-comité sur le commerce—disposent que ces sous-comités ne peuvent siéger qu'une fois par semaine à moins que notre comité en décide autrement, ce qui voudrait dire que si les membres veulent tenir des audiences spéciales, ils devront nous demander à chaque fois la permission.

J'aimerais recommander aux collègues que nous supprimions la phrase disposant que le comité ne siège pas plus qu'une fois par semaine à moins que notre comité en décide autrement. La règle dispose toujours que ces sous-comités ne peuvent se réunir lorsque notre comité siège mais cela leur donnera plus de souplesse pour la planification. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Chers collègues, je vous remercie beaucoup.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, au sujet d'un autre point de procédure, pour faire simplement suite à nos discussions antérieures, je me demandais si je pouvais proposer que le comité invite le ministre Manley à comparaître le plus tôt possible dans la semaine qui suit la reprise des travaux. Il avait promis de le faire. Je crois qu'il importe que nous ayons la possibilité d'assurer un suivi.

• 1000

Le président: Il est déjà noté dans le procès-verbal que le comité lui demande de revenir. Il a dit qu'il reviendrait ici dès qu'il le pourrait, et la secrétaire parlementaire a précisé qu'elle travaillait avec le ministre à établir la première date à laquelle il pourrait revenir.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je crois que le ministre a bien fait comprendre qu'il ferait de son mieux pour revenir le plus tôt possible. Je ne crois pas que l'on puisse demander davantage.

Le président: Non.

Mme Aileen Carroll: Je crois que nous pouvons compter qu'il tiendra sa promesse dès qu'il le pourra.

Le président: Parfait. Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Robinson et madame Carroll, je vous remercie.

Monsieur Robinson, s'il vous plaît.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à un vieil habitué du comité, M. Wright.

[Français]

Bienvenue à M. Lavertu aussi.

[Traduction]

J'aimerais revenir à la nature de la réaction internationale et souligner à quel point il importe que cette réaction se fasse dans le respect du droit international. Beaucoup d'entre nous craignent vivement que ce ne soit pas le cas, particulièrement quand on connaît l'histoire, et je crois qu'il importe de situer tous ces événements dans leur contexte historique.

Lorsque nous examinons la riposte des États-Unis, par exemple, aux bombardements des ambassades en Afrique, rappelons-nous qu'une partie de leur réaction a été de bombarder une usine de produits pharmaceutiques à Khartoum. Ils ont refusé d'en assumer la responsabilité et ils ont bloqué les efforts déployés par les Nations Unies pour faire enquête sur ces événements.

Il est plutôt troublant, c'est le moins que l'on puisse dire, durant la formation de cette coalition internationale, d'entendre des personnes comme Henry Kissenger, Madeleine Albright et Ariel Sharon dire qu'il faut traîner les terroristes en justice quand on connaît leurs propres faits et gestes dans des régions comme le Chili, Sabra et Shatila, pour ne pas oublier l'Iraq.

Toutefois, je tiens à poser des questions plus précises au sujet de la réaction militaire ici. Si, en fait, ces attentats terroristes sont une activité criminelle et un crime contre l'humanité—je le crois certainement et je suis convaincu qu'il faut traduire ceux qui les ont commis devant la justice—je suppose que le Canada dit qu'il faut appuyer une action militaire en vue d'appréhender les présumés criminels. Sur quoi s'appuie-t-on dans la loi pour prendre d'autres mesures—par exemple, bombarder les installations du régime taliban—qu'elles soient de nature militaire ou autre?

M. Gaëtan Lavertu: Essentiellement, le fondement juridique est le droit que reconnaît les Nations Unies à tous les États membres de prendre des mesures pour se défendre lorsqu'ils font l'objet d'attaques. L'article 51 de la Charte des Nations Unies établit clairement ce droit, et je crois qu'il a été mentionné dans le contexte de diverses déclarations multilatérales faites au cours des dernières semaines.

Immédiatement après l'attaque, les Nations Unies ont adopté une résolution dénonçant cette tragédie, cet acte, et le Conseil de sécurité, qui a adopté vendredi dernier une résolution très musclée, confère aussi une légitimité à ce que pourrait faire la communauté internationale en réaction. L'OTAN a invoqué l'article 5 qui dispose qu'un de ses membres faisant l'objet d'une attaque peut demander à ses alliés de l'appuyer, de lui donner du soutien militaire. L'OTAN a aussi expressément mentionné l'article 51 et attiré l'attention du Conseil de sécurité sur sa déclaration.

M. Svend Robinson: J'en suis conscient, mais je tiens à vous interroger plus particulièrement au sujet du précédent établi au sein même du Conseil de sécurité en 1985, quand Israël a soutenu que la Tunisie abritait des terroristes. En fait, j'ai copie de la déclaration d'Israël ici:

    La Tunisie [...] a servi de base à une activité meurtrière contre un autre État et, en fait, les ressortissants de nombreux États qui sont la cible et les victimes de cet organisme terroriste.

Israël a bombardé l'état-major de l'OLP à Tunis, en Tunisie, en 1985. À l'époque, le Conseil de sécurité avait rejeté l'argument invoqué par Israël selon lequel l'article 51 lui donnait le droit de bombarder la Tunisie et il a en fait condamné ce geste par 14 voix contre zéro. Les États-Unis se sont abstenus.

• 1005

Israël invoquait à l'époque les mêmes arguments qu'invoquent aujourd'hui les États-Unis, soit que nous avons le droit d'aller bombarder les Talibans parce qu'ils donnent refuge à ces terroristes. Le Conseil de sécurité a tout simplement dit que non, ce n'était pas le cas.

Comment le Canada réagit-il à ce précédent?

Le président: Monsieur Wright.

M. James Wright (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et de la sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je pourrais, parce que cela est susceptible d'intéresser certains membres du comité, vous lire l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

M. Svend Robinson: Nous en avons le texte ici. Je suppose que les membres le connaissent.

M. James Wright: Je pourrais aussi vous lire l'article 5 du Traité de Washington, la Charte de l'OTAN, simplement pour vous rappeler ce dont il est question.

L'article 51 de la Charte des Nations Unies dispose que:

    Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte [...]

L'article 5 du Traité de Washington déclare que les parties conviennent que si une attaque armée

    [...] se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime de défense, individuelle ou collective, reconnue par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.

Pour ce qui est de la question que vous avez posée, monsieur Robinson, il importe ici de noter que, depuis les événements du 11 septembre, les États-Unis travaillent de concert avec justement le Conseil de sécurité des Nations Unies. Deux résolutions ont été adoptées par le Conseil à l'unanimité, et les deux s'appuient sur les dispositions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

Je connais le précédent auquel vous faites allusion, mais je crois que les États-Unis, dans leurs efforts en vue de former une coalition, travaillent de très près avec le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ils sont très conscients de leurs obligations en vertu du régime international, du droit humanitaire international. Ils n'ont pas agi avec précipitation. Au contraire, ils ont pris leur temps. Ils ont essayé d'encourager les Talibans à coopérer. Cela ne s'est pas produit jusqu'ici. Toutefois, je crois que tous les efforts sont déployés pour respecter les règles prévues dans la Charte des Nations Unies et dans le Traité de Washington de 1949.

Le président: Je vous remercie. Voilà une réponse très utile...

M. Svend Robinson: Puis-je poser une autre question?

Le président: Vous en aurez peut-être l'occasion quand nous reprendrons le tour de table, mais pour l'instant, j'ai sur ma liste les noms de M. Casey et de Mme Augustine.

M. Bill Casey: Je vous remercie.

Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il existait des plans en vue de modifier le passeport. En quoi fait-il défaut et comment allez-vous le modifier?

M. Gaëtan Lavertu: Nous travaillons à un plan qui améliorait la sécurité des passeports, c'est-à-dire qu'on changerait la technologie utilisée pour produire le passeport de manière à ce qu'il ne puisse être contrefait. Nous examinons aussi le processus préalable en rapport avec la documentation qui doit accompagner la demande de passeport, afin d'améliorer son intégrité.

Nous songeons également à accroître l'échange d'information au moyen de technologies modernes entre les organismes qui peuvent fournir de l'information pertinente ayant une incidence sur le processus.

M. Bill Casey: Où se situe le point faible dans le processus? Quel est le véritable point faible du système des demandes de passeport à l'heure actuelle? Quel problème allez-vous corriger?

M. Gaëtan Lavertu: Nous avons à l'heure actuelle un passeport qui est aussi bon que n'importe quel autre du point de vue de la technologie. Mais je crois comprendre qu'il existe une nouvelle technologie qui deviendra la nouvelle norme et nous voulons être à la fine pointe. Nous allons donc adopter cette nouvelle technologie dont je ne connais par le menu.

• 1010

En ce qui concerne le processus antérieur, dans certains cas les documents auraient avantage à être plus solides. Nous devons nous pencher sur l'intégrité des documents qui accompagnent la demande de passeport. Pour ce faire, nous allons collaborer avec les organismes qui ont la charge de délivrer ces documents. Il s'agit aussi d'examiner plus à fond l'information qui est fournie. Nous pouvons faire des vérifications plus poussées. C'est une question de ressources. Nous allons augmenter les ressources consacrées à la vérification des données qui sont fournies.

M. Bill Casey: J'ai deux questions. Cela veut-il dire qu'à l'avenir il faudra plus de temps pour obtenir un passeport? Et où les faux passeports sont-ils fabriqués à l'heure actuelle? D'où proviennent les faux passeports? Du Canada ou d'ailleurs?

M. Gaëtan Lavertu: Il se peut que cela prenne un peu plus de temps en raison de ces mesures. Je ne suis pas en mesure de vous donner plus de précisions aujourd'hui parce que nous sommes encore en train d'examiner tout le système.

En ce qui a trait aux faux passeports, leur fréquence n'est pas pire qu'ailleurs. En fait notre système est assez efficace. Mais les passeports peuvent être contrefaits autant à l'étranger qu'au Canada ou aux États-Unis.

M. Bill Casey: Des passeports canadiens ont donc été contrefaits dans d'autres pays?

M. Gaëtan Lavertu: Oui, il y a eu des tentatives dans d'autres pays.

M. Bill Casey: Merci beaucoup.

Le président: Aux simples fins du compte rendu concernant cette question particulière, monsieur Lavertu, je crois assurément bien comprendre que le plus grand problème réside ce sont les passeports canadiens légitimes qui ont été volés et sur lesquels le nom de quelqu'un d'autre a été inscrit.

Ce fut le cas des agents israéliens se rendant en Jordanie il y a quelques années; ils détenaient des passeports canadiens. J'ai cru comprendre alors qu'il s'agissait de passeports canadiens; on y avait simplement inscrit le nom de quelqu'un d'autre. Je suppose que c'est le problème le plus sérieux. Par conséquent, pour poursuivre dans la même veine, comment parviendriez-vous à améliorer la sécurité du système des passeports vierges ou l'accès aux passeports vierges, qui semblerait un problème plus sérieux que les faux passeports?

M. Gaëtan Lavertu: Monsieur le président, je pourrais vous revenir là-dessus par écrit une fois que nous aurons terminé l'examen de nos façons de procéder en ce qui a trait aux passeports. Je serais tout à fait disposé à le faire.

Le président: Absolument. Le comité entreprend son étude et veut être en mesure de faire rapport sur cette question. Nous sommes donc très heureux d'obtenir l'information la plus complète possible. Merci beaucoup de votre offre. Et s'il y a une autre question au sujet de laquelle vous croyez avoir des renseignements supplémentaires à nous transmettre nous aimerions bien que vous procédiez de la même manière. Merci, monsieur.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Lavertu, c'est bon de savoir que vous êtes une véritable personne, pas seulement un nom sur papier. C'est bon de vous rencontrer ainsi que M. Wright une fois de plus.

Monsieur Wright, je crois que ma question s'adresse plus ou moins à vous en raison du rôle que vous jouez en tant que conseiller en matière de politique mondiale et de sécurité. Ce qui m'inquiète c'est l'envergure du problème, précisément les ramifications. Les mesures prises à l'échelle internationale et la coalition qui se forme semblent graviter autour du G-8 de même que de l'Europe continentale et de l'Amérique continentale. Qu'en est-il des petits États-nations et d'autres pays, qui semblent très loin pour le moment et pourtant nous savons que si ce problème a des ramifications nous pourrions presque le pousser d'une direction vers la prochaine. Je vous demande de mettre votre chapeau de conseiller en sécurité mondiale et de me dire ce que vous voyez dans les mesures prises et les efforts de collaboration à ce moment-ci pour empêcher que le problème se répercute sur les petits États-nations?

• 1015

M. James Wright: Je crois qu'il s'agit là d'une question importante et je vais y répondre de certains points de vue.

Premièrement, l'Assemblée générale des Nations Unies est saisie au plus haut point de cette question du terrorisme, des moyens de lutter contre le terrorisme internationalement. Je crois que nous assistons cette semaine au débat le plus en profondeur qu'ait jamais eu l'Assemblée générale des Nations Unies—le débat sur le terrorisme. Il s'est amorcé lundi et se conclura peut-être aujourd'hui. Tous les pays du monde participent à ce processus. Je dirais donc d'emblée que toute la famille des Nations, y compris les petits États, participent pleinement et activement aux Nations Unies.

Deuxièmement, nous essayons d'atteindre bien au-delà que l'OTAN, le G-8 et l'Europe; nous essayons d'atteindre un auditoire beaucoup plus vaste. Beaucoup des appels auxquels a fait allusion le ministre Manley plus tôt ne s'adressaient pas simplement aux dirigeants de ce monde. Je sais que le ministre a parlé à un certain nombre de dirigeants de pays du Moyen-Orient et de l'Asie. Le premier ministre a fait exactement la même chose.

Nous avons été déçus que le sommet du Commonwealth, qui devait avoir lieu à Brisbane, soit reporté, vu que le Canada et d'autres pays auraient eu là l'occasion unique d'engager de nombreux petits pays du monde—d'Afrique, des Caraïbes, de l'Asie—qui sont aussi saisis de ce problème. Nous attendons impatiemment qu'une nouvelle date soit fixée pour cette réunion.

Je peux vous dire que les agents de la paix du Commonwealth se rencontrent au début de novembre à Londres pour se pencher sur la question du terrorisme. Je crois que le ministre espère que lorsqu'il se rendra à New York au cours de la semaine du 10 novembre, lorsque le débat replanifié de l'Assemblée générale des Nations Unies aura lieu, il aura l'occasion de parler non seulement à des dirigeants des pays membres du G-8 mais à d'autres également. La Francophonie offre une occasion unique d'engager d'autres pays et le premier ministre est fermement engagé à y recourir dans le cadre des mesures qu'il prendra à l'égard de ce processus.

La coalition se forme donc sur de nombreux fronts. Il ne s'agit pas simplement des États moyens et grands mais de toute la communauté internationale. Parce que de toute évidence, la réponse au terrorisme mondial réside dans la coopération mondiale—tant les petits que les grands États.

Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame Augustine.

Monsieur Pallister.

M. Brian Pallister: Messieurs, merci beaucoup d'être ici. Je vais essayer, pour des questions de temps, de poser des questions qui exigent de très courtes réponses. Je l'espère du moins.

C'est lundi que votera le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le Canada va-t-il voter pour la Syrie?

M. James Wright: Le sous-ministre me renvoie la question.

C'est une décision que le ministre prendra en temps opportun. Je crois que la plupart des pays ont l'habitude de ne pas dévoiler leur vote à cet égard. Nous allons conseiller le ministre dans les jours qui viennent. Il y a un large éventail d'États pour lesquels il faut voter dont la Syrie. Nous allons conseiller le ministre. C'est lui qui décidera. Le ministre décidera également si nous allons discuter de cette question par la suite. Traditionnellement, comme je l'ai dit...

M. Brian Pallister: Monsieur Wright, je suis désolé de vous interrompre, mais je sais qu'on va m'interrompre et c'est la seule occasion que j'ai de vous poser quelques questions. J'aimerais que vous me donniez une vraie réponse. Que conseillerez-vous au ministre, oui ou non?

M. James Wright: Je le ferai de façon confidentielle et le ministre décidera de sa réponse.

M. Brian Pallister: D'accord.

D'après les comptes publics, plus de 800 000 $ manquent à l'égard de trois ambassades—dans le cas d'une ambassade, on parle de plus de 700 000 $. Quelle ambassade ne peut rendre compte de 700 000 $? Je veux simplement savoir de quelle ambassade il s'agit.

M. Gaëtan Lavertu: Je vais vérifier de quelle ambassade il s'agit et je vous transmettrai la réponse.

M. Brian Pallister: Merci, monsieur.

• 1020

Vingt-cinq pour cent de vos agents du service extérieur ont dit qu'ils prendront leur retraite d'ici un an. Quels sont vos plans pour faire face à ce problème? C'est de toute évidence une question très urgente. Je suis convaincu que vous avez des plans. Quels sont-ils?

M. Gaëtan Lavertu: C'est un véritable problème. Pour répondre rapidement, je dirai que nous accordons la priorité aux ressources humaines en matière de réaffectation des ressources. Nous comptons énormément sur la collaboration du Conseil du Trésor en ce qui a trait aux négociations qui auront lieu avec les agents du service extérieur.

Le président: Si je puis me permettre de vous interrompre très brièvement, monsieur Lavertu, les membres de ce comité ont beaucoup voyagé et il est certain que nous avons tous entendu des doléances de la part des agents du service extérieur. Toute aide que nous pouvons vous apporter avec le Conseil du Trésor... Nous croyons qu'il y a un problème grave au sein du ministère et nous aimerions, essayer de vous aider.

M. James Wright: Je crois que nous accepterions toute l'aide que le comité pourrait nous donner dans le cadre de nos propres discussions avec le Conseil du Trésor.

Le président: Je crois que c'est vrai de nos collègues de l'Alliance—tout le monde partage le même sentiment.

M. Gaëtan Lavertu: Je veux simplement ajouter que la Direction au ministère des Affaires étrangères est très au fait du problème. Nous en souffrons. Nous tenons à un effectif compétent, en nombre suffisant, heureux et rémunéré convenablement, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

M. Brian Pallister: Outre cette préoccupation, il y a eu au cours des dernières années, statistiquement parlant du moins, un accroissement des actes criminels associés aux ambassades—de l'argent manquant et des problèmes connexes. Cela semble être directement lié au pourcentage de non-Canadiens qui travaillent aux ambassades. Est-il juste de supposer que, étant donné que le pourcentage de Canadiens employés par le service extérieur diminue et que le pourcentage de non-Canadiens qui y sont employés augmente, ces actions sont directement en corrélation, que les deux choses sont associées?

M. Gaëtan Lavertu: Non. Je ne crois pas qu'il y ait de rapport. C'est la réponse brève et précise. Nous avons à l'étranger d'excellents employés très compétents et très loyaux qui sont recrutés sur place.

M. Brian Pallister: Très bien. Cela dit, quel est le problème? Il y a plusieurs centaines de cas. Bien sûr cela nous inquiète tous. Je vous demande à quoi vous attribuez cette situation. Si nous n'avons pas besoin de Canadiens à l'emploi de ces ambassades et que nous pouvons recruter n'importe qui, là n'est pas le problème. Quel est le problème?

M. Gaëtan Lavertu: Le problème c'est que nous augmentons le nombre de transactions et les mouvements de capitaux dans nos ambassades suite aux activités que nous y exerçons. Cela exige une comptabilité, une supervision et une vérification efficaces. Nous devons consacrer davantage de ressources à la vérification et nous assurer de l'efficacité et de l'infaillibilité totales de nos systèmes financiers.

M. Brian Pallister: Très bien.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Monsieur Wright, sur la question de la justice internationale, par rapport à la coalition internationale dont j'ai beaucoup parlé à la Chambre des communes, il y a un renseignement que je n'avais pas vu, puisque j'étais de retour d'Europe, et qui est très important.

Récemment, le 27 septembre, le Conseil «Justice et Affaires intérieures» de l'Union européenne a décidé de demander à Washington des précisions sur sa façon d'administrer la justice. Ils veulent s'assurer que la peine de mort ne fait pas partie des options envisagées par les Américains. Le ministre belge, qui parle au nom de l'Union européenne, M. Verwilghen, a déclaré que l'Europe attendait de Washington qu'elle fasse la prochaine concession dans leur lutte commune pour juger de présumés terroristes. Il ajoute que d'éventuelles extraditions ne pourraient être mises en oeuvre si le problème de la peine de mort n'a pas été éclairci. Tout dépend de la volonté des États-Unis de coopérer.

• 1025

C'est une question que j'avais soulevée sans avoir de texte. J'en ai maintenant un. La création d'un tribunal spécial ad hoc international par le Conseil de sécurité peut s'avérer la seule avenue qui permettra à ces nouveaux alliés d'assurer une justice qui soit acceptée. J'ai demandé au ministre à répétition ce qu'il pensait de cela. J'ai maintenant un renseignement additionnel qui me semble important et j'espère que, sans donner une réponse définitive aujourd'hui, vous prendrez cette avenue en considération et qu'elle fera partie d'une éventuelle solution lors des rencontres.

Ben Laden est une personne, mais il y a certainement d'autres personnes qui devraient être extradées de pays d'Europe, par exemple, et l'Europe vient de dire que si la peine de mort n'est pas exclue de la justice américaine, cela ne marchera pas. Or, on ne voit pas comment la justice américaine pourrait exclure la peine de mort.

C'est ma première question, et je veux un engagement de votre part.

Ma deuxième est d'un autre ordre, mais elle est aussi importante. Est-ce que le Canada va exercer des pressions pour que se tienne le Sommet de la Francophonie, cela pour une raison bien précise? Si la réunion de l'OMC, au Qatar, se tient, comme on l'entend dire, il faut que la Francophonie puisse se mettre d'accord sur la clause d'exception ou d'exemption culturelle. Autrement, tous ceux qui ont appuyé cette notion se retrouveraient dans une situation de faiblesse au Qatar.

M. Gaëtan Lavertu: Je prends note de votre suggestion au sujet de l'infrastructure internationale en matière de terrorisme. Celle-ci est loin d'être parfaite. Nous sommes loin d'être équipés, comme communauté internationale, pour nous occuper du phénomène. Bien sûr, il y a des ententes, des conventions internationales, mais il faut aller au-delà de cela. Est-ce que la cour criminelle internationale qu'on a créée devrait avoir un rôle en matière de terrorisme? Est-ce qu'on devrait avoir un tribunal spécial? Ce sont toutes des choses que...

Mme Francine Lalonde: Excusez-moi, monsieur le président. Monsieur Lavertu, la Cour pénale internationale devrait être celle qui se saisirait de cela, et je pense que tout le monde en convient. Cette notion a été adoptée à plusieurs endroits, mais la cour n'est pas encore créée. Il manque encore au moins 12 pays, à moins que plusieurs ne se soient précipités. Quand elle le sera, elle ne pourra pas juger des actes qui auraient été commis avant sa création, d'où le vide qui existe et la nécessité de trouver un instrument. Cet instrument peut être créé par le Conseil de sécurité, sous l'égide de l'ONU. Plusieurs commencent à penser que c'est la seule voie, et je vous exhorte à y réfléchir et à l'adopter.

M. Gaëtan Lavertu: Je prends bonne note de votre proposition.

En ce qui a trait au Sommet de la Francophonie, la question est posée de savoir si le Sommet de la Francophonie aura lieu prochainement à Beyrouth, tel que prévu. Il y a actuellement des consultations, sous la gouverne du gouvernement libanais, avec le secrétaire général, M. Boutros-Ghali, et nous attendons une décision à ce sujet au cours des prochaines heures.

Mme Francine Lalonde: Quelle est la position du Canada?

M. Gaëtan Lavertu: Notre position a toujours été que nous souhaiterions que le Sommet de la Francophonie ait lieu. Le premier ministre a d'ailleurs déjà déclaré publiquement qu'il souhaitait participer au Sommet de la Francophonie.

Maintenant, notre politique est de nous laisser guider par nos hôtes aussi. Ils doivent porter un jugement, à savoir si les conditions sont propices à la tenue d'une telle réunion. CHOGM, c'est-à-dire le Sommet du Commonwealth, a été reporté. Il n'est donc pas impossible d'imaginer que le Sommet de la Francophonie puisse être reporté pour des raisons de sécurité, à la lumière de l'évolution de la situation.

En ce qui a trait au Qatar et à la conférence de l'OMC, j'espère, bien entendu, qu'elle aussi pourra avoir lieu dans les conditions prévues. Je pense que les perspectives sont bonnes, certainement sur le plan de la substance, en ce moment, pour qu'une nouvelle ronde de négociations soit lancée.

• 1030

Le président: Merci. Madame Jennings.

Mme Francine Lalonde: M. Wright avait quelque chose à dire.

Le président: Très brièvement, parce que le temps...

[Traduction]

M. James Wright: J'ai simplement une observation à faire au sujet de la réponse qu'a donnée M. Lavertu à la première question de Mme Lalonde. C'est simplement pour rappeler au comité que, lorsque la mesure législative visant la Cour internationale de justice a été adoptée en 1988, il a été convenu de ne pas inclure le crime du terrorisme. Les parties se sont alors entendues, toutefois, de songer à l'inclure au moment de la révision de la loi sept ans après son entrée en vigueur. Je me rends compte que cela ne répond pas à votre question précise, mais la communauté internationale s'est engagée à réexaminer cette question, y compris le Canada très fermement.

Le président: Merci.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre présentation et de votre franchise dans vos réponses aux questions. Je veux revenir à une question qui a été abordée au début de cette séance avec le ministre lui-même. Il s'agit de l'idée d'établir un périmètre de sécurité autour des territoires des États-Unis et du Canada.

Je vais vous poser une question et je veux avoir une réponse. Les informations que je vois sont-elles exactes ou non? Cela fait de nombreuses années que je lis des études et des reportages d'experts aux États-Unis, selon lesquels la très grande majorité des personnes qui se trouvent au États-Unis illégalement sont arrivées soit par la frontière Mexique—États-Unis, soit d'un pays autre que le Canada. Est-ce exact ou non?

M. Gaëtan Lavertu: Vous parlez des personnes qui arrivent...

Mme Marlene Jennings: Je parle des personnes qui sont illégalement aux États-Unis, qu'il s'agisse de celles qui y sont venues sans papiers ou de celles qui y sont venues avec un visa en bonne et due forme mais qui y sont restées illégalement, sans statut, après l'expiration de leur visa d'étudiant ou de touriste ou de leur permis de travail temporaire.

M. Gaëtan Lavertu: Oui, je crois que c'est une situation réelle. C'est la réalité.

Mme Marlene Jennings: Voici une deuxième question. J'entends beaucoup parler de la question des réfugiés ici.

Selon les documents et les rapports de la ministre de l'Immigration, dernièrement, le taux d'acceptation au Canada par la CISR est d'environ 60 p. 100. On dit aussi que 50 p. 100 ou plus des demandeurs de statut de réfugié arrivent au Canada via les États-Unis. Est-ce exact aussi?

M. Gaëtan Lavertu: Je ne peux par corroborer les statistiques auxquelles vous faites allusion, parce que mon ministère n'est pas responsable des opérations en matière d'immigration ou de réfugiés. Je n'ai donc pas cette information. Je suis persuadé que le ministère de l'Immigration pourrait répondre à votre question.

Mme Marlene Jennings: Ai-je raison de croire que si jamais le Canada amorce des discussions avec les États-Unis en vue de l'établissement d'un périmètre de sécurité quelconque, la question de la provenance de la très grande majorité des illégaux au États-Unis va nécessairement faire en sorte que la question du Mexique soit abordée?

Selon les études que j'aie lues, les personnes qui sont ici illégalement viennent en grande partie des États-Unis, alors que celles qui se trouvent illégalement aux États-Unis viennent en grande partie de pays autres que le Canada, incluant le Mexique. Il serait donc ridicule de parler d'un périmètre de sécurité qui ne comprendrait pas le Mexique, par exemple. À ce moment-là, le Mexique serait obligé d'inclure ses voisins au sud de son territoire, parce que la grande majorité des personnes qui se trouvent illégalement au Mexique incluent... Nous sommes donc en train de parler en réalité d'un périmètre de sécurité des Amériques, n'est-ce pas?

• 1035

M. Gaëtan Lavertu: Il y a toutes sortes de périmètres. On peut l'étendre au Mexique. Le Mexique est lui-même victime d'entrées illégales à partir de l'Amérique centrale, etc. Il y a aussi la Chine et d'autres pays qui nous fournissent directement des immigrants illégaux. La seule façon d'attaquer le problème, c'est en collaboration avec d'autres pays. Cette collaboration doit commencer au niveau du Canada et des États-Unis, je pense. C'est là que doit être notre priorité, mais on ne peut pas, bien sûr, ignorer le problème au-delà de ça.

Mme Marlene Jennings: Merci.

Je vais maintenant vous exposer une opinion. C'est la question de la Syrie en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Compte tenu de ce que je connais de la Syrie, des actions que la Syrie a déjà entreprises contre d'autres pays et de la négation des droits fondamentaux en Syrie, je souhaite que notre gouvernement réfléchisse deux, trois et même dix fois avant d'appuyer la présence de la Syrie à titre de membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est mon opinion. Je suis de près ce qui se passe en Syrie et je trouverais regrettable que la Syrie devienne membre du conseil et que le gouvernement du Canada ait appuyé sa présence sur ce conseil.

C'est tout. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Jennings.

[Traduction]

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Oui. J'ai deux ou trois questions précises.

Je me demande si le Canada exerce des pressions auprès des États-Unis pour déposer des preuves de la complicité de ben Laden et d'autres membres d'al-Qaïda devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.

M. Gaëtan Lavertu: Je ne crois pas qu'il soit prévu de présenter des preuves au Conseil de sécurité. Des preuves ont été présentées à l'attention de beaucoup de membres du Conseil de sécurité et de tous les membres de l'OTAN—du Canada, certainement. Peut-être que Jim a des renseignements à ce sujet.

M. James Wright: Au cours des derniers jours, je crois que les États-Unis se sont activement entretenus avec les membres de la famille du Conseil de sécurité NU. Je ne sais pas exactement à combien d'entre eux ils se sont adressés, mais ils l'ont fait à titre particulier au lieu de le faire officiellement devant le Conseil de sécurité NU. Je crois que l'administration américaine a toujours l'intention de divulguer de l'information que les Américains ont en leur possession à propos du lien direct entre les attaques du 11 septembre, ben Laden et al-Qaïda. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit officiellement prévu—du moins je n'ai pas entendu parler d'un tel plan—de présenter des preuves devant le Conseil de sécurité NU.

M. Svend Robinson: Puis-je simplement demander si le Canada est d'avis que les preuves présentées devant l'OTAN devraient également l'être devant le Conseil de sécurité?

M. James Wright: Non. Selon nous, en vertu de la Charte NU, on a clairement droit à la légitime défense, comme l'ont reconnu deux résolutions du Conseil de sécurité NU. Cela a été accepté dans le cadre d'une résolution de l'Assemblée générale NU.

Je crois que dans les circonstances, les États-Unis n'ont absolument pas agi de façon précipitée. Ils travaillent prudemment avec la communauté internationale et font part de l'information dont ils disposent comme ils le peuvent et comme cela leur convient; nous allons bien voir l'information qu'ils présentent au public dans les jours à venir.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, permettez-moi de signaler que d'une part, on nous dit que le Conseil de sécurité NU et les NU sont complètement engagés; d'autre part, les États-Unis n'ont même pas présenté les preuves dont ils ont saisi l'OTAN au Conseil de sécurité.

À la lumière de l'adoption des deux résolutions dont ont fait mention à la fois M. Wright et M. Lavertu, notamment la résolution qui vient juste d'être adoptée, la résolution 1373, j'imagine que ces messieurs sont prêts à convenir que le Conseil de sécurité a en fait pris certaines mesures qui s'imposent pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Est-ce la position du Canada?

• 1040

M. James Wright: Le Conseil de sécurité a déclaré très clairement dans la résolution 1373 qu'il reste saisi de cette question particulière, ce qui veut dire qu'il va continuer d'examiner très activement la question. Comme je l'ai dit plus tôt, le débat qui a lieu à l'Assemblée générale NU est le plus important que les NU n'aient jamais eu au cours de leur histoire et il porte précisément sur cette question particulière.

M. Svend Robinson: Je le comprends, mais, à la lumière des mesures qui ont été prises dans le cadre de ces résolutions, le Canada est-il d'avis que des mesures ont en fait été prises pour maintenir la paix et la sécurité internationales?

M. Gaëtan Lavertu: Ils prennent des mesures pour se défendre.

M. Svend Robinson: Désolé, je veux parler du Conseil de sécurité. En vertu de l'article 51, lorsque le Conseil de sécurité a pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales, le droit inhérent à la légitime défense dans le cas d'une attaque armée ne s'applique plus.

M. James Wright: J'imagine que votre question porte sur le rôle du Conseil de sécurité NU, lequel doit essayer de trouver un moyen d'amener la paix et la sécurité.

M. Svend Robinson: Non, ma question porte sur l'application de l'article 51.

M. James Wright: D'accord.

M. Svend Robinson: En vertu de l'article 51, le droit à la légitime défense individuelle ou collective ne s'applique que tant que le Conseil de sécurité n'a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. En fait, aucun dispositif des résolutions en question ne renvoie à l'article 51. C'est dans le préambule; ce n'est pas dans le dispositif d'une résolution ou de l'autre. Je suis sûr que M. Wright comprend l'importance de ce fait.

M. James Wright: Effectivement.

M. Svend Robinson: Une fois que le Conseil de sécurité a pris des mesures, cela ne s'applique plus. Je veux simplement lui demander de réfléchir à ce sujet. En raison des contraintes de temps, je vais simplement poser mon autre question et lui demander ensuite de répondre aux deux.

Ma deuxième question porte sur le Pakistan. Le Canada vient juste de lever les sanctions contre le Pakistan, sanctions qui avaient été imposées parce que le Pakistan procédait à des essais d'armes nucléaires. Je veux poser une question très précise. Avant de lever ces sanctions, quelles garanties le Canada a-t-il reçu du Pakistan que le Pakistan ne reprendrait d'aucune façon les essais nucléaires?

Le président: Pouvez-vous répondre à cette question très rapidement, monsieur Lavertu, car nous commençons vraiment à manquer de temps.

M. Gaëtan Lavertu: Nous avons levé les sanctions contre le Pakistan, non parce que nous avons modifié notre position à l'égard de...

M. Svend Robinson: Non, non. Vous avez expliqué pourquoi elles avaient été levées. Je demande...

M. Gaëtan Lavertu: Elles ont été levées compte tenu de la nouvelle situation au Pakistan, de la situation humanitaire pour commencer. Nous devons aider le Pakistan à affronter cette situation.

M. Svend Robinson: Avons-nous obtenu des garanties que ce pays ne va pas procéder à des essais?

Le président: Merci, je vais...

M. Svend Robinson: Monsieur le président, j'ai posé une question précise, à savoir si nous avons la garantie...

Le président: Oui, mais tout le monde doit respecter son temps de parole et je suis désolé, monsieur Robinson, mais vous avez dépassé le vôtre de beaucoup. Je vais devoir...

M. Svend Robinson: Monsieur le président, il n'a absolument pas répondu à ma question. J'ai simplement posé une question très précise, à savoir si le Canada a obtenu des garanties ou non?

Le président: Vous avez obtenu la réponse qui vous a été donnée. Ce n'est peut-être pas la réponse que vous souhaitiez, mais c'est la réponse qui vous a été donnée.

Je vais céder la parole à M. Casey.

M. Bill Casey: Je vais simplement poser une question rapide. Sous quelle forme les preuves ont-elles été présentées au ministre, preuves permettant d'affirmer que ben Laden a participé à ces attentats? De quel genre de preuves s'agit-il? Des documents, des photos, des vidéos, des bandes magnétiques? Et qui a vu ces preuves?

M. Gaëtan Lavertu: Le ministre et le gouvernement ont reçu des informations régulières à propos des liens entre les événements du 11 septembre et al-Qaïda et ben Laden. Ces informations ont été renforcées par un exposé des États-Unis à l'OTAN il y a deux jours, et au Canada, au ministère des Affaires étrangères et à d'autres ministères gouvernementaux.

M. Bill Casey: Je répète ma question, est-ce le premier ministre, les ministres et les hauts fonctionnaires de divers ministères qui ont vu cette information?

M. Gaëtan Lavertu: Les hauts fonctionnaires ont d'abord vu ces preuves, lesquelles, par la suite, ont été transmises au palier politique.

M. Bill Casey: J'aimerais aborder un tout autre domaine. Vous avez indiqué il y a quelques instants que l'administration s'est concentrée sur les ressources humaines de votre ministère et vous avez indiqué que vous vouliez que votre personnel... vous avez énuméré trois points. J'en ai entendu deux. Je n'ai pas entendu le premier, mais d'après les deux derniers, vous avez dit que vous souhaitiez que les membres du personnel soient satisfaits et bien rémunérés. Je n'ai pas entendu le premier point, mais ensuite vous avez dit qu'ils n'en étaient pas encore là. Ne sont-ils pas satisfaits? Ne sont-ils pas bien rémunérés ou quel est le problème?

• 1045

M. Gaëtan Lavertu: Ils sont satisfaits du travail qu'ils font. Ils sont très motivés et dévoués, mais ils devraient être mieux rémunérés, cela ne fait aucun doute. Nous perdons d'excellents éléments, car on leur offre une meilleure rémunération ailleurs.

Il y a d'autres problèmes qui se posent, bien sûr. Dans certains cas, les gens ont la possibilité de promotion ailleurs. Il y a aussi des questions relatives au conjoint, je veux dire que lorsqu'un agent est marié et que son conjoint travaille au Canada, il lui est parfois difficile de poursuivre une carrière au sein du service extérieur.

M. Bill Casey: Avez-vous un budget pour remplacer les gens qui partent, aux anciens niveaux de rémunération?

M. Gaëtan Lavertu: Pas pour le moment, non.

M. Bill Casey: Vous n'arrivez pas à remplacer les gens que vous perdez.

M. Gaëtan Lavertu: Nous pouvons en remplacer quelques-uns, mais pas tous.

Le président: C'est une question de ressources de grande importance pour le pays et j'espère que nous allons tous nous efforcer de la résoudre.

Monsieur O'Brien, monsieur.

M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président.

J'ai juste deux questions. Tout d'abord, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Lavertu que j'ai eu le plaisir de rencontrer, lorsqu'il était ambassadeur du Canada à Bonn. Par conséquent, je sais que c'est quelqu'un de très compétent. Je suis heureux de vous voir ici, monsieur.

Ma première question porte sur le NORAD. Je comprends que vous ne représentiez pas la défense, mais je crois que le moins qu'on puisse dire, c'est que 365 jours par an, le seul pays au monde qui entretienne une relation bilatérale en matière de défense avec les États-Unis, c'est le Canada.

Des particuliers et des groupes déplorent que nous n'ayons pas pris de mesures de concert avec les États-Unis. Je crois qu'il faut souligner que nous montons la garde chaque jour de l'année avec les Américains, dans le cadre du NORAD. Beaucoup d'entre nous avons eu la chance de nous rendre à Cheyenne Mountain et de rencontrer le général MacDonald, commandant-adjoint du NORAD, comme le prévoit l'accord.

Pouvez-vous faire le point sur l'augmentation des activités dans le cadre du NORAD, selon les demandes américaines, et nous dire combien de temps elles pourraient se poursuivre?

Je vais ensuite passer à une autre question relative au Conseil de sécurité NU et au fait que l'Irlande assume la présidence du Conseil de sécurité pour le mois d'octobre. Étant donné les inquiétudes manifestées par le premier ministre de l'Irlande à propos de notre réponse et de la nécessité d'observer les procédures judiciaires internationales—dans le contexte des déclarations de M. Robinson—et du fait qu'il ne s'agit pas simplement de se venger dans le cadre d'une attaque, je me demande si le Canada a discuté ou se propose de discuter de nos préoccupations avec le ministre irlandais des Affaires étrangères, M. Cowen.

M. Gaëtan Lavertu: Merci.

Le NORAD a joué un rôle très important le 11 septembre, puisqu'il s'agit d'une organisation de défense nord-américaine complètement intégrée. Le Canada est partenaire à part entière et a été immédiatement mis en état d'alerte et d'interceptions opérationnelles ce même jour. Le niveau d'alerte reste très élevé et devra être rajusté, à la lumière de la menace. Nous ne savons pas comment la menace risque d'évoluer.

Au sujet du Conseil de sécurité et de la présidence irlandaise, nous avons toujours dit que nous voulions maintenir une consultation et une liaison très étroites avec le président du Conseil de sécurité, et nous allons certainement le faire. Nous avons décidé de former une coalition qui sera efficace, mais aussi de trouver une réponse ciblée et également appropriée aux circonstances. Il ne s'agit pas d'une guerre totale contre un pays donné.

M. Pat O'Brien: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et bonjour à vous deux.

• 1050

J'ai assisté à bien des échanges et ce qui me préoccupe est très fondamental et en quelque sorte philosophique. J'ai une question philosophique à poser au ministère, vu que nous sommes à côté des États-Unis et que 87 p. 100 de nos exportations se font à destination de ce pays. Nous devons rassurer rapidement les Canadiens et nos voisins américains que nous réagissons rapidement aux changements qui s'imposent, d'un point de vue de sécurité. J'ai l'impression, comme beaucoup d'autres, que nos alliés, y compris les États-Unis, prennent des mesures beaucoup plus rapidement que nous.

Il semble que nous nous contentions de réagir, plutôt que d'agir. Si c'est le cas—et la perception peut être la réalité—à partir du moment où nous aurons pris du retard, nous n'aurons pas d'autre choix que de réagir, plutôt que d'agir. À ce moment-là, l'équivalence en matière de sécurité ne suffira pas. Pour rassurer les États-Unis voisins, nous serons confrontés à beaucoup plus de questions de sécurité qu'eux.

Retrouve-t-on ce sentiment d'urgence dans la réponse du ministère en ce moment?

M. Gaëtan Lavertu: Nous avons certainement un sentiment d'urgence. Le territoire canadien a été touché et des ressortissants canadiens ont été touchés dès le premier jour. Des Canadiens ont perdu la vie à New York, par exemple, ou dans les avions. Nous avons été interpellés de la façon la plus urgente à partir du premier jour et nous avons travaillé de façon intensive pour gérer la crise.

Quant à la réponse, beaucoup de travail s'est fait au cours des dernières semaines afin de permettre au gouvernement de déposer plusieurs mesures à la Chambre et d'annoncer plusieurs initiatives. La plupart du travail qui a été accompli ces quelques dernières semaines est examiné par le comité que préside M. Manley. Le train de mesures prévues est réel et prévoit des réponses à court, à moyen et à long termes.

M. John Duncan: Merci.

Le gouvernement américain avait en fait un plan d'action, fondé sur un document publié en février 2001—document très complet. Cela leur a permis de réagir très rapidement et de prendre des mesures antiterroristes après les événements du 11 septembre.

Qu'est-ce qui nous sert de plan d'action, à défaut d'une meilleure terminologie? D'autres pays ont des lois antiterroristes, etc., mais qu'utilisons-nous pour ne pas avoir à réinventer la roue dans le domaine de lois antiterroristes et d'autres mesures qui s'imposent?

M. Gaëtan Lavertu: Nous avons déjà à notre disposition plusieurs instruments juridiques pour la lutte contre le terrorisme. Nous avons bien sûr aussi des avoirs. Tout cela est examiné. Je dois justement aller à une réunion où il sera précisément question du renforcement de notre position à l'égard du contre-terrorisme.

Nous sommes déterminés. Nous avons une stratégie qui toutefois doit être revue à la lumière des événements du 11 septembre et améliorée afin de rehausser le niveau de sécurité du public.

M. John Duncan: Me reste-t-il du temps?

Le président: Je crois qu'il vous reste une minute environ.

Monsieur Lavertu, si vous devez être ailleurs à 11 heures, peut-être que M. Wright pourrait répondre à toute autre question en votre nom.

• 1055

M. John Duncan: J'ai une dernière question, question que nous avons posée à la Chambre hier. Il s'agit du terroriste de l'OLP qui se trouve dans notre pays depuis 15 ans et dont nous n'avons pas pu nous débarrasser. Si nous ne pouvons pas nous débarrasser d'un terroriste connu, comment alors pouvons-nous garantir aux Canadiens que nous nous occupons de leur sécurité? Compte tenu de ces nouvelles dispositions en matière de sécurité, pouvons-nous nous attendre à ce que ce problème soit réglé à toute allure?

M. James Wright: Je pense qu'il est juste de dire que le comité que M. Manley va présider va se pencher sur tous les aspects de ce problème, y compris les questions d'immigration et de réfugiés qui en découlent. Nous devons également examiner les répercussions de la résolution 1373 du Conseil de sécurité NU, qui demande au pays de prendre des mesures pour régler la question des demandes d'asile qui n'en sont pas, à l'échelle de la planète.

Pour répondre brièvement à votre question, je dirais que le gouvernement canadien s'en occupe de très près et je suis au courant de l'affaire dont vous parlez.

M. John Duncan: Allez-vous recommander le recours à la disposition dérogatoire, sauf urgence, pour vous débarrasser de ces gens?

Le président: Je déclare cette question irrecevable. Je vous dirais que c'est une question politique à laquelle seul le ministre pourrait répondre. Je ne pense pas qu'un fonctionnaire va nous dire si le gouvernement va avoir recours à une clause dérogatoire—je le dis pour le témoin. Vous aurez peut-être l'occasion de poser cette question au ministre.

Nous devons quitter la salle à 11 heures pour laisser la place à un autre comité.

Peut-être, monsieur Wright, vais-je vous faire part d'une réflexion qui découle en quelque sorte des questions posées par M. Robinson. Des questions extrêmement complexes de droit international découlent des mesures qui sont actuellement prises, mesures qui auront également des répercussions internes au Canada. M. Duncan vient juste de parler de quelqu'un qu'il qualifie de terroriste au Canada. Je ne voudrais pas qualifier qui que ce soit de terroriste à moins qu'un tribunal n'ait rendu une décision à cet égard. Par conséquent, nous nous trouvons maintenant dans une position où des jugements sont rendus au sujet d'actes sur lesquels les tribunaux n'ont pas statué. La même chose s'applique à la situation internationale dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

Nous allons créer des précédents. Lorsque l'on pense à ce que la France a fait en Algérie, à ce qui se passe au Sri Lanka, à ce qui se passe en Palestine, à ce qui se passe en Tchétchénie, dans toutes ces zones de conflit autour de la planète... Nous allons créer, par ces mesures, des précédents internationaux qui risquent fort d'être invoqués dans des circonstances imprévues. Peut-être que certains des États qui demandent instamment qu'ils soient invoqués maintenant s'apercevront qu'ils ne tiennent pas à ce qu'ils le soient dans d'autres circonstances, lorsqu'ils seront eux-mêmes la cible de ces mesures.

En tant que président du comité, j'aimerais simplement dire que nous espérons que les représentants de notre gouvernement, tout en reconnaissant la nécessité d'agir immédiatement afin de garantir la sécurité des Canadiens et de poursuivre les criminels responsables, connaissent également le cadre juridique international dans lequel nous fonctionnons. Nous espérons que les mesures que nous prenons actuellement renforceront ce cadre juridique au lieu de l'affaiblir.

M. James Wright: Puis-je intervenir rapidement à ce sujet? Je crois que votre déclaration est extrêmement importante et je pense que le gouvernement canadien partage absolument ce point de vue.

Je dirais que les questions posées par M. Robinson semblaient sous-entendre que le Conseil de sécurité NU ne comprenait pas vraiment les grandes répercussions de la crise actuelle. Je ne pense pas que ce soit une évaluation juste de ce que le Conseil de sécurité NU tente de faire. La résolution adoptée vendredi soir était probablement l'une des résolutions les plus lourdes de conséquences que le Conseil de sécurité NU ait jamais adoptées. Au lieu de n'être qu'une résolution déclaratoire, il s'agit d'une résolution qui contient beaucoup d'éléments très pratiques et qui exige que les États aillent de l'avant et prennent des mesures précises. Nous reconnaissons que ces mesures seront lourdes de conséquences pour la communauté internationale et pour des gouvernements comme le Canada, et même s'il faut s'occuper de la crise immédiate, il faut savoir qu'il y aura également des répercussions à beaucoup plus long terme.

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J'aimerais dire, même si M. Robinson n'est pas ici maintenant, qu'à mon avis, le Conseil de sécurité est très engagé à cet égard, comprend les répercussions de la crise actuelle et ne se contente pas d'attendre et de laisser les États aller de l'avant et prendre des décisions unilatérales. Les États-Unis sont, par ailleurs, les premiers à encourager cette participation des NU, du Conseil de sécurité NU en particulier.

Le président: Merci, monsieur Wright. Votre réponse est très utile et le comité s'y attardera au cours de son étude. De toute évidence, le comité sera saisi de ces problèmes dans le proche avenir et nous nous pencherons sur ces questions.

Mesdames et messieurs, j'aimerais simplement vous rappeler à vous tous, et par votre entremise, au public canadien, que 400 parlementaires des pays de l'OTAN seront les hôtes du Canada, à Ottawa, cette fin de semaine. Ce dont nous avons discuté ce matin sera certainement le sujet prioritaire de leurs débats. Je vais participer à cette rencontre, tout comme certains de mes collègues. Cela nous donnera une autre occasion d'avoir des échanges avec nos collègues de l'OTAN au sujet de la façon dont nous abordons ces questions fort complexes.

Merci beaucoup. La séance est levée jusqu'à mardi matin, le 16 octobre.

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