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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBEÉCOIS
SUR LE RENOUVELLEMENT DU SYSTÈME DE JUSTICE POUR LES JEUNES

Après avoir passé de nombreuses heures d'études et visité des centres de réhabilitation; après avoir effectué des rencontres de toutes sortes; après avoir interrogé des spécialistes et questionné ceux et celles qui appliquent véritablement la Loi sur les jeunes contrevenants, le Bloc Québécois se serait attendu du Canada anglais à une meilleure compréhension. Nous nous expliquons difficilement le changement de direction effectué par le Comité et qui semble, de toute évidence, avoir succombé à l'idéologie du Parti de la réforme pour ne pas déplaire à cette portion de l'électorat.

Il faut dire, que de conclure sur l'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants dans le cadre de l'étape II du processus de réforme du système de justice pénale applicable aux jeunes contrevenants à quelques jours du déclenchement probable des élections fédérales, favorise l'intervention de multiples éléments extérieurs. Or, les libéraux fédéraux ont préféré élaborer dans le rapport majoritaire, des voeux pieux et des recommandations électoralistes qui satisferont uniquement le Canada anglais au lieu de démontrer clairement la protection souhaitée par cette législation.

Tout le long de l'étude, le Bloc Québécois a défendu avec acharnement et conviction la position traditionnelle du Québec dans ses interventions auprès des jeunes contrevenants. La prévention et la réhabilitation sont les meilleurs remèdes pour tenter d'enrayer la criminalité chez les jeunes. Nous avons répété, plus d'une fois, que la réussite québécoise dans le domaine ne s'est pas faite du jour au lendemain. En effet, dès le début des années 60, le Québec a investi temps et argent afin d'appliquer la législation fédérale tout en favorisant la protection de la jeunesse aux prises avec des problèmes de justice. Nous croyons que les crimes graves commis par les jeunes doivent être punis en conséquence. Mais, il ne faut jamais oublier que la réhabilitation et la prévention doivent être privilégiées dans toutes les circonstances possibles.

Les statistiques québécoises démontrent les effets bénéfiques de l'approche priorisée par le gouvernement québécois. Cependant, force nous est de conclure que le message n'a pas suffisamment passé pour maintenir le statu quo réclamé par la législature québécoise.

Nous avons cru, à tort, que les libéraux siégeant au Comité auraient compris l'approche québécoise. Plus d'une fois, ils ont cité en exemple les méthodes et les orientations du Québec en regard aux jeunes contrevenants. Nous aurions souhaité retrouver des recommandations dans le rapport qui correspondent au discours des libéraux. Cependant, une fois de plus, les constats que nous révèle le rapport ne correspondent pas nécessairement aux recommandations.

Bien que nous puissions percevoir une évolution au sein du gouvernement libéral, il n'y a pas eu suffisamment de volonté politique pour maintenir le cap sur l'exemple québécois.

Nous avons tenté vainement de convaincre les membres du Comité de la justice et des questions juridiques de l'efficacité de l'approche québécoise en cette matière et cela afin d'obtenir un rapport unanime sur cette question. Mais l'intolérance de l'approche régressive du gouvernement sur cette question, en plus du non respect des juridictions constitutionnelles ont finalement eu raison . . . Dans ce contexte, nous ne pouvions être en accord avec les recommandations de la majorité.

C'est pourquoi, la base de notre dissidence repose sur la répartition des coûts, l'âge minimum requise pour être considéré un jeune contrevenant et l'ingérence du fédéral.

La répartition des coûts

Avant de faire une série de recommandations qui impliqueraient des sommes d'argent que ce soit pour des campagnes d'informations multidisciplinaires ou pour tout autre programme destiné aux jeunes contrevenants, le gouvernement devrait être beaucoup plus responsable et cohérent lorsque vient le temps de répartir les budgets attribués aux provinces pour la mise en application des mesures touchant les jeunes contrevenants.

Ainsi, la répartition des sommes versées par le fédéral pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants est inéquitable pour le Québec puisque ce dernier a une politique beaucoup plus progressive en matière de jeunes contrevenants. Et les sommes qui lui sont allouées par le fédéral sont moindres. Le Québec est à toute fin pratique pénalisé et victime de la bonne réussite dans l'application qu'il fait de la Loi sur les jeunes contrevenants.

De plus, si l'on regarde du point de vue quantitatif et mathématique nous pouvons constater une flagrante injustice financière. En effet, le Québec compte 24,5 % des jeunes au Canada. Alors, comment expliquer que cette dernière ne reçoit que 18,3 % des sommes allouées par le fédéral? Cette iniquité représente un manque à gagner pour le Québec de plus de 77 millions de dollars de 1989 à 1997.

L'âge minimum

Le rapport majoritaire recommande que le tribunal pour adolescents ait juridiction sur consentement du Procureur général à l'égard des jeunes de 10 et 11 ans accusés d'infractions criminelles causant la mort ou un tort considérable.

Or, en plus d'être ambiguë sur la définition de ce que constitue un tort considérable, cette recommandation est un recul important. Par cette approche, la majorité libérale met entre les mains du Procureur général, la décision ultime de criminaliser ou pas un jeune âgé de 10 et 11 ans.

Le Bloc Québécois fidèle à sa proposition, recommande que l'âge établi pour la responsabilité pénale ne soit pas abaissé de cette façon. Le statu quo est nettement préférable. Pour ce qui est des enfants qui commettent de tels crimes, ceux-ci devraient faire l'objet d'intervention sociale comme le Québec le pratique depuis plus de 30 ans.

Les ingérences du fédéral

D'abord, l'essentiel des recommandations du rapport majoritaire portent sur des domaines qui ne sont pas de la juridiction d'Ottawa.

Ensuite, le Comité n'a pas à recommander au gouvernement du Canada l'amorce de discussions avec les ministres de la Justice des provinces et des territoires pour faire des campagnes de publicité ou pour leur indiquer comment dépenser leurs argents et réorienter leurs ressources.

Toute imposition de critères, normes ou quelques autres conditions du fédéral est carrément inacceptable en regard à la Constitution où il est défini que l'administration de la justice est de compétence exclusive des provinces. Le gouvernement fédéral n'a absolument rien à voir dans cette matière.

Conclusion

Le Bloc Québécois fera deux recommandations au ministère de la Justice du Canada.

Premièrement : Le gouvernement du Canada devrait rembourser au gouvernement du Québec les 77 millions de dollars qu'il a dû débourser en surplus des sommes reçues pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Deuxièmement : Le ministre de la Justice du Canada devrait appliquer le statu quo sur toute la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants et respecter les compétences des gouvernements provinciaux qui ont la juridiction constitutionnelle de l'administration de la justice.

Michel Bellehumeur
Député de Berthier - Montcalm

Ottawa, le 23 avril 1997


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